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ARCHIVES PARLEMENTAIRES
SOCIÉTÉ D'IMPRIMERIEET ET LIBRAIRIE ADMINISTRATIVE ET DES CHEMINS DE FER PAUL DUPONT 41,RUE J.-J.-ROUSSEAU (HOTEL DES FERMES)
ARCHIVES RARLEMENTAIRES DE 1787 A 1860
RECUEIL COMPLET DES DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES IMPRIMÉ PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS SOUS LA DIRECTION DE
M. J. MAVIDAL
CHEF DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE L'EXPÉDITION DES LOIS, DBS PÉTITIONS, DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS ET DE
M. E. LAURENT BIBLIOTHÉCAIRE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS
PREMIÈRE SÉRIE (1787 à 1799) TOME XVII DU
PARIS SOCIÉTÉ D'IMPRIMERIEET ET LIBRAIRIE ADMINISTRATIVE ET DES CHEMINS DE FER PAUL DUPONT 41,RUE J.-J.-ROUSSEAU (HOTEL DES KERMES)
1884
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures du matin.
(de Saint-Jean-d'Angély), secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin.
Aucune réclamation ne se produit.
annonce l'hommage que fait M. Gatteaux* graveur des médailles du roi, d'un projet de monument pour consacrer la Révolution, et d'un pareil hommage que fait M. Martin, artiste de Paris, d'un médaillon en gravure, dans le milieu duquel est représentée la France contemplant avec satisfaction un génie qui grave sur une colonne la nouvelle Constitution française ; les portraits de Louis XVI, restaurateur de la liberté, et de Marie-Antoinette d'Autriche, son auguste épouse, s'y trouvent placés. Un palmier et une corne d'abondance symbolisent la paix et la richesse.
Autour du médaillon est écrite l'époque de cette heureuse Révolution. Les douze cases qui l'environnent symbolisent, sous divers emblèmes, les principales vertus qui caractérisent le génie de l'Assemblée des représentants de la nation.
Ces deux hommages sont agréés..
Vous avez ordonné que la municipalité de Schelestadt fût mandée à la barre. Elle est arrivée et demande à être entendue.
Il n'y a que le maire et le greffier ; les autres cabalent pour avoir des voix dans les nouvelles élections.
Nous devrions être informés par le ministre du départemeUt des motifs du retard des autres
ofliciers municipaux. C'est une règle
annonce que la congrégation de l'Oratoire demande à être admise à la barre pour prêter le serment civique.
dit : « La congrégation de « l'Oratoire, institution célèbre par ses lumières, « utile par ses travaux, et recommaudable chez « un peuple libre, puisque la liberté est la base « de ses statuts, a demandé à venir prêter, au sein « de l'Assemblée, le serment civique qu'elle a « déjà prêté dans son district, et à venir jurer, « au nom de l'ordre entier, de maintenir la Cons-« titution, en continuant de se charger de la « direction des collèges où les enfants de l'Etat, « élevés par elle, recevront de bonne heure les « germes de l'amour de la patrie et de la liberté.»
Je rends toute justice aux vertus, aux lumières et à l'utilité de la congrégation de l'Oratoire, pour les bons enseignements que les membres qui la composent donnant aux enfants de la patrie ; mais je crois devoir faire remarquer qu'il y aurait de grands inconvénients à admettre cette congrégation, plutôt que toute autre, à prêter le serment civique dans le sein de l'Assemblée ; nous ne devons pas, sous ce rapport, nous écarter de nos principes d'égalité.
Il est intéressant de donner une marque de faveur et d'estime aux pères de l'Oratoire et à ceux de la doctrine chrétienne, car ces derniers sont libres et utiles comme les premiers, surtout dans un moment où, à l'approche d'une nouvelle méthode d'enseignement, l'éducation de la jeunesse est exposée à souffrir infiniment du relâchement des professeurs. Mon avis est de les admettre non pour recevoir leur serment, mais en considération de leurs travaux.
(Cette proposition est adoptée.)
M. le Président est autorisé à écrire, au nom de l'Assemblée, qu'elle verra avec satisfaction la députation que lui enverra la congrégation de l'Oratoire et celle de la doctrine chrétienne.
Je dois prévenir l'Assem- I blée qu'à partir de demain toutes les tribunes I seront ouvertes aux députés de la province qui arrivent pour la fédération ; vous l'avez ainsi décidé ; mais, il en résulte que MM. les journalistes ne trouveront plus de places et ils demandent qu'on leur en réserve de particulières.
(L'Assemblée charge son président et les commissaires de la salle de s'occuper de cette réclamation.)
Vous avez ajourné à cette séance un Rapport sur les pensions; j'ai.reçu ce matin une lettre relative à ce travail, et qui m'a paru devoir intéresser l'Assemblée. Elle m'est adressée, ainsi que le mémoire qui vous a été distribué, par la belle-fille du maréchal Lowendal. Celte lettre contient la réclamation d'une exception semblable à celle que vous avez accordée à M. Lukner.
Un de MM. les^ secrétaires lit cette lettre :
« M. le président, l'Assemblée nationale ayant accordé plusieurs exceptions, et particulièrement à M. Lukner, qui nous a battus sans jamais nous servir, j'espère qu'elle ne trouvera pas les enfants du maréchal de Lowendal moins dignes de sa faveur; c'est en espérant cette justice, pour une famille que sou désintéressement a plongé dans l'infortune, depuis que le maréchal de Lowendal a tout quitté pour servir et défendre la France, que j'ai remis au comité le mémoire dont j'ai l'honneur de vous adresser un exemplaire. J'y rappelle les titres que le maréchal de Lowendal a laissés à sa famille pour tout héritage ; l'oubli qui paraît en être fait, et l'absence de mon mari, m'en rendant aujourd'hui le seul appui, je croirais manquer au devoir le plus saint, si je ne rompais le silence trop sévère qu'on garde dans l'Assemblée nationale, sur un nom que la victoire et la générosité ont depuis longtemps consacré en France, et dont mes enfants et leur père sont les seuls héritiers. (La justice de la nation serait à l'abri des conséquences qu'elle en pourrait craindre, puisque l'exemple des droits et de l'infortune de cette famille est certainement unique en France.) Ne pourriez-vous pas, Monsieur, être l'interprète de mes justes réclamations et de ma confiance auprès de l'Assemblée nationale? »
(Cette lecture reçoit beaucoup d'applaudissements.)
Ni le roi, ni vous, ne pouvez abandonner les descendants du maréchal de Lowendal. Ce maréchal n'est pas arrivé chez vous comme un aventurier; il'était au service de la Russie; il y était général en chef, gouverneur d'une grande province, grand-maître dé l'artillerie, colonel propriétaire d'un régiment : son nom était déjà célèbre dans toute l'Europe, particulièrement par la conquête de la Finlande. Quand Louis XV l'attira en France, il le mit à la tête d'une armée avec laquelle il prit Gand, Oude-narde, Ostende, Nieuport et son château, l'Ecluse, Sas-de-Gand, Ysandick, Philippine, Maëstricht, etc., et enfin l'imprenable Berg-op-Zoom, victoires dont l'éclat semble avoir surpassé celui de toutes ses précédentes conquêtes, et qui a lié tellement les noms de Berg-op-Zoom et de Lowendal, qu'ils sont devenus inséparables dans la pensée. Ce grand homme quitta tout pour s'attacher à la France, et ne vécut pas assez longtemps
pour jouir de ce qu'elle eût fait pour lui; mais il a laissé trois enfants et plusieurs petits-enfants, que la toi de rigueur sur les pensions réduirait à la mendicité. Je demande que vous accordiez à chacun des trois enfants deux cent mille francs ; c'est le moyen d'acquitter, du moins en partie, ce que la nation doit à la postérité de ce grand homme. Si cette somme pouvait, à la première vue, paraître trop considérable, je vous prierais d'observer qu'elle doit être la seule récompense des services signalés d'un grand homme ; alors elle vous semblerait sans doute bien légère.
Je serais d'avis que cette réclamation fût renvoyée au comité. En demandant ce renvoi, je suis bien loin de vouloir atténuer dans votre esprit les droits de cette famille à votre reconnaissance. Personne, au contraire, n'est plus que moi pénétré des services de ce grand homme. Par la prise de Berg-op-Zoom, il a sans doute servi la France ; mais il l'a servie plus utilement encore en nous procurant le traité d'Aix-la-Chapelle. Vous n'ignorez pas que c'est à la prise seule de Maëstricht que nous devons ce traité avantageux; vous n'ignorez pas que le maréchal de Saxe, malgré tous ses talents, traversé comme il l'était par des intrigues de cour, ne s'en serait pas rendu maître sans le maréchal de Lowendal. C'est afin de présenter d'une manière plus éclatante la reconnaissance tardive de la nation pour les services de ce grand homme, que je demande le renvoi aux comités militaire et des pensions, de la lettre adressée à M. le président.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la lettre de Mmede Lowendal aux comités des pensions et militaire.)
, ayant obtenu la parole, au nom du comité d'aliénation, dit :
Messieurs, les travaux du comité d'aliénation avancent et déjà les experts sont sur le point de commencer les estimations. L'usage est qu'au préalable ils prêtent serment devant les tribunaux ; mais comme vous avez éloigné de cette grande opération les formes judiciaires, votre comité a pensé que les corps administratifs doivent recevoir ce serment. Nous vous proposons donc un projet de décret en conséquence.
Il ne s'agit en ce moment que de la ville dé Paris. Je propose de faire prêter serment devant les officiers municipaux de cette ville.
Nous n'avons nul besoin de faire un décret spécial pour la ville de Paris ; le décret doit être général et s'appliquer à tout le royaume. Je demande, en outre, que le serment des experts soit prêté sans frais par-devant les juges ordinaires.
Cet amendement est adopté et le décret est rendu ainsi qu'il suit :
«, L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de son comité d'aliénation, a .décrété et décrète que le serment des experts qui seront nommés pour l'estimation des biens nationaux, dont la vente a été décrétée, sera prêté sans frais par-devant les juges ordinaires ».
, député du département de Rhône-et-Loire, obtient une prolongation de congé, jusqu'au rétablissement de sa santé.
, député de Château-Thierry, écrit à M. le Président, une lettre portant la date du 8 courant, par laquelle il donne sa démission"et annonce l'arrivée de M. de Bois-Rouvraye, son suppliant. La démission de M. Grimberg est acceptée.
Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité d'aliénation une offre faite le 13 mai dernier par les frères cordonniers de Paris, paroisse Saint-Eustache ; ils vous proposent de faire abandon à la nation de deux maisons et de deux contrats évalués au total de 85,000 livres en échange d'une pension viagère de 1,0.00 livres pour chacun d'eux. Ces frères sont réduits au nombre de cinq dont l'un est âgé de 71 ans. Le comité vous propose de prendre leur demande en considération.
De semblables dons ne feraient que grever le Trésor public parce que, pour rebâtir ces maisons qui sont vieilles, il pourrait en coûter plus qu'elles ne valent. Je demande l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
La confédération générale fixée au 14 juillet, sera plus célèbre chez les races futures que ne l'ont été jusqu'à nos jours les exploits dès conquérants. (On demande l'ordre du jour.} Pui-que vous ne voulez pas m'en-tendre, je vais tout simplement vous proposer de décréter que le roi sera supplié d'accorder une amnistie générale à tous les soldats déserteurs , en fixant une époque où ils pourront rejoindre leurs drapeaux.
(Cette proposition reçoit les plus grands applaudissements.)
Plus de 50 soldats ont traversé la ville de Tours portant d'une main des cartouches jaunes qui les déshonoraient et de l'autre des certificats de probité. Je demande que ces soldats soient autorisés à rejoindre leurs -drapeaux.
Je propose que le roi soit supplié d'accorder aux soldats retirés depuis six mois, le droit de rentrer dans leur régi ment et de reprendre leur rang.
dit que les propositions faites sont les suivantes :
« 1° D'accorder une amnistie générale pour les déserteurs, et de les admettre au serment civique;
2° De décréter que les soldats, cavaliers, chasseurs, dragons et offieiers de ces différents corps qui auront quitté leurs régiments avec des congés honorables, seront admis à y rentrer et à reprendre les rangs et les places qu'ils y occupaient, s'ils s'y présentent dans le délai de trois mois à compter de la publication du décret ;
« 3° De décréter que les soldats français renvoyés de leurs corps, depuis la présente Révolution, avec cartouches jaunes portant flétrissure, et nons coupables de crimes pour lesquels il ne serait intervenu aucun jugement militaire, soient libres de rentrer dans les mêmes corps ou dans d'autres, ou autorisés à se faire expédier des cartouches ordinaires de congé définitif. »
L'Assemblée ordonne que toutes ces motions seront portées à son comité militaire pour lui en rendre compte.
, au nom du comité des finances, fait ùn rapport sur la suppression des offices de jurés-priseurs. It dit :
Tous vos cahiers vous ont dénoncé les jurés-priseurs et en ont provoqué la suppression. C'est cette suppression que votre comité des finances me charge de vous proposer aujourd'hui. C'était dans nos principes un droit féodal que celui d'autoriser les ventes publiques, de nommer les officiers qui devaient y procéder, de régler leurs salaires et leurs droits. Il fut regardé comme une portion du domaine de la couronne et c'est à ce titre que nos rois ont, à diverses époques, créé des offices de jurés-prisenrs.
On en créa en 1556 et en 1576. Leurs fonctions sont unies à celles d'huissier-royal. En 1698, désunion des fonctions, création nouvelle pour deux millions de ce temps-là. En 1771, suppression de ces oflices et création nouvelle. Attribution de 4 déniers pour livre sur le prix des ventes, indépendamment des vacations et expéditions. Un calcul de finances éclaire ce produit.
Les 4 deniers pour livre sont perçus au profit du roi. En 1777 et 1778, la perception s'élevait à 450,000 livres par année.
En 1780, la surséance est levée et les produits d'aliénation et de perception se portent chaque année à une gomme très considérable. L'Alsace n'a pas de juré-priseur à cause d'un abonnement; Paris en a qui ne sont pas de la création de 1771 et qui ne sont pas compris dans le projet de décret.
Dans toutes les circonstances ce serait une opération sage de supprimer les offices et de faire verser dans le Trésor public, le produit du droit qui lui est attribué. Aujourd'hui cette suppression est un devoir, nos commettants l'attendent, et les vexations des jurés-priseurs nous crient de la hâter, mais il faut assurer le remboursement de la finance; nous le trouvons dans le même droit qui a été aliéné. En supposant une régie moins active et des adoucissements dans la perception, elle ira à 80,000 livres, qui peuvent être affectés au payement des intérêts de finance et au remboursement du capital.
Je demande que le décret porte également sur les huissiers-priseurs de Paris afin de faire jouir la capitale des mêmes avantages que la province.
Cet objet doit faire l'objet d'un rapport particulier.
(de Saint-Jean d'Angély). Les huissiers-priseurs exigeaient avec rigueur les quatre deniers pour livre qui leur étaient dus. Comme votre soin principal est de vous occuper du sort des malheureux, je demande que les sommes au-d ssous de 50 livres soient exemptes de ce droit. Si l'Assemblée ne pouvait statuer en ce moment sur ma proposition, je la prie au moins de prendre en considération les motifs qui me l'ont dictée.
Je demande que le comité nous propose un autre mode de remboursement.
On réclame la question préalable sur les amendements. Elle est adoptée et le décret est rendu ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait par son comité
des finances, a décrété et décrète ce qui suit :
er. Les offices de jurés-priseurs, créés parles édita de
février 1771, et autres, demeurent supprimés à compter de ce jour.
c Art. 2. Les droits de quatre deniers pour livre du prix des ventes qui leur avaient été attribués, continueront d'être perçus au profit du Trésor public, par les officiers qui feront les ventes, et le produit en sera versé par eux dans les mains dés préposés à la recette.
« Art. 3. Les finances desdits offices seront liquidées.
« Art. 4. Il sera délivré à ceux qui auront droit à ces finances, treize coupons d'annuités payables d'année en année, dans lesquelles l'intérêt à 5 0/0 sera cumulé avec le capital.
« Art. 5. Il sera prélevé sur le produit des quatre deniers pour livre une somme annuelle de 800,01)0 livres qui sera versée dans la caisse du trésorier de l'extraordinaire et employée par lui au paiement des annuités mentionnées en 1 article précédent. »
, député du Quercy, au nom du comité des finances, l'ait le rapport suivant concernant les postes aux lettres et aux chevaux (1).
Messieurs, votre comité des finances ne doit pas vous dissimuler que ce serait exposer à une désorganisation totale le service des postes aux lettres que de tarder plus longtemps à prononcer sur le projet de décret nécessaire au maintien et à la conservation de cette partie.
Il est encore pressant de compléter le décret que vous avez rendu le 25 avril dernier pour empêcher la cessation du service des maîtres de postes. Il est aussi indispensable de vous rendre compte des différents projets qui vous ont été présentés pour la réunion du service des postes aux lettres, des postes aux chevaux et des messageries, afin de fixer votre opinion sur l'administration générale de ces trois services. L'examen des plans qui n'ont d'autre objet que les messageries vous sera soumis postérieurement : La ferme actuelle continue son exploitation ; les changements dont elle peut être susceptible ne sont pas instants; et le travail épineux que présente le balancement des avantages et des inconvénients de toutes les propositions ne peut être sitôt achevé.
De tous les mémoires présentés à ce sujet, les seuls dont nous croyons donc à vous occuper dans ce moment, sont ceux de MM. de Saint-Vie-; touretAlary qui embrassent, à la fois, dans leurs spéculations, les messageries, les postes aux chevaux et les postes aux lettres.
Plan de M. de Saint-Victour,
M. de Saint-Victour propose la réunion des trois services faits par les postes aux chevaux,
les postes aux lettres et les messageries. Il dit que les messageries faisaient en 1775, et
font encore la majeure partie du service de la poste aux lettres, à l'exception des quatre
grands courriers de Lyon, Bordeaux, ,Toulouse et Strasbourg, moyennant la somme de cent
quatre-vingt-six mille sept cent quatre-vingt-dix-sept livres quatorze sols. La régie s'est
chargée de ce service, a la même condition ; les voitures des messageries conduites par des
chevaux de poste peuvent faire presque la
Les grands courriers font un tort manifeste aux maîtres de postes, en ce qu'ils payent trop peu les chevaux et en ce qu'ils chargent leurs voitures de poids énormes qui les écrasent ; ils font autant de tort aux messageries et aux perceptions de tous les droits en se chargeant d'un grand nombre de paquets et d'effets prohibés et taxés : la réunion des services préviendrait la fraude, les voitures ne seraient plus chargées que d'un poids déterminé ; et les maîtres de postes retireraient plus d'argent de leurs chevaux qui seraient plus employés.
Il est inutile de déduire ici les avantages de placer autant qu'il serait possible, toutes les postes aux chevaux à quatre lieues de distance : on se convaincra facilement de l'utilité générale de cette disposition.
Les maîtres de postes gagneraient à se charger de conduire au pas les fourgons des messageries, en les faisant marcher jour et nuit; le commerce trouverait de grands avantages à la célérité plus que doublée des transports : on assujettirait les maîtres de postes à entretenir six ou huit bonnes juments propres à ce service. La suppression des haras fait regarder cette condition comme très favorable et peut-être nécessaire à la propagation des chevaux de charroi devenus rares en France.
Les assemblées de département pourraient traiter avec les maîtres de postes et les charger de l'entretien des grands chemins, ayant plus d'intérêt que personne à les maintenir en bon état.
Oo pourrait traiter avec les maîtres de postes pour les transports militaires, ce qui soulagerait les provinces de cette corvée.
Les transports d'argent deviendraient faciles et peu dispendieux : on pourrait supprimer un grand nombre de revenus inutiles.
Les messageries royales, servies par les chevaux de postes, ont produit environ deux millions pendant une année qu'a duré la régie, malgré une foule de désavantages que le nouvel ordre de choses ne permettra plus : elles auraient pu être facilement portées à quatre millions. Les économies qui résulteraient de la cessation des privilèges des maîtres de postes, de leurs gages, indemnités ou gratifications ; la cessation des bénéfices des fermiers des messageries et de la plupart des frais de l'administration, par la réunion des trois services des postes aux chevaux, des postes aux lettres et des messageries et les économies qui proviendraient des transports militaires, des transports d'argent et du bon entretien des chemins sont nombreuses, immenses et d'un avantage inappréciable.
M. de Saint-Victour assure que les messageries ont coûté en indemnités, et par diverses raisons plus de six ou sept millions de dépenses extraordinaires : il présente dans plusieurs tableaux comparatifs de l'ancien et du nouveau régime, un bénéfice de deux millions en faveur de son plan, pendant l'administration d'une année.
Il pense que l'administration actuelle des postes aux chevaux est sujette à de grands inconvénients, il trouverait avantageux et économique de confier aux assemblées de département la restauration et la surveillance des postes aux chevaux ; il voudrait que l'on fît faire en Angleterre de nouvelles voitures (les modèles seulement seraient faits à Lille, Bruxelles, etc.), plus com-
modes et plus légères pour le service des messageries. Djux cent cinquante à trois cents de ces voitures occasionneraient une dépense de sept cent cinquante à neuf cent mille livres.
Il présente l'état suivant des économies résultant de son plan :
1° La suppression des privilèges des maîtres de postes, évalués à huit cent mille livres,
ci.............................. 800,000 liv.
2° L'intendance de la poste aux chevaux supprimée et son exercice remis aux Etats provinciaux, six
cent mille livres.................. 600,000
3° Suppression du secret, quatre
cent cinquante mille livres........ 450,000
4° Dix-huit fermiers de la poste aux lettres et des messageries qui peuvent être suppléés par dix régisseurs : les employés des deux parties, soit à Paris, soit en province, qui peuvent être dédoublés présentant, sans exagérer sur les bénéfices des uns et les appointements des autres, une économie de douze cent
mille livres...................... 1,200,000
5° L'augmentation du produit des messageries servies par les chevaux de poste et de la poste aux lettres, en multipliant par les voitures des messageries les moyens de transport et en prévenant tous ceux de fraude que facilite et même nécessite le régime actuel, peut être porté à trois millions, ci.......... 3,000,000
Total six millions cinquante mille livres, ci................................6,050,000
Réponses faites au plan de M. de Saint-Vie tour.
On reproche à M. de Saint-Victour d'avoir établi son' plan sur des bases fausses. Il dit que les messageries font la majeure partie du transport des malles : elles n'en transportent qu'un septième. Les traités d'entreprises dont sont chargées les messageries, s'élèvent h. deux cent quarante-un mille deux cent soixante dix-neuf livres ; ceux dont sont chargés les maîtres de postes et d'autres entrepreneurs montent à un million quatre cent trois mille huit cent quarante livres.
Les reproches adressés aux grands courriers de faire tort aux maîtres de postes et aux messageries, cessent d'être fondés, au moyen de l'augmentation d s goges accordés aux courriers et de la précaution prise de leur fournir des brouettes réduites à la capacité nécessaire pour contenir des dépêches.
L'espacement des relais de quatre en quatre lieues n'est praticable qu'autant que les convenances locales pourront le permettre : le possible est et sera fait à cet égard, sans déposséder 1,400 chefs de famille, presque tous de l'utile classe des laboureurs.
Les chevaux nécessaires pour le tirage des fourgons ne sont pas propres au service de la poste qui se fait au trot et au galop : il y aurait de trè3 grands inconvénients à assujettir les maîtres de postes à entretenir huit juments qui seraient d'une grande incommodité,au milieu des chevaux entiers, nécessaires au service des postes ; il ne paraît pas qu'ils en fussent dédommagés par ce qu'elles leur rapporteraient en menant les fourgons, seul usage auquel il semble qu'elles puissent
être employées, ne devant pas être par leur construction assez légères pour les courses de 1» poste. Il est à remarquer aussi que ces juments sont d'un prix considérable, faciles à blesser pendant quelles sont pleines; que les poulains exigent des ménagements pendant quelques mois; que ces juments ne seront pas préférables aux chevaux, si on n'en tire pas de poulains; et que toutes ces considérations seront qu'elles coûteront plus qu'un cheval de poste ordinaire. Elles seront plus délicates et rapporteront moins à leur maître.
Les maîtres de postes qui ont un nombre de valets et de chevaux surabondant, et qui réunissent l'aisance à l'intelligence, peuvent être chargés de l'entretien des grands chemins, mais il ne serait ni utile, ni prudent, ni juste de vouloir les y assujettir. Lés exploitations les plus avantageuses à ce service sont celles de la culture.
Les messageries ont été en régie deux fois depuis 1775. En cumulant les résultats de ces deux régies, elles ont coûté au gouvernement plus de deux millions cinq cent mille livres, et la perte du prix du bail.
On reproche aussi à M. de Saint-Victour de l'inexactitude ou de l'exagération, dans l'état qu'il présente, des économies résultant de sou plan. La suppression des privilèges des maîtres de postes, qu'il évalue à huit cent mille livres, vient d'être abonnée au-dessous de six cent mille livres. Cet abonnement est le prix du service des malles : c'est une économie qu'on ne peut supprimer sans augmènter de beaucoup la dépense des postes aux lettres. L'intendance des postes aux chevaux qu'il porte à six cent mille livres, n'offre-qu'un traitement de douze cents livres pour les deux intendants. L'intendance du secret était fixée à cent mille livres ; la dépense du secret, qu'il porte à qualre cent cinquante mille livres, n'est que de trois cent mille livres ; les bénéfices des fermiers des postes, évalués douze cent mille livres sont réduites à moins de trois cent mille livres.
L'estimation d'une augmentation de produits de trois millions sur les messageries, ne porte sur aucune base, et on lui observe, que bien loin de pouvoir les obtenir par une régie, l'expérience et le raisonnement ont démontré que les régies des messageries mettaient toujours le gouvernement en perte ; que dans une affaire de détail aùssi multiplié, dont les objets sont aussi «pars, et qui portent sur des soins aussi minutieux, les abus de tout genre sont impossibles à éviter, et que c'est de toutes les entreprises, celle dont la régie offre le plus d'inconvénients et d'abus, avec l'impossibilité de les prévenir, de les reconnaître et de les détruire.
On objecte encorè à M. de Saint-Victour qu'il n'a pas compté dans ses calculs une dépense considérable, qui est le rachat ou le remboursement des anciennes voitures restées à la charge des fermiers des messageries ; un grand nombre de ces voitures sont d'une mauvaise construction et ne sont d'aucun usage ; elles ont passé de bail en bail, comme condition obligée de toutes les résiliations et elles ne peuvent pas rester à la charge des fermiers actuels, plus que les autres effets de leur compagnie, si leur bail est résilié.
Mémoii'e de M. Alary.
M. Alary demande la réunion de la propriété des postes aux chevaux, du bail des messageries.
et il indique même celui des postes aux lettres. t Les moyens d'exécution qu'il propose sont : les facilités que présentent de grandes facultés, et les succès d'une surveillance, d'une police, et d'un ordre jusqu'à présent inconnus; une diminution dans le nombre des chevaux, un meilleur espacement des relais, la suppression des retours à vide.
Les avantages qu'il présente pour décider à lui accorder un bail de trente années, sont :
1° L'économie de la somme à accorder aux maîtres de postes pour remplacement de privilèges qu'il évalue à huit cent mille livres;
2° Celle de leurs gages et gratifications, qu'il lèges, porte à trois cent soixante mille livres ;
3° Celle de la dépense des voyages de la cour, évaluée à deux cent mille livres ;
4° Sur la dépense d> s courriers extraordinaires, une diminution de cent vingt mille livres ;
5* Une augmentation de prix de bail sur les messageries de cent mille livres ;
6° Une différence d'un million dans la dépense du transport des dépêches du service des postes aux lettres;
7° L'offre de faire les transports du gouvernement à sept livres dix sols du quintal, et ceux dd commerce en transit, à dix livres.
Réponses au plan de M. Alary.
Le plan de M. Alary offre quelques avantages spécieux, mais on lui fait une objection d'une grande importance. Ne serait-il pas dangereux d'accorder un privilège exclusif d'une telle immensité, et de réunir en une seule main quatorze cents établissements nécessairement épars, que les soins des propriétaires, toujours attentifs et présents, peuvent à peine maintenir? Serait-il prudent de faire dépendre lea trois services les plus intéressants, d'une seule compagnie, qui, par ses torts Ou ses malheurs, pourrait les faire manquer à la fois dans tout le royaume? Pourrait-elle fournir des cautions assez fortes et assez subdivisées pour être toujours en état de réparer immédiatement tous les accidents possibles dans Chacun de ses établissemen ts, soit qu'ils résultassent de l'infidélité des préposés ou d'accidents locaux qu'il est difficile de prévoir, mais qui, lorsqu'ils arrivent, ne doivent pas moius être réparés sur-le-champ, pour ne pas compromettre le service public? Ces précautions nécessaires et qui consisteraient généralement en fonds disponibles ne seraient-elles pas ruineuses pour une compagnie ?
On objecte à M. Alary que plusieurs de ses calculs sont faux, et qu'il s'est trompé dans la plupart de ses données: on lui reproche de n'avoir évalué les chevaux de poste existant dans le royaume qu'au nombre de vingt-et-un mille, tandis qu'il se monte à plus de vingt-quatre mille, et s'accroît quelquefois jusqu'à plus de quarante mille: on lui reproche d'avoir compté les journées de chevaux èn tournée, payées par le roi à vingt sols par cheval, tandis qu'elles n'étaient, en eftet que de treize sols quatre deniers.
On objecte à M. Alary que le privilège accordé à sa compagnie ruinerait quatorze cents pères de famille qui perdraient leur état, ou que cet état deviendrait soumis et passif, de libre et indépendant qu'il est aujourd'hui ; que la dépossessioft des maîtres de postes entraînerait la nécessité d'une indemnité, au moins relative aux objets de dépense faite pour un service dont l'héré-
dité leur avait été assurée. On prouve que le prix des bâtiments actuellement existants, celui des accessoires nécessaires à l'exploitation des postes, et un léger approvisionnement tle fourrages, formeront un fonds d'avance d'environ trente-huit millions sept cent mille livres, et que ces fonds devraient ou être repris par M. Alary, ou que les maîtres de postes auraient à recevoir de l'Etat une indemnité proportionnée au déprix que supporteraient des établissements inutiles. On demande si ce déprix peut être évalué à moins d'un quart?
On prouve que l'établissement des relais qu'il propose entraînerait une dépense de vingt-deux millions trois cent mille livres.
On lui prouve, par les détails les plus exacts, que la recette du maître de poste ne suffit point à sa dépense, qu'il ne trouve de bénéfice que par l'emploi de ses chevaux aux travaux de l'agriculture, et à des exploitations particulières, aussitôt qu'ils cessent d'être occupés au service de la .poste; que ce bénéfice s'augmente encore par la possibilité de faire consommer à ses chevaux ce qu'il ne peut vendre de défectueux de sa récolte, èt d'employer au moment favorable un grand nombre de valets et de chevaux; qu'il n'est entin aucune comparaison à établir entre une compagnie dont les soins auraient à embrasser vingt-quatre mille lieues de superficie et le particulier dont l'oeil n'a à s'ouvrir que sur un point fixe et déterminé.
On dit à M. Alary, comme à M. de Saint-Yictour, que la disposition physique du royaume ne permet pas sur sa surface un espacement égal des relais de quatre en quatre lieues; que, par conséquent, leur nombre excéderait les onze cents qu'il propose ; qu'il est une époque dans l'année où le travail des chevaux deviendrait forcé, d'autres moments où il serait impossible, et que, si la suppression des retours à vide peut être avantageuse dans certaines circonstances, la totalité de cette suppression devient chimérique. L'expérience a prouvé que si les retours à vide étaient totalement supprimés, les chevaux du centre iraient passer leur hiver aux frontières, et ne reviendraient qu'au printemps à leur point de départ, que la proportion entre les aUer et les retours est comme un est à six, et que de ce calcul résulte et l'impossibilité de la suppression des retours à vide, et par conséquent d'une diminution de moitié dans le nombre des chevaux.
On lui fait voir le danger inévitable de l'interruption de service pendant l'intervalle qu'il y aurait nécessairement entre l'instant où la compagnie obtiendrait le privilège des trois exploitations, et celui où elle entrerait en administration et en jouissance.
On a mis dans la dernière évidence que la mauvaise volonté de quelques maîtres de postes seulement, sur chaque route, peut interrompre le service; qu'on ne peut attendre beaucoup de zèle ni d'exactitude de gens dépossédés et dépouillés d'une partie de leur fortune. Tout le monde sait quelles conséquences funestes résulteraient de la moindre interruption dans le service des postes. En vain M. Alary se flatterait de parer à ces inconvénients par upe extrême activité et beaucoup de sacrifices d'argent; il se proposerait inutilement, aussitôt que sa compa-gnie-aurait obtenu le privilège qu'elle sollicite, d'envoyer sur toutes les routes de principaux agents de confiance, chargés de traiter avôc les maîtres de postes à des conditions assez avantageuses pour les décider» soit à continuer le ser-
vice au compte de la compagnie, soit à lui céder immédiatement leurs établissements complets; le nombre de ceux qui se refuseraient obstinément à ces deux sortes de propositions, fût-il même peu considérable, il deviendrait impossible de les remplacer sur-le-champ et à volonté.
Le cautionnement offert de douze millions, peut-il être de quelque poids, lorsqu'on a prouvé par des calculs qu'indépendamment d'une indemnité de plusieurs millions à donner aux maîtres de postes, il y aurait à rembourser à M. Alary, ou à la charge* du gouvernement, un fpnds de vingt-deux à trente-huit millions ?
On a vu que la somme accordée eu remplacement de privilèges aux maîtres de postes n'excède pas six cent mille livres : le compte de M. Alary est donc forcé de deux cent mille livres.
On observe que les gages et les gratifications ont pour objet le transport des malles ; on compare les dix sols par poste et par cheval et le nombre des lieues que les dépêchesparcoureut à ce prix, relativement à leur poids, et par jour, avec le prix proposé par M. Alary. Il résulte du choc de ces calculs, que le transport des dépêches est fait en trois fois moins de temps, et à un prix inférieur à celui qu'il demande pour les marchandises en transit.
On lui reproche ct'offrir un million d'économies dans le transport des malles sur les routes desservies par les messageries lorsque la dépense de ces routes ne s'élève pas à six cent mille livres ; et le bénéfice de deux cent mille qu'il présente sur ses voyages de la cour est illusoire, puisque cet objet est supprimé..
On lui observe que le roulage fait aujourd'hui à douze et quinze deniers Je transport des effets militaires, des vivres, de l'artillerie, etc., dont M. Alary offre, comme un avantage de se charger pour dix-huit deniers, et que les anciens fermiers proposent un prix moyen combiné sur les transports par terre et par eau, dont le résultat est de treize deniers.
On lui prouve, en dernière analyse, que l'avantage pécuniaire de son projet, s'il était accueilli, se réduirait à une augmentation de cent mille livres, sur les messageries, pour un bail de trente années, et qu'une somme pareille n'est point proportionnée à l'accroissement qu'on doit attendre pour un si long temps de cette ferme. On établit, par un calcul aus2i simple que vrai, que si le même projet de réunion des trois services, proposé et rejeté sous un nom différent en 1764, aux mêmes conditions d'un bail de trente années, eût été accueilli à cette époque, le Trésor public aurait été en perte de vingt-deux millions, sur les vingt premières années et de trente-neuf millions sur les dix dernières : on le prouve par la comparaison des baux et le résultat de leurs conditions. En 1765, le bail des postes et celui des messageries étaient de sept millions cent treize mille livres ; les produits actuels dépassent treize millions, : on trouve donc une augmentation successive de six millions, au bout de vingt ans, qui donne une moyenne proportionnelle de trois millions pour les vingt premières années et de six millions pour les dix dernières. Si l'on compare ces accroissements successifs avec les économies illusoires et l'exiguité au bénéfice promis par M. Alary, on sera convaincu que le Trésor public serait en perte aujourd'hui d'une somme de soixante-un millions s'il avait adopté la proposition en 1764.
On obseï ve enfin qu'un pareil projet, faux dans son principe, aurait les plus grands inconvénients
s'il était accueilli ; qu'il serait extrêmement dangereux de faire dépendre des succès pécuniaires d'une seule compagnie, les relations de la politique et de l'administration, et qu'on ne pourrait sans risquer peut-être le succès de la Révolution, innover dans une partie aussi délicate que les postes aux lettres, dont le moindre chaînon dérangé, brisant la chaîne des services, peut faire cesser toute correspondance. Effectivement, une perte de temps de cinq minutes par lieue sur une route de cent à cent cinquante lieues occasionne un retard de plusieurs jours dans l'intérieur du royaume, de plusieurs semaines au dehors, et de plusieurs mois dans les parages éloignés.
résumé.
Vous venez d'entendre l'exposé fidèle de tous les mémoires, réponses, répliques et objections faits pour et contre la réunion dé l'exploitation des services des postes aux chevaux, des postes aux lettres et des messageries, depuis longtemps l'objet des spéculations et des systèmes de différents particuliers. Dans ce choc d'opinions et d'intérêts divers, votre comité des finances, après un mûr examen, a pensé qu'il serait dangereux, impolitique et ruineux, d'adopter les projets de réunion d'exploitation des trois services.
La crainte d'exposer au hasard de spéculations un établissement nécessaire au commerce autant qu'utile au public; l'avantage d'obéir au vœu de cahiers en conservant au Trésor public toutes les ressources qu'il peut tirer de l'établissement des messageries, ont fait penser que le mode d'exploitation à préférer serait celui dans lequel l'impôt indirect, résultant du privilège se trouverait supprimé pour la classe la moins aisée et la plus nombreuse des citoyens et ne se trouverait même conservé pour la classe aisée que dans les cas où, sans motifs, elle refuserait la préférence aux établissements du gouvernement. L'examen des moyens vous sera soumis lorsque votre comité vous rendra particulièrement compte de la ferme des messageries.
Vous avez été frappés, Messieurs, du danger delà cessation du service dont le mécontentement des maîtres de postes, dépouillés dé leurs privilèges, semblait menacer notre correspondance au dedans et au dehors du royaume, et vous avez décrété, dans votre sagesse, une gratification qui, en évitant encore une grande dépense, a dissipé les inquiétudes : nous devons fixer aujourd'hui votre attention sur un service auquel est essentiellement lié l'intérêt public et particulier, celui des postes aux lettres.
Le bail des postes finit au 31 décembre 1791. Les fermiers ont fait, à titre de don patriotique, et à dater du 1er octobre 1789 jusqu'à l'expiration du bail, l'abandon des trois quarts de la totalité des bénéfices de leur entreprise, et ont déjà payé, sur ce don patriotique, au Trésor public, une somme de 941,284 livres 3 sous 9 deniers. Cette considération et le danger d'innover au hasard dans un ensemble qui n'existe que par l'accord de tous les moyens, par l'unité d'action de tous les détails, et dont le succès est dépendant du plus léger retard, nous aurait seul déterminé à vous proposer de laisser subsister le bail actuel des postes qui n'a plus que dix-sept mois de durée ; mais il y a impossibilité de faire aucun changement dans la forme de cette administration avant cette époque. Dix-huit mois seront à peine suf-
lisants pour préparer le travail qui doit donner à ce service la sûreté et la célérité dont il est susceptible ; pour former les établissements que sollicitent les besoins du gouvernement, d'après la nouvelle division du royaume; pour préparer ceux qui peuvent être utiles au commerce ; pour mettre 1 Assemblée nationale en état de prononcer sur la rectification ou le changement du tarif des lettres, qui est insuffisant, improportionnel, souvent inintelligible, absurde et inexécutable ; pour examiner, les règlements à conserver, à rectifier et à faire; pour aviser à une meilleure répartition de dépenses et aux moyens de porter à toute leur valeur les produits dont cette partie est susceptible. Ce travail, pour la régénération du service des postes, nous oblige encore à vous proposer les dispositions nécessaires pour la préparer et pour qu'elle puisse, sans convulsion, avoir son effet au 1er janvier 1792.
L'examen approfondi que nous avons fait du service des postes aux lettres, des postes aux chevaux et des messageries, nous a démontré combien ces diverses entreprises pouvaient se nuire ou s'entr'aider ; et si leur exploitation séparée nous a paru convenable, nous avons cru que le choc de leurs intérêts rendait nécessaire leur réunion sous une seule et même autorité.
C'est pour remplir ces différentes vues que votre comité des finances vous propose de réunir, à dater du premier août prochain, les postes aux lettres, les postes aux chevaux et les messageries, sous les soins et l'administration en chef de trois directeurs généraux des postes. De cette époque à celle delà fin du bail des postes, ils ne rempliront que les fonctions des quatre intendants des postes et celle de l'intendant-des finances chargé des messageries; ils prépareront le travail et feront les dispositions nécessaires pour la régénération projetée. Au premier janvier 1792, la forme d'administration actuelle sera totalement supprimée, et les trois parties seront administrées sous la direction en chef et par les soins desdits trois directeurs généraux. Nous vous proposons, Messieurs, de laisser au choix du roi, ces trois directeurs généraux; mais nous pensons que le bien de ces services exige que ce choix soit fait dans l'administration actuelle. Nous croyons qu'ils doivent prêter serment relativement à la foi due au secret des lettres; que, pour que ce serment ne soit pas inutile, ils doivent être institués à»vie, et qu'ils ne doivent êtredéstituables que pour prévarication jugée. Le nombre de trois nous a. paru suffisant, plus économique et plus avantageux, parce qu il offre plus d'ensemble et d'activité, suffisant néanmoins parce qu'il donne toujours le moyen de départage en cas de discussion, et qu'il peut certiorer dans tous les cas si les ordres réunissent ou non la majorité dès suffrages. Votre comité a pensé que si ces directeurs généraux doivent prêter serment entre les mains du roi, de respecter la foi due au secret des lettres, leurs agents devaient le prêter mtre les mains de toutes les municipalités. Il a pensé que les, trois chefs de ces administrations doivent être institués à vie, parce que, libres d'intérêt et de crainte, ces directeurs généraux n'auront à redouter ni séduction, ni vengeance : il a pensé que les ordres relatifs à la police et au maintien de la discipline intérieure devaient leur être confiés, comme ils l'ont été, jusqu'à présent, aux surintendants, directeurs généraux, intendants et administrateurs des postes ; qu'on devait continuer à leur adresser les demandes et les plaintes, pour plus de promptitude dans l'exécu-
tion; que le jugement des motifs de leur avis devait être attribué aux directoires de département, et que le pouvoir exécutif devait en connaître en dernier ressort. Cet ordre empêchera que les directeurs généraux ne puissent s'égarer et que les services dont ils seront chargés ue soient entravés ou désorganisés par une suite des dispositions qui pourraient être voulues pour un département, sans avoir égard aux inconvénients qui en résulteraient pour d'autres.
Le comité a cru, conformément à vos principes, devoir renvoyer-aux municipalités les vérifications dont les subdélégués étaient chargés, et aux tribunaux ordinaires, la connaissance des contestations réservées aux intendants des provinces.
Nous avons porté les économies sur les dépenses des postes aux chevaux et aux lettres beaucoup plus loin que nous n'avions jugé pouvoir vous les présenter dans l'extrait raisonné de nos rapports sur les parties des finances.
Les économies résultant du projet de décret que nous avons l'honneur de vous proposer, s'élèvent à huit cent quatre-vingt-treize mille trois cent trente-trois livres, savoir : Suppression de la dépense des gages des maîtres des courriers, vingt-et-un mille trois cent trente-
trois livres, ci................. 21.333 liv.
Des frais de compte, quarante-trois
mille livres, ci................. 43.000
Des appointements de l'intendant
des postes, cent mille livres, ci.. 100.000 De la dépense du secret, trois cent
mille livres, ci................. 300.000
De l'inspecteur général, huit mille
livres, ci...................... 8.000
De la portion des gages des maîtres de postes non employés à payer des services de malle, dix-huit
mille livres, ci................. 18.000
Sur les dépenses des postes aux chevaux, et celles dites de la sur i n te n d ance;c£»£ soixante- trois
mille limes, ci................. 163.000
Sur les traitements des chefs d'administration des postes aux lettres qui s'élèvent aujourd'hui à trois cent mille livres et seront réduits à soixante mille livres : économie de deux cent quarante mille livres, ci............................. 240.000
Total : Huit' cent quatre-vingt-treize mille trois cent trente-trois livres, ci.............................. 893.333 liv.
Les économies résultant du décret que vous avez adopté le 25 avril dernier, s'élèvent à douze cent mille livres, savoir : Le paiement du service des malles au prix devint -cinq sols par poste, fixé par les règlements, se serait élevé à environ quinze cent mille livres ; il a été fait un abonnement de six cent mille livres, différence, neuf cent mille
livres, ci..................... 900.000 liv.
Le service des postes pour les voyageurs de la cour faisaient une dépense variable et dont l'année commune s'élevait à aeux
A reporter............900 j000 liv.
Report.......... 900,000 li
cent mille livres ; cette dépense est supprimée : économie de
deux cent mille livres, ci...... 200.000
L'obligation de faire accompagner lescourriersextraordinairesa'un postillon monté, portait à trois livres dix sols la dépense du gouvernement sans le salaire du courrier dépéché : la facilité des expéditions par estafettes, à quarante sols par poste, conformément au décret, offrira une économie de cent mille livres, ci. 100.000
Au total : douze cent mille livres,Ci. 1.200.000 liv.
En sorte qu'au lieu de quatre cent soixante-douze mille trois cent trente-trois livres, à quoi nous avions évalué les économies sur les dépenses de ces deux services, elles s'élèveront à deux millions quatre-vingt-treize livres.
Indépendamment du bénéfice de l'accroissement graduel de la recette des postes et messageries, qui, déduction faite de l'accroissement des dépenses, a, depuis vingt-cinq ans, été de deux cent mille livres, d'une année sur l'autre, tellement que le bail des postes, qui était en 1765 de sept millions, est porté aujourd'hui à douze millions.
A ces avantages pour le Trésor public nous croyons devoir ajouter les motifs qui nous ont déterminés à penser que les postes ne devaient pas être confondues et associées avec d'autres parties de finance.
Le service des postes est un établissement de première nécessité : il faut cette agence pour être informé à propos de tout ce qui intéresse la conservation des grands Etats, et pour faire parvenir les ordres nécessaires à leur maintien : la dé- ! pense du service des postes est donc inhérente \ à l'existence des grandes sociétés politiques. Lorsque le besoin des communications s'est augmenté encore de la civilisation et du commerce des nations, les particuliers, pour diminuer leurs frais et augmenter les facilités de leurs correspondances, ont profité des établissements du gouvernement : alors la réunion de petits salaires payés pour de grands services, et pour éviter de grandes dépenses à chaque citoyen, a fait que le gain particulier s'est joint au gain public. Le particulier a fait transporter sa lettre avec une vitesse quadruple et pour la cinquième portion du prix que lui aurait coûté la commission faite séparément, et l'universalité des citoyens a gagné la contribution à laquelle il aurait été assujetti pour la dépense de l'établissement politique.
La conséquence de cette vérité dé fait est que les perceptions des postes ne sont point un impôt, mais le prix d'une commission faite, mais le salaire d'un service rendu. Cette raison serait peut-être suffisante pour ne pas confondre ou associer les postes à la régie d'aucun autre impôt; mais il est des motifs plus puissants qui s'opposent encore à ce qu'on mette les postes en ferme-régie. Cette forme d'administration n'est utile que lorsque les soins du fermier-régisseur peuvent ni en augmenter, ni en diminuer le nombre : les dépenses fixes sont connues : l'expérience a donné la mesure des dépenses va-
riables : la précaution de les faire arrêter par chaque législature, sous peine de répondre de l'excédent, assure que ces dépenses n'iront jamais au delà du nécessaire.
Il est inutile d'intéresser les chefs d'administration des postes dans les accroissements de produits : nous pensons qu'il est même dangereux de le faire. Le service des postes qui est, comme nous l'avons démontré, une agence du gouvernement et du commerce, doit être soumis aux dépenses que les besoins de l'un et de l'autre commandent: dans ces cas très ordinaires, la recette est loin de couvrir la dépense. Si les postes sont en ferme-régie, l'intérêt public sera sacrifié à l'intérêt du régisseur; d'un autre côté l'expérience a appris qu'il y a un accroissement annuel dans la recette des postes. Depuis vingt-cinq ans que le même tarif de perception subsiste, et que le produit en est affermé, ce produit net qui était de sept millions, s'est élevé à douze ; la moyenne proportionnelle de l'augmentation d'une année sur l'autre a donc été d'environ deux cent mille livres. Il n'y a aucune raison pour faire tourner au profit du régisseur une partie de cette augmentation sur laquelle ses soins n'ont aucune influence : c'est une perte gratuite.
La régie à laquelle le comité avait cru qu'il serait plus utile d'associer les postes, était surtout la régie des traites, afin d'empêcher la contrebande qu'introduisent dans le royaume les courriers de malle; mais il a reconnu que cette vue sage peut être remplie sans réunir les deux parties. Pour empêcher la contrebande des courriers, plusieurs précautions viennent d'être utilement prises : les courriers la faisaient par nécessité; il vient de leur être accordé cent vingt mille livres, pour qu'ils n'aient plus de prétexte.
Leurs brouettes étaient construites de façon à pouvoir cacher des paquets en fraude, l'administration des postes vient de se charger de leur fournir leurs voitures : elles serontconstruites de façonàne pouvoir contenir que les dépêches. La visite en est ordonnée, partout où la ferme-générale le croira utile; et afin d'éviter même que de petits objets de contrebande ne puissent arriver sous le couvert des dépêches, il a été convenu que la régie des traites nommerait des employés, partout où elles le jugerait convenable, pour assister, dans les bureaux, à l'ouverture même des dépêches. Toutes les vues d'utilité que le comité des finances s'est proposées par la réunion des postes à la régie des traites, seront donc remplies; car on ne peut pas se dissimuler que les employés, les bureaux, les régisseurs, seraient toujours nécessairement séparés dans cette réunion, si elle avait lieu, et qu'il n'en résulterait aucune diminution de dépense : c'est dans l'intérieur du royaume que tous les rouages du service des postes sont en action, et ils ne louchent à la frontière que par quelques points : lorsque les traites seront reculées aux véritables frontières du royaume, le service des postes aux lettres se trouverait donc assuré à la partie d'administration qu'il approcherait le plus rarement, et dans les seuls points où il cesserait d'être en activité.
D'ailleurs, si nous devons, pour le rétablissement de la confiance publique, assujettir tous les agents du royaume au serment de garder la foi due au secret des lettres, ne serait-ce pas une sorte d'inconséquence que de les confondre ou de les associer avec une perception dont l'exercice oblige nécessairement à l'espèce de manipulation appelée fouille?
Le secret des postes nous a paru tenir d'une manière trop essentielle à la liberté publique et particulière pour ne pas proposer d'ôter jusqu'aux moyens de la violer.
Nous avons pensé que le serment des chefs de l'administration des postes ne pouvait pas même rassurer contre les efforts du pouvoir exécutif, s'il pouvait destituer à volonté ceux qui refuseraient de Je servir. C'est pour rendre libres de toute crainte les chefs de l'administration des postes que, si nous avons proposé d'en laisser le rhoix au roi, nous avons dû demander qu'ils soient institués à vie et qu'ils ne puissent être destitués que pour forfaiture jugée. C'est pour les fortifier contre toutes les atteintes de la séduction, que nous avons demandé qu'ils fussent punis comme coupables de lèse-nation s'ils violaient leur serment, aucune de ces précautions ne peut ni ne doit être proposée pour aucune autre partie de finances. Ges considérations, ces motifs et ces raisons ont déterminé votre comité à penser que les postes doivent rester séparées.
Réduire au plus petit nombre les ordonnateurs, leur laisser assez d'autorité pour qu'ils puissent agir d'une façon expéditive, leur ôter tous les moyens de nuire ; lever les entraves que l'intérêt particulier peut mettre aux besoins du gouvernement, de la politique et du commerce; assurer l'inviolabilité des dépêches ; faire les économies possibles sur les dépenses existantes, et prévenir les dépenses inutiles; assurer à l'Etat tous les produits de la poste aux lettres; concilier enfin, autant qu'il se pourra, les droits de la liberté et les besoins du Trésor public : telles ont été les vues qui nous ont dirigés dans la rédaction du projet de décret ci-après, que nous avons l'honneur de vous proposer :
PROJET DE DÉCRET.
Art. 1er. Le traitement de cent mille livres attaché à
l'intendance générale des postes, à cause de la distribution des dépenses secrètes des
postes, précédemment existantes, est supprimé, ainsi que les trois cent mille livres de
dépense formant le salaire des personnes attachées au secret des postes.
Art. 2. L'Assembléenationale supprime, à partir du 1er août 1790, tous titres et traitements des intendants des postes et des messageries.
Ceux de l'inspecteur général des postes;
Les gages des maîtres des courriers ;
Ceux des offices des maîtres de postes, créés par édit de 1715, qui ne sont pas appliqués au payement des service de malle, ainsi que les frais de comptes.
Supprime également les titres et traitements de la commission des postes et des messageries, ceux des officiers du conseil des postes, les dépenses relatives aux employés et bureaux de l'intendance, celle des indemnités, et celles dites de la surintendance; lesdites dépenses formant ensemble la somme de deux cent six mille livres ; renvoie au comité des pensions les parties de cette dépense qui y sont relatives, ainsi que les réclamations à l'occasion des suppressions résultant du décret.
Art. 3. Les postes aux lettres, les postes aux chevaux et les entreprises delà ferme des messageries continueront à être séparées quant à leur exploitation; mais, pour maintenir l'équilibre entre les intérêts opposés et concurrents de ces trois parties, elles seront réunies, à dater du
premier août prochain, sous l'autorité et la direction en chef de trois directeurs généraux des postes. Ges directeurs généraux résideront à l'hôtel des postes, à Paris, et ils rempliront, jusqu'au 31 décembre 1791, les seules fonctions des quatre intendants des postes et de l'intendant des finances chargé des messageries. Ils feront les dispositions nécessaires pour donner aux services de ces trois parties toute la sûreté et la célérité dont ils sont susceptibles ; pour former les établissements que demandent les besoins du gouvernement, d'après la nouvelle division du royaume, et ceux qui peuvent être utiles au commerce; pour mettre l'Assemblée nationale en état de prononcer sur le changement du tarif des lettres, sur les règlements à conserver, à rectifier ou à faire ; pour obtenir toutes les économies et les augmentations de produit dont ces parties d'administration sont susceptibles. Enfin, pour que ce qui sera décrété en conséquence, puisse avoir son exécution au premier janvier 17y2, au plus tard, et en totalité.
Art. 4. Le bail des postes passé à Joseph-Ba-sile Poinsignon, par le résultat du conseil du 2 avril 1786, pour finir au 31 décembre 1791; ensemble les soumissions des fermiers, postérieures au bail, notamment celle du 29 septembre 1789, portant abandon,à titre de don patriotique, de la totalité des trois quarts des bénéfices du bail des postes, auront leur pleine et entière exécution. A cette époque, demeurera la forme d'administration actuelle totalement supprimée, afin qu'à dater du 1er janvier 1792, l'administration des postes aux lettres, la direction des postes aux chevaux, et celle des entreprises de la ferme des messageries, soient uniquement faites sous la direction des trois directeurs généraux des postes, résidant à l'hôtel des postes. , ' i
Art. 5. Avant le 1er août prochain, les directeurs généraux des postes prêteront serment, entre les mains du roi, de garder et observer fidèlement la foi due au secret des lettres de toute la correspondance du royaume, et de dénoncer au tribunal, qui4ugera les crimes de lèse-^nation, toutes les contraventions qui pourraient y être faites et qui parviendraient à leur connaissance, je tout sous peine d'être poursuivis comme criminels de lèse-nation. Le même serment sera prêté par tous les préposés des postes, entre les mains des municipalités des lieux où ils seront employés.
Art. 6. Les trois directeurs généraux des postes seront au choix du roi.
Art. 7. Les trois directeurs généraux des postes seront institués à vie, et ne pourront être destitués que pour forfaiture jugée.
Art. 8. Sera supprimé au profit du Trésor public l'intérêt que l'intendant des postes a dans le bail des postes, sous le nom de fermiers, de même que celui des fermiers actuels, qui seront choisis pour remplir les places de directeurs généraux : les bénéfices résultant desdits intérêts seront versés au Trésor public: ne seront néanmoins remboursables les fonds de cautionnement faits par les-dits intéressés, pour sûreté du prix du bail, que comme ceux des autres fermiers, s'il n'est pas auparavant pourvu à leur remboursement.
Art. 9. A dater du premier août prochain, le traitement de chacun des trois directeurs généraux sera fixé et demeurera réduit à la somme de vingt mille livres ; il ne leur sera accordé collectivement qu'une somme de quarante-cinq mille livres, pour fournir à la dépense de leur secrétariat, chauffage, éclairage et à tous les frais
de leurs bureaux particuliers, généralement quelconques. Seront, les dits traitements et frais de bureaux acquittés par la caisse des postes, comme dépenses d'exploitation.
Art. 10. A dater du 1er janvier 1792, toutes les dépenses et recettes de postes aux lettres et des postes aux chevaux, ainsi que la recette du prix du bail des messageries, seront faites par un trésorier choisi par le roi ; il versera les produits nets au Trésor public et comptera ainsi qu'il sera ordonné par l'Assemblée. Ce trésorier sera sous les ordres du ministre des finances, et sous l'inspection des trois directeurs généraux; il sera logé et aura pour traitement personnel et fixe, une somme de seize mille livres.
Art. 11. Après l'expiration du bail actuel des postes, l'état des dépenses fixes et l'aperçu des dépenses variables, seront faits tous les deux ans par les directeurs généraux des postes; et après avoir été soumis à l'examen du ministre des finances, ils seront présentés aux législatures, pour en être les dépenses autorisées et ordonnées ; ne pourront les dépenses desdits états être excédées parles directeurs généraux des postes, sans l'autorisation expresse du ministre des finances, qui en justifiera aux législatures.
Art. 12. Tous les ordres et règlements relatifs au régime intérieur, à la police, discipline, exploitation et administration des postes aux lettres, des postes aux chevaux et des messageries, seront faits par les directeurs généraux des postes, suivant l'exigence des cas el les besoins de service ; mais les règlements de policé extérieure, et qui pourraient entraîner,des perceptions ou une«ic-iion contre des citoyens non-préposés, ou agents de ces services, seront seulement proposés par les directeurs généraux des postes, et après avoir été soumis à l'examen du Comité de l'Assemblée qui devra en connaître, seront lesdits projets et règlements rapportés à l'Assemblée nationale ou aux législatures, pour qu'il y soit statué.
Art. 13. Les directeurs généraux des postes suivront l'exécution de tous les décrets et règlements qui seront rendus sur les postes aux lettres, les postes aux chevaux et les messageries, et donneront tous les ordres y relatifs. Ces ordres, et tous ceux qu'ils seront dans le cas de donner seront signés au moins de deux d'entre eux.
Art. 14. L'Assemblée nationale ajourne l'examen du tarif de 1759, et celui de tous les règlements d'après lesquels sont administrées les postes aux chevaux et les messageries; ordonne qu'ils continueront à avoir leur pleine et entière exécution, en ce qui n'y est pas dérogé par le présent, et jusqu'à ce qu'elle en ait fixé les dispositions par de nouveaux décrets.
Art. 15. Les maîtres de postes aux chevaux continueront d'être pourvus de brevets du roi pour faire le service qui leur a été attribué jusqu'à ce jour aux charges et conditions décrétées.
Art. 16. L'Assemblée nationale ayant décrété, le 25 avril dernier, que pour raison des charges auxquelles sont tenus les maîtres de postes, il leur serait accordé, à dater du jour de la suppression de leurs privilèges, une gratification de trente livres par cheval entretenu à leurs relais, que le nombre en serait fixé par chaque légis-lature et constaté par les municipalités des lieux; elle leur enjoint de faire cette vérification chaque quartier et d'en délivrer un certificat aux maîtres de postes.
Art. 17. Sur le vu des certificats des municipalités, et d'après l'état arrêté par l'Assemblée nationale, les directeurs généraux feront payer,
chaque quartier, sur la caisse des postes, ce qui reviendra au maître de chaque refais, soit pour ladite gratification, soit pour le prix du service des malles.
Art. 18. Seront attribuées aux contrôleurs des postes résidant dans les provinces, les fonctions des ci-devant inspecteurs et visiteurs des postes, et sous la surveillance, pour cette partie du service, seulement, de deux contrôleurs généraux des postes dont le traitement sera de six mille livres pour chacun, et - dont les fonctions seront réglées par les directeurs généraux des postes.
Les maîtres de postes continueront d'être obligés à fournir gratuitement les chevaux nécessaires auxdits contrôleurs généraux et contrôleurs des provinces, pour faire les tournées et commissions relatives au service dont ils sont chargés.
Art. 19. A dater du Ier août prochain, et jusqu'au 31 décembre 1791, sera réduite à deux mille cinq cents livres par mois, la dépense pour le payement des frais de bureaux et des commis actuellement employés à l'intendance des postes, et de ceux de la surintendance, qui, dans les dépenses supprimées, s'élevaient à soixante-neuf mille livres par mois, seront payées par la caisse des postes; et, par la suite, cette dépense sera portée dans l'état à faire arrêter par chaque législature.
Art. 20. Les vérifications renvoyées par les règlements des postes et des messageries, aux intendants des provinces, seront faites à la réquisition des directeurs généraux des postes par les municipalités des lieux.
Art. il. Les contestations, dont les jugements sont aussi renvoyés parles règlements des postes et des messageries aux intendants des provinces et au lieutenant de police de Paris, seront portées devant les juges ordinaires des lieux.
Art. 22. Les assemblées et directoires de départements, de districts et les municipalités accorderont toute protection pour l'exécution des décrets relatifs aux services des postes aux lettres, des postes aux chevaux et des messageries.
Les tribunaux ordinaires jugeront toutes les contestations qui s'élèveront à l'occasion de l'exécution desdits décrets, des tarifs de perception et des recouvrements desdites parties; mai3 ne pourront les départements, les districts, les municipalités, ni les tribunaux, ordonner aucun changement dans le travail, la marche et l'organisation des services des postes aux lettres, des postes aux chevaux et des messageries.
Art. 23. Les demandes et les plaintes relatives au service des postes aux lettres, des postes aux chevaux et des messageries, seront adressées aux directeurs généraux des postes, pour y être fait droit. ) ',.„,. ..... '
Les directoires de départements jugeront de la validité des motifs de leurs décisions, s'ils en sont requis par les parties, et le pouvoir exécutif prononcera définitivement, s'il y a lieu.
demande si l'Assemblée entend passer immédiatement à la discussion du projet de décret dont elle vient d'entendre la lecture.
L'Assemblée décide que le projet de décret sera immédiatement discuté.
, rapporteur, relit les articles 1 et 2.
Personne ne demandan la parole, ces deux ar-
a L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le traitement de 100,000 livres attaché à
l'intendance générale des postes, à cause de la distribution des dépenses secrètes des
postes, précédemment existantes, est supprimé, ainsi que les 300,000 livres de dépense
formant le salaire des personnes attachées au secret des postes.
« Art. 2. L'Assemblée nationale supprime, à dater du 1er août 1790, tous titres et traitements des intendants des postes et des messageries;
« Ceux de l'inspecteur général des postes;
« Les gages des maîtres des courriers;
« Ceux des offices des maîtres de postes, créés par édit de 1715, qui ne sont pas appliqués au paiement des services de malle, ainsi que les frais de compte ;
c Supprime également les titres et traitements de la commission des postes et des messageries;
« Ceux des officiers du conseil des postes, les dépenses relatives aux employés et bureaux de l'intendance, celles des indemnités, et celles dites de la surintendance; ces diverses dépenses formant ensemble la somme de 206,000 livres; renvoie au comité des pensions les parties de cette dépense qui y sont relatives, ainsi que les réclamations à l'occasion des suppressions résultant du décret. »
donne lecture de l'article 3.
Cet article et ceux qui le suivent renferment des dispositions importantes, sur lesquelles aucun de nous n'a eu le temps de porter ses méditations. Je demande l'ajournement et le renvoi de la suite de la discussion, soit à la séance de dimanche, soit à celle de lundi.
(Cette motion est mise aux voix et adoptée. La délibération sur la suite du projet de décret est remise à la séance de dimanche prochain.)
J'ai reçu une lettre de M. de Lafayette, par laquelle il m'annonce que la garde nationale demande que ses frères d'armes arrivant des provinces partagent avec elle le plaisir de composer la garde de l'Assemblée. Je lui ai répondu que de pareilles dispositions ne pouvaient que flatter l'Assemblée nationale.
(Le vœu de l'Assemblée est exprimé par des applaudissements réitérés.)
J'ai reçu de M. de La Tour-du-Pin, ministre de la guerre, un plan général de l'organisation de l'armée, que le roi a chargé son ministre de faire parvenir à l'Assemblée.
(L'Assemblée renvoie ce plan à son comité militaire pour lui en rendre compte ; elle en ordonne, en même temps, l'impression et la distribution.) ( Voy. ce document annexé à la séance de ce jour.)
Le comité de Constitution demande à vous rendre compte d'un projet de décret que vous l'avez chargé de préparer sur les rangs à observer et le serment à prêter à la fédération. Le rapporteur a la parole.
L'Assemblée nationale a renvoyé à son comité de Constitution différents objets, sur lesquels elle l'a chargé de présenter des projets de décrets. Le comité, sur plusieurs de ces objets,
n'aura qu'à rappeler les principes. Celui qui concerne la sanction a été décrété au mois
d'octobre; celui qui concerne la formule des décrets, l'a aussi été le 8 du même mois. A
l'égard des dépu-tations à faire au roi, Cet examen est relatif à tout ce qui peut
intéresser la dignité de l'Assemblée, et nous vous proposerons de l'ajourner. Quant à ce qui
regarde l'ordre qui doit être observé dans les cérémonies auxquelles assistera l'Assemblée,
nous vous soumettrons quelques réflexions ultérieures ; mais il est indispensable de fixer
en ce moment même la manière dont l'Assemblée sera placée à la confédération. 11 en est de
même du serment que doit prêter le roi dans cette auguste cérémonie. Voici, en conséquence,»
le projet de décret que le comité de Constitution a l'honneur de vous soumettre :
Art. 1er. Le roi sera prié de prendre le commandement des
gardes nationales et des troupes envoyées à la confédération générale du 14 juillet, et de
nommer les officiers qui exerceront le commandement en son nom et sous ses ordres.
« II. Dans toutes les cérémonies publiques, le président de l'Assemblée nationale sera placé à la droite du roi, et sans intermédiaire entre le roi et lui. Les députés seront placés immédiatement tant à la droite du président qu'à la gauche du roi.
« III. Après le serment qui sera prêté par les députés des gardes nationales et autres troupes du royaume, le président de l'Assemblée nationale répétera le serment prêté le 4 février dernier, après quoi chacun des membres de l'Assemblée, debout et la main levée, prononcera ces mots : Je le jure.
« IV. Le serment que le roi prononcera ensuite, sera conçu en ces termes: « Moi, premier citoyen et roi des Français, je jure à la nation d'employer tout le pouvoir qui m'est délégué par la loi constitutionnelle de l'Etat, à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par moi, et à faire exécuter les lois. »
Il s'élève que'ques murmures dans plusieurs parties de la salle... Puis on fait un grand silence...
M. l'abbé Maury demande la parole.
Quelque danger qu'il puisse y avoir à venir énoncer son vœu sur des questions constitutionnelles, infiniment délicates par leur nature, plus encore par les circonstances, et-qu'il a été impossible de méditer, j'ai cru qu'il était de la dignité d'un représentant du peuple français, de faire hommage à l'Assemblée des réflexions qu'a pu lui suggérer la lecture rapide d'un décret de cette importance. Il est dans la nature de notre gouvernement, et surtout dans nos cœurs, que la France est une monarchie: le principe le plus essentiel d'une monarchie, c'est que le chef suprême de l'Etat est le seul dépositaire de la force publique. S'il existait en France une force armée, indépendante du monarque, la France ne serait plus une monarchie. J'ai donc dû être sensiblement affecté, lorsque j'ai entendu le comité de Constitution vous proposer de prier le roi de prendre le commandement des troupes et des1 gardes nationales. Une pareille proposition m'a paru peu conforme à la majesté du roi des Français. Cette formule semble indiquer que l'on pouvait proposer à un autre citoyen, sous les yeux mêmes du roi, de prendre le commandement de 50 ou 60 mille hommes. Le jour où ce citoyen recevrait de vous ce commandement, vous auriez
établi deux rois comme à Sparte. Ce manichéisme politique renverserait la monarchie. Je demande donc par amendement à l'article, premier, que l'Assemblée déclare que toutes les troupes rassemblées au Champ de-Mars n'auront pas d'autre chef que le chef suprême de la natiou, déclaré par la Constitution chef suprême de l'armée. (On applaudit de toutes parts.) J'aborde le second article. Je pense que le président de l'Assemblée nationale doit être placé à la droite du roi, sans intermédiaire, et les députés, tant à la droite du président qu'à la gauche du roi, qui sans doute ne peut avoir un plus noble cortège. Mais dans une monarchie héréditaire, où il est de principe constitutionnel que la royauté doit passer de mâle en mâle, suivant l'ordre de la primogéni-ture, ne doit-on pas vouer un respect particulier aux princes qui peuventsuccé 1er à la couronne? ne doit-on pas accorder une place d'honneur aux princes du sang qui pourront accompagner S. M.? (Il s'élève des murmures.) Je me suis très mal expliqué, si l'on conclut que je demande un intermédiaire entre le roi et la nation : il ne peut y en avoir. Les distinctions qu'on accorde dans les assemblées publiques, à ceux que leur naissance unit à la majesté du trône, ne sont qu'un hommage de plus rendu au roi. Ne sait-on pas qu'il existe toujours entre eux et le monarque, selon l'expression très familière, maistrès énergiquede Montesquieu, l'épaisseur d'un royaume*! Le dauphin, la compagne du monarque, ne doivent-ils pas jouir des mêmes honneurs que le monarque? S'il s'agissait d'établir une hiérarchie de puissance, sans doute je dirais il n'y a rien, il ne peut rien y avoir entre le roi et la nation. Mais il s'agit d'honorer la nation et le roi, en honorant la famille du roi; mais il s'agit d'une cérémonie où le roi ne paraîtra pas pour exercer sa puissance. 11 se trouvera, pour la première fois, au sein de sa grande famille. Ajoutez au sentiment dont il sera frappé, la satisfaction, intime et domestique, d'être au milieu de sa famille propre, qui est aussi (a famille de l'Hitat. Le patriotisme nous invite à remplir l'âme de notre roi de ces émotions délicieuses qu'il sait si bien éprouver. Multiplions ses consolations et ses jouissances; ne le séparons pas de son fils, de sa compagne, dans un moment où il jouira de tant de biens à la fois, où il contractera tant d'engagements.
Généreux représentants d'un peuple libre, d'un peuple célèbre par son amour pour ses rois, n'imitez pas ces despotes de l'Orient, qui renferment dans une prison toute leur famille; qui condamnent l'héritier du trône à languir dans l'esclavage, et qui ne l'arrachent à son cachot que pour en faire le lendemain le plus absolu des despotes. Puisque votre trône est héréditaire, puisque c'est une maxime fondamentale .de l'Etat, la nation ne peut trop décerner d'honneur à ceux qui y ont des droits ; c'est par cette affluence d'hommages que vous pourrez récompenser votre roi d'avoir réhabilité la nation dans tous ses droits. Vous ne voulez pas que la famille de notre monarque soit la seule à qui il reste des désirs à former dans ce jour à jamais solennel... J'adopte le troisième article tel qu'il est proposé par le comité. Quant au quatrième article, je ne m'oppose pas aux promesses glorieuses que le roi doit y faire, de maintenir la Constitution qu'il a acceptée; mais je désirerais que le vœu de l'Assemblée ne fût pas énoncé par une formule impéra-tive; je voudrais que le serment du roi des Français ne fût pas différent de celui de tous les Français; c'est là qu'il sera beau de le voir se
confondre avec eux ; c'est là que son patriotisme et ses vertus pourront se livrer à toute leur énergie. Invitons-le donc, par une députation, à prendre en considération le serment que prêteront et l'Assemblée nationale, et les députés de la France armée; invitons-le à le prêter lui-même. Il est des serments qui sont particuliers au roi ; ce n'est qu'à son sacre qu'il les prête ; cette disposition ne préjugera rien sur la signature que vous exigerez de lui, lorsque votre constitution sera terminée. Est-il quelque chose de plus propre à entretenir l'harmonie entre la nation et le roi, que de l'entendre exprimer, au milieu des députés de toutes les parties du royaume, le même sentiment que ses sujets ? Le plus bel acte de patriotisme que puisse faire un roi, c'est, sans doute, à l'exception de la fidélité qui lui est due, de prononcer le même serment que tous les individus soumis à son empire. Tel est le serment que, dans mon opinion, le roi peut être invité à prêter.
Je dois vous rendre compte que, lorsque je me suis rendu hier chez le roi, pour présenter plusieurs décrets à sa sanction, il m'a fait l'honneur de me dire que son intention était de se rendre à la fédération avec sa famille et ses principaux officiers.
Je pense, comme le préopinant, que nul autre que le roi ne doit être le chef de la fédération, et, comme le comité de Constitution, qu'il doit l'être par un acte du Corps législatif, sanctionné par lui.
Le premier motif, c'est qu'il n'y a aucune espèce de relation entre cette qualité de chef de la confédération et celle de chef du pouvoir exécutif ; c'est un de ces actes qui n'ont lieu que dans le moment où la Constitution se fait, et qui par conséquent n'ont pu être prévus par elle. C'est un de ces actes où tous les pouvoirs remontent à leur source, et où la puissance de la nation est la seule puissance, et peut seule dicter les lois et les règles. C'est donc à la souveraineté des pouvoirs à décider qui aura le commandement de la confédération. Il faut donc un acte exprès. Vous avez décrété que le roi est chef immédiat de l'armée ; mais la Constitution n'a pas dit encore qu'il était chef immédiat des gardes nationales. (Il s'élève des murmures.) Je ne prétends pas dire que le roi ne doit pas être chef de la confédération, mais je dis qu'on ne peut pas le déclarer en ce moment par la conséquence d'un décret qui n'existe pas, et qu'il faut un décret provisoire. Je passe au second article sur lequel je ne suis pas de l'avis du préopinant. 11 est de principe qu'il n'existe en France qu'un roi, qu'un chef, et que tout le reste doit être confondu dans la classe commune. Il est des circonstances où l'on doit distinguer ceux qui tiennent au roi par les liens du sang ; mais dans une cérémonie nationale, mais quand il s'agit des pouvoirs, il ne doit y avoir de distinction que pour les personnes revêtues de fonctions publiques. Ainsi, àcet égard, le projet du comité est indispensable. On doit encore l'adopter, en ce qu'il établit que le président de l'Assemblée nationale sera placé à côté du roi, et que les députés seuls environneront l'un et l'autre. Placer des intermédiaires entre le roi et l'Assemblée nationale, ce serait détruire l'unité constitutionnelle ; sans doute, le président étant auprès du roi, l'Assemblée nationale doit y être aussi, sans aucune espèce de séparation ni de distinction.
Toute distinction semblerait en mettre une entre le pouvoir du président et celui de l'Assemblée. Toutes les fuis qu'il s'agit d'un corps délibérant, où le président est partie intégrante, il est le premier parmi ses égaux; et s'il était possible qu'il fût confondu, le président devrait être mêlé avec tous les autres membres.
J'adopte le troisième article du comité. Sur le quatrième, je ne puis être de l'avis de M. l'abbé Maury : il a voulu que le même serment fût prêté par le roi et l'Assemblée nationale. Si dans cette circonstance, mettant à part les fonctions et les pouvoirs, chacun se bornait à prêter un simple serment, je ne m'élèverais point contre cet avis. Mais le roi a d'autres devoirs à remplir que l'Assemblée, et lorsque nous voulons resserrer les liens de notre Constitution, chacun doit prêter le serment affecté à son grade. S'il jurait comme citoyen, incontestablement il prononcerait le même serment que tous les autres; mais c'est comme roi des Français, comme chargé par la Constitution de faire exécuter des lois, qu'il doit jurer. Je crois donc qu'il doit prêter le serment tel qu'il est proposé par le comité, à l'exception de ces mots : moi, premier citoyen, auxquels on substituera : moi, roi des Français.
Ce n'est pas sans surprise que j'ai entendu dire que le chef suprême du pouvoir exécutif, que le souverain de la nation, que le roi, dont l'autorité a précédé la vôtre..... (Il s'élève beaucoup de murmures ; plusieurs personnes demandent que Vopinant soit rappelé à Vordre.) J'ai peine à concevoir la cause de la défaveur d'une assertion aussi simple et aussi vraie. Je répète : ce n'est pas sans surprise que j'ai entendu dire que le ch* f suprême du pouvoir exécutif, que le souverain de la nation, que le roi, dont l'autorité a précédé la vôtre (Nouveaux murmures) ; certainement je n'ai pas prétendu dire que l'autorité du roi a précédé celledela nation, de laquelle toutes les autorités émanent; mais j'ai dit, et c'est une vérité incontestable, que l'autorité du roi a précédé celle des représentants de la nation; c'est lui qui vous a donné le mouvement et la vie ; sans lui vous n'existeriez pas : il est donc, dis-je, extraordinaire que votre roi, que celui qui vous a créés, que le représentant héréditaire du peuple français ait besoin d'un décret de vous, pour être le chef suprême des forces armées du royaume. 11 est dificile de concevoir une monarchie où le roi ne serait pas chef suprême de l'armée : il l'est par la loi du royaume, il ne l'est pas par vous; il l'est par la nation, et vous n'êtes pas la nation; il l'est par le droit de sa couronne, parce qu'il est le chef héréditaire de l'Empire; il l'est par notre Constitution, parce que vous avez reçu les ordres souverains de la nation, qui a voulu qu'il fût reconnu tel.
Il est donc dangereux de lui déférer, par un décret, ce commandement. On semblerait jeter un nuage sur une vérité qui n'est contestée par personne. Je demande la question préalable sur le premier article du comité. Quant au second article, le préopinant a exprimé, d'une manière très claire,les principes du gouvernement électif; mais dans un Empire où la couronne est héréditaire, dans une occasion solennelle, où l'on montrera au peuple son roi, les princes de la famille royale doivent entourer le trône où leur naissance les appelle. Il est de l'intérêt de la nation de donner au peuple l'exemple du respect qu'il doit leur porter, afin que personne n'ait le criminel projet de déranger la succession à la
couronne ; afin que le peuple, voyant les princes rangés autour du trône, apprenne que rien au monde ne peut déranger l'ordre successif, établi pour le bonheur et pour l'éternelle paix de l'Empire.
Quant au troisième article, je l'adopte, ainsi que tous les préopinants. Le quatrième me parait présenter beaucoup de difficulté: j'ai été étonné qu'on pût nous proposer de présenter au roi des formules de serment. Dans quelle étrange position sommes-nous donc vis-à-vis de notre souverain I (On rappelle M. de Cazalès à l'ordre.)
, poursuit : N'est-ce que du 14 juillet que doit commencer sa légitime autorité? Laissez à sa volonté le serment qu'il voudra prêter; que ses engagements soient libres. Son civisme et ses vertus vous sont connus; voilà les véritables garants du bonheur du peuple français. Rapportez-vous-en à son patriotisme ; il en a donné tant de preuves éclatantes, qu'il serait criminel à nous d'en douter. C'est par ses vertus qu'il sera lié; voilà le seul lien digne de Sa Majesté: tout autre avilirait la dignité du chef suprême de la nation ; tout autre serait indigne de lui. Tout autre porterait au roi la couleur d'un chef de parti. (Les murmures redoublent, et l'on redemande que M. de Cazalès soit rappelé à l'ordre ; d'autres veulent qu'il explique ce qu'il entend par cette phrase.)
Je dis ce qu'il me plaît; je n'en dois compte à personne. Tout autre serment, dis-je, prêterait au roi la couleur d'un chef de parti. (Une voix s'élève : M. le président, faites votre devoir ; rappelez à l'ordre ceux qui s'en écartent.)
Je sais me soumettre aux décrets quand ils sont rendus; mais avant, je dis ce que j'en pense; un serment qu'on ferait prêter au roi, dans une autre circonstance que son couronnement, imprimerait le caractère de la faction à toute assemblée qui oserait l'exiger. Que le roi soit libre de prendre, avec sa nation, tel engagement qu'il lui plaira. Je ne sais quelle prédilection l'Assemblée a pour les serments; les serments ont, de tous les temps, servi à rallier les partis : c'est par des serments qu'on a vu des factieux se soustraire à une autorité légitime : je conclus donc, car je n'aime pas les serments, à ce que le premier et le dernier articles soient écartés par la question préalable, et qu'on accorde, à la confédération, une place distinguée aux princes du sang français.
Je réponds par de très courtes réflexions aux objections faites au projet du comité. Quant au premier article, nous avons cru qu'on ne pouvait rien préjuger de ce qui devait être fait par rapport aux gardes nationales ; nous n'avons pas cru devoir juger, par un décret de circonstance, ce qui n'est point encore décidé par l'Assemblée. Il n'a encore élé rien statué sur les gardes nationales; c'est pour cela que nous vous avons proposé de décréter que le roi serait prié d'en prendre le commandement pour la confédération. Cette expression, le roi sera prié, est plus convenable que cette autre, le roi prendra. Quant au second article, voici les motifs qui nous ont dirigés : le roi est un, les représentants delà nation sont un ; le roi, le président et l'Assemblée ne sont que deux ; voilà pourquoi nous ! n'avons fixé que la place que devaient occuper
l'Assemblée nationale et le roi. Nous ne nous sommes pas mêlés des apprêts de la fête ; nous n'avons donc pas dû nous occuper des places que doivent occuper les personnes distinguées^ — On ne fait aucune difficulté sur le troisième article. — On a dit sur l'article 4 que ce n'était pas à nous à présenter la formule du sermenl qui sera prêté par le roi. Pour moi, je ne doute pas que ce ne soit à nous à le proposer, et au roi à l'accepter ; dans ce cas, le serment est un acte législatif. Ceux qui se plaignent ne considèrent pas que la confédération n'a été formée que pourachever la Constitution ; que, par conséquent, lorsque le citoyen jure de maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et sanctionnée par le roi, le roi doit jurer de la soutenir de tout le pouvoir qui lui est délégué par la loi. Je viens à la qualité de premier citoyen ; sans doute il e&t le premier dans la Constitution ; et après lui, il n'y a n'y second ni troisième, tout est égal. Nous n'avons pas cru qu'il fût possible de lui déférer une plus belle qualité.
(L'Assemblée décide que la discussion est fermée sur l'ensemble du projet, et qu'elle va s'établir successivement sur chacun des articles.)
Il ne faut pas perdre de vue qu'il y a des forces de différente nature, les troupes réglées et les gardes nationales. L'Assemblée a décrété que le roi, chef suprême du pouvoir exécutif, est aussi chef immédiat des troupes réglées. Il faudra savoir, et il n'est pas encore décrété, s'il pourra donner des ordres immédiats aux gardes nationales. Je dirai même que dans plusieurs décrets il est dit que le roi fera parvenir les ordres aux municipalités, pour les intimer aux gardes nationales. Voilà un intermédiaire établi, et cet intermédiaire me paraît nécessaire à la liberté publique. Je dis plus : vous avez pensé que, pour ne pas compromettre cette liberté, il fallait borner le nombre des troupes régulières. Est-il probable que sans aucunes précautions, on puisse vouloir soumettre aux ordres du pouvoir exécutif douze ou quinze cent mille gardes nationales? Sans vouloir décider en ce moment une question de cette importance, je dis seulement que l'intermédiaire des municipalités est indispensable pour faire parvenir aux municipalités les ordres du roi. D'après cette opinion, je pense qu'il faut, dans cette circonstance particulière et unique, un décret positif, pour déléguer au roi le pouvoir de donner des ordres, d'une manière immédiate, aux gardes nationales qui viendront à la confédération.
(On demande que la discussion soit fermée. — Deux épreuves successives paraissent douteuses, et aux termes du règlement, elle est continuée.)
(de Nemours). NousJ traitons sur des questious que nous avons déjà jugées, et jugées par des décrets sur lesquels nous n'avons pas même demandé la sanction du roi ; nous avons exigé son acceptation. Nous ne nous sommes pas bornés à le déclarer chef du pouvoir exécutif; nous l'avons déclaré constitutionnelle-ment coopéruteur du pouvoir législatif. Nous l'avons constitué commissaire perpétuel, représentant irrévocable de la nation, pour approuver les décrets qui lui paraissent conformes à l'intérêt général et à là volonté nationale, et les transformer ainsi en lois, par sa sanction, ou pour empêcher que ces décrets deviennent des lois, jusqu'à ce que la nation, deux fois consultée
par deux nouvelles élections de législatures, ait» dans les instructions qu'elle leur aura données, manifesté que les décrets proposés à la sanction lui paraissent mériter de la recevoir. C'est ainsi que nous l'avons placé dans la Constitution, non pas simplement comme chef du pouvoir exécutif, mais comme chef suprême de la nation.
Ce n'est pas un acte de la Constitution que nous allons faire le 14 juillet; c'est une grande et solennel le fête que nous allons célébrer, avec les plus fermes appuis de la Constitution, et dans laquelle, en recevant le serment qu'ils s'empresseront dé prononcer, nous ne devons rien nous permettre de contraire à cette Constitution qu'ils doivent maintenir. Gomment pourrions-nous faire de la confédération des gardes nationales une corporation distincte de la nation, et que l'on regarderait, à quelques égards, comme lui étant opposée? Comment séparerions-nous la qualité de gardes nationales de celle de citoyens ? Nous ne pouvons pas distinguer davantage les gardes nationales de l'armée. Qu'est-ce que l'armée? C'est l'assemblage de citoyens, qui portent les armes pour protéger les droits de tous et de chacun. La principale partie de l'armée est composée des gardes nationales ; les troupes réglées ne forment qu'une armée supplémentaire, et, pour ainsi dire, accidentelle, faite pour ménager le temps, la peine et le danger des citoyens, qui ont d'autres fonctions à remplir.
On peut supposer tel cas ou de paix absolue, ou d'économie extrême, dans lequel on ne conserverait pas ce que les Abglais appellent a standing army, une armée soldée perpétuelle, et où l'on réformerait entièrement les troupes réglées. On ne peut réformer les gardes nationales : ce sont donc elles qui forment, l'armée essentielle de la nation. Les troupes réglées n'en sont que les troupes accidentelles. Supposer que ces deux armées, ou ces deux branches de la même armée, puissent avoir deux commandants indépendants l'un de l'autre, et que lé roi ne soit le chef que de l'armée accidentelle réformable, et qu un autre pût être nommé chef de l'armée essentielle, principale et irréformable de l'Etat, ce serait regarder le roi et l'autorité qu'on lui a confiée comme des accidents, et déclarer roi le commandant des gardes nationales. Nous ne pouvons pas avoir une pensée si contraire aux principes et à la lettre de notre Constitution. Et puisque nous avons déclaré le roi le chef suprême de l'armée, nous n'avons pas pu vouloir dire que ce serait de l'armée qu'on peut réformer demain, et dont la réforme le laisserait sans fonctions; que ce ne serait pas de l'armée essentielle de l'Etat, qui doit durer autant que l'Etat même et que la monarchie. Je trouve donc inconstitutionnel que le roi soit prié de remplir une fonction dont notre Constitution l'a impérieusement chargé. C'est par cette raison que je rejette la rédaction du comité, et que, sans être retenu par aucune considération particulière sur l'expression d'une vérité qui me paraît manifeste et utile, j'adopte-entièrement la rédaction de M. l'abbé Maury.
On fait lecture de divers projets de décrets.
Celui de l'abbé Maury est ainsi conçu : La fédération n'aura pas d'autre chef ni d'autre commandant que le roi. »
Projet de M. Fréteau : « Les députés à la confédération n'auront pas d'autre chef que le roi, et il sera prié de nommer incessamment les officiers qui doivent y commander. »
Le projet de M. Fréteau nous
jette absolument dans l'inconvénient que nous voulons éviter.
J'opine pour le projet de décret de M. Fréteau ; il renferme le véritable principe que l'armée ne doit avoir d'autre chef que le roi.
Je crois, au contraire, que celte rédaction doit être rejetée, et, en effet, non seulement elle décide la question, mais encore elle suppose qu'elle a été décidée d'avance; vous avez bien statué que le roi était le chef de l'armée extérieure, mais vous n'avez encore rien statué sur l'armée du dedans, sur celle qui doit surtout protéger la liberté ; la question est encore intacte, et ce n'est point le moment de la décider : ainsi, quand on dit le roi est chef, c'est en vertu d'une possession antérieure ; je pense donc qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet de déeret proposé par M. Fréteau.
(On demande à aller aux voix.)
Je vais mettre aux voix en cette forme: Que ceux qui refusent la priorité à l'avis du comité... (On observe que ce n'est point là la formé ordinaire de la délibération•)
met aux voix que ceux qui sont d'avis d'accorder la priorité à l'article du comité...
L'Assemblée décide que la priorité est accordée au premier article du comité.
On demande la division de l'article.
Je demande que l'article soit ainsi décrété : « Le roi, comme chef suprême du pouvoir exécutif, sera supplié de se mettre à la tête de la fédération. »
Je demande la question préalable sur tous les amendements et sur tous les projets d'articles, autres que celui du comité.
Les articles et les amendements sont écartés par la question préalable, et le premier article du projet de décret du comité est adopté tel qu'il avait été proposé.
On présente pour remplacer l'article second la rédaction suivante :
« L'Assemblée formera un cercle autour du roi, qui aura le président à sa droite; la famille royale sera dans le centre. »
Je demande la priorité pour la rédaction qui vient d'être lue ; elle est conforme à la maxime, qu'il ne doit point y avoir d'intermédiaire entre l'Assemblée nationale et le roi, et cependant elle conserve une place devant le trône à la famille royale. Se serait un spectacle douloureux, dans la première fête solennelle où la nation se trouvera réunie dans la même enceinte, de ne pas voir la famille royale. (Une grande partie de l'Assemblée applaudit.)
On peut ajouter au décret qu'on pourra accorder à la famille royale une place convenable.
le jeune. Je n'ai à faire qu'une très simple observation : j'ai toujours cru qu'il n'y avait de milieu que lorsqu'il y avait une droite et une gauche, et je demande au comité si, d'après son projet de décret, le roi n'a pas la gauche du président de l'Assemblée natio-
nale. II est une manière d'arranger tout le monde. Il est possible que l'Assemblée décrète que dorénavant la gauche sera la place d'honneur; alors je serai d'accord avec le comité. J'ai demandé la parole pour observer qu'il est étonnant qu'on vienne placer un député constitutionnel au milieu d'articles réglementaires.
C'est d'après la Constitution (ju'il faut donner une place à la famille royale, à une famille qui est votre propriété, et à celui qui doit suécéaer au trône héréditaire.
Je demande que cet article ne soit pas qualifié dans le décret, article constitutionnel. La détermination de la place de la famille royale tient à la police de la fête, et cette police n'appartient pas à l'Assemblée. Ce n'est donc pas a l'Assemblée à déterminer cette place. Comment le roi et l'Assemblée nationale assisteront-ils à cette fête ? c'est comme représentants de la nation: la famille royale n'a pas cette qualité de représentant. J'observerai d'ailleurs que le droit d'hérédité à la couronne n'est pas commun à tous les individus qui composent cette famille, et qu'il ne devrait y avoir que les princes dans la place dont la détermination serait fixée d'après la qualité de successibilité au trône.
le jeune. Comme le roi ne peut venir sans sa famille, il faut le prier de rester chez lui.
La priorité est demandée pour l'article du comité.
L'Assemblée délibère sur cette demande. — Deux épreuves paraissent douteuses. — On demande l'appel nominal.
Le comité ne s'oppose pas à ce que l'article ne soit pas décrété constitution-nellement ; il propose de le commencer simplement par ces mots : « A cette cérémonie le président, etc. » Alors vous aurez fait un article réglementaire.
Peut-on faire un article réglementaire pour un objet de celte importance? Nous n'avons aussi qu'à faire une Constitution provisoire.
Un débat aussi long, sur une matière si peu importante, doit-il être éternel ? Je ne conçois pas comment, pour un article qui n'est que réglementaire, on peut s'opposer à admettre la rédaction que M. Malouet a appuyée.
(On demande l'appel nominal sur la priorité.)
L'appel nominal emploiera un temps précieux ; ce qui peut-être a déterminé une partie de l'Assemblée à refuser la priorité à l'article du comité, c'est qu'il ne désigne aucune place pour la famille royale... Peut-être rappro-cherait-on les opinions en plaçant, suivant l'avis de M. Malouet, la famille royale en avant du trône.
En Angleterre, le roi désigne, dans les cérémonies publiques, la place de sa famille. On peut dire que le roi sera prié de donner ses ordres pour que sa famille soit placée convenablement. (Une qrande partie des membres de VAssemblée applaudit et se lève pour appuyer cet amendement.)
(L'amendement de M. Arthur Dillon est mis aux voix et adopté à une grande majorité.)
Il n'est pas dans l'intention du comité, ni dans la vôtre, que la place du roi ne soit pas la; première. Cependant, dans l'article du comité, rédigé dans la, forme dans laquelle il va être mis en délibération, cette place ne serait que la seconde.
L'article 2 est décrété en ces termes :
« Art. 2. A cette cérémonie, le président de l'Assemblée nationale sera placé à la droite du roi, et sans intermédiaire entre le roi et lui ; les députés seront placés immédiatement, tant à la droitè du président qu'à 1a gauche du roi; Sa Majesté sera priée de donner ses ordres pour que la famille royale soit placée convenablement. »
(On fait lecture de l'article 3.)
, évêque de Clermont. Vous me permettrez une observation. Il est dés objets sur lesquels l'honneur et la religion ne peuvent pas permettre de laisser la plus légère équivoque. Pressé par la loi impérieuse que l'un et l'autre m'imposent, je viens vous ouvrir mon cœur. Je parlerai avec confiance dans la sûreté de mes principes, et dans la justice des représentants d'une nation loyale. Nous allons renouveler le serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi. Quel Français, quel chrétien hésiterait à se livrer à un mouvement d'élan patriotique? Permettez que je me déclare prêt à signer ce serment de mon sang. Nous allons le prononcer dans des circonstances différentes de celles du 4 février; nous allons le prononcer sous le sceau de la religion. Ici, en me rappelant ce que je dois à César, je ne puis oublier ce que je dois à Dieu; toute feinte à cet égard serait un crime, et toute apparence de feinte un scandale. J'excepterai de mon serment tout ce qui regarde les choses spirituelles : cette exception qu'exigeait ma conscience, doit vous paraître une preuve de fidélité avec laquelle je remplirai, toutes les autres parties du serment.
{Lesecclésiastiques et divers membres du côté droit se lèvent en signe d'adhésion.)
L'article 3 est mis aux voix et adopté sans aucun changement.
M. Le Chapelier lit l'article 4.
Il faut supprimer Ces mots: premier citoyen. Le roi prête son serment en qualité de roi. Tous les devoirs qui lui sont imposés par ce serment n'appartiennent qu'au roi. Le mot citoyen implique égalité : l'expression premier citoyen est contraire aux principes. . (Cet amendement est adopté.)
Il faut faire précéder ces mots par la loi constitutionnelle de l'Etat, de ceux-ci : par la nation, etc.
(On demande la question préalable.)
Le serment doit être libre : toute coaction est une légitimation du parjure, et Vous prescrivez au roi une formule de serment.
J'ai proposé une addition à l'article, parce qu'il n'y a pas dé vœu plus solennel que celui de la nation avant et pour la Constitution. Vous avez été chargés d'établir des modes constitutionnels, appropriés au gouvernement monarchique que vous n'ayez pu changer. La na-
tion s'en est rapportée à vous pour assurer sa liberté dans cette forme de gouvernement. S'il vous avait plu de retirer au roi Louis XVI ses pouvoirs de roi, vous ne l'auriez pu : la nation vous aurait désavoués ; j'ai donç raison de demander qu'on mette la nation avant la loi constitutionnelle de Wtat.
La formule proposée par le comité est déjà décrétée constitutionnellement, déjà acceptée par le roi, déjà mise à exécution. Le roi prend le titre de Louis, par la grâce de Dieu et la loi constitutionnelle du royaume, roi des Français. Si vous dites que la loi constitutionnelle est la volonté de la nation, nous sommes du mêode avis ; ëi vous dites le contraire, nous ne sommes plus du même avis, parce que vous voulez dire que la nation avait délégué au roi son pouvoir d'une autre manière que la loi constitutionnelle. (On applaudit.) Si la délégation par la nation est la même que là délégation par la loi constitutionnelle, c'est un pléonasme, et il est inutile d'en faire dans un article de législation ; si la délégation de la nation n'est pas la même que celle de la loi constitutionnelle, la rédaction est vicieuse, votre proposition est dangereuse, et-renferme un sens caché que nous ne pouvons pas adopter.
Une grande partie de VAssemblée demande à aller aux voix. — MM. Malouet et Montlosier se présentent à la tribune. La discussion est fermée. L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M". Malouet.
L'articlë 4 est adopté à une grande majorité.
Par suite des amendements et des modifications, admises, le décret est conçu en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution, a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. 1er Le roi sera prié de prendre le commandement des
gardes nationales et des troupes envoyées à la fédération générale du 14 juillet, et de
nommer les officiers qui exerceront ce commandement en son nom et sous ses ordres.
« Art. 2. A la fédération du 14 juillet, le président de l'Assemblée nationale sera placé a la droite du roi, et sans intermédiaire entre le roi ét lui.
« Les députés seront placés immédiatement tant à la gauche du roi qu'à la suite (1) du président.
« Le roi sera prié de donner ses ordres pour que sa famille soit convenablement placée.
« Art. 3. Après le serment, qui sera prêté par les députés des gardes nationales et autres troupes du royaume, le président de l'Assemblée nationale répétera le serment prêté le 4 février dernier, après quoi les membres de l'Assemblée, debout et la main levée, prononceront ces mots": Je le jure.
« Art. 4. Le serment que le roi prononcera ensuite, sera conçu en ces termes : « Moi, roi des Français, je jUrè à la nation d'employer tout le pouvoir qui m'est délégué par la loi constitutionnelle de 1 État, à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par moi, et à faire exécuter les lois. »
(La séance est levée à 4 heures.)
Plainte d'un arrêté du comité des finances du 9 juillet 1790 (concernant les postillons).
Nosseigneurs, vous qui avez juré de défendre nos droits, c'est-à-dire ceux de l'homme et du citoyen... Vous qui avez juré de nous maintenir dans nos propriétés, dites-nous si ce serment sacré, digne des sentiments qui vous animent, doit nous ravir le droit de nous plaindre, celui de vous demander justice, s'il arrive que quelques tyrans nous oppriment ou nous trompent.
Et pourfiez-vous la refuser à une infinité de victimes qui, tant de fois, se sont prosternées à vos pieds sans avoir pu encore l'obtenir? Cependant, intègres sénateurs, vous la leur devez, c'est dé vous seuls qu'ils l'attendent. Lisez donc et prononcez.
Copie (Hun rapport fait au comité des financés par M. le commissaire chargé de Vadministra-tion des postes.
« M. de La Blaehe a communiqué au comité « une plainte portée par les postillons contre « M. ûogny, intendant général des postes, auquel « ils demandent compte d'une somme de « 66,,300 livres, provenant de partie d'une retenue c faite sur eux du; tiers des petites guides, appli-« cables à l'acquit de quatorze retraites à 150 livres « chacune. »
Observation.
Les postillons, dans les suppliques imprimées qu'ils ont adressées à l'Assemblée nationale, aux mois de septembre 1789 et février 1790, ne demandent seulement pas compte à M. Dogny d'une somme de 66,300 livres, mais de l'emploi de celle de 155,386 livres, provenant tant des retenues faites du tiers des petites guides, que du prix de la vente dp livre des postes, et encore de 6,000 livres annuellement accordées par, Sa Majesté, pour être appliquées aux retraites des postillons du royaume.
Deuxlèniè phrase du rapport.
Mais comme, suivant eux, cette retenue s'élève annuellement à 6,000 livres, et que les quatorze retraites ne forment qu'une somme annuelle de 2*100 livres, il en résulte chaque année une différence de 3,900 livres qui, accumulée pendant 17 ans, offre un total de 66,300 livres, objet de leur réclamation.
Deuxième observation.
Les postillons n'ont évalué le montant des retenues des petites guides que d'après M. Dogny, qui le porte, dans son mémoire à l'Assemblée, à 6,050 livres. Or, dix-sept années à 6,000 livres ont dû produire un résultat de 102,000 livres ; et,
récapitulation de sa dépense en acquit des pensions relevées sur sa comptabilité même, on trouve pour les retraites des postillons de Paris et Versailles, savoir :
Treize pensions pour six mois à 150 livres par an ........... . 975 liv.
Deux années successives réduites à onze pensionnés......; . 3.300
Treize années à quatorze retraites par an, au prix ci-dessus. .... 27.300
Une année réduite à treize pensionnés, . . . ......... 1.950
Enfin les premiers six mois de 1790, à quatorze, ci ....... 1.050
TotaldeladépensesuivantM.Dogny. 34.575 liv.
La recette, par aperçu de. . . . 102.000 liv.
M. Dogny serait donc comptable d'environ ............ 67.425 liv.
Si le bon du roi qu'il annonce à l'époque du 12 ou 31 mai n'existe que dans sa volonté, il doit restituer cette somme ci-dessus aux postillons de Paris et Versailles, ou leur prouver le contraire sur pièces justificatives ; et c'est ce qui fait l'objet de leur réclamation.
Gomme on ne peut douter que le comité des finances ne chérisse la justice, il doit donc faire un rapport à l'Assemblée nationale qui la détermine à décréter que M. ûogny rende un compte en règle aux réclamants, tel qu'ils le demandent.
Arrêté du comité des finances.
« Sur ce rapport, le comité, ayant observé que « cette plainte a été portée à M. le rapporteur par « les postillons, a arrêté qu'il ne devait s'occu-« per de son examen que lorsqu'elle lui aurait « été renvoyée par l'Assemblée nationale. »
Observation. Nous prenons encore la respectueuse liberté d'observer à MM. les députés de l'Assemblée que cette plainte n'a jamais été particulièrement adressée à M. de La Blaché, mais directement au tribunal de la nation, lé 7 septembre 1789, et à M. d'Aiguillon, alors président au sénat français; qu'elle a été réitérée et adressée à l'Assemblée nationale, au mois de février, par les postillons de Paris, réunis aux anciens postillons, veuves, enfants et héritiers d'iceux qui l'ont présentée les premiers, au nom de tous; ce que l'on offre de prouver.
On prouvera encore qu'en adressant cette seconde plainte à l'Assemblée nationale, il en fut distribué, sous enveloppe, à MM. les députés, plus de quatre cents exemplaires, et qu'il en fut remis à l'hôtel de MM. d'Aiguillon, Lameth, abbés Gouttes et Maury, membres du comité des finances.
D'ailleurs, le mémoire de M. Dogny, par son intitulé : Réponse au mémoire présenté à l'Assemblée nationale par les ex-postillons, et la supplique de ceux en activité commençant par ces mots : Nosseigneurs, vous qui considérez comme les plus précieux instants ae votre vie ceux que vous consacrez au bonheur du peuple, désapprouvent que ces plaintes n'aient été adressées qu'à M. le rapporteur; et si M. de La -Blaehe avait fait son rapport Sur les pièces que l'Assemblée a fait adresser à son comité, on n'eût certainement point prononcé un arrêt si contraire à l'équité qui le caractérise. > v - ■
C'est pour la troisième fois, illustres.représentants d'un peuple libre, que les postillons de la
poste de Paris et les anciens postillons ge jettent à vos pieds pour vous suppliefrde les prendre en considération, et d'ordonner îe renvoi de cette dernière plainte à son comité 4es finances, pour que le rapport de leurs justes réclamations envers M. Dogny soit fait d'après les mémoires qu'ils ont pris la respectueuse liberté d'adresser à l'Assemblée nationale, et sur les preuves qu'ils joignent ici contre les malversations exercées à leur égard ; et ferez justice.
Spoliation criante exercée par les intendants des Postes.
Vous craindra-t-on toujours, subalternes tyrans, Vous qui flous opprimez sous ceflÊ noms différents ?
Précis pour les postillons.
Depuis plus de dix-sept ans, MM. Rigoley, dits Dogny, retiennent une partie du salaire que la loi ou l'usage a accordé aux postillons de Paris et Versailles. Ces êtres paisibles, soumis au joug de ces agents ministériels, n'osaient se plaindre du poids de leurs fers, lorsqu'au mois de septembre, ils engagèrent leurs anciens confrères, à l'abri de la vengeance des intendants des postes, de présenter à l'Assemblée nationale leurs doléances, au nom de tous.
M. Dogny/ effrayé de l'opprobre que cette demande allait imprimer sur le front de son père, et, par suite, sur le sien, crut devoir opposer à ses subordonnés uq compte donU'artifice pût le mettre à l'abri d'inné restitution. Il appuya sa justification sur un prétendu bon du feu roi, en date du 12 ou 31 mai 1772, à qui il fait dire que les postillons de Paris et Versailles seront tenus de faire, sur leur salaire, une retraite de 100 livres aux postillons du royaume qui n'y contribueraient poiat. Quelle équité*.. 0 Ja belle chose que l'invention l Car on peut sans crime la soupçonner ici, puisque M. Dogny refuse de représenter ce bon en original.
Ce tissu d'erreurs répandu dans le public, M, l'intendant se rendit â la poste de Paris, où, ayant fait assembler tous ses postillons» il leur tint ce discours adroit :
« ië sâis persuadé, mes amis, que vous n'avez « point de part dans la demande que vos anciens « confrères ont faite à l'Assemblée nationale, et « vous fie vous joindrez poiat à ces mutins. Je « vais exposer ma conduite aux yeux de l'Assem-« blée, et prouver que l'administration de mon « père est pure et intacte, etc., etc. » Personne n'osa répliquer à ce discours captieux ; le monstre du despotisme n'était point encore étouffé, mais nous évitâmes le piège.
Avant d'engager notre fondé dé pouvoirs à combattre le mémoire de M. Dogny, nous lui fîmes écrire pour l'informer dè nôtre réunion aux premiers réclamants. Quelle, fut sa réponse ? ;
« Que la réclamation des postillons n'était pas « neuve; que l'Assemblée nationale n'avait pas « cru devoir faire droit au mémoire qu'il? leur « avaient adressé, etc., etc. » '
Une réponse aussi y^tgue nous fit juger que tous autres moyens de cônciliatïon seraient inutiles, et nous adressâmes notre seconde plainte à l'Assemblée nationale.
M. de Biron, rapporteur, nommé pour ce qui
concernait ^administration des postes, et à qui nos pièces furent renvoyées par l'Assemblée, sut nous-, amuser plus de trois mois par de.bellespa» rôles : « Sqyez tranquilles, mes enfants, justice « vous sera rendue. Vos papiers sont dans mon « carton, je m'occupe du rapport dé votre affaire, « elle ;est légitime, comptez sur moi, vous serez « tous contents, etc. »
Tel était le résultat ordinaire de nos démarches, tant au comité des finances qu'à son hôtel* mais c'est assez l'usage des grands: ils promettent beaucoup et finissent par le travail de la montagne.
Enfin, ne cessant ehaque jour de le solliciter, il nous promit que notre affaire serait décrétée à la suite oe celle concernant les privilèges des maîtres de postes; promesse vaine de sa part, espérance frivole de la nôtre. Ce décret sortit, et notre cause ne fut point agitée. Quelle justice!
La nouvelle du départ de M. de Biroû pour l'île de Corse nous servit de prétexte pour présenter au comité des finances une humble requête, pour le supplier de nous nommer un autre rapporteur.
M. de La Blache, commissaire aussi nommé pour cette' administration des postes, parut prendre quelque intérêt à nos réclamations; il nous assufâ même que cette atfairé serait décrétée à la suite de celle des messageries ; mais quelques jours après, notre fondé de pouvoirs s'étant présenté au comité des finances pour d'autres plaignants aussi peu heureux que nous, (1) M. de La Blache croyant qu'il recommandait notre cause à M. de La Fayette, assura à notre général que l'affairé dés postillons était terminée et que M. Dogny devait lui remettre le lendemain un compte très en règle.
Notre fondé, crut si fortement à cette sortie Jb^ors de prbpos qu'il écrivit àM. Dogny de vouloir bien hâter cette remise. Point de réponse.
Il écrfiit à M. de La Blache, fe 4 du présent, et lui.témoigna ses vives inquiétudes syrla lenteur qu'apportait M. Dogny dans la remise de son compte. Point de réponse. ,
Il écrivit à M. l'intendant des postes, sur le même sujet. Voici sa répçnse en date du 7 : Vous vous trompez, Monsieur, je n'ai point re-« iusé de rendre compte au comité des finances « de tout ce qui regarde les pensions des pos-« tiflons, et, je remettrai,demain à M. deLa Bla-« cbé, toutës les pièces de cette affaire, etc.T/etc. » Le 8,,je fis communiquer cette lettre à M-,de La Blacpe et lui lis demander si M- Dogny avait fait la remise de son compte. Point de réponse.
Enfin, le 16, justement indignés et soupçonnant notre avocat de nous trahir, cette accusation était trop outrageante pour 1-ih, pour qu'il la supportât un instant. If écrivit à. M. de La Blache. Point de réponse. QueJle équité !.., Tandis que, sur son rapport, il avait été pris un açrêtë par comité des finance?, JLe du même 'mois, qui renvoyait cette affaire à l'Assemblée nationale ! Hé ! qui ne pourrait pas se plaindre de ce silence ? ; -La colère et le mécontentement se giispant dans notre coeur, tout; nous devenant suspect, nous exigeâmes de notre fondé de pouvoirs de paraître le même jour au comité des finances pour s'expliquer avec M. de La BJache, en notre; présence ; \ la solution |ut l'arrêté que l'on a rapporté en titre de cette; plainte. Si elle, n'est point assez fondée^ nous prions nos juges de parcourir ce qui suit :
PREUVES CONVAINCANTES DE MALVERSATIONS.
Extrait des 'postillons pensionnés qui paraissent exister comme vivants dans le mémoire de
M. Dogny.
Amiens. — Jacques Fusillier, postillon de cette poste, mort le 17 novembre 1780, après 35 ans de services, et couvert de blessures, malgré toutes représentations faites à M. Dogny, sur son triste état, n'a reçu pour toute gratification que 24 livres, une fois payées; resté à la charge de ses parents, il est encore porté sur la liste du mémoire de M. Dogny, ainsi que ceux ci-après.
Port-Saint-Ouen. — Pierre Maneville, postillon, décédé le 27 février 1788, dans le dernier état d'indigence, n'a jamais été gratifié, que de 50 livres, après avoir servi plus de 55 ans. Son maître de poste a sollicité vainement l'appui que réclamait la vieillesse et les infirmités de ce malheureux, après avoir épuisé la recommandation des âmes sensibles, après avoir envoyé un volume de certificats à M. Dogny, rien n'a été capable de l'attendrir.
La Charité. — Guillaumart, postillon, mort le 12 mars 1778, n'a jamais touché de pension, quoiqu'il se fût fait enregistrer depuis 1772, après plus de 40 ans de services. Il est resté à la charge de son maître de poste. Cependant M. Dogny le porte comme pensionné sur la liste.,
Pont-Farcy. — Jacques Le Roquais, mort le 30 janvier 1781, n'a jamais touché que 13 livres, 11 sols, 6deniers pour toute retraite.
Orléans. — Gabriel Delarue, postillon, mort infirme, n'a point touché sa pension. Il lui est donc dû des arrérages, puisque son fils offre d'envoyer sa procuration pour les toucher.
Villejuïf. — Vienot, mort le 1 octobre 1783, a laissé sa veuve avec douze enfants, dans le dernier état de misère, sans qu'elle ait reçu.le plus faible secours.
Chartres. — Nasse, décédé le 12 juin 1789,,n'est donc pas vivant.
Meaux. — Gaspard Le Colu, décédé le 3 septembre 1783.
Nîmes.— Charrier, ce postillon est mort et n'a jamais touché de pension, quoiqu'il soit porté comme ceux-ci en dépense.
Pont-Amarque. — Bary, mort le 15 mai 1789.
Le Roulet. — Thiébault, postillon, décédé lé 29 décembre 1786.
Fromenteau. —Louis Manissié, mort en 1776.
Agen. — Lavigne, mort le,28 août 1787.
Montpellier. — Lauzier, décédé le 10 mai 1783.
Tous ces postillons paraissent exister dans les listes du mémoire de M. Dogny. Mais un objet qui paraît encore plus révoltant, c'est qu'à la réserve des huit postillons attachés à la poste de Paris, et des six pour celle de Versailles, suivant la création de cet établissement en 1772, jusques en 1780, malgré toutes les perquisitions que nous avons faites, nous ne trouvons aucun postillon pensionné depuis cette première époque, jusqu'à celle de 1780. Cependant M. Dogny a la hardiesse de nous annoncer que, suivant un bon du roi, en date du 10 décembre 1780, le nombre des postillons pensionnés était alors de 58, tandis que l'on n'en connaît que 14, dont il ne donne non plus les noms ni la demeure que des 44. Quelle raison pourrait le dispenser de cette première liste qui
confirmerait la vérité du bon du roi du 12 mai 1772
Sui ne paraît exister que dans son imagination ?
u'il nous représente donc ce bon original, ainsi que la liste des 58 pensionnés existants, parcelui du 10 décembre 1780, et nous l'en croirons.
Preuve de l'existence du bon du
Suivant la copie de la lettre de M. le -ci-devant baron Dogny aux maîtres des postes de Paris et de Versailles en 1771, il est écrit que les retenues du tiers des petites guides faites aux postillons de ces deux postes seront applicables en gratifications « annuelles de 100 livres chacune, au « profit de ceux qui, malheureusement blessés « dans le cours de leurs services, se trouveraient « hors d'état de le continuer, ou qui, ayant ac-« guis le droit de demander leur retraite par « 25 années de service, se trouveraient le désirer. « Cet arrangement, en donnant de l'émulation à « vos postillons vous donnera la facilité de vous « attacher encore de meilleurs sujets, etc., etc. »
Cette lettre n'annonce certainement pas que le bon du 12 mai 1772 assujettisse les postillons de, Paris et Versailles à faire aux autres postillons du royaume une retraite prise sur le tiers de leurs salaires. Ce moyen n'eût pas été celui de s'attacher de meilleurs sujets.
Si l'on veut rapprocher tous les faits supposés dans le mémoire de M. Dogny, on sera forcé de convenir qu'il ne paraît avoir exista que 14 postillons pensionnés depuis 1772 à 1780; que sept ans et demi d'une retenue de 6,000 livres par an a donné un capital en recette de 45,000 livres et que l'acquit de ces 14 retraites à 100 livres chacune n'ont dû produire qu'une dépense de 10,500 livres. Or, la différence de la recette à la dépense est de 34,500 livres, premier objet de restitution.
Et, en partant toujours d'après ces principes, il annonce que, suivant le bon du roi en date du 26 septembre 1779, les pensions ont été portées à 150 livres pour les postillons de Paris et Versailles. Neuf années et demi de pensions à 2,100 livres par an, formeraient une dépense de 19,950 livres, et la recette par an de 6,000 livres pendant le même temps formérait un total de 57,000 livres, ce qui opère une deuxième différence de 37,050 livres; Second objet de restitution qui, jointe à la première, suivant M. Dogny, le rend comptable, envers les postillons de Paris et> Versailles, d'une somme de 71,550 livres, ce qui diffère de leur demande en plus de 4,125 livres*
Si MM. Dogny sont jaloux de conserver uue réputation à laquelle ils paraissent si peu attachés* ils doivent prouver, sur pièces justificatives, aux postillons que leur demande en reddition de compte est illusoire.
D'après cet exposé sincère, les postillons réitèrent leur prière à l'auguste Assemblée, afin qu'elle daigne ordonner que le rapport de cette affaire lui soit fait d'après l'examen des pièces qu'ils ont pris la respectueuse liberté de lui adresser les 7 septembre et février derniers. Ils doivent espérer des représentants du peuple français, non pas cette grâce, mais cette justice.
PouRRAT, fondé de pouvoirs pour les pos tillons, hôtel de Malte, place Baudoyer.
A Paris, le... juillet 179Q.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Plan général d'organisation de l'armée, arrêté par le roi le 7 juillet 1790 (1), imprimé par ordre
de l'Assemblée nationale.
N° Ie
Tableau général de ta formation de Varmée, d'après le plan adopté par le roi le 7 juillet 1790.
État-major de Varmée.
Officiers généraux.........
Adjudants................
Commissaires des guerres.
Infanterie.
46 régiments français, 11 régiments suisses..
Cavalerie et dragons.
18 régiments de cavalerie, à. 12 régiments de dragons.....
Légion».
12 légions.
Artillerie.
7 régiments.............
7 compagnies d'ouvriers. Services des places.....
Génie.
Corps royal du génie.....
FORMATION DES RÉGIMENTS.
officiers.
121 66
40 40
85
91 4 99
320
SOLDATS.
1,916 973
404
1,083 77
540
cavaliers,
dragons et
chasseurs.
601 601
967
total.
Total de la force armée.
2,037 1,039
TOTAL POUR CHAQUE ARME.
officiers.
94 148 80
6,292
641 641
1,456
1,174 81
! «.
200
1,020
764
320
9,918
soldats.
98,839
4,848
.120
540
112,347 151,899
cavaliers,
dragons et
chasseurs.
18,030
11,604
29,634
(1) Ce document n'a pas été inséré au Moniteur.
N° II.
ETAT-MAJOR
de l'armée.
ÉTAT GÉNÉRAL DE LA DÉPENSE DE L'ÉTAT-MAJOR DE L'ARMÉE.
30 60
94
12 12
28
120
13
20 47
80
Officiers.
Généraux d'armée, à..........^ r>. ■ ■ .......».......................... •...
Lieutenants généraux à....................................................
Maréchaux de camp, à....................................................
Adjudants.
Adjudants généraux d'armée, à.............................................
Adjudants généraux de division, colonels, à.....................,.........
Adjudants lieutenants-colonels, à...........................................
Aides de camp des officiers généraux, à ....................................
Commissaires des guerres,
Commissaires ordonnateurs, à.................................... 8,000 liv
Frais de bureaux et de voyages...........■...................... 2,000 »
Commissaires de première classe, à.........................................
Commissaires de seconde classe, à..........................................
lirres.
40,000 20,000 12,000
8,000 6,000 4,000
1,800
10,000
3,000 4,000
ToTAL .de la dépense de l'Etat-major de l'armée.
livres.
160,000 600,000 720,000
32,000 72,000 48,000
130,000
100,000 188,000
livres.
1,480,000
132,000
216,000
418,000
2,266,000
Nos III et IV.
Formation d'un régiment d'infanterie française, d'après le plan adopté par le roi.
État-major.
Colonel....................1
Premier lieutenant-colonel. 1
Second lieutenant-colonel'.' 1
Troisième lieuten.-colonel. 1
Quartier-maître-trésorier.. 1
Adjudants-majors.,............2
Petit .état major.
Adjudants...,........4
Tambour-major...........1
Musiciens.....................8
Ouvriers................................3
Quatre bataillons, dont les trois premiers composés chacun de six compagnies, dont.
(1
16
de grenadiers. 1 de chasseurs» 8 de fusiliers.
Le quatrième composé de bait compagnies de fusiliers.
Formation de chaque compagnie.
Capitaine Lieutenant.......
Sous-lieutenant..
Sergent-major. Sérgents..... Caporal-fourrieï
Caporaux......
Tambour.......
Grenadiers, chasseu
s ou
fusiliers............... 39
50
résultat.
121 officiers. 1,916 soldats.
Et pour 46 régiments d'infanterie.
5,566 officiers. 88,136 soldats.
El AT de la dépense d'un régiment cCinfanterie française, composé de quatre bataillons.
DÉNOMINATION DES GRADES.
Colonel.................
Ie'" lieuténant-colonél.... 2e lieutenant-colonel 3e lieutenant-colonel.... Quartier-maître trésorier Adjudants-majors......
Officiers,
Hommes de l'état-major..........
5 places de fourrages des officiers supérieurs
'lre classe......
2® — ......
Capitaines de...............^3° — .....
15e —
Lieutenants......
Sous-lieutenants.
Adjudants......
Tambour-major.
Musiciens......
Ouvriers.......
Compagnle.de grenadiers ........
[Sergent-major...
lîjergents.......
ICapo,r.al-fourrier
iCaporaux.......
/Tambour........
'Grenadiers.....
Compagnie de chasseurs..
Et pour les deux autres compagnies, à.
Sergent-major.........................
Sergents..............................
Caporal-fourrier........................
Caporaux..............................
Tambour..............................
Chasseurs...................«.........
Et pour les deux autres compagnies, à.
Sergent-major........................
Sergents .............................
Compagnie de fu-lCaporal-fourrier........*.............
siliers.........^Caporaux..............................
Tambour..............................
Fusiliers.............................
Et pour les trente-une autres compagnies, à..
w os
CQ
s o s
16
1 6 1
39
50
1 2 1 6 1
39
50
1 2 1 6 1
39
50
4 6 10 10 8 38 38
121
PAYE
par an.
livres.
6,000 ' 4,400 4,000 3,600 1,400 1,200
270 2,700 2,400 2,200 1,700 1,500 1,000 800
600 327 237 135
,562 336 270 216 198 180 144
5,076 327 261 207 189 171 135
7,626
MONTANT
par crade.
livres.
6,000 4,400 4,000 3,600 1,400 2,400
345 3'j
297 D9ï
225 225
207 1,242
189 189
153 5,967
1,350 10,800 14,400 22,000 17,000 12,000 38,000 30,400
2,400 \
327 (
1,896 > 405
TOTAL.
livres.
25,150
TOTAL
général.
livres.
167,750
144,600
5,028
8,562
17,124
,076
298,974
16,152
7,626
236,406
Total des appointements et solde d'un régiment d'infanterie française, pour une année.
466,724
De l'autre part, la solde et les appointements sont de......................466,724 livres.
Masse de boulangerie, à 48 livres par homme, pour 1,912.................... 91,776 livres.)
- générale, à 34 - - 1,916......................... 65,144 - } 222,064
— des hôpitaux, lits, etc. à 34 — — 1,916......................... 63,144 — )
Total de la dépense d'un régiment par an..............................688,788 livres.
RÉCAPITULATION.
Les 46 régiments d'infanterie française, à 688,788 livres l'un....................................................................................31,684,248 livres.
Les 11 régiments suisses coûtent ensemble.................................................................S,693,789
TOTAL................................. 37,378,037* livres.
Nota. Voyez, pour les Suisses, les états précédents remis au comité militaire.
V.
Formation d'un régiment de cavalerie et dragons, d'après le plan adopté par le roi.
État-major
Colonel.............1
Lieutenants-colonels. Quartier-maître......2
Petit état-major...........................1
( Adjudants..................................... 2
Montés. Trompette-major...,.......................... 1
( Maître-maréchal............................... 1
Maître sellier....................................................................1
Maître tailleur..................................................................1
A pied. { Maître armurier.......................................1
Maître bottier..........................................1
Maître culottier........................................1
Quatre escadrons, composés chacun de deux compagnies.
Formation des compagnies.
Capitaine........1
Lieutenant.......1
Sous-lieutenants........................2
Plus, un capitaine-lieutenant par escadron.
Maréchal-des-logis en chef............................................1
Maréchaux-des-logis ordinaires..................................2
Fourrier-brigadier..............................................................................1
Brigadiers...................................................................8
Cavaliers dont 57 montés et 4 à pied.................................61
Trompette............................................................................................1
74
Résultat.
Par régiment.
4 officiers.
601 cavaliers ou dragons.j "g
18 régiments de cavalerie.
720 officiers. 10,818 cavaliers.
12 régiments de dragons
( 480 officiers. i 7,212 dragons.
Dépenses d'un régiment de cavalerie.
OFFICIERS.
Etat-major.
Compagnie.
Colonel..................
2 lieutenants-colonels.... Quartier-maître-trésorier,
12 capitaines.
w
es ta S o z
Lieutenants.....
Sous-lieutenants.
Petit état-major.
Fourrage^ de 55 dhéVaux d'officiel, à' 270 livrés l'un...........................................
Total de la dépense des officiers.
Adjudants.......
Trompette-major. Maître maréchal.. Maître sellier..., Maître tailleur... Maître armurier. Maître bottier... Maître culottier.
Compagnie.
Maréchal-des-logis en chef ;... Maréchaux-des-logis ordinaires
Fourrier-brigadier.....
Brigadiers................;...
Cavaliers.....................
Trompette....................
Et pour les 7 autres compagnies, à 12,852 livres. Chevaux de troupes, à 270 livres l'un..........
Total de la solde d'un régiment, pour 360 jours.-.-.. ............
Boulangerie, à 48 livres par homme, pour 599
Masses,
564, 37, 601.
TOTAL de la dépense, par an, d'un régiment de cavalerie.
.4. 8 16
40
1 2 ' 1 8 61 1"
74
PAYE
par an.
livres. 6,000 4,400 4,000 1,400 2,800 2,200 1,600 1,100 800
600 345 600 321 159 159 159 159
345
309,
243
207
219
291
MONTANT par grade.
livres. 6-,000 4,400 4,000 1,400 11,200 -8-,800 6,400 8,800 12,800
1,200 345 600 • 321 159 159 159 159
345 618 243 1,656 9,699 291
TOTAL.
28,752 69,936 1,850 20,434
15,800
48,000
14,850
78,650
3,102
12j852
89,964 152,280
336,848
120,972
457,820
Et pour les 18 régiments de cavalerie, à 437,820 l'un...'.............................. 8,240,760 livres.
Dépense d'un régiment de] dragons.
OFFICIERS.
Etat-major.
Compagnie.
Compagnie.
Colonel..................
2 lieutenants-colonels..., Quartier-maître trésorier.
Petit état-mtjor,......'
12 capitaines,
Lieutenants......
Sous-lie atenants.
Fourrages de 85 chevaux d'officiers, à 270 livres l'an...........................................
Total de la dépense des officiers.
DRAGONS.
Adjudants.......
Trompette-major. Maître maréchal.. Maître sellier.... Maître tailleur... Maître armurier . Maître bottier... \ Maître culottier..
Maréchal-des-logis en chef.... Maréchaux-des-logis ordinaires
Fourrier-brigadier.............
Brigadiers....................
Dragons......................
Trompette.......
Et pour les 7 autres compagnies, à 12,486 livres. 564 chevaux de troupes, a 270 livres l'ua.........
Total de la solde d'un régiment pour 360 jours.............................
Masses,
Boulangerie, à 48 livres par homme, pour 599..... i&n/SMik j à 416-livres par homme monté, pour 564. } • eraie'| à 44 livres par homme à pied, pour 37. ' Hôpitaux, lit», etc., 34 livres par homme, pour 601.
Total de la dépense, par an, d'un régiment de dragons.
«
2 eo S
o »
16
40
1 2 1 8 61 1
PAYE
par an.
livres. 6,000 4,400 4,000 1,400 2,800 2,200 1,600 1,100 800
600 345 600 321 153 153 153 153
345 309 243 207 153 291
MONTANT par
grade.
livres. 6,000 4,400 4,000 1,400 11,200 8,800 6,400 8,800 12,800
1,200 345 600 321 153 153 153 153
345 618 243 1,656 9,333 291
28,752 \ 65,424 ! 116 ■ 1,628 20,434
Et pour 12 régiments de dragons, à 450,134 livres l'on...,,.,,........................ 5,401,608 livres.
Jï» VI.
Formation d'une légion, d'après le plan adopté par le roi.
ÉTAT-MAJOR JGÉNÉRAL.
1 colonel.
infanterie.
Lieutenant-colonel.......1
Quartier-maître trésorier..1
Adjudant. Ouvriers..
Huit compagnies.
Capitaine........................................ 1
Lieutenant...................................... 1
Sous-lieutenant....................... » • «......« 1
Sergent-major............................................1
Sergents...'..............................................................2
Caporal-fourrier..................................1
Caporaux..............................................................................6
Cornette........................................ 1
Chasseurs.................»................................39
50
cavjxirie.
Lieutenants-colonels.....
Quartier-mattre trésorier.
Adjudants.......................................................3
Trompette-major.......................................................1
Maître maréchal........................................................1
Maître sellier..............................................1
Maître bottier..........................................................1
Doute compagnies en six escadrons.
Capitaine..............................................................................1
Lieutenant.......................................................1
Sous-lieutenants.........................................2
Maréchal-des-logis en chef..........1
Maréchaux-des-logis ordinaires......2
Brigadier-fourrier...................1
Brigadiers..............-...........8
Chasseurs, dont........{ i®J Ç^JJ;67/
Trompette..........................1
Plus, 1 capitaine-lieutenant par escadron.
80
RÉCAPITULATION.
OFFICIERS. CHASSEURS à PIED. ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL. OFFICIERS. CHASSEURS
MONTÉS. A PIED.
26 404 4 58 917 50
Officiers.................................... 85
Chasseurs...........................y...... 4,371
Et pour légions
Officiers.................................... 1,020
Chasseurs.,..,..,........................... 16,452
Dépense d'Une légion.
1790.]
OFFICIERS.
i État-màjor gé-I néral.......
i
Idem, de' rifa-fantërîë.. V..
Colonel.
'Premier lieutenant-colonel. Quartier-maître trésorier...
PAYE
h «S
CQ
© pa.r an K
Idem, de cava-( lerie........
Lieutenants-colonels. Quartier-maître, trésorier.
en 1er, en 2® , en 3® ,
Officiers;....
[Capitaines de.
Compagnies;
d'infanterie., lieutenants.....
Sous-lieutenants
fi™ classe. \2® — . 3® — .
M® — .
15® - .
(lr* classe..f
iC9Pitainps,dp'.\".....\2® — ...
agnias/. \3° — ...
Compag de cavalerie.
'd'Infanterie...
Hommes de • l'état-major.'
Lieutenants. Sous-lieutenants.
Fourrages de 81 chevaux d'officiers, à 270 livres l'un...............
Adjudants, Ouvriers..,
i Adjudants........
Trompette-major Maître maréchal.. Maître sellier.... Maître bottier....
I d'Infanterie..
Sergent-major....
Sergents.,.......
Caporal-fourrier.
Caporaux........
Cornette.........
Chasseurs.......
Compagnies...
ide cavalerie.
Et pour 7 autres compagnies,
) 8,076 livres............... ...
Maréchal-des-logis en chef......
Maréchaux-des-logis ordinaires...
Brigadier-fourrier...........i...
Brigadiers......................
Trompette..................i...
Chasseurs.......................
6 6 12 24
54
1 2 1 6 1
39
50
1 2 1 8 1
67
Et pour 11 autres compagnies, à
13,404 livres..............J......
917 chevaux de troupes, à 270 livres 1>un..........................
Boulangerie, à 48 livres par hom1?6» pour...........................
Générale pour l'infanterie, à 34 »?'« P,a„r homme, pour..............
— pour la cavalerie montée, à 116 livres par homme, pour....
— — à pied» à 44 livres par homme, pour......
Hôpitaux, lits, etc., à 34 livres par homme, pour....................
Tôtal de la dépense d'une légion
livres.
'4,400 1,200
4,400 4,000 3,600 1,400
2,700 2,400 2,200 1,700 1,500 1,000 800
2,§00
1,600 1,100 800
600 •144
600 345 600 321 153
336 270 216 198 180 144
MONTANT
des grades.
livres.
TOTAL.
4:400• 1,200'
4,400 Î 4,000 l 3,600 1,400
2,700 2,400 4,400 3,400 3,000 8,000 ;6,400
.4Q,80Q.. .13,200 9V60Ô 13,200' 19,200
345 309 243 207 291 153
600 432
l.gOO " 345 ' 6 00 321 153
336 540 216 1,188 180 5,616
345 618 243 1,656 291 10,251
livres. 6,000
5,600
13,400
1,367 404 917 50 1,371
8,076
56,532
13,404
147,444
65,616 13,736 706,372 2,200 46,614
30,300
; '72,000
1,032
3,219
TOTAL
général.
livres.
127,300
21,870
149,170
229,707
247,590 234,538
861,050
Et pour douze légions, à 861,005 livres l'une......................................... 10,332,060
N° VII.
Formation du corps royal de l'artillerie, d'après le plan adopté par le roi.
„ . . . , . ( Lieutenants généraux,..........................
6 inspecteurs généraux, dont....,...................Maréchaux d| ................................
N. B. Ces officiers généraux feront partie de ceux de la ligne.
Commandants d'artillerie.».................................... .....................12
Colonels-directeurs........................................................................................../ 16
Lieutenants-colonels employés dans les places, forges, etc........... ................................................41
Capitaines en premier, sans avancement, employés dans les places, forges, etc,*,»..».*..>•.-..•»,•........... 30
99
Elèves......................................... 42
Régiments............7
Compagnies d'ouvriers......................7
Formation d'un régiment.
État-major.
Colonel...............1...........................1
Lieutenants-colonels....!...............................................4
Premier officier-major.........................................1
Quartier-maître trésorier.................«............1.
Officiers-majors..:............................................................4
Tambour-major. Mattre tailleur.. Maître armurier.
11
Vingt compagnies de canonniers, composées chacune de :
Capitaine en premier........................... 1
Capitaine en second......................................................1
Lieutenant en premier ..........................................1
Lieutenant en second.......................... 1
Sergentrmaj or............................1
Fourrier......................................., 1
Sergents........................,....'.......'.. 3
Caporaux............................................................................J»
Maîtres canonniers....................................................20
Apprentis.........................................24
Tambour...................................................1
54
COMPLET D'UN RÉGIMENT D'ÀRTILLERIE.
Officiers. .......:.....;..____............:ï.. 91
Canonniers...................................1,083
( Officiers . ..... ............,.....,.,..,,..... 637
Et pour 7 régiments, dont..............................j canonniers.*...'.................................... 7>581
Formation des compagnies d'ouvriers.
Capitaine en premier..................................1
Capitaine en second............................
Lieutenant en premier..............................1
Lieutenant en second..............................1
4
Et pour 7 compagnies.
Sergent-major.......................................1
Sergents et fourrier.......................................5
Caporaux......................................
Maîtres ouvriers..........................................20
Ouvriers de seconde classe....2.................15
Apprentis........»..........................................................30
Tambour............................................................................1
77
Officiers............................................ 28
Ouvriers.................................................539
ÉTAT d'appointements des officiers employés pour le service des places.
6 inspecteurs-généraux payés à la ligne. Commandants d'artillerie.
Colonels-directeurs..........................
Lieutenants-colonels............W&ïà&^jK
Capitaines sans avancement.,. Elèves.,.....................
NOMBRE.
12 6 10 25 16 30 42
141
Total de la dépense par an des officiers d'artillerie, au service des places.
PAYE
par an.
livres.
9,000 6,000 5,000 4,000 3,600 1,800 600
ÉTAT de la dépense, par an, d'un régiment d'artillerie.
DÉNOMINATION DES GRADES.
Officiers,
/Colonel....................
Traitement ..................
Premier lieutenant-colonel.., Second lieutenant-colonel..., Troisième lieutenant-colonel.. Quatrième lieutenant-colonel,
A djuda n t-maj or...............
JOÏÏi ci er-majo r................
'Quartier-maître trésorier......
(Capitaines en premier.
[Capitaines en second..;
Lieutenants en premier. [Lieutenants en second.
(lre clas .2° —
(3e -—
• 2« —
classe,..........
Hommes de l'état— major........
6 places de fourrages aux officiers supérieurs, à 270.
Tambour-maj or.........."....'.....'.'...... .....'..'..
Maîtres tailleur etr armurier.'..'.......'..'..........
Compagnie.
I Sergent-ma j or.......................................
[Fourrier..................... .......................
lSergents............................................
ICaporaux............................................
iMaîtres canonniers....................................
/Apprentis.......................................
[Tambour.......................................
^Supplément de solde à deux ouvriers et deux artificiers.
Et'pour les 19 autres compagnies à 10,908 livres, l'une. Total 4e la-solde d'un ré-grment d'artillerie.......
NOMBRE.
7 7 10 10 20 20
91
• 3
1 1
3
4 20 24
1
54
PAYE
par an.
livres. 6,000 1,200 4,400. 4,400 3,600 3,600 1,800 950 1,500 2,900. 2,600 2,400 1,800 1,500 1,100 950
420 144
561 396 396 285 195 144 195 18
TOTAL
par grade.
livres.
7,200
4,400 4,000 3,600 3,600 1,800 3,800 1,500 17,400 18,200 16,800 18,000 15,000 22,000 19,000
1,620 420 288
561 396 1,188 1,140 3,900 3,456 195 72
Masses.
(Boulangerie, à 48 livres par homme, pour 1,083................................. 51,984
- Générale, à 44 livres.......................................................... 47,652
Hôpitaux, lits, etc., à 34 livres................................................. 36,822,
Total de là dépense, par an, d'un régiment d'artillerie............
Et pour 7 régiments à 513,246 livres, l'un....................... 3,592,722 livres.
ÉTAT de la dépense des sept compagnies à? ouvrier s.
DÉNOMINATION DES GRADES.
'Capitaines en premier.
Officiers.
/Capitaines en second...,
^Lieutenants en premier, (Lieutenants en second.(
lre classe.
2° — . _
2e — !
Compagnie.
[ Sergent-major..,
[ Fourrier.........
^Sergents.........
ICaporaux........
^Maîtres ouvriers. iSeconds ouvriers
[Apprentis........
vTambour.........
Masses.
Et pour les 6 autres compagnies à 20,196 livres l'une.
Total de la solde des 7 compagnies d'ouvriers.
NOMBRE.
1 1
4
5 20 15 30
1
77
Boulangerie, à 48 livres, par an, par homme, pour........
Générale, à 44 livres, par an, par homme, pour...........
Hôpitaux, lits, etc., à 34 livres, par an, par homme, pour.
Total de la dépense des 7 compagnies d'ouvriers.
RECAPITULATION.
Officiers pour le service des places.......
7 régiments d'artillerie...................
7 compagnies d'ouvriers..................
Totaux
PAYE
far an.
livres. 2,900 2,600 1,800 1,500 1,100 950
681 396 396 348 294 240' 204 195
539 539 539
MONTANT
par crade.
livres. 5,800 13,000 5,400 6,000 7,700 6,650
TOTAL
GÉNÉRAL.
livres.
44,550
681 396 1,584 1,740 5,880 3,600 6,120 195
20,196
25,872 23,716 18,326
121,176
185,922
67,914
253,836
NOMBRE.
OFFICIERS.
99 647 28
764
soldats.
7,581 539
8,120
8,6
TOTAL
des sommes.
livres. 430,800 3,592,722-253,836
4,277,358
N° VIII.
CORPS ROYAL DU GÉNIE. Formation et dépenses du corps.
4 Inspecteurs généraux payés à la ligne.
Commandants.. Colonels de la
Lieutenants-colonels de la
( lre classe. ( 2e classe. lre classe, 2e classe. lre classe. 2e classe.
Capitaines de la.........{ 3e clàfcse.
4e classe. Se classe.
Lieutenants............
Elèves sous-lieutenants. Dépenses de l'école.....
NOMBRE.
9 6 12 18 18 20 30 30, 30-.40. 87 10
APPOINTEMENTS.
Livres.
9.000 1 6.000 5.000 4.000 3.600 2.900 2.600 2.400 1.800 1.500 .1.100 800
TOTAL de la
DÉPENSE.
Livres.
81.000 36.000 60.000 72.000 64.800 58.000 78.000 72.000 54.000 60.000 95.700 8.000 18.000
757.500
Mineurs.
1 capitaine en 1 capitaine en 1 lieutenant 1 lieutenant en second
en 1er. )
en 2e. > >•••••• /
Payés. des ci-dessus..
fonds
Compagnie.
Sergent-major...........
Sergents et fourriers....
Caporaux...... .........
lreclasse.
Mineurs de la Tambour.....
2« classe.
NOMBRE.
4 20 24 1
54
SOLDE.
Livres.
950
561 396 285 213 -162 195
MASSES.
Livres.
126 126 126 126 126 126
TOTAL
par HOMME.
Livres.
950
687 522 411 339 288 321
TOTAL par
GRADE.
Livres.
950
687 2.088 1 644 6.780 6.912 321
TOTAL
général.
Livres.
19.382
19.382
Et pour les 9 autres compagnies à 19,382 livres.
Total de la dépense par an du corps royal du génie et des mineurs.
174.438
951.320
N° IX.
ÉTAT général des dépenses accessoires du département de la guerre.
Sommes.
Etapes, convois militaires et rassemblements annuels..............................................................................................................1,500,000 1.
Etats-majors des places réduits à...........................................................................800,000
Travaux de l'artillerie.....................................................'.................................3,000,000
Travaux du génie et bâtiments militaires....................................................................................................................................2,400,000
Frais d'administration du département de la guerre.................................................................................1,500,000
Invalides et récompenses militaires..........................................................................................5,326,000
Connétablie et maréchaussée.................................................................................................................................................4,778,000
Total des dépenses accessoires............................. 19,304,000 I.
Les détails relatifs aux dépenses ci-dessus ont été remis au comité militaire, le 20 juin 1790.
N° X.
ETAT général de la dépense qui résultera de la formation de Varmée, adoptée par le roi,
le 7 juillet 1790.
NUMEROS des états.
État-major général.
Infanterie de ligne.
46 régiments d'infanterie française, à 688,788 liv......................... ... 31,684,248 1
11 régiments suisses, ensemble.
,693,789
Troupes à cheval.
18 régiments de cavalerie, à 457,820 liv..................................... 8,240,760 1.
12 régiments de dragons, à 450,134 liv..................................... 5,401,608
Troupes légères.
12 légions, à 861,005 liv.
Artillerie.
Corps-royal de l'artillerie.
Génie.
Corps royal du génie.
Total des appointements, solde et masses.....................
Dépenses accessoires suivant les états adressés au comité militaire, le 20 juin 1790, ci.....
SOMMES.
2,266,000 1. 37,378,037
13,642,368
10,332,060 4,277,358 951,320
68,847,143 19,304,000
Total de la dépense du département de la guerre.
3,151,143 1.
l'e SÉRIE. T. XVII.
3
INSTRUCTION DU COMITÉ DE MENDICITÉ
A Messieurs les administrateurs des départements (1).
Le bien de l'humanité et l'intérêt de l'ordre public exigent également l'extinction de la mendicité ; mais avant de l'entreprendre, il est essentiel de connaître l'étendue du mal auquel il s'agit de remédier. Il est donc nécessaire d'ac-çpïéfir, à cet égard, des connaissances précises. MM. les administrateurs des départements à qui cet objet important est singulièrement confié, travailleront certainement de tout leur pouvoir à acquérir ces connaissances et à les communiquer au comité de mendicité.
Le comité pense qu'il serait injuste de promulguer, comme on l'a fait jusqu'à présent, la défense de mendier, avant d'avoir pourvu aux besoins indispensables de ceux que la vieillesse, l'infirmité ou la faiblesse de l'âge mettent hors d'état de gagner leur vie, et avant de s'être assuré que le travail est en proportion des hommes à qui il est nécessaire pour subsister; mais, d'un autre côté, il serait aussi injuste qu'impo-litique, de prodiguer, sans nécessité, des secours qui accroîtraient âtec indiscrétion la Charge publique, et nuiraient d'une double manière à la société, en encourageant la fainéantise et propageant tous les maux qui en sont la suite.
C'est pour parvenir à une connaissance aussi positive qu'il sera, possible des besoins, que le comité de mendicité s'adresse à MM. les administrateurs des départements : il les prie donc de faire passer, par MM. les administrateurs de district, à chacun des chefs-lieux de canton de leur district, des tableaux conformes au modèle ci-joint (2) d.'engager MM. les officiers municipaux de leur cantori, par chaque chef-lieu, à se réunir avec les maires et officiers municipaux desdits cantons, à l'effet de remplir contradictoirement ledit tableau. Il est nécessaire que MM. les administrateurs s'assurent de l'exactitude des informations qu'ils voudront bien transmettre. Le comité de mendicité réclame cette surveillance avec d'autant pliïS diastance, que les états faits jusqu'à présent par ïetë bureaux de charité ou autres institutions de cette espèce, ont été évidemment exagérés, qu'il est impossible de leur donner confiance.
L'économie des finances,la tranquillité publique et le bonheur général reposent sur la scrupuleuse exactitude des renseignements que fourniront les départements.
Fait au comité, le 9 juillet 1790. Signé : Lian-Courtj, président; Bonnefoi, secrétaire.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture dut procès-verbal de la séance du jeudi au soif.
Ce procès-verbal est adopté
(de Nemours)> secrétaire, donne lecture d une déclaration solennelle de patriotisme et de civisme, signée par tous les membres de la société des amis de la constitution, établie à Beaune. — L'Assemblée ordonne que cette déclaration sera ingérée dans son procès-verbal. Elle est ainsi conçue :
« Nous soussignés, membres de la société des amis de la constitution, établie à Beaune, pénétrés d'admiration et de respect pour les travaux | de l'auguste Assemblée nationale, déclarons, devant l'Etre Suprême, que nous adhérons de cœur et d'esprit aux décrets émanés de sa sagesse, et jurons tous de conserver, au péril de notre vie, et dans toute son intégrité, ce dépôt sacré qui est et sera à jamais le gage de notre liberté ; chargeons, en conséquence, ceux de nos députés à la confédération de Paris, de prier nos vertueux représentants d'agréer notre adhésion et notre respectueuse reconnaissance pour le plus beau monument qu'ait conçu l'esprit humain.
Signé: Mausoux, président; Vinceneux,père; Boruta ; Bollenot ; Bernard ; Mathieu ; Labaume, l'aîné ; Poigné, fils ; Moyne ; Guinet ; Vinceneux, fils ; Demoisi ; Masson, notaire ; Bouchard ; Voillot, fils; Viard; Deroye, notaire; Moyne-Blandin; Gollard, avocat; Moulot ; Duc; J. Jardet; Masson-Rougeot, père ; Baisaud ; Missorcy; Girard ; Monnot, prêtre-secrétaire ; Girardin ; Fausset ; Fôrest ; Ancêmë, avocat ; Voillot, premier officier municipal ; Bouchot, secrétaire; Le Flaive ; Verry ; Corandey.
, secrétaire-, fait ledure d'une note de M. le garde des sceaux, portant que le roi & sanctiortôé le décret du 27 juin, qui statue que les pensionnaires, sans exception, toucheront les arrérages de leurs pensions jusqu'au 31 décembre 1789, et d'une autre note semblable ainsi conçue :
Expéditions en parchemin pour être déposées dans les archives de fAssemblée nationale.
« 1° De lettres patentes sur le décret du 26 juin, interprétatif des décrets précédents, concernant les prés soumis à la vaine pâture ;
« 2° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui règle provisoirement les cas où les députés à l'Assemblée nationale peuvent être arrêtés, et la forme des procédures à faire contre etiX;
« 3° De lettre» patentes sur le décret des 28 el 30 du même mois, pour mettre les nouveaux
corps administratifs en activité ;
continué et fait ie'ètUrê d'titië lettre des offlclëitë ÉtiUnîëiflaUx de lai vîlte dd Havre ; ils annoncent à l'Assemblée tonnent emprisonné un, soldat dénoncé comme un des auteurs des troublés dëTabago.
Cette affaire est renvoyée au pouvoir exécutif.
ahnotlce que M. Luckfier demande à être admis à la barre pour témoigner sa reconnaiss&flce â l'^ssènîblëë de l'exception qu'elle a bîeû voulu faire en sâ faveur dans le décret de réduction sur lés tensions.
L'Assemblée décide que M. Luckner sera admis.
annoncé encore que M. Paul Jones, âvéc plusieurs citoyens dès Etats-Unis d'Amérique, demandent également à être admis à la fédération.
t est chargé de leur répondre, au nom' de l'Assemblée, quelle les verra avec plaisir à! cette cérémonie.
fait lecture d'une lettré par laquelle on lui annonce que Je régiment dé Koyaï-Màrînë, dont îë côlôrièfëst M. Merle1 (ci-devant marquis d'Ambert), passant par Gler-moUt, pouf aîlep à l'îlë d'Oleron, s'est plaint de sori déplacèàienf el dés mauvais traitements qu'on lu! faisait sdrùffrir* Un soldat, ayant vingt-six ans de services, a éu fës cfieyeux et les oreilles coupés* pour avoir ait qu'il ûé tirerait pas sur la nâtion* M. dé Biâuzàt annonce qu'il n'a aucune pFeove légale de ces faits, mais qûe, vu leur importance, il demande^ le renvoi de sa lettre au comité militaire, pour qu'il prenne les informations nécessaires.
L'Assemblée adopte* cette proposition.
j'aÀ fait, il y a quatre mois* une motïon pour faire restituer aux non-rcatholiques fugitifs, les biens qui leur ont été ravis et mis en régie : la restitution de ces-biens est un devoir pour les légisfaiteurs. Un siècle de misère- éï (Topprpbre sont à vos yeux dés titres, qui, réunis à la justice, ne peuvent être rejeté^ voici, en conséquence, le projet de décret que j'ai l'honneur de vous proposer au nom du comité des domaines i À
« L'Assemblée nationale décrète que les bien» des non-catholiques qui se trouvent encore aujourd'hui! entre les mains des fermiers de la régie des biens des religiarmaires, sero#t reodus aux héritiers, successeurs, ou ayants droit des fugitifs^ à charge par eux d'en justifier aux termes et selon les formes que l'Assemblée nationale aura décrétés, après avoir entendu, à ce sujet, l'avis de son comité des domaines.- »
(de Nemours). Il a été rend», en 178?, une loi qui remet les non-catholiques en possession de leurs biens, et ces biens leur ont été restitués aussitôt qu'ils se sont présentés avec dés" titres talablfeS.
J'observe qu'il y a pour les
biens dêsJ rëligionnaires fugitifs une loi en tiguéùr. Pendant que j'étais député des Etats d'Artois à la cour, en 1786, j'ai fait rendre, parla réglé, des biens de réligionnaires.
M. Dupont a fait erreur sur Fédit de 1787 qui ne renferme pôint restitution des biens des réligionnaireSf mais annonce simple* ment une loi à cet égard.
.fttjoUtë une' iùotion au projet de décret qui VoUS est proposé, jc'ést que les âdmi-nisirâféufs dès économats soient tenus de reùdre incessamment leurs comptes.
met aùx voix le. projet de décrét dé M. de Marsanne : il est adopté.
fait part â l'Asseriîbléé d'une réclamation que Itii adressé M. de Mâzièrè, associé dé la maison de We&tphàléh,, du Havre, aji sujet d'un emprisonnelUëdt vioiënt i a été fait de sa personne à Bruxelles, sans qu'il ait pu savoir encore, q6toi que quelques jours se soient écoulés depuis sa détection, quelles causés ou quels prétextes lai ont attiré cet ÔUtrage.
L'Assemblée charge soû président de réGom-mander cette réclamation au roi.
, membre du comité des finafices, présente le projet de décret suivant qui est adopté sans discussion, ainsi qu'il Suit :
L'Assemblée nationale, Sur lé rapport de son' comité des finances,' informée des fëntatrves qae font des gens maliaientiônfnés pour empêche? lë recouvrement des deniers publics, ét éxcitër deS insurrections etf abusant de la crédulité dfeS habitants des eampagnès, notamment qtt'&tt lieà d'Eglise-Neuve-dé-Liard, district et département de Puy-de-Dôme, On avait persuadé1 aUX contribuables qu'ils né devaient payer qUé1 5 sofô dè toutes tailles, a décrété ét décfètë: « 1° QUe lés rôles dé taillés, rédigés par le^ Officiers municipaux et notables déta dite éommuné' seront exécutés et mis en recouvrement par' ïôé consuls ou collecteurs, sauf aux particuliers qUi sé prétendraient surtaxés, à porter léùrs plaintes par devant leS districts et départerâfetifs ;
(t Que le recouvrement desdits rôles sera ptétégé parlés dronpes nationales de SâuXmangés et autres villes voisines, sur la réquisition de l£ municipalité d'Eglise-Neuve-de-Liard,' §
« 3° Ordonne aux ofticiers municipaux de Sauxmanges- ou aux commissaires qui seront par eux nommés, de prendre le» informations lés plus exactes sur les auteurs des fausses insinuations répandues dans ledit! fieti d'Eglisé^NeaVé^ de»Liard, et d'en rendra compte à l'Assemblée dans le délai dé quinzaine;'
« 4° Invite le pouvoir exécutif à prendre toutes les précaution» cotfveïfableS,- tant poUr assarer le' recouvrement des rôles que pUUr prévenir toutes insurrections;* »
, membre dit comité dés fttianôés. Lés anciens éltis de Bourgogne, chargés" précédemment des travaux du cainal du ChWoiàis'/ veulent retenir cette administration au préjudice des corps administratifs actuels et fefiïSéht de leur remettre aueatos papiers. Votre comité fiê& financés,-; saisi d»u' litige qui s?ésf élevé â cet égard entre les- administrateurs du département de ïf Côte-d'Or et les ei-devant élus généraux dû? cfUcfié de Bourgogne, vous propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité des finances, des difficultés qui se sont élevées entre les administrateurs du département'de Saône-et-Loire, ceux du département de la Gôte-d'Or d'une part, et les ci-devant élus généraux du duché de Bourgogne d'autre part, au sujet de la suite des travaux publics, et notamment du parachèvement du canal de Charollais et autres objets d'administration, a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Consjquemment aux décrets concernant les
administrations particulières des anciennes provinces, l'administration ci-devant confiée aux
élus généraux du duché de Bourgogne, comté et pays adjacents, demeure entièrement révoquée; et
il sera fait défenses auxdits élus de s'immiscer ni directement ni indirectement dans aucune
partie de laditë administration.
« Art. 2. Les élus de Bourgogne rendront compte Sans délai aux commissaires qui sont ou seront nommés par les départements de la Gôte-d'Or, de Saône-et-Loire et de l'Yonne : 1° de la position où sè trouvent actuellement toutes lés parties de leur administration ; 2° de; l'état actuel de tous les ouvrages publies dont ils étaiènt ordonnateurs ; B° de l'état des finances qu'ils ont reçues et employées auxdits ouvrages, et généralement de toué les objets dont, ils étaient responsables aux ci-deVant Etats de Bourgogne, sans aucune exception.
« Art. 3. Lesdits élus remettront, aussi incessamment et sans délai, aux commissaires des trois départements, tous les rôles d'impositions, registres, plans, cartes, devis, mémoires, et généralement tous les titres et papiers dont ils sont dépositaires,notamment ceux concernant le canal du Charollais ; ensemble tous les meubles et effets appartenant aux ci-devant Etats de Bourgogne, le tout sans aucune exception ni réserve.
« Art. 4. Il sera enjoint à l'ingénieur en chef des ci-devant Etats généraux de Bourgogne, ainsi qu'à tous les employés sous ses ordres, et à tous adjudicataires d ouvrages publies, ordonnés par lesdits ci-devant élue généraux, notamment à ceux des ouvrages relatifs aux canaux et à la navigation des rivières de Bourgogne, de reconnaître l'autorité des nouveaux corps administratifs, et -de leur obéir, respectivement pour toutes les parties dont lesdites administrations particulières se trouvent actuellement chargées. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.)
Des abus se sont glissés dans la distribution des billets de tribunes qui sont exclusivement destinés aux députés des gardes nationales pour la fédération du 14 juillet ; j'ai reçu à ce sujet des réclamations nombreuses dont j'ai cru devoir faire part à l'Assemblée.
l'un des commissaires de la salle. Je propose que le député à la fédération, qui voudra entrer dans les tribunes, présente le billet qui lui a été remis par la commune dé Parisien vertu de ses pouvoirs, et le billet de tribune qui lui sera donné par les députés à l'Assemblée nationale.
Il me semble que les meilleurs moyens à prendre pour éviter les abus, doivent être abandonnés à l'appréciation de M. le Président et des commissaires de la salle. Je demande que, sans perdre un plus long temps à la dis-
cussion de ces détails/ l'Assemblée passe à son ! ordre du jour.
(Cette proposition'est adoptée.)
L'ordre du jour est l'examen du projet du décret proposé par le comité des pensions pour déterminer les principes généraux qui doivent présider à la distribution des récompenses de l'Etat (1).
, rapporteur, commence la lecture des articles.
Plusieurs membres demandent que le fond du projet soit d'abord mis en discussion.
Il n'y a pas lieu à une discussion générale ; les principes qui doivent servir de base aux articles proposés sont de la plus haute évidence ; ce sont des principes de justice et d'économie; je demande que l'on discute article par article ; c'est ainsi que l'on verra si on s'est écarté de l'un ou de l'autre de ces principes, qui doivent être la seule base de la discussion.
Si le plan du comité repose effectivement sur ces bases, il n'y a pas d'observation à faire; mais si, au contraire, comme je crois pouvoir le démontrer, il s'en écarte, je demande qu'il soit permis à tous les membres de l'Assemblée de vous soumettre leurs idées-
Je prie l'Assemblée d'observer qu'il n'est question que des pensions à venir.
Tout le monde sait que le service de la marine est beaucoup plus pénible que . tout autre service ; qu'il use le corps et abrège la vie ; il faut donc avoir des égards pour ceux qui s'y adonnent ; c'est pourquoi je pense que les bases proposées par votre comité ne sont pas applicables à la marine.
, au nom du comité militaire. J'avoue que les principes de votre comité sont parfaitement d'accord avec la justice et l'économie, et qu'il n'y a rien à y ajouter; mais avant d'en faire l'application, il faut que ces détails aient été convenus entre les trois comités militaire, de la marine et des pensions ; il faut combiner quel est le plan de constitution de l'armée : cdmme l'avis du comité est d'écarter le prix que l'on mettait à l'engagement du soldat, ce qu'on ne lui donne pour appât, il faut qu'il le trouve pour récompense au bout de sa carrière.Lorsque l'on dit qu'après 30 ans de services, on donnera au soldat un quart de ses appointements, c'est-àrdire le quart de 7 sous 6 deniers, je demande si ce n'est pas la plus chétive aumône : le soldat que vous obligeriez de servir jusqu'à 70 ans pour obtenir ses appointements tout entiers, ne pourrait-il pas faire de justes réclamations ? Je demande donc que les articles de détail soient réglés par les trois comités réunis, et qu'on se contente seulement de décréter les principes.
appuie la motion de M. Emmery.
Le comité des pensions a inutilement donné,
Je solliciteen faveur des malheureux officiers dé fortune et. des soldats.
On «peut être juste sans occasionner à l'Etat un surcroît de dépense considérable : je crois qu'avec 18 millions on pourrait contenter toUs ceux qui ont des droits aux récompenses dé la nàtiOn.
Je vous prie de considérer que lés mëmbréfe des comités de marine et militaire sont eux-rriêmes, pour la plupart, dès pensionnaires de l'Etat, et il n'ëst point étoùnant qu'ils cherchent à éloigner la. délibération. : rendons grâces au comité deS pétisionS de no.Os" avoir fourni, par son travail1 infatigable,vîéS moyens de délivrer la France dé tous tes déprédateurs connus souà te'iïbm de pensionnaires.
(ci-devant marquis). "Jè n'étais point au commencement de la séance, mais.je viens d'entendre le préopinant dire que lés membres des comités militaire et dë mariné avaient des pensions ; je certifie que non ; ils; sont trop jeunes; la plupart n'ont pas fait la guérré; je ne suis pas riche ; j'ai passé par tous les grades ; je connais le service, il est dur quand on n*est pas riche ; vous pouvez être assurés de cela.'Je conviens que le Trésor public est chargé d'une foule de pensions données à des officiers qui se sont retirés malgré eux, parce qu'ils ne plaisaient pas à leurs colonels, parce qu'ils n'avaient pas fait la révérence" à l'inspecteur; pouvez-vous ôter quelque chose à ces malheureux? (On féerie que non et on applaudit.) Un moméût, Messieurs ; j'ai autre chose à vous dire, il y a nombre d'officiers généraux qui ont fait les guerres de 1770 èt 1775, ils ont marié leurs filles ; ils comptaient sur leur traitement ; vous ne leur ôterez rien non plus; en vérité, Messieurs, je suis obligé de vous le dire, pour une nation comme la vôtre 10 millions ne sont pas assez pour les pensionnaires de l'Etat.
Cette discussion est prématurée ; il serait bien plus court de faire ces réflexions sur chacun des articles auxquels elles pourraient s'appliquer.
(L'Assemblée décide que la discussion s'établira successivement sur chacun des articles.)
, rapporteur, lit l'article 1er en Ces termes : - Art. 1er «
L'Etat doit récompenser les services rendus au corps social, quand- leur importance
et leur d'uréë méritent ce témoignage de reconnaissance. La nation doit aussi payer aux citoyens le,prix des sacrifices qu'ils.ont faits à l'utilité publique. »
Cet article est adopté sans discussion.
L'article 2 est lu.
(de Saint-Jean-d" Angely). Afin qu'il ne reste aucun doute sur le sens de cet article, je propose d'y ajouter un mot et de com-mënëer l'article ainsi.: « Les seuls service?.! ».
Cet amendement est adopté, ainsi que l'article lùi-même qui se trouve rédigé ainsi qu'il suit ;
Art. 2 « Les seuls services qu'il convient à l'Etat de récompenser, sont ceux qui intéressent la société , entière. Les services qu'un individu fend à un autre individu ne peuvent être rangés dans cette classe, qu'autant qu'ils sont accompagnés de circonstances qui en font réfléchir l'effet sur tout le corps social. »
L'article 3 est lu et adopté sans discussion dans les termes proposés par le comité qui sont les suivants :
Art. 3. « Les sacrifices ont la .nation doit payer le prix, sont ceux qui naissent des pertes qu'on éprouve^en^ défendant la patrie, ou des dépenses qu'on a faites pour lui procurer un avantage réel et constaté. »
rapporteur, lit l'article 4.
« Art. 4. Tout Citoyen, qui 'a servi, illustré, éclairé sa patrie, ou qui a donné un grand exemple de dévouement à la chose publique, a des droits à la çeçonnaissance de la nation et peut,, suivant sa position, la nature et la durée de ses services, prétendre aux récompenses honorifiques, ou pécuniaires. »
aîné. .Je demande, la suppression des.jspols.: suivant sa [position, qui sonnent mal à l'oreille et je les crois très impolitiquement placés dans l'article, car les hommes, quelle que soit leur position, ont droit aux mêmes récompenses pour les mêmes services rendus à l'Etat.
(de Saint-Jean-d'Angely). Je me range à l'avis de M. Garat et je demande que les mots sur lesquels il appelle votre attention soient mieux expliqués.
Il conviendrait également de faire disparaître les qualifications de pécuniaires ou honorifiques; parce que toutes les récompenses, même pécuniaires, sont reconnues honorifiques quand c est l'Etat qui en honore des services réels-.
Ges amendements sont adoptés. L'article 4 est décrété de la manière suivante :
« Art. 4. Tout citoyen qui a servi, défendu, illustré, éclairé sa patrie, ou c(ui a donné un grand exemple de dévouement à la chose publiques des droits à la reconnaissance de.la nation, et peut, suivant la nature et la durée de ses services^ prétendre à des récompenses. »
, rapporteur. L'article 5 porte :
Une médaille, ou tout autre symbole de la gratitude nationale, seront la récompense la plus flatteuse et lajplus distinguée. -
Je pense que les médailles marqueraient uuè préférence qui insensiblement ramènerait à la noblesse que vous venez d'abolir; Une belle action suffit par elle-même
pour illustrer celui qui l'aura faite ; je crois doue J'article inutile.
Je suis d'un avis opposé à celui du préopinant et, à mon sens, il faut tout faire pour encourager la vertu et les talents. Je dis qu'une médaille ne doit pas être le dernier terme auquel puisse prétendre un citoyen et j§ demande qu'il puisse obtenir une statue, s'il èp est digne, C'est diaprés ces idées que je propose d'amener l'article du comité sous la réserve absolue que les marques d'honneur resteront personnelles au citoyen qui les aura obtenues.
, rapporteur, déclare que Je comité préfère la réduction présenté parM. Ma^ iguef. à la sienne,.
En cpnséquence, l'artjple & est mis aux voix et décrété ainsi qu il suit ;
« Art. 5. Les marques d'honneur, décernées par la natiou, seront personnelles, et miseg au premier rang des récompenses publiques. »
, xwpçrteur, L'article 6 s'exprW me en ces termes ;
« Il y aura deux espèces de récompenses pécuniaires : les pensions pi les gratifications. Les premières sont destinées au soutien honorable du citoyen auquel on les accorde ; les secondes, à payer le prix des pertes souffertes, $es sacrifices faits à l'utilité publique, » .
Je propose de dire que les pensiQns êjprpnj uniquement accordées qu besoin.
On accorde une gratification au$ militaires après la guerre,"aux artistes pendant la paix. C'est pour soutenir les uns pt pour dédommager les autres. Ne parlons pas du pesoiq qui avilit 'J'^me. Je demande la question préalable sur ramendeméât.
(La question préalable est prononcée.)
Je propose de mettre les encoura-gements pour le zèle aux travaux publ|çs, au nombre dès causes qui pourront légitimer les gratiâcatiçhS.
Cette proposition'est trop vague pour être adoptée et serait susceptible d'extensions arbitraires à l'infini: J'eù demande le rejet.
(La proposition est rejetée.)
(de Saint*Jean-dlAngely). L'article porte : au soutien honorable du citoyen ; je demandé que le mot honorable disparaisse} il est inutile et ne pourrait engendrer que des abus.
(Cet amendement est adopté.)
L'article lui-même est ensuite décrété en ces termes :
« Art. 6. Il y aura deux espèces de récompen-* ses pécuniaires, les pensions et les gratifications. Les premières sont destinées au soUtien du citoyen qui a bien mérité de la patrie : les secondés, à payer le prix des pertes souffertes et deB sacrifices faits a l'utilité publique. »
, rapporteur. Je donne lecture de l'article 7 ; il est ainsi conçu :
« Aucune pension ne sera accordée à qui que ee soit, «vec clause de réversibilité au profit d'un autre ; mais suivant les circonstances et dans le cas de défaut absolu de patrimoine, la veuve
d'un homme mort dans le cours de son service public, pourra obtenir une pension alimentaire, et les enfants élevés aux dépens de la nation, jusqu'à ce qu'elle les ait mis en état de pourvoir eux-mêmes à leur subsistance. »
La veuve d'un homme qui a bien mérité de la patrie et a obtenu d'elle une gratification pour ses service?, mérite: autant d'égards que la veuve d'un homme mort dans le cours de son service public. Celle-là peut se trou-* ver dans la misère comme celle-ci, Il ne peut pas être dans l'intention de l'Assemblée de ne pas adopter les mêmes mesures d'humanité pour l'une que pour l'autre.
Les principes sont certains. Les pensions ne doivent être accordées qu'aux personnes qui ont réellement et personnellement mérité de la patrie, Si vous suivies les dispositions qu'on vous propose, ce serait retomber dans tous les abus de la réversibilité qu'il ne peut pas être dans l'intention de renouveler. L'humanité et la raison nous ont suggéré de venir au secours d'une veuve dont je mari est mort dans le cours de ses services publics, parce qu'il est certain qu'un homme peut mourir à la fleur de son âge, être tué dans une bataille ou autrement et laisser sa veuve et ses enfants en bas âge en proie à la misère. Un tel homme n'a point eu le temps d'économiser ; au lieu que le fonctionnaire retiré peut e| doit l'avoir fait,
Entre l'usage et l'abus, il y a un précipice. Je ne parle point de ces pensions de luxe sur lesquelles M. Camus s'étend avec tant de complaisance} je parie de ces veuves de mir litaires qui meurent sans laisser un patrimoine et qui n'ont ni pu ni dû faire d'économies,
(dp Saint-rjea,n*dy Angely). J'appuie l'amendement dé M, de Yiriau parce qu'il n'est pas possible que l'Assemblée envoie mourir dans les hôpitaux les veuves d'hommes qui au? ront servi la patrie.
Quand l'Assemblée proponce elle ne doit écouter que la sévérité des principes, Or, en principe, Icb pensions ne sont dues qu'aux personnes qui ont travaillé personnellement pour la patrie, Les exceptions proposées par le comité sont contraires à la règle, mais comme l'humanité les commande, j'y acquiesce. Quant aux autres dispositions, je crois que c'est ouvrir la porte à des abus incroyables. La nation doit salarier et salariera ses fonctionnaires d'une manière honnête. Il ne me paraît point juste de payer deux fois les mêmes services; or, par la disposition que MM. de Virieu et Regnaud sollir citent d'adopter, vous tomberiez dans cet inconr vénient. Le foàctionnairevpublic, une fois retiré, ne se mettra plus en peine ni de sa femme ni de ses enfants, dans la persuasion que la nation viendra à leur secours.
Il me semble qu'il existe un moyen terme qui consisterait à n'accorder les pensions aux veuves quxen cas é insuffisance du patrimoine ou à défaut de patrimoine,
Cet amendement aurait un effet funeste, car les femmes et les enfants n'hésiteraient pas à dilapider leur patrimoine en vue de s'assurer une pension.
La sévérité que le comité a été obligé d'adopter daos la rédaction de cet article lui a été extrêmement pénible; mais si vous voulez bien rechercher les motifs de sa conduite, vous les trouverez dans les dettes de l'Etat ; dans le chiffre assez restreint des pensions qu'on peut distribuer ; enfin, outre le fonds proposé, il y aura encore quatre millions destinés à subvenir à l'indigence extrême des personnes ayant droit à des récompenses. (La discussion est fermée sur l'article 7.) Le rapporteur modifie les termes dé la rédaction et l'article est adopté ainsi qu'il suit,
Art. 7. « Aucune pension ne sera accordée à qui que ce soit, avec clause de réversibilité $ mais dans le cas de défaut absolu de patrimoine, la veuve d'un homme mort dans le cours de 6on service public, pourra obtenir une pension alimentaire, et les enfants être élevés aux dépens de la nation, jusqu'à ce qu'elle les ait mis en état de pourvoir eux-mêmes à leur subsistance. »
rapporteur, donne lecture de l'article 8, qui est adopté, sans discussion, en ces termes :
Art. 8. « Il ne sera compris dans l'état de§ pensions que ce qui est accordé pour récompense de service. -Tout ce qui sera prétendu à titre d'indemnité, de dédommagement, comme prix d'aliénation ou autres causes semblables, sera placé dans la classe des dettes de l'Etat, et soumis aux. règles qui seront décrétées pour la liquidation des créanciers de la nation. »
rapporteur. Le comité a modifié la rédaction primitive de l'article 9. La rédaction nouvelle que nous vous proposons est toute de jfprme et porte ;
Art. 9. « On ne pourra jamais être employé sur l'état des pensions, qu'en un seul et même article. Ceux qui auraient usurpé, de quelque manière que ce soit, plusieurs pensions, seront rayés de la liste des pensionnaires et prives des grâces qui leur auraient été accordées, »> .
L'article 9 est adopté sans opposition, ainsi que les articles 10 et H qui suivent ;
Art» 10 ? Nul ne pourra recevoir, en même temps, une pension et un traitement, Aucune pension ne pourra êtrè accordée sous le nom de traitement conservé et de retraite. »
Art. u « il ne pourra être concédé de. pensions à ceux qui jouissent d'appointements, gages ou honoraires, sauf à leur accorder des gratifications g'il y a lieu. »
, rapporteur. L'article 12 s'exprime ainsi
Art. 12. « Un pensionnaire de l'Etat ne pourra recevoir de pension d'aucune autre personne- »
Quelques explications données par le comité sur cet article sibyllin ne me paraîtraient pas hors de propos.
Je crois, en effet* que l'article n'egt pas suffisamment clair. Je propose d'en restreindre les dispositions aux pensions qui pourraient être accordées par là liste civile ou par des puissance^ étrangères.
J'appuie l'article ainsi limité, car le roi doit se borner à encourager les talents naissants avec sa liste civile et c'est à la nation à récompenser ensuite tous les services publics.
ainè. Je ne puis admettre l'article, même avec les restrictions que vient d'y apporter M. Palasne. Dans la dernière guerre, ofiï les couronnes de France et d'Espagne avaient la même cause à défendre, il a été rendu des services communs aux deux Etats. Est-il juste, par exemple, d'empêcher le roi d'Espagne de récompenser un officier français qui a bien servi les deux pays? D'ailleurs, la disposition sur la liste civile est absolument illusoire; si l'on ne peut faire de pensions ostensiblement, ou en fera clandestinement.
Il est de principe que personne ne peut servir deux maîtres. Si vous permettes aux fonctionnaires français de recevoir des pensions et gratifications des puissances étrangères, il se produira ce qui est presque toujours arrivé, que l'homme une fois pensionné en France, ira prendre du service à l'étranger dans l'espoir d'une nouvelle récompense; c'est ce que je considère comme très dangereux.
La question de savoir si l'on défendra aux Français de recevoir dés pensions des nations étrangères me parait hors de doute. Les officiers français qui vont s'instruire au service des autres puissances savent refuser toutes les places, toutes les dignités, tous les honneurs qui pourraient enchaîner leur liberté et ne veulent se distinguer que par des actions mémorables. Je puis citer, comme exemple, M. Roger de Damas qui a précisément rempli envers l'empire de Russie toutes les vues de désintéressement dont je Viens de parler.
J'ajoute une considération en faveur de l'article. Vous avez le devoir de défendre la liste oivile contre des obsessions qui ne manqueraient pas de la ruiner.
Plusieurs membres réclament de nouveau la question préalable sur l'article 12.
La question préalable est ensuite mise aux voix et rejetée.
L'article 12 est ensuite décrété ainsi qu'il suit :
« Art. 12. Un pensionnaire de l'Etat ne pourra recevoir de pension, ni sur la liste civile, ni d'aucune puissance étrangère. »
Je dois suspendre l'examen des autres articles du projet pour soumettre une difficulté relative au deoret concernant les cérémonies de la fédération.
Je n'ai point porté à la sanction les articles qui ont été décrétés dans la séance d'hier, parce que j'ai appris que plusieurs membres réclamaient contre la rédaction du second article, relatif à la place que le président doit occuper à la fédération. 11 porte ces mots : à la fédération du 14 juillet, le président de F Assemblée nationale... Plusieurs membres prétendent qu'il a été décrété i dans toutes les cérémonies publiques, le président de VAssemblée nationale...
Plusieurs membres soutiennent cette dernière rédaction ; d'autres attestent le procès-verbal, et la rédaction du rapporteur lui-même.
(Quelques minutes se passent dans le tumulte.)
La discussion a été fermée hier sur cette matière. L'intention de l'Assemblée n'est certainement point de la recommencer; je. mets donc aux voix. Que ceux qui sont d'avis
que le procès-verbal reste ainsi qu'il a été rédigé, veuillent bien se lever.
La délibération se passe au milieu des cris redoublés de plusieurs membres de la partie gauche, on crie à la surprise ; on demande que M. le président soit rappelé à l'ordre.
en fait la motion expresse.
remercie l'opinant de ce qu'il a pris un parti modéré, et de ce qu'il n'a pas demandé sa destitution. Il descend du fauteuil pour que l'Assemblée le juge. — Quelques membres applaudissent; mais le vœu le plus général l'invite à reprendre sa place; il obéit au milieu des applaudissements.
rappelle l'état de la délibération, les principes de M. de Delley, auteur de la motion, et il soutient que l'article a été décrété constitutionnellement. — Je sais, dit M. Cbarle§ de Lameth, qu'il a été proposé par amendement de dire seulement, à la fédération du 14 juillet; mais j'en appelle à la bonne foi de l'Assemblée, a-t-on statué sur cet amendement ? je dis que non. Je propose donc que la question soit ainsi posée : que ceux qui pensent que l'amendement ait été adopté veuillent bien se lever.
On s'oppose à cette manière de poser la question. M. Rœderer atteste que le décrét a été porté ainsi qu'il est dans le procès-verbal ; que M. Le Chapelier l'a lu plusieurs fois dans les mêmes termes, et qu'il n'a été fait aucune réclamation. M. Rœderer est appuyé par la majorité de l'As-sëmblée. Enfin, après de longs et de tumultueux débats, le calme se rétablit, La priorité est refusée à la manière de poser la question proposée par M. de Lameth. L'Assemblée décide que le procès-verbal restera ainsi qu'il a été rédigé.
« Art. 2. A la fédération du 14 juillet, le président de l'Assemblée, etc. »
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie.
t. Vous avez décidé ce matin que les députés à la fédération présenteraient à la fois leur billet de confédéré et celui d'entrée à l'Assemblée nationale, pour être admis dans les tribunes. Comme cette disposition ne pouvait être appliquée cette après-midi, j'ai donné l'ordre que les tribunes fussent ouvertes aux gardes nationaux députés qui se sont trouvés présents.
Vous désirez tous que les députés à la confédération retournent dans leurs départements,
contents les uns des autres. Ce sentiment me garantit le succès d'une observation que je vais
vous présenter. Les députés des gardes nationales sont au nombre de 18 mille; ceux des
troupes de ligne sont au nombre de 1,100. Les membres de cette Assemblée, chargés
(Cette proposition est adoptée.)
J'ai aussi une proposition à faire qui satisfera tout le monde. Il y a toujours deux cents places vacantes de notre côté ; il faut les donner aux députés confédérés ; comme ils seront en uniforme, ils ne jetteront ni embarras, ni incertitude dans les délibérations.
, député de Nemours. Je suis prêt à soumettre à l'Assemblée le travail du comité militaire sur l'organisation de l'armée. Il serait intéressant pour les députés des troupes de ligne d'assister en plus grand nombre à vos séances et je demande qu'on leur donne des billets en conséquence.
Cette proposition doit être confondue avec celle que vous venez d'adopter ; il n'y a pas lieu de délibérer de nouveau.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal du vendredi matin 9 juillet.
, ainé. Il y a dans le procès-verbal une inconvenance d'expressions que je demande à relever. Le décret sur les cérémonies de la fédération, dit : A la gauche du roi et à la suite du président; il faudrait mettre : A la gauche du roi et à la droite du président..
(Ce changement est décrété.)
, député de Château-Thierry, admis à la séance de vendredi matin, à la place de Graimberg, prête son serment civique.
Une dèputation des citoyens des Etats-Unis d'Amérique, qui se trouvent actuellement à Paris, et parmi lesquels est M. Paul Jones, est admise à la barre.
, au nom de cette dèputation, prononce le discours suivant (1) : Messieurs, frappés d'admiration à la vue du développement et de l'extension de leurs propres principes dans cet heureux pays, les citoyens des Etats-Unis de l'Amérique, qui se trouvent à Paris, sollicitent ardemment la faveur d'approcher du saint autel de la liberté, et de témoigner à l'Assemblée nationale cette vive reconnaissance et le profond respect que méritent les pères d'un grand peuple et les bienfaiteurs du genre humain. L'étoile d'Occident, qui des bords éloignés répandait son éclat-, réunit ses rayons à ceux du soleil glorieux qui verse des torrents de lumière sur l'Empire français, pour éclairer, enfin, l'univers.
La force de la vérité est irrésistible, et la célébrité de ses progrès est au-dessus de
tout calcul. Nous avons cru, et nous le souhaitons sincèrement, que les bienfaits de la
liberté seraient un jour appréciés ; que les nations sortiraient de leur
Puissent les douces émotions d'une conscience satisfaite, et les bénédictions d'un peuple heureux et reconnaissant, être le prix de vos généreux efforts! Puisse le roi patriote, qui a si noblement sacrifié avec vous sur l'autel de la patrie, en partager amplement le fruit 1 Le monarque, qui, en Commençant sa carrière, a répandu ses bienfaits sur des régions éloignées, était bien digne d'échanger l'éclat'séduisant du pouvoir arbitraire contre l'amour et la gratitude de ses concitoyens. Dans la France régénérée, l'on peut bien l'appeler le premier roi des Français ; mais, dans le langage de l'univers, il sera le premier roi des hommes.
Nous n'avons plus qu'un vœu à former : c'est que vous vouliez bien, Messieurs, nous accorder rhonneur d'assister à l'auguste cérémonie qui doit assurer, pour toujours, le bonheur de la France.
Lorsque les Français combattaient et versaient leur sang avec nous sous l'étendard de la liberté, ils nous apprirent à les aimer. Aujourd'hui que l'établissement des mêmes principes nous rapprochent davantage, et resserre, nos liens, nous' ne trouvons plus dans nos cœurs que les doux sentiments de frères et de concitoyens.
C'est au pied de ce même autel où les représentants et les soldats citoyens d'un vaste et puissant Empire prononceront le serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi, que nous jurerons une amitié éternelle aux Français ; oui, à tous les Français fidèles aux principes que vous avez-consacrés ; car, comme vous, Messieurs, nous chérissons la liberté; comme vous, nous aimons la paix. Et Ont signé: G. Howell, James Sevan, Joël Barlont, F.-L. Tancy, Alex. Contec, Benjamin Jarvis, W.-H. Vernon, Tho. Appliton, N. Harrison, Jh. Andersqn. Samuel Blachden, Paul Jones.
répond : Messieurs, c'est en vous aidant à conquérir la liberté, que les Français ont appris à la connaître et à l'aimer. Les mains qui allèrent briser'vos fers, n'étaient pas faites pour en porter : mais plus heureux que vous, Messieurs, c'est notre roi lui-même, c'est un roi patriote et citoyen qui nous a appelés au bonheur dont nous jouissons, à ce bonheur qui ne nous a coûté que des sacrifices, et que vous avez payés par des flots de sang.
Deux sentiers différents nous ont conduits au même terme : le courage a rompu vos chaînes ; la raison a fait tomber les nôtres. Par vous la liberté a fondé son empire dans l'Occident ; .mais dans l'Orient aussi elle compte des sujets, et son trône aujourd'hui s'appuie sur les deux mondes.
L'Assemblée nationale reçoit avec une douce
satisfaction l'hommage fraternel que viennent lui rendre les citoyens des Etats-Unis de l'Amérique, qui se trouvent près d'elle. Que ceux-là appellent encore leurs frères! Que les Américains et les Français ne fassent plus qu'un peuple : réunis de cœur, réunis de principes, l'Assemblée nationale les verra encore avec plaisir réunis à cette fête nationale qui va donner un spectacle, inconnu jusqu'ici dans l'univers. L'Assemblée nationale vous offre les honneurs dé sa séance.
J'oserai vous faire une proposition déjà devancée par l'impression profonde qu'ont dû laisser le discours des députés de l'Amérique (Il s'élève des murmures), de la députation des Etats-Unis (Nouveaux murmures), des citoyens américains, et la réponse de M. le président. Vous avez souvent entendu vos concitoyens parler le langage de la liberté; mais aucun d'eux ne s'est exprimé avec plus de noblesse et d'énergie; l'Assemblée a entendu... Je demande, au nom des personnes qu'elle vient d'entendre... (Des murmures interrompent l'opinant), je demande plutôt aux persohnès qui m'ont interrompu, qu'elles ne démentent pas, en étouffant la voix d'un membre qui veut parler le langage de la liberté, l'admiration que l'Assemblée a méritée ; c'est ce sentiment qui m'inspire la hardiesse, bien pardonnable à un de vos membres, de penser que je pourrais librement rendre un hommage sincère. (L'impatience de l'Assemblée se manifeste par de nouveaux murmures.) Si, au milieu des circonstances dont vous êtes témoins, je persiste dans la résolution de dire quelques mots... ce n'est pas par un autre motif que de convaincre tous ceux qui sont présents à votre délibération, qu'il n'est interdit à aucun membre d'exercer ce droit de suffrage, caractère essentiel de la liberté, dans une assemblée délibérante, et je ne m'écartais ni de ce principe, ni de ce sentiment, lorsque je voulais vous proposer, le premier, de donner aux citoyens que vous venez d entendre une marque de considération digne de vous, digne d'eux.
(Après quelques phrases que des interruptions fréquentent ne permettent pas à l'opinant d'achever, M. Robespierre propose d'ordonner l'impression du discours des citoyens des Etats-Unis d'Amérique, ainsi que de la réponse de M. le président, et d'accorder à ces citoyens la place qu'ils sollicitent à la cérémonie delà confédération.)
demande l'impression du discours de M. Robespierre.
L'Assemblée décrète l'impression du discours de la députation et de la réponse de M. le président.
On observe que la demande d'une place à la confédération est déjà accordée par un décret rendu à la séance du matin.
On introduit une députation de la congrégation de l'Oratoire, qui dit (1) : Messieurs, il
eût été flatteur pour notre supérieur général, d'être lui-même auprès de cette auguste
Assemblée l'interprète de ses propres sentiments et de ceux de notre congrégation. C'eût été
le plus beau jour de sa longue vie. Vous l'excuserez, Messieurs, sur son grand âge et les
infirmités qui l'accompagnent, et vous nous permettrez de parler en son nom et en celui de
tous nos confrères.
Toujours animés de sentiments patriotiques, consacrés, par état et par un choix libre, à des travaux utiles à la nation, nous venons renouveler entre les mains de ses augustes représentants, le dévouement le plus inviolable et la soumission la plus entière à vos décrets ; daignez, Messieurs, en recevoir l'hommage,
Depuis longtemps nous étions jaloux de consacrer l'époque dé la liberté française, par les preuves les moins équivoques de nôtre zèle.
Il existe entre nos mains un dépôt sacré, l'éducation si chère à vos cœurs, les enfants de l'Etat. La plus douce satisfaction que nous puissions recevoir, c'est. Messieurs, que vous ne nous jugie? pas indignes de seryjr la patrie? en ne cpssant do nous livrer 4 dès fonctions si importantes et qui nous honorent.
répond : Messieurs, la liberté est l'essence de notre constitution, elle l'est aussi de vos statuts. Votre congrégation est depnig longtemps célèbre par ses lumières, utile par ses travaux, respectable par ses vertus. Depuis longtemps elle préside avec succès à nos meilleurs établissements d'éducation publique. Elle a bien mérité de la patrie.
Mais, si je lui rends ce témoignage au nom de l'Assemblée nationale, si je récompense aussi glorieusement son zèle et son patriotisme, me serà-t-il permis de me séparer un moment de mes fonctions publiques, et de payer un tribut 4'amour et de reconnaissance à ceux qui, dans les premières années de ma vie, employèrent des soins si tendres à former mon cœur et mon esprit, à ceux sans qui je n'eusse jamais été dignp dé rp'asseofr parmi les représentants de la nation? Plusieurs de mes collègues qui ont reçu les mêmes bienfaits, partagent, je le vois, l'émotion de mon cœur, et sont prêts à mêler leur voix à la mienne. Je m'estime heureux s'ils m'ont avoué pour leur interprète.
L'Assemblée nationale vous permet, Messieurs, d'assister à sa séapcef
Une dèputation du régiment de Flandre est admise à la barre et dit :
Nous sommes des soldats, nous ne savons pas faire de discours, mais nous savons combattre et sacrifier jusqu'à notre nécessaire pour venir au secours de l'Etat. Les officiers, bas-officiers et soldats du régiment de Flandre vou3 prient d'accepter leur don patriotique.
t répond :
Messieurs, le courage et la générosité sont les éternels attributs de l'armée française et l'Assemblée nationale ne peut être étonnée, ni de votre patriotisme, ni de votre désintéressement. Elle en reçoit l'hommage avec satisfaction et vous permet d'assister 4 sa séance.
M. Ig général Luckner est admis à la barre et
Messieurs, éloigné de la nation qui m'avait adopté, je déyorais dans la solitude le dépit, et, en quelque sorte, l'humiliation de ne pouvoir m'aequitter envers ma bienfaitrice. Je devais finir ma carrière dans le calme et dans l'obscur ri té; mais tout à coup la voix d'un peuple lihre a frappé mon oreille ; et dans le même temps que le bruit de sa sagesse et de ses vertus entraînait mon admiration, j'en recevais l'honorable témoignage de souvenir et d'estime qui commande I jamais toute ma reconnaissance. Je suis accouru et j'ai dit : Cette nation généreuse qui n'a point oublié mon zèle recevra peut-être avec quelque indulgence l'hommage libre et pur d'un enfant de la guerre et de la fortune, qui, sous l'âpre et sauvage éeorce d'une éducation formée dans les camps, porte une âme sensible aux bienfaits, la franchise d'un soldat, le dévouement d'un citoyen et l'obéissance d'un sujet fidèle, Messieurs, deux souhaits renferment toute l ambition du reste de ma vie. Citoyen d'une nation qui daigne me compter au nombre de ses enfants, qu'il me soit permis de ro'asso-cier à leur fédération auguste et de jurer avec eux de vivre et de mourir pour le maintien des lois de notre commune patrie ; et si l'ange qui veille sur les destinées de cet Empire, souffrait jamais que les horreurs de la guerre en troublassent Je repos, qu'alors, au rang des guerriers consacrés a le défendre, je puisse payer à l'Etat le tribut de ma juste gratitude, eu versant les dernières gouttes de ce sang qu'on a dit glacé, mais donf je saurai prouver et la chaleur et l'énergie, si jamais mon bonheur me fournit l'inappréciable avantage de le voir couler pour la France et pour son roi,
Signé : LUCKNER.
répond : Monsieur, l'Assemblée nationale, en s'occupant des diverses parties de la défense publique, a dû porter sur chacune d'elles les regards de l'économie la plus sévère ; mais forcée de résister habituellement aux mouvements de la générosité française, avec quelle joie n'a-t-elle pas saisi les occasions qui lui ont permis de s'y livrer. Vos talents, Monsieur, sollicitaient pour vous une exception honorable. La France qui avait appris à vous distinguer parmi sés ennemis, a désiré vous avoir pour citoyen, eî vous avez parfaitement justifié son adoption ; vous la justifieriez mieux encore, s'il se présentai! pour vous de nouvelles occasions-de vaincre ; et 'Assemblée nationale, en confirmant la munificence du roi, croit n'avoir écouté qùe les intérêts bien entendus d'un peuple qui aime à faire des vœux pour vos succès.
L'Assemblée nationale vous permet. Monsieur, d'assister à sa séance.
Plusieurs membres demandent que les discours de l'Oratoire et du général Luckner, avec les réponses du Président, soient imprimés. Cette impression est ordonnée.
Les habitants de la paroisse de Mennecy font un don patriotique de 420 livres 10 sols.
vc Nous sommes obligés de recourir à l'Assemblée nationale, pour obtenir la liberté que BOUS n'avons pas mérité de perdre, lors des événements du 10 juin, Nqus avpns été précipités dans des cachots, où nous attendions, à chaque instant, la mort. Le maire d'Orange crut apporter à Avignon des secours et des consolations ; il proposa d'emmener les prisonniers/ et nous trouvâmes notre salut dans cette translation. C'est pour l'Assemblée nationale un devoir sacré d'or4onner notre élargissement, Nous ne sommes pas sur le tenir toire de noire véritable souverain -, et nous récia? mons la protection de l'Assemblée nationale. Déjà deux étrangers ont été mis ep liberté, parce qu'ils n'avaient pas été condamnés par lps lois du royaume; les prisonniers détenus à Ûrange, sujets dq souverain pontife, sont aussi étrangers; ils appuient leur demande sur 1$ déclaration des droits de l'homme, ils sont hommes, ils ont droit de l'invoquer devant vous. Vous ave? dit : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. "
Signé BoYER, procureur des prisonniers. »
(On demande le renvoi au comité des rapports.)
je fais Ja motion, et je 3e la motive pas, parce qu'elle est dans les principes de l'Assemblée nationale et de la constitution française, d'ordonner sur-le-champ l'élargissement des détenus â Orange.
(On demande, de nouveau, le renvoi au comité des rapports.)
jeune. Les principes de J'As-semblée ne laissent en effet aucun doute sur la motion du préopinant; ainsi, on ne saurait trop y faire droit; je demande que le rapport de l'adresse qu'on a lue soit fait demain à deux heures.
S'il y avait un corps de délit, un procès-verbal, une instruction juridique, je voterais moi-même pour le renvoi au comité des rapports ; mais il n'y a rien de tout cela. Immédiatement après les troubles d'Avignon, M,Desmares, maire d Orange, digne de remplir les fonè* tions municipales que vous avez environnées de tant de gloire, digne de l'approbation 4e l'Assem-semblée, déplara qu'il prenait les prisonniers sous sa protéction, non pour leur donner une nouvelle prisop, mais pour leur offrir un asile, Vingt-quatre citoyens, un octogénaire et deux septuagénaires sont depuis un mois détenus à Orange ; aucune voix ne s'est élevée contre eux. Ils réclament la justice de l'Assemblée, qui ne voudrapas reconnaître de Coupables, quand il n'y a pas de délit; qpi ne voudra pas, aux yen * de l'Europe, être la geqljère des étrangers. Je réclame avec eux, en ce moment, votre justice. Je vous remercie, au nom de mes concitoyens, de la protéction que vous leur avez accordée. Je yous remercie, vous dont l'humanité a, à votre insu» sauvé la vie à vingt-quatre citoyens. Je réclame pour eux l'humanité qui, dans des législateurs, ne doit être que la justice. (Le côté dvMt applaudit.)
Vous ne pouvez juger sans coupaissançe de cause. Il est arrivé au comité des rapports des pièces importantes, qui vous prouveront que }a liberté des prisonniers détenus à
Orange tient à d'importantes questions. Vous vous doutez que des actions et des principes contraires au vœu et à l'intérêt des Ayignoonais et de la liberté pnt occasionné cet emprisonnement. Si VOUS adoptiez la proposition faite par M. Malouet et appuyée par M. l'abbé Maury, yous prononceriez contre le peuple d'Avignon..•
interrompt et demande la parole
Le seul point à décider est de savpir si l'Assemblée nationale veut prendre une connaissance exacte de l'affaire avant de la juger, (Vopinant est interrompu par le côté droit d'où partent ces mots rV {Slip ne le veut pas 1 ») D'après les efforts que l'on fait pour que cette affairé ne soit pas exactement connue, il est évident que c'est ici la canse de l'aristocratie contre les peuples et contre la liberté; j'en atteste ceux qui murmurent et m'interrompent.
(On demande le renvoi et l'ajournement.)
L'Assemblée nationale est-elle le juge des citoyens d'Avignon ?
8i l'Assemblée ne veut pas rétablir elle-même les lettres de cachet, il n'y a nul doute sur la question de savoir si la liberté sera rendue à des citoyens étrangers, détenus sans accusation.
Les ennemis de la liberté individuelle peuvent seuls demander l'ajournement.
, député d'Orange. Je suis, en mon particulier, intimement convaincu de l'innocence des détenus; mais je ne crois pas que l'Assemblée puisse vouloir exciter une guerre civile entre Orange et Avignon. Les officiers municipaux d'Orange n'ont pu mettre le calme àAvignon, qu'en promettant au peuple que les prisonniers seraient jugés; est-ce par vous que cette promesse sera violée? est-ce par vous que la guerre civile sera allumée? (Il s'élève, dans la partie droite, un mou-, vement; on entend ces mots : * Allons donc! ») J'ai encore une observation essentielle à vous présenter : les prisonniers supposent, dans leur requête, qu'un compte a été rendu à l'Assemblée, qu'un procès-verbal a été mis sous ses yeux; ils ne demandent donc pas que vous décidiez sans connaître les pièces de cette affaire : je propose d'en ordonner le renvoi au comité des rapports pour en rendre compte à jour fixe.
La discussion est fermée.
On demande que les députés d'Avignon soient entendus au comité des rapports sur l'adresse des prisonniers, afin de réunir le plus de lumières possible,
s'oppose à cette deman4e. —.Sanseptrer dans la question, jedéclare qu'âmes risques et périls, je me réserve de dénoncée les députes d'Avignon, comme députés d'une troupe d'assassins. (Il s'élève des murmures très tumul-tueux.) Si je suis un calomniateur, qu'on me pu? nisse : j'ai une mission particulière pour les poursuivre et je les poursuivrai ; sur quatre prétendus députés d'Avignon, trois ne sont pas citpyeqs de cette ville. Peut-on demander que les regards de l'Assemblée nationale de France soient souillés par la vue de pes gens-là I
11 y a des faits dont vous n'êtes pas instruit»» et qu'il est important que vous sa-
chiez. Il vient d'arriver des députés de la garde nationale d'Avignon, ils demandent à assister à la fédération; ils ont des pouvoirs de la garde nationale et des citoyens. (On applaudit.) Us sont venus ce soir avec les députés de la municipalité nous avertir qu'il est parti d'Avignon un nommé Boyer, se disant abbé, et dont la mission est de solliciter la liberté des prisonniers, détenus à Orange, auprès de certaines personnes que vous avez assez entendues ce soir ; il nous ont dit que les prisonniers étaient très suspects, qu'un autre plus suspect encore, détenu à Loriol, avait été élargi ; ils nous ont dit que les événement d'Avignon tenaient aux troubles de Nîmes, de Toulouse et de Montauban, et qu'on pourrait obtenir de ces gens-là des notions certaines. Il ont observé que les prisonniers auraient couru risque de la vie s'ils fussent restés à Avignon, et qu'ils ont été remis en dépôt aux députés d'Orange pour les sauver; ils ont dit : «Nous avons pensé qu'ayant déclaré vouloir vivre sous les lois françaises, nous pouvions les remettre à des Français : si l'on ne veut pas qu'ils soient jugés, nous redemanderons notre dépôt, nous Je demanderons pour la sûreté des Avignonnais, pour la sûreté même des Français. » Les pouvoirs de ces députés sont en bonne forme; ils vous feront connaître tous les faits, ils vous découvriront l'intérêt que le préopinant a peut-être à ce qu'ils ne parlent pas. Je demande donc le renvoi âu comité des rapports, je demande donc que les députés de la garde nationale et de la municipalité d'Avignon soient entendus par ce comité.
(On demande à aller aux voix.)
C'est parce que j'y suis forcé par l'accusation du preopinant, que je me détermine à vous parler d'une affaire particulière, qui ne devrait pas vous occuper. On vous a fait penser, par des insinuations insidieuses, que j'avais un intérêt particulier aux événements d'Avignon ; c'est une grande vérité; l'intérêt que je prends à cette affaire est celui que doit y prendre tout honnête homme (Il s élève des murmures), que tout honnête homme doit prendre à la conservation de vingt-quatre prisonniers innocents, transférés dans les prisons d.'Avignon, pour les soustraire à la fureur d'un peuple qui venait de faire pendre quatre citoyens irréprochables; l'intérêt que j'y prends et celui que tout homme doit éprouver pour ses concitoyens. Loin d'éluder la rigueur de M. Camus, c'est sa sévérité que je réclame; je lui annonce que je le traiterai devant vous sans miséricorde..... Vous déciderez dans votre sagesse s'il est de l'intérêt, de la dignité, de la morale du Corps législatif d'autoriser non un peuple, non une ville, mais quelques factieux, à se rendre indépendants.
Avant de décider cette grande question, à la décision de laquelle plusieurs provinces sont intéressées, je vous ferai connaître les manœuvres particulières exercées sur une province qui ne paie point d'impôts, qui n'est pas mécontente de son souverain, et à laquelle cependant on a voulu persuader d'être infidèle au Saint-Siège. Vous saurez quel degré de confiance vous pouvez accorder à des officiers municipaux, qui se sont tenus enfermés quand le peuple faisait pendre par le bourreau un vieillard et des malades ; vous déciderez si des officiers munipaux, les pères de la patrie, qui doivent s'immoler pour sauver des citoyens, devaient être spectateurs froids de ces assassinats! (On observe que ce n'est point la ques-
tion.) Sans vouloir préjuger aucune de ces questions, qu'il est de mon intérêt de mettre dans un grand jour, parce qu'il est de mon intérêt de venger mes concitoyens, je remarquerai seulement qu'il s'agit de la plus étrange cause criminelle que puisse présenter l'histoire des nations, puisqu'il n'y a ni accusateurs, ni accusations. (On rappelle que c'est là le fond de la question.) Quand on ne voit que des innocents, le devoir du juge est de rompre leurs fers. Pour intimider votre justice, on annonce la guerre civile entre Avignon, Orange et la France entière ; car je ne sais daus quel sens on l'a annoncée. ( On remarque que la discussion est fermée.) Vous déciderez comme vous voudrez cette affaire et celle des prisonniers; mais je demande que M. Camus dise comment j'ai intérêt à leur silence. Un homme qui a l'honneur d'être votre collègue ne peut rester parmi vous sous une telle accusation. Je demande comme une grâce, ou plutôt comme une justice, que vous m'autorisiez, par un décret, à poursuivre au Châtelet M. Camus comme calomniateur. Ou l'accusé est coupable, ou l'accusateur calomnie.
Je consens à çe que M. l'abbé Maury me poursuive.
Je demande que M. Camus signe son accusation au bureau.
Je vais mettre aux voix le renvoi au comité qui tend à l'ajournement de la question.
Je demande qu'on délibère sur la dernière proposition de M. l'abbé Maury.
On propose de retrancher de la motion primitive d'ajournement la disposition additionnelle de faire entendre au comité des rapports les députés d'Avignon. Je vais mettre cette proposition aux voix.
Il est impossible que les fédérés voient un membre accusé par un autre sans que l'un ou l'autre soit puni.
Je réclame la priorité pour ma motion si l'on ne délibère pas sur celle de M. l'abbé Maury.
Suivant l'usage de l'Assemblée, la priorité appartient à la demande d'ajournement.
L'Assemblée décide que les députés d'Avignon seront entendus au comité des rapports. — Le renvoi et l'ajournement à mardi soir sont ordonnés.
(On se dispose à lever la séance.)
Il est impossible de ne pas délibérer sur la motion de M. l'abbé Maury.
(On demande la question préalable.)
M. Camus ne doit pas souffrir que la question préalable soit invoquée.
(On demande à passer à l'ordre du jour.)
Il s'agit d'un représentant de la nation française.
Dans un moment aussi solennel que celui qui se prépare pour assurer la.cons-titution, vous ne devez pas souffrir que M. l'abbé
Maury soit soupçonné; si l'accusateur est un calomniateur, il faut donner un grand exemple à la nation : il y a assez longtemps que les folliculaires, lès libellistes manquent au respect qui nous est dû. L'Assemblée peut-elle souffrir que dans son sein, par des calomnies insidieuses, on attaque un de ses membres ? Non, elle ne le souffrira pas; elle repoussera l'indécente question préalable ; l'Assemblée doit montrer sa sagesse et sa justice à tous les fédérés. Si vous ne faites pas une justice sévère, craignez dé perdre la confiance et le respect, si nécessaires au maintien de la constitution et à la tranquillité publique.
J'ai l'honneur de vous proposer deux motions différentes. « L'Assemblée nationale donne acte à M. l'abbé Maury, l'un de ses membres, de l'accusation intentée contre lui par M. Camus, qui a annoncé que le sieur abbé Maury avait un intérêt particulier à défendre les citoyens avignonnais détenus à Orange ; autorise M. l'abbé Maury, malgré l'inviolabilité des représentants de la nation, à poursuivre en réparation d'honneur M. Camus. » Voici ma seconde motion : « Si vous voulez faire grâce à M. Camus, j'y consens. » (Il s'élève beaucoup de murmures.) Il me Semble que, dans une alfaire criminelle, il n'y a que grâce ou justice. Si vous ne voulez pas me faire justice, je vous demande le moyen d'aller la chercher ailleurs. Si vous voulez faire grâce, j'y applaudirai. J'observe qu'accepter la question préalable, c'est faire grâce, et que je la considérerai ainsi.
(On demande encore à passer à l'ordre du jour.)
M. l'abbé Maury, honorable membre de cette Assemblée, homme pacifique, juste, bienfaisant, comme vous le savez, se prétend calomnié par M. Camus, et veut l'attaquer en justice. M. l'abbé Maury est fort échauffé. M. Camus
est fort tranquille.....L'Assemblée veut délibérer,
je m'impose silence.-
L'Assemblée délibère qu'elle passera à l'ordre du jour.
La séance est levée à 10 heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à onze heures du matin.
aîné, secrétaire, donne lecture du procès-verbal d'hier au matin.
demande la parole et fait une motion relative aux protestants.
Je fais remarquer ^l'orateur que cette motion n'étant ni sur le procès-verbal, ni à l'ordre du jour, doit être renvoyée à un autre moment.
(Le procès-verbal est adopté.)
annonce qu'il a porté à la sanction du roi trois décrets;
Celui du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la commune de S* Porquier à imposer la somme de huit cents livres pour rembourser les emprunts faits pour la subsistance des pauvres;
Et celui du 9, qui règle le rang qu'occupera l'Assemblée nationale auprès du roi à la fédération du 14 juillet, et la formule du serment que prêteront les députés et Je roi.
annonce que M. Léger offre à l'Assemblée l'hommage de plusieurs discours prononcés dans l'église des Pénitents-Blancs de Montpellier, pendant l'Octave de la Pentecôte de la présente année.
expose ensuite que M. Dus-saux prie l'Assemblée d'agréer l'hommage d'un livre de sa composition, quia pour titre : De l'Insurrection parisienne, et de la prise de la Bastille.
présente une lettre de M. Gi-bon, qui dédie à l'Assemblée nationale une ode sur la fédération du 14 juillet.
met sous les yeux de l'Assemblée une lettre de M. de Gastries, absent par congé, et qui, retenu par la maladie de madame sa mère, demande une prolongation de congé.
Cette prolongation est accordée.
, député du Berry. Je demande que les décrets relatifs à l'érection des évêchés soient présentés à la sanction avant le 14 du mois, date fixée pour la cérémonie de la fédération.
L'Assemblée a encore à délibérer sur quelques articles additionnels qui doivent faire partie du décret sur la constitution du clergé relativement aux ecclésiastiques. Ce n'est que lorsque les décrets seront complets qu'ils pourront être portés à la sanction.
donne lecture d'une lettre des commissaires du roi chargés de l'administration provisoire du département du Gard, qui rendent compte de la suite de leurs opérations à Nîmes. Ils disent qu'il y a eu intention bien réelle d'allumer la guerre civile entre les catholiques et les protestants. Les couvents Ont été pillés, les moines dispersés. Un des premiers soins des commissaires a été de rassembler les fugitifs, plusieurs sont déjà rentrés dans leurs maisons, mais quelques capucins continuent encore à égarer, par leurs propos, des femmes et des artisans de la ville. Transférer ailleurs l'assemblée électorale, 'ce serait abandonner Nîmes à toutes les horreurs qui la menacent et dont cette Assemblée seule petit la préserver, car il y a encore quelque explosion à craindre. Plusieurs personnes, entre autre un sieur Froment, se sont retirées à Nice et doivent passer de là à Turin ;nous promettons, disent les commissaires, d'éclairer de près leurs menées et de les prévenir, s'il est possible. Nous serons heureux si nous pouvons obtenir l'approbation de l'Assemblée nationale.
, aîné. Je demande que cette lettre soit renvoyée au comité des rapports chargé de
rendre compte de l'affaire de Nîmes et je propose de prier Monsieur le Président d'écrire aiitf etrm-missaires pour leur témoigder' la satisfaction dë l'Assemblée.
Puisque le Sieur Froment est regardé comme tin des fauteurs des troublesj il me semble que ia première mesure à prendre serait de s'assurer de sa personne*
(Ces diverses motions sont adoptées.)
(ci-devant duc d'Orléans). Monsieur 16 Président* je demande la parole pour prêter le serment civique.
(Il se fait un profond silence.)
— L'Assemblée permet-elle que je fasse quelques réflexions avant de prêter le serment? (Oui, s'écrie-t-on dans toutes les parties âe la salle.)
Tandis que, d'après ia permission que l'Assemblée m'avait donnée, et conformément au vœu du roi, je m'étais absenté pour aller remplir en Angleterre une mission dont Sa Majesté m'avait chargé auprès de dette cour, vous avez dêcféféj que chacun des représentants délai fiatiôn prêterait individuellement le serment Civique dont votts avez réglé la formule ; je me suis empressé alors de vous envoyer mon adhésion à ce serment, et je m'empresse aujourd'hui de le renouveler au milieu de vou& Le jour approche ofi laf France entière va se réaflii* solefiflellemeM pour le même objet, et où toutes les Voix ne feront eoie'fidre que des sentiments d'amour pour la patrie et pour le roi/ pour la patrie, si chère à des citoyens qui oui recouvré la liberté ; pour le roi, si digne par ses vertus de régner sur en peuple libre, etd'attâ-cber son nom à ia plus grande, comme à la plus heureuse époque de la monarchie française : ce jour, au moins je l'espéra ainsi, verra disparaître pour jamais toutes les différences d'opinions et d'intérêts, désormais réunies et Confondues dans l'opinion et l'intérêt public. Pour moi, qui n'aî jamais fait de vœu que pour la liberté, je ne puis que désirer et solliciter de vous le plôs scrupuleux examen de mes principes et de ma conduite dans tous les temps. Je ne pttis avoir1 le iflérfte d'aucun sacrifice* puisque mes Vœtfx particuliers ont totrjour» prévenu ou suivi vos décrets, et depuis longtemps, je peux le dire, je portais dans mon coeur 1» serment que ma bottebe va prononcer ta t& moment.
« Je jofe d'être fidèle à la nation, à la loi au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir ia constitution décrétée par l'Assemblée nationale, et acceptée par le roi. »
(Après avoir prononcé son sêrmeiïfi le duc d'Orléans retourne à sa place à la gauche du Présidents — Là majorité de FAssembtée et les ErrbErtm& applaudissent à trois reprises différentes.)1
Serf l'exposé (fuïïe requête non comte uniquée, et p&p conséquent non» contredite, et sur u» simple avis de l'intendant, M. de Groy a surpris, le 28 septembre 178^ att arrêt Aï ctm-seil, qfuf Fa&lofïse U piercetoi? à perpéÉui'té, sur toutes les marchandises qtiï passent dessus et dessous le pont de fa ville d* Qttesrfoy, district de Lille, département du Nord, les droits de péageêf pontonnage. L'adjudication de ce droit de péage, fait en 176$, au préside M. dte Groy, protrrequ'il n» lui rapportait alors que 17 livres 10' sous; et
; par le nouveau privilège que lui accorde l'arrêt du 28 septembre 1788, le titêmd droit lui rapporté s aujourd'hui 25 à 30,000 livres par an. M. de Groy ! refuse de se soumettre à votre décrèt du 15 mars dernier, titre ÏI, article XIII, qui supprime, sans indemnité, les droits de péage ét potitonnagê. Jfê supplie l'Assemblée d'ordotinerle renvoi de toutes les pièces qui regardent cette affaire ait comité féodal, aVêc injonction de lui en rendre compté? dans trois jours.
Ce n'est pas ie cas de renvoyer au comité féodal ttn ôojèt sur lequel il y à un décret qui prononce l'abolition sans indemnité. Il suffit de renvoyer cètte demandé au pouvoir exécutif.
Le décret sur lès péages a prévu trois exceptions dans son article 15.1. de Croy pense que Son péage est compris dans l'éxcepticm. Comme l'Assemblée s'est réservé l'interprétation de sou décret, le renvoi au comité féodal me semble de rigueur.
L'Assemblée a renvoyé antérieurement au Comité1 d'agriculture et de commerce, une réclamation du même gérfre Concernant lé ci-deVânt pays de Cambrésis, dans lequel M. de Croy a coutume de percevoir &oû péage. Les deux affaires sont connexes, et je demande que fe rapport en soit lait simultanément jeudi pfddhâîfî. (Ces propositions sont adoptées.)
, député du pays de Labour, démande pour cauSè de santé un congé de quinze Jours qui îui est accordé.
, député du dépattement dé là C6te-df0r\ absent par congé et retenti par unèr maladie gratéf de M®6 de Chastenay, demandé Une prolongation de quinze jours qtfi Itt! est àc^ cordée.
, seôrétâît'é, dotMe lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir.
Il ne se produit aucune réclamation.
Le même secrétaire fait lecture d'une adresse de la garde nationale de Perpignan, qui exprime son zèle et son entier dévoûment aux décrets de l'Assemblée.
Il fait ensuite lecture d'une adresse des capitaines et officiers de la marine marchande de Marseille, qui expriment leur reconnaissance de ce tftie létrrs députés seront admis â fa confédération générale.
éXptise que leS gardes rïatfo-nales, qui se sont confédérées sous les murs de Rouen, demanefêïït â éervoyér trrfé tféptf lîâ'tion pottr apporter a l'Assembfée rhotntûffgé de Farïhésioû de cette confédération.
Il fait ensuite part à l'Assemblée dû dfésiV qûe M. e LafefyelCe lui a témoigné, au nom de totfé les déptttés des gardes nationateS à* fa fédératioû; d'être admis à présenter par dèputation leur'lïoltf-mage à l'Assemblée.
Ii Assemblée décide que la dèputation sera admise mardi à deux heures.
L'ordre dïï jour esf maînfe-nant la svftte de ict dîstâÈist&ft dù pfffjét été ment.
préposé par lé comité des finances, sur les postes et messageries.
Les articles 1 et 2 ont été décrétés dans la séance du 9 juillet.
« Article 3. Les postes aux lettres, les postes aux chevaux et les entreprises de la ferme des messageries, continueront à être séparées, quant à leur exploitation ; mais pour maintenir l'équilibre entré les intérêts opposés et concurrents de ces trois parties, elles seront réunies, à dater du lep août prochain, sous l'autorité et la direction en chef de trois directeurs généraux des postes. Ces directeurs généraux résideront à l'hôtel des postes, à Paris, et ils rempliront, jusqu'au 31 décembre 1791, les seules fonctions des quatre intendants des postes, et de l'Intendant des finances chargé des messageries. Ils feront les dispositions nécessaires poUr donner aux services de ces trois parties toute la sûreté et la célérité dont ils sont susceptibles, pour former les établissements que démandent les besoins du gouvernement, d'après la nouvelle division du royaume, et ceux qui peuvent être utiles au commerce; pour mettre l'Assemblée nationale en état de prononcer sur le changement du tarif des lettres, sur les règlements a conserver, à rectifier ou à faire ; pour obtenir toutes les économies et les augmentations de produit dont ces parties d'administration sont susceptibles; enfin, pour que ce qui sera décrété en conséquence, puisse avoir son exécution au 1er janvier 1792, au plus tard et en totalité. »
Payons-nous des ministres, des membres du conseil pour ne rien faire ? Pourquoi leur donnons-nous des cent mille livres de traitement, si ce n'est pour veiller aux différentes régies qui sont dans leurs départements. Que nous fait faire le comité des finances ? il nous fait adopter quatre fermiers généraux, vingt-huit régisseurs généraux. Est-ce ainsi qu'il devrait agir 3 II fallait nous proposer d'abord le plao d'organisation générale, et puis descendre aux détails. Que le comité nous dise quels sont les commis qu'il y a à payer et nous les payerons. Mais ajouter encore pour cette partie trois administrateurs généraux, je m'y oppose.
J'observe qu'il serait imprudent de rien statuer sur les postes jusqu'à l'année 1791, parce que le comité déposition s'oc-ctipe de présenter divers projets dans lesquels il fera entrer cet objet.
(de Nemours). L'Assemblée ne peut rien statuer sur le traitement des maîtres de postes qui varie en raison du plus ou moins de facilité qu'ils trouvent en divers lieux: les assemblées administratives peuvent seules donner des éclaircissements à cet égard. La raison qui a déterminé le comité à accorder des traitements assez considérables aux administrateurs des postes ne me paraît pas fondée ; ce motif c'est d assurer le secret des lettres en mettant les administrateurs dans la plus parfaite indépendance des ministres; mais la loi oui assure l'inviolabilité des lettres est bien publique, et la responsabilité des agents du pouvoir exécutif étant bien établie, Il n y a pas de danger à craindre h cet égard.
Il est d'autant moins important de donner uû traitement considérable aux administrateurs, qu'ils sont dans l'usage de faire faire leur besogne à des premiers connais.
Le travail du eomité ne résout au-
cune question, si ce n'est qnll y a trois directeurs de perpétuels qui auront vingt Mille livres de rentes et une somme accessoire pour frais de bureau. Je demande l'ajournement.
, rapporteur. Il ne me paraît pas. Messieurs, que les préepinants aient lu lé projet du comité, lorsqu'ils proposent de préposer Un ministre aux fonctions des postes.
Je ne sais pas s'il serait fort utile à l'Etat fue les ministres eussent à s'en occuper: mais je peux assurer du moins qu'avec cette partie lis seraient prodigieusement employés. Il y a des affaires de toutes les minutes, il y a des objets qui intéressent les particuliers,.et surtout le Commerce, ét sur lesquels il est nécessaire d'avoir toujours des préposes qui prononcent tant sur ces affaires que sur les difficultés qui surviennent.
Un directeur des postes a besoin d'être employé aux affaires du public, la nuit comme le jour.
On a réduit les directeurs à 25,000 livres ; si vous réduisez encore, les places ne seront peut-être pas tenables.
Le plan du comité présente une notable économie; la recette journalière est, de toutes, la plus pénible.
On propose un cautionnement de 6,000 livres pour le trésorier, mais cela est une grande difficulté.
Je conclus à l'admission de l'article du eomité.
Le travail du Comité est inconstitutionnel; il propose un cautionnement pour ces nouvelles places, tandis que vous vous évertuez â détruire ces abus. Dans son travail imprimé, le comité pense lui-même que trente-six régisseurs généraux peuvent tout faire, et il veut que vous adoptiez encore, pour cette seule partie, trois administrateurs de plus*
Le régent, après la banqueroute, distribua lé travail entre douze personnes à douze mille livres d'appointements chacune el le travail fut bien fait. Je demande l'ajournement jusqu'à ce que le comité nous présente un plan moins cher.
J'observe qu'il serait bon de renvoyer le tout, même les articles t et % déjà adoptés, au comité des finances * décréter partiellement d'autres articles serait une faute et noas préparer des mécomptes. Je conclus à ce que le comité des finances prépare un nouveau projet et à ce que, provisoirement, tout existe dans l'état actuel.
, député du Nivei'nais. Messieurs, il y a une grande urgence, il y a nécessité à organiser les postes.
Je n'ai pas l'honneur d'être membre du comité des finances, mais je crois pouvoir vous démontrer que ceux qui l'on attaqué n'ont pas étudié son projet, ni au point de vue de la dépense, ni sous le rapport de la constitution.
Quand on propose de créer trois directeurs généraux, ce ne sont pas trois nouveaux officiers, mais trois hommes parmi les administrateurs actuels et poor lesquels il n'y aura pas d'augmentation de frais*
Vous venea de diviser la France e» départements et districts : cette opération nécessite dé nouvelles correspondances entre des villes qni n'en avaient pas. 11 faut un nouveau travail et un nouveau tarif. Il n'est doue pas vrai do dire qu'on
va surcharger le Trésor public, qui, au contraire, va bénéficier.
Vous venez de supprimer l'intendant des postes. Il était encore chargé des postes aux chevaux. Il était ordonnateur. Il faut donc que quelqu'un fasse les fonctions de l'intendant et des douze administrateurs généraux.
Il est instant d'avoir des chefs; vous manquerez vous-mêmes votre correspondance. Je m'oppose à l'ajournement.
(de Saint-Jean-d? Angély). Je propose d'ajourner tous les articles du décret qui sont définitifs et de voter ceux qui ne contiennent que des dispositions provisoires.
Je dois dire à l'Assemblée que le comité d'agriculture prépare un rapport sur les messageries.
Les postes intéressent tout le monde, le commerce, les particuliers, c'est-à-dire tout le royaume; aussi, je ne comprends pas comment le comité des finances s'est occupé seul de cet objet. Le comité de constitution devrait également être entendu.
Je suis d'avis d'appeler les comités d'imposition et de commerce à délibérer sur cet objet. Quant à leur adjoindre le comité de constitution, cela me semble inutile, parce qu'il y a dans tous les comités des personnes s'occupant de la partie législative.
Divers membres demandent la clôture de la discussion.
t résume les diverses motions et les met successivenient aux voix. L'Assemblée rend le décret suivant : « L'Assemblée nationale a décrété et décrète : « Que le surplus du décret proposé relativement à la poste aux lettres, à la poste aux chevaux et aux messageries, est ajourné;
« Que son président se retirera par-devers le roi, pour le supplier de donner les ordres nécessaires pour la continuation du service de la poste aux lettres, de la poste aux chevaux, et des messageries ;
« Que ses comités des finances, des impositions, d'agriculture et de commerce se concerteront pour lui présenter un plan pour l'administration de la poste aux lettres, de la poste aux chevaux et des messageries. »
annonce l'ordre du jour de demain.
. Plusieurs membres demandent la parole sur cet ordre du jour.
En vertu des ordres de l'Assemblée, le plan d'organisation de l'armée a été livré à l'impression et le comité militaire a déployé la plus grande activité dans ses travaux. Je demande que l'Assemblée discute, dès demain et sans désemparer, la question militaire.
Une des matières les plus instantes est assurément celle de la force publique et pour entamer la matière, je demande qu'on commence par décréter une organisation des gardes nationales.
Un moyen infaillible de ne
rien finir, c'est de tout entamer. Vous avez déjà à-la discussion l'ordre judiciaire, le clergé, les dépenses publiques et bien d'autres objets ; si vous commencez encore les gardes nationales, vous ne ferez que compliquer votre besogne et embarrasser votre marche. ,
Le comité militaire à adopté les bases du travail qu'il doit vous soumettre; il est en mesure de les rapporter demain, si vous l'ordonnez.
Le comité a plusieurs rapports successifs à vous faire. Tout ce qui a rapport à l'armée y est développé, mais ces développements ne peuvent se faire aussi laconiquement qu'on affecte de le croire. Je demande donc que sans interrompre, ni l'ordre judiciaire, ni le clergé, ni la dette publique, ni les pensions, on entende de temps en temps les rapports du comité militaire.
Je demande que l'Assemblée s'occupe, sans interruption, d'organiser la force publique, jusqu'à ce que ce travail soit terminé et qu'elle mette cet objet à son ordre du jour à partir de mardi prochain.
(L'Assemblée décide que mardi prochain le comité militaire fera son rapport.)
dit qu'il a reçu plusieurs notes de M. le garde des sceaux, relatives à la sanction de plusieurs décrets, et l'expédition en parchemin de plusieurs autres pour les archives de l'Assemblée.
Un de MM. lés Secrétaires fait lecture de ces différentes notes, dont la teneur suit : Le roi a sanctionné :
1° J^e décret de l'Assemblée nationale, du 6 de ce mois, qui autorise les officiers municipaux de la commune de Dampierre, à imposer la somme de 1200 livres, en quatre ans, sur tous les contribuables qui payent 4 livres et au-dessus de toutes impositions-,
2° Le décret, du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville d'Arras à faire un emprunt de 30,000 livres ; ' 3° Le décret, du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la commune de Dourgne, à imposer, par des rôles additionnels, la somme de 1(5,000 livres en deux ans, sur tous ceux qui payent 5 livres et au-dessus d'impositions directes ;
4° Le décret, du même jour, portant que tous les octrois établis au profit de la ville de Sedan, continueront d'être perçus sur tous les habitants sans distinction, ni privilège, et autorise cette ville à faire un emprunt de 4,000 livres ;
5® Le décret, du même jour, concernant les réclamations des officiers de la marine marchande, sur la forme de service à laquelle ils sont tenus' à bord des vaisseaux de guerre ;
6° Et enfin Sa Majesté a donné ses ordres en conséquence du décret, du même jour, rendu à l'occasion des demandes contenues dans une lettre de la municipalité de Grenoble.
Signé : Champion de Cicé, Arch. de Bordeaux. Paris, le 10 juillet 1790.
Expéditions en parchemin, pour être déposées dans les archives de l'Assemblée nationale :
1° De lettres patentes sur le décret du J1 juin, qui autorise les officiers municipaux de Nègre-plisse à faire un emprunt de 2,000 livres ;
2° De lettres patentes sur le décret du 21, qui autorise les administrateurs de l'hôpital de Bourges, à faire un emprunt de 30,000 livres;
3° Lettres patentes sur le décret du même jour, portant que les habitants de la vallée d'Aran, continueront provisoirement de s'approvisionner dans le pays de Gomminges, de grains et autres denrées nécessaires à leurs subsistances;
4° De lettres patentes sur le décret du 23, qui autorise les officiers municipaux de la ville et communauté de Gysoing, à faire un emprunt de 5,000 florins;
5° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de Icey-sur-Saône, et Neuville-les-Scey, à faire un emprunt de 3,000 livres ;
6° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de Cherbourg, à lever différents droits sur les cidres, vins et eaux-de-vie, qui entreront dans ladite ville pour y être consommés ;
7° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux d'Angers à faire un emprunt de 40,000 livres ; * 8° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant l'imposition à faire par les officiers municipauxdes Sables-d'Olonne, delà somme de 10,000 livres, en cinq ans ;
9° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant la répartition à faire par les officiers municipaux de Fécamp, d'une somme de 3,000 livres, sur les contribuables qui payent au delà de 3 livres d'impositions ;
10° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant l'imposition à faire par les officiers municipaux de Muret, de la somme de 2,000 livres en quatre ans,sur tous ceux qui paient dans les rôles 6 livres et au-dessus de toutes tailles ;
! 11° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant l'imposition à faire par les officiers municipaux de Briare, en supplément de rôles, de la somme de 296 livres 5 sols, à raison d'un sol six deniers pour livre des impositions principales;
12° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant (a somme de 1,200 livres à imposer par les officiers municipaux de la commune de Fiiveau en Provence, en trois ans, sur tous les contribuables qui paient 4 livres et au-dessus de toutes espèces d'impositions ;
13° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de Saint-Flour à faire un. emprunt de 12,000 livres ;
14° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la commune de Baron, à se faire remettre la somme de 2,000 livres, sur celle de4*230 livres, en dépôt dans la caisse des fonds de l'Hôtel-Dieu;
15° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant l'imposition à faire par les officiers municipaux du bourg d'Arlay, de la somme de 800 livres sur tous ceux qui paient 4 livres et au-dessus d'impositions principales;
16° De lettres patentes sur le décret du 24, concernant l'intitulé des délibérations des corps administratifs ;
17° De lettres patentes sur le décret du 25, qui autorise les officiers municipaux de Lyon à faire un emprunt de deux millions ;
18° De lettres patentes sur le décret du même joue, concernant l'élection des juges-consuls ;
19° De lettres patentes sur lé décret du 27, c oncernant les foires franches ;
20° D'une proclamation sur le décret du 30, portant qu'il sera sursis à toute nomination de commandant en chef dans la ville de Versailles;
21° D'une proclamation sur le décret du premier de ce mois, pour renvoyer au 25 le commencement des opérations prescrites par les décrets de la division de Paris, du 22 juin ;
22° D'une proclamation sur le décret du même jour, premier juillet, présent mois, portant que l'assemblée du département de la Marne est hxé dans la ville de Ghâlons-sur-Marne;
23° D'une proclamation sur le décret du 4, relatif aux dépenses de la fédération, à la vérification des procès-verbaux de nomination des députés, et au soin de veiller, lors de la fédération, à la sûreté et à la tranquillité publiques;
24° Et enfin, d'une proclamation sur le décret du même jour, qui prescrit la forme du serment à prêter par les députés des gardes nationales et'autres troupes, lors de la fédération du 24;
Paris, le 11 juillet 1790.
, curé de Souppes, au nom du comité de vérification, rapporte que M. Loaisel, député de- la Bretagne, s'est retiré de fait de l'Assemblée il y a neuf mois, et a indiqué à M. Lebreton, son suppléant, la nécessité de prendre sa place; ce qui a été effectué par M. Lebreton, qui, depuis ces neuf mois, a été admis dans l'Assemblée, et en a très exactement suivi les travaux : que cependant M. Loaisel demande à reprendre sa place ; ce qui obligerait son suppléant delà quitter.
L'Assemblée décrète qu'il n'y a lieu à délibérer sur la demande de M, Loaisel, et que M. Lebreton, suppléant admis, et qui a fait le service de membre de l'Assemblée, en conservera la qualité.
lève la séance à trois heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
(de Nemours), secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille, dont l'Assemblée adopte la rédaction.
annonce l'envoi fait par M. Bucquet, musicien du roi, des paroles et de la musique d'un hymme sur la fédération.
Il fait mention de la lettre de M. Lamouroux, chapelain de l'Hôtel-Dieu, qui propose de célébrer le 15 juillet, dans l'église de Notre-Dame, un service pour le repos de l'âme des martyrs de la liberté, morts sous les murs de la Bastille.
fait part à l'Assemblée de l'hommage que lui fait la fédération qui a eu lieu sous les murs de Strasbourg, du nrocès-verbal de cette fête, à laquelle ont assisté les députés de tout le département du Haut-Rhin.
fait aussi leptqre d'unis lettre de M.Byrbé-Mçivboi?! rplcktiyçq, sorit qdr^lnis^tion 4 Sai^t-pomi'iigue. Qpttp {ejtrp Wt MUSl CPD6U8 î
Monsieur le Président
L'Assemblée nationale a décrété que les administrateurs et orclonn&tpurs rendraient pompte de ïeur administration, et particulièrement des dépenses iarnérées ; en ponsëqueuce, jp"|,ui ai pré? sénté des états de l'administrât jondps finances dp Saint-Pomingue, et, âu Upu dp dépenses arriéras, pn a vu un fonds considérable en réserve,. Deux mois après mpn départ dp Ja colonie, % de La Clieva}erie a élevé nouies sur l'exactitude de pps comptes- Mafà des prèuyeg sans répliqué Ujp pàryiennent en pe moment- Mon successeur vient de publier les états des recettes et (jéppnses dp iiMi II y reconnaît « qu'il a trouvé dans les caissps plus' d'un million en ré^prye ; que les magasins du roi contenaient plus pe six m/lle quintaux de farines ét d autres approvisionnements en iput genre, pour jes sommes considérables ; qq il n y âVa|t aucune dépense arriérée : ope tout a été payé CQmptàpJ, et ii se renjd ponsàble pe tOl|t pp qpe j'ai annoncé qjj.p jpi^.ig-saiSj
«7e vous supplie, î^onsippr le Président, de ypn? lpjr bien présenter à "Assemblée nationale cette preuve dp l'exactitude des comptes que j'ai rendus. p
nationale décrète sera fait mention dans son procès-verbal de jel|rp de Mt jBapbé-Marbois èj, $ps ^tajl§ justificatif de ï^àc^tiide de sa comptabilité, et que les 'pièces, ainsi gup la Jpitre, seront remises au? archivps.)
fait hommage à l'Assemblée, de la partie M. Brisson, membre :de l'académie des sciences et maître dg physique (les Ejjfpntg-de-France, d'un exemplaire des tables pour l'intelligence de la nouvelle carte de France, divièée en départements et eh districts. L'Assemblée témoigne sa satisfaction, et ordonne le dépôt de l'exemplaire dans ses archives,
{de Saint-Jean d'Angely) lit une adresse Su JBieur Talqua, comédien do théâtre -Français,' qui se plaint îlu refus1 de M le curé de Saint-Snlpjpp, de publier $es bapcs, ef tle lui donner la bénédiction nuplale; il invoque la justice de l'Assemblée, s'abandonne à sa sagesse, et réclame l'exécution de ses décrets. «Je réclame, dit M. Taima, les droits de la
constitutionnelle., et les droits de citoyen-qu'elle ne m'a point ravis, puisqu'elle ne prononce aucun titre d'exclusion contre ceux qui embrassent la carrière du théâtre. J'ai fait choix d'une compagne à laquelle je veux m'unir par les Ûeng du mariage ; mon père m'a donné son consentement. Je me suis présenté devant M. le curé dp Saiot-Sjilpùse pour la publication de mes bans. Après un premier refus, je lui ai fait faire une sommation par acteextra-judiciaire ; il a répondu 4 l'huissier qu'il avait cru de la prudence d'en déférer à ses supérieurs ; qu'ils lui ont rappelé les règles canoniques auxquelles il doit obéir, et qui défendent de donner à un comédien le sacrement de mariage, avant d'avoir obtenu de sa part Une renonciation à son état... Je me prosterne devant Dieu; je professe la religion catholique, apostolique ét romaine. Comment cette religion Peut-fille autoriser le dérèglement des mœurs ? J'aurais pu, gans doute, ^drO une renonciation, et
reprendre le lendemain mon état; mais je pe veu$ ppiht ms montrer indigne de la religion qu'on invoque coqtrp moi, indigne du bienfait §§ la Constitution, en accusant vq§ décrets d'erreur et vos lois d'impuissance. Jp m'abandonne aypc confiance à votre justice. *>
Il p§t difficile flU?unq question plus importante gpit soum^e î foire 4ë!iJ?éf$tïôn-Il n§ s'âgit pas igi' seulement ffp pen$ qui ont embrassé la profession du théâtre, ]l s'agit .de savoir jusqu'à quel point s'étend la pujssàppé ecclésiastique sur le mariage considéré cppupé sacrement, Cette question, pour êjrp approfondie, a besoin ou plus sérieux examen ; j'en demande le renvoi aux comités ëcclésiastiqup et ^constitution réunie
Une expérience de vingt-deux ans m'a mi§ à. portée de connaître qu'il y a une grande aifférénce entre Je contrat civil e| le sacrement de mariage. Je fleman4ë qu'il soit adjoint au comité ecclésiastique, pour l'examen de la question, jrpjsj membres J)ipn instruits des lois canoniques,
Le procédé de M. le curé de Saint? SuTpicé est d'autant plus' étonnant, que tpuf le monde sait que. plusieurs fois j on a marié des comédiens sous le nom de musiciens ; ce sont ici de ces petites méchancetés, de pes petitès intrigues qu'on mej en j'en pour mécontenter les citoyens ; et puisque les méchancetés sont sur le tapis, j'ajoute qu'il est absolument instant de prendre Un parti sur l'état dès religieux et ex-religiéux" qui iont fiumiliég et tourmentés de toutes parts ; on teurrefuse la permission de dire la mcssè'et de confesser, je demande què, sous huit jours) le comité ecclésiastique nous présenté, sur cette matière, le projet de loi dont vousl'aypz chargé, il y a quelque temps, par un décret spécial. (On opserve à M. Bouche qu'il est hors de la question.)
(L'assemblée renyqie la lettre de M. Taima à .ses comités de constitution et ecclésiastique réunis.)
, secrétaire, fait ensuite mention du don patriotique fait par les habitants de la paroisse de Baron, district de Libourne, département de la Gironde, du montant de l'imposition des ci-devant privilégies.
, rapporteur du comité de constitution. ViJU6 ayez divisé pn six districts le aépps tement de l'Eure en laissant aux électeurs la faculté de vous faire connaître s'ils croyaient nécessaire d'avoir un plus grand nombre de dist-tricts. Les électeurs ont délibérée! ils s'en tiennent à la division déjà faite. En conséquence, nous vous proposons le décret suivant :
« L'Assemblée nationale confirme la délibéra* tion des électeurs du département de l'Eure du 17 juin dernier, et décrète que la division de ce département en six districts est définitive. » (Ce décret est adopté.)
, rapporteur du eqr^ité ecclésiastique, Le comité ecclésiastique m'a phftrgé ^e vous
donner lecture de tous (es décrets réunis sur l'organisation du cjergé suivant l'ordre dans
lègue) ils ont été rangés- Il vous propose do n'en faire qu'un seul décret qui comprendrait
ainsi tout 60 qui est relatif à la co^titudon civile du clergé.
la place ,4e l'article S Jps jffifnpS rendus depuis sur la fixation du siège dés èvêçn$jî.
Nous pensions également qu'il y a lieu de retrancher le dernier article (art. 20) du titre I8r, pour le remplacer par les décrets rendus sur les bénéfices à patronages laïques.
L'Asgemblée décrète toutes ces modifications et ordonne que son décret de ce jour sur la constitution civile, du clergé sera joint à son procès-verbal (voy- ce document annexé à laséance, p. |5).
, Je dois faire part à l'Assemblée 4P la joie qu'a p^çit^e, dans Ja colonie qg Salnf^DQWngHe, le d^crej; du $ mjigf! (JerpieF- % sa réceptiqn, l'assemblée coloniale du Gap a arrêté» à l^nanimité, d'envpysr une adresse de rg-mercipfnents à l'Ass^rjnplée nationale et dq f§ire chanter pn Je i)eumm "témoignage de r£PPR~ naissance envers ja M^re-patrie.
ypipi la délibération qui vient de m'être reinipe par l'un des députés de la colonie ;
EXTRAIT DBS REGISTRES DES D!UB|RA?IQNS
DE L'ASSEMBLÉE PROVINCIALE DU SUD DE SAINT-DOMINGUE.
Séance du
« M. le président a ouvert la séance, « |1 a été donné lecture d'un ae l'a^eip-bî$p prgïjgmff dp nord, du 6 épurant concernant )e pécrpt rendu ]p $ ipars 4ernier jpaj 1'^.?-§Datipn^jfè,'çtf fayeur dps çbjqu'jpg française?; ledit â §dopj;0. dapf ' tpu| §pn cpptenp, d'une yqix unanime,
i L asseîpblpe, considérant que Je? sentiment^ d'allégresse universelle qu)il a répandus dan? la province dqivgpt être, par plie, trapsniis ^ /'Assemblée nationale dans toute leur pureté; considérant que les mêmes sentiments ge sqm hautement manifestes à l'assémbiee générale de cette îlp; qu'elle a popamp q^^trg cqj^missaire^ ^ l/effet 4f rédiger une fdr^ge 4e ïeçjeVciéjnehts à l'As-senipjée pajipnale cg ijpçrëjcj et qyef elje y a sursis, ce p'pst que dans les Vues, sanf dPUtei d'en pxpressionf ; a ar-
rêté ;
« Qpp, sans rie.n préjuger cputre les prinpjpeg dp l'assemblée générale, qui doivent être le résultat du vœu publie, il sera chanté, avec içs §o-lennijes et illuminations prdinaiTef et précédemment observas en cptje yille qanjS les çéré/no-nies publiqng3, ainsi .que dans lès comités pa-roissjaux dp la province, % tel jour qu'il lpur plaira indiquer, un f$ Dpwfj,, pomme un q?onu-
ment qui consacre à jamais nptre reconnaissance envers la jjère-Patrie;
» Arrête qu'expédition eu fornip du présent sera envoyé^ aux «lépiijps 4e la proviqce jàuprèsj de l'Assemblée nationale; avec jriyitàjtjon de lui offrir ce tribut de nos hommages, de notre respect, de notre amopr, ainsi qu'au? yjijtfs jn§p~ tiffles du rnyaufflp qui ont franchi lé,s î&mpjs et les djgtunpes pour nous donner ce témoignage éclatant de l'attaçhpnient qu'elle^ nous put you.é;
« Arrête également que pareilIp expédition sera transmise par la première ypip apx asgegij}}§es pie l'Ouest et du Nord, et qu'il leur sera écrjj; ppqr nous concerter ensemble; t Arrête également que le prégp&t arrêté ggra
pareil lemçnj envoyé aux çqpwtés paroissiaux j pSur'étr'ëims à^exécutipn, chacun dafig Je^r territoire, en ce uni les concerne? ' « L'À^emDleea nommé ff; Bauramy pour s'entendre aypp le comité pàrqjssiàl 3e cette yille, iu sûjèt des rêjouissapces ^ faire.
fii . . COLLET, -président j " P1s°e " R- RiiÊNÉAUME, seçréffffre{ »
Plusieurs membres detpan^ent l'impressipp ^
la délibération prïpe pa| l'asfembjép ' prjjyinciale dji sud de SafnrPpmingue,
'L'IÏÏp'réssicjn èf i'InsQr.iifln au prpçè§-ver|?a| s^ùtordonnéëè.
J'ai reçu de Lambert, contrôleur général des finances"^ une nouvelle lettre et une n°.t# Telatiy^ au ^onf^gcm^r^n^t des impôts (ppry. c^s! piêcps annpx^ à la séànpe de cë jqur , p.- 6|}1
L'4s?empfée renypîe le tput au POJUité dps fi-nanc,e^.
, au nom du comité gcclésifipftquç, Le$ écohoqiats éprPnvent de grandes difficultés dans J4 régie qui lëqr esf ^qnfiéç, Les munipjpan lités ^rétendepf ^'attribuer leprs fonctions, qui Pjç peu yen t être dp |éur cpiùpltenpe, mais bien de çgiie des administrations de département et dp Wkim m attendant que ces administrations soienj; organisé^?, nops'vouf propqgoni dp con-tihuef, ppur la nrégente année, la régie de l'écp-npnie général, a J| chargé par lui de rendre copàpfe de p ge?tjop, (Ûettp proposition jjf adpptée.) Le décret est rppdu ainsi qu'il suit ; I L'Assemble pa^pnàtei ouï le rapport de son comité epc|é^i^stique, jiécrete : _ ? Que l'pcpnoine-g4n,éFal continuera, pendant pj^geptf anp,ép, la régie qiqi lui est confiée et fçra, fjuj^ht le mp/np lemps, la perception des ffijenjage? ef reyenus i^chus pt payables dans le côUrant de ladite année, à la charge d'en rendre compte, »
, rapporteur du comité ecclésiasr tiqup. Dans la 4i9PU$$iPP du projet de décret re* laii'fau tr^ilepippt du cJergé actuel, vous avez renyoyé à yq{re g,omit6 divers amendements dont je suis chargé de yops rpndre compte. Un de ces aipenuements est relatif à la jouissance des maisons canonicales, que les titulaires tiendraient à titrp 4é vpnte pour leur vie ou à bail à vie. Nous pensons entrer dans yos vues en vous proposant dp .consacrer la jouissance des titulaires actuels, et c'est tà l'objet de l'article ltF qui suit :
j Art, Wp Les titulaires qui tiendront des mai-çpps de leur corps, à titre de vente pour la vie ou a bail 4 yie, j» avec deniers d'entrée, » eu joui-» rpnt jusqu'à leur décès, à la charge de payer in-ceggamment, au receveur du disirict où se trouvera chef-lieu 4u bénéfice, le prix de la vente dqnt iîs seraient en arrière et le ppix du bail, aux termes y portés.
, député du Bfiwy. Puisque vous aye? supprimé les bénéfices, la nation doit rentrer dans la libre disposition des maisons qui en dépendaient à la charge d'indemniser les titu-Iuirps,
L'Assemblée a sans doute enviç d'observer la justice, et elle s'en écarterait; si on conservait dans l'article ces mots : avec des
deniers d'entrée. Il y a quantité de titulaires qui ont fait reconstruire ou bâtir des maisons en entier; ils ont sans doute fait plus de bien que ceux qui ont payé des deniers d'entrée. Je demande qu'on aille aux voix sur l'article, en retranchant les mots que je viens de désigner. Cet amendement est adopté et l'article premier est décrété en ces termes :
« Art. 1er. Les titulaires qui tiendront des « maisons de leurs
corps, à titre de vente pour « leur vie, ou à bail à vie, en jouiront jusqu'à « leur décès, à
la charge de payer incessamment « au receveur du district, où se trouvera le chef-« lieu du
bénéfice, le prix de la vente dont ils « seraient en arrière, et le prix du bail, aux ter-«
mes y portés. »
, rapporteur. Il existe des chapitres où les titulaires, en achetant les maisons canoniales, s'obligent à les laisser au chapitre à leur décès; il en estd'autresoù les chanoines, en achetant, se réservaient le droit de revendre ou de retenir pour eux, ou pour leurs héritiers, tout ou partie du prix dé la vénte : depuis la suppression des chapitres il n'y a plus lieu à retour en leur faveur. Il est intéressant, cependant, que la nation ne perde pas le droit qu elle a sur les maisons ; en conséquence, votre comité a pensé que, pour remplir ces engagements de part et d'autre et conserver les droits de_la nation, il était juste de laisser la propriété des maisons aux titulaires qui les ont achetées aux chapitres, à la charge par eux de remplir, vis-à-vis les directoires, les cond itions du contrat de vente, et de payer en outre le quart de la chose vendue, en indemnité de la propriété à laquelle la nation veut bien renoncer ; et pour constater l'usage du chapitre sur les différentes espèces de conventions, votre comité a pensé qu'il fallait que ces conventions fussent revêtues d'un titre authentique, tel que des lettres patentes, ou des titres de fondation ou de donation; en conséquence, voici le projet de décret qu'il vous soumet :
« Art. 2. A l'égard des chapitres dans lesquels les titulaires faisaient, avec le corps, des conventions qui donnaient à l'acheteur la faculté de disposer à son profit, ou à celui de ses héritiers ou ayants droit, du tout ou d'une partie du prix de la revente qu'il aurait faite à un autre titulaire, d'une maison canoniale ; si ces conventions sont autorisées par des statuts revêtus de lettres patentes dûment enregistrées, ou par des titres de fondation ou de donation, lesdites conventions seront exécutées suivant leur forme et teneur ; en conséquence, les titulaires et possesseurs actuels desdites maisons pourront en disposer comme bon leur semblera, à la charge, par eux, de payer au receveur du district, outre" ce qui sera porté dans les conventions, le quart de la valeur des maisons, suivant l'estimation qui en sera faite ; et, dans le cas où lesdites conventions ne seraient pas ainsi autorisées, les possesseurs n'auront d'autre droit que la jouissance accordée par l'article précédent. »
Je dois faire observer à l'Assemblée qu'il y a différentes provinces nouvellement réunies à la France, où les lettres patentes n'avaient point lieu ; dans ces provinces, l'usage constant et immémorial des chapitres doit être suffisant pour ne point priver les titulaires du droit qu'ils avaient cru acquérir sur la jouissance d'une .maison canoniale ou dépendante d'un bénéfice, lorsqu'ils ont été pourvus
d'un canonicat ou d'un bénéfice. Je crois, et l'Assemblée, j'en suis certain, ne me désapprouvera pas, que la nation ne peut exercer que le droit des chapitrés.
J'appuie les réflexions du préopinant. Les usages des chapitres doivent être suivis dès qu'il n'y a point d'abus, ni de contra-, vention aux lois : donc, l'amendement doit être adopté.
Je viens demander à l'Assemblée une disposition particulière pour le chapitre de Langres. Depuis quatorze siècles les maisons canoniales y étaient amovibles; cependant en vertu d'un arrêt rendu èn 1779, aucun titulaire ne pouvait vendre sa maison à un autre, qu'en payant au chapitre un dixième de sa valeur. Cet arrêt a été combattu par deux chanoines qui s'appuyaient sur l'anCien ordre de choses. (On interrompt l'orateur et on lui fait remarquer qu'il s'agit d'un cas particulier auquel l'article n'est pas destiné à pouwoir.)
Là nation s'est emparée des biens du clergé. (La droite applaudit vivement.) Je dis que la nation s'est emparée des biens du clergé, mais que ces biens n'appartenaient pas au clergé et qu'il n'en était que l'administrateur. (On applaudit à gauche.)
Je dis, eu même temps, que la nation en rentrant dans ses droits n'a certainement point voulu porter atteinte aux propriétés particulières. Or, sur un sol dépendant d'un bénéfice, il est arrivé souvent que des titulaires ont fait construire des maisons. Il ne serait pas juste de les chasser de l'habitation qu'ils se sont élevée à leurs frais. Je vous propose, en conséquence, une rédaction nouvelle de l'article 2,
(On demande la priorité pour la rédaction de M. Populus.)
La priorité est accordée et l'article est décrété en Ces termes :
« Art. 2. A l'égard dès chapitres dans lesquels « des titres de fondation, donation, des statuts « homologués par arrêts, ou revêtus de lettres « patentes, dûment enregistrées, ou un usage im-« mémorial donnaient à l'acquéreur d'une maison « canoniale, à ses héritiers ou ayants cause un « droit à la totalité ou à une partie du prix de la «revente de cette maison; ces titres .et statuts « seront exécutés suivant leur forme et teneur, « et selon l'usage suivi par le passé ; en consé-« quence, lesdits possesseurs desdites maisons « pourront en disposer comme bon leur semblera, « à la charge par eux de payer au receveur du « district, outre ce qui sera porté dans les titres « ou statuts, le sixième de la valeur des maisons, « suivant l'estimation qui en sera faite ; et, dans « le cas où le droit n'existerait pas, les posses-« seurs n'auront que la jouissance accordée par « l'article précédent. »
Le comité a été déterminé à vous présenter l'article 3 par des réclamations de di-. vers particuliers qui prétendaient avoir donné des maisons à des chanoines, en se réservant soit une portion du prix, soit un droit de reprise.
M. Chasset lit cet article, qui est adopté sans discussion en ces termes:
« Art. 3. Les donateurs desdites maisons ou « autres qui prétendront avoir droit de
toucher
, rapporteur. Nous vous proposons un article 4 qui porte :
« Art. 4. Les titulaires des bénéfices supprimés, qui justifieront en avoir bâti ou reconstruit entièrement à neuf la maison d'habitation à leurs frais, jouiront pendant leur vie de la maison. »
Je peiise qu'il est à propos d'ajouter à l'article que dans le cas où les titulaires de l'un ou de l'autre sexe auraient bâti à neuf des maisons de campagne, ils en conserveront la jouissance, sauf à déduire sur leur traitement les revenus inséparables de ces maisons de campagne.
Je propose aussi d'ajouter à la fin de l'article cette disposition: Lorsqu'un ecclésiastique se trouvera avoir fait des réparations montant à la valeur de la moitié de la maison, il en aura la jouissance. »
Cet amendement est de toute justice. La moitié de la valeur d'un fonds est le prix ordinaire d'une jouissance viagère.
L'article et les amendements qui vous sont proposés présentent beaucoup d'inconvénients si on laisse l'article dans ces termes généraux. On a fait un grand nombre de soumissions : elles pourraient être retirées, parce que les soumissions ont souvent eu en vue les maisons dépendantes des bénéfices. Pour remplir l'intention du comité et éviter les obstacles aux ventes, il serait possible de dire qu'en cas d'aliénation les titulaires seront indemnisés de la valeur de leur jouissance.
Il faut dire qu'ils seront préférés quand ils voudront payer le sol.
, rapporteur. Nous vous proposons de joindre l'amendement de M. Duport à l'article 6 que nous allions vous soumettre. Cet article 6 rédigé à nouveau deviendra l'article 5.
Dans mon district, des abbés ou des bénéficiers ont reconstruit des maisons abbatiales qui ont coûté plus de 300,000 livres, mais malgré cela ils n'ont pas mis un sou du leur. Seulement ils ont employé des fonds provenant de la vente des bois situés sur leur bénéfice. Je ne crois pas que l'intention de l'Assemblée soit de les indemniser des dépenses.
Voix nombreuses : Non, non !
Je propose, par une disposition additionnelle, de conserver aux bénéficiaires septuagénaires leurs maisons habituelles.
On demande la question préalable sur les amendements.
- La question préalable est prononcée. L'article 4 et l'article 6, modifiés par l'amendement de M. Duport, qui devient l'article 5, sont décrétés dans les termes ci-dessous :
« Art. 4. Les titulaires des bénéfices supprimés « qui justifieront en avoir bâti ou reconstruit en-
« tiêremement à neuf la maison d'habitation à « leurs frais, jouiront pendant leur vie de ladite « maison. »
« Art. 5. Néanmoins, lors de l'aliénation qui « sera faite en vertu des décrets de l'Assemblée, « des maisons dont la j ouissance est laissée aux « titulaires, ils seront indemnisés de la valeur de « ladite jouissance, sur l'avis des administrations « de district et de département. »
, rapporteur, lit l'article 5 du projet, devenu le sixième.
« Art. 6. Les maisons ou fonds dont la jouissance ou la disposition est accordée aux titulaires par les articlés 1,2 et 4 ci-dessus, n'entreront pour rien dans la composition de la masse de leurs revenus ecclésiastiques,qui sera faite pour la fixation de leurs traitements. Tant que les titulaires auront la jouissance desdites maisons, ils resteront obligés à toutes les réparations usufruitières. »
La jouissance que vous leur réservez est déjà un grand avantage; il n'y aura pas du tout d'inconvénient à les assujettir à toutes les réparations et à toutes les charges.
Get amendement est adopté! En conséquence, l'article se trouve décrété comme il suit :
« Art. 6. Les maisons dont la jouissance pu la « possession est accordée aux titulaires par les « articles 1,2 et 4 ci-dessus, n'entreront pour rien dans lacomposition de la masse de leurs revenus « ecclésiastiques, qui sera faite pour la fixation de « leurs traitements; et ceux à gui la jouissance en « sera accordée, tant qu'ils jouiront, resteront « obligés à toutes les réparations et à toutes « les charges. »
lit l'article 7 qui est décrété, sans discussion, en ces termes :
« Art. 7. Les revenus des bénéfices dont le titre « est en litige n'entreront dans la formation de la « masse àjfaire pour fixer le traitement des pré-« tendants auxdits bénéfices, que pour mémoire, « jusqu'au jugement du procès, sauf, après la dé-« cision, à accorder le traitement résultant des-« dits bénéfices à qui de droit, et les compétiteurs « ne pourront juger que contradictoirement avec « le procureur général syndic du département « où s'en trouvera le chef-lieu. »
L'article suivant tient à une grande question, relative au bien des étrangers en France et des Français chez l'étranger. Dans un mé-moire présenté au comité, on demandait qu'il fût définitif ; le comité a cru qu'une question de cette importance, n'étant pas décidée, l'article ne pou--vait être que provisoire. Il est ainsi conçu :
« Art. 8. Les curés et les vicaires faisant le ser-« vice dans l'étranger, qui étaient payés sur des « deniers publics levés en France, recevront leur « traitement accoutumé, pendant la présente an-« née, des mains du receveur du district, ou de « celles du receveur des impositions, le plus pro-« chain de leur établissement; lesquels sont au-« torisés à en faire le paiement qui passera dans « la dépense de leur compte. »
Si le rescrit de l'Assemblée de Belgique est tel que les papiers publics l'ont annoncé, nous avons le droit d'user de représailles et il faut ajourner l'article, car les Pays-Bas se sont emparés,non seulement des biens-fonds, mais des revenus des biens ecclésiastiques,et la France avait
de ceux-ci pour 2 mimons au moins dans ce pays-là.
J'ai une copié du décret des Pays-Bas Autrichiens, qui porte exactement ce que vient de nous annoncer le préopinant.
(L'article 8 est ajourné à huitaine.)
, Rapporteur. VÔici le texte dë l'article 9.
Art. 9. « Leà évéques et lek ciïrés, côfisërves dans « leurs fonctions, n§ pourront rëcevplf leiir tfâi-« t'emeiït cfn'au préalable ils n'aient, prêté Je « sfsrîiiènt prëécrtt par les articles 2l et 37 àù « titre lï dit. décret siir là cons titiitijOiï;dtt clergé, I»
(Cet article ëst adopté sans discussion.)
Plusieurs membres de'liiânclëQt à pfësénter dès articles additionnels.
, curé de Saint-Pierre de Lille. il n'est jiap etr il ne peut pas êtçe dans votre, intention que les pauvres ecclésiastiques. Dpéncïërs^soièpt, par la vertu de Vos décrets, dép|rè condition què les riches; les riches bêhéf|qîers, leé cliàpdjnes des collégiales, dont le traifenoienf actuel. est dè 2 ou 3,000 livres, pourront jpuir, pan la mort de leurs confrères, qMti Jrâifèment Sep S 6,0Ût| livres 4 vous ffaVëz rien iiàtùê de semblable, qi îpème qui, ëp approche pour Içs chapelains ; il semble, par vçire Silénce à léû.r égard, qqè plusieurs d^entrèeux serontré^ujtâ, dâh^lêuf viëif-lessê, a^.traite.Q^èhtdp 100 é^40u.ny.ifeâ,
Je m'explique : par le décret, cOiièerriant îé traitëmçnt actuel ÀùdMM^ .articlè iU« vqqs avez décidé que, dans lëS chapitrés"doàtjçs. prëpèndes sont inégales, le sort de chaque chanoine sera détermin^sur le pied de pe dont il jouit actuellement; niais lorsqu'un, dès àftèiëtis cnâhoines mourra, le traifeijaeitf qui était Je iqdmdre sera, le seul qjii .céèserajt. |dnl les fiéçfpres mois du décret ; malhë^rëylëoiént doUr le^ Cttâpël^ihè dés collégiales, le£ dispositions,. ae 6e-, décret fië détendent, pas jùsqii à.^eùxj ^epéMâht les mêmes motifs, et jjië. plus touchants ëncofé, dblllcltènt pour èux, une telle" f^veljr, : je dis plus .tpucliâhts, puisque dans la ville de MOp i'(a| rhbhjifeur d'être lq représentant, ImjjE d'éntitè tnefe&ieurs leà chapelains de là. collégiale .soni Chargés, dans un collège très suivi, du pénible travail d'instriiirë la jeunesse,, et plusieurs autres s'adonnent volontairement, dans ma paroisse et dans tes autres de ià ville,auxfëncticinOu,raidi niiniglëfd; bepën-^ànt ilëxis te que M chàbëlM de régli^fe Collégiale de $aiht-Piërrè aëLillêjoii(.inégales;, ët plusietirè jpoëipë (trèp ijiédlocrè^ ên.réf ënUé^ MM. leâ çhapë-laink montaient .succe^sifemëiit . aux bhàpellek supérieures, a (t'aiiçSièânetè de service \ si you^nç faites pas jouir lëà chapelains dë la fâyëur que vous avez, pâ^ vôtre jtjécr^, aédbrdëè au& cha-poinçs, ùn^cçrt^iirhôinbrë dë iitdlaUfeS Mcjuèll resteront po.hr toute jtëqr.vie bj&ûcdûp au-deésduîï delâpéqsioh quëV^spembleenatiohàie àâçcordéè aux : religieux mendiants. Je demandé donc quë i'Assèmniée,riatioô.àle çlëcrête que dans Içs bollé-gialés dont les îiepëhces. Sont inégaux, jbriqu'hh des anciens chapelains mourrà, le iraitëihëht qui était le moi^re sera le seul qui cessera.
(On demande la question J)reàlàble:j
Chaque titre de chariélle est un ^ftaSt l^héticé qui n'a Hëh iiê commiitl âvec tel ; autre titre.
'(La proposition që M. NÔli bit àtioptëë.)
4 rîr&jpnt que vous a^veg réduit, autant que v^iis l'avez pu * leâ .reyemug des éçclésiàstiqifes, ,ils ne sont plus ënetat .dç suffire à leurs ancienses dépenses; il est de votre justice de décréter què les bauf des maisons qu'ils ont prises à loyer seront résiliés.
Il faut également autOrisef a Résilier leurs engagements tous les Français qhi dut souffert, dë la Révolution-.,
(L'Assemblée décidé de passer à l'ordrédii jou^)
vdlii a^ëÉ pHs totltéi lèi pré'cMti-tions nécessaires pour la ventedegbi.enp naûonaux; il ëh i'èSlë à prendre polir leîir fedSiervatlpn jusqu'à cë qu'ils Sdleht ^èttdus ; dë^tlis le décrèu pârcë qile vous ave^s çônflé Pàdministrâtlon àux uéb'arteiilentâ et aux districts, .11 | .â ëd ouvèrturè à dès droits Caàuéls ; il me pàfsLîtrètlt cBhvetiàblë d bidonner au prociirèitr-sytidiç dél districts de former des oppositions entre les itidmg .dës débiteurs pour tous,ces objets échus depuis lesi décrets, det articlè éèt trës ihslant : il ferait â brdpos ^ue lé ctttfaiiS ébfilô|lastiqiie' présentât îHiîëSéaitihient Un projet dg qeèrët à fcët égafq.
(Cette prop^ltOT ëèt fëtiVo^ëé àu febthité Ecclésiastique.)
Je tôug ài SëjÉ ^d^bsê de faire, d'apis lès rëgl^ ëifiles et canoni(|uëS, Uttë loi pour abnnëraUi fehréë la faculté de^ përmtttët dans le cas où leur santé ou b^en des méconten-tèmentâ pàHiculierS rëddi'âiënt laf |lërttlÉltation nëcèssâife.
Cette prdpositibn avait été renvoyée au comitë ecclésiasiastiqus, qui s'én est occupé sérieusement» Lé résultat de la discussion a été que là permutation est inconstitutionnelle. L'article 1er du titre II de la constitution du clergé porté qu'on ne connaîtra plus d'autre manière de pourvoir qde la vdix de l'élection.
Jë voulais conclure, en depaandant,.qq'il fût permis de,permuter, après avoir pria i avis de l'évoqué et le v/bù du département. Si vous aéfcoiiragëz l'entréë dans l'état ecclésiastique, vous n'aurez pas de ministres.
(Cln demande la question préalable.)
Le curé cjljii éproiiVèrà des mécotttentenlêhts 81i des përséCtitioris sera bon ou mauvais sujet. S'il est bon sujet* les injustices eUës nërs^Chtibfllçë^ërdn.^ ; s'il est madvais sujet. ^u'^lle.èSt M tjàboiëéè^ c[iii ëri iroiial-a? ., . (L Assëmblëe aéciae qu'il n'y a pafe lied â deli-bérer.)
le vbbs |)hot)ose, âtl iidnl du Cdtriitë ébcléëiaàtiqdë, dë. décréter que la ttibitiè du tfaitëtilènt du clërp futur sera„itiëàisiësdbië.
Cette proposition présente des avantages réels. Mais pourquoi la restreindre au clergé? Envisagée dans toute son étënddéj éllé est susceptible d'une grande discussidn;
En adoptant, la proposition du comité, on décréterait un privilège en faveur des ecclésiastiques.
Après Une longijië discussion, le bothité ëcclés.iâçtique h'â pas.cru ijùe cë fût Un nrivUègë; il ,n|a Vu, dag^ cèke .disposition, du unmbyen d'assiirér le servicé public; Poufrait-on saisir là {iàye du sbldat?
C ést. au, cofnité de constitution à s'occuper d'un semblable objet, te renvoi au comitéde constitution ëstordonné. La séance est levée à 3 heures et demie.
Décret sur la constitution civile au clergé> du 12 juillet 1790.
L'Assemblée nationale, apr^s avoir entendu le rapport de son comité ecclésiastique, a décrété et décrète ce qui Suit, comme articles constitutionnel :
TITRE PRËMIËR: Des offices ecctfaiàsiiqueS.
Article 1er Çhaqiie, dép^rténaent formera un seul diocèse; et,
chaque diocèse aura la même étendue et les mêmes limites que le département.
Article 2. tes sièges c[ës,évôçiiés des quatre-vingt-trois départements dii royaume seront fixés, savoir :
Département de la Seirie-Inférieure. a Rouen.
Département de Calvados .................a Bayeux.
Département de la Manva dos .............a Coutances.
Département de l'Orne....................a Séez.
Département de l'Eure....................a Evreux.
Département de l'oise....................a Beauvais.
Département de Pas-de-Calais.............a Saint-Omer.
Département de la Marne..................a Reims.
Département de la Meuse..................a Verdun.
Département de la Meurltle...............a Nancy.
Département de la Moselle................a Metz.
Département des Ardennes.................a Sendan.
Département de l'Aisne...................a Soissons.
Département du Nord......................a Cambrai.
Département du Doubs.....................a Besancn.
Département de Hant-Rhin.................á Colmar.
Département des Vosges...................á Saint-Diez.
Département de la Haute-Marne............á Langres.
Département de la Cóte-d'Or..............á Dijon.
Département du Jura......................á Saint-Claude.
Département de I'lle-et-Vilaine..........á Reines.
Département des Cotes-du-Nord............á Saint-Brieuc.
Département du Finistere.................á Quimper.
Département du Morbiban..................á Vannes.
Département de la Loire-Inferieure.......á Nantes.
Département de Maine-et-Loire............á Angers.
Département de la Sarthe.................á Mans.
Département de la Mayenne................á Laval.
Département de Paris.....................á Paris.
Département de Seine-et Oise.............á Versailles.
Département du Loiret....................á Orléans.
Département de I'Aube....................á Troyes.
Département du Cher......................á Bourges.
Département du Loir-et-Cher..............á Blois.
Département d'Indre-et-Loire.............á Tours.
Département de la Vienne.................á Poitiers.
Département de I'Indre...................á Cháteauroux.
Département de I'Allier..................á Mounlins.
Département de la Niégre.................á Nevers.
Département de la Gironde................á Bordeaux.
Département de la Vendée.................á Lucon.
Département de la Charente-Inf...........á Saintes.
Département de Lot-et-Garonne............á Agen.
Département de la Corréze................á Tulle.
Département de la Charente...............á Angouleme.
Département des Deux- Sevres.............á Saint-Maixent.
Département des la Haute-Garonne.........á Toulonse.
Département du Gers......................á Auch.
Département des Basses-Pyrénées .........á Oléron.
Département des Hautes- Pyrénées.........á Tarbes.
Département de I'Ariege..................á Pamiers.
Département du Lot ......................á Cahors.
Département du Tarm......................á Alby.
Département des Bouches-du-Rhóne.........á Aix.
Département de la Corse..................á Bastia.
Département du Var.......................á Fréjus.
Département des Basscs-A lpes............á Digne.
Département des Hautes- Alpes............á Embrun.
Département de la Dróme..................á VAlence.
Département de la Lozére.................á Mende.
Département de I'Hérault.................á Béziers.
Département de Rhóne-et-Loire............á Lyon.
Département du Puy-de-Dome...............á Clermont.
Département du Canntal...................á Saint-Flour.
Département du la Haute-Loire............au Puy.
Département de l'Ardéche.................á Viviers.
Département de I'Isere...................á Grenoble.
Département de I'Ain ....................á Bellev.
Département de Saóne-et- Loire...........á Autun.
Tous les autrcs evcchc3 existants dans les quatre-vmgt-trois dCpartements du royaume, et qui ne sont pas nommement cbmpris au present article, sont et demeurent supprims.
Article 3- Le royaume sera divise en dix arron- dissefflents metropolitan1?, lont les sieges seront: Rouen, Reims, Besaugon. Ilennes, Paris, Bour- ses, Bordeaux, Toulouse, Aix et Lyon. Ces ai6- tropoles auront la denomination suivante :
Celle de Rouen sera appelée: métropole des cotes de
Celle de Reims...............................métropole du nord-est.
Celle de Besancon............................métropole de I'est.
Celle de Rennes..............................métropole du nord-ouest.
Celle de Paris...............................métrople de Paris.
Celle de Bourges.............................métrople du centre.
Celle de Bordeaux............................métrople du sud-ouest.
Celle de Toulouse............................métrople du sud.
Celle d'Aix..................................mEtropole des cotes de la Méditerranée.
Celle de Lyon................................métropole du sud-est.
Article 4. L'arrondissement de îa( métropole des côtes de la Manche comprendra, les évêchés des départements de la Seine-Inférieure, du Calvados, de la Manche de l'Orne* do 1 Eurë^ de l'Oise, de la Somme, du Pas-de-Calais.
L'arrondissement de la métropole du nord-est comprendra les évêchés des départements de la Marne, de la Meuse, dè la Meurthe, de la Moselle, des Ardennes, de l'Aisne, du Nord.
L'arrondissement de la métropole de l'est, comprendra les évêchés des départements du DQiibs* du Haut-Rhin, du ^as-Rhin, des Vosges, de la Haute-Saône, de ia Haute-Marne, de ia Côtè-d'0rf du Jura.
L'arrondissement de ia métropole du nord-ouest comprendra les évêchés. des départements de l'Ille-ét-Vilaine, des Gôtes-du-Nord, du Finistère, du Morbihan, de la Loire-Inférieure, de
Mayenne-et-Loire, de la Sarthe, de la Mayenné.
L'arrondissement de la métropole de Paris comprendra les évêchés de Paris, de Seine-et-Oise, d'Eure-et-Loire, du Loiret, de l'Yonne, de l'Aube, de fa Seine-et-Marne.
L'arrondissement de la métropole du centre comprendra les évêchés des départements du Cher, de Loir-et-Cher, de l'Iudre-et-Loire. de la Vienne, de l'Indre, de la Creuse, de l'Allier, de la Nièvre.
L'arrondissement de la métropole du sud-ouest comprendra les évêchés des départements de la Gironde, de la Vendée, de la Charente-In-férieure des Landes, de Lot-et-Garonne, de la Dordogne, de la Gorrèze, de la Haute-Vienne, de la Charente, des Deux-Sèvres.
L'arrondissement de là métropole du sud comprendra les évêchés des départements de la Haute-Garonne, du Gers, des Basses-Pyrénées, des Hautes-Pyrénées, de l'Ariège, des Pyrénées-Orientales, de l'Aude, de l'Aveyron, du Lot, du Tarn. •
L'arrondissement de la métropole des côtes de la Méditerranée comprendra les évêchés des départements des Bouches-du-Rhône, de la Corse, du Var, des Basses-Alpes, des Hautes-Alpes, de la Drôme, de la Lozère, du Gard et de l'Hérault. '
L'arrondissement de la métropole du sud-est comprendra les évêchés des départements de Rhône-et-Loire, du Puy-de-Dôme, du Cantal, de 1a. Haute-Loire, de l'Ardèche, de l'Isère, de l'Ain, deSaône-et-Loire.
Article 5. Il est défendu à toute église ou paroisse de France,, et à tout citoyen français, de reconnaître, en aucun cas, et sous quelque prétexte que ce soit, l'autorité d'un évêque ordinaire ou métropolitain dont le siège serait établi sous la domination d'une puissance étrangère, ni celle de ses délégués, résidant en France ou ailleurs : le tout sans préjudice de l'unité de foi et de la communion qui sera entretenue avec le chef visible de l'Eglise universelle, ainsi qu'il sera dit ci-après.
Article 6.,Lorsque l'évêque diocésain aura prononcé dans son synode sur des matières de sa compétence, il y aura lieu au recours au métropolitain, lequel prononcera dans le synode métropolitain.
Article 7. Il sera procédé incessamment et sur l'avis de l'évêque et de l'adniinistration des districts à une nouvelle formation et circonscription de toutes les paroisses du royaume. Le nombre et l'étendue en seront déterminés, d'après les règles qui vont être établies.
Article 8. L'église cathédrale de chaque diocèse sera ramenée à son état primitif d'être en même temps église paroissiale et église épiscopale, par la suppression des paroisses et par le démembrement des habitations qu'il sera jugé convenable d'y réunir.
Article 9. La paroisse épiscopale n'aura pas d'autre pasteur immédiat que l'évêque ; tous les prêtres, qui y seront établis, seront ses vicaires et en feront les fonctions.
Article 10. Il y aura seize vicaires de l'église cathédrale dans les villes qui comprendront plus de 10,000 âmes, et douze seulement dans celles où la population sera au-dessous de 10,000 âmes.
Article 11. Il sera conservé ou établi-dans chaque diocèse un seul séminaire, pour la préparation aux ordres, sans entendre rien pré-
juger, quant à présent, sur les autres maisons d'instruction et d'éducation.
Article 12. Le séminaire sera établi, autant que faire se pourra, _près de- l'église cathédrale, et même dans l'enceinte des bâtiments destinés à l'habitation de l'évêque.
Article 13. Pour la conduite et l'instruction des jeunes élèves, reçus dans le séminaire, il y aura un vicaire supérieur et trois vicaires directeurs subordonnés à l'évêque.
Article 14. Les vicaire supérieur et vicaires directeurs seront tenus d'assister avec les jeunes ecclésiastiques du séminaire à tous les offices de la paroisse cathédrale, et d'y faire toutes les fonctions, dont l'évêque ou son premier vicaire jugeront à propos de les charger.
Article 15. Les vicaires des églises cathédrale?, les vicaires supérieurs et vicaires directeurs du séminaire, formeront ensemble le conseil habituel et permanent de l'évêque, qui ne pourra faire aucun acte de juridiction, en ce qui concerne le gouvernement du diocèse çt du séminaire, qu'après en avoir délibéré avec eux. Pourra néanmoins l'évêque, dans le cours de ses visites, rendre seul telles ordonnances provisoires qu'il appartiendra.
Article 16. Dans toutes les villes et bourgs qui ne comprendront pas plus de 6,000 âmes, jl n'y aura qu'une seule paroisse ; les autres paroisses seront supprimées et réunies à l'église principale.
Article 17. Dans les villes où il y a plus de 6,000 âmes, chaque paroisse pourra comprendre un plus grand nombre de paroissiens,et il en sera conservé autant que les" besoins des peuples et les localités le demanderont.
Article 18. Les assemblées administratives, de concert avec l'évêque diocésain, désigneront, à la prochaine législature, les paroisses, annexes, ou succursales des villes ou de campagne qu'il conviendra de resserrer ou d'étendre, d'établir ou de supprimer, et ils en indiqueront les arrondissements, d'après ce que demanderont les besoins des peuples, la dignité du culte et les différentes localités.
Article 19. Les assemblées administratives et l'évêque diocésain pourront même, après avoir arrêté entre eux la suppression et réunion d'une paroisse, convenir que dans les lieux, écartés, ou qui, pendant une partie de l'année, ne communiqueraient que difficilement avec l'église paroissiale, il sera établi, ou conservé une chapelle, où le curé enverra les jours de fêtes et de dimanches un vicaire pour y dire'la messe, et faire au peuple les instructions nécessaires.
La reunion qui pourra se faire d'une paroisse à une autre, emportera toujours la réunion des biens de la fabrique de l'église supprimée, à la fabrique de l'église ou se fera la réunion.
Art. 21. Tous titres et offices, autres que ceux mentionnés en la présente Constitution, les dignités, canonicats, prebendes, demi-prébendes, chapelles, chappellenies, tant des églises cathédrales, que des églises collégiales, et tous chapitres réguliers et séculiers de l'un et de l'autre sexe; les abbayes et prieurés en règle, ou en commende, aussi de l'un et l'autre sexe, et tous autres bénéfices et prestimonies généralement quelconques de quelque nature et sous quelque dénomination que ce soit, sont, à compter du jour de la publication du présent décret, éteints et supprimés, sans qu'il puisse jamais en être établis de semblables.
Art. 22. Tous les bénéfices en patronage laïque
sont soumis à tontes les dispositions des décrets concernant les bénéfices de pleine collation ou de patronage ecclésiastique.
Art. 23. Sont pareillement compris auxdites dispositions tous titres et fondations de pleine collation laïcale, excepté les chapelles actuellement desservies dans l'enceinte des maisons particulières par un chapelain ou desservant, à la seule disposition du propriétaire.
Art. 24. Le contenu dans les articles précédents aura lieu, nonobstant toutes clauses, même de réversion, apposées dans les actes de fondation.
Art. 25. Les fondations de messes et autres services acquittés présentement dans les églises paroissiales par les curés et par les prêtres qui y sont attachés, sans être pourvus de leurs places en titre perpétuel dë bénéfices, continueront provisoirement à être acquittés et payés comme, par le passé, sans néanmoins que, dans les églises où il est établi des sociétés de prêtres, non pourvus en titre perpétuel de bénéfices et connus sous les divers noms de filleuls, agrégés, familiers, communalistes, mepartistes, chapelains ou autres, * ceux d'entre eux qui viendront à mourir ou à se retirer,'puissent être remplacés.
Art. 26. Les fondations faites pour subvenir à l'éducation des parents des fondateurs, continueront d'être exécutées, conformément aux dispositions écrites dans les titres et fondations; et à l'égard des autres fondations pieuses, les parties intéressées présenteront leurs mémoires aux assemblées de département, pour, sur leur avis et celui de l'évêque diocésain, être statué par le Corps législatif, sur leur conservation ou leur remplacement.
TITRE II.
Nomination aux offices ecclésiastiques.
Art. 1er. A compter du jour de la publication du présent
décret, on ne connaîtra qu'une seule manière de pourvoir aux évêchés et aux cures, c'est à
savoir, la forme des élections.
Art. 2. Toutes les élections se feront par la voie du scrutin et à la pluralité absolue des suffrages.
Art. 3. L'élection des évêques se fera dans la forme prescrite et par le corps électoral, indiqué dans le décret du 22 décembre 1789, pour la nomination des membres de l'assemblée de département.
Art. 4. Sur la première nouvelle que lè procureur général syndic du département recevra de la vacance du siège épiscopal, par mort, démission ou autrement, il en donnera avis aux procureurs-syndics des districts, à l'effet par eux de convoquer les électeurs qui auront procédé à la dernière nomination des membres.de l'assemblée administrative, et, en même temps, il indiquera le jour où devra se faire l'élection de l'évêque, lequel sera, au plus tard, le troisième dimanche après la lettre d avis qu'il écrira.
Art. 5. Si la vacance du siège épiscopal arrivait dans les quatre derniers mois de l'année où doit se faire l'élection des membres dé l'administration de département, l'élection de l'évêque serait différée, et renvoyéé à la prochaine assemblée des électeurs.
Art. 6. L'élection de l'évêque ne pourra se faire ou être commencée qu'un jour de dimanche dans l'église principale du chef-lieu du département,
à l'issue de la messe paroissiale, à laquelle seront tenus d'assister tous les électeurs.
Art. 7. Pour être éligible à un évêché, il sera nécessaire d'avoir rempli, au moins pendant quinze ans, les fonctions du ministère ecclésiastique dans le diocèse en qualité de curé, de des -servant ou de vicaire, ou comme vicaire supérieur, ou comme vicaire-directeur du séminaire.
Art. 8. Les évêques, dont les sièges sont supprimés par le présent décret, pourront être élus aux évêchés actuellement vacants, ainsi qu'à ceux qui vaqueront par la suite, ou qui sont érigés en quelques départements, encore qu'ils n'eussent pas quinze années d'exercice.
Art. 9. Les curés et autres ecclésiastiques qui, par l'effet de la nouvelle circonscription des diocèses, se trouveront dans un diocèse différent de celui où ils exerçaient leurs fonctions, seront réputés les avoir exercées dans leur nouveau diocèse, et ils y seront en conséquence éligibles, pourvu qu'ils aient d'ailleurs le temps d'exercice ci-devant exigé.
Art. 10. Pourront aussi être élus les curés actuels qui auraient dix années d'exercice dans une cure du diocèse, encore qu'ils n'eussent pas auparavant rempli les fonctions de vicaire.
Art. 11. Il en sera de même des curés dont les paroisses auraient été supprimées, en vertu du présent décret; et il leur sera compté, comme temps d'exercice, celui qui se sera écoulé depuis la suppression de leur cure.
Art. 12. Les missionnaires, les vicaires généraux des évêques, les ecclésiastiques desservant les hôpitaux, ou chargés de l'éducation publique, seront pareillement éligibles, lorsqu'ils auront rempli leurs fonctions pendant quinze ans à compter de leur promotion au sacerdoce.
Art. 13. Seront pareillement éligibles tous dignitaires, chanoines, et en général tous bénéfi-ciers et titulaires qui étaient obligés à résidence, ou exerçaient des fonctions ecclésiastiques, et dont les bénéfices, titres, offices ou emplois se trouvent supprimés par le présent décret, lorsqu'ils auront quinze années d'exercice comptées, comme il est dit des curés dans l'article 11.
Art. 14. La proclamation de l'élu se fera par le président de l'assemblée électorale dans l'église où l'élection aura été faite, en présence du peuple et du clergé, et avant de commencer la messe solennelle qui sera célébrée à cet effet.
Art. 15. Le procès-verbal de l'élection et de la proclamation sera envoyé au roi par le président de l'assemblée des électeurs, pour donner à Sa Majesté connaissance du choix qui aura été fait.
Art. 16. Au plus tard dans le mois qui suivra son élection, celui qui aura été élu à un évêché, se présentera en personne à son évêque métropolitain, et s'il est élu pour le siège de la métropole, au plus ancien évêque de l'arrondissement, avec le procès-verbal d'élection et de proclamation, et il le suppliera de lui accorder la confirmation canonique.
Art. 17. Le métropolitain ou l'ancien évêque aura la faculté d'examiner l'élu en présence de son conseil, sur sa doctrine et ses mœurs. S'il le juge capable, il lui donnera l'institution canonique; s'il croit devoir la lui refuser, les causes du refus seront données par écrit signées du métropolitain et de son conseil, sauf aux parties intéressées à se pourvoir par voie d'appel comme d'abus, ainsi qu'il sera dit ci-après.
Art. 18. L'évêque, à qui la confirmation sera demandée, ne pourra exiger de l'élu d'autre ser-
ihehf, M ri on Mt fjMfessibn dé la rëligidh cathpliquë» apd§tbliqùé et roniâiiié.
Art. 19: Lë ndtivfel étëtjilëiië pourra s'àdFèlser au Pape bbtir eti obtënir kubutië fcorfflHiiàtibti; mais il lui ëbrjha comme â(i bhef VisiBIë de l'Eglîèë iiiiiverseiléj ëfi témoignage de l'unité de foi, et dë la bodiibdbiod tlti'ii doit ëdltëtëtlir atec iiil.
Art. 20. Lâ conSéctëtion de l'ëvêdtfë në jfàtlrra se faire qtlë dâns stiii ê^lisë feâthëlirâle par §bn iiiëtrbpdlitâlH; difà Sdn dëfatit par lë ifliiè àribiëh évêque de l'ârroniiiSsétfiënt de là iflëif'bpdlë, désisté rM éVéqties tiëis dëui dibt:0âëé lès pllis tbl-sins, un jour de dimanche peridâtit la messe pâ-frbisSiale, ëri p'hëSëbcë dli pëhplë It dh clërgë:
AH: 2i[: Avant illië là bë^ëllidhië dë là cdriSé-Cràtlbft (jommëhbe; l'élu p^ëtëhô, eti présëncë Hës officiers municipaux; du pëtlplë ët au blergéj lë serment solennel de fëlllërà^ëc solti sur lës fidélëé i|u âibtèSë dtii iUl efit bbflfië, d'être HHëlë à la nâtidn; â la lbi ët âii roi,' ët dë fcbâlhlëtilr de tout son pouvoir la Constitutidti dëcfëtëë pSr rA.sgëitiblêë nâtlbdâle, ët àbeëptëè fjàr lé roi.
Art. 22. b'ëfëcjue âtot-d la libëttë dë clibisir lëfe vicaires dë Sbn ëgliâë ëUttlëdralë dâns toiit lë clergé.dë ébh didbéàëj fe ld charge pâfr llii fl| iië podvUir Hoiiiiilëf tjiië dès prêtas qui aiiront . exërbë Bë8 fdtlbtidnâ ëcciéaiaâticjttëS àti itidliis bëHdàht; dit âiis; il nè pourra lëâ dëëtitUër diië aë l'dvië dë îdti bonsellj ét par urië ttëlibéraèlbh qui y aura été prise à la pluralité dë& tdifc ëh corinal§§dhcë dë caUSe.
Art: 23. Leë butés actUellëmeflt établis th aucune^ égliéës bathëdrfelëSj ainsi qdë cëlitf dës pârdiSsés fcltii Seront supprimées pdtir être rëii-hiëé â l'ë^lisë cathédrale; ët ëii foi'iilël'le territoire, serdhè dë tilëin drdit; S'ils lë dëidaiitiëtit, les ftfemiers vicaii-ës dë l'ë^ëtjuéi bhabuh siiiVant rbrahe Hë lëdr ahcieniiëté dahS iëâ fUtictiëhë pës-torâlëà.
Art: 24: LëS vlbail-H gispëriëlirS et VicalrëS di-rectëttrS du Séiilidàîl'ë lëroht iidiiimës Jjàr l'évêque ët Sbh cdtiSëll, ët tlë pourront être destitués qbe flë la ihêtiiè Éaiiiérë que léS fiëâires dë l'église câthédrall^i
Art. 25: L'élëction dës curés pë fera tlàflls la formé jit'éscritë, ëfc jiâr lës ëlëctedfs indiqués dans lë dëbrët du 22 dëcembrë 1789, pdtif la nomination dei tàëihfifes de i'àssenlblëë administrative dû district:
Art. 26. L'àëéëinbléë dëS élëbtëflrê j)our 1S ho-minàtioil àùx clirëfe së fdriiierà toué les ans à i'époduë dë là forffiàtldfi dëi llsiffimtëè uë district; tjuàhd rnèrhe il Wf attrait l^u'lihë Sëdl^ cure vacante dans le district, à l'effet de qiibi les muniqipalités sferont tenues de dotinet avis âu procUreur-syndic du district; dë toutes les va-Ganbes de chrës qui arriveront dans leur arrondissement par mort, démission ou autrement;
Art. 27. En cdnvoquartt l'assëmblée des élëc-teurs, Je, prdcureur-Synaib enterra à chaque municipalité la liste de toutes les cures auxquelles iî faudranommer.
Artî 28-. L'élection des cUrés se fera paï scrutins séparés pour chaque, cure vacarite.,
Art; 29; Chaque électeur, avant de mettre son bulletin dans lé vase du scrutin, fera serinent de ne nommer , que celui qu'il aura choisi en son âme et conscience^ comme le plus digne, sans y avoir été détërminë par dons, promesses, sollicitations ou meoaees; Ce serment sera prêté pdur l'élection des évêquës, comme pour celle des curés.
Art.; 30. L'élection dës ,curés ne pouirâ >se faire ou être commencée qu'un jour de dimanche dans
lâpHflcipàie ëgliâë ddchef-lieu du district*àl'issue dë la messe paroiésiale, à laquelle tous les électeurs seront tenus d'assister. .
Art* .81. La proclamatidh des .élus Sera faite pâf lë prèsidënt dU corps électoral dans l'église priiicipalé avatit la mesèë solennellej.qui sena cëlëbrée â cet effet* ët en présenbe du peuple ët du blferge.
Art. 32. Pour être êliglBlë â uiië btirë; il gëla flécëssâlrê d'âvdlr rëihtlli lës fonction^ de Vicaire danê Une pârbi^e, tili tialis ilû hôpital et autre m|ïibfl ttë charité dli dldëècë; àU moins tjëiid&hf cinq àHè.
tArt. 33. Les cpris, d{jhtl|â pâ.Pbiêseé ëërHrilgut)-pjrî^ées en Exécution .du i|rç|ënt décfët,, pdurrbût être .ëlu%kenébréqu'jl.8i^.çUSsëttt'pSië Biilq âdtiëês a'éxércice dans le Hiosese. . f Art. 34. Ôerdot pî^ëillëif|'eçt eligiplëë àûX é.iii'bs, tqus .ceux ^ùi'.gnl uécmi'ës ëli^lblës
aux ëyêçhes, pourvu qu'ils aient aussi 81hq années a ëxerciee. .
Art. 35. Celui qui aura été proçiamé élu à une cure se présentera ën personne, à l.'evêijue, ayec le procès-verbal de e.on élection .et proclamation, à l'effet d'obtenir de lui l'institution•eanç^ilq.uei î Arti â6.(Jb'évèque aura la faculté d'examiner l'élu ën présence de son conseil; sur sa doctrine et ses mœurs : s'il le juge capable, il lui,donnera i'institutidn canonique; s'il croit devoir la lui refuser; les causes du .refus seront données par écrit; signées de l'évêque et de sdtj conseilt sauf aux parties le rebours a la puissance civile, ainsi qu'il .sera dit ci-après. .
Art. 37. En examinant l'élu qui lui démandera l'institution canonique, l'evêque ne pourra exiger de lui d'autre serment, sinon qu'il fait profession de la religion catholique* apostolique et romaine.
Art. 38. Les curés, élus ët institués, prêteront le même serment que le.s ^yêques dans leur,église, un joiir dë dliriaribhe; aVant lâ Wëèsë {J'il-oiSsiale, en présence des officiers municipaux du lieu, du peuple ët du clërgé :, jusque-là ils ne pourrbnt faire aucunes fdilctions curiales;.
Art; 39.11 y àurâ, tant dans l'église cathédrale que dans chaque églisë paroièsiàle, un rëgistte particulier, sUr lequel le sécrétairë^grëffiër dé. la municipalité dù lied écrira; sans frais; le procès-verbal de la prestation de serment de l'évêque oti du curé : il n'y aura pas d'autre aete de prise de possession que. ce procès-ver bal.
Art; 40. Les ëvêchés et les cures seront réputés vacants; jusqu'à ce que les ëlus aient prêté le serment ci-dessus mentionné.
Art. 41. Peqdant les vacances du, siège épis-çopâlj le premier ; ét, à, son défaut, lé second vicaire de l'église cathédrale, rémplacerà l'évêque, tant pour les fonctions buriales que. pour les actes de juridiction qui n'exigent pas je, caractère, èpiscèpal : mais en tout if sera tenu ae se conduire par les avis du conseil.
Art. 42. Pendant la vaçançé d'une curél'administration de la paroisse sera confiée au premier' vicaire; sauf à y établir iin,-vicaire de plus,-si là municipalité le requiert ; et dans le cas où ii.h'y aurait pas de vicaire dans la paroisse, il y sera établi un desservant par l'évêque.
Art. 43. Chaque curé aura le droit de choisir ses vfçaires ; mais il né- pourra fixer son choi^ quë sur les prêtres, ordonnés ou admis dans le diocèse par l'évêque.
Art. 44. Aucun curé ne pourra rëvoqUer fees vicaires que pour des causes légitimes, jugées telles par l'évêque et son conili.
TITRE III.
Du traitefneht des ministres de la religion.
Art. 1er. Les ministres de la religion exërçatlt les prerinèrès
et les plus importantes fonctions de la société, et obligés dë résider continuellement dans
le lieu du service, auquel la confiance des peuples les a appelés, Seront défrayé^ par ld
nation.
Art. 2. Il sera fodrrii à chaque évêcjiie, à chaque curé et aux desservants des annexes ët succursales, un logement convenable, à la charge par eux d'y taire toutes lès réparations locatives, sans entendre rien innover, quant à présent, à l'égard dés froisses où lë logement du ctiré est fourni en argent, et sauf àux départements à prendre connaissance des dëmandeS qui seront formées par les paroisses et par les curés. Il leur sera, en outre, assigné à tous le traitement qui va être réglé.
Art. 3. Le traitement des évêques sera, savoir :
Pour l'évêque de Paris, de 50,000 livres ;
Pour les évêques des villes, dont la population ëst de 50,000 âmes et au-dessus, de 20,000 livres;
Pour tous les autres évêques; de 12,000 livres.
Art. 4. Le traitement des vicaires des églises Cathédrales sera, savoir :
A Paris, pour le premier vicaire, de 6,000 li-Vres ;
Pour le second, de 4,000livres;
Pour tous les autres vicaires, de 3,000 livres;
Dans les villes dont la population est de 50,000 âmes et au-dessus : Pour le premier vicaire, de 4,000 livres;
Pour le second, de 3,000 livres ;
Pour tous les autres, de 2.400 livres;
Dans les villes doht là population est de moins de 50,000 âmes : Pour iè premier vicaire, de 3,000 livres ;
Pour le secdnd, de 2,400 livres;
Pour tous les autres* de 2,000 livres. . Art. 5. Le traitement des curés sera, savoir : à Paris,.de 6,000 livres;
l Dans ies villes dont là population est de 50,000 âmes et au-dessus, de 4,000 livres; , Dans celles dont la population est de moins de 50,000 âmes et de plus de 10,000 âmes, de 3,000 livres;
Dans les villes et bourgs dont la population ëst au-dessous de 10,000 âmes, et au-dessus de 3,000 âmes, dë 2,400 livres; , Dans touteé les autres villes et bourgs, et dans les villages, lorsque la paroisse offrira une population de 3.000 âmes et au-dessous, jusqu'à 2,500; de 2.000 livrés, lorsqu'elle en offrira une de 2,500 âmes jusqu'à 5,000, de 1,800 livres; lorsqu'elle en offrira une de moins de 2,000, et dë plus de 1,000, de 1,500 livres; et lorsqu'elle en offrira unë de 1,000 âmes et au-dessous, de 1,200 livres.
Art. 6. Le traitement des vicaires sera, savoir : à Paris, pour le premier vicaire, de 2,400 livres ; pour le second, de 1,500 livres ; et pour tous les autres, de 1,000 livres.
Dans les villes, dont la population est de50,000 âmes et au-dessus, pour le premier vicaire, de 1,200 livres ; pour le second, de 1,000 livres; et pour tous les autres, de 800 livres.
Dans toutes les autres villes et bourgs, où la population sera plus de 3,000 âmes, de 800 livres pour les deux premiers vicaires, et de 700 livres pour tous les autres.
Dâii§ totitëé lës âutrës paroisseé de ville et de canlpagllë. de 700 livrés pdUr châqUë vifeairë.
Art. 7: Lë traiterîiëftt êii argent des ministres dë la religion leur sëra payé d'àvàricë, de trois ttloiS èn irois rhOis, par lë trëàbHër du. district; à peine poiir lui d'f êtrë bontrdirit par corj)s, sui* bhe simplë,sbminàtibn ; ét dahS lë bas bù l'éyêttUë. Curé ou vicairë; tiendrait à mbuHr ou â donhër sa démissidfl, àVatit la fin du cjdÊtrtiëP.i il tië pourra être exercé, Coritrë ltii tli co'iitre Sès Héritiers, adcUne réfiétitioti.
Art. 8. Pëndant la vabancë dès ëVêcliés; de$ cures et de tous offices ëcclésiàstiques* payés pat là natidn, les fruits du tràitëmedt qui y "est attaché seront Versés dàbs la caisse du diëtMtît* polir sbbVebir àUi dépenses dont il Va êtrë parlé:
Art. 9: LéS ciirés qui, à ëàdie dë lëur grànd âge ou dë lëurs infirmités, ne ptiurraiëiit plUs vaquer à lèurs fonctions, en donneront avis àd directoire du département, qui, sur les instructions de la municipalité et de l'administration du district; laissera à leur choix, s'il y a lieu, ou de prendre un vicaire de plus, lequel sera payé par ia nation, sur le même pied que les autres vicaires, ou de se retirer avec une pension égale au traitement qui aurait été fourni au vicaire.
Art;. 10. Pourront aussi les vicairës, aumôniers des hôpitaux, supérieurs de séminaires, ét toué autres exerçant de§ fondions publiques, ëti faisant constater leur état de la manière qUi vient d'être prescrite, se retirer avec unë pension dë la valeur du traitement dont ils jouissaient, pour: vu qu'il n'excède pas la somme de 8U0 livres;
Art. 11. La fixation, qui vient d'être faite dii traitement des ministres de la religion, aura lieii à compter du jour dëtà publication du présent décret; mais sëulômëht pour ceux qui seront pourvus, parla suite, d'Offices ecclésiastiques. A i'égard des titulaires âëtiieis, soit ceux dont le^ offices sont cotiservëèj, léUr traitement sera fixé par un décret particuliër.
Art. 12. AU moyeh dd traitement qui leur est assuré par la présente Constitution, les évêques* les curés et leurs vicaires exerceront gratuitement lés fdtictions épiSCopales et curiales.
TitRÉ IV.
De la loi d'è la résidente;
Art. 1er. La loi dé la residence sera régulièrement observée ;
et tous ceux qui seront revêtus d'un office ou ërhpldi ecclésiastique y seront soumis sans
aucune excëption ni distinction.
Art.2. Aucun évêque ne fiburra s'absenter,chaqud année, pendant plus de quinze jours consécutifs, hors de son diocèse, qiie dans le cas d'une véritable nécessité, et avec l'agrément du directoire du département, daiis lequel son siège sera établi*
Art. 3. Ne pourront pareillement les curés et les vicaires s'absenter du lieu de leurs fonctions,! au delà du terme tjUi viënt d'être fixé, que pour des raisons graves* et même, en ce cas, seront tenus les curé3 d'obtenir l'agrément, tant de leur évêque que du dirëbîoire de leur district; ieS vicaires, la permission de leur curé.
Art. 4. Si un évêque ou un cure s'écartait de la loi de la résidence, la municipalité du lieu en donnerait avis au procureur général syudic du département, qui l'avertirait par écrit de rentrer dans son devoir, et, après sa seconde monition, le poursuivrait pour le faire déclarer déchu de son traitement pour tout le temps de son absence.
Art. 5. Les évêques, les curés et les vicaires ne pourront accepter de charges, d'emplois ou de commissions qui les obligeraient de s'éloigner de leur diocèse ou de leur paroisse, ou qui les enlèveraient aux fonctions de leur ministère, et ceux qui en sont actuellement pourvus seront tenus de faire leur option dans le délai de trois mois, à compter de la notification qui leur sera faite du présent décret, par le procureur général syndic de leur département, sinon et après l'expiration de leur délai, leur office sera réputé vacant, et il leur sera donné un successeur en la forme ci-dessus prescrite.
Art. 6. Les évêques, les curés et les vicaires pourront, comme citoyens actifs, assister aux assemblées primaires et électorales, y être nommés électeurs, députés aux législatures, élus membres du conseil général de la commune et du conseil des administrations de district et des
départements. Mais leurs fonctions sont déclarées incompatibles avec celles de maires et autres officiers municipaux et des membres des directoires de district et de département ; et s'ils étaient nommés, ils seraient tenus de faire leur option.
Art. 7. L'incompatibilité, mentionnée dans l'article 6, n'aura effet que pour l'avenir; et si aucuns évêques, curés ou vicaires ont été appelés par les vœux de leurs concitoyens aux offices de maire et autres municipaux, ou nommés membres des directoires de district et de département, ils pourront continuer d'en exercer les fonctions.
C.-F. DE BONNAY, président.
P. de Delley, Robespierre , Populus , Dupont (de Nemours), Garat, aîné, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely), secrétaires.
TABLEAU des métropoles et évêchés.
NOMS des
arrondissements
métropolitains.
Des côtes de la Manche...
Du Nord-Est...
SIEGES
des métropoles.
NOMS des
départements.
Rouen...
De l'Est.
Du Nord-Ouest.
De Paris.
Métropole du Centre......
Besançon,
I Seine-Inférieure.
[Calvados........
iLa Manche......
L'Orne..........
\ L'Eure..........
jL'Oise..........
ILa Somme......
[Le Pas-de-Calais.
!La Marne.......
La Meuse.......
La Meurthe.....
H.........La Moselle......
ILes Ardennes...
IL' Aisne.........
'Le Nord........
Le Doubs.......
Le Haut-Rhin...
Le Bas-Rhin____
ILes Vosges.....
]La Haute-Saône. iLa Haute-Marne.
fLa Côte-d'Or____
[Le Jura.........
Illle—et—Vilaine.. LesCôtcs-du-Nord Le Finistère....
Le Morbihan____
La Loire-Infér... Mayenne et Loire La Sarthe.......
La Mayenne.....
Paris...........
Seine-et-Oise.... Eure-et-Loir....
Le Loiret.......
L'Yonne........
L'Aube..........
Seine-et-Marne..
Le Cher........
Loir-et-Cher.... L'Indre-et-Loire.
La Vienne......
L'Indre.........
La Creuse ......
L'Allier.........
*La Nièvre.......
Rennes...{
Paris.
Bourges,.
SIEGES des
évêchés.
' NOMS des
arrondissements
métropolitains.
Rouen.
Bayeux.
Coutances.
Seez.
Evreux.
Beauvais,
Amiens.
Saint-Omer.
Reims.
Verdun.
Nancy.
Metz.
Sedan.
Soissons.
Cambrai.
Besançon.
Colmar.
Strasbourg.
Saint-Biez.
Vesoul.
Langres.
Dijon.
Saint-Claude.
Rennes.
Saint-Brieuc.
Quimper.
Vannes.
Nantes.
Angers.
Le Mans.
Laval. .
Paris.
Versailles.
Chartres.
Orléans.
Sens.
Troyes.
Meaux.
Bourges.
Blois.
Tours.
Poitiers.
Châteauroux.
Guéret.
Moulins.
Nevers.
Du Sud-Ouest.
Du Sud.
Des côtes de la Méditerranée.......
Du Sud-Est,
SIEGES des
métropoles.
NOMS des
départements.
Bordeaux.
La Gironde.....
La Vendée......
LaCharente-Infér.
Les Landes.....
Lot-et-Garonne.. La Dordogne....
Le Corrèze.....
La Haute-Vienne. La Charente .... ',Les Deux-Sèvres.
(La Haute-Gar. .. Le Gers........
LesBasses-Pyrén. LesHautes-Pyrén.
I L'Ari èee.....
Toulouse.. ^Les Pyrén.-ÔrienY.
L'Aude.........
L'Aveyron......
Le Lot.........
iLe Tarn........
(Les Bouch-du-Rh.
La Corse.......
Le Var.........
Les Basses-Alpes.
........../Les Hautes-Alpes.
)La Drôme.......
«La Lozère.......
[Le Gard .......
[ L'Hérault.......
/Rhône-et-Loire. Le Puy-de-Dôme.
Le Cantai.......
La Haute-Loire .
L'Ai'dèche.......
L'Isère.........
L'Ain...........
Saône-et-Loire..
Lyon ,
SIEGES des
évêchés.
Bordeaux.
Luçoti.
Saintes.
Dax.
A^en.
Perigueux.
Tulle.
Limoges.
Angoulême.
Saint-Maixent.
Toulouse.
Auch.
Oleron.
Taches.
Pamiers.
Perpignan.
Narbonne.
Rodez.
Gahors.
Alby.
Aix.
Bastia.
Fréjus.
Digne.
Embrun.
Valence.
Mende.
Nîmes.
Béziers.
Lyon.
Clermont.
Saint-Flour.
Le Puy.
Viviers.
Grenoble.
Belley.
Autun.
Lettre de M. Lambert, contrôleur général à M. le Président de VAssemblée nationale, sur le non-recouvrement des impôts (1) :
Du
Monsieur le Président, j'aurais peut-être à me reprocher le progrès des désordres qui, croissant chaque jour, détruisent de plus en plus des parties importantes des revenus du Trésor public ; si, après avoir pris tous les soins que le zèle pour mes devoirs et pour le salut de l'Etat peut m'inspirer, après avoir pressé, par nombre de lettres, et les municipalités et les autres corps administratifs, après avoir mis devant leurs yeux les décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi, qui prescrivent si impérativement l'exactitude dans la prestation des impôts; je n'employais encore de temps en temps le moyen qui peut assurer le succès de tous les autres, celui d'exposer les maux à l'Assemblée nationale et de la mettre à portée de juger si elle doit s'en occuper et y pourvoir par de nouveaux décrets. Plusieurs municipalités m'écrivent que des décrets bien exprès de l'Assemblée nationale soumettraient la résistance des redevables, ou procureraient aux administrateurs les forces nécessaires pour la surmonter : plusieurs me marquent qu'elles ont directement demandé ces décrets à l'Assemblée nationale et qu'elles attendent avec empressement qu'ils leur soient accordés.
Vous voyez, Monsieur le Président, que ce sont des municipalités bien intentionnées, animées du zèle que le patriotisme doit inspirer pour le soutien des revenus de l'Etat, mais qui se sentent sans forces suffisantes pour surmonter l'opposition populaire, et qui ne trouvent pas même dans leurs gardes nationales le secours dont elles ont besoin. Dans plusieurs villes, en effet, les gardes nationales se refusent ouvertement à la réquisition même des municipalités, qui, dès lors, n'ont aucune force à opposer à l'insurrection, ni aucun moyen de garantir les perceptions. J'ai eu l'honneur, Monsieur le Président, de vous adresser, à la fin du mois dernier, un exposé du désordre dans lequel sont depuis longtemps les perceptions de la régie générale dans presque toutes les villes et les campagnes d'une grande partie du territoire qui composaient anciennement les généralités (l'Amiens et de Soissons. J'ai à joindre à cet exposé celui que me font les régisseurs généraux, du progrès de l'insurrection dans les lieux de Liques en Calaisis, Grécy, près Marie et Soissons. J'ai l'honneur de vous envoyer les copies, que les régisseurs généraux m'ont fait passer, des lettres
Su ils ont reçues à ce sujet de leurs directeurs e Calais, de Marie et de Soissons ; l'Assemblée nationale y remarquera qu'à Liques, les officiers municipaux, loin de protéger les perceptions, répondent aux employés de la régie générale, qu'ils réclament eux-mêmes contre la perception des droits réservés, et qu'ils ont, à ce sujet, adressé un mémoire à l'Assemblée nationale, dont ils attendent la réponse et, dans cette
attente, point de perception dans ce bourg. Qu'à Grécy et dans nombre de paroisses des environs, les commis de la régie générale trouvent partout, non seulement un refus, universel, mais menaces, attroupements, résistance ouverte, toute prête à éclater, danger de mort imminent pour eux, et que c'est encore une décision précise de l'Assemblée nationale qui y est attendue par ceuxv qui désirent le retour de l'ordre. (Je vous engage, Monsieur le Président, à fixer particulièrement votre attention et celle de l'Assemblée nationale, sur la lettre du directeur de Marie, du 4 juillet 1790) : Qu'à Soissons, la municipalité est sans force et que la garde nationale de cette ville favorise plutôt la fraude qu'elle ne l'empêche. Je ne relèverai pas ce défaut de mesure d'un article échappé sans doute à l'administration du département de l'Aisne, dans une adresse imprimée qu'elle a distribuée à toutes les. communes de son ressort, qui, tout en rappelant aux peuples qu'ils doivent encore supporter l'impôt des aides, leur en annonce la suppression prochaine, si l'accroissement subit de l'insurrection contre ces droits, attesté par les directeurs de Marie et de Soissons, n'avaient bien prompte-ment confirmé l'épreuve que nous avions déjà, des fâcheux effets de ces annonces précipitées, que les contribuables ne manquent jamais de saisir comme équivalentes à une proscription anticipée, à laquelle ils s'arrêtent bien plus volontiers qu'aux décrets de l'Assemblée nationale, par lesquels le paiement de toutes les impositions subsistantes, a été, tant de fois et si expressément recommandé à la fidélité des peuples et à la surveillance des municipalités. Je vous envoie encore. Monsieur le Président, copie d'une lettre du préposé de la régie générale à Ingrande, qui rend compte d'une émeute violente excitée à Ingrande, par des mariniers, contre les employés qui avaient saisi des bateaux et marchandises passées sans acquitter les droits. Les préposés de la régie se sont vus exposés à perdre leur- vie; les ofhciers municipaux ont été insultés, menacés du feu et de la potence, frappés, et sont restés spectateurs impuissants du tumulte.
Je joins à cet envoi deux procès-verbaux de la municipalité de Paray, qui vous feront ensuite connaître, Monsieur le Président, et les bonnes intentions des officiers municipaux de ce lieu, et l'inutilité entière de ces bonnes intentions, par le refus formel de la garde nationale de leur obéir, dès qu'il s'agit de défendre les gardes de la ferme contre les violences des contrebandiers. Les officiers municipaux ont cru pouvoir, par un règlement formel, rétablir l'ordre et la subordination ; mais inutilement. La garde nationale ayant, dès le lendemain, fait de nouveau refus aux officiers municipaux de leur prêter secours pour arrêter les coupables d'un attroupement séditieux et d'excès commis contre la sûreté des citoyens de cette ville. L'Assemblée nationale doit être déjà instruite de ces désordres. Les officiers municipaux de Paray, voyant leur autorité compromise , le peuple soulevé, la ville exposée à l'incursion des malheureux qui attaquent de tous côtés les villes et les campagnes, portés d'abord à donner leur démission, mais réfléchissant que cette démission,loin de diminuer, ne ferait qu'augmenter les troubles, se sont déterminés à instruire l'Assemblée nationale de tous ces désordres, en lui demandant de pourvoir à calmer et à prévenir les malheurs qui affligent cette ville. Lépidémie de l'insurrection est très étendue; elle s'accroît rapidement et s'étend de jour en jour
sup de nouvelles partieg dg radminisjrati#p. fe Sajnt-Mjhiel, des adjudicataires de bois, 'constitué ppjsqppjefs p défaut de paiement dp prix de lejjrg adjudications, opi été fpjrçis e& liberté spr les ipepacës faites, Jp sjiftre ji la pa^in, par un detapfjen^epi; de milice nptiQnâî.e, prépose de l'administration des doin^inesj sans que les offtr ç|grs i^^picipaijx y ^ieqt ipis flpcup grdre. Je jôVps encore le procès-verbaf quj atteste cég faits. Il n'est pas pécessaire que j,e vous représente. Mopsie^r le Frpsidépjt, pojpbien il esf instant qu'il soit très promptement et très efficacement établi p|r des décrets tr|s exprès un ordre qui ne puisse plus fitre roecppnii de pouvoirs, de subordination de devoirs qui ràpp^jg dans le roy^uipe le respect ppjjr lois et pour tous les dépositaires de l'autorité publique, l'obéissance aux dgjp|$| (iè l'isse^blée nationale, sanctionnés par le roi, ^ sùrejé fîe§ perfonneg et §es' prp-pqét^s des citqypns, r^cqq^temept; paisible $ religieux de$ impofjtiçns, et ja prQtefitipn aux percepteurs des revenus publics?
J'ai j'frppqeur pêtrp yec respect, etc.
Extraits de lettrei et procès-verbaux joints $ lë lettre de M. le contrôleur! générait
Extrait fié la lettre du directeur de la, régie généré à Calais, du 18 juty
MUNICIPALITÉ DE ^IQUJBS.
Les habitants de L^ues, petit boprg de peu d'importance, bou|iliers,br;sseurs et autres, per-> sistpnt d^nV leur refus de faire des déclarations pour raisop des droits réservés, et lès commis dij département seraient tr£s mal accuéillis'," s'ijs se présentaient pour rédiger des procèa-yerbaùx côqtrelésrëfusanîs, gens très capables de leur faire un mauvais partf. Ils pe sont pourvus auprès des bfnciersmuniCipauxleçebourg, pour }es engager, à recommander aux redevables çè faire'Ièurs déclarations et même' de les y oblijMr par les nioyeus qui sont en eux ; mais ces officiers municipaux* sont dvàutant "moins portés ê vouloir forcer pu même peVJe'inèpt engager cçp habitants à faire leurs déclarations, qu'ils put ait aux commis qu'ilp/réclamaienfèùx-même^ contre là 'jpN ceptiôn des droits'réservés/et qu'ils avaient a ce sujet adressé un ffiémmre £ i'AsspmJilèe nationale, dont ils gtlëndàienj; réponse, lî résulte qu'il p'y a plùs aucun produit dans le bureau de cë'jiëii et que même on se dispensé dé faire lès déclarations pour les couftièrs-jaijgeurs, lors du transr port dès boissons.
ETRAJÏ de la lettre du, directeur de Ifi régie générale à Marie, du j9 jpiifi 1790.
Ce département de Crécy me désole ; son voisinage avec La Fère etGhauny, où l'on ne paye rien, où l'on n'exerce pas, a fait preqdre aux redeva? bles et particuliers c(e son arrondissement la résolution de ne plusse laisser exercer. Les commis refusent de se présenter dans nombre de parois? ses où ils sont fortement menacés s'ils Disent y paraître. Le mai gagne, la même résolution se déc|are dans la banlieue; et elle est toute déclarée dans lé département de Vervips. Les cabaretiers dont une quantité était au nombre des électeurs qui se sont rendus à Chauny, pour fixer le département, y ayant appris la stagnation qui y ré-
nait, veulent qu'il en soit de même à leur égard* n'y a pas moyen de faire faire seulement des commandements ; presque tous les huissiers s'y refusent, encore moins pourrait-on exécuter des saisies. Si cela continue, ma direction entière, jusqu'à présent sans troublé^ ne pourra plus être exercée du tout. Le plus grand nombre cependant attend une décision précise, mais bien prér-cise de l'Assemblée nationale.
Il est donc bien nécessaire de la demander, ou au moins d'obtenir du ministre une invitation très pressante aux départements et aux districts actuellement foripég de faire publier upe pfQPÏa-! mation qu'on ait $ payer et se gpuj#ej|pp aux exercises des droits d'aides, à peine d'y 0$re C00r» trajRll, et déchus, pour les refqgants, 4u P^e de cjj%en actif. Je fle yqis que l'on oe ces ipoyen§ propres @ rétablir l'ordre et je le soumets a votre considération, car sans lui tout est perdu,
Extrait de la fftfa'P directeur (le la régie générale à, Majlef du i juillet 1790.
Les paroisses qui refusent de payer et de se laisser exercer sont du département de l'Aisne établi à Laon et du district aussi de Laon et dé celui de Vervins. Les choses sont devenues encore pires que je ne vous les ai annoncées par nies lettres dejhl# et 83 juin* Il a été signifié aux commis de Créffy do n'avoir plus à se présenter cfieg aucun redevable» à peine d'avoir le cqu coupe pu d'être pendus i on les a prévenus charitablement que, dans plusieurs cabarets» il y a des cordes prêtes et arrangées pour cette dernière expédition ; aussi, tous deux viennent-ils de me déclarer qu'ils ne feraient plus décidément aucun exercipe, dussiez-vous les priver de leurs emplois. Je vous le demanderais si je croyais que cet acte de rigueur pût faire quelque bien ; mais loin de me le persuader, je crois que ce ne serait qu'envoyer de nouveaux commis plus sûrement à la boucherie.
Les menaces ne sept pas si fprtes à la banlieue ; le travail n'y est pas encore interdit partout, mais cela commence. Il a été verbalisé le >21 cqutre Latargé, cabaretier à Sons, et contre Jean-Louis Odent, détailleur d'eau-de-vie à Ghevanes ; les actes étant en règle, j'ai cru devoir les faire si-? guifier pour en imposer surtout à cet Odent qqi, déjà depuis plusieurs mois, va chez les débitants de tous mes départements les engager à ne plus payer ni souffrir ces exercices; sa femme a ameuté toutes les autres femmes du village : l'huissier a été arrêté et a couru de gros risques dont il a dressé procès-verbal. Le peuple de ce canton est assemblé depuis dimanche dernier,"au nombre de quatre ou si$ mille, pn dit même de huit, et va, de château en château, forcer les seigneurs de donner décharge du droit de terrage. Ils ont fait; mardi, un dégât horrible au château de Marfon-taine, qui appartient à M. le marquis de Noailles ; ils voulaient absolument massacrer son intendant: Madame la marquise, présente, né s'en est tirée qu'en les faisant beaucoup boire et manger ; ils ont papsé la nuit, ce qui nous a vraisemblablement sajivés de leurs fureprs, car ils avaient annoncé qu'ils viendraient ici chercher l'huissier qu'ils voulaient avoiF port pu vif, et qu'ils visi= teraient les commis et moi-même. Ces menaces durent encore ; on vient de nous les renouveler pour l'exécution êtreaujourd'hui. Tout le pays est dans une agitation horrible. Ils ont forcé dë marcher aveeeux des maires et officiers municipaux
dp parpissep, mêrpe des membres du département- Qr» quel ^ecoqr^ voulez-vous que nous passions tirer de ces pjairps et officiers ! Beaucoup sont disposés à nous en accorder, mais, comiqe je vous l'ai déjà dit.ijsnesont pas obéis et len)us grand nombre craignent pour eux-mêmes le feu, surtout à lejurs habitations, granges, etc. Je re-cominande bien dès démarches yis-a-vis d'eux : j'ài écrit a plusïejjrs, tops se retranchent sur les raisons que je vjeps de donner, te département a publié une adresse à chaque municipalité : il recommande Je paiement nés dro}fô, niais i} ajouté bৠquecès droits vont j?$]|yer Fè sçjrt qu'a subi la gabelle, ce qui fait croire plps fermenjen't aux redevables et aq peuplé que ngus sorpmes déjà supprimés et qu'avec rajsonj ils ne dpiyènt plus sppffrir ni payer les commis. Malheureusement, c'est qu'ils np craignent plus ]a justice, et }ls n'ont pas tort, car jè yois qpe pps tribunaux n'qsept piitè pro'noncér fjans ni?s caiises, pt, quand jls 1§ seraient, nous n'ayons plus un seul nuisr $ier, depuis J'éyérjeajpnt dqpt je rppds CQujpte, qui vomirait signifier la plus pejite des sentences, ni faire actuellement nu seul' ppminandeipéqt. La maréchaussée ne yeut plus les acpqmpagnpr j elle ffljm aussi de seconder les commis. Nous yoijâ dpnc pour une gàrtjfl de rna dir^ctiop, âun état absolument passif. Il faut s'attende que noug M sprons bientôtPRpr l'autre, j| ÉPÏftS flp un décret directement de r Asçemlîlëe nafipnaïpi "iep motivé et précis, ne vienne rétablir l'ordre. C'est dope4 l'obtenir qu'il faut mettre tous yos spins. La cljoge est aussi nécessaire que pressante?
Extrait de la lettre du directeur de Soissons, du 5 juillet 1790.
PERCEPTION DE DROITS.
-L'Insurrection contre les droits s'accroît de jour en jour, les refus de visite et d'exercice reT commencent dans la ville. Plusieurs cabaretiers de Soissonâ ont fait signifier leurs cessés et un grand nombre se proposent de les imiter; les muchepôts se multiplient, on se moque de la proclamation de la municipalité de Soissons, dont je vous ai adressé des exemplaires; les bouchers ne font presque pas de déclarations. La.garde nationale favorise plutôt la fraude qu'ellp ne Pempêche. J'ai, le 28 juin, présenté au district de Soissons une requête afin d'avoir une proclamation, on ne l'a pas encore répondue, j'en joindrai une copie aux états de Tierce. La même fermentation règne dans les départements de Champagne, les Gommis ne sont point en sûreté, le mal résulte, comme j'ai eu Phonneur de vous Je marquer, des discours que les électeurs des administrations dudépartement ont tenus à leur retour dp Chauny; et ce qui y a mis le comble, c'est l'adresse de l'administration du département à toutes les communes, dont je joins ici un exemplaire. Les administrateurs, en invitant les peuples à purger les droits d'aides,.ont malheureusement annoncé que l'impôt des aides aurait bientôt le même sort que celui de la gabelle. Le peuple, qui interprète tout à son avantage, s'autorise de cette phrase indiscrète pour persister dans sa révolte.
Extrait de la lettre écrile par le receveur de la régie qénérale á Ingrande, direction d'Angers, du 3 juillet 1790
Le juin, trois mariniers ÇJjalçpnp, en-
hardis par l'habitude qu'ils onf prise depuis le 2i août denier de franchir le bureau, crgrppj encore pouvoir le faire aVec impunité ; mais Jes employés qûe'lp peuple avait laissés, pour 4 voir Pair dé se conformer aux décrets dp l'Assemblée natioqale, ét parce qu'il était persuadé que Je défaut de forcé et de moyen! les empêcherait jie s'opppser aux entreprises frauduleuses, les employés, dis-je, arrètèiçnt'pes yoituriérs. Là saisie se îitsans îe moipdreobstacle'léS yqitqriers abandonnèrent leurs bois, marchandises et bateaux. Jusqu'au il n'y eut aucune réclamation, et je n'en augurai rien de bon : en effet, ce même jour 27, sept ou huit mariniers arrivèrent ici, se répandirent dans les cabarets, et annoncèrent le dessein qu'ils avaient formé de venir, dans la nuit, secondés de deux cents autres, enlever les marchandises et bateaux saisis, ainsi qqe ceux appartenant |i la fermegénérale,incen§ier le bureau, exterminer les percepteurs et employés, et tout ce qqi tenterait (ie^ s'opposer à jëjurs desseins : ce§ menaces perêJSrept ^jpq vite ; la municipalité nqus prévint imminent qui nous me-
naçait, et de la crainte qu'elle avàjt'de Pl'nsuffi-sapee de la garde nation^e, et même pe sa déso^ béissance.Mp tenta? né§piflpms, de la rassembler, ce fut inntilègient ; alpf s? niunis de leurs echarpes, rès officiers municipaux se transportèrent chez la plupart des hommes d'armes, ils èn rassemblèrent qnarante-rdepxj ceftpnujt^epassa sans événement et l'orage paraissait dissipé. Le lqndi, sur jes onze jheqrps? en vint me dire dé the rendre che? le receveur d'S traites, où je trouvai le contrôleur, le vice-maire et lé proepreur de la commune ; ce dernipr nons prévint que de nouveaux dangers npus menaçaient toqs et qu'il venait, dêtré instruit, par lecommjssaire nés classés* qu'il y ày^il fijéja spi^pm$è m#r|piers étrangers répandus dans partie de pe$e .fyiïe dépendante dp la Bretagne, qu'ils êp attendaient pn bien plus grand nompre ppj£r commettre fo c§rpage projeté la vei}ief îe cfinseiiiai receypur d$s traites de sommer la pinnipipalité dp sa purger d.es pjjjets saisis, bateap* et ustensiles servaprlinx p^cep-tiong, regi§tr.e|> cais§p» etc., et fair§ rétirer les employés et de nous 'retirer nous-mêmes si là municipalité pp se déterminait sur l'heure â prendre des mçsnres efficace? poqr prévenir les malheurs dQ.nt nqps étions méngcé^. Çet|e réspfn-tion ayant pép|q| dep? Qftjciers m.ûpicîpap^ présents à requérir pn détachement ^ qragqn^ de la iqPnicinalité d'Ànceni?, qui y joignit'Ja brigade de marepjj|i]isse|i,! 1 àrriyép de cetfè troupe causa la plyjs yjve énjeùte de la part de$ habitants, dont une partie des plus mauvais sujets, qui sçnt pn grand nombré) se por^à sur-ie-clîanjp chez le maire, insulta les officiers municipaux, les menaça et pops tous du feu et.de la pqfence, et l'pn d'e.qx frappa le procureur de la cp^mune. Qps atrqpités proupisirent l'effet 4e rejgpjir d effrpi les administrateurs au point de n'oser faire agir la troupe, et je lendemain, pendant la messe pa-rpissiale, quatre étrangers éiimenèrent les pa-teapx saisis,'et tous ceux qui gpfyaîent à la fier-ceptjon des droits, aujc yenxdjj détachemepiqui resta qaps I'ipapjliop. fantp (Tprdres, et s'ep retourna aans son quartier. reste qu jour, la popu-lace, toujours attroupée, npps tint dans 1 incertitude de la vieet de la mprt; et sur le spjr sç pprfa cbefi Ip receveur des traites, ét força de |uf opiner de l'argent ppur payer là dépense qp'glfeâyâlt faite pendant Je jppr, l'assurant, ayeç'les plus yjyes imprécations ope qi lui. pj àUCJ^ ^rér posés ne ga^era^pf ie^rs Places. Je me rgndis
le lendemain à Angers pour en informer le directeur de la régie qui en fit part sur-le-champ à la municipalité d'Angers. Ce directeur va sans doute vous en rendre compte et vous adresser copie de l'acte que nous avons rédigé de tous ces faits, à l'exception du dernier. Hier au soir, à mon arrivée d'Angers, les menaces se réitéraient et quoique les esprits paraissent un peu calmés, je ne sais si j'existerai dans ma place, ni du tout, lorsque cette lettre vous parviendra.
Signé : Le bègue.
Extrait du registre de la municipalité de la ville de Paray.
Assemblée générale des citoyens actifs de la commune de Paray, convoquée tant au bruit de la caisse qu'au son de la cloche, à la manière accoutumée, en l'église du collège de ladite ville, cejourd'hui 23 mai 1790,. à l'issue des vêpres de la paroisse, en exécution de la délibération du conseil général de ladite commune du jour d'hier, dans laquelle assemblée présidée par le sieur maire, celui-ci a dit que la garde nationale ayant refusé, même sous le commandement de M. le major, de marcher et prêter main-forte sur les réquisitions des officiers municipaux dans une occasion où des étrangers, en passsant, avaient maltraité des citoyens ; que les officiers municipaux, dans ce moment d'effervescence, ne pourraient contenir le peuple, et s'opposer aux incursions des gens du dehors ; que cependant, eu égard à la petite insurrection arrivée en cette ville mardi dernier et aux troubles de quelques municipalités voisines, étant absolument nécessaire, pour maintenir la paix et la tranquillité dans cette ville, que les officiers municipaux ayant des forces, ils auraient, pour prendre un parti à cet égard, fait assembler ce conseil général de la commune qui aurait ordonné l'assemblée générale des citoyens actifs pour prendre les mesures nécessaires dans cette occurrence, pourquoi ledit sieur maire, a proposé à l'assemblée de délibérer et arrêter :
1° Que tout membre de la garde nationale qui, requis par les officiers municipaux, refusera d'obéir, sera, sous le bon vouloir et plaisir de l'Assemblée nationale, déclaré déchu du droit de citoyen actif; et que celui qui n'aura pas encore acquis ce droit, sera déclaré inhabile à l'acquérir; et que l'un et l'autre seront déclarés incapables de servir dans la garde nationale, sauf, néanmoins à la municipalité, suivant les circonstances, à commuer ces peines si elle le juge à propos ;
2° Que, pendant ces moments de troubles et aussi longtemps que les ofliciers municipaux le jugeront nécessaire, il y aura fêtes etdimancnes et jours de foire, une garde au moins de douze Hommes, non compris l'officier ; que cette garde sera de service toute la semaine, c'est-à-dire que quoique les autres jours elle ne montera pas réellement elle sera tenue de se présenter et marcher dès qu'on l'avertira et ce, sous les mêmes peines que dessus ;
3° Que tous les ofliciers et soldats de la garde nationale seront tenus,sousles mêmes peines, dese présenter avec armes sur la place Saint-Nicolas, toutes les fois et à l'instant qu'on battra la générale ; et que, pour les tenir toujours en action, M. le commandant la fera battre de temps en temps, même sur les réquisitions des officiers
municipaux, sans autre motif que pour les accoutumer à se tenir prêts et à se présenter toutes les fois que la municipalité le jugera convenable ;
4° Qu'en cas d'insuffisance des forces de la garde nationale, on fera battre une seconde fois La générale, et en ce cas tous les citoyens en état de porter les armes, seront aussi tenus de se trouver aussitôt avec armes sur ladite place Saint-Nicolas, pour donner main-forte, aussi sous les mêmes peines que dessus.
La matière mise en délibération et suffisamment discutée; les opinions prises, il a été arrêté, presqu'à l'unanimité, et sous le bon vouloir et plaisir de l'Assemblée nationale :
1° Que tout membre de la garde nationale de cette ville, qui, requis par les officiers municipaux, refusera formellement d'obéir et prêter main-forte, sera, pour la première fois, condamné par les ofliciers municipaux, en douze heures de prison ; pour la seconde fois, en vingt-quatre heures, et, pour la troisième fois, déchu du droit de citoyen actif; que celui qui n'aura pas encore acquis ce droit, sera déclaré inhabile à l'acquérir, et que l'un et l'autre seront déclarés incapables de servir dans la garde nationale, sauf néanmoins à la municipalité, suivant les circonstances, si elle le juge à propos, à commuer ces peines;
2° Que pendant ces moments de troubles et aussi longtemps que les ofliciers municipaux le jugeront nécesaire, il y aura fêtes et dimanches et jours de foire, une garde au moins de douze hommes, non compris l'officier ; que cette garde sera de service toute la semaine, c'est-à-dire que les autres jours elle ne montera pas réellement; elle sera tenue de se présenter et marcher dès qu'on l'avertira, et ce, sous les peines que dessus, en cas de refus formel et sans causes légitimes ;
3° Que tous les officiers et soldais de la garde nationale seront tenus, sous les mêmes peines, de se présenter avec armes sur la place Saint-Nicolas, toutes les fois et à l'instant qu'on battra la générale ; et que, pour les tenir en action, M. le commandant la fera battre de temps en temps, même sur les réquisitions des ofticiers municipaux, sans autre motif que pour les accoutumer à se tenir prêts et à se présenter toutes les fois que la municipalité le jugera convenable ;
4° Qu'en cas d'insuffisance des forces de la garde nationale, on fera battre une seconde fois la générale; et audit cas, tous les citoyens, en étal de porter les armes serout aussi tenus de se trouver aussitôt avec armes sur ladite place Saint-Nicolas, pour donner main-forte, aussi sous les mêmes peines que dessus ;
5° Qu'aucun citoyen ne pourra faire monter sa garde par son domestique ;
6° Qu'il ne sera reçu à monter la garde que des personnes âgées au moins de dix-huit ans ;
7° Que dans le cas où un citoyen ne se présenterait pas pour monter sa garde, il sera condamné à quarante sous d'amende si la garde doi durer vingt-quatre heures, et trente sous si ell doit durer moins, sur lesquelles amendes 1 paiement de la personne qui sera prise en rem placement sera prélevé, laquelle somme ne pourr être que de vingt sous, si la garde doit êtr montée viçgt-quatre heures, et quinze sous siell doit être moDtée dans un délai plus court;
8° Que les citoyeDS qui seront malades, et doi les facultés ne leur permettront pas de se préseï ter à la garde, en seroQt exempts jusqu'à le rétablissement ; qu'il en sera de même pour 1
citoyens qui seroût absents pour cause légitime. Et se sont soussignés le maire, officiers municipaux et citoyens actifs qui se sont encore trouvés présents au moment de la clôture de l'assemblée, quoiqu'il y eu ait déjà beaucoup qui m soient retirés, ayant approuvé les motifs de l'assemblée, plusieurs de ceux présents n'ayant signé ne sachant le faire. Signé sur le registre : Bertuel ; Desbessons ; Colin ; Jeunet ; Borthelaud ; Dupré ; Suif ; Poncet ; Pairel ; Guillermet ; Guichard, de Carney; Labaille laîné- Baudot; Vial d'Alais; Leclerc ; Verduron ; Ribailier ; Maiard ; Derost ; Pingenot; Boismard; Dagonneau fils; Faure; Prust ; Rosselin ; Rozel ; Bizouard ; Crétin cadet ; Tillione ; Rousseau ; Pain; Chèze; Grizard; Mi-chaud ; Ferbeuf; Bouquinet ; Vomeret ; Desforges; Brigaud ; Bauderon ; Deurs ; Voyet ; Prust père ; Deschizeau ; Boudinot, avocat ; Jacques Borland ; Bouillon ; Magonne ; Vieux ; Saché ; Suif ; Ducly; Esselin ; Jacob, officier municipal ; Antoine Petit; Menteur ; Maynaud; de Laveau ; Colin fils ; Quarré neveu ; Guillemin ; Goliiard, officier municipal ; Quarré, procureur de la commune ; Brigaud, maire ; Brijaud ; Lavaud ; Goyard ; Dubus ; Jacob fils, et Dargaud, secrétaire.
Aujourd'hui , vingt-huit mai mil sept cent quatre-vingt-dix, heure de dix du matin, le conseil municipal de la ville de Paray-en-Gharol-lais, assemblé en hôtel commun, en la manière accoutumée, et composé de MM. Brigaud, maire, Christophe Goliiard, Charles Jacob, Jean-Baptiste Desforges, Jean-Marie Colin et Antoine-François Bertinot, et où était le procureur de la commune ; ledit sieur maire a dit :
Messieurs, affligés des cabales qui troublent depuis quelque temps et menacent notre patrie, je sais combien il est consolant pour moi de vous les exposer, et chercher avec vous les moyens les plus propres pour les calmer et les prévenir.
Des étrangers inconnus passèrent ici le 12 de ce "mois; ils maltraitèrent en plein jour, au milieu des rues, des citoyens de notre ville; cet excès, guel qu'en fut l'objet, m'ayant paru punissable, je requis la garde nationale de se saisir de ces étrangers et de les conduire aux prisons ; ceux qui reçurent cet ordre du commandant refusèrent d'obéir, disant que ces étrangers étaient des gens qui faisaient la contrebande de tabac, que ceux qu'ils avaient maltraités étaient des gardes de la ferme et qu'ils ne voulaient point se mêler à cette affaire.
Ce refus de la garde nationale de marcher aux ordres de la municipalité n'est pas le seul ; tel fut le sort de deux ordres plus publics et, à mon avis, d'une bien plus dangereuse conséquence.
11 y a quelques jours, des journaliers, des femmes, des enfants, excités on ne sait par qui ni par quelles raisons, se portèrent avec fureur au domicile de deux particuliers de cette ville, et après avoir rudement frappé à leurs portes, sur le refus qu'ils firent d'ouvrir, ces forcenés brisèrent à coups de pierres les vitres et les croisées de leurs maisons; un d'eux s'était déjà élancé et grimpait pour passer par une fenêtre du premier étage dans la maison des ces particuliers, et on ne sait à quel excès ces furieux se seraient portés, si un homme de bien n'eut retenu par les pieds ce malheureux au moment où il allait sauter dans 4a maison.
Ayant fait des recherches exactes pour savoir les causes d'un excès aussi dangereux, j'ai appris qu'on soupçonnait ces gens d'avoir du blé ; des informations plus amples m'ont convaincu qu'ils
en avaient peu, qu'ils le vendaient publiquement au prix courant et que les propos vagues de cette populace mutinière indiquaient ces moteurs.
Un excès d'un aussi dangereux exemple, dans un moment où le blé ne manque pas, où le peuple le trouve dans nos greniers d'abondance à six sous au-dessous du prix courant, m'a paru punissable.
Nous nous assemblâmes, Messieurs, et il fut dit que quatre des femmes qui avaient paru lès plus acharnées, celui qui avait entrepris d'entrer par la fenêtre dans la maison d'un des particuliers et trois écoliers qui s'étaient trouvés dans cette rixe, seraient conduits en prison ; vous le savez. Messieurs, ce parti fut admis à l'unanimité, persuadés qu'une fermeté tempérée par la douceur était préférable, dans la circonstance, à la stricte justice.
Mais le refus précédent de la garde nationale de marcher aux réquisitions de la municipalité, nous faisait craindre un nouveau refus, infiniment dangereux dans les circonstances actuelles. Nous prîmes le parti, pour le prévenir, de convoquer le 23 de ce mois, en conséquence d'une délibération du conseil général de la commune, l'assemblée générale des citoyens actifs, dans laquelle, sur l'exposition que je fis des raisons qui avaient décidé la municipalité à la convoquer, il fut arrêté, presqu'à l'unanimité :
1° Que tout membre de la garde nationale qui, requis par les officiers municipaux refuserait formellement et sans cause légitime d'obéir, serait, sous le bon vouloir et plaisir de l'Assemblée nationale, pour la première fois, condamné par les officiers municipaux, à douze heures de prison ; pour la seconde fois, en vingt-quatre heures et, pour la troisième, déchu du aroit de citoyens actifs, que celui qui n'aurait pas encore acquis ce droit, serait déclaré incapable de l'acquérir, et l'un et l'autre incapables de servir dans la garde nationale, sauf, néanmoins, à la municipalité, suivant les circonstances, à commuer ces peines, si elle le juge à propos.
2° Que pendant ce moment de troubles et aussi longtemps que les officiers municipaux le jugeront nécessaire, il y aurait, fêtes et dimanches, et jours de foires, une garde, au moins de douze hommes, non compris l'officier; que cette garde serait de service toute la semaine, c'est-à-dire que, quoique les autres jours elle ne montera pas réellement, elle sera tenue de se présenter et marcher dès qu'on l'avertira et ce, sous les mêmes peines que dessus, etc.
Cette nouvelle obligation que la commune venait de contracter volontairement pour sa sûreté et son bonheur, nous fit croire que c'était le moment de punir les séditieux, de contenir le peuple et d'intimider ceux qui, par leurs pernicieux conseils, troublent la paix; l'administration municipale ayant donc requis le commandant de la garde nationale de donner des ordres pour faire conduire dans les prisons six des personnes qu'il avait été arrêté qui y seraient conduites, et qu'au nombre desquelles étaient les trois écoliers, l'officier de garde a fait refus, par écrit, d'obéir, en ajoutant que, d'ailleurs, personne ne voulait obéir.
Le lendemain, sur une nouvelle réquisition du commandant de la garde nationale de donnerdes ordres pour faire conduire ces séditieux en prison, autres néanmoins que les écoliers que les parents y avaient fait rendre, cette réquisition notifiée à M. l'officier de garde avec ordre de la faire exécuter sur-le-champ, nouveau refus par écrit, de
la nouvelle garde d'obéir, quoique, j'eusse soin d'annoncer hautement qu'en cas d'un nouveau refus, il serait dressé procès-verbal qui serait envoyé à l'Assemblée nationale, ,, C'est donc, Messieurs, sur cette importante matière que je vous prie de délibérer; notre autorité compromise, le peuple soulevé, la ville exposée à l'incursion des malheureux qui, comme vous le savez, attaquent de tous côtés les villes et les campagnes; daignez, Messieurs, donner votre avis et me permettre de vous dire, d'abord, ce que je pense a cet égard.
L'administration municipale, croyant avoir perdu la confiance de ses concitoyens, son premier mouvement a été de renoncer à une place dont il nous a paru qu'elle ne nous croyait plus dignes ; mais considérant que notre démission ne ferait qu'àdgmenter les troubles en nécessitant une nouvelle élection, nous avons cru, Messieurs, que le meilleur parti qui nous restait à prendre était d'instruire l'Assemblée nationale des troubles
3u'il më paraît qu'elle seule peut calmer ; c'est
'elle que nous tenons notre autorité, elle seule peut, dans les circonstances, la faire respecter et contribuer au bODheur de nos .concitoyens. Mon avis est donc, Messieurs, de jui envoyer l'exposé fidèle des malheurs qui affligent et menacent notre commune, et de la supplier de daigner interposer son autorité et de donner des ordres pour les calmer et les prévenir, comme aussi, d'agréer le règlement fait dans l'assemblée générale oie la commune, le 23 de ce mois.
Sur quoi» la matière, mise en délibération, suffisamment discutée, et ies opiaions prises, il a été arrêté :
1° Que l'Assemblée nationale sera suppliée d'interposer son autorité et de donner des ordres pour cajtoeret prévenir les malheureux qui affligent et menacent la commune, comme aussi d'arrêter le règlement fait dans l'assemblée générale de la commune, le 23 de ce mois ;
2° QU'à la supplique, la présente délibération contenant ie rapport du sieur maire des faits tels qu'ils se sont passés, sera jointe ;
3° Que la délibération de l'assemblée générale sera aussi jointe à la supplique,
Signé sur le registre : Brigaud, maire f Goîl-lard ; Jacob ; jean-Baptiste Des Forges ; Jean-Marie" Colin et Bertucol Desbessons, officiers municipaux; Quarré, procureur de la commune, et JDargaud, secrétaire.
Par extrait; Signé: Dargadd, secrétaire.
Ce iourd'Sci, 24 avril 1790, huit heures du matin.
Je soussigné, receveur particulier des domaines et bois du département de Saint-Mihiel» y demeurant, fondé de pouvoir du sieur Joseph-Ôasile Poinsignon, bourgeois de Paris, y demeurant, rue des Petits-Champs, paroisse Saint-Eustache, chargé par le roi de l'administration des domaines et bois de Sa Majesté, et de la recette générale des bois des communautés laïques et ecclésiastiques, par proouration passée par devant Me' Piquais et Larcher, notaires à Paris, le 26 janvier 1787.
Certifie qu'hier, environ les six heures du soir, jour du retour en cette ville de Saint-Mihiel; du détachement des milices nationales du département de la Meuse, qui avaient été à la cérémonie de la coalition, à Nancy, il s'est présenté au-devant de mou domicile un détachement de ces milices.
Que plusieurs de ceux qui le composaient sont entrés et m'ont demandé l'élargissement des deux
prisonniers que je détenais dans la prison, dont l'un se nomme Nicolas Hallot, adjudicataire, poUr l'ordinaire 1788* des arbres et bois communaux de Sampigny, incarcéré le 13 novembre 1788; et l'autre s'appelle Georges Fiacre, adjudicataire pour le même ordinaire du quart en revenu de la Hei-neix, écroué le 6 novembre 1789.
Que je leur ai représenté que nos pouvoirs ne me permettaient point de relâcher ceux que mon devoir n'avait forcé de faire emprisonner; que MM. les. administrateurs généraux et les communautés intéressées, étaient seuls maîtres d'accorder la grâce qu'ils venaient me demander.
Que, sur mon refus, le détachement s'est retiré en murmurant, eu me menaçant, en m'annonçant enfin qu'il allait forcer les prisons. Qu'en effet» il s'est rendu à la porte des prisons, où l'on assure qu'il a tenté d'entrer de force, malgré les sentinelles qui s'efforçaient dé l'éloigner.
Qu'enfin, il est revenu au devant de mon domicile, environ les sept heureg et demie ; que là, en présence d'un grand nombre de citoyens honnêtes, il m'a réitéré, 1e sabre à la main, la demande qu'il m'avait faite en ihenaçant ma personne, en ajoutant qu'il forcerait-définUivement les prisons.
Que craignant qu'une plus longue résistance le portât à commettre des voies de fait, plusieurs citoyens m'ont invité de céder à là force, et d'accorder la liberté auxdits Hallot et Fiacre; ce que j'ai fait par un billet adressé au concierge des prisons, lequel billet a été lu audit détachement et remis par M. le maire, à qui j'ai demandé acte dé la violence qui m'était faite en l'invitant, ainsi que les citoyens assemblés, de certifier, quand ils en seraient priés, la vérité des faits ci-devant détaillés.
Ce que je déclare de nouveau sincère. A Saint-Mibiel ledit jour 24 avril 1790, signé : Belcourt.
Les faits relatés au présent procès-verbal sont rendus dans la plus exacte vérité, à Saint-Mihiel ce 24avril 1790. Signé : R0UVR0is,w»atre; Gillon, officier municipal; Mengin, procureur de la commune ; Manouville, commandant de la garde nationale.
Collationné à l'original resté entre nos mains, et certifié véritable par nous, administrateurs généraux des domaines. A Paris ce trente avril mil sept cent quatre-vingt-dix. Signé : Blan-chet; Maillard; le Sénéchal et Gibert-ûesmo-l1ères.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures du matiu.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des citoyens charbonniers de Lons-le* Saulnier. Après avoir manifesté les sentiments les plus patriotiques, les citoyens charbonniers annoncent qu'ils se sont assemblés en plein air au pied d'un chêne, pour prêter, en présence de l'Eternel, le serment civique. Ils ont juré d'avoir la hache toujours levée pour soutenir, au péril de
sur vie, le plus bel édifice qui ait jamaiiparu : la Constitution Française.
Messieurs, l'assemblée électorale du département du Nord est actuellement formée, est réunie à Douai. J'ai eu l'honneur de vous dire, il y a une quinzaine de jours, que les ennemis de la Révolution se préparaient, dans l'excès de leur délire, à protester contre vos principaux décrets, dans le sein de cette assemblée, mais je n'ai pas hésité à vous donner l'assurance du patriotisme, qui animait la majorité de ses membres. Je suis chargé de vous en fournir la preuve aujourd'hui en vous présentant une adresse contenant l'expression de son zèle pour le maintien de la Constitution, et par laquelle cette assemblée voue au mépris, à l'opprobre et à la vengeance de la loi, ceux qui, par des protestations criminelles, tenteraient encore d'arrêter ou d'entraver les progrès d'un si grand œuvre.
(L'Assemblée applaudit à cette adressent charge son Président d'écrire une lettre de satisfaction à l'assemblée électorale du département du Nord.)
représente que, par une première délibération prise le 6 avril dernier en conseil général de la commune delà Charité, cette commune a fait une soumission potir acquérir des biens nationaux jusqu'à concurrence de 2 millions; mais que, par Une seconde délibération du 2 mai suivant, dont il est porteur, cette même Commune a demandé l'établissement, dans sa villet d'une fonderie de canons et autres objets dépendants de l'artillerie.
L'Assemblée ordonne que cette secondé délibération sera remise à son comité militaire pour lui en rendre compte.
, président du comité des pensions. tous vous rappelez. Messieurs, les différentes lettres que lé comité a écrites à MM. Durvey et Dufrêne pour obtenir l'état des reprises du trésor public. Il est enfin dressé, cet état, et nous avons lieu de croire qu'il se monte à 31 millions. Quoi qu'il en soit, M. Dufrêne nous a écrit qu'il l'avait présenté au premier ministre des finances pour l'examiner et le remettre ensuite au comité des pénsions ; qu'ainsi c'est à M.Necker qu'il faut s'adre|ser pour l'avoir. Tels sont les moyens qu'on emploie pôtir rétàfdèf les remises que vous ayez ordonnées. Je pense que l'intention de l'Assemblée n'est pas d'y applaudir. Je demande qué l'Assemblée rende lé décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des pensions, a décrété et décrète que le premier ministre des finances fera remettre dans le jour, à son comité des pensions, l'état des reprises du Trésor royal. »
(Ce décret e3t adopté sans réclamation.)
, rapporteur du comité des finances. Votre comité des finances, justement préoccupé des moyens d'assurer, la. rentrée des revenus arriérés de l'Etat et d'élablir un ordre constant dans la perception, m'a chargé de vous proposer un projet de décret qui lui paraît de nature à assurer le but poursuivi.
Le projet de décret est adopté, sans discussion, ainsi qu'il suit : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des finances, profondément pénétrée des avantages d'un ordre constant et invariable dans le recouvrement des impositions, occupée
sans cesse des moyen8^ie faire disparaître l'effet des circonstances qui ont précédé l'établissement des nouvelles assemblées administratives, et mettant la plus juste confiance dans leur empressement et leur zèle à seconder ses vues à cet égard, et à se conformer aux ordres donnés par le pouvoir exécutif, pour que ses décrets soient exécutés avec la fidélité et la soumission que leur doivent les contribuables, a décrété et décrète ce qur-sUit :
Art. 1er. « Les directoires des départements chargeront sans
délai les directoires de district de se transporter chez les receveurs particulier^ des
impositions* et de se faire représenter 6ana déplacement, par lesdits receveurs, les registres
de leur recouvrement, d'en constater le montant pour la présente année 1790, et pour lés
années
1788 et 1789* afin d'établir la situation dés collecteurs et de chaque municipalité du district pour chacune desdites années vis-à-vis dés receveurs. Ils se feront pareillement représenter les quittancés d'acomptes, ou les quittances finales données auxdits receveurs sur lesdits exercices 1788,
1789 et 1790, par lès receveurs ou trésoriers généraux, pour que les débets des receveurs particu® liers, S'il en existe vis-à-vis des receveurs ou trésoriers généraux, deviennent également constants.
Art. 2. « Ils dresseront tin procès-verbal sommaire de teur vérification ; Us l'enverront avec leur avis au directoire du .département, qui en rendra compté sans délai à l'Assemblée nationale et au ministre des finances.
Art. 3. « Si, par rexamen des registres, il se trouve des collecteurs et des municipalités qui n'aient pas soldé l'année 1788, qui soient arriérés sur l'année 1789, et gui ne soient pas en règle pour le recouvrement à faire en la présente année 1790, ils prescriront aux receveurs particuliers d'arrêter sans délai lës Collecteurs et les municipalités en retard, pour que, quinzaine après ledit avertissement, lës receveurs particuliers présentent au directoire les contraintes nécessaires à viser, et qu'il n'y ait plus de prétexte à la négligence Ou au désordre, qui deviendraient inexcusables.
Art. 4. « Les directoires de district se feront représenter à l'avenir, tous les quinze jours, l'état du recouvrement fait pendant la quinzaine, certifié par les receveurs particuliers; ils l'enverront exactement au directoire de département, avec leur avis sur les causes qui ont pu influer sur l'accélération ou le retard du recouvrement. Les directoires des départements feront former pareillement, à la fin de chaque mois, l'étad général, certifié d'eux, du recouvrement de leur département, et l'enverront au ministre des finances avec leurs observations, afin qu'il puisse, de son côté, mettre l'Assemblée nationale ou les législatures suivantes, à portée de juger à chaque instant de la situation du recouvrement des impositions et des causes qui auraient pu en accélérer ou retarder les progrès.
Art. 5. « L'Assemblée nationale autorise les directoires de districts à rendre exécutoires les rôles de contributions patriotiques, et déclare que la vérification des recouvrements sera faite de la même manière que celle ci-dessus ordonnée pour les tailles et impositions. »
, j'ai reçu de M. Guignard de Saint'Priest, ministre du roi, une lettre relative à la dénonciation qui a été faite contre lui, au Ckér
telet, par le procureur-syndic de la commune de Paris (1).
La lettre est ainsi conçue :
« M. le Président, je vous prie de lire à l'Assemblée nationale cette lettre que j'ai l'honneur de vous écrire rapidement. Je viens d'être informé que M. le procureur-syndic de la commune de Paris, à la réquisition du comité des recherches de la ville, qui dit s'être concerté avec le comité des recherches de l'Assemblée nationale, m'a dénoncé au Gliâtelet, comme prévenu du crime de lèse-nation avec MM. de Maillebois et de Bonne-Savardin. Je crois devoir à la considération, plus que jamais nécessaire à mes fonctions publiques, d'aller au-devartt de cette accusation calomnieuse, comme je l'ai déjà fait à deux différentes reprises lorsque j'ai été dénoncé à l'Assemblée nationale. Son comité des rapports n'y ayant donné aucune suite, j'ai respecté l'importance des occupations de l'Assemblée nationale, et j'ai livré à l'oubli d'injustes imputations. Mais aujourd'hui qu'un tribunal juridique est saisi d'une action intentée contre moi, je prends l'engagement solennel de la poursuivre en sacrifiant mes veilles à ma défense, si le travail de ma place emploie le cours entier de ma journée. Peut-être de-vrais-je être moins affecté de cette nouvel le accusation ; mais le sentiment de confiance que donne une vie honorable de 55 années, dont 40 au service de la patrie, dans de grands et importants emplois; ce sentiment, dis-je, n'est pas assez fort en moi pour me faire supporter patiemment que le mot de crime puisse accompagner mon nom, et atteindre mon exacte probité. J'ose déclarer à l'Assemblée nationale et à la nation entière, que je n'ai jamais eu aucun rapport de confiance avec MM. de Maillebois et de Bonne- Savardin, quoique les connaissant depuis longtemps l'un et l'autre; ce dernier nommément pour l'avoir vu à Gons-tantinople il y a plus de 20 ans, et depuis à l'occasion de mon ambassade en Hollande, parce qu'il était entré au service de cette république avec M. de Maillebois.
« Ge que je puis me rappeler, dans le très petit nombre de visites que m'a rendues M. de Bonne-Savardin depuis, c'est qu'il m'a sollicité de m'in-téresser au payement des dettes de M. de Maillebois; qu'il m'a présenté l'inconvénient de laisser ce général français à un service étranger; qu'il me dit enfin que le roi pouvait s'en servir encore utilement, même pour Je ministère de la guerre. Je n'ai jamais répondu à tout cela que comme à des objets qui ne regardaient point mon département, et il est à remarquer que ce particulier ne paraît m'avoir cité nulle part, mais bien un sieur Farey, nom que je n'ai jamais ni porté ni emprunté. Je ne puis savoir quelles sont les pièces à l'appui de l'application de ce nom au mien ; mais je la certifie à l'avance fausse et illusoire. — Ge chef d'accusation écarté, il reste à me justifier d'une autre inculpation qu'on m'a rapporté être conçue en ces termes :
« Que M. Guignard n'a cessé de témoigner sa haine et son mépris pour l'Assemblée nationale,
et les lois décrétées par elle et acceptées par le roi, tandis que le premier devoir d'un
ministre est de les faire exécuter et respecter. — Je déclare hautement que je les respecte,
je reconnais qu'il est de mon devoir de les faire exécuter en tout ce qui dépend de moi, et
ce devoir je l'ai
au nom du comité féodal et du comité d'agriculture et de commerce réunis, fait un rapport sur le péage de M. de Croy, au Quesnoy, près de Lille (1).
Messieurs, vos comités de féodalité et de Commerce réunis ont examiné les réclamations des Etats de la Flandre gallicane, contre la perception que M. de Croy continue de faire d'un péage sur la rivière de Deule, au bourg de Quesnoy, près de Lille.
Ces réclamations leur ont paru justes, et vous les jugerez, sans doute, Messieurs, de même, d'après le compte très bref que j'ai à vous rendre des faits et des principes sur lesquels elles sont fondées.
Dans le fait, M. de Croy possède au Quesnoy un péage qui lui a été confirmé par un arrêt de la commission des péages, du 16 octobre 1734; ce péage, dont le produit annuel n'a été, jusqu'en 1788, que de 52 livres, était chargé de l'entretien d'un pont qui, étant de bois, exigeait de temps en temps une entière reconstruction.
En 1788, M. de Croy a représenté au conseil que, pour éviter à l'avenir ces fréquentes reconstructions en bois, le feu maréchal de Croy, son père, avait tout récemment fait reconstruire le pont en pierre; qu'il y avait employé 33,500 livres, et que cette dépense extraordinaire méritait bien que le roi étendît et augmentât son péage origi nairemeut trop modique pour l'en dédommager. Sur cet exposé, arrêt du conseil, du 28 septembre 1788, qui, sans consulter les Etats de Flandre et sans lettres patentes, arrête, pour le péage de M. de Croy, un nouveau tarif au moyen duquel ce droit, qui précédemment ne rapportait que 52 livres par an, doit, par aperçu, produire année commune 29,945 livres, et dans les bonnes années 38,918 livres.
Les Etats de Flandre ont aussitôt réclamé contre cette manière, aussi illégale que tyrannique, d'établir de nouveaux impôts, mais jusqu'à présent leurs réclamations n'ont été, dans les bureaux des ministres, que vox clamantis in deserto.
Heureusement, ils ont appris par l'article 16 du titre II de votre décret du 15 mars, qu'à vous seuls appartient actuellement le droit de statuer sur la conservation ou l'extinction des péages, parce qu'à vous seuls appartient celui d'établir, ae conserver ou de supprimer les impôts; et c'est, Messieurs, d'après cet article que, sans vous regarder comme un tribunal judiciaire, mais en vous considérant tels que vous êtes, c'est-à-dire comme le Corps législatif, ils ont fait demander et ont obtenu, le 11 de ce mois, un décret par lequel vous avez enjoint à vos comités de commerce et de féodalité de vous rendre compte de cette affaire dans trois jours.
Cette affaire, Messieurs, se réduit à des points très simples par l'article 15 du titre II
de votre décret du 15 mars. Vous avez, en supprimant les droits de péage, excepté et maintenu
par provision ceux de ces droits qui avaient été concé-
Dès lors, Messieurs, il est évident que si, ce qu'on ignore, le péage confirmé à M. de Croypar l'arrêt du conseil, du 16 octobre 1734, lui a été originairement concédé pour dédommagement de la construction d'un pont fait sous cette condition, ce péage se trouve excepté de la suppression ; que cependant la perception n'en peut être continuée, même provisoirement et en attendant l'avis du département du Nord, que sur le pied du tarif de 1734.
En conséquence, le tarif de 1788 et l'arrêt du conseil auquel il doit l'existence, sont rentrés, par votre décret même du 15 mars, dans le néant dont les avait tirés l'abus de la faveur.
C'est sur ces motifs qu'est basé le projet de décret que nous vous proposons.
met le décret aux voix. Il est adopté ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de féodalité et de commerce réunis, sur les réclamations qui lui ont été adressées contre la perception que le ci-devant seigneur de Quesnoy, près de Lille, continue de faire d'un péage et pontonage sur la rivière de Deule, a décrété et décrète :
« 1° Que l'arrêt du conseil, du 28 septembre 1788, portant extension dudit péage et pontonage, est et demeure comme non-avenu ;
« 2° Que, provisoirement et jusqu'à ce que, sur l'avis de l'assemblée du département du Nord ou de son directoire, il ait été statué définitivement à cet égard par le Corps législatif, le ci-devant seigneur de Quesnoy peut continuer la perception des droits énoncés dans l'arrêt du conseil du 16 octobre 1734, en se conformant à l'article 16 du titre II du décret du 15 mars dernier, et à la charge de restitution, s'il y a lieu. »
, organe du comité des rapports» rend compte des désordres qui se sont produits à Lyon.
Messieurs, on a cherché à persuader au peuple de Lyon qu'il dépendait des officiers municipaux dè supprimer tous les droits d'aides et barrières qui se perçoivent aux entrées de cette ville. Les barrières auraient, en effet, été forcées sans les efforts qu'a fait la municipalité pour désabuser le peuple. Cependant, comme il y a toujours du danger, tant que l'Assemblée ne se sera pas expliquée à ce sujet, c'est par ce motif que nous vous proposons un projet de décret.
(de Saint-Jean-d'Angély). Il est impossible de ramener le calme dans la ville de Lyon, tant qu'il subsistera des privilèges. Les cabaretiers paient à Lyon et dans plusieurs villes des provinces méridionales, un droit particulier de détail qui n'est pas acquitté parles bourgeois ; de manière que, pendant tout le temps que le bourgeois a du vin à vendre, le cabaretier n'en vend pas. Je demande qu'à la suite du décret
proposé par le comité des rapports, on décrète la suppression de ce privilège.
Le droit qui appartient aux bourgeois de Lyon n'est pas un privilège; ils vendent leur vin en gros ou en détail sans payer de droit, au même titre que d'autres propriétaires vendent leurs blés, leurs bois ou leurs bestiaux.
La faculté accordée aux propriétaires de vignes de vendre leurs vins sans payer les droits du détail, est un puissant encouragement à l'agriculture ; cette faculté est en usage dans presque toutes les contrées méridionales et ce serait les mettre en feu que de vouloir y por ter atteinte.
Nous aurions peut-être à parler longuement sur cette question qui ne saurait être traitée avec maturité à propos d'une affaire locale. Je demande l'ajournement et le renvoi au comité d'imposition.
D'autres,membres proposent le renvoi au comité des finances.
L'Assemblée prononce le renvoi aux comités réunis d'imposition, d'agriculture et des finances.
Le projet de décret proposé par M. Chabroud est ensuite mis aux voix et adopté dans les termes suivants : « L'Assemblée nationale, après avoir ouï le compte qui lui a été rendu de la part de son comité des rapports, de ce qui s'est passé le 8 de ce mois dans la ville de Lyoç ;
« Considérant qu'il importe de maintenir, selon ses différents décrets, la perception des impôts subsistants, jusqu'à ce qu'elle puisse faire jouir le peuple du bienfait d'un régime nouveau ; qu'il est du devoir des municipalités, d'en protéger le recouvrement de toute l'autorité qui leur est confiée, et que le peuple de la ville de Lyon a été induit en erreur, lorsqu'il a pensé qu'il dépendait de ses officiers municipaux de 1 exonérer des droits d'aides, octrois et barrières ;
« A décrété et décrète que son président se retirera dans le jour vers le roi, pour supplier Sa Majesté de faire donner des ordres, afin d'assurer la perception des droits d'aides, octrois et barrières, établis aux entrées de la ville de Lyon.
« Au surplus, l'Assemblée autorise son président à écrire aux officiers municipaux et conseil général de la commune de Lyon, pour leur témoigner qu'elle approuve la conduite qu'ils ont tenue, et leurs efforts pour le maintien de la tranquillité, publique, et du bon ordre.
M. Barrère de Vieuzac demande à faire un rapport sur les ruines de la Bastille, au nom du comité des domaines.
Vous avez décrété, il y a quelques jours, l'aliénation des biens domaniaux ; votre comité des domaines va^ solliciter une exception à cette règle générale. Vous ne voulez pas que la main de l'homme élève jamais pierres sur pierres sur un lieu qui a été l'opprobre de l'humanité. La municipalité de Paris a présenté deux ou trois adresses relatives au terrain de la Bastille. Elle désire élever un monument sur ce rempart du despotisme. Aux cris de la liberté naissante, ces murs formidables se sont écroulés, et de leurs débris sont sortis les droits de la nation. Il faut imprimer sur cette terre le signe de votre liberté, pour instruire les hommes et effrayer les
tvraûs. On va admirer les restes de la magnificence romaine, et le voyageur se console de ce qu'ils ne sont plus, par le souvenir de ce qu'ils ont été. On vous a déjà proposé d'élever, sur ce terrain, de superbes pyramides. Ge n'est point à une nation accablée d'une dette énorme, que nous présenterons ce projet.....Nous vous proposerons de laisser dans la capitale un monument d'un genre nouveau, qui atteste votre baine pour les tyrans. Quelle plus heureuse époque pouvons-nous choisir, que celle où toutes les gardes nationales du royaume viennent jurer, au pied de l'autel de la patrie, de maintenir cette Constitution à laquelle vous travaillez avec tant de zèle? Voici en conséquence le projet de décret que votre comité des domaines a l'honneur de vous présenter : « 1° Que le terrain qu'occupait la forteresse de la Bastille ne sera pas aliéné ;
« 2° Que les ruines en seront conservées, et qu'il y sera élevé au milieu d'elles, aux frais de la nation, un simple obélisque des pierres mômes de la Bastille, sur lesquelles seront gravées la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'époque de la prise de la Bastille, et celle de la fédération générale des Français.»
Pourquoi nous enchaîner par un décret? Le vaste terrain dont il s'agit peut être utile sous divers rapports. Je demande l'ajournement.
Pour conserver le souvenir de l'époque mémorable que nous traversons l'obér lisque est inutile; il ne durerait pas autant que la déclaration des droits qui se suffit à elle-même.
(L'ajournement est prononcé.)
L'Assemblée passe à la suite de la discussion du titre H, relatif aux juges de paix, du projet de décret sur l'ordre judiciaire. Les articles 1 à y de ce titre ont été adoptés dans les séances des 7 et 8 juillet.
, rapporteur^ous avez accordé une juridiction contentieuse aux juges de paix, vous leur avez donné une compétence jusqu'à la concurrence de 60 livres, sans appet, et de 100 livres à la charge d'appel ; il s'agit maintenant de compléter cette juridiction d'une manière qui ré-ponde à l'attente du peuple, qui espère en tirer [es plus grands avantages. L'article 10 renferme le détail des divers objets qui leur-sont attribués; je vais en faire la lecture ;
« Art. 10. Il connaîtra de même, sans appel jusqu'à la valeur de 50 livres, et à charge d'appel a quelque valeur que la demande puisse se monter : 1° Des actions pour dommages faits, soit par les hommes, soit par les bestiaux, aux champs, fruits et récoltes ;
2° Des usurpations de terres, arbres* haies et fossés, commises dans l'année.;
3° Des réparations locatives des maisons et fermes ;
4» Des indemnités prétendues par le fermier ou locataire, pour non-jouissance, et des dégradations alléguées par le propriétaire ;
5° Du paiement des salaires des gens de travail et des gages des domestiques ;
6* Des actions pour injures verbales, rixes, et voies de faits, pour lesquelles il n'y aurait pas lieu a la poursuite criminelle; »
aîné. La rédaction de cet acticle ne remplit sûrement point l'intention du comité, il soumet à la décision 4*i juge de paix des objets susceptibles de la plus grande diflisulté, tels que ceux de la possession. Je demande le renvoi au comité lui-même, pour nous présenter une nouvelle rédaction.
Tout le monde est d'acoord sur le principe, on peut différer d'opinion sur les objets de détail. Je demande qu'on mette succès* sivement aux voix les divers objets qui doivent être de la compétence des juges de paix*
La première division de l'article est mise aux voix et décrétée- ,
On fait lecture de la seconde partie de l'article ;
« 2° Des usurpations de terres, arbres, haies et fossés, commises dans l'année »,
Je propose d'ajouter cette disposition et de tout action eu complainte et ep réintégrandes » ,
, Une autre addition £St nécessaire, elle consiste à dire, « ainsi que dès entreprises sur les eaux destinées à l'irrigation des prairies communes et privées »>,
En se servant des mûts haies et fossés, le comité a entendu les clôtures. En effet, les clôtures de toute espèce doiyent être de la compétence du juge de paix, pourquoi ne se ser? virait-on pas du mot clôture ?
Il est également important de comprendre dans l'attribution les limites des héritages; c'est dans ce sens que le comité parle des arbres* haies et fossés. Tous ces objets ne donneront pas lieu à dès contestations pour une valeur au-dessus de 50 livres, les juges de paix pourront juger sans appel.
Pour ne pas s'écarter de la sagesse des principes qui vous ont dirigés dans vos dé* crets sur les juges dé paix, il me paraît convenable d'adopter cette disposition, «sans que, sous aucun prétexte, ils puissent connaître du droit de la propriété ».
Je ne ferai porter mes réflexions que sur la rédaction de l'article. On est d'accord au principe que les juges de paix doivent connaître des affaires locales, qui n'exigent que la vérification des lieux et l'audition des-témoins, ce qui exclut, àmon sens, tout ce qui regarde la propriété. Sous ce point de vue, j'adopte l'amendement, qui a pour objet les limites d'héritage. Il ne s'agit paslade juger la propriété, mais d'une simple vérification locale. Je trouve l'expression commises dans l'année très équivoque ; je suis le maître de me pourvoir au simple possessoire, ou tout de suite au pêtitoire; or, en mettant commises dans Vannée, on autorise le juge de paix à juger dans l'un et l'autre cas; pourquoi, lorsqu'il y a des expressions consacrées' par la jurisprudence, ne pas s'en servir? Je demande qu'on ajoute « au possessoire seulement ».
Après quelques autres observations, la seconde partie de l'article est décrétée en ces termes :
« 2° Des déplacements de bornes, des usurpations de terres,arbres, haies,fossés et
clôtures,des entreprises sur les cours d'eau servant à l'arrose-ment des prairies, commises
dans l'année, et de toutes autres complaintes possesssoires ».
En ces sortes d'actions, 11 y a deux choses à examiner. La première, si l'indemnité est due; la seconde, quellè en est la quotité. Les juges de paix doiyent pouvoir connaître de l'une ou de l'autre, évaluer la quotité de l'Indemnité, mais renvoyer au district si elle s'élève au-dessus de 100 livres,
Le préopinant n'a entendu parler que des indemnités pour non-jouissance; cependant des indemnités très considérables sont souvent réclamées par les propriétaires contre les fermiers. Il est facile de dégrader une terre faute de lui donner les façons nécessaires, et l'indemnité résultant de ces dégradations peut monter à un prix considérable. Je désirerais que le comité pût rédiger l'article de manière que le droit de constater les faits et la quotité de& indemnités fût seul attribué aux juges de paix. Cette matière est trop importante pour n'être pas renvoyée au tribunal de district.
Le comité n'a pas entendu donner une attribution pour des sommes plus considérables que celles que vous avez fixées. Dans l'action en dégradation il ne s'agit que d'une vérification de fait. Il y a un bail qui exige telles ou telles façons : mettez ce bail entre les mains du juge de paix ; qu'il visite la terre, et il aura tout ce qui est nécessaire pour décider. Si les clauses du naii ne sont pas claires, il consultera l'usage de la localité. En portant directement l'affaire aux juges de district, ces juges seraient toujours obligés d'envoyer sur le lieux litigieux des hommes de la campagne. — Je pense cependant qu'on peut ajouter a la disposition ces mots : « lorsque le jdroit d'indemnité ne sera pas contesté. »
(La quatrième partie de l'article est décrétée avec cette addition.)
propose une addition à la cinquième partie qui est acceptée par le comité.
« 5° Du paiement des salaires des gens de travail, des gages des domestiques, et toutes autres actions pour refus de services promis. » (Cette disposition est décrétée sauf rédaction.)
J'observerai sur la sixième partie de l'article qu'il n'est pas très exact de dire : « pour lesquelles il n'y aurait pas lieu à la poursuite criminelle. » Je suis libre de choisir la voie civile ou la voie criminelle, ainsi qu'il me convient. On pourrait s'exprimer de cette manière : « pour lesquelles les parties ne se seront pas pourvues par la voie criminelle. »
La dernière disposition de l'article est décrétée avec ce changement, ainsi qu'il suit :
« 6° Des actions pour injures verbales, rixes et voies de fait, pour lesquelles les parties ne se seront pas pourvues par la voie criminelle, »
aîné. Je demande que M. le rapporteur nous donne lecture de l'article 10, tel qu'il résulte des votes que vous venez d'émettre.
, rftppçtfteur, L'article se trouve ainsi conçu '
« Article 10. Il connaîtra de même sans appel, jusqu'à la valeur de 60 livres, et à charge d'8ppel, à quelque valeur que la demande puisse monter : « 1° Des actions pour dommages faits, soit par les hommes, soit par les animaux, aux champs, fruits et récoltes;
« 2° Des déplacements de bornes, des usurpations de terre, arbres, haies, fossés et autres clôtures commises dans l'année ; des entreprises sur les cours d'eau, servant à l'arroseraent des prés, commises également dans l'année, et de toutes autres complaintes possessoires;
« 3° Des réparations locatives des maisons et fermes;
« 4° Des indemnités prétendues par le fermier ou locataire, pour non-jouissance, lorsque le droit d'indemnité ne sera pas contestéLet des dégradations alléguées par le propriétaire ;
« 6° Du paiement des salaires des gens de travail, des gages des domestiques et des actions relatives à l'exécution de leurs engagements.
« 6° Des actions pour injures verbales, rixes et, voies de fait, pour lesquelles les parties ne se. seront pas pourvues par la voie criminelle. »
met l'article 10 aux voix.
L'article est adopté sauf rédaction pour le paragraphe 5»
VAssemblée a mis à son ordre du jour un exposé général, et tin rapport du comité militaire sur le nonibre des troupes, leur dépenser leur solde et appointements.
Je consulte l'Assemblée pour savoir si elle veut interrompre la discussion sur l'organisation judiciaire et entendre le rapporteur du comité militaire.
L'Assemblée décide que le rapporteur aura la parole.
, rapporteur (1). Messieurs, de tous les objets qu'il était nécessaire d'épurer, selon votre système régénérateur, aucun peut-être n'en eut plus besoin, et aucun ne présentait plus de difficultés que l'organisation de l'armée* Un des philosophes, le plus , digne de votre estime (2), a dit, avec raison : « Que si quel-« que vice, dans cette organisation, s'opposait « aux succès militaires, le peuple se dégoûterait « bientôt de son gouvernement ; que les Etats « étaient plus jaloux de leur honneur à la guerre v que de tous les autres avantages ; qu'une na-« tion, humiliée par de longues disgrâces, ne « songeait qu'à se venger, et que pour acquérir « un vengeur elle se donnait un maître. »
Mais de longs succès ne peuvent-ils pas devenir aussi dangereux pour la liberté que de longues disgrâces ? qu'un chef ambitieux revienne triomphant, une grande gloire s'attache à son nom, le peuple l'admire, l^trméo l'adore, et sim-* pie citoyen qu'il était, il peut dicter des lois.
Mais si le chef est ambitieux, a-t-il même bé-soin, pour être redoutable, de se trouver
dans cette position éclatante ? que n'a-t-on pas à craindre de lui par la nature seule du
pouvoir qu'on est obligé de remettre entre ses mains? Sans la discipline la plus sévère et la
subordination la plus absolue, les troupes mêmes les plus braves ne peuveut nous défendre des
atteintes de l'ennemi, cet ennemi futol moins en forcé, fut-il
Il est donc indispensable de donner au chef de l'armée un grand pouvoir ; il faut que la moindre désobéissance à ses ordres soit regardée comme un crime, et que cette loi soit suivie dans tous les détails du service.
Et comment fairealors pourquel'hommearraché à ceservicé, ne devienne pas dans les mains de ce chef un instrument servile dont il puisse disposer à son gré ? Gomment le tenir habituellement lié à la discipline sans asservir tous ses sentiments ? Gomment donner l'autorité nécessaire à ce chef pour maintenir, dans tous les moments, la subordination la plus exacte, sans qu'il puisse jamais s'approprier les troupes et diriger la force armée contre son propre pays ?
Voilà les premières et sans contredit les plus pressantes difficultés que présente d'abord l'organisation de l'armée. lien est ensuite beaucoup d'autres non moins importantes, dont les unes appartiennent à la Révolution actuelle, les autres à notre situation politique, à notre caractère, à nos mœurs, aux besoins de notre sol, de nos arts, et aux principes que vous avez déjà si heureusement consacrés.
Il est aisé de sentir quelles sont celles qui tiennent à la Révolution actuelle. Il devient indispensable qu'il n'y ait à la tête de nos troupes, que des chefs amis de la Révolution. Tout ce qui pourrait y être contraire ne doit pas avoir la direction de la force armée. Nous serions, sans cela, menacés à chaque instant de la voir se tourner contre la liberté que nous avons établie et que nous voulons défendre. J1 se formerait différents partis dans les corps : de là, des craintes, des soupçons, des sourdes inimitiés, des mésintelligences qui nuiraient au service, et dont vos soldats seraient toujours la victime ; de là, ces justes inquiétudes des corps administratifs, qui les obligeraient de se tenir continuellement sur leurs gardes et qui nous laisseraient toujours en alarme, comme si nous étions en temps de guerre. La difficulté est de savoir comment on peut procéder à cette opération sans être injuste et peut-être imprudent; comment ramener à nous ceux à qui des préjugés ou des habitudes n'ont pas permis, jusqu'à présent, de s'en rapprocher ?
Les autres difficultés ne sont pas moins embarrassantes à concilier et à résoudre.
L'armée doit être à la disposition du chef su^ prême à qui les représentants de la nation la confient. Cependant, comme le traitement des troupes n'est autre chose que la représentation du service personnel ; que ce n'est, à proprement parler, que la valeur représentative d'un revenu national, c'est à la solde de la nation seule que doivent être les troupes ; c'est de la nation seule qu'elles peuvent attendre leur bien-être; c'est elle seule qui a droit de l'assurer.
L'armée doit être à la disposition du chef suprême à qui la nation la conhe. Cependant il faut qu'à la seule réquisition du pouvoir civil, elle marche, dans tous les moments de rumeur, en auxiliaire des troupes nationales, et qu'elle leur serve d'appui.
L'armée doit être à la disposition du chef suprême à qui la nation la confie. Quels que soient
les chefs qu'il aura nommé pour commander sous ses ordres, les troupes doivent obéir sans hésiter ; il faut faire en sorte cependant qu'elles ne soient conduites que par des officiers qui joi-gnentaux talents naturels les avantages de l'expérience. Rien n'échappe au soldat : il devine presque toujours avant de marcher, s'il doit sa confiance à celui qui le guide ; et de là dépendent en partie les succès.
L'armée doit être à la disposition du chef suprême à qui la nation la confie. Le choix des soldats et des officiers, leur avancement, leur suspension et leur destitution, les récompenses que mérite leur zèle, doivent donc être également à sa disposition. Cependant il ne faut pas que tous ces avantages ne soient dans ses mains qu'un moyen de faveur et de corruption, avec lequel il puisse se ménager des conspirateurs et fomenter la sédition. Il faut qu'il y ait, pour l'admission au service, pour l'avancement, pour les suspensions et destitutions, un mode invariable, dont les agents du pouvoir ne puissent s'écarter, et qu'on ne leur laisse que le pouvoir de choisir parmi ceux que la voix publique aura désignés.
Quoique la France, par sa position topographique, les richesses de son sol et sa nombreuse population, offre aux puissances qui voudraient l'attaquer un rempart inexpugnable, comme elle est peut-être la seule puissance du monde, qui veuille essentiellemont la liberté et l'égalité, elle doit se voir, dans tous les moments, rivale ou ennemie des puissances étrangères ; elle doit donc entretenir une armée assez nombreuse pour la mettre à l'abri de toute invasion.
Mais comment trouver le nombre d'hommes suffisant pour former cette armée?
Pour avoir une bonne armée, il ne suffit pas de la composer d'hommes qui aient du courage. S'il ne fallait que cette qualité, je pourrais avancer ici, sans craindre qu aucune nation osât me démentir, que tout Français peut être soldat. Nul peuple peut-être n'a porté plus loin la facilité à sacrifier sa vie. Entre mille traits plus héroïques les uns que les autres, que l'on pourrait citer à l'appui de cette vérité, il suffit pour la démontrer de se rappeler ce mot sublime d'un soldat qui, renversé sur le champ de bataille au moment où notre cavalerie poursuivait l'ennemi, et entendant le général donner l'ordre qu'on prît garde à lui, s'écrie : Que vous importe ma vie, gagnez la bataille.
Mais, pour être un bon soldat, il faut réunir beaucoup d'autres qualités, dont quelques-unes mêmes semblent ne pas s'accorder avec notre caractère. Subordination, discipline, oubli de soi-même, patience dans les moments pénibles, insensibilité à toute espèce de privation, tempérament fait à toutes les fatigues : ce sont autaat de qualités qu'il faut que possède un soldat ; il ne suffit pas qu'il en ait le germe, il faut qu'il en ait un usage habituel. Aussi le vainqueur de Lawfeld répondit-il énergiquement à un officier qui le pressait d'en sacrifier quelques-uns pour accélérer une opération : « Vous ne pensez donc « pas que, pour faire un soldat, il faut vingt ans. »
Mais, avec une armée aussi nombreuse que l'exige l'étendue de pays que nous avons à défendre, comment espérer de rassembler assez d'hommes de cette trempe, pour qu'elle soit formée?
En temps de guerre les difficultés redoublent, chaque campagne nécessite des levées d'hommes extraordinaires ; mais de pareilles levées devant être faites subitement, ne peuvent l'être sans
porter le désordre dans le royaume, l'affliction dans les familles, et sans peupler l'armée d'un grand nombre d'hommes, que dans tout autre temps elle eût rejetés.
Mais de pareilles levées sont très difficiles, très dispendieuses et très incertaines, ne voulant sans doute, dans aucun cas, les assurer par ce moyen odieux, connu chez nos voisins sous le nom de presse, et qui est l'attentat le plus outrageant et aux droits de l'homme et à ceux sous lesquels toute association politique doit se former.
Pour obvier à cet inconvénient, il faut que la nation ait, dans le temps de paix, le même nombre de troupes dont elle a besoin pour le temps de guerre; mais les dépenses de la guerre augmentent alors. Vous ne croirez pas qu'une somme de trente-deux deniers par jour, au-dessus de sa
Save, ait rempli tout ce que vous devez au soldat, elui qui a sacrifié sa vie à défendre sa patrie, doit à la fin de sa carrière trouver un asile et ce qu'il lui faut pour vivre convenablement. En augmentant les troupes, on augmente donc les fonds qu'il faut destiner aux soldats, et les dépenses augmentent encore d'autant.
Une armée française semble être appelée à des conquêtes, plutôt qu'à un système de défense ; c'est le génie de la nation, et toutes nos institutions militaires paraissent n'avoir en vue, jusqu'à ce moment, que de lui laisser tout son ressort. Un système de défense est cependant le seul auquel vos sages décrets aient dévoué l'armée, et c'est le seul qui nous convienne ; il faut donc combiner un système nouveau d'institution qui soit en quelque sorte contraire et à toutes nos institutions anciennes et à notre propre génie.
Enfin, le bonheur que le peuple trouvera désormais dans la Constitution et la jouissance de ses droits, doit être regardé comme le plus sûr garant de son attachement et de sa fidélité aux lois ; il ne doit donc plus être menacé par ces forteresses élevées de toute part contre sa liberté. Il faut donc reconnaître avec soin quelles sont celles de ces forteresses qu'il convient de conserver ou de détruire, et en prononçant l'abandon de celles dont le seul but était de nous asservir, maintenir en bon état toutes celles qui doivent nous servir de défense.
Tant de difficultés n'ont pas arrêté votre comité. Nous n'avons pas cru que des abus dussent être respectés par vous, parce qu'ils l'avaient été par le temps ; nous avons tous pensé qu'à la place des antiques erreurs on pouvait mettre la loi, et que pour résoudre, dès lors, ces difficultés, de quelque nature qu'elles fussent, il suffisait d'y appliquer les grands principes d'après lesquels vous formez votre Constitution.
Nous avons tous pensé qu'il y avait avant tout une mesure à prendre, celle de n'appeler sous nos drapeaux que"ceux qui veulent vivre pour se soumettre à la Constitution nouvelle et mourir pour la défendre; qu'il fallait donc appliquer aux troupes le décret que vous avez porté pour l'impôt, suspendre tous les pouvoirs que l'armée ne tient que du roi, et d'un même temps les recréer constitutionnellement au nom de la nation.
Les troupes ainsi ramenées dans les mains vraiment souveraines et auxquelles seules elles doivent appartenir, nous avons pensé qu'avant de les remettre entre celles du chef suprême à qui vous les confiez, il fallait arrêter, par des règles invariables, le mode dans lequel il vous conviendra de les organiser, et pour mettre plus d'ordre dans ce travail, nous avons divisé en neuf rap-
ports ce que nous pensons devoir former la base de vos décrets.
Le premier comprend la quotité numérique des troupes, la solde et les appointements de chaque grade, la dépense totale de l'armée.
Le second, les règles d'admission au service et celles de l'avancement, le traitement des troupes en cas de licenciement, le rapport de l'armée avec le pouvoir civil et les gardes nationales.
Le troisième, la forme des enrôlements et des dégagements, le recrutement en temps de guerre, les bases de la discipline militaire, les délits et les peines, l'organisation des tribunaux et la forme des jugements.
Le quatrième, la retraite de tous les grades, à des époques fixes.
Le cinquième, les maréchaussées et les invalides.
Le sixième, les travaux du génie.
Le septième, ceux de l'artillerie.
Le huitième, les dépenses accessoires.
Le neuvième, la suppression des emplois inutiles, la disposition des forces militaires dans l'intérieur du royaume, le système de défense, c'est-à-dire les places à conserver et à abandonner, les moyens d'exécution pour le plan proposé, les avantages qui doivent en résulter pour l'Etat et pour les individus.
Chacun de nous, chargé d'un de ces rapports, aura l'honneur d'en développer et de vous en présenter successivement les divers objets ; tous ont été longtemps médités ; et cela même nou3 conduit à croire que les délibérations qui doivent en résulter n'entraîneront pas de longs débats.
Le comité voulant même qu'une plus grande masse de lumières concourût au succès ae ses opérations, et désirant qu'avant d'être jugées par vous elles fussent appuyées d'une autorité respectable à tous les yeux, a soumis ses plans, dans tout ce qui ne tient pas à' l'économie politique, au ministre de la guerre et à un nombre considérable d'officiers de toutes les armes et distingués par leurs talents. Ce n'est qu'après avoir réuni leurs suffrages qu'il a pensé que sou travail était digne d'être soumis à votre examen.
Si nous ne pouvons nous flatter d'avoir donné la solution de tous les genres de difficultés que nous avions à résoudre, nous osons croire que nous aurons préparé les moyens d'y parvenir, et nous aurons au moins eu la satisfaction, par le résultat de notre travail, de voir et de démontrer qu'il est possible d'organiser l'armée de manière a ce qu'après avoir été le mobile delà Révolution, le3 troupes puissent désormais en devenir le plus ferme appui.
premier rapport.
Quel doit être le nombre de troupes, leur dépense et leur solde?
La France présente cinq principaux points sur lesquels elle est obligée de se mettre en défense, dans la supposition d'une guerre générale :
Au nord, depuis Dunkerque jusqu'à Bitche.
Au nord-est, depuis Bitche jusqu'à Bâle.
Au sud-est sur les frontières de la Savoie.
Au midi, vers les Pyrénées.
Dans l'étendue de no3 côtes et dans nos colonies.
Les troupes destinées à fermer l'entrée de ces différentes parties de l'Empire, doivent être réparties suivant les alliances que nous pourrons conserver en Europe, mais la France entière pou-
vant être menacée, la prudence exige qu'on présente des forces qui puissent empêcher l'ennemi de pénétrer dans l'intérieur du royaume.
En admettant que les Belges s allient avec la Hollande* l'Angleterre et la Prusse, l'Autriche restant tieutre; ou que ces trois puissances se réunissent à l'Autriche, la Prussé gardant la neutralité, il faudra maintenir 80,000 hommes, depuis Dunkerque jusqu'à Bitchë.
Sous Louis XIV, cette partie dé nos frontières a , été longtemps le théâtre de la guerre, et même celui dés succès de nos généraux. Il était alors impossible de pénétrer du côte de la Champagne: les chemins n'étaient point praticables^ partout1 on rencontrait des défilés, et de simples détachements suffisaient pour arrêter des corps de troupes très nombreux. Mais aujourd'hui, il y a plusieurs routes qui conduisent deDinant, de Namur et de Liège à Luxembourg; les chemins sont faciles aux environs de Saint-Hubert et dans la Oondros. Une armée ennemie qui aurait la Moselle et Luxembourg à sa gauche, la Meuse derrière elle, et qui profiterait des grandes routes venant de fîamur et de Liège, pourrait subsister commodément : une bataillé gagnée par l'ennemi, découvre Montmédy et Longwy, et la met, après la prise de ces deux postés faiblemént fortifiés, au centre de la Champagne : alors, à l'aide d'une nombreuse cavalerie^ tî ferait rapidement de grands progrès.
Les postés du côté de l'est sont d'une meilleure défense. Landau, Lauterbourg, Strasbourg, Bri-sack. le Fort-Louis ét Huningue offrent une forte résistance ; Il suffirait de 6Q,0Û0 hommes, pour les mettre en sûreté.
Du côté de l'Italie', il n'y a que le roi de Sar-daigne à combattre. Quoique tous les postes dans les montagnes soient disposés favorablement pour la Sardaigne contre la France, on pense qu'avec le secours des milices nationales, qui peuvent agir avec succès dans les pays mou-tagneùx et difficiles, 40,000 hommes pourraient s'opposer à toute invasion.
Au midi, vers les Pyrénées, la disposition des ^postes nous est également défavorable. L'on descend sur-le-champ des montagnes dans la plaine, et l'on ne pourrait âyoirj dânS cette partie, moins de 40,000 hommes, pour se maintenir en sûreté, si nous perdions l'alliance de l'Espagne.
Il pgt nécessaire de destiner 75,000 hommes à la défense de nos côtes et de nos colonies.
D'après les suppositions que nous pouvons former, Ja dispqsitition de ces forces réunies exige donc, à toute rigueur, une armée de 295,000 hommes.
Nous pouvons ensuite compter sur le secours de nos milices nationales, dans le cas d'une attaque générale, et nous ne doutons pas que nous n'ayons jamais d'autre inquiétude d'elles, qu'un zèle trop ardent pour défendre la liberté qu elles ont si courageusement établie.
Quant à présent, nous avons pensé qu'il suffisait de s'assurer, en cas de guerre, de 233,730 hommes prêts à marcher. Le comité a senti qu'il fallait prendre des mesures pour qu'une armée aussi forte fût toujours sur pied, sans augmenter considérablement la dépense et sans menacer la liberté.
Il a pensé qu'il n'y avait qu'une partie qui dût habituellement être sous les armes, et que le reste, hahitant ses foyers, devait seulement se tenir toujours prête a se rendre sous ses drapeaux, dès que le Corps législatif en aurait rendu le décret. Cette subdivision de l'armée serait
exercée dans les départements par des officiers qui auraient obtenu la confiance des corps administratifs. Ceux qui se dévoileraient à ce genre de service, pourraient se livrer aux travaux de l'agriculture, aux arts et au commercé : il n'y aurait qu'en cas de guerre, que cette partie essentielle de la force publique serait obligée de rejoindre l'armée. Aucun soldat ne pourrait y être admis, qu'en présentant un congé favorable pour tout le temps qu'il aurait été sous les drapeaux. Il recevrait une solde proportionnée aux services gue la patrie réclame de lui . Ce serait dan s cette division que, sur les certificats des municipal lités, l'on choisirait les maréchaussées, les gardes soldées, les gardes bois, les commis pour les douanes aux frontières au royaume. Je dis les commis de nos douanes; car les droits que l'on y percevra désormais n'étant plus que le domaine national, tous les citoyens sentiront sans douté que -ces postes ne sont plus qu'honorables, et s'empresseront de les briguer? Les troupes sédentaires auront seules le droit dé remplir des fonctions aussi importantes. Que ne doit pas attendre la liberté de çe que le despotisme a exécuté dans la Prusse, avec tant de succès!
Le tiers de l'armée n'ayant qu'une pave peu considérable et se trouvant toujours répandu .dans les départements, il est facile d'abord d'apercevoir que l'armée entière ne coûtera que comme si elle était presque d'un tiers moins forte qu'en temps de guerre; que la France ne sera plus travaillée par ces leyées extraordinaires, si dispendieuses et si Oppressives; que tes troupes seront composées d'hommes disposés par état, et conduits par leur intérêt a s'opposer avec courage à toute icjée d'ipvasion; que non seulement elles ne menaceront jamais la liberté, mais qu'elles donneront aux villes et aux campagnes des gages de leur fidélité ; et que la France ne s'apercevra jamais de la différence de la paix et de la guerre, que pour chérir l'une, parce qu'elle est la source de tous les biens ; et pour haïr l'aptre, parce qu'elle offre le risque de tous les maux.
De ce nombre de troupes, votre comité a pensé qu'on pourrait en admettre d'étrangères ou Suisses 24,581, les officiers compris.
En nous déterminant à vous faire cette proposition, nous ne nous sommes point dissimulés l'objection qu'on peut faire à l'admission de ce3 troupes. Aucun de nous n'a oublié ces expressions remarquables, consignées dans l'ouvrage d'un ministre célèbre :
« L'utilité (1) peut-être dont il est à un sou-« verain d avoir, dans des temps de troubles ou « d'effervescence,' une certaine quantité de trou-« pes étrangères, a pu faire envisager comme « une disposition sage l'entretien habituel d'un « corps de troupes suisses assez considérable, »
Ce passage révèle bien ouvertement le secret de tous ces hommes qui, sous le nom de ministres, furent jusqu'aujourd'hui dépositaires de l'autorité ; et cette Assemblée doit encore se rappeler des attentats que l'on se flattait, il y a près d'un an, de consommer par ces mêmes moyens.
Mais cette Assemblée doit aussi se rappeler que jamais les troupes ne partagèrent cette
erreur. D'ailleurs le nouvel ordre de choses, et la proportion dans laquelle votre comité
vous propo^ sera d'admettre ces troupes, en raison des
Lorsqu'on a traité dans cette tribune le droit de paix et de guerre, on y a cité ce mot du roi de Prusse : « Que, s'il était roi de France, il ne se « serait pas tiré en Europe un coup de canon « sans sa permission. » Eh bien ! cet homme vraiment grand, et qu'il est peut-être plus convenable de citer, lorsqu'il est question d'une armée, que lorsqu'il s'agit du droit des nations, disait aussi : « Si j'eusse été roi de France, « j'aurais donné moins de soin à mon armée, « pour faire fleurir les arts, l'agriculture et le « commerce. » Sans doute, sous ce point de vue il croyait pouvoir entretenir un corps considérable de troupes étrangères.
D'autres motifs puissants doivent nous attacher encore à ce système. En admettant la guerre, d'après les principes que vous avez établis, elle doit être bien injuste de la part des puissances qui voudraient nous la déclarer. Alors de quel avantage encore n'est-il pas d'avoir à notre service des corps prêts à recevoir une foule d'hommes qui ne cherchent qu'un heureux hasard pour s'échapper des mains de la tyrannie, et de ne compléter ainsi une partie de notre armée, qu'aux dépens des armées étrangères, ou des pays hors de nos frontières ?
De quel avantage ne serait-il pas, si une provocation injuste, nous donnant tous les droits de la guerre, nous engageait, par des motifs de prudence et par les principes de l'art, de la porter dans le pays ennemi, d'y porter en même temps les sentiments d'ordre, oe justice, d'égalité, qui nous animent 1 Quels meilleurs interprètes pourrions-nous avoir alors que ceux qui, connaissant les avantages de notre Constitution et de notre service, auraient des liens de parenté et d'intérêt dans toute l'Europe ?
Disons encore avec vérité, ce qui fait honneur à nos régiments étrangers, ils sont vus partout avec plaisir, et partout ils sont estimés.
Si l'on particularise ce terme d'étrangers, et qu'on veuille simplement l'appliquer à la nation la plus fidèle, la plus utile, la plus amie de la France, aux Suisses, il est aisé d'observer que, depuis Bâte jusqu'à Genève, la frontière n'a besoin que d'un petit nombre de troupes, et que cette partie de l'Empire est aussi et peut-être plus sûrement fermée que par la Méditerranée et l'Océan.
Passant de l'utilité réelle et journalière au sentiment si doux de la reconnaissance, rappelez-vous que des trois corps étrangers qui sont à votre service, il n'y en a aucun qui n'ait cherché dans toutes les occasions à rivaliser de zèle et de courage avec les nationaux.
Les Irlandais, qui ont passé en 1689 avec Jacques II, se sont illustrés sous les Luxembourg, les Gatinat, les Villars, les Vendôme et les Saxe. Us firent des prodiges de valeur dans les campagnes de 1691, dans celles de 1793, notamment à Nerwinde et à Hochstet ; et ce qu'on ne peut dire peut-être d'aucune troupe, en cent années ils ont
fait trente-quatre campagnes, et se sont distingués par trente-sept actions glorieuses.
Les régiments allemands arrivés en France avec le fameux duc de Weymar se sont toujours fait remarquer par leur courage et leur exactitude. A la retraite de Bavière, une brigade allemande, entourée de 30 mille hommes, se fit jour au tra^-vers des ennemis, et rejoignit l'arpaée. ALawfeld, la bataille désespérée est gagnée par une brigade allemande (1).
Il n'y a pas d'exemple qu'un de ces régiments, pendant la guerre, soit revenu en France prendre des quartiers d'hiver pour se reposer et se compléter.
Les Suisses (2), admis dans nos troupes dès François Ier , et entretenus sans discontinuité depuis Henri IV, ont constamment mérité l'estime de l'armée. 11 n'y a pas un corps suisse qui parle de ses actions, pas un qui n'eu ait de brillantes à faire valoir; jamais ils n'ont reçu de reproches; jamais ils n'ont demandé d'éloges ; jamais ils ne sollicitent de grâces. A la bataille de Pavie, ils craignent d'être réprimandés par leurs cantons pour avoir perdu trop de monde : ils cherchent, dans une lettre qu'ils écrivent à leurs souverains respectifs, à excuser leur courage, et à dissimuler leur perte qu'ils regardent comme un tort. Dans une action très chaude ils veulent encore consoler de la perte énorme qu'ils ont faite ; ils disent avec une simplicité touchante : « Nous avons perdu beaucoup de nos compagnons d'armes, Dieu les nourrira ailleurs. » AGottingue une pluie affreuse les empêchant de tirer, ils ne quittent pas leur poste et jettent des pierres. Dans les défaites on les voit toujours les derniers sur le champ de bataille, et ce qui peindra mieux ce peuple brave et libre, que tout oe qu'on pourrait citer de lui, c'est que dans son territoire, auprès du lac de Morat, on trouve encore sur des ossements amoncelés cette inscription sublime : Les Bourguignons ont voulu conquérir un peuple libre ; voila ce qu'ils ont laissé.
En vous rappelant tous ces faits honorables, et veuillant vous arrêter à nos observations, nous espérons que vous croirez utile d'admettre des troupes étrangères à votre service en temps de paix dans la proportion d'un à huit et demi environ, sans qu'ils puisse en exister un plus grand nombre dans le royaume, et, en temps de guerre, dans la proportion d'un à quatre et quatre cinquièmes.
D'après les diverses observations que nous vous avons présentées, nous avons pensé que pour
Les officiers du génie et de l'artillerie sont si instruits et si distingués que nous avons cru utile de n'en réformer aucun ; il n'est pas^ un guerrier qui n'ait un respect particulier pour ces deux corps. Le nouveau système que la France veut adopter, portant sur la défensive, rendra tous les jours l'art de la défense plus intéressant et plus nécessaire. Le patriotisme des officiers du génie et de l'artillerie nous a permis de tenter la réunion de ces deux corps, qui avait été préparée par MM. de Grihauval et de Bourset. Ue rapprochement fera disparaître toutes les inimitiés, toutes les rivalités, dont le service à longtemps souffert, et produira, dans l'avenir, une économie considérable.
Dépenses.
Nous avons considéré toutes les parties de dépense dans leur application particulière, et après les avoir combinées dans leur rapport entre elles, nous avons repoussé ces idées d'économies parcimonieuses, qui, par des ménagements présents et mal entendus, préparent pour l'avenir des regrets infinis, des dépenses incalculables. Nous avons désiré que tout ce qui sert dans l'armée, fût suffisamment payé; nous avons établi dans les appointements ae tous les grades, une progression sensible entre la jeunesse et l'âge mûr, parce que nous avons senti que les derniers doivent trouver dans une aisance honnête la récompense d'une application longue et continuelle à leurs devoirs.
Les dépenses de l'armée doivent être examinées sous différents rapports :
La solde du soldat, sa nourriture, son vêtement et son entretien ;
Les fournitures qui lui sont nécessaires et qui doivent lui être données ;
Les soins qu'on doit prendre de lui dans ses maladies ou infirmités ; l'usage de sa solde, lorsqu'il n'est pas présent au corps;
Les frais de recrutement, ceux de remonte;
Les appointements des officiers de tous les grades;
Les dépenses du génie;
De l'artillerie;
L'entretien des places^
La solde de la partie de l'armée sédentaire ;
'Le3 vivres et les fourrages ;
Les dépenses accessoires.
Le comité pense que toutes ces dépenses doivent être séparées ; que les différents objets qu'elles renferment doivent être connus du soldat et publiés tous les ans ; qu'il doit savoir ce qui lui revient; qu'une partie de cette dépense doit être gérée par un conseil de régiment, le reste par le ministre de la guerre.
Il est impossible de fixer chacune .de ces dépenses en particulier avec la plus grande
précision ; aussi nous ne" vous proposerons d'arrêter définitivement que celles qui
concernent la solde du soldat, une partie de son entretien et les appointements de tous les
grades. Mais, prenant pour base de nos calculs, sur tous les objets, les
D'après le projet du comité, l'armée active de 153,953 soldats ou officiers, coûtera pour solde entretien, décompte fait au soldat et appointements, 39,247,391 liv. 6 sols.
En n'excédant pas cette somme, nous vous prions de prendre en considération que nous faisons aux soldats un sort heureux, que tous les grades de Parmée reçoivent une augmentation d'appointements; qu'au terme de sa carrière, celui qui a sacrifié sa vie à l'Etat trouve un asile prêt à le recevoir, et ce dont il a besoin pour sa subsistance.
Nous nous sommes occupés de composer une armée auxiliaire en détruisant le tirage de la milice, et en ne nous servant d'aucun des moyens qu'on croyait devoir vous offrir pour là ramplacer. Nous comptons singulièrement sur le zèle de M. Emmery pour remplir cet objet important. Dans l'excellent mémoire qu'il a imprimé, d'après le vœu du comité, vous trouverez qu'ayant combiné une partie de notre plan sur les observations qu'il a faites, nous avons encore rendu le métier de soldat supportable pour la vie habituelle, et qu'il vous proposera pour la partie morale de l'armée tout ce qui doit élever l'âme de ceux qui seront destinés à y servir.
Le comité, en terminant son travail, croit utile d'ajouter que le nombre des troupes à la soldé de différentes puissance de l'Europe, les préparatifs immenses de guerre qu'elles ont faits, l'ambition qu'elles manifestent ne permet plus de différer l'organisation de l'armée française. Il pense même que vous verrez avec satisfaction que tan-. , dis que les peuples de l'Allemagne viendront jurer sur nos frontières de river leurs chaînes, nos soldats, pleins de vénération pour vos sages décrets, jureront devant vous et devant le roi de maintenir notre liberté.
PROJET DE DECRET.
L'Assemblée nationale, d'après le rapport de son comité militaire, sur le nombre d'hommes, dont l'armée doit être composée, sur la solde et les appointements de chaque grade, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er L'armée sera composée de 204,619 soldats ou officiers,
dont 153,953 en activité, et 50,606 soldats sédentaires, dans les départements.
Art. 2. La proportion des troupes étrangères au reste de l'armée ne pourra jamais, sous aucun prétexte, être en temps de paix que 1 à 8 3/5, en comprenant les Suisses. Ainsi, sur les 204,619 soldats ou officiers dont l'armée sera composée, il ne pourra y en avoir que 24,581 d'étrangers.
Art. 3. La proportion de l'infanterie, à la force de l'armée, sera comme 3 et 1/3 est à 4 ; la cavalerie comme 1 est à 5 et 1/5.
L'artillerie et le génie comme 1 est à 16 et 7/9.
Art. 4. L'armée française, au pied de guerre, par l'augmentation que pourront recevoir les troupes étrangères, sera de 233,730 hommes.
La proportion de l'infanterie, à la force de l'armée, sera pour lors comme 5 1/3 est à 7; la cavalerie, comme 1 est à 5 et 1/3.
L'artillerie et le génie comme 1 est à 16 et 7/9.
Art. 5. La proportion des officiers aux soldats dans l'infanterie sera, en temps de guerre, comme 1 est à 28 1/3 ; dans la cavalerie et les dragons,
comme 1 e9t à 18 ; dans les troupes légères, comme 1 est à 20; dans le génie et l'artillerie, comme 1 est à 10 et 1/3. '
Plusieurs membres demandent l'impression du rapport de M. de Noailles et du-projet de décret, en y ajoutant les articles qui ont déjà été décrétés sur l'armée.
Il faut se bâter d'organiser l'armée ; la sûreté du royaume, la paix intérieure, le maintien de la Constitution, lès plus grands motifs nous y sollicitent. L'armée présente un spectacle affligeant pour tous les bous citoyens. (11 s'élève des murmures, on observe que la demande de l'opinant est déjà décrétée.)
L'Assemblée témoigne le vœu de décréter l'impression avant de discuter.
J'ai fait, il y a déjà plusieurs jours, la motion qu'on s'occupât sans délai de l'armée, et je veux la motiver aujourd'hui. (On observe de nouveau qu'il y a un décret, et que c'est d'ailleurs le vœu de toute l'Assemblée.)
(L'Assemblée décrète l'impression de l'exposé du travail du comité militaire, fait par M. de Noailles, du projet de décret, et des articles déjà décrétés sur l'armée.)
Je dois motiver la motion que j'ai faite......
(On décide de passer à l'ordre du jour.)
J'avais demandé l'impression du plan du ministre de la guerre, arrêté au conseil du roi : je ne sais pourquoi il ne nous a pas encore été distribué ; je renouvelle ma motion.
Vous avez décidé que le plan d'organisation de l'armée, arrêté par le roi, serait imprimé, distribué et annexé à votre procès-verbal de la séance du 9 juillet. Ce plan est à l'impression, mais comme il se compose de tableaux qui réclament un grand soin, il n'a pas été possible de vous le distribuer encore.
Une dèputation des gardes nationales de France demande à être admise à la barre (1).
La dèputation est immédiatement introduite.
, portant la parole, dit : Messieurs, les gardes nationales de France viennent vous offrir l'hommage de leur respect et de leur reconnaissance.
La nation, voulant enfin être libre, vous a chargés de lui donner une Constitution *, mais en vain elle l'aurait attendue, si la volontée éclairée, dont vous êtes les organes, n'avait suscité cette force obéissante qui repose en nos mains, et si cet heureux concert, remplaçant tout à coup l'ordre ancien que les premiers mouvements de la liberté faisaient disparaître, n'avait été la première des lois qui succédaient à celles qui n'étaient plus.
C'était, nous osons le dire, un prix dû a notre zèle que cette fête qui va rassembler tant
de frères épars; mais qui, régis à la fois par votre influence et par le besoin impérieux,
si cher aux bons Français, de s'assurer de l'unité de l'Etat,
Oui, Messieurs, vous avez connu, et les besoins de la France, et les vœux des Français, lorsque vous avez détruit le gothique édifice de notre gouvernement et de nos lois, et n'avez respecté que le principe monarchique, lorsque l'Europe attentive a appris qu'un bon roi pouvait être l'appui d'un peuple libre, comme il avait été la consolation d'un peuple opprimé.
Achevez votre ouvrage, Messieurs, et déterminant dans le nombre de vos décrets, ceux gui doivent former essentiellement la Constitution française, hâtez-vous d'offrir à notre juste impatience ce code dont la première législature doit bientôt recevoir le dépôt sacré, et dont votre prévoyance assurera d'autant plus la stabilité, que les moyens constitutionnels de le revoir, nous seront plus exactement désignés.
Les droits de l'homme sont déclarés ; la souveraineté du peuple est reconnue; les pouvoirs sont délégués ; les bases de l'ordre public sont établies. Hâtez-vous de rendre à la force de l'Etat son énergie. Le peuple vous doit la gloire d'une constitution libre ; mais il vous demande, il attend enfin ce repos qui ne peut exister sans une organisation ferme et complète du gouvernement.
Pour nous, voués à la Révolution, réunis au nom de la liberté, garants des propriétés individuelles comme des propriétés communes, de la sûreté de tous et de la sûreté de chacun, nous qui brûlons de trouver notre place dans vos décrets constitutionnels, d'y lire, d'y méditer nos devoirs, et de connaître comment les citoyens sont armés pour les remplir ; nous, appelés de toutes les parties de la France par le plus pressant de tous, mesurant notre confiance à votre sagesse, et nos espérances à vos bienfaits, nous portons, sans hésiter, à l'autel de la patrie le serment que vous dictez à ses soldats.
Oui, Messieurs, nos mains vont s'élever ensemble à la même heure; au même instant nos frères de toutes les parties du royaume proféreront le serment qui va les unir : avec quels transports nous déploierons à leurs yeux les bannières, gages de cette union et de l'inviolabilité de nos serments I avec quels transports ils les recevront !
Puisse la solennité de ce grand jour être le signal de la conciliation des partis, de l'oubli des ressentiments, de la paix et de la félicité publique !
Et ne craignez point que ce saint enthousiasme nous entraîne au-delà des bornes que prescrit l'ordre public. Sous les auspices de la loi, l'étendard de la liberté ne deviendra jamais celui de la licence. Nous vous le jurons, Messieurs, ce respect pour la loi dont nous sommes les défenseurs; nous vous le jurons sur l'honneur ; et des hommes libres, des Français, ne promettent pas en vain.
(L'Assemblée et les spectateurs applaudissent avec transports).
répond i Messieurs, le jour où le pouvoir absolu a cessé d'être, le jour où les, anciens ressorts qui comprimaient les volontés ont cessé de les tenir enchaînées, le jour enfin ou 25 millions d'hommes qui s'étaient endormis
esclaves, se sont réveillés libres, il était à craindre qu'ils n'abusassent d'un.bienfait trop nouveau pou!* eux. et que l'anarchie ne remplaçât le malheur ou despotisme. ; A l'instant, les gardes nationales ont paru, et la France rassurée a vu en elles lè génië destiné à défendre, de ses propres excès comme de ses ennemis, la liberté naissante.
Que vos fonctions, Messieurs, sont nobles et pures! L'amour de votre pays est à la fois le mobile et la Seule récompense de vos travaux» Que Vos devoirs sont grands et utiles! Veiller constamment à la sûreté des personnes et des propriétés; c est'îi dire donner à tous les citoyens cette sécurité, _sans laquelle il n'est point de bonheur; protéger partout la libre circulation des grains et des subsistances, et prévenir par là ces prix iiègaux,. ces renchérissements subits et violents qui n'ont que trop souvent causé les malheurs ou les désordres du peuple; enfin assurer la perception des_ contributions publiques, et maintenir ainsi le Trésor national dans cette abondance si heureuse, si désirable, si nécessaire : telles sont, Messieurs, vos obligations civiles; L'Assemblée nationale sait que vous les remplirez ; c'est à sa voix que yous êtes nés tout armes, tels que cë Bymbole ingénieux du courage et de la sagesse.G'est à sa voix que* plus d'une fois, vous avez donné des preuves de votre zèle et de votre patriotisme ; souvent même vous l'avez prévenue; elle vous regarde comme ses enfants ; elle vous regarde comme ses appuis; elle reçoit aujourd'hui votre hommage; demain la nation recevra vos serments. Dans tous les temps vous aurez des droits à l'amour de tous les citoyens, comme à leur reconnaissance. Yous avez formé des vœux pour le prompt rétablissement de l'ordre public, et pour l'achèvement de la Gons-titution. Ces vœux sont dans le cœur de tous les bons citoyens; ils sont aussi dans ]e nôtre; et le plus beau jour de l'Assemblée nationale sera çelui où elle pourra s'en remettre à ses successeurs du soin de consolider l'édifice majestueux qu'elle se hâte de terminer. Heureuse de vous voir dans son sein* elle vous offre les honneurs de sa séance.
Je demande qu'il soit voté des remerciements pour les gardes nationales de France en reconnaissance de l'appui qu'elles ont prêté à nos travaux, de leurs eftorts pour le maintien de la tranquillité publique et leur patriotisme.
La motion est suivie de vifs applaudissements et l'Assemblée nationale décrète :
« ï° Que le discours prononcé au nom des gardes nationales de France et la réponse de M. le président seront imprimés ;
« 2° Qu'il leur est voté des remerciements pour l'appui qu'elles ont prêté à la Constitution et au maintien de l'ordre public, et pour le patriotisme qu'elles n'ont cessé de déployer.
annonce que le roi a donné sa sanction ou son acceptation aux deux décrets qui suivent:
1° Au décret de l'Assemblée nationale du 8 de ce mois, qui autorise M. Goguet, commissaire du roi au département de la Charente-inférieure, à ne faire procéder à l'élection des officiers municipaux de SainUJeap-d'Angély, qu'au moment où le district de la même ville aijra été terminé, et improuve la conduite des volontaires ou canonniers envers les commissaires de Sa Majesté ;
2° Et au décret du 9, relatif à la fédération générale du 14 de ce mois, au rang qu'y Occupera l'Assemblée et à la formule -du serment de Sa Majesté.
La séance est levée.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du matin. La rédactionen est adoptée.
présente Une lettre de M. Auguste Nordenskiole, qui prie l'Assemblée d'acéepter 1,200 exemplaires d'un petit ouvrage intitulé : Tableau d'une Constitution incorruptible.
présente tin mémoire de la garde nationale d'Antibes, relatif à une Contestation éievee entre elle et celle de la ville de Grasse; l'Assemblée renvoie l'examen de cette affaire ail comité des rapports, pour lui eu rendre compte dans le plus court délai possible.
met souë les yeux de l'Assemblée Une lettre de M. Lé Cointre* qui offre à l'Assemblée, comme tribut du patriotisme, dé deux soldats citoyens de Paris (MM. Dury et Geoffroy) une estampe encadrée et montée sous glace, qui représente la Révolution et la régénération de la Frânce, proposée pour servir de modèle à un monument public, ou d'ornement à ceux qui seront élevés. L'estampe est acceptée.
présente aussi une estampé encadrée de môme, et montée sous glace, contenant le portrait du roi, gravée parle sieur Bes-vick, et une adresse de ce graveur, qui supplie l'Assemblée d'en agréer l'hommage. L'estampe est acceptée,
lit une adresse de la communauté duTholonet, du district d'Aix, département des Bouches-du-Rhône, contenant l'expression de sa reconnaissance pour les travaux de l'Assemblée nationale> et l'annonce de sa contribution patriotique, ainsi que celle d'un don patriotique au-dessus de cette contribution.
, député de Coutanceéi lit une adresse du clei'gê de Saint-Lé, dont l'Assemblée ordonne l'impression. Elle est ainsi conçue (2) i
Messieurs* tandis que le souffle vivifiant du patriotisme agité de tous côtés le cœur des Français, serions-nous les seuls à garder un cuupable silence? Rester muets au milieu de l'allégresse générale, c'est se montrer indifférent au bonheur de l'État, c'est s'entacher du crime de lésé-patrie. Si
otre ordre a paru déshonoré par des opinions et
Une cupidité désordonnée lève encore çà et là sa tête monstrueuse ; elle crie que reprendre les biens dont le clergé était en possession, c'est anéantir la religion. Loin de partager ces sentiments attentatoires à sa divinité, nous bénissons l'Assemblée nationale d'avoir tari ces sources impures, qui auraient renversé le christianisme, si son sort eût dépendu des passions humaines, mais qui corrompaient réellement les mœurs et avilissaient la religion aux yeux de ceux qui la confondaient avec, les ministres. Nous applaudissons à la destruction de cette pierre de scandale, qui a introduit dans le sanctuaire tant d'âmes viles* qui n'y venaient que pour dévorer dans un luxe insultant le juste salaire des pasteurs des peuples.
Le ministre des autels, si respectable, quand il n'a pour but,dans ses travaux, que le vrai bonheur des hommes, si utile dans la société, pour y maintenir la concorde et la paix, le ministre des autels va être ramené à sa primitive institution, qui est d'édifier par ses vertus. Auguste Assemblée, véritable organe du ciel, nous ne craignons pas de le dire, ce que les conciles les plus saints n'auraient peut-être pas fait, vous seule allez l'opérer. Par un de vos décrets les plus sages, vous allez rendre aux chefs de l'Eglise la simplicité évangélique, aux pasteurs un amour plus tendre pour leurs ouailles, enfin à la religion, sa splendeur antique, et son véritable empiresurles cœurs. L'autorité du clergé ne sera plus fondée sur l'aveugle soumission, sur le respect absurde qu'imprimaient ses dangereuses richesses, mais sur l'utilité reconnue de notre ministère au milieu de la liberté des opinions religieuses, utilité qui ne consistera pas ^ians de vaines et frivoles disputes, mais dans une suite non interrompue d'actions importantes à la société. Le trait de lumière qui a frappé tous les esprits, les éclairera sur nos devoirs. L'opinion publique était sans vigueur, elle va régner despotiquement. Puissions-nous ne jamais craindre ce sévère et intègre tribunal I
On agite maintenant notre sort définitif à l'Assemblée nationale. Attendons avec respect ses décisions ; mais quelles qu'elles soient, nous pouvons conserver une place éminenle dans le cœur des hommes. Nul décret n'a de force contre la vertu. Par notre conduite sage et soumise, nous ferons pâlir ces "vils calomniateurs qui osent nous confondre dans la tourbe des ennemis éternels de la patrie. Nous leur ferons voir que la qualité de prêtre, loin d'être incompatible avec celle de citoyen, en est plutôt la compagne inséparable. Nous ferons rougir les égoïstes qui nous ont assimilés à eux dans, leurs projets sanguinaires, L'intérêt personnel, s'il a pu vivre quel" ques instants dans nos âmes, est mort. Le grand intérêt de la patrie a seul des droits sur nous.
Peuple Français! quels devoirs imposez-vous aujourd'hui aux ministres de vos autels? Vous chérisses la religion de vos pères: mais vous
n'aimez pas moins la liberté que vous venez de conquérir. Et bienl nous seroni en même temps les organes de la religion et de ia libené. Quelle fonction! la même chaire qui retentissait des devoirs religieux, va retentir aussi des devoirs du citoyen, qui n'auraient jamais dû en être séparés. Les vérités politiques et les vérités chrétiennes fondues ensemble fermeront le code destruction que nos bouches distribueront. Nous ferons vojir les fondements de notre Constitution dans l'Evangile, ce livre divin, où les ignorants cherchent des armes pour la combattre. Nous vous l'expliquerons dans toute la pureté, danr toute la simplicité des premiers âges de l'Église, en même temps que pàr notre conduite toute apostolique, nous rerons revivre ces siècles d'or du christianisme, que le luxe de nos jours reléguait si volontiers parmi les fables.
Hommes pervers, conciliabules obscure qui tramez de noires intrigues contre la nation, que prétendez-vous donc faire?... NoUs avons dans les mains les triples fotidres de la nature, de la raison et de la religion. Nous qui possédons le privilège d'émouVoir les cœurs par la parole, de les enflammer, de les entraîner, nous prêcherons les bienfaits inappréciables de la Constitution, l'empire légitime et respectable de nos ren' és^n-tants et de la loL Nous n'armerons pas dés mains libres contre vos complots sacrilèges, parce que, nous abhorrons la discorde et le sang; mais nous les déjouerons, ces complots, en faisant connaître au peuple ses vrais intérêts, et en portant le flambeau de la vérité dans vos âmes gangrenées et perfides. Nous ne lancerons pas des ana-thèmes contre vous ; mais nos paroles de paix vous feront verser des larmes de désespoir, en dévoilant la turpitude et la scélératesse de vos projets barbares, en demandant pour vous la tranquillité sur une terre que vous voudriez couvrir d'osse-meuts.
Prêtres, que l'erreur et les préjugés aveuglent encore, si ies acclamations joyeuses de. vingt;cinq millions d'hommes libres, si lefc voûtes des temples désormais retentissantes des élans du patriotisme, si la voix puissante de la philosophie et de la religion ne vous ont point émus..... nous pleurons sur votre funeste endurcissement. Fuyez, fuyez ; vous n'êtes point faits pour entendre le langage énergique de la liberté. Fuyez les autels des Français; le Dieu dos nations n'y veut point être servi par des hommes qui méconnaissent et repoussent ses dons les plus précieux. Fuyez le sol sacré de la France; il ne doit plus porter que des citoyens; fuyez, malheureux! vous n'avez plus de patrie.....
Mais vous, dignes pasteurs, qui adressez aux fidèles les paroles onctueuses de la vérité, unissez tos travaux à nos vœux. Pasteurs des campagnes, éclairez leurs habitants sur la Constitution. Définissez-leur cette liberté qu'ils viennent de recouvrer; assignez-leur ses bornes que l'enthousiasme ou l'ignorance leur a fait dépasser. Expliquez-leur les lois d'une grande société; la nécessité de l'ordre, de la subordination, des impôts et des autres charges de cette société. Suivez-les dans les guérets que leurs bras fécondent pour nous, vous verrez ces heureux cultivateurs, appuyés sur leurs bêches, bénir les auteurs et organes de leur bonheur. Vous les Verrez verser des larmes de joie sur le courage et ia fermeté de nos législateurs à défendre leurs intérêts, en faisant disparaître jusqu'aux moindres vestiges de la féodalité. Pasteurs des campagnes, voilà de vos jouissances.
Pasteurs des villes, vous, coopérateurs de leurs travaux, vous tous qui pouvez être des principaux instruments du bonheur public, imitez-nous. Nous jurons à nos concitoyens d'être de vrais citoyens; nous jurons de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution, ainsi que les droits de notre religion sainte. Nous inspirerons partout le respect et l'amour pour l'Assemblée nationale, la soumission et l'obéissance à la loi et à ses ministres, le désintéressement et le zèle pour la chose publique. Aux baïonnettes des braves gardes nationales, à la plume des écrivains patriotes, nous unissons notre puissante parole. Quelle force pourra lutter contre ces trois forces? Concitoyens, qu'attendez-vous de plus de nous? aimez-nous donc comme nous vous aimons. Vous avez dévoué votre sang à la patrie, nous consacrons aussi notre sang et nos sueurs à sa félicité.
Signé : Gauchard, vicaire de Notre-Dame ; Giffard, vie. de Notre-Dame ; Le Grosnier, prêtre de Notre-Dame; Dufour, pr. de Notrej-Dame; Badouard, pr. de Notre-Dame ; Damemme, pr. de Notre-Dame-, Foulon, pr. de Notre-Dame; Bertrand, pr.de Notre-Dame ; Beau-fils, pr. de Notre-Dame ; Bertrand, pr. maître ae pension; Hébert, pr. de Notre-Dame ; Le Chevalier, pr. pro fesseur de rhétorique ; Le Chevalier, Vie. de Sainte-Croix ; Le Cheva-lier-Descarrières, pr. de Sainte-Croix; Poisson, pr. de Sainte-Croix ; Lé Moigne, sous-diacre de Notre-Dame; Dodeman, acolyte de Notre-Dame ; Mahias, acolyte de Notre-Dame.
Lu par moi,-député de la ville de Saint-LÔ, à l'Assemblée nationale, de la réquisition des ci-dessus signés.
A Paris, ce 13 juillet 1790, Vieillard.
Une députation de l'armée de mer demande à être admise à la barre.
Elle est introduite.
, portant la parole, dit : Messieurs,
La franchise maritime semble avoir le droit heureux d'offrir l'hommage de la confiance, en suppliant d'agréer celui du respect. Ces deux sentiments, dont le peuple français est également animé pour ses augustes représentants, acquièrent une nouvelle force dans le cœur des marins; comment ne les ressentirions-nous pas pour vous, Messieurs? Vous êtes les pilotes delà nation. Nous croyons trouver une glorieuse similitude entre vos succès et nos travaux. Accoutumés à calculer les effets des éléments, nous admirons la sagesse avec laquelle vous avez su apprécier ceux de Fopi-nion. Nos résultats aussi naissent aù milieu des orages. Il nous faut de même conserver le calme du talent dans le trouble et dans le chaos des vagues en fureur et des vents déchaînés ; responsables du salut de l'équipage qui uous est confié c'est trop souvent par des sacrifices qu'il nous faut l'assurer ; l'œil toujours fixé sur le port, rien n'en détourne nos regards, et nous jouissons ensuite du bonheur inappréciable auquel vous touchez, de celui d'y avoir conduit. Dévoués à la fonction presque miraculeuse de rapprocher ceux que la nature avait le plus séparés, c'est par nous principalement que votre sagesse deviendra communicative ; nous serons, s'il est permis de s'exprimer ainsi, les porte-voix delà liberté. Son aurore paraissait à peine à l'ouest du moude, qu'envoyés pour Ja soutenir, nous fûmes les précurseurs du jour qui nous
éclaire. Le prince qui aida l'Amérique, prononça dès lors sur le sort de la France. Le zèle avec lequel il fut obéi, l'annonça, et ce zèle est récompensé, s'il rend la marine encore plus intéressante à vos yeux.
Une des qualités distinctives qui la caractérisent, c'est que sa force ne peut menacer la liberté du citoyen ; l'influence de cette arme est totalement extérieure, et il est impossible que, dans aucune circonstance, elle puisse désordonner les ressorts d'une Constitution qui exige son accroissement. Il est attaché à celui de votre gloire; c'est en rendant votre existence nationale palpable à ceux d'entre nos voisins qui prétendraient en vouloir douter, que vous préviendrez des projets hostiles; empêcher la guerre, c'est plus que l'avoir faite : il en existe toujours une pour le navigateur; combien de dangers n'a-t-il pas à combattre; de privations à supporter, et d'offrandes de tous genres à déposer sur l'autel de la patrie. C'est par le rassemblement des connaissances humaines, et par la toute-puissance du savoir et des arts, qu'un vaisseau se construit et se dirige ; de même que c'est d'après des décisions instantanées qu'il se manœuvre. Il faut qu'une volonté conservatrice décide de tous ses mouvements, et se communique avec la même rapidité que la pensée agit sur le corps humain; ce motif suffira pour que votre sollicitude paternelle rétablisse et consacre, par ses décrets, une discipline dont tous les peuples ont d'autant plus connu la nécessité, qu'ils ont été libres. Leurs législateurs ont pu precrire cette discipline, parce que la latitude de tout pouvoir légitime et indispensable s'accroît par la liberté. Vous en êtes une preuve; c'est de par nous-mêmes, c'est en notre nom que vous nous commandez.
Nos mœurs maritimes ne sont point au-dessous de votre attention. Vous vous complairez peut-être à entendre que les vaisseaux de guerre français n'étaient déjà, sous l'ancien régime, qu'une grande famille. Le capitaine, le général, confondus sur le gaillard avec les derniers ma-, telots, cédaient souvent la place à la foule qui la leur disputait; ils aimaient à partager en égaux les divertissements de tous, tandis que chez les Anglais, le commandant éloigne, épouvante, dès qu'il paraît, et devient le propriétaire exclusif de I endroit où il se promène; ce n'est,point ces formes nationales et précieuses dont le changement est désirable ; elles n'empêcheront point la discipline dans les objets de service, dès que vous l'aurez prescrite.
La mariue militaire obéit sans peine, lorsque vous lui ordonnez de ne faire qu'un avec les citoyens utiles par qui elle est nécessaire. Elle s'est fréquemment enrichie de leurs actions. Le commerce a souvent daigné croire celui qui remplit l'emploi de vous assurer que cette obéissance ne peut être pénible. L'uniforme dont il est honoré, et avec lequel il a l'honneur de paraître devant vous, est un signe révéré de l'union et du dévouement civique; doublement autorisé à le porter, il a la convenance, dans le jour à jamais mémorable de la fédération, de désigner que les cœurs sont confondus. Puisse cet habit servir à obtenir, pour tout le corps des marins, la popularité dont ils sont dignes; il atteste des sentiments mieux sentis par la marine entière, «qu'ils ne viennent d'être exprimés.
répond :
Messieurs, dans un Empire riche et puissant tel que le nôtre, dans un empire qui possède à
la fois un vaste territoire et d'importantes colonies, et qui puise dans la fertilité de son sol, comme dans l'industrie de ses habitants, de quoi fournir aux besoins et au luxe de tant de contrées; dans un tel Empire, dis-je, on ne peut trop honorer la classe d'hommes qui se vouent à favoriser le commerce ou à le défendre. La marine française a toujours rempli avec gloire cette double fonction, quelquefois négligée, toujours redoutable; elle n'a jamais eu de commencement, et son réveil, après des années de léthargie, a toujours été celui du lion.
Parmi les guerriers célèbres qui ont conduit nos flottes à la victoire, parmi ceux qui ont inspiré Je plus de terreur à leurs ennemis, l'histoire s'est plue à confondre les rangs Comme les services ; Jean Bart et d'Estrées, TourvilleetDuguay-Trouin sont placés ensemble au temple de Mémoire.
Aujourd'hui que l'Assemblée nationale, en terrassant tous les préjugés, n'a fait, de tons les Français,qu'un peuple de frères; les liens qui unissent tous les corps de la marine, vont encore se resserrer. Ils ne disputeront désormais que de dévouement et de zèle pour leur pays. La gloire du pavillon français se maintiendra sur toutes les mers, et l'on ne fera plus de différence entre ceux par qui se fait le commerce, et ceux par qui il est protégé.
Cet accord de sentiments et de principes est le vœu de tous les bons citoyens. L'Assemblée nationale en reçoit de vous l'heureux augure. Elle se plaît à vous voir déjà réunis par un patriotisme commun, et elle aime à vous entendre solliciter vous-mêmes cette discipline exacte qu'il est si facile d'allier avec la liberté.
Jouissez, Messieurs, de tous les bienfaits de cette liberté pour laquelle vous feriez tout, et contre laquelle vous ne pouvez rien ; et faites jouir votre pays de cette splendeur que vous êtes destinés à lui assurer dans les deux Mondes.
L'Assemblée nationale, touchée de votre hommage plein de franchise, vous invite à assister à sa séance.
Divers membres demandent l'impression de l'adresse de l'armée de mer.
L'impression est ordonnée.
, député de Strasbourg, écrit qu'une maladie le retient au lit depuis dix jours et exprime ses regrets d'être dads l'impossibilité d'assister demain à la cérémonie de la fédération.
Une députation des gardes nationales confédérées à Rouen est admise, et fait un discours, dans lequel elle exprime le zèle intrépide dont cette fédération est animée pour le maintien de la Constitution. Les députés remettent sur le bureau le procès-verbal de leur assemblée fédérative.
, au nom du comité des rapports, rend compte des troubles survenus dans les départements de Seine-et-Marne et du Loiret où les habitants refusent de se soumettre au décret de l'Assemblée nationale relativement au droit de dîmes et de champart.
Le décret sur le droit de dîmes et de champart qui a câliné, dans beaucoup de provinces, les troubles que ces droits avaient excités, les a augmentés dans les départements de Seine-et-Marne et dans celui du Loiret. Deux villes surtout, Nemours et Montargis et les villages des environs ont refusé nettement d'obéir à vos décrets. Des
potences ont été dressées contre ceux qui voudraient faire payer les droits. Des cavaliers de maréchaussée ont été insultés. Les officiers municipaux paraissent coupables de négligence et peut-être de connivence. Votre comité des rapports, estimant que vos décrets doivent être rigoureusement exécutés partout, vous propose : 1° de supplier le roi d'envoyer des troupes de ligne pour prêter main-forte aux gardes nationales ; 2° de charger le tribunal de Melun d'informer contre ceux qui feraient résistance et de juger en dernier ressort.
La dernière disposition qu'on vous propose d'adopter est inadmissible et contraire aux principes de l'Assemblée nationale. Vous avez supprimé les prévôtés et vous ne souffrirez pas qu'un tribunal fasse l'information et juge sans appel.
Je demande que le décret que vous rendrez concerne tout le royaume, parce que des troubles ont éclaté à la fois dans plusieurs départements contre le droit de champart. Plusieurs plaintes sont parvenues au comité de féodalité. Mais ce qui occasionne ces troublés, c'est que le décret du 18 juin n'a été envoyé que depuis quelques jours dans les provinces ; les bureaux ministériels sont soumis a des lenteurs, à des formalités minutieuses qui font perdre souvent les heureux effets d'un décret de l'Assemblée nationale.
J'appuie les observations qui viennent de vous être présentées et j'ajoute que c'est assurément l'ignorance de vos décrets qui est cause des désordres ; d'ailleurs, le peuple est excité à commettre des excès par des personnes mal intentionnées. Je propose, en outre, de décréter que le droit de champart continuera à être perçu, sauf à se pourvoir par les voies légales.
(de Nemours). Je pense, comme le préopinant, que les troubles de mon pays ont des instigateurs. C'est près de ma maison que la potence a été dressée. Les députés de la circonscription se sont efforcés de calmer les troubles, mais on les a mis en suspicion et représentés comme traîtres. Je vous présente un projet de décret qui, sans s'écarter beaucoup de celui de votre comité des rapports, me semble conforme à l'équité, tout en ne frappant point trop durement sur des gens égarés.
, député de Nemours. L'envoi de troupes de ligne ne ferait qu'irriter les populations, aussi je demande que ceci soit retranché du décret. Ni les troupes de ligne, ni les gardes nationales ne voudront jamais tirer 3ur leurs concitoyens. (Il s'élève un violent murmure dans la salle:— Des protestations partent des tribunes remplies de militaires et de gardes nationales.)
. Une disposition du décret qui vous est proposé permet d'informer contre ies officiers municipaux. C'est une grosse question de savoir si un tribunal peut informer contre une municipalité. Le comité de Constitution prépare un décret sur cet objet; aussi je demande que cet article soit réservé.
Il y a quelque chose de contradictoire d'envoyer des troupes à la disposition des municipalités et de permettre qu'on informe contre ces mêmes municipalités.
, rapporteur, rootlifie la rodac- tion du projet de decret, d'apres les observations qui vierineut d'etre faites.
Le decret est rendu en ces termes :
« L'Assemblee nationale, apr6s avoir entendu son comite des rapports, sur ce qui s'est passS dans le d6partement de Seine-et-Marne, notatn ■ ment dans les paroisses de la Chapelle-la-Reine, Ach^res, Ury et Chevry-sous-le-Bignon; improu- vant et declarant criminelle toute resistance S. la loi, et tout attentat contre I'ordre public, a d6- crete et decrete qu'il sera informe par les tribu- naux ordinaires contre les infracteurs du decret du 18 juin, sanctionn^ par le roi, concernant le payement des dimes, des champarts et autres droits fanciers, ci-devant seigneuriaux, et que leur proces sera fait et parfait, saul 1'appel, qu'il sera m6me informs contre les official's munici- paux qui auraient neglige a cet (5gard l(!S reac- tions qui leur sont conliees, saul' & statuer, a l'6gard desdits ofliciers municipaux, ce qu'il appartiendra ; r£servant aux d^bileurs, lorsqu'ils auront effectual les payements accoutumes, a se ourvoir, en cas de contestation, devant les tri • unaux, conformCment audit diicret du 18 juin, pour y faire juger la I6gitimit5 de ieurs reclama- tions contre la perception.
« Et que son president se retirera par devers le roi, pour le supplier demettre des troupes re- glees a port6e de seconder les gardes nationales sur la requisition des municipality ou des direc- tor res de d6partement et de district, pour le tablissement de I'ordre dans les lieux ou il aurait trouble.
' Et sera le present d6cret lu, publie et afficbe dans toutes les paroisses sujettes aux dits droits.»
Une deputation de Parmee de terre demande a Sire admise a la barre.
Elle est immediatement introduite.
, lieutenant-colonel d'artillerie, portant la parole, dit :
Messieurs, si jamais une longue suite d'annees de services militaires a eu des charmes, c'est dans ce moment ou les angustes representanls de la nation out fait choix des plus anciens guer- riers pour res?errer les noeuds qui uuisseut le soldat et le citoven.
Deux corps a"rm6s vont assurer le maintien de la Constitution et le repos de 1'Etat, par une fede- ration fraternelle, et un serment plus developpe, mais qui n'etait pas moins actif dans les coeurs frangais.
Si les corps que nous avons 1'honneur de re- presenter, ont ete assez heureux pour mSriter les suffrages de la nation, vous ne le devez, Mes- sieurs, qu'ci nos braves et vertueux veterans, nos compaguons d'armes aux champs de Say, de Foritenov, de Lauffeld, de Berguen, et dans les combats, ou pendant trois guerres, leur courage a decide la victoire; ce sont eux qui, par leurs exemples et Ieurs lecons, ont elevG Tame des ieunes militaires qui leur ont 616 confies; ils leur ont appris a 6tre valeureux sans orgueil, subordonnGs par 1'amour de I'ordre, et guerriers, sans cesser d'etre citoyens.
Entlumm6s pour la patrie, soumis a vos dg- creis, scrupuleux observateurs de la loi, pleins de fnlelit6, de respect et d'amour pour le plus juste des rois, nous sommes pr&s a verser notre sang pour le maintien de la Constitution sanc- tionnGe par Sa Majeste, et contre les ennemis de l'Etat.
répond:
Messieurs, le courage sait mettrea profit toutes les armes, et sous quelques drapeaux qu'un citoyen serve sa patrie, il a des droits £gaux a sa reconnaissance, .le ne rappellerai point ici tous vos titres de gloire. Les nobles cicatrices dont vous 6tes eouverls en disent plus que toutes les paroles. Les veterans de FarmSe francaise en sont encore l'elite; ils furent le salut de la pa- trie, iis en sont toujours I'espoir.
Mais, Messieurs, aujourd'hui qu'une meilleure Constitution va rendre au caract&re national toute son £nergie; aujourd'hui qu'une nouvelle organisation militaire va fixer l'etendue de vos droits comme celle de vos devoirs, vous saurez rentrer dans les uns et rester fid&Ies aux autres ; vous ajouterez des vertus nouvelles a vos an- ciennes vertus, et vous serez citoyens libres sans cesser d'etre soldnts soumis. — Vous n'oublierez point que vous devez au roi une obeissance egale u votre fidelity; que destines amaintenir I'ordre, e'est a vous k en donner l'exemple; que e'est la discipline qui lait la force, et qui prepare la gloire des arme s; que des guerriers enfin qui ne marchent qu'au nom de la loi, et pour le salut de la patrie, doivent a la premiere une sournission absolue, comine un d^vouernentsans bornes a la seconde. — L'Assemblee nationale contemple avec interet cette variety de legions, dont il n'est aucune qui ne lui rappelle et ne lui promette un triomphe. Jlassuree par vous sur 1 iut6r£t de la gloire de la France, elle vous recommande en- core l'inter^t de son repos ; ses travaux preparent en silence votre bonheur, le bonheur public, pro- tege par vous, sera sa recompense.
L'Assemblee nationale, sensible a votre hom- niiige, vous Invite, Messieurs, k assister a sa stance.
Divers membres demandent l'impression de J'adresse de l'armee de terre. L'impression est ordonnee.
rend comptc| qu'il a portG aujourd'hui k la sanction du roi liuit decrets ; savoir :
1° Celui du 9 juillet, sur le serment a prater par les experts nomuoes pour l'estimation des biens nalionaux ;
2° Celui du 10, qui renvoie au roi une recla- mation de M. de MaziSre, au sujet de son empri- sonnement it Bruxellcs ;
3° Celui du m6me jour, por'tant que les rdles de taille, rediges par les officiers inuuicipaux de la commune d'Eglise-Neuve-de-Liare, seront executes et mis en recouvrement par les consuls ou collecteurs;
4°Clui du m£me jour, relatif a des diffi- culty elevees entre les administrateurs du d(5- partement de Sa6ne-et-Loire, et du dfymrteuient de la Cote-d'Or, d'une part, et les ci-devant elus duducbe de Bourgogne, d'autre part, au sujet du parach&vement du canal du Charolais;
5° Celui dull, qui charge le president de se retirer par devers le roi, pour supplier Sa Ma- jesty de donner les ordres ntessaires pour ia continuation du service de la poste aux letires, de la poste aux chevaux el des messageries;
6° Celui du 12, sur la constitution civile du clergS;
7°Celui d'aujourd'hui, relatif aux reclama- tions faites contre la perception, que le ci-de- vant seigneur du Quesnoy, pr£s Lille, continue
de faire d'un peage et pontonage sur la riviere de Deule;
8° Celui d'aujourd'hui encore, qui charge le president de se retirer par devers le roi, pour supplier Sa Majeste de faire dooner des ordres, atin d'assurer la perception des droits d'aides, octrois et barri6res etablis aux entrees de la ville de Lyon.
Un de MM. les secretaires rend compte des expe- ditions en parchemin de differentes lettres pa- tentes ou proclamations du roi sur plusieurs de- crets de I'Assembiee nationale, expeditions destinies k £tre d6pos6es dans les archives, sa- voir :
Expeditions en parchemin, pour Hre diposies dans les archives de VAssemblee nationale.
1° D'une proclamation sur le dccret du 5 juin, concernant l'augmentalion de la solde des gens de mer;
2° De lettres patentes, sur le decret du 19, qui abolit la noblesse hereditaire, et porte que les litres de prince, de due, de comle, marquis et autres titles pemblables, ne seront pris par qui quo ce soil, ni donnes a persoone;
3° D'une proclamation, sur le decret du 23, qui aatorise le directoire du district :le Nogent- le-llotrou a rendre execuloires les rfiles d'lmpo- silioti de la presente annee fails par les olliciers municipaux de la meme ville;
4° Et de letln-s patentes sur le decret du 26, concernant la confection et verification des rdles de supplement, sur les ci-devant privilrtgies, pour les six derniers mois de 1789, taat dans le de- partement de I'Ain que dans lea autres departe- ments du royaumu, et porlanl que les fonctions des commissaires departis, intendants et subde- legues, cesseront au moment oft les directoires de departments el de districts seront en activite.
Pans, le 13 juiilet 1790.
La seance est levee k neuf heures quarante-cinq minutes.
du
ADRESSE AU BOI
par les gardes nationales de France (1).
Une deputation de toutes les gardeg nationales du royauine a 616 adrnise aupros du roi le
, portant la parole, a donn6 lecture de l'adresse suiyante :
« Sire,
« Dans le cours de ces evenoraents m6morables qui nous ont reudu des droits
imprescriptibles, lorsque I'energie du peuple et les vertus de som
« Jouissez, sire, du prix de vos vertus, et que ces pnrs hommages, que ne pourrait commander le despotisme, soient la gloire et la recompense d'un roi citoyen.
« Vous avez voulu que nous eussions une Cons- titution fondee sur la liberte et I'ordre public ; tons vos vceux, sire, seront accomplis : la liberty nous est assur6e, et noire z61e vous garantit I'or- dre public.
«Les gardes nationales de France jnrent & Votre Majesie une obeissauce qui tie counailra de borne que la loi, un amour qui n'aura de terrae que celui de notre vie.
LE ROI a reponcju :
« le rpQois avec beaucoup de sensibility les te- moignages d'amour et d'attachement que vous me donnez au nom des gardes nationales r6u- nies de toutes les parties de la France.
« Puisse le jour solennel, oi'i vous allez renou- veler en common votre serment & la Constitu- tion, voir disparaitre toutes dissensions, rame- er le calme et faire regner les lois et la liberte dans tout le royaume.
» Defenseurs de I'ordre public, amis des lois et de Ja liberty, songez que votre premier devoir est le maintien de I'ordre et la soumission aux lois; que le bienfait d'une Constitution libre doitdtre 6gal pour tous ; que, plus on est libre, plus graves sont les offenses portees a la li- berte, les actes de violence et de contrainte qui ne sont pag command6s par la loi.
« -Rediles & vos concitoyens que j'aurais voulu leur parler & tous, cornme je vous parle ici; redites-leur que leur roi est leur pere, leur fr6re, leur ami; qu'il ne peut £tre heureux que de leur bonheur, grand que de leur gloire, puissant que de leur liberte, riche que de leur prosperite, souffrant que de Ieurs maux.
« Faites surtout entendre les paroles ou plutdt les sentiments de mon cceur dans les humbles chaumieres et dans les reduits des inforlunes.
« Dites-leur que, si je ne puis me transporter avec vous dans Ieurs asiles, je veux y Stre par mou affection et par les lois protectrices du faible: veiller pour eux, vivre pour eux; mou- rir, s'il le faut, pour eux.
« Dites, enfin , aux diffGrentes provinces de mon royaume, que, plus tdt les circonstances me permeitront d'accomplir le vceu que j'ai forme de les visiter avec ma famiiie, plus tdt mon coeur sera content. »
de M. Gutynard de Saint-Priest, ministre et secretaire d'Etat, par La commune de Paris (1).
COMITE DES RECIIERCHES DE LA MUNICIPALITY
DE PARIS.
Arrêté du 9 juillet 1790.
Vu les declarations aites au comity les 24, 27, 31 mars et 18 juin 1790, les avis re?us de Tumi et de Nice, en date des 12, 23, 27 du m6me mois de mars et 19 avril, communiques au comite des recherches de l'Assemblee nationale ; le proces- verbal d'arrestation de M. Bonne-Savardin, fait le 31 avril par la municipalite du Pont-Beau- voisin, contenant vieite et examen de ses papiers et effels; l'information sommaire faite le len- demain par la meme municipalite; la lettre par efle adress^e, tant au comity des recherches de l'Assemblee nationale, qu'au present comite et a M. le commandant general de la garde nationale parisienne, pour leur faire part de ces diverses operations; les interrogatoires snbis devant le comite par M. Bonne-Savardin, les 21, 22, 23, 24 mai et 4 juin; la h ttre par lui ecrite de La Novaiese, le 24 mars; son livre de raison; une lettre a lui ecrite d'Anvers, par M. de Maille- bois, le jeudi 18 avril; plusieurs lettres a lui adressees par differentes personries, ou dont il s'est trouv6 porleur; et generalement toutes les pieces trouvees sur lui, ou deposees au comite : \u enfin le recit d'une conversation de M. Bonne- Savardin , ecrit par lui-meme et envoye a M. Maillebois d6cembre dernier.
Le comite mslruit, parces pieces et declarations, qu'un projet qui teuduit a attirer sur la France des armies etrangeres pour renverser I'ordre pu- blic que la Constitution etablit, avait £te congu par des personnes d'autant plus coupables, qu'elles out obtenu des grades et des honneurs au nom de 1'Ktai pour lemieux servir, par M. Des- maretsdeLMaillebois, lieutenant general des armies JTrangaises et chevalier de I'ordre du Saint-Esprit et M. Bonne-Savardin, ot'licier de cavalerie, che- valier de Saint-Louis;
Que l'un et l'autre ont offert leur projet et Ieurs services & M. d'Artois et a la Cour de Turin ; qu'a cet effet M. Bonne-Savardin a ete envoye et s'est rendu a ceue Cour, aux frais de M. Desmarest-Maillebois, pour y negocier l'exe- culion de ce projet; ce qu'il a fait autant que cela lui a He possible;
QueM. Bonne-Savardin a 6galement offert les services deM. Desmarest-Maillfbois contre la pa- trie a une personne designee entreeux par le nom de Farcy et que les pieces anno icent eire M. Gui- gnard de Saint-Priest, minislre et secretaire d'Etat; que celui-ci,loin de repousser ou de de- noncer aux tribunaux dca offres au^sicriminelles a favorablement accueilli M. Bonne-Savardin par des temoignages de bienveillance et par la com- municaiion d'autres projets non moins con- traires a la Constitution ;
Que M. Guignard de Saint-Priest n'a cesse de t£moigner sa liaine et son mGpris pour l'Assem- blee nationale, et les lois decret£es par el le, acceptees par le roi, tandis que le premier devoir d'un ministre est de les laire executer et res- pecter.
Le comite,apr6s en avoir plusieurs foisconler6 avec les membres du comite des recherches de l'Assemblee nationale, estime queM. le procureur- syndic de la municipalite de Paris, doit, en verm des crimes ci-dessus menlionnes, circonstances et d6pendances, denoucer aussi comme prevenus
desdits crimes, M. Yves-Marie Desmarest de Maille- bois, lieutenant general des armees fran^aises et chevalier de I'ordre du Saint-Esprit; M. Ber- trand Bonne-Savardin, officier de cavalerie et chevalier de Saint-Louis; et M. Frangois-Emma- nuel Guignard de Saint-Priest, ministre et secre- taire d'Etat, ieurs fauteurs, complices et adhe- rents.
Signi : Agier, Perron, Oudart, J.-Pu. Garran, J.-P. Brissot.
Procès-verbal de la cérémonie de la Fédération (1), du
L'Assemblee nationale s'est r6unie au lieu ordinaire de ses seances a neuf heures : tous les membres ayant pris Ieurs places, M. le president a annonce que M. le maire de Paris avait fait pr6venir que la colonne de I'armee federative etait eu marche pour se rendre au Champ-de- Mars, et que les ofticiers municipaux viendraient cbercber l'Assemblee nationale, quand les troupes et le cortege seraient vis-i-vis du Pont-tournant, a la partie de cette colonne, au milieu de la- quelle les representants de la nation devaieut se placer.
II a propose i l'Assemblee, au lieu d'attendre la municipalite de Paris daus la salle de ses seances, de se rendre dans la graode allee des Tuileries, pour suspendre moins long temps la marche de l'armee. L'Assemblee ayant agree cette inesure, elle a arrete que ses membres mar- cheraient quatre de front et sur deux lignes, ayant a leur t&te le President, suivi des secre- taires, et precedes des iiuissiers de l'Assemblee nationale.
M. le President a annonce I'ordre du jour pour deinain, et fixe l'ouverture de la seance une heure plus tard que les autres jours.
A dix heures, un aide-de-camp du commandant general de la Federation, sous les ordres du roi, est venu avertir l'Assemblee nationale que la colonne passait devant les Feuillants, et serait bientdt au Pont-tournant.
Alors I Assemidee s est noise ea marche et s'est rendue, dans I'ordre convenu, par la grandealiee des Tuileries, pr^s du grand bassin.
Un ai le-de-camp du commandant, sous les ordres du roi, s'est rendu aupres de M. le Presi- dent, et lui a (lit qu'il etait euvoye pour Tester pres de lui, recevoir et I'aire executer ses ordres.
Peu apriis le coinmandant lui-mfime est venu avertir M. le President de l'arriv6e de la colonne de l'armee, et enliu la municipalite, ayant M. le maire de I'aris & sa tSte, est venue inviter l'As- semblee nationale a se rendre a la place qui lui etait destinee.
Elle s'est mise en marche, pr6c6dee de la mu- nicipalite, et s'est placee au milieu de deux rangs des drapeaux des soixante districts de Paris, et des detachements qui en avaient la garde.
La colonne alors a repris sa marche pour se rendre au Gbamp-de-Mars.
Des salves d'artillerie r6p6teps ont annonce l'ar- rivee de l'armee et de l'Assemblee nationale au pont sur bateaux, construit en face du Champ-de- Mars. Au bruit de ces salves et aux acclamations d'un peuple immense, l'Assemblee nationale a traverse le Champ-de-Mars pour aller occuper les places qui lui etaient deslinees.
Un escalier, conslruit en face de l'Autel de la patrie, a conduit & ces places. Elles etaient.en amphitheatre sous une galeric adossfie aux biti- rnents de l'Ecole militaire.
Au milieu de cette galerie, on avait etabli une plate-forme sur laquelle etait place au milieu, pour le roi, le fauteuil du trOne, couvert de velours violet, sem6 de ileurs de lis d'or, avec. nn carreau pareil.
Pour M. le President de l'Assemblee nationale a la meme hauteur, sur la ineme ligneet a trois pieds ii la droite du roi, un autre fauteuil cou- vert de velours bleu azur, seme aussi de fleurs de lis d'or, avec un carreau semblable.
A la gauche deSa Majeste, Si pareille distance, sur la m6mc hauteur, et sur la meme limine, etaient des tabourets qui joignaient les banquettes dres- sees pour les deputes. Ces tabourets ont ete occupes par les secretaires et autres membres de l'Assemblee nationale, de maniere que le roi etait place au milieu d'eux tous, sans aucun interme- diaire, et sous le meme pavilion.
Derriere le President etaient quatre huissiers de l'Assemblee nationale, revetus de ieurs deco- rations, et les quatre autres etaient en avant sur les premieres marches.
Le roi avait seuleraent avec lui deux huissiers de sa chambre avec Ieurs masses, places devant avec les huissiers de 1'Assetnblee, et quelques autres ofliciers de sa maison, debout sur les pre- mieres marches, ou derriere Sa Majeste.
Un balcon, place en arri6re du roi et de l'As- semblee nationale, etait occupe par la reine, M. le dauphin et la famille royale.
Les troupes des leder^s des departements et les troupes de ligne se sont rangees sous les ban- nieres qui leur avaient etc donnees par la muni- cipalite de Paris.
A trois heures, lorsqu'elles ont et6 placees, le roi est arrive par l'interieur de 1'Ecole militaire, et s'est place au bruit des salves d'artillerie, des cris r epctcs de Vive le roi! et des plus touchants temoignages d'amour.
Les bannieres des departements et celles des troupes de ligne out 516 port6es autounle l'Autel de la patric, ou M. i'ev^que d'Autun, olliciant, les a benites, apr6s avoir celebre la messe. El les ont 6t6 rapport6es ensuite au centre de chaque division ues l'6der6s et des troupes de ligne, a qui elles etaient destinies.
Alors M. de La Fayette 6iant venu prendre les ordres du roi, et Sa Majeste lui ayant remis la I'ormule du serment decrete par l'Assemblee na- tionale pour les troupes de la federation, il s'est rendu k l'Autel de la patrie, et a prononce, au nom de tous les federes qui ont joint Ieurs voix k la sienne, Ieurs promesses a ses promesses, le serment qui unit les Frangais entre eux et les Fran^ais 5. leur roi pour defendre la liberie, la Constitution et les lois, en ces termes :
« Nous jurons d'etre a jamais lideles & la na- tion, a la loi et au roi;
«De maiuteuir de tout notre pouvoir la Consti- tution decretee par l'Assemblee nationale, et acceptee par le roi; «De proteger, conformementauxlois,lasiarete des personnes et des proprietes;
« La circulation des grains etsubsistances dans l'inl«rieur du royaume;
« La perception des contributions publiques sous quelques formes qu'elles existent;
«De di tneurer unis a lous les Frangais, par les liens indissolubles de la fralernite.»
Des salves nouvellcs d'artillene et les crisrepe- t6s de Vive le roi! Vive la nation! le cliquetisdes armes, les fanfares de la musique guerrifere out annonce ce moment; et le peuple nombreux, Mimoin de i'engagement pris par les feder6s, s'est uni a eux par ses acclamations.
M. de La Fayette est remonte auprfis du roi et de M. le President; et il a ete convenu qu'on ferait indiquer par un signal parti de I'Aiuel de la patrie, et qui pCit eire vu egalement des batte- ries de canon et de l'Assemblee nationale, le mo- merit du serment qu'elle devait prononcer.
A I'instant du signal, M. le President de l'As- semblee nationale deboul, ainsi que tous les represeutants de la nalion, a prononce le serment decrete, le 4 fevrier dernier, en ces termes :
« Je jure d'etre lidele a la nation, a la loi et au roi, et|de maintenir de tout mon pouvoir la Cons- titution decretee par l'Assemblee nationale et acceptee par le roi. »
Le bruit du canou et les mSmes acclamations ont accotnpagne ce second serment.
Enfin, le roi s'est leve et a prononce,debout et a tr6s haute voix,le serment decrete par l'Assem- blee nationale et accepte par lui, en ces termes :
« Moi, roi des Frangais, je jure d'employer tout le pouvoir qui m'estdeiegue par la lot cons- titutionnelle de i'Etat, a maintenir la Constitu- tion decretee par l'Assemblee nationale et acceptee par rnoi, et a faire executer les lois. »
C'est au milieu a un silence proiouu ei reugieux que l'Assemblee nationale et le peuple frangais ont regu le serment de leur roi.
Quand Sa Majeste en a eu prononc.6 les derniers mois, des acclamations universelles ont edat£; les cris de Vive le roi! repet6s d'un bout du Charnp- de-Mars a I'autre, par l'Assemblee nationale, par les I'ed§r6s et par le peuple, out ratilie l'au- gusle et sainte alliance qui veuait de se former.
On a chante ensuite le Te Deurn au bruit de la musique et de l'artillerie; et lorsqu'il a ete fini, le roi s'est retire au milieu des memes acclama- tions qui avaient accompagne son entree.
L'Assemblee uationale, dans le meme ordre et au milieu du meme cortege qui I'avait accompa- gtme en venant, est retournee au lieu ordinaire de ses seances ou clle s'est sepaiee.
Signé : G. F. de BoNiNAY, president; Pierre de Delley, Populus, Hobespiebbe, Uupont (de iNe- uiours), Carat aine, Ueu.naud (de Saint-Jean- d'Angely), secretaires.
Seance du
La seance est ouverte a onze heures du matin.
en ouvrant cette seance, se
Un de MM. les secretaires va donner lecture a 1'Assemblde d'un procfes-verbal qui lui apprendra comment ce drapeau se trouve transports dans la salle de l'Assemblee natio- nale.
PROCES-VEKBAL.
« Le quatorze juillet mil sept cent quatre-vingt- dix, aprSs la cerSmonie de la federation, M. de La Fayette a propose a plusieurs ollicierset soldats veterans deputes de l'armee a ladiie federation, qui entouraient l'orillamme, d'aller diner an cha- teau de la Muetle, et d'y deposer, pendant ce temps, l'oriflamme qui devait etre ensaite rap- portee a Paris; les ofliciers et soldats veterans se sont conformes pouctuellement a cet ordre. Us ont depose, pendant le diner, l'orillamme dans un appartement du chateau de la Muette, qu'on leur a dit etre la chambre du roi.
« AprSs le diner, ils se sont reunis au nombre de vingt-neuf, savoir : MM. JDupeyrat, capitaine- comniahdant du regiment de Lonti-inl'anterie; Le Bas, capitaine de grenadiers au regimen l. de gar- nison du roi; Mivelon, capilaine audit regiment; Gonstantin, capilaine en second au regiment de Boulonnais; Deb is, lieutenant en premier au re- giment de Saintonge; Gb;ipelelle, commandant au regiment d'Augoumois; Lavfcrand, lieutenant de grenadiers au regiment de Rohan; Pausat, lieutenant de grenadiers au regiment royal Comtois; Maquin, lieutenant de chasseurs au re- giment des Trois-EvSches; de Chambiuu, lieute- nant des grenadiers rbvaux; Desauders, sergi-nt; Lorin, caporal; Michel, caporai au regiment de Saiutonge ; Leroy, sergeat au regiment de Beau- jolais; Bequin, fceryent-raajor au regiment de Chartres ; Beans6jour, appointe; liessan, appoints au regiment d'Angoumois; Belleroze, caporal de grenadiers; La Roze, caporal au regiment de Na- varre; Crepet, appoints ; Bapon, chasseur au re- giment de Rohan; L'Orange, caporal de chasseurs au regiment de Gonti; Letoille, sergent; La Ro- chelle, caporal; Montalier, musicienau regiment royal Comtois; Brissac, marecha! des logis des chasseurs de Bretagne; Le Vasseur, caporal au re- giment d'Angouleme; de Benezet, capitaine au corps du genie; Antoine Poncet, lieutenant-colo- nel, aide-marechal general des logis des arin6es Franchises.
« lis onl prid qu'on leur ouvrit la chambre dans laquelle 6iait renfermee l'orillamme, qu'ils ont rapportee a Paris dansle plus grand ordre.
« A neuf heures et demie du soir, ils ont ren- contre sur laterrasse des Feuillants M. Dubuisson de Blainville, lieutenant-colonel commandant du bataillon de garnison d'Auxerrois, depute sup- pliant a l'Assemblee nationale et depute des trou- pes provinciales a la confederation; ils l'ont en- gage a prendre le eommandement du detuche- nienl, pendant que M. Antoine Poucet, qui avait apporte l'oriflamme de la Muette, est allechez M. dt La Fayette avec un chasseur de la garde na- tionale pansienne, pour lui demander un ordre, afln de faire ouvrir la salle de l'Assemblee na- tionale, et d'y placer l'dtiflainme que le detache- ment se proposait de garder justfu'i ce qu'il e&t regu les ordres de l'Assemblee.
« M. de Blainville a aecepte cet hoiiueur avec la plus vive reconnaissance, et s'est place, avcc le detacherflfent et l'oriflamme, dans le vestibule de la sallede l'Assemblee nationale, en attendant les ordres que M. Poncet devait apporter de la part de M. de La Fayette.
« M. Poncet n'a pas trouve M. de La Fayette; mais il a rapporte une lettre de M. de LaColombe, aide-major general de la garde nationale pari- sienne, (|ui priait le commandant de la garde de l'Assetnblee de faire ouvrir la salie pour v rece- voir l'oriflamme et le detachement des officiers et soldats veterans; en consequence, l'oriflamme a ete deposee pres le fauteuil de M. le presi- dent.
« M. de Blainville, croyatlt que douze hommes, avec uri capitaine, un lieutenant el lui, suffisaient pour cette garde, a propose aux dix-sept braves veterans de se reduire in douze, et aux cinq plus fatigues d'aller s; coucber; aurun d'etix n'y a couseuti, et tous otlt Voulu parlager I'bonneur de garder le depOt prdcieux qui etait entre Ieurs mains.
« Le 15 juillet, M. de Saint-Priest, porte-cor- nelte blancbe de France, qui etait revenu a Paris, le 14, apre-; la ceremonie, par ordre de ML de La Fayette, est arrive a neuf betil'es du matin & la salle de l'Assemblee nationale; l'oriflamme lui a ete remise, elaiit toujours gardee par le meme detachement.
« Signi : Dupeyrat, capitaine-commandant de Conty et de la garde nationale de Golombey ; Le Bus, capilaine des grenadiers du rf'giinent de garnison du roi, de garde-oriflainme; A. Poncet; Pausal, du regiment royal Com- tois, sous-lieutenant de garde-onflamme; Laverand, lieutenant de grenadiers au regi- ment de Hohan; iNivelon, capitaine du regi- ment degarnisou du roi; Desauders; Brissac; Letdllle; Montay; Uubuisson de Blaiuville; Leroy.
« A Paris, le 15 juillet 1790.»
Plusieurs membres dcmandent l'impression de ce proems-verbal.
L'Assembl6e d6cr6(e qu'il sera insure en entier dans le proc6s-verbal de la seance de ce jour.
Elle vole ensuite, par acclamation, etles bon- neurs de la seance, et des reraerciernents pour le zele si religieux, si patriotique et si digne du caraclere frangais qu'ont ffiontrfi, a. ia garde de ce drapeau, les vingt-neuf guerriefs qui y sont nommfis.
Je prie l'Assembl6e de de- cider en quel lieu doit thre depose le drapeau que les grenadiers qui le gardent ont qualifie d'ori- flamme de Varmee franpaise.
L'ol'itlamme doit dtre d6posee chez le roi; e'est le cbefslipr6me du pouvoir exefiutif, et e'est a ce tiire que la garde lui en doit etre confiee.
Plusieurs membres font remarquer que 1'Assem- ble est encore pen no.nbreuse et demandent ue la discussion sur cet objet soit ajournee a eux heures.
Cette motion est adoptee.
demande et obtient un cong6 pour aller aux eaux d'Aix-la-Chapelle.
J'ai regu de M- le premier mmistre des linances une ietire dont je donne lecture a 1'A^semblee (1).
Paris, ce 15 juillet 1790.
« Monsieur le President,
« J'ai reg.u, il v a quelques jours, les informa- tioas relatives au tableau general ties reprises du Tresor public. M. DufreStie, accable de travail par la n6cessite ou il est de vaquer au courant des affaires et d'achevjr le compte j^n^al des finan- ces du ler mai 1789 au lor mai 1790, m'avait prie de revoir ces difl'erentes notices et de prescrire la m6thode et les divisions que 1'ordru ixigeait. Il m'aviiit encore demand^ d'v joindre les expli- cations que je croyais convenables et d'iudiquer les nouveaux renseignemeuts qu'il etait neces- saire de rassembler. J'avais commence ce travail au milieu de tant d'autres qui me conimaudeut egalement, lorsque j'ai eu ronnaissance, avant- hier, du decret de I'Assemblee nationale concer- nant la remise des etats de reprise du Tresor pu- blic dans la jotirn6e rafime de ce decret. 11 n'est auctfn onlre qui puisse conterer la faculty de faire dans un temps dop.ng plus que ce temps ne comporte. Gependant, pour r6 pond re au voeu de I'Assemblee, je suis parvenu, dans les moments que j'ai eu de libres de jour et de nuit, a former avec. m6thode une division de toutes les parlies du Tresor public eu cinq tableaux distinctifs; j'ai fait ajouter a la bale quelquCs observations ne- cessnires, mais je n'ai pu ni les etendre, ni revoir les pieces primiiives; ni recueillir les eclaircis- sements propres a m'assurer si dans plusieurs tableaux, compost en grande partie d'articles anciens et contentieux, il n'y a point quelques omissions ou quelques inexactitudes. J'enveirai done ces titbleaux au comit6 des pensions dans I'^tat d'imperfeclion auquel I'Assemblee nationale par sou decret a jour lixe m'oblige de me sou- mettre; mais la fete patriolique d'hier n'ayant pas permis de retenir dans les bureaux aucun coramis, on ne pourra travailler qu'aujourd'hui aux copies, et le tout sera remis demain.
« Je vous prie, Monsieur le President, de com- inuniquer cetie lettre a I'Assemblee nationale.
«J'ai 1'lionneur d'etre, etc.
« Signe : Negkek. »
L'Assemblee ordonne le renvoi de la lettre de M. Necker et do l'etat des reprises, au cornite des pensions.
(de Sain t-J a an-d' Angily), secre- taire, donne lecture du procfes-verbal de la seance du 12 juillet au matin.
évêque du Mans,
dernande la parole sur la redaction du deciel touchant les economats et fait une motion pour que I'Assemblee autorise l'econome sequestre des biens ecclesiastiques a payer, comme par le pass^, les pensions accordees a de pauvres ec- clesiastiques sur les fonds des economats.
Le prdopinantne conlestepas 1'exactitude du proces-verbal; je den:ande done qu'il soit adoptC. Quant i sa motion, je propose de la renvoyer au comile des pensions.
(Cette proposition est adoptee.)
(Le proc6s-verbal est ensuite adopte.)
au nom 'la comite de mendicity, presfente i'etat ac- tuel de la legislation du royaume, relativement aux hdpitaux et a la niendiciti, les buses de re- partition des seconrs dans les departements, dis— Iricts et municipalities et le resultat des visites faites dans les hopitaux, hospices et maisons de cliarite de Paris.
J'observe qu'il a dejct ete rendu un decret sur la mendicite ft Paris, qu'il devait etre execute ians la linitaine de sa publication et qu'il est resl6 lettre morte.
La municipalit6 de Paris, rnalgre lout sou zele, n'a pu uiettre le decret a execution jusqu'ci ce jour, pourtant, on doit lui tenir compic lie sa bonne volonte et l'oo peut s'apercevoir qu'il y a beaucoup moins de pauvres dans la ville, puisqu'ou en a beaucoup renvoye.
L'Asserabl(5e, apr£s avoir applaudi aux expli- cations fournies par M. de La Rochefoucauld- Liancourt, renouvelle son decret du 12 juin der- nier qui onlonue l'impression de tous les rap- ports du cornite de mendicité.
(Voy. p. 99 le texte de trois rapports annexes a la seance de ce jour.)
présente a I'Assemblee un ou- vrage sur I'entretiea general des chemins que M. Vente, ing6uieur, I'un des administrateurs du d6partement de 1'Aiu, a lu à une asseinblee de ce departemeiit, et que cette assemblee a deiibere d'adresser a I'Assemblee nationale, comme ren- fermant des vues utiles.
L'Assembl6e renvois les observations deM. Vente a ses comites reunis des finances, du commerce etde l'agriculture.
minislre de la guerre, annonce a M. le President que les ofticiers uiuni- cipaux de Schelestadt, luandes a la barre, sont arrives a Paris.
L'Assemblee d«5cidc qu'elie lesenlendra samedi a la seance du soir.
fait part a I'Assemblee des notes suivante- de M. le garde des sceaux sur les d6crets sanctionnes par le roi, et sur les ex- peditions en parcheinin, deposees aux archives de I'Assemblee nationale.
Le roi a donue sa sanction:
1° Au decret de I'Assemblee nationale du 8 de ce mois, qui autorise les ofticiers inuuicipaux de. la commune de Saiut-Porquier a imposer, en addition de r6le, la somme de 800 livres ;
2° Et au d6cret ciu meme jour, qui autorise les ofticiers municipaux de la ville de Louviers a imposer la soinuie dc 20,000 livres, en quatre ans, sur tousceuxqui payent au-dessus de 8 li- vres de toutes impositions directes et indirectes.
Signi: + I'Archeveque de HohdeaUx.
Paris, le 15 juillet 1790.
Expeditions en parchemin, pour dtre diposdes dans les archives de I' Assemblie nationale.
1° D'une proclamation surle decret du 28 juin, rendu a l'occasion des reclamations faites par la municipalite et la garde nationale de Marchien- nes relativement ft des abatis et ventes de bois;
2° D'une proclamation sur le decret du prettier de ce mois, qui, en declarant que le decret du 30
mai sera execute suivant sa forme et teneur, in- vite les ofticiers muniripaux de la ville de Mont- brison a continui r leurs fonctions; 3° Et d'une proclamation sur le decret du 9, relatif a la Federation g6n6rale du 14, au rang de I'Assemblee acette ceremonie, et a la formule du sermect du roi.
Paris, le 15 juiilet 1790.
M. de Noailles, depute de Nemours, demande ii presenter un projet de di- et et sur I'armee.
L'Assemblec decide que M. de Noailles sera entendu.)
Le comity militaire, pour ter- miner complement son travail, a besoin de Im- plication d'un nouveau principe. Par le decret du 28 fevrier, sur la marine, vous avez decide que le droit de statuer sur le nomhre d'ofiiciers qui doivent composer le corps de la marine appar- tient aux 16cislaieurs; et par,celui du 28 juin, vous avez decrete que la solde des dit'lerents grades de l'arm6e vous apparlenait; je demande qu'eu expliquant ces deux decrets, I'Assemblee nationals consacre le principe, qu'au Corps 16gis- laiif appartient le droit de tixer le nombre d'indi- vidus de chaque grade qui composeront l'armee. Voici, en consequence, le projet de decret que je vais vous soumettre :
« L'Assemblee nationale, expliquant ses decrets du 28 fevrier et du 28 juin, decrete qu'il appar- tient au pouvoir legislatif de fixer le nombre d'individus de chaque grade, et qui doivent com- poser les troupes nationales et les troupes de ligne. »
Je ne connais pas le service de la marine; mais j'entends un peu le service de terre. Si I'Assemblee nationale decide que e'est i elie a lixer le nombre d'individus de chaque grade, elie decreterait 1'organisation en- tiere de i'arm6e; ce qu'elle a declare elle-meme n'etre point de son ressort. Si elie declare qu'il doit y avoir tant de colonels, tant de capitaines, e'est comme si elie disait qu'il doit y avoir tant de regiments, tant de compagnies.
Le preopinant est dans l'er- reur; il s'agit d'un principe, et il faut le poser.
Si vous d^cretez le principe, il faut necessairement decreter les consequences; par la, vous ne donuez qu'un etat pr6caire aux uiililaires; aujourd'hui, je suis capitaiue; demain, je ne suis plus rien.
Je demande qu'on parle snccessi- vement pour, sur el contre; ou suivra par ce moyen la discussion; ceia vaudra inieux que de parler tous a la i'ois sur le mfme objet sans nous entendre.
Gomme nous ne sommes point au fait de la question, je demande que M. le rap- porteur veuille bien r6pondre aux objections qui lui out. et6 faites. II y a, je suppose, aujourd'hui, 80 legiments; di'inuin, vous decider* z qu'il n'yen aura plus que 60; voila done 20 colonels sans 6tat, et par consequent la totalite peut s'inquiiHer de sa situation.
Puisque je suis interpell6, je dirai que la motion que je fais n'a d'autre but
que d'emp6cher que ces changements qui ont fait la desolation de 1'armee ne puissent avoir lieu d^sormais : jamais le. sort de 1'armee nesera certain, si ce n'esl pas la nation qui I'assure. Si I'interSt public exige une rcforme, la nation ne la fera jamais sans rficompenser ceux qu'elle supprimera. II ne faut pas que la fantaisie d'un ministre puisse cr6er ou supprimer un corps. II faut que le miiitaire qui embrasse cette car rife re ait la conliance qu'il parviendra aux grades; que le sous-lieutenant soit sur de devenir lieutenant, capitaine, colonel, et ainsi de suite. II faut pour cela que vous conuaissiez la proportion relative des grades; s'il en 5tait autrement, un ministre pourrait faire un regiment ou il n'y aurait que des colonels. (11 s'dleve des murmures.) Cect est dans l'ordre des clioses possibles : nous sommes entour^s d'anciens mililaires, peut-6tre ^cartes des grades par la faveur et l'intrigue; voulez- vous leur soumettre ce plan? j'y consens. Je re- clame seulement ce principe : « que la nation seule a le droit de fixer la proportion, tant des soldats que des ofticiers de 1'armee frangaise. » (On applaudit dans une grande parlie de la salle et dans toutes les tribunes.)
A en-tendre le preopinant, ou pourrait croireque I'As- semblee ne s'est pas encore occupee de soustraire les militaires de lout grade a I'arbitraire minis- teriel; il faut done rappeler qu'il v a deja quatre mois que nous avons porte un decret formel sur ce point. L'Assembiee a rempli, avec la plus scrupuleuse exactitude, le devoir qu'elle s'etait impose de ne donner qu'au merite les differents grades militaires. On vous propose aujourd'liui de decretcr qu'aux legislatures appartieut le droit de iixer le nombre d'olficiers dont sera compos6e 1'armee; il faut pour cela une discussion lougue et s6rieuse; ne perdons pas de vue la division si importanle des pouvoirs. On dit que I'Assemblee I'a deja decr6ie pour 1'armtie navale;je ne vois pas trop quel est sou rapport avec les troupes de ligne. Vous avez decr6t6 que le ministre vous presenterait un plan; il est necessaire que vous le conriaissiez et que vous I'ayez approfomli, avant de prendre aucune deliberation. En conse- quence, je demande que la motion de M. Noailles soit ajournee.
II est temps que I'As- semblee prorionce sur cette matiere. Le premier plan du ministre etait compose de facon qu'en reformant 26,000 hommes, on conserverait tous les etats-majors; et dans un moment ou il est si necessaire de mainteuir la bonne intelligence, on supprimerait un nombre infici de bas-ofliciers. Le cornite s'en est tenu aux bases dCcretees par I'Assemblee : onditquececi est du ressort du pouvoir executii'; si cela est, nous pouvons adop- ter, meme sansle connaitre, le plan du ministre de la guerre. II en doit 6tre tout autrement, si I'Assemblee se rappelle qu'elle s'est reserve l'or- ganisatiori de 1'armee. Vous connaitrez le travail du ministre, puisque vous en avez ordonne I'im- pression : on m> peut plus vous le sousiraire; mais le cornite milituire demande que vous expli- quiez votre decret, parce qu'au bout de six mois de travail, ce ministre vient de mander au comite qu'il etait charge de ['organisation de 1'armee, ei qu'il ne-devait compte de son travail qu'i I'Assemblee. Ce que je dis la est prouve par le fait. Le ministre a mande au prfevdt des mar6- chaussees que 1'intention du roi etait de suppri-
mer les sous-lieutenants : voici un fait dont je peux deposer les pieces sur le bureau. 11 est de l'int3r6t de la nation d'orgauiser I'arm^e d'aprus les principes les plus sages. Get interfit est-il le mfime dans le pouvoir executif? Je reponds que je ne le crois pas. J'appuie done la motion de M. de Noailles, et je dt-mande qu'il soil pertnis au comit6 militaire d'examiner le plan du ministre, ou bieu il faut an&mtir les precedents decrets.
On ne pent rien statuer avant de connaitrc le plan du ministre. J'appuie ma motion sur la prudence et sur la sagesse de vos precedents decrets. Vous ne voulez point empifeier sur les droits du pouvoir exftcutif. Je sais bien que ce n'est pas un moyen d'obtenir de la faveur duns cette As>emblee, que de placer sur la meme ligne la nation et les ministre?. Je dirai qu'il s'agit ici d'une partie intfegrante du pouvoir constituant; car on ne peut rien faire sans le roi. J'entends toujours dire, la nation a interet de faire telle chose, done cela est du ressort du Corps legislatif: mauvais raisonnement. Vous mettez ainsi entre vos mains tous les pouvoirs. Nous venons de jurer solennellement ae main- tenir la Constitution ; je serai fidfele a mon ser- ment: je ne soul'frirai pas qu'on y porte atteinte, eu conl'ondant les pouvoirs qui doivent 6tre scares. J'appuie la demande qui a ete faite de 1'ajournement.
aîné.
Vous avez deerete un
mode d'avancement qui assure aux anciens mili- taires un traitement honorable, qui ne les mette point a la merci de I'intrigue el de la faveur. Ce principe a eu I'approbatiou de toute 1'armee; et ce n'est pas Ia-dea3us qu'il y u des inconvenient®. On nous propose de porter un decret qui mette obstacle aux changements de l'arm6e : il s'agit de savoir si, par ce d6cret, on y reussit; pour moi, je ne le crois pas. La meille'ure constitution estcelleoii les pouvoirs sont distincts et separes: il s'agit de savoir auquel appartient la question que nous agitons aujourd'hui. II est deja decrete qu'a I'Assemblee nationale appartient de fixer le nombre d hommes qui doivent composer 1'armfee, et la solde qu'ils doivent avoir: ce ui neste n'est plus que le detail. Par exemple, quelques-uns pretendent que les regiments d'inlanterie doivent 6tre composes de qnatre bataillons, et ceux de cavalerie de six escadrons; d'autres en veulent moins: voiIS. le point de la rlifliculte. II faut loujours que, le ministre presente a I'Assemblee un plan d'organisation de 1'armee; et lorsqn'il aura eteadopte, on pourra decreter qu'il n'y sera fait aucun rhangement sans le conscntemeut du Corps legislatif. Pour resumer en deux mots toule mon opinion, je pense que l'exameu du plan du ministre ne nous regarde que sous les rapports economiques et constitutiounels, et non sous les rapports militaires.
Si cede proposition
est adoptee, je n'y demande qu'un seul amende- ment; e'est que M. Necker suit charge du rela- blissement des finances,et M. legarde des sceaux de 1'organisation de l'ordre judictaire.
Si nous d6cretions le projet propo-e, nous produirions l'abus enorrae des va- riations que 1'erait chaque l&jislalure; il vaut mieux ajourner la question aciuelle jusqu'au rap- port de 1'orgauisation de 1'armee el dGcreter eu- suile quecette organisations sera pas cliaugge.
L'Assemble doit s'occuper de
l'organisation de 1'armee. Dfesque 1'armee sera or- ganis6e, elie la remettra aux mains du pouvoir executil' et, par consequent, elie ne s'appropriera aucune portion de ce pouvoir, puisqu'au roi ap- partienura ensuite la faculle de mettre les troupes eu mouvement etd'exercer surelles I'autorite qui lui a 6te transmise. J'aioute que si vous ecartiez le projet de M. de Noailles, 1'armee frangaise se trouverait soumise de nouveau ft I'ancien regime, puisque le ministre deviendrait dispeusateur de 1'augmentation de solde dont on se propose de gratitier les militaires,etpourraits'enservircomme d'un inoyen de corruption.
Je partage I'avis de M. de Sé-
rent, car si I'on doit decider qu'il ne sera point fait de cbaugement dans I'ordre militaire, sans le cousentement du pouvoir legislatif, e'est une raison de ne pas adopter aveugleinent le plan pro- pose par le ministre. Je conclus a I'ajournement.
Je me borne ft une simple obser vation; e'est que decider le nombre des ofticiers, e'est decider le nombre des bataillons ; e'est vou- loir trancher une grosse question qui n'a pas ete etudiee.
On nous propose d'adopter un plan que nous ne connaissons pas; on veut nous faire juger comme des aveugles. Le roi a l'inten- tion derendretous les Frangais lieureux; laissons- le faire, cela le regarde : nous, nous dirons: Nous ne voulons donnerque peu d'argent; ! il ne vous en appartient pas davautage.
Quelques opinants
sont partages pour savoir s'll appartient a I'Assem- blee de determiner la proportion qui doit compo- ser la hierarchic des differents grades de 1'armee : lorsque I'Assemblee adecr6t6 qu'aux legislatures seules appartenait le droil de tixer les appointe- inents de chaque grade, les regies d'admission et de promotion, elie a designe les objetsdesa com- petence. II n'y aaucun risque a attribuer au pou- voir executif "le droit de lixer le nombre d'indi- vidus de chaque grade; il ne peut, dans aucun cas, dCsirer une mauvaise constitution militaire, et quand rnSme il voudrait tourner contre la na- tion la force dont il est depositaire, il serait tou- jours de son interet d'avoirune armee bien cons- titu6e. II ne faut pas cumuler tout le poids & l'extremite du levier qui doit mainteuir l'equilibre politique; I'Assemblee,en s'arrogeantdespouvoirs qui ne lui aiipartiendraient pas, elfraierait par un nouveau genre de despotisme nou moins redou- table que celui que nous avons renverse.
Je croyais tous les membres d'ae- cord surle fond; mais je vois, par la manure dont on veut poser la question, qu'il est possible qu'on ne s'entende pas. II semble que quelques-uns vou- draient attribuer au roi le droit d'organiser 1'ar- mee, presque exclusivement : on n'a pas sans doute intention d'Oter au pouvoir 16gislatif son influence legitime; et cependaut on le propose assez formellement: le roi a toujours le droil de sanctionner ou de ne pas sanctionner, e'est Ift 0C1 se borne son pouvoir, e'est lace qui le rend par- tie integrante du pouvoir legislatif.
Jedemande qu'on fasse une
seconde lecture du projet de decret. (On faitcette lecture.) Je demande actuellement a M. de Noatl-
les si e'est au nom dli comite railitaire qu'ii pro- pose ce projet tie decret.
J'ai deji dit quee'etait eu mou propre nom.
En ce cas, j'en demande le renvoi au comite militaire.
Si I'Assemblee renvoyait au comite militaire, elie lui feruit perdre du temps inutilemenl. Rile doit bien voir que si j'ai fait cetie motion, e'est que les membres du comite n'6taient pas d'accord entre eux.
J'ajouterai peu de
chose aux observations qui out ete faites sur cette question; je dirai seuiement que I'article est im- plicitement renferme dans les decrets que vous avez adoptes sur cette mature. Vous avez d6crete qu'aux legislatures appartenait le droit de lixer le nombre d'hommes qui doivent composer 1'ar- mee, la solde des grades, etc. Je soutiens que ce n'est que lorsque I'Assemblee aura deer ete la pro- portion de 1'armee, qu'elle pourra prorioucer sur cet objet. II est necessaire que le comite fasse le devis de Parnate, aprfes avoir examine le> frontie- res : on determine, par exemple, qu'il faut 150 mille hommes. Pour les solder, il faut determiner combien il yen a dans chaque grade. Les soldats coOteht moins que les ofticiers; on ne peut done presenter des bases sans connaitre parfaitement ces details. Je demaride que la proposition de M. de Noailles soil adoptee.
Pour Cclairer la dis-
cussion, jo demande que la dernitre leltre du rninistreaii president du comite uiilitaire soitlue dans I'Assemblee.
Je propose de d6creter la
voie d'e,lection pour les differents grades de 1'armee.
Je demande que cette ques-
tion el range re au sujet en discussion soil ren- voyee ft d'autres temps.
La motion de M. de Noailles est
au moins premaluive; je me joins aux pr£opi- nants qui eu ont demande l'ajournement.
consulte I'Assemblee qui prououce I'ajournemeiit a lundi.
L'Asseniblee ,a decide que la discussion serait reprise d deux heures sur la ques lion de savoir ou sera deposee I'orijlamme trans- port de dans la salle.
Puisque l'on donnele nom
d'oriflamme a l'etendard qui nous est apporte, j'ai pense qu'un r6cit historiijue trfes court sur cette bannifere nationale, suflirait pour indiquer l'endroit ou il doit etre place. Ce t'ut des Gaulois que les Romains apprirent ft multiplier les dra- peaux. Sous la premiere race de nos rois, ils et&ient deposes dans les temples, et, pour le dire en passant, e'est de lit que vient I'origine des grands I'eudataires. Chaque chevalier etait pro- pose a la garde d'un drapeau, et avait a sa solde 8 ecuvers et 32 soldats. L'orillamuie etait d'une i etoffe blanchc; il ne faut pas la conl'ondre avec la banniero de France, qui etait d'une etoffe bleue
ou violette, semee do fleurs de lis. Le roi fiago- b -rt fit benir les drapeaux sur le tombeau de saint Martin, et e'est dans cette eglise que fut d'abord deposSe roriflamme. Elie fut easuite transferee a Saint-Denis. Le cointe de Vexin avait seul le droit de la porter. Depuis Louis-le-fJros jusqu'ft Charles VII, les rois n'ont jamais combattu sans avoir au- paravant regu I'oriflamme. On pretend qu'a la hataille deRosbach, I'oriflamme disparnt. Le vrai est qu'elle I'ut e levee au pillage de i'abbave de Saint-Denis par les Anglais. Si vous la considered comme un monument reljgieus, elie doit etre conservee dans le temple du Seigneur; si vous la regardez comme I'eteudard de 1'armee par excel- lence, le foi est le seul a lu garde duqucl ellc doit etre conliee. Sou> aucuu rapport, un trophee militaire ne peut etre con fie au Corps legislatif; nousue devons done pas liesiter dedecreter qu'elle sera portee en triomphe cliez le roi.
J'appuie la motion du pr6opinaut, et jecrois en cela remplir le voeu de tous les braves militaires qui nous entourent.
LahanniSreaponr devise le tbot Constitution; e'est I'enseigne de la liberie franjaise; e'est done au Corps legislatif qu'elle doit, appartenir. Je demande qu'elle soit deposee dans les archives de I'Assemblee.
appuie cette motion.
On voit ecrit sur un ëôté
de la banniere ce mot : Constitution, et sur 1'au- tre ceux-ci: Annie franchise; le roi en est le chef. Je demande done qu'elle soit deposee Chez le roi, et que 20 ou 30 hommes soient pr6poses a sa garde.
Le drapeau que vous voyez n'est in une bauoi&re religieuse, ni une banni£re militaire; e'est le monument d'une epoque que nous n'oublierons jamais. La commune de Paris a annonce son intention de vous en faire bom- mage: I'itiscrip'ion qu'elle vaplacC-e: Confedera- tion nationale ilu 14 juillet 1790, cotisacre ce vceu d'une fagOU fornielle : ce drapeau ne peut 6tre place ailleurs que dans cette salle oil il rappellera aux legislatures suivantes le serment que nods avons prete. .I'ajoute, pour r^pondre il plusieurs des preopinanis, qu'il y a plus de 400 ans qu'il n'y a plus d'oril'lamme.
Je fais done la motion expresseque cette ban- niere soit suspendue a la voute de la salle de I'As- semblee nationale.
Je regarde ce drapeau commel'em- biemequi rappelle aux troupes qu'elles sont sou- mises aux deux pouvoirs, et qu elles ne peuveot le deployer sans leur intervention inutuelle. (On demande a aller aux voix.)
La priorite est accordee a la motion de M. Le Chapelier, et I'Assemblee decrSte que I'eteudard donn6 par la commune de Paris uux veterans representant 1'arm'e frangaise, sera suspendu a la voiite de I'Assemblee nationale.
La seance est levee a 4 heures.
Seance du
La stance est ouverte & six heures et demie du soir.
(de Nemours), secretaire,' donne lecture du proems-verbal de la seauce du mardi 13 juillet au sort.
La redaction en est adoptee.
secretaire, se dispose a don- ner lecture des adresses.
Je reclame l'ex£cution dn decret par lequel vous avez decide que,dans cette seance, vous ne vous occuperiez que du commerce de l'lnde.
depute de Bordeaux, remet a MM. les tresoriers des dons patriotiques quatre lettres de change sur Paris, montant a la somme de 2,899 liv. 10 sols, qui ont ete envoyees par la municipalite de Bordeaux pour l'acquittement d'un don patriotique fait par le regiment de la garde nationale de Saint-Remi.
L'Assembiee passe ft son ordre du jour qui est la suite de la discussion sur la liberie du commerce de l'lnde.
(2). Messieurs, trois seances con- sacrees ft la discussion de la question que vous allez decider, en ont presque epuise les details; et je me serais abstenu de vous soumrttre mon opinion, si elie ne differait de toutes celles qui vous ont ete proposes.
On vous a dit tout ce qui pouvait justifier et combattre i'avis de voire comite, sur lit determi- nation exclusive du port de Lorienl pourles retours de l'lnde.
Les grands priflcipeS du commerce, ses vrais inler^ts. vous ont ete developpes contradiloirement aux iuterets des urinateurs; et e'est unarmateur, un negotiant distingue, qui a rendu ceilioinmage ft I'intGrfit general.
Cependant, Messieurs, en adoptant les princi- pes de M. Uegouen, je combattrai quelques-unes de ses observations. Gonvaincu comme lui de la necessite de restreindre dans 1'intSrieur du royaume la consomination des marchandises de l'lnde, celle d'en favoriser la reexportation ne m'est pas moins demontree.
Avant d'arriver au dernier terme de mon opi- nion, j'abregerai pent-etre la discussion, en resu- mant succinclement les raisons qui vous ont ete presentees pour ctcontrel'etablissement d'un seul entrepot.
Gelui du retour libre dans tous les ports a ete princijpalement appuve sur les priucipes de
la liberie indeiinie qu'on fait resulter de votre pre- mier decret. Ainsi, les principes
generaux nous egarent quelquefois dans l'application qu'on en fait, et leurs consequences les
plus naiurelles en
Ainsi, l'bomme doil etre libre, e'est le voeu de i la nature; mais la loi vient ensuite determiner 1'usage de sa liberie, et la souverainete des droits naturels llechit sous lejoug des lois.
La libertfi du commerce ne peut done s'etendre d'une manure absolue, non seulement pour le commercedel'Inde, mais m6me pour aucunautre; et lorsqu'on vous cite la grande et sage maxime: Laissez faire, laissez; passer, comme la base de la prosperity commerciale, il f.iut I'entendre de tout ce qui augmente le travail, I'activite et Indus- trie nationales, et elie se concilie alors avecl'au- tre maxime, non moins raisorinable : Empechex,, fermez la porte a tout cc qui peut diminuer la subsistance et 16 salaire de vos ouvriers natio- naux,en diminuaut leur travail; car dix millions de Frangais n'ont pas d'autres ressources, et une jouruee perdue pour eux coiile 10 millions a 1'Etat.
Quelque seduisantes que puissent etre les theo- ries contrairesft celle-la,gardons-nousde les adop- ter, tantquelesconlributibns publiquesenleveront aux eitoyens plus d'une portion de leur superflu; la necessite d'une forte imposition dans les grands Etats de I'lHurope acree eel le des lois prohibitives, et e'est de la sugesse de leurs combinaisons que dependent les moyens de payer l'impdt, et les succes de I'industrie nationale.
Qu'avez-vous done enien lu, Messieurs, en eta- bli^sant la liberte du commerce de l'lnde?
vous avez dit:«11 existe un genre de tralic pre- judiciable & nos manufactures, mais que nous ne pouvous enticement proscrire; ce commerce procure des benefices de revente, de tret et de commission a ceux qui s'y livrent. Une compa- gnie eu a le inouopole; dfetruisons le monopole, et que tous les armateurs puissent participer a ces profits. » Voila I'espritde votre decret.—Mais vous avez dti vous reserver toutes les dispositions neces-aires pour limiter la consomation de* mar- chandises de llnde, qui sont en concurrence avec celles de vos fabriques.
lei Ton affecte de confondre les int6r6ts dufisc avec ceux don tils represenhMit la garde, les int6- rets des manufactures ; etl'on vous dit, av*cune sorle de reproche : « Pourriez-vous bien saerifier a la crainte de perdre une portion miserable de la recetle du iisc, les avantages incalculables d'une libre industries qui foiinent souls le Tresor national ? »
J'ai rtfpondu & cette objection, et je ne la re- produis sous une nouvelle forme que pour mon- trer qu'elle n'aurait pas inGme besoin de r6- ponse.
Mais il n'est pas inutile de vous rappeler qu'une des plus savantes operations de Colbert, ceilequi contribua le plus a la restanration du commerce, iut son tarif des droits de traite, et que, sous cette apparence fiscale qu'aprfcs lui luvidit$ et Ignorance du gouvernement ont quelquefois rea- lisee, oil y retrouve des precautions importantes en faveur de toutes nos fabriques, etin£me pour la saute publique, dans la combinaison des droits sur l'entrtfe des drogues ir&iicinales.
On vous a dit aus*i, Messieurs, en revenant sur votre premier decret, eten le mettant en contra- diction avec celui que vous propose le comite :
Fallait-il done remplacer un monopole par un autre? Vous avez detruit eeluL de la compagnie, et vous voulez le transporter au port de Lorient, tant il est facile d'abuserdes mots, et mfinie des principes.
Supposons, Messieurs, qu'une compagnie de commerce eut eu le privilege da 1'approvisionne- ment de Paris, vous auriez silrement detruit cet odieux monopole, mais non pas les barri£res; et les marcbands forains, libres de nous porter ici leurs marchandises, ne pourraient cependant les faire entrer que par les bureaux etablis pour en percevoir les droits.
Telle est, en dernier rSsultat, la question des retours de l'lnde. Vous devez incooteslablement en lixer les bureaux d'entrge, les multiplier le nioins possible, et cboisir ceux qui sont les plus favorables aux precautions dont vous avez re- connu la necessité.
On vous a dit, enlin, et cette objection a paru faire quelque sensation : Pourquoi obliger les navires de l'lnde S. ne d£sarmer que dans un seul port? Ne recevez-vous pasdans tous vos ports des navires de toutes les nations, qui portent des marchandises sujettes aux droits, m6me des marctaandises de l'lnde? et cette dernifire a 6t6 justement contestee. Mais on aurait pu ajouter : Nous recevons dans tous nos ports les navires Strangers, parce qu'ils n'y viennent pas seule- ment pour vendre, mais aussi pour acheter; et que s'ils nous portent les productions de leur pays, its sechargentaussi des ndtres. 11 n'y a pas plus de justesse dans la couiparaison qu'on a voulu l'aire des denr6es des colonies qui arrivent librement dans tous les ports, aux marchandises de l'lnde; comme si nos terres produisaient aussi le sucre, le caf6, I'iudigo : tandis que nos manu- factures produisent des loiles peiutes, des etoffes de soie, des toilesdecoton.des porcclaines.
C'est relativement au commerce des colonies, si fructueux pour le royaume, que la fraude du droit n'est qu'un vol fait au lisc. Mais la conlre- bandedes marchandises de l'lnde est un double delit, dont le moindre est envers le fisc, et le plus grave envers le fabricant, envers nos ouvriers qu'elle reduit a la charite publique. Messieurs, on nepeut trop vous le dire, toute contrebande, et m6me tout commerce qui, dans la position ou nous sommes, attaquele iravailetla subs^tance des pauvres, est un crime public, el je pense qu'au moment oii nous rfeunissons dans cette enceinte les deputes de toutes les parties du royaume, ils appuient par leurs vceux la cause que je plaide, qui est celle de I'industrieet drs besoms du pauvre, contre les speculations ou les fautaisies des riches. Je dis plus, Messieurs, peut- fitre touchons-nous au moment oil un grand exemple de patriolisme devieudra uecessaire, ou le sentiment seul, plus puissant que la loi, doit nous creer des ressources qu'il serait dangereux de prescrire en ordonnant i tous les citoyeiis de n'employera leur usage que les etoffes de fabri- que naiionale.
Je ne compterai pas au nombre des raisons de- cisives, pour limiter la liberte des retours, ce qu'on vous a dit en faveur de Lorient, qu'il etait utile aux vendeurs et aux acheteurs d'avoir un rendez-vous cotnmun, indique dans un seul en- trepfit. Outre que cette consideration a ete em- ployee dans un sens inverse pour appuyer le systeme contraire, je suis bien convaincu qu'il n'appartient point aux legislateursde se meier des convenances particulieros du vendeurou de l'a- cbeteur; mais il appartient a la loi de prononcer
ce qui est plus utile ft la chose publique ; et e'est sous ce rapport qu'il est sage d'ordonner des ventes publiques des marchandises de l'lnde ft epoque tixe, parce qu'il n'existe pus d'autre moyen d eu faire percevoir exactement les droits, et que de cette exactitude depend le salut de nos ma- nufactures.
Mais aux considerations qui nous ont et6 pre- sentees en favour de Lorient, on pouvait enajou- ter deux d'une haute importance.
Ce n'est pas seulement le port le plus siir, le plus facile a garderdans I'Ocean, comme t ntre- pOtdes marchandises de l'lnde ct leplus commo- ddmenl distribuG pour les recevoir; e'est aussi le seul port, la seule ville situtfe sur les c.6tes de l'Oc6an, dont les habitants, les ouvriers, les pro- prietaires n'ont d'autre industrie que celle rela- tive au commerce de l'lnde; et tandis que nos autres ports ont une existence independante de ce trafic, etqu'ils ne perdent rien de leur activite ordinaire en n'y prenant aucune part, Lorient perdrait tout en cessantd'en 6tre 1'entrepot. Si le devoir special dn gouvernement est deconserver a chaque individu, a chaque partie de PEmpire, une mcsure proportionnelle de moyens et de res- sources, de balancer les forces el la protection qui les conserve, de fixer enfin une partie des profits d'un commerce, desavanlageux dans ses rapports, la ou ils peuvent etre le plus utile; el si vous faites attention que Lorient est devenu un arsenal de marine, un de nos chantiers prin- cipaux, que le service de la tlotte y fixe neces- sairement beaucoup d'ouvriersqu'on ne peut oc- cuper au service public dans tous les temps de l'arin6e, vous concevrez que, si le commerce de l'lnde cessait de lenr fournir un aliment, ils re- tomberaient a la charge du Tr6sor public, comme dans les autres arsenaux oh il est indispensable d'entretenir, pendant une partie de 1'annGe, un quart et un tiers d'ouvriers de plus qu'il ne serait necessaire aux travaux ordonnes.
Cetle premiere consideration se presente done en iaveur de Lorient, sous les rapports do la jus- tice et de l'6eonomie.
11 en est une seconde plus relative a la politi- que et aux interSts commerciaux.
Geux qui ont quelque connaissance des affaires de l'lnde, de la situation de la compagnie an- glaise et de ses employes, savent que le transport eu Europe deleur3 capitaux est ce qui lesoccupe le plus, et que, pour les sousiraire a I'inspection de commettants, ainsi qu'a la perception des droits, et aussi par la difliculte d'obtenir du fret sur les vaisseaux de la compagnie, ils preferent les ndtres.
Mais ce qui determine cetle preference est la certitude et la faculte de faire surveiller ieurs in- terns dans un entrepflt lixeou lis ontdescorres pondants habituels. Ce genre de negotiation est d'un grand avantage pour nos armateurs, en ce qu'il facilite leurs achats, complete Ieurs char- gemeuts et leur assure m£me du cr6dit dans les comploirs anglais ; mais toutes ces combinaisons cessent du moment oil les d6sarmements pour- raient avoir lieu indifferemment dans tous les ports, parce que les habitudes et la sftrete des correspondants ne seraient plus les monies.
Je pense, Messieurs, avoir etabli la necessity d'un entrepot fixe et in'.ariable sur les c6tes de I'Ocean, pour I'importation des marchandises de l'lnde. Mais est-il juste, est-il indispensable d'en eiablir un autre sur les cOtesde la Mediterranee, el aprfcs avoir insiste sur le danger d'ouvrir un libre acc£sdans le royaume aux marchandises de
l'Inde, les partisans d'un entrepôt exclusif ne seraient- ils pas fondés à m'opposer mes propres observations ? Je ne le crois pas, Car nous sommes parfaitement d'accord sur les principes; je les adopte tous, et comme celui de favoriser la réexportation à l'étranger ne m'est point contesté, il ne s'agit que de rétablir les faits et de les constater pour démontrer l'utilité évidente d'un entrepôt pour la Méditerranée.
M. Begouen est, de tous les préopinants, celui qui a le plus positivement assuré que les armateurs de Marseille qui s'étaient livrés au commerce de l'Inde, sous des pavillons étrangers, ne produisaient aucune trace de spéculations et d'expéditions pour l'Italie et pour le Levant; que leurs cargaisons avaient passé presque en entier en Ostende, et M. Begouen a raison ; mais je vais détruire tout à l'heure les inductions qu'il en tire. Il ajoute que les Turcs ne consomment que des mousselines communes que les Anglais leur fournissent; qu'ainsi, les spéculations à faire parnos armateurs, sur les réexportations dans le Levant, ne méritent aucune considération; et qu'en dernière analyse, les marchandises de l'Inde importées par la Méditerranée comme par l'Océan, sont, dans la presque totalité, consommées dans le royaume.
Sur le premier point, M. Begouen se trompe dans les conséquences qu'il en tire, et, sur le second, il y a erreur dans les faits; car de grandes connaissances et les vues les plus pures ne mettent pas à l'abri d'une erreur.
Revenons au principe convenu de la nécessité d'encourager la réexportation des marchandises de l'Inde, et de rendre ainsi profitable à l'Etat un commerce qui, sans cette condition, ne peut être que préjudiciable.
Je dis que le seul débouché extérieur que nous puissions nous approprier, est par la Méditerranée, dans le Levant et en Italie ; car les compagnies anglaises, hollandaises et danoises suffisent à l'approvisionnement du nord, et nous ne pourrions y trouver place. L'Espagne et le Portugal ont un commerce direct dans l'Inde; ainsi, les seuls marchés où nous pouvons pénétrer se trouvent nécessairement circonscrits dans l'Italie et le Levant. Nous en avons été exclus jusqu'à présent ; pourquoi cela? parce que nous n'avions qu'un seul entrepôt, et qu'il était à.Lorient; parce que la compagnie de Trieste et les armateurs d'Ostende ont profité de nos fautes; parce que l'expédition d'une cargaison de l'Inde ne peut se faire à la fois pour un seul port, un seul marché d'Italie, mais se distribue nécessairement dans plusieurs; ainsi donc, nos navires expédiés de Marseille pour l'Italie, pour les échelles du Levant, n'ayant jamais pu prendre, dans le port de leur armement, une partie de chargement en marchandises de l'Inde, auraient consommé au delà des bénéfices de cette spéculation, par les frais d'une relâche à Livourne ou à Nice, ou par les assurances et le frêt à payer aux caboteurs italiens, qui les leur auraient portées. Cette espèce de fourniture a donc été abandonnée forcément aux Anglais, aux Danois, aux Hollandais, ou à la compagnie de Trieste. Mais aussitôt que les armateurs provençaux pourront faire entrer des marchandises de l'Inde dans l'assortiment de leurs cargaisons pour l'Italie et le Levant, ils auront, sur les étrangers, l'avantage de la proximité, celui d'une navigation directe, et ils auront enfin cet objet d'échange de plus à offrir aux bâtiments italiens qui trafiquent dans leurs ports.
Quant aux consommations que font les Turcs
des marchandises du Levant, il s'en faut bien qu'elles se bornent aux mousselines communes, les mousselines fines, les mazulipatan, les circaca, les nankins, les toiles de coton, les étoffes de soie, les épiceries, le salpêtre, les perles, les porcelaines peuvent être importés avec succès dans le Levant comme en Italie, et l'on est loin de calculer l'extension dont serait susceptible le commerce, soit par les caravanes, si nous avions une navigation protégée du golfe Persique à Suez ; car la régence d'Egypte peut facilement assurer le transport de Suez au grand Caire.
Un dernier motif de fixer sur les côtes de la Méditerranée une partie de nos relations dans l'Inde, a été développé par M. de Mirabeau ; c'est l'avantage d'y ouvrir un nouveau débouché à nos manufactures de drap de Languedoc; et comme il serait déraisonnable de forcer au retour de la Méditerranée, les bâtiments armés pour l'Inde dans l'Océan, il serait tout aussi injuste et dispendieux d'obliger ceux de la Méditerranée à aller désarmer dans un port de l'Océan.
Ainsi, l'intérêt général qui limite la liberté des retours, détermine deux entrepôts, et je dirais avec M. de Mirabeau, que les temps indiquent Marseille, si l'on n'avait insisté aussi fortement sur l'inconvénient des ports francs pour le commerce. La seule observation qui m'ait frappé, c'est la facilité de faire entrer dans le royaume, comme marchandises du Levant, celles de l'Inde, et d'éluder ainsi l'augmentation des droits imposés sur celles-ci, qui est de 30 0/0.
Je m'arrête alors aux mêmes considérations qui m'ont décidé en faveur de Lorient. Je cherche quel est le port, depuis Vendres jusqu'à Antibes, qui se trouve en état de recevoir les plus gros vaisseaux, et le plus facilement isolé de toutes les ruses de la contrebande.
Quel est celui où il est le plus intéressant de fixer et d'entretenir un grand nombre d'ouvriers pour le service public, de manière à ce qu'ils ne lui soient pas à charge quand ils ne lui sont pas nécessaires : Toulon, Messieurs, remplit seul toutes ces conditions. Ses fortifications sont un obstacle de plus que dans tous les autres ports aux entreprises de contrebande. La beauté et la sûreté de sa rade, les postes qui la défendent, les chantiers qui la terminent, semblent avoir placé le plus magnifique asile des navigateurs à côté de toutes les ressources qui leur sont nécessaires, et la multitude d'ouvriers que l'Etat entretient, mais qu'il né peut toujours occuper utilement, attend un accroissement d'aisance de l'activité du commerce, que d'autres avantages concentrent à Marseille. D'après ces considérations, je conclus que les retours et désarmements des bâtiments expédiés pour l'Iode, ne pourront avoir lieu qu'à Lorient et à Toulon.
Plusieurs membres : Aux voix! Aux voix!
aîné. Puisque le bienheureux cri aux voix se fait déjà entendre, je dois demander la parole pour relever des faits d'une telle inexactitude, que je suis tombé dans un grand étonnement, en entendant, à une des précédentes séances, un grand négociant les exposer.
député de Carcassonne. Dans les diverses questions relatives au commerce, vous avez écouté favorablement le voeu des manufactures du royaume : celles du Languedoc, importantes par la nature de leur fabrication, particulièrement consacrées au commerce extérieur et
à la consummation de l'lnde et du Levant, m'ont charge de solliciter de FAsseinblee nationale la liberie du retour de l'lnde dans les ports de la Mediterrannee, et leur demande doit contrebalan- cer avec avantage les reclamations partielles et isolees de quelques marchands, accapareurs de toiles des Indes, qui sollicitenl un dep6t unique.
C'est au nom de soixante manufactures et de cent mille ouvriers que je preuds la parole pour appuyer les considerations imporlanles qui vous out etepresentees par MM. deMirabeau, Sinetty et d'Andre.et je vous repiHerai qu'en pronongant, en faveur du portde Lorient, l'entrepdt exclusif des marchandises des Indes, vous consacreriez de nouveau, et contre vos principes, un privilege exclusif de ce commerce en faveur d'une com- pagnie ou de quelques individus; c'est la que vous amkne le projet trfes inconstitutionnel de votre comite, qui, an lieu de vous ofirir une loi provisoire en faveur de la liberie, vous la de- mande en faveur d'une exclusion. La liberie que vous avez eu I'iptention daccordera ce commerce important serait illusoire pour les ports meri- dionaux, puisque vous rompriez I'equilibre des intents respectifs des armateurs, puisque les avautages de la localile et de 1'exclusion favorise- raient -ans cesse un nombre de negotiants, au prejudice de ceuxqui, a une trop grande distance de rentrepftt unique, seraieut constamment con- traries, dfcourages; qui, froisses entre la multi- plication des frais el des inconvenients, ne pou- vantplus lutter avec, succfes contre des concurrents favorises de tous les avantages locaux, renonce- raicnt necessain ment ft un commerce que vous ayez eu cependant 1'intention el la volonte de rendre libre, etauquel vous avez voulu que tous les Frangais pussent participer sans obstacle comme sans preference.
Le comite d'agriculture eB de commerce vous a prOsente, comme une consideration tre= impor- tant, la I'aculte des assortimeols des marchan- dises de l'lnde, cumuleesdans unseul port. Cette consideration, je la combats par une autre bieu plus inten-ssante au commerce. Quels sont les consomipateurs des marchandises des Indes? Les plus interessants a la post6ritedu commerce sont sans doute les fabricants imprimeurs, les pego- ciants charges d'achats pour l'ltalie, l'Espagne, la Suisse et le Levant, et les consommateurs detail- lants qui offrent les mousselines des Indes aux besoins du luxe interieur. Tous les divers consom- mateurs ou commission naires n'achetent qu'aufur et a mesure des demandes qui leur son! I'aites, ou au moment de leur consommaticn. Faudra-t-il que de tous les poiuts du royaume ils aillent se pour- voir a Lorient, a grands t'rais, devorer leur com- mission ou leur benefice, a chaque instant qu'ils recevront rips or drat de I'etrangcr, on qn'ils seront necessites 4 renouveler leur assortiment? Non, ils seront forces de sepoui voir chez les puissaqts speculateurs, chez les ambitieux accapareurs qui achetent en masse des cargaisons entieres; et c'est la que je vois se reproduire cette fatale aristocratie des riches negotiants qui, attirantft eux tous les avanlages du commerce, ne lajsseut a l'industrie generale des negotiants oumarcbauds du royaume les moins opulents, que les epis epars dans un champ que les plus riches ont deja moissonne.
Alors le pacotilleur, le commissjoiuiaire aclict lit de la secondemain, a un prix plus eleve, ne pour- ront plus soutenir dans les inarches etrangers la concurrence de nos voisins. Et c'est un des plus grandg reproches fails a Ja conipagnie des Indes, que maitresse exclusive des marchandises ef des
prix, elie a entrain^ la chute de notre commerce en toiles peintes, parce que le surhaussement des prix a eioigne les consommateijrs etran- gers.
Co grand inconvenient disparaltra lorsque plu- sieurs ports du royaume ol'friront aux sp6cula- teurs, aux commissionnaires, aux fabricanis im- primeurs plusieurs entrepots. Me craign^z-vous pas que ce commerce, deveuu exclusif pour les armateurs de Lorient, par les avantages de leur entrepdt, ne fasse revivre, sous le r^gne de la liberie, une compagnie exclusive, qui, abusant, comme celle que vous avez detruite, du privilege de I'entrepOt, fasse du commerce de I'lndn un commerce interlope et frauduleux, en n'offranta votre consommation que des toib s et mousseli- nes acbetees dans les ports d'Angleterre? Get inconvenient, vous n'avez pas a le craindre, lors- que vous mettrez deux ou trois entrepots en con- currence. Une consideration bien plus impor- tante se presente en faveur de notre agriculture et de nos manufactures, et c'est celle qui, en ren- dant interessant le commerce de l'lnde par les ports de la Mediterran5e, leur doit m6riter tous les encouragements et surtout celui des entrepots. Lorsque la compagnie des Indes, dans les six annees de son existence, a fait son commerce avec des piastre* ou des ecus de France, et n'a i-xporte que 700 pieces de draperies sous pavil- ion neutre, les negotiants de la Meliterranee ont expedie 13,000 pieces achetees dans les fabriques du Languedoc, indeneiidamment des huiles, savons, eaux-de-vie, vins et coraux qui ont forme le tiers de la valeur de leur carguison. Le nego- tiant de la Medilerranee, au centre de toutes les productions terriloriujes ou manufacturieres qu'il faiturriver dans son bord sans 1'rais de transport, leur donnera loujours la preference ft en faire la base de ses cargaisons, lorsque 1'armateur de Lorient, trop eioigne des mfimes productions, sui- vra l'babitude routini^re de la compagnie, et| n'exportera que des piastres ou des ecus. J'ai entendu invoquer, en faveur de I'entrepAt unique, l'int£r6t du fisc,
Independamment dece que les grands interns d'mie nation commergante ne doivent pas etre gouvernes par des ularmes et des craintes frivqles sur la production de droits ausst minutieux, a-t-on demonlre que la surveillance des preposes sera plus rigoureuse ft Lorient que les autres ports du royaume? Navons-nous pas la preqve des infidelites commises dans les ports, surl'eva- luatiou arbitraire des marchandises anglaises, dout le droit lix6 par le traite, ft 12 0/0, n'ea produisait que 4 au Tr6sor royal? Ge ne sera pas sous le regue de la liberie, sous I'heureuse iuflueuce de 1'esprit public, que nous aurons a craindre que les negotiants de nos ports se livrent ft la basse et sordide eupidite qui, dans les temps d'oppression, provoquait une criminelle contre- bande. Des Frangais lies desormajs ft |a chose pubbque par un meme intercH, I'iionoreront de Ieurs vertus morales et politiques; et si vous avez encore a craindre et a prevenir la contre- baiule, arr6tez-la par la loi sacree du serment. Vous 1'exigcz du magistrat, du soldat, ues ol'li-r ciers civils et militaires, de tous les citoyens, puurquoi ne l'exigericz-vous pas du negociant? Pourquoi ne condamueriez-vous pas lencgociaut inlidele ft 1'bumiliante privation du dioil de citoyen actif? Tous les citoyens jurent lidelite ft la loi; et quelle loi plus saci6e que celle de I'iuipdt, puisque c'est sHf elie que reppse piQr priete de la nation"/ Je eonclus a ce que les re-
tours de l'Inde puissent être faits dans les ports de l'Océan et de la Méditerranée.
Il est nécessaire de vous présenter une observation préliminaire. Le préopinant vous a annoncé qu'il parlait au nom de 60 manufactures. Ce sont des manufactures de drap; dès lors leurs réclamations sont de peu d'influence dans la question, puisque les marchandises fabriquées par elles n'entrent point en concurrence avec celles qui viennent de l'Inde,
Quoique la discussion soit ouverte sur l'entier rapport qui vous a été présenté par le comité d'agriculture et de commerce, tous les honorables membres qui ont déjà parlé sur cette importante question, ayant fixé votre attention sur l'article 4, c'est sur ce même article que je me permets de vous présenter quelques réflexions.
Quoique négociant, je vous déclare que je n'ai aucun intérêt particulier à ce que les retours de l'Inde se fassent plutôt dans tel port que dans tel autre. Ainsi, aucune impression étrangère ne peut me faire oublier l'intérêt général. Un des préopinants (M. de Mirabeau) vous a dit que le commerce de l'Inde ayant été déclaré libre pour tous les Français, restreindre les retours de l'Inde à un seul port, ce serait révoquer votre décret, et que par conséquent il n'y avait pas lieu à délibérer. Je lui répondrai qu'en déclarant le commerce de l'Inde libre, vous avez prononcé sur la demande de toutes les chambres du commerce du royaume; que cette demande n'a jamais eu pour objet que d'obtenir anciennement du gouvernement, et à présent de l'Assemblée nationale, la suppression du privîlôge exclusif, accordé à une compagnie en 1785, et la faculté au commerce de jouir dé la même liberté dont il jouissait avant cette époque. Le commerce de l'Inde a été libre pour tous les Français depuis 1769 jusqu'en 1785. Les retours et les armements se sont faits au seul port de Lorient, et jamais les chambres de commerce n'ont réclamé contre cette disposition; elles sont trop éclairées sur les intérêts du commerce et sur ceux de l'Etat pour avoir gardé le silence, s'il eût été nécessaire d'avoir plusieurs ports aux retours de l'Inde, Le même préopinant a dit: Liberté et égalité, voilà nos principes. Je sens, comme lui, cette vérité, mais je ne pense pas, comme lui, qu'établir un régime pour le commerce de l'Inde, ce soit s'écarter de ces principas. La liberté et l'égalité consistent, suivant moi, à ce que nul particulier, nulle corporation, ne puissent jouir d'aucune faculté sociale qui ne serait pas commune à tous. En déclarant le commerce de l'Inde libre, vous avez donné à tous les Français la faculté d'armer pour l'Inde dans tous les* ports du royaume ; ainsi chaque armateur peut jouir du précieux avantage de composer sa cargaison des product i f s du sol qu'il habite, de celles de son industrie, et de diminuer, par là, l'exportation du numéraire. Ën l'obligeant, par de sages règlements, à faire ses retours dans le port qu'il vous plaira de fixer, vous lui conserverez l'égalité, et nulle concurrence que celle de mieux opérer, ne peut lui être opposée. Le même préopinant vous a dit aussi : Laissez faire, laissez passer; voilà le seul code raisonnable du commerce. S'il a entendu ne parler que du régime intérieur du royaume, je suis fort de son avis, et je vous dirai aveG lui : Laissez à l'agriculture, à l'industrie et au commerce, la liberté d'opérer sans gêne, et donnez aux productions du sol et à celui de l'industrie
une circulation franche et libre dans l'intérieur ? facilitez-en l'exportation au dehors, et voua eqri" richirez l'Etat. Mais s'il a voulu appliquer la maxime : laissez faire, laissez passer, à l'importation libre de l'étranger, des draperies, des soieries, des toiles, des vins et eaux-de-vie, je lui déclare que mon opinion est entièrement opposée à la sienne. Je ne crois pas même nécessaire d'en développer les motifs; ils seront suffisamment sentis par tous ceux qui voudront bien ne pas oublier ce que nous devons à l'agriculture et à ces milliers d'ouvriers, de tout âge, de tout sexe, que nos manufactures nourrissent, et que leur misère doit nqjis rendre encore plus chers. Plusieurs préopinants ont témoigné leur surprise de ce que le comité n'accorde pas aux retours de l'Inde les mêmes ports qui sont ouverts au commerce des colonies. A cette objection, qui m'a semblé faire une certaine impression sur l'Assemblée, je réponds que le commerce avec nos colonies est aussi avantageux que celui de l'Inde est nuisible.à l'Etat. Avec nos colonies, nous né faisons qu'un commerce d'échange j nous n'importons de nos colonies que des matières premières, nécessaires à nos manufactures, à nos teintures; nous n'en importons que des denrées que notre sol ne produit point; denrées nécessaires à noire consommation, dont l'habitude nous a fait un besoin, et sans lesquelles votre balance de commerce avec l'étranger gérait ruineuse. Le commerce des colonies est un commerce entre frères, un commerce de la,nation avec une partie de la nation ; peut-il être, sous aucun rapport, comparé à celui de l'Inde? Cependant, si nos retours de l'Inde n'étaient composés que d'épiceries, de drogueries, de thé, de coton et de soie en rame, je conviendrais que les armements des navires venant de l'Inde pourraient être faits dans tous les ports ouverts au commerce des colonies : mais comme la plus grande valeur de ces cargaisons consiste en objets de luxe manufacturés; que l'achat ne s'en fait qu'àveq du numéraire, et jamais en échange des marchandises de France, je pense que ce commerce est très onéreux à l'Etat.
Comment pournez-vous vous refuser à prendre toutes les précautions possibles pour diminuer un mal que vous ne pouvez éviter en entier? En attendant que nos manufactures encouragées se perfectionnent et remplacent celles de l'Inde, veillez à ce que les marchandises manufacturières de l'Inde n'entrent point dans le royaume sans avoir acquitté les droits auxquels vous croirez devoir les assujettir; autrement elles apporteront à vos manufactures une concurrence décourageante, et vous demeurerez toujours tributaires des Indiens ou des Anglais. Pour maintenir en faveur de nos manufactures de Lyon, du Languedoc, de Tqurs la prohibition des étoffes de soie de l'Jnde et de Chine; pour conserver à nos manufactures de toiles la préférence sur celle de l'Inde; pour assurer à l'Etat la perception des droits conservateurs de notre industrie, vous devez restreindre les retours de l'Inde à un ou deux seuls ports du royaume, les plus propres à cette perceptioq et à cette surveillance. C'est à des lois prohibitives, c'est à des droits sagement combinés que les Anglais doivent l'accroissement tt la perfection de leurs manufactures... Je finis par une réflexion que les propriétaires-cultivateurs ne doivent pas perdre de vue. La perception de l'impôt sur les objets de luxe doit être d'autant plus surveillée, que cet impôt n'est supporté que par l'homme aisé ; tout ce que l'impôt indirect
ne fournit pas aux besoins de l'Etat, doit être suppléé par l'impôt direct : celui-ci pèse beaucoup sur cette classe de citoyens la plus précieuse, les cultivateurs.
Vous l'avez si bien senti, que cette seule considération vous a arrêtés, lorsque vous dédiriez améliorer le sort du clergé titulaire. Je conclus à ce qu'il ne soit ouvert que deux ports aux retours et aux armements des navires venant de l'Inde savoir, sur l'Océan, celui de Lorient, comme le plus commode ; sUr la Méditerranée, celui de Cette, comme le plus central, et parce qu'il ne jouit pas des mêmes privilèges que celui de Marseille. Je pense aussi qu'ibconvient d'accorder à la ville de Marséille les retours qui se feront par les caravanes, par l'isthme de Suez et la mer Rouge. Si, contre mon attente, vous pouviez vous décider pour la liberté entière qui vous est sollicitée par quelques intéressés, je demanderais que l'Assemblée voulût bien s'occuper de l'établissement des ateliers de charité pour les malheureux ouvriers. (On demande avec instance que la discussion soit fermée.)
(M. de Mirabeau aîné demande la parole.).
M. de Mirabeau a déjà parlé dans la question : j'invoque le règlement, qui défend de parler deux fois sur le même objet, et je demande que la discussion soit fermée.
aîné. Il y a à peu près onze cents personnes qui n'ont pas encore parlé. En effet, il y a onze cents personnes qui ne sont pas prêtes ou qui ne connaissent pas assez la matière... (Il s'élève beaucoup de murmures). J'entends dire par là qu'il y a une grande différence entre plaider et juger : sans doute, tous les membres de cette Assemblée sont appelés à juger. (Il s'élève de nouveaux murmures). Je dis également appélés à juger et également capables de prononcer; mais je pense que tous ne prétendent sûrement pas être également capables d'exprimer les raisons de part et d'autre, sur une matière qui n'a Eoint été l'objet de leur méditation habituelle, a chaleur qui se répand dans l'Assemblée pourrait faire croire que j'ai manqué de respect à quelques-uns de ses membres; je n'en ai pas l'intention. Je voulais en venir seulement à observer que le règlement porte que, dans la même séance, un membre ne prendra pas deux fois la parole , sur le même objet, mais non qu'après avoir parlé sur cet objet dans une séance, il ne pourra pas Ïmrler encore dans une autre. Si l'intention de 'Assemblée est de déterminer aujourd'hui celte affaire, je pense qu'il doit m'être permis de relever les faits faux qui ont été allégués et qui pourraient influer sur la décision. Je pense donc que la parole ne peut m'être refusée, et je penserai ainsi jusqu'à ce que l'Assemblée en ait décidé autrement.
(M. Roederer demande la parole. — On s'oppose à ce qu'elle lui soit accordée.)
député de Nemours. Quoique je sois des onze cents que M. de Mirabeau a indiqués, je pense qu'il doit avoir la parole. A la dernière séance, après avoir entendu M. Begouen, il a élevé des doutes sur des faits importants; il est naturel qu'il réponde à ces faits. C'est sur la demande, appuyée par M. Roederer, que l'ajournement a été prononcé : il devrait être enteudu, même coutre le règlement.
On a demandé que ceux qui ont déjà parlé sur la question, ne fussent entendus entendus
due quand la liste serait épuisée; c'est sur cette demande que je dois consulter l'Assemblée.
J'ai parlé au nom du comité des impositions; j'ai demandé à parler encore en son nom. Le règlement porte que la même personne ne sera pas entendue deux fois sur le même objet dans la même séance, mais non dans plusieurs ; j'observe d'ailleurs que la discussion de cette affaire sort des règles ordinaires, puisqu'elle a été interrompue, et, pour ainsi dire, éparse sur plusieurs séances : il faut s'attacher à l'esprit plutôt qu'à la lettre du règlement; et sans doute cet esprit n'est paS qu'on De puisse reprendre la discussion sur une affaire dont on a pu oublier les principaux points. J'ajouterai encore que l'Assemblée est dans l'usage d'entendre le rapporteur à la lin des discussions: si l'Assemblée décrétait que la discussion doit être fermée, je réclamerais du moins une exception en fàveur du comité de commerce et d'agriculture et de celui des impositions.
(L'incident n'a pas de suite.)
On a prétendu que le sort des manufactures devait décider la question qui se trouve dès lors réduite à celle-ci : l'intérêt des manufactures exige-t-il que les retours se fassent à Lorient? Je ferai une -observation préalable. Rappelez-vous ce qu'on vous a dit, lorsque vous avez discuté la suppression de la compagnie des Indes. On demandait la liberté du commerce. Les mêmes personnes demandent aujourd'hui que les retours se fassent à Lorient Si elles demandaient la suppression du comfherce de l'Inde, je me joindrais à elles; elles sollicitent la liberté, pour qui ? Pour elles seules. On a voulu diviser les représentants de la nation en deux partis dans cette affaire. Moi, je ne suis d'aucun parti, parce que je n'ai aucun intérêt à tout cela. Mes parents, mes amis ne sont pas commerçants; je ne le suis pas non plus : je n'habite pas une ville maritime. Tâchons de raisonner entre nous paisiblement et sans passion. On vous a dit que c'était ici la cause des armateurs contre les manufactures, et l'on a présenté ce mot comme le mot de l'énigme. On s'est trompé; c'est la cause des anciens actionnaires de la compagnie des Indes, contre tous les commerçants du royaume... (Il s'élève quelques applaudissements et beaucoup de murmures); je vais le prouver : assurément, je ne l'ai pas deviné. On a publié, et l'on nous a distribué une feuille in-4°, dans laquelle il ^est dit que si nous adoptons l'opinion contraire aux retours à Lorient, nous ruinerons les actionnaires de la compagnie des Indes. En effet, cette compagnie ne pourra pas ruiner en quelques années tout le commerce de France, si l'avis du comité est décrété. Elle a en magasin, à Lorient, une grande quantité de marchandises qui n'ont pas payé de droits : elle pourra vendre ces marchandises moins cher que celles qui seront assujetties au nouveau tarif; et je demande si celui qui vendra moins cher les mêmes marchandises, tandis qu'un autre ne pourra pas les donner sans perte au même prix, ne ruinera pas celui-ci
Si le commerce de l'Inde est si nuisible aux manufactures, comment se fait-al qu'on ait placé ce lieu des retours' et des marchés si près de la Normandie et de la Bretagne où se trouvent les manufactures les plus nombreuses et les plus importantes du royaume? Les avantages des manur ' factures doivent être considérés sous plusieurs rap
ports : celui du numéraire et celui des ouvriers. Les départs de la Méditerranée se fonten draps, en savons,en eaux-de-vie; ceux de Lorient en piastres : ceux-ci dissipent donc le numéraire? Les autres favorisent donc les ouvriers par l'exportation des marchandises fabriquées ? Ainsi on perdra doublement; les ouvriers souffriront; le numéraire s'écoulera, et pour favoriser certaines manufactures, on en ruinera d'autres. Pourquoi, si les marchandises arrivent dans plusieurs ports, les manufactures souffriraient-elles? Pourquoi celles qui débarqueront à Lorient feraient-elles moins de tort aux manufactures que celles qui débarqueront à Bordeaux ?... (Plusieurs voix disent ; Il y aura plus de fraudes.) Je vous réponds qu'il n'y en aura pas davantage. Je ne vois pas qu'il soit plus difficile de garder deux ports qu'un. S'il faut un peu plus de soin,s'ensuit-il qu'il faille ruiner plusieurs provinces pour en favoriser exclusivement une» pour favoriser les restes de l'ancienne compagnie des Indes, pour favoriser le monopole? Je résume mon opinion :si les retours ne peuvent se faire que dans le port de Lorient, le résultat évident de vos efforts aura été de favoriser Lorient et de détruire dans tous les autres ports le commerce de l'Inde. Vous n'avez pas anéanti la fraude, on la fera toujours.
Vous savez que si les retours sont défendus en France, les étrangers peuvent y introduire les marchandises de l'Inde avec avantage. S'ils sont permis, cet avantage est conservé aux Français. Ainsi, par un décret inconstitutionnel,-la fraude serait manifestement forcée pour l'avantage unique des étrangers. Si l'on voulait favoriser les manufactures, il faudrait demander la prohibition du commerce de l'Inde : alors j'applaudirais à la bonne foi de ceux qui tiendraient un pareil langage; je ne verrais plus l'intérêt particulier: mais quand on demande Iaiiberté pour les uns et la prohibition pour les autres, je ne vois plus qu'un parti, et je m'oppose à ses efforts la Constitution à la main.
En voyant un député de l'ancienne province de Bretagne monter à la tribune, on va dire que, Breton, il vient réclamer des privilèges pour une ville de Bretagne. Si je croyais quil s'agît ici,d'un privilège, j'en présenterais avec assurance le sacrifice, certain, après l'acte de patriotisme qu'a fait la ville de Lorient en abandonnant la franchise de son port, qu'elle ne me désavouerait pas. Mais c'est un service public que les retours de l'Inde dans le port de Lorient, et non un privilège. On a démontré, d'un côté, que le commerce de l'Inde est véritablement funeste aux manufactures; de l'autre, qu'il est absolument impossible de le proscrire, parce que le luxe et les habitudes sont difficiles à éteindre. Défendre ce commerce, ce serait vouloir faire porter notre argent aux Anglais pour avoir des marchandises que nos armateurs peuvent nous procurer. Mettons à l'écart les produits du fisc : cette considération est d'une faible importance pour des législateurs, surtout quand on parle de privilèges.
Examinons l'intérêt des manufactures : cet intérêt exige un impôt sur les marchandises de l'Inde; cet impôt, s'il existe, doit être rigoureusement perçu : on fraude plus aisément en laissant passer par plusieurs portes, que par une seule... Le port de Lorient offre une surveillance plus facilé; ses magasins sont plus étendus; sa rade est sûre; les vaisseaux sont aperçus de très loin. Ne voyez pas la ville de Lorient ; cherchez
seulement le lieu le plus favorable pour diminuer le plus possible l'importation des marchandises de l'Inde. Si l'on ne met point d'obstacles à cette importation,Ces marchandises seront moins chères que les nôtres, nos manufactures seront dès lors anéanties, et vous aurez privé un peuple immense du travail qui le fait vivre. Forcer les retours dans un seul port, c'est le seul moyen d'arrêter l'importation trop considérable. Ce moyen a déjà été pris avec avantage, il séra plus avantageux encore avec le tarif que propose le comité. Quels seraient les ports, autres que Lorient, où pourraient se faire les retours? Serait-ce Marseille, Bordeaux? Mais je demande si, malgré 450 employés, les marchandises des colonies n'y passent pas en fraudant les droits? je demande si la fraude n'augmenterait pas à proportion de l'avantage plus considérable que l'on trouverait à l'introduction frauduleuse des marchandises de l'Inde; je demande si la fraude de ces marchandises ne serait pas plus facile?
J'atteste l'opinion des députés extraordinaires du commerce, qui demandent que dans le cas où les retours ne se feraient pas seulement à Lorient, ils ne se fassent pas dans les ports francs : j'atteste même un mémoire de M. Sinetti, dans lequel il indique assez qu'il est difficile d'empêcher la fraude à Marseille. Si l'on exclut deux choses, la question sera bientôt décidée. Les uns sont touchés de ce que Lorient est en Bretagne, on espère que la privation des retours des Indes affaiblira son patriotisme... (Il s'élève des murmures.) Les autres soutiennent uniquement la cause de Marseille, et voudraient lui procurer les retours de l'Inde, parce qu'ils obtiendraient la facilité de faire des fortunes très considérables parla fraude. Oublions Marseille et Lorient. Le préopinant a de mandé pourquoi les retours de l'Inde ruineraient davantage les manufactures, s'ils étaient faits plutôt dans tel port que dans tel autre? C'est un cercle vicieux. Si vous multipliez leè ports pour les retours, vous favoriserez davantage les fraudeurs. On ruinera, dit-on, certaines manufactures, pour en enrichir d'autres î mais celles dont on nous parle resteront dans l'état où elles sont, tandis que les autres seront absolument ruinées,; il n'y a nulle parité. Je ne conçois pas comment les manufactures qui fournissent pour les armements seraient ruinées; tous les ports pourront toujours armer. Mais les autres manufactures périraient si Ja fraude n'était pas arrêtée, Si l'importation n'était pas modérée. Le vœu presque général du commerce est sans doute une considération puissante. Un grand nombre de négociants, les députés extraordinaires du commerce, la plupart des places commerçantes, celle même de Bordeaux ont manifesté ce vœu; on a trouvé une lettre de la chambre du commerce de cette ville.
Je nie le fait.
J'observe à M. Nairac qu'on ne peut pas nier un fait sans attendre la connaissance des preuves sur lesquelles il doit être appuyé, et que d'ailleurs M. Nairac ne peut manifester le vœu de la ville de Bordeaux, puisqu'il n'est député que de la sénéchaussée.
M. Nairac est très certainement député de la ville de Bordeaux.
La lettre revêtue de ces signatures est entre les mains du comité d'agriculture, C'est une lettre de correspondance des
députés extraordinaires du commerce. D'ailleurs, Bordeaux ne fait pas la loi.
, rapporteur du comité de commerce et d'agriculture. Voici cette lettre, on m'a assuré que les signatures sont celles de la chambre du commerce de Bordeaux.
Je nie le fait encore.
Laissez-moi- achever, vous lirez ensuite la lettre»
J'ajoute que le comité ne propose qu'une décision provisoire ; depuis longtemps les retours s'y font dans un seul port : il serait imprudent de ne pas se donner le temps nécessaire pour prendre toutes les précautions qui paraîtront indispensables, après un long examen. Le commerce le désire, l'intérêt des manufactures le sollicite, un décret provisoire, contraire à l'état actuel, ruine' rait à l'instant les manufactures ; 11 est encore une considération faible, mais qui ne paraît pas absolument sans valeur. L'antiée dernière, des vaisseaux sont partis pour l'Inde, ils ne sauraient pas, la faculté donnée, s'armer dans tous les ports> il y aurait donc de l'inégalité entre les vaisseaux déjà partis et ceux qui partiraient. Je finis par des observations sur la proposition de concéder un port pour les retours dans la Méditerranée ; je ne vois,à cette concession, que l'avantage de quelques personnes qui habitent les provinces méridionales. Mais si ces provinces et celles de l'Océan veulent être considérées comme deux royaumes auxquels il faut accorder des avantages égaux, M. Begouen a indiqué un port qui n'est -pas franc comme Marseille, et qui paraîtrait plus convenable que Toulon. Ce port est celui de Cette. On dit qu'il ne présenterait pas assez de commodités pour les vaisseaux, mais on m'a assuré que ce reproche n'était pas fondé. Les Etats du Languedoc avaient déjà demandé que les retours de l'Inde pussent s'y faire. (On observe que ce sont les retours du Levant). Eh bien, il y aurait toujours assez d'eau pour les gros bâtiments. (On remarque encore que les bâtiments du Levant sont très petits, que ce sont des tartanes, et que des tartanes tirent peu d'eau.) Pour conserver des manufactures et maintenir la main-d'œuvre nationale, il faut assurer la perception des droits sur les marchandises de l'Inde; le seul moyen qu'on puisse employer pour y parvenir, c'est de concentrer les retours dans "un port. On nous effraye avec les mots, liberté, privilège exclusif, on nous met en présence _de la Constitution, on nous dit que la liberté consiste à ne pas nuire à autrui, je m'appuie de cette définition. 11 est nuisible au royaume de favoriser l'introduction des marchandises qui doivent payer des droits pour ne pas anéantir nos manufactures : vous qui prétendez que si les retours se font dans un lieu déterminé, la liberté est anéantie ; que si l'on établit des droits sur les marchandises, c'est gêner la liberté ; examinez la conséquence de4 vos principes. Assujettir les marchandises qui viennent du Levant à une quarantaine, c'est gêner la liberté; eh bien ! nous aurons la peste. Assujettir les marchandises qui viennent de l'Inde a des droits, c'est gêner la liberté : et bien ! nous n'aurons plus de manufactures. Détruire les manufactures, c'est porter un coup funeste à l'agriculture et au commerce; c'est détruire la main-d'œuvre de l'industrie, et cependant l'industrie est une des sources précieuses de la richesse nationale. Je demande que les retours de l'Inde se fassent dans un seul port.
commence la lecture de la lettre adressée, de bordeaux, aux députés extraordinaires du commerce.
Elle n'est pas revêtue des signatures que portent ordinairement celles de la chambre du commerce de cette ville, et a peut-être été écrite par quelques comités de commerce, qui se sont formés dans les circonstances présentes comme beaucoup d'autres sociétés particulières.
On dit que l'obligation des retours de l'Inde à Lorient est une injustice publique, que l'on ne saurait ouvrir trop de chemins à l'industrie, et que le commerce abandonné à lui-même prendra toujours la route qui lui conviendra davantage. On a eu raison de le dire. Gomment Lorient prétendrait-il conserver des droits abusifs, dans un moment où tous les Français ont renoncé à toute espèce de privilèges? Pourquoi îles retours de l'Inde ne se feraient-ils pas dans tous les ports, quand le premier de nos principes est que le comiherce et l'industrie ne peuvent s'accroître que par la liberté? Sous l'ancien régime, plusieurs raisons se présentèrent pour qu'il n'y eût qu'un seul port. Il n'y avait qu'une compagnie : le privilège avait été accordé à Lorient, parce que cette compagnie était là chez elle; parce qu'il fallait tout sacrifier à cette compagnie. Vous désirez qu'une liberté générale s'établisse, que toutes les nations n'en fassent qu'une pour le commerce : indiquer un seul port pour les retours, ne serait-ce pas le moyen de prohiber le commerce des Indes, qu'il faut conserver, comme je le prouverai ? Les retours doivent être libres dans tous les pays. Je l'établis par un raisonnement sans réplique. Ou les armateurs trouveront de l'avantage à désarmer fréquemment à Lorient, et. il faut s'en rapporter à eux ; ou leur intérêt exigera qu'ils n'y désarment que rarement, et alors l'intérêt général est violé. Si le droit exclusif de Lorient peut être avantageux au commerce, il est inutile de rendre un décret. Le droit qui se concilie avec l'avantage général est le plus respectable des droits.
La plus grande protection que des législateurs doivent au commerce, c'est de le laisser faire et de ne se mêler de rien de ce qui le concerne. Tout se rapporte à cette manœuvre, non pas des économistes, mais d'un grand commerçant, de Golbert : Laissez faire et laissez passer. Si les retours à Lorient sont forcés, le négociant de la Méditerranée sera obligé de quitter ses foyers, ou de se confier dans des facteurs qui seront peut-être infidèles, inhabiles ou insouciants ; à des facteurs qui seront peut-être eux-mêmes négociants à Lorfent, et s'occuperont plus de leur intérêt particulier que de celui de leur commettant. Après une longuelraversée, au lieu de rentrer dans leurs ports, il faudra qu'ils s'exposent à tous les hasards d'une autre navigation, pour venir à Lorient prendre des acquits à caution, qui ne peuvent rien contre l'intempérie des saisons, la fureur des flots* ou le feu du ciel.
La compagnie des Indes, dans le temps où elle florissait davantage, ne fournissait qu'un quart de la consommation du royaume; il fallait acheter le reste chez l'étranger : il est constant que les marchandises des Indes sont un objet d'émulation pour nos manufactures. Avant que le commerce des Indes fût établi, nous n'avions que de misérables indiennes, bien éloignées de la per-
fection des toiles de Jouy, et même des fabriques d'Alsace. La manufacture de Jouy n'imprime guère que sur des toiles blanches venues des Indes. Je n'examinerai pas si, dans un état de prospérité, les marchandises étrangères sont nécessaires : tant que l'inégalité des fortunes amènera l'inégalité des jouissances, l'abus du luxe sera un besoin; jamais nos manufactures de : feront aussi bien que les Indiens. L'Angleterre fait dans l'Inde un commerce de 80 millions; cependant elle est toute vivante de fabriques, ou plutôt elle n'est qu'une grande manufacture. Comment donc.»;'
Plusieurs membres demandent l'ajournement à samedi. Il êst prononcé.
La séance est levée à 10 heures et demie*
second rapport du comite de mendicite.
État actuel de la législation du royaume, relativement aux hôpitaux et à la mendicité (1).
C'est dans l'hospitalité des anciens temps que l'on doit rechercher les premières traces des établissements connus parmi nous sous le nom à. hôpitaux. Dans ces siècles reculés, où l'exercice de cette vertu était en grand honneur, il y avait dans toutes les contrées civilisées des asiles ouverts pour les étrangers. Tel était surtout l'usage généralement établi en Orient; divers monuments historiques ne laissent aucun lieu de douter que les premiers hôpitaux n'aient été une imitation de ces antiques établissements.
Lorsque la religion chrétienne se fut répandue, ces asiles prirent une autre forme. Les pèlerinages furent alors en grande pratique, et le premier fruit de cette religion fut d'apporter parmi ses prosélytes une charité que les persécutions tendaient encore à rendre plus ardente. Touchés des maux auxquels étaient exposés des milliers de fidèles, à peine échappés aux supplices, aux prisons affreuses, aux travaux publics, auxquels ils avaient été condamnés, les empereurs s'empressèrent de leur assurer, dans de spacieux hospices, les secours ët les consolations de la reli-gioti qu'ils avaient embrassée et défendue. . ïel fut l'objet des premiers édits publiés par Constantin, à la piété duquel on dut les premiers asiles de ce genre, cet usage religieux se perpétua dans le Bas-Empire. Les hôpitaux se multiplièrent prodigieusement en Italie, en Espagne, surtout du temps des croisades. Ce fut à jces pieuses expéditions que dut principalement son origine l'hôpital de Saint-Jeàn-de-Jérusalem. A Malte, il y avait un riche hôpital pour les malades indigents, servi par des chevaliers, en mémoire de l'institution des chevaliers hospitaliers. Enfin, on ne pèut douter que les premières com-manderies de Malte n'aient été des hospices ou auberges de pèlerins, allant et revenant des Croisades.
En France, comme dans toute la chrétienté, les premiers hôpitaux ne furent aussi que des asiles pour les pèlerins. On les trouve existants dès les premiers temps de la monarchie; mais on n'a nulle trace certaine de leur première institution. L'origine des plus anciens hôpitaux du royaume se perd dans 1 obscurité des temps; on sait seulement que leurs revenus étaient assignés sur les revenus faits au clergé, car, dans les temps de la primitive Eglise, on n'accordait de biens à ses ministres qu'à la condition d'en consacrer une partie aux hôpitaux.
Ce n'est guère que vers le viii6 siècle que l'on commence parmi nous à suivre leur histoire. On les voit, depuis cette époque, prendre, surtout, différentes formes* Dans les temps antérieurs, on semblait avoir laissé confondre les divers genres de malheureux et de misères : alors on parut sentir la nécessité de soigner plus particulièrement, ou à part, les pauvres malades; on en fit une classe séparée, et ce fut d'abord dans les cloîtres, et même quelquefois dans les églises, qu'on crut à propos de les placer : de là le nom et l'origine de ceux de uos hôpitaux, connus sous la dénomination d'Hôtels-Dieu, et leur situation près des métropoles.
Bientôt après, deux maladies cruelles donnèrent lieu à des fondations, d'où résultèrent deux genres particuliers de ces hôpitaux ou hospices : tel fut le feu, Saint-Antoine, le feu sacré ou mal des ardents, qui, vers le x® siècle, fit de si grands ravages en France. Presque tout le royaume, le Dauphinê surtout, se ressentit de la maladie, ce qui détermina le pape Urbain il à fonder un ordre hospitalier sous le nom de Saint Antoine, dans la vue de secourir ceux qui en étaient atteints, et de choisir, pour le chef-lieu de cet ordre, Vienne en Dauphiné, où, vingt*trois ans auparavant, le corps de ce saint avait été transporté de Gonstantinople.
On sait que c'était le temps de la plus grande ferveur des Croisades. Sur la fin du xi* siècle, elles introduisirent en Europe une nouvelle cal i-lamité; la lèpre se répandit de toutes parts, et le caractère de malignité contagieuse qu'avait cette espèce de maladie, faisant abandonner les malheureux qui en étaient atteints, on fut obligé d'élever des hospices pour les soigner; ces hospices furent connus sous le nom de Léproseries ou Maladre-ries. Le nombre en fut bieutôt très considérable. Suivant Mathieu Paris, il passait dix-neuf mille, au xme siècle, dans la chrétienté. Un legs de Louis VIII, en 1225, annonce que, dans ce royaume de France seul, il y en avait plus de deux mille.
Ainsi, dès ces premiers siècles, la France fut couverte d'établissements ou asiles pour les pauvres, qui furent de vrais hôpitaux. Ces établissements étaient des hospices pour les pèlerins, des Hôtels-Dieu pour les malades, des établissements d'ordres hospitaliers, des maisons pour le feu Saint-Antoine* et des Léproseries ou Maladrerles dont le nombre était surtout le plus considérable.. Le feu Saint-Antoine ayant bientôt disparu, les maisons, qui lui étaient destinées, ont été successivement abandonnées; on vit bientôt aussi la lèpre s'éteindre, et la fureur des croisades s'étant assoupie en même temps que l'habitude et le goût des pèlerinages, les ordres hospitaliers se sont insensiblement anéantis : des débris de ces grands établissements, que des calamités passagères avaient nécessités, se sont agrandis les hôpitaux, si éloignés d'abord de l'usage qu'ils devaient avoir, et de l'étendue qu'ils ont acquise dans des temps postérieurs.
Lorsqu'on recherche quelle était, au milieu de ces diverses vicissitudes, l'autorité qui dirigeait ces grands établissements, on ne peut être assez étonné du résultat. On ne sait ce qu'on doit remarquer le plus, ou de la multitude d'abus qui n'ont cessé de se multiplier en ce genre, ou de l'inutilité constante des efforts faits par l'autorité légitime pour s'assurer les droits qu'elle devait avoir à cette administration. Dans les premiers temps, cette administration des hôpitaux ne fut qu'une fonction purement ecclésiastique; soit qu'alors, les vrais principes du gouvernement fussent entièrement ignorés, ou que les clercs fussent les seuls lettrés, on ne confiait cette direction qu'à des diacres ou à des prêtres, qui ne reconnaissaient d'autre juridiction que celle de leur évêque; mais en s'emparant de cette gestion dans les premiers temps, le clergé n'y porta pas l'esprit de charité et de désintéressement qui devait le caractériser. Le soin des malades fut abandonné à de simples clercs, le plus souvent, qui, sous le nom de maîtres, géraient à leur gré le patrimoine des pauvres. On les vit bientôt, dans le relâchement de la discipline, convertir ces établissements en titres de bénéfice, et appliquer à leur profit, contre l'intention des fondateurs, des revenus dont ils ne devaient être que des dispensateurs charitables et désintéressés.
Sous une pareille administration, le désordre dut nécessairement s'introduire et amener des malversations. Ces abus, d'abord obscurs ou igDO-rês, acquirent enfin un grand éclat, et il ne fallut pas moins que des actes de rigueur de la part des conciles pour les réprimer. Celui de Vienne défendit de conférer les hôpitaux en titre de bénéfice à des clercs séculiers, et ordonna de n'en confier la gestion qu'à des laïques capables et solvables, qui prêteraient serment comme tuteurs et rendraient compté aux Ordinaires. Ce décret fut confirmé par le concile de Trente, qui donna aux Ordinaires toute inspection sur les hôpitaux.
Alors la puissance civile ne semblait avoir aucune part à la direction de ces pieux établissements qu'on regardait sans doute comme n'ayant rien de commun avec les choses de ce monde. Vers le vi9 ou vu® siècle, elle avait paru s'occuper avec quelque soin.ôe leur administration : ainsi l'on attribué à Justinien une loi sur les hôpitaux, par laquelle il- était interdit aux administrateurs de disposer de ce qu'ils auraient acquis depuis qu'ils seraient entrés en charge, non plus que les évêques. Mais ces traces de l'autorité civile, si elle existait, ne se retrouvent presque plus ; en France, au moins, à peine y en avait-il à cette ancienne époque; l'Empire de Rome prévalait alors, pâr ses légats, sur la puissance des souverains : les titres des hôpitaux étaient des brefs ou des bulles des papes qui exerçaient la plus grande autorité sur ces établissements; plusieurs existent encore n'ayant pas d'autres titres. Les conciles mêmes, en appelant des laïques à la gestion des hôpitaux, en réservaient toute l'inspection aux Ordinaires. Enfin, c'était au Centre de la juridiction - ecclésiastique qu'ils étaient placés, dans ces temps où la partie dominante de la législation française était le droit canon.
Cependant, soit que la puissance ecclésiastique crut devoir se fortifier de l'autorité civile, soit que les malversations des clercs, dans la gestion des hôpitaux, eussent appris que ce serait un moindre sacrilège que l'on ne pensait, de s'immiscer dans leur administration, on vit le gouvernement y prendre quelque part. Des lettres patentes furent données en faveur de quelques
ordres hospitaliers et de plusieurs hôpitaux et maladreries de la capitale et des provinces. On rapporte au xni® siècle les premières qui furent données ; elles étaient relatives à l'Hôtel-Dieu de Paris. Dans les mêmes temps, les rois s'empressaient, ou de confirmer ou d'augmenter les privilèges de ces établissements charitables. Depuis Philippe-Auguste, François Ier et Philippe-le-Bel, jusqu'à Henri II et François II, tous les rois marchèrent sur ces traces. Mais à cette bienfaisance libérale, ils en joignirent une plus réelle et plus éclairée, en y rétablissant peu à peu l'ordre et l'autorité. Ainsi on retrouve une ordonnance de François Ier, du 20 juin 1546, portant règlement pour la réformation des hôpitaux; on retrouve de même un règlement de Henri II, du 12 février 1553, prescrivant l'emploi des revenus de ces maisons, et un édit de François II, du 23 juillet 1560, donnant des règles pour leur administration.
Ces édits et règlements tendaient à opérer un changement considérable. Henri II avait attribué au grand aumônier la connaissance et visite des hôpitaux de son royaume ; François Ier l'avait déléguée aux juges royaux : il fut formé par les Ordinaires une opposition contre cette ordonnance; mais on la vit bientôt rejetée par le Parlement, qui arrêta qu'ils seraient seulement admis à la visite, soit en personne, soit par députés, avec les juges royaux. On avait profité d'ailleurs des sages dispositions du concile de Vienne, pour introduire, peu à peu, les syndics ou chefs des communautés, et les plus notables bourgeois dans l'administration des hôpitaux ; en même temps la lèpre ayant totalement disparu, les maladreries ou léproseries furent supprimées et leurs revenus destinés aux hôpitaux.
Mais de ces entreprises si bien dirigées on ne retira, pour ainsi dire, aucun fruit. Les administrations des hôpitaux, à dater de cette époque, commencèrent bien à être composées des différents ordres de citoyens ; mais aux entreprises, aux malversations des clercs, elles en substituèrent d'autres. Dans ces temps de trouble et d'anarchie, elles n'eurent d'autres règles que leur volonté ; les biens furent dissipés ; le clergé, les tribunaux, les corps municipaux, toujours occupés d'étendre leurs prérogatives, continuèrent, autant qu'ils le purent, de s'arroger des droits, et de là vint la forme si multipliée et si bizarre des administrations qu'on remarque aujourd'hui.
En vain, sous Charles IX, parut le fameux édit de 1561, confirmé par les non moins fameuses ordonnances de Moulins et de Ëlois, qui illustrèrent ce règne. En posant les premières bases de la législation française, lé chancelier de l'Hôpital avait cru devoir porter ses vues sur l'administration des revenus des hôpitaux et maladreries et sur l'entretien des pauvres. L'ordonnance de Moulins ordonnait aux officiers de justice de faire rendre compte aux personnes commises à la régie des biens des hôpitaux, et ordonnaient que les pauvres fussent pourris dans leur territoire sur la contribution de la communauté. L'ordonnance de Blois ajoutait que les administrateurs feraient inventaire, et qu'ils ne seraient ni ecclésiastiques, ni nobles, ni officiers ; mais de simples bourgeois, bons économes; que leur nomination appartiendrait aux fondateurs; qu'ils seraient trois ans en charge, etc., etc. On ne retira presqu'aucun avantage de ces sages dispositions. Dans les secousses què la France éprouvait par les guerres, aucune loi ne pouvait alors avoir
de force. La féodalité d'ailleurs s'était emparée de tous les établissements dans les domaines usurpés, et le temps n'était pas encore venu de réprimer ces entreprises, et de soumettre le royaume à des lois uniformes.
Depuis cette époque, cependant, la réforme des hôpitaux parut être suivie avec plus de confiance et de succès. Henri III, par une déclaration de 1581, en prononça de nouveau la réformation; mais ce qu'on s'était borné jusque-là à ordonner, on prit des mesures pour le mettre à exécution, et des commissions furent créées pour s'en occuper. -
Henri IV en créa une à deux reprises (en 1599 et 1606) sous le nom de Chambre de la charité chrétienne : une autre fut établie, en 1612, par Louis XIII, sous le nom de Chambre de la géné- j raie, réformation des hôpitaux ; elle fut composée du grand aumônier, de quatre maîtres des requêtes, et de quatre conseillers au grand conseil. Cette commission fit beaucoup-de bien pour les circonstances; elle supprima les maladreries, désigna les hôpitaux inutiles, ceux à conserver avec les moyens de les améliorer : elle proposa de réunir aux hôpitaux les biens des maladreries. Cette disposition ne fut exécutée qu'en partie, ces biens ayant été principalement attribués aux ordres de Saint-Lazare et du Mont-Carmel, ce qui fut confirmé par les édits de 1664, 1672, et par les déclarations de 1674, 1675 et 1681.
Mais cette grande violation des droits des pauvres, consommée parLouvois, protecteur des ordres hospitaliers, ne tarda pas à être réparée. Peu avant cette réunion, avait paru, en 1662, l'édit mémorable, registré en Parlement, portant établissement d'hôpital général pour les pauvres mendiants, invalides, orphelins, dans toutes les grandes villes ou gros bourgs, où il n'y en avait pas dans le royaume. C'était le fruit d'une des plus humaines et des plus grandes conceptions de Louis XIV; il s'agissait de subvenir à la formation de ces nouveaux hôpitaux. Xes biens attribués aux ordres hospitaliers lui parurent propres à cet usage, et, en 1693, il donna un édit ôtant à l'ordre de Saint-Lazare les biens des maladreries, et les attribuant aux pauvres et malades des lieux, sur l'avis des archevêques, ainsi que des intendants et commissaires députés des provinces. Une nouvelle commission de réformation était ainsi créée par cet édit; elle subsista jusqu'en 1705, et ne remplit pas aussi utilement son objet qu'on aurait pu l'espérer. Ses fonctions remplies, elle fut révoquée, toute contestation étant renvoyée par Mémoires au chancelier, pour, sur son avis, et celui des évêques et des intendants, être statué ce qu'il appartiendrait.
En accordant ce bienfait, Louis XIV imposa de nouvelles règles aux hôpitaux. La plupart de ceux alors existants avaient des lois et des règles différentes : de grands abus résultaient de cette diversité de régime ; il y fut pourvu par la déclaration de 1698, portant règlement général pour l'administration des hôpitaux auxquels, par les édits antérieurs, il avait été uni des biens des léproseries, et pour ceux qui n'avaient point encore de règlements; d'autres dispositions furent encore ajoutées dans cette déclaration et parcelle du mois d'août 1693 qui l'avait précédée.
Mais le fruit de ces dispositions le plus remarquable fut l'amélioration des hôpitaux généraux, on pourrait même dire leur création.
Ce d'est pas cependant qu'il existât très anciennement de ces derniers : on en trouve des
traces dès les plus anciens temps; et dans le Bas-Empire, au VIIIme siècle, on en comptait déjà plusieurs; mais il n'en avait été créé qu'en petit nombre et c'était avec les Hôtels-Dieu qu'ils avaient été plus particulièrement confondus. En les séparant ou créant de nouveau, Louis XIV s'employa pour les fortifier par un bon régime, et différentes dispositions avantageuses au bon ordre de ces sortes d'établissements furent le fruit de ses soins.
Cependant quelques germes des anciens vices d'administration, laissés encore dans ces réformes, y développèrent bientôt une nouvelle source d'inconvénients et d'abus. L'ordonnance ou règlement général de 1698 semblait bien, dans ses détails, devoir embrasser la direction entière des hôpitaux du royaume et pourvoir à tout ce que pouvait exiger la composition des bureaux d'administration, la forme des assemblées générales et particulières, les fonctions des trésoriers, la tenue des registres; mais la vraie source du mal échappait encore à la vigilance des réformateurs. L'article 10, rappelant l'édit de 1695, confirmait aux évêques, archevêques et, en leur absence, à leurs vicaires généraux, la préséance dans les assemblées ordinaires et extraordinaires. Les premiers officiers de la justice du lieu devraient être également appelés aux assemblées. Cette permanence des présidents des bureaux, et l'établissement des différents ordres religieux qui s'étaient emparés de tous les détails des hôpitaux, durent nécessairement y propager une sorte de régime monastique, et éloigner toute idée nouvelle de perfection; l'autorité d'ailleurs pénétrait difficilement à travers les ténébreux et mystérieux détails d'administrations qui se dirigeaient et s'inspectaient elles-mêmes. La comptabilité ne pouvait qu'être illusoire, n'étant pas publique : codcentrée dans un bureau, elle devenait une espèce de secret dès que quelqu'un voulait la surveiller.
Aucuns efforts n'étaient déployés contre cet oubli de toute espèce de régies, qui ramenait insensiblement tous les abus. Depuis le règlement dont il s'agit, le gouvernement ne parut plus dans l'administration des hôpitaux que pour confirmer des concessions d'octrois, accorder des secours ou autoriser des emprunts. Police intérieure, règlements, soin des pauvres, des vieillards,des enfants, tout était confié aux administrateurs. D'anciens édits les avaient revêtus des pouvoirs les plus absolus, et l'amour de l'autorité les faisait tendre naturellement à la recouvrer. L'édit de J656 leur avait attribué le droit de justice, punition et correction sur les pauvres; il leur avait délégué le pouvoir d'ériger, dans l'intérieur des maisons de charité, des poteaux, carcans, et d'y avoir des prisons et basses fosses ; des troupes d'archers armés marchaient d'ailleurs à leurs ordres ; enfin, par le même édit, on leur avait encore attribué le pouvoir de faire les règlements de police qu'ils jugeraient convenables et de diriger l'emploi des fonds qui leur étaient confiés.
Ainsi, maîtres absolus de la recette et de la dépense, libres d'admettre ou de renvoyer les pauvres, et pouvant à leur gré faire de nouveaux règlements, une semblable autorité conduisit à de nouveaux abus: le premier de tous fut de restreindre, autant qu'il était en leur pouvoir, le droit d'entrée ou d'admission; et, dans le partage des soins charitables, on vit biçntôt tout accordé aux villes, et les campagnes entièrement oubliées: en même temps tout ce qui pouvait intéresser le régime intérieur était abandonné ou négligé. C'est
à ce sujet une remarque frappante, que parmi cette foule d'édits qui règle l'autorité des administrations charitables, ou n'en voit aucun qui règle les conditions du travail qui devait être établi dans les hôpitaux et'qui ait le plus léger rapport au prix de la main-d'œuvre. Sous un régime aussi arbitraire, sous une administration aussi négligée, on sent combien les pauvres ont dû souffrir, et l'on voit combien il est important de rappeler toutes ces administrations à un nouvel ordre de choses.
Sous le dernier règne on avait peu fait pour remédier à ces abus. Cependant, un édit remarquable dû au chancelier d'Aguesseau, digne successeur de l'immortel l'Hôpital, parut en 1749 ; il portait défense aux maisons de charité, comme aux communautés, d'acquérir des biens-fonds: mais ce fut à ce seul acte de l'autorité que l'on se borna ; les autres ne furent guère que des lettres patentés particulières, données pour confirmer ou augmenter les privilèges des hôpitaux, et il n'y avait eu rien de changé aux lois générales.
Au commencement du règne actuel, cette partie d'administration, si intéressante pour le bonheur du pauvre, fixa de nouveau les regards et plusieurs bienfaits du gouvernement ont signalé cette époque : un arrêt du Conseil des dépêches, en 1777, établit une commission de plusieurs magistrats et administrateurs d'hôpitaux pour s^>ccuper de la réforme de ceux de Paris. En 1780 parut un édit mémorable concernant la vente des immeubles appartenant aux maisons de charité ; et pour veiller à ces salutaires projets de réforme, et en étendre les bienfaits à tous les asiles de ce genre existants dans le royaume, il fut formé un département particulier pour l'administration et 1a surveillance des hôpitaux.
Mais ce fut surtout sur le sort, jusqu'alors si malheureux et si négligé des pauvres enfanta trouvés ou abandonnés, que l'attention fut portée. Il semble que, dès les premiers temps ae l'ère chrétienne, on s'en était occupé : on fait mention d'un hôpital fondé, dès le vlllmô siècle, dans le Bas-Empire, pour y recueillir les enfants orphelins. En 1180, à l'hôpital du Saint-Esprit, à Montpellier, et à Lyon, dès 1533, on avait ouvert des asiles pour les enfants trouvés et délaissés ; mais ces soins avaient été ou très faibles ou peu généralement imités. Dans les premiers temps, les enfants exposés appartenaient, comme esclaves, à ceux qui les recueillaient. Ces expositions se faisaient à la porte des églises, où l'on plaçait une coquille ou un berceau; il est souvent question de ce berceau dans les anciens titres de 1 église Notre-Dame de Paris.
Le défaut de secours et d'asiles, et peut-être la barbarie des mœurs, avaient, dans ces temps éloignés, dû faire exposer beaucoup d'enfants, et il parait que le mal devint assez grave pour exciter la rigueur des lois : tel fut l'objet du fameux édit d'Henri II qui, pour prévenir le crime de l'exposition, déclara que toute femme convaincue d'avoir celé, couvert et occulté, tant sa grossesse que son enfantement, sans avoir pris de Vun et de Vautre témoignage suffisant, serait réputée avoir homicidé son enfant, et, pour réparation, punie de mort. On peut reprocher à l'usage où l'on est encore de publier cet édit au prône, d'avoir le double inconvénient de révéler la dépravation du cœur humain et d'offenser la pudeur.
L'ordonnance de Moulins, qui parut peu de temps après, en 1586, avait chargé chaque ville,
bourg ou village, de prendre soin de ses pauvres. Les enfants exposés étaient compris dans ces dispositions; mais cette ordonnance éprouva de grandes difficultés : après beaucoup de variations la jurisprudence s'était enfin fixée. On pensa que l'entretien des enfants exposés devait être supporté par les seigneurs haut&jusliciers,comme une compensation des profits attachés à leurs fiefs : un arrêt du Parlement, en 1667, et un arrêt du Conseil de 1668, confirmèrent cette loi, alors déjà très ancienne ; mais comme aucune dispo« sition ne déterminait le génre de secours que l'on devait à ces êtres infortunés, cotnme on n'avait aucun intérêt à leur conservation, tout avait aggravé le malheur de leur sort.
Ce qui se passait alors à Paris, montre quelle était à leur égard la barbare insouciance du gou-vernement. C'était dans les rues qu'on trouvait ces malheureux, abandonnés à la merci des passants. En 1638, une veuve charitable, touchée de leur sort, s'était chargée du soin de les retirer : c'était dans sa maison, près Saint-Landry, qu'elle exerçait cette œuvre touchante de pitié et de commisération. Mais bientôt ses facultés ne suffisant pas à la chàrge qu'elle s'était imposée, ses servantes, fatiguées des cris des malheureux enfants en firent un commerce scandaleux; elles les vendaient à des mendiants qui leur tordaient les membres et les estropiaient de mille manières pour exciter la charité du public : des nourrices, dont les enfants étaient morts, s'en procuraient pour conserver leur lait, et plusieurs leur en donnait un corrompu; on en achetait pour en supposer dans les familles ou pour servir à des opérations magiques; le prix de ces enfants était fixé à vingt sous.
Ce fut dans ces circonstances, qu'en 1640, saint Vincent-de-Pau 1 émut tous les cœurs sensibles en faveur de ces malheureux enfants et leur assura une éternelle protection. Louis XIII entra dans ces vues charitables : le château de Bicêtre fut donné pour leur servir d'asile. Les enfants qui y furent portés n'ayant pas paru s'accommoder de l'air qu'on y respirait, l'établissement fut d'abord errant; mais en 1640, il fut fixé où il est maintenant au parvis Notre-Dame.
Dans l'édit de Louis XIV, revêtu de lettres pa* tentes qui prononça l'établissement de cet asile, on remarque une disposition singulière, c'est que le roi, en fixant la dotation des enfants trouvés, faisait entrer pour motif que ces enfants pourraient servir dans les troupes ou être utiles aux colonies. Ainsi on leur faisait acquitter le bienfait de leur éducation. Ce l'ut aussi dans ces mômes vues, qu'en 1761, les enfants trouvés furent admis à tirer à la milice, à ia place du fils, du frère ou du neveu de celui qui les avait en pension. Quoiqu'il en soit, la première dotation de l'hôpital des enfants trouvés fut fixée à 12,000 livres. L'édit avait arrêté unétat des sommes qui seraient annuellement payées par les seigneurs hauts^justiciers de la ville de Paris; mais en 1675,1e roi, par ses lettres patentes, ayant réuni au Châtelet toutes les justices des seigneurs, il ordonna qu'il serait pris, tous les ans, sur son domaine, une somme de 20,0001ivres pour pourvoir à la dépende.
Cet établissement formé à Paris servit bientôt de modèle. Suivant quelques auteUrs, c'est à la France qu'on doit les hôpitaux d'enfants trouvés. L'exemple de Paris fut suivi par des villes célèbres : Lyon, Rouen, Londres, Varsovie, élevèrent des asiles semblables à l'enfance abandonnée.
Mais on n'avait point accompagné ces secours
des mesures et des précautions qui devaient en assurer le succès, et-l'a bas suivit de près le bienfait. Le nombre des enfants trouvés s'accrut successivement dans le royaume, en proportion des facilités qu'on trouvait à les exposer; et les asiles ouverts pour les recevoir ayant été bornés aux grandes villes, on les y apportait, avec le plus grand risque de les faire périr, des endroits les plus éloignés de nos provinces.
En 1722,, l'administration s'était bien occupée du transport de ces enfants; mais les mesures furent mal prises ou négligées, et les abus ne cessèrent pas. En 1722,' on fit encore vérifier le nombre denfants trouvés amenés à Paris; sur G,459 reçus à l'hôpital du premier janvier au dernier octobre, il s'en trouva 2,350 qui venaient des provinces, ce qui faisait à peu prè3 le tiers. Le gouvernement donna de nouveaux ordres qui eurent peu d'effet, puisque du janvier 1172 au dernier décembre 1776, sur 32,222 enfants reçus à l'hôpital, on en trouva encore à peu près le tiers, c'est-à-dire 10,068que les provinces avaient envoyés. Ce fut principalement à cet abus qu'au commencement du règne actuel, on crut le plus instant de remédier. En 1779, le gouvernement s'assura qu'il venait encore des provinces des enfants qui périssaient par le défaut de précautions qu'on prenait dans leur transport, et il fut rendu le 10 février un arrêt qui, en ordonnant de les porter dans les hôpitaux les plus voisins, annonçait que si ces dispositions nouvelles occasionnaient à quelques-uns une dépense extraordinaire, il y serait pourvu provisoirement par le Trésor public.
Le gouvernement fit encore sur cet objet quelques tentatives en 1782; mais il paraît que le grand but de la loi proposée alors était de décharger le Trésor royal des dépenses relatives aux enfants abandonnés dans les provinces. Le roi, les hauts-justiciers, en proportion du nombre des feux de leurs justices, les communautés dans le rapport de leur capitation, devaient rembourser par tiers, à la fin de chaque année, les avances qui auraient été faites par le Trésor royal. Après de longs débats, qui durèrent près de trois ans, le résultat futque l'imposition, tellequ'on la proposait, ne convenait pas, et c'est là où se trouvait le nœud de la difficulté. La ligue, alors puissante, des privilégiés doublement atteints dans leurs justices et leur capitation, ne voulait admettre que la partie réglementaire du projet, tandis que 1 administration, au contraire, ne sollicitait qu'un nouveau mode d'imposition. Dans cette lutte, où 'l'intérêt personnel était opposé à l'intérêt général, on est étonné des moyens faibles avec lesquels on couvrait les motifs du refus de l'enregistrement de la loi. Tantôt en attaquant le style, l'éloquence du préambule, tantôt en laissant entrevoir qu'il y avait du danger à révéler au peuple que l'on ne surveillait pas assez les mœurs, et que l'impôt n'était pas également réparti, on vint a bout de fatiguer l'administration qui abandonna son projet.
Mais ce n'étaient toujours que de premiers pas formés dans une carrière où des abus multipliés, et profondément enracinés, exigeaient que l'on pénétrât plus avant. A près avoi r do n né à ces malheureux enfants des asiles destinés à les recevoir, une administration vraiment paternelle n'aurait Cessé de les suivre dans tous les moments, de veiller sur les premiers soins dus à leur conservation, de prodiguer tous les secours à leur enfance, et de considérer en eux une génération intéressante par son malheur ; tant de soins n'en-
trèrent point dans les vues du gouvernement. Une fois déposés dans les hospices qui leur étaient destinés, l'Etat cessait de s en occuper ; c'était aux administrations qu'ils étaient abandonnés, sans que l'on eût songé même à leur en demander compte. Mais dépourvues de tout ce qui pouvait, soit en faisant le bien, exciter et provoquer en elles une utile émulation, soit en s'acquittant mal de leurs fonctions, prévenir l'abandon et l'insouciance par la crainte du blâme, ces administrations veillaient peu sur le dépôt précieux qui leur était confié, jetés presque au hasard, et répandus çà et là dans les campagnes, sans surveillance, sans intérêt, livrés à des nourrices mercenaires, que l'appât même du gain n'attachait pas à leur conservation, ces malheureux enfants périssaient dévorés, dès leurs premiers jours, par une effrayante mortalité. Les meneurs, encouragés en quelque sorte par les profits d'un transport plus considérable d'enfants, avaient à cette calamité une sorte d'intérêt caché, auquel ils pouvaient n'être pas insensibles. Les sœurs chargées d'ailleurs presque entièrement de ce genre de secours et de soins, tendaient naturellement à ramener dans leurs maisons tout ce qui pouvait augmenter leur autorité et agrandir leur administration. Ainsi le très petit nombre d'enfants qui survivaient, étaient bientôt arrachés au séjour des champs. En les y conservant, on aurait pu leur assurer des mœurs pures, une constitution robuste et sainè ; on ne sait quel préjugé qui .leur faisait croire que, sous leurs yeux, ils seraient mieux instruits des principes de la religion, portait ies administrateurs à les entasser dans des hôpitaux, où, languissants bientôt, ils devenaient la proie de tous les genres de dépravations et d'infirmités. C'était, d'ailleurs, dans cette administration, comme dans celle des hôpitaux, de simples règlements qui servaient de guide, et qui étaient considérés comme lois dans tout le royaume, lorsqu'il fallait fonder pour chacune de ces différentes parties une bonne législation. Il en était de même de l'administration relative à la mendicité.
Il serait utile de remonter au delà de 15?4 pour en avoir l'histoire ; avant cette époque, nulle autorité n'était en vigueur dans le royaume. Ce fut alors qu'on ordonna à tous les mendiants valides de Paris, de sortir ou de travailler. La loi ne manquait pas de rigueur, car dans le cas où un homme se faisait emprisonnée, il était, à la troisième fois, marqué d'un fer chaud et banni. Cette loi ne put être exécutée ; on n'avait aucun travail à offrir; le bannissement ne faisait que rejeter à quelques lieues de Paris des brigands, qui infestaient les provinces, et l'état affreux où se trouvait la capitale y multipliait le, nombre des vagabonds.
Le Parlement de Paris ordonna, en 1532, que les mendiants valides seraient renfermés et conduits, deux à deux, dans les fosses et les égouts qu'ils devaient nettoyer ; la ville était chargée de les nourrir; on condamnait au fouet ceux qui contrefaisaient les estropiés ; cette espèce de galère de terre ne dura pas longtemps ; on fut bientôt fatigué de nourrir et d'entretenir des hommes dont le nombre ne faisait qu'augmenter à mesure que la quantité de travail diminuait.
Une loi de rigueur qui ne produit pas d'effet est succédée par une autre plus dure. En 1532, on enchaînait les mendiants deux à deux ; on condamna, en 1535, à être pendus ceux qui ne sortiraient pas de Paris. Cette étrange jurisprudence fut remise en vigueur en 1543 et 1547. Ges
hordes de mendiants vagabonds, auxquels on n'offrait aucune ressource, qu'on flétrissait et qu'on exterminait, s'unirent enfin, et commirent dans le royaume tous les forfaits, qui furent les suites de la guerre dite des Gableurs.
Ce fut à cette époque, que quelques villes, fatiguées par la mendicité, firent des règlements particuliers. Orléans, Chartres, Lyon et Toulouse établirent des bureaux d'aumônes. Le Parlement de Toulouse força les bénéficiera à abandonner le dixième de leurs revenus aux pauvres. En 1566, époque de l'ordonnance de Moulins, qui fut rendue générale pour tout le royaume, la peiné des galères à perpétuité pour les hommes, et celle du fouet pour les femmes furent renouvelées ; pour subvenir à la nourriture des pauvres, le roi fit lever cinq sous sur chaque minot de sel, vendu dans la généralité de Paris.
Pendant l'espace d'un siècle, depuis l'ordonnance de Moulins, on parut ne pas avoir pensé que toute loi contre la mendicité devenait inutile, si on ne préparait pas, avant tout, du travail. Enfin, en 1683, on commença à établir quelques ateliers à Paris, et on renouvela encore la peine des galères, dans tout le royaume, pour tous ceux qui seraient trouvés mendiants ; mais il n'y avait dans les provinces aucuns ateliers comme dans la capitale, /et la misère était extrême. En 1693, le Parlement de Paris rendit un arrêt, qui établit une imposition dans les paroisses, et qui fut perçue sur des rôles particuliers.
Toutes ces lois 4e sang, de rigueur et de peines furent successivement renouvelées en 1699, 1700 et 1709, années si désastreuses, que l'on fut obligé de porter au double, à Paris, l'imposition sur les boues et lanternes pour soulager les pauvres.
En 1719, le gouvernement ne pouvant plus ni occuper les mendiants, ni les renfermer dans lçs hôpitaux, ni continuer à les flétrir, imagina d'en faire transporter aux colonies, où ils devaient travailler comme engagés, soit à terme, soit à perpétuité, sans que cette peine emportât la mort civile. Les Parlements, jaloux de l'autorité peut-être illégale des juridictions prévôtales, défendirent la transportation, sans mettre aucune autre loi à sa place.
La maréchaussée, qui, dès l'année 1720, fut mise sur un nouveau pied, fut chargée spécialement de l'exécution de toutes les lois contre la mendicité, et la rigueur des anciennes ordonnances se déploya avec de nouvelles formes. On devait recevoir dans les hôpitaux tous ceux qui voudraient librement s'y présenter, et en même temps ceux qui, arrêtés sur les routes, y seraient conduits : on devait les distribuer par compagnies de vingt hommes, et les employer aux travaux des ponts et chaussées. Cette idée, sans cesse reproduite par ceux qui s'occupent des pauvres, n'eût pas l'effet qu'on s'en était promis; aucun sergent ne voulut conduire ces ouvriers; on les redouta sur les grandes routes. Après une dépense de plus de six millions, faite en moins de trois ans, les hôpitaux renvoyèrent tous ces individus indistinctement, et le gouvernement manqua son but. C'est vers cette époque^ en 1733, qu'il faut rapporter l'imposition de trois deniers pour livre sur la taille, imposition qui, encore aujourd'hui, versée au Trésor royal, fait les premiers fonds qui sont distribués aux différents dépôts de mendicité du royaume. On n'avait pas négligé, au milieu de toutes ces dispositions, d'infliger Ja peine d'être marqué M sur le bras, quand un mendiant était arrêté en récidive, et de prononcer
celle des galères quand il était pris la troisième fois.
Cette lutte perpétuelle entre les mendiants, auxquels on n'offrait pas de travail, les hôpitaux qui refusaient de les garder, et la loi qui voulait les punir, sembla être terminée par l'établissement des dépôts de mendicité, qui, proposés par la commission créée à cette époque, et ne devant être ni des prisons, ni des hôpitaux, parurent plus propres à corriger les mendiants valides. Après de longues conférences sur les lois qui devaient diriger cette partie d'administration, parut l'ordonnance de 1764, confirmée par un arrêt du conseil du 21 septembre 1767,qui, avec quelques lettres ministérielles de détail, forment encore aujourd'hui l'unique code de la mendicité.
En résumant cette longue suite de lois, on s'aperçoit qu'elles étaient principalement dirigées contre les mendiants que la misère force à être -vagabonds. L'administration, presque toujours dans l'impuissance d'offrir du travail au peuple, n'avait pas d'autre ressource que d'entasser dans les hôpitaux une mendicité importune et factice, ou d'armer ta loi de rigueur, pour renfermer tous ceux qui fatiguaient la société. On feignait d'ignorer que les secours donnés par les hôpitaux, étaient insuffisants, et que les dépôts étaient à peu près inutiles. D'ailîeursj-ces espèces de prisons manquaient souvent d'ateliers : alors la fainéantise y était obligée; elle n'était pas beaucoup plus détruite dans les dépôts où il y avait quelque moyen de travailcar souvent celui qui était offert aux renfermés, n'était ni analogue à leurs forces, ni à leur genre de vie, quelquefois même il y était contraire, et rarement il était assez pénible pour être Un châtiment. Enfin, un des plus grands inconvénients de tous, était qu'en sortant d'un dépôt, un individu était rejeté dans la société, sans ressource et peut-être moins bon qu'en n'y étant entré. Il régnait en général, dans ces maisons, un grand oubli, un 'défaut absolu d'instructions morales, si nécessaires aux pauvres, et l'arbitraire dans le terme de la détention achevait de révolter contre les lois des hommes auxquels il importait si fort de les connaître et de les respecter.
Ainsi, dans ses rigueurs comme dans sa bienfaisance envers le pauvre, tout était resté également imparfait et défectueux d ans les soins du gouvernement. Le désir si touchant de soulager la misère, d'adoucir l'infortune, était incessamment entré dans ses vues; mais peu éclairé sur cette partie de ses devoirs, et embarrassé dans sa marche par des entraves étrangères, il n'en avait jamais ni bien conçu le projet, ni efficacement pu l'exécution. C'était à prévenir la misère publique plutôt qu'à la soulager, qu'il fallait porter ses soins. C'était dans les sources mêmes, qui entretiennent une pauvreté habituelle et forcée, qu'il fallait chercher a étouffer les germes de la mendicité.
On semblait n'avoir jamais saisi ce principe : rien ne se faisait pour alléger le poids de l'impôt, incessamment aggravé sur le peuple; rien pour animer, entretenir l'industrie. La misère faisant des progrès journaliers, et frappant les yeux de toutes parts, on ouvrait des asiles, on entretenait des établissements pour venir à son secours. Mais cette bienfaisance n'était bientôt plus qu'une apparence illusoire, qui décevait cruellement l'espérance du pauvre. De nombreux abus assiégeaient de tous côtés ces maisons de secours et d'assistance publiques, déjà si humiliantes par leur nom de Maison de charité L'œil de l'administration pénétrait seul jusqu'à ces abus, que son
influence ne pouvait atteindre. Enorgueillies de léur fondation, et fières d'un titre qui devait les rendre humbles et modestes, fortes de la faiblesse d'un gouvernement où des corps intermédiaires avaient des droits prétendus légitimes, que l'on se croyait forcé de respecter, les administrations d'hôpitaux alléguaient hautement leur indépendance. A toute démarche pour ramener l'ordre et prendre connaissance de la situation de leurs finances, elles opposaient leurs titres de fondation, la qualité des personnes qui administraient, et l'autorité fléchissait devant cette extraordinaire résistance. Ainsi, nulle puissance ne veillait sur ces établissements, qui s'étaient tous éloignés, plus ou moins, de l'esprit et de la loi de leur institution. Delà des emprunts viagers ou perpétuels, faits par les hôpitaux au delà de leurs forces : delà des constructions magnifiques éludés dépenses infinies avaient absorbé, dans le plus grand nombre, le patrimoine du pauvre, qui, toujours sacrifié dans ces asiles, n'y était plus regardé que comme l'accessoire.
Ainsi, tandis que d'un côté les torts et la dureté du gouvernement envers le peuple multipliaient les sources de la misère, que par les erreurs non moins funestes de sa part, d'une bienfaisance mal entendue, qui multipliait les secours pour un mal qu'on aurait dû prévenir, il encourageait l'imprévoyance, source encore plus féconde de misère que toutes les autres; de l'autre côté mille abus, sans cesse renaissants, dévoraient ces secours mêmes offerts à la détresse et à l'infortune. Ainsi se multipliait et se produisait incessamment une génération imprévoyante et factice de pauvres, "ouvrage même du gouvernement : ainsi croissait incessamment un mal, dont les progrès surpassaient toujours et devançaient ses efforts.
Tels étaient les résultats nécessairesd'une admi" nistration qui, agissant sans loi générale, sans plan unique, par des règlements particuliers et d'après des circonstances du moment, c'avait et ne pouvait avoir qu'une marche incertaine.
Si le système entier des secours à donner à la classe de"la société, qui a droit de les réclamer; si le moyen de prévenir l'indigence, de soulager la pauvreté, de réprimer la mendicité, ne sont pas les conséquences d'un même principe; si la bienfaisance et la sévérité de la législation des pauvres hé s'élèvent pas sur les bases communes de la politique et de la justice, cette législation ne peut être qu'imparfaite et dangereuse.
Voilà la tâche que nous avons à remplir; elle est pénible sans doute; les difficultés se rencontrent à chaque pas dans cette importante carrière; mais la grandeur, la beauté du motif en feront triompher l'Assemblée, qui voit, dans une utile et équitable assistance des malheureux, son plus précieux devoir.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Troisième rapport du Comité de mendicité sur les bases de répartition des secours dans les différents départements, districts et municipalités, de leur administration et du système général qui lie cette branche de législation et d'admi-
nistration à la Constitution (1), par M. de La Rochefoucauld-Liancourt, député du département de Y Oise (2). •
Messieurs, la législation qui, ayant pour objet l'extinction de la mendicité, veut porter des secours à la véritable indigence, doit poser sur la base commune de la Constitution, et employer les moyens d'administration indiqués par elle pour l'administration de toutes ses autres parties.
Cette manière d'envisager l'important et honorable travail que l'Assemblée nationale a chargé le comité de lui préparer, semble donner la solution de la première question qu'il devait examiner; celle sur la manière de répartir les fonds dans toutes les parties du royaume, dans une juste proportion des besoins.
Nous n'hésitons pas à penser, Messieurs, que tous les fonds, appartenant aux hôpitaux, au maisons de charité, doivent être réunis, en une masse commune, dans les mains de la nation.
Sans doute, si la nation, en voulant répartir les secours avec égalité dans les différents départements, avait le projet de ne donner que des secours insuffisants, les villes pourvues d'hôpitaux pourraient réclamer, avec raison, contre un ordre de choses qui augmenterait à leurs dépens les ressources des autres : mais si la nation prétend répandre partout des secours complets, et de la manière la plus utile aux différentes classes qu'elle doit pourvoir, quels intérêts auraient les villes de réclamèr contre cette réunion? quel droit en ont-elles? La plupart des revenus des hôpitaux, fondés sur des octrois, sont perçus par les villes, mais payés, le plus souvent, par les campagnes, qui ne profitent pas de leurs secours. Serait-ce à l'époque actuelle qu'une aussi injuste disposition pourrait être niaintenue? D'ailleurs, le système nouveau de répartition des secours devant s'éteindre sur toutes les parties du royaume, rendra le besoin des villes moins grand, et quel qu'il soit, il y sera satisfait.
Nous ignorons si un grand nombre d'hôpitaux ou de maisons de charité portent, dans leur fondation, une clause assez précise pour mettre quelque embarras dans cette réunion ; s'il en existe, ils seront soigneusement examinés dans leurs titres, et le résultat le moins avantageux au plan général, tel que nous le concevons, serait que ces hôpitaux ne reçussent pas d'autres secours, ou n'en reçussent qu'au delà leur fondation, s'ils n'étaient pas suffisamment dotés pour les nouvelles attributions qui leur seraient données, et ce résultat ne contrarierait pas l'unité dè notre système.
Il faut donc poser, pour principe, que les biens des hôpitaux seront réunis en une masse commune, soit que les fonds soient administrés par les départements, soit, ce qui nous semble incontestablement préférable, qu'ils soient aliénés.
Il s'agira, par la suite, d'examiner quel genre d'aliénation pourra présenter plus d'avantages; mais, quandl'Assembléea]misen commun les biens ecclésiastiques, on ne peut penser qu'elle puisse être un instant arrêtée dans la réunion de ces biens d'hôpitaux, lorsque surtout un beaucoup meilleur ordre de choses en fera l'objet et le résultat. Il est facile de sentir que celte aliénation dés
biens des hôpitaux, ayant le grand avantage d'augmenter les revenus des pauvres, diminué par la nature des biens-fonds, par les frais énormes des réparations auxquelles ils sont sujets, et par les vices plus multipliés encore des administrations des biens de mainmorte, donnera à la nation le seul moyen qu'elle puisse avoir de répartir les secours, selon les besoins. Cet avantage en augmentera encore si, comme il est à désirer, les biens-fonds, appartenant aux hôpitaux, sont vendus pour acheter des titres de créance onéreuse aux finances de l'Etat et dont les arrérages seraient versés dans la caisse de secours. Alors le profit résultant de la vente de ces biens en doublera au sensible avantage des pauvres, et par conséquent à la diminution réelle des charges de la nation. Si, dans la plupart des parties du royaume, les moyens de secours sont insuffisants, dans d'autres, ils excèdent les vrais besoins ; alors ils en font naître, car il faut les distribuer. Ainsi là, il y a des paresseux, des fainéants, créés tels par l'aumône; tandis qu'ailleurs la pauvreté malade et infirme est sans ressource.
Si vous laissez les hôpitaux actuels rentés comme ils le sont, et que vous veuillez Cependant remplir vos vues sages et justes, quelles réclamations n'éprouverez-vous pas de ceux qui ver ront ainsi positivement, ce qu'ils appellent leur bien, devenir ia propriété d'un autre établissement? quelles réclamations n'éprouverez-vous pas dans la distribution que vous déterminerez des lieux, leur population et l'esprit général qui déterminera vos décrets, sur les secours ? Dussiez-vous, même, n'apporter aucun changement dans la répartition des hôpitaux et dans la distribution des secours, l'Assemblée devrait encore, par des vues de sagesse et de politique, aliéner les biens-fonds qu'ils régissent.
Leurs produits seront augmentés, en remettant dans la société, en abandonnant à l'activité des véritables propriétaires, des biens que l'insouciance d'administrateurs éphémères, occupés d'ailleurs du soin des pauvres dont rien ne doit les distraire, ne peut jamais porter à leur véritable valeur. Toutes les considérations se réunissent donc en foule pour déterminer celte aliénation ; car, si l'on prétendait la combattre par le motif, qu'ainsi les ressources des pauvres, sans doute augmentées de valeur dans le moment, en diminueraient promptement par la diminution progressive, mais certaine du numéraire auquel elles seraient réduites; on répondra victorieusement que le numéraire ne pouvant baisser de valeur que par l'augmentation de la valeur des fonds, les moyens de contribution augmenteront sans que les sources, qui les fourniront, éprouvent de dommage proportionnel, et qu'ainsi les ressources des pauvres n'en souffriront pas d'altération.
La nation doit assigner un fonds destiné au soulagement des pauvres,.
Ce fonds, composé des revenus des hôpitaux, des charités fondées, des biens de toute nature, originairement appliqués au soulagement des pauvres et dont la destination aurait pu être altérée, et d'une partie des revenus jadis ecclésiastiques, doit être un, appartenant à la nation, pour être reversé par elle ià où elle le jugera nécessaire. Ce fonds que nous proposerions d'appeler fonds de secours, pour que la nation, qui reconnaît le droit du pauvre, n'emploie plus celui de charité ou d'aumône, doit avoir pour objet de soulager la classe indigente, dans l'intention que l'Assemblée paraît avoir adoptée : travail aux valides, secours plus ou moins complets, aux enfants, aux mala-
des, aux infirmes et aux vieillards; enfin répression et punition des mendiants valides.
Ces fonds doivent être suffisants pour remplir tous ces objets, bien entendu cependant qu'il faut y comprendre la partie des revenus que doit procurer le travail des pauvres don', le produit sera vendu.
Ils pourvoiront donc aux soins des enfants, à ceux des malades, des hôpitaux, des hospices, des travaux qui ne sont pas ceux des grandes routes, ou vulgairement appelés d'établissements publics, aux maisons de correction, aux frais de transportation, si l'Assemblée croyait devoir admettre ce genre de punition ou plutôt de sûreté publique. Il serait attribué, d'une manière fixe, une partie de ces fonds à chaque département, de façon cependant que cette partie fût au-dessous de ses besoins : le reste demeurerait à la disposition de l'Assemblée nationale.
A chaque nouvelle législature, et sur la pétition des départements, l'Assemblée nationale voterait, avec la sanction royale, l'addition de fonds que les besoins connus pourraient exiger, de telle manière que, donnant à chaque département ce qui lui est nécessaire, elle réserverait dans un centre commun une somme disponible pour être versée dans tel ou tel département et selon les besoins et dans le cas de malheurs extraordinaires.
Les pétitions des départements pour cet excédant de besoins seraient faites d'après les demandes à eux adressées par les districts qui connaîtraient les besoins des diverses municipalités.
Chaque législature faisant une nouvelle répartition de fonds, le détail en varierait dans les départements qui ne seraient pas tous traités de même, parce que tous ne seraient pas dans une égale situation de besoins ; mais il serait donné à chacun un fonds plus que suffisant à ses besoins réels, pour qu'il puisse conserver à sa disposition une som me disponible pour telle ou telle municipalité ou district de son ressort.
La même proportion serait observée des départements pour les districts.
Gomme nous supposons que les barrières, ou une partie de l'imposition générale servirait à ia confection et à l'entretien des grandes routes, le fonds de secours aiderait les contributions particulières des municipalités, pour faire les communications ou autres travaux utiles à la communauté ; il ferait ensuite face aux autres objets de dépenses relatifs aux pauvres, et dont il a été parlé.
Ce qui resterait de ces fonds serait employé :
1° A ce à quoi était employé le moins imposé, au soulagement des malheurs partiels arrivés, ou par l'intempérie des saisons, ou par les incendies;
2° A ouvrir des canaux, faire des dessèchements, des défrichements, objet essentiel qui ne peut trop tôt fixer l'attention de l'Assemblée, etc; ie tout avec le consentement du département; ou bien les sommes mises en réserve pour l'année d'après, seraient en déduction de celles à recevoir.
Il se pourrait encore que les sommes à la disposition des départements fussent employées en prêt pour l'amélioration de l'agriculture, en établissements de bon exemple, comme maisons de prévoyance, maisons de santé pour les moins pauvres, et cette idée n'est pas à négliger ; car un des caractères principaux de la bienfaisance politique est d'appeler, par tous les moyens, l'industrie et la prévoyance des hommes qu'elle secourt, et de les animer par leur intérêt et leur amour-propre à désirer de ne pas être à charge à l'Etat.
Il faut ajouter que les quêtes d'église si on les laisse subsister, les produits des aumônes publiques, seraient à la disposition, ou du curé, ou des municipalités. De ce genre seraient encore les dotations, les souscriptions, les dons enfin de particuliers, qui .devraient être administrés au gré des donateurs, si leur disposition n'est pas contraire aux lois de l'Etat, et pendant seulement le nombre de cinquante années. Nous avons cru devoir vous proposer de borner à ce terme le droit des fondations, parce que cette révolution d'années est l'époque la plus éloignée de la probabilité de la vie du fondateur, parce que cette époque fixée lui donnera la confiance de l'exécution entière de sa volonté pendant tout ce temps, et parce qu'enfin l'intention de la fondation soumise après ce terme à la revision générale, recevra, si elle est maintenue, sa.nouvelle existence de la connaissance réfléchie de son utilité, ou sera tournée à l'avantagecommun plus véritablement reconnu. L'acte de dotation, portant le nom des donateurs, resterait à jamais affiché dans le lieu principal de l'établissement.
Telle est l'idée que s'est formée le comité d'une réparti!ion de deniers qui, suffisante à tous les besoins, répandrait les secours dans la proportion de ces besoins et dans une sorte d'ampleur qui, n'éteignant pas la nécessité du travail, tournerait évidemment à la prompte prospérité du royaume, porterait avec connaissance les secours jusque dans la plus obscure chaumière, et qui enfin est entièrement conforme à l'esprit de la Constitution.
11 ne resterait qu'à parer à l'inconvénient qui naîtrait pour les municipalités, districts et départements de la certitude d'avoir des fonds suffisants ; inconvénient d'où il pourrait résulter que, n'ayant aucun intérêt à ménager leurs fonds, ils seraient peu soigneux dans les économies de toute espèce qu'ils devraient faire, sans lesquelles les fonds les plus abondants ne suffiraient pas, et que l'intérêt personnel peut seul opérer. Il s'agirait donc de le mettre en jeu.
Ce problème serait résolu sans difficulté, et peut-être sans inconvénient, en faisant contribuer dans une proportion quelconque les départements, et par eux les districts et les municipalités, à l'addition de fondsde secours votés, sur leur demande, par l'Assemblée nationale. Cette manière, d'autant plus juste que les premiers fonds affectés à demeure aux départements seraient plus justement répartis, semble devoir parer à l'insouciance des administrations, à la faiblesse avec laquelle ils assisteraient les familles qui pourraient se passer de secours, ou en donneraient au delà du nécessaire.
Parmi les différents moyens de subvenir à la dépense des secbursdus à la classe indigente de la société, celui d'une taxe imposée pour cet effet est trop connu pour que le comité ne doive pas compte à l'Assemblée, aes motifs qui l'ont déterminé à la rejeter.
Le premier et celui qui seul en aurait détourné le comité, est la déclaration faite par l'Assemblée elle-même, en rétablissant la nation dans la jouissance des biens appelés ecclésiastques, qu'elle devait se charger de l'assistance des pauvres, que ces biens avaient originairement pour objet principal ; la partie de ces biens nécessaire au secours de l'indigent étant donc réellement le bien des pauvres, vous avez, Messieurs, par cette authentique, généreuse, mais juste déclaration, prescrit à votre comité d'y chercher le supplément nécessaire aux secours fournis par les biens d'hôpi-
taux et de charité. L'économie sans laquelle cette distribution serait un vice moral, comme contraire au bon ordre des finances, est la seule borne que vous lui avez dû prescrire, et il ne s'en écartera pas.
Mais le projet des taxes particulièrement appliquées aux pauvres, ayant des partisans, et pouvant être reproduit sous des formes différentes, le comité a. dû en combattre même la possibilité par des raisons que l'examen qu'il a fait de cette question, lui ont fait juger péremptoires.
L'admission de cette taxe condamnée par l'expérience des nations qui l'on adoptée, est, s'il est possible de le dire, combattue plus victorieusement encore par les principes qui doivent diriger toutes les opérations d'un bon gouvernement, qui doivent particulièrement dicter les lois d'une constitution libre; la justice, la saine politique et la morale.
Il ne faut qu'avoir réfléchi un instant à l'administration d'un Etat, pour être assuré que, pour peu qu'il ait quelqu'étendue, les besoins ne sont pas partout les mêmes; ils différent entre les campagnes et les villes, et entre les villes de différentes forces, selon qu'elles ont ou qu'elles n'ont pas d'industrie, qu'elles sont manufacturières ou simples dépôts de commerce, et dans ces mêmes classes ils différent encore par une multitude de causes ou permamentes ou accidentelles.
La taxe qui aurait pour objet de secourir les besoins serait ou également ou inégalement répartie dans tous les départements, districts et municipalités.
Une inégalité de répartition dans tout le royaume, rendrait ainsi évidemment les campagnes tributaires des besoins des villes; les pays d'industrie, de la paresse on de l'incurie de ceux qui, par leur négligence, laisseraient augmenter leurs besoins. L'activité des manufactures est sans doute un principe de richesses pour les pays où elles sont établies. Mais ces manufactures sont aussi une cause de pauvreté au moins accidentelle : les circonstances multipliées qui rallentis-sent le travail jettent dans le besoin beaucoup d'ouvriers, qui, arrivés de toutes les parties du royaume, n'ont d'autres moyens de subsister que leurs bras. Peut-on cependant, sans injustice, imposer les pays de culture, les villes non manufac-tières, les districts et départements éloignés pour des besoins qui n'ont jamais été pour eux la source d'aucun avantage?
La différence des besoins pour les différents lieux du royaume, aura encore pour cause la plus au moins grande intelligence ou facilité des administrateurs; car on sent que si ]a législation générale est, dans ce point comme dans tous les autres, la même pour toutes les parties du royaume, les administrations dépendant nécessairement de mille circonstances différentes, ne peuvent être les mêmes, et recevront toujours un grand effet des soins et de l'habileté des administrateurs, Sans doute, puisqu'ils seront choisis par le peuple ; le peuple dont le choix a dû être éclairé, doit en quelque sorte, être responsable de ses conséquences; mais si cette propositions est absolument vraie pour les municipalités, districts et départements qui ont contribué au choixde tel ou tel administrateur, est-elle admissible d'une ville ou d'un département à un autre, quand l'augmentation des taxes porterait sur un grand nombre de pays qui n'aurait eu aucune part au choix des administrateurs auxquels l'augmentation de taxe isourrait être imputée?
L'égalité de répartition pour cette taxe, con-
traire en ce point au vœu de la Constitution, serait donc d'ailleurs réellement injuste.
Si elle est inégale dans tous les lieux, selon les besoins particuliers, elle est sans doute particulièrement plus juste : mais elle est impolitique; elle rendra inégale la valeur des propriétés; car, grâce au ciel, on ne peut plus supposer qu'à l'avenir aucune imposition soit personnelle; cette augmentation de charges sur les propriétés, ne ferait pas augmenter, en proportion, la valeur des propriétés, comme on pourrait le dire si elle était égale dans tout le royaume : ainsi les propriétaires, sans avoir l'espérance d'augmenter leur revenu, courraient le danger de voir leur fonds tomber de valeur; et la conséquence de cet ordre de choses serait ruineuse pour l'Etat et pour les pauvres; car les propriétaires, au lieu de chercher à tirer et à favoriser l'industrie pour améliorer la propriété, s'entendraient au contraire pour la repousser, par-e qu'ils la regarderaient comme une cause de charge pour eux : ainsi le principe de toute amélioration se tarirait dans sa source et l'accroissement considérable des charges dont le propriétaire craindrait d'être grevé, repousserait fortement la tendance au travail que la liberté favoriserait en vain.
Cette inégalité de taxe, impoJitique pour le bien du royaume, peut donc encore être dite généralement injuste; mais elle aurait de plus le vice moral de porter un grand obstacle à l'établissement des secours que l'Assemblée nationale projette pour les pauvres. Les propriétaires, les-domiciliés, les fermiers qui, par la nature de l'irrégularité de la taxe, se trouveraient exposés à des augmentations qu'ils n'auraient pas pu calculer, se refuseraient autant qu'ils pourraient, à la contribution de ces secours, auxquels cependant la loi les obligerait; tous les moyens de ruse, de force, seraient employés par les divers départements pour se renvoyer réciproquement les familles qu'ils devraient secourir, ou auxquelles ils prévoieraient devoir un jour donner des secours. Cette dureté pour le malheureux, vice presque contre nature, ou au moins contre toute société, serait cependant, en quelque sorte, excusable par la prodigieuse inégalité des secours à leur donner; et cependant, elle ne diminuerait pas les charges; car il est de la nature de toute taxe individuelle, et dont le secours des pauvres est l'objet, de s'augmenter même malgré l'opposition des contribuables. En vain, ceux qui payeront la taxe se raidiront-ils de concert avec les administrateurs eux-mêmes contre son augmentation, il n'en résultera qu'une lutte perpétuelle, qu'une plus grande incurie sur l'emploi de la taxe et peu de soulagement profitable : mais la taxe augmentera : le besoin, l importunité, l'intérêt personnel des pauvres, seront toujours plus forts que ne pourrait jamais l'être la constance des administrateurs à refuser. Des ambitieux, des intrigants, disposés à flatter la multitude et à gagner une popularité du moment, détermineront cette augmentation que les administrations suivantes n'oseront baisser, et gui, peut-être, s'étendront jusque sur les districts voisins; et c'est encore ici que l'exemple de l'Angleterre est une grande leçon. La taxe des pauvres n'y était portée, au commencement du siècle, qu'à quinze millions, elle excède aujourd'hui soixante; et les contribuables, luttant sans cesse contre son poids énorme, sentent l'impossibilité de la diminuer, et se bornent aujourd'hui à chercher à l'empêcher de s'étendre davantage, sans oser espérer
pouvoir s'opposer efficacement à son accroissement.
Tous ces inconvénients, dont le comité a reconnu la réalité, lui ont fait rejeter toute idée, même éloignée, de taxe pour les pauvres : aucun d'eux ne se trouve dans le projet qu'il propose pour la répartition des fonds applicables aux secours.
D'abord, ces fonds ne sont pas une imposition. Vainement dirait-on que, faisant partie des biens nationaux, la part destinée aux secours, employée à une autre intention, soulagerait d'autant "les impositions, et qu'ainsi appliquée au soulagement des pauvres, elle grève, dans cette proportion, les contribuables. Il sera facile de démontrer d'abord que la partie des biens nationaux distraite pour cetie intention sera peu considérable, les biens des hôpitaux, de charité, des maladreries, ete., aujourd'hui existants, devant remplir une grande partie des besoins; mais cette partie des besoins lût-elle plus forte, elle ne peut jamais être considérée comme une distraction faite aux autres obligations nationales : c'est l'emploi de devoir et reconnu tel de ces deniers; c'est leur destination unique, tellement que la nation n'eût pu, sans Ja remplir, rentrer en possession de cette nature de biens. La nation est, à cet égard, comme recevant un héritage grevé, pour uoe partie, d'une délégation positive et par conséquent sacrée ; elle hérite de tous les biens domaniaux ecclésiastiques, moins les charges dont ils sont affectés. Ces fonds de secours n'étant pas une imposition, l'égalité proportionnelle de répartition dans tous les départements, ;qui fait son mode principal, n'est donc pas une injustice.
La partie de ces secours qui est inégale, et qui exige pour être obtenue une contribution des municipalités, districts ou départements qui la sollicitent, n'a pas non plus, comme la taxe, l'im-politique inconvénient de mettre une grande inégalité dans la valeur des fonds : car la contribution exigée ne sera jamais forte, puisqu'elle ne sera qu'une proportiou dans ce secours additionnel. Elle sera suffisante pour éveiller l'attention des contribuables, pour les tenir en garde contre une injuste admission sur la liste des pauvres. Mais la différence de cette partie de contribution d'un département à un autre, ne pourra jamais établir une grande différence dans l'estimation des propriétés. D'ailleurs, cette contribution particulièrement attachée à la part des secours destinée aux travaux, recevra elle-même un grand profit des ouvrages utiles qu'elle fera faire par les ouvriers qu'elle soulagera, et elle répandra ainsi à l'avantage commun les sommes provenues de la contribution commune; elle en haussera la valeur des propriétés. Ainsi un accroissement à cette contribution ne serait que d'un léger inconvénient pour le contribuable ; mais il n'aura lieu que dans le cas toujours déterminant de Ja nécessité, parce que les contribuables, déjà mis en garde par leur propre intérêt, seront préservés encore de la trop grande facilité de cette augmentation, par les districts, départements, et enfin par le Corps législatif dont, en dernier ressort, l'approbation sera toujours indispensable.
L'administration des fonds de secours, et des secours eux-mêmes donnés à la classe indigente de la société, faisant partie de la Constitution, doit être conduite d'après les mêmes principes que toutes les autres branches d'administration qui ressortent de cette Constitution. Il ne peut y avoir deux bases, deux principes dans une unile, et encore une fois la Constitution doit être une.
Si quelqu'une de ses parties pouvait s'en détacher sans nuire à l'ensemble, cet ensemble serait imparfait.
Toute la partie de l'administration étant sous la direction des assemblées de départements, de districts et des municipalités, l'administration des secours doit avoir la même marche.
Il n'est pas question ici de bureaux de charité, c'étaitvbon pour l'aumône ; ils pourraient avoir lieu encore pour les souscriptions volontaires, pour les charités libres que feront les individus; l'administration des secours donnés par l'Etat, dans des vues générales de bien public, dans celles de la Constitution, ne peut appartenir qu'à ceux en qui la nation a confiance et qu'elle a choisis pour remplir ses vues.
Mais comme cette administration, très variée dans ses branches, exige des soins, une activité, une surveillance continuelle, et que les assemblées administratives, surchargées d'affaires de toute espèce, manqueraient de temps pour se livrer à ces détails avec suite, nous avons pensé que cette administration nécessite une agence particulière qui, dépendant du grand corps administratif, porterait une attention de tous les moments sur ces détails.
Cette agence serait placée auprès des départements et auprès des districts.
Elle serait composée, aux départements, de quatre citoyens choisis parmi les électeurs, et formerait le conseil et le moyen d'inspection des départements dan s cette branche d'administration.
11 est nécessair« que le choix du peuple, pour remplir utilement les fonctions de cette agence, porte sur des hommes véritablement amis de l'humanité; qui, guidés par une morale sévère et une sensibilité profonde et réfléchie, bravent tous les sacrifices d'amour-propre, toutes les contrariétés que leur bonne intention pourra quelquefois trouver dans son exécution pour faire du bien aux hommes, et qui, peu soucieux des succès du moment, sachent attendre du temps, avec patience et courage, la justice due à leurs soins, à leur activité et à leur sagesse.
Il serait utile qu'il se trouvât dans cette agence un médecin, puisque le soin des malades et des enfants est du ressort de l'administration des secours, et parce qu'encore il serait bon que les chirurgiens et sages-femmes répandus dans les campagnes pussent être surveillés, dans l'ensemble de leur traitement, par un homme de l'art.
Il serait utile encore qu'il s'y trouvât un homme qui apportât quelques connaissances dans la fabrication et le commercé des ouvrages susceptibles d'être fabriqués, ou dans les maisons de correction, ou dans les maisons des pauvres, auxquelles il serait fourni dé l'ouvrage; toutes ces convenances seront prises en considération par les électeurs.
Les agences de districts pourraient n'être composées que de deux citoyens, qui surveilleraient tous les établissements faits dans leur district.
Ils feraient encore partie d'un comité que nous croyons devoir être utilement formé pour régir supérieurement les maisons de correction, les hospices, pour connaître des fautes ou de la bonne conduite de ceux qui y sont détenus; prononcer sur les punitions ou sur les grâces de quelque importance qu'ils peuvent mériter; enfin, Soustraire, dans les cas intéressants, les pauvres et les détenus de l'arbitraire toujours dangereux des agents subalternes.
Le juge de paix du canton, où se trouverait
chacun de ces établissements, devrait être membre et peut-être président de ce petit comité.
Ses fonctions et la confiance du peuple l'y appellent avec nécessité.
Les municipalités nommeraient ou un de leurs membres ou un citoyen de leur commune, pour surveiller la distribution et l'emploi des secours dans leur étendue.
Telle est l'idée que s'est faite le comité de cette grande administration, qui, conduite d'après les lois générales prononcées par le Corps législatif, ou par des lois particulières approuvées par lui, et faisant partie de l'administration générale du royaume, devrait être, comme toutes les autres, supérieurement inspectée par le roi, en sa qualité de chef du pouvoir exécutif, afin que, chargé de leur exécution, il puisse les rendre conformes aux lois, en rappeler toutes les branches à un centre commun de surveillance et maintenir, dans ce rapport d'exécution comme dans tous les autres, l'unité et l'ensemble de la monarchie.
Mais les besoins n'étant pas les mêmes dans les divers départements, les secours doivent être différents.
Une sage législation doit prévoir et sè prémunir contre la facilité si naturelle des administrateurs, qui chargeraient le rôle des pauvres, de familles qui ne devraient pas espérer de secours, et qui, par cette trop grande facilité, donneraient un exemple bientôt suivi généralement, et dont les bornes se reculeraient sans cesse.
L'assistance accordée par l'Etat doit se borner aux vrais besoins. .N'oublions pas que toute extension qui lui est donnée au delà de la nécessité est à la fois une sorte d'encouragement à la paresse et à 1'imprévoyance.et une injustice à la société, puisque les sommes inutilement données pourraient être plus utilement employées.
Il faut donc poser des principes qui servent de bases aux secours que l'Assemblée nationale doit répandre dans les divers départements, et ces bases doivent encore être celles données par la Constitution.
Ainsi la population, la contribution et l'étendue qui servent de base à la représentation de chaque département en serviront encore pour l'assistance à laquelle, ils doivent prétendre de la nation, et aucune base ne peut être plus équitable.
En effet, on ne peut nier qu'entre deux départements d'une étendue pareille et d'une égale population, celui qui versera dans le Trésor public moins de contributions sera dans une moins bonne situation de richesse; celui-là aura moins de besoins, qui, avec plus de contributions, sera d'une étendue moins grande et renfermera une plus petite population : celui qui, avec plus d'é-tendue, plus de population, fournira moins de contributions, aura plus besoin de secours.
Celui-là sera le plus riche de tous, qui, avec moins de population, paiera plus de contributions dans une moindre étendue; bien entendu, toutefois, que chaque département paiera l'impôt dans la même proportion de ses richesses.
Enfin, il semble que cette base acquerrait toute la perfection dont elle serait, susceptible, si on lui ajoutait pour nouvel élément la proportion des citoyens actifs avec la population. Cette mesure équitable de la richesse et de la pauvreté le sera encore de tous les besoins qu'il faut assister; car, à quelques légères différences près, tenant à des causes particulières qu'il est facile de connaître, la même masse d'hommes indigents amène la même quantité d'enfants à secourir, de malades à traiter, de vieillards et d'infirmes à
assister, de fainéants et de mendiants à réprimer.
La première partie de la répartition, faite à chaque département des fonds destinés aux secours, aurait pour objet ces diverses espèces d'assistances, et serait augmentée du produit du travail qu'il serait possible d'exiger de ces classes différentes d'hommes à secourir. La seconde partie, faite pour ajouter à ce que le calcul général pourrait avoir d'imparfait par des causes locales, aurait pour but particulier de donner du travail, d'augmenter les secours au delà delà proportion commune. C'est cette partie à laquelle il a paru que les départements devaient contribuer dans une proportion quelconque, afin que l'intérêt de chacun d'eux, et de chacune de leurs parties, contînt les demandes dans h urs justes bornes, et ne mît pas bientôt à la charge de la nation un grand nombre de familles et d'hommes qui n'ont pas besoin d'être secourus.
Quelque sévère que puisse paraître à quelques personnes cette nécessité imposée aux départements, districts et municipalités* de contribuer aux secours qu'ils requièrent pour leurs familles indigentes, il n'est pas douteux que l'extension indéfinie de secours, qui résulterait nécessairement de l'assistance gratuite et facile, accordée à toutes les demandes, est le plus grand mal à éviter; qu'il ne peut s'éviter autrement qu'en intéressant les départements par une part de contribution pour les secourir au delà du nécessaire, reconnu et ordinaire; qu'enfin, les départements, qui seront par là déchargés de la part de l'impôt, qui faisait le fonds des ateliers de charité et du moins imposé, n'en recevraient pas une surcharge qui puisse les appauvrir, quand surtout cette part, à l'augmentation de secours, sera destinée à faire des ouvrages utiles aux cantons, aux districts, aux départements; il serait même nécessaire, pour donner à celte idée toute la perfection dont elle est susceptible, de graduer la part de contribution des départements et districts demandants, de manière qu'elle soit d'une moindre proportion, selon que les secours demandés sont moins considérables. Il semble alors que ce système de répartition répond à toutes les objections qui pourraient être faites d'une abondance trop grande "ou d'une trop grande parcimonie de secours. D'ailleurs, c'est ici le cas de rappeler qu'un fonds de réserve restera, et dans chaque département, et dans une caisse commune, pour secourir les malheurs accidentels, tels que les dégâts causés ou par un incendie, ou par l'intempérie des saisons, et que les fonds distribués aux vrais malheurs, le seront gratuitement et sans part de contribution.
Pour terminer l'ensemble des principes généraux, qui doivent guider l'administration des secours, il ne s'agit plus que d'indiquer quelles règles doivent être suivies pour l'admission sur le rôle des secours.
Il ne faut pas oublier que nous avons admis, pour principe incontestable, que les pauvres valides doivent être seulement aidés parles moyens de travail, et que les distributions gratuites, soit d'argent, soit de nourriture, seraient autant réduites qu'il serait possible. Les pauvres valides ne sont donc autre chose que des journaliers sans propriétés. Ouvrez des travaux, ouvrez des ateliers, facilitez pour la main-d'œuvre les débouchés de la vente; ceux qui, avec le besoin du travail, ne profiteront pas de ces facilités, ne reconnaissent pas apparemment ce besoin; s'ils mendient, ils seront réprimés ; s'ils ne mendient
pas, ils trouveront sans doute ailleurs des moyens de vivre; et c'est bien ce que doit désirer" l'administration; elle doit encourager dans cette vue et par tous les moyens si puissants sur cette nation, d'honneur et d'éloges publics, les hommes qui feront travailler à leurs propres frais, le plus grand nombre d'hommes; car celui-là est vraiment, et sous plusieurs rapports, le plus utile à la patrie; mais les hommes, capables de travail, n'auront droit aux secours qu'en maladie et dans leur vieillesse ; encore il semble que comme les mœurs publiques et l'économie nationale sont également intéressées à exciter l'homme dans toutes les classes, à prévoir l'avenir, et préparer le moyen qui peut les dispenser de recourir à l'assistance de la société : il appartient au gouvernement d'exciter ces sentiments généreux et utiles à la société. On pourra, par exemple, utilement placer non loin des hospices que i'on destinerait pour asiles gratuits des vieillards, des maisons où ceux qui fourniraient une somme qu'une suite de calculs démontrera pouvoir être très modique, seraient traités mieux, pour la nourriture, le logement, les commodités, que dans les asiles gratuits. Sans doute, ainsi qu'il a déjà été dit dans un des précédents rapports, il ne faudrait pas que, pour cela, Je traitement des vieillards secourus, fût insuffisant, et que le nécessaire ne leur fût pas complètement donné; mais il serait utile que la maison de retraite, réunissant plus de commodités, plus d'avantages, l'ouvrier fût occupé toute sa vie du soin de pouvoir s'y ménager les moyens d'y être admis.
On dira peut-être qu'ainsi la pauvreté absolue recevrait une injuste humiliation de cette comparaison de traitement ; mais il serait plus vrai de dire que cette humiliation, si on peut l'appeler ainsi, serait bien plus pour l'imprévoyance que pour la pauvreté; car, si cette idée peut se réaliser, la classe qui peuplerait les deux maisons, serait la même, et sans doute la satisfaction de l'homme qui ne devrait l'aisance de sa vieillesse qu'à son économie, qu'à ses soins, qu'à lui-même, et celle de sa famille encouragerait beaucoup d'autres à se préparer une ressource pareille. Il ne faut pas croire que le sentiment d'énergie qui fait désirer à l'homme pensant ne devoir qu'à lui son bien-être, ne devienne pas beaucoup plus commun, même dans la plus inférieure classe des habitants de la campagne, qu'elle ne l'est aujourd'hui. La Constitution nouvelle, qui répandra plus d'instruction dans toutes les parties de la société, qui appelle tous les citoyens à la participation de l'administration et de la législation, donnera à~chacun une idée de son existence, que dans l'ancienne Constitution il ne pouvait pas avoir, et par laquelle ses sentiments seront et plus élevés et plus énergiques. La législation doit encourager, doit hâter cette révolution nécessaire; et il est évident que ce moyen est un de ceux qui doivent y contribuer plus puissamment.
Le comité vous soumettra, Messieurs, cette idée avec plus de développement, quand vous vous occuperez des détails du plan qui a pour objet de secourir les pauvres.
Tout homme ne payant aucune contribution serait mis sur le rôle des secours. Cette mesure semble être la plus juste; elle est d'ailleurs d'autant plus certaine, que tous les contribuables d'une commune, ayant intérêt à augmenter le nombre des imposés, il n'est pas à craindre que le rôle des secours soit porté au delà de ce qu'il doit être.
Un autre rôle comprendrait ceux qui ne payant, pour contribution, qu'une ou deux journées d'ouvriers, touchent à l'indigence absolue, et peuvent y être réduits au moins accidentellement et par diverses circonstances : ceux-là ne devront pas être habituellement secourus; mais des accidents imprévus, un grand nombre d'enfants, de longues maladies leur donneraient droit à des secours. Les règles précises de cette assistance sont plus faciles à sentir qu'à expliquer positivement, dans tous les cas qu'elles peuvent embrasser. Elles seront sûrement connues et suivies par la justice et l'expérience des administrateurs, auxquels l'exécution appartient ; et nous vous proposerons, à cet égard, des vues dans le développement des détails de votre travail.
Ici, Messieurs, nous bornons ce rapport que vous pouvez considérer Comme l'ensemble des principes qui doivent tixer votre législation sur les secours que la nation doit à l'indigence ; et nous avons, en conséquence, l'honneur de vous proposer de les déterminer par le décret suivant :
1° Les biens dont lès revenus sont aujourd'hui destinés à l'entretien des hôpitaux, maisons de charité; ceux régis par les ordres hospitaliers, pèlerins ; les fonds affectés aux maiadreries et autres établissements du même genre, sous quelque dénomination que ce puisse être, sont déclarés biens nationaux, et toutes les dispositions des lois, relatives auxdits biens, leur seront communes ;
. Les ogtrois perçus à l'entrée des Villes, au profit des hôpitaux, continueront à l'être, et lés revenus, dans la proportion qui en^ appartient aux pauvres, seront versés dans la caisse du département, en déduction des sommes auxquelles ils auront droit de prétendre pour ia distribution $es secours;
3° L'Assemblée nationale déclare qu'elle met au rang de ses obligations les plus sacrées, l'as-sistance des pauvres dans tous les âges et dans toutes les circonstances de la vie ; et qu'il y sera pourvu, ainsi qu'aux dépenses pour I extinction de la mendicité, sur les revenus publics, dans l'étendue qui sera jugée nécessaire ;
4° Il sera accordé, en conséquence, à chaque département les sommes nécessaires pour les objets indiqués dans le présent article ;
5° La base générale des secours à accorder aux départements, districts et municipalités, seront les trois bases de la représentation nationale, la population, contribution et étendue, et lapropor-tion du nombre des citoyens actifs avec le nombre de ceux qui ne le sont pas ;
6° Ces fonds auront pour objet les secours à donner aux enfants abandonnés* aux malades, aux vieillards, aux infirmes, le travail à offrir aux valides, les maisons de correction, elc;-
7° La répartition de ces fonds sera faite de la manière suivante. Une partie qui aura pour objet l'entretien des établissements permanents, sera donnée aux départements, sans que ceux-ci payent, à cet effet, aucune contribution particulière, ^'autre, qui aura pour objet le travail à fournir et le supplément de secours, sera augmentée d'une contribution, payée par les départements, en proportion des sommes qu'ils recevront;
8° Indépendamment de ces secours, accordés à chaque département, il sera fait un fonds de réserve pour subvenir aux malheurs imprévus, occasionnés par des circonstances extraordinaires, dans quelque partie du royaume que ce
soit et pour les dépenses communes à tous les départements;
9° Les dotations, souscriptions et fondations, qui se feront à l'avenir au profit des pauvres, et qui ne contrarieront pas les lois du royaume, seront suivies dans toute leur intention, pendant l'espace de cinquante années. Le nom des souscripteurs ou donataires sera gravé sur une des murailles du principal établissement ;
10° Après la révolution des cinquante années, sur la réquisition des districts les départements présenteront une pétition à l'Assetnblée nationale, pour suivre ou changer l'iatention de ces fondations, bien entendu toutefois qu'aucun des souscripteurs, fondateurs ou donataires n'existerait plus, aucun changement ne devant être opéré pendant leur vie ;
11° L'administration des fonds de secours appartiendra, comme toutes les autres, aux destricts des départements ;
12° Il sera formé dans chaque département, une agence au conseil de secours, qui sera chargé par le département, et sous ses ordres, des soins et détails de cette administration ;
13° L'agence ou conseil des secours sera, dans les départements, composé de quatre personnes choisies par les électeurs ;
14° Elle sera composée de deux seulement dans les districts, et choisie de même;
15° Indépendamment de ces agences, il sera formé un comité de surveillance pour le régime et la police intérieure des maisons de correction et hospices. Ge comité, composé de quatre personnes, dont deux de l'agence du district et deux domiciliés dan s le canton, sera présidé par le juge de paix du canton ; de manière que si, dans le même district, mais dans des cantons différents, il se trouvait deux établissements de cette espèce, les deux mêmes membres de l'agence du district pourraient être du comité de surveillance pour les deux; tandis que ceux qui ne seraient pas de cette agence ne pourraient être attachés qu'à celui de leur canton ;
16° Les conditions pour être inscrit sur le rôle des secours, c'est-à-dire pour avoir droitmix secours gratuits dans les temps de maladies, d'in-lirmiiés et de vieillesse, seront de ne payer aucune taxe d'imposition ;
17° Il sera fait un second rôle de secours oîi seront inscrits ceux qui ne payent qu'une, en deux et même trois journées d'ouvriers; ceux-ci, dans des cas particuliers et accidentels, auraient droit aux secours publics.
TROISIÈME ANNEXE
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Rapport fait au nom du comité de mendicité, des visites faites dans divers hôpitaux, hospices et maisons de charité de Paris, par M. de La Bouche foucauld^Liancoiirt, député du département dé l'Oise (1)* (Imprimé par Ordre de l'Assemblée nationale.)
L'Assemblé^ nationale, en comprenant dans le
travail dont elle a chargé son comité de mendicité le soin de lui présenter des vues sur le meilleur moyen d'assister les pauvres dans l'état de maladie, de vieillesse et d'infirmité lui a prescrit le devoir de prendre soigneusement toutes les connaissances qui pourraient le plus complètement servir les intentions bienfaisantes dont elle est animée pour cette classe infortunée qu'elle a pris, au nom de la nation, l'engagement de secourir.
Le comité a cru ne pouvoir plus efficacement suivre le vœu de l'Assemblée, qu'en ajoutant aux lumières que lui ont fourni les divers ouvrages écrits sur cette matière et les renseignements pris sur les établissements des peuples voisins, les connaissances plus particulières qu'il retirerait de la visite des différents hôpitaux de Paris. Il a pensé que les immenses établissements faits pour la capitale du royaume, devaient présenter une masse d'avantages ou d'abus précieux à examiner avec attention et dont l'observation réfléchie devait faciliter son travail. A ces grands motifs suffisants, sans doute, pour avoir déterminé les visites qu'il a cru devoir faire dans ces différentes maisons, il a joint encore le désir de se mettre promptement en état de proposer un travail pour les hôpitaux de Paris si l'Assemblée pensait que l'étendue de la capitale, le nombre prodigieux des malheureux qui doivent y être assistes, l'organisation particulière de sa municipalité exigeaient une modification au système général qu'elle pourrait prescrire pour les hôpitaux et hospices du royaume. L'Assemblée, informée de ces visites a ordonné que le compte lui en soit rendu et qu'il soit publié.
Le comité a cru qu'il devait pluiôt mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale l'ensemble des diverses maisons qu'il a visitées, que les détails multipliés de leur police intérieure ; il n'aurait pas même eu le moyen de les recueillir dans leur totalité. Malgré les visites répétées qu'il a faites dans 1rs mêmes maisons et malgré le zèle et le soin avec lesquels il a pris les informations dont il rendra compte, le temps qu'il a pu leur donner a été borné : cependant, il ose assurer qu'aucun des faits qu'il exposera ne pourra être contesté; enfin il les présentera avec la franchise qui est le devoir essentiel de tous les comités de l'Assemblée nationale, mais qui semble être plus positi-ment encore celui du comité à qui elle a daigué confier, d'une manière plus particulière, la cause des pauvres et des malheureux/
Il commencera ses rapports par le compte de l'hôpital général, parce que cette administration répandant des secours de plusieurs espèces, et sur une plus grande quantité d'individus, donne lieu à un plus grand nombre d'observations et sera d'un intérêt plus grand pour l'Assemblée.
HOPITAL GÉNÉRAL (1).
Introduction.
L'hôpital général, composé des maisons de Sci-pion, de la Pitié, des Trois-Maisons, des Enfants trouvés, de Bicêire, de la Salpétnère, du Saint-Esprit, de Sainte-Pélagie et du Mont-de-Piété, assiste habituellement onze à douze mille pau-
vres, sans y comprendre les enfants trouvés placés à la campagne. Douze administrateurs gérants dirigent aujourd'hui cette immense administration qui a eu, jusqu'à présent, pour chefs supérieurs : l'archevêque de Paris, les premiers présidents des cours souveraines, le procureur général du Parlement, le lieutenant de police et le prévôt des marchands. Ces premiers administrateurs qui tenaient leur autorité de leur place,, ne se mêlaient de l'administration que dans des cas très rares où il s'agissait d'une décision de grande importance; alors ils se réunissaient avec les administrateurs-gérants, à l'archevêché, en bureau général.
Les administrateurs-gérants s'élisaient entre eux quand il y avait une place vacante; leur élection devait être contirmée en bureau général et elle l'était toujours; ils prêtaient serment au Parlement, et restaient administrateurs inamovibles. Choisis dans la meilleure bourgeoisie de Paris, et parmi les hommes qui généralement avaient dans leur vie acquis une réputation plus reconnue de probité, ils apportaient toujours dans l'administration des vues désintéressées et des intentions pures. C'est un hommage que nous nous croyons en droit de leur rendre d'après la voix publique confirmée par tout ce que nous avons été à portée de reconnaître plus particulièrement.
Mais l'administration des dix maisons qui secourent près de quinze mille individus est une machine immense qui est au-dessus des forces humaines de régir avec tous les soins de détail qu'exige l'assistauce des malheureux. Cette machine est gouvernée encore par les règlements de sa formation faits en 1656, et, depuis ce moment, elle a reçu, à plusieurs époques, des augmentations comidérables qui ont rendu son administration plus difficile. Dans le nombre des administrateurs, plusieurs ayant un autre état, chargés d'affaires étrangères à l'hôpital, ne peuvent donner tout leur temps à cette administration dont les détails ont successivement éié rendus, et plus multipliés et plus compliqués. Le moindre changement qu'ils eurent voulu apporter aux règlements imparfaits, aux usages anciens de ces hôpitaux, eût nécessité la sanction des grands administrateurs, celle du Parlement, des ministres ; et peut-être, ne l'eût pas obtenu. Quelques tentatives en ont montré les difficultés et ont dû refroidir le zèle de ceux qui, avec plus d'espérance de succès, eussent provoqué, avec plus de suite, ces changements désirables. D'ailleurs, il fallait reprendre sous-œuvre l'ensemble de ce gothique édifice, le reconstruire pour ainsi dire à neuf; des réparations partielles eussent mis en péril son existence. Il fallait, pour espérer quelque succès, réunir à une conception hardie, un courage opiniâtre pendant plusieurs années et qu'aucun obstacle ne devait intimider; il fallait une autorité sans bornes. Cette entreprise ne pouvait être du ressort des administrateurs-gérants. Toutes ces considérations les justifient des vices, malheureusement trop nombreux qui se rencontrent dans l'administration de l'hôpital générai; on peut le dire inhérents à une aussi immense machine; ils s'y sont perpétués depuis sa création par l'empire de l'habitude dont rien ne dérange l'influence quand elle doit transmettre des abus, et qui est généralement la loi souveraine de tous nos hôpitaux. Nous les présenterons vivement et fortement, comme nous en avons été frappés, et nous ferons voir alors comment, sous l'administration d'hommes honnêtes, vertueux et
bien intentionnés, les préjugés et la routine peuvent cependant consacrer et légitimer, pour ainsi dire, des usages que la plus simple réflexion réprouve et faire même méconnaître les droits de l'humanité.
Les administrateurs ont, depuis plusieurs mois, donné la démission de leurs places qu'ils ont dé? claré ne vouloir plus exercer, mais ils continuent, au désir de la commune de Paris, de donner, pendant quelque temps encore, les mêmes soins à l'hôpital général.
MAISON DE SCIPION.
La maison de Scipion est le dépôt général des vivres de l'Hôpital général, et le centre commun d'où partent tous les jours, le pain, la viande ët la chandelle que l'on consomme dans les autres maisons.
Soixante-quatorze employés de toute espèce sont destinés à ce service. Huit commis à la tête desquels est un économe, règlent et inspectent tout ce qui tient à cette régie très compliquée sous tous les rapports. Le blé s'achète dans différentes provinces. Il est mis en farine dans les moulins de Corbeil, qui, au nombre de dix, appartiennent à l'hôpital,et converti en pain,dans la maison de Scipion. Vingt-quatre boulangers cuisent environ vingt mille livres de pain par jour, quatre garçons bouchers et plusieurs autres employés sont chargés de la distribution des viandes. L'nô-pital général consomme annuellement environ' dix-huit cents, bœufs, huit cents veaux, et six mille moutons. Les achats sont réglés par les administrateurs qui en chargent des commissionnaires et des inspecteurs particuliers. Nous nous proposons de présenter ailleurs quelques réflexions sur cette régie, qui, embrassant des détails immenses, doit être surveillée sans cesse.
La fourniture de la viande est en partie à l'entreprise, puisqu'elle est confiée à un fournisseur qui promet livrer, à un prix et à un poids fixés, la quantité de bestiaux nécessaires à la consommation de l'hôpital.
Un entrepreneur est chargé aussi de la fourniture du bois dont la consommation est de six mille voies par an. Quarante-quatre chevaux sont tous les jours occupés à faire ce service. On pourrait croire que le calcul d'un bénéfice considérable pour l'hôpital, a pu déterminer l'administration à se charger des soins très multipleset très pénibles d'une aussi immense régie. Cepeudant le prix de la viande, en comptant le bénéfice des graisses, n'est que d'un cinquième au-dessous du prix de Paris. Les variations survenues dans le prix des grains rendent plus difficile de fixer le prix du pain, composé avec celui que vendent les boulangers; ce càlculjd'ailleurs, ne pourrait être exact, parce que les principaux employés de l'Hôtel, et les pensionnaires maugeant du pain blanc, un septième de fleur de farine, pris à cet effet sur toute la farine employée dérangerait toute appréciation de cette nature. Il en résulte cependant que si le pain bis du pauvre est bon comme nous nous en sommes assurés, il doit être aussi un peu moins substantiel.
La consommation de la chandelle dans les différentes maisons de l'hôpital est d'environ quatre-vingt-dix mille livres par année. Elle se fait à la maison de Scipion; ce qui s'en fabrique d'excédent est vendu.
On est étonné d'y voir que les mèches qui pourraient fournir du travail à quelques pauvres
de l'hôpital soient achetées toutes filées. Cette économie, si c'en est une, ne nous a pas paru bien calculée, ét fait voir d'avance combien peu, dans ce grand établissement, on s'occupe de ménager les moYens de travail.
MAISON DE LA PITIE.
La maison de la Pitié doit être considérée sous deux rapports, comme centre de l'administration des maisons réunies sous le nom d'Hôpital général et comme hôpital particulier.
Sous le premier rapport, la maison de la Pitié est le lieu où les pauvres de toutes classes; qui réclament l'assistance des hôpitaux dépendant de l'administration, viennent présenter leurs titres. Ces titres sont la pauvreté absolue certifiée par les curés. Deux administrateurs au moins doivent les vérifier et selon leur validité et la vacance de places, admettre ou rejeter les postulants. Cette présentation a lieu les lundis de chaque semaine.
Cette maison est encore le magasin commun des étoffes achetées dans les provinces pour l'habillement de tous les pauvre assistés par l'hôpital général; ces habillements y sont même généralement travaillés. La maison de la Salpêtrière fait travailler, dans son intérieur, ceux destinés à son usage; mais les étoffes en sont toujours fournies par les magasins de la Pitié.
Les poissons, légumes et fruits secs pour la subsistance générale sont mis aussi en magasin dans cette maison et fournis de là à toutes les autres.
Quatre-vingt-douze personnes des deux sexes sont employées au travail des vêtements ou à la garde des magasins. La fabrication de toutes les parties de l'habillement de quinze mille individus qui forment la population des maisons de l'hôpital général fournirait un travail utile et sûr à un bon nombre de pauvres, si le système de l'entière oisiveté n'était pas celui que l'administration paraît avoir adopté. Ce système qui semblerait ne devoir être attribué qu'au vice d'une longue habitude, nous a été présenté par les administrateurs eux-mêmes, comme l'effet d'un principe réfléchi dont il est cependant difficile d'admettre la vérité. Cette triste réflexion sur l'absence entière du. travail daus ces maisons de charité, afflige à chaque pas ; et, sans doute, dam le cours des comptes que nous avons à vous rendre, nous vous en fatiguerons plusieurs fois encore.
Au reste, les magasins et ateliers nous ont paru propres et les registres dans un grand ordre.
La maison de la Pitié, considérée comme hôpital, est destinée aux enfants pauvres admis par les mêmes formes et aux mêmes titres que les autres pauvres de l'hôpital général. Il paraît que le nombre de ces enfants n'est fixé par aucun règlement : Il y en a, à l'époque actuelle,, mille trois cent quatre-vingt seize et cette quantité qui excède celle ordinairement reçue dans la maison, tient à la difficulté du moment pour les débouchés.
Ces enfants sont reçus depuis quatre ans jus qu'àdouze. Ils doivent être conservés à la mai son jusqu'à ce qu'ils aient fait leur première communion, ou, plus tard, s'ils ne sont pas assez forts pour être mis en apprentissage. Ils sont répartis en sept divisions appelées emplois et y reçoivent l'instruction de la lecture, de l'écriture, de l'arithmétique et de la religion. Chaque
emploi a un maître et un sous-maître. Ces divisions ne sont pas graduelles.
Un emploi particulier est destiné aux seuls enfants de quatre à huit ans. Ils y sont, à présent, au nombre de trois cent quatre-vingts. Parvenus à l'âge de huit ans, ces enfants sont indifféremment admis dans les autres emplois.
Celui appelé des convois, c'est-à-dire destiné à aller aux enterrements, est composé des plus grands, et nous dirons, en passant, qu'il nous semble que des jeunes gens que l'on accoutume ainsi à jouer à côté des cadavres et des cérémonies les plus tristes de la religion, doivent recevoir, de cette habitude, une empreinte de dureté et d'immoralité qui peut se retrouver dangereusement dans le cours de leur vie.
L'instruction est la même partout, et partout les mêmes moyens. Chaque emploi a plus ou moins de dortoirs et de salles de classe. Les dortoirs, même anciens, sont assez grands, les nouveaux sont vastes, bâtis avec intelligence, pour procurer des courants d'air; mais le nombre d'enfants couchant dans la même chambre est toujours trop grand. Gn fait admirer des lits d'une nouvelle construction qui coulent et se nichent sous d'autres, de manière qu'une salle qui conr-tient cinq rangées de lits quand les enfants se couchent n'en présente que trois quand ils ne sont pas couchés. Il est difficile de ne pas craindre qué ces lits roulés sous les autres, dès que les enfants sortent, et découverts seulement quand ils y rentrent, ne présentent plus de causes d'insalubrité, que s'ils étaient toute la journée à l'air.
La gale et la teigne sont les seules maladies traitées dans la maison. Les enfants malades sont envoyés à l'Hôtel-Bieu. Ceux qui n'y meurent pas en rapportent la gale qui parait perpétuelle dans ce grand hôpital.
Le scorbut est très commun dans la maison de la Pitié. On assure que les farineux donnés avec abondance en nourriture à ces enfants, en ont diminué l'intensité. Les fièvres rouges y sont auàsi des maladies habituelles; mais elles sont, ainsi que les petites véroles, portées à l'Hôtel-Dieu, et l'on sent bien que leur danger augmentent de cette transportât! on forcée et du traitement qu'elles y reçoivent. On n'a jamais pensé, depuis quarante ans que l'inoculation est connue en France, à prouver, par de grandes expériences faites sur un grand nombre d'enfants, combien cette précieuse manière de se préserver de la plus horrible maladie était sans danger et à en faire connaître l'avantage à toutes les classes de la société. Il faut cependant convenir que de tous les biens qui peuvent être espérés d'un grand établissement de charité, celui-ci serait un des plus importants, puisqu'il serait, à la fois, salutaire aux enfants qu'il préserverait d'une maladie souvent mortelle, et dont les suites sont souvent encore fâcheuses pour ceux qui en réchappent, et d'un exemple déterminant pour tant de personnes qui ignorent encore jusqu'à l'inoculation. Mais, chaque pas fait dans lés hôpitaux persuade davantage que ces maisons sont l'asile des préjugés, qui s'y conservent bien des années après qu'ils ont disparu du reste du monde; Les meilleures raisons y sont toujours prêtes pour prouver qu'un changement quelconque serait un mal.
A la suite des grands bâtiments que l'on construit à grands frais, à la Pitié, depuis six à huit ans, on projette de bâtir une infirmerie, mais elle n'est pas faite encore et, en attendant, ces malheureux enfonts vont périr en foule à l'Hôtel-Dieu. Il est vraiment inconcevable que la charité qui
assiste la pauvreté soit aussi peu soucieuse et aussi peu éclairée sur sa conservation. A quoi bon réunir treize cents enfants lorsqu'on ne peut pas les traiter én maladie. La bienfaisance ne serait-elle pas plus entière, si le nombre des admis était de moitié moins considérable, et plus complètement assistés? Cette éternelle routine, suivie dans ces établissements de bienfaisance qui devraient s'enrichir de toutes les lumières utiles à l'humanité, fait naître des réflexions bien tristes; et combien ne le seraient-elles pas davantage encore si un simple calcul additionnait le nombre de morts dues à cette incurie d'habitudes.
Les enfants sont nourris comme les pauvres de toute l'administration. Ils le sont suffisamment, puisqu'ils ont en général l'air de la santé ; mais malgré les éloges qui'nous ont été faits des soins de leur éducation, ils sont mal élevés, puisqu'en général, ces enfants ne tournent pas à bien.
Il y a une classe d'élèves, c'est-à-dire de ceux qui pour l'écriture et la lecture montrent le plus de dispositions et de talents. Ils sont douze sur treize cents enfants, proportion bien modique; encore plusieurs de ces élèves sont-ils pris dans la ville par faveur et protection, ce qui décourage et fait murmurer les enfants de la maison. Cette petite classe, établie seulement depuis quatre mois, doit être la pépinière des sous-maîtres. Plusieurs écrivent très bien.
L'instruction générale, il faut le répéter, ne consiste qu'à lire, écrire et apprendre la religion. Sur la réflexion que dous nous sommes permise aux administrateurs que c'était apprendre bien longtemps la religion que de l'apprendre cinq heures par jour, pendant douze ans, pour des enfants qui semblaient ne devoir que savoir leur catéchisme, ils nous ont répondu qu'on leur apprenait la religion mieux qu'ailleurs; que c'était ainsi qu'on leur préparait des principes pour l'avenir, et c'est cependant d'eux qu'un moment plutôt, nous avions appris que ces enfants tournaient presque tous mal. Il est vrai que dans un petit mémoire fait sur l'hôpital de la Pitié, nous avons vu que plusieurs de ces élèves avaient, devant M. l'archevêque de Paris, l'année dernière, soutenu un exercice où ils avaient expliqué : Jésus figuré par les patriarches de Vancien Testament, et Jésus prédit par tous les prophètes. Cet effort de leur part était présenté par l'auteur, comme une preuve qu'ils avaient approfondi la religion et qu'elle ne leur était pas enseignée comme à des perroquets. Il semble que des enfants destinés a être théologiens, docteurs en Sor-bonne, etc., pourraient être très utilement instruits de cette manière, mais que les principes de religion, nécessaires à tous les hommes, une fois bien inculqués à ces pauvres enfants, le travail serait leur meilleure institution."
Mais, nous l'avons dit et nous le répétons encore à regret, il n'est aucun travail dans Cette maison» Ces malheureux enfants, destinés à être pauvres toute leur vie, sont façonnés, par la charité, à l'oisiveté, à l'inertie, et préparés, par conséquent, à devenir des sujets nuisibles à la société.
Les administrateurs, sur la forte objectiop que nous leur avons faite de nouveau contre cette pernicieuse pratique de leur maison, l'ont motivée sur l'économie. Point de débouché à leurs lacets, comme si les lacets était le seul ouvrage que l'on pût faire dans un hôpital, et comme si l'intelligence ne créait pas des moyens de travail, et ne trouvait pas, dans Paris, des débouchés certains I à toute sorte de main-d'œuvre, et comme si, enfin,
perdre quelques sommes annuellement, en faisant travailler ces enfants, n'était pas encore, en bon calcul d'administration, gagner beaucoup. Ils nous ont dit qu'ils manquaient de local, comme s'ils n'eussent pas pu placer ailleurs leurs magasins, recevoir moins d'enfants, établir les ateliers dans les classes, et, comme si encore une vigilance mieux entendue n'eut pas, depuis bien longtemps, transporté hors de Paris cet établissement, ne l'eût pas divisé en cinq ou six maisons à la campagne, et n'eût pas ainsi fourni à ces enfants, un travail utile, mesuré selon leurs forces, mais toujours en activité, et, par là, des moyens de santé, de conduite et d'aisance pour le reste de leur vie.
G'est à la campagne, sans aucun doute, que doiveut être, transportés ces établissements destinés à la jeunesse. L'air et le mouvement sont les premiers besoins de cet âge, et l'habitude d'un travail constant, sa première instruction néces* saire; mais les administrateurs n'auraient pas cet établissement sous leurs yeux, leur surveillance serait inquiétée de i'éloignement, et sans doute leur attachement pour les soins qu'ils donnent à leurs maisons, les égarent plus que leurs propres intérêts d'administrateurs sur le bien qui résulterait de ce changement; et puis cette éternelle et toujours renaissante routine, la meilleure de toutes les raisons ; faire ce qui a été fait la veille est toujours bien. Que d'administrations dont cet espèce de proverbe a jusqu'ici été le seul principe 1
Revenons à ces enfants. La première communion faite et leurs forces suffisamment acquises, les maîtres ouvriers les demandent en apprentissage. Ils doivent y rester trois ans, et reçoivent de la maison un petit trousseau de la valeur de 21 livres. Pendant ces trois ans, ils sont encore sous la surveillance de la maison.
Cet apprentissage de trois années doit les conduire à pouvoir gagner leur vie. Un inspecteur doit suivre leur conduite chez les différents maîtres où ils sont placés : mais qu'est-ce que la surveillance d'un homme sur quatre cent cinquante enfants qui doivent se trouver à la fois en apprentissage et qui sont répandus dans tout Paris; et que ferait à ces enfants une surveillance plus active, quand ils n'ont plus rien à espérer de la maison dont ils sortent, et quand la correction qu'ils eu craignent est plus comminatoire que réelle? car elle se borne à rappeler les coupables dans la maison où ils ne peuvent pas être gardés longtemps, ou à les envoyer àBicêtre, à la maison de correction, avec des enfants la plupart condamnés pour crime, et qui achèvent de les corrompre; d'où il arrive que leur jnconduite chez les maîtres est rarement réprimée. Ges enfants, la plupart trop jeunes pour bien calculer leurs intérêts, entraînés par mille écueils d'autant plus dangereux qu'ils sortent pour ainsi dire de captivité, ne travaillent pas, se conduisent comme ils l'entendent; les maîtres, qui ne doivent recevoir aucun avantage, aucune prime de satisfaction, si leur élève fait des progrès, se lassent bientôt de leur inconduite; ils se plaignent, la maison n'y peut rien ; les enfants continuent de mal en pis, quittent les maîtres, s'en vont, deviennent fainéants, mendiants, vagabonds et repeuplent les cabanons de Bicêtre, s'ils ne font pas une lin plus misérable encore. G'est de Messieurs les administrateurs que nous tenons ces détails. Ils nous ont avoué avec douleur que plus des trois quarts de ces enfants désertaient de chez leurs maîtres. Tel est le résultat nécessaire d'une éducation sans
travail. Le défaut d'encouragement pour les maîtres et les élèves est sans doute un vice, mais le principe du mal est dans l'habitude de l'oisiveté.
Les administrateurs qui sentent une partie de ces inconvénients, en reconnaissent encore dans l'espèce des enfants admis à la Pitié, et la donnent comme une des causes les plus puissantes de l'impossibilité du travail. Us disent que beaucoup de ces enfants ne passent que quelque temps dans la maison ; que leurs parents viennent souvent les rechercher, et que quand ils doivent y rester jusqu'à leur première communion, plus des trois quarts y font une perpétuelle navette, et y restent, les uns quinze jours, les autres plusieurs mois, les autres deux ou trois ans ; ils disent que souvent ces enfants reçoivent des certificats des curés, qui attestent une pauvreté qui n'existe pas, soit que les curés soient absolument trompés, soit qu'ils ne soient que faibles ; ils disent que souvent un enfant revient à la maison quatre ou cinq fois. Sans doute, ces inconvénients sont réels, et les obstacles bien difficiles à vaincre. Mois il semble aussi qu'une grande attention, une grande sévérité et une grande exactitude à suivre les règles ordonnées par les édits do création et autres qui n'ont jamais été révoqués, anéantiraient tous ces vices que l'insouciance et l'inexactitude ont seules laissé établir, et dont l'ancienneté fait la plus grande force. Mais on peut quelquefois reconnaître le mal, sans trouver les moyens de le réparer, et voilà où en est l'administration de cet hôpital.
Il existe encore, dans cette maison, un vice que nous avons retrouvé dans presque toutes celles de l'hôpital .général ; c'est un grand nombre de femmes et un grand mélange des officiers et employés des deux sexes. Ges femmes ne sont d'aucune congrégation. Les supérieures et officières sont communément âgées, mais les subalternes et 166 employées sont reçues à tout âge, et prises là où la préférence les fait choisir. Le plus grand nombre est cependant élevé dans les maisons de l'hôpital.
On sent facilement combien, indépendamment des petits désordres de mauvais exemples qui peuvent avoir lieu dans ces maisons, il doit arriver fréquemment, quand les hommes ont la principale autorité, qu'ils la laissent à la disposition de celles qu'ils préfèrent, et combien ces petites vanités et ces petits intérêts doivent se parer et abuser de cette grande confiance; combien leur influence doit avoir d'effets de prévention et d'injustice, et combien ces préventions et ces injustices font de grands malheurs, quand elles portent sur des individus déjà malheureux par l'âge, les infirmités, la misère ou la captivité. Si tous ces inconvénients sont sans exemple dans les maisons de l'hôpital général, il faut convenir qu'ils n'y sont pas sans vraisemblance.
Indépendamment de dix-sept maîtres et sous-maîtres, d'un directeur et d un sous-directeur d'études, on voit avec peine, sur l'état des employés de la maison de la Pitié, huit prêtres dont la seule fonction est le service divin. Il semble que les maîtres et sous-maîtres pourraient bien remplir ces fonctions compatibles avec leur étal, ou que si quelque prêtre de supplément était nécessaire, le nombre de huit est excessif.
Parmi trois cent-vingt-deux personnes employées dans la maison de la Pitié, tant pour l'hôpital que pour les magasins, il y a ceni cinquante-neuf femmes. L'économe de la maison et la supérieure ont chacun une autorité distincte et
égale; grande source de désordres; mais daus ie cas de querelle ou de désunion dans la maison, la supérieure prononce.
Il y a, dans cette maison, beaucoup d'appa^-rence d'ordre et beaucoup de propreté. Elle est aussi bien tenue qu'elle peut l'être, d'après les principes qui la régissent.
Les réflexions que nous vous avons soumises prouvent que nous pensons cependant qu'elle peut l'être beaucoup mieux, sous plusieurs rapports intéressants.
LES TROIS MAISONS DES ENFANTS TROUVES.
De tous les établissements fondés et soutenus par la charité, un des plus intéressants, sans doute, est celui qui a pour objet d'assister les enfants abandonnés, et de leur faire trouver, dans les soinBde la bienfaisance, les secours qu'ils doivent attendre de la nature et qu'elle leur refuse. Tel est l'objet de l'hôpital des Enfants trouvés.
Ce grand établissement assiste les enfants qui lui sont apportés et ne cesse ses secours que lorsqu'ils sont en état de gagner leur vie.
Trois maisons composent cet établissement, dépendant lui-même en partie de la grande administration de l'hôpital général. Ces trois maisons sont : la maison de la Crèche, près Notre-Dame, l'hospice de Vaugirard et la maison de Saint-Antoine.
La maison de la Crèche est celle où sont apportés tous les enfants qui viennent de naître; aucun renseignement n'est demandé à ceux ou celles qui apportent leurs enfants; aucune condition n'est imposée pour leur admission. L'intention bienfaisante de conserver à la vie le plus grand nombre possible des enfants que leurs parents abandonnent, a proscrit toute information ; elle pouvait écarter bien des mères du dessein d'assurer à leurs malheureux enfants au moins la protection du gouvernement. Cette réserve entière, établie seulement depuis quelques années, a produit le salutaire effet de faire apporter promptement et directement à la maison de la Crèche tous les enfants abandonnés qui, jadis exposés dans les rues, étaient souvent trouvés morts ou expirants de la rigueur de la saison ou de l'influence de l'air. Cinq à six mille enfants sont annuellement apportés à la maison de la Crèche ; le plus grand nombre est né à Paris ; cependant, on en compte de sept à huit cents envoyés des provinces, et la Bourgogne est, de toutes, celle qui en fournit le plus. Ils sont gardés dans cette maison jusqu'au moment où ils sont mis en nourrice ou coniiés à des meneurs chargés de ce soin dans les campagnes qu'ils habitent; mais un grand nombre meurt avant cette époque ; deux tiers, au moins, succombent dans le premier mois, et, dans ces deux tiers* trois cinquièmes avant d'être donnés aux nourrices.
Cette prodigieuse mortalité s'attribue particulièrement au mauvais état dans lequel la plupart de ces enfants, fruit de la débauche ou de la misère, sont apportés à l'hôpital : une maladie contagieuse, presque toujours existante dans cette maison, connue sous ie nom de muguet et dont ces enfants guérissent peu, en enlève beaucoup encore. Enfin, ces enfants restent quelquefois des semaines, des mois entiers sans nourrice, réunis en grand nombre dans les mêmes salles, et cette dernière cause de mort n'est sans doute pas Ja moins funeste.
Ceux qui échappent à ces premiers dangers
trouvent rarement, dans leurs nourrices, une nourriture propre à les remettre de leur première détresse. Ces femmes payées au-dessous du prix ordinaire|des nourrices sont nécessairement dans une situation d'indigence peu propre à fournir du bon lait, toujours pauvres, souvent vieilles et malades, et le nombre de celles qui se présentent est encore trop peu considérable, pour que la maison de la Crèche puisse se rendre difficile sur le choix.
L'infériorité du prix dans lequel est tenu le salaire donné aux nourrices des Enfants trouvés n'est pas l'effet d'un calcul d'économie, elle prend son motif dans l'impossibilité où seraient beaucoup d'habitants de Paris de trouver des nourrices si elles exigeaient un prix plus élevé que celui qu'elles exigent à présent, ce qui arriverait sans doute si l'hôpital des Enfants trouvés élevait celui qu'il donne jusqu'au taux commun, tant il est vrai que souvent la bienfaisance trouve des obstacles à son extension, dans la justice même et dans l'ordre public.
Les charrettes dans lesquelles ces enfants entassés sont menés avec leurs nourrices sont encore pour eux un nouveau danger. Ce danger augmente selon la longueur de la route qui souvent est considérable. Le plus grand rapprochement des demeures de ces nourrices est de douze lieues de Paris, ie plus grand éloignement est de soixante.
Vingt-deux meneurs, dispersés dans toute cette étendue, correspondent avec l'administration, font les affaires des nourrices de leur département et ont sur elles une sorte de surveillance dont les frais sont payés par l'administration.
Gomme les premiers mois de la vie de ces enfants sont les moments où elle est le plus en danger, l'administration encourage les nourrices à des soins plus particuliers, en mettant, pendant cette époque, plus fortement en jeu leur propre intérêt. Indépendamment de douze livres qui leur sont accordées-de plus dans la première année, elles reçoivent une prime de six livres à la fin des trois premiers mois, et une autre égale .à la fin du neuvième, si l'enfant confié à leurs soins existe à cette époque. Cette combinaison d'encou-ragementest un établisement nouveau; elle prouve combien l'administration s'occupe avec réflexion de l'existence des enfants: elle produira sans doute quelques bons effets : mais tant de vices sontinnérentsàuneaussiimmense administration, que la prévoyance et la réflexion ne peuvent que légèrement en diminuer le nombre; car il faut convenir que de tous les secours à donner à l'humanité souffrante, ceux à donner aux enfants trouvés sont les plus difficiles.
Il vaut presque autant leur refuser des secours que de les leur donner incomplets. Les secourir sans réserve, c'est cependant tenter un grand nombre de mères d'abandonner à la charité publique leurs propres enfants : c'est à la fois charger les hôpitaux d'une dépense qui ne devrait pas être la leur, et ce qui est pis mllje lois, c'est rendre cette administration de bienfaisance complice du crime le plus contraire à la nature, et d'autant plus dangereux à voir s'étendre, qu'il trouve son excuse dans le sentiment maternel lui-même, qui porte une mère à désirer se détacher de son enfant, pour lui assurer un meilleur sort.
Et il n'est pas hors de propos de rappeler à cette occasion que les lettres patentes données par Charles VII le 7 août 1445, relativement à l'hôpital du Saint-Esprit, défendant de recevoir dans cette maison desenfants bâtards s'expliquent
ainsi : Si on en recevait, il y en aurait si grande quan tité, parce que moult de gens s1 abandonner aient et feraient moins de difficultés de eux abandonnera pécher, quand ils verraient que tels enfants bâtards seraient nourris davantage et qu'ils n'en auraient pas la charge première ni sollicitude.
Le secours à donner à ces enfants est donc rempli de difficultés, le retour des meilleures mœurs qui doit être excité par toutes les lois, tous les règlements, tous les établissements, peut seul en triompher.
Pour suppléera l'inconvénient très commun de l'insuffisance dans le nombre des nourrices, on a fait, dans cet hôpital, plusieurs essais de nourrir ces enfants avec du lait d'animaux : ces essais ont été tentés dans la maison même, et en en confiant le soin à des femmes de campagne. Mais quoiqu'ils n'aient pas eu de grands succès, l'administration est persuadée elle-même qu'ils seraient répétés utilement, s'ils étaient faits avec une suite de précautions que l'expérience a montrées nécessaires, et elle pratique cette nourriture artificielle pour les enfants qu'elle reçoit jusqu'au moment où les nourrices viennent les chercher. C'est à la campagne que ces établissements doivent être faits pour en assurer le succès, etils devraient être multipliés; une courte instruction pratique qui pourrait avoir lieu dans la capitale, mettrait bientôt un nombre considérable de femmes de campagne, en état de suivre avec fruit cette méthode, et de consacrer leur vie à ce genre de service auquel l'expérience les rendraient tous les jours plus propres.
Ceux des enfants trouvés qui échappent à tous les dangers dont sont remplis les premiers temps de leur vie, sont, à l'âge de six à sept ans, ou ramenés à la maison de Saint-Antoine, ou conservés par les nourrices, qui reçoivent alors une pension de quarante livres jusqu'à ce que l'enfant soit parvenu à l'âge de seize ans. Presque tous ces enfants conservés par les nourrices par delà le terme fixé, sont gardés dans leur maison, jusqu'à ce qu'ils se marient, y sont traités comme leurs propres enfants; le plus grand nombretourne bien et devient de bons habitants des campagnes.
L'éducation qu'ils reçoivent à Saint-Antoine, plus soignée sans doute, et surtout plus dispendieuse, ne réussit pas autant, et le nombre de ceux des deux sexes qui, mis en métiers, deviennent de bons ouvriers et de bons sujets, est bien peu considérable.
Cette maison, un peu plus soignée que celle de la Pitié, réunit cependant à peu près les mêmes inconvénients : les petits garçons ne sont occupés à aucun travail, par les mêmes raisons de défaut de débouchés, de danger pour la santé, par des raisons enfin puériles et qui ne peuvent être admises par la plus légère réflexion. Le travail des petites filles est un peu plus suivi, et fait même une partie des revenus de l'établissement, mais sorties de la maison, ces enfants n'en tournent pas mieux ; elles sont ordinairement demandées pour être servantes, quelquefois pour être ouvrières. Leur éducation les rend si peu propre à la fatigue, qu'elles sont promptement renvoyées des maisons où elles entrent, et beaucoup d'elles, sans ressources, sans étal, après être restées quelques jours sans place, et avoir abusé de leur liberté, sont admises encore à la maison de Saint-Antoine, et mêlées dangereusement avec les jeunes filles, à qui leur expérience ne peut être d'aucun avantage.
L'établissement des Enfants trouvés, bien cha-
ritable, bien utile, bien respectable dans son intention, a le défaut du siècle où il a été fondé, et celui de tous les grands établissements. On y nourrit, on y entretient l'enfant qui y est reçu, mais on ne s'occupe que de ce soin exercé encore selon les anciennes pratiques de l'établissement. Par exemple, les enfants en nourrice, répandus dans les campagnes, ne sont presque jamais visités ; au moins ne le sont-ils ni fréquemment, ni régulièrement. Le curé du lieu où ils sont est bien chargé de signer tous les ans une feuille qui constate ou leur existence ou leur mort,mais aucun médecin, aucun chirurgien n'a commission de suivre ces malheureux enfants dans leurs maladies, de les surveiller; enfin l'existence, la subsistance qu'ils reçoivent leur est accordée comme une aumône ; jamais les soins suivis et éclairés de la bienfaisance, ou même de la charité, ne leur sont donnés. La même insouciance se porte sur le sort de ces enfants ou en métier ou répandus dans la société; dès qu'ils sont sortis de la maison, ils ne sont plus rien à ce grand établissement, qui, ayant assuré leur vie, semblerait avoir le droit et le devoir d'en suivre tous les événements et tous les intérêts.
Dans les seize dernières années, cent un mille enfants ont été reçus aux Enfants trouvés, quinze mille seulement existent aujourd'hui, huit cents à la maison de Saint-An toi ne, quatre-vingts à peu près à la maison de la Crèche. Ces derniers destinés aux quêtes publiques, dans certains jours de l'année, sont choisis parmi les plus jolis enfants des deux sexes et gardés dans cette maison, jusqu'au moment où ils sont mis en métiers ; et comme les soins qu'ils reçoivent sont moins divisés, leur éducation, à peu près la même, réussit mieux qu'à Saint-Antoiue : Une beaucoup plus grande proportion tourne bien. Tout le reste est dans les campagnes ou chez les nourrices qui les ont conservés ou chez d'autres habitants qui les ont demandés à l'administration.
Quelques enfants encore sont à l'hôpital de Vaugirard; ce sont ceux qui, nés avec le mal vénérien en infectaient les nourrices auxquelles ils étaient donnés, et les rendaient ainsi victimes de leur pauvreté et de leur dévouement. Diverses tentatives avaient été faites précédemment pour la guérison de ces malheureux enfants, soit en les traitant par des boissons, et donnant à leurs nourrices des préservatifs, soit en les nourrissant au lait d'animaux et en les soumettant à des frictions. Réunis depuis dix ans dans l'hôpital de Vaugirard, les enfants infectés du mal vénérien sont donnés à des nourrices malades de la même maladie : la nourrice est traitée, et son lait apporte à l'enfant assez de contre-poison, pour détruire en lui le vice qu'il faut combattre. Presque toutes arrivent grosses: leur traitement qui commence avant leur accouchement, se continue jusqu'à la fin de la nourriture. Biles nourrissent a la fois et leur enfant, et l'enfant trouvé malade. Dans le nombre de dix-neuf mille cinquante-neuf enfants apportés dans cette maison depuis dix ans, quatre centquarante ont été guéris, quinze cent dix-neuf sont morts, ce qui porterait aux sept neuvièmes la proportion de la mortalité ; mais il faut observer que, dans ce nombre, sept cent quatre-vingt huit n'ont pas pris le teton, et n'ont, par conséquent, été soumis à aucun traitement. 11 faut se rappeler que parmi les enfants trouvés, apportés à la maison de la Crèche, sans indication de maladie, deux tiers meurent dans le premier mois, et alors on trouvera la proportion moins forte et le bien de cet établissement grand,
quand surtout on apprendra qu'avant qu'il eut lieu âuGUn de ces enfants réputés viciés n'échap-pait à la mort. Dans les avantages de cet établissement il faut encore compter celui de guérir les nourrices*
Tous les médecins, et les médecins anglais particulièrement, ne reconnaissent pas que le mal vénérien soit aussi commun dans les enfants, que l'on paraît le croire dans cette maison et dans celle de la Crèche, d'où ils viennent et où l'on en estimë le nombre annuel à cent trente. Quelques-uns même, mais en petit nombre, prétendent que ce mal ne peut être communiqué par la mère et qu'aucun enfant n'en est atteint en naissant.
C'est à l'expérience et aux discussions savantes à éclairer ce grand procès. De cette incertitude, il doit bien résulter que quelques enfants confiés à des nourrices vénériennes pourraient bien n'être pas malades, car les médecins eux-mêmes conviennent que peu ont des symptômes très remarqués, et qu'ils jugent la maladie par la situation extérieure et générale de l enfant; mais il est difficile, d'après ce que nous avons vu, et d'après l'opinion commune, de douter que quelques-uns ne naissent viciés. Quoiqu'il en soit, il faut convenir que l'idée de ce traitement est à la fois ingénieuse et humaine, et que c'est en l'appliquant ainsi qu'on a la première fois ima-ginéde rendre, avec nécessité, la corruption utile a l'innocence. On croit remarquer que les nourrices de ces enfants leur sont plus attachées et en prennent plus de soins que les nourrices d'enfants sains, soit que l'état de maladie où elles sont elles-mêmes les rende plus faibles et par conséquent plus sensibles, soit plutôt que par cette loi bienfaisante et presque toujours certaine de la nature, ces femmes s'attachent, par les soins qu'elles donnent, par l'espérance et le plaisir de retirer d'un grand danger ceux de ces malheureux enfants, dévoués sans elles à la mort.
Les maisons de la Crèche et celle de Saint-Antoine, confiées aux soins des soeurs de charité, sont tenues avec ordre et propreté; Les soins cha* ritables de cette respectable congrégation y sont aussi complets que partout ailleurs. C'est un hommage que nous trouvons ici, avec plaisir, l'occasion de leur rendre ; elles Sont, dans l'une et l'autre maison, aidées par des filles de service tirées de celles de l'hôpital général, ou prises à leur choix. Le nombre en varieà la maison de la Crèche, selon celui des enfants. A Saint-Antoine il est de trente-six, et ce grand nombre d'employées est un défaut commun à tous les établis* seinents de l'hôpital.
La maison de Vaugirard est conduite par un économe, une ofticière et un Chirurgien 5 Cette maison nous a paru aussi en bon ordre.
L'établissement des Enfants trouvés est uni à celui de l'hôpital générai, guoiqu'ayant des reve* nus séparés; et ses administrateurs,choisis parmi ceux de l'hôpital général, ne sont cependant qu'au nombre de huit. Le revenu des Enfants trouvés est de plus de neuf cent mille livres, en y comprenant le revenu des Pèlerins de Saint-Jacques qui vient de leur être offert. Ce que ces revenus auraient d'insuffisant, devrait être suppléé par l'hôpital général, qui fournit encore, de la maison commune de Scipion, les comestibles à toutes celles dépendant des Enfants trouvés.
Quoique les soins donnés aux enfants abandonnés soient incomplets, quoique les vices inhérents à un aussi immense établissement coûtent la vie à beaucoup d'eux, et que la proportion de ceux qui retirent d'heureux fruits de leur édufc
cation soit très petite* cependant beaucoup d'enfants légitimes y sont abandonnés ; les administrateurs en estiment le nombreà près demoitié.Oh a cru qu'en rendant aux parents qui avaient ainsi abandonné leurs enfants, le moyen de les retirer plus difficile, le nombre en diminuerait, et l'administration a, en conséquence, exigé que la nourriture decesenfants,estimée parelle à cent livres, serait remboursée par ceux qui les réclament, même en prouvant qu'ils en sont les véritables parents. Ce moyen, dur en apparence, mais ordonné à bonne intention n'a pas eu de succès, et le nombre des enfants légitimes n'en paraissait pas diminué.
Une association bienfaisante de dames, formée depuis peu sous le nom de Charité maternelle, s'est proposé le même but avec des moyens plus doux, et leurs essais paraissent déjà couronnés de succès* Recherchant avec soin, dans tous les quartiers de Paris, qu'elles Se sont distribués entre elles, les femmes que la misère pourrait déterminer à abandonner leurs enfants, elles les assistent de soins et de secours ; elles leur donnent à elles-mêmes le salaire qu'elles donneraient à une nourrice étrangère et les préservent ainsi du grand danger qui menace toutes les femmes qui font leurs couches à l'Hôtel-Dieu, et qui y meurent dans une proportion considérable.
Elles prolongent leur assistance jusqu'à deux années, et elles ne se refusent à aucune peine, à aucune recherche, pour que leur bienfaisance ne soit pas trompée, parce qu'elle porte sur les plus malheureuses. Leur charité a tous les caractères de la véritable bienfaisance, activité, sévérité et simplicité, et leurs soins vigilants rendent réellement ainsi des mères à leurs enfants et des enfants à leurs mères." Déjà, l'année dernière, l'établissement des Enfants trouvés a reconnu une diminution de trois à quatre cents enfants qu'il attribue à cette charitable association.
Cette association, formée de souscriptions volontaires, appelle les regards et les secours de la ville de Paris. Les circonstances ont diminué les fonds, les ressources, et par conséquent la possibilité des secours, et cependant, jamais ils n'ont été si nécessaires. Il semble qu'il est de l'intérêt de l'humanité et des mœurs publiques, de soutenircette salutaire association qui, tendant à soutenir l'établissement des Enfants trouvés, pourrait recevoir des fonds de l'hôpital général, quelques secours passagers, qui ainsi ne recevraient pas même une application étrangère au but de leur institution première. Mais il faudrait que la grande sévérité avec laquelle la Charité maternellerefuseaujourd'hui toussecours inutiles, fût le premier principe réglementaire de cette institution; mal dirigée et sans vigilance, elle pourrait produiredfes effets absolument contraires aux intentions vertueuses et bienfaisantes qui l'ont formée.
HOP1T1L DU SAINT-ESPRIT.
L'hôpital du Saint-Esprit dont la fondation, due à une association de bienfaisance, remonte à l'anûée 1362, a pour objet d'élever des enfants des deux sexeS nésà Paris, orphelins de père et de mère, et dans un état absolu de pauvreté, sans même, disent les lettres patentes qui l'ont confirmé, que ces enfants puissent espérer de secours de parents ou d'amis.
Une déclaration de Louis XIV, en date du 12 avril 1680, ordonne la réunion de cette maison
à celle de l'hôpital général, et particulièrement à celle de la Pitié ; par la raison expresse que les fonds réunis donneront le moyen d'entretenir plus d'enfants sans augmenter le nombre des maîtres et officiers qui étaient alors à la Pitié. La déclaration du roi portant cette réunion rappelle les titres et les Conditions qu'exige et que promet la fondation. Les enfants, dont le nombre doit être porté à quatre cents, seront, dit-elle, couchés, levés, vêtus, chauffés, alimentés., gouvernés de tou tes choses à ce nécessaires, introduits et appris à école et mé-tier, les filles mariées, letout gratuitement pour ces enfants et aux frais de l'hôpital; et cependant la réunion du Saint-Esprit avec l'hôpital général n'est faite que pour les fonds; la maison est toujours séparée. Les enfants, ail nombre de cent vingt Seulement, des deux sexes, sont soignés par vingt-neuf personnes, et l'on exige, pour leur admission, une somme de deux cent quarante livres, sur laquelle on paie leur apprentissage. Cette somme placéedepuis deux ans au Mont-de-Piété, jointe aux petites successions qui peuvent leur revenir, compose leur avoir dont il leur est fait décompte à l'âge de vingt-cinq ans, ou plutôt, s'ils se marient. On y joint, pour les garçons, la part des rétributions accordées pour le tirage des loteries, et pour les filles, leur part à un legs fait par le dernier ministre de la maison, pour leur être donné dans la première année de leur apprentissage. Si ces enfants meurent dans la maison, l'hôpital hérite de tout cet avoir. On ignore, dans l'administration même de l'hôpital général, les motifs de cette dérogation aux clauses expresses de la fondation et de la réunion.
On assure que Paris ne peut fournir le nombre de quatre cents orphelins de père et de mère et que pour compléter le nombre de cent vingt dont est composée la maison, il faut quelquefois admettre par nécessité des enfants seulement orphelins de père ou de mère : mais alors, pourquoi exiger une mise de deux cent quarante livres qui exclut entièrement les vrais pauvres, puis qu'elle est la condition nécessaire de l'admission? pourquoi, contre le vœu exprimé de la fondation, faire supporter à des enfants la dépense de leur apprentissage, enfin charger l'administration de frais considérables, dont l'édit de réunion avait prétendu la débarrasser. Des règlements d'administration, sans autre titre, ont opéré toutes ces graves altérations : au moins, si en exigeant cette mise première de deux cent quarante livres, ils eussent eu en vue le bien-être futur de ces enfants; si en les défrayant de tout, jusqu'à la sortie de leur apprentissage, ils faisaient, à leur avantage, accroître cette somme delà cumula-tion des intérêts, ils contribueraient ainsi à leur établissement, assureraient le bonheur et la bonne conduite de leur vie ultérieure* Cette mise et les autre3 revenants-bons de ces enfants ainsi conduits, porteraient, de calcul fait, leur avoir à mille sept cent quatre-vingt-dix-neuf livres pour les garçons, à onze cent cinquante livres pour les filles à l'âge de vingl-citiq ans ou à onze cent soixante-douze livres et huit cent quatre-Ving-dix livres, à celui de vingt ans. Mais, loin que cette si naturelle prévoyance soit pratiquée, ce n'est que depuis quatre ans, que leurs mises Sont placées au Mont-de-Piétè, et les différentes dépenses auxquelles elles fournissent, les réduisent généralement à rien, au moment de leur décompte final.
Nous dirons de cet établissement ce qui a été dit des autres, destinés comme lui, à assister les enfants, et dont nous avons déjà rendu
compte. Les enfants apprennent la religion, à lire, écrire, l'arithmétique, un peu de dessin et le plain-chant, cette dernière partie de l'éducation est celle qui occupe le plus les petits garçons, et dont ils font plus d'usage, car presque toute leur matinée est employée à servir des messes et à chanter des offices. Des fondations sans nombre et la dévotion de beaucoup d'habitants de Paris, particulièrement affectéeà l'église du Saint-Esprit, y font dire beaucoup de messes que les enfants ont seuls le privilège de servir ; leur habillement en soutane rappelle le temps où l'espoir de leur éducation était la tonsure. Les petites filles apprennent à travailler; jadis la maison les mariait, les titres anciens prouvent même que leur bonne éducation les faisait rechercher par de bons ouvriers de Paris, et qu'elles étaient d'excellentes ménagères; à présent, elles se marientdifficilement ou se marient elles-mêmes. Depuis dix ans, sur cinquante-deux qui sont sorties de la maison, cinq ou six seulement sont mariées; il est vrai que l'espèce de communauté libre, composée de douze sœurs qui soignent cette maison, est toujours renouvelée par ces enfants.
Les garçons et celles de ces filles qui ne restent pas à la maison, sont mis à seize ans en apprentissage. La maison ignore ce qu'ils deviennent et n'entend parler d'eux qu'à l'âge de vingt-cinq ans, où l'économe leur rend le compte de leur minorité, et quand ils réclament quelque secours pris sur leur avoir, et qu'encore une fois la fondation leur attribue sur les fonds de l'hôpital.
La même habitude d'insouciance, la même éducation négligée se trouve dans cette maison; mais comme le nombre des enfants y est moins considérable, qu'ils sont plus surveillés, les inconvénients sont moins multipliés, et les mauvais résultats dans une proportion moins grande.
La nourriture est beaucoup meilleure que dans aucun autre établissement de cette espèce, là maison plus soignée et mieux tenue, mais ies mêmes réflexions que nous avons déjà faites toutes les fois que nous avons parlé des soins donnés aux enfants dans Paris, se renouvelle ici. Les amis de l'humanité ne pensent jamais, sans une profonde peine, que le système de cette éducation charitable, que les opinions et les idées de ceux qui la dirigent, n'aient pas, depuis la fondation de toutes ces maisons, fait le moindre progrès, et qu'aussi l'Etat continue à élever à grands frais des sujets dont le plus grand nombre doit troubler l'ordre public, tandis qu'il serait facile d'en faire des citoyens laborieux, utiles et heureux.
La comptabilité des détails de l'hôpital du Saint-Esprit est régie par un économe qui est à la fois chef de la comptabilité de l'hôpital général : elle est montée comme celle des autres maisons.
Les commissaires de la ville, chargés depuis un an de la surveillance des hôpitaux, estiment que la totalité de la dépense de la maison du Saint Esprit, qui cousiste en service de l'Eglise, acquit des uiessés, traitement des ecclésiastiques, des sœurs, maîtres, sous-maîtres et autres employés, dépenses de bouche, d'habillement, d'entretien, de service et ameublement de l'hôpital, s'élève à cent mille livres, ce qui porte à près de huit cents livres par aimée, les frais occasionnés par chaque enfant élevé dans cet hôpital. Si, comme il y a lieu de le croire, cé calcul est réel, cette dépense est bien considérable pour former des ouvriers toujours communs, souvent mauvais, et quelquefois sujets dangereux*
MAISON DE BICÊTRE.
La maison de Bicêtre renferme des pauvres reçus gratuitement, des pauvres payant pensions (et l'on distingue quatre classes différentes de pensions), des hommes, des enfants épileptiques, écrouelleux, paralytiques, des insensés, des hommes renfermés par ordre duroi, par arrêts dupar-lement, et ceux-là encore sont avec et sans pensions, des enfants arrêtés par ordre de la police, ou condamnés pour vol ou autre délit, des enfants sans vices et sans maladie, et admis gratuitement, enfin des hommes et des femmes traités du mal vénérien.
Ainsi, cette maison est à la fois : hospice, Hôtel-Dieu, pensionnat, hôpital, maison de force et de correction.
La totalité des individus vivant dans la maison s'élevait le 5 mai à trois mille huit cent soixante-quatorze, dont sept cent soixante-neuf employés pour le service, parmi lesquels, à la vérité, sont quatre cent trente-cinq pauvres qui reçoivent une augmentation de nourriture et une petite somme de quatre livres par mois.
Sept emplois sont la division de l'administration de la maison.
Un gouverneur supérieur est attaché à chacun de ces emplois; et a, sous lui, autant de sous-gouverneurs qu'il y a de classes différentes dans l'emploi. Ces emplois sont plutôt une division de localité qu'une division par classe ou de maladies à guérir, ou de malheurs à soulager. Ainsi, sous la même division, se trouvent à la fois des pauvres valides et des pauvres infirmes, des pauvres qui ont payé pour avoir un lit, d'autres qui partagent un lit avec un, deux ou trois autres, des pensionnaires, des pauvres gratuitement assistés, des malades et des hommes en santé.
Cette division, qui nous a semblée mauvaise, a pour cause ou prétexte les localités, et, plus que tout, l'habitude ancienne.
Les gouverneurs sont sous la direction de l'économe de la maison, et celui des administrateurs dont nous avons parlé ; mais comme ces derniers ont à partager leur inspection et leurs soins entre plusieurs maisons, il est facile de sentir que l'administrateur véritable est de fait l'homme qui,ayant leur confiance, est chargé de tous les détails et a la connaissance journalière des intérêts de la maison et de tout ce qui la compose. Une supérieure partage avec lui le gouvernement de la maison, elle régit soixante femmes qui sont chargées, sous elle, de îa police des dortoirs, du soin de la cuisine, de iu lingerie. La supérieure est cependant, pour ses comptes, subordonnée à l'économe.
La classe la plus nombreuse de cette maison est celle des pauvres admis en vertu de l'édit de 1656, portant fondation de l'hôpital général, et qui exige,.comme condition essentielle d'admission, qu'ils aient plus de soixante ans, ou qu'ils soient infirmes : cette classe est,appelée celle des bons pauvres : assurément un grand nombre d'entre eux ne remplissent pas strictement les conditions exigées.
Nous en avons interrogé plusieurs moins âgés que l'édit ne le prescrit, et dont cependant les infirmités n'existaient pas, ou n'étaient pas de nature à leur interdire le travail ; cet abus, très funeste sans doute, puisqu'il ôte à de plus malheureux des secours auxquels, avec un choix plus exact, ils auraient droit, est de tous le plus
excusable pour des administrateurs. Le pauvre qui implore l'asile de Bicêtre, est assez malheureux, sans doute, pour toucher celui qui peut lui en accorder l'entrée, et qui n'ayant pas près de lui tous ceux dont les titres seraient plus urgents, a sous les yeux la misère deceluiqui le sollicite et se laisse aller à la douleur de le secourir. Il faut une humanité bien réfléchie pour résister à Ja sensibilité du moment, celle-ci est plus facile, et est elle-même une des meilleures qualités dans ceux qui sont proposés au soulagement des misères humaines.
Les pauvres sont, nous l'avons dit, répandus indistinctement dans tous les emplois ; le pensionnaire est mêlé avec celui qui ne paye point de pension. La somme donnée n'apporte de différence que sur la nourriture qui est meilleure et surtout plus abondante, selon que la pension est plus forte ; il y en a depuis cent livres jusqu'à quatre cents. L'admission à la maison de Bicêtre ne vaut que le droit de coucher quatre dans un lit : l'ancienneté et surtout la préférence des gouverneurs et sœurs oflicières, accordent le triste privilège de coucher dans des dortoirs où les lits ne se partagent qu'entre deux et trois ; mais pour coucher seul, il faut acheter à la maison ou un lit qui se paye cinquante écus, et dont la maison hérite à la mort du pauvre qui l'a acheté. Ce lit, par conséquent, se vend plusieurs fois. On nous a même assuré que quand l'administration condamnait un pauvre ayant payé lit a passer dans un dortoir où l'on couche quatre, ce qui est une punition de sa maison, et une des plus pénibles, le lit n'était pas remboursé à l'homme ainsi puni. La vente des lits n'est établie à Bicêtre que depuis environ seize ans et seulement par un règlement du bureau général qui changeant ainsi l'esprit de la fondation, et pour le seul motif de l'augmentation des revenus éloigne tous ceux qui n'ont pas quelque ressource ou quelque protection de cette douceur, objet du désir de tous les pauvres de la maison. Les très anciens employés obtiennent cependant un lit seul sans le payer.
Cette vente des lits n'est pas le seul profit fait par l'administration de l'hôpital sur les pauvres. Le même calcul se retrouve souvent et n'est pas non plus particulier à l'hôpital général. Il semble qu'il devrait être banni de toutes les maisons destinées à secourir la misère. Que de moyens, que de prétextes ne donne-t-il pas aux murmures du mécontentement et aux abus ?
La règle d'admission transgressée souventpour l'âge et les infirmités, l'est encore pour les conditions exigées de l'indigence absolue ; d'abord un pensionnaire de trois cents livres, de quatre cents livres, peut sans doute vivre ailleurs qu'à Bicêtre, où tant d'autres, sans ressources, ne peuvent arriver ; ils ne devraient donc pas y être admis; et, dans ce nombre encore, il est des hommes qui jouissent d'un revenu fort au-dessus de leur pension. La pension vaut, comme nous l'avons dit, une plus abondante nourriture au pensionnaire, mais cette nourriture lui est servie auprès de celui qui, ne payant rien, est plus mal nourri; il est facile de concevoir combien cette distinction humilie, et peut aigrir celui qui se trouve plus mal traité. Elle est réellement contraire à tout véritable esprit de bienfaisance puisque la consolation et la bonté sont les conditions premières de tous secours à donner aux malheureux. Cette réforme des pensionnaires serait une des plus instantes opérations à faire. Que les hôpitaux soient ouverts à ceux qui ont
un revenu évidemment insuffisant pour vivre, rien n'est plus désirable, mais qu'en affligeant les vrais pauvres par cette cruelle comparaison, ces hommes un peu moins misérables fassent encore le mal ou d'usurper la place de malheureux sans ressources qui y seraient admis, ou d'encombrer les salles d'un plus grand nombre d'hommes qu'elles n'en devraient contenir, voilà ce qu'une bonne administration ne devrait pas souffrir, et ce que les anciens usages et une longue habitude ne peuvent absolument justifier.
On a peine encore à concevoir qu'une maison aussi considérable n'ait aucun moyen de soigner, ses malades. A quelques infirmeries prés, pour les gouverneurs, gouvernants et employés, il n'est aucune ressource pour les malades; les fous et les prisonniers sont aussi traités dans des salles destinées à les recevoir, mais seulement parce que la maison répond d'eux. Tout ce qui n'est que pauvre, est, dès qu'il est malade, porté à l'Hôtel-Dieu ; la rigueur des saisons, les intempéries, le caractère de la maladie, rien ne trouve grâce contre la règle de la maison qui veut que ces malheureux soient voiturés à l'Hôtel-Dieu, entassés dans un tombereau non suspendu, ou, s'ils sont dans le cas le plus grave de maladie, portés à bras sur des brancards découverts, couchés sur une simple toile, et confiés ainsi à des vieillards de la maison, que leur manque de force oblige de s'arrêter sans cesse dans le trajet qui n'est pas moins long qu'une lieue ; aussi assure-t-on que le nombre de ceux qui meurent en chemin est très grand : Cet usage barbare n'a pu encore être motivé que par son ancienneté même, ce qui rappelle cette terrible vérité que, dans les établissements institués pour le secours des malheureux, il suffit d'avoir une fois violé l'humanité pour affaiblir et user la compassion naturelle.
Le gouvernement a senti toute l'horreur de cet usage; par un arrêt du conseil de 1781, il a ordonné qu'il serait construit dans chaque maison de l'hôpital général une infirmerie suffisante pour recevoir tous les malades; mais les administrateurs n'ont pas cru pouvoir commencer à la fois les infirmeries dans toutes les maisons. Le tour de Bicêtre n'est pas encore venu, et cet usage qui révolte tous ceux qui le connaissent, dont les administrateurs gémissent les premiers, est cependant toujours maintenu.
Il semble qu'une revision exacte de tous les hommes admis à Bicêtre, comme pauvres, eût donné assez de places pour recevoir les malades, il semble que l'humanité serait mieux servie, en diminuant le nombre de ceux que ces maisons assistent, pour pouvoir les traiter tous dans l'état de maladie; il semble enfin que la maison pourrait pour remplir ce devoir d'humanité, se débarrasser d'un assez grand nombre de classes dont son édit de création ne prescrivait pas l'admission ; car peut-on réellement appeler maison de charité, de secours, de bienfaisance, un établissement qui augmente à un si haut point les chances de mortalités.
L'épilepsie, les humeurs froides, la paralysie, donnent entrée dans la maison de Bicêtre, mais ces maladies sont alors considérées comme infirmités incurables, et leur guérison n'est tentée par aucun remède, quelque peu invétérée que soit la maladie et quelque soit l'âge du malade. Ainsi un enfant de dix à douze ans, admi3 dans cette maison, souvent pour des convulsions nerveuses qui sont réputées épileptiques, prend, au milieu de véritables épileptiques la maladie qu'il n'a pas,
et n'a, dans la longue carrière dont son âge lui offre la perspective, d'autre espoir de guérison que les efforts rarement complets de la nature. Ces efforts salutaires si peu communs dans cette espèce de maladie, sont encore contrariées à Bicêtre par le local des salles qui leur sont destinées : elles sont toutes étroites, basses"; une entre autres est sous le toit et reçoit la chaleur du soleil, à travers les tuiles qui ta leur communiquent d'une manière dangereuse pour la maladie dont ils sont atteints. Enfin, dans ces salies où les malades de tout âge sont confondus, où même on voit des hommes uon attaqués de cette maladie, on en voit encore, comme dans tous les emplois de cet établissement, que ieur santé, leur âge et leur peu de misère devraient exclure de cette maison. Ces malades,confiés aux soins de deux seuls gardiens, sont véritablement abandonnés à eux-mêmes, ou aux soins de leurs camarades dans le moment de leurs crises ; aussi arrive-t-il fréquemment des accidents graves par les coups qu'ils se donnent.
Les enfants scrofuleux, dartreux, teigneux, imbéciles, sont aussi confondus dans les mêmes salles, quoiqu'il yen ait plusieurs destinées à ces genres d'infirmités, et trois de ces enfants couchent ensemble dans deux petits lits joints à cet effet. Ainsi, indépendamment de l'incommodité momentanée pour ceux qui souffrent davantage d'être sans cesse interrompus par le mouvement et le bruit des moins souffrants, il se fait une communication continuelle des maux de toute espèce dont ils sont attaqués, et chacun a nécessairement bientôt ceux de tous. Si une maladie vive se joint à ces maux habituels, ces enfants sont portés à l'Hôtel Dieu, comme tout ce qui, dans celte maison, n'est pas premier employé, prisonnier ou fou.
Nous ne pouvons trop le répéter, le long usage de cette pratique vraiment indigne d'une maison qui a pour but de secourir et de soulager l'humanité, étourdit les administrateurs sur les funestes conséquences qui en résultent, inconvénients qu'ils reconnaissent sans doute, mais dont le peu d'espace de la maison, les raisons de dépenses, et tous les obstacles si communs opposés aux innovations, éloignent toujours la réforme; il en est peu, cependant, de plus nécessaires à détruire promptement, et nous sommes assurés qu'ils le seront des premiers, quand on s'occupera d'en supprimer quelques-uns.
Les fous sont à Bicêtre comme les épileptiques et les écrouelleux, jugés incurables; dès qu'ils arrivent dans la maison, ils n'y reçoivent aucun traitement. Ils paraissent généralement conduits avec douceur. Le quartier qui leur est destiné contient cent soixante-dix-huit loges, et un pavillon à deux étages où ils couchent seuls, à trois lits près, communs à deux. La grande quantité de malades dont cet établissement est encombré oblige quelquefois de les mettre deux dans une même loge, ce qui, comme on le juge facilement, occasionne alors des querelles fréquentes, et la nécessité de les séparer : un gouverneur et treize employés servent ce déparlement. Les fous sont toutes les nuits renfermés dans leurs loges ou dans les salles, mais ils ont toute la journée la liberté des cours quand ils ne sont pas furieux. Le nombre de ceux-ci est peu considérable, il varie selon les saisons; dix seulement étaient enchaînés parmi les deux cent-soixante-dix individus enfermés le jour de notre visite; il est vrai que, dans ce compte, cinquante-deux ne sont pas fous. On aura peine à comprendre que le peu de
respect pour l'humanité malheureuse et souffrante aille jusqu'à réunir des hommes qui ont l'usage de leur raison avec ceux qui l'ont perdue : de ce nombre sont dix-huit épileptiques et trente-deux hommes arrêtés par ordre du roi pour inconduite, prévention de crime, pour toute cause enfin qui, juste ou non,ne devait pas faire placer ces malheureux parmi les fous. Sur l'observation que nous en avons faite aux administrateurs, ils nous ont répondu queues hommes étaient mieux là, qu'ils ne seraient les uns aux salles des épileptiques et infirmes, les autres aux salles de force? qu'ils y jouissaient d'une sorte de liberté, de douceur, qu'ils n'auraient pas dans le lieu qui naturellement leur est destiné; enfin, on a voulu nous prouver que c'était pour un meilleur traitement et par préférence qu'ils étaient ainsi placés, et cependant, une des punitions infligées aux épileptiques et autres infirmes des 6aiies, même aux bons pauvres, est de les mettre parmi les fous : cette insouciance est bien éloignée de la piété éclairée et soigneuse pour le malheur, par laquelle il reçoit tous les soulagements, toutes les consolations possibles; et, s'il est vrai qu'elle ne puisse pas être écoutée dans de grands établissements de charité, il faut alors les faire moins considérables, en multiplier le nombre, car peut-on jamais, eh voulant secourir la misère, consentir à paraître dégrader l'humanité? Malgré la nullité de traitement pour les fous et la réunion de différentes espèces de cette maladie, on nous a assuré qu'une cinquantaine environ par année recouvrent la raison, et dans ce nombre deux tiers au moins de Ceux qui ont été traités à l'Hôtel-Dieu ; ils sont alors mis en liberté.
Le gouvernement et les employés de ce département nous ont dit que rien n'était plus rare que de voir les fous devenir épileptiques, les épileptiques devenir foUs, et les hommes sains gagner aucune de ces maladies; mais nous avons cru cette assertion, qui choque toutes les lumières de l'expérience, plutôt l'excuse d'un mauvais usage, qu'une vérité à laquelle il fallait nécessairement ajouter foi.
Les cours sont aérées, et Bi les loges n'étaient pas au-dessous du terrain, et par Conséquent humides, elles ne seraient pas mauvaises pour un homme seul ; on y reprocherait Cependant, toujours l'inconvénient d'être sous le toit, et de ne pas présenter aux eaux, un écoulement qui les en écarte.
La maison de force contient des salles, des Ga-banons, des infirmeries, des cachots anciens et nouveaux.
Les hommes détenus dans cette maison, au nombre de quatre cent vingt-deux, à l'époque de notre visite, le sont, ou par ordre du roi, c'est-à-dire pour inconduite plus ou moins grave, sej Ion la facilité des ministres qui avaient ce département, ou par arrêt du parlement et par commutation de peine ou par sentence de la prévôté.
Les salles sont destinées au commun des détenus, ils y sont en plus ou moins grand nombre, et n'en sortent jamais. Là l'homme invétéré dans le vice est réuni avec celui pour qui la détention dans cette maison est la punition de sa première faute. Ainsi, ce lieu de correction en est un de corruption nécessaire pour le jeune homme un instant égaré. Enhardi par le récit des crimes, il sort criminel d'un lieu où il n'était entré que faible et digne d'une protection sévère contre lui-même. C'est cependant de la correction d'une première faute qu'une sage administration doit attendre le repentir et l'amendement. Quel profi-
table usage pour les mœurs et l'ordre public ne pourrait-on pas faire de la retraite absolue, par laquelle un homme coupable, auquel il serait donné des moyens de travail, serait laissé quelque temps à ses remords et à ses" réflexions, et dont il serait doucement tiré par les sages cou seils, par des conversations utiles, par l'apparence de l'intérêt, pour sa situation et ses malheurs. Tous ces ménagements, tous ces soins essentiellement recommandés par la morale et l'humanité, sont le devoir strict d'un bon gouvernement. Sans doute, on ne devait pas s'attendre de les rencontrer dans les maisons de force, qui jusqu'ici n'ont été regardées en France que comme des geôles, mais peut-être aussi pouvait-on espérer ne pas les y voir si cruellement méconnus : l'usage et le défaut de place; voilà, dans ce lieu, les excuses de tous les abus.
Cette incurie est peut-être plus choquante encore dans l'emploi destiné à recevoir les enfants jugés criminels par arrêts du parlement, et condamnés à tenir prison jusqu'à leur majorité. Nul moyen salutaire n'est employé pour les rendre meilleurs, et, au milieu d'eux se trouvent des enfants reçus dans la maison, dont on ne veut que punir la désobéissance ou réprimer l'étour-derie. Enfin, nous y avons vu cinq ou six enfants qui, envoyés à la Pitié et à Bicêtre pour y être traités de la gale, avaient été mis depuis leur guérison dans ces dortoirs, comme en un lieu de dépôt, d'où l'on se proposait sans doute de les tirer bientôt, mais où probablement ils eussent resté quelque temps encore, sans l'horreur que nous avons témoignée et qui leur a valu leur sortie sur-le-champ.
Mais c'est dans les infirmeries de la Force que ce pernicieux et barbare abus est porté au plus haut point. Gomme elles sont destinées aux fous et aux renfermés comme tels, aux prisonniers de Bicêtre, aux enfants de la Correctionaux prisonniers envoyés du Chàtelet, tous les âges sont réunis, le criminel et le malheureux, l'homme sans raison et l'homme sain d'eBprit; enfin, celui que la pitié a sauvé de la corde, qui a vieilli dans le crime, et le malheureux enfant coupable à peine d'une légère faute. C'est là que ces misérables tiennent école de vices et de crimes, et corrompent de toutes les manières ces infortunés enfants qui présentaient tant de moyens d'être remis dans le chemin de ltt probité et de l'honneur, et à qui celui du désordre reste seul ouvert. On ne peut s'arrêter longtemps sur les sentiments de peine et d'horreur qu'inspire une si funeste insouciance toujours et éternellement motivée par l'habitude, rai?on de tôus les abus.
Pensons avec douceur qu'elle va disparaître devant une humanité plus éclairée, plus morale, plus politique et que le souvenir de ces pratiques atroces servira, comme tant d'autres, à honorer l'époque, d'où datera le redressement de tant de malheurs.
Révenons aux prisonniers: ceux qui ne sont p&s enfermés dans des salles communes, le sont dans des cabanons; mais ce sont plus comtnùnô^ ment ceux qui payent pension, ceux qui sont recommandés, ou enfin"ceux qui, jadis employés dans l'espionnage de Paris, à présent détenus eux-mêmes pour leur compte, seraient exposés au ressentiment de leurs nouveaux camarades, dont ils pourraient bien avoir provoqué la détention dans leur ancien métier : l'expérience a prouvé qu'il y allait de leurs jours à les laisser dans lis salles communes. Cesctibahonssoi t dt>s chambres particulières, de huit pieds carrés cha-
cune, biea éclairées, bien aérées, garnies d'un lit, d'une chaise et d'une table ; elles sont à chaque étage d'un bâtiment qui en contient trois, séparées par un long corridor: il existe un quatrième rang plus enfoncé, par conséquent plus isolé, plus obscur et plus malsain que les autres, qui sert habituellement de prison aux prison-niersj et qui étaitaussi employé comme cabanons ordinaires quand il y avait foule. Les prisonniers des cabanons ne sortent jamais de leur prison; ils conversent ensemble par leurs fenêtres ou par leur guichet qui est ouvert deux heures par jour: ils peuvent, avec l'approbation de l'économe, travailler au poli des glaces, ou à tourner le puits ; mais le nombre des travailleurs est borné et les prétendants doivent attendre leur tour, Le premier de ces ouvrages plus dur que l'autre ne peut guère valoir que cinq ou six sols par jour à ceux qui travaillent bien, tandis que le travail du puits leur en produit neuf ou dix. Les ouvriers du poli des glaces ne sont admis au travail du puits que successivement et lorsqu'il y a place. Ce genre de travail vient récemment encore d'être ôté aux prisonniers pour être donné aux bons pauvres; la tentative d'une révolte parmi les prisonniers qui travaillaient en a été la cause. Le travail des glaces est aussi presque nul aujourd'hui; ainsi, voilà les prisonniers absolument sans occupation. Geux que l'horreur des récits, des propos, des conseils de leurs camarades pourrait engager à fuir les salles communes, pour échapper à leur contagion, sont forcés d'y demeurer. Et que peut-on espérejr d'hommes criminels que l'on achève de corrompre par l'oisiveté, à qui l'on ne donne que la facile possibilité de tramer des complots pour l'avenir, de cimenter la vraisemblance des succès de leurs coupables projets, par l'expérience de tous les crimes dont ils sont environnés, et qui, renvoyés plus ou moins tôt de ces prisons, n'apportent plus dans la société d'autres moyens de subsister que Vexé* cution des crimes qu'ils ont profondément médités ? la punition et la sûreté du moment, voilà, on le répète, quelles sont les seules vues que l'on se soit jusqu'ici proposées en France dans la détention des coupables. L'espoir de leur correction n'est jamais entré dans le calcul; aussi, peut-on dire, dans la plus exacte vérité» de ces prisons, ce que nous avons dit des salles où 3ont entassés tous les genres de maladies et d'infirmités: celui qui n'y arrive que coupable d'une faute, en 6ort infecté de tous les vices et avec la profonde empreinte de tous les crimes. La puni* tion des prisonniers est le plus souvent un retranchement de nourriture, c'est aussi la punition commune de la maison : on les met encore dans une espèce d'armoire extrêmement basse, connue dans la maison sous le nom de malaise et où les plus petits hommes ne peuvent rester debout.
On faisait jadis un grand usage de cachots: nous en avons vu huit placés sous la Chapelle, à quinze pieds sous tçrre, resserrés dans un espace de trois pieds sur cinq, et ne recevant la lumière que par des trous percés en zigzag et prolongés dans une profondeur Oblique de vingt pieds. On ne peut entendre que des hommes déjà privés de leur liberté, ou pour leur vie, ou pour an long terme, étaietil, à la volonté dh gouverneur ou dé l'économe, jetés diihs dés cachots, c lia rué s dé chaînés, et oubliés pendant tl.éè jiiois ët.dea années entières. On t n nomme plusieurs qui y oui passé douze Èt quinze ans* Un nommé Duchatelet, compagnon de Cartouche* et qui, pour l'avoir dé-
celé, a obtenu la grâce de la vie, y en a passé trente-sept; jadis on y a enfermé des femmes; il y a trois mois que cet horrible abîme était encore habité. Se peut-il qu'une pareille inhumanité se soit encore exercée de nos jours? grâces au ciel et à la Révolution elle ne se renouvellera plus.
Nous avons même la consolation d'annonser que le roi, récemment Instruit de l'existence de ces abîmes affreux, a ordonné de les combler et a voulu que cette dépense fût faite par lui, d'Où il résulte trois vérités satisfaisantes; la destruction absolue de ces cachots, une preuve nouvelle de la justice et de l'humanité" persohtiellë du roi, enfin une nouvelle certitude que le mal fait en son nom n'était pas à Sa Connaissance, et que ceux qui, par méchanceté ôu par engourdissement, autorisaient ou toléraient ces vexations, ne pouvaient y parvenir qu'en les dérobant aux yeux du roi." "
On a pratiqué depuis trois ou quatre ans, dans une partie des bâtiments de la Force, huit cachots nouveaux qui paraissent réunir à la sûreté désirable de ces sortes de lieux, toute la salubrité dont Ils sont susceptibles: il fâut espérer que la grande dépense que leur construction a occasionnée sera entièrement perdue, et que même les geôliers reconnaîtront bientôt, que si la société a le droit de priver de la liberté, pour la vie, un de ses membres dont elle juge la communication dangereuse, elle n'a pas Celui de rendre cette captivité atroce, et d'étendre la sévérité au delà de la sûreté. Peut-être au^si est-ll permis d'éspérei' qu'à l'avenir, une législation plus réfléchie prescrira, pour ceux des citoyens que la société devra rejeter de son sein, Une correction plus salutaire, plus propre à mettre à profit la réflexion du repentir, plus utile à l'ordre public, plus adaptée enfin aux droits et aux. besoins de l'homme, que la triste demeure où l'on enchaîne à jamais toutes ses facultés.
Les bâtiments de la Foret» renferment enrorrt, comme nous l'avons dit, plusieurs salles d'Infirmeries, dans lesquelles on lie traite què leà maladies des prisonniers et des fous. Les 'dïflé* rentes prisons de Paris y envoient aussi leurà malades. Les maladies vénériennes et la gale éont celles qui y abondent le plus. Les malades couchent trois dans deux lits; leur grand nombre oblige souvent de mettre des brancards au milieu de ces salles extrêmement petites et peu aérées: le défaut d'eau prive Ces malades de l'usage des bainB : quand ils sont guéris ou manqués, ils sont renvoyés dans leur salle ou réclamés par les prisons de Paris, s'ils ne sont pas de la maison. Rien ne présente un aspëct plus hideux que toutes ce& salles de traitement où régnent la malpropreté, le désordre, les vices en pratique, et les crimes eu prédication.
Indépendamment de ces intirmeries, la maison en contient encore dans un de ses bâtiments, deux pour les vénériens hommes et femmes qui, n étant pas détenus dans la maison, présentent urt Certificat dëS chirurgiens de l'Hôtel-Dieu et se font enregistrer pour attendre leur loUr de traitement. Cinquante-quatre femmes et cinquante-six hommes sont traités clans lë même temps. Le traitement dure à peu près deux mois, laot pour le soin des malades que pour le nettoiement des salles; ainsi, il y a environ six-cent, soixante malades vénériens annuellement traites. Quoique six*ceht soixante mutadeà soiellt seulement traités, il s'en présente dix-huit ou dix-neui cents pour l'être, et le nombre des inscrits serait IjIus grand si l'attente était moins
longue. L'ancienneté de leur inscription, la gravité et l'urgence de leur mal, doivent leur servir de titre pour obtenir le traitement; on sent facilement que la faveur en est un plus sûr. Aussi voit-on des malades inscrits depuis plusieurs années, sans avoir été appelés au traitement, et même, depuis plus d'un an, admis dans la maison pour attendre leur tour, sans qu'il soit encore venu.
Car il y a dans les mêmes bâtiments plusieurs salles d'expectants pour les hommes et pour les femmes. Là vingt ou vingt cinq lits serventquel-quefois à deux cents personnes : quatre y couchent à lafois. tandis que quatre autres, étendus par terre, attenden t leur tour pour les remplacer, et ces hommes ou femmes ainsi entassés sont déjà si grièvement malades, qu'ils portent presque tous des plaies qui demandent des traitements provisoires, jusqu'à ce que la maladie puisse, être attaquée. Aussi de quatre-vingt dix personnes qui meurent à peu près annuellement parmi les vénériens, deux tiers succombent dans la salle des expectants, moins encore de la maladie dont ils viennent chercher la guérison, que de la contagion infecte de l'air qu'ils y respirent. Les lièvres putrides et la gangrène y sont très fréquentes.
Les salles de traitement, toutes petites, basses, mauvaises, ne le. sont cependant pas au même de-
fré; là faveur qui accorde le traitement, indépen-
amment des titres d'ancienneté ou d'instance du mal, accorde aussi la préférence des salles ; mais on croira avec peine qu'aucun infirmier ne soit chargé du soin des malades, le moins incommodé soigne les autres ; le même défaut d'attention se porte et sur les linges, et sur les draps, et sur le traitement de ces malheureux qui semble leur être fait par la plus froide insouciance. Quelques malades nous ont fait entendreque ces soins, quel-que insuffisants qu'ils fussent,n'étaient pas absolument gratuits; nous ne pouvons garantir la vérité de cette assertion, que nous sommes disposés à ne pas croire, car elle nous a été contredite, et par d'autres malades, et par tes chirurgiens ; mais si jamais un abus de cette espèce pouvait être exécuté, ce serait pour ces chirurgiens qui n'ont pour tout traitement qu'une nourriture insuffisante, qui ne reçoivent, ou point d'appointements ou des appointements très modiques, et qui cependant, dans la force de l'âge, écrasés de fatigues, passant la plus grande partie de leur temps dans cet air infect, éprouvent la nécessité de quelques dépenses. Si cet abus existe, la faute en est à l'administration qui s'en excuse toujours sur les anciens usages.
On traite aussi dans ce pavillon quelques étrangers ; mais, par une sorte de prédilection, il existe un projet de traiter désormais ces étrangers malades, dans un établissement qui doit être formé aux Capucins de la rue Saint-Jacques. Des dépenses assez considérables ont même déjà été faites, dans cette intention. Il paraît qu'elles sout suspendues ; cependant il serait bien pressant de débarrasser la maison dëBicêtre de ce traitement qui n'y a lieu que depuis environ cinquante ans, et toujours en vertu dé règlements particuliers, et qui tient une place qui pourrait être utilement occupée par une infirmerie : au moins si cette infirmerie ne contenait pas tous les malades de Bi-cêtre, elle recevrait ceux à qui leur âge et la gravité de leur mal mériteraient cette préférence : quelques-uns au moins seraient arrachés à la vraisemblance de la mort, car indépendamment des quatre cents qui meurent, ou d'accidents ou de vieillesse, dans la maison, ou de maladie dans les
infirmeries,un nombre au moins égal,meurtà l'Hôtel-Dieu ou dans les brancards et voitures qui les y conduisent.
Un chirurgien gagnant maîtrise, deux compagnons et quatre élèves sont chargés de tous les malades de la maison, de la visite des salles, du pansement des blessés. Il est vrai que l'établissement paye un médecin et un chirurgien enphef, mais ceux-ci, chargés de presque toutes les maisons de l'hôpital général et de beaucoup de malades particuliers, viennent visiter une fois par semaine chacune de ces maisons ; et leurs soins passagers se portent, ou sur des maladies extraordinaires, ou sur les incommodités des sœurs et des officiers. Nous nous interdisons toute réflexion sur cet inconcevable arrangement, qui, appliquant les plus forts salaires à ceux qui rendent le moins de services, fait toujours les pauvres., victimes de ses funestes conséquences. Quoique la pharmacie générale de l'hôpital général soit à la Salpêtrière, une très grande est établie à Bicêtre pour les besoins de la maison. Il nous a semblé que son régime prêtait bien des moyens aux chirurgiens, s'ils en voulaient user, de se dédommager de la trop grande modicité de leur traitement.
La nourriture des pauvres est de quatre onces de viande trois fois par semaine, de légumes ou de beurre les autres jours, et d'une livre un quart de pain. Les pensions augmentent, comme nous l'avons dit, ces quantités. Un des plus fréquents sujets de plainte des pauvres, est que souvent plusieurs dortoirs entiers n'ont pas de viande les jours où ils devraient en avoir, parce que, leur dit-on, le calcul de la marmite a été mal fait. On sent que quand la cuisine des pauvres est commune avec celle des employés de toute espèce, et que la règle de la maison ne donne à ceux-ci qu'une livre de viande, les pauvres sont portés à croire que leur portion retranchée, augmente celle de leurs supérieurs. La même méfiance produit les mêmes plaintes sur le bouillon réputé par les pauvres, le reste délayé des premières tables.
On sent combien ces plaintes peuvent être injustes, mais on sent aussi combien elles devraient être prévenues par un ordre de chosesqui les rendît sans vraisemblance.
Le plus grand mal de cette maison, le vice qui nous a le plus frappé, parce qu'il porte sur une plus grande masse d'hommes, et qu'il pourrait être facilement réparé, c'est le défaut de travail dans toutes les classes de la maison. De l'aveu des administrateurs et de l'économe, une moitié au moins des bons pauvres pourrait être occupée, et une administration éclairée les emploierait tous; car elle sentirait que le prix résultant du travail est moins à considérer que l'avantage d'éloigner l'oisiveté d'un tel établissement.
Les enfants de la Correction, les enfants de chœur ne sont eux-mêmes, ni forcés, ni encouragés au travail. Jadis ils étaient occupés à faire des lacets, des lisières, mais comme la,maison n'en trouve pas de débouché, leur travail est depuis quelque temps suspendu, et ils sont laissés dans une complète inoccupation.
Ce vice vraiment condamnable, peut le paraître plus encore si l'on remarque que les édits portant établissement de ces hôpitaux enjoignaient de faire travailler ceux qui y étaient réunis, et donnaient même toutes les facilités possibles pour le débit de la main-d'œuvre.
La promenade dans les cours, voilà le seul passe-temps de plus de deux mille cinq cents hommes dont on pourrait rendre le travail extrê-
mement utile, et pour l'économie de la maison et pour leur propre avantage.
Quatre ou cinq marchands privilégiés de la maison, et payant pour y tenir boutique, vendent bien cher à ces malheureux ce qu'ils peuvent payer ; car il faut que leur petite finance se retrouve sur le prix de leurs marchandises ; un marchand de vin et d'eau-de-vie vend, au profit de la maison, ces deux denrées dont il se fait un grand usage, et dont l'oisiveté augmente la consommation.
Le profit de quarante-six mille livres que fait l'administration sur cette vente est-il légitime? Est-il permis à un établissement de charité, d'asseoir ainsi un impôt sur le malheureux ? et de l'assurer par un privilège exclusif qu'il étend à volonté ? ne devrait-on pas écarter soigneusement jusqu'à la possibilité des plaintes que de pareils trafics appellent si justement? que de maux ne doivent pas en résulter dans une aussi grande maison? méfiance, murmure des subalternes, mécontentement envers les supérieurs ; vengeance, duretés, mauvais traitements de ceux-ci; enfin, malheur et injustice pour tous.
Indépendamment des sept cent soixante-neuf employés qui, comme nous l'avons dit au commencement de ce rapport, font le service de la maison, une garde, uniquement aux ordres del'é-conome est chargée de maintenir la police, de conduire les pauvres dans les prisons et les cachots,de veiller sur les cabanons. Elle est composée de deux officiers, cinq sergents, soixante-dix-huit soldats; leur nourriture et entrelien coûtent à l'administration environ 38,500 livres; ajoutant ce nombre de gardes à celui des différents employés, on trouve que la totalité s'élève à huit cent cinquante-quatre, ce qui donne un employé pour un peu moins de pauvres ou détenus, et le total général de la dépense de la maison nous fait porter celle des employés à 231,265 livres.
A ces détails nous ajouterons que le coup d'œil général de la maison nous a présenté une administration assez bien ordonnée mais sans soin, sans bienfaisance, sans véritable principe d'humanité. Il est vrai que ces soins consolateurs et cette pitié compatissante ont jusqu'ici été peu exerces dans nos hôpitaux de France, et doivent l'être plus difficilement dans un établissement aussi immense, mais il nous a semblé que les soins destinés aux infirmités et à l'indigence pourraient être facilement rendus plus complets et plus utiles qu'ils ne le sont à Bicêtre, sans augmenter la dépense.
La maison de Scipion fournit tous les vivres de Bicêtre comme ceux de toutes les autres maisons de l'hôpital général. Toutes les fournitures et l'habillement sont aussi envoyés du magasin commuu.
Le compte de cette maison dont est chargé l'économe est donc très borné; il a été porté l'année dernière à cent deux mille livres, et la dépense à huit cent cinquante-six mille livres; le bénéfice est versé par lui dans les mains du receveur général des pauvres. Dans la recette les sommes résultant des pensions s'élèvent à trente deux mille six cent soixante-cinq livres; celles de la vente du vin et eau-de-vie, à quarante six mille livres, et celle des lits seuls à onze mille huit cent soixante et dix livres.
Tels sont les renseignements particuliers que nous avons pu prendre sur Bicêtre. Les comptes des autres maisons de l'hôpital ajouteront à tout ce que nous trouverons nous-mêmes d'insuffisant
à celui de cette maison, et en compléteront l'ensemble.
MAISON DE SAINTE-PÉLAGIE.
Nous devons encore vous rendre compte de Sainte-Pélagie. Cette maison dépendant en partie de l'administration générale des hôpitaux, parce qu'elle en reçoit en avances ses denrées de comestibles, était, et maison de force et maison de retraite.
Elle recevait et enfermait les filles et les femmes débauchées, d'après les ordres du roi. Les décrets de l'Assemblée lui ont ôté cette attribution, et la force n'existe plus. Cette maison est encore maison de retraite pour les filles et femmes repentantes. Elle sert aussi d'asile aux filles d'une certaine classe qui, recommandées à la supérieure, et connues d'elle, viennent y faire en secret leurs couches, et échapper ainsi à la honte et aux reproches publics. Elles y trouvent consolation, bon traitement, secours nécessaires, secret absolu et sécurité complète. Ces asiles devraient être multipliés dans Paris et répandus dans les provinces. Que de réputation ils sauveraient! Que d'enfants en seraient conservés, et combien de filles seraient, par la confiance du mystère, ramenées à une bonne conduite, à qui, aujourd'hui, la publicité de leur malheur ne laisse d'autre parti que de se jeter dans le vice.
Les religieuses qui conduisent cette maison sont de l'ordre de saint Thomas de Villeneuve. Nous avons tous été frappés de leur ton honnête, décent et gai ; elles semblent aimées dans leur maison.
Les revenus de cette maison consistent en 4,800 livres de revenu fixe, et en celui de pensions, tant des personnes retirées dans cette maison de refuge que des pensionnaires logées dans l'enclos. Une éducation de jeunes filles entièrement séparées de la maison de refuge, n'y ayant aucune communication, quoique gouvernée par les mômes dames, apporte encore à la masse commune, et augmente les revenus de la maison.
MAISON DE LA SALPÊTRIÈRE.
La maison de la Salpêtrière est la plus considérable des établissements qui dépendent de l'hôpital général, et même de tous les hôpitaux connus; elle renfermait, au commencement de juin, six mille sept cent quatre individus, à l'exception de quelques hommes qui vivent avec leurs femmes dans un quartier séparé sous le nom de ménage; cet hôpital ne contient que des femmes : il réunit, dans la même enceinte, tous les âges de la vie, depuis la plus tendre enfance jusqu'à la caducité; et les intermédiaires de ces deux termes sont remplis par toutes les misères et les infirmités de la nature humaine.
La première réflexion qui se présente contre un établissement de cette nature est son étendue, l'impossibilité d'une surveillance exacte y est démontrée et la multiplicité des soins qu'il exigerait y est impraticable.
Cette maison, ainsi que toutes celles de l'hôpital général est divisée par emplois; mais comme aucune règle n'a déterminé cette classification, nous croyons plus simple de suivre, dans le compte que nous allons en rendre, la graduation des âges et la division des infirmités.
Les enfants placés à la Salpêtrière sont ou des enfants dont la pauvreté des parents est constatée, ou des enfants illégitimes. Ces deux classes ne sont admises que depuis un an jusqu'à douze. C'est de la maison des Enfants trouvés de Paris que sont envoyés la plupart de ceux de la seconde classe, parce qu'elle ne garde pas les enfants qui y sont apportés plus âgés que d'un an.
Quelques femmes pauvres, souvent quelques filles enceintes, sont réunies dans un dortoir commun, en attendant qu'elles puissent aller faire leurs couches à l'Hôtel-Dieu. Elles y ruvieti' lient ensuite avec leurs enfants. Après le sevrage, l'enfant et la mère doivent sortir de la maison; quelquefois elles y restent l'un et l'autre. Si c'est un abus, la misère qui Je fait solliciter et la pitié qui l'accorde le rendent bien excusable. Cette classe de femmes nourrices est un des établissements les plus utiles de la maison; beaucoup de celles que l'extrême indigence force à y avoir recours, sans cette ressource, abandonneraient leurs enfants, augmenteraient le npmbre des mères coupables et d'epfants malheureux, tandis qu'ainsi secourues elles s'attachent à leurs enfants qu'elles nourrissent en ne les privant pas au moins dé la douceur de connaître leurs parents.
La nourriture donnée aux nourrices est delà mêpie nature que celle des autres pauvres, un peu plus considérable, et cependant insuffisante, Jusqu'à l'âge dq sept ans les enfants sortant des mains de leurs mères ou simplement admis à la Salpêtrière sont réunis dans un lieu commun, appelé la Crèche. Les berceaux, sans rideaux, sont propres; les dortoirs sont passablement aérés, mais ils présentent l'inconvénient de rassembler trop d'enfants dans les mêmes lieux, et l'on sait de quelle conséquence il est que les premières années de l'enfance se passent dans un air libre et pur.
Si l'administration de l'hôpital était aussi pénétrée de cette vérité qu'il serait à désirer, elle appliquerait à cet usage beaucoup d'emplacement dont elle peut disposer, ne fût-ce que celui des jardins.
En sortant de la Crèche, le3 enfants passent dans un bâtiment où ils sont occupés à émincer de la laine ou à tricoter; quelques-uns couchent seuls, plusieurs coucbentdeux. Après leur sixième année, les garçons sont envoyés à la Pitié, les filles seules restent dans la maison. C'est dans |es dortoirs destinée à recevoir ces enfants que l'on peut observer toute l'étendue de l'insouciance de l'administration et les abus d'un régime meurtrier. Dans J'intérieur, on reconnaîtra que le travail de la laine est le plus défavorable à Ja santé des enfants. La plupart ont de légères atteintes de scorbut, presque toutes ont la gale et sont énervées avant d'acquérir de la force. Comment ces individus faibles, sans prévoyance ne gagneraient-ils pas la gale? Au-dessus de leur dortoir se trouve placée une infirmerie de galeuses. On pourrait demander encore pourquoi traite4-on la gale dans cette maison, quand la communication est entière entre les fi Iles traitées et celles qui ne le sont pas, et quand, par une perpétuelle, mais nécessaire navette, les malades donnent la gale à celles qui ne l'ont pas et celles-ci la leur rendent après leur guérison? Aussi toute la maison est-elle infectée, jeunes, vieilles, malades et bien portantes, personne n'en est exempt.
On ne fait, dans ces dortoirs, nul usage de vinaigre. Il semblerait presque que l'air, l'eau et
ja propreté seraient des moyens entièrement inconnus à la Salpêtrière.
Si l'on considère ensuite quelle est la position du bâtiment où sont ces enfants, on le trouve placé près de l'égout de la maison qui répand une odeur infecte dans les grandes pluies. L'amphithéâtre d'anatomie est placé au-dessous des dortoirs, et l'air qui entre par les fenêtres est imprégné de tous les miasmes putrides qu'exhale la bagse-cour, où l'on entretient habituellement soixante-quinze cochons mis en pension, au mois, par des charcutiers de Paris, fous les germes de corruption et de maladie sont rassemblés autour de ces enfante.
Telle est la marche que l'on suit à la Salpêtrière pour commencer IjS générations du peuple auquel les administrateurs n'auront à offrir un jour, pour unique patrimoine, que la force et la santé. En sortant de ces dortoirs les filles passent à un plus vaste. Elles y sont au nombre d'environ six cents ; on leur apprend à travailler en linge, faire de la tapisserie, de la dentelle et à broder.
La nourriture drç ces jeunes filles, âgées depuis dix ans jusqu'à ving-cinq, est non seulement incomplète, si on a égard aux besoins de leur âge, mais elle est encore la plus malsaine que l'on puisse offrir à des estomacs débiles, à des enfants viciés par des maladies de peau, des affections de poitrine, et habituellement souffrantes par la gêne qu'elles éprouvent"d'être assises huit heures par jour en travaillant sur des bancs sans dossier.
Quand on se fait rendre compte par écrit du genre dtj nourriture des pauvres, on remarque la distinction de la soupe maigre et de la soupe grasse, de la quantité de beurre, de fromage, de pois, de viande distribuée chaque semaine, mais nous nous sommes fait représenter ces aliments et sans avoir égard aux plaintes qui nous ont été faites, nous les avons trouvés de mauvaise qualité, sans cuisson, sans goût et la preuve est sans réplique; c'est que la plupart des enfants réjettent la soupe et ne la consomment pas.
Les pauvres qui peuvent dépenser deux liards, les donnent à une fille de service pour faire recuire et assaisonner leurs aliments, car, dans ces maisons de charité, la charité n'est jamais gratuite. Celles qui ne peuvent pas faire cette dépense, énorme pour qui n'a rien, sont obligées de se contenter de ce qu'on leur donne, et elles éprouvent un tel besoin qu'elles ramassent dans les cours les débris d'oignons, de choux et de légumes qui ne leur sont pas destinés ; de là naissent les affections scorbutiques et les maux de bouche si fréquents dans cette maison. S'il est vrai de dire que le traitement, dans une maison, ne doive pas être tel qu'il y appelle le£ fainéants, il est au moins aussi vrai qu'il doit pourvoir à une suffisante subsistance, qu'il doit fournir une nourriture saine, et que, de tous les âges de la vie, la jeunesse est celui qui exige les soins les plus complets.
Le travail, tel qu'il est dirigé, nous a paru peu propre à en inspirer le goût. Il est sans récompense pour les enfants et les jeunes filles. On laisse, à ce que l'on nous a assuré, une partie du produit de ce travail entre les mains des officiers, pour procurer quelque douceur à leur dortoir ; mais cette distribution, sujette à un grand arbitraire- est encore impolitique, en ce qu'elle n'aiguillonne pas Ja prévoyance des ouvriers, et ne leur laisse pas la liberté de l'emploi du prix de leur travail, Encore si la maison plaçait le produit du travail de ces enfants, ou même la
partie qu'elle voudrait leur en attribuer, cette somme modique, croissant jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, terme de la fin de leur éducation, pourront U ur ménager une utile ressource. Des prqneaux, des légumes, un moucbqir plus fin, voilà les douceurs que leur travail leur procure, Ce régime de couvent ne semble pas fait pour des enfants destinées à ne rien posséder et à vivre de leurs peines.
Le travail est à la tâche dans le plus grand nombre des salles de la maison, dans toutesœlles où il n'est pas imposé p^r punition, et, la lâche faite, les jeunes filles peuvent travailler pour leur compte; mais elle se fait lentement; le temps qui reste est court, et il faut bien en donner à la dissipation et au mouvement. Il serait aisé d'ôter à ce mode df? travail ce qu'il présente de servile, quand il est sans récompense; en y proportionnant un léger sacrifice d'argent, on augmenterait le courage et l'espoir et on en ferait supporter plus gaîment la contrainte. On nous apré-r sente des ouvrages d'art et de goût dans la salle de broderie et de tapisserie; nulle récompense particulière n'est accurdée aux plus habile?. Ainsi, le système de la maison tend à anéantir toute émulation dans ces ouvrières, quand la seule ressource qu'elles puissent attendre de leur éducation n'çst'que l'amour du travail. Les filles et femmes occupées par punition à la filature, les femmes prisonnières même ne peuvent gagner au delàde six à sept liards par jour. Quand, d'après les comptes de la maison on voit que, sur à peu près sept mille individus, un sixième seulement travaille utilement, et que le produit de ce travail p'est, année commune, que d'environ treize mille livres, ou regrette que cette somme qui, bien distribuée aux ouvrières, pourrait leur être d'un si utile encouragement, pour le reste de leur vie, ne leur soit pas abandonnée.
Celles qui ne remplissent pas leur tâche sont punies en recevant la défense de sortir, si elles sont dans l'âge de profiter de cette faveur. On enferme les autres dans des dortoirs où les femmes les plus vieilles sont couchées à quatre, ainsi le châtiment d'une légère faute expose et bien souvent corrompt, d'une manière irrémédiable, la santé d'une jeune fille qui, pendant un séjour plus ou moins prolongé, dans un lieu infect, peut gagner des maladies cruelles, ou prendre le germe des plus affreuses infirmités. On nous a assuré que pour des fautes, sans doute plus graves, on renfermait des filles dans des loges de folles furieuses et qu'on les chargeait de cbaines. En lisant ces faits isolés, qui croirait qu'il est ici question de femmes et de maison de charité ?
Très peu d'enfantsappreqnent à écrire,puisque sur plus de huit cents filles on n'en admet que vingt-quatre à ce genre d'instruction, tandis que les maîtresses enseignent des enfants du dehors qui payent leurs leçons. Une plus grande partie apprend à lire, mais l'éducation, à cet égard très imparfaite, dépend encore des préférences des officières, car on sait bien que dans un hôpital les dispositions et les talents sont comptés pour rien, si l'on n'est pas protégé.
Les effets de la protection et de la faveur se remarquent plus scandaleusement dans une certaine classe d'enfants que la prédilection dont elles jouissent fait appeler bijoux. Ce «ont des enfants, ou de la maison, ou de Paris, admises comme pauvres sansaucun des titres qui donnent l'entrée de l'hôpital, et que les sœurs officiêres et autres prennent sous leur particulière protec-
tion. Beaucoup de ces enfants payent pension à la sœur qui en reçoit tant qu'il s'en présente, et tant que le permet l'indulgence de la supérieure. Uuo de ces sœurs en a jusqu'à neuf. Gesenfants, mieux vêtues que les pauvres, sont encore mieux nourries, plus soignées. Il s'établit une sorte de rivalité de parure entre ces enfants pauvres et au milieu de la pauvreté. Quel contraste et quel abus i
Leur nourriture qui devrait être odlle des pau* vres, puisqu'elles ne sont à ia maison qu'à oe titre, est, comme on le sent bien, choisie sur celle des premières tables. Le supplément nécessaire est acheté des filles de cuisine, des cuisiniers et des employés qui vendent leurs portions et qui trouvent, sans douta, le moyen de s'en dédommager; et nous,dirons, en passant, que c'est un des grands abus de la maison, abus qui, comme on le voit, porte sur toutes les classes de net hôpital.
Quant à celui de l'existence de ces petites filles privilégiées, rien ne peut le justifier ; il est immoral sous tous les rapports. Si ces enfants d'adoption sont pauvres, pourquoi ne sont-elles pas traitées comme les pauvres ? Si elles ne le sont pas, pourquoi sont-elles dans une maison de charité? Les sœurs cependant les façonnent de longue main au genre d'éducation qu'elles croient nécessaire aux places d'officières qu'elles leur destinent dans la suite, et qui jamais ne leur échappent. Ce genre d'éducation, peu soigné d'ail* leurs, est toujours dirigé dans l'intention de perpétuer les préjugés et le système d'arbitraire qui constitue 1e régime de la Salpêtrière.
Revenons aux vrais pauvres. L'âge de vingt-cinqansest, pour les filles élevées à la Salpêtrière, le dernier terme de leur éducation physique et morale. Parvenues à cet âge, celles qui ne sont pas réclamées par leurs parents, ou demandées par des personnes honnêtes qui veuillent bien s'en charger, ou qui n'ont ni le désir, ni la posr sibilité de se placer au dehors, ne quitten t pas la maison. Elles se classent au nombre des bons pauvres, si elles n'obtiennent pas un petit emploi. Le nombre de celles qui restent est très considérable. L'incurie, la paresse qu'elles ont dù contracter pendant leur séjour à l'hôpital, l'ignorance des conventions sociales, une force d'hébétement dans lequel elles sont élevées, souvent des infirmités les rendent incapables de la domesticité, seul état, cependant, auquel elles puissent prétendre. La plupart de celles qui sortent de la maison tournent très mal, et quand elles ne se livrent pas à la débauche, elles sont renvoyées et rentrent à l'hôpital. Enfin, on aura peine à croire que quand les fondations de la maison donnent un trousseau et trois cents livres aux filles qui se marient, il n'y en a pas plus de deux (année commune), qui profitent de cet avantage.
C'est ainsi que ta Salpêtrière dévore les générations qu'elle élève à grands frais* et qu'elle recrute les classes fangeuses de la société.
La classe des bons pauvres est la plus considérable de la maison. Quelques genres de maladies sont séparés, mais si on excepte un petit nombre de grandes divisions, tous les âges, toutes les infirmités sont confusément mêlés dans ce cahos de misères.
Une salle contient uniquement des aveugles. Elles couchent deux. Ces femmes qui, pour la plupart, viennent de l'Hôtel-Dieu sont censées incurables, et. comme telles, on ne tente aucune opération qui puisse les guérir. Les paralytiques eouchent seules dans deux dortoirs. Les
autres n'offrent plus qu'un mélange dégoûtant d'infirmités de tous genres, et une malpropreté qui soulève le cœur. On ne voit pas sans peine, combien peu on porte d'attention à soigner la vieillesse que tout engage à consoler, à ranimer. Le spectacle des dortoirs de cette maison est vraiment hideux. Dans quelques-uns, les femmes couchent quatre et quelquefois cinq dans le même lit ; d'autres contiennent sous un toit très bas et dans une très petite largeur quatre rangées de lits ; dans le jour on y est suffoqué, on ne conçoit pas comment on peut y respirer la nuit. Ces cloaques infects doivent recéler des germes de putridité, suite nécessaire de l'amoncellement horrible d'individus déjà affaiblis par la misère, l'âge et les infirmités. C'est cependant sur ce fumier, offert comme un bienfait, que toutes les classes pauvres delasociété viennent s'inoculer une mort lente. Il serait facile à l'administration de réparer ces erreurs en classant les différents âges, en prodiguaut aux pauvres une surveillance plus affectueuse ; car tout aigrit le malheur, et la misère iûême lui donne des défauts qu'une vraie compassion fait seule supporter et peut atténuer. Il semble aussi qu'on trouverait facilement le moyen de donner de l'air dans plusieurs dortoirs, goit avec des ventilateurs, soit par de nouvelles ouvertures. Mais le moyen le plus efficace serait de diminuer la masse énorme des individus de la Salpêtrière et de réduire à une mesure précise le nombre des pauvres que cette maison doit recevoir.
Quelques dortoirs, un peu plus propres, sont réservés aux filles de service qui ont obtenu leur retraite, et à quelques femmes plus âgées ; car, à l'exception d'elles et des paralytiques, le droit de i oucher seule s'achète, comme a Bicêtre, depuis quarante jusqu'à cinquante écus. On paye encore trois cents livres à la Salpêtrière la permission d'occuper de petits cabinets séparés. Il y eu a quarante-et-un de cette espèce; c'est assurément payé bien cher un asile malsain et sans air, mais ce logement donne droit, à celle qui n'est pas tout à fait pauvre, de participer à la nourriture de l'hôpital : ainsi, il est doublement un abus.
Outre le profit que la Salpêtrière tire de la vetne des lits et des logements ; elle en tire encore un autre des pensionnaires qu'elle reçoit : elles étaient le 9 juin au nombre de soixante-six, et classées dans l'ordre qui suit : quatre de 600 livres, une de 400, une de 350, sept de 300, trois de 250; vingt-six de 200, dix-huit de 150, six de 120.
Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit en parlant de. Bicêtre, sur ce mélange de pauvres mieux traités et de pauvres dénués de tout ; de l'immoralité d'un régime de maison de charité où l'égalité ne règne pas ; nous ajouterons seulement que celle qui est en état de payer quatre cent cinquante livres comptant et une pension de deux cents livres ne doit pas être à la Salpêtrière; elle y tient la place d'un pauvre, et, par conséquent, il y a un individu de plus qui souffre.
Si, pour avoir de la viande un peu plus cuite, des aliments mieux assaisonnés, il faut jouir d'une sorte d'aisance, on demande ce que devient alors cette charité toujours également active, qui doit présider aux distributions de secours. Les yeux du pauvre qui ne peut rien offrir sont encore bien plus offensés par une inégalité de traitement qui tient à de modiques sommes données aux officières de la rnaisop- » n obtient
en retour des préférences, des choix dans les aliments, et ces secours, si faibles qu'ils soient, ne peuvent avoir lieu que sur la masse totale, et dans ce cas le pauvre perd et l'officier gagne. On ne saurait trop le répéter, il n'existe dans ces hospices aucune bienfaisance gratuite, on vend tout au malheureux, jusqu'aux soins qu'on lui doit à tant de titres, et on rend sou malheur plus cuisant et plus insupportable.
Parmi cette foule d'emplois qui, à la Salpêtrière, occupent tant de gens de service, il en est un digne de remarque. Dans un petit dortoir, très malpropre, se trouvent seize filles, dont l'unique fonction est de quêter dans les différentes paroisses de Paris ; elles sont obligées, pa leur traité, de rapporter à la maison vingt sols par mois; l'excédent de ce genre de travail leur est alloué ; ainsi l'aumône est en régie, et la mendicité en emploi. Cet usage est conservé, dit-on, pour soutenir le privilège qu'avait la Salpêtrière d'envoyer quêter dans les paroisses. Quel privilège à soutenir, et pour un hôpital d'un si énorme revenu I
Si la loi qui exige d'être sexagénaire pour être admis à la Salpêtrière, au nombre des bons pauvr,es est souvent éludée par la faveur et les circonstances, elle est plus impérieusement suivie dans l'admission des gens mariés. Cet établissement, particulier à la Salpêtrière, est connu sous le nom de Ménages.
Pour être admis dans cette classe, il faut que le mari et la femme soient âgés de soixante ans, qu'ils soient nés dans la ville ou banlieue de Paris, ou bien qu'ils y soient domiciliés depuis deux ans : leur extrait baptistaire, leur contrat de mariage et un certificat de pauvreté du curé de leur paroisse, sont les titres qu'ils apportent au bureau qui leur délivre un billet d'admission quand il y a une place vacante. Si la femme meurt la première et que le mari veuille rester à l'hôpital, on le fait passer à Bicêtre ; si au contraire la femme devient veuve, elle reste à la Salpêtrière et entre dans un dortoir.
Cet établissement, qui remonte à 1663, a été doté par le cardinal Mazarin, qui donna en 1665, à l'hôpital général, cent soixante mille livres, pour construire à la Salpêtrière un bâtiment propre à loger des gens mariés. Cette fondation ne leur accorde d'autre avantage que d'être placés dans des cellules, au nombre de cent huit ménages. Leur traitement en nourriture est le même que celui des autres pauvres. Quand on compare ces ménages avec ceux des Petites-Maisons dont nous rendons compte, on voit que tout est au désavaniage de la Salpêtrière; les logements y sont sales, peu aérés ; la vieillesse y est chagrine, malpropre, la nourriture malsaine, et nulle attention ne prévient les plaintes du pauvre : la sérénité, le contentement semblent être le partage de la vieillesse aux Petites-Maisons, et les précautions dont on l'a environnée la rendent moins difforme et plus heureuse.
La Salpêtrière renferme aussi des folles ; le nombre en était de cinq cent cinquante lors de notre première visite. Elles y sont bien plus mal que les fous ne sont à Bicêtre ; l'air des vieilles loges est infect, elles sont petites, les cours étroites; tout y est dans un état d'abandon aussi affligeant qu'inconcevable; tous les genres de folies sont confondus : les folles enchaînées (et il y en a un grand nombre) sont réunies avec les folles tranquilles ; celles qui sont dans les accès de rage sont sous les yeux de celles qui sont dans le calme : le spectacle de contorsion, de fureur, les
cris, les hurlements perpétuels ôteottous moyens de repos à celles qui en auraient besoin, et rend les accès de cette horrible maladie plus fréquents, plus vifs, plus cruels et plus incurables. Là enfin, n'existe nulle douceur, nulle consolation, nuls remèdes. On bâtit de nouvelles loges, un peu plus grandes, plus aérées, moins susceptibles d'infection, mais toujours dans le même système que les autres, et par conséquent n'épurant aucun de leurs vices essentiels. Vingt-deux folles, un peu tranquilles, couchent dans onze lits; quarante-quatre imbéciles sont également couchées deux à deux; les salles sont sans propreté et sans courant d'air ; toutes les folles reçoivent la même nourriture que lès autres pauvres delà maison, et seulement un quart de pain de plus; ces quantités sont insuffisantes pour des individus qui, dans une agitation continuelle, dissipent plus que s'ils travaillaient : à tous ces maux qui proviennent des localités, de l'absence de toute espèce de traitement, du trop grand nombre d'individus rassemblés sur un trop petit espace, il faut ajouter les contradictions habituelles qu'éprouvent les folles entièrement livrées à l'agacerie des curieux qui les visitent, et au mauvais traitement des employées qui les doivent soigner et qui, déjà aigries elles-mêmes par un genre de travail dur et repoussant, ne les considèrent que comme des animaux à qui elles apportent la nourriture et l'eau, et qu'elles séparent quand elles se battent. De tous les malheurs qui affligent l'humanité, l'état de folie est cependant un de ceux qui appellent à plus de titre la pitié et le respect ; c'est à cet état que les soins doi-vent être plus abondamment prodigués : quand la guérison est sans espoir, que de moyens il reste encore de douceurs, de bons traitements qui peuvent procurer à ces malheureux au moins une existence supportable. Nous avons, à cet égard, de grandes leçons à recevoir de l'humanité éclairée des Anglais; leurs hôpitaux de fous réunissent tous les avantages, toutes les commodités, tous les moyens de guérison possibles à désirer et à prévoir ; mais parmi tous les autres on distingue celui de Yorck, dirigé par le docteur Hunter, où le plus grand nombre de malades sont guéris, où les bous traitements, les moyens de confiance, les caresses sont si heureusement employés, que jamais les plus enragés ne sont attachés, ou que plutôt les accès de fureur et de rage y cèdent promptement et sans retour au régime de consolation et de douceur, constamment employé dans la maison.
Le docteur Hunter dont la vie et la fortune ont été consacrées sans relâche à ces bienfaisantes fonctions, est de ces estimables philanthropes à qui sont dues la vénération et la reconnaissance de toutes les nations.
La Salpêtrière a, pour les femmes, une maison de force ; c'est dans cette affreuse demeure que, sous l'ancien régime, la police de»Paris entassait dans une centaine de lits, sans pitié, sans secours, cinq à six cents'filles publiques. On y réunissait aussi celles qui, par des arrêts ou des ordres particuliers, étaiént condamnées au renfermement. Depuis la Révolution, le nombre en est prodigieusement diminué; quatre-vingt-trois petits cabinets semblables aux cabanons de Bicêtre, mais plus malsains sont occupés la nuit par une partiè de ces prisonnières.
Dans d'autres dortoirs sans air, et au milieu de la fange, sont encore aujourd'hui deux cent vingt-huit femmes; quatre-vingt quatorze sont condamnées pour la vie, elles couchent trois dans
un même lit ; cent trente quatre autres condamnées à une réclusion plus ou moins longue, la plupart flétries, attendent, dans les angoisses, la fin de leur châtiment; elles couchent deux et sont confondues, quelles que soient les causes de leur détention.
Indépendamment des réflexions poignantes dont ce séjour d'horreur pénètre, une entre autres poursuit constamment. De quelle utilité peut-il donc être d'ajouter à la privation de la liberté, tout ce qUi peut la rendre encore plus insoutenable? Pourquoi, par tousces traitements, augmenter encore le malheur de femmes déjà si malheureuses? Oh 1 que l'humanité est encore peu réfléchie; qu'elle est même encore inconnue dans les prisons françaises. Il semble qu'on en doive ni aux criminels, ni même au détenus coupables; comme si le malheur avait besoin, pour être plaint, pour être consolé, d'autre titre que le malheur lui-même. C'est particulièrement pour les prisonniers-condamnés pour la vie que toutes les douceurs compatibles avec leur détention doivent être réunies, c'est à eux qu'elles sont dues : ces malheureux n'ont plus d'espoir. Parmi les prisonnières de la Salpêtrière, beaucoup réclament la faveur du décret de l'Assemblée, favorables aux détenues. La prudence en a suspendu l'effet dans cette maison, et l'économe assure qu'il pourrait y être exécuté sans inconvénient. Beaucoup de ces femmes sans doute, jadis coupables, aujourd'hui demandées ou parleurs maris, ou par leurs parents, ont expié leurs fautes par une longue et pénible détention, et donnent l'espoir d'un sincère repentir. Nous nous croyons permis de solliciter la liberté de eelles que l'examen de leur faute et de leur conduite dans la maison, montrerait pouvoir en jouir sans danger pour la société.
La Correction qui est le lieu de grande punition pour la maison, contenait, quand nous l'avons visité, quarante sept filles, la plupart très jeunes et plus inconsidérées que coupables. Quelques-unes sont des élèves de l'hôpital èt renfermées par les ordres seuls de la supérieure. Des réponses hautaines faites à une officière ; des plaintes indirectes ; faut-il dire? du vin bu avec des hommes dans un cabaret entretenu dans la maison, et l'une des branches de son revenu, avaient provoqué ces châtiments qui duraient depuis six mois et un an. "Aucun repos, aucune douceur, aucun exercice pendant tout le temps de leur | détention, et toujours cette confusion d'âge, ! toujours ce mélange choquant de jeunes filles ! légères avec des femmes invétérées dans le vice, I qui ne peuvent leur apprendre que l'art de la j corruption la plus effrénée, IL est temps de re-| connaître et d'enseigner partout qu'une punition | qui n'améliore pas est absurde, et que celle qui | peut corrompre est criminelle, j Presque toutes les femmes de la Force, surtout les jeunes, travaillent.au profit dé la maison : on I leur accorde, dit-on, quelques douceurs au delà ! du traitement ordinaire des pauvres, mais elles | ne leur parviennent que par la volonté des sœurs, i On abandonne aux femmes qui ne savent que filer j et tricoter, le produit de leur travail; mais il faut j faire vendre leur ouvrage, et le peu qu'elles en j retirent est si modique, que malgré leur solitude et leUrs besoins, les meilleures ouvrières ne | gagnent pas au delà de dix sols.par semaine. ! Les prisonnières qui payent une, pension sont nourries en conséquence : -celle qui se trouve attaquée de maux vénériens est envoyée à Bicêtre pour y être traitée; celle qui est grosse est placée
dans un lieu particulier destiné à cet usage ; enfin celle qui est malade est soignée dans l'infirmerie de la Force.
Des cachots moins affreux que ceux de Bicêtre; mais bien horribles encore et bien sombres, étaient destinés aux prisonnières qui donnaient des mécontentements graves; ils ne sont plus mis en usage. On ne peut imaginer comment des femmes ont pu destiner à d'antres femmes des lieux de punition dont l'aspect seul fait frissonner et où un être faible, malheureux, et fréquemment susceptible d'une frayeur excessive, trouvait toujours un supplice affreux, et souvent encore la source de beaucoup de maux pour le reste de la vie.
Dans plusieurs dortoirs on trouye de petites infirmeries assez propres, mais uniquement destinées aux officières et à quelques privilégiées. Le pauvre est conduit à l'infirmerie générale; beaucoup de vieilles femmes languissent dans leur dortoir et meurent souvent sans qu'on ait eu le temps de les secourir.
L infirmerie générale, la seule qui existe encore en activité dans toutes les maisons de l'hôpital général, ne manque pas absolument d'air et de propreté, mais les sal'es contiennent trop de litsvles lits sont trop chargés de bois et sont ainsi plus susceptibles de recevoir et.de conserver des miasmes putrides. Les maladies sont confondues à peu près sans distinction dans ces malles, les âges sont encore moins séparés. Le nombre des malades, est,au terme moyen, d'environ trois cents. /
Depuis que l'infirmerie est établie, à la Salpêtrière, la mortalité n'est, dapsla maison, que d'un peu moins d'un dixième. Le nombre des morts dans les grandes et petites infirmeries, dans les dortoirs, étant année commune de six cent vingt. Avant qu'elle fut établie, elle était de plus d'un sixième ; cinq cents malades mouraient à l'Hôtel-Dieu, et quatre-cent-cinquante dans les dortoirs, ou la probabilité de la mort était encore moins forte pour lès plus malades sans aucun traitement, que par la chance du transport et du traitement de l'Hôtel-Dieu. L'expérience a ainsi activé la grande utilité des établissements de l'infirmerie, qui peut, cependant, dans ses détails, être beaucoup perfectionnée. Le sentiment des médecins et chirurgiens est que le mauvais air, la faim, la mauvaise qualité des aliments et les effets trop certains de la communication intime des jeunes personnes entre elles, engendrait l'épuisement, le marasme, le scorbut, la gale lépreuse, les fièvres putrides, maladies les plus communes dans la maison.
On a établi un traitement pour la gale, mais les jeunes filles, comme nous l'avons dit, sans cesse ensemble, la donnent et reprennent continuellement ; elles n'en guérissent jamais, et, pendant toute leur vie, ces créatures infortunées conservent des maladies de peau, qui, combinées avec toutes les autres infirmités qui leur surviennent, en font, nécessairement, les êtres les plus viciés de la nature.
Qu'on ne croie pas que nous exagérions ; il n'est pas une jeune fille, il n'est pas de femmes, de quelque âge qu'elles soient, à la Salpêtrière, qui n'ait la gale, on ne soit prête à Ja recevoir.
L'insouciance habituelle est poussée au point qu'il -n'y a pas de-lieu particulier pour guérir les personnes âgées qui gagnent cette maladie, et que trois ou quatre baignoires absolument insuffisantes, pour ce genre de service, sont encore mises à l'écart et hors d'usage depuis longtemps.
Cependant, cent dix-huit lits où l'on entasse des galeuses de toute espèce, sans air, sans propreté, sans soins, figurent sur les états que l'on fournit à l'administration, et un dortoir particulier passe pour l'infirmerie où l'on traite les maladies de peau,
La salle la plus horrible que l'on puisse présenter aux yeux de celui qui conserve quelque respect pour l'humanité, est celle où près de deux cents filles jeunes et vieilles, attaquées de la gale, des écrouelles et de la teigne, couchent pêle-mêle, quatre et cinq dans un lit, se communiquant, se compliquant tous les maux que la fréquentation peut donner. Combien de fois, en parcourant tous ces lieux de misère, ne se dit-on pas avec horreur qu'il serait presque moins cruel ae laisser périr l'espèce humaine que de la conserver avec aussi peu de ménagements!
Un médecin dont les forces ne peuvent suffire à tant de malades, une apothicairerie fastueuse-ment montée parce qu'on en tire des objets de consommation utiles, des chirurgiens très mal payés, indécemment logés, parce qu'ils ne peuvent offrir que du talent, tel est ce qui complète le service de santé de la Salpêtrière.
La comptabilité y est, comme dans toutes les autres maisons de l'hôpital, faite par l'économe ; la recette, composée de toutes les ventes dont il serait juste de détruire l'usage, se monte à 87,600 livres, et la dépense faite par l'économe à 110,000 livres.
Le nombre des employés de toutes classes dans cette maison est de douze cent trente-quatre, dout trois cent quatre-vingt-cinq hommes et huit cent quarante-neuf femmes, ce qui, pour six mille sept cents, donne la proportion d'un employé pour un peu plus de cinq pauvres.
En terminant cette longue énumération d'abus, dont nous avons supprimé beaucoup de détails, qu'il nous soit permis de rapprocher le tableau de Bicêtre et de la Salpêtrière, tel que leur comparaison nous le fait voir.
Dans la première de ces maisons, le despotisme des subalternes est plus calme, plus voilé; ce sont des hommes qui commandent. Dans la seconde, il est plus actif, plus tracassier, plus dûr même ; des femmes ont l'empire.
La fainéantise, le vice et la scélératesse sont réfugiés à Bicêtre, l'aigreur, l'envie et la corruption sont sans cesse en action à la Salpêtrière.
L'oisiveté énerve les hommes à Bicêtre, le travail forcé tue les enfants à la Salpêtrière.
La malpropreté est partout la même, mais elle est une bien plus dangereuse conséquence pour la santé des femmes; enfin, l'aspect de Bicêtre est plus horrible, celui de la Salpêtrière plus dégoûtant.
Dans ces deux maisons, le nombre des employés n'est dans aucune proportion avec la nécessité du service ; ils appauvrissent, si l'on peut parler ainsi, les pauvres mêmes, et l'administration, qui ne voit en eux que des protégés, les conserve, et par bienfaisance et par habitude.
Nous finirons comme nous avons commencé : une maison de charité qui doit entretenir journellement sepl mille individus de tout âge et de toute espèce, ne peut être bien administrée. Une prévoyance plus grande, une humanité mieux entendue, une activité plus surveillante, adouciraient, à Bicêtre et à la Salpêtrière, le sort des pauvres, rendraient l'ordre des choses beaucoup moins mauvais, mais ne pourraient jamais le rendre bon.
MONT-DE-PIÉTÉ.
Le Mont-de-Piété, compris dans lesmaisonsqui forment le grand établissement de l'Hôpital général, n'y a été réuni, en 1779,lors de sa création, que pour augmenter le revenu des pauvres, et donner ainsi une intention sainte à cet établissement qui, pour quelques malheurs qu'il sert et qu'il prévient, est la source et le moyen d'un beaucoup plus grand nombre qui n'existeraient pas sans lui.
Six des administrateurs de l'Hôpital général régissaient, sous l'inspection supérieure du Parlement, ce vaste établissement.
L'argent prêté à deux deniers pour livre par mois, compose le revenu de cette maison. Celui qu'elle emprunte pour satisfaire à ces prêts, consomme la moitié de ce produit* Pans les 5 0/0 de bénéfice restant, les frais d'administration sont payés : le reste rentre dans les coffres de l'Hôpital général ; mais, comme il a dû supporter les frais do l'établissement, il résulte que depuis la création, à 300,000 livres près, il n'a encore bénéficié de rien. Il faudrait être entré dans tous les détails des besoins de cette maison et de ses dépenses pour pouvoir prononcer si l'administration a été aussi économique que doit être celle qui régit le bien des pauvres» Nous nous sommes bornés à reconnaître que les frais d'établissement ont monté jusqu'à présent à 1,700,000 livres, et exigent encore environ 100,000 livres, si toutefois on ne construit pas un pavillon considérable compris dans le plan qui n'est pas encore commencé, et qui occasionnerait une grande augmentation de dépenses.
On ne peut trop admirer, dans cette maison, l'ordre de la comptabilité qui, composée de plusieurs natures de recettes et de dépenses, et de la multitude la plus compliquée de détails différents, est simple, bien ordonnée, claire, et donne vraiment l'idée de la perfection.
Le revenu du Mont-de-Piété dépendant absolument des nantissements qu'il reçoit, ne peut être évalué avec précision* Si l'intérêt du prêt pouvait être diminué, cette maison présenterait plus d'utilité et moins de dangers. Il serait bien heureux que des caisses nationales pu municipales pussent remplacer cet établissement, moins nuisible, moins dangereux, sans doute, que les repaires d'usuriers qui, sans loi, affranchis de toute inspection, ruineraient plus certainement et plus promptement les malheureux obligés d'y recourir. Mais une administration paternelle et surveillante, assez divisée pour n'avoir pas toujours l'inquiétude d'être trompée, et pour bien connaître les besoins,sauverait biendeg fortunes, préviendrait bien des dérangements, bien des vols; enfin, serait aussi moralement qu'économiquement utile; et la Constitution actuelle nous doit faire espérer d'en voir l'établissement dans les grandes villes et les départements. Ecarter des citoyens le plus grand nombre d'écueils, leur présenter la possibilité du plus grand nombre d'avantages : voilà le devoir et le bonheur d'une bonneadmiiiistration résultant d'une Constitution libre et" sage.
RÉSUMÉ GÉNÉRAL.
En considérant l'ensemble de l'Hôpital général, la réunion des secours de toute espèce qu'il
donne, la masse de revenus dont il jouit, on ne peut se refuser à rendre hommage aux vues grandes et bienfaisantes qui ont rassemblé dans ce centre commun tant de moyens d'assister la misère et de consoler le malheur. Aucun autre lieu du monde ne donne l'exemple d'un établissement charitable d'une aussi grande étendue, et qui» dans l'intention de sa fondation, doive pourvoir aussi complètement aux bespins de ceux qu'il assiste. En effet, l'Hôpital général doit, par la lettre même des fondations particulières, des dons royaux, des lois qui règlent son institution, ses devoirs et ses ressources, élever les enfants pauvres ou abandonnés dès leur naissance, pourvoir à leur nourriture, veiller à leur santé, a leur éducation, les former au travsjjl, les mettre en état d'exercer un métier, les surveiller dans leur apprentissage, les suivre dans les premiers temps de leur jeunesse, marier les plies ou les placer, recueillir e( soigner toutes les infirmités, accueillir la vjeiliesse pauvre, la consoler, répandre enfin des secours et des adoucissements sur toutes les infortunes. Jamais, dans aucun des titres qui ont fondé ou réuni à l'Hôpital général les différentes maisons dont il est composé, il n'est parlé de pension, de rentes d'aucune espèce, de secours mis à prix d'argent; ils doivent être tous gratuitement donnés aux pauvres, et l'économie de l'administration y est toujours expressément ordonnée, Ainsi cet immepsè établissement a été forme dans les vues les plus positivement exprimées de bienfaisance, de prévoyance et dp charité ; mais il portait dans son étendue, dans la nature et lés formes de son administration, le germe de tons les abus qui s'y sont introduits et qui ne pouvaient point n en pasdétériorer bientôt les intentions.
L'administration supérieure était, comme nous l'avons dit, composée de l archevêque de Paris, des premiers présidents des cours souveraines, du procureur général du parlement de Paris, du lieutenant de police, du prévôt des marchands, de toute personne enfin qpi pe pouvant, par l'étendue de leurs occupations personnelles, se livrer à des examens partiels, ne connaissaient que des résultats de comptes, n'étaient appelés à prononcer que sur les affaires majeures; et leurs décisions, toujours préparées, et maîtrisées en quelque sorte par les détails dont ils n'étaient pas instruits, se trouvaient dictées toujours aussi d'avance par ceux-raêmes qui les provoquaient. Les administrateurs gérants eux-mêmes, chargés souvent, comme nous l'ayons dit, de fonctions publiques, occupés de leurs affaires particulières, ne pouvaient donner une attention de tous les instants à une administration aussi immense, aussi compliquée, gui demande et des soins au dehors, et une continuelle surveillance intérieure. La partie des subsistances, des approvisionnements, régie par les administrateurs, en oeeupe elle seule plusieurs qui s'y consacrent presqu'en-tiêrement. Sans doute, on peut dire, et il nous a semblé à nous-mêmes que ce mode d'administration, le plus embarrassé de détails, le plus compliqué, le plus nécessaire à surveiller sans cesse et par conséquent le plus susceptible de gaspillage et d'abus de toute espèce, 'n'était pas même le plus économique, qu'il ne convenait pas sur» tout à l'approvisionnement d'un aussi grand nombre de maisons considérables ; mais il existe, ét ces détails, encore une fois immenses, exigent une correspondance, des soins, une prévoyance continuelle, et servent à prouver que 1 administration active de toutes les parties de l'Hôpital
général e9t au-dessus des moyens d'hommes qui, s'y livrant gratuitement, doivent conserver quelques moments à leurs intérêts particuliers et à leurs autres devoirs. De là, il est arrivé qu'ils ont dû donner leur confiance entière aux économes et supérieures des différentes maisons; que plus ils ont apporté, dans leurs fonctions, d'amour du bien, de Dienfaisance et de charité, plus ils ont dû être facilement séduits par ceux qui leur en faisaient entendre le langage. De là, on voit comment, séduits par l'opinion du mérite, des personnes dans lesquelles ils avaient placé leur confiance, les représentations, les plaintes, la vérité pouvaient difficilement leur parvenir ; comment la proposition d'une dépense, d'un changement, d'un règlement nouveau qui leur était présenté avec l'apparence d'une amélioration dans le sort d'une classe de pauvres ou de quelques individus, ne trouvant pas de contradicteurs, devait être promptement consentie par eux, et comment ainsi, avec les intentions les plus pures, ils autorisaient souvent un abus en croyant ordonner une institution secouràble. Nous sommes loin de vouloir faire entendre que les personnes dirigeant aujourd'hui ces grandes maisons, nous aient paru remplir imparfaitement leurs fonctions ; plusieurs même nous ont semblé très occupées des soins des pauvres, très pénétrées de leurs devoirs ; nous avons seulement voulu faire connaître combien, par la nature des choses, les administrateurs les mieux intentionnés trouvent d'obstacles à faire de bons choix.
Cette confiance, nécessairement aveugle, des administrateurs pour ceux qui sont en première ligné au-dessous d'eux, a dû encore entourer ceux-ci de séduction, d'hypocrisie, et produire ainsi un mauvais choix ue seconds employés ; car les âmes honnêtes sont généralement fières et se prêtent peu aux moyens si familiers à l'intrigue, qui se retrouvent partout où il y a à obtenir, et d'autant plus dangereusement pour celui qui distribue les faveurs que toujours ils prennent ses couleurs.
De là l'énorme disproportion d'employés avec les pauvres à assister, elle est de plus d'un sur cinq; de là le traitement plus considérable de ces employés, l'abondance de leurs commodités, d'une sorte de luxe qui contraste douloureusement avec l'insuffisance du secours des pauvres ; de là le choix souvent mauvais des gouvernantes qui, prises dans les élèves de la maison et n'en connaissant que les usages, en enseignent et en perpétuent nécessairement l'ignorance et les abus ; de là cette charité peu réfléchie qui, entourant dans les maisons un beaucoup plus grand nombre de pauvres qu'elles n'en peuvent contenir, nuit à la santé, au bien-être de tous et augmente, à un point considérable, la chance des mortalités; de
là, enfin, cette indifférence pour les malheureux, vice véritablement capital de cette grande administration, et par lequel, aucune classe n'étant encouragée au travail, les pauvres y végètent malheureux et les enfants y prennent le germe de tous les vices qui prédestinent en quelque sorte le reste de leur vie au malheur, à la misère et au crime.
Les mêmes causes influent aussi impérieusement sur la nature des dépenses.
Le revenu de l'Hôpital général s'élève a environ 3,600,000 livres, sans compter celui des Enfants trouvés, qui se monte annuellement à près d'un million et dont l'administration est distincte : il doit faire face à la dépense des maisons de la Salpêtrière, de Bicêtre, de la Pitié, du Saint-Esprit, de Scipion ; il ne fournit que les comestibles aux trois maisons des Enfants trouvés, et il n'en fait que l'avance à Sainte-Pélagie.
Les comestibles de ces maisons sont estimés environ 110,000 livres, le reste n'a donc pour objet que mille neuf cent soixante-neuf individus secourus, dans les quatre maisons où ils sont admis. Nous prenons pour nombre absolu le nombre actuel, quoique les circonstances le rendent plus considérable qu'il ne l'est ordinairement, et nous distrayons de la totalité des individus trouvés dans la maison, les employés supérieurs des deux sexes qui ne peuvent être compris dans la classe des pauvres, où nous laissons les employés subalternes; et nous trouvons ainsi, que la partie de la dépense affectée particulièrement aux pauvres, c'est-à-dire la nourriture et l'habillement, ne s'élève qu'à 1,055,000 livres, sur 3,600,000 livres ; les frais d'administration, engagements rentes à payer (et il y en a pour environ 100,000 livres), et particulièrement les réparations et les bâtiments consomment tout le reste (1).
Cette disproportion est effrayante, cette dépense énorme pour des objets étrangers au véritable objet des revenus, au soulagement direct des pauvres, est encore un vice inhérent, en quelque sorte, à un établissement aussi considérable. Peut être eût-on pu mettre dans les bâtiments moins de magnificence, n'en pas faire construire en aussi grand nombre, y employer plus d'économie : comme nous ne sommes entrés dans aucuns de ces détails, nous ne pouvons avoir, à cet égard, un avis bien arrêté. Mais toujours est-il vrai qu'il fallait des infirmeries, des salles, des cuisines; qu'un hôpital qui a près de 4 millions de livres de revenus,n'apporte nécessairement pas dans l'emploi des fonds la même économie qu'une maison dont les revenus et l'administration sont bornés ; que les mêmes administrateurs, remplis de vues sages et de bonnes intentions, mettent cependant dans la dépense qu'ils ordonnent supérieurement, une sorte de
faiblesse et de complaisance, quand les comptes ne sont rendus qu'à un bureau qui n'a pas le loisir d'en vérifier les éléments, que s'ils devaient être rendus publics et soumis à l'approbation et à la censure de tous leurs concitoyens, et qu'enfin la grandeur vraiment monstrueuse de cet établissement se trouve presque toujours la première cause, la cause presque nécessaire des abus.
N'étant pas chargé par l'Assemblée de présenter des vues d'améliorations sur les maisons de charité de Paris, nous nous bornerons seulement à dire que si le système des secours à domicile prévalait, système qui présente, entre autres avantages précieux, celui de répandre les bienfaits sur toute la famille du secouru, de le laisser entouré de tout ce qui lui est cher, et de resserrer ainsi, par l'assistance publique, les liens et les affections naturelles, l'économie qui en résulterait serait très considérable, puisqu'une somme beaucoup moins considérable que la moitié de celle que coûte aujourd'hui le pauvre de l'hôpital soutiendrait suffisamment l'individu secouru chez lui, et que, sur près de onze mille pauvres, ce mode de secours pourrait avoir lieu pour plus de huit mille, c'est-à-dire pour les enfants et les personnes des deux sexes qui ne sont pas prisonniers, insensés, ou sans familles : le reste des individus qui ne pourraient être assistés que dans les hôpitaux divisés dans plusieurs maisons, recevraient des secours plus entiers, une assistance plus personnelle, plus consolatrice. L'administration moins étendue serait plus susceptible de perfection, et les administrateurs bienfaisants et vertueux qui en seraient chargés, seraient plus complètement recompensés de leurs peines, par le spectacle du bonheur des pauvres confiés à leurs soins, et qui serait leur ouvrage.
Avant de terminerce long rapport, nous croyons devoir fixer l'attention de l'Assemblée sur la diminution qu'éprouve l'hôpital général dans ses revenus.
La suppression des indemnités qui lui avaient été accordées par le gouvernement, en remplacement de la franchise des droits d'entrée, lui enlève 308,000 livres ; la diminution de la recette des droits d'entrée perçus en sa faveur, est,pour les six premiers mois de cette année de 400,000 livres. Sans doute, cette perte, qui ne sera pas la même à l'avenir, ne peut pas être évaluée constamment à 800,000 livres, mais toujours sera-t-elle diminuée, et, pour cette année, elle l'est de cette somme.
Les droits sur les spectacles sont réduits, pendant ces mêmes premiers six mois, de 30,000 livres.
La destruction si légitime des privilèges pour l'impôt, coûtera à l'Hôpital, en vingtièmes et en taille pour ses biens de campagne qui en étaient exempts, plus de 40,000 livres.
On peut donc estimer à 1,200,000 livres environ, la perte qu'éprouvera cette année l'Hôpital général dans ses revenus, et à 800,000 livres au moins la perte des années suivantes.
Une administration plus éclairée et plus vigilante, un ordre de choses meilleures dans ce grand établissement, pourront probablement rendre à l'avenir ces revenus suffisants pour le nombre de pauvres qu'ils doivent assister et ils pourront encore en recevoir un meilleur et un plus heureux traitement, condition nécessaire ; mais il faut arriver à ce terme, et la position actuelle
de cette branche de revenu des pauvres, sollicitera l'attention de l'Assemblée.
La déclaration solennelle qu'elle a faite de mettre au rang de ses premiers devoirs le3 secours et la protection à donner à la classe malheureuse, doit ôter toute inquiétude à ceux auprès de qui les ennemis de la chose publique voudraient employer encore ce moyen d'alarme et de mécontentement.
Séance du
(de Saint-Jean d'Angely) lit le procès-verbal de la cérémonie du 14 juillet. La rédaction en est adoptée.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal des deux séances du jeudi 15 juillet, matin et soir.
Il ne se produit aucune réclamation.
donne lecture d'une lettre de M. Jacques-Henri Moreton (ci-devant comte de), qui demande à être admis à la barre pour présenter une pétition qui intéresse son état et son honneur. (Voy. les pièces aux Annexes de la séance de ce jour, p. 139.)
L'Assemblée renvoie cette affaire à son comité militaire, pour lui en rendre compte incessamment.
annonce une lettre de M. Ruffray, commandant des gardes nationales de Veigné en Touraine, qui, ayant reçu les ordres trop tard, n'a pu se rendre à la fédération; il s'y unit de cœur et de sentiment.
, député de Paris, fait, au nom du comité d'aliénation, le rapport suivant sur les ventes des domaines nationaux aux municipalités.
Messieurs,
Le comité, que vous avez chargé de l'aliénation des domaines nationaux, après vous avoir successivement présenté les formes et les conditions des ventes à faire tant aux municipalités qu'aux particuliers, suit avec zèle l'exécution de vos décrets, et vous proposera bientôt l'accomplissement de plusieurs ventes; mais il vous doit le compte de l'état actuel des demandes qui vous ont été faites par les municipalités, afin que vous puissiez statuer sur les moyens d'accélérer et de terminer cette opération, sur laquelle repose la confiance publique dans les assignats-monnaie, dont les biens, que les municipalités doivent acquérir et revendre à des acquéreurs particuliers, sont la principale hypothèque.
Plusieurs d'entr'elles ont rempli les conditions exigées par votre décret du 14 mai, et ont
adressé des soumissions conformes au modèle qui a été annexé à votre instruction du 31 du
même mois, avec la désignation spéciale des objets qu'elles
Votre comité a pensé que rien ne peut s'opposer soit à ce qUé la vente des objets désignés fût effectuée aussitôt que les opérations préliminaires auront été faites j et que vous jugeriez convenable de donner un temps suffisant aux municipalités qui ne se sont pas encore mises en règle, et même à celles qui n'ont point encore formé de demandes, pour faire des soumissions dans les formes que vous avez prescrites. Vous connaîtrez alors précisément le montant de ces soumissions, et vous serez à portée de prendre les mesures que votre sagesse vous suggérera pour répartir entre les municipalités soumissionnaires le bienfait de cette aliénation, si, comme il est certain, la somme de leurs offres régulières se trouve alors supérieure à la somme que vous avez déterminée.
Voici le projet dé décret que nous vous proposons :
L'Assemblée nationale, après avoir entendu son Comité chargé de l'aliénation des domaines nationaux, voulant accélérer l'exécution de la vente ordonnée par ses décrets des 17 mars et 14 mai de la présente année, en faveur des municipalités, jusqu'à concurrence de400millions; hâter le remboursement des assignats-monnaie, et assurer leur hypothèque par la désignation spéciale des objets sur lesquels elle doit porter, a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. ler. Le comité chargé de l'aliénation des « domaines
nationaux procédera sans délai, dans « les formes prescrites par le décret du 14 mai « dernier
et l'instructidtt du 31 du même mois, « à la vente aux municipalités de ceux de ces « biens
pour lesquels elles ont fait des soumis* « sions avec désignation spéciale, conformément t au
modèle annexé à 1 instruction ci-dessus « mentionnée.
« Art. 2. Celles des municipalités qui, ayant « adressé des demandes Soit à l'Assemblée natio-« nale, soit à son comité, n'ont pas rempli les « conditions exigées, seront tenues de faire par-« venir au comité Une nouvelle soumission dans « les formes prescrites, et ce avant le 15 Sep-« tembre prochain, après lequel jour elles ne « pourront plus concourir à l'acquisition des do-« maines nationaux que comme les acquéreurs « particuliers, et conformément aux dispositions « de 1 article 15 du décret des 25, 26 et 29 juin « dernier.
« Art. 3. Les municipalités qui n'ont point en-« core formé de demandes seront reçues à faire « dçs soumissions dans les mêmes formes et « dans le même délai.
« Art. 4. Le comité rendra compte à l'Assem-« blée nationale, avant le lè* octobre prochain, « des soumissions qu'il aura reçues, pour être « statué définitivement, par elle, sur l'exécution « complète de l'aliénation aux municipalités. »
{Ce projet de décret est mis aux voi* et adopté sans discussion.)
(ci-devant le marquis), écrit à M le Président pour prier l'Assemblée de lui accorder Une prolongation de congé afin de vaquer à ses affaires.
Le congé est accordé.
L'ordre du jour est suite de la discussion du projet de décret sur les pensions. L'Assemblée a adopté les articles 1 à 12 dans sa séance du 10 juillet.
, rapporteur, donne lecture de l'article 13 en ces termes :
« Art. 13. La liste civile étant destinée au payement des personnes attachées au service particulier du roi et à sa maison, tant domestique que militaire, Je Trésor public demeure déchargé de toute pension et gratification qui peuvent avoir été accordées, ou qui le seraient, par la suite, aux personnes qui auraient été* sont, ou seront employées à l'un ou à l'autre de ces services. »
Je demande l'ajournement de cet article, parce que la question de la maison militaire du roi est très importante et qu'on lie peut traiter, à propos de pension, le point de savoir si le roi aura ou n'aura pas une maison militaire.
Il y aurait d'ailleUrsà excepter de l'article les personnes de la maison du roi qui ont obtenu des pensions à cause de leurs services militaires ; ces pensions devraient être ées par la nation.
n demande la question préalable sur les amendements. Elle est prononcée.
L'article 13 est adopté sans changement.
, rapporteur, donne lecture de l'article 14.
« Art. 14. Il sera versé dans la caisse des pensions une somme de 12 millions de livres, à laquelle demeureraient fixés les fonds destinés aux pensions, dons et gratifications; savoir : 10 millions pour les pensions et 2 millions pour les dons et gratifications. Dans le cas où le remplacement des pensionnaires décédés ne laisserait pas une somme suffisante nour accorder des pensions à tous ceux qui pourraient y prétendre, les plus anciens d'âge et de service auront la préférence ; les autres l'expectative, avec l'assurance d'être les premiers employés successivement. »
Je demande à M. le rapporteur si le comité a un état de toutes les pensions accordées dans les différents départements, et si le résultat de ces différents états est conforme à la somme de 12 millions ?
La nlupart des départements ont exécuté le décret qui leur enjoint de fournir ces états, mais quelques-uns sont en retard. Les pensions motivées se montent à 30 millions ; d'autres, dont l'objet était moins connu, s'élevaient à plus de 8 millions, èt les gratifications à 40. Il était une autre espèce de dons qui, par leur nature, étaient incalculables ; tels que la remise des droits féodaux et des portions de domaines accordées sous différents prétextes. J'estime que ces aliénations se montaient à plus de 20 millions par année, et qu'on payait plus de 80 millions inutilement : l'intention de 1 Assemblée n'étant pas dé donner à tous ceux qui avaient, la Somme de 12 millions sera suffisante pour ré-
compenser tous Ceux qui ont bien mérité de la patrie. Pour mieux faire connaître si ceux quî réclament ont de justes motifs de le faire, nous ùe croyons pas qu'il existe dé meilleur moyen que d'ordonner l impression des mémoires. Il y ën a beaucoup qui rougiront de leurs demandes, et dans ce moment où notre sévérité est presque passée en proverbe, c'est le meilleur moyen de prouver qu'elle est légitime.
Il est impossible de connaître positivement quelle est la somme nécessaire à ceux qui ont bien mérité de Ist patrie ; en conséquence, je demande l'ajournement de l'article.
Le comité des pensions doit avoir certainement consulté l'état actuel des finances et la possibilité où l'État se trouve de se livrer à la munificence.
, rùp^ortédf. Le comité, pour établir le total qu'il vous propose n'a rien fait sans l'avis des Comités militaire et de la marine.
On demande la question préalable. Elle est adoptée. ,
L^articie 14 est ensuite décrété avec la rédaction ci-dessous :
« Art. 14. Il sera destiné à l'avenir une somme de 12 millions de livres, à laquelle demeurent fixés les fonds des pensions, dons et gratifications; savoir : 1,0 millions pour les pensions' et 2 millions pour les dods et gratifications, dans le cas où le remplacement des pensionnaires décédés ne laisserait pas une somme suffisante pour accorder des pensions à tous ceux qui pourraient y prétendre ; les plus anciens d'âge-et de service auront la préférence; les autres, l'expectative, avec assurance d'être les premiers employés successivement. :>
Je dois informer l'Assemblée que M. de Toulouse-Lautrec, revenu à l'Assemblée nationale, demande à être entendu sur l'objet de la procédure dirigée contré lui à Toulouse. (Voy. l'information faite par la municipalité de Toulouse, aux Annexes de la séance de ce jour. p. 161.)
(L'Assemblée décide que M. de Toulouse-Lautrec sera entendu sur-le-champ.)
Il est affligeant pour moi d'avoir à me justifier d'inculpations si atroces et si dépourvues de fondement. Sans doute, l'Assemblée n'a vu que comme.des calomniateurs les deux hommes qui ont déposé contre moi ; je n'ai parlé à l'Un ët à l'autre que de choses indifférentes, ët cependant ils ont dénoncé le fait le plus faux et le plus incroyable. J'aurais pu confier a deux hommes, dont l'un m'est inconnu, le projet d'empêcher, avec 800 hommes, la fédération qui devait avoir lieu à Toulouse ! Une pareille invraisemblance doit détruire toùtë espèce de soupçon ; il y avait à Toulouse 30,0t)0 hommes pour la fédération. Celui qui aurait voulu l'empêcher, avec 800 homhieé, ne serait-il pas digne des Petites-Maisons? Jê dois être à l'abri du soupçon d'exercer le métier de suborneur : si j'avais été Un homme à causer des troubles, la ville de Castres m'en fournissait le moyen ; eliéaété agitée, et il fallait peu de chose pour occasionner lés plus grands malheurs. Mais, au contraire, j'y ai recommandé la paix, le respect et l'obéissance aux décrets deT Assemblée nationale. Je prie d'interroger là-dessus nos députés à la fédération, qui sont dans les tri-
bunes : ils pourront dire la vérité. Je trouve dans mon cœur une assurance si Certaine de ma conduite, que je me crois à l'abri du Soupçon ; mais j'ai encore besoin de l'approbation de l'Assemblée pour être content: et afin qu'elle puisse juger si je l'ai méritée, je la prie de vouloir bien entendre la lecture des certificats des municipalités dans lesquelles j'ai passé. Je suis tellement affecté de tout ce qui peut porter atteinte à mon honneur, que j'en suis tout tremblant.
(Plusieurs fois M. de Lautfec est interrompupar les applaudissements- de l'Assemblée).
On fait lecture des certificats délivrés à M. de Toulouse-Lautrec, par les municipalités de Saint-Sulpice en Languedoc, de Castres, de Blagnac et Saint-Geniez. llrésulte de ces différents certificats, qué M. de Toulouse-Lautrec s'est partout coin-porté comme Un bon citoyen, et que plusieurs fois il a donné des marques de patriotisme et d'humanité.
Vous ne voyez sûrement pas sans émotion trembler devant vous un brave homme, qui ne trembla jamais devant l'ennemi. Je demande qu'il soit décrété sur-le-champ que M. de Toulouse-Lautrec est exempt de toute inculpation.
(député de Saint-Jean-d} Angely). Quoique l'Assemblée soit sûrement Convaincue de l'innocence de M. de Lautrec,pour son propre intérêt il faut se défendre d'une opinion précipitée; il faut continuer l'information ; elle sera un creuset duq uel llnnocence de l'accusé sortira plus éclatante et plus pure. L'Assemblée doit non seulement la justification des innocents, elle doit aussi chercher quels sont les calomniateurs, et les fairepunir. Je demande que l'information de l'affaire soit continuée, poUr qu'après la clôture et son rapport, l'Assemblée puisse statuer ce qu'il appartiendra.
appuie cette proposition.
J'avais oublié de rendre compte de la conduite de la gardé nationale et de la municipalité à mon égard ; il est impossible d'avoir de meilleurs procédés ; je leur dois la vie, et je supplie l'Assemblée de vouloir bien leur témoigner sa reconnaissance pour la conduite qu'elles ont tenue envers un de ses membres. (Les applaudissements recommencent). — La proposition de M. Regnaud est adoptée.
(Sur la proposition de M. le Président, l'Assemblée accorde aux députés fédérés qui n'ont pu trouver place dans les tribunes, et qui sont aux portes de l'Assemblée, la permission de s'asseoir sur les bancs de l'intérieur de la salle, au-delà des colonnes.)
(ci-devant le marquis), député d'Orange, demande, pour cause de santé, une prolongation de congé qui lui est accordée.
L'Assemblée revient à la discussion du projet de décret sur les pensions.
Les articles 15,16,17, 18, 19, 20 et 21 sont décrétés sans discussion ainsi qu'il suit : « Art. 15. Au delà de cette somme, il ne pourra être payé ni àccôrdé, pour quelque cause, sous quelque prétexte ou dénomination que ce puisse être, aucunes pensions, dons et gratifications, à peine contre ceux qui les auraient accordées ou payées, d'en répondre en leur propre et privé nom. »
« Art. 16.-Ne sont compris dans la somme de 10 millions affectée aux pensions, les fonds destinés aux Invalides, aux soldes et demi-soldes, tant de terre que de mer, sur la fixation et distribution desquels fonds l'Assemblée se réserve de statuer, ni les pensions des ecclésiastiques, qui continueront d'être payées sur les fonds qui y seront affectés. »
-« Art. 17. Aucun citoyen, hors le cas de blessures reçues ou d'infirmités contractées dans l'exercice de fonctions publiques, et qui le mette hors d'état de les continuer, ne pourra obtenir de pensions qu'il n'ait 30 ans de service effectif, et ne soit âgé de 50 ans, le tout sans préjudice de ce qui sera statué sur les décrets particuliers relatifs aux pensions de la marine et de la guerre. »
« Art. 18. Il ne sera jamais accordé de pension au delà de ce dont on jouissait à titre de traitement ou appointements, dans le grade qu'on occupait. Pour obtenir la retraite d'un grade, il faudra y avoir passé le temps qui sera déterminé parles décrets relatifs à chaque nature de service. Mais quel que fût le montant de ces traitements et appointements, la pension, dans aucun cas, sous aucun prétexte, et quels que puissent être le grade où les fonctions du pensionné, ne pourra jamais excéder la sommede 10,000 livres. » « Art. 19. La pension accordée à 30 ans de service sera du quart du traitement, sans toutefois qu'elle puisse être moindre de 150 livres. »
« Art. 20. Chaque année de service, ajoutée à ces 30 ans, produira une augmentation progressive du vingtième des trois quarts restants de ses appointements et traitements; de manière qu'après 50 ans de service, le montant de la pension sera de la totalité des appointements et traitements, sans que néanmoins, comme on l'a dit ci-devant, cette pension puisse jamais excéder la somme de 10,000 livres. »
« Art. 21. Le fonctionnaire public, ou tout autre citoyen au service de l'Etat,, que ses blessures ou ses infirmités obligeront de quitter son service ou ses fonctions avant les 30 années expliquées ci-dessus, recevra une pension déterminée par la nature et la durée de ses services, le genre de ses blessures et l'état de ses infirmités. »
, rapporteur. L'article 22 est ainsi conçu :
« Art. 22. Les pensions ne seront accordées que sUr la recommandation et l'attestation des directoires de ^départements et de districts, des officiers généraux et autres agents des pouvoirs exécutif, administratif et judiciaire.
(de Saint-Jean-d'Angely). Je demande que le mot recommandation soit retranché de l'article et qu'on y substitue celui d'avis.
Il serait peut-être mieux de mettre le mot demande à la place de ceux de recommandation et d'attestation.
Je crois qu'il y a lieu de supprimer tous ces termes et de laisser le Corps législatif libre d'accorder des pensions, sans la permission des corps administratifs et autres agents rappelés dans l'article.
J'appuie les observations du préopinant. D'après les règles fondamentales sur la résidence et sur la limite des pouvoirs, l'instruc-
tion faite par les assemblées administratives suffit pour nxer l'Assemblée. L'article 22 est décrété en ces termes : «Art. 22. Les pensions ne seront accordées que d'après les instructions fournies par les directoires de "département et de district, et sur l'attestation des officiers généraux et autres agents du pouvoir exécutif et judiciaire, chacun dans la partie qui les concerne. »
, rapporteur, lit l'article 23 ainsi conçu :
, « Art. 23. A chaque législature, le roi formera la liste des pensions à accorder aux différentes personnes qui, d'après les règles ci-dessus, seront dans le cas d'y prétendre. A cette liste sera jointe celle des pensionnaires décédés et des pensionnaires existants. Ces deux listes seront, par Sa Majesté, remises à la législature, qui rendra un décret approbatif des pensions qu'elle croira devoir être accordées et conservées. Le roi sanctionnera le décret, et les pensions, accordées dans cette forme, seront les seules exigibles et les-seules payables par le Trésor public. »
Cet article me paraît rendre l'état des pensionnaires très précaire puisqu'il les soumet à une revision bisannuelle du titre sur lequel leur pension a élé concédée, tandis que l'Assemblée a toujours entendu créer un état stable sur cette matière.
L'intention du comité a été de s'assurer, tous les ans, si le même pensionnaire ne se trouve pas dans un des cas qui ont déterminé la suppression de la pension.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur l'article.
Une pension n'est que le prix d'un service rendu à la nation ; par conséquent, il ne peut être accordé que par la volonté nationale. Qr, la disposition de la volonté nationale appartient aux représentants de la nation ; donc l'Assemblée nationale doit revoir sans cesse si elle n'a point commis d'erreur dans les dons qu'elle a faits
propose une nouvelle rédaction de l'article 23. Elle est adoptée en ces termes :
« Art. 23. A chaque session du Corps législatif, le roi lui fera remettre la liste des pensions à accorder aux différentes personnes qui, d'après les règles ci-dessus, sont dans le cas d'y prétendre. A cette liste sera jointe celle des pensionnaires décédés et des pensionnaires existants. Sur ces deux listes envoyées par le roi à la législature, elle rendra un décret approbatif des nouvelles pensions qu'elle croira devoir être accordées ; et lorsque le roi aura sanctionné le décret, les pensions accordées dans cette forme seront les seules exigibles et les seules payables par le Trésor public. » Les articles 24, 25, 26 et 27 sont ensuite décrétés sans discussion dans les termes ci-dessous rapportés.
« Art. 24. Les gratifications seront accordées d'après les mêmes instructions et attestations portées dans l'article 22: chaque gratification ne sera donnée que pour une fois seulement ; et s'il en est accordé une seconde à la même personne, elle ne pourra l'être que par une nouvelle décision et pour cause de nouveaux services.
Dans tous les cas, les gratifications seront déterminées par la nature des services rendus, des pertes souffertes, et d'après les besoins de ceux auxquels elles sont accordées. »
« Art. 25. A chaque session, il sera présenté un état des gratifications à accorder et des motifs qui doivent en déterminer la concession et le montant; l'état de celles qui seront jugées devoir être accordées sera pareillement décrété par l'Assemblée législative. Après que le roi aura sanctionné ce décret, les gratifications accordées dans cette forme seront aussi les seules payables par le Trésor public. »
« Art. 26. Néanmoins dans les cas urgents, le roi pourra accorder provisoirement des gratifications: elles seront comprises dans l'état qui sera présenté à la législature ; et si elle les juge accordées sans motirsou contre les principes décrétés, le ministre qui aura contresigné les décisions, sera tenu d'en verser le montant au Trésor public. »
« Art. 27. L'état des pensions, tel qu'il aura été arrêté par l'Assemblée nationale, sera rendu public. Il sera imprimé en entier tous les dix ans ; et tous les ans, dans le mois de janvier, l'état des changements survenus dans le cours des années précédentes ou des concessions de nouvelles pensions et gratifications sera pareillement livré à l'impression.»
L'Assemblée vient de terminer la discussion du décret qui était joint au rapport du comité des pensions.
, président du comité des pensions. Le comité dont je suis l'organe, me charge de vous demander de passer tout de suite à Vexamen du projet de décret qu'il vous a soumis à la suite de son troisième rapport (1).
(Cette proposition est adoptée.)
donne lecture de l'article 1er ainsi conçu :
« Art. 1er. Toute pension, don, traitement ou appointement
conservés, récompense, gratification annuelle, engagement consenti pour payement de dettes,
assurance de dot ou de douaire, concessions gratuites de domaines, existants au 1er janvier
1790, ou accordés depuis cette époque, sous quelque dénomination que ce puisse être, sur
quelque caisse que ce soit, étant directement ou indirectement à la charge du Trésor public,
sont et demeurent supprimés. Tout ordonnateur qui en autoriserait le payement, et tout
caissier qui l'effectuerait, en sera responsable eu son propre nom. »
Messieurs, vous voulez porter l'économie dans toutes les dépenses de l'Etat et c'est pour atteindre ce but que le comité des pensions vous présente en ce moment de grandes réformes dans cette partie de la dette publique. Quel que soit votre désir d'économie, il faut cependant examiner si elles sont justes et c'est ce que je vais faire brièvement.
D'abord, je suis effrayé de la grande étendue non moins que de la complication du travail à
faire, que vous propose le comité de supprimer dès à présent toutes les pensions, sauf à les
recréer
(L'orateur insiste surtout en faveur des militaires ; il dit qu'on peut arriver au soulagement des peuples sans commettre les injustices qui résulteraient du plan du comité. — Son discours reçoit de fréquents applaudissements.)
L'orateur termine par la motion suivante :
Je conclurai donc, sans mettre aucune opposition aux autres articles de. ce projet de décret, en rejetant seulement les premier, sixième, septième et huitième, à ce que l'Assemblée nationale .décrète :
1° Que votre comité des pensions fixera, d'après les calculs les plus justes, qu'il fera de concert avec le comité des finances, fa somme totale qui pourra être déterminée pour le payement des pensions qui doivent être continuées aux anciens pensionnaires;
2° Que, sous aucun prétexte, cette somme ne pourra être excédée;
3° Que votre comité remettra incessamment à l'Assemblée nationale le tableau de toutes les pensions, qui lui auront paru rigoureusement avoir été obtenues sans titres ni motifs de services réels pour être supprimées par elle;
4° Qu'il proposera également un tableau des réductions qu'il croira justes de faire sur les pensions exagérées;
5° Qu'il fixera un maximum pour les pensions d'après les calculs les plus justes possibles, lequel ne pourra être excédé;
6° Que toutes les pensions conservées et celles même réduites à ce maximum, qui aura été déterminé, supporteront une retenue au marc la livre, qui sera calculée et proposée d'après une règle générale de proportion, de manière que le total des pensions conservées, ainsi réduites, n'excédera pas la somme totale que l'Assemblée nationale jugera nécessaire de fixer pour toutes les grâces pécuniaires conservées;
7° Enfin, que le règlement, fait pour la répartition à l'avenir des grâces pécuniaires, n'aura point d'effet rétroactif contre les pensionnaires actuellement en jouissance, sauf les réductions indiquées par les six articles précédents.
Je demande l'impression du discours de M. de Sinéty, afin d'attester que les militaires ont trouvé des défenseurs dans l'Assemblée nationale.
Je réclame contre le motif allégué par le préopinant, attendu que l'Assemblée n'a besoin d'aucune considération pour s'intéresser au sort des militaires.
(La demande d'impression n'a pas de suite.)
Je ne monte à la tribune que pour m'acquilier d'un devoir envers l'Assemblée nationale, dont plusieurs membres peuvent igno-rtrque la plupart des pensions des gens de l'armée de terre et de l'armée de mer étant tarifées par les ordonnances, ne doivent pas être confondues dans la proscription générale qu'on vous propjse. J'appelle ceux-ci les justes, et vous savez qu'avant que Dieu lançât le feu du ciel sur Sodôme et Go-morrhe, il en fit sortir les justes. Je demande donc l'exception honorable en faveur de ceux des gens
de guerre, de terre et de mer qui ne peuvent avoir participé à la dilapidation du Trésor public. Il faut que vous sachiez ehcore que les midistres, les inspecteurs et les Colonels en usaient avec un arbitraire révoltant à l'égard des officiers qu'ils voulaient fàire retirer ou réformer; et si aujourd'hui se présentaient devant vous pour vous demander justice, vengeance et réparation, tous ces officiers, victimes du despotisme des colonels, qUi ont été forcés d'accepter la réforme ou la retraite, après vingt ou vingt-quatre ans dè service, et souvent plusieurs campagnes, par cela seul que leurs têtes ne paraissaient pas assez dociles pour recevoir le joug doîlt od a vainement cherché à dégrader l'armée, vous croiriez leur devoir cette Vengeance et cette réparation qu'ils viennent vous demander. Et cèpéttdant si VOUS pronûnèlez la suppression générale, les officiersne se trouvant pas tousdispdsés â la faveur des nouvelles lois, Seraient encore victimes de l'Assemblée nationale, après l'avoir été des ministres, et vous exercériez ainsi cruauté sur cruauté. Sans doute, tout ce qUé vous avez appris de révoltant sur la distribution des grâces Vous a remplis d'indignation;et l'indignation est la colère du juste ; mais observez, je Vous prie, qu'il ne Vous a pas été rapporté un seul abus de faveur qui ait eU aucun grade tarifé pour tibjèt. Ce n'est pas à ceux-là qUe là fortune prostituait ses caressés ; semblable à ces femmes qui ont le cœur dans la tête, ët qui ne choisissent leurs amants que sur le rang qu ils occupent et le bruit qu'ils font dans le monde, là fortune n'est jamais descendue à cette classe de subalternes. Je fais donc la motion expresse quetout ce qui est relatif au! pensions des gens de guerle, de terre et de mer, soit rehvoyê au comité de la guerre et de la marine, réuni à celui des pensions, pour Vous en être rendu compte dans quinzaine, et que d'ici-là tout demeure suspendu à cet égard.
M. de Wimpffen cite plusieurs passages dé son rapport du 2 juillét et ^termine en disant, voici mon projet de décret i
« L Assemblée nationttalé excepte de la suppression générale des pensions : l6 les penslohs obtenues pour ràisott de blessures : 26 les pensiohs accordées en considéràtiôrt d'actions d'eClats ou de Servicës distingués à la guerre, et obtenues pendant la dUrée de la guerre ; 3° les pensions et traitements accordés d'après le prononcé ou lé tarif des ordonnances et règlements du roi, concernant les rëti'àites, traitements et réformes 4d les pensions accordées à ceux des officiers généraux qui sont parvenus à ce grade par cëlul aë major ou delieutehant-Colbnél, soit qu'ils l'aientexercé à la tête d'un corps, ou qu'ils en aient obtenu le brevet par des actions ou par des services distingués à la guerre, sans toutefois que le total d'aucune de ces pensions ne puisse excéder six mille livres.
« Quant aux pensions, traitements, gouvérné-ments dont jouisseht actuellement MM. les maréchaux de France ët autres offléiërS généraux que ceux désignés ci-dessus, l'Assemblée nationale charge le comité militaire et le comité dé la marine, réunis à celui des pensions, de lui présenter, dans la huitaine, Un projet de réduction, et de combiner leur travail de manière à ce qu'il résulte des extinctions successives uti tel ordre de choses, qu'à l'avenir il n'y ait plus que des officiers généraux en activité et des officiers généraux retirés, et que ces derniers seuls soient pensionnés. *
J'observe que la discussion se pro-
longe sans utilité. La question est fort simple : Supprimera-t-on les pensions pour les recréer ensuite, où fera-t-on un travail particulier sur chacune de ces pensions? Il s'agit d'abord d'établir des règles générales, ensuite on passera aux exceptions auxquelles noUs destinons un fonds de 4 millions. Le comité des pensions s'engage à achever son travail dans six mois, de manière à cë que les pensionnaires soient payés au l*r janvier 1791.
L'article porte sur un objet sur lequel on n'est pas encore assez mûri. Cet espoir de recréer les pensions n'est qu'illusoire ; c'est comme si l'on voulait condamner les vieux militaires à mourir de faim. J'ai reçu chez moi un brave homme, âgé de 60 ans, couvert de sept blessures; il m*a dit que s'étant présenté au comité, il y avait exposé ses services, et qu'il avait dit que par le décret qui supprimait les pensions, il se trouvait réduit à la mendicité : Eh bien, lui a-t-oh répondu, vous demanderez à dîner à vos parents.
Nous l'avions bien pensé, qu'en cherchant à remplir la mission difficile qui nous a été confiée, nous nous attirerions la naine de tous les vampires de la cour. (On applaudit.) If est bien étonnant de voir dans une assemblée représentative qu'un membre, qui doit en connaître particulièrement les règles, puisque pendant un moment (1) il a été chargé de les faire observer, s'y montre si peu fidèle, en vous dénonçant une conversation particulière, et en la tronquant de manière à la rendre odieuse. Voici le fait ; il s'est présenté au comité un militaire respectable, couvert de blessures ; il se nomme M. Montagnac. Il nous a dit qu'il attendait le payement des six premiers mois de 1790.
« J'avais fait, nous a-t-il dit, un arrangement, avec le receveur ; il me payait, mois par mois, une somme fixée, et recevait ensuite, aux termes ordinaires, les arrérages de ma pension. J'ai été le trouver au commencement du mois; il m'a payé, en m'observant que c'était pour la dernière fois, parce que le payement des pensions était suspendu par l'Assemblée. » J'avoue que le nom de Montagnac m'a rappelé des bénéficiera, des évêques, En effet, il y en a dans cette famille, et c'est alors que j'ai dit a l'officier qui se présentait, qu'il pourrait être secouru par ses parents qui étaient richement dotés. Il nous a répondu : Je M'adresserais là que je n'aurais pas seulement un diner. L'évêque qui porte mon nom n'est qu'un parent fort éloigné. — Enfin nous sommés touchés de toutes ces réclamations ; mais il n'est pas le seul qui ait le droitd'en faire I il y a plus de trente militaires dans le même cas; il s'est encore présenté aujourd'hui au comité un ancien médecin, député à la fédération ; et comme sa pension est de 60 livres* on refuse de la lui payer. On semble douter que le comité puisse recréer en peu de temps les pensions. Qu'on considère ses travaux, au milieu des embarras que lui ont sans cesse suscités les ministres et tant d'autres, on verra que cela n'est point impossible.
(On demande à aller aux voix.)
demande la parole» et l'Assemblée décide qu'il sera entendu.
Jë Supplie de hé tirer de tout ce qui a été dit aucuneTnductiotl, Sirion que ceux qui ont djs pensions seront réduits à la misère. Je me réfère à l'opinion de M. Wimpffett. Personne n'est plus loin que moi de vouloir perpétuer les abus. (Il i'élève des murtnures.) J'en ai prêché la suppression, lorsque cèux qui murmurent gardaient le silence, et lorsqu'il y avait encore au dangér à le faire. Je réclame, au floffl de la justice, de l'humanité, et nour lesUccès même de vos opérations, que l'article soit renvoyé à la réunion des trois côtnités, ainsi qu'on Vient de le proposer.
(de Nemours). En matière d'aliments le provisoire emporte le fond, et en faisant jeûner les pensionnaires, une partie mourrait de faim. Je propose de payer les arrérages jusqu'à ce que le tràvail soit terminé.
Je demande qu'on porte vendredi prochain, un décret provisoire en faveur des septuagénaires auxquels on continuerait à payer une certaine sommé.
Je fais la motion de bayer toutes les pensions jusqu'à concurrence de 600 livres et dè les rendre insaisissables.
Vous avez déjà rendu un décret qui porte que toutes les pensions de 600 livres et au-dessous, qu'on peut regarder comme alimentaires, continueront d'être payées.
Les divers amendements présentés sont fondus dans Une rédaction nouvelle qui est mise aux voix et adoptée ainsi qu'il suit :
«L'Assemblée nationale décrète ;
« Les pensions, dons, traitements ou appointements conservés, récompenses, gratifications annuelles, engagements contractés pour payement de dettes, assurances de dots et de douaires, concessions gratuites de domaines existants au premier janvier 1790, ou accordés depuis cette époque sont supprimés. Il serà procédé à une création nouvelle de pensions suivant le mode que l'Assemblée nationale déterminera d'après le projet que son comité des pensions concertera avec le comité militaire et le comité de marine, et qu'il lui présentera à la huitaine.
« Et cependant l'Assemblée nationale décrète que, par provision, tous les ci-devant pensionnaires seront payés des arrérages de la présente année de leurs pensions, si elles ne sont que de la somme de 600 livres bu au-dessous, soit en un, soit en plusieurs articles : et dans le cas où les pensions et gratifications dont on jouissait, excéderaient la somme de 600 livres, soit en un article, soit en plusieurs, il sera payé la somme de 600 livfës à Compté sur les arrérages dé là présente année desdites pensions et gratifications. »
Le comité des rapports demande à rendre compte à l'Assemblée, des affairés d'Orange et d'Avignon.
rapporteur
. Vous n'avez pas oublié avec quel zèle les gardes nationaux de la ville d'Orange sé sont portés au secours d'Avignon; le service y devient infiniment pénible et même dangereux pOUt1 lèâ dêtafcheihëttts qtii s'y relèvent successivement. La désertion augmenté lotis les iôUrs dans la ville d'Avignon ; elle n'est plus habitée que par des pàùvres qui, n ayant point de
ressources, sont dans Un état d'insurrection continuelle. M. le maire d'Orange écrit à l'Assemblée nationale, que les détacbéménts n'y vont qu'en tirant au sort, et que celui qui y tombe maudit infiniment le sort ; il craint que les malheurs d'Avignon ne réagissent sur Orangé : c'est d'après cela qu'il sollicite des troupes reglees, tant pour Orange que pour Avignon. Votre comité a pensé
Îue, dans aucun cas, oU ne pouvait en envoyer à vigtioiL
M. de Broglie fait lecture d'un extrait des registres de la municipalité d'Orange, eh date du 7 juillet^ d'où il résulte quë M. Joseph Richief, capitaine en second de la compagnie de Saint-Martin, commandant le détachement envoyé à Avignon, annonce que là misère eàt à son comble, ét qu'il y a tout à craindre pour cette ville.
« L'Assemblée nationale,après avoir entendus on comité des rapports, décrète que son Président se retirera par devers le roi, à 1 effet de supplier Sa Majesté d'envoyer à Orange des troupes de ligne, pour faire le service extraordinaire aont la garde nationale a été chargée jusqu'à présent* »
L'Assemblée ordonne l'ajournement à là séance du samedi au soir. La séance est levée à 4 heures.
Réclamation présentée à VAssemblée nationale par Jacques-'HeHri de Moreton-Chabrillan, contre sa destitution arbitraire de la chargé de colonel du régiment d'infanterie de La Fère (!)*
Messieurs, c'est avec la juste confiance qu'ins» pirent les grands principes que Vous avez solennellement consacrés, qu'un soldat citoyen vient aujourd'hui invoquer votre justice en faveur d'un citoyen soldat, victime du despotisme ministériel, et réclamer, en présence des députés de -l'armée et de la nation entière, contre l'acte d'autorité absolue le plus arbitraire et le plus inique. Oui* Messieurs, je viens dénoncer à votre auguste tri bunal M. Loménies ci-devant comte de Brienne, et ministre de la guerre, qui, abusant indignement de l'autorité que lui avait confiée un roi toujours bon, toujours juste, mais souvent trompé, s'est rendu, à mou égard, prévaricateur et faussaire.
Il a été prévaricateur, puisque, agissant contre tout principe, contre tout usage établi* contre toute ordonnance militaire (même contre cel^e émanée deux mois auparavant, et signée de lUr) il a osé, par une simple lettre ministérielle* me destituer, sans accusateur ni accusation, d'un régiment que je tenais des bontés du roi, et que je m'étais efforcé de mériter par plus de vingt ans de services continus et deux campagnes de guerre; me dépouiller enfin d'un emploi auquel l'honneur est attaché, et que j'occupais en vertu de provisions signées du roi et scellées du sceau de l'Etat.
Il s'est rendu faussaire, puisqu'il a eu l'audace
de faire apposer la signature du roi (toujours impassible) et de joindre la sienne au bas du brevet de mon successeur, en y articulant que mon emploi était vacant, tandis qu'en elfet une place qui a provisions et finance, une charge enfin, ne peut être légalement vacante que par mort du titulaire, son avancement, sa démission volontaire, ou sa destitution en vertu d'un jugement légal.
C'est ce jugement que je n'ai cessé de réclamer avec force dès le premier moment, c'est même un conseil de guerre, que, sous l'ancien régime, les ministres composaient, à leur gré, d'officiers généraux de leur choix, que l'injuste prévaricateur que je vous dénonce aujourd'hui m'a constamment refusé, et que je n'ai pu obtenir depuis. C'est en vain qu'après avoir solennellement protesté contre cet acte de despotisme, j'ai été moi-même déposer au greffe des Etats du Dauphiné, dont je suis originaire, cette même protestation; c'est en vain que l'ordre de la noblesse de cette province (car à cette époque il existait encore des ordres) a écrit au roi pour réclamer la justice qui m'était due : rien n'a pu faire revenir mon injuste persécuteur.
La nation entière, assemblée dans ses bailliages, a reçu mes réclamations; elles ont été accueillies par la majeure partie; plus de soixante-quinze bailliages ont inséré dans leurs cahiers des*articles contenant implicitement ou explicitement l'objet de ma demande. Les assemblées électorales de Paris en ont fait un article positif de leur cahier. Dans cet état de choses, les représentants de la nation se sont réunis à Versailles; ils se sont occupés sans relâche et avec un courage digne de la reconnaissance et du respect de tous les citoyens de cet Empire, de poser sur les bases de la liberté et de l'égalité, les fondements inébranlables d'une Constitution qui assure à jamais le bonheur du peuple français.
Alors s'est opérée cette révolution mémorable à laquelle tout bon citoyen s'est empressé de concourir; alors aussi, oubliant tout pour me vouer à la chose publique, armé comme mes concitoyens pour la cause de la liberté, je n'ai cessé depuis de travailler pour elle. Je me serais cru coupable si j'avais essayé d'interrompre un instant vos importants travaux, pour vous occuper de ma cause particulière ; je me contenterais même encore aujourd'hui de jouir de leur succès, de la destruction absolue du despotisme, et je me consolerais de mes malheurs passés, en disant : Je fus sa dernière victime.
Mais puisque les fondateurs de notre liberté accueillent avec intérêt toutes les justes réclamations qui leur sont faites, puisque vous ne rejetez pas même celles qui portent sur des injustices précédemment consommées par des espèces de jugements, puisqu'enfin vous avez écouté les plaintes des officiers de Royal-Comtois, victimes d'un conseil de guerre tenu en 1773; qu'il me soit permis, Messieurs, de réclamer l'effet des principes constitutionnels que vous avez déjà décrétés sur les destitutions militaires, et de vous supplier de considérer que la décision de la cause qui vous est soumise aujourd'hui, se trouve déjà textuellement exprimée par vos décrets, et que l'application que vous en ferez ne peut être regardée comme un effet rétroactif donné à la loi, puisque cette affaire n'est pas consommée, mais bien véritablement en instance ; puisqu'une seule lettre ministérielle n'a pu légalement effectuer ma destitution contre laquelle j'ai constamment réclamé dès le premier instant; puisque nombre de colonels, pénétrés de ce
principe, ont refuséauthentiquementmadépouille, que mon persécuteur leur a successivement offerte; puisqu'enfin celui qui commande aujourd'hui le régiment de La Fère~(et je me plais à lui rendre hautement ce témoignage) a déclaré qu'il ne le regardait que comme un dépôt entre ses mains, et qu'il était prêt à me le rendre du moment où j'obtiendrais la justice qui m'est due.
D'après cet exposé, Messieurs, et conformément aux principes que je viens d'invoquer, je conclus en vous suppliant de décréter queje serai rétabli à la tête du régiment que je commandais, et dont je ne pouvais être dépouillé que par l'événement du jugement légal que je n'ai cessé de solliciter, et dans lequel ma conscience ne pourrait trouver qu'un moyen plus éclatant de prouver mon innocence.
Je supplie l'Assemblée nationale de faire droit sur ma demande avant qu'une promotion, qu'on annonce devoir être une suite de la nouvelle organisation, me mette dans le cas d'être appelé à un grade où la date de mes services me porte, et que ma délicatesse ne me permettra jamais d'accepter, que justice ne me soit rendue.
Jacques-Henri Moreton.
Nota. M. de Moreton ayant écrit à M. le Président de l'Assemblée nationale pour lui demander d'être admis à la barre, et sa lettre ayant été lue à la séance du 16 juillet, le procès-verbal de ce jour porte ce qui suit :
« M. le Président a annoncé une lettre de « M. Jacques-Henri de Moreton, qui demandait « d'être admis à la barre pour présenter une « pétition dont l'objet intéresse, dit-il, son état « et son honneur. L'Assemblée nationale a ren-« voyé M. de Moreton au comité militaire, qui « rendra compte incessamment à l'Assemblée de « sa réclamation pour qu'il y soit statué.
« Collationné à l'original par nous secrétaires « de l'Assemblée nationale. A Paris, le 17 juillet « 1790. Signé : Regnaud (de Saint-Jean d'Angely), « Pierre de Delley et Populus. »
PIÈCES
Qui constatent tontes les réclamations faites par M. Jacques-Henri de Moreton, contre sa destitution arbitraire de la charge de colonel du régiment d'infanterie de la Fère, prononcée par une simple lettre de M. Loménie, ci-devant comte de Brienne et ministre de la guerre, en date du 24 juin 1788; et la demande qu'il n'a pas cessé de faire pour obtenir d'être jugé conformément à toutes les ordonnances militaires, et nommément à celle du 17 mars 1788 sur la hiérarchie militaire (1), et aux règlements particuliers concernant le conseil de la guerre des 9 et 23 octobre 1787 (2).
AU ROI.
Sire,
Le comte de Moreton ose prendre la respectueuse liberté de réclamer la justice de Votre Majesté, contre le coup d'autorité dont on le menace en son nom.
Après avoir commandé le régiment de la Fère, de manière à obtenir de M. le duc d'Ayen , son inspecteur, les témoignages les plus flatteurs, il s'est vu successivement compromis dans trois affaires, où il peut dire avec vérité qu'il a été plus malheureux que coupable.
Il s'est attiré la première en soutenant, conformément aux ordres de M. le maréchal de Ségur, alors ministre de la guerre, et de M. le duc d'Ayen, un officier injustement persécuté par son corps.
Inculpé, dans la seconde, sur un propos vague tenu dans une conversation familière, et malignement répété, il s'est vu traduire au tribunal des maréchaux de France, où il a subi le jugement le pjlus sévère; et cette affaire suscitée par l'intrigue et la méchanceté, peut, avec raison, être regardée comme une suite de la première.
Dans la troisième, il est question d'une administration de bois de chauffage ; et il a été bien démontré que, s'il s'est écarté du texte littéral de l'ordonnance, il n'y a pas eu l'apparence même de malversation de sa part ; que l'intention de faire le bien y était clairement manifestée, et que ce n'était qu'une nouvelle tracasserie qu'on voulait lui. faire.
Puni séparément avec une extrême sévérité pour chacune de ces trois affaires, peut-il croire qu'en les réunissant aujourd'hui, on veuille en faire un nouveau corps de délit, pour l'en punir une seconde fois plus cruellement encore, en le perdant dans l'esprit de Votre Majesté, et en surprenant à sa justice l'ordre rigoureux de sa destitution ?
Pourrait-il se persuader davantage que Votre Majesté voulût faire pour lui seul une exception à la loi générale que sa sagesse vient de lui dicter, ec qu'elle a solennellement consacrée dans sa nouvelle ordonnance concernant la hiérarchie
• militaire, où Votre Majesté dit, article 3, titre 2 : « Que comme il est de sa justice de ne jamais prononcer, sans un examen réfléchi, ni une suspension de rang, ni une exclusion de son service, elle déclare que ces fortes punitions n'auront lieu que d'après les informations les plus approfondies, sur les notes des colonels et inspecteurs, lesquelles informations seront prises par un conseil composé des officiers généraux de la division, présidé par le lieutenant-général qui la commandera ? »
Si Votre Majesté s'explique ainsi d'une manière aussi claire que précise en parlant des capitaines en second de son armée, le comte de Moreton peut-il croire qu'elle veuille mettre moins d'examen et de réflexion pour prononcer sur le sort d'un chef de corps, d'un colonel qui a l'honneur de servir le roi depuis vingt-un ans, dont onze dans ce grade ; qui a fait deux campagnes, dont une sous les yeux de monseigneur le comte d'Artois, dont il a été assez heureux pour obtenir alors quelques éloges, et qui, attaché depuis onze années à la personne de Monsieur, son auguste frère, s'honore de son estime et de ses bontés ?
Si les dispositions rigoureuses annoncées par le ministre de Votre Majesté, lors de l'exil du comte de Moreton, d'après le jugement rendu par le tribunal, sont une suite des comptes qui ont été mis dans le temps sous ses yeux; comme ils ne peuvent être que le résultat des notes de l'inspecteur ou du rapport de l'officier général chargé, par ordre de Votre Majesté, de l'examen de l'affaire du chauffage, le comte de Moreton se croit parfaitement autorisé, par l'article ci-dessus de l'ordonnance, à supplier Votre Majesté de suspendre un jugement aussi sévère, jusqu'à ce que sa justice ait été éclairée par un conseil dans lequel ces notes et rapports seront discutés et approfondis, comme l'article ci-dessus porte que doivent l'être les notes des inspecteurs en pareil cas.
La constitution du conseil de la guerre et les règlements qui en fixent les fonctions, avaient depuis longtemps fait croire au comte de More-ton que cette affaire était de son ressort; mais si le secrétaire d'État du département de la guerre en a pensé autrement lors des premières décisions qu'il a prises de Votre Majesté à ce sujet, serait-il possible qu'il lui proposât aujourd'hui de prononcer un jugement définitif aussi rigoureux, sans porter l'affaire au conseil, où elle pût être discutée, et où le comte de Moreton fût au moins entendu avant d'être condamné?
La bonté de Votre Majesté répugnerait sans doute à cet acte d'autorité, si propre à porter le trouble et l'effroi dans le cœur de tous les colonels de son armée, qui ne seraient point à l'abri d'en devenir à leur tour les victimes ; et le suppliant ne cesserait, tant qu'il existerait, d'en appeler à sa justice.
Il a d'autant moins de raison de craindre cet acte de rigueur, que MM. de Brienne, d'Ayen et de Flachslanden, rendant hautement justice à son honneur et à sa délicatesse, ne lui reprochent que des torts de légèreté et de vivacité; qu'ils ont dit tous trois à Monsieur, qu'il n'y avait d'autres griefs contre lui que ceux qui ont donné lieu aux trois affaires malheureuses dont il a déjà été la victime; qu'enfin, MM. d'Ayen et de Flachslanden se sont réunis pour solliciter le ministre en sa faveur, en tâchant de le faire renoncer au plan rigoureux qu'il avait adopté.
Quelqu'authentique que soit la justice qu'ils lui rendent, le comte de Moreton ne peut se dis-
simuler que, depuis nombre d'années, ces exemples de rigueur n'ayant porté que sur quelques colonels dont les concussions et le péculat n'étaient que trop avérés, Votre Majesté, le dépouillant de son régiment, entacherait son honneur, le plus précieux de tous ses biens, pour lequel il donnerait sa vie qu'il brûle de consacrer tout entière au service de Votre Majesté.
Lettre de M. le comte de Brienne à M. de Moreton.
Le roi jugeant, Monsieur, qu'il est indispensable pour le bien de son service, de vous retirer ie commandement du régiment d'infanterie de la Fère, ei Sa Majesté voulant, cependant, vous traiter favorablement, elle m'a ordonné de vous marquer qu'en nommant un autre colonel à ce régimeut, elle vous conserve, en votre qualité de capitaine des gardes du corps de Monsieur, votre entière activité au service, et votre rang parmi les colonels de l'armée, pour parvenir au grade de maréchal de camp; et elle m'a autorisé à vous faire espérer d'être nommé au commandement d'un autre régiment lorsque les circonstances pourront le permettre (1).
J'ai l'honneur, etc.
Signé : le comte de Brienne.
Réponse de M. de Moreton à M. de Brienne.
Monsieur le comte,
J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, en date du 24 juin. Je ne puis que me renfermer dans ma juste réclamation, et je persiste à demander que ma conduite soit jugée dans un conseil. C'est l'avis unanime de tous les militaires, c'est la loi de l'honneur, c'est le dernier cri d'une conscience irréprochable ; et je ne vois dans ma situation qu'une raison de plus de marquer mon respect pour l'opinion publique en cherchant à l'éclairer. En invoquant la protection des lois militaires, je dois compter, Monsieur le comte, sur votre propre suffrage, puisque, si je suis coupable, je ne ferai que rendre plus éclatante ma destitution, en lui donnant pour base un acte de justice publique.
Je suis, etc.
Signé ; le comte de Moreton.
Lettre de M. Varchevêque de Sens, frère de M. le comte de Brienne, à M. de Moreton.
Je me serais plus tôt empressé de vous répondre, Monsieur, si j'avais pu vous annoncer un heureux succès du mémoire que vous m'avez adressé. Je suis fâché de n'avoir à vous témoigner que mes regrets, et les assurances de l'attachement et des sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : l'Archevêque de Sens.
Réponse de M. de Moreton à M. Varchevêque de Sens.
Monseigneur, J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, en date du 26, en réponse à la copie de mon mémoire au roi, que j'avais eu celui de vous adresser.
La voix de l'honneur et l'avis unanime de tous les militaires m'imposent la loi de persévérer dans la juste réclamation qui en fait l'objet, et je ne puis y être infidèle. C'est marquer mon respect pour l'opinion publique que de chercher à l'éclairer dans cette circonstance; et j'ai droit de compter sur votre justice im partiale, Monseigneur, pour appuyer auprès de Sa Majesté une demande qui, si je suis coupable, ne fera que rendre ma destitution plus éclatante et plus légale, en lui donnant pour base un acte de justice publique. J'ai l'honneur, etc.
Signé : le comte de Moreton.
Lettres écrites à M. le comte de Brienne par les officiers qui ont refusé le régiment de la Fère.
Lettre de M. d'Aiguillon, alors duc d'Agenais.
Je viens de recevoir, Monsieur le comte, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire pour m'apprendre que le roi a daigné me nommer colonel du régiment d'infanterie de la Fère, dont était pourvu M. le comte de Moreton. Je suis très reconnaissant de la bonté que Sa Majesté a eue de m'accorder un régiment, et des soins que vous avez bien voulu vous donner pour faire valoir mes services et mes droits. Les raisons que je vais vous expliquer, m'empêchent de pouvoir profiter de la grâce que je reçois en ce moment ; je vous supplie de les dire au roi, et de les faire valoir auprès de lui, en mettant à ses pieds l'hommage de mon respect et de ma reconnaissance. Vous ignorez vraisemblablement, Monsieur 1e comte, les liaison^ intimes établies depuis longtemps entre la famille de M. de Moreton et la mienne, et surtout l'amitié qui unit M. le comte de Cbabrillan et mon père. A mon attachement ancien pour M. de Cbabrillan, se joint l'intérêt particulier que je prends à M. de Moreton. Dans cette circonstance, je serais bien condamnable aux yeux des gens honnêtes et délicats, si j'acceptais un régiment vacaut par la destitution d'un colonel dont le père est l'ami du mien, qui perd sa place sans avoir donné sa démission, sans avoir été jugé, et qui réclame avec chaleur la justice du roi. Cet acte de délicatesse de ma part, cette conduite commandée par l'honneur, seront, je n'en doute pas, approuvés par vous. C'est moins, en ce moment, ap ministre que je m'adresse, qu'à un homme estimable, connu par sa. probité. C'est entre ses mains que je dépose les intérêts de ma réputation; c'est lui qui daignera être auprès du roi l'interprète et l'apologiste des motifs impérieux qui me décident à refuser la grâce qu'on daigne m'accorder. Sa Majesté est trop juste pour ne pas sentir la force de mes raisons, et pour douter un instant de ma soumission à . ses volontés. J'espère qu'elle daignera m'honorer de son approbation, et m'accorder, dans une occasion plus heureuse, les mêmes bontés qu'elle me témoigne dans celle-ci. Les raisons qui motivent mon refus, et que je
viens, Monsieur le comte, d'avoir l'honneur de vous exposer, sont certainement des plus fortes-, mais il s'y en joint encore d'autres. Je vous ai prié, par ma lettre du mois d'octobre dernier, de me faire obtenir un régiment de cavalerie ou de dragons. J'ai toujours servi dans la cavalerie; et il me semble que par la nouvelle ordonnance de la hiérarchie militaire, articles 1 et 2, titre IX, il est impossible que je passe actuellement dans l'infanterie, et qu'ensuite je repasse dans les troupes à cheval, comme vous me l'aviez fait espérer avant l'ordonnance, en me promettant un régiment d'infanterie.
Si quelque chose pouvait jamais me faire entrer dans cette arme, ce serait le cas où le roi, ayant égard à mes justes sollicitations, me donnerait la propriété d'un régiment d'infanterie, autre que celui de la Fère, que ma position ne me permet point d'accepter. Je n'ai point perdu de vue la demande que j'ai eu l'honneur de vous faire à cet égard, et l'approbation que vous avez donnée à la justice des motifs qui Pappuyaieut. J'espère que vous daignerez les faire valoir auprès de Sa Majesté, et m'obtenir enfin de ses bontés le seul dédommagement que je puisse jamais avoir de tout ce que j'ai perdu. Je serai trop heureux de vous devoir de la reconnaissance, et très empressé de vous la témoigner.
J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : le duc d'AGENAiS.
Réponse de M. de Brienne à M. le due d'Agenais.
J'ai mis sous les yeux du roi, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'ér crire. Sa Majesté approuve la délicatesse qui vous porte à refuser le régiment de la Fère, d'après les liaisons qui existent entre votre famille et celle de M. de Moreton; et elle m'a autorisé à mettre votre nom sous ses yeux lorsqu'il vaquera des régiments de troupes à cheval.
J'ai l'honneur, etc.
Signé : le comte de Brienne.
Lettre de M. le marquis de Saint-Chamans
à M. de Brienne.
Monsieur le comte,
J'apprends a l'instant que M. le duc d'Agenais vient d'être nommé colonel du régiment de la Fère : ainsi me voilà bien confirmé dans le commandement de celui que j'ai. Je vous supplie de trouver bon que ce soit pour le garder.
Lorsque j'eus l'honneur de vous écrire, il y a environ trois semaines x pour vous demander le régiment de la Fère, j'ai cru que le roi avait donné à M. de Moreton un dédommagement dont il jugeait pouvoir être content. S'il réclame un jugement qu'obtiendraient tous les lieutenants de l'armée, vous" peserez sans doute, Monsieur le cpmte, dans votre justice, ce qjie vous croire?être en droit de refuser. Si ma voix s'élève en ce moment, c'est pour l'honneur et la vérité. Le témoin subordonné au juge, dont il respecte le pouvoir, ne craint pas de dire ce qui peut l'éclairer.
L'occasion s'en trouve dans les circonstances où se trouve l'homme sous qui j'ai été en second pendant deux ans. Prendre sa dépouille, serait
avoir l'air de croire à ses torts : je me dois, je dois à l'honneur et à la délicatesse de ne rien faire qui puisse établir l'ombre d'un soupçon.
Est-il malheureux, celui qui, au même grade que moi, était mon chef ? Il doit me retrouver ; et pourrais-je lui refuser franchise et loyauté ?
Il importe à mon bonheur, peut-être à toute mon existence militaire, que vous me permettiez de né pas m'écarter du plan de conduite que je me suis prescrit avec M. de Moreton, Pourrais-je être pour lui moins honnête et moins délicat, que ne l'a été M. d'Agenais, qui lui est plus étranger ?
Vous voyez mes motifs,Monsieurle comte;je ne puis hésiter de faire le sacrifice d'un petit agrément au grand intérêt de l honneur et au devoir. Bien loi u de m'égarer en me laissant conduire par ces principes, je pense, au contraire, acquérir des droits à vos bontés, et les justifier parla demande que je yous renouvelle de vouloir bien me laisser au commandement du régiment que j'ai.
Je suis, etc.
Signé ; le marquis de SAINT-CHAMANS.
Lettre de M. le commandeur de Mesgrigny à M. de Brienne.
Monsieur le comte,
J'ai reçu le 23 de ce mois la lettre par laquelle vous me faites l'honneur de m'annoncer la faveur que le roi a daigné me faire, en me nommant colonel du régiment d'infanterie de la Fère. Je suis infiniment reconnaissant des bontés de Sa Majesté, et des soins que vous avez bien voulu prendre de faire valoir l'ancienneté de mes services et mes droits au premier régiment vacant.
Votre absence de Versailles a suspendu ma réponse : je n'aurais pas tardé un instant à vous offrir mes remerciements, et en vous suppliant de mettre aux pieds du roi l'hommage de ma reconnaissance, à vous prier de vouloir bien lui présenter l'impossibilité où je suis d'accepter cette grâce.
Vous ignorez vraisemblablement, Monsieur le comte, la très proche parenté qui me lie avec M. le comte de Moreton. Pourrais-je, j'ose vous en faire juge, prendre la dépouille d un colonel mon parent, destitué sans avoir donné sa démission, qui perd sa place sans avoir été jugé, et qui réclame avec instance de l'être ? Ma conduite aurait la censure des gens honnêtes et délicats ; j'aurais à me faire un reproche éternel. Vous ne voudriez pas, Monsieur le comte, qu'une action aussi blâmable pût désunir deux familles, et que mon peu de délicatesse en fût le motif, Permettez que ce soit moins au ministre du roi que je m'adresse, qu'à Monsieur le comte de Brienne, qui de tout temps a eu des bontés pour ma famille, et qui sait peser l'intérêt de l'honneur ; c'est cet honneur qui réclame auprès de lui; c'est entre les mains de Monsieur le comte de Brienne que je dépose le soin de ma réputation, plus chère que ma vie; c'est lui qui daignera faire valoir auprès du roi les motifs qui me portent à ne pas accepter une grâce dont il m'honore,et en l'assurant de ma soumission à ses volontés, lé supplier de donner son approbation à ma délicatesse, et de me continuer, dans une circonstance plus heureuse, les mêmes bontés qu'il veut bien me témoigner dans celle-ci.
Sa Majesté a tracé ma conduite par l'approbation qu'elle a daigné accorder aux motifs de M. le duc d'Agenais. Les miens acquièrent une plus grande force parla parenté. Vous avez bien voulu, par votre lettre du 30 juillet dernier, annoncer à M. le duc d'Agenais que la délicatesse de son procédé avait reçu la sanction du roi : le mien pourrait-il ne pas l'avoir? Faites donc, je vous prie, valoir auprès de Sa Majesté le sacrifice de mon intérêt que l'honneur,commande,et ayez, Monsieur le comte, la bonté d'obtenir du roi qu'il veuille bien établir mon droit certain au premier régiment d'infanterie vacant; ce qui sera la marque assurée de sa satisfaction. Vous avez voulu m'o-bliger; que votre bienfait ne soit pas sans effet.
J'ai prié M*r l'archevêque de Sens et Mme la marquise de Loménie d'être auprès de vous mes apologistes, comme vous serez le mien auprès du roi. Avec un motif aussi pur, appuyé, comme je n'en doute pas, par l'un et par l'autre, cette cause ne peut manquer d'obtenir votre suffrage, et, en augmentant l'intérêt que vous avez bien voulu chercher à me témoigner, m'assurer votre estime.
Je suis, etc.
Signé : le chevalier de Mesgrigny.
Autre lettre de M. de Mesgrigny, au même.
Monsieur le comte, j'ai eu l'honneur de vous exposer l'impossibilité où je suis d'accepter la faveur que le roi a daigné me faire en me nommant colonel du régiment d'infanterie de la Fêre. Vous connaissez mon motif : permettez que, sans le répéter, je vous prie de le mettre sous les yeux du roi, et en lui présentant l'hommage de ma respectueuse reconnaissance, de le supplier de me continuer, dans une circonstance plus heureuse, les mêmes bontés dont il m'a honoré dans celle-ci. Agréez, je vous prie, Monsieur le comte, mes remerciements des soins que vous avez bien voulu vous donner pour faire valoir dans celte occasion mon ancienneté au service, et mes droits au premier régiment vacant. Je ne dois pas douter du même intérêt lorsqu'il viendra à vaquer des régiments d'infanterie; et j'ose espérer de la bonté du roi, qu'il voudra bien y avoir égard, en me permettant d'en concevoir l'espérance fondée, ce qui sera un litre bien précieux pour moi.
Je suis, etc.
Signé : le chevalier de Mesgrigny (1).
Lettre de M. de Boyer, qui, en acceptant le régiment de la Fère, a déclaré qu'il ne s'en regarde que comme dépositaire.
Extrait d'une lettre de M. le comte de Boyer à M. le vicomte de Gand.
Du
Quoique je sois nommé au régiment de M. de Moreton, il peut également suivre le jugement qu'il réclame. Il vaut peut-être mieux pour lui que son régiment soit dans mes mains ; il peut le regarder comme en dépôt : je serai toujours prêt à Je lui rendre. Je ne sais pas si M. de More-ton est à Paris dans ce moment, je serais bien aise
que vous en conférassiez avec lui. Mon âme est pure et honnête : vous la connaissez (1).
Lettres des officiers de tous les grades, depuis le maréchal de France jusqu'au colonel, sur l'envoi qui leur a été fait par M. de Moreton, de son mémoire au roi.
De M. le maréchal de Contades.
J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 19 de ce mois, et le mémoire qui y était joint. Je vous prie d'agréer mes remerciements de me l'avoir envoyé ; je l'ai lu avec la plus grande attention et l'intérêt que l'affaire dont il est question, est faite pour inspirer.
De M. le maréchal de Biron.
J'ai reçu, Monsieur, avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 19 de ce mois, la copie du mémoire que vous avez adressé au roi. J'apprendrai avec plaisir qu'il ait fait sur Sa Majesté l'impression que vous désirez, et que vous ayiez obtenu la justice que vous méritez.
De M. de la Guiche.
J'ai reçu, Monsieur le comte, le mémoire que vous avez adressé au roi : je pense que vous avez toute raison, et il me paraît impossible que l'on vous refuse un conseil de guerre, étant de toute équité que l'on donne des juges, et que ce ne soit point l'arbritaire qui puisse ôter à quelqu'un son éclat.
De M. le duc de Praslin.
L'ordonnance militaire est votre titre, Monsieur le comte, pour demander à être jugé. Rien de plus juste ni de plus noble tout à la fois que la réclamation dont vous me faites l'honneur de me faire part. Tout citoyen a droit de demander à être jugé légalement, étant né sous la loi et devant vivre sous sa protection. Dans les gouvernements les plus despotiques, la loi n'excepte de son empire, que le sérail, et veille sur tous les particuliers. Des ministres sont établis pour la faire exécuter et pour en être les organes. Dans notre gouvernement, le conseil de guerre est celle des militaires : il ne peut vous être refusé,
lorsque vous l'invoquez sous un monarque dont le^caractère distinetif est la bienfaisance: sauvegarde du maintien de l'ordre public:
Dans une autre lettre, M. le duc de Praslin écrivait à M. de Moreton :
Dans l'état de notre Constitution, votre demande devait être accueillie, étant de toute justice d'être jugé par un tribunal légal ; mais aujourd'hui les ministres se croient des oracles, chacun dans le tribunal qu'il s'arroge, et distribuent des arrêts à tort et à travers. Indes mali labes; et sauve qui peut; ce qui me fait craindre que la justice que vous réclamez ne vous soit pas accordée, lin mon particulier, convaincu que tout citoyen qui demande à être jugé par ses pairs a droit de l'être, je suis ft-rmement dans l'opinion que votre demande est juste, qu'elle ne peut ni ne doit vous être refusée : mais quel qu'en soit l'événement, M. le comte, vous avez à vous féliciter d'avoir fait ce que vous deviez à vous-même, et d'avoir acquis, par votre noblesse, des droits à l'opinion publique qui pourra vous dédommager du despotisme ministériel.
De M. le marquis de Chastellux.
Une absence que j'ai faite, et une petite incommodité qui m'est survenue à mon retour, m'ont empêché, Monsieur, de répondre plus tôt à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'é-crire en m'adressant une copie de votre mémoire au roi. Je me serais bien affligé de me trouver ainsi en retard avec vous, si je n'éprouvais une véritable satisfaction à vous assurer, Monsieur le comte, après l'événement que votre demande ma paru parfaitement juste. Ce n'est jamais que dans un objet de faveur que l'autorité peut se dispenser d'informer ; et il n'est pas de faveur plus importante que celle ue donner des juges à tout accusé.
Lettre de M. le comte de Menou.
Je vous fais mes remerciements, Monsieur, du mémoire que vous m'avez envoyé; je t'ai-lu avec d'autant plus d'intérêt, qu'il réclame un des articles de la nouvelle ordonnance qui me plaît le plus, parce qu'il tient essentiellement à la justice. L'arbitraire des ministres, dans la répartition des grâces et des emplois, a suffi pour produire souvent les plus grands maux. Gomment pourrait-on encore leur laisser le droit de destituer sans nul jugement que le leur, et d'ôter aussi arbitrairement qu'ils donnent? Qui peut douter que le ministre qui se met au-dessus des lois , ne soit l'homme du royaume qui fasse le plus d'erreurs, puisqu'il est toujours celui qu'un grand nombre d'hommes ont intérêt de tromper? Je suis bien persuadé que ces vérités ont frappé un prince dont les idées de justice sont déjà bien connues et chéries de la nation. Je suis enchanté pour le bien de l'armée, qu'il s'intéresse à votre affaire; il est trop près du trône pour ne pas espérer qu'il obtiendra le conseil de guerre que vous demandez. Le ministre ne pourra pas répondre qu'il n'y a pas matière à jugement, puisqu'il a déjà prononcé une rigoureuse sentence. J'espère que celle du conseil de guerre vous sera aussi favorable que je le désire.
De M. le maréchal duc de Mouchy.
J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et le mémoire qui y était joint ; je l'ai lu avec la plus grande attention ; et l'amitié que j'ai pour Monsieur le comte de Ghabrillan me fait désirer qu'il fasse l'impression qu'il paraît mériter.
De M. le prince d'Hénin.
J'ai reçu, Monsieur, avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, la copie du mémoire que vous avez fait remettre au roi; la lecture que j'en ai faite n'a pu que m'affermir dans l'opinion où j'étais de l'injustice inouïe dont on veut vous rendre la victime.
De M. le comte de Buzançais.
J'ai reçu hier au soir, Monsieur , le billet que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et auquel était jointe copie du mémoire que vous avez présenté à Sa Majesté. Je vous prie d'être bien persuadé que si vous m'en aviez donné plus tôt connaissance, je me serais empressé de vous témoigner l'intérêt réel que je prends au sort que vous éprouvez. J'espère qu'il n'est pas sans appel. Votre réclamation est on ne saurait mieux fondée : Sa Majesié y aura sûrement égard, et sa justice ne vous permet pas de croire un seul instant qu'èlle fasse pour vous seul exception à la loi générale clairement énoncée dans les articles 3 du titre II, et 4 du titre XVI de sa nouvelle ordonnance concernant la hiérarchie militaire.
De M. le duc de Lévis.
Vous n'aviez pas besoin, mon cher confrère, de faire paraître votre mémoire pour réunir l'estime et les suffrages de ceux qui vous connaissent; tous sont convaincus de votre délicatesse : c'est pour le public que vous avez écrit, et tout le monde doit s'intéresser au succès d'une demande fondée sur la justice, et que l'honneur vous prescrit.
De M. le duc de Crillon.
Je reçois, Monsieur, la copie du mémoire que vous avez fait remettre à Sa Majesté. Témoin d'une part de la valeur, bonne volonté, et envie de vous instruire que vous avez témoigné pendant que vous étiez mon aide-de-camp au siège de Gibraltar, et de l'autre étant votre allié, l'ami de M. votre père, et de tous les vôtres depuis bien des années, j'ai plus de droits que personne à la confiance que vous me témoignez, en me demaodant mon sentiment sur le jugement que vous réclamez; mais je n'en ai aucun pour espérer que mon avis puisse vous être de quelque utilité. Persuadé de la justice qui règne dans le cœur du roi et des ministres qui doivent la lui présenter dans tout son jour, surtout lorsqu'il est question de défendre (ainsi que vous Je dites) votre honneur, la plus précieuse de toutes les propriétés, je suis très disposé à croire que vous
ne serez pas condamné sans être entendu , et qu'on ne refusera pas à un homme de votre espèce et du grade que le roi vous a donné, ce qui serait accordé au plus petit particulier, et à un simple soldat.
De M. de Dillon.
Je reçois votre lettre, Monsieur et cher camarade, et je m'empresse de vous dire combien je prends part à ce qui vous arrive. Les circonstances m'ont mis à portée de voir le régiment de la Fère, commandé par vous ; et je vous répète avec plaisir ce que je vous dis en le voyant; que je n'ai pas vu de régiment mieux tenu ni mieux exercé. Je ne puis croire au reste, que l'on vous refuse d'être jugé. Je ne connais pas les griefs dont on vous accuse ; ils ne peuvent être ni contre l'honneur, ni pour malversation : ainsi je désire pour vous et avec vous que l'on vous rende cette faible justice.
De M. le marquis de Biencourt.
J'ai reçu. Monsieur le comte, avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, la copié de votre mémoire au roi, que vous avez eu la bonté de m'envoyer : la réclamation qu'il contient, m'a paru aussi solide que bien fondée; et elle paraîtra telle à tout homme qui pense et réfléchit; la justice, la raisou, le droit naturel et commun, solliciteront éternellement en votre faveur, pour que le jugement que vous sollicitez avec une noble énergie, vous soit accordé : vous l'obtiendrez tôt ou tard. Le roi est juste, il est bon; vous ne pouvez pas même être présumé coupable avant d'avoir été jugé. Si vous êtesjugé par la suite, comme je n'en doute pas, j'espère que la pureté de votre conduite, si bien exposée dans votre mémoire, vous justifiera pleinement.
De M. de Guibert, rapporteur du conseil de la guerre.
J'ai reçu il y a longtemps, Monsieur le comte, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, avec la copie de votre lettre au roi, qui y était jointe. Je me serais chargé avec tout l'intérêt possible de faire le rapport de votre réclamation au conseil de la guerre; mais lorsque tous les membres qui le composent se sont communiqué la lettre que vous leur avez écrite, et que j'y ai nouvellement fait lecture de la mienne pour mettre l'affaire sur le tapis, M. le comte de Brienne nous a dit que le roi s'en était réservé la décision, (1) et qu il prendrait de nouveau ses ordres à ce sujet : il nous a dit depuis, qu'il les avait pris, et que le roi avait persisté dans sa première résolution; il nous a ajouté, toutefois, qu'en la confirmant, le roi avait prononcé que non seulement il vous conservait votre activité à son service, mais même la susceptibilité d'être nommé au commandement d'un autre régiment. Je ne puis assez vous marquer combien je regrette que mes vœux et mes démarches n'aient pas eu un meilleur succès.
(1) Infraction manifeste de l'article VII du règlement du 23 octobre 1787, déjà cité, et signé par le même M. de Brienne^
De M. de la Ferté-Sénectère.
J'ai reçu, mon cher Moreton, la lettre que vous m'avez fait l'amitié de m'écrire en m'adressant votre mémoire au roi : je l'ai lu avec autant de plaisir que d'intérêt, le développement de votre position étant fait de manière à tranquilliser les gens qui, comme moi, font profession de vous être attachés, et à éclairer ceux qui ne vous connaissant pas aussi particulièrement, auraient pu concevoir de vous une opinion que j'ai été assez heureux pour combattre plus d'une fois victorieusement.
De M. de La Fayette.
J'ai reçu, Monsieur le comte, le mémoire que vous avez bien voulu me communiquer; et je désire beaucoup que, d'après les règles établies dans la dernière ordonnance, vous obteniez l'examen que vous demandez; je serai toujours disposé à rendre justice au zèle que vous avez montré pendant le temps où nous avons servi ensemble, et cette circonstance contribue encore à me faire souhaiter le succès de votre réclamation. Ge sentiment, Monsieur le comte, est bien sincère.
De M. Charles de Lame th.
J'ai passé chez vous, Monsieur et cher confrère, pour vous dire que j'ai reçu le mémoire que vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer ; j'ai déjà eu occasion d'en parler avec chaleur devant quelques membres du conseil de la guerre. Vous ne doutez pas de la franchise avec laquelle je m'expliquerai dans toutes les circonstances, sur l'estime qu'on vous doit, et sur l'injustice dont on vous menace : je pénse que vous eussiez bien fait, que vous feriez bien même encore, si vous êtes à temps, de faire un mémoire que vous feriez signer par tous les colonels qui sont ici.
De M. le marquis de Sinéty.
La lecture de votre mémoire, Monsieur et cher confrère, aurait suffi pour me faire prendre le plus vif intérêt à votre cause, qui devient celle de tout ce qui est militaire en France, et qui prend un nouveau degré de force dans l'expression très précise des dernières ordonnances. Par une suite des principes qu'elles renferment, il ne doit exister dans notre métier aucun individu qui ne soit sûr, dans quelque circonstance que ce puisse être, que sa conduite sera discutée et approfondie. Le conseil de la guerre ne s'écartera pas de cette loi, qu'il vient de promulguer d'une manière aussi positive qu'authentique. Je trouve donc votre réclamation à cet égard trop fondée, pour que le roi se décide à vous condamner sans vous entendre, à vous destituer sans d'autres motifs que les affaires où vous avez déjà subi trois punitions différentes, et vous fasse encore moins éprouver un sort qui, de tout temps, n'a été réservé qu'à un très petit nombre de colonels, accusés et convaincus d'actions déshonorantes. Je ne crois pas que la justice du roi exerce un acte de rigueur aussi nouveau que contraire au bien de son service, par les effets fâcheux qui résultent toujours des infractions aux ordonnances ; et vous devez
attendre tranquillement de la bonté de Sa Majesté, qu'en se faisant rendre compte plus amplement de votre conduite par le conseil dont vous sollicitez le jugement, elle reconnaisse et distingue particulièrement votre zèle pour le métier, dont l'exagération seule a pu vous donner l'apparence de quelques torts aux yeux de gens prévenus ou mal instruits.
De M. de Chamaille.
J'ai lu, Monsieur, le mémoire que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser, avec l'intérêt que je porte à tout ce qui vous touche : il m'a paru bien motivé. Vous battez le ministre avec ses propres armes : le moyen est noble et franc; il doit réussir : je l'espère et l'apprendrai avec une véritable satisfaction.
De M, le marquis de Toulongeon.
Je viens, Monsieur le comte, de recevoir la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrifè, et la copie jointe de votre mémoire au roi. A peine ie fais quelques détails sur les faits qu'il contient; mais je pense que lorsqu'il est question de priver un colonel de son régiment, il faut des faits bien graves, qui alors doivent être prouvés d'une manière également éclatante) cette forme est nécessaire à la confiance des juges et aux droits de i'accUsé.
De M. le vicomte de Rochambeau.
Mon avis, mon cher comte, ne peut avoir d'influence sur les décisions du ministre de la guerre ; mais, si par hasard, j'étais consulté sur Paffaire extraordinaire qui VoUs a été suscitée, je dirais que Vordonnance du roi portant règlement sur la hiérarchie de tous tes emplois militaires, ainsi que sur les promotions auxdits emplois, en date du 17 mars 1788, fixant au titre II, articles 1, 2, 3!, que les lieutenants ne pourront être exclus du grade de capitaine en second, que d'après un conseil composé des officiers généraux de ici division, qui, d'après un examen réfléchi, prononcera sut te retard a avancement que lesdits lieutenants doivent supporter; je dirais donc que le gracie de colonel doit être conséquemment sujet aux mêmes règlements.
Dé M. le duc de la Guiche.
j'ai reçu, mon cher Moreton, le mémoire que vous m'avez adressé; je l!ai lu avec le plus grand intérêt, et vais vous faire part des réflexions qu'il m'a suggérées.
Je pense que tout colonel est intéressé à pèrtser qu'il ne peut pas être destitué, sans que ses griefs soient connus, jugés et rendus publics par un conseil de guerre; l'ordonnance prescrit cette (orme pour les capitaines et sous-lieutenants, et doit exiger de plus grandes précautions pour la destitution d'un colonel.
Je pense que la destitution d'un colonel à la demande de son corps, est la chose Ja plus contraire à la subordination et à la discipline miJi-taire.
Je pense qu'il n'y a pas de colonel qui ne se soit rendu coupable du prétendu crime qui vouS
a fait coudamner aussi sévèrement. Je me crois tout aussi honnête homme qu'un autre, et je fais journellement di s économies tendant à la bonification de la masse particulière.
Je pense que M- de Brienne a agi avec une légèreté inconcevable et sans exemple, ét je l'en crois très fâché.
Après vous avoir dit, mon cher Moreton, que je trouve votre cause bonne, juste, imperdable, je m'offre d'êtr^ votre avocat ; ét vous pouvez être sûr que je dirai tout haut ce que jé vous écris.
De M. le comté de Barbantanei
Je vous assure, dion eber Ghabriliau, que j'ai lu votre mémoire àveè beaucoup nniërêt.Avant été à portée de vous voir à votre régiment, personne n'est plus convaincu que moi du désir que vous avez de faire le bien, et pêfSoïïne ri'â pu mieux juger du zèle que vous y mettez.
De M. te comte de Walsh-Serrant.
J'ai reçu, Monsieur le comte * la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et la copie de votre mémoire qui y était jointe; je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt; et je ne pourrais avoir aucun doute sur le succès de votre réclamation, si je croyais quelque fondement à vos inquiétudes,
L'ordonnance de la hiérarchie militaire que vous Citez fort bien, pour raisonner du moins au plus, et l'établissement du conseil de la guerre, qui assure partout un nouvel ordre de punitions et de récompenses, des principes permanents, et des formes qui sont toujours fa sauvegarde de la justice, vous permettent la discussion approfondie que vous désirez. En la sollicitant, vous annonces que vous n'avez rien à en redouter : en vous l'accordant, c'est imprimer, si elle vous était défavorable, un caractère de plus à l'exemple que présenterait votre destitution.
De M. le mdrquis de Rochelambert.
Je reçois dans l'instant, Monsieur, la copie de votre mémoire au roi, que vous m'avez fait l'honneur et i'amiliéde m'adresser. Je m'empressé de vous exprimer tout le désir que j'ai de Vous voir obtenir la justice qui vous est due : vous plaidez la cause générale; et tous mes vcëux Seraient pour le succès quaud tous les sentiments per-, sonnels d'estime et d'attachement que vous m'inspirez ne s'y réuniraient pas.
De M. le comte dyAutiohamp*
J'aurai l'honneur, Monsieur le comte, dè VOUS répéter ma profession de foi sur le mémoire que Monsieur a présenté au roi en votre faveur. Le sentiment de l'innocence ferme y est exprimé avec la noblesse et Ja loyauté qui vous caractérisent, et j'eSpère àutdnt 'que je le désire, que sa Majesté, frappée par les mbtifs puissants de votre juste réclamation, vous reudra une justice qui semble Vous être due à tant de titres.
De M. le comte de Jumilhac.
J ai reçu, Monsieur, la lettre c[Ue vous m'avez
fait l'honneur de m'écrire, et j'ai lu avec beaucoup d'intérêt la copie de votre mémoire, qui y était jointe.
J'ai le plus grand désir que vous obteniez la satisfaction que vous pouvez souhaiter; mais si le roi et son ministre s'y refusaient, vous devez croire, Monsieur, que vous ne vous trouveriez privé de votre régiment que par des circonstances malheureuses dans lesquelles vous vous seriez trouvé, et nullement pour des causes qui aient inculpé votre honneur, puisque les personnes chargées d'examiner votre comptabilité ont, d'après l'examen qu'ils en ont fait, rendu justice à l'emploi des deniers que vous aviez touchés; et sûrement ma façon de penser est celle de tous les gens qui vous connaissent.
De M, le marquis de la Tour-Maubourg.
J'ai lu, avec toute l'attention dont je suis capable et tout l'intérêt que je vous dois par toute sorte de-raisons, Monsieur et cher confrère, le mémoire que vous avez bien voulu m'adresser; j'espère avec vous que la justice que vous demandez de mettre votre conduite dans tout son jour, ne vous sera pas refusée ; et c'est alors que vous triompherez, d'une manière éclatante, de la persécution qu'on vous fait éprouver. Si les circonstances vous mettaient dans le cas de faire appuyer votre sollicitation par les colonels réunis, je vous prie de me compter au nombre de ceux qui se réuniront à vous avec le plus de zèle et d'empressement.
De M. de Menou.
J'ai une peine extrême, Monsieur le comte, de ce que vous m'avez fait l'honneur de me mander, et désire bien sincèrement que la justice que vous sollicitez vous soit rendue. Le mémoire que vous avec fait remettre au roi, doit le décider à vous accorder le conseil de guerre que vous demandez: je prends même la liberté de vous dire que vous ne devez rien négliger dans le monde pour l'obtenir, moins encore pour conserver votre régiment, ce qui ne peut manquer d'être si vous êtes jugé, que pour mettre vos procédés au plus grand jour ; ce à quoi vous ne pouvez que gagner infiniment.
D'ailleurs je pense qu'il serait fâcheux militairement, qu'on destituât un chef sans le juger, et sur de simples accusations ; si on prenait ce parti, peu de nous seraient à l'abri d'être perdus: mon opinion à ce sujet me paraît être celle de toutes les personnes auxquelles j'ai parlé de votre situation, qui m'afflige d'autant plus, que je suis persuadé et convaincu que vous ne la méritez pas.
De M. le vicomte de Dur fort.
Je n'ai reçu, Monsieur le comte, qu'il y a deux jours, une lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, avec un mémoire qui y était joint, qui a couru beaucoup après moi, à cause des marches et contre-marches de mon régiment depuis un mois. J'ai lu, Monsieur, votre mémoire avec le plus grand intérêt : je forme les vœux les plus sincères pour que les choses prennent la tournure que vous désirez, et il paraîtrait à mes faibles lumières, que le jugement que vous réclamez
par le conseil de la guerre, ne pourrait vous être refusé sans injustice.
De M. Charles Damas.
J'ai lu, avec bien de l'intérêt, le mémoire que vous m'avez envoyé, mon cher Moreton ; il est impossible que votre affaire n'en inspire pas à tous vos camarades. Je me mets au nombre de vos amis : vous devez penser combien j'ai désiré qu'on écoutât votre demande aussi juste que fondée; je ne trouve point de réplique à votre mémoire ; s'il n'a pas l'effet qu'il parait devoir produire, il vous restera l'estime et l'amitié de ceux qui vous connaissent. C'est une propriété que rien ne peut vous ôter, et qui est consolante, quand on n'a rien à se reprocher.
De M. le baron de Menou.
J'ai reçu, Monsieur le comte, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire : le mémoire que vous avez bien voulu y joindre est plein de force et d'énergie; vous vous y exprimez en homme qui, ne connaissant rien de plus précieux que l'honneur, réclame avec chaleur contre le pouvoir arbitraire qui veut le lui enlever.
Il est des places, sans doute, dont on peut être privé sans perdre l'estime et la considération publique; mais il n'en existe aucune de cette espèce dans le service militaire. Être destitué ou être déshonoré sont deux mots synonymes pour tout officier Français : ce sentiment précieux est un des caractères distinctifs de notre nation.
Je n'entrerai point ici, Monsieur le comte, dans la discussion des affaires malheureuses qui peuvent servir de prétexte au traitement rigoureux qu'on veut vous faire éprouver : mon opinion sur ces différents objets est entièrement lixée ; mais plus je vous vois pur et intact sur tout ce qui intéresse l'honneur et la délicatesse, plus je dois désirer qu'un jugement légal établisse partout la même opinion. Vous êtes coupable, ou vous ne l'êtes pas : si vous êtes coupable, vous devez être puni avec toute la sévérité des lois militaires ; si vous ne l'êtes pas, toute la France doit être instruite que les imputations faites contre vous sont fausses; et, dans l'un ou l'autre cas, il n'est qu'un seul moyen de parvenir à la vérité : c'est l'examen de votre conduite par un conseil de guerre ; si vous succombez, votre punition étant plus éclatante deviendra un exemple terrible pour tout chef de corps qui s'écarterait des voies de la justice ou de l'honneur ; et, sous ce point de vue, le gouvernement est intéressé à vous accorder la demande d'être examiné et jugé publiquement. Il est d'ailleurs un principe sacré et inviolable ; c'est que tout accusé ne peut être condamné que par les formes légales ; et cette vérité vient même d'être consacrée par la dernière ordonnance militaire : vous les invoquez dans votre mémoire, Monsieur le comte, et je ne puis me persuader que l'instant où ces ordonnances viennent d'être promulguées, soit celui où l'on veuille y déroger.
Je vous exhorte donc. Monsieur le comte, à continuer vos réclamations de 1a manière la plus ferme et la plus respectueuse, et je ne doute pas qu'à la fin vous n'obteniez la justice qui vous est due.
De M. le vicomte de Toulongeon.
J'ai reçu, Monsieur et cher confrère, la lettre et le mémoire que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser: je crois, comme vous, que lorsqu'un militaire est irréprochable par l'honneur et par la probité, il ne fait que se rendre ce qu'il doit à lui-même et à ses compagnons d'armes, en réclamant l'exécution d'une loi militaire qui assure à tous les officiers de l'armée le jugement précieux de leurs pairs.
De M. le vicomte de Laval.
Je viens de recevoir, Monsieur et cher confrère, le mémoire que vous avez bien voulu m'adresser : je l'ai lu avec tout l'intérêt qu'inspire la malheureuse circonstance dans laquelle vous vous trouvez ; je me flatte que vous rendez justice au désir bien vif que j'ai qu'il produise l'effet que vous devez en attendre. Je ne puis que répéter ce que j'ai dit, cet hiver, chaque fois qu'il a été question de vous devant moi : c'est un hommage que tous ceux qui vous connaissent doivent à votre loyauté, et que je suis bien empressé de vous offrir dans cette occasion.
De M. le comte O'Connell.
J'ai reçu, Monsieur et cher confrère, avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m écrire, la copie que vous avez bien voulu y joindre de votre mémoire au roi. Le texte de la nouvelle loi, sur lequel vous appuyez votre demande, me semble la justifier pleinement quand même vous n'auriez pas d'autres titres aux bontés de Sa Majesté, et je souhaite de tout mon cœur qu'elle daigne avoir égard à vos réclamations.
De M. le comte de Lévis.
Je viens de lire, Monsieur le comte, le mémoire que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser : je ne doute pas que le conseil de la guerre ne vous mette à même de justifier votre conduite, en vous accordant la justice qu'il vous doit, et par là ne s'acquitte envers la nation, du droit le plus cher à tout militaire, qui est de ne pouvoir perdre son état sans être jugé par ses pairs.
De M. le chevalier de Puységur.
J'ai reçu, Monsieur et cher confrère, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et le mémoire que vous avez présenté au roi : vos réclamations ine paraissent de toute justice, et je ne doute pas qu'elle ne vous soit rendue.
De M. d'Arenberg.
J'ai reçu, Monsieur le comte, le mémoire que vous m'avez fait 1 honneur de m'envoyer; je ne doute point que le conseil de la guerre n'engage M. le comte de Brienne à vous accorder le jugement que vous demandez; je pense qu'il est intéressant pour tous les chefs de corps que votre conduite, comme colonel, soit soumise à un tribunal militaire.
De M. de Sarsfield.
J'ai lu, Monsieur le comte, avec une attention égale à l'intérêt que je prends à ce qui vous regarde depuis que vous êtes né, la copie que vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer je votre mémoire au roi ; il est écrit simplement, noblement, et ce que vous demandez me paraît de la plus grande justice : c'est même l'ordonnance qui demande pour vous.
De M. le baron de Hahn.
J'ai reçu, mon cher comte et confrère, votre lettre que vous m'avez écrite au sujet de votre affaire de Wissembourg, en m'adressant aussi la copie de votre mémoire, qui a été donné au roi par Monsieur, son frère, et dans lequel vous demandez de vous conserver votre régiment, ou la grâce d être jugé par un conseil de guerre.
Je trouve, mon cher comte et confrère, votre réclamation non pas seulement très légitime et très juste, mais même nécessaire; car le public (juge très sévère) n'est pas aussi assuré que moi qu'on ne peut rien vous reprocher sur votre honneur, ce qu'un officier général de cette province, et qui a été chargé par le ministre d'examiner les plaintes contre vous, m'a fait l'honneur de me dire.
M. le duc d'Ayen, notre inspecteur de l'année passée, vous rend le même aveu, suivant votre mémoire au roi.
Je ne doute donc pas que le roi, quand il sera instruit et assuré de cette vérité, ne vous accorde votre demande non pas comme une grâce, mais comme une justice qui autorise chacun de ses sujets à réclamer suivant sa dernière ordonnance, comme vous l'observez fort bien dans votre mémoire présenté au roi.
De M. de Noailles.
J'ai reçu, mon cher confrère, la lettre que vous m'avez écrite, avec celle que vous adressez au roi.
Il me semble que les nouvelles ordonnances parlent en votre faveur, et qu'il a été reconnu de tout temps qu'après un jugement, on ne devait pas subir deux punitions pour une faute qui n'en comporte qu'une.
M. de Brienne est fait pour être touché par de justes raisons, et le roi écoutera sans doute avec intérêt les réclamations d'un officier qui l'a servi avec zèle.
De M. de Guerchy.
J'ai reçu, mon cher confrère, le mémoire que vous m'avez adressé, et dont vous avez remis le double au roi; il me paraît impossible que l'on ne vous accorde pas d'être jugé par le conseil des officiers généraux, comme vous le désirez. Quand on est sûr de son droit, il est tout naturel de désirer d'être jugé avec toutes les formes. J'espère que vous voudrez bien me faire part de la réussite de votre demande.
De M. le comte d'Avaux.
Sans connaître parfaitement les torts qui vous
sont attribués, Monsieur, je ne doute pas qu'il ne vous soit facile de vous justifier de ceux qui seraient assez graves pour mériter une punition aussi sévère; rpais, çe que je pense invariablement, c'est que, dans toutes circonstances, un homme a drqif de demander à être jugé ; C'est le grand procès qui se plaide maintenant. Beaucoup l'ont perdu ; je désire bien sincèrement que vous soyei plus hepreux et que vous obteniez une demande ausgi juste,
De M. le duc de Montmorency.
J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écr|rè et le mémoire qui y était joint; et que vous avez bien voulu m'adpes-ser; je l'ai lu avec l'attention et l'intérêt que devaient inspirer les circonstances malheureuses qui vous obligent à cette démarche, et, sans me permettre aucune réflexion sur les détails d'une affaire que j'ignore et qui ne me regarde point, je me permets Cependant l'opinion de vous croire d'autant plus fondé à réclamer un jugement, que l'on a toujours bonne grâce de demander que vous appuyez cette demande sur le texte même d'une nouvelle ordonnance qui, à ce qu'il me semble, ne doit pas être plus défavorable aux colonels qu'aux capitaines.
Je désire que vous en obteniez tout le succès que vous pouvez en espérer.
De M. le marquis de Montesquiou,
Je vous rends grâce, Monsieur le comte, de la marque de confiance dont vous m'honoreg. Je ne connais pas de réclamation plus juste que la vôtre, et je ne crois pas qu'on puisse l'exprimer avec plus de noblesse et de clarté.
S'il est en mon pouvoir de vous seconder, je vous prie de ne pas douter du zèle que j'y mettrai.
De M, le comte de Gçind,
J'ai reçu, Monsieur et cher confrère, la copie que vous m'avez envoyée de votre lettre au roi.
La justice de votre demande me fait croire qu'on ne vous refusera pas ce que vous demandez.
L'honnêteté et la loyauté de votre Garaçtère, connu de tous vos amis, doit vous répondre de l'intérêt qu'on prend à ee que voqs éprouvez, et notre bien ancienne liaison vous est un sûr garant du mien en particulier.
De M, de Caylu.9,
J'ai reçu» mon cher Moreton, votre lettre circulaire, ainsi que le mémoire au roi qui y était joint. Il m'a paru parfaitement juste, et je ne crois point qu'on puisse vous refuser lg conseil de guerre que vous demandez, Rien ne prouye mieux la bonté de votre cause que là demande que vous eu faites, Personne ne prendra plus d'intérêt que moi à la réussite de vqtre affaire, et j'espère que vous voudrez bien me faire part du succès que vous devez eu attendre.
De M. de Pôuilly.
Je reçois, Monsieur le comté, le mémoire que
vous m'avez fait l'honneur de m'adresser : votre réclamation me paraît fondée d'une manière si précise sur l'ordonnance de la hiérarchie militaire, que je ne doute point qu'elle ne soit accueillie favorablement par le roi. Je vous prie de croire, Monsieur le comte, que j'ai pris une part infinie aux discussions fâcheuses que vous avez éprouvée?, et que je n'en prendrai pas une moins véritable au succès de votre demande, et à la justice que vous réclamez.
De M. te chevalier de Fitz-hmes.
Je viens de recevoir, mon cher comte, votre mémoire au roi. Vous ne doutez pas, j'espère, de l'intérêt que je prendrai toujours à ce qui vous regarde, et particulièrement votre honneur se trouvant compromis. Votre cause est trop bonne et vos raisons si bien motivées dans votre mémoire, que je ne puis mettre en doute qu'on ne vous accorde le jugement que vous demandez. C'est le vœu que je fais bien sincèrement puur votre justification, et il n'y a pas un militaire qui ne doive le désirer vivement, n'étant pas, sans cela, plus à l'abri que vous d'un pareil jugement arbitraire.
De M. le duc de Laval.
J'ai reçu, Monsieur, la copie de votre mémoire présenté au roi, que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Votre réclamation me paraît si juste, qu'il m est impossible de ne pas croire que l'on ne vous accorde le jugement que vous demandez avec autant de raison que de justice.
De M. de Boisgelin,
J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et le mémoire qui y était joint ; je l'ai lu avec un véritable intérêt, et je désire bien sincèrement que la demande simple et juste qui en est l'objet vops soit accordée,
De Mi le comte de Mailly.
J'ai lu, Monsieur le comte, avec infiniment d'intérêt, la lettre que vous avez écrite au roi, et dont vous m'envoyez copie. Je pense qu'il est intéressant pour tous les individus de l'armée qu'il vous soit accordé des juges. 11 serait inquiétant pour tout le mondé qu'une décision du roi ne portât pas sur les formes graves auxquelles sont tenus les tribunaux, même les jugements émanés des commissions. Le conseil de guerre semble avoir été réuni pour établir des bases ; et ie premier principe d'une constitution militaire est de donner des juges à qui est accusé et eu demande. Ce n'est que d'après cette instruction que le roi peut asseoir sou opinion et, de suite, sa volonté.
De M. le duc d'Agenais,pour M, le duc d'Aiguillon.
Je suis chargé, Monsieur le comte, de la part de mon père, qui se trouve dans l'impossibilité de vous répondre lui-même, de vous assurer combien il est reconnaissant de l'attention que vous avez bien voulu avoir de lui envoyer Une copie de votre mémoire au roi. 11 l'a lu avec
beaucoup d'attention et d'intérêt. Il désire infiniment qu'une réclamation qui lui paraît aussi juste qu'elle est noble et respectueuse, ait tout le succès qu'elle mérite. Il espère que vous ne douterez point de sa façon de penser à cet égard.
De M. le prince de Poix.
J ai reçu, Monsieur, le mémoire que Monsieur doit avoir remis au roi ; je m'en serais chargé avec plaisir. Rien n'est plus juste que votre demande, et je ne fais comment elle pourrait vous être rerusée.
De M. de tiouvernet.
J'ai reçu, Monsieur et cher confrère, la lettre que vous m'avez écrite et le mémoire qui y était joint. La demande d'un jugement, qui fait le seul objet de votre mémoire au roi, me semble vous être accordée d'avance par l'ordonnance que Sa Majesté vient de rendre, portant règlement sur la hiérarchie de tous les emplois militaires, titre II, art. 3.
De M. de Baye.
J'ai reçu, Monsieur le comte, le mémoire que vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer; après l'avoir lu avec beaucoup d'attention, il m'est impossible de ne pas dire qu'il est de toute justice de vous accorder ce que vous demandez. Un jugement est le droit d'un citoyen, dans quelque état que le hasard l'ait placé; vous devez d'autant plus l'espérer, que le roi est juste. D'après cette vérité, il me semble qu'à votre place, je serais dans la plus grande sécurité,
De M. de Lusignan.
J'ai reçu, Monsieur le comte, la copie du mémoire présenté au roi, que vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer. Votre cause est d'une telle justice qu'elle doit êlre celle de tou3 vos camarades et de tous les honnêtes gens. Il me paraît impossible que l'on vous refuse le jugement que vous demandez et que vous allez sans doute obtenir promptement d'un ministre aussi équitable que monsieur le comte de Brienne. Je ne fais point de vœux pour qu'il soit conforme à ce que vous désirez; notre ancienne connaissance et l'opinion que j'ai de vous, Monsieur le comte, ne me laissent point de doute à cet égard.
De M. le prince dç Saint-Mauris.
J'ai appris avec beaucoup de regrets, Monsieur, votre destitution du régiment deXa Fère. La réclamation que vous faites d'un jugement me paraît fondée sous tous les rapports; votre honneur y est intéressé, et je ne doute point que vous n'obteniez ce que l'ordonnance de la hiérarchie militaire accorde à tous les officiers subalternes de l'armée. Soyez, je vous prie, bien persuadé, Monsieur, du désir que j'ai que vous obteniez ce que vous sollicite? avec tant de justice,
De M. de Fdrgès.
J'ai reçu, Monsieur, le mémoire que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et je l'ai lu
avec l'intérêt que peut et doit inspirer l'amitié dont monsieur votre père m'honore depuis 40 ans ; il me semble qu'il est très noble de demander, de provoquer un jugement; vous réunissez au droit naturel qu'a tout homme qu'on inculpp, de demander que la loi prononce. L'ordonnance qui vient d'être rendue me paraît très sage, puisqu'elle prononce expressément qu'on ne pourra pas destituer un officier de son emploi, qu'il n'ait été jugé dans les formes qui y sont prescrites. J'espère /Monsieur le comte, que vous obtiendrez votre demande, et que le jugement du conseil de guerre vous sera aussi favorable que je le désire.
De M. Alexandre de Lameth.
J'ai reçu, mon cher Moreton, la lettre que vous m'avez écrite et le mémoire qui y était joint ; il me paraît renfermer une grande réclamation ; et je ne doute pas un instant que le conseil de guerre que vous demandez, ne vous soit accordé. Les grades militaires sont, ce me semble, une espèce de propriété acquise par des services, par le sacrifice d'une partie de sa fortune et de son temps, et qu'on ne doit pouvoir perdre que par des fautes graves, authentiquement prouvées, et jugées par un conseil de guerre. Votre cause est celle de tous les militaires, votre réclamation celle de toute l'armée ; et je ne doute pas qu'elle ne sollicitât vivement le jugement que vous demandez, dans le cas où il vous serait refusé.
Désirer que votre conduite soit mise en évidence, mon cher Moreton, c'est vous dire combien je la crois pure,
De M. le vicomte de Ségur.
Votre cause me paraît si juste, mon cher Moreton, et votre demande si fondée, qu'il m'est impossible, malgré tout l'intérêt que vous m'inspirez, d'être un instant inquiet sur la réponse du roi, dont nous connaissons la justice.
De M. le marquis de Mortemart.
J'ai reçu, Monsieur et cher confrère, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et ia copie qui y était jointe, du mémoire que vous avez présenté au roi. J'ai été à portée de prendre personnellement connaissance des objets qui donnent lieu à votre réclamation ; mais je me flatte que vous me rendrez la justice de croire que je suis convaincu que vous n'avez jamais rien eu dans votre conduite , que vous puissiez craindre d'exposer au grand jour ; et la réclamation que vous faites d'un jugement du conseil de la guerre me paraît de toute justice, et la preuve la plus convaincante de la conscience que vous avez d'une conduite irréproehable. J'espère que votre demande vous sera accordée , et qu'il n'y aura plus qu'à vous faire compliment de la justice qui vous aura été rendue.
De M. le vicomte de Croismare,
J'ai lu , Monsieur, avec empressement le mémoire que votre amitié a bien voulu me confier; vous y défendez avec noblesse une cause fort intéressante pour tout le militaire. Votre.but e^t l'honneur* et votre cause devient celle de tout
officier qui, coupable de quelques légèretés, se verrait exposé à les expier par le châtiment réservé aux plus grandes fautes.
De M. de Pérnot.
J'ai lu, Monsieur le comte, avec bien de l'intérêt, le mémoire que vous m'avez donné, et ne vois rien de plus juste que la demande que vous désirez obtenir : il est certain que l'usage ancien, et la dernière ordonnance que le roi a rendue, vous y autorisent ; je ne puis croire qu'elle soit déjà en désuétude.
De M. le chevalier d'Oraison.
Vous ne devez pas douter, mon cher confrère, de l'intérêt que je prends à ce qui vient de vous arriver. La réclamation que vous faites d'un jugement dans cette circonstance, me paraît d'autant plus fondée, que la justice, l'ordonnance, l'usage demandent également pour vous la décision d'un conseil de guerre. J'espère que vos instances et l'opinion publique ne manqueront pas de vous faire accorder cette satisfaction à laquelle, d'ailleurs, est liée la sécurité de tous les militaires.
De M. le marquis de Coigny.
J'ai l'honneur de vous remercier, Monsieur le comte, de l'attention que vous avez eue de m'envoyer une copie de votre mémoire au roi; l'intérêt que je prends à ce qui vous regarde ne doit vous laisser aucun doute sur celui que m'a inspiré la lecture des raisons qu'il contient. Je fais des vœux bien sincères pour que Sa Majesté se trouvé aussi convaincue que moi, de la justice de votre cause.
Nota. Tous les autres officiers de l'armée, à qui M. de Moreton avait adressé son mémoire, lui répondirent dans le même sens.
Dépôt de toutes les pièces ci-dessus, fait par M. de Moreton chez un officier public ; et la protestation contre la destitution arbitraire, contre toute nomination déjà faite, ou qui pourrait se faire, à sa charge de colonel du régiment de La Fère.
Du
En faisant le dépôt des pièces ci-dessus, je déclare que je persiste et persisterai jusqu'au dernier soupir, dans la réclamation que j'ai pris la liberté de faire mettre sous les yeux du roi ; que je ne cesserai de demander là justice qui est due à tout militaire, et même à tout autre citoyen, en sollicitant le jugement légal d'un conseil de guerre, et que je persévère à croire qu'il ne peut m'être refusé sans violer également les principes et les lois militaires, et le droit incontestable qu'a tout citoyen de n'être pas condamné sans être entendu. En conséquence, je proteste «ontre urte destitution arbitraire, contre toute nomination déjà faite ou qui pourrait se faire à ma charge de colonel du régiment de La Fère, dont je n'ai jamais donné ma démission; aussi bien que contre toutes les atteintes que l'on pourrait porter à mon existence civile ou mili-
taire, et à ma liberté politique et individuelle ; me réservant d'en instruire la nation assemblée, pour éclairer la religion du roi, sur un objet qui intéresse aussi essentiellement thon honneur, la plus précieuse des propriétés d'un citoyen. A Paris, en l'étude de M® Brazon, procureur au parlement, le 31 octobre 1788.
Signé : le comte de Moreton, colonel du régiment de La Fère.
Délibération de l'ordre de la noblesse du Dauphiné.
Gejourd'hui huit novembre mil sept cent quatre-vingt-huit, à l'issue de la dernière assemblée des trois ordrts de la province de Dauphiné, M. le comte de Moreton-Ghabrillan, capitaine en survivance des gardes du corps de Monsieur, frère du roi, aurait prié M. le comte de Morges, président de l'ordre de la noblesse, d'inviter ceux qui le composent à se rendre à la chapelle des pénitents ; et y étant, M. de Moreton a représenté que, par un acte d'autorité, il a été privé' du commandement du régiment de La Fère, infanterie, dont il était colonel ; que vainement il a fait toutes démarches auprès des ministres du roi, pour réclamer sa justice, et être réintégré dans son état; que, sur leur refus, il a sollicité l'assemblée d'un conseil de guerre, pour y être jugé, sans l'avoir pu obtenir ; que ce refus l'aurait nécessité de déposer un acte chez M® Brazon, procureur au parlement de Panis, sous la date du 31 octobre 1788; qu'il supplie Messieurs de la noblesse de lui permettre de déposer au greffe des États de la province, une couie collationnée duçtit acte, et des pièces qui y sont rappelées.
M. de Moreton s'étant retiré, sa demande portée en délibération ;
L'ordre de la noblesse a délibéré qu'il serait écrit en son nom, par M. le comte de Morges, une lettre au roi, à l'effet d'accepter la convocation d'un conseil de guerre, réclamé par M. de Moreton, à l'effet de Je déclarer innocent ou coupable; déclare au surplus qu'il consent le dépôt requis par M. de Moreton. Et ont signé, etc.
Collationné conforme à l'original.
Le comte de Morges, président.
CflARPlN, secrétaire.
Lettre de M. le comte de Morges, président de l'ordre de la noblesse de Dauphiné, au roi (1).
Du
Sire,
La noblesse de votre province de Dauphiné, qui rend les plus vives actions de grâces à Votre Majesté pour les bontés éclatantes qu'elle lui témoigne en ce moment, sur les objets généraux qui intéressent la province, prend encore la liberté de réclamer votre justice en faveur d'une cause particulière, sur laquelle elle ose adresser à Votre Majesté se? respeciueuses sollicitations.
Le comte de Moreton-Ghabrillan, un des membres de son corps, lui a représenté que sa délicatesse lui ferait supporter avec douleur, jusqu'à l'apparence d'avoir pu mériter le malheur qu'il a éprouvé d'être destitué du commandement du
Sue cette affaire ne regardait nullement la noblesse du auphiné, et que Sa Majesté improuvait sa démarche.
régiment dont l'avait honoré Votre Majesté, sans qu'on lui en ait fait connaître les motifs; et qu'il a sollicité, sans succès jusqu'à présent, qu'un conseil de guerre lui fût accordé pour juger sa conduite. Le corps de la noblesse ose se joindre à lui pour solliciter de Votre Majesté cette satisfaction : il la supplie de ne considérer dans cette démarche que la délicatesse et l'honneur qui l'animent, et qui l'ont toujours porté au service de ses rois, avec un zèle pur et sans reproche.
Nous avons l'honneur d'être, avec le plus profond respect, Sire, de Votre Majesté, vos très humbles, etc.
Signé : le comte' de Morges, président de l'ordre de la noblesse.
Réclamation de M. de Moreton à la nation assemblée dans ses bailliages.
Il est un temps où le citoyen, frappé par le despotisme ministériel, n'a d'autre ressource que de dévorer en silence les affronts et les injustices; mais quand de grands maux ramènent enlin la nation à l'époque désirée où sa voix peut se faire ente tdre, le citoyen opprimé élève ses espérances. C'est alors que celui que l'autorité voulut flétrir, approche sans crainte de l'Assemblée auguste chargée de stipuler les intérêts de tous; il vient y demander justice, y dénoncer ses oppresseurs et présenter sa lête.
Ainsi se conduisirent en 1483 cette foule d'hommes infortunés, de tout rang, de tout âge, qui, sous le règne précédent, avaie ît été les déplorables victimes de la tyrannie de Louis XI.
S'il fut permis alors de se plaindre d'un roi qui avait si étrangement abusé de son pouvoir, à plus forte raison sera-t-il permis en ce siècle, sous un roi bon, juste, mais trompé, de dénoncer ses ministres, et l'usage pervers qu'ils ont fait du pouvoir qui leur fut confié.
Il est deux sortes de crimes dont les ministres se rendent souvent coupables; et le tribunal où l'on peut se plaindre des uns, est différent de celui où l'on doit dénoncer les autres.
Quand un particulier a enduré un outrage qui ne frappe que lui, dont les conséquences n'importent qu'à lui, alors il vient aux pieds des Etats généraux du royaume déposer ses respectueuses doléances : ainsi se conduisirent en 1483 les Nemours, les Croy, les d'Armagnac.
Mais quand le coup qui atteint un citoyen, les menace tous également, quand l'abus du pouvoir dont il fut la victime, est tel que la continuité de ces abus entraînerait l'Etat sous le joug de la tyrannie, alors ce n'est plus aux représentants de la nation qu'il doit se plaindre, mais à la nation elle-même assemblée dans ses bailliages, afin que le malheur d'un particulier l'éclairant sur le malheur de tous, sa suprême volonté charge ses représentants de réprimer ce despotisme odieux qui menace la nation entière.
Le comte de Moreton s'adresse donc aux bailliages, pour en obtenir le redressement des griefs dont il se plaint : son intérêt personnel disparaît devant l'intérêt général at:achéà sa cause. Etranger à la plus grande partie des bailliages, inconnu de la plupart de ceux à qui il adresse ses vœux, entouré d'enneinis, de lâches calomniateurs, il n'en a pas moins le juste espoir de voir accueillir sa demande, parce qu'elle est juste et qu'elle est unie à l'intérêt de tous.
Le comte de Moreton, colonel du régiment de La Fère en 1785, a été destitué du commande-
ment de son régiment le 24 juin 1788, sur une simple lettre ministérielle de M. le comte de Brienne. Aussitôt il a réclamé contre cette décision arbitraire; aussitôt il a demandé un tribunal où il pût offrir sa tête, et la conserver avec son innocence, ou la perdre avec son honneur. On lui a refusé justice, on l'a jugé sans l'entendre, et il a perdu son emploi.
Plusieurs citoyens ont refusé de lui succéder (1). Un militaire l'a remplacé.
Le comte de Moreton, victime du pouvoir d'un ministre, ne se croit ni jugé, ni destitué; il réclame sa place, et demande un tribunal.
Sa province a uni ses vœux aux sien3 : elle n'a obtenu aucun succès.
Le comte de Moreton a déposé chez un officier public ses plaintes, ses réclamations; elles veillaient pour lui, lors même que la tyrannie d'un ministre l'opprimait ; et aujourd'hui, il demande aux bailliages leur intervention, pour obtenir qu'il soit jugé et réintégré.
Sa cause est la cause de tous les citoyens; elle est la cause de la patrie elle-même. Elle est la cause de tous les citoyens, parce qu'il sera désormais impossible de servir l'Etat, s'il dépend d'un ministre de flétrir, par l'effet de sa volonté, les militaires qui se dévouent à sa défense. Si le roi peut honorer un citoyen par des grâces, il ne dépend pas de lui de le déshonorer en les lui retirant. Il était libre de les refuser; il ne l'est pas de les reprendre.
Les lois ont limité à cet égard la puissance royale; et cette limite salutaire, conservatrice de l'honneur des citoyens contre les attentats du despotisme, fait partie de la Constitution, et fut toujours en vigueur parmi nous.
Dans le capitulaire donné à Pistes (2), on voit que nul ne pouvait être privé de ses honneurs (ce qui voulait dire de ses offices et dignités) que par jugement. Et Lothaire ayant voulu user à cet égard du despotisme dont se plaint le comte de Moreton, fut blâmé, et la question de ces destitutions fut renvoyée au Plaid national.
Louis XI, lui-même, ce détestable tyran, a reconnu l'inamovibilité de toutes les charges et emplois militaires, par la même ordonnance qui constate celle de tous les offices de judica-ture (3).
Si, de ces anciennes institutions, nous passons à de plue modernes, nous trouvons que nos lois militaires ont toutes prononcé que nul ne pouvait perdre son office sans jugement, et la manière de le juger y est tracée avec exactitude.
Mais les lois émanées sous le ministère même de l'homme injuste (5) qui a tyranniquement privé le comte de Moreton de son état, lui imposaient la loi de le faire juger avant de le destituer : ainsi il a violé, en le destituant arbitrairement, les lois du royaume et ses propres décisions.
Mais, si la loi prescrit qu'aucun militaire ne
perdra sa place qu'après avoir été jugé, l'intérêt national l'exige de telle manière qu'il faudrait créer la loi si elle n'existait pas!
En effet, si le militaire est tellement sous la main du prince, que son honneur soit à sa merci, et que la volonté ministérielle puisse lui ravir sa place et entacher sa réputation, il cesse d'être citoyen, il devient esclave, et ses forces, livrées à la disposition du ministère, peuvent servir à cimenter Ja tyrannie. Dans ce cas, nul militaire ne peut siéger dans un lieu où siègent les citoyens; nul ne peut représenter Ja nation aux Etats généraux ; car, en ce lieu où la vérité doit se faire entendre, où de lâches et coupables ministres doivent être accusés et payer dé leur tête les crimes dont ils sont coupables, qui osera les accuser? qui? Ce seront des citoyens libres, inaccessibles aux faveurs de la cour, il est vrai, mais hors des atteintes de ses vengeances ; mais le militaire élu pour représenter la nation , si le roi peut le destituer à volonté, sera intimidé par la seule menace d'un ministre, il sentira qu'au sortir de l'Assemblée, Ja perte de son état sera l'effet de son courage, et qu'il perdra son honneur pour avoir voulu faire punir l'homme qui avait déjà perdu Je sien.
Il n'y a donc point de milieu : il faut, ou que l'honneur du militaire repose à l'ombre des lois, ou qu'il soit l'esclave du despotisme et l'instrument de la servitude, et, si tel est son sort, il ne peut être honoré du choix des bailliages pour représenter la nation aux Etats généraux.
L'autorité royale peut suspendre l'activité d'un militaire, l'interdire. Cès préalables, qui le réduisent à l'inaction, suffisent au maintien de la discipline; mais elle ne peut lui ravir son office que par un jugement. Telle est la loi, tel est le moyen de conserver à l'officier son droit de cité.
Fondé sur ces principes immuables, le comte de Moreton, sans entrer dans la discussion des calomnies dont on l'enveloppe, des lâches complots dont il est la victime, mais assuré de les détruire tous jusqu'à l'évidence, demande à la nation qu'oubliant ses malheurs personnels, mais fixant ses regards sur les dangers de l'abus dont il se plaint, elle ordonne qu'un tribunal écoute s^s plaintes, examine la conduite de son qpprefc-seur, le juge, et lui rende sa place et son honneur, ou lui fasse perdre en même temps et l'honneur et la vie.
Le comte de Moreton-Chabrillan.
Lettre de M. de Moreton à Monsieur, frère du roi, pour lui faire part de son recours à la nation assemblée.
Monseigneur, Je croirais manquer aux devoirs que m'imposent le respeet profond que je porte à Monsieur, et la reconnaissance éternelle que je dois à ses bontés, si je ne m'empressais d'avoir l'honneur de lui rendre compte de la démarche que je viens de faire, et si je ne mettais sous ses yeux le mémoire que j'adresse aux bailliages.
En demandant à la nation assemblée son intervention pour obtenir le jugement légal que je n'ai cessé de solliciter vainement jusqu'à présent, je n'ai fait qu'obéir à la loi impérieuse de l'honneur et au cri d'une conscience irréprochable.
Si ma conduite, dans celte circonstance, avait besoin de justification, je la trouverais tout entière dans les propres termes de la lettre que Monsieur a daigné écrire de sa main à M. le comte
de Brienne, vers la fin de mai dernier, que je supplie Monsieur de se rappeler dans ce moment, et dont le sens littéral portait : que si on m'ôtait mon régiment, ou si même il était destiné dans l'armée, Monsieur était obligé d'avouer, avec douleur, que mon honneur en serait entaché.
Pouvait-il exister pour moi un plus puissant motif de persister jusqu'au dernier soupir dans ma juste réclamation? L'aveu que Monsieur n'a pas hésité de faire devant moi de l'injustice dont j'étais la victime, m'autorisait, sans doute, à prendre tous les moyens possibles pour éclairer la religion du roi, surprise par son injuste ministre.
Quel moment plus favorable pourrais-je saisir pour obtenir le jugement légal que je réclame, que celui où Je roi vient, par un acte solennel et mémorable, de Convoquer les Etats généraux de son royaume,.pour y entendre les souhaits et doléances de ses peuples, et y réformer et prévenir les abus de tous genres, désirant que chacun de ses fidèles sujets soit assuré de faire parvenir jusqu'à lui ses vœux et ses réclamations, et promettant d'y pourvoir de telle manière, que son royaume et tous ses sujets en particulier ressentent, pour toujours, les effets salutaires qu'ils doivent se promettre d'une telle et si notable assemblée ? -
En profitant de la liberté que le roi accorde à tous ses sujets, je ne fais que répondre à ses vues de justice et de bienveillance, sans blesser le profond respect que je lui dois, et en soumettant ma conduite à un prince qui s'honore également du titre modeste de citoyen, et de celui de premier gentilhomme français, j'ose espérer que Monsieur daignera protéger, avec la loyauté qui le caractérise, les eiforts que je fais pour conserver intact mon honneur, la plus précieuse des propriétés d'un gentilhomme, comme de tout autre citoyen.
Je suis avec respect, Monseigneur, de Monsieur, le très humble, etc.
Signé ; lé comte de Moreton-Chabrillan.
Aux assemblées d'élections de Paris.
Les droits de l'homme vont être enfin discutés et solennellement reconnus dans l'Assemblée nationale : mais en vain Une nouvelle Constitution se formerait sur les ruines et avec les débris de l'ancienne anarchie; en vain serait promulguée la charte nationale qui doit consacrer nos libertés, en posant les limites immuables qui sépareront à jamais le pouvoir législatif, la puissance exécutrice et l'autorité judiciaire; tous nos efforts seraient inutiles, et l'édifice de la Constitution serait tôt ou tard renversé par le despotisme, s'il n'avait pour bases inébranlables l'assurance de la liberté individuelle et le maintien rigoureux de toute espèce de propriété.
11 est donc indispensable que les mandataires du gouvernement soient étroitement soumis à la loi et responsables de leur conduite à l'Assemblée des représentants ds la nation; il faut que tout citoyen puisse y dénoncer un ministre prévaricateur; ii faut que tout opprimé puisse sans crainte élever la voix, accuser les suppôts de la tyrannie, et obtenir justice; il faut enfin, pour déraciner l'esclavage, que tout citoyen, dont la cause particulière se trouve liée à la cause publique, et qui, par quelque motif que ce soit, négligera de provoquer le redressement des griefs qu'il aurait éprouvés, soit regardé comme un
complice volontaire du despotisme, déclaré infâme, et traître à la Patrie.
Cette obligation de rendre publiques et communes les injustices privées; obligation inséparable d'une bonne organisation politique, devient plus étroite encore pour celui qui en est la victime, lorsque, dévoué au service et à la défense de l'Etat, le môme coup qui lui ravit son emploi porte la plus cruelle atteinte à son honneur ; à cet honneur qui constitue la vie du soldat français.
Tel est le cas où se trouve le comte de Moreton.
Colonel du régiment dé La Fère depuis 1785, il s'en est vu dépouillé le 24 juin 1788, par une simple lettre ministérielle de M; le comte de Brienne.
Aussitôt le comte de Moreton a réclamé avec force un tribunal compétent qui pût prononcer sa destitution, l'annuler et lui rendre sa place et l'honneur. Cette réclamation soutenue est demeurée sans effet. Alors le comte de Moreton a déposé chez un officier public des protestations motivées.
Depuis, la province du Dauphiné a inutilement joint ses vœux à ceux du colonel du régiment de La Fère, pour lui obtenir un tribunal.
Après ce déni invincible de justice, garder un lâche silence, c'eût été s'avouer coupable, et souscrire soi-même son déshonneur.
Fort de son innocence, encouragé par le vœu général de tous les vrais citoyens, heureux, dans son infortune, de voir la cause publique intimement liée à sa cause particulière, le comte de Moreton a dû et n'a pas craint de s'adresser à la nation assemblée dans ses bailliages.
Sa demande, juste en elle-même, intéressante pour l'armée, importante pour la nation, a été favorablement accueillie dans toutes les provinces; un grand nombre de bailliages l'ont consignée dans leurs cahiers en termes énergiques et formels, et ont demandé le rétablissement ae l'in-nainovibilité des offices militaires, à l'instar des offices civils et ecclésiastiques; ils ont rappelé à cet égard les anciennes lois constitutionnelles (1). Enfin plusieurs ont séparément chargé leurs députés de poursuivre le redressement des griefs et de l'abus d'autorité dénoncés à la nation assemblée, par le Comte de Moreton, et de solliciter des Etats généraux l'érection d'un tribunal destiné à prononcer légalement sur les destitutions arbitraires précédemment effectuées, ou qui* dans la suite, pourraient être tentées par le despotisme ministériel.
Aujourd'hui le comte de Moreton s'adresse avec confiance aux assemblées d'élections de Paris. Ses poursuites et sa demande n'y seront pas moins favorablement accueillies sans doute, qu'elles ne l'ont été dans la plupart des bailliages : l'intérêt du comte de Moreton est aujourd'hui lié à l'intérêt de tous.
Frappés indistinctement des foudres du pouvoir arbitraire, victimes tour à tour de l'ineptie et du despotisme des ministres, tous les ordres des citoyens formaient depuis longtemps le vœu unanime de voir l'organisation et le régime de l'armée ne plus dépendre uniquement du caprice des ministres et de la versalité de leurs principes. L'armée n'existe que pour la défense de
l'Etat; mais l'Etat n'est que l'ensemble politique de la nation. C'est la nation qui entretient, qui soudoie, qui recrute l'armée. Il faut donc, comme, l'a dit éloquemment Un des plus courageux défenseurs des droits du peuple (1). « Il faut ren-« dre nos armées Citoyennes, lés pénétrer du « respect dû aux lois, les convaincre qu'autant « il est beau de mourir pour sa patrie, autant il « est cruel et lâche de déchirer son sein, de ré-« pandre le sang de ses frères, et de ruiner la « patrie qui les nourrit. Voilà i'unique moyen de « rendre nos troupes utiles, sans qu'elles mena-« cent la liberté publique* »
Il faut enfin qufuu serment solennel attache le militaire à ia nation, eq qui réside essentiellement la puissance législative, et au roi, seul dépositaire du pouvoir exécutif dans toute sa plénitude: sans celâi point de liberté politique et individuelle, nulle propriété assurée, puisque je despotisme pourrait toujours y attenter impunément par la force militaire.
Mais la conséquence de ces principes serait-elle de dépouiller le pouvoir exécutif de l'Empire, de l'influence qu'il doit avoir sur le moyen d'exécution, sans doute le plus eflicace? serait-elle de dépouiller le roi de son influence légale sur l'armée? Non, certes : cette influence doit être absolue; c'est une vérité constante, et il est de l'essence d'une vérité, de n'en contredire aucune autre; mais ici, comme dans toutes les autres applications du pouvoir exécutif, il doit être fixé dans de8 bornes posées par la Constitution ou par la législation ; et c'est en se maintenant dans ces limites tracées, qué le monarque doit être maître de l'armée, et la diriger souverainement, par le moyen de la subordination absolue, vers le but pour lequel l'armée a été créée par la nation.
De ces vérités éternelles, quf n'ont été ni assez senties ni assez développées, de ces grands principes, bases d'une solide Constitution, dérive un corollaire important : celui de l'inamovibilité des emplois militaires, sagement tempérée par l'interdiction dë l'offieier. L'uue, lui servant de rempart contre le caprice, la haine et la vengeance des ministères, lui donnera 'a possibilité de remplir, sans crainte et en toute occurrence, ses devoirs de citoyen. L'autre suffira au maintien de la discipline ; et la suspension momentanée réprimera l'insubordination qui, une fois bien prouvée, sera sévèrement punie.
Celte inamovibilité, le véritable palladium de nos antiques et renaissantes libertés,exige l'établissement d'une forme légale de jugement sanctionnée par le pouvoir législatif, et à laquelle soit soumis tout militaire; d'une forme légale, dans laquelle le pouvoir exécutif se portant accusateur, laisse à l'accusé tous ses moyens de défense.
Telle est la l'orme de jugement que réclame le comte de Moreton. Toute l'armée la désire et l'appelle. La capitale y est spécialement intéressée : aussi, le comte dé Moreton espére-t-il que les cahiers de la ville de Paris vont devenir dépositaires de cette importante demande, et que ses députés seront très expressément chargés de solliciter et d'obtenir des Etats généraux, comme le plus ferme appui de la Constitution, le serment solennel de l'armée de respecter les bases de cette
Constitution, et l'établissement d'une forme légale pour les jugements militaires.
G'est alors, c'est devant les juges naturels que le comte de Moreton citera ses oppresseurs, revendiquera son état, et offrira sa tête.
Signé : Le comte de Moreton-Ghabrillan.
Nouveau dépôt des 3 pièces ci-dessus chez le même officier public, acte par lequel M. de Moreton, renouvelle sa protestation.
En joignant au dépôt fait chez Mô Brazon, procureur au parlement de Paris, le 31 octobre 1788, les pièces suivantes, savoir: 1° l'original de l'expédition, collationnée delà délibération de l'ordre de la noblesse de Dauphiné, et de sa lettre au roi ; 2° un exemplaire de mon mémoire à la nation assemblée dans ses bailliages, avec la copie de la lettre que j'ai eu l'honneur d'écrire à Monsieur, en le lui adressant :
Je renouvelle ma protestation contre ma destitution arbitraire, contre toute nomination faite ou à faire à ma charge de colonel du régiment de La Fère, dont je suis pourvu en vertu d'un brevet revêtu du sceau de l'Etat, et dont je n'ai jamais donné ma démission, aussi bien que contre toutes les atteintes qu'on pourrait porter à ma liberté et à mon existence civile ou militaire.
Je proteste, en outre, d'avance contre tous les moyens que le despotisme ministériel pourrait employer, soit pour arrêter l'effort de mon mémoire clans lés bailliages, soit pour m'empêcher de poursuivre ma juste demande au tribunal de la natiou assemblée, auquel je déclare que nonobstant tout acte d'autorité arbitraire, je suis irrévocablement décidé à soumettre mes justes réclamations, pour en obtenir le redressement de l'abus dont je suis la victime, et qui intéresse la nation entière, puisqu'il menace également tous les ordres de citoyens. Faiten l'étude de M® Brazon, procureur au parlement, le 18 février 1789. Le comte de Moreton-Ghabrillan.
Extrait de quelques-uns des cahiers des bailliages(1) qui ont rapport à Vaffaire dont il s'agit, et qui ont été connus par la voie de V impression.
Agenais (Bailliage d').
Qu'aucuns, militaires ne pourront, s'ils réclament contre leur destitution, être privés de leurs emplois, sâns un jugement militaire suivant la forme qui sera reglée par la nation, en exceptant de cette décision ceux qui peuvent être employés par commission.
Que les militaires rentreront dans tous les droits des citoyens, dont un régime arbitraire les avait privés, etc.
Nos députés seront chargés de faire mention aux Etats généraux, de la plainte fondée de M. le comte de Moreton-Ghabrillan, et de demander à la nation de lui accorder le jugement qu'il réclame d'après le principe constant, que tout militaire et citoyen ne peut être destitué sans être jugé.
Àlençon.
Que tout citoyen revêtu d'un office civil et militaire, ne puisse en être privé arbitrairement; qu'il soit formé un tribunal stable et connu, auquel il appartiendra exclusivement de prononcer sur les destitutions militaires, tant pour l'avenir, que sur celles qui sont effectuées, et contre lesquelles il serait réclamé par les personnes intéressées.
L'Assemblée charge spécialement ses députés de prendre en considération, et de faire valoir, en cette occasion, les demandes et réclamations qui lui ont été présentées de la part de M. lè comte de Moreton-Ghabrillan, et par M.- de lar Roussardière.
Anjou.
La liberté individuelle étant le premier des biens, comme le plus inviolable des droits, les lettres de cachet seront abolies; en sorte qu'aucun citoyen ne pourra être privé de sa liberté, que pour être remis aussitôt dans une prison légale, entre les mains de ses juges naturels; et Copie de l'ordre de destitution sera délivrée dans les vingt-quatre heures au citoyen détenu, sauf aux Etats généraux à combiner les moyens propres à prévenir les crimes et l'éclat des désordres domestiques. Enfin, il sera arrêté qu'à l'avenir tout citoyen revêtu d'un office civil ou militaire, ne pourra en être privé que par un jugement.
Annonay.
Noblesse. L'état et l'honneur d'un membre du corps de la noblesse ne devant pas être abandonnés à la volonté arbitraire des ministres, l'ordre de la noblesse réclame que, d'après les ordonnances militaires des 9 et 23 octobre 1787, aucun officier ne puisse, être privé de son état, et par là de son honneur, sans être jugé par un conseil de guerre légalement assemblé. Il presbrit, en conséquence, à son député de solliciter les Etats généraux de réclamer de la justice du roi qu'il goit accordé à un compatriote dont le nom nous est cher, M. le comte de Moreton, capitaine des gardes_ de Monsieur, un conseil de guerre où il puisse justifier sa conduite.
Communes. Que nul ne puisse être privé de son état qu'en vertu d'un jugement légalenient rendu.
Amiens.
Sa Majesté sera suppliée de faire juger conformément aux ordonnances, par un conseil de guerre, tout militaire qui sera accusé d'une faute grave, avant qu'il puisse être dépouillé de son emploi.
Arles.
Qu'il est de toute justice qu'un militaire ne soit plus exposé à perdre son état par le ressentiment de son supérieur et les délations de ses ennemis; qu'il ne puisse plus, à l'avenir, être privé de son état par une lettre ministérielle, ni
aucun ordre absolu quelconque ; mais son procès lui sera fait, et il sera jugé par ses pairs, aux termes de la loi.
Auch.
Qu'aucun officier ne puisse être privé de son état qu'il n'y ait été condamné par un conseil de guerre, dont la forme sera indiquée par Jes Etats généraux, et composé d'officiers de tout grade et de toute armée.
Armagnac, Lectoure et Isle-Jourdain.
Noblesse. Demander que les nfficièrs ne puissent, à l'avenir, être dépossédés de leurs emplois, sans 4tre jugé dans un conseil de guerre composé comme il est prescrit par le code militaire, et que tous ceux qui réclameront d'être jugés dans des cas antérieurs à cette loi, le se-rort par un conseil de guerre composé dans la même forme.
Communes. Ordonner que tous les emplois civils et militaires seront inamovibles, à moins de forfaiture, et que le procès sera fuit à tous Ceux qui ont été destitués par des ordres particuliers.
Artois.
Les Etats généraux supplieront le roi d'ordonner que M. le comte de Moreton-Chabrillan soit iugé par un conseil dé guerre, ainsi qu'il le sollicite, conformément à l'article 5, titre VI, de l'ordonnance militaire du 2 mars 1776, qui n'a pas été révoquée.
Auxerre.
L'état d'un officier est pour lui une propriété sacrée, qui doit être sous la sauvegarde de la loi; nul ne pourra en être destitué que par un conseil de guerre, contre Jes membres duquel il n'aurait aucun motif de récusation.
Auxois.
Noblesse. Déclarer décidément les ministres du roi, chacun dans leur département, responsables de toutes les atteintes portées par le gouvernement, aux droits tant nationaux que particuliers, et que les auteurs de ces infractions seront poursuivis par devant la cour des pairs ou tel tribunal choisi par les Etats généraux.
Communes. Qu'aucun citoyen ne puisse être privé de son emploi ou état, que pour cause de forfaiture.
Bel fort et Huningue.
Recommandons trè.3 expressément à nos députés qu'ils aient à se réunir aux deux ordres du clergé et de la noblesse, à l'effet de supplier Sa Majesté d'accorder la convocation d'un conseil de guerre réclamé par M. Moreton-Chabrillan,h l'effet de le déclarer innocent ou coupable des calomnies et des lâches complots dont il dit être la victime.
Berry.
Les députés engageront les Etats généraux à voter pour que des ordonnances dictées par Te même esprit que les lois civiles, tendant à établir la liberté individuelle, assurent l'état des militaires de tout grade, et ne les exposent plus à des punitions que le caractère français et le préjugé national font regarder comme flétrissantes.
Blois.
Que personne ne puisse être privé de ses emplois civils et militaires, sans un jugement en bonne forme.
Que la formule du serment des troupes soit changée, et qu'elles promettent obéissance et fidélité à la nation et au roi.
Bresse.
Sa Majesté sera également suppliée de ne point permettre qu'aucun citoyen, pourvu d'un emploi militaire, puisse jamais en être destitué autrement que par un jugement légal rendu par un conseil de guerre, conformément aux ordonnances.
Brest.
Les propriétés, l'honneur, la liberté et la vie des citoyens de tous les ordres et de tous les emplois ne seront soumis qu'aux décisions de tribunaux réglés et inamovibles, dans quelque cas et dans quelque prétexte que ce soit.
Les emplois et grades tant militaires et civils que d'administration, d'arts libéraux et mécaniques, et autres annexes des services de terre et de mer, seront inamovibles.
Bugey.
Que personne ne puisse être destitué de son emploi civil ou militaire, que par suite d'un jugement légal.
Cambray.
Qu'aucun officier ne puisse être destitué de son emploi, ou frustré de son avancement, sans être jugé par un conseil de guerre.
Châteauneuf en Thimerais.
Qu'aucun militaire ne pourra être destitué de son emploi qu'après avoir subi le jugement qu'il aura le droit de demander et d'obtenir.
Lesdits députés demanderont que le sieur comte de More ton-Chabrillan, qui a été destitué du commandement du régiment de La Fère par une simple lettre ministérielle du sieur comte d,e Brienne, soit réintégré dans son commandement, et qu'il obtienne de la justice du roi le jugement qu'il sollicite, et qui déterminera s'il doit ou non conserver sou commandement.
Châtelleraut.
Que les lois qui prononcent l'inamovibilité des oflices ou emplois, soit civils, soit militaires, soient inviolablement observées, attendu que la nation ne pourrait accorder de confiance à des officiers qui seraient dans une dépendance ser-i vile du ministère : en conséquence, les députés exposeront aux Etats la réclamation de M. le comte de Moreton-Chabrillan, ancien colonel du régiment de La Fère, soit pour la faire adopter, soit pour la faire rejeter, en cas qu'elle ne soit pas fondée.
Châti lion- sur-Seine,
Le député demandera que l'on accorde â M. le comte de Moreton, colonel du régiment de La Fère, le jugement qu'il a droit de réclamer. -
Charolles.
Que la liberté individuelle des citoyens soit à jamais assurée; que tout pouvoir arbitraire soit anéanti; que nul individu, qui possède un emploi militaire ou civil, ne puisse désormais être arrêté, dépouillé de son état, de sa propriété, â plus forte raison de son honneur, que conformément à la loi, et en vertu d'un jugement authentique rendu par des juges établis et reconnus par la nation, sans que, jamais les causes puissent être évoquées; et que ceux qui ont été antérieurement victimes du pouvoir arbitraire, puissent réclamer pour eux l'application de cette Joi.
Chartres.
Lecture faite de la requête présentée par M. le comte de Moreton, la noblesse a cru devoir l'agréer, et charge son député de demander Je jugement légal par lui requis.
Clermont en Auvergne.
Que les officiers ne puissent plus être destitués sans avoir été jugés par un conseil de guerre, composé pour moitié d'officiers du même grade que l'accusé, lesquels devront avoir 26 ans.
Colmar et Schelestadt.
Ils demanderont que les Etats généraux confirment, d'une manière positive, qu'aucun officier ne pourra être ni cassé ni perdre son emploi d'une manière qui puisse intéresser son honneur, sans avoir été jugé dans un conseil de guerre, conformément à l'ariicle 3 du litre II de l'ordonnance, portant règlement sur la hiérarchie, du 17 mars 1788.
Dax, Saint-Sever et Bayonne.
Que là liberté individuelle de tous les citoyens soit mise sous la sauvegarde de la Ipi, etc.
Qu'il soit statué que nul ne puisse être jugé en matière civile et criminelle, que par les juges que la loi lui a donnés.
Dijon.
Le droit de tout citoyen de ne pouvoir être jugé que par les tribunaux reconnus par Ja nation, suivant les formes par elle reçues, ou à établir.
Dôle.
Le député demandera qu'il soit dit dans la Constitution militaire, que les officiers de l'armée jouiront, comme les autres citoyens, du droit de ne pouvoir être privés de leurs emplois arbitrairement et sans jugement.
Dourdan*
Qu'aucun citoyên ne puisse être privé de son ran^, de son emploi, de sa charge, que d'après un jugerrtënt légal.
Landes (Pays des).
Il sera demandé pour tous ceux qui auraient été lésés par quelqu'acte d'autorité depuis le premier mai 1788,
Que tout citoyen ne puisse, dans aucun cas, être jugé que par ses jugeé naturels.
Lille.
Avoir égard aux motifs qui donnent lieu tiu mécontentement qui paraît exister dans l'état militaire, par les inconvénients et par les inquiétudes qu'ils occasionnent.
Limoux.
Que nul officier ne puisse être destitué de son emploi, que par arrêt d'un conseil de guerre, de manière que la liberté, l'état et l'honneur du citoyen qui se dévoue au service de sa patrie, ne dépendent que des lois, et non du caprice d'un seul homme.
Le Puy en Velay.
Qu'à l'avenir tout citoyen revêtu d'un emploi civil ou militaire, ne puisse en être privé que par un jugement légal; qu'il soit formé, par les États généraux, un tribunal chargé de prononcer sur toutes les destitutions, et sur celles qui auraient pu être illégalement prononcées, telles que celle de M. le comte d'Apchier notre compatriote, et autres.
Mâcon.
Que les Etats généraux assurent enfin l'invariabilité dans toutes les branches de la composition et de là constitution militaire, qui doit être combinée sur l'esprit de la nation, et les principes de notre gouvernement ; et par l'assurance de ne pas être soumis à l'arbitraire d'un ministre; tout militaire ne pouvant être dépossédé de son emploi que pat èa démission, ou lé jugement de ses pairs.
Maine.
Les députés demanderont que les officiers de l'armée soient admis à jouir du même droit réclamé par les àutres citoyens, celui de ne pouvoir être privés de leurs emplois sans un jugement émané d'un tribunal militaire, et qu'il spit pourvu à la réforme des abus contenus dans les nouvelles ordonnances militaires.
Marseille.
Demander que nul militaire ne puisse être privé de son emploi que par un jugement rendu par ses pairs sur une procédure en forme.
Melun.
Le député ajoutera à la doléance de la noblesse consacrée au service militaire, de demander :
1° Que les officiers de l'armée soient admis à jouir du droit réclamé pour les autres citoyens, de ne pouvoir être privés de leurs emplois sans un jugement ;
2° Qu'ils ne soient pas livrés à une forme de jugement, qui est telle, que les officiers mis au conseil de guerre, n'ont pas la permission de Fécu-ser aucuns juges, et qu'il n'existe aucun tribunal militaire permanent, auquel ils puissent appeler des sentences prononcées contre eux, dans le cas même où les formes judiciaires auraient été violées pendant la procédure, tandis que des ministres se sont permis d'aggraver à leur volonté ces sentences mêmes.
Mende.
Supplier le roi de faire suivre exactement l'article de son ordonnance, qui prescrit que nul officier ne puisse être destitué de son emploi sans avoir été jugé par un conseil de guerre composé de membres non permanents.
Meaux (1).
Le député demandera que nul citoyen servant dans les armées de terre ou de mer, ne puisse être
destitué irrévocablement de son emploi, qu'après un jugement préalable, et suivant les ordonnan-
Mais si l'armée entière est intéressée à ce que l'état d'un militaire soit inattaquable, la nation elle-même n'a pas un moindre intérêt à s'attacher l'armée entière par des liens indissolubles. A Dieu ne plaise que je reporte vos regards sur des jours désastreux, dont le souvenir doit vous rappeler à jamais l'heureuse régénération qui les suit! Mais enfin l'armée est la force exécutrice; l'homme sans état est aussi sans justice; l'opprimé devient facilement un instrument d'oppression; la distribution des grâces n'est-elle pas dans la main des ministres prévaricateurs ou trompés un moyen suffisant de pervertir les hommes, sans placer dans les mêmes mains le moyen terrible de les effrayer par la perte de leur honneur ou de leur état, sans leur livrer ia force publique, sans l'attacher à leur char par les deux liens indissolubles de l'espérance ou de la crainte?
Telles sont, Messieurs, les observations que j'avais à
ces rendues sur cette matière (le même article est littéralement dans le cahier du Tiers-Etat).
Montfort-VAmaury et Dreux.
Les députés proposeront de déclarer qu'il ne peut y avoir de déni de justice dans aucun cas, ni pour personne.
Nemours.
Qu'il ne puisse y avoir de déni de justice dans aucun cas, ni pour personne.
Orléans.
Qu'un officier de terre ou de mer ne puisse être destitué, sans un jugement légal.
Paris hors les murs (vicomté de).
Le vœu de la noblesse est qu'il soit pris aux Etats généraux des précautions légales pour préserver des entreprises du pouvoir aibitrairt: l'honneur et l'état des officiers militaires, et pour concilier, à l'égard de l'armée, les devoirs de citoyen et de soldat.
Que tout citoyen, privé arbitrairement de son emploi, et notamment M. le comte de Moreton-Ghabrillan, soit admis à demander deB juges compétents.
Paris (Assemblée de la Noblesse de la ville de).
Les députés de la noblesse aux Etats généraux s'occuperont des officiers militaires, pour préserver leur honneur et leur état, des entreprises du pouvoir arbitraire.
Paris (Assemblée réunie au Luxembourg).
On a joint à ces instructions plusieurs cahiers particuliers remis par M.M. etc,... ainsi que la lettre de M. le comte de Moreton-Chabrillan-, et les électeurs ont été chargés d'en faire usage à l'assemblée générale.
Paris (Assemblée du cinquième département).
De solliciter l'intérêt des Etats généraux pour
MM. le comte de Moreton-Chabrillan et le chevalier de la Devèze; et les engager à demander m^feur réclamation mise sous les yeux de l'Assemblée, soit portée à un tribunal légal, et qu'en général le conseil de guerre ne pourra être refusé à tout officier destitué, qui le demandera.
Paris (Assemblée du quatorzième département).
Que Sa Majesté soit aussi suppliée de ne priver de leur état les officiers de ses troupes, que par le jugement d'un conseil de guerre, et de permettre à ceux qui ont été privés de leur emploi par ordre du ministère, de se représenter, s'ils le jugent à propos, devant un tribunal de revision, que Sa Majesté sera suppliée de leur accorder, notamment à M. le comte de Moreton-Chabriltan.
Paris (Assemblée du dix-neuvième département).
La soumission de tous citoyens aux lois, et la responsabilité de toute infraction de la part de tous dépositaires de l'autorité.
Paris (Assemblée du vingtième département).
Que nul citoyen, de quelqu'ordre qu'il soit, ne puisse être dépouillé de son état sans un jugement légal.
Paris (Assemblées réunies aux Pères de l'Oratoire.)
De réclamer fortement l'inamovibilité des offices, tant civils que militaires.
Et l'Assemblée, prenant en considération la réclamation de M. le comte de Moreton-Chabrillan, a arrêté, à la pluralité, de charger MM. les représentants de la faire insérer dans les cahiers à former, et de renvoyer mondit sieur comte de Moreton-Chabrillan, pour les conséquences qu'il en tire, à l'article 12 étant ensuite de sa première protestation.
Paris (Assemblée du premier département).
Il a été arrêté que MM. les députés de la noblesse seront chargés de s'occuper aux Etats généraux des moyens de faire obtenir à M. le comte de Moreton-Chabrillan, le jugement qu'il sollicite, et qu'expédition du présent arrêté lui serait remise, s'il Je desirait.
Paris (Assemblée d es citoyens-nobles de la Ville de).
Que les Etats généraux délibèrent su ries moyens de concilier les devoirs du service militaire avec les devoirs de citoyen; et la nécessité de la subordination avec les droits de la liberté.
Que l'honneur et l'état des militaires eoient à l'abri des atteintes arbitraires;
Que M. Is comte de Moreton-Chabrillan obtienne un jugement qu'il réclame depuis si longtemps.
Poitou,
Demander que l'inamovibilité des officiers soit reconnue ;
Engager les Etats généraux à supplier le roi d'ordonner que jamais un officier ne soit destitué de son emploi, sans avoir été jugé par un conseil de guerre.
Quesnoy.
Que l'usage despotique des lettres de cachet et de tous autres actes arbitraires soit tout à fait prohibé.
Riom.
La profession la plus ordinaire de la noblesse étant celles des armes, ses députés seront expressément chargés de demander que tout officier soumis à la discipline militaire, et pouvant être suspendu dans ses fonctions, ne puisse être destitué de sa charge ou emploi militaire par la volonté arbitraire; et que, dans aucun cas, il ne lui soit refusé le jugement du conseil de guerre.
Saumur.
Le citoyen qui sert l'État dans les armées ne pourra être destitué de son emploi sur aucuns ordres arbitraires, lettres ministérielles ou autrement.
Sedan.
Aucun officier, quel que soit son grade, ne pourra être privé de son emploi sans un jugement préalable ; à cet effet, il sera établi un tribunal militaire, où sera porté l'appel ou revision du jugement prononcé par le conseil de guerre.
Saint-Flour (Haute-Auvergne).
Qu'aucun officier ne pourra être privé de son emploi, sans, au préalable, avoir été jugé par le conseil de guerre, dont les deux tiers seront composés de ses pairs ayant au moins rang de capitaine, et présidé par un officier général qui ne sera point de la division ; et cet article aura un effet rétroactif.
Tour aine.
Tout citoyen qui aurait été, ou qui sera revêtu d'un office civil, militaire ou ecclésiastique, n'a pu ou ne pourra en être destitué et privé que par un jugement légal qui sera prononcé par le tribunal auquel les Etats généraux, de concert avec le roi, jugeront à propos de donner l'exécution de cette partie des lois.
Troyes.
Que les officiers de l'armée soient admis à jouir du droit réclamé par tous les citoyens, celui de ne pouvoir être privés de leur emploi sans un jugement légal.
Vendôme.
Sa Majesté est suppliée de se renfermer dans les termes exprès de l'édit de Louis XI du 21 septembre 1458, et des ordonnances des règnes suivants: année 1556, du mois d'août 1573, 1586,
20 août 1587, 24 mars 1595, 22 février 1618, à l'effet qu'aucun citoyen revêtu d'un office civil ou militaire n'en puisse être privé que par un jugement préalable, et qu'il soit fait droit sur les réclamations des infortunés qui ont réclamé, réclament ou réclameront à l'avenir contre les destitutions injustes et despotiques.
Vermandois.
Que tous les militaires du royaume puissent se constituer un conseil de guerre choisi par eux-mêmes, pour recevoir leurs plaintes, et les porter directement aux pieds de Sa Majesté, sans dépendre absolument du ministre.
Que tout officier, de quelque grade qu'il soit, ait la liberté de s'adresser à ce conseil de guerre, sans aucune intervention ; que ce conseil soit composé par le concours unanime des voix de tout le corps militaire, et que, pour parvenir à sa formation, tous les officiers du royaume, et dans chaque régiment, ceux au-dessus du centre, puissent donner leur voix et choisir même parmi les officiers généraux, ceux qu'ils croiront dignes de leur confiance; que cette nomination soit sanctionnée par tous les régiments et communiquée à tous les militaires français.
Villeneuve-de-berg.
Arrêté qu'à l'avenir tout citoyen revêtu d'un emploi militaire ne pourra en être privé que par un jugement, et il sera formé par les Etats généraux un conseil de guerre chargé de statuer sur les destitutions à venir, et sur toutes celles qui auraient pu être prononcées depuis la dernière ordonnance. Les députés seront spécialement chargésderequérirlejugement deM. le comte de Moreton, et celui de Joseph Ricard-Dubreuil-Hélion, capitaine au régiment d'Orléans, infanterie, nos compatriotes.
Nota. Tous les originaux des pièces rapportées sont entre les mains de M. de Moreton, à l'exception de celles comprises dans les dépôts faits par lui chez Me Brazon, procureur au Parlement ; lesquels dépôts ont été transportés chez M® Lacour, notaire, rue Neuve-Saint-Eustache.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Information faite par la municipalité de Toulouse, contre M. de Toulouse-Lautrec (1).
Du
Par devant nous, M" Michel-Athanase Malpel, avocat au Parlement et officier municipal de la ville de Toulouse, dans la chambre d'instruction de la présente maison-commune, et en présence des sieurs Bellan et Lacroix, adjoints nommés par la municipalité, dûment sermentés, que nous
avons appelés : est comparu le sieUr Guitard, chasseur de la légion de Saint-Pierre, témoin assïgPé à la requête du procureur du roi, par exploit de cejourd'bul, fait par Létnpé, huissier, comme il nous a fait apparaître sur sa copie } ouï, moyennant serment par lui prêté, sa main mise sur le saint Évangile, a promis et juré dire vérité.
Enquis de ses noms, surnoms, âge, qualités, demeure, et s'il est parent, allié à quelque degré, serviteur ou domestique d'aucune des parties :
A répondu s'appeler Antoine Guitard, âgé de vingt-huit ans, plâtrier, habitant de cette ville, logé à Saint-Pierre, et n'être point parent, allié en aucun degré, serviteur ni domestique d'aucune des parties.
Et sur le contenu au réquisitoire du procureur du roi, à lui lu mot à mot et donné à entendre:
Dépôse qu'étant allé ce matin, vers sept heures, au cnâteau de Blaignac, appartenant au sieur Dutré, avec le sieur Clément dit Montauban, grenadier dans la légion de là Daurade, ce dernier a prié un domestique de l'introduire dans la chambre de M. le comte de Lautrec, son ancien colonel; qu'ayant été introduit dans la chambre, le comte de Lautrec a de suite reconnu ledit sieur Clément, et lui a fait beaucoup d'amitiés ainsi qu'au déposant, après quoi il à fait rouler les conversations sur l'état des légions de Toulouse et sur la confédération qui doit être faite le 4 du mois prochain ; qu'âlï fcûjèt de ladite confédération, le comte de Lautrec leur a dit qu'elle était préjudiciable et ruineuse pour le peuple qui, dépuis l'enlèvement des biens du clergé et des titres de la noblesse, était réduit à la mehdicitéj parce que le clergé et la noblesse pouvaient seuls lé faire vivre : et qu'il fallait, en conséquence, empêcher ladite confédération, ajoutant que M. Douziels, général, était un drôle ; que siTon voulait nommer lui, comte de Lautrec, il viendrait de suite habiter Toulouse : qu'alors Je déposant lui a dit qu'il croyait l'avoir vu à Montauban, et qu'il y avait eu du désagrément à cause du duc de la Force avec qui il était ; à quoi le comte de Lautrec a répondu qu'il était effectivement, lors des troubles, à Montauban, mais qu'il y avait resté très peu de temps, parce que son bon ami le duc de la Force avait éprouvé quelques dêagréiûeftts ; et de suite, en continuant la conversation sur le même sujet, ledit comte de Lautrec a prié et invité le déposant, ainsi que le sieur Clément, à lui procurer deux cents hommes de bonne volonté et ayant servi, leur disant qu'ils seraient bien payés ; et, à cette occasion, il leur a montré un grand filet rempli de louis d'or qu'il a mis par deux fois dans les mains du déposant, en lui disant qû'il pouvait en prendre, ce que le déposant a refusé ; et alors le comte de Lautrec leur a dit qu'avec le secours des deux cents hommes qu'il leur demandait et d'autres qu'on croyait déjà qu'on soldait, il ferait huit cents hommes, et que, se mettant à leur tête, il se croyait capable d'empêcher la fédération et de faire revenir les choses dans l'état primitif : qu'alors la noblesse et le clergé feraient vivre ceux qui prendraient leur partie; et, pour Convaincre le déposant, ainsi que soû ami, qu'il savait à quoi s'en tenir, il leur a montré une lettre, à lui écrite, par Vitalis» sergent des grenadiers de la seconde légion de Saint-Barthélemy, exaltant beaucoup le mérite de ce légionnaire, ainsi que celui du comte Jean du Barry, et Le Blanc de Pontoise, qu'il leur a dit être les meilleurs citoyen» et les meilleurs catholiques : à raison
de quoi il a néanmoins observé que ledit comte du Bàrry craignait sa légion, mais que la seconde de Saint-Barthélemy allait on ne peut pas mieux et,qu'on pouvait s'incorporer dans cette dernière malgré la municipalité ; qu'il accepterait volontiers d'être nommé général par cette troupe, et que si elle le nommait, il n'irait pas à Barèges. Pendant cette conversation, le déposant et son ami ont vu se présenter et se retirer tout de suite un monsieur d'une taille fort élevée, jeune, maigre, cheveux et sourcils Dlonds, habillé d'une lévite, portant un pantalon d'une étoffe grise, qu'il a soupçonné être le duc de la Force, et qui s'est retiré aussitôt qu'il s'est aperçu que le déposant le regardait, ét plus n'a dit savoir.
Lecture à lui faite de sa déposition, il y a per^ sisté. Requis de signer, et s'il veut taxe, a signé et n'a voulu taxe; et nous sommes signés avec lesdits adjoints, qui ont coté et signé avec nous chaque page de sa déposition à l'instant même et sans déplacer, notre greffier a signé à la fin de la déposition. Antoine Guitard, BellaH, adjoints ; Lacroix, adjoint ; Malpel, Philip, greffiers. Ainsi signé à Voriginal.
DU
Pardevant nous M® Michel-Atbanasé Malpei, avocat au Parlement, officier municipal de la ville de Toulouse, dans la chambre d'instruction de la maison-commune,-et en présence des sieur3 Bellan et Lacroix, adjoints, nommés par la municipalité, dûment sermentés, que nous avons appelés, a comparu :
Le sieUr Jonery, marchand, témoin assigUé à la requête du procureur du roi, par èxploit de cejottrd'hui, fait par Lempé, huissier, comme il nous a fait apercevoir de sa copie : ouï, moyennant serment par lui prêté, sa main mise sur les saints Evangiles, à promis et jût'é dire vérité.
Enquis de ses noms, surnoms, âge, qualités et demeure, et s'il est parent, allié à quelque degré, serviteur ou domestique dè l'une des parties:
A répondu s'appeler le sieur Bernard-Joseph Jonery, âgé de quarante-huit ans, marchand épicier, logé place du Pont-neuf, et n'être poiût parent, allié en aucun degré, serviteur ni domestique d'aucune des parties.
Et sur le contenu au réquisitoire du roi, à lui lu mot à mot, et donné à entendre :
Dépose que le jour d'hier, après six heures du soir, il vit arrêter devant sa boutique, une chaise à porteurs de laquelle sortit un monsieur que les porteurs dirent être le comte de Lautrec» qui venait pour attendre sa voiture qui devait venir le prendre ; et le déposant lui ayant offert d'entrer dang sa boutique pour attendre plus commodément, ce monsieur se lia de conversation avec lui, au sujet de quelques légionnaires, membres de là légion de la Dalbade, qui passèrent un moment après, en demàndàrit de quelle légion ils étaient : à quoi le déposant ayant répondu qu'ils étaient de celle dé la Dalbade, il a répondu : nesï-ce pas la légion calotte ? Et cèlâ d'Un toù de dérision. Ensuite il demanda au déposant de quelle légion il était, et le déposant lui ayânt répondu qu'il était de celle de la Daurade, ledit comte de Lautrec lui demanda de combien d'hommes elle était composée; à quoi le déposant répondit qu'elle était composée au moins de deux mille, ce qui surprit le comte de Lautrec, qui lui demanda aussitôt si tous prendraient les armés, au caB où il fut besoin d'un coup de
main ; et le déposant répondit quo peut-être Ioub ne les prendraient point, parce qu'il y en avait que leur âge en détourneraient, mais que l'on pouvait compter sur dix-sept cents qui les prendraient, ce qui excita une vive surprise sur l'esprit dudit sieur comte de Lautrec. Il demanda ensuite au déposant quel était le général des légions de Toulouse ? à quoi le déposant ayant répondu que c'était M4 Douziels, ledit comte de .' Lautrec repondit qu'on aurait dû prendre un an-* cien militaire, chevalier de Saint-Louis, tel par exemple que M» deGambon $ et le déposant ayant ajouté que M? Douziels ayant très bien servi» était très propre pour cette place, et qu'il s'employait avec tout le zèle possible; La voiture qui devait venir prendre le comte dé Lautrec arriva aussitôt traînée par deux ohevaux blancs aux oreilles très courtes, que le déposant reconnut être celle du sieur Dutré, propriétaire du château de Blaignac, ayant reconnu aussi le cocher qui la conduisait, pour être celui dudit sieur Dutré, et plus d'à dit savoir.
Lecture à lui faite de sa disposition, il y a persisté. Requis de signer et s'il veut taxe, à signé et n'a voulu taxe, et nous avons coté et signé avec lesdits sieurs Bellan et Lacroix, adjoints, chaque page de ia déposition ; à l'instant même et sans déplacer, notre greffier a signé à la fin de la déposition* Jure* ; Bellan, adjoints; Lacroix adjoint ; Malpel Officiel» rhunicipal ; Philip, greffier. Ainsi signé à VoHginaU
Du 17 juin, etc. Par-devant nous, etc, a comparu le siéur Clément dit MontaUban, grenadier de la légion de ia Daurade, témoin assigné à la réquête du procureur du roi, par exploit de eejourd'hui, etc. Enquis de ses noms, surnoms, âge, qualités et demeure, ét s'il est parent ou allié :
A répondu s'appeler Jean-Marc Clément, âgé de quarante-cinq ans, garçon serrurier, grenadier de la DaUrade, logé chez le sieur Gouranjon, maître coutelier, et n'être parent ni allié.
Dépose que cejourd'hui, s'étant rendu au lieu de Blaignac, vers sept heures du matin, et ayant su que le sieur comte de Lautrec, son ancien colonel au régimeot de Gondé, dragons, était au château dudit Blargnac, chez le sieur Dutré, il s'y est rendu avec le sieur Guitard, chasseur de la légion de Saint^Pierre s où étant, il s'est adressé au nommé Miehel, un des domestiques dudit château» qu'il a prié de lui avoir une entrevue avec le sieur de Lautrec ; et ayant été introduit dans la chambre de ce dernier, il a été aussitôt reconnu de lui sous le nom de la Jeunesse, son ancien nom de guerre, et a reçu de lui toutes sortes de témoignages d'amitié, ainsi que ledit sieur Guitard, son ami, qui ne l'a jamais quitté; et étant venu à parler des affaires publiques, le sieur comte dfe Lautrec leur a dit que la confédération qui devait être faite à Toulouse, le 4 du mois prochain, était préjudiciable au peuple qui n'avait plus de quoi vivre, par l'effet de l'enlèvement des biens du clergé et de la suppression des privilèges de la noblesse; qu'il fallait, en conséquence, l'empêcher; que M. Douziels, général des légions, était un drôle, et que, si on voulait le nommer, lui, comte de Lautrec à cette place, il viendrait de suite résider à Toulouse; sur quoi le sieur Gui-tard lui ayant dit qu'il croyait l'avoir vu à Mon-tauban, lors des troubles, parce qu'un dragon le lui avait fait connaître, le comte de Lautrec lui a répondu qu'il y était effectivement, mais qu'il en était bientôt sorti, à cause des désagré-
ments qu'on avait donnés a Son ami le duc de la Force.
Après quoi il a prié et invité tant le déposant que le sieur Guitard, de lui proburefr deux cents hommes de bonne volonté, anciens militaires, en leur disant qu'ils seraient bien payés; auquel effet, il leur a montré un grand filet rempli de louis d'or, en leur disant : « prenez, si vous le voulez, et vous serez encore bien payés » ; ce que le déposant et son ami ont refusé. Ledit comte de Lautrec leur, ayant dit qu'avec les deux cents hommes qu'i} leur demandait ét autres qui étaient déjà soldés, il y aurait un nombre de nuit autres hommes, et qu'étant à leur tête il se faisait fort d'empêcher la confédération et de rétablir l'ancien état de choses, ce qui serait suivi de récompenses que la noblesse et le clergé ne manqueraient pas de répandre pouf faire subsister ceux de leur parti ; et pour mieux engager le déposant et son ami, il leur a montré une lettre signée Yitalis, sergent des grenadiers de la seconde légion de Saint-Barthélemy, en disant que ledit Vitalis, le comte Jean duBarry et Le Blanc de Pon toise, le père, étaient les meilleurs citoyens et les meilleurs catholiques de la ville de Toulouse; que le sieur du Barry ne comptait pas tout à fait sur sa légion de Saint-Firmin, mais que la seconde de Saint-Barthélemy était sûre ét ferme dans ses principes ; qu'on pouvait s'incorporer dans cette dernière sans avoir à craindre la municipalité, et que si la troupe formée, tànt de Cette léglUn quedesautres membres qui voudraient s'y réunir, voulait le nommer général, il n'irait pas àBarèges ; ajoutant le déposant que, pendant la conversation, son ami et lui, virent, entr'autres personnes, un homme de belle taille, maigre, cheveux et sourcils blonds, ieune, portant une lévite et des pantalons d'étoffe grise, qui disparut aussitôt qu'il fut observé tant par le déposant que par ledit Guitard son ami, et qu'ils imaginèrent être le duc d'Àumont; et plus n'a dit savoir.
Lecture à lui faite de sa déposition, il y a persisté. Requis de signer et s'il veut taxe, a signé et n'a voulu taxe, et nous avons coté et signé chaque page de ia déposition avec lesdits Bellan et Lacroix, adjoints : à l'instant même et sans déplacer, notre greffier a signé à la fin de la déposition, Clément; Bellan,adjoints;Lacroix,adjoint; Malpel, officier municipal-, Philip, greffier. Ainsi signé à Voriginal.
Le Procureur du roi.
Vu notre requête en plainte, l'ordonnance d'en-quis, l'ëiploit à témoins, et le présent cahier d'information, le tout en date de cejourd'hui, requiert que l'y dénommé Gomte de Lautrec soit décrété de prise de corps, ce 17 juin 1790. Moissu, procureur du roi. Ainsi signé à l'original.
Nous, maire et officiers municipaux, vu le réquisitoire du procureur du roi, avec les pièces y énoncées, le tout devant nous rapporté, en présence des sieurs Bellan et Lacroix, adjoints, ordonnons que l'y dénommé sieur comte de Lautrec, ancien colonel au régiment de Gondé, dragons, sera pris et saisi au corps et conduit dans nos prisons, pour y ester à droit. Délibéré au Consistoire, en présence des sieurs Bellan et Lacroix, adjoints nommés par la municipalité, que nous avons fait appeler, ce 17 juin 1790 ; Rigaud, maire ; Bertrand, aîné, officier municipal ; Malpel, officier municipal; Vignoles, officier municipal; Saint-Raymond Sarazin, officier municipal; Marie, aîné, ofhcier municipal ; Esquirol, officier municipal ; Gary, officier municipal; Boubêe, officier municipal ; Castainz, officier municipal ; Babas, offi-
cier municipal; Bellan, adjoint; Lacroix, adjoint; Maras} assesseur, rapporteur; Philip, greffier. Ainsi signé à Voriginal.
Collationné : Philip.
Le 11 juillet 1790, a comparu le sieur Giscarole.
Enquis de ses noms, etc.
A répondu s'appeler Pierre Giscarole, âgé de trente-deux ans, maître tonnelier, habitant du lieu de Blagnac.
Déposenesavoirautrechose,sinonqueM. deLau-trec a résidé au château de Blagnac pendant cinq à six jours du mois dernier, et que dans cet intervalle, plus n'est venu à Toulouse, et plus n'a dit savoir.
DU
A comparu le sieur Grenade, cordonnier.
Enquis de ses noms, etc.
A répondu s'appeler Jean Garens Grenade, âgé d'environ quarante-huit ans, maître cordonnier du lieu de Blagnac.
Déposesavoirseulement que M. deLauirecaresté pendant septàhuit jours au château de Blagnac, et ignore si, dans cet intervalle, il est venu à Toulouse, et plus n'a dit savoir.
DU
A comparu le sieur Rony.
Enquis de ses noms, etc.
A répondu s'appeler Pierre Rony, âgé de quarante-trois ans, ménager de son bien, et habitant de Blagnac.
Dépose savoir que M. de Lautrec a resté en visite chez le sieur Dutré, au château de Blagnac, pendant cinq à six jours, et qu'il l'a vu une seule fois venir à Toulouse, et en revenir le même jour, et céla dans le mois de juin dernier, et plus n'a dit savoir.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
annonce qu'il a présenté à la sanction du roi six décrets, savoir :
1° Celui du 9 juillet, portant suppression des offices de jurés^priseurs ;
2° Celui du 10, portant que les biens des non-catholiques qui sont entre les mains des fermiers de la régie aux biens des religionnaires, seront rendus aux héritiers, successeurs desdits fugitifs;
3° Celui du 12, qui fixe définitivement la division du département de l'Eure eu six districts;
4° Celui du même jour qui continue à l'économe général du clergé la régie qui lui est confiée;
5° Celui duN13, portant qu'il sera informé par
6° Celui du même jour, qui enjoint aux directoires des départements de charger, sans délai, les directoires de district de se faire représenter par les receveurs les registres de leurs recouvrements, afin d'établir la situation des collecteurs et de chaque municipalité du district.
fait une motion pour que la question relative au payement des électeurs de département et de district, soit renvoyée au comité de Constitution, afin que, s'il y a lieu, il présente un projet de décret sur la matière, dans le plus court délai possible;
Le renvoi de la motion au comité de Constitution est ordonné.
Les députés du district de Brigoolles à la fédération demandent à l'Assemblée de fixer l'indemnité qui doit être allouée aux gardes nationales fédérées, pour leurs frais de voyage.
(de Saint-Jean-d'Ange ly). Il y a déjà des difficultés à ce sujet dans plusieurs départements. Elles n'auront vraisemblablement pas de suite. Le désintéressement dont les gardes nationales ont donné tant de preuves, et auquel je m'estime heureux de pouvoir rendre hommage dans le sein de cette Assemblée, m'en est garant. Il paraîtrait cependant convenable de rendre à cet égard un décret général.
J'observe que les districts ont été chargés'de cette fixation par un de vos décrets. Il serait convenable de tarifer l'indemnité qui sera due, sauf à faire régler les difficultés, s'il en survient, par les directoires de département.
met aux voix un projet de décret qui est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale a décrété que les directoires de district fixeraient la somme à attribuer aux députés à la fédération dans les districts où elle n'a pas été réglée ; et qu'en cas de difficultés, elles seraient référées au directoire de département qui les jugerait. »
Diverses députations, parmi lesquelles plusieurs sont envoyées par les districts de province, demandent à être admises à la barre.
La multiplicité des députations a déjà fait perdre un temps considérable à l'Assemblée. Elle avait rendu, lors de sa translation, un décret dont l'événement a prouvé la sagesse. Je demande qu'il soit exécuté;
On pourrait faire une exception pour les députations de département et de district.
Vous obligeriez beaucoup les députations déjà arrivées ou qui sont en route, en refusant de les recevoir, surtout celles qui arrivent des extrémités du royaume; je propose de fixer un terme au delà duquel on n'en admettra "plus, et je demande qu'on introduise à la barre toutes celles qui se présenteront jusque-là.
Gette proposition est adoptée et le décret sui-yant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète que, passé le
premier d'août prochain, elle ne recevra plus aucune dèputation des municipalités de cantons ou des districts. »
lit un état des diverses pièces envoyées par le premier ministre des finances, en ces termes :
Le premier ministre des finances a l'honneur d'adresser à l'Assemblée nationale :
1° L'état des reprises du Trésor royal provenant de créances qui ne produisent pas d'intérêt, ou d'objets en retard de payement;
2° L'état des reprises provenant de créances portant intérêt, et remboursables à des époques fixes ;
3° L'état des reprises qui sont devenues des objets contentieux ;
4° L'état des reprises sur des comptables ou autres personnes en faillite ;
5« L'état des articles de comptabilité, au nombre de dix, dont la comptabilité simplement n'est plus encore réglée;
Enfin, on a joint à ces divers états, qui remontent à une époque très éloignée, le rapport détaillé que vient de faire le sieur Turpin, contrôleur adjoint des restes et des bons d'Etat, de la situation dans laquelle se trouvent aujourd'hui les diverses poursuites judiciaires dont il est chargé.
Le sieur Basly, contrôleur-titulaire des restes et des bons d'Etat, à qui le premier ministre des finances a demandé un semblable rapport, ne l'a pas encore terminé, mais il le promet sous peu de jours.
Ces pièces sont renvoyées au comité des pensions.
Un de MM. les secrétaires rend compte que la commune du bourg de Moreuil offre un don patriotique de 4,959 liv. 12 sols en divers articles.
, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier. Il est adopté.
annonce que M. de Fontanes fait hommage à l'Assemblée d'un poème séculaire ou chant pour la fédération du 14 juillet.
L'ordre du jour est un rapport sur les troubles de Lyon.
Je viens, au nom du comité des rapports, occuper encore l'Assemblée des entrées de la ville de Lyon. Le peuple, excité par des insinuations secrètes et des déclamations incendiaires, avait, dans les sections respectives, fait des pétitions pour demander ia suppression des entrées. La municipalité, ayant proposé de convoquer la commune afin de temporiser, s'adressafà vous, et, le 13de ce mois, l'Assemblée ordonna que les droits seraient perçus. Pendant ce temps, le peuple se forma en une assemblée que la municipalité fut contrainte à autoriser. Des commissaires furent nommés et choisis parmi les auteurs des troubles. Ils déclarèrent qu'il était utile de faire cesser toute perception aux entrées de la ville, excepté celle des. droits de douane, pour les remplacer par une imposition générale. Le peuple alors se porta aux barrières et chassa les commis. Cette expédition s'est faite sans pillage, mais des denrées qui, par une prédestination assez singulière, se trouvaient aux environs des portes, sont entrées en très grande quantité sans payer de droits. Les com-
missaires présentèrent leur délibération aux officiers municipaux, et les invitèrent à faire cesser la perception des droits et rendre une ordonnance pour faire jouir les citoyens d'une diminution proportionnelle. La municipalité et le conseil de la commune, menacés de la fureur du peuple, n'ont pu résister à cette invitation. C'est dans ces circonstances que le comité des rapports présente le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le compte que lui a rendu son comité des rapports, de ce qui s'est passé dans 1a ville de Lyon depuis les faits qui ont donné lieu à son décret du 13 de ce mois;
« Considérant que la chose publique serait en danger si les insurrections contre l'impôt étaient tolérées ;
« Que le peuple de Lyon, connu par son attachement à la Constitution et sa soumission aux lois, a été égaré par d'insidieuses déclamations, dont les auteurs sont les vrais coupables, dignes de toute la sévérité des lois;
« Invitant ce peuple, au nom de la patrie, à réserver sa confiance aux officiers municipaux dont il a fait choix, et à attendre du nouvel ordre qui sera mis dans les finances, tous les soulagements qui seront compatibles avec les besoins de l'Etat ;
« A décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. « Les procès-verbaux, contenant nomination et
délibération des prétendus commissaires des trente-deux sections de la ville de Lyon, des 9 et
10 de ce mois, sont et demeurent nuls et comme non-avenus, ainsi que tout ce qui a suivi; et
cependant l'Assemblée nationale ordqnne que les pièces relatives à cette affaire seront
remises à son comité des recherches qu'elle charge de prendre tous les renseignements
nécessaires contre les auteurs des troubles dont il s'agit, notamment contre les particuliers
qui ont fait les fonctions de président et de secrétaires dans l'assemblée desdits prétendus
commissaires, afin qu'il soit procédé contre eux selon ia rigueur des lois.
Art. 2. « Le décret du 13 de ce mois sera exécuté suivant sa forme et teneur; et à cet effet les barrières de la ville de Lyon seront incessamment rétablies, et les commis et préposés à la perception des droits qui y sont exigés, seront remis en possession de leurs fonctions, et le roi sera supplié d'employer la force armée en nombre suffisant pour protéger efficacement le rétablissement des barrières et la perception des droits ; laquelle force sera employée à la réquisition des corps administratifs, conformément à la Constitution.
Art. 3. « Dans la quinzaine, après la publication du présent décret, les cabaretiers, marchands et autres citoyens de la ville de Lyon, pour le compte desquels sont et seront entrées des denrées et marchandises sujettes aux droits, pendant la cessation des barrières, seront tenus d'en faire dans les bureaux respectifs la déclaration, et d'acquitter les droits à concurrence ; et passé ce délai, le roi sera supplié' de donner des ordres pour qu'il soit informé contre ceux qui n'auront pas fait la déclaration et le payement des droits dont il s'agit, sans préjudice de la responsabilité des citoyens composant la commune, qui sera exercée, s'il y échoit, et ainsi qu'il appartiendra.
« Et l'Assemblée ordonne que son président se retirera dans le jour vers le roi pour supplier Sa Majesté d'accorder sa sanction au présent décret, et de faire donner les ordres nécessaires
pour qu'il soit mis à prompte et entière exécution. »
Je m'étonne qu'il ne soit pas question, dans ce décret, des gardes nationales. Ni elles, ni la municipalité n'ont fait la résistance nécessaire pour arrêter les entreprises du peuple. Il est au moins à propos de leUr rappeler leurs devoirs. Les officiers municipaux de Lyon doivent être déclarés responsables des désordres qu'ils n'ont pas empêchés.
Du moment où un officier municipal accepte la place à laquelle il est élevé parla confiance de ses concitoyens, il doit être déterminé à remplir ses devoirs au péril même de sa vie. S'il s'arrête ou s'il cède, quand il faut agir ou résister, qu'il abandonne un poste dans jequel il n'a pas le courage tjé mourir. Que djriez-yous d'un militaire qui fuirait devant l'ennemi ? Il n'obtiendrait que Votre mépris, Que penseriez-vous d'un officier municipal qui ne serait pas disposé à exposer sa vie pour le maintien de la Constitution et pour l'exécution de vos décrets?
, La correspondance particulière de plusieurs d'eqtre nous, nous a appris que les officiers municipaux de Lyon ont fait tous leurs efforts pour arrêter le desordre. J^é îpaire, citoyen respectable, a (surtout inpntré autant de courage que de &èle : il s'est présenté au peuple mutiné; il lui a ordonné de rentrer danàl'ordre; il l'a supplié de ne pas se livrer à des excès que des mauvais citoyens seuls pouvaient se permettre. Tous les moyens ont été inutiles : il a fallu céder à une force à laquelle il était impossible de résister.
On oublie que la garde nationale de Lyon n'est pas complète, qu'elle n'est point organisée, et que, malgré le zèle des individus qui la composent, elle ne pourrait résister aux citoyens luâçtifsqui remplisse ntnos manufactures, et qui sont quatre fois plus nombreux qu'elle. Elle n'a pas dû résister, les officiers municipaux n'ont pas dû l'exiger, ils auraient inutilement fait répandre le sang deB citoyens. GeS officiers sont cependant inculpés ; j'assure qu'ils sont honnêtes ; que ceux de mes collègues nui les connaissent, disent qu'ils ne sont pas fermes et courageux. Je demande, coipme M. le rapporteur, que la garde nationale de Lyon soit fortifiée ; je demande qu'au lieu de l'accuser on l'organise. Le peuple est bon ; ses ennemis l'égarent ; ce sont ses ennemis qu'il faut contenir.
met aux voix le projet de décret ducomité des rapports. Il est adopté sans changement.
, au nom du comité de Constitution. Messieurs,, la ville de Riberac, chef-lieu de district, offre, plus que toute autre ville du royaume, une preuve de l'inconvénient du trop grand nombre des municipalités actuellement existantes, et de la nécessité de les réduire. Dette ville est de deux paroisses, nommées Saint^Martin et Saint-Martial, dont les clochers sont à un quart de lieue de la ville, en sorte que Riberac n'a ni curé, ni église paroissiale dans son sein, mais seule» ment deux églises succursales, où les curés viennent faire au besoin les fonctions curiales. Les bourgs de Saint-Martin et Saint-Martial n'ont pas voulu se réunir à la ville de Riberac, pour former
entre eux une seule municipalité. La ville de Riberac a été obligée de constituer la sienne, de manière que, dans un espace de territoire on ne peut moins étendu, et pour une très mince population^! y» trois municipalités en activité. L'une des trois,' celle du bourg de Saint-Martin, non contente de son territoire, a tenté d'exercer sur la ville de Riberac des actes d'autorité : elle entend même avoir seule droit de procéder à la confection des rôles des contribnableB de Riberac, tandis que cette ville prétend, au contraire, que sa municipalité doit attirer à elle la municipalité des deux bourgs voisins. De cette mésintelligence résulte un retard dans la répartition et la levée des impôts; votre comité de Constitution a tenté vainement de conoiliér cette difficulté par différents avis, auxquels les prétentions particulières n'ont pu céder; mais le grand intérêt de la perception des impôts, sans laquelle il ne peut exister d'empire, l'oblige de vous proposer le projet de décret suivant;
« L'Assembléé nationale autorise l'administration du département de la Dordogne à prononcer, après avoir vérifié les faits, sur l'union des trois municipalités établies dans la ville de Riberac, les bourgs de Saint-Martin et de Sainte-Martial et décrète que ces trois municipalités conserveront provisoirement l'administration, chacune dans leur territoire; mais qu'elles se réuniront à Riberac, pour procéder à la répartition des impositions dans les dépendances des paroisses de Saint-Martin et dè Saint-Martial. » (Adopté.)
demande à l'Assemblée de vouloir bien décider ce qui concerne l'ordre du jour de la séance de cette après-midi, à laquelle ont été ajournées : l'affaire des retours du commerce de l'Inde, jeudi dernier, hier matin celle de la ville d'Orange, et depuis plusieurs jours celle de Schelegtadt, et qu'il y avait aussi plusieurs députations à recevoir.
L'Assemblée décide aue l'on commencera la séance par l'affaire d'Orange , qu'on passera ensuite à celle deSchelestadt, enbn à celle des retours de l'Jnde, si le temps le permet : et que si elle ne peut être terminée, il sera tenu pour elle une séance extraordinaire lundi au spir, dans laquelle aucune députation ne sera admise.
L'ordre du jour est un rapport du comité d'aliénation des biens nationaux sur le retrait ligna-ger{l)f
, rapporteur. Messieurs, vous avez, en abolissant, par votre décret du 13 juin dernier, les retraits de bourgeoisie et de communion, ajourné à quinzaine la question de savoir si vous deviez abolir également le retrait lignager.
Ce décret ayant été rendu sur un rapport qui vous avait été fait par votre comité de l'aliénation des biens nationaux, ce même comité s'est cru obligé d'en suivre les errements ; il s'est, en conséquence, occupé du retrait ligoager, et il vient aujourd'hui vous présenter le résultat de son travail.
En examinant, sous tous les rapports, ce droit antique en vertu duquel un parent est admis
à se faire subroger aux achats que des étrangers font des biens de sa famille, votré comité a
cru devoir se fixer principalement à deux pointa, L'abolition de Ce droit est-elle
indifférente, ou
Si vous pensez qu'il soit avantageux, pour faire valoir les biens nationaux, de les affranchir du retrait lignager, ne devez-vous pas en affranchir également tous les autres biens du royaume, et nyest-il pas digne de votre sagesse de saisir cette occasion pour abroger un abus qui se rencontre, pour ainsi dire, sur votre passage? C'est le second point*
Je reprends séparément chacun de ces deux points.
Sur le premier, une réflexion se présente d'abord à tous les esprits. Les biens nationaux, dit-on, ne tiennent à auoune ligne, à aucune parenté; il est donc très indifférent, pour exciter le zèle des acquéreurs de, ces biens, que le retrait lignager cesse ou continue d'avoir lieu eu France.
Ce raisonnement est en effet très spécieux. Cependant, si vous le rapprochez de l'article 11 du titre III de votre décret du 14 mai, et de l'article 10 de votre décret des 25, 26 et 29 juin dernier, vous le verrez s'évanouir.;
En effet, par ces articles, vous avez accordé des exemptions de contrôle, non seulement aux acquisitions qui vont être faites de biens nationaux, mais encore aux reventes que les acquéreurs ou leurs héritiers en pourront faire, même à celles qui pourront être faites par les personnes à qui ceux-ci auront revendu, et cela pendant le terme de .15 ans dans un cas* et de 5 ans dans un autre.
Par là, vous avez reconnu bien positivement que, pour encourager les acquéreurs, il ne suffit pas d'écarter des premières ventes qui vont leur être faites, les obstacles propres à diminuer à leurs yeux 1a valeur des biens nationaux; mais qu'il faut également éloigner ces obstacles des reventes qu'ils pourraient faire eux-mêmes et que pourraient, à leur tour, faire leurs acheteurs.
En partant de ce principe, il ne sera pas difficile d'apercevoir les rapports qui peuvent lier l'abolition du retrait lignager au succès de l'aliénation.des biens nationaux.
Cette liaison est évidente dans les coutumes qui soumettent les acquêts au retrait lignager. Car, si je prévois dès à présent qu'après avoir acquis des biens nationaux, je ne pourrais pas les revendre, sans qne toute ma famille fût admise à les retirer, il est clair que je ne les porterai pas à toute leur valeur, puisque moi-même, en les revendant, je n'en tirerais pas le prix qu'ils vaudraient réellement.
Et il ne faut pas croire que les acquêts ne soient soumis au retrait que dans quelques coins de la France. Ils y sont soumis dans la coutume] de Normandie, article,352; dans celle d'Anjou, article 366 ; dans celle du Maine, article 376 ; dans celle de Poitou, article 358 ; dans celle de Lodu-nois, article 152: dans celle de Touraine, ar-! licle 156: dans celle d'Angoumois, articles 55 et 64; dans celle de la Rochelle, article 29j dans celle de Saintonge au siège de Saint-Jean-d'An-gelv, article 43; dans celle de Saintonge entre Mer et Charente, articles 30 et 36 ; dans celle de Bordeaux, article 14: dang celle d'Ax, titre 12, article 1er; dans celle de Saint-Sever, titre 5, article 2rdans celle de Bergerac, article 39; enfin dans celle de Bretagne, article 298. Et tel est également l'usage dé là Provence, COflàEpè Pat-{ teste Mourgues sur l'édit de 1472.
Vous voyez donc, Messieurs, qu'une grande partie du royaume admet le ^ait lignager pour
les acquêts comme pour les propres ; ainsi voilà déjà Une grande partie du royaume intéressée à ce que le retrait soit aboli, afin qu'il ne puisse pas atteindre les reventes qui pourront être faites par les acquéreurs des biens nationaux,.
Je vais plus loin, et sans doute. Messieurs, vous m'avez prévenu sur ce que j'ai à dire relativement aux provinces dans lesquelles il n'y a de sujets au retrait lignager que les propres. Vous le savez, un bien devient propre dès qu'une fois il est transmis d'une main, dans une autre, soit par succession, soit par donation en ligne directe; voilà du moins la maxime la plus généralement reçue. Ainsi, les biens nationaux qui feront acquêts dans la personne des premiers adjudicataires, deviendront propres dans celle de leurs héritiers ou des donataires de leur descendance; et conséquemment ni ees héritiprs ni ces donataires ne pourront les vendre sans donner ouverture au retrait. Or, je le répète, si vous avez cru devoir étendre jusqu'aux reventes qui pourraient avoir lieu pendant cinq et même pendant quinze ans, les privilèges et les encouragements qui vous ont paru nécessaires pour aiguillonner les premiers enchérisseurs des biens nationaux, quelle raison y aurait-il pour que vous laissassiez entrevoir à un père de famille qui, dans un âge avancé, serait amateur d'acquérir quelqties-uns de ces biens, que si tin jour ses enfants avaient besoin de las revendre, ils ne pourraient le faire qu'à perte, parce que le retrait lignager, dont ces biens seraient menacés, en diminuerait nécessairement la valeur?
Il n'est donc pas douteux l'avantage que la nation retirerait de l'abolition du retrait lignager, dans la vente qui va s'ouvrir des biens qu'elle a à sa disposition; mais si cette abolition est avantageuse à la nation, non seulement vous pouvez, mais vous devez la prononcer; car la nation ne vous a appelés ici que pour régler ses intérêts de la manière la plus utile pour elle i et ce serait manquer à votre mission ; ce serait trahir votre devoir que de laisser échapper un seul moyen d'améliorer son sort.
Maintenant une autre question se présente; et c'est la seconde de celles que j'ai annoncées. Si vous affranchissez du retrait lignager les biens nationaux que vous mettez en vente, devez-vous en affranchir également les autres biens, et le retrait lignager doit-il entièrement disparaître de dessus la surface de l'Empire français?
Je l'ai déjà dit, si le retrait lignager est un abus, nous devons en hâter l'abrogation; car quoique nous ne puissions pas encore nous occuper de la refonte générale de nos lois civiles, il suffit que nous rencontrions dans notre route une institution vicieuse et nuisible, pour que nous soyons autorisés Je dis plus, pour que nous soyons obligés de la proscrire.
Mais le retrait lignager est-il un abus? Cette question est subordonnée aux différents points de vue sous lesquels le retrait lignager doit être considéré.
Premièrement, les motifs qui ont fait-introduire en France le retrait lignager, ceux qui l'y ont fait eonserver jusqu'à présent, sontrils encore compatibles avec nos mœurs actuelles ?
En second lieu, le retrait lignager esMl utile à la société, ou, en d'autres termes, favorise-t-il l'agriculture et le commerce?
Enfin, procure=t=ii réellemeat et généralement aux familles les avantages qu'il semble leur promettre %
Avant de prononcer sur ces questions, exami-
nons-les chacune avec l'attention qu'elles méritent.
D'abord, les motifs qui ont fait introduire parmi nous le retrait lignager subsistent-ils encore aujourd'hui ?
Si le retrait lignager n'avait eu pour but, dans son institution,' que de flatter l'attachement des hommes aux biens de leur famille, on pourrait dire que le goût auquel il doit l'être, n'est pas éteint ; et tel est effectivement l'hypothèse qu'il faudrait adopter, si c'était des Romains que ce retrait nous fût venu ; car on sait que les Romains avaient admis les parents à retirer les biens vendus par leurs parents, sans autre motif que de conserver le patrimoine des familles ; et l'on sait aussi que la législation romaine fut la seule et unique législation des Gaules, pendant les quatre siècles qui précédèrent les conquêtes des Francs.
Mais ce qui prouve que notre retrait lignager ne nous vient pas des Romains, c'est que celui qui avait pris naissance sur les bords du Tibre, et qui de là s'était répandu dans les Gaules, fut aboli dans les Gaules mêmes par une loi des empereurs Valentinien, Théodose et Arcadius, qu'on trouve dans le code Justinien, sous le titre ae contrahendâ emptione.
D'où vient-il donc lé retrait lignager que nous voyons établi en France? Ouvrons Tacite, et bientôt nous verrons qu'il ne peut venir que de la Germanie; bientôt nous serons convaincus, avec un des plus habiles et des plus savants modernes (1), que c'est de la Germanie que les Francs en ont apporté dans les Gaules, sinon la loi toute formée, au moins les éléments ; bientôt nous sentirons qu'ils ne l'ont établie, et qu'ils ne l'ont maintenue que d'après des principes puisés, non dans de simples habitudes domestiques et privées, mais dans leur gouvernement politique et dans leurs mœurs nationales.
Chez ce peuple pauvre et nomade qu'on appelait Germains, et dont toutes les possessions consistaient en meubles de peu de valeur, les successions appartenaient de plein droit aux familles; toute disposition testamentaire y était défendue, et les chevaux, les vêtements, les armes du défunt, car c'était là toute sa richesse; passaient nécessairement à son plus proche héritier.
D'où pouvait naître un tel régime? De l'attachement des familles à de simples meubles? Sans doute; mais cet attachement n'avait-il pour motif qu'un prix d'affection? Il serait ridicule de le penser, et il est bien plus naturel de s'en tenir au motif qui nous est indiqué par Tacite.
Tacite nous apprend que chez les Germains, tous les individus d'une famille étaient obligés d'épouser leurs querelles mutuelles; que les intérêts d'un particulier devenaient ceux de tous ses parents ; qu'ils devaient concourir tous, soit à le venger, soit à le soutenir. Suscipere tam inimi-citias, seu patris, seu propinqui, quàm amicitias necesse est.
C'est de là que s'est formé, parmi nos ancêtres, ce droit de guerre privée qui fit verser
tant de sang en France, et que la force de l'habitude prolongea jusque sous le règne du roi
Jean. S'agissait-il d'un champ usurpé? on se battait; d'un meuble volé? on se battait; d'une
fille déshonorée? on se battait encore ; toute injustice, toute oppression, toute injure
armait aussitôt deux
Il n'y avait qu'un moyen légal de terminer la guerre : c'était que la famille offensante payât à la famille offensée les compositions fixées par la loi. Et il est à remarquer que même dans le payement de ces compositions, on considérait tous les membres de la famille offensée, comme intéressés personnellement à sa vengeance ; car les enfants d'un homme assassiné, ne devaient recevoir que la moitié de la somme à laquelle était condamné l'assassin, et les plus proches parents, tant paternels que maternels, partageaient entre eux l'autre moitié (2).
Le même esprit éclatait encore dans cette autre disposition de la loi, qui laissait à chacun la liberté de renoncer à sa famille, et par là de s'affranchir de tous les devoirs militaires et domestiques qu'elle lui imposait: ce qu'il ne pouvait obtenir qu'en s'excluant à jamais, et du droit de requérir les secours de ses parents quand il était attaqué ou offensé, et de l'avantage de leur succéder ou de prendre part aux réparations pécuniaires que leur mort pouvait provoquer (3).
Les familles étaient donc pour ceux de leurs membres qui demeuraient unis, des espèces de républiques. Faut-il s'étonner après cela qu'on ait pris tant de précautions pour empêcher que les biens dont elles étaient en quelque sorte dotées, ne sortissent de leur sein ? D'une part, elles avaient des compositions à payer ; de l'autre, il était juste que la succession d'un parent devînt le prix des combats qu'on avait soutenus pour lui. Sous ce double rapport, la loi devait veiller et veillait en effet à ce que les biens d'une famille ne passassent point dans une autre.
De là ces dispositions des codes de nos pères, qui excluaient les filles des successions parce qu'elles ne pouvaient pas s'armer pour les querelles de famille ; qui interdisaient toute institution d'héritier, toute espèce de legs, au préjudice du successeur légitime ; qui défendaient même de vendre malgré les (héritiers présomptifs, sans une nécessité juridiquement constatée; dispositions qui, aujourd'hui encore, sont en vigueur dans plusieurs de nos coutumes.
Et c'est précisément dans ces usages que nous trouvons la source du retrait lignager. Voici comment ils y donnèrent lien.
Lorsqu'un propriétaire avait, sur l'exposé et la preuve de ses besoins urgents, obtenu du
juge la permission de vendre son héritage, il était obligé de l'offrir à ses plus proches
parents, et il ne pouvait en disposer en faveur d'un acquéreur " étranger, que sur leur refus.
Manquait-il à cette formalité ? la loi permettait aux plus proches parents de retirer le fonds
des mains de l'acquéreur étranger, en lui remboursant le prix et les frais légitimes de son
acquisition (4).
Ce n'est donc pas, comme l'ont dit et répété tous les légistes qui ont écrit sur le retrait lignager ce n'est pas dans la seule affection que chacun est censé avoir pour les biens de ses ancêtres, qu'il faut chercher le motif de la loi pàr laquelle ce retrait a été introduit en France ; c'est dans l'obligation où étaient les parents d'embrasser, au péril de leur vie, toutes les querelles les uns des autres, ou, en d'autres termes, c'est dans les guerres privées qui ont si longtemps affligé le royaume.
Mais par là même on voit ce qu'est devenue la cause de l'admission du retrait lignager en France. Il n'est plus de guerres privées ; chaque citoyen ayant échangé contre la protection de la société entière, le droit naturel de poursuivre son ennemi, toute, vengeance particulière est regardée comme une infraction du pacte social, comme un attentat contre l'ordre public. Et puisque ce sont les guerres privées, puisque ce sont les querelles de familles qui ont donné lieu au retrait lignager, il est évident que le retrait lignager est actuellement en France un droit sans càuse. Et s'il est vrai, comme l'enseignent les légistes eux-mêmes, que le motif de la loi cessant, la loi doit cesser en même temps : (cessante ratione legis, cessare debet lex) il n'est pas douteux que le retrait lignager ne doive être aboli.
Si quelque chose doit étonner, c'est que l'abolition n'en ait pas été prononcée plus tôt. Quelle a donc pu être la cause de ce retard? Sans doute, iPne peut être attribué qu'à celte aveugle routine qui a si longtemps conduit les hommes et dirigé leur sort ; mais du moins il n'a plus aujourd'hui de prétexte, puisque, par vos décrets du 15 mars et au 19 juin, vous avez détruit la noblesse héréditaire, et avec elle le droit d'aînesse.
Demandez en effet à Montesquieu, si l'idée du retrait lignager peut se concilier avec celle
d'un gouvernement où tous les citoyens sont libres et égaux en droits ? Il vous répondra que,
même dans Varistocratie, c'est-à-dire dans un gouvernement où il n'y a d'égaux et d'agents de
la souveraineté que des nobles, il ne doit y avoir ni droit d'aînesse ni retrait lignager, ni
aucun des autres moyens inventés d'ailleurs pour perpétuer la grandeur des familles (1). Il
vous dira encore que dans la monarchie organisée selon ses vues, et telle qu'était la France
avant notre Révolution, le retrait lignager ne pouvait être bon qu'à rendre aux familles
nobles les terres que la prodigalité d'un parent avait aliénées, et que le communiquer au
peuple, c'était choquer inutilement tous les principes (2). Il vous dira, par conséquent,
sinon en termes exprès, au moins d'une manière implicite et très claire, que le retrait
lignager est une institution absolument
Voilà" donc notre première question résolue. Le retrait lignager a été introduit en France par des motifs qui ne subsistent plus;et il n'y a été conservé que par des prétextes qui ne peuvent plus s'allier avec l'esprit général de la Constitution française. — Cependant ne précipitons pas encore notre jugement; et voyons, avant de nous décider sur le sort de ce droit antique, si, dans son exercice, il est ou favorable ou contraire aux progrès de l'agriculture et du commerce.
Mais quoil faut-il ouvrir là-dessus une discussion sérieuse ? Non : Montesquieu a dit en deux mots tout ce qu'il est possible de dire sur cette matière : « Le retrait lignager (ce sont ses termes) « fait une infinité de procès nécessaires; et tous « les fonds du royaume vendus sont au moins, « en quelque façon, sans maître pendant un « an (1). »
Et n'y a-t-il pas assez longtemps que nos coutumes elles-mêmes, tout en adoptant le retrait lignager, l'ont marqué du sceau de la réprobation à laquelle l'avaient universellement dévoué tous les amis du commerce et de l'agriculture? N'ont-elles pas toutes mis en principe que l'omission de la moindre des formalités prescrites pour l'exercice du retrait, fait déchoir le retrayant? Et ce principe d'où dérive-t-il ? quelle est la cause qui l'a établi ? quelle est celle qui l'a étendu si loin, et qui en a fait une des maximes fondamentales des quatre ou cinq cents coutumes qui gouvernent la France? N'en doutons pas, c'est cette raison innée qui dicte toutes les bonnes lois ou qui tempère les mauvaises; c'est elle qui a appris à tous les jurisconsultes, à tous lea praticiens, à tous les magistrats, que le retrait gênant le commerce et offensant le droit naturel, devait être regardé partout comme odieux, et que les tribunaux ne pouvaient le prononcer que lorsqu'ils y étaient en quelque sorte violentés par l'observation stricte et littérale de tout ce qu'il fallait pour l'obtenir.
Mais du moins le retrait procure-t-il réellement et généralement aux familles les avantages qu'il semble leur promettre ? C'est la dernière question que je me suis proposé d'examiner, et je réponds sans hésiter : non ; il s'en faut même de beaucoup.
Je ne parle pas des procès dans lesquels le retrait engage les familles, et qui le plus souvent ne finissent que par leur ruine entière. C'est pourtant un assez grand fléau qu'un procès, et je doute qu'on parvienne jamais à convaincre un homme de bonne foi qu'un droit, dont l'exercice l'entraîne inévitablement dans un procès, puisse lui être véritablement avantageux. Mais je m'arrête à une autre considération.
Quel est l'avantage qu'on promet aux familles en leur accordant le droit de retrait lignager
? c'est de conserver dans leur sein les héritages qui y ont fait souche ; c'est conséquemment
d'empêcher que ces héritages ne changent de ligne. — Cependant qu'arrive-t-il par la mauvaise
combinaison de cette vue avec les autres parties du système général de notre législation?
C'est que le retrait lignager, au lieu de conserver les propres dans les lignes, les en fait
sortir presqu'aussi fréquemment que le simple contrat de vente. En effet, ou les coutumes
déclarent acquêts dans la personne du retrayant, les biens qui ont été retirés lignagèrement
(et il y en a un très grand
On me dira que cette considération est étrangère aux coutumes dans lesquelles le retrait lignager est admis pour les acquêts comme pour les propres; et, en effet, il est impossible defne pas convenir que, sous ces coutumes, la conservation des propres dans les lignes dont ils oroviennent, n'a pas été le but qu'on s'est propose.
Mais je répondrai avec Dumoulin que, par cela même, ces coutumes sont d'autant plus odieuses, d'autant plu? iniques, conséquemment d'autant plus dignes de la proscription que je sollioite pour toutes. Hœe consuetudo est odiosa et > iniqua, > dit ce jurisconsulte sur l'article 366 de celle du Maine.
Au surplus, j'oserai inviter ceux qui croiraient le retrait lignager avantageux aux familles^ à jeter les yeux sur les provinces et les villes où il n'a pas lieu, telle qu'une partie considérable des pays de droit écrit, tels encore que les territoires des coutumes de Douai, d'Arras, d'Hesdin, du Gambresis, du bailliage de Bapaume, telle aussi que la chatellenie d'Issoudun dans le Berri ; et je leur demanderai si, dans ces provinces, dans ces villes, dans ces cantons, les familles leur paraissent moins heureuses que partout ailleurs, et, en cas qu'elles le soient moins en effet, si c'est aU défaut du retrait lignager qu'il faut attribuer cette différence de bonheur?
Quel serait maintenant le prétexte qui pourrait servir ici à la défense du retrait lignager ? Dira-t-on du moins qu'il contribue à la perfection des mœurs, à l'amélioration du cœur humain? Mais ne savons-nous pas qu'il est devenu une occasion journalière de mensonges et de parjures? Combien de fausses déclarations sur le prix des ventes, pour détourner du retrait les parents des vendeurs? combien de contrats déguisés sous des couleurs factices pour les soustraire aux recherches des retrayants ? combien de faux serments prêtés devant" les juges, soit sur la nature, soit sur la sincérité des actes qui font l'objet du retrait? — Et que pouvez-vous espérer d'un peuple ainsi habitué à lutter sans cesse contre sa conscience? quelles mœurs lui inspirerez-vous dans cette funeste habitude? ou comptez-vous les mœurs pour rien dans la grande entreprise que vous avez formée de rendre la France à jamais libre?... J'en rougis... cependant il faut que je le dise : les despotes qui tyrannisèrent Rome et les Gaules, sous le titre d'empereurs, avaient sur le retrait lignager des idées plus justes et plus morales que nous. Ecouton?-les dans la loi 14, au Gode, de contrahendâ emptione:
« Il était depuis longtemps permis aux parents « et aux .associés (1) d'empêcher les
étrangers
Art. 1er. « Le retrait lignager est aboli.
Art, 2. Toute demande en retrait lignager, qui n'aurait pas été consentie et adjugée en dernier ressort avant la publication du présent décret, sera et demeurera comme non-avenue ; il ne pourra être fait droit que sur ies procédures antérieures à cette époque-
Art, 3? « Ne seront réputés adjugés en dernier ressort, que les retraits lignagers qui, à ladite époque, se trouveront consommés et effectués, »
Il y a six mois que, sur un jugement rendu, je n'ai pu entrer én possession, parce qu'on me suscitait des chicanes; vous ne pouvez donner à vos décrets un effet rétroactif, c'est assez d'étejndre les procès qui ne seront pas jugés ep dernier ressort; mais du moment qu'il y a un arrêt, le droit est irrévocablement acquis.
Si l'on adoptait cet article, Ce serait souiller une bonne loi par la disposition la plus inique.
Le grand objet du comité a été d'éteindre l'immensité (le procédures commencées; il ne suffit pas qu'un jugement en dernier ressort soit rendu sur cette matière, pour qu'il doive être entièrement exécuté; eela est si vrai, que dans la coutume de Paris, par exemple, si vous ne consignez pas dans les vingt-quatre heures, vous êtes déchu.
Remarquez bien que cette explication est absolument inutile ; il est bien sûr que si un jugement est rendu à telles conditions, et que les conditions ne soient pas exécutées, il tombe de droit. Il n'est pas besoin pour cela d'un décret de l'Assemblée nationale; moi, j'ai consigné dans les vingt-quatre heures, j'aivoulu entrer en possession, on m'a suscité des chicanes, et je suis déchu, aux termes de votre décret.
L'article 3 est écarté par la question préalable, et les deux premiers articles sont adoptés en ces termes 1
« L'Assemblée nationale a décrété et déorète ce qui suit :
Art. 1er, « Le retrait lignager est aboli.
. Art. 2- « Toute demande en retrait lignager, qui n'aura pas été consentie ou adjugée en dernier ressort avant la publication du présent décret,
et le retrait de société aboli par le décret du 13 juin 1790
sera et demeurera comme non-avenue, et il ne pourra être fait droit que sur les frais des procédures antérieures à cette époque. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du décret.)
(ci-devant comte), député de Chaumont, prie l'Assemblée de vouloir bien lui accorder un congé pour affaires pressantes. II observe que.cette absence sera la première qu'il se sera permise.
L'Assemblée accorde le congé.
, au nom du comité d'aliénation, fait ensuite un second rapport sur le droit d'écart (1>.
Messieurs, le même motif qui a porté votre comité de l'aliénation des biens nationaux à vous proposer l'abolition du retrait de bourgeoisie, du retrait de communion et du retrait lignager, lui fait encore une loi de vous proposer celle du droit d'écart ou boute-hors ; droit vraiment absurde et barbare, que plusieurs villes des provinces belgiques sont en possession de lever sur les biens qui passent des mains d'un bourgeois entre celles d'un forain ou non bourgeois. Ce droit consiste à Douai, à Lille, à Bergues, à Gassel, à Bailleul, à Merville, à Honschotte, à Bourbourg, Bapaume, à Seclin, à la Bassée et à Comines, dans le dixième de la valeur ou du prix des biens sur lesquels on l'exerce; — à Arras, dans le quart des immeubles, et dang la moitié des meubles et des rentes ; — à Aire, dans le cinquième denier; à Béthune, dans le septième; — à Saint-Omer, dans le huitième. — La coutume d'Orchies le porte à huit pour cent ; — celle du pays de Langle le borne au douzième denier; — et celle de la Gorgue au treizième.
Les cas où il y a ouverture à ce droit ne sont pas les mêmes dans toutes les villes dont je viens de parler. Mais assez généralement ils se réduisent à quatre, qui sont la perte de la bourgeoisie, la succession d'un bourgeois dévolue à un forain, le mariage contracté entre deux personnes dont l'une est bourgeoise et l'autre étrangère, et enfin l'aliénation entre-vifs.
Ainsi : lp à Bourbourg, à Bergues, à la Gorgue et à Orchies, tout homme qui a encouru la privation de son droit de bourgeoisie, même par le seul changement de domicile, est obligé de payer à la ville dont il cesse d'être bourgeois, le dixième de la valeur de ses biens; — et par conséquent celui qui, étant bourgeois de l'une de ces quatre villes, y acquerrait aujourd'hui des biens nationaux, ne pourrait demain quitter ces villes et c sser d'en être bourgeois, qu'en leur payant le dixième de ce qu'il aurait acquis dans letir enceinte.
Ainsi : 2° dans toutes les villes de Flandre et d'Artois, où a lieu le droit d'écart, il y a ouverture à ce droit toutes les fois qu'un étranger succède à un bourgeois ; — et par conséquent, si mon frère, bourgeois d'Arras, par exemple, acquiert en cette ville des biens nationaux, et vient à mourir sans enfants, le quart de ses biens sera confisqué sur moi par la commune d'Arras, parce que, quoi qu'héritier de mon frère, je ne suis pas bourgeois de cette ville.
Ainsi: 3q àDouay, à la Bassée, à Bergues, les biens qu'une bourgeoise apporte en mariage à
un forain, sont soumis au droit d'écart ; — et par
Ainsi: 4° dans les mêmes villes, comme dans celles de la Gorgue, d'Honschotte, d'Orchies, de Comines, de Seclin, et dans le pays de Langle, l'écart a lieu toutes les fois qu'un forain vend ou transporte d'une manière quelconque, non seulement à un bourgeois, mais encore à un autre forain ; — et par conséquent, si, après avoir acheté des biens nationaux dans celle de ces villes dont je ne suis pa3 bourgeois, il me prend envie de les vendre, ou même de les donner, l'écart en est dû à la ville elle-même, soit que je donne ou vende à un étranger, soit que je donne ou vende à un bourgeois.
Vous sentez, Messieurs, oombien toutes ces dispositions barbares peuvent nuire à la vente des biens nationaux, et de quelle importance il est pour vous de détruire les obstacles qu'elles pourraient apporter tant à la prompte aliénation de ces biens, qu'à la grande concurrence des acheteurs, seul moyen de les faire monter à leur véritable prix.
Je ne m'arrêterai donc pas à vous prouver qu'abroger ces dispositions serait, de voire part, une loi utile ; je me borne à établir que ce serait une loi juste, et je n'ai pas besoin de grands efr forts pour y parvenir.
Pour que l'abrogation du droit d'écart ne fût pas un acte de justice, il faudrait que ce droit fût, pour les villes qui l'exercent actuellement, une véritable propriété ; c'est-à-dire qu'il fût le prix et la condition primitive d'une concession de fonds qu'elles auraient faite à leurs habitants.
Or, il est évident que ce n'est point là le caractère du droit d'écart. Une ville ne peut pas avoir existé avant ses habitants : il est donc impossible que toutes les propriétés des habitants ne soient que des concessions de la ville elle-même; et, dès lors, comment le droit d'écart serait-il une émanation de la propriété foncière ? — Je le dis avec confiance, il ne l'est pas, il ne peut pas l'être; et je suis d'autant plus ferme dans mon opinion, qu'elle m'est commune avec tous les auteurs Allemands, Hollandais et Flamands qui ont écrit sur ce droit.
Ces auteurs nous indiquent d'ailleurs sa véritable origine ; ils nous le montrent dérivant de l'obligation qu'avaient anciennement ies habitants d'un même lieu, de se défendre respectivement des attaques de leurs voisins. Vous le savez, Messieurs, les guerres privées étaient tellement dans les mœurs de nos pères, que nos rois n'ont pu arrêter ce désordre que très tard ; et elles avaient lieu, non seulement de famille à famille, mais encore de villagé à village, de ville à ville, de province à province. De là ces confédérations qui liaient entre eux tous les habitants de chaque lieu; de là le soin qu'on prit d'empêcher que les biens des membres de chaque confédération ne passassent dans des mains étrangères; delà le retrait de bourgeoisie que vous avez abrogé par votre décret du 13 juin ; de là enfin le droit d'écart dont nous vous proposons aujourd'hui de prononcer également l'abolition.
Il est si vrai que telle est l'origiue du droit d'écart, il est si vrai qu'on qe doit le considérer que comme un lien imagina pour resserrer de plus en plus les anciennes confédérations, qu'ac^
tuellement encore les Yilles qui jouissent de ce droit, ne l'exercent pas contre les bourgeois des villes avec lesquelles elles se sont jadis confédérées. L'article 3 du titre XVII de la coutume de Bourbourg est, là dessus, très formel; il exempte du droit d'écart les biens des bourgeois qui se retirent de la ville pour aller demeurer dans un lieu confédéré. La coutume deBergues, qui nous présente la même disposition, a soin d'indiquer, titre V, article 25, les villes avec lesquelles elle est en confédération, et Bourbourg est de ce nombre.
Il est donc bien clair que si le droit d'écart a eu, dans son origine, un motif sage et politique, il n'a plus aujourd'hui de cause, et ne peut plus être regardé que comme une exaction. C'est ce qui engage votre comité à vous proposer de l'abolir de la même manière que vous avez aboli le ïdroit de franc-fief, c'est-à-dire avec un effet rétroactif qui embrasse toutes les poursuites et toutes les recherches qui auraient été faites jusqu'à présent, ou pourraient être faites à l'avenir, pour raisons d'arrérages et d'échéances de ce droit. C'est l'objet du décret suivant :
« L'Assemblée nationale supprime le droit connu, dans le' département du Nord et du Pas-de-Calais, sous le nom d écart, escasse ou boutte-hors, et éteint toutes les procédures, poursuites ou recherches qui auraient ces droits pour objet. »
demande que les droits de late et d'inquant, qui ont lieu dans les départements de l'ancienne Provence, soient regardés comme compris dans la suppression.
L'Assemblée ordonne le renvoi de cette demande au comité des domaines et au comité des impositions.
Le décret est ensuite adopté dans les termes proposés par le rapporteur du comité d'aliénation.
L'ordre du jour est la discussion du projet de décret sur la limite des fonctions et des attributions du comité de liquidation (1).
, rapporteur, donne lecture de l'article 1er ainsi conçu :
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation sur la nécessité de fixer d'une manière précise les pouvoirs de ce comité et de déterminer les fonctions qui lui sont attribuées, a décrété ce qui suit :
Art. 1er. « L'Assemblée nationale décrète, comme principe
constitutionnel, que nulle créance arriérée ne peut être admise parmi les dettes de l'État,
qu'en vertu d'un décret de l'Assemblée nationale, sanctionné par le roi.
Je propose une nouvelle rédaction de l'article premier, plus large que celle du comité, la voici •'
Art. 1er. « L'Assemblée nationale décrète, comme principe
constitutionnel, que nulle créance sur le Trésor public ne peut être admise parmi les dettes
de l'État, qu'en vertu d'un décret de l'Assemblée nationale, sanctionné par le roi.»
(Cette rédaction est mise aux voix et adoptée.)
, rapporteur, lit l'article 2 en ces termes :
Je propose d'ajouter que les rapports du comité de liquidation ne pourront être discutés dans l'Assemblée, qu'ils n'aient été imprimés et distribués 15 jours auparavant.
L'article me paraît autoriser d'une manière trop vague la chambre des comptes à vérifier et à apurer les comptes. Je proposerais de dire : Les vérifications et apurements des comptes dont les chambres des comptes et autres tribunaux peuvent être actuellement saisis, continueront provisoirement et jusqu'à la nouvelle organisation des tribunaux.
Le comité de liquidation ne devrait être autorisé qu'à examiner les créances revêtues d'une décision favorable.
J'appuie d'autant plus volontiers cette proposition, que je sais qu'on a offert deux cent mille livres à un membre du comité, pour appuyer une réclamation.
Votre comité de liquidation s'est déterminé à vous proposer l'article, tel 3u'il vient de vous être lu, par la conviction que es créanciers illégitimes pourraient vouloir vous faire revenir contre des arrêts du conseil, rendus avec une parfaite équité. Les créanciers, pour fournitures de fourrages dans les guerres d'Allemagne, ont eu l'imprudence de m'offrir deux cent mille livres pour appuyer leurs réclamations. Le conseil, convaincu de leur illégitimité, n'a pas balancé d'écarter leurs demandes. J'ai été dans les bureaux avec tous les commis, j'ai examiné, et je suis convaincu qu'il a très bien fait.
Il n'y a qu'un moyen d'éviter toutes les réclamations ; c'est d'ajouter à l'article : visé par Vordonnateur du département dont ces dettes font partie.
Gomme les décisions qui vont intervenir sont de la plus haute importance, je voudrais que le comité de liquidation ne pût arrêter aucun projet de décret, qu'en présence des deux tiers de ses membres. Nous donnons toute notre confiance à nos comités, mais du moins faut-il être sûr que ce qu'ils nous proposent a été consenti par un nombre de membres suffisant.
Si l'on exigeait des comités .qu'ils fussent toujours presque complets pour ' prendre des délibérations, vous verriez retarder vos travaux. Je demande l'exécution, à la rigueur, du décret qui ordonne qu'on ne pourra être en même temps membre de deux comités.
Je trouve l'observation de M. de Lameth très juste, et je m'y joins pour l'appuyer. Mais il ne faut pas trop lui jdoniier
d'extension ; il serait ridicule, par exemple, d'exiger que le comité des rapports, qui est composé de/trente membres, ne pût jamais rien proposer à l'Assemblée, que lorsqu'il serait composé de vingt personnes.
présente une nouvelle rédaction de l'article 2. Elle est décrétée ainsi qu'il suit :
Art. 2. « En exécution du décret sanctionné du 22 janvier, et de la décision du 15 février dernier, aucunes créances arriérées ne seront présentées à l'Assemblée nationale pour être définitivement reconnues ou rejetées, qu'après avoir été soumises à l'examen du comité de liquidation, dont les délibérations ne pourront être prises que par les deux tiers au moins des membres de ce comité ; et lorsque le rapport du comité devra être fait à l'Assemblée, il sera imprimé et distribué huitaine avant d'être mis à l'ordre du jour.
« Néanmoins, les vérifications et apurements des comptes dont les chambres des comptes ou autres tribunaux peuvent être saisis actuellement, continueront provisoirement, et jusqu'à la nouvelle organisation des tribunaux et rétablissement de règles fixées sur la comptabilité, à s'effectuer, comme ci-devant, suivant les formes ordinaires. »
propose un article 3 additionnel à ceux présentes par le comité de liquidation. Cet article est ainsi conçu :
Art. 3. « Une créance qui auràété rejetée, dans les formes légalement autorisées jusques ici par les ordonnateurs, ministres du roi, chambres des comptes, ou autres tribunaux, ne pourra être présentée au comité de liquidation. »
Je trouve cette article révoltant, car si une injustice a été commise, si des passe-droits ont eu lieu, vous vous enlevez la possibilité de les réparer.
Je demande le rejet de cet article qui viole toutes les règles de l'humanité. En effet, lesRochelais ont été obligés d'abandonner dans les Indes, au profit et pour le service de l'État, non seulement leurs navires, mais leurs cargaisons ; loin de faire droit à leurs justes réclamations, ou ne leur a même pas tenu compte du prix de leurs marchandises.
Si vous voulez ouvrir la porte à une foule d'abus, vous rejetterez l'article ; si, au contraire, vous entendez poser des principes, vous décréterez la disposition que je vous propose.
(L'article 3 est mis aux voix et adopté.)
Les articles suivants sont décrétés sans discussion en ces termes: Art. 4. « Le garde des sceaux sera tenu de donner au comité de liquidation connaissance et état exact de toutes les instances actuelles concernant la vérification, apurement et liquidation des créances sur le Trésor public, a quelque titre que ce puisse être. »
Art. 5. « La chambre des comptes fera pareillement remettre audit comité un tableau de toutes les parties de comptabilité dont la vérification et apurement sont actuellement à l'examen du tribunal »
Art. 6. « Tous tribunaux, administrateurs, ordonnateurs et autres personnes publiques seront
tenus de fournir les documents et instructions qui leur seront demandés par le comité. »
, rapporteur, lit l'article 6 du projet qui devient le 7e du décret.
Art. 7. « Tous les créanciers qui prétendent être employés dans l'état de la dette arriérée seront tenus de présenter leurs titres dans le délai de deux mois.
« Tous ceux qui, dans ce délai, n'auraient pas justifié au comité de liquidation, soit de leurs titres dûment vérifiés, soit de l'action qu'ils auraient dirigée devant le3 tribunaux qui en doivent connaître, pour en obtenir la vérification, seront déchus de plein droit de leurs répétitions sur le Trésor public. »
Les délais sont trop courts et ce serait commettre une véritable spoliation au préjudice des créanciers de l'Etat.
Je demande un délai minimum d'un an pour les créanciers qui habitent les colonies.
Les réclamations qui viennent de se produire sont justes et je crois que la rédaction que je vais vous proposer réserverait tous les droits. La voici :
Art. 7. « Tous les créanciers qui prétendent être employés dans l'état de la dette arriérée seront tenus de se faire connaître dans les délais suivants : savoir, à dater de la publication du présent décret, deux mois pour les personnes domiciliées en France;
« Un an pour les personnes qui habitent dans les colonies, en deçà du Gap deBonne-Espérance ;
Et trois années pour les personnes qui habitent au delà.
« Tous ceux qui, dans ces délais, n'auraient pas justifié au comité de'liquidation, soit de leurs titres dûment vérifiés, soit de l'action qu'ils auraient dirigée devant les tribunaux qui en doivent connaître, pour en obtenir la vérification, seront déchus de plein droit de leurs répétitions sur le Trésor public. »
(L'article 7, ainsi rédigé, est adopté.)
L'article 7 du projet du comité, qui devient le 8° du décret, réclame une modification de rédaction, d'accord avec le rapporteur, je vous propose la suivante :
Art. 8. « L'objet du travail du comité de liquidation sera l'examen et la liquidation de toute créance et demande sur le Trésor public, qui sera susceptible de contestation ou de difficulté. » (L'article 8, ainsi amendé, est adopté.) -
L'article suivant est adopté sans discussion, ainsi qu'il suit :
Art. 9. « Le comité de liquidation présentera à l'Assemblée nationale ses observations sur ia nature de toutes les créances arriérées, sur lesquelles l'Assemblée nationale aura à prononcer.
« Il vérifiera particulièrement si les créances arriérées, comprises dans les états certifiés véritables, qui doivent lui être remis, en exécution de l'article 7 du décret du 22 janvier, ont été dûment vérifiées ou jugées et appuyées dans les formes prescrites par lès règlements et ordonnances. »
, rapporteur, propose un article nouveau qui ne soulève aucune objection et qui est décrété eu ces termes :
Art* 10* * Le comité sera tedu de éë procure? tous les renseignements nécessaires sur les créai!»-ces que le Trésor public a droit d'exercer contre différents particuliers, et d'en faire le rapport au Corps législatif. »
Les articles 11 et 12 Sont décrétés sans débat, dans les termes ci-déssoUs: Art. 11. « Il sera tenu registre de toutes les décisions qui auront été portées sur l'admisgidfi, rejet ou réduction de diverses portions dé la dette arriérée, afin que, dans aucun temps et sous au-« cun prétexte, les porteurs de titres rejetés ou réduits, ne puissent renouveler leurs prétentidtis.»
Art. 12. Conformément à l'article 9 du décret du 9 janvier dernier, les délibérations du comité sur l'admission, rejet ou réductièn des diverses parties de la dette arriérée ne seront que provisoires; aucune portion de créance} présentée au comité de liquidàtionfrne pouvant être placée sur le tableau de la dette liquidée qu'après avoir été soumise au jugement de l'Assemblée nationale et à ia sanction du rbi.
Je propose à l'ÀsSembléê de faire imprimer le procès-verbal de la cérémonie de la fédération en nombre suffisant et assez promptement pour que MM. les députés à la fédération puissent eb emporter chacun un exemplaire.
Je demande que la dèputation de chaque département reçoive 350 exemplaires de ce procés-Terbal pour qu'elle puisse les envoyer dans les districts.
Ces propositions sont adoptées.
L'Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour procéder à la nomination : 1° de son Président: 2° de trois secrétaires en remplacement de MM. Pierre Delley-d'Agier, Po-pulus et Robespierre; 3° de quinze membres du comité dès rapports.
(La séance est levée à deux heures et demie»)
Séancé du
La séance est ouverte à six heures du soin
fait part à l'Assemblée de deux hommages qui lui sont présentés; l'un par M. Go-defroy, d'un ouvrage qui a pour titre : Spectacle historique, par période de vingt-cinq ans, gravé d'après tes médailles du cabinet du roi de Sainte-Geneviève ; l'autre, par Etienne Maçon, libraire du district de Saint-Jacques-de-l'Hôpital, d'une gravure de la déôlaration des droits de l'homme et du citoyen décrétée par l'Assemblée nationale;
fSe Baint-'Jean d'Angàly), secrétaire, fait lecture d'une note des adresses envoyées à
l'Assemblée nationale : par la commune de Bourg-en-Bresse, département de l'Ain ; par les
curés, vicaires et autres prêtres des différents
Toutes ces adresses expriment des sentiments de respect, de reconnaissance et de dévouement potlr lês décrets de l'Assemblée nationale.
Quelques-unes, aux expressions de ces sentiments uniformes de patriotisme, ajoutent des témoignages d'improbation* fortement énoncés, soit sur la déclaration des catholiques de Nîmesj soit sur la déclaration relative au décret de l'Assemblée nationale, concernant la religion.
Je suis informé qu'un grand
nombre de curés de Bretagne, des environs de Nantes, signent en ce moment une pétition à l'Assemblée nationale pour protester contre la nouvelle organisation civile du clergé et demander en même temps la. réunion d'un concile national. Quoique cette adresse ne soit paB de belles que vous aimez à recevoir* je compte sur la justice de l'Assemblée pour l'examiner avec impartialité. ( Voyez cette adresse annexée à la séance de ce jour, p. 179;)
(de Saint-Jean-d'Angely) poursuit la lecture des adresses : les communes de Crache, Mauriens de Beauvesy et celles de Sàint-Agnan, Puzeaux et Corbeny ajoutent le don patriotique de la contribution de ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789.
D'autres enfid,commê la commune de Gdrbeùy, de Langeais, de Lestérps, de Moissac, et la muhi-cipalité de Gourcoame présentent deè soumissions pour acquérir des biens nationaux dans leurs territoires respectifs. Le même secrétaire rend compte d'une lettre de M. de Burry, ancien capltoul de Toulouse, par laquelle, indépendamment de sa contribution patriotique, ce citoyen fait offre à la nation d'un Contrat sur l'Etat, et de rentes arriérées, montant» le tout, à Une somme de.2,000 livres; suit l'annonce d'autres dons patriotiques t d'une Cafetière d'argent, de sept paires de boucles d'argent, de deux paires de boucles de jarretières, de quatre bou-clés de col, d'une paire de boucles d'argent à bracelets, d'une paire de boucles d'oreilles d'or, d'un cachet d'or, d'un cœur de Jeannette d'or» d'une petite croix d'or, de deux dés d'or, d'une bonbonnière montée en or, et d'une somme de 36 livres en écus.
Ces derniers dons sont offerts par Marguerite Balen, domestique; par un frotteur; par une demoiselle qui n'a voulu se désigner que par la lettre initiale G ; par le nommé Mauleveau» mar* brier ; par le sieur Joux, sculpteur du roi ; par M. Francoville, peintre; par M11* de Grasse; par Mm® G6rue-de-Cerf; par M. Boîte; enfin, par Mme Boîte son épouse, la même citoyenne de Paris, qui, le 7 septembre 1780/ à la tête de dix autres citoyennes de la capitale, vint à Versailles donner à l'Assemblée nationale et à là France le premier exemple d'offrande faite à la patrie, de tous ses bijoux d'or et d'argent et de ceux de ses compa-gnes.
Le même secrétaire rend compte encore d'une pétition d'un grand nombre d'ecclésiastiques et curés pour Vabolition du célibat des prêtres, d'une pétition de plusieurs détenus pour dettes civiles, qui réclament leur élargissement en.l'honneur de la cérémonie fédérative ; enfin, d'une pétition de plusieurs prisonniers du Ghâteiet, qui dénoncent des abus dont quelques-uns se plaignent de ce que, sans décret et sans accusation, on les tient privés de leur liberté*
Adresse du sieur Du Làc, lieu^edant en second au régiment de Strasbourg artillerie, qui dénônèe une lettre de cachet décernée étihtre lui, par le ministre de la guêtre (Ce mot de lettre de cachet excite l'indignation d une grande partie de l'Assemblée).
C'est vraisemblablement un ordre militaire et non une lettré de cachet ; l'Assemblée se couvrirait de ridicule si elle s'en mêlait.. Cependant je demande le renvoi au comité de» lettres de cachet, pour examiner si c'est réel-
lement une lettre de cachet, car alors le ministre serait réellement coupable*
Voici le fait en deux mots. M. de Puységur, Colonel du régiment» m'a rap» porté que M. Du Lac était venu chez lui et lui avait dit» le chapeau sur la tête : Je suis surpris, monsieur, que vous veniez pour nous commander. Vous n'êtes pas fait pour cela. Nous ne voulons obéir désormais qu'à ceux que nous choi-sirons nous-mêmes. » C'est cette insubordination qu'il s'agit de pudir à moins qu'on ne veuille anéantir tout à fait la discipline militaire.
(De toute part on demande l'ordre du jour qui est prononcé.) .
L'Assemblée àdtflèfc enâhite à là baffe lès dé -putations dé la garde hatidhale, de lâ maréchaussée de la ville de Laon, et du régiment de dràgèhS, en garnison dans la même ville» fédérés le 6 juin dernier dans le chef-lieu du département de l'Aisne ; Du département de la Loire-Inférieure ;
Du département de la Vienne;
Du département de la Saône ;
De la fédération des gardes nationaux de Versailles et des légions nationales voisines ;
De la commune de la ville de Goulé ;
Des administrateurs du district d'Aubarge au département de l'Ardèche ;
Des prêtres de la doctriae chrétienne ;
Enfin, des écoliers du oollège de Dôle, département du Jura*
répond successivement aux discours que les orateurs de ces diverses députâtions à l'Assemblée hationâlè y discours tous remplis dé témoignages de respect, de reconnaissance et de soumission pour les décrets de l'Asseniblèé nationale.
offre à tous ces députés les honneurs de la séance.
A l'expression de ces sentiments patriotiques, les écoliers du collège de Dôle joignent le don patriotique de dix-huit marcs cinq onces d'argon* terie dont on leur a permis de disposer, et d'une somme de 400 livres en argent» fruit de leurs épargnes sur l'argent destiné à leurs plaisirs. Eux-mêmes, en uniforme militaire et en armes, ont, du Mont-Jura jusqu'à Paris» escorté à pied la caisse qui renferme ce don patriotique pour s'assurer mieux la douce satisfaction de l'offrir personnellement à la Patrie*
Les officiers municipaux de Schelestadt, mandés à la barre, sont introduits,
lit le décret qui les a mandés pour rendre compte de leur conduite.
Le maire, portant la parole» fait plusieurs observations sur les diverses parties du décret, et termiue en disant :
« Tous les citoyens de Schelestadt ont rendu justice aux anciens officiers muhicipaux ; les élections viennent d'être recothmeucées en présence des commissaires du roi, en exécution de votre décret, et ceux même que Pexcès do leur zèle soumet en ce moment à votre censure sont choisis, quoique absents» pour monter aux mêmes places dont ils étaient descendus.
« Qu'il soit permis à oes officiers de s'honorer* auprès de l'Assemblée, de cette nouvelle marque de confiance, et de solliciter quelque intérêt, en paraissant devant elle investis de l'opinion favorable de leurs concitoyens.
« Ceux-là ont rendu quelques services à leur patrie, qui, absents et occupés à remplir une mission qui aurait pu les flétrir, si leurs intentions n'eussent pas été pures, recueillent le prix le plus précieux de l'estime publique.
« Mais une nouvelle difficulté s'élève; elle doit être soumise à votre décision par les commissaires qui ont présidé à l'élection.
« M. Herremberger, qui quittait les fonctions de maire, vient d'être élu de nouveau.
« Les commissaires ont vérifié quelle était sa part de contribution directe; il était porté sur le rôle pour 3 livres de capitation; mais il est propriétaire, par indivis avec sa mère et ses sœurs, de biens restés en commun, et pour lesquels il paye, et au delà, les 10 livres de contribution exigées pour être éligible aux places de la municipalité.
« La mère de M. Herremberger en a fait sa déclaration.
« Les commissaires n'ont pas cru devoir prendre sur eux dè prononcer sur cette élection, et l'ont soumise à l'Assemblée nationale.
« Sansdoute, les commissaires du roi ont ignoré que le comité de Constitution, consulté plusieurs fois sur cette question, a répondu :
« Que les frères communiès et les fils de famile à qui le père a donné une propriété, dont il s'est néanmoins réservé l'usufruit, sont censés payer une partie de l'imposition directe portée sur les rôles, sous le nom du père, de l'aîné dès usufruitiers ou du chef de la communion ou communauté. »
« Les commissaires ont encore ignoré que cet avis du comité de Constitution était maintenant une loi, puisqu'un décret du 29 mai s'explique en ces termes :
« Pour déterminer la qualité de citoyen actif, il faut avoir égard, non seulement à la capitation et aux impositions territoriales, mais encore aux taxes pour la milice et l'industrie, et aux impositions affectées sur les biens communaux, lesquelles doivent être considérées comme des impôts directs. »
« Comment est-il possible qu'après une décision aussi précise, et lorsqu'il était prouvé que le maire nouvellement élu payait, et au delà, la taxe exigée sur les biens qui sont communs entre sa mère, ses sœurs et lui, les commissaires aient hésité à proclamer l'élection?
« Les officiers municipaux, collègues de M. Herremberger, dans sa disgrâce et dans l'épreuve qu'il fait de nouveau de la confiance de ses concitoyens, ne se permettront pas d'en dire davantage en faveur de son élection. M. Herremberger n'entreprendra pas davantage de la défendre; il attendra dans le silence la justice que l'Assemblée daignera lui rendre : quel que soit le jugement qui prononcera sur cette élection, ses collègues et lui se féliciteront d'avoir paru dignes à leurs concitoyens de leur confiance, lors même qu'ils paraissaient devoir être oubliés, et d'avoir à présenter à l'Assemblée nationale une nouvelle preuve que leurs intentions ont toujours été dirigées vers le bien public.
« Je ne dois pas omettre de parler de l'aristocratie du commandant de la garde nationale; il nous a toujours empêché^ de porter la cocarde : nous avons tout au plus cent aristocrates dans la ville. Pour moi, je me suis toujours montré un des plus zélés partisans de la Révolution. »
L'Assemblée nationale pren-
dra en considération les motifs que vous venez de lui exposer; vous pouvez vous retirer.
, rapporteur. Tout ce qui vient d'être dit dans l'affaire de Scbelestadt ne détruit pas lé compte rendu. S'il était nécessaire de rentrer dans la discussion, je prouverais facilement que le maire s'est toujours mis à côté des faits. Le comité est informé que tous ses officiers municipaux viennent d'être nommés de nouveau, à l'exception de celui qui, pour avoir soutenu la Cause des prisonniers, a été excepté do se rendre à la barre.
(L'Assemblée ordonne le renvoi du mémoire de la municipalité de Schelestadt au comité des rapports.)
annonce que le résultat du scrutin pour la nomination à, un nouveau président, a donné 221 voix à M. Treilhard, 140 à M. Richier, et 120 à M. de Mirabeau l'aîné.
Les nouveaux secrétaires sont MM. Rewbell, Boutteville-Dumetz et l'abbé Coster.
Sur une adresse qui lui est présentée l'Assemblée rend ensuite le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de l'adresse des commuues de Retters» hoffey, Oberbetscbdorf, Oberbausberg, Hirteis-heim, Sirdenheim, Mittehausberg, Quatzenheim, Psulgriesey, Mandolsheim, Schiltigheim, Akbols-heim, Wolfisheim, a vivement applaudi au patriotisme qu'elle exprime, ainsi qu'à la soumission qu'elle contient d'acquérir les biens nationaux situés dans leurs territoires. L'Assemblée a ordonné qu'il serait fait une mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal, et que le nom de ces communautés y serait inscrit. »
L'ordre du jour est maintenant la discussion de l'affaire d'Orange.
Avant de vous rappeler le point auquel vous avez laissé hier l'affaire d'Orange, je dois vous annoncer que le vœu du comité est de vous engager à prendre le même parti que vous avez pris pour les colonies, c'est-à-dire à nommer, parmi les membres de l'Assemblée, un comité de six membres, pour s'occuper exclusivement de cette affaire. — Il nous a été fait lecture hier de la lettre du maire d'Orange, par laquelle il nous apprend que le service devient de jour en jour plus pénible à Avignon, que la misère y est à son comble et qu'il est même à craindre que les malheurs de cette ville ne réagissent sur Orange; je vais vous donner une seconde lecture du projet de décret que je vous ai présenté hier au nom du comité des rapports. « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le compte qui lui a été rendu par son comité des rapports, des lettres et procès-verbaux en date du 7 juillet, adressés par M. le maire et MM. les officiers municipaux a'Orangè, a décrété et dé-crête que son Président, se retirera par-devers le roi, a l'effet de supplier Sa Majesté de donner les ordres les plus prompts pour qu'il soit envoyé à Orange le nombre de troupes de ligne qui sera jugé nécessaire pour veiller au maintien de la tranquillité publique et à la sûreté de cette ville.
La cause des troubles d'Avignon est connue et je pense qu'elle vous honore; c'est le désir de vivre sous votre Constitution qui cause son agitation passagère. Le comtat Venaissin
où, depuis le mois de décembre, un esprit malin souffle le venin de l'aristocratie... (Onapplaudit dans la partie droite.)
Le comtat Venaissin, dis-je, n'était pas disposé à suivre cet exemple, et mettait tout en œuvre pour arrêter les démarches de la ville d'Avignon; les moyens que cette petite province a imaginés ont enfin occasionné une explosion, et ce ne fut qu'après que 30 patriotes d'Avignon eurent été couchés sur le carreau, que le reste repoussa la violence par la force légitime; la garde nationale d'Orange est venue à leur secours, et c'est alors qu'on a remis entre ses mains 24 prisonniers, instruments funestes des troubles qui ont agité Nîmes, Uzès et quelques autres villes de Provence et du Dauphiné. Aujourd'hui la ville d'Orange vous demande du secours, sans doute vous ne pouvez le lui refuser; elle sollicite aussi en faveur d'Avignon, et vous ne croyez pas pouvoir satisfaire a cette dernière instance, sous prétexte que cette ville n'est pas française; mais beaucoup de personnes ignorent peut-être que vous y avez des greniers etd'es entrepôts de tabac; tous ces objets demandent votre protection. Vous la devez à une ville française par ses principes, à une ville qui sert votre commerce, et envers laquelle vous êtes obligés par des traités particuliers; tandis que vous différez, une ville voisine où se trouve le cratère de cette infernale machination, tente de s'emparer de 80 canons qui sont dans Avignon, afin de les faire transporter dans les villes lès plus aristocratiques du Midi; c'est alors que les troubles deviennent de plus en plus redoutables. Dans le moment où je parle, le ministre envoie à Avignon le régiment suisse : pourquoi un pareil ordre? la ville ne veut recevoir que les troupes que l'Assemblée nationale lui enverra ; si ce régiment entre par d'autres ordres que ?par les vôtres, tout est perdu pour Avignon et le comtat Venaissin, ce pays gangrené d'inimitiés contre votre Constitution. Je suis ici l'organe des provinces du Midi ; elles réclament la possession d'Avignon, les gardes nationales la regardent comme leur sœur; son plus cruel ennemi dans ce moment, c'est une ville française qui n'en est éloignée que d'un quart de lieue; c'est là que l'on fabrique 18 mille cartouches, et c'est aussi là que l'on assure que vos ennemis tiennent leurs conciliabules. Avignon demande du secours, et vous ne pouvez lui en refuser. Si la brave et généreuse garde nationale parisienne n'en était pas si éloignée, comme nous la verrions voler à son secours, avec quels efforts magnanimes on la verrait rétablir dans cette contrée l'abondance et la paix 1 Mais les gardes nationaux d'Orange sont sans doute ici présents; ils m'entendent, ils sont Français, ils se souviennent de l'expédition de l'armée bordelaise pour Montauban; ils savent que l'autel de la patrie est partout où il y a des hommes à consoler, et que la patrie des infortunés est partout où il y a des hommes qui ont le cœur des Français.
Voici le projet de décret que j'ai à vous proposer : « L'Assemblée nationale décrète qu'il sera nommé, pour s'occuper de l'affaire d'Avignon, un comité de six membres chargés d'en faire le rapport sous quinzaine; décrète, en outre, que son Président se retira par-devers le roi, pour le supplier de donner des ordres pour qu'il soit envoyé des troupes à.....et à Villeneuve-les-Avignon, et que la elles attendront les ordres du pouvoir exécutif, d'après les décrets de l'Assemblée nationale. »
La question qui vous est soumise dans ce moment, et sur laquelle vous avez entendu votre comité des rapports, était simple dans son origine; le seul objet véritablement digne d'intéresser votre humanité, c'était l'élargissement des prisonniers détenus à Orange. (Un député d'Orange prétend que M. l'abbé Maury s'écarte de la question.) Je ne sais pouquoi la question s'est généralisée, et comment les vues du préopinant lui ont donné de nouveaux objets qui devaient lui être étrangers ; je ne cherche point pour cela à éluder la véritable question ; je rappelle seulement ce qu'a dit le préopinant ; il vous a entretenus de Nîmes, d'Uzès, d'Avignon, du comtat Venaissin, et le 3ort des prisonniers d'Orange est précisément le seul dont il n'ait pas parlé. (Cinq ou six membres de la partie gauche interrompent et prétendent que ce n'est point la question.) L'analyse est exacte, et ce n'est pas moi que vous pouvez accuser de m'écarter de la question. (Les murmures de ceux qui avaient déjà interrompu l'orateur, recommencent.)
M. l'abbé Maury descend de la tribune. — On l'invite à continuer son discours.
Des murmures bien prononcés m'annoncent de ne pas plaider une cause qui pourrait compromettre des intérêts plus chers que je défends. J'abandonne la parole.
Le calme des délibérations et la liberté des opinions sont la première loi de cette Assemblée; j'avais supplié de ne pas interrompre l'orateur : on l'a fait, et on a eu tort. Je prie l'abbé Maury, au nom de toute l'Assemblée, de remonter à la tribune.
Je ne croyais pas m'écarter de l'état de la question, en suivant la route qu'avait tracée M. Bouche; je devais penser que puisqu'on avait la liberté indéfinie de s'écarter d'un rapport, cette liberté devait exister pour tous les membres de l'Assemblée; je sais bien qu'il n'estauestion que de la ville d'Orange, et cependant M. Bouche vous a toujours parié d'Avignon, du comtat Venaissin, et il a tâché de vous faire apercevoir, à travers le nuage d'aristocratie dont il s'est enveloppé, des principes aristocratiques qu'il combat avec on zèle si édifiant dépuis le commencement de cette Assemblée : il m'est sans doute permis de dire que les troubles de Nîmes n'ont aucunrapportavec les troubles d'Avignon ; que ces premiers ont eu pour prétexte la cause de la religion : on sait que Nîmes contient des protestants parmi ses habitants, et il n'en existe pa3 à Avignon. Quel rapport peuvent donc avoir entre eux des troubles si différents lesuns des au très? Ou il faut renoncer à ce système, si souvent mis en usage de nous présenter les villes de Nîmes et d'Uzès comme le théâtre du fanatisme; ou il faut avouer que les troubles d'Orange n'ont rien de commun avec ceux de ces deux villes malheureuses. On vous a parlé de la ville d'Avignon comme de votre propriété : le moment n'est pas venu de prouver la légitimité du Saint-Siège. G est une ville dont il jouit depuis plus de 400 ans, une ville prise trois fois parla France, et toujours restituée. Louis XIV et Louis XV la rendirent volontairement à son souverain légitime et l'on peut soutenir que ces trois entreprises rétractées sont le plus beau titre de sapropriété. Clément VI l'acheta en 1348 de Jeanne, reine de Sicile : elle a eu de tout temps une administration séparée et des titres différents de ceux du Comtat. Nous som-
mes bien loin de nous opposer à cette partie du décret par laquelle on propose de supplier le roi d'envoyer des troupes à Orange : bous désirons qu'elle soit défendue; que le maire, ce citoyen estimable, jouisse des avantages qu'il nous a procurés à nous-mêmes. Mais si l'on donnait plus d'extension à cette disposition, ou préjugerait la grande question sur laquelle l'Europe entière a les yeux ouverts, celle de savoir s'il est permis à une ville de changer de domination et de souverain.
La ville d'Avignon n'a pas demandé de troupes étrangères. Si de nouveaux troubles nous préparaient de nouveaux malheurs, alors nous aurions recours, peut-être, à la protection des Français; mais nous ne leur demanderions pas de protéger la révolte.
Je demande que l'orateur déclare s'il est français; car, s'il est étranger, il doit descendre à la barre 1
Je ne regarderais point comme une peine die descendre à la barre. Cet ordre, s'il m'était donné par l'Assemblée, m'honorerait, parce qu'il attesterait mon respect et mon patriotisme. La France est bien maîtresse de disposer de ses troupes à son gré, mais elle ne peut pas s'emparer du territoire d'autrui- Je le répète encore, si l'embarras des circonstances exige de secours étrangers, les Français ne nous abandonneront pas. La ville d'Orange n'a-t-elle pas déjà çu la gloire de faire cesser les meurtres? Elle a, par malheur, été trompée sur ces hommes morts martyrs de la patrie, dont le gibet est devenu un autel patriotique qui immortalisera leurs noms dans cette malheureuse prôvincé.
Nous vous demanderons que l'Assemblée se borne à accéder aux vœux de la ville d'Orange, mais que le décret qu'elle rendra n'indique, en aucune manière, les secours que l'on peut porter à Avignon. La France a solennellement renoncé à tout esprit de conquête ; elle protégera ses voisins, mais elle n'attentera jamais à leur liberté.
Quand j'ai vu à Tordre du jôur l'affaire d'Orange, j'avais pensé que vous vous occuperiez du sort des Avignon-nais détenus; mais on s'est emporté, on s'est porté à des invectives Contre le comtat Venaissin et Villeneuve.
On a voulu vous faire entendre que les troubles d'Avignon étaient liés avec ceux de Nîmes; on n'a pas réfléchi qu'il n'y a à Avignon qu'une seule religion. On tous a dit que la ville de Car-pentras était le cratère, on a voulu dire le foyer du volcan qui avait occasionné une explosion dans cette Contrée; elle a le plus grand intérêt à ce que l'ordre y soit maintenu; on a prétendu aussi que c'était la cause de l'aristocratie.
Eh bien, parmi les prisonniers détenus, qui, dans ce système, seraient des aristocrates, il y a des portefaix, des artisans, de petits marchands détailleurs; trois seulement appartiennent à la classe de la noblesse ou de la ci-devant noblesse, ils n'ont commis d'autres crimes que ce qui était autrefois une vertu : la fidélité à leur souverain.
le demande qu'on s'occupe du sort des prisonniers. (La discussion est fermée.) (On demande la priorité pour le projet du comité.)
Je demande la parole pohr proposer un amendement. Si l'Assemblée acceptait purement et simplement le décret qui lui est
1 présenté par le comité, elle semblerait autoriser la détention des prisonniers d'Orange. Voici comment je propose de rédiger l'article : « L'Assemblée nationale décrète que soh président se retirera par-devers le roi, pour le supplier d'interposer ses bons offices et sa protection, afin de rétablir la paix à Avignon ; il sera accordé un asile inviolable, sur le territoire français, à tous ceux qui, pendant les troubles, se sont absentés ou s'absenteraient d'Avignon.
« En conséquence, les habitants transférés à Orange auront ia liberté et pourront, s'ils le veulent, sortir du territoire français.
« Sera aussi suppliée Sa Majesté de faire passer des troupes dans les lieux voisins d'Avignon; elles ne pourront agir qu'à la réquisition des municipalités voisines, seulement pour maintenir la paix* » (Ce décret est écarté par la question préalable.) Le projet de décret dtt comité est ensuite relu et adopté ainsi qu'il suit :
« Le président se retirera dans fa joufnêepàr-de-vers le roi, à l'effet de supplier Sa Majesté de donner les ordres les plus prompts pour qu'il soit envoyé à Orange le nombre ae troupes de ligne,qui sera jugé nécessaire pour veiller au maintien de la tranquillité publique et de la sûreté dè cette ville. »
Je demande qu'on ajourne à jour fixe la question des prisonniers.
Je renouvelle la motion que j'ai déjà faite, et je soutiens qu'il est impossible de faire de rapport des prisonniers, sans entrer dans tous les détails des troubles d'Avignon.
Une députation de la municipalité de Paris est admise à la barre.
, orateur de la députation, obtient la permission de parler.
« Lorsqu'il s'agit de Franklin, dit-il, la commune ne craint pas de vous importuner ; elle a pensé entrer dans vos vues en ordonnant une cérémonie funèbre pour célébrer la mémoire de ce grand homme : il manquerait quelque chose à cette solennité, si vous n'y assistiez pas. La commune est à vos ordres pour le jour et l'heure qu'il vous plaira d'indiquer. »
L'Assemblée nationale voit avec intérêt les honneurs rendus à l'homme le plus fameux dans les annales des deux mondes : elle prendra votre demande en considération.
le jeune demande à faire lecture d'une lettre écrite par le maire d'Orange 5 mais il observe que ce n'est point à lui que la lettre est adressée.
On s'oppose à la lecture de cette lettre, dont personne ne peut assurer la garantie.
On a bien lu la lettre calomnieuse d'un cabaretier dans l'affaire de M. de Lautrec.
consulte l'Assemblée pour savoir si la lettre sera lue.
Deux épreuves successives paraissent douteuses*
Et moi aussi, j'ai reçu Unë lettre de M. le maire d'Orange, puisqu'il est mon
cousin germain : il s'est laissé attendrir, et de-» mande qu'on procure du soulagement aux prisonniers, et même la liberté. Mais comme cette demande, si elle était accordée, pourrait avoir des suites funestes, je demande qu'elle soit regardée comme non-avenue.
(L'Assemblée décrété qu'il sera nommé un comité de six personnes, chargé spécialement de l'affaire d'Orange.)
line députation de douze membres est votée pour assister à l'éloge funèbre de Francklin. Les députés désignés, sont :
De Mirabeau l'aîné, Moreau de Saint-Méri, De La Rochefoucauld, Ouillotin, Massieu, curé de Sergi, L'abbé Latyl, Arthur Dillon, Goroller, De Colbert-Selgnelay, évêque de Rodez, L'abbé Sieyès, De Folleviïle, D'Ambly.
lève la séance à neuf heures du soir. -
Protestathm de cent cinq curés de taBretagne contre la nouvelle constitution civile du clergé, adressée à l Assemblée nationale (1).
Messieurs, aux jjours du pouvoir le plus absolu, jaiiïars Français ne trouva le trône inaccessible a ses plaintes, La voie des remontrances fut toujours le droit du peuple. Dans des temps de liberté, qu'il nous soit permis de déposer dans votre sein les raisons de nos sollicitudes, et de Vous adresser les justes motifs de nos réclamations.
La perte de nos biens et la su ppression de notre ordre n'entrent en aucune manière dans le plan de notre démarche actuelle. A l'école d'un Dieu pauvre, nous avons appris à faire des sacrifices. Encore moins» voudrions-nous, par une espèce d'insurrection, chercher à soulever les peuples. Ministres-citoyens nous leur devons l'exemple autant que l'instruction, et nous ne manquerons jamais de leur inspirer le respect qu'ils doivent à toute puissance légitime.
Gellequi Vous a été confiée est grande sans doute; mais CeSt sa grandeur même qui fait le fondement de nos espérances, udo religion sainte en est la base et peut en être l'unique appui ; or, c'est cette religion qui, par notre organe, vient ett ce moment emprunter son secours, en revendiquant un de ses premiers droits. Respectable à vos pères * elle daigne aujourd'hui vous associera ses intérêts et ia postérité jugera de votre zèle à la servir. Daignez donc, Messieurs, jeter les yeux sur cette
mère désolée. Vous la verrez avilie dans la personne de ses ministres dont la liberté est évidemment compromise; comme si elle était faite pour être prêcnée par des esclaves. Vous la verrez gênée dans son régime intérieur; comme si elle pouvaitêtre asservieà la volonté des hommes, elle qui tire son origine de la divinité même. Vous la verrez enfin exposée à être déshonorée par le mélange monstrueux de« sectes qu'elle abhorre. Ecoutez cette voix perçante, elle demande le redressement des griefs qui la plongent dans la plus affligeante désolation.
1° Dignité du ministère compromise ♦
Nous ne vous parlerons point Messieurs, de ces libelles infâmes qui nous traduisent impunément aû tribunal des simples, Sous les plus odieuses dénominations, des expressions dignes de mépris comme lesauteursténébreuxquiles exhalent ne méritent ni nos plaintes, ni votre attention; cependant des bruits désastreux se répandent ; le clergé est voué à l'anaîhème, et ce qu'il est important dé ne pas vous laisser ignorer, c'est que, pour donner du poids à ces déclamations odieuses, on ose interposer le crédit de l'auguste Sénat, compromettre son autorité et s'étayer de l'appareil imposant de ses décrets mêmes.
Rien de tout cela ne nous affecterait encore, s i ces menaces combinées ne pesaient que sur nos personnes : mais il n'est que trop visible que le culte y trouve le plus grand intérêt et en reçoit les plus vives atteintes ; il est en péril, et nous voyons avec douleur que les nouveaux décrets ne Contribuent pas peu à justifier nos craintes à son sujet. Il suffira désormais d'appartenir à l'ordre des curés pour être inepte aux fonctions publiques et aux placer honorables. Cette incompatibilité dont on voudrait en vain nous cacher les motifs, si elle nè nous met pas au-dessous des derniers citoyens, nous assimile au moins à tout individu sans considération. Si elle était de notre choix, elle ne pourrait que rions faire honneur; mais présentée avec tout l'appareil du mécontentement et de la défiancé, elle ne peut laisser, dans les esprits déjà prévenus, qu'une idée déshonorante de peine et de soupçon.
Les faveurs et les distinctions* qu'on prodigue aux ministres d'un culte proscrit, enchérissent encore sur ces idées humiliantes. On ajoute à tout cela des violences et des gênes inconnues à tout peuple libre. On nous impose des tâches que nous ne pouvons remplir qu'en les substituant aux instructions les plus nécessaires. On force enfin les opinions contre la déclaration des droits de l'homme, et on ne craint pas de nous mettre dans la terrible alternative ou de manquerà notre conscience ou de inourirde faim. Nous ignorons les raisons d'un pareil traitement, mais nous ne pouvons nous en dissimuler les suites.
Un pasteur aussi avili sera-t-il bien en état de remplir ses fonctions avec la dignité et les succès qui conviennent? On aura beau nous renvoyer au respect attaché à la vertu, nous répondrons toujours que les apôtres étaient vertueux, et que leur sainteté n'eut d'autres récompenses que les outrages, les fers, le glaive et les chevalets. G'est à des miracles frappants qu'est due ïa conversion dè l'univers. Privés de ce dernier moyen, quelle due soit notre vertu, qu'avons-nous à attendre des peuples? Déchus de tout crédit parmi eux, quèî service pourrons-nous rendre à la religion que nous avons à leur annoncer? Objets de leur
mépris, nous ne serons plus propres qu'à en affaiblir à leurs yeux les vérités sublimes.
2° Hiérarchie anéantie.
Telles sont les premières entraves qu'une philosophie trop accréditée a su mettre au ministère dont nous sommes honorés ; mais elles n'ont rien de comparable à celles qu'il éprouve à l'occasion du système de sa nouvelle organisation ; celles-ci lui sont d'autant plus funestes qu'elles l'attaquent dans son essence même et dans son origine : sa constitution, changée par une autorité étrangère, va mettre ses fonctions au rang des inventions humaines, et c'en est fait de la dignité de son caractère.
Il n'y a point de religion sans ministres, il n'y a point de ministres sans mission, et il ne peut y avoir de mission si elle ne tient à la chaîne des successeurs des Apôtres.
Le. système des nouvelles élections qui accorde au peuple le droit de choisir ses pasteurs, sous la seule condition d'une simple lettre de communion adressée au chef de l'Eglise, n'a rien qui lui assure ce précieux avantage. Ces élections ne peuvent avoir aucun effet, tandis qu'elles ne seront pas revêtues de la confirmation du Saint-Siège. Suivant le droit canon (Nosti, 9, et qualiter 17, de elect.) et l'usage constant de l'Eglise, jamais élection n'a suffi seule pour investir l'évêque élu de tous les pouvoirs qui lui sont nécessaires. Comme avan t sa consécration, il ne peut exercer validement aucune fonction de son ordre, de même tous les actes de juridictions qu'il expédierait avant d'être confirmé, seraient nuls et regardés incontestablement comme tels. C'est cette confirmation qui, formantle premier anneau de la chaîne delà hiérarchie, sert à rappeler au centre de l'unité toutes les parties du globe catholique. Prétendre, de son autorité privée, s'affranchir de cette heureuse nécessité, c'est rompre avec la chaîne de saint Pierre, se séparer de la communion du vicaire de Jésus-Christ, c'est faire schisme avec toute l'Eglise et s'exclure de la voie du salut. Telle est l'importance que l'on a toujours attachée à cet acte de subordination.
Or, comme c'est une loi de discipline générale, établie par l'Eglise, il ne faut rien de moins qu'une puissance supérieure à la sienne pour avoir droit de la réformer sans son consentement ; nous demandons maintenant si le peuple, par lui-même ou par ses représentants, peut prétendre à un droit de cette espèce ; si, par l'autorité des hommes, il peut se croire fondé à s'arroger un pouvoir aussi étrange, comme on parait vouloir lui faire entendre; si sa souveraineté s étend aussi sur le spirituel et sur les règles toutes célestes de la hiérarchie ecclésiastique : nous nous sommes trompés jusqu'à ce jour sur la nature de nos pouvoirs et sur l'excellence de notre mission : notre foi n'est qu'une erreur, et notre juridiction devenue toute humaine et toute profane, notre ministère reste sans effet comme sans considération.
Qu' on ne dise pas qu'en rappelant tout aux formes primitives, on conserve l'intégrité de l'institution canonique ; car il est évident que ces formes primitives n'étaient rien moins que celles qu'on nous propose aujourd'hui. Un seul passage de Saint-Cyprien, qui vivait au commencement du troisième siècle, nous fournit une preuve sans réplique des droits du peuple dans les élections :
« C est pourquoi, dit-il, L. 1. Ep. 4, il faut faire
« une singulière attention à ce que nous prescrit « la tradition que nous avons reçue de Dieu, et « à ce qu'ont observé les apôtres eux-mêmes, ce « que nous observerons aussi, et ce qui est pra-« tiqué dans toutes les provinces; qui est que, « pour faire une ordination suivant le rit de l'E-« glise, il est nécessaire que les évêques les plus « proches de la province se rendent tous auprès « du peuple pour lequel on veut ordonner un « pasteur et qu'on en fasse l'élection en présence « du même peuple, qui est censé avoir le plus « de connaissance de la vie et des mœurs d'un « chacun (1). » C'était en présence du peuple qu'on faisait l'élection : ce n'était donc pas le peuple qui élisait.
La pragmatique abrogée parle concordat, pour rétablir la forme des anciennes élections, porte expressément qu'elles seront faites par le clergé. La nouvelle constitution civile n'a donc pas tout rappelé aux formes primitives. Et quand elles seraient les mêmes, ce ne peut être au bras séculier à les faire revivre, jamais il ne lui fut permis de mettre la main à l'encensoir. Lorsqu'il y eut quelque changement, l'Eglise seule a pu en être l'arbitre, parce qu'étant l'unique dépositaire de la puissance spirituelle, il n'appartient qu'à elle de juger à qui, quand et comment il est à propos d'en communiquer les fonctions.
Elle seule à de droit divin, le pouvoir exclusif d'aviser au mode le plus convenable de son administration. Ce qu'elle a réformé, elle seule peut le rétablir et juger les causes qui nécessitent son retour. A cet égard elle n'a de loi à recevoir que de Jésus-Christ; ce qu'on fera, sans son aveu et contre son gré, ne pourra donc passer que pour inventions humaines, et toute institution qui n'aura d'autre fondement, • quelque nom qu'on luidonne, ne pourra jamais être qu'un fantôme et une institution factice. Voilà notre foi et voilà celle de tous les temps et de tous les lieux.
C'est le fil de la succession apostolique qui vivifie nos pouvoirs; s'il est interrompu, notre mission cesse d'être divine, et c'en est fait de la religion. Sitôt que les évêques ne recevront point cette institution dans la forme usitée, dont la distribution et la dispensation a été confiées à l'Eglise, les ministres subalternes seront sans mission, ils ne pourront être que des intrus comme ceux qui les auront envoyés, et dès ce moment le chandelier de ia vraie Église aura disparu de nos contrées.
Le changement qu'on propose, touchant la collation des sièges de nos premiers pasteurs, est absolument radical. Le recours au souverain pontife est une de ces formes si anciennes, qu'on en ignore l'origine; si elle est maintenant modifiée ou abrogée par une autorité purement temporelle, l'ordre se trouve interverti, le fil de la tradition apostolique interrompu; et jusqu'à ce que l'Eglise elle-même ait parlé, tout ce qu'on fera ne peut être qu'une entreprise qu'elle condamne ou qu'elle désavoue. Par une conséquence nécessaire, un sujet qui n'aura qu'un pareil titre,
ne peut être un évêque de cette même Église, ni passer pour tel qu'à des yeux abusés ; il ne sera qu'un intrus, parce que son entrée n'aura pas eu lieu par la véritable porte.
Nous n'ignorons pas que l'antiquité a vu le règne des élections ; mais elles n'ont jamais été l'ouvrage du peuple seul, elles se faisaient du consentement et par l'autorité de l'Eglise; les successeurs des apôtres y assistaient en grand nombre, ils y présidaient, et rien ne se faisait en cela que de leur aveu et par leur décision. Malgré ce contre-poids, qui devait contribuer à tenir pour toujours une juste balance, les abus qui s'y glissèrent, et qui en sont inséparables, forcèrent bientôt d'en exclure ceux qui n'y avaient d'autres droits que celui de conseil ; l'Église, par l'effet d'un gouvernement libre, opéra ce changement, pa^ce qu'il n'appartient qu'à elle de statuer sur la forme et l'usage de transmettre l'autorité qui lui a été confiée, et il est à croire que les circonstances du moment, jointes à l'expérience du passé, lui permettront difficilement de revenir sur ses pas.
Il n'est pas étonnant que, dans les temps heureux d'une piété naissante, cette mère commune ait écouté ses enfants, dans le choix de ceux qui devaient les gouverner au nom du Tout-Puis-sant. Les simples fidèles étaient tous animés du même esprit que leurs pasteurs et leurs pères. C'était dans ces siècles heureux où tous les chrétiens n'avaient qu'un cœur et qu'une âme ; tous partaient des mêmes principes, tous tendaient à la même fin ; enfin tous connaissaient et suivaient les mêmes règles ; la charité, qui en faisait le lien, dirigeait les vœux et le choix de tous. Les choses ne restèrent pas longtemps dans ces heureuses, dispositions, et les cabales, qui suivirent bientôt l'impulsion des préjugés, occasionnèrent les plus grands désordres. Le tumulte et les contestations de ces assemblées en furent les premiers inconvénients. Le conflit bruyant des partis opposés, les églises longtemps sans pasteur, les simonies, les schismes, les violences, et les usurpations en devinrent les suites, et une division scandaleuse faillit tout perdre.
Il est impossible qu'il n'en arrive pas ainsi. Le peuple jugera toujours par ses propres principes et d'après ses préjugés ; il peut connaître l'homme auquel il donne sa voix/ mais pour peser à coup sûr les rapports qui doivent se trouver entre les talents et les places, il faudrait qu'il connût aussi l'esprit de l'état auquel il élit. Faible appréciateur des qualités dont il n'a pas d'idées justes, et qui ne sont pas de son. ressort, comment pourra-t-il jamais bien rencontrer celles qui conviennent à l'emploi dont il sera question? S'il aimé sincèrement sa religion, il cherchera sans doute un ministre religieux; mais s'il a d'autres inclinations, il se donnera bien garde de les contrarier. Le verra-t-on choisir avec plaisir celui en qui un zèle connu ne manquerait pas de l'importuner par des remontrances qu'il ne veut pas entendre? choisira-t-il celui dont les vertus austères peuvent être une critique continuelle de sa vie? Non, il est dans la nature de l'homme,qui a droit de choisir ses maîtres, qu'il jette toujours ses vues sur celui qu'il croira le plus faible et ie plus indulgent.
Au surplus, quelle confiance méritera une créature du préjugé d'un moment, élevée par une erreur passagère à un emploi aussi critique qu'important? car c'est ce qui arrivera le plus souvent. Tout le monde sait que. de tou t tem ps, ce fut l'inconvénient de toutes les assemblées ; il ne faut
Bouvent qu'un membre discole pour entraîner tout un corps à un parti qui n'est pas toujours le plus sage; s'il joint du talent à son crédit, il ne manquera jamais de faire passer ses prétentions au préjudice des autres, il dominera infailliblement des têtes plus mûres ; mais moins entreprenantes. Tous ces principes prouvent assez combien on exposerait la foi de l'Eglise et la sagesse de sa discipline, si l'on en confiait le gouvernement à la multitude.
Dans d'autres temps, on a parlé de réforme, on est convenu qu'elle était nécessaire ; il n'en est pas de la discipline comme des dogmes, ceux-ci sont immuables, cèlle-là dépend des circonstances. Il est souvent nécessaire de rétablir ce qui était tombé, et de laisser tomber ce qui était établi ; mais à qui appartient-il d'entreprendre un pareil changement? Ceux qui ont voulu s'en mêler sans mission, se sont égarés, et leurs erreurs n'ont servi qu'à égarer les autres. Séparés de l'unité catholique, ils ont perverti une précieuse portion de i'Europe, ils ont livré leur patrie au double incendie de la guerre et du fanatisme. Quel exemple terrible pour les régions voisines et pour les races futures I II faut tenir à la généalogie des conducteurs d'Israël, pour lui donner des lois salutaires.
3° Juridiction spirituelle abolie.
Tel est l'ordre du souverain législateur, il a constitué le gouvernement de son Eglise sur une base tout à fait différente des gouvernements de ce monde. Nous n'ignorons pas qu'un royaume composé de plusieurs royaumes est un monstre en politique ; que l'unité fit toujours la force et le soutien des États; mais nous savons aussi que dans un Etat libre, les pouvoirs ne peuvent être confondus sans un danger évident de la chose publique. Il importe au bon ordre qu'ils n'empiè-teDt jamais les uns sur les autres. Nous rendrons donc volontiers à César ce qui est à César ; mais nous n'oublierons jamais que les choses spirituelles ne peuvent être à la merci de la volonté des hommes : le pouvoir qui les dirige n'a rien de commun avec les choses de la terre, et s'il est gêné dans son exercice, c'est faire un outrage à 1a volonté suprême, qui en fait une puissance indépendante.
« Subordonner la puissance des pasteurs dans « son exercice et ses fonctions, à la puissance « temporelle, c'est la méconnaître, dit Bossuet, « L 7 des Var., n° 44. C'est sans difficulté la plus « inouïe et la plus scandaleuse flatterie qui soit « jamais tombée dans l'esprit des hommes, c'est « une étrange nouveauté qui ouvre la porte à « toutes les autres; c'est un attentat qui fait « gémir tout cœur chrétien ; c'est faire l'Eglise « captive des rois de la terre, la changer en eorps «politique; et changer le céleste gouvernement « institué par Jésus-Christ, c'est mettre en pièces « le Christianisme, et préparer la voie à l'Ante-« Christ. »
Partout où se trouvera la religion, elle formera toujours un corps politique, dans l'ordre spirituel, corps distingué, séparé, élevé au-dessus du monde, et qui ne tient rien de lui ; il peut être traversé, persécuté, expulsé .même de certaines contrées; mais en quelque endroit qu'il se trouve, il ne peut dépendre d'une domination étrangère sans être anéanti. Si son régime est changé dans une administration purement humaine, dès lors il est hors de sa sphère ; défiguré, dénaturé même,
on peut dire de lui qu'il n'existe plus, sa juridiction perd sa force, elle est nulle par la même qu'elle ne dérive plus de sa source primitive, et tous les actes qui en émanent ne sont que des palliatifs pour amuser les simples et les tromper par un culte adultère.
Qu'il nous soit permis d'observer que c'est précisément le cas où la religion se trouve aujourd'hui par l'effet de sa nouvelle organisation. Qui est-ce qui donnera à l'évêque d'un siège de création récente, la juridiction nécessaire sur les ouailles de celui dont on les sépare ? De quel droit Celui dont on augmente le diocèse prendra-t—il autorité sur les lieux démembrés d'un ancien arrondissement ? Gela esMI bien du ressort de la puissance temporelle? Non, sans l'attache expresse de l'épouse de Jésus-Christ et sans le concours de la puissance qu'il lui a confiée sur les âmes ; ce qu'elle fera Seule n'aura d'autre effet que le renversement d'ordre et une entreprise sur la juridiction spirituelle; c'est en vain qu'elle voudra confondre deux pouvoirs dont la distinction est si formellement établie dans les Ecritures.
4° Distinction des deux puissances, supprimée,
Les choses purement spirituelles et les affaires de ce monde ne peuvent être régies, ni par les mêmes principes, ni . par les mêmes lois.,Essentiellement différentes entre elles, elles ont un ressort essentiellement différent. Le règne de Jésus-Christ ne s'étendit jamais sur celles-ci, mais son autorité sur celles-là ne fut jamais subordonnée ; eette autorité immédiatement transmise à ses disciples, fait incontestablement le partage exclusif de leurs successeurs légitimes, et ne peut être qu'inutilement usurpée par d'autres. On ne peut nier que le dépôt de la foi ne leur ait été confié; la discipline est aussi certainement une des attributions qui forment leur ressort; leur donner des lais sur l'une ou sur l'autre, c'est empiéter sur l'autorité de Jésus-Christ même; c'est à proprement parier, construire une nouvelle Eglise dont nous rougirions d'être les ministres, parce qu'elle ne serait plus celle qui a été bâtie sur la pierre.
Ces principes, Messieurs, ne peuvent être suspects; une Constitution antique lesasolennement consacrés dans les fastes de notre histoire ; depuis longtemps ils sont la base de nos libertés comme d69 droits sacrés de la monarchie. Une mutuelle indépendance des deux pouvoirs servit toujours de règle à la fixation de leurs limites ; et si la France, toujours attentive à ses plus chers intérêts, mit tant d'importance à surveiller leurs entreprises réciproques, c'est qu'il était reconnu que de leur concert unanime et de la conservation respective de leurs droits, dépendait le salut de l'Empire. C'est à vous maintenant, Messieurs, à juger si les nouvelles lois de discipliné que vous venez de consacrer, sont bien conformes à ces vérités essentielles.
Dans les décrets de l'être suprême ces deux puissances se doivent un respect mutuel et réciproque ; car si le Seigneur, par sa doctrine et ses exemples, nous fait une loi indispensable de la subordination dans les choses de la terre, il a su aussi nous commander ailleurs l'intrépidité la plus ferme, lorsqu'il s'agit de maintenir une vérité de dogme ou de discipline. Comme ces deux articles nous ont été privativement confiés, ils ne peuvent, sans prévarication, être soumis à d'autres. Qu'il nous soit donc permis d'emprunter ici le
langage d'un célèbre et respectable évêque de l'antiquité, dans une lettre à l'empereurConstance ; il s'agissait de discipline, puisqu'il était question de communiquer avec les hérétiques.
Il ne peut être permis qu'à un homme, muni du sceau de l'Eternel et des clefs de son royaume, « de s'ingérer dans les affaires ecolésiasti-« ques. Ne prétendez donc point, disait-il, nous « donner des ordres en ces matières ; votre « lot est de les apprendre de nous, Dieu vous a « confié les rênes de l'Empire ; il nous a donné « le gouvernement de son Eglise; comme celui « cjui entreprend sur votre puissance, contrevient « à l'ordre de Dieu, ainsi vous devez craindre de « vous charger du plus grand crime, si vous avez jf la présomption de tirer à vous ce qui nous « regarde. Il est écrit : Rendez à Çégar ce qui « est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ; il ne « vous est donc.pas permis dedomiuer sur la terre ; s mais aussi vous n'avez pas la puissance de ¥ sacrifier. » Telle était alors la foi de l'Église, telle est sa doctrine ancienne et nouvelle, et telle sera celle de la postérité la plus reculée, qui aura le bonheur d'être catholique; parce que la doctrine de l'Eglise est invariable et elle sera à jamais à l'abri de toute atteinte. D'aprèscespriU" cipes, ce serait résister à Dieu que de nous soustraire à vos lois dans les choses temporelles ; mais dans les matières spirituelles, il ne nous est plus permis de vous suivre,
5° Vrai culte gêné par le mélange des Sectes,
Une autre chose vient mêler une amertune extrême au bonheur qui semblait devoir éelore de la nouvelle Constitution de cet Empire. C'est le refus, que la majorité de l'auguste Assemblée a fait, de consacrer l'unité du culte dans le royaume des Français 1 11 nous semble que c'est détruire d'une main ce qu'on édifie de l'autre. Nous désirons, plus que personne, l'heureux succès d'une révolution sagement combinée ; mais où pourra-Mn trouver les merveilleux effets, qu'on aurait lieu de s'en promettre?Nous gommes bien éloignés de les voir dans une collection monstrueuse de cultes dfférents. Nous voyons, au contraire, que cette variété de systèmes, venant d'un côté à se choquer et à se froisser mutuellement, et de l'autre à combattre le culte unique et légi* time, établi par le Sauveur du monde, ne peut manquer d'opérer la division la plus dangereuse dans le royaume; ils ont déjà failli à le perdre et à le bouleverser dans des temps où ils osaient à peine lever la tête; que sera-ce lorsqu'une liberté indéfinie leur aura rendu cette orgueilleuse audace, qui leur est si naturelle? Il suffit de con« naître le cœur de l'homme pour voir, dans cette liberté, un germe de haine et d'antipathie, susceptible des plus funestes suites.
Nous ne les pouvons voir dans cette lioence insouciante de créances arbitraires qui, faisant perdre de vue l'étoile unique de la vérité, ouvre la porte à une incertitude aussi dangereuse pour les inclinations du cœur, que pour les facultés de l'esprit. Nous les voyons encore moins dans cette indifférence orgueilleuse pour les vérités éternel* les, qui, prenant la raison seule pour guide et pour idole, aime à repaître ses partisans d'idées chimériques, filles de l'erreur comme mères de Ja dépravation du goût. La perte de la foi entraîne incontestablement la corruption des mœurs ; avec celle-ci il ne peut y avoir ni liberté ni bonheur pour les sociétés j il y en aura encore moins pour
les individus. Vous désavouez, sans doute toutes, ces conséquences ; mais il nous semble qUe la réticence dul3avriln'en a que trop malheureusement consacré le principe.
Toutes ces vérités ne peuvent ni paraître déplacées ni vous déplaire, elles sont également fondées sur le''respect dû à vos augustes décrets, et conformes aux droits imprescriptibles de l'homme; elles sont d'ailleurs dans nos principes. Vous travaillez pour consolider la liberté des Français, Nous avons tous le plus grand intérêt à en voir une pour base inaltérable : or, pour y réussir nous pensons et nous sommes fondés à croire que la religion seule peut faire des hommes vraiment libres. Pour établir l'esprit public, pour fonder Une société universelle,, pour faire une grande famille de tout le genre humain, il faut un signe de ralliement, il faut un centre et un centre unique; la religion seule a Cet avantage. Où il n'y a que ia loi, il n*y a que des peines pour contenir ; et la crainte des peines fit toujours de vils esclaves. Si vous en appelez à, la nature, tout le monde sait que sa voix ne se fait pas entendre de la même manière à tous les hommes ; autant de préjugés, autant de conclusions différentes découlent de ces principes, les plus connus ; s'il n'y a un juge certain et infaillible dans toutes ces variétés, une fluctuation continuelle d'idées et d'opinions, toujours opposées, entraînera tôt ou tard la grande partie des individus, dans un pyr-rhonisme inextricable. Eh! qui empêchera ce pyr-rhonisme d'attaquer un jour les droits des législateurs eux-mêmes? La religion, c'est-à-dire la seule et unique vraie religion, est un frein à cette incertitude ; elle doit donc faire la première et la plus inviolable de toutes les lois, puisqu'elle est, par elle-même, le principe le plus sûr de leur justice et de leur stabilité.
La nature nous fit tous frères, ce principe philosophique est aussi la philosophie de la religion ; mais il n'appartient qu'à cette dernière de nous le persuader dans la pratique,quand on ne craint rien au delà du temps, quand on ne craint rien au-dessus de sa raison, en un mot, quand on n'a d'autre frein cjue la nature; il faut avouer que les droits réciproques des hommes ont biep peu de valeur et de force. La fraternité est un langage bien doux, bien spécieux ; mais les préceptes qui en découlent sont quelquefois bien durs à remplir, et si la religion, qui les fixe et les consacre, ne vient au secours de la faiblesse humaine, c'est un prodige, qu'on se fasse un scrupule de les franchir. De toutes cep vérités pratiques, il en découle une aussi sensible qu'importante, sur la présente question :: c'est que la religion est le lien le plus fort du contrat social ; si vous admettez dans un grand Empire une liberté indéfinie d'opinions.versatiles, sur les principes et les conséquences du culte religieux, vous ferez immanquablement un Etal composé d'autant d'Etats qu'il s'y trouvera de têtes ; par là vous ôterez l'harmonie et l'union des cœurs, qui de vraient eh faire l'ornement comme le plus ferme appui.
L'ancieh'ne Rome qui semblait n'avoir pris pour devise de ne rejeter aucune fausseté en fait de religion, que parce qu'elle n'admettait dans le fond aucune vérité, attacha toujours une grande importance à cette liberté indéfinie de créance et de culte. Ce sera une question de savoir si cette superstition affectée servit beaucoup à l'iMustration de ce superbe Empire. Des auteurs sensés ont gni y trouver, au contraire, le germe fécond des révolutions, aussi nombreuses que
sanguinaires, dont il fut sans cesse affligé. Nous pourrions y voir après eut, en la considérant sans préjugés, cette barbarie gothique, qui distingua toujours ce peuple altier, cette ambition démesurée s'emparer de l'empire du monde, cette envie de dominer dans l'univers; cet esprit de conquêtes et ce désir insatiable de donner des fers aux nations, et puisqu'il le faut dire enfin, cette férocité guerrière, caractère d'un naturel sauvage et peu policé qui enfanta tant de crùaQtés au dehors, et fomenta successivement au dedans un si grand nombre de guerres intestines, de proscriptions, de meurtres et d'expéditions sanglantes. Qu'on nous dise si de pareils traits font beaucoup d'honneur au genre humain, et si une liberté qui ne se conserve qu'à ce prix, doit mériter le grand nom de conquête.
Il n'en sera pas ainsi de la France, Messieurs» la religion qui y domine fera toujours respecter les puissances, ainsi que les propriétés : On peut dire que lë Français doit la douceur de ses mœurs à cette religion unique» que Clovis prit pour base de sa gloire. C'est cette religioÙ sainte qui met tant de différence entre l'ancienne monarchie dans son berceau, au delà du Rhin, et cellé qui s'est si glorieusement établie dans lès Gaules, sous les auspices de la divinité ; elle a toujours fait le titre distinctif de cette nation depuis qu'elle s'en est honorée, et elle ne cessera de le rendre recommandable à la postérité la plus reculée. Cet Empire, digne émulé de l'Autriche si célèbre, se fera un devoir vraiment. honorable de perpétuer sa créance, eu perpétuant son nom jusqu'à la consommation des siècles, et ce nom si consolant, qui prit naissance dans cette grande ville, ne s'oubliera en France que quand la France cessera d'être.
C'est à vous, Messieurs, à lui conserver ce titre, aussi nécessairè que glorieux, c'est à vous à maintenir le nouveau peuple de Dieu dans une possession de tant de siècles, dont il ne peut se départir sans le plus grand préjudice. Il vous était réservé d'affermir par vos décrets cette foi, que la philosophie du siècle ébranle insensiblement, et qu'elle ne cesse d'attaquer. Ses efforts impuissants, comme ceux des portes de l'enfer, n'ont pu prévaloir jusqu'à cette heure dans notre bienheureuse patrie, mais une espèce d'effervescence dans les opinions commence à étonner notre zèle. Il n'appartient qu'à vous de lui rendre le succès de ses travaux,' en rendant à notre culte toute la gloire qu'il est sur le point de perdre.
Nous finissons en voué conjurant de nouveau de jeter vos regards sur cet Empire, dont le sort est entre vos mains ; jetez-les sur l'univers entier qui s'intéresse si singulièrement au Buccès de vos. travaux ; jetez-les sur ce grand nombre d'individus à qui la confiance a fermé les yeux sur des événements, dont il est si difficile de calculer les suites; jétez-les surtout sur un corps, jadis respecté, qui tient .à cette famille universelle dont vous vous faites honneur d'être membres. Plus attentif que jamais aux intérêts de la religion, parce qu'elle doit lui être plus chère qu'à personne, il vous supplie de ne pas dédaigner ses justes alarmes. Rendez-lui la vie en donnant en France, à l'Eglise de Jésus-Christ, tout le lustre ét la liberté dpnt elle jouit si heureusement depuis plus dé treize siècles. Cette Eglise est maintenant dans les larmes et la désolation. Parlez, et elle lèvera la tête, un seul décret rendra la joie à la France chrétienne, et
assurera de plus en plus vos droits à la reconnaissance.
Au nom du clergé de Nantes, nous concluons : 1® A demander qu'il soit permis à l'Eglise illustre de France de s'assembler en concile pour aviser, de concert ayec la nation assemblée, à une réforme sévère dans sa discipline et son organisation;
2° A supplier l'auguste Assemblée de décréter l'unité du culte dans toute l'étendue de la monarchie;
3° Au surplus, nous soussignés adhérons de cœur et d'esprit à la déclaration d'une partie de l'Assemblée, du 19 avril 1790, et à celle de nos respectables confrères voisins du diocèse de Rennes, du 23 dudit mois, et ont signé:
R. Hervé de La Bauche, recteur, doyen de Retz, doctéur en théologie ; —h Massonet, recteur de Saint-Même, licencié en théologie; — F. Chevalier, recteur de Saint-Lumine-de-Goûtais, ancien député à l'Assemblée nationale; — F. Dauffai, vicaire de Saint-Lumine-de-Coutais ; —- Esseau, directeur des religieuses calveriennes de Mache-coul!p|~J Blanchard, recteur de Sainte-Groix de Machecoul; ^fc Massonet, recteur de Ligné Raffegeau, vicaire de Saint-Même;—Renaudineau, vicaire de la Trinité de Machecoul ; — J. Bodet, vicaire de Sainte-Croix de Machecoul; — Prioul, vicaire de la Trinité de Machecoul ; — Fortineau, vicaire de Saint-Cyr; — Marchesse, recteur de Saint-Cyr et Bourgheuf; —P. Loyseau, recteur de Fresnay; — L. Guillou, vicaire deFresnay;— Barbier, recte»r de Chauvé; — Guilbaud, recteur de Paulx; — J.-M. Dêniaud, vicaire de Chauvé;— P. Courgeon, vicaire de Paulx; — M.-J. Pron-zat, recteur de Rouans, docteur en théologie; — Cossin, recteur de Chemeré ; — J. Milsant,prieur, recteur de Cheix; — G. Lemaulf, recteur de Vue;— Gogué, vicaire de Rouans ; — J. Soret, vicaire de Frossai; — Chevalier, vicaire de Vue;—J. Clavier, vicaire d'Arthonç — Thebaud, vicaire de Rouans; r- G. Galipaud, recteur de Pornic; — F. Garaud, recteur de la Bruffière ; — Barbier, recteur de la Plaine; — Mercerais, prêtre; — V. Perrin, recteur de Saint-Michel de Chef-Chef, en Retz; — J.-B. Dubois, vicaire de Saint-Michel de Chef-Chef;— C„ Rousset, ex-recteur de Saint-Michel de Chef-Chef; — J. Ghauvel, recteur de Sainte-Opportune; — Bung, recteur de Saint-Père-en-Retz; — De Saint-Malon, recteur, prieur du Clion;— Dernays, vicaire du Clion ; — N.-R. Letexier des Jardins, prêtre, vicaire ; — Mouilleron, recteur de Sainte-Marie; — C.-D. Fardel, vicaire de Sainte-Marie;—Félix-Philippe Roland, recteur de Saint-Etienne-de-Mer-morte; — M.-J. Pelletier, vicaire de Saint-Colombain; — Camus, prêtre;— S» Monier, aumônier de l'Hôtel-Dieu de Nantes ;— P. Girard, prêtre, vicaire de Saint-Colombain ;— B. Juguet, recteur de la Marne; — M. Parheleu, vicaire de la Marne ; —Paulmier, prêtre de Saint-Philbert; — Delahaie, prêtre; — Bertho, recteur du Pont-Saint-Martin; — Maillard, prêtre, sous-prieur de Saint-Philbert ; — F. Chatelier, recteur et maire de Missillac ; — F. Mœsnard, recteur de Sairit-Dolay ; — P. Buffon, vicaire de Missillac;— 0. Guillotté, vicaire de Saint-Dolay ; — L.Tual, recteur de Wivillac, doyen de la Rochebernard ;— F. Tudeau, vicaire de NivilLjc; — M. Boterf, vicaire de Nivillac;— P.-J. Dubois, recteur dé la Chapelle-de-Marais ; —- J. Perraud, recteur de Crossac; — Mulonnière, recteur de Touvois; — Bertaud, recteur de Saint-Aignan ; — Leauté, vicaire de Saint-Aignan; — G. Maugeais, recteur de Vertou ; — Guichard, vicaire de Vertou ; — Barré,
vicaire de Vertou ; — M. Grabil, vicaire du Pont-Saint-Martin; — M. Formon, vicaire de Saint-Julien-de-Concelles;-#Mazureau, vicaire deSaint-Julien-de-Concelles; —Gassard, vicaire de Basse-Goulaine; — Gergaud, doyen, recteur de Saint-Sébastien; Dupré-Vilaine, recteur et maire de Rezé ; — Fortumeau, vicaire de Rezé; — Dela-marre, vicaire de Rezé; — Leroi, prêtre, chapelain de Saint-Eutrope-en-Rezé ; — Soreau, vicaire de Bouguenais; — Rivolan, vicaire de Bouguenais; r-f Grespel, recteur de Bouguenais; — A. Bertho, vicaire de Bouaye ; — Millier, recteur de Saint-Mars-de-Cûûtais ; — M.-D. Billot, vicaire de Saint-Père-en-Retz;—■ J. Moyon, recteur de Saint-André-des-Eaux, ancien député de l'Assemblée nationale; — Massonet, prieur d'Avrillé, en Poitou ; — Merlin, recteur du Port-Saint-Père; —Allain, vicaire du Port-Saint-Père ; — Rivalan, prêtre, directeur des religieuses carmélites des Goëts ; — Sauvager, recteur des Mesquer; — P. Vignard, vicaire de Saint-Molf; r— Lévesque, recteur d'Asserac; — J. Gouyon, vicaire de Saint-Liphard ; — Landeau, recteur de Saint-Liphard; — Alno, supérieur de la communauté de Saint-Clément; Bizeul, vicaire de Guérande ; — Yves Leguen, vicaire de Batz; — J. Orfeau, prêtre, vicaire de Batz; — F. Monfort, recteur de Batz ; — Anezo, prêtre, vicaire de Guérande; — P. Chaùssun, prêtre; — P. Lecard, vicaire, de Saint-André-des-Eaux ; — Hyacinthe Tardiveâux, recteur de Gouëron; — Lemaitre, vicaire de Savenay.
Séance du
lit à l'Assemblée: 1° une lettre de M. Bailly, qui fait part à l'Assemblée nationale des arrangements pris par la ville de Paris, pour célébrer, par des réjouissances, la réunion des gardes nationales dans la capitale ;
2° Une lettre de M. de la Tour-du-Pin, relative à la paie des officiers et sous-ofSciers des ci-devant gardes-françaises ; cette lettre est renvoyée au comité militaire;
3° Une lettre du ministre des finances sur les franchises des ports de lettres pour les corps administratifs ;
4° Une lettre de M. de Mandre, curé de Danne-ley, auteur de différentes machines mécaniques et hydrauliques, qui annonce qu'il fera des expériences sur la Seine, et invite les membres de l'Assemblée à s'y trouver.
(de Saint-Jean-d'Ângely). Je demande à faire une simple observation sur la lettre du premier ministre des finances. Je û'im-prouve pas, à première vue, la franchise dés lettres concédée aux corps administratifs, mais ce qui mé choque, c'est que les ministres ( s'ingèrent ainsi dans la disposition d'une partie des revenus publics.
La disposition prise par le minis-
(Le renvoi est prononcé.)
(de Nemours), secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier au matin. L'Assemblée en adopte la rédaction.
propose, au nom du comité de Constitution, un décret qui autorise l'uniforme adopté par les gardes nationales députées à la fédération, et qui enjoint aux gardes qui n'en ont pas de le prendre.
Je demande l'ajournement de la seconde partie du décret. Nous ne pouvons point obliger nos paysans à faire une dépense aussi considérable.
Lorsque l'Assemblée organisera les gardes nationales du royaume, il sera évidemment nécessaire de ne faire qu'un même uniforme, car on ne pourrait trop démontrer, par les signes extérieurs, les mêmes parties d'un même tout. Nous devons donc attendre l'époque de cette organisation, et autoriser seulement à porter l'uniforme adopté par les fédérés, sans engager les citoyens à des frais peut-être inutiles.
(de Nemours). L'uniforme est un moyen de se reconnaître et de se rallier, qui doit nécessairement être le même, afin d'éviter les méprises. J'observe, en outre, que les formes agissent puissamment sur le cœur des hommes, et que tel homme, pris comme auteur de désordres en habit gris, serait le plus ferme soutien de l'ordre en habit bleu. Cette dépense se fera peu à peu. Je suis de l'avis du comité.
(de Saint-Jean-d' Angely). Nous devons autoriser chaque municipalité à décider l'uniforme que devra porter la garde nationale de son territoire.
La couleur d'un uniforme ne peut pas être l'objet d'une longue réflexion : ainsi, pourquoi ne déciderait-on pas sur-le-champ la couleur de celui de toutes les gardes nationales du royaume? Cependant comme plusieurs personnes seront bien aises de réfléchir là-dessus, je pense que demain matin le comité de Constitution doit présenter la détermination d'un uniforme général. En conséquence, je demande la question préalable sur le décret proposé par M. Le Chapelier.
J'observe que rien n'empêche de décréter sur-le-champ un uniforme commun pour toutes les gardes nationales du royaume, en fixant cependant un temps pendant lequel on pourra porter les habits déjà faits.
J'appuie cet avis et je fais remarquer à l'Assemblée combien il importe de former un cordon respectable sur nos frontières, tant pour empêcher i'extcaction de nos blés, que pour s'opposer à l'introduction de certaines marchandises qui épuisent notre numéraire.
(On demande à aller aux voix.)
L'Assemblée arrête que demain le comité de Constitution présentera son travail sur l'uniforme que porteront toutes les gardes nationales quand elles seront organisées.
Les députés des régiments
à la confédération m'ont dit que leurs corps les avaient chargés de rapporter la constitution militaire. L'envie de voir renaître l'ordre et non l'intérêt a fait naître ce désir. Un règlement de police intérieure est ce que les soldats demandent avec le plus d'instance. Parmi les raisons qu'ils ont présentées, se trouve celle-ci, qui est d'un grand poids : Quand on rappelle les soldats aux anciennes ordonnances, ils répondent qu'elles ne sont pas conformes à la Constitution. Je demande que le comité militaire nous fasse connaître'si son travail sur la police intérieure des corps est en état d'être présenté à l'Assemblée. J'ai une seconde observation à vous faire; elle est relative à un objet sur lequel le comité et le ministre sont d'accord. Les porte-étendards et les porte-drapeaux n'avaient que le dernier rang des sous-lieutenants ; le comité propose de leur faire reprendre leur rang quand ils seront lieutenants, du jour où ils ont; obtenu leur brevet d'enseignes; et de même pour les capitaines. Il serait possible de décider cela sur-le-champ. Les députés des troupes de ligne m'ont aussi chargé de vous témoigner la satisfaction avec laquelle ils ont vu fixer à 150 livres le minimum de la retraite des soldats après trente ans de service. (On demande le renvoi au comité militaire.) Ils partent mercredi prochain; on pourrait décider encore, avant leur départ, le doublement ou le tiercemenl des régiments.
(Le renvoi au comité militaire est ordonné.)
fait une motion sur les dispenses pour les mariages. Il démande qu'elle soit renvoyée aux comités ecclésiastique et de Constitution réunis, afin qu'ils présentent incessamment un projet de décret qui lève toutes les difficultés que ferait naître le refus de l'évêque diocésain d'accorder les dispenses, lorsqu'il n y a pas lieu à les refuser.
(Le renvoi aux deux comités réunis est ordonné.)
Je suis chargé de vous ren^ dre compta de Vétat actuel de la contribution patriotique.Malgré vos derniers décrets, 28,000 municipalités sont en retard, et n'ont encore envoyé ni rôles, ni aperçus. Les déclarations dé 13,424 municipalités présentent une somme de 98,428,738 livres. Cette contribution est plus nécessaire que jamais ; elle doit être considérée comme un supplément au revenu public. Nous avons pensé qu'il serait convenable d'inviter les députés confédérés à engager leurs compatriotes à remplir cé devoir, dont l'observation rigoureuse importe à la prospérité publique et à la liberté. C'èst pour nous promettre de faire tout ce que demandent la félicité du peuple et la liberté que nous nous sommes confédérés.
Il faudrait en même temps inviter les fermiers et les débiteurs des droits conservés à payer ces droits et leUrs fermages. Leur défaut de payement est la,cause du retard d'un grand nombre de citoyens.
Je réponds à la proposition du comité, que ceux qui sont chargés de faire des lois ne doivent point se borner à des exhortations, quand ces lois ne sont pas exécutées. Je pense que le comité des finances doit présenter un décret qui indiquerait des moyens de côaction, dont pourraient user les municipalités à l'égard des contribuables, et des moyens de même nature
pour les départements et les districts sur les municipalités. Je proposerai de décréter le renvoi au comité en ces termes.
M. Barnave lit une rédaction de sa proposition ; elle est décrétée comme suit :
« L'Assemblée nationale charge son comité des finances de lui présenter à la séance prochaine un projet de décret sur les moyens coactifs qui doivent être mis entre les mains des municipalités, pour procurer les déclarations exactes et l'acquittement régulier de la contribution patriotique, et sur ceux qui doivent être indiqués aux directoires de district et de département, pour obliger les municipalités à remplir cette partie de leurs fonctions avec toute la diligence que l'intérêt public exige. »
Les commissaires que vous avez nommés pour suivre la fabrication des assignats, m'ont chargé de vous rendre compte des soiijs qu'ils ont pris pour cette opération. Les papiers sont arrivés le 22 du mois de juin ; les modèles ont été arrêtés le 27, deux jours après l'impression a commencé; on tire 14 mille par jour, le nombre augmentera, et lundi prochain, il sera porté à 16 mille. Lagravure ne peut pas aller aussi vite. Cependant M? Saint-Aubin a tellement multiplié les presses, qu'il y a actuellement 80 planches gravées de sa main, sur lesquelles se fait chaque jour un tirage considérable : 218 mille assignats sont maintenant imprimés, 46 mille sont prêts à être délivrés au caissier de l'extraordinaire, ce qui fait une somme de 15 millions. Les bureaux du trésorier sont disposés : ainsi, à cet égard, il ne pourrait y avoir aucun retard. Cependant le comité a cru qu'il ne fallait pas commencer l'échange des billets de la caisse d'escompte avec les assignats avant d'en avoir un nombre assez considérable pour répondre à l'empressement du public, et pour que le service une fois commencé ne soit point interrompu. Le comité a pris en considération les inquiétudes que cause, dans les provinces, l'approche du terme de rigueur fixé pour les échanges. Personne n'oserait se charger d'un billet portant promesse d'assignats qui devrait être, dans quinze jours, échangé à Paris, sous peine de perdre les intérêts depuis le 16 avril,
(M, Le Couteulx lit un projet de décret,)
Je fais observer à l'Assemblée qu'il y a nécessité de proroger le délai des échanges a cause de la foire de Beaucairp, pour ne pas arrêter la circulation des billets.
Rien ne serait plus nuisible à la circulation des assignats que la fixation d'un terme fatal pour les échanges.
Je demande l'ajournement du décret.
Je vous propose de substituer le décret suivant au projet du comité :
« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par les commissaires de l'état actuel de la fabrication des assignats, considérant qu'il convient de ne pas en commencer les échanges, contre les billets de la caisse d'esoom pte, avant d'en avoir réuni une quantité assez considérable pour satisfaire à l'empressemeut du public, et ne pas en interrompre le service : décrète que le terme de rigueur, qui avait été fixé pour les échanges, par le décret du 24 mai, au 15 août, est prorogé ; se réserve, l'Assemblée nationale, de dé-
terminer par la suite le terme de cette prorogation, qui sera indiquée et annoncée un mois avant le jour auquel elle aura été fixée, et le comité des finances est chargé de faire, dans le terme de quinze jours, un rapport sur la fixation de l'époque à laquelle commencera l'émission et l'échange des assignats, et sur les dispositions qui seront adoptées pour cette émission et ces échanges. » (Adopté.)
L'ordre du jour est un rapport du comité des finances sur Vadministration du ci-devant clergé et sur les payements à effectuer par ses receveurs généraux et particuliers.
, rapporteur. Vous savez qu'il y avait une caisse qui acquittait les pensions et les rentes qui existaient sur le clergé; elle a fixé les regards du comité : il y a vu les heureux effets d'une sage administration, et de l'esprit d'ordre du dernier agent du clergé, dont nous avons plusieurs fois admiré les talents aimables dans cette Assemblée. La masse des rentes et pensions que payait le receveur général du clergé, montait à cinq millions sept cent mille livres ; elles étaient acquittées de six mois en six mois avec le produit des décimes; comme il n'y a plus de décimes, et que la nation sera ehargée des dépenses qui étaient acquittées, par cette caisse,il faut foire ces? séria gestion du receveur général après l'exercice de 1789. Mais les décimes n'ont pas été entièrement perçus ; il est convenable de laisser les receveurs d'es décimes faire les recouvrements. Le projet de décret que le comité des finances m'a chargé de vous proposer e6t extrêmement instant ; il présente l'extraction de la dernière pierre de l'antique forteresse du clergé, à laquelle vous avez substitué un édifice admirable par sa simplicité.
(iM. Anson fait lecture de ce projet de décret.)
Je ne viens point contrarier les propositions qui vous sont faites par votre comité, elles sont simples, vous les avez rendues nécessaires; mais puisque décidément vous détruisez jusqu'à la dernière pierre de cette antique forteresse, vous me permettrez de solliciter votre bienveillance et votre "justice pour l'administration de la caisse du clergé. Le comité vous propose bien de décider que les services des personnes qui y étaient employées seront pris en considération, mais je ne sais si cette perspective lointaine suffira à votre humanité ; il faut que l'Assemblée sache que cette caisse, par la sagesse de son administration, a diminué là dette publique au lieu de l'augmenter, elle a fait baisser les intérêts jusqu'à 4 un quart, et dans vingt années de travaux, cette administration a procuré une bonification de onze cent mille livres. Jamais elle n'a donné lieu à aucune plainte ; .votre comité verra qu'elle est dans le plus grand ordre; rAs-semblée qui toujours a montré de l'estime et de la bienveillance pour les services utiles, ne refusera pas d'accorder aux personnes qui étaient employées dans cette administration la moitié de leurs traitements, ce qui ne fera qu'une somme de 30,000 livres, qui, sans doute, ne vous paraîtra pas extraordinaire, quand il s'agit d'une caisse aussi considérable,
On ne peut adopter sans examen une proposition de cette espèce, L'administration du clergé mérite assurément des éloges,. mais je ne crois pas qu'il y ait lieu à une indemnité aussi forte.
Je demande que le comité des pensions rapporte cette affaire incessamment.
(On demande à aller aux voix.) • Les articles proposés par le comité des finances sont successivement décrétés ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. « Le receveur général du clergé continuera de payer à
Paris, jusques et compris le 30 septembre prochain seulement, ia portion des arrérages de
l'année 1789 et des précédentes, des rentes et pensions assignées sur le clergé, et des autres
objets de dépense relatifs à son administration, exigibles avant le premier juillet de la
présente année, qui a été jusqu'à présent payée à Paris. L'Assemblée fera connaître
incessamment par qui et de quelle manière se fera pour l'année 1790 et les suivantes, le
payement des pensions, rentes et autres charges annuelles, qui étaient acquittées ci-devant au
nom du clergé,
« Art, 2. Le receveur général du ciergé est auto-risé à faire payer, comme par le passé, dans les provinces, par les receveurs particuliers des décimes de chaque diocèse, les différentes parties qu'il a été d'usage d'y payer jusqu'à présent, pourvu qu'elles soient réclamées avant le premier septembre prochain, à compter duquel jour ces receveurs particuliers cesseront toutes foncr tioQS ; l'Assemblée se'proposant alors de pourvoir au payerpent des objets de cette nature qui pourraient encore être dus après cette époque.
« Art. 3. Les receveurs particuliers des décimes ou dons gratuits continueront de faire, jusqu'à cette époque, la perception de ce qui peut être ençpre dû des impositions ecclésiastiques des années 1789 et précédentes, et seront tenus de justifier de leurs diligences; en supposant que cette perception ne soit pas complète au premier septembre prochain, ils ne cesseront pas moins d'en poursuivre le recouvrement pour le complément duquel l'Assemblée prescrira incessamment ce qu'elle jugera convenable,
« Art. 4. A celte époque du premier septembre prochain, les receveurs particuliers des décimes dresseront un état des sommes qui seront encore dues sur lesdites impositions de l'année 1789 et des précédentes; cet état contiendra le nom des redevables, Il sera certifié véritable par les rece* veurs des décimes, qui l'adresseront, avant le premier octobre prochain, au receveur général auqpel ils feront passer en même temps les deniers provenus de leurs recouvrements qui pourraient encore être entre leurs mains; ainsi que les pièces justificatives des sommes qu'ils auront payées à la décharge de la recette générale.
« Art. 5. Les recettes et dépenses dont était ci-devant chargé le receveur général du clergé, devant cesser toutes au premier octobre prochain, et les acquits des parties payés en province devant lui être parvenus au même jour, il fera dresser, aussitôt après l'enregistrement de ces acquits, un état qui présentera la véritable situation de sa caisse; cet état, certifié véritable, sera par lui remis au comité des finances, pour en faire le rapport à l'Assemblée nationale. _
« Art. 6. L'Assemblée autorise son comité des finances à nommer des commissaires, pour recevoir les comptes du receveur généràl et en faire le rapport à l'Assemblée nationale.
« Art. 7. L'Assemblée nationale prendra en considération les services de goux qui étaient employés à Paris d^QS l'administration du clergé* »
Le comité de Valiénation des biens nationaux demande à présenter un rapport sur quelques réformes à faire dans certaines coutumes, pour faciliter la vente de ces biens.
(L'Assemblée décide que le comité sera entendu.)
, député de Douai, rapporteur (1). Messieurs, votre comité de l'aliénation des bieus nationaux, constamment occupé de la mission dont vous l'avez chargé, et toujours attentif à écarter les obstacles qui pourraient s'opposer au succès si désiré et si nécessaire de la vente du domaine de la nation, se croit obligé de vous rendre compte d'une pétition du conseil général de la commune de Metz, qui, sous différents rapports, lui a paru mériter une grande faveur.
Dans cette pétition, le conseil général de la commune de Metz expose qu'une coutume absurde et barbare, celle de l'évêché de Metz, flétrit depuis longtemps, par ses dispositions monstrueuses (2), les propriétés foncières de son territoire; et qué si elle n'est pas promptement réformée à cet égard, les biens nationaux qu'elle régit tomberont dans le même avilissement où sont déjà tous les héritages de ce pays.
Ces dispositions, Messieurs, se réduisent à deux. Par la première, les biens qu'un particulier a acquis par ses travaux, par ses sueurs, sont frappés de la même indisponibilité que les biens dontil n'est devenu propriétaire que par succession ; il ne peut même les charger par son testament, d'aucune somme de deniers, si ee n'est, dit la coutume, pour légats de pieux, ou pour récompense de services.
Pour la seconde, lorsqu'un père laisse des enfants de plusieurs lits, ceux du premier lit prennent à l'exclusion des autres, les propres échus ou à échoir à leur père lui-même; et les acquêts qu'il a faits jusqu'au moment de son second mariage. Les enfants du second mariage n'ont droit qu'aux acquisitions qui le suivent, soit pendant le temps qu'il subsiste , soit pendant la durée d'un second veuvage; mais ils ne les partagent avec personne, et leurs frères et sœurs du premier lit en sont exclus à leur tour, quand même leur père n'aurait laissé ni propres, niacquêts faits avant son second mariage. Si un troisième mariage a lieu, la même distribution a lieu encore; et la règle générale, tracée dans l'article 4 du titre XI, est que les enfant nés d'un second, d'un troisième, d'un quatrième lit, et d'autres, s'il se peut, plus reculés encore, n'ont rien de plus que les acquêts faits constant le mariage auquel ils sont nés, et pendant la viduité suivante.
- Telles sont, Messieurs, les deux dispositions que la commune de Metz vous défère comme
deu£ grands obstacles à ce que les biens nationaux qui environnent cette ville, et dont la
masse est très considérable, soient portés à leur véritable valeur. D'un côté, dit-elle, la
crainte de s'inter-* dire à soi-même la disposition des fruits de son industrie; de l'autre,
l'horreur de soumettre des enfants, tantôt, d'un premier, tantôt d'un second lit, à un
exhérédation légale, détournent la plupart des citoyens de placer leurs fonds en acquisition
deviens territoriaux sous ia coutume de l'évêché de Metz. S'ils s'y décidant, ce n'est que
parce que le bas prix et l'avilissement de ces bieps
Je dois vous faire observer, Messieurs, que ce ne sont pas les.circonstances actuelles qui- font tenir ce langage à la commune de Metz. Ce qu'elle vous dit aujourd'hui à ce sujet, le bailliage entier de l'évêché de Metz l'a consigné, au commencement de l'année dernière, dans les instructions dont il a chargé ses représentants à l'Assembiée nationale.
« Que le roi (y est-il dit) soit supplié d'accorder ,« des letfres patentes poor la réformation de la « coutume de l'évêché, cette coutume, qui, dans « la plupart de ses dispositions, est aussi injuste « que bizarre, et diminue la valeur des propriétés.
« II n'est (y lit-on encore) personne qui veuille « acquérir dans le ressort d'une loi municipale « qui donne tant d'entraves et de gênes à la liberté « des citoyens. » -
Des assertions aussi formelles, et répétées par tant de personnes à la fois, ne peuvent malheureusement nous laisser le plus léger doute sur le coup fatal que porteront à Ja vente des biens nationaux les dispositions coutumières qui en sont l'objet.
Mais une chose plus funeste encore, c'est que ces dispositions ne sont pas particulières à la coutume de l'évêché de Metz.
La première, c'est-à-dire celle qui soumet les acquêts aux mêmes réserves coutumières que les propres, se trouve également dans les coutumes du bailliage de Lille (1) et de la Gorgue (2) en Flandre, du Pays de Langle en Artois(3), de Gorze (4) en Lorraine.
Elle se trouve encore, mais diversement modifiée, dans la coutume de Normandie (5), et dans celles qui, à défaut de propres, enveloppent les acquêts dans Jes réserves auxquelles les propres eux-mêmes sont sujets. Le nombre de ces dernières se monte à douze : ce Bout Touraine, Anjou, leMaine, Lodunois, Poitou, Angoumois,iaRochelie, Saintonge, Bretagne, Sens,Bar-le-Duc etAbbeviile.
La seconde disposition et commune à toutes les coutumes qui font résulter de la mort d'un père ou d'une mère, qui laisse des enfants, un lien qui affecte les biens du survivant, de manière que quoiqu'il en demeure propriétaire, il ne peut plus les aliéner ni en disposer, et qu'il est obligé de les conserver (en totalité on en partie) aux enfants issus de ce mariage, à l'exclusion totale ou partielle de ceux qu'il pourrait avoir d'un mariage qu'il contracterait ensuite, et sans charge des dettes ou hypothèques postérieures à la célébration dé ce mariage.
Ces coutumes sont «elles du Hainaut (6), des ville (7) et ci.é (8) d'Arras, du bailliage de
Ba-paume (9), du pays de Latlœu (10); des ville et chatelleniede Cassel (11) ; celles de Liège
(12) et de Namur (13), qui ont force de loi dans quelques
Telles sont, Messieurs, les dispositions qui vous sont dénoncées, comme gêuant la liberte du commerce des fonds, et comme devant, si elles subsistent plus longtemps, priver la nation d'une partie de la valeur des biens qu'elle doit vendre dans les provinces, cantons et villes que je viens d'énumérer.
Sans doute, ces disposition n'échapperaient pas au scapel delà réforme, si l'ordre de nos travaux nous avait conduits jusqu'à la refonte générale de notre jurisprudence civile ; mais cette refonte est encore loin de nous ; ou plutôt il est certain qu'elle ne nous occupera pas un seul instant, et que nous la laisserons à nos successeurs.
Il faut donc, ou que nous consentions à voir la nation vendre à vil prix des biens qui, dans quelques années, aurontrecouvré toute leur valeur au moyen de la réforme de notre législation ; ou que nous corrigions, dès à présent, celles des dé-fectuosités dont fourmillent nos coutumes, qui ont surtout le tort de repousser les acquéreurs et de diminuer ,la valeur des biens.
Or, telle est d'abord la disposition qui prive un homme du droit d'aliéner; de donner, déléguer ses acquêts. Quel est l'homme, en effet, qui peut se plaire, en employant son argent, à s'imposer à lui-même le joug d'une contrainte aussi dure ? non seulement les célibataires, mais tous céux à qui la nature a refusé des enfants, ou qui ont perdu les enfants qu'elle leur avait donnés ? Je dis plus : les pères eux-mêmes doivent se porter difficilement à de pareilles acquisitions ; et il n'y a sûrement que l'attrait d'un bénéfice considérable, qui puisse les faire consentir à se priver d'un moyen que la corruption des mœurs n'a rendu que trop souvent utile, et quelquefois même nécessaire au maintien de leur autorité.
Mais si déjà cette disposition de coutume doit éloigner les acquéreurs des biens qui lui
sont soumis; si, en diminuant, en détruisant peut-être la concurrence, elle peut faire baisser
considérablement les prix, un autre vice plus grand encore doit porter le mal à soii comble,
et révolter les âme3 honnêtes, autant que l'intérêt personnel et l'amour-propre doivent
souffrir de celui dont je viens de parler : ce vice si choquant est celui de l'ordre dans
lequel les enfants de divers lits succèdent à leur père dans les immeubles régis par la
coutume de l'évêché de Metz, et par les autres coutumes citées. — Qu'il est dur, en effet,
qu'il est injuste, qu'il est bizarre, qu'il est impolitique, ce mode de succession qui borne
aux biens échus ou acquis pendant un mariage, les droits des enfants qui en sont nés! est-il
rien de plus propre à corrompre les mœurs? est-il rien qui appelle plus efficacement
l'intrigue et la fraude? — L'expérience est là-dessus un bon juge; et que nous dit-elle? Que
nulle part on Ue voit plus fréquemment que dans les coutumes dont il s'agit, les familles se
désunir, leurs menon bres se soulever les uns contre les autres par l'injustice des partages,
et des femmes intrigantes, des belles-mères avides souiller, par l'imposture et l'artifice,
les dernières heures de leurs époux expirants. — L'expérience nous dit encore que ces coutumes
dégradent les biens qu'elles gouvernent ; qu'elles en rendent la position odieuse; qu'elles
écartent de ceux qui sont à vendre les personnes qui pourraient y mettre le
Sans doute, ce cri sera entendu, ce vœu sera exaucé; et les territoires des coutumes dont nous parlons en ce moment, ne sauraient manquer d'être affranchis du joug de ces usages absurdes qui ont si longtemps pesé sur les habitants. Mais la destruction de ces usages, quoi qu'utile à ceux qui ont souffert, ou qui sont menacés de souffrir de leur injustice, ne le serait point pour l'Etat même, si on la différait jusqu'au temps où la Constitution achevée, l'ordre établi dans les finances, permettront aux représentants de la nation de ne s'occuper plus que du droit civil. Un mal énorme alors et même irréparable aurait pu se faire Les biens que possédait ci-devant le clergé sous ces coutumes, ou n'auraient pu se vendre, ou auraient été vendus à vil prix ; et ou la nation se serait vu privée des ressources qu'elle attend des ces biens, ou elle n'y aurait puisé qu'un secours ruineux, et qu'une mévente inévitable lui eût rendu funeste à elle-même. — Sans attendre jusque-là, sans consacrer ce que le moment ne permet pas encore qu'on détruise , la correction facile de quelques dispositions injustes peut prévenir ce double danger ; et c'est dans cet esprit que votre comité de l'aliénation a l'honneur de vous présenter le projet de décret suivant :
Projet de décret.
L'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. Les réserves coutumières (1) qui interdisent aux
propriétaires majeurs et maîtres de leurs droits, la disposition de leurs acquêts, soit
indéfiniment, soit dans certains cas, soit par acte entre vifs, soit par testament, sont
abolies, sauf la légitime qui aura lieu, dans les cas de droit, sur toute espèce de biens,
même dans les coutumes où elle n'a pas été admise jusqu'à présent.
Art. 2. Dans tous les lieux régis par les coutumes de Hainaut, de Mons, de Valenciennes, de
Saint-Amand, de Cambrai, de Cassel, des ville et cité d'Arras, de Bapaume, de Lallœu, de Metz,
de l'évêché de Metz et de Gorze, tous les biens immeubles, soit propres, soit acquêts, d'un
même père ou d'une même mère, se partageront à l'avenir entre ses enfants de divers lits,
comme s'ils étaient tous nés d'un seul et même mariage; et les dispositions desdites coutumes
qui, après la mort d'un des conjoints laissant des enfants, rendent les biens du survivant
inaliénables et indisponibles, sont et demeurent sans effet ; sans néanmoins déroger à l'édit
des secondes noces, quant à ceux desdits lieux dans lesquels il est en vigueur ; comme aussi
sans rien innover quant à ceux des enfants de pères ou de mères actuellement veufs ou
remariés, qui, lors de la publication du présent décret, seront eux-mêmes mariés ou veufs avec
enfants, lesquels conserveront sur les biens de leurs pères ou mères, la même expectative et
les mêmes droits qui leur étaient accordés par les coutumes ci-dessus, en renonçant par eux,
dans le cas où ils auraient des
(On demande l'ajournement et l'impression du rapport et des articles.)
Le comité d'aliénation n'avait aucuns pouvoirs pour faire des articles de législation; il cherche à mettre le trouble dans toutes les familles du royaume.
(L'impression et l'ajournement sont mis aux voix et ordonnés.)
La séance est levée à trois heures, pour procéder dans les bureaux à l'élection du Président.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures du matin.
l'aîné, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi au soir, dans lequel il est fait mention d'une adresse par laquelle des ecclésiastiques réclament contre le célibat des prêtres.
Je demande que les prêtres qui ont signé cette pétition soient nommés dans le procès-verbal. Si leur vœu est honorable, il est juste que tout l'honneur en rejaillisse sur eux ; sinon, le même esprit de justice veut qu'ils en recueillent tout le blâme.
(On réclame vivement l'ordre du jour contre la motion.)
(L'ordre du jour est prononcé et le procès-verbal adopté.)
(de Saint-Jean-d'Angely), autre secrétairelit le procès-verbal de la séance d'hier.
Aucune réclamation ne se produit.
, au nom du comité des finances, expose que des édits et déclarations des mois d'avril 1788 et décembre 1770, ayant supprimé les offices de jurés-vendeurs de poisson, et ordonné que les droits attribués à ces offices seraient perçus au compte du roi, plusieurs villes se prévalent des décrets qui abolissent ce régime féodal, pour refuser le payement de ces droits ; et pour remédier à cet abus, il propose au nom du comité, un projet de décret qui est adopté dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son
« Que toutes les contributions publiques continueront d'être levées et perçues de la même manière qu'elles l'ont été précédemment, à moins que leur extinction et suppression n'ait été expressément prononcée ; notamment que tes droits perçus sur les ventes de poisson dans les Villes de Rouen, Meaux, Beauvais, Mantes, Senlis, Beauinont, Pbn-loise, Gaudebec, Bernay, Bordeaux et autres, auront lieu cotnoae du passé, jusqu^t ce qu'il y ait été autrement pourvut. >>
, rapporteur du comité des finances, propose un second projet de décret relatif aux droits qui ont été affermés par les ci-devant Etats d'Artois, et ayant pour objet d'assurer la continuation et la perception de ces droits, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le mode d'imposition à établir dans les différents départements du royaume.
L'Assemblée adopte le projet de décret, sauf rédaction, et ordonne que la rédaction définitive sera rapportée et insérée dans le procès-verbal de la séance de demain.
annonce que le second tour de scrutin pour Vélection d'un président n'a pas donné de résultat et qu'en conséquence, il y aura lieu de procéder à un troisième tour.
rapporteur du comité d'aliénation des domaines nationaux, remet sous les yeux de l'Assemblée les articles du décret du 17 de ce mois, sur le retrait lignager et le droit d'écart.
Le comité, dit-il, d'après les observations de.pl u-sieurs personnes a cru nécessaire d'y joindre l'abolition d'un droit de mi-denier, Il vous propose également un article additionnel tendant a laisser aux retrayants la faculté de se faire payer l'intérêt des sommés qu'ils auraient consignées pendant les instances, si mieux n'aiment les acquéreurs leur laisser suivre l'effet du retrait.
combat la nouvelle disposition proposée par le rapporteur et demande la question préalable.
demande qu'on fasse disparaître du décret toUtce qui lui donne un effet rétroactif.
observe qu'il a été décrété que toute demande en retrait lignager, qui n'a pas été jugée en dernier ressort, demeure nulle et non avenue.
Il ajoute qu en ôtant aux juges le droit de statuer sur les demandes en retrait, on leur a concédé le droit de stàtuèr sur lès dépens. L'orateur considère les sommes consignées comme un dédommagement pour celui dont le droit était juste et jl dit qu'il doit faire partie de la peine infligée au plaideur de mauvaise foi.
, rapporteur, adopte l'opinion qui vient d'être émise.
demande que le comité féodal soit tenu de présenter immédiatement un projet de décret sur l'abolition des substitutions.
On veut faire immiscer l'Assemblée dans ce qui ne la regarde pas. N'e8t-ce donc pas assez que nous ayons à achever le grand œuvre de là Constitution ? Veut-oû que noué ne laissions rien à faire à nos successeurs? Décrétez l'organisation judiciaire, celle de l'armée, etc.,et puis vous décréterez tout ce que vous voudrez.
La motion de M. Lanjuinais étant prématurée, je demande l'ordre du jour.
(L'Assemblée prononce l'ordre du jour.)
met ensuite aux voix le projet de décret du comité d'aliénation, modifié par le rapporteur.
Le décret est rendu ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :
«Art. 1er. Le retrait lignager et le retrait de mi-denier sont abolis.
« Art. 2. Toute demande en retrait lignager ou de mi-denier, qui n'aura pas été consentie ou adjugée en dernier ressort avant la publication du présent décret, sera et demeurera comme-non avenue ; et il ne pourra être fait droit que sur les dépens des procédures antérieures à cette époque, ensemble sur les intérêts de sommes qui auraient été consignées par les retrayants.
« Art. 3. L'Assemblée nationale supprime le droit connu dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais sous les noms d'Ecart, Escas ou Bou-tehors, et éteint toutes les procédures, poursuites ou recherches qui auraient ce droit pour objet.
« Art. 4. Supprime également, avec pareille extinction de toutes procédures, poursuites et récherches, les droits de Treizairt perçus par la commune de Nîmes sur les particuliers domiciliés ou non domiciliés qui aliènent leur dernière maison ou héritage ; ensemble les droits d'abzug, détraction, émigration, florin de succession, ou autres semblables qui ont eu lieu jusqu'à présent au profit de ci-devant seigneurs ou de Communautés d'habitants ; comme aussi tous les droits que certaines villes ou communes sont en possession de lever sur les biens qui passent des mains d'un bourgeois ou domicilié, dans celles d'un forain, soit par succession, soit par toute autre voie.»
Vous avez chargé votre comité de Constitution de vous présenter un projet de de'cxet sur F uniforme que doivent porter toutes les gardes nationales du royaume ', voici le résultat de notrè travail i
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de Constitution sur l'uniforme à donner aux gardes nationales du royaume, a décrété et décrète :
« 1° Qu'il n'y aura qu'un seul et même uniforme pour toutes. les gardes nationales, et qu'en conséquence tous les citoyens français, admis dans les5 gardes nationales, ne pourront porter d'autre uniforme que celui qui va être prescrit ; habit bleu de roi, doublure blanche, parements et revers écarlate, le passe-poil blanc* collet blanc et passe-poil écarlate, épàulettes jaunes ou en Or, la manche ouverte, la poche en dehors à trois
pointes, la veste et la culotte blanche; sur le bouton, il sera écrit: Disttict de.... ; leretroussis de l'habit écarlate; sur l'un des retroussis, il sera écrit en lettres jaunes ou or, le mot la loi ; et sur Vautre retroussis, le mot liberté.
« 2° Que les gardes nationales, qui ont adopté un uniforme autre que celui qui est prescrit ci-dessus, pourront continuer de le porter jusqu'au 44 juillet prochain.
3° Que les gardes nationales des lieux où il n'y avait point encore d'uniforme établi, et qui en ont adopté un pour assister à la confédération, pourront également continuer de le porter, mais seulement jusqu'au 14 juillet prochain, jour auquel toutes les gardes nationales du royaume porteront le même habit.
(de Nemours). Je crois qu'il est essentiel de distinguer les gardes nationales des divers départements : si quelque jour elles étaient employées pour repousser l'ennemi, il faudrait que le général pût connaître quel est le département qui débouche de tel ou tel côté. Je demande qu'il y ait une distinction dans les revers.
Je demande que conformément à la belle devise qu'ont adoptée les Français, il soit écrit sur les retroussis : la loi et le roi.
Je propose de substituer le mot de Constitution à celui de la loi. Ce mot ne présente qu'une idée vague, tandis que le mol Constitution a l'avantage de comprendre la loi et le roi.
Je penSe que le mot Constitution ne peut être gravé parce qu'il y a trop de lettres.
Je propose de mettre sur les retroussis : défenseurs de la liberté.
Par mesure d'économie, il faut proroger jusqu'au 14 juillet 1792, le délai rigoureux pour les changements d'uniforme.
J'obServe que presque tous les Uniformes des gardes nationales sont bleus et qu'il suffît d'établir des signes extérieurs de fraternité et d'égalité entre tous les citoyens.
met aux voix le projet de décret du comité de Constitution. Il est adopté avec les modifications suivantes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de Constitution sur l'uniforme à donner aux gardes nationales du royaume, a décrété et décrète.
« 1°. Qu'il n*y aura qu'un seul et même uniforme pour toutes les gardes nationales du royaume ; qu'en conséquence tous les citoyens français, admis dans les gardes nationales, ne pourront porter d'autre uniforme que celui qui va être prescrit. Habit bleu-de-roi, doublure blanche, parements et revers écarlate, et passe-poil blanc; collet blanc, et passe-poil écarlate; épaulettes jaunes ou en or, la manche ouverte à trois petits boutons, la poche en dehors à trois pointes et trois boutons, avec passe-poil rouge : sur le bouton il sera écrit: District de... Les retroussis de l'habit écarlate ; sur l'un des retroussis, il sera écrit en lettres jaunes ou en or, ce mot Constitution ; et sur l'autre retroussis, ce mot : Liberté. Veste et Gulotte blanches.
« 2°. Que les gardes nationales qui ont adopté un uniforme autre que celui qui est prescrit ci-dessus, ne pourront continuer de le porter que jusqu'au 14 juillet prochain, jour anniversaire de la fédération.
« 3° Que les gardes nationales des lieux où il n'y avait point encore d'uniforme établi, et qui en a adopté un pour assister à la fédération, pourront également continuer de le porter, mais seulement jusqu'au 14 juillet prochain, jour auquel toutes les gardes nationales du royaume porteront le même.uniforme. »
(de Saint-Etienne). Afin d'éviter des discussions sur les lieux ou seront déposées les bannières que la municipalité de Paris a données aux fédérés de chaque département, le comité de Constitution a cru devoir vous proposer le décret suivant :
« L'Assemblée nationale déclare que les bannières données par la commune de Paris aux quatre-vingt-trois départements, et consacrées à la fédération du 14 juillet, seront placées et transportées dans les lieux où le conseil de l'administration de chaque département tiendra ses séances, soit que le chef-lieu se trouve provisoire, définitif ou alternatif.
« Quant aux départements où les chefs-lieux ne sont pas encore choisis, la bannière sera provisoirement déposée dans la ville neutre où les électeurs seront convoqués pour déterminer le chef-lieu, afin d'être placée ensuite dans le lieu où l'administration tiendra ses séances, conformément au présent décret. »
(Ce projet de décret est mis aux voix et adopté sans discussion.)
L'ordre du jour est la discussion de la motion faite par M. de Noailles, dans la séance du 15 juillet, au sujet de Varmée
, député de Nemours. Si la proposition que je vous ai déjà faite d'attribuer au Corps législatif le droit de fixer le nombre des individus de chaque grade qui doivent composer l'armée, eût été énoncée avec plus de détail, sans doute elle aurait obtenu l'assentiment général; il s'agit de distinguer les différents pouvoirs : ce n'est pas dans le sein de cette Assemblée qu'on voudra enlever à la nation un droit constitutionnel. Je vais rappeler les principes. Le pouvoir exécutif ne peut exister séparément des pouvoirs politiques. Il ne peut exister qu'aux conditions sur lesquelles la nation a voulu qu'il existât; il ne peut avoir de forces que celles que la nation a voulu lui confier. L'organisation de ces forces appartient à la nation ou à ses représentants, et. non pas à lui-même, car 11 est bien évident qu'on ne peut pas lui laisser le droit de se constituer et de s'organiser ; il est nécessaire dé représenter les décrets précédemment rendus sur l'armée. Vous avez décrété, le 28 février, qu'au Corps législatif appartenait le droit de statuer sur la somme à désigner annuellement pour les dépenses militaires, sur le nombre d'hommes dont l'armée doit être composée, sur solde de chaque grade, sur les règles d'admission au service et d'avancement dans tous lès grades, stir les formes des enrôlements et les conditions des dégagements, sur l'admission des troupes étrangères au service de la nation, sur les lois relatives aux délits et peines militaires, et enfin sur le traitement de l'armée en cas de licenciement. Par votre décret du 26 juin, vous avez appliqué toutes ces lois à
l'armée navale, et vous avez ajouté qu'à chaque législature appartenait le droit de fixer le nombre d'individus aechaque grade qui doivent entrer dans la marine. Je vais vous donner lecture du décret que je vous ai déjà proposé :
« L'Assemblée nationale, expliquant son décret sur l'armée, en date du 28 février, et conformément à celui du 26 juin sur l'armée navale, a décrété et décrète, qu'il appartient au Corps législatif de fixer, sur la proposition du pouvoir excutif, le nombre d'individus de chaque grade dont l'armée doit être composée, tant pour la troupe nationale, que pour Jes troupes étrangères à la solde de la France. »
Cette proposition est inutile ou nécessaire ; si elle est inutile, il fallait le dire de bonne foi, et convenir que, quoique le décret du 28 février n'ajoutât point de chaque grade, ces termes étaient sous-entendus, surtout d'après le décret du 26 juin. Ou la proposition était nécessaire, et en ce cas il est inconcevable qu'elle n'ait pas été adoptée : car on n'ira pas jusqu'à soutenir que les droits du pouvoir législatif doivent être moindres sur l'armée de terre que sur l'armée navale.
Nous sommes précisément dans la situation du parlement d'Angleterre. Si on voulait faire quelque changement dans l'organisation de l'armée de cet Empire, le pouvoir exécutif viendrait proposer ces changements au Corps législatif, qui délibérerait, amenderait, statuerait et renverrait au pouvoir exécutif pour sanctionner. Il est donc nécessaire que le pouvoir exécutif présente son plan au Corps législatif, qui délibérera et fera les changements qu'il croira convenables au bien public : autrement le pouvoir exécutif pourrait augmenter certains grades dans une proportion ridicule; et ainsi vous auriez des soldats et point d'armée. Ôn a cherché à persuader qu'il était possible qu'il n'y eût aucun militaire dans l'Assemblée nationale : si le hasard l'avait ainsi composée, je ne voudrais pas dire pour cela qu'elle serait hors d'état de délibérer sur ce qui concerne l'armée : Louvois, d'Argenson et Goibert étaient-ils militaires ? On né dira pas cependant qu'ils aient engagé nos armées dans de mauvais pas.
Il faut passer à l'objet de la délibération. Votre décret du 28 février contient quatorze articles. Les douze premiers établissent divers points constitutionnels; le treizième est conçu en ces termes : « Décrète enfin que Te roi sera supplié de faire incessamment présenter à l'Assemblée nationale un plan d'organisation de l'armée, pour la mettre en état de délibérer et statuer sans retard sur les divers objets qui sont du ressort du pouvoir législatif. » Far cet article, l'Assemblée nationale a donné l'initiative au roi sur le plan de l'organisation de l'armée. Nous ne prétendons pas là lui refuser: mais l'Assemblée ne lui a pas donné le droit exclusif d'exécution, car elle ne s'est pas interdit le droit de former elle-même un plan d'organisation de l'armée dans le cas où le roi n'en présenterait pas. D'un autre côte, le droit d'intiative accordé au roi ne lui donne que le droit de proposer le décret, et réserve au pouvoir législatif celui de délibérer et de statuer. Ce décret ne dépouille donc pas le pouvoir législatif du droit de fixer définitivement ce qui est de son ressort. On dira, et c'est ici que je termine l'examen en principe général sur le droit du pouvoir législatif, pour tâcher de saisir ie véritable sens du décret du 28 février, en ce qui concerne la détermination du nombre d'officiers de chaque grade : on dira que l'article 13, dont je viens de rapporter les termes, ne réserve à l'Assemblée
nationale le droit de statuer que sur les deux objets qui sont du ressort du pouvoir législatif; on dira que l'article 11, dont j'ai aussi rappelé les dispositions, n'attribue également au pouvoir législatif que le droit de statuer sur le nombre d'homme dont l'armée doit être composée,- qu'il ne lui attribue pas le droit de statuer sur le nombre d'officiers ae chaque grade, et l'on en conclura que le droit de statuer sur le nombre d'of-ficiers de chaque grade appartient au pouvoir exécutif. Je répond s,'en premier lieu, que la fixation du nombre des officiers de chaque grade fait incontestablement partie des articles 2 et 3, etc.
Si j'ai prouvé qu'en principe général le droit de statuer définitivement sur l'armée n'appartient pas au pouvoir exécutif, mais bien au pouvoir législatif, il s'ensuit que le droit de fixer le nombre des officiers de chaque grade appartient au pouvoir législatif et non au pouvoir exécutif. Pour attribuer ce droit au pouvoir exécutif, le silence de la loi positive ne suffirait pas ; il faudrait une loi attributive qui dérogeât formellement auprin-cipe général, et il n'en existe aucune. Je dis enfin qu'il est arithmétiquement démontré que l'article2 du décret du 28 février, a réservé au pouvoir législatif le droit de fixer le nombre des officiers et sous-officiers de chaque grade; que ce même décret lui a également réservé le droit de déterminer la dépense totale- de l'armée. Un des éléments nécessaires des calculs qui doivent fixer cette dépense, c'est sans contredit lé nombre des individus de chaque classe : donc le décret du 28 février a réservé au Gorps législatif le droit de déterminer ce nombre. En résumant mon opinion, je dis que l'Assemblée nationale n'a donné au pouvoir exécutif que ce qui lui appartenait, l'initiative ; que les législatures ne doivent apporter aucun changement à l'armée que concurremment avec le pouvoir exécutif. Je demande qu'on n'admette pas tous ces moyens détournés pour éluder la question, et qu'on Ja pose ainsi : A qui appartient-il, en définitive, de statuer sur le nombre d'individus de chaque grade dans l'armée? Je pense qu'en posant aiusi la question, il n'y aura pas une grande diversité d'opinion dans l'Assemblée; car il ne s'agira plus que de savoir si le pouvoir exécutif peut et doit exposer seul le royaume à l'invasion, ou menacer la liberté.
M. de Noailles ayant refondu totalement son projet de décret en donnant l'initiative au roi et s'étant modelé sur le décret relatif au droit de paix et de guerre, il ne peut plus y avoir de difficulté et je demande qu'on aille aux voix.
Le plan d'organisation de l'armée, proposé par le pouvoir exécutif, répond à tout ce qu'a dit l'auteur de la proposition.
(On insiste sur la demande d'aller aux voix sur-le-champ.)
Je n'ai qu'un mot à dire : on s'autorise de deux décrets, de celui du 28 février et de celui du 26 juin : on vous dit que le décret sur l'armée de mer porte positivement que le Corps législatif déterminera le nombre des individus ae tous grades:, je réponds qu'il a été présenté, mis aux voix et adopté sans discussion dans la même séance, et qu'iiest étonnant qu'on veuille s'en appuyer pour nous faire rendre un autre décret également sans discussion .'j'observe que le comité de la marine a dit son rapport, qu'il s'était écarté du décret du 28 février dans
deux points, à raison de la différence du service; je ne trouve rien dans ce décret qui ait rapport au changement de trois mots, à cette addition importante, de chaque grade. On ne vous a donné que les raisons qui pouvaient appuyer l'opinion qu'on vous présente. On s'est bien gardé de vous faire prévoir celles qu'on peut y opposer. Je demande que la discussion soit ouverte.
Il y a ici beaucoup de malentendus.
M. de Noailles propose, en effet, aujourd'hui, une addition très importante au décret qui avait précédemment été présenté, puisqu'il donne au roi une initiative dans une matière que lui seul peut connaître. Nous sommes arrivés au point où nous étions le 22 juin, au sujet du décret sur ia guerre. Une partie de l'Assemblée demandait que l'initiative appartînt au roi; l'autre partie, qu'elle appartînt au Corps législatif, et elle a été décrétée appartenir concurremment à l'un et à l'autre, suivant un mot qui a été déterminé. M. de Noailles propose une disposition absolument conforme à ce résultat; ce n'est point au décret sur la marine que je me rapporte pour l'appuyer, c'est au décret sur la guerre. Je demande donc que l'Assemblée aille aux voix.
Je ne m'étais opposé aux décrets qui vous avaient été proposés, que parce qu'ils ne donnaient pas l'initiative au roi; aujourd'hui je n'ai rien à objecter, et j'adhère à la proposition de M. de Noailles.
il me semble que l'initiative que l'on veut qui appartienne au roi, sur l'objet qui fait la question du moment, n'est pas, quoi qu'en dise M. Démeunier, du même genre que celle qui a été accordée au pouvoir exécutif par le décret rendu sur le droit de paix et de guerre : dans ce décret l'initiative est exclusive, c'est-à-dire que l'Assemblée nationale ne pourra pas délibérer sur la guerre sans l'initiative du roi. Assurément ici vous ne devez pas être déterminés par les mêmes considérations. Il résulterait d'une initiative exclusive accordée au roi, que l'Assemblée nationale, quand des événements politiques ou l'état de force des puissances voisines permettraient de diminuer le nombre des troupes, ne pourrait délibérer sur cette diminution, si le roi ne l'avait proposée. Le Corps législatif, en déterminant le nombre des individus de chaque grade, fait une loi, et le roi a la sanction. S'il avait l'initiative exclusive, il serait le maître d'empêcher la diminution des troupes. Qu'on ne compare donc pas le décret sur la paix et la guerre à la proposition qui vous est faite; mais qu'on ajoute au décret du 28 février ces mots : « sur le nombre des individus de chaque grade. »
(ci-devant duc). Les observations du préopinant portent à faux. L'initiative du roi tombe sur la manière dont l'armée sera composée, quand la législature aura fixé les dépenses qui seront faites, et le nombre d'hommes qui sera employé. L'opinant a confondu deux choses dis'incles; au reste, un plan vous a été envoyé de la part du roi; je demande qu'il soit examiné sans délai.
relit son projet de décret :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il appartient au Corps légilatif de fixer, sur ia proposition du pouvoir exécutif, le nombre d'individus de chaque
grade des corps dont doit être composée l'armée, tant pour les troupes nationales que pour les troupes étrangères. »
(1). J'éviterai, Messieurs, de vous entretenir encore de tous les objets qui ont déjà été mis sous vos yeux dans la discussion présente, et de vous redire tous les grands principes généraux qui vous ont été exposés par tous ceux qui sont entrés avant moi dans la carrière. Vous savez déjà quelaforce publique, nécessaire à la sûreté extérieure du royaume, doit, par sa constitution même, être combinée avec sa liberté au dedans;
Que l'usage de cette force, dont le pouvoir exécutif doit être armé, doit aussi être modifié par les lois civiles;
Que le citoyen, en devenant soldat, contracte de nouveaux devoirs sans renoncer à ceux qu'il a primitivement contractés avec la patrie;
Que le roi, comme chef suprême de la force militaire doit lui commander, mais par la loi et pour la loi seulement ;
Qu'enfin la nécessité reconnue est la seule mesure juste de la force et des dépenses de l'armée, ainsi que de toutes les dépenses publiques. Ces grands principes établis et reconnus, il est temps de se resserrer dans les bornes de l'analyse et de la discussion; il est des maximes d'une importance générale et qui appartiennent à tous les systèmes : celles-là peuvent se décréter à loisir, là plupart même sont déjà des vérités reconnues, telles que l'admissibilité de tous les citoyens à tous les emplois, les droits de tous les services utiles à tous les grades, Ja faculté bornée d'appeler les troupes étrangères, la nécessité d'un code pénal : tous ces articles peuvent émaner successivement de vos décrets; il en est d'autres qui m'ont paru nécessaires à donner au ministre comme base du plan d'organisation qui lui sera demandé; et c'est de ceux-là seulement que je crois devoir vous entretenir aujourd'hui. On vous a invité, Messieurs, par les dernières conclusions qui vous sont proposées, de demander au ministre du département de la guerre, de vous faire connaître le plan pour l'organisation et l'entretien de l'armée.
J'adhère entièrement à cette vue; elle est faite pour aplanir beaucoup de difficultés et
pour abréger beaucoup de discussion par ia juste confiance que vous accorderez aux vues sages
et à l'expérience du ministre; mais, Messieurs, souffrez que je vous présente une observation
qui me paraît importante : n'est-il pas à craindre que nous tombions dans une sorte de
pétition de principe, lorsque nous demandons au ministre: « quel nombre de troupes vous est
nécessaire pour maintenir la sûreté du royaume » ; il nous répond : « avec les fonds que vous
avez destinés on peut entretenir tant de troupes ». Si nous lui demandons : « quels fonds vous
sont nécessaires pour votre département » ; il nous répond : « l'armée sur le pied actuel
coûte tant; en la réduisant, elle coûtera plus ou moins, suivant qu'elle sera plus ou moins
réduite ». Et si nous lui faisions l'une et l'autre questions à la fois, si nous lui
demandions : « quelle doit être la force et la dépense de l'armée? » il pourrait nous répondre
« qu'elles sont les bases et les principes fondamentaux que vous fixez pour la composition et
l'ad-
Vainement dirait-on, Messieurs, que le ministre est toujours le maître du choix des moyens, et que, sans doute, il emploiera ceux qui'sont reconnus les meilleurs... ; il le ferait, et cela serait encore insuffisant. Ce n'est plus par des décisions ministérielles que le bien peut s'opérer, non qu'un ministre éclairé et sage ne puisse l'ordonner et l'établir; mais la confiance publique, sans laquelle le bien ne s'achève jamais, manquera toujours à des opérations générales dont le succès dépend de la mobilité d'une place ou d'un emploi. Tout a été aperçu et'essayé dans l'armée de France : le bien a souvent été commencé, mais l'incertitude a toujours empêché qu'i l nes'achevât : et l'armée, fatiguée depuis trente ans de variations successives et continuelles, attend, comme un bienfait de la Constitution, une fixité de principes et de loi qu'elle n'a pu obtenir encore de l'autorité.
Je vous proposerai donc, Messieurs, comme articles constitutionnels de l'armée et comme partie intégrante de la constitution du royaume, d'abord deux motifs de délibération, tendant à détermi-
ner : 1° si ou non les établissements et emplacements militaires seront fixes et permanents ; 2° si les détails de l'administration militaire et les dépenses particulières à chacun des corps qui composent l'armée, seront régis par un conseil formé dans l'intérieur de chacun de ces corps.
Et mon opinion étant pour l'affirmation sur ces deux points, je vous proposerai les deux projets de décrets suivants, me réservant de les motiver par les raisons qui, je crois, les lient intimement avec la constitution générale de la nation et qui les rendent l'un et l'autre des bases fondamentales et préalables à la formation du plan d'organisation que vous demanderez au ministre de ce département.
Premier projet de décret.
« Les différents corps de troupes françaises, à « pied ou à cheval, composant l'armée, auront des « emplacements et établissements fixes, séparés « ou réunis; le service militaire dans les places « fortes sera fait par des corps tirés successive-« ment de leurs établissements. »
Second projet de décret.
« L'administration de toutes les parties de dé-« penses relatives à l'entretien de chaque corps « de troupes à pied ou à cheval sera géré par un « conseil particulier, établi dans chacun de ces « différents corps, et soumis à l'inspection et à « la revision des agents du pouvoir exécutif. »
Passant ensuite à deux articles que je regarde également comme des préalables nécessaires à régler, quoiqu'ils semblent tenir moins immédiatement à la Constitution, je demanderai d'abord d'examiner, et vous croirez sans doute nécessaire de fixer, par Un décret, le mode de nomination aux premiers emplois, et le mode de l'avancement successif aux grades.
Enfin, Messieurs, il est un dernier point qui me paraît tenir essentiellement à la fois à la Consti-tuiion, à la formation, à l'organisation et à l'administration de la force publique; c'est l'état, dans l'armée, des capitaines commandant troupe: cette question exige un peu de développement, je tâcherai de la resserrer dans ses plus intimes relations avec la question générale.
Il n'y a, pour ainsi dire, que deux grades dans l'armée : celui qui commande et celui qui obéit; le commandement est ou général ou médiat, tel est celui des hauts grades et des grades supérieurs; ou immédiat, tel est celui des capitaines commandants de troupes. Ce sont eux qui put les relations directes et journalières avec Je soldat; et comme, en dernière analyse, ce sont les soldats qui sont les armées, et que les armées ne sont pas seulement un' rassemblement d'individus, mais un rassemblement de corps réunis par une organisation, les premiers éléments de cette organisation sont aussi la première base de toute consiitulion miliiaire.
Il suit de là que le grade de capitaines commandant les troupes à pied 'et à cheval dont l'armée est composée, est le plus important de tous dans Une constitution militaire, parce que c'est celui qui a les relations les plus directes, les plus immédiates et les plus journalières avec le soldat. Il est donc important que la Constitution même règle l'état de ce grade. Autrefois, dans les armées françaises, les capitaines étaient chargés spécialement et personnellement de tous le3 dé-
tails du formation, de complètement et d'entretien de la troupe qui était à leurs ordres; cette disposition n'a varié qu'à l'époque de la paix de 1763. Les grands changements que l'on méditait alors, les rendaient peut-être nécessaires; mais les raisons qui décidèrent sont précisément les raisons contraires à celles qui semblent devoir décider aujourd'hui : il s'agissait alors d'établir un système de propriété du gouvernement sur l'armée, pour affranchir de toute opposition le système d'assujettissement passif, que l'on voulait rendre le système dominant; il fallait pour cela que le gouvernement s'appropriât l'armée, et le moyen le plus sûr était de rendre le gouvernement propriétaire, en quelque sorte, de tous les individus qui la composaient. On sentit qu'il fallait pour cela détruire toute propriété dans la main des particuliers commandants de troupes, et les réduire à la simple prééminence du grade; je ne vous parlerai pas, Messieurs, des autres inconvénientsquien résultèrent, tels que le moins bon choix dans les enrôlements, l'accroissement d'ambition, qui, n'étant plus satisfaite de,ce qui lui.suflisait autrefois, se porta uniquement vers les grades supérieurs, et les multiplia inutilement; enfin, le découragement et le dégoût qui vinrent saisir ceux qui ne purent y atteindre* je me bornerai aux effets que dût avoir nécessairement cette disposition nouvelle dans l'ordre civil.
Lorsque l'on n'eut plus rien à attendre de son état et de son existence personnelle, on se tourna naturellement vers la source de toute existencp, la cour et les ministres: tout étant devenu , dans l'armée, la propriété du gouvernement, on se donna tout à lui pour en tout obtenir; et l'armée, qui appartenait encore en quelque sorte à la nation, que l'on appelait alors l'Etat, n'appartint plus alors même à l'Etat: elle n'appartint qu'à l'autorité arbitraire qui, disposant de tout, se rallia l'intérêt et i'ambition de tous.
Aujourd'hui, Messieurs, que le roi et la nation forment véritablement l'Etat, aujourd'hui que leurs droits sont délimités, un nouvel ordre de choses dans la constitution générale du royaume me paraît nécessiter aussi un nouvel ordre dans la constitution de l'armée; et me réservant de motiver le décret suivant, dans la discussion, je me bornerai à vous en présenter ia rédaction dans les termes suivants :
Troisième projet de décret.
« La nomination aux premiers emplois sera â « la disposition du roi, d'après les formes qui « seront établies et tous les fils des citoyens ac-« tifs pourront y prétendre. L'avancement sué-« cessif aux grades sera affecté, pour les deux « tiers à l'ancienneté, et, pour un tiers, à la dis-« tinction des services dans chacun des grades « inférieurs à celui auquel il sera promu. »
Quatrième projet de décret.
« Les officiers, commandant les subdivisions « des corps militaires, commises sous la déno-« mination de compagnies à pied ou à cheval, « conserveront leurs troupes, tout le temps qu'ils « seront au service de l'Etat, quel que soit le « grade auquel ils auront été élevés; et seront « chargés, soit individuellement, soit collective-« ment dans chaque corps, de la formation et de
« l'entretien de leur troupe, sous la revision du « conseil particulier. »
Cé§ quatre projets de décrets, ou plutôt ces quatre motifs de délibération, tendent à fixer préalablement :
1° La permanence des emplacements et établissements militaires;
2° L'administration intérieure des corps militaire?, remise à des corps particuliers;
3° La nomination et le mode d'avancement aux grades ;
4è L'état dans l'armée des capitaines commandant troupe.
Ces quatre articles, Messieurs, m'ont paru indispensables.
(Après avoir développé les. motifs de ses diverses propositions, M. de Toulongeon termine en disant):
Il fiiut faire quelques observations sur le mot organisation. Il exprime le nombre des divisions de l'armée, ou autrement celui des régiments et des bataillons. Le mot formation est le Seul convenable, puisqu'on entend par là le nombre des individus qui composent l'armée. Une armée en paix ou en guerre peut être augmentée ou diminuée en hommes et non en grades. L'organisation de l'armée doit être fixe et stable; ëàtis cela, qui voudrait se livrer à la carrière' des armés? Je demande donc pour amendement ces mots ajoutés au décret : « L'organisation de l'armée sera arrêtée définitivement par le corpg constituant, et les législatures s'occuperont de la formation, c'est-à-dire du nombre des individus. »
Les deux difficultés qui agitent l'Assemblée ne sont que dès malentendus. J'observe d'abord au préopinant que l'organisation de l'armée ne peut actuellement être considérée comme Objet constitutionnel. Elle consiste dans la distribution respective des pouvoirs qui régissent l'armée, et dans ses rapports avec la liberté générale, les gardes nationales et le pouvoir civil. Cette organisation peut si peu être constitutionnelle, qu'elle ne dépend pas entièrement de la volonté nationale. La tactique que. nous avons adoptée est peut être la meilleure; mais avec la perfection de celle des autres nations, elle peut devenir la pire; alors il faudrait changer l'organisation de l'armée. Elle n'est donc qu'un objet purement du ressort des législatures. La seconde ! difficulté est relative à l'initiative exclusive du roi. Je pense que le roi doit avoir la proposition; mais que cette proposition doit être forcée et nécessairement faite aux législatures. Je considère deux états militaires, l'état ordinaire et l'état extraordinaire; l'état ordinaire doit être décrété chaque année par les législatures; l'état extraordinaire, nécessité par un événement quelconque, doit être établi par un décret et limité par ce même décret. Dans 1 état ordinaire, le roi doit tous les ans dire au Corps législatif : Je vous propose de continuer votre état militaire, ou d'y apporter telle ou telle modification. La règle, à cet égard, est donc que la proposition appartient au roi, mais que, chaque année, le roi doit proposer. Il faut donc dire que, chaque année tous les objets qui concernent l'armée, seront déterminés, pour l'année suivante, sur la proposition du roi.
Je pense que si l'Assemblée nationale veut être conséquente à ses principes, on ne doit faire porter la proposition du roi que sur l'organisation de l'armée, et non sur le nombre des individus de chaque grade. On a
cité fort ingénieusement le décret sur la paix et la guerre, dans lequel le roi a tout à la fois l'initiative et la sanction. Comme les négociations se font dans le cabinet du roi, il fallait bien lui donner l'initiative. Quant au veto, il n'a été accordé que par la difficulté des circonstances; il ne signifie rien : car lorsque, sur la proposition du roi, le corps législatif a décidé la guerre, le roi ne peut empêcher que la guerre soit faite; quand hien même on croirait qu'avec l'initiative il pût avoir le veto, je rejetterais la proposition. On vous amènerait successivement à donner au roi initiative et veto sur chaque loi. Il me parait qu'il doit avoir l'initiative sur l'organisation de l'armée; mais je ne vois nulle raison pour qu'elle soit forcée, car l'initiative forcée n'a d'autre objet que de mettre en opposition défavorable le pouvoir exécutif avec le pouvoir législatif. C'est compromettre la prérogative : si le roi avait l'initiative sur le nombre des individus de chaque grade, les ministres pourraient, afin de se faire des créatures, chercher à augmenter des emplois précieux à la cupidité et à l'orgueil. Avec un tel moyen de corruption, ils parviendraient à détruire l'esprit public, à attaquer la Constitution, peut-être même à l'anéantir. Je pense donc qu'il faut refuser l'initiative sur la première partie du décret, et l'accorder sur la seconde.
présente une rédaction qui obtient la priorité et qui est décrétée ainsi qu'il suit à la presque unanimité :
« L'Assemblée nationale décrète qu'à chaque session de la législature, sur la proposition du pouvoir exécutif, le nombre d'individus de chaque grade sera déterminé par un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi. »
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur Vordre judiciaire.
Dans la séance du 13juillet, l'Assemblée a adopté l'article 10 du titre II concernant les juges de paix.
Le rapporteur a la parole.
, rapporteur. Messieurs, la dernière des questions qui vous sont proposées sur l'étendue des pouvoirs des juges de paix est de savoir s'ils auront une compétence exlrajudi-ciaire. Je crois qu'on peut leur transmettre le droit d'apposer les scellés en cas de décès ou de faillite, ainsi que la nomination des tuteurs, et je vous propose de les autoriser à recevoir le serment des tuteurs ou curateurs, parce qu'il n'est pas naturel qu'on aille, en exécution d'une délibération homologuée devant eux, prêter serment devant d'autres.
Nous vous proposons, en conséquence, un article nouveau qui serait le 11e et qui est ainsi conçu :
« Art. 11. Le juge de paix apposera les scellés en cas de décès ou de faillite; il recevra les délibérations defamiile, tant pour la nomination des tuteurs, que pour la direction des affaires pendant la durée de la tutelle, à la charge de renvoyer-devant le juge de district tout ce qui deviendra contentieux ; et, dans tous les cas, il pourra re e-voir le serment des tuteurs et des curateurs. »
En ce qui concerne les faillites, j'observe qu'il y a lieu souvent à des ventes d'immeubles et que cet objet ne peut être compris dans la compétence des juges de paix. J« propose donc de retrancher de l'article les expressions en
cas de décès ou de faillite et de dire en général que lorsqu'il y aura lieu d l'apposition des scellés elle sera faite par les juges de paix.
Pour que l'article soit complet, il faut encore ajouter que le juge de paix procédera aussi à la reconnaissance des scellés, mais sans pouvoir connaître des contestations auxquelles cette reconnaissance donnera lieu.
Je demande que le juge de paix ne soit pas toujours obligé d'apposer lui-même les scellés et que cette apposition puisse être faite par un greffier assisté d'un des prud'hommes.
Je demande qu'il soit dit dans l'article que le juge de paix pourra recevoir les délibérations de famille dans le cas où il s'agira de nommer un curateur soit à un enfant, soit à un enfant à naître.
Je pense qu'il y aurait avantage à ajouter à l'article les délibérations des familles pour l'émancipation et la curatelle des mineurs.
Je demande si les ^délibérations de familles relatives à l'éducation et aux mariages des mineurs sont comprisesdans l'article.
J'observe que l'article comprend, par une expression générale, toutes les délibérations relatives àl'administraton de la tutelle pendant tout le temps de sa durée.
Plusieurs des amendements proposés sont adoptés.
L'article IIe est ensuite adopté pour la rédaction entière en être de nouveau présentée par le rapporteur à la séance de demain.
, rapporteur. L'article 11® du projet primitif qui devient le 12® du titre II est ainsi conçu :
« Art. 12. L'appel des jugements des juges de « paix, lorsqu'ils seront sujets à l'appel, sera « porté devant les juges de districts, et jugés" « sommairementàTaudience sur le simple exploit « d'appel/»
L'article aurait pour effet de préjuger qu'il y aura des tribunaux de districts, ce qui n'est pas encore décidé. Je demande l'ajournement.
J'observe que pour ne pas nou-i lier sur l'établissement des juges de districts, il suffit de dire : juge supérieur ou juge d'appel.
(L'ajournement est de nouveau demandé. Il est mis aux voix et adopté.)
annonce que l'Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour la nomination de son Président. La séance est levée à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Cette séance entière est consacrée à terminer la discussion sur les retours du commerce de l'Inde; aucun autre objet ne doit y être traité. L'article en discussion est l'article 4 au projet du comité d'agriculture et de commerce qui porte que les retours de l'Inde ne pourront avoir lieu que par le seul port de Lorient. La parole appartient à M. Prugnon, dont le discours a été interrompu par la levée de la séance de jeudi dernier.
11 me reste à examiner la question sous le rapport de l'intérêt des finances de l'Etat et de celui des manufactures. Depuis le 13 août 1769, jusqu'à l'établissement du privilège de Lorient, le commerce de l'Inde a été entièrement libre et les marchandises blanches venant de l'Asie sont entrées librement par toutes les frontières... (M. Rœderer et plusieurs membres contestent ce fait.) L'expérience de ce temps a prouvé que chez une nation active et industrieuse l'esprit de rivalité opère des prodiges. Les importations de l'Inde ont été, pour quelques-unes de nos manufactures, des moyens efficaces d'émulation. Depuis 1777, les manufactures du Beaujolais et de Valenciennesont presque doublé leurs opérations et leurs produits. Les fabriques d'indiennes ne se servent-elles pas de toiles blanches des Indes? N'ont-elles pas dès lors intérêt à les faire baisser de prix? Nos manufactures de coton méritent-elles un privilège, quand on voit avec surprise que nous n'avons aucune fabrique de mousselines digne de considération? Le luxe est indestructible en France, et les marchandises de l'Inde en sont le premier aliment. Si nous n'allions les acheter nous-mêmes dans l'Inde, il faudrait ies recevoir de l'étranger; nous les achèterions avec l'or, tandis que dans l'Inde notre commerce se fait par échange. Pourquoi perdre le bénéfice qui en résulte? Mais quand même il serait de l'intérêt des manufactures que l'on mît des entraves aux spéculations de cette nature, pourrions-nous oublier que nous tirons de l'Asie du thé, des épiceries et des teintures dont nous ne pouvons nous passer? On répond à ceux qui citent avec succès l'Angleterre, que la compagnie anglaise des Indes favorise l'esprit public; mais notre régénération ne doit-elle pas nous préparer de grandes ressources? Une bonne administration ne fait-elle pas la valeur réelle d'un Empire? Nous aurons une bonne administration, et l'esprit public s'étendra dans toutes les parties de la France. Il est donc certain que ce n'est pas l'intérêt des manufactures qui doit nous engager à maintenir le privilège du port de Lorient. Examinons maintenant la question sous le rapport de l'intérêt du Trésor public. Un seul port est, dit-on, plus avantageux à la perception; il faudra, si les retours sont libres dans tous les ports, une plus grande surveillance, : cette surveillance sera plus difficile, j'en conviens; mais il y a loin de la difficulté à l'impossibilité; mais il ne faut pas tuer les grandes choses par la multiplicité des petits moyens. Je fais une ré-
ponse péremptoire. Ce ne sont pas des barrières qu'il faut pour arrêter la contrebande, mais de ia modération dans les impôts, mais une égalité toujours proportionnelle, mais une répartition faite, non pas sur la valeur qui est le plus souvent incertaine, mais par quintal. Si le droit est trop fort, la tentation de la fraude est nécessairement très forte. Quand il se trouverait quelque inconvénient dans ce procédé, pourrait-il être mis en balance avec les avantages de la liberté? Ce n'est pas seulement par les ports du royaume, mais par Cadix, mais par Livourne, mais par nos frontières que peut se faire la contrebande. La communication est nécessaire par sa nature; elle se fera toujours si l'on ferme les ports; elle ne se fera pas davantage s'ils sont tous ouverts... Mais, dit-on, laissez, pour les retours de l'Inde, deux ports, l'un dans l'Océan, l'autre dans la Méditerranée, et vous aurez suffisamment pourvu à celte communication. C'est seulement proposer des droits relatifs, lorsqu'il s'agit de statuer sur le droit général. J'avoue que Marseille me semblerait appelée à obtenir cette faveur. Le commerce des caravanes ne pourrait alors soutenir la concurrence avec elle, et sans doute cet avantage aurait été à considérer dans l'ancien ordre de choses; nous pouvons, sans attaquer la liberté, nous assurer cette superbe conquête; et vouloir l'obtenir d'une distinction accordée à Marseille, c'est, selon moi, vouloir deux privilèges au lieu d'un, c'est dire la Méditerranée aura aussi son port de Lorient. Il est impossible d'obtenir la suppression des privilèges si l'on conserve un port exclusif. Les gros vendeurs de Lorient forment, par le fait, une compagnie. Et de quoi n'est pas capable l'intérêt sordide d'une compagniel Voyez celle des Indes hollandaises. Combien son insatiable avarice lui a commandé de crimes 1 Ne l'a-t-on pas vué dépeupler les Moluques, arracher les girofliers, brûler les cannelliers, insulter à la nation, et dire à la terre : Je veux que tu ne produises pas, si tu ne produis pour moi? Voulez-vous voir renouveler ces horreurs, accordez un droit exclusif de retour à un ou deux ports. Je conclus, qu'attendu le décret par lequel vous avez rendu le commerce de l'Inde libre à tous les Français, il n'y a pas lieu à délibérer sur le décret proposé par le comité.
Je n'ai que quelques observations à vous soumettre. Le plus fort des motifs présentés, pour faire adopter le plan du comité, c'est l'intérêt des manufactures; elles ne peuvent craindre que la fraude : c'est donc la fraude qu'il faut chercher à réprimer. Le moyen que l'on a trouvé pour y parvenir, consiste à forcer les retours dans un ou deux ports. Un honorable membre, dont j'ai souvent admiré les talents, vous a dit des choses fort extraordinaires sur la Méditerranée; il vous a parlé comme un de ces marins qui n'ont jamais vu la mer; il a fait valoir la situation de Marseille, en disant que la nature a tout fait pour elle; mais ce port, très beau dans son intérieur, est entoûréde dangers et d'écueils, son entrée est resserrée, et malheur à celui qui ne connaît pas parfaitement ces parages! il peut être, malgré tous les efforts d'une manœuvre intelligente, porté sur le môle. D'ailleurs, ce beau port manque de profondeur, et les vaisseaux revenant de l'Inde seraient obligés de se défaire, avant d'entrer, d'une partie de leur chargement. Le port de Cette, qu'on vous a dit être très spacieux, et pouvoir contenir un grand nombre de bâtiments, a encore moins d'eau que celui de
Marseille : sa situation est mauvaise; il est situé dans le golfe de Lyon, fréquent en naufrages. Ceux qui ont proposé de le choisir pour recevoir les retours d'Asie, ont oublié de vous prévenir qu'il faudrait faire le voyage de l'Inde avec des tartanes. Le port de Toulon semble réunir tous les avantages : sa rade est belle, l'eau est profonde et le fond excellent. On a opposé que c'était un port royal : c'est une raison de plus pour lui donner la préférence. Je propose de poser ainsi la question : « Les retours de l'Inde seront-ils libres dans tous les ports, ou seulement dans les ports de Lorient et de Toulon? »
Les amis de la liberté s'effraient au seul mot de privilège exclusif ; il ne s'agit pas ici, à l'égard de Lorient, d'un privilège, d'une préférence, mais d'une précaution nécessaire. Laissez faire, laissez passer est un principe vrai; s'il était adopté par toutes les nations qiii font le commerce de l'Inde, la France y gagnerait beaucoup : mais les nations voisines ne laissent entrer chez elles de marchandises manufacturées qu'en les soumettant à des droits très forts. Tout citoyen doit,sansdoute,spéculer comme il lai plaît : il faut laisser passer, c'est-à-dire laisser sortir toutes les exportations. Les exportations sont utiles à nos manufactures, les importations seules pourraient leur nuire. Votre comité a pensé qu'il était indispensable d'assujettir les marchandises de l'Inde à un droit de 5 0/0. Ce droit est modéré ; il devait l'être pour que les Anglais et le,s Hollandais n'eussent pas la préférence. Le comité propose un second droit sur les marchandises consommées en France ; elle3 ne se soustrairont pas -à ce droit, s'il est levé sur la valeur des ventes publiques, et non sur le prix de l'estimation. Cette manière de l'imposer est le seul moyen de proportionner les droits au prix de nos marchandises nationales. Ainsi les ventes publiques de Lorient sont la sauvegarde des manufactures françaises, Dans les quinze années où le commerce de l'Inde a été libre, Marseille n'a pas réclamé l'avantage des retours. Les désarmements se sont toujours faits à Lorient, à Ostende, à Livourneet même à Gênes. Une considération qui vous prouvera qu'on peut, saris effrayer beaucoup le commerce, déroger au principe d'une liberté générale, c'est que, par le fait, les retours du Levant sont exclusifs à Mar seille, puisqu'il y a, en faveur de ce port, une différence de 27 0/0 sur les marchandises importées dans les autres ports de France. Ce qui peut faire regarder le port de Marseille comme le moins propre pour les retours de l'Inde dans la Méditerranée, c'est que les marchandises du Levant ont une grande similitude avec celles de l'Inde, et qu'on pourrait aisément en profiter pour frauder les droits de celles-ci. Les autres ports indiqués ont aussi des inconvénients; celui de Lorient réunit à tous les avantages de la nature, pour empêcher les versements frauduleux, ceux que présentent les établissements qui y ont été formés pour cette espèce de service public. J'adopte donc le décret proposé par votre comité.
Vous avez détruit la compagnie des Indes; vous avez examiné cette importante question sous tous les points de vue, sous tous les rapports politiques et commerciaux. Lorsque vous avez rendu ce décret qui vous a valu les bénédictions de tous les négociants français, ont-ils dû s'aitendre que vous réserviez un perfide ultimatum à leur industrie? Quoi ! des hommes libres par la Constitution au-
ront exporté leur valeur ou leur échange de toutes les parties de l'Empire, et vous les contraindrez à leur retour au choix forcé d'un nouveau domicile, d'un nouvel entrepôt; vous dénaturerez ainsi votre premier bienfait !...
Lorsqu'on a agité dans cette Assemblée l'importante question de l'abolition du privilège exclusif, toutes les ressources ont été employées; nous a vous entendu les raisons que les divers orateurs appuyèrent de tout le poids de leur éloquence.....Rien n'a pu détourner nos vœux et notre volonté.....Nous avons voulu que le commerce de l'Inde fût libre, et il l'est.....Cette compagnie qui, par sa suppression, devait entraîner la ruine dé notre commerce dans cette partie du monde, non seulement n'a pas arrêté une seule spéculation, mais on a armé presque dans tous les ports; notre commerce a pris une marche plus imposante. Et ces grandes spéculations dont on le menaçait, au nom du peuple de l'Angleterre, n'ont servi qu'à augmenter les entreprises au lieu de les diminuer. Votre décret, portant l'abolition de la compagnie, a été approuvé, applaudi dans tous les ports et rades, par tous les commerçants et tous les citoyens; et vous perdez six séances pour savoir s'il obtiendra toute la latitude d'exécution dont il peut être susceptible l.....Et pour qui perdez-vous un temps si précieux, Messieurs? pour trois ou quatre négociants fameux de la ville de Lorient qui voudraient accaparer, par les conséquences, ce que vous leur avez refusé par le principe... Vous entendez plaider pour quelques entreposeurs, quelques détailleurs de cette ville, qui vendront quelques pièces de mouchoirs des Indes de moins, et dont l'intérêt, quel qu'il soit, ne pourra jamais être comparé au grand intérêt, à l'intérêt toujours prédominant de la patrie et de la liberté publique. On a voulu vous persuader que plus vous aurez de ports ouverts pour ce commerce, plus la contrebande serait active, et moins les droits sur les marchandises rapporteraient au Trésor publie.
Je crois pouvoir vous dire qu'une fois parvenu à ce bienfait que nous devons encore au peuple, de transporter les douanes sur les frontières de notre territoire, vous monterez une marine garde-côtes assez active pour s'opposer invinciblement à toute importation prohibée..... Et si le devoir n'était pour les marins et les commis un véhicule assez puissant pour s'opposer aux entreprises de la contrebande, vous n'auriez qu'à prononcer la loi de la confiscation des marchandises frauduleusement introduites : cetle manière n'admet ni prévarication de la part des gardiens, ni moyen d'oppression contre les citoyens; tous connaîtront la loi, ils seront coupables s'ils l'enfreignent, et la peine sera toujours à côté du délit. Que cette dépensé de la marine ne vous épouvante pas, je tâcherai de vous prouver, lorsqu'il s'agira de cet article important, qu'une marine payée doit être constamment en activité, que tout se dissout dans l'inaction ; vos officiers et vos soldats perdent leur caractère et tous les moyens d'instruction, vos vaisseaux de tous rangs pourrissent dans les ports ; mais en donnant les moyens d'agir, vous conserverez vos bâtiments, vous formerez des soldats, et vous serez toujours prêts à attaquer vos voisins lorsqu'ils cesseront d'être vos frères.. Cette marine dont on fait monter la dépense à des sommes si exorbitantes, n'est arrivée à cet excès de dilapidation que parce qu'on a eu l'art d'imaginer des places pour des fonctions inutiles, ou pour donner des suppléments d'appointements scandaleux ; et ce qui vous étonnera, et .ce qui étonnera toute l'Europe, c'est que les appointe-
ments ou suppléments d'appointements de l'intendant et commandant d'un port français, coûtent plus que toute l'administration civile et militaire réunie du premier port de l'Angleterre.
La marine, réduite au nombre de sujets nécessaires pour le service, vous étonnera par la diminution de la dépense et la presque impossibilité des prévarications : vous devez avoir en vue de protéger Je commerce, d'être en état de vous préserver en tout temps des incursions ennemies, et d'assurer infailliblement les droits que vous aurez ordonné de percevoir au profit du Trésor public. Ainsi, que les octrois dont vous ordonnerez la levée sur les marchandises de l'Inde n'excitent point votre sollicitude; ils seront perçus comme les autres avec scrupule, parce que tous les intérêts se réuniront pour vous obliger à avoir une marine garde-côtes, sans cesse agissante, parce que vous ordonnerez à vos marins de faire respecter les lois, parce qu'au lieu d'avilir ces fonctions, vous les rendrez honorables, puisqu'elles assureront le service public, et que ce sera pour les militaires un attachement aux grades et aux récompenses.
On paraît craindre que le goût de la nation pour les étoffes étrangères n'anéantisse les manufactures nationales ; mais la nation française n'existe comme patrie, aux yeux de ses habitants, que depuis 1789. Voyez ce qu'a produit sur les âmes le nom seul de la liberté, de la patrie ; déjà vous êtes honteux de vous couvrir des étoffés d'Angleterre.... ; et ceux qui cesseront d'avoir ce goût bien pardonnable pour les fabrications d'une nation si industrieuse, ne le changeront pas subitement pour les fabrications ridicules de l'Inde. Jamais vous ne verrez qu'un Français qui va cesser de paraître Anglais, parce qu'il est nonoré de sa qualité de citoyen, aime à s'affubler d'étoffes de l'Inde, pour le seul plaisir de singer les Indiens et de contrarier les manufactures nationales... Je pourrais vous citer à cet égard l'Angleterre: son commerce si entendu dans l'Inde n'a pas affaibli, diminué ou dénaturé ses manufactures.
Le citoyen rentré dans ses droits se livrera à de vastes conceptions. Les efforts de son industrie ne connaîtront pas de bornes. Rejetons loin de nous ces prohibitions qui affligent toujours un homme libre, qui dénaturent tous les sentiments, et peuvent arrêter, dans l'état de renaissance où la France se trouve, les spéculations les plus favorables au commerce national. De quelque manière qne l'on considère celte question, qui a cessé d'être importante, ou plutôt qui est décidée depuis votre décret sur la suppression de la compagnie, on pourra toujours vous dire : Si vous craignez la contrebande sur les marchandises de l'Inde, vos alarmes doivent subsister pour toutes vos relations commerciales avec les autres nations; Si vous redoutez la concurrence des marchandises étrangères, détruisez ces rapports; si vous voulez défendre l'entrée du royaume aux marchandises de l'Inde, remarquez au moins que tous les peuples qui vous entourent vous inonderont en fraude de ces mêmes marchandises, que vous ne voudrez pas importer, etque vous resterez sans marine, sans considération et sans argent... Si,au contraire, et c'est certainement votre vœu, vous voulez rendre votre commerce florissant, n'apportez aucune entrave à l'industrie, ni aux spéculations. Ne souillons pas notre Constitution, n'écoutons l'intérêt d'aucune partie de l'Empire; considérons l'ensemble; voyons s'il serait utile à tous qu'une seule ville fût libre, et que toutes les autres devinssent ses tributaires; voyons si l'intérêt de
quelques entreposeurs, de quelques privilégiés de Lorient doit être comparé avec l'intérêt général, l'intérêt politique est vraiment imposant de tous les habitants de cet immense royaume.
Cependant si l'Assemblée voulait prononcer ce privilège exclusif pour un seul port, ce que je ne puis pas croire, je demande que les chambres du commerce soient entendues.
Voici quel serait mon avis sur la lumière de poser les questions. — Doit-on entendre les chambres du commerce, pour savoir s'il doit y avoir dès ports exclusifs pour les retours et désarmements des vaisseaux du commerce de l'Inde? Si cette question était décidée à l'affirmative, la décision serait ajournée; dans le cas contraire, je demande que ces questions soient posées ainsi :
1° Les retours et désarmements des vaisseaux du commerce de l'Inde se feront-ils indistinctement dans tous les ports de France, oui ou non ?
2° Ces retours et désarmements se feront-ils dans un port unique, oui ou non ?
3° Ces retours et désarmements se feront-ils dans deux seuls ports désignés, un dans l'Océan, un dans la Méditerranée ?Si ce dernier avis prévaut, comme tout paraît l'indiquer, qu'il me soit permis de dire un mot sur Toulon, sur la position d'une ville qui est si importante, et qui m'est à tant de titres si ehère... Cette ville est au centre du commerce de l'Italie et du Levant. Les plus grands vaisseaux abordent dans son port, et y sont toujours en sûreté; l'arsenal de nos forces navales donne une quantité de constructeurs et d'ouvriers fameux en tout genre. Ces hommes utiles,manquant souvent de travail,sont contraints de quitter leur patrie. Cet accroissement de commerce, en favorisant ce genre d'industrie, nous mettrait à même d'accélérer nos armements, et dans un temps de guerre inopiné, nous n'aurions pas besoin de faire une espèce de presse pour amener à grands frais des ouvriers dans nos arsenaux ; à ce titre, il résulterait de cet établissement une grande économiepour te Trésor public, et une grande consolation pour les familles qui s'adonnent aux travaux des ports. La nouvelle constitution de la marine, au lieu d'affaiblir, d'éloigner même notre inclination pour le commerce, y invitera tous les citoyens : or, ce second motif est vraiment déterminant pour une nation encore à l'aurore de sa liberté, qui doit mettre ses soins à rompre des esprits de corps, toujours dangereux pour la cause publique, et nous imposerait seul l'obligation de nous déterminer pour ce port.
C'est pour la seconde fois que la question du commerce de l'Inde vous place entre un principe inattaquable et des intérêts impérieux. A peine avez-vous détruit la compagnie des Indes, que votre comité chargé de vous présenter le complément de votre décret, vous conduit, par une suite de considérations sages et de précautions nécessaires, à revenir au privilège exclusif. C'est l'état du commerce des puissances voisines et rivales qui nous entraîne dans des mesures de cette nature. Toutes les objections présentées de part et d'autre, tendent à attaquer ou à maintenir le principe... Les intérêts des vendeurs, des acheteurs et des manufactures, ceux de l'agriculture et du commerce ont été successivement présentés, et ne peuvent se concilier, soit entre eux, soit avec le principe. De tous les côtés, ily a de l'incertitude. Un parti mitoyen vous a été proposé. il a l'avantage de ne rien laisser qui tende à l'établissement d'une compagnie et à la renais-
sauce du monopole; il évite surtout, en assurant les droits nécessaires à la conservation des manufactures, en offrant des facilités aux négociants, en favorisant le commerce du Levant, le danger de placer les armateurs entre l'appât du gain et le désir de se montrer dignes du nom respectable de citoyens français. Je me détermine donc pour que les retours de l'Inde soient faits dans deux ports, Lorient dans l'Océan, et Toulon dans la Méditerranée.
(On demande que la discussion soit fermée.)
(L'Assemblée est consultée, et l'épreuve paraît douteuse à une partie des membres.)
Le vœu de la majorité me semble être que la discussion soit fermée; mais cette majorité n'est peut-être pas assez déterminée pour ne pas laisser discuter encore.
J'ai l'honneur d'observer que cette question étant la seule à l'ordre du jour, la discussion peut être prolongée sans inconvénient.
, rapporteur du comité d'imposi-tions. Je ne puismedissimulerquelepremieraspect de la question qui vous occupe, paraît être défavorable à votre comité ; on invoque la liberté, ce nom seul devrait vous décider. Les défenseurs de Lorient vous ont dit avec Montesquieu qu'il fallait distinguer la liberté des négociants de celle du négoce : j'apporte une opinion contraire ; l'occasion se présentera sûrement de prouver à cette Assemblée mes sentiments pour la liberté. Je ne présente contre le principe qu'une seule exception, nécessitée par des circonstances où l'industrie n'est pas encore échappée des liens de la servitude. C'est un malheur attaché à l'esclavage d'influer sur les premiers moments de la liberté. On ne peut rendre subitement la liberté indéfinie sans nuire à désintérêts particuliers,et la liberté consiste nécessairement à ne nuire à personne. Pour être rigoureusement conséquent à vos principes et à vos décrets, il faudrait également supprimer les droits de. traite qui assujettissent les marchandises à prendre certains passages. Ces passages peuvent être nombreux, mais il n'en est pas moins défendu de prendre des détours, quels que soient les frais des routes indiquées. Lu question se réduit donc à savoir s'il est de l'intérêt actuel, c'est-à-dire d'un intérêt passager, que le commerce de l'Inde se fasse en un seul port ; et s'il n'importe pas que ce soit à Lorient ou ailleurs. Si les marchandises de l'Inde doivent payer des droits, n'est-il pas plus naturel d'établir la perception de ces droits nécessaires dans Je lieu le plus sûr et le plus commode? Quelques négociants s'intéresseront au commerce interlope, mais leurs spéculations seront-elles avantageuses? Arrivées dans tous les ports en quantité, les marchandises seront stagnantes, et l'intérêt du retard sera supporté par l'acheteur, car il le paye toujours en définitive. Lorient offre l'avantage de ne faire payer l'impôt que dans le moment même de la vente : c'est donc un bénéfice pour le consommateur. Il est en effet bien clairement démontré que si l'on n'attend pas le moment de la vente pour la perception des droits, il faut s'en rapporter à l'estimation qui est toujours fausse ou incertaine, et c'est dix-huit mois d'intérêt qu'il en coûte au marchand et au consommateur. Si nos manufactures n'ont pas le moyen de lutter avec les fabriques étrangères au dedans, elles ne nous offriront aucun avantage au dehors. Si le système de liberté qui parait dominer dans cette |
Assemblée, et qui doit flatter dans un Empire qui -sort de toutes les espèces de servitude, venait à prévaloir, que l'on observe, et le fait est certain, que les négociants de l'Inde n-'ont jamais fait de retours que dans le port de Lorient...
l'aîné. L'opiniant est absolument étranger aux faits commerciaux ; ce qu'il dit est absolument faux.
Cette interruption mérite peut-être la même qualification. Soit pendant Existence de la compagnie, soit pendant l'intervalle du commerce libre, les retours de l'Inde se sont faits constamment à Lorient exclusivement : le commerce ne perd donc absolument rien à cette restriction, puisqu'il s'y soumettait librement. Au contraire, on convièndra qu'il est au moins très douteux que les manufactures ne souffrent pas beaucoup d'un nouvel ordre de choses. Je dis donc que, dans ce doute, l'Assemblée ne peut balancer entre quelques négociants riches et un peuple nombreux qni sollicite la conservation de ses moyens de subsistance.
(On demande à aller aux voix.— Cette demande est plusieurs fois répétée par une grande partie de l'Assemblée.)
monte à la tribune. Le désir d'aller aux voix se manifeste avec plus d'instance. — M. de Cazalès insiste pour obtenir la parole. — Après quelques débats, l'Assemblée est consultée.
La discussion est fermée.
La motion faite par M. Nairac dan? une des précédentes séances doit obtenir la priorité. Elle est conséquente à vos principes et au décret que vous avez déjà rendu. En effet, si le commerce est libre à tous les Français...
(On observe que la discussion est fermée.)
continue. —Il est interrompu par la même observation. Il demande à M. le Président de lui obtenir du silence.
Je pense que quand la discussion est fermée, on ne peut accorder la pa-parole. M. de Cazalès ne doit donc pas persister à vouloir être entendu.
continue à parler. — Les réclamations sont presque générales. — M. de Cazalès parle encore.— Il est continuellement interrompu par des applaudissements qui l'empêchent d'être entendu. — M. de Cazalès s'arrête. — Le silence commence aussitôt. — M. de Cazalès se plaint des mouvements de l'Assemblée.
Monsieur, vous parlez contre l'ordre,contre le vœu que l'Assemblée a exprimé et malgré le Président ; l'Assemblée, en vous interrompant,n'est que levengeur de l'ordre et de l'autorité qu'elle a confié à son Président.
(Il s'élève quelque discussion sur la manière de poser la question.)
L'objet de la sollicitude de l'Assemblée n'est pas, sans doute, un intérêt particulier, mais l'intérêt général. C'est la majorité du commerce qui peut faire apprécier cet intérêt. Je demande donc que l'on consulte les députés des chambres de commerce.
Cette proposition est une
espèce d'ajournement ; elle doit être mise la première aux voix.
Pour obtenir un résultat, il faut poser ainsi les questions : « Consultera-t-on les députés du commerce? » Si la décision est négative, on demandera : « V aura-t-il un seul port pour les retours de l'Inde ? » Puis : « Y aura-t-il un port pour l'Océan et pour ia Méditerranée ? » Enfin : « Pour l'Océan, sera-ce celui de Lorient ? Pour la Méditerranée, sera-ce celui ou de Marseille, ou de Cette, ou de Toulon ? »
demande que les manufacturiers soient entendus.
Les villes de manufactures ont été entendues par leurs députés. Le commerce a des députés près de l'Assemblée nationale; ils se sont formés en comité, et j'ai appris qu'ils trouvaient convenable qu'il y eût dans la Méditerranée un port pour les retours de l'Inde. L'ajournement est donc inutile.
J'observerai au préopinant que les députés envoyés près de l'Assemblée nationale ne sont que ceux de quelques villes de commerce : ils ne peuvent exprimer qu'un vœu particulier. Si cependant l'Assemblée voulait délibérer sur-le-champ, il me paraît que la question doit être ainsi posée : « Les retours de l'Inde se feront-ils dans plusieurs ports où dans un seul ? Ensuite se feront-ils dans tous les ports ou dans deux ports seulement ? »
l'aîné. Cette manière de poser la question serait souverainement insidieuse. Vous avez le droit de législation, mais vous ne l'avez que pour la liberté qui vous en a investis... Cette manière de poser la question : « Les retours de l'Inde se feront-ils dans tous les ports? » est aussi simple, aussi claire qu'aucune autre.
L'Assemblée délibère et décrète successivement :
« Qu'il n'y aura pas d'ajournement pour consulter les manufactures ;
« Qu'il y aura plusieurs ports pour les retours;
« Que les retours de l'Inde ne se feront que dans deux ports ;
« Que le port pour les retours de l'Inde dans l'Océan, sera Lorient. »
M. le Président se prépare à mettre aux voix cette dernière question : « Le port, pour les re-toursde l'Inde dans la Méditerranée, sera-t-il Cette, Toulon ou Marseille ? «
On demande successivement la priorité pour les ports de Cette et de Toulon.
l'aîné se dispose à prendre la parole. (Il s'élève des murmures.)
l'aîné. L'empressement avec lequel on paraît croire que je veux demander la priorité pour Marseille est très déjoué, car ce n'est point là mon intention. Je veux seulement observer à ceux qui ont proposé le port de Cette, que, sans doute, ils ne le connaissent point. Il n'y entre que des bâtiments de 200 tonneaux ; les assurances y sont beaucoup plus désavantageuses; c'est assurément un mauvais port. Quant à Toulon et Marseille, ceux qui ont des relations commerciales sourient de voir mettre ces ports en opposition. Au reste, nesemb!erait-ii pas juste 1
de savoir des riverains de la Méditerranée quel port leur paraîtrait plus convenable ? Alors on serait sûr de faire un choix conforme aux intérêts du commerce. Je n'insiste pas sur cette réflexion, parce que je crois fort indifférent à Ja prospérité nationale, puisque les retours ne sont pas libres dans tous les ports,qu'ils sefassent à Toulon ou à Marseille.
(On demande de nouveau à aller aux voix.)
L'article 4 proposé par le comité d'agriculture et du commerce est rejeté et remplacé par la rédaction suivante :
Art. 4. « Les retours ne pourront avoir lieu provisoirement que dans les ports de Lorient et de Toulon. »
lève la séance à dix heures du soir.
Séance du
ouvre la séance à neuf heures du matin.
l'aîné donne lecture du procès-verbal d'hier au matin.
Le comité de Constitution, sur les observations qui lui ont été faites, vous propose d'ajouter au décret que vous avez rendu hier matin, concernant les bannières données par les municipalités de Paris aux gardes nationales, que ces bannières seront portées dans les quatre-vingt trois départements, par les officiers les plus âgés.
(deSaint-Jean-d'Angely). Dans les gardes nationales, il y a des officiers et des soldats et ces différences de grades doivent y être conservées comme des devoirs ; mais à la fédération il n'y avait que des frères dont tous les grades étaient suspendus par la qualité égale de députés. Je propose donc de décider que l'honneur de transporter les bannières soit, sans distinction, accordé au plus âgé.
Le comité de Constitution accepte cet amendement et vous propose, en conséquence, d'ajouter au premier paragraphe du décret, après ces mots : définitif ou alternatif\ ceux-ci : et que la bannière sera portée par le plus ancien d'âge.
(Cette addition est mise aux voix et adoptée ainsi que Ja rédaction du procès-verbal de la séance du matin.)
, autre secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir.
Il ne se produit aucune réclamation.
, rapporteur du comité des finances. Vous avez adopté, à votre séance d'hier matin,
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, voulant assurer la perception des droits qui avaient été affermés par les ci-devant Etats d'Artois, et qui expirent (à l'e:xceptiQU du bail concernant les eaux-de-vié) | au premier août prochain, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le mode d'imposition à établir dans les divers départements du royaume, a décrété et décrète ce qui suit :
« Tous les droits qui formaient l'objet des baux passés par les ci-devant Etats d'Artois, et . qui, à l'exception du bail des eaux-de-vie, expirent à la fin du présent rnois, seront régis à compter du premier août prochain, par des rér gisseurs choisis et nommés sans délai par le département du Pas-de-Calais ou son directoire. Lesquels régisseurs verseront chaque mois le montant de leur recouvrement entre les mains de ceux qui, jusqu'à présent, ont été chargés de la perception des revenus publics sans rien innover pour le moment par lesdits régisseurs à la quotité des droits, à la forme de perception et à l'ordre de comptabilité, qui continueront d'être observés comme par le passé, jusqu'à ce que, par l'Assemblée nationale, il ait été statué sur le mode d'imposition qui sera suivi dans ledit département, ainsi que dans les autres départements du royaume. » (Le décret ainsi rédigé est adopté.)
Le résultat du dernier scrutin pour la nomination du président de VAssemblée adonné la majorité absolue des voix à M. Treil-hard. {On applaudit.)
, avant de quitter le fauteuil dit :
« Messieurs,
« Il est des moments qui ne se répètent point dans la vie d'un homme; tel est celui dont vos bontés m'ont fait Jouir. L'honneur inestimable que j'ai reçu de vous, est au-dessus des plus fortes expressions de ma respectueuse reconnaissance. Toute mon ambition eût été de pouvoir justifier la faveur d'un tel choix.
« Mais, Messieurs, si malgré tous mes efforts, je suis resté trop au-dessous de votre attente, j'ose du moins espérer que, dans tous les moments, vous aurez rendu justice à la pureté de mon zèle et de mes intentions. »
, nouveau président, en prenant le fauteuil s'exprime en ces termes :
« Messieurs,
« Si je ne considérais la place à laquelle vous daignez m'élever, que comme un témoignage honorable de bienveillance et d'estime, je n'hésiterais pas à vous supplier de fixer votre choix sur une personne plus en état que moi de le justifier ; mais le poste éminent où vos bontés m'appellent, n'est exempt, ni de fatigues, ni de devoirs pénibles. Son élévation même le place à côté des orages : je ne dois donc pas refuser d'y monter. Le jour où je fus associé à vos nobles travaux, je jurai à la cause publique un dévouement sans bornes, et en acceptant l'emploi que vous me confiez, je remplis un devoir sacré pour moi.
« Je sens néanmoins, et je sens vivement qu'il me sera impossible de remplacer celui dont le
zèle et les talents déjà éprouvés ont réuni tous vos suffrages, pour ce jour à jamais mémorable où votre président dut franchir avec vous les bornes de cette enceinte, s'entourer de la France entière, et se placer sous les yeux de l'univers, et de la postérité la plus reculée.
« Mais il serait bien faible le zèle de celui qui calculerait l'intérêt de son amour-propre , quand il faut servir la patrie. Eh! que n'ai-je des sacrifices plus grands à lui offrir.
« Je n'oublierai jamais que mon premier devoir est de remplir vos ordres, que votre vœu le plus cher est d'accélérer vos décrets, mais sans précipitation ; d'entendre une discussion profonde et animée, mais sans tumulte, et sans écart.
« Si je ne seconde pas votre volonté, comme je le désire, vous n'accuserez, j'ose m'en flatter, vous n'accuserez que l'insuffisance de mes moyens. »
(L'Assemblée vote ensuite, à l'unanimité, des remerciements à M. de Bonnay pour sa présidence.)
MM. de Bonnard et de Roubens demandent à être admis ce soir à la barre, pour réclamer la justice de l'Assemblée nationale contre une destitution arbitraire d'emplois militaires dont ils se prétendent victimes.
Un membre demande le renvoi au comité militaire conformément à ce qui a été décidé sur une pétition pareille de M. deMoreton-Chabrillant.
Le renvoi est ordonné.
donne lecture d'une lettre du ministre de la marine qui renferme des observations sur le décret du 5 juin relatif à l'augmentation de la solde des gens de mer. Il y a des vétérans matelots, des timoniers, qui sans avoir le grade d'officiers, ont néanmoins une paye plus forte que les matelots ordinaires. Le décret du 5 juin nécessite une interprétation.
Cette lettre est renvoyée au comité de la marine.
dit qu'il a reçu une note par laquelle M. le contrôleur général des finances rappelle qu'il a appelé, le 12 juillet, par lettre appuyée de pièces, l'attention de l'Assemblée sur le désordre dans lequel sont depuis longtemps les perceptions de la régie générale.
Si le peuple n'était pas trompé sur ses véritables intérêts, vous n'entendriez point de pareilles plaintes; les ennemis du bien public metfent tout en œuvre pour l'induire en erreur; dans une province, on se sert du prétexte de la religion; dans une autre, on dit au peuple que votre intention est qu'on ne paye aucun impôt; je demande que le comité d'impositions nous fasse au plus tôt son rapport, pour établir quels sont ceux de ces droits qui doivent être supprimés et quelles mesures nous devons prendre pour en assurer la perception jusqu'à cette époque. Nous avons à nous occuper de l'organisation du pouvoir judiciaire, de la composition de l'ordre militaire, des gardes nationales et de bien d'autres affaires importantes; mais nous devons surtout nous occuper de l'impôt. Point d'argent, point d'état; si les impôts ne sont pas bien établis, s'ils ne sont pas exactement perçus, la machine est renversée et la Constitution est
détruite. Donc il est urgent que le comité d'impositions fasse son rapport 6ur les impositions de 1791.
(La motion de M. l'abbé Gouttes sur les impositions de 1791 est adoptée.)
(de Saint-Jean-d'Angely). J'ai la ferme conviction que l'impôt sera exactement perçu si l'on met en activité les assemblées administratives, car le peuple sait que l'impôt est indispensable et il ne se refusera pas à le payer. Je demande que les comités de Constitution et des finances nous proposent incessamment un mode de surveillance pour la perception de l'impôt en déterminant, dans les asseui-blées administratives, la, hiérarchie des pouvoirs sans laquelle l'impôt ne sera jamais bien perçu.
Me sera-t-àl permis de faire remarquer à l'Assemblée que les discussions semblables à celle qui nous occupe font perdre un temps précieux? Le comité des finances e-t déjà saisi de la réclamation du contrôleur général. On pourrait peut-être renvoyer cette affaire aux comités des finances ei de Constitution réunis.
(Cette proposition est adoptée.)
, au nom du comité des finances, propose un projet de décret relativement à un emprunt demandé par les officiers municipaux de Sivry, district de Verdun.
Le décret est rendu, sans discussion, en ces termes :
« L'Assemblée nationale, d'après le rapport de son comité des finances, et l'avis du bureau intermédiaire du district de Verdun, où les nouvelles assemblées administratives ne sont point encore en activité, autorise les officiers municipaux de Sivry à faire l'emprunt de la somme de huit cents livres, pour acquitter le prix de l'adjudication des murs de clôture du nouveau cimetière, à charge d'en faire le remboursement dans deux ans, sur le prix à provenir de la vente de leur quart de réserve, s'ils y sont autorisés; et, à ce défaut, par la voie d'imposition suivant le mode qui sera adopté par le district et départes ment, et, au surplus,à charge de rendre compte. »
, au nom du même comité, propose un autre décret relatif à un emprunt parla ville de Gimont, district d'Auch,, département du Gers, pour payer le logement des bas-officiers et soldats du premier bataillon, du régiment de Cam-brésis.
Le décret est rendu ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, sur, le rapport qui lui a été fait par son comité des finances, de la délibération du 22 juin, prise en conseil général de la ville de Gimont, district d'Auch, département du Gers, autorise et valide, én tant que de besoin, le payement de 2,400 livres fait aux particuliers qui ont logé les bas.-rofficierset soldats du premier bataillon du régiment de Cambrésis ; et comme de ladite somme, celle de dix-huit cents livres provient d'un emprunt fait sous le cautionnement solidaire des officiers municipaux et notables, l'Assemblée ordonne que cette dernière somme sera remboursée aux prêteurs, sur les premiers deniers à provenir des titres de créance qui sont entre les mains du trésorier de ladite ville, »
Vous avez adopté, sauf rédaction,
l'article 11 du titre II des juges de paix, Voici comment le comité vous propose de le rédiger définitivement :
Art. 11. « Lorsqu'il y aura lieu à l'apposition des scellés, elle sera faite par le juge de paix,qui procédera aussi à leur reconnaissance et levée, mais sans qu'il puisse connaître des contestations auxquelles cette reconnaissance donnerait lieu. Il recevra les délibérations de famille pour la nomination des tuteurs, des curateurs aux absents, et aux enfants à naître, et pour l'émancipation et la curatelle des mineurs, et toutes celles auxquelles la personne, l'état ouïes affaires des mineurs pourront donner lieu pendant la durée de la tutelle ou curatelle, à charge de renvoyer par devant les juges qui seront établis par le titre suivant, la connaissance de tout ce qui deviendra contentieux, dans le cours ou par suite des délibérations cwlessus. Lejugedepaix pourra recevoir, dans tous les cas, le serment des tuteurs et des curateurs.
L'ordre du jour est la suite de la discussion du nouveau projet de décret sur l'ordre judiciaire (1) présenté par le comité de Constitution.
, rapporteur. Je vais vous faire lecture de l'article du titre III, des juges de district.
« Art. 1er. Il sera établi en chaque district un tribunal composé de trois juges, auprès duquel il y aura un officier chargé des fonctions du ministère public, Les suppléants y seront au nombre de quatre, dont deux au moins seront pris dans la ville de l'établissement. »
L'établissement des tribunaux de district, et tout ce qui s'ensuit dans les articles 3 et 4 du plan du comité, me paraît réunir un grand nombre d'inconvénients. Je vous proposerai de substituer aux seize articles qui forment ces deux stitres, huit articles qui me paraissent infiniment plus simples, plus favorables à l'intérêt des peuples, plus économiques pour l'Etat et pour les plaideurs. Vous en allez entendre la lecture : je vous en prése nterai ensuite la justification.
« Art. 1er Il sera établi, dans chacune des deux principales
villes de chaque département, un tribunal composé de dix jugea, et dont le ressort sera formé
du nombre de districts qui sera jugé convenable.
« Art. 2. Ce tribunal sera divisé en doux sections pour le jugement des affaires civiles; il se réunira pour le jugement des affaires criminelles.
«Art. 3. La première section, composée de sept juges, connaîtra en premier et dernier ressort, jusqu'à la valeur de 1,000 livres, d : toutes affaires personnelles, et des affaires réelles dont l'objet sera de 50 livres de revenu déterminé. Elle connaîtra aussi en dernier ressort des appels des jugements des juges de paix, lesquels elle sera tenue de juger sommairement à l'audiencu, sur simple exploit d'appel. Elle connaîtra enlin des appels des jugements rendus par la seconde section, dans les causes qui lui sont attribuées par l'article suivant.
« Art. 4. La seconde section, composée de trois juges, connaîtra en première instance de
toutes
« Art. 5. 11 sera établi auprès de chaque tribu-bunal six suppléants, dont trois au moins seront choisis dans la ville de l'établissement.
c Art. 6. Les juges de la seconde section remplaceront les juges de la première, par préférence aux suppléants, excepté lorsqu'il s'agira des causes qui auront été jugées en première instance par la seconde section; mais les juges de la seconde section ne pourront être remplacés que par des suppléants.
« Art. 7. Le nombre de sept juges sera nécessaire pour les jugements de la première section, celui de trois pour ceux de la seconde, celui de neuf pour les jugements criminels.
« Art. 8. Les sept premiers élus formeront la première section, qui sera présidée par le premier élu des trois, sans qu'aucune de ces différences puisse établir entre les juges d'autre supériorité de caractère que celle qui est relative aux jugements qui leur sont déférés. »
poursuit: Voici maintenant la justification de ces articles, par le parallèle très court et très simple de ce projet avec celui que vous présente le comité. Les titres III et IV de son projet sur l'établissement des tribunaux de district et d'appel réunissent une multitude d'inconvénients qui, tous, disparaissent dans le plan que je propose. Les uns sont relatifs à l'administration de la justice civile, les autres à l'administration de la justice criminelle, d'autres enfin sont communs et à l'une et à l'autre. Voici d'abord ceux qui sont relatifs à l'administration de la justice civil On est d'abord étonné de voir, dans chaque district, d'après le projet du comité,- un tribunal de trois juges décider, en dernier ressort, non seulement des causes personnelles et réelles, jusqu'à la valeur de 1,000 livres, mais encore d'objeis qui peuvent souvent se porter à des sommes bien considérables, et dont vous avez attribué la connaissance, en première instance, aux juges de paix. Cette attribution des juges de district devient pius effrayante encore lorsque l'on considère que le plus grand nombre de ces tribunaux, se trouvant placés dans de petites villes ou dans des bourgs, lés juges seront, pour l'ordinaire, peu instruits; que d'ailleurs c'est multiplier à l'infini ce qu'on appelle les justices de village, c'est-à-dire les foyers de chicane et de mauvaise foi; que c'est ouvrir à l'ambition des cultivateurs des écoles pernicieuses et faciles d'éducation pour leurs enfants ; que c'est enfin disséminer, dans tous les points du royaume, l'espèce des praticiens qui est depuis si longtemps le scandale de l'ordre judiciaire et le fléau des habitants des campagnes. Dans Je plan que je propose, la première section, composée de sept magistrats, jugera toutes les affaires de dernier ressort ; la seconde, composée de trois magistrats, ne jugera jamais qu'à la charge de l'appel» Ces tribunaux, n'étant établis que dans des villes assez considérables, se trouveront toujours dans des foyers d'émulation et de lumières, lesquels ne peuvent guère exister sans une certaine population et le concours d'établissements qui en est la suite. Il en résultera plus d'instruction et de régularité dans les juges, plus d'éducation et de pudeur dans les hommes de loi, beaucoup moins de facilité pour les candidats praticiens des campagnes. Qu'on ne dise pas que, dans le système que je propose, la justice
sera plus éloignée des justiciables. Il est possible que pour les causes qui, dans le plan du comité, sont attribuées en dernier ressort aux juges de district, il fût plus commode à quelques-uns de trouver cette justice dans le district, que de ne là trouver que dans l'une des deux divisions du département. Mais considérez aussi qu'un très grand nombre de plaideurs seraient obligés de se transporter dans le chef-lieu du district pour y plaider en première instance, et ensuite de là dans le département où serait établi le tribunal d'appel, peut-être à 40 lieues de leur domicile. Le plan que je propose donne à ces derniers l'avantage de trouver, et la justice en première instance, et la justice eu dernier ressort, dans une même ville, qui ne serait jamais guère plus éloignée de leur domicile que de quatre ou cinq lieues. Remarquez d'ailleurs que dans le petit nombre de plaideurs pour qui la justice s'éloignerait de quelques pas, ne doivent pas être comptés les citoyens pauvres dont vous avez attribué les causes en dernier ressort aux juges de paix. Je passe aux inconvénients qui résultent du projet du comité, relativement à l'administration de la justice criminelle. Si, comme vous l'avez déjà préjugé, il ne doit point y avoir d'appel en matière criminelle, au moyen de la procédure par jurés, ou le fait sera vérifié par des jurés et le procès jugé en dernier ressort au tribunal de district; ou l'un et l'autre auront lieu au tribunal d'appel, ou bien le fait sera vérifié par des jurés près le tribunal de district, et le procès porté ensuite au tribunal d'appel pour être jugé. Dans ces trois cas, de grandes difficultés se présentent, et à l'égard des jurés, et à i'égard des juges.
Dans le premier cas, les tribunaux de district étant placés en grande partie dans de petites villes, comment y trouver des citoyens en assez grand nombre qui aient assez de" loisir et de lumières pour se charger des fonctions de jurés, surtout si les accusés ont la faculté d'en récuser plusieurs, et si, comme il résulte de vos principes, la qualité de juré est incompatible avec celle de membre des corps municipaux et des directoires? A l'égard des juges, n'est-il pas épouvantable que trois juges de village prononcent et fassent exécuter des jugements de mort? Ou dira peut-être que leurs fonctions se bornent à appliquer la loi. Mais ces fonctions-là sont encore assez importantes et assez difficiles, elles sont assez susceptibles d'erreur et de corruption, pour qu'elles ne doivent pas être commises imprudemment; d'abord à des juges en trop petit nombre, pour que leurs passions et leurs bévues particulières puissent être suffisamment balancées, et à des juges dont les habitudes doivent nécessairement rétrécir les lumières. Dans le second cas, comment des accusés pourront-ils récuser des jurés qu'ils n'auront pas pu connaître, et qui habitaient peut-être à 30 lieues, dans un département étranger? Il arrivera ensuite, à l'égard des juges, qu'un très grand nombre de procès criminels allant s'engouffrer dans le même tribunal, une habitude excessive de juger flétrira nécessairement la délicatesse et l'humanité des magistrats; ils porteront dans ces fonctions cette familiarité et cette indifférence qu'on a vues trop souvent chez les anciens Tournelistes, dont un grand usage avait lassé la sensibilité. Ainsi on verra se reproduire ces assassinats juridiques, dont on doit autant la fréquence à c.; vice de l'organisation judiciaire, qu'à l'imperfection de notre code criminel. Dans le troisième cas, res-
tent toujours les difficultés à l'égard des jurés des petites villes, et à l'égard des juges endurcis par la grande habitude des jugements criminels ; et il y en a de particulières, à raison des embarras innombrables qui résulteront inévitablement, dans l'expédition des affaires criminelles, de ce que les juges du fait seront à une grande distance des juges du droit. Aux inconvénients qui résultent du plan du comité, et du côté des jurés, et du côté des juges, on peut ajouter, dans tous les cas où un tribunal d'appel établi de trois en trois ou de quatre en quatre départements, serait juge des procès criminels, la considération assez importante en finance des frais de traduction des accusés dans des tribunaux éloignés, et ensuite sur les lieux du délit pour y être exécutés, ainsi qu'on le pratiquait souvent par le passé. On peut éviter cette dernière dépense; mais alors les exécutions, dont le motif ne peut être pris que dans l'utilité de l'exemple, étant concentrées dans une grande ville, où la fréquence et l'habitude les rendent indifférentes, deviendront inutiles pourtout le ressort. Enfin il est à craindre qu'une pareille organisation de l'ordre judiciaire, décrétée constitutionnellement, n'oppose des obstacles insurmontables au succès du travail si désiré sur la réformation de la jurisprudence criminelle. Le projet que je vous présente évite ces divers inconvénients. Il faut juger, auprès du même tribunal, et le fait et le droit. Trois juges de village ne sont pas arbitres de la vie et de l'honneur.
Les tribunaux sont établis dans des villes considérables, les jurés sont à côté d'eux, ils peuvent être éclairés, connus des justiciables, et en grand nombre. Tous les juges du tribunal réunissent leurs lumières, lorsqu'ils prononcent sur la vie et l'honneur des citoyens; les questions de ce genre les occupent assez souvent pour qu'ils en acquièrent ia connaissance; mais les jugements criminels sont assez rares pour qu'ils ne se familiarisent point avec ce ministère terrible et pour qu'ils l'abordent avec terreur. Le projet du comité présenterait encore bien des difficultés relatives à la fois, et à l'administration de la justice civile, et à l'administration de la justice criminelle. D'abord, en établissant des tribunaux de district, vous perdrez le fruit de la mesure la plus sage que vous ayez prise pour assurer au peuple l'exactitude et l'intégrité dans l'exercice de la justice: je veux dire la publicité des instructions, des rapports et des jugements. En effet, quel auditoire peut se former dans des villes de 1,000, de 1,200, de 1,500 âmes de population, où le plus grand nombre des habitants, étant ouvriers ou laboureurs, sont obligés de régler la durée de leur travail sur celle du jour, où d'ailleurs ils ue sont pas assez instruits pour en imposer aux juges et apprécier leurs jugements? Dans les villes considérables, au contraire, des auditeurs éclairés, dont les occupations seront plus libres, rendront par leur présence les magistrats circonspects et formeront cette opinion publique qui jugera les juges eux-mêmes, et qui apprendra au peuple s'il est intéressant pour lui de les réélire ou d'en changer.
L'inégalité qui a été observée, dans la division des départements en districts, porterait aussi une grande imperfection dans la distribution de ces tribunaux de district; car, sur une égale surface et une égale population, là, il n'y en aurait que trois ou quatre ; ici, il y en aurait huit ou neuf. Je conclus à ce que la priorité soit accordée aux articles que je propose.
Avant de discuter le plan du comité, je vais vous soumettre un autre projet qui me paraît renfermer plus d'avantages.
« Art. 1er. Il sera établi dans chaque département un tribunal
d'appel composé de sept juges et de deux officiers chargés des fonctions du ministère public.
« Art. 2. Il sera établi dans chaque district, autre que celui dans lequel siégeront les juges d'appel, un tribunal composé de trois juges et d'un officier chargé des fonctions du ministère public..
« Art. 3. Le tribunal d'appel connaîtra en premier et dernier ressort :
« 1° De toutes les causes du district où il sera établi, et qui seront portées dans les autres, au tribunal du district, pour y être jugées en premier et dernier ressort;
« 2° De tous les procès qui lui seront portés de plein vol par les parties, lorsqu'elles ne voudront pas plaider devant le tribunal du district, même en dernier ressort, ni y subir un premier degré de juridiction des matières ordinaires;
« 3° De tous les appels des jugements rendus parles tribunaux des districts, lorsqu'ils n'auront pas prononcé en dernier ressort;
« 4° Des jugements rendus par les juges de paix, lorsqu'ils seront sujets à l'appel, lorsqu'ils excéderont l'attribution en dernier ressort des tribunaux de district, et quand bien même ils ne l'excéderaient pas, lorsque les parties voudront porter l'affaire à juger au tribunal d'appel ;
« 5° Le même tribunal d'appel fera l'application de la peine en matière criminelle contre les accusés qui auront été déclarés coupables par les jurés.
« Art. 4. Les officiers du tribunal d'appel feront le choix de deux d'entre eux qui seront chargés, pendant six années, de suivre avec les jurés l'instruction des procédures criminelles du district dans lequel le tribunal sera situé, et de juger en première instance le procès des districts auxquels les parties voudront faire subir deux degrés de juridiction.
« Ces deux officiers ne pourront assister, ni être présents à l'examen ni au jugement des procès dont ils auront connu la première instance, non plus que des procédures à l'instruction des-quellesils aurontconcouru,et danscecas ils seront remplacés par des suppléants. »
-Je vais discuter le plan proposé par votre comité.
Le comité de Constitution vous propose d'établir d'abord un premier tribunal dans chaque district, et ensuite des tribunaux d'appel, qui auront pour ressort le tribunal de trois ou quatre départements ; j'adopte en grande partie les tribunaux de district ; j'entreprends de combattrç son projet sur l'établissement des tribunaux d'appel, et ma réfutation contiendra le développement d'un nouveau système. Les raisons les plus spécieuses qu'on puisse alléguer pour donner à chaque tribunal d'appel le territoire de trois ou quatre départements, se réduisent, suivant moi, à trois considérations. On craint que les départements ne s'isolent les uns des autres, lorsqu'ils trouveront dans leurs limites tous les établissements qui peuvent leur être nécessaires; on appréhende les suites d'un trop grand rapprochement des juges de leurs justiciables; on désire économiser sur la dépense qu'occasionnerait la multiplicité des tribunaux; on craint que les départements ne deviennent étrangers les uns aux autres. Si ce malheur était même probable, quels seraient les liens qui le préviendraient dans l'exécution du projet du comité? Les trouve-tron dans ces rapports, toujours pleins d'amertume,
qui font entretenir aux plaideurs une correspondance avec les gens de loi ? Les trouve-t-on dans ces relations qui n'intéressent que de simples individus? Les trouve-t-on dans les déplacements pénibles qu'auront àexécuter les hommes juste? et honnêtes pohr suivre loin de chez eux au plaideur obstiné qu'on ne saurait serrer de trop près, et qui devient d'autant plus redoutable qu'il a du terrain derrière lui? Si ce sont là les liens qu'on veut faire valoir, j'invite l'Assemblée nationale à les rompre plutôtqu'à les resserrer. On appréhende les suites d'un trop grand rapprochement des tribunaux (lé- Jturs justiciables ; ce moyen ne peut se soutenir que par un abus de raisonnement erronné et captieux. L'Assemblée nationale s'est toujours montrée empressée à suivre Je vœu du peuple qU'eJle représente, lorsqu'il était bien décidé, et juste par conséquent; c'est pour remplir Ce vœu qùe je conclus à ce que vous rejetiez l'opinion du comité. Si vous consultez en effet le vœti de vos Commettants, vous reconnaîtrez qu'il est aussi général que bien marqué Sur le rapprochement de la justice de ceux qui ont à la solliciter ; je me trompe, je dois dire de ceux qui doivent compter sttr elle.
Tributaires, depuis trop longtemps, de nos grandes cités, les habitants des campagnes se tournent vers vous pour être délivrés d'un assujettissement qui nuit autant à leur tranquillité qu'à ïa pureté de leurs mœurs. Mais lorsque vous les entendrez, vous demanderez le rapprochement que je sollicite pour eux; vous méconnaîtriez absolument leurs voix, et par conséquent les sentiments qui doivent vous presser, si vous vous persuadiez qu'ils ne réclament que le rapprochement des justices ordinaires. Vous l'avez déjà jugé en partie, et le jugement est conforme au vœu des peuples. Autant il était utile de les préserver de la présence de ces sangsues publiques qui les dévoraient dans les justices seigneuriales, autant il est utile aussi que vous régliez l'établissement des tribunaux, de manière que les justiciables y trouvent une protection toujours active et toujours assez rapprochée. Cet avantage ne peut appartenir qu'aux tribunaux de dernier ressort. Il faut le dire, la nécessité de faire des lois le prouve assez d'ailleurs; telle est la corruption du cœur humain, que la voie d'appel qui ne devrait être suivie que par ceux dont les droits auraient été reconnus, ne l'est au moins le plus souvent que par des plaideurs téméraires, absolument indignes du recours qu'ils exercent, et qu'ils n'en usent peut-être que pour lasser l'homme honnête et Vertueux, ou mettre le pauvre dans l'impossibilité d'échapper à leurs vexations. Ici j'ai encore en faveur dé mon opinion les principes de cette heureuse églité que vous avefc établis les premiers, et j'en réclame l'observation. Des juges d'appel, trop éloignés des tribunaux des districts, occasionneraient une trop grande disparité entre le pauvre et le riche. Certes, lorsque le pauvre voit ie plus souvent toute sa fortune compromise à raison de sa médiocrité, il ne faut pas qu'il puisse suspecter le tribunal, iu-delà duquel il ne lui reste plus de recours. S'il plaide contre un homme riche et puissant, et que la discussion soit assez importante pour qu'elle doive subir deux degrés de juridiction, croyez-vous que les choses soient égales de part et d'autre? On craint le rapprochement des tribunaux des justiciables; comment peut-on concevoir l'espérance de faire partager cette Crainte à des personnes instruites du vœu du peuple français? Voyez quelle est la conduite qu'il tient dàils
l'état actuel des choses. Les présidiaux existants lui offrent une justice plus rapprochée que celle que le comité Voudrait lui donner: eh bien? c'est dans les présidiaux dont la juridiction devrait être désert^ si l'opinion que je combats était juste, qu'on voit tous les jours les justiciables faire des itistahCes les plus pressantes pour y être jugés en dernier ressort. Osera-t-on me répondre qu'ils auraient la même faculté dans les tribunaux tle district? Je demanderai à mon tour s'il faut encore des sacrifices pour obtenir bonne et prompte justice pour obtenir la protection des lois.
On appréhende le rapprochement des tribunaux, et dans quel tamps veut-Oh faire naître cette crainte? C'est lorsque nouë venons d'adopter le régime électif comme le meilleur de tous ; c'est lorqu'on fait dépendre la force et l'autorité des tribunaux du degré de confiance que leurs membres pourront se concilier. C'est lorsqu'on veut nous inspirer l'émulation poUr prétendre aux premières places ; c'est lorsqU on veut faCililer au peuple les moyens d'y appeler le plus digne; c'est lorsqu'on Veut que le juge soit toujours sohs les yeux des éledleurs, pour qu'ils puisssent le maintenir dans ses fonctions s'il remplit ses devoirs, ou l'en éloigner S'il les méconnaît. Comment a-t-on pu concilier les contradictions que le moyetl que je Combats présente avec toutes les idées reçues? Eh quoi f l'on espère que lés citoyens auront plus de confiance dans les juges qu'ils ne connaîtront pas, lorsqu'ils les éliront, et qu'ils n'auraient peut-être pas élus, s'ils les eussent connus ? La réputation des hommes s'éclipse quelquefois, lorsqu'on suit de près leur conduite privée.
L'on craint de né pag trouver dé bohs juges sur un terrain circonscrit : mais sera-t-on plus heureux en accumulant les établissements dans lesgrandes villes? Je soutiens, ati contraire, que lu projet du comité découragera lès gens dé loi, et qu'il diminuera le nombre des sujets parmi lesquels on aura à choisir. L'Assemblée nationale a décrété que les juges seront élus tous les six ails. Cette sage disposition fait que les fonctions que le choix du peuple confie, nesont plus Unétatdansla société, et il arrivera de làqu'oh aura beaucoup de peine à obliger l'élu à quitter l'héritage de ses pèrès pour se transporter dans une terre tout au moins étrangère, ou bien qu'il faudra prendre tous les juges dans la ville où le tribunal sera établi. Je le sais, les grandes villes sont la patrie des sciences et dès arts; mâis s'il est vrai que les grandes vertus s'y montrent quelquefois, il est encore malheureusement plus certain que les grands vices y étendent constamment un empire d'autant plus dangereux, qu'ils s'y cachent soUs des apparences séduisantes et mensongères; On craint que les tribunaux multipliés ne négligent et ne perdent la confiance qu'ils doivent avoir : mais comment peut^on les redouter, lorsqu'on place les juges à côté des assemblées administratives et sous leur censure? Me Voilà parvenu à l'examen de l'économie qu'on véut faire Valoir pour faire agréer le système du comité. Je soutiens que son calcul est faux, qu'il est indigne de vous, et que vous ne pouvez le prendre en considération sans vous èXpoSer à vous Contredire vous-mêmes. Le comité de Constitution vous propose d'établir un tribunal d'appel composé de huit membres en deux chambres, de quatre Ofliciers chacune; il lui donne pour ressort le territoire de trois ou quatre départements : le comité vous propose ensuite, parce qu'il sent là nécessité de rapprocher les tribunaux
autant qu'il sera possible, un tribunal d'inspection composé de trois juges ; ainsi, sans compter les juges de district, vous établirez, dans chaque section de quatre départements, douze juges de district, vous établirez, dans chaque section de quatre départements, deux juges d'inspection et huit juges d'appel; en tout, vingt officiers. Voici où commence l'exposé de mon système.
Au lieu dé ces vingt juges, je propose de n'en élire que seize, quatre pour chaque département, et de les unir au tribunal du district, siégeant dans le chef-lieu du département, pour en former une cour d'appel qui connaîtra indistinctement de toutes les matières sans exception. Le tribunal d'appel, établi dans chaque département et composé de juges, connaîtra, au premier et dernier ressort, de toutes les affaires des causes du district, dans lequel il sera situé, et qui, ailleurs, seront portées dans les tribunaux de district pour y être jugées en dernier ressort. Il connaîtra ensuite de tous les appels des jugements rendus à la charge d'appel par les tribunaux de district; il les jugera au nombre de sept juges. Le comité propose la chambre composée de quatre officiers seulement; il ne propose que deux chambres pour quatre départements, et moi j'en propose quatre, puisqu'il y en aura une dans chaque département : je les .compose de sept juges. Les affaires en seront mieux examinées et plus promp-tement expédiées. Le tribunal d'appel que je propose connaîtra encore, en première et dernière instance, de tous les procès que les parties voudront y porter, soit qu'elles fussent de nature à être jugées en dernier ressort au tribunal de district, soit qu'elles pussent être jugées à la charge de l'appel.....
Le tribunal d'appel que je propose connaîtra des appels des jugements rendus par les juges de paix, soit qu'ils excèdent la compétence du tribunal du district ou non; le degré de confiance dont il jouira sera encore indiqué par la conduite des plaideurs. Je finis en observant que le choix de la liberté que je donne aux parties, est bien différent et bien plus avantageux que celle que le comité leur donne sur le choix des deux chambres.
Le tribunal d'appel que je propose, fera l'application de la peine contre les accusés déclarés coupables par les jurés. L'administration de la justice sera, par ce moyen, bien plus active et bien moins dispendieuse, que si l'on était exposé à des transports multipliés des prisonniers d'un département dans l'autre.
On m'objectera qu'il est dans les principes de l'Assemblée nationale d'établir à cet égard deux degrés de juridiction. J'observe d'abord que l'objection n'est pas exacte; il peut entrer dans les vues de l'Assemblée nationale d'établir deux degrés de jurés dans l'administration criminelle; ceux de l'instruction, auprès desquels les juges rempliront leurs fonctions; et les autres chargés de l'application de la loi générale.
Comme mon système fait qu'il n'y a pas de tribunal de district proprement dit dans le lieu où le tribunal d'appel siégera, il sera facile de le suppléer, en chargeant les juges de choisir tous les six ans deux d'entre eux, qui seront chargés de l'instruction des procédures. Ils ne pourront assister ni au jugement, ni à l'examen de la procédure lorsqu'il s'agira d'appliquer la peine.
Ces deux mêmes officiers seront chargés de juger en première instance tous les procès de leur district, auxquels les parties auront l'acharnement de faire subir deux degrés de juridiction; leur nombre ne sera rien moins que considérable,
parce qu'il pourra leur être permis en tout temps de porter l'affaire en l'état où elle se trouvera au tribunal du dernier ressort.
Mon système simplifie singulièrement l'ordre des procédures, si vous voulez bien le prendre en quelque considération. Il rapproche aussi la justice des justiciables, et j'en ai démontré plus haut les avantages et la nécessité; il est aussi plus économique.
Vous avez décrété que la justice sera rendue gratuitement; il était digne de vous de faire ainsi acquitter cette première dette de la société. Eh bien 1 vous manqueriez votre but, vous manqueriez à Vos promesses, si vous éloignez la justice des justiciables. Qu'importe, en effet, au plaideur qui est obligé de quitter sa famille et de l'abandonner quelquefois dans le plus grand dénuement, de payer le juge ou le maître de l'hôtellerie ?
Non, vous ne tomberez pas ainsi en contradiction avec vous-mêmes, vos promesses et l'attente des peuples m'en sont garants.
La discussion va s'égarer dans la diversité d'opinions plus ou moins ingénieuses. Je demande qu'elle soit rappelée à ces deux points principaux : Y aura-t-il un tribunal par district, oui ou non ? En cas que l'affirmative soit décidée, de combien de juges ce tribunal sera-t-il composé?
(L'Assemblée adopte cette manière de poser la question.)
Là question de savoir s'il y aura un tribunal par chaque district, me paraît fondée sur ce principe qu il faut rapprocher la justice des justiciables. Ce principe est vrai et il doit être respecté, mais il n'est pas le seul; non seulement il faut ouvrir aux justiciables un accès facile aux tribunaux, mais encore il faut leur procurer la meilleure justice possible. Ce second principe me paraît supérieur au premier, et c'est lui surtout qu'il faut considérer. Il me semble que le grand nombre des tribunaux qu'on nous propose d'établir, ne nous mèneront pas à ce but. La trop grande multiplicité de tribunaux nous donnera nécessairement des juges inhabiles. Quelque plan que suive le comité, il y aura toujours uhe classe de citoyens qui se livreront à l'instruction des affaires, et s'il n'y en a pas une quantité suffisante dans chaque district pour les occuper, ils seront conduits à l'improbité par le peu de moyens que leur offrirait leur état; il serait cependant indispensable que ces personnes fussent instruites, afin que ce ne soit point un aveugle qui en conduise un autre. Vous proposerais-je un décret dans lequel je n'établiraisqu'un tribunal pour deux districts? Gela peui dépendre des considérations locales et de la population. Je me réiuisdonc à demander que le décret proposé par le comité ne soit pas constitutionnel, mais que les législatures aient le droit de diminuer le nombre des tribunaux, d'après l'avis des départements, suivant l'exigence des cas.
Suivant le plan du comitè^il y aura 540 tribunaux de district; si l'on compare ce nombre avec celui qui existait avant la suppression des justices seigneuriales, on serait étonné qu'il put suffire. L'expérience du préopinant a dû lui apprendre que le plus grand malheur des plaideurs était la longueur dans la décision des affaires, ce qui leur fait perdre un
temps plus précieux encore que l'objet du procès. Quant à l'objection relative au peu de lumières qu'on trouvera dans les juges de district, le préopinant a eu raison de dire que dans les villes se trouvaient les gens les plus expérimentés; car, en employant une comparaison triviale, les tribunaux inférieurs n'étaient que des rabatteurs de gibiers du côté où étaient placés les grands tireurs. Je conclus à ce que l'article proposé par le comité soit adopté.
Les difficultés qu'on fait naître sur l'établissement des tribunaux dedistrict, viennent uniquement de ce que la plupart de nos collègues reconnaissent que la division de leurs départements et districts est, contre les représentations du comité, beaucoup moins nombreuse. Mais si elle est bonne pour l'administration, elle est bonne aussi pour l'ordre 'judiciaire. Uue erreur commise dans l'établissement des administrations de district ne peut déterminer l'Assemblée à en commettre une autre dans l'érection des tribunaux.
fait lecture des diverses propositions; on demande (a question préalable sur toutes.
Ce n'est point le cas de la question préalable, plusieurs des amendements proposés peuvent trouver leur place lorsqu'on discutera l'article 1er du comité.
La première des questions proposées par M. Goupil est mise aux voix, et l'Assemblée décide :
a Qu'il y aura un tribunal dans chaque district. »
Il reste maintenant à examiner la seconde des questions proposées par M._Goupil : De combien de juges le tribunal de district sera-t-ïl composé?
On ne peut rien décider sur le nombre des juges, sans régler d'abord leur compétence, puisque c'est d'elle que dépend le plus ou moins d'occupations qu'ils trouveront; il s'agit d'abord d'examiner l'organisation des tribunaux d'appel. Le comité, à cet égard, propose de consacrer de grands abus et de rappeler l'ancien régime. Les grands tribunaux d'appel en retiendront l'esprit de chicané; en lui donnant un plus grand théâtre et plus de moyens, ils éloigneront la justice du justiciable, multiplieront les gens de loi, et par conséquent les procès. Bientôt vous verriez les "départements se disputer entre eux ces établissements, qu'ils regarderont comme une source de leur richesse. A mon avis, il vaudrait beaucoup mieux faire porter successivement les appels d'un district à un autre sans réciprocité, c'est le moyen d'anéantir la hiérarchie si imçolitique et si dangereuse des tribunaux. Celte idée est simple et porte avec elle ce caractère d'unité qui fait le plus bel ornement de votre Constitution ; elle pare à de très grands inconvénients et n'en présente que d e très faibles... Je propose la question suivante : « Etablira-t-on des tribunaux de deux espèces, les uns pour juger en première instance, les autres sur l'appel? » ou: « Les tribunaux de district seront-ils tribunaux de première instance et d'appel, suivant l'ordre qui sera établi ? »
Je crois aussi qu'il est nécessaire de régler la compétence des tribunaux avant de fixer le nombre des juges dont ils seront composés.
Le projet du comité leur attribue la juridiction des eaux et forêts et celle de la monnaie, peut-être leur attribuera-t-on aussi la connaissance des affaires en matière d'impôt, ce dernier objet augmenterait beaucoup leur occupation, et trois juges ne me paraissent pas suffisants.
Le plan de faire juger les affaires pas les tribunaux de district n'a point été présenté par le comité, parce qu'il contrarie les bases déjà décrétées, et que dans la discussion sur cette matière il a paru évident qne l'intention de l'Assemblée était d'avoir des tribunaux d'appel; cependant vous voulez prendre ce nouveau plan pour base de la discussion ; j'observe qu'il présente une masse de dépenses bien plus considérables en augmentant infiniment le nombre des juges. Il y a 547 districts, il faudrait 1,094 juges de plus, tandis que dans le plan du comité 8 jugés par département suffisent ; ils détruiraient d'ailleurs la seule utilité de l'appel qui présente un degré de confiance beaucoup plus grand.
Messieurs, je propose que les tribunaux des districts soient employés en même temps, et pour le premier, et pour le second degré de juridiction; que chacun d'eux soit, dans son enclave particulière, tribunal de première insance; et qu'ils soient tribunaux d'appel les uns à l'égard des autres. Voici les avantages que je trouve dans ce plan :
1°. Il apporte une grande Simplicité dans votre organisation judiciaire.
Vous placez sur la même ligne un certain nombre de juges, et vous leur distribuez tellement leurs fonctions, qu'ils vont suffire à tout.
Or, si avec un moindre nombre d'agents, vous pouvez obtenir tout l'effet que vous attendriez u'un plus grand nombre, la première méthode est préférable. Vous êtes, d'une part, plus certains de votre résultat, quand il dépend d'un mouvement moins compliqué; et, d'autre part, il vous est bien plus facile de voir promptement les causes qui tendent au désordre, et d'y obvier.
2° Des tribunaux d'appei formeront tôt ou tard des compagnies. Une correspondance dangereuse s'établira entre elles, elles mettronten masse leur pouvoir, leurs moyens, leur grand crédit. Je dis leur grand crédit; elles l'auront tel dans un grand ressort que finalement la justice dépendra d'elles.
Je ne donnerai pas plus de développement à cette idée; mais je vous rappellerai les parlements, dont les nouvelles compagnies ne différeraient que par quelques nuances.
Dans le principe, les officiers des parlements étaient amovibles; ils n'étaient que juges, ils étaient en petit nombre. Il n'y avait que huit magistrats dans le conseil delohinal devenu depuis le parlement de Grenoble : consultez le passé en faveur de l'avenir.
Les tribunaux de district ne seront jamais dangereux ; leurs officiers ne pourront avoir, comme juges de première instance, qu'un ascendant borné comme l'importance de leurs fonctions et comme leur territoire ; ils n'en auront aucun comme juges d'appel; car, dans mes vues, ils n'auraient point de territoire déterminé.
Et puis, circonscrits dans d'étroites enclaves, réunis en très petit nombre, ils ne formeront jamais des compagnies ; ils demeureront en groupes épars aux places qui leur auront été assignées; et plusieurs centaines de ces groupes ne seront pas susceptibles de cette correspondance, de cette
réunion trop facile à réaliser pour vingt tribunaux.
3° Il m'a paru que vous ne voulez pas des juges de deux classes, que vous proscrivez cette distinction de juges supérieurs, et de juges inférieurs, et des disparités choquantes entre les citoyens qui remplissent les mêmes fonctions.
Je trouve cela dans|le plan même du comité; car il vous propose de décréter que « la distinction des deux degrés de juridiction n'établit « aucune différence ni supériorité personnelles « entre les juges. «
Je m'appuie sur l'autorité du comité et c'est sa thèse que je soutiens.
Mais quand vous aurez décrété qu'il n'y a aucune différence ni supériorité personnelles entre les juges, l'opinion et le préjugé décréteront autrement, et vous n'habituerez pas lé peuple à concevoir l'état du juge d'appel qui réforme, sans préexcellence sur l'état du premier juge qui est reformé.
Au fond, je suis d'accord avec le comité ; mais ce qu'il réduit à une décision de droit, je l'établis par le fait, qui est toujours plus sûr que le droit.
4° Le préjugé du peuple sur la supériorité des tribunaux d'appel ira plus loin : les juges seront peuple aussi sur ce point; on préférera une place dans le tribunal d'appel à une place dans le tribunal appelable. Celui qui jugera quatre départements et celui qui ne jugera qu'un district, ne se résoudront pas à s'assimiler.
Qu'en arrivëra-t-il ? le juge de district sera occupé d'un degré à monter, il séjournera impatiemment dans le premier.
Je vois bien que, dans cet état de choses, les vues ultérieures du juge de district pourront être un priùcipe d'émulation, qu'il cherchera à mériter par le travail l'assiduité et l'intégrité, cet avancement qu'il ambitionnera; mais cette considération ne me séduit pas, et j'arrête ma pensée sur l'intérêt qu'a le peuple à attacher un bon juge à ses fonctions.
Dans tous les temps on a trop peu fait attention à l'importance des fonctions qui sont remplies dans les premiers tribunaux.
Il n'y a de bons jugements que ceux qui sont calqués sur l'instruction : or, l'instruction se fait dans les premiers tribunaux: ainsi, il est vrai, en dernière analyse, que les bons jugements sont l'ouvrage des premiers tribunaux.
Il est donc très important que les premiers tribunaux soient remplis d'hommes éclairés, sages et justes. Il faut donc y attacher ces hommes, et pour cela il faut ne leur pas montrer au-dessus une place qui leur fasse envie, v
Vous voulez que tous vos juges jouissent d'une grande considération ; ne laissez pas échapper le moyen principal qui vous est offert pour la leur assurer; ne faites point un partage inégal de cette considération ; les tribunaux auxquels vous donneriez un peu plus finiraient par avoir tout. G'est par quelque supériorité que commence la tyrannie.
5° Quand les juges de district seront appelables les uns aux autres, l'appel ne sera plus pour les justiciables que la provocation d'un nouvel examen des procès, et non le recours d'une puissance à une puissance plus grande. Les juges auront l'idée d'une fonction à remplir et non d'une autorité supérieure à exercer: et les jugements appelables ou non, tiendront leur force de la
loi, et non des hommes qui auront prononcé (1).
Ceci paraîtra une exception bizarre, extrême : les personnes qui ont été à portée d'observer, en avoueront la vérité. Il est arrivé bien souvent que le penchant à rendre marquante la supériorité du tribunal, a eu grande part, au moins, aux prononciations accessoires.
Je ne laisse pas subsister cet écueil et cela est plus sûr que de le donner à éviter. Je compte plus sur la loi qui abolit l'objet de la tentation, que sur la morale qui recommande de ne pas succomber.
6° Quand vous avez ordonné la division du royaume en départements, et des départements en districts, vous avez vu la jalousie des villes éclater. D'anciennes rivalités ont agi, de nouvelles ont pris naissance ; les préférences obtenues seront longtemps peut être un sujet de discorde.
L'établissement des tribunaux d'appel aurait le même effet; vous ajouteriez un levain à un levain.
Il y aurait cette différence, que la première opération a été nécessaire et que la seconde serait spontanée; que l'une a produit seulement le mécontentement de quelques villes, tandis que l'autre susciterait les murmures de plusieurs départements.
Ët ces murmures auraient pour motif, joutre la jalousie de territoire, une véritable inégalité dans la condition des justiciables envers qui il semblerait ainsi que vous n'auriez pas accompli vos promesses.
L'aptitude que je propose d'attribuer aux tribunaux de district, relativement à la connaissance des appels, est aussi favorable à l'égalité, que la création des tribunaux particuliers d'appel leur est opposée.
Mon avis est de donner aux parties le choix de leurs juges d'appel, dans une certaine latitude, et vous sentez que la préférence que la confiance accorderait, ne serait pas une inégalité.
Je dis que le système qui ne laisse pas même des prétextes aux rivalités et aux murmures, a des droits à votre assentiment.
7° Les habitants des villes accoutumées à avoir dans leur sein de grands établissements civils, sont ici de véritables adversaires; ils rejetteront un plan qui anéantit les grands établissements.
Je dis qu'ils se feront illusion : à des avantages spécieux ils sacrifieront dans leurs pensées les vrais principes de la prospérité. _
Dès qu'il y a dans une ville un grand tribunal tous les regards se tournent de ce côté. Tout devient juge, avocat, procureur, greffier, praticien, solliciteur... Cette industrie immorale, qui vit des procès, prend la place de l'industrie utile, des arts et du commerce et une grande cité se trouve n'avoir qu'une existence odieuse et précaire.
(On applaudit dans toutes les parties de la salle.)
continue :
Je dis odieuse, car les richesses qui s'y amassent sont récoltées dans une grande enclave, au milieu des larmes et de la ruine des citoyens.
Je dis précaire ; car la moindre réforme dans l'administration de la justice, une nouvelle
division de territoire et mille autres événements renversent cette fortune empruntée.
Et pourtant, si vous avez des tribunaux particuliers d'appeL vous livrez les départements à quelques villes. Leur population leur assure d'abord une grande représentation ; ajoutez l'ascendant des grands tribunaux et l'esprit formaliste des gens de loi, et elles disposeront de tout.
J'aimerais mieux dire franchement aux habitants de ces villes : soyez les souverains administrateurs, au moins alors la Constitution ne serait pas en contradiction avec le fait. Les citoyens des départements ne seraient pas leurs propres administrateurs, mais la loi ne les aurait pas trompés en les constituant tels illusoirement.
Enfin, la raison d'économie que je vous prie maintenant de prendre en considération, serait sans valeur, si elle était isolée à des établissements nécessaires. L'objection de la dépense n'est pas recevable.
Mais après qu'on a démontré qu'un établissement n'est pas nécessaire, qu'on y peut suppléer et qu'il est avantageux d'y suppléer, alors la raison d'économie est transcendante.
La dépense des tribunaux d'appel n'est pas un objet que l'on puisse négliger. Elle comprend les salaires des juges, des officiers qui exercent le ministère public, des greffiers, de leurs commis. Elle comprend la confection ou l'entretien des bâtiments dans lesquels ils seraient séants. Le peuple est bien chargé, il le serait encore davantage ; il le serait non seulement par la dépense commune d'entretien, mais aussi, mais surtout par ces contributions de détail que les justiciables forcés d'accourir apporteraient journellement dans la grande ville.
Notez encore la dépense la plus importante à l'Etat, celle du temps, si précieux à l'agriculture, si précieux au commerce. Si l'on m'opposait le calcul sec des salaires des juges, je ferais mon calcul aussi et sans sortir de là, peut-être ne serais-je pas vaincu; mais je dis que ce n'est qu'un accessoire de mon tableau comparatif.
Ma proposition à l'égard des tribunaux de district tour à tour appelables et jugeant les appels, est susceptible d'objections. Je vais examiner sommairement celles que je prévois; je me réserve la solution de celtes que je n'aurai pas prévues, si l'Assemblée le permet.
On peut me dire, en premier lieu, que les tribunaux de district liés par des prérogatives communes, s'accorderont pour les soutenir, qu'il y aura entre eux - un pacte de ne pas se réformer et qu'enfin la voie de l'appel deviendra illusoire, nos juges trop puissants et leurs sentences trop indépendantes.
Je craindrais tout cela, si je proposais précisément entre les tribunaux de district la réciprocité de l'appel, c'est-à-dirè, par exemple, si l'appel des jugements du tribunal A étant nécessairement porté au tribunal Bj celui des jugements du tribunal B était nécessairement aussi porté au tribunal À.
Alors ces deux tribunaux, liés par un rapport régulier et continuel, pourraient bien avoir la pensée de s'accorder dans les vues réciproques de l'amour-propre ou de l'ambition; mais il est facile de trouver une méthode exempte de cet inconvénient.
Dans mon dessein particulier, je laisserais aux parties, pour chaque affaire, l'avantage de désigner le tribunal auquel elles porteraient appel, et lorsqu'elles ne pourraient s'accorder, je déter-
minerais le choix ou par des règles que j'aurais prescrites, ou même par le sort.
Non seulement par cette méthode je préviens le danger que l'on me montre, j'y trouve de plus l'avantage de produire une émulation précieuse et qui aura d'beureux effets.
Les juges pour leur gloire, les gens de loi et de pratique, pour leur gloire et pour leur intérêt, emploieront leurs efforts à mériter la confiance, et de leurs justiciables naturels, et des justiciables volontaires, que leur bonne renommée attirera des districts voisins.
Et comme la ville qui possédera un tribunal de district ne sera point indifférente à l'affluence des plaideurs qui y sera attirée ou qui en sera re-poussée, il s'y "formera un centre d'observation et d'opinion publique, qui sera pour les juges et les gens de loi et de pratique un aiguillon de plus.
On craindra, en second lieu, que de cette multitude de tribunaux, jugeant en dernier ressort, il ne résulte une multitude de jurisprudences diverses.
Ne perdons pas de vue qu'ici l'on entend par jurisprudence les usages des tribunaux.
Dans ce sens, je dis qu'il faut abolir toutes les jurisprudences, et ne laisser subsister que la vraie qui est la loi; je dis que nos différends doivent être jugés selon la loi et non selon les usages des tribunaux.
On répète tous les jours chez les jurisconsultes et à l'audience, que les juges doivent consulter les lois et non les exemples. Il serait heureux que cette maxime n'eût jamais été ou-; bliée; les tribunaux n'auraient pas introduit ces usages que l'on a appelés leur jurisprudence.
S'il est permis aux parties et à leurs défenseurs de citer des exemples, une première entorse donnée à la loi en attire une seconde et une troisième : voilà un usage, une jurisprudence, et la loi cède; car la citer encore dans son vrai sens, quand il y a un usage contraire du tribunal, c'est engager entre l'amour-propre des juges un combat dont le succès n'est pas douteux.
Si, au contraire, il est défendu de citer des exemples, les juges peuvent sans doute commettre une et plusieurs erreurs, mais elles seront oubliées, mais il ne s'établira pas de comparaison entre ce que la loi veut et ce qu'ils ont jugé, et leur amour-propre n'interviendra pas entre eux et la loi.
Ainsi, un ou plusieurs mauvais jugements ne feront aucune atteinte à la loi. Ce sera toujours elle que l'on montrera aux tribunaux comme leur guide.
Je crois que voilà le moyen sûr d'obvier à la diversité de jurisprudence, et de simples tribunaux de district environnés de moins d'appareil, me paraissent en assurer davantage l'efficacité; car ils n'auront pas l'ascendant qui, de la part d'un grand tribunal, en impose quelquefois aux plaideurs et à ceux qui les défendent.
Enfin,on pourra craindre que les départements ne soient trop isolés, trop indépendants lorsqu'ils renfermeront dans leur sein, et le premier, et le second degré de juridiction, et je n'ai pas besoin d'expliquer les conséquences ultérieures que l'imagination cherchera à cet état de choses.
Je réponds d'abord que ce danger prétendu existe dans le plan de ceux, en assez grand nombre dans cette Assemblée, qui veulent un tribunal d'appel pour chaque département.
Ensuite c'est par leur propre intérêt qu'il faut lier les départements, non par des institutions
forcées dommageables au plus grand nombre, qui donneront à ceux-ci le penchant à s'affranchir d'une dépendance pénible pour eux.
En morale et en politique, l'égalité, la liberté, l'abolition de toute préféreâcé, cotnposent le ciment qui unit en un Seul tout, les parties d'une grande société. Altérez ces principes, la tendance a la décomposition se produit inévitablement.
Ajoutez qu'un département sera trop faible, et en territoire, et en population, pour que jamais il songe à essayer séparément ses forces; et que son industrie, ses productions, ses consommations établissent des rapports utiles auxquels sa prospérité tient tellement, que l'interversion des uns serait l'abdication de l'autre,
Ajoutez encore que, si vous semblez isoler les départements dans leurs tribunaux indépendants, vous les raccrochezaussitôt, pour ainsi parler, les uns aux autres, par le recours à la cassation des jugements, et surtout par ce centre commun d'administration, de législation, de protection, de fraternité qui sera dans l'Assemblée nationale.
On pourrait enfin ne pas s'assujettir à la division administrative à l'égard des tribunaux, et rendre chaque tribunal de district appelable à ceux des districts voisins, sans considérer s'ils sont ou ne sont pas du même département. Cette méthode établirait la liaison réciproque des départements, et dissiperait les craintes que l'on expose.
D'après ces réflexions, je demande qu'il soit décrété :
' Que les juges des districts seront juges d'ap-* pel les uns a l'égard des autres, selon les rap-« ports qui seront déterminés dans les articles « suivants. »
Les articles suivants contiendront des détails, dont il me paraît, quant à présent, inutile d'occuper l'Assemblée..
(Le discours de M. Chabroud est vivement âp-plaudi.)
Plusieurs membres demandent l'ajournement.
L'ajournement n'a pas besoin d'être mis en délibération, il es{ absolument indispensable. J'aCVoue que moi, qui suis déterminé à combattre le plan de M. Chabroud, je ne suis point actuellement en état de le faire. J'observe de plus qtt'il culbute tout le plan du comité, et en le résumant on ne peut en conclure autre chose, sinon que les juges ne seront pas habiles et que la justice sera un iléau.
Je demande le renvoi de ce plan au comité auquel M- Chabroud sera prié de se réunir.
(L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. Chabroud et l'ajournement à jeudi.)
, député de Sézanne, demande la permission de s'absenter pendant un mois pour affaires importantes, en pbservaut que c'est la première demande de cette espèce qu'il ait faite dans le cours de quatorze mois et demi* L'Assemblée accorde la permission demandée.
, député de Saint-Domingue, fait part à l'Assemblée de deux lettres arrivées des colonies, l'une du Cap, et l'autre de Saint-Domingue. Elles sont écrites au nom des assemblées provinciales du Sud et du Nord, et contiennent l'expression de la plus vive reconnaissance pour le décret du 8 mars, concernant les colonies.
Nous espérons, est-il dit dans une de ces lettres (en parlant de M. de La Luzerne), que la honte de ses mensonges le forcera à descendre de sa place. Le retour de l'ordre en dépend.
L'assemblée provinciale de la partie de Saint-Domingue vote des remerciements particuliers à M. Barnave.
(La séance est levée à 4 heures.)
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
présente une adresse des élèves des collèges de Tfulle et de Brive, département de la Corrèze, fédéré à Tulle, qui, à la suite de leur serment fédératif, transmettent à l'Assemblée nationale le témoignage de ïeûr soumission, de leur respect et de leur amour, et la supplient de les faire jouir au,plus tôt des principes d'une éducation nationale, plus conforme aux droits de l'homme et du citoyen.
(de ÊtèmourtyJeôrèiàire,. donne lecture de l'extrait des adresses, ainsi qu'il suit :
Adresse de l'assemblée primaire du canton de Pont-de-Roide, district de Saint-Uippolyte, département du Doubs : elle désire l'établissement de foires au Pont-de-Roidé, chef-lieu de ce canton. Tous les habitants qui le composent s'occupent sans relâche du payement des impôts, de la contribution patriotique et de l'entière exécution des décrets de l'Assemblée nationale, pour le maintien desquels ils sont prêts de sacrifier leurs biens et leur vie.
Adresse de la municipalité d'Argent, district d'Aubighy, qui exprime ses regrets de n'avoir pas encore de garde nationale lormée; ce qui l'a privée de l'avantage de députer à la fédération du 14 juillet. Elle s'unit de coeur et d'esprit au serment solennel qui y a été prononcé.
Adresse des officiers municipaux de la ville de Caen, qui envoient le procès-verbal de la confédération des gardes nationales et troupes de ligne du département du Calvados, qui a eu lieu dans cette ville, le premier du présent mois.
Adresse de la communauté des procureurs du présidial de Béziers. qui s'engagent d'employer toute l'influence de leur ministère sur l'esprit de leurs clients pour leur faire chérir et respecter les décrets de l'Assemblée. Ils ont solennellement prêté le serment civique entre les mains des officiers municipaux.
Adresse des officiers municipaux de la ville de Phalsbourg, qui annoncent que les habitants,
en sus de leur contribution patriotique, montant à la somme de 9,691 liv. 16 sols, ont offert
à la nation : 1° les gages d'un capital de 7,809 livres qui leur sont dus par l'Etat depuis
près de onze ans pour les offices des anciens officiers municipaux ; 2° le produit des
impositions sur les ci-devant privilégiés; 3° d'une somme de 243 liv. 17 sols en espèces d'or
ou d'argent.
Adresse de la municipalité de Saint-Hippolyte, département du Haut-Rhin, qui exprime les plus vifs regrets de ce que la municipalité de Colmar ne les a pas convoqués pour concourir à l'élection des députés à la fédération générale du 14 juillet. Ils s'unissent de ]a manière la plus intime au serment qui y a été prononcé.
Adresse du Sieur Dubufe, instituteur de l'école du commerce à Vincennes, qui, voulant partager le patriotisme des vainqueurs de la Bastille, offre de recevoir gratuitement à sa pension l'orphelin d'une de ces victimes que le zèle a fait périr en faisant le siège. Il se charge de le vêtir, nourrir et entretenir jusqu'à l'âge où il pourra être placé d'une manière analogue à sa capacité.
Adresse de la municipalité ne Vernaison, qui demande un impôt unique.
Adresse des maîtres d'équipages, officiers mariniers, maîtres voiliers et comités résidant à Toulon, composant la confrérie de la marine sous le titre de Saint-Antelme, qui présentent à l'Assemblée le tribut de leur admiration et de leur dévouement; ils la supplient de s'intéresser à leur sort.
Adresse des curés de la Vallée de Graisivodan, diocèse de Grenoble, qui improuvent expressément la déclaration d'une partie de l'Assemblée, et s'engagent avec serment d'employer toute l'influence de leur ministère à assurer l'entière exécution des décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse de la communauté de Ghuvés en Lyonnais, qui, en sus de sa contribution patriotique, fait le don du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés.
Adresse de la communauté des procureurs au présidai de Nîmes, qui a renouvelé lé serment civique en présence des administrateurs du département du Gard.
Adresse dé l'assemblée primaire du canton de la Garnache, près Ghallans.
Adresses des assemblées électorales du district de Marseille, du district de Garentan, du district de Pont-Audemer.
Adresses des assemblées administratives du district de la campagne de Lyon, du district de Mont-maraul, qui demande pour cette ville un tribunal du second ordre, et du district d'Aix.
Adresses des assemblées électorales du département de la Haute-Loire, du département de la Charente, du département de la Gorrèze.
Adresses des assemblées administratives du département du Bas-fthin, du département de l'Allier et du département de la Creuse.
Toutes ces assemblées consacrent les premiers moments de leur formation à exprimer les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elles sont pénétrées pour l'Assemblée nationale.
Elles s'élèvent avec force contre tous actes et déclarations quelconques contraires aux décrets de l'Assemblée, ou qui tendraient à affaiblir le respect et la confiance qui leur sont dus : elles la supplient de poursuivre, sans relâche et jusqu'à sa consommation, la Constitution qu'elle a si glorieusement commencée.
Adresse de la commune de Villefranche, département de Rhône-et-Loire, qui s'est empressée de prêter le serment fédératif le 14 juillet, pour réi-
térer avec tous les Français, à la même heure, l'engagement de défendre, jusqu'au dernier soupir, la Constitution. Cette commune se glorifie, à juste titre, d'avoir fait éclater son patriotisme dans toutes les circonstances. Le montant de sa contribution patriotique est de 63,144 livres. Elle a renoncé, en faveur de l'Etat, au produit des impositions sur les ci-devant privilégiés ; et, au milieu des troubles qui ont agité bien des contrées, les habitants de Villefranche ont toujours joui de la plus parfaite tranquillité.
Cette commune exprime le vœu le plus ardent pour que l'Assemblée nationale redouble ses efforts, lorsqu'elle s'occupera de l'éducation publique.
Adresse des communes et gardes nationales du district de Redon, département de l'Ille-et-Vilaine, portant adhésion à tous les décrets, et pouvoir aux députés à la fédération de présenter à l'Assemblée nationale le tribut de la reconnaissance que méritent ses utiles et immenses travaux.
Adresse de la ville de Saint-Marcellin, contenant hommage à l'Assemblée nationale de la fédération des gardes nationales, citoyens non armés, et citoyennes de son territoire, effectuée le 14 juillet 1790.
Serment civique de MM. les curés et vicaires des .paroisses de la ville d'Aix, et de plusieurs autres prêtres qui se sont unis à eux.
Rétractation des prêtres du collège de Bourbon d'Aix, qui ont signé la lettre du clergé.séculier et régulier de cette ville à M. l'archevêque, en date du 22 avril.
Adresse des électeurs du département des Bou-ches-du-Rhône à l'Assemblée nationale, contenant improbation de la signature mise par quelques membres au bas de la déclaration d'une partie dé l'Assemblée nationale, au sujet du décret du 13 avril, et renfermant des sentiments de respect, d'admiration et de reconnaissance envers l'Assemblée nationale.
Soumission de la commune de Besse en Pro-= vence, pour acheter les domaines nationaux qui sont dans son territoire.
Délibération de la commune de la ville de Laure en Provence, contenant une pareille soumission.
Adresse dé la commune de ICursan, district de Libourne, département de la Gironde, contenant adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, et don patriotique de la contribution des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de l'année 1789. ,
Procès-verbal de prestation du serment civique par toutes les troupes de la ville de Valenciennes.
fait lecture d'une adresse de la municipalité de Nouans, département de la Sarthe, qui présente à l'Assemblée l'hommage de sa reconnaissance, déclare combien elle est soumise à tous les décrets de l'Assemblée nationale, notamment au payement de tous les impôts qui n'ont pas été supprimés par l'Assemblée nationale, et fait hommage à la patrie d'une somme de 74 livres 19 sols de contribution volontaire des habitants dont la fortune est au-dessous de 400 livres de revenu.
J'ai été prévenu par MM. du comité militaire que le rapport sur le projet d'organisation de l'armée, approuvé au conseil du roi et présenté par le ministre de la guerre, ne pourrait être terminé demain. Comme l'Assemblée a ajourné à jeudi, la suite du travail sur l'ordre judiciaire, je lui propose de mettre demain
à son ordre du jour la suite des rapports du comité des finances.
(Cette proposition est adoptée.)
Une députation du district de Notre-Dame est admise avec la confrérie des compagnons paveurs du petit pavé, à faire l'offre du don patriotique de l'argenterie de cette confrérie.
L'Assemblée leur permet d'assister à sa séance.
annonce que M. de Monta-lembert fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Observations sur les nouveaux forts qui ont été exécutés à la rade de Cherbourg.
lit une adresse de la municipalité de Laps, district de Billom, département du Puy-de-Dôme; une autre adresse de la municipalité d'Eglise-Neuve-sur-Bouillon, même département ; et une troisième de la municipalité de Billom, lesquelles font soumission d'acheter, l'une pour 12,000 livres, l'autre pour 20,000 livres, et la troisième pour 600,000 livres de domaines nationaux situés dans leur territoire.
présente enfin une quatrième adresse des électeurs du même district, contenant l'hommage de la plus parfaite adhésion à tous les décrets dé l'Assemblée, et de la reconnaissance qu'ils inspirent à tous les bons citoyens.
annonce que M. Gonevrot, major de la garde nationale de Bellesme, prie l'Assemblée d'agréer un ouvrage en vers, intitulé : Adieux et regrets des frères députés à la fédération du 14 juillet 1790, à teurs frères d'armes de Paris.
fait lecture d'une adresse de la municipalité de la ville d'Albi, qui désavoue la démarche d'un très petit nombre de ses concitoyens attachés, dit-elle, à l'ancien gouvernement Féo-Sacerdotal, et témoigne à l'Assemblée nationale la profonde reconnaissance des habitants d'Albi pour le don précieux de la liberté.
A cette adresse est jointe la délibération de la commune, qui charge la municipalité d'exprimer ses sentiments à l'Assemblée nationale.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbat de la séance de ce jour au matin.
Ce procès-verbal est adopté.
, député du district de Tulle, demande qu'il soit fait mention dans le procès-verbal de l'adresse des élèves du collège de Tulle et de celui de Brive, qui a été lue au commencement de la séance, et il prie l'Assemblée de l'autoriser à témoigner à ces jeunes citoyens que l'Assemblée a reçu avec bonté l'hommage de leur zèle patriotique.
Cette demande est accordée.
, lie comité des rapports est prêt à rendre compte de la difficulté qui s'est élevée à Soissons entre la municipalité et le bailliage, relativement a la fixation du prix du pain à raison de celui du blé. Je donne la parole au rapporteur.
(de Coutances), rapporteur du comité des recherches et des rapports. Messieurs, les officiers municipaux de la ville de Soissons ayant cru devoir diminuer le prix du pain, le nouveau prix convint tout le monde* excepté
à la communauté des boulangers, qui se pourvut au bailliage. Sur les conclusions du ministère public, il intervint une sentence par laquelle ce tribunal annule la taxe faite par les officiers municipaux, et en ordonne une nouvelle. Le mécontentement du peuple éclata; il y eut des attroupements inquiétants, et pour arrêter les désordres, le conseil général de la commune et le directoire du district s'assemblèrent et ordonnèrent le rétablissement de la taxe. Ce bailliage commença une procédure criminelle contre les auteurs des troubles. La municipalité inquiète des suites que pourraient avoir les dispositions du bailliage, a cru devoir s'adresser à l'Assemblée nationale. C'est dans cet état que l'affaire a été portée aux Comités des rapports et des recherches. Ces comités ont considéré la conduite du bailliage de Soissons comme une atteinte à vos décrets et à l'autorité des corps administratifs. Vous avez, par vos décrets, accordé aux municipalités et aux administrations la surveillance et l'action pour les intérêts communs, tandis que les tribunaux ne peuvent régler que les intérêts particuliers ; autrement ces fonctions administratives et le pouvoir judiciaire seraient confondus. En se conformant aux principes de la Constitution, le bailliage de Soissons n'aurait point annulé la taxe des officiers municipaux, qui n'avaient fait qu'user des pouvoirs que vous leur avez confiés. La sentence de ce tribunal est donc nulle. Vous pensez sans doute de même à l'égard de la procédure criminelle intentée contre les auteurs des troubles. Ce bailliage a occasionné, par sa conduite, les inquiétudes et les agitations du peuple ; il a causé les désordres; il ne peut les poursuivre et les juger. Tels sont les motifs qui déterminent vos deux comités à vous proposer d'annuler cette sentence et cette procédure.
Ce bailliage ne s'est point écarté de son attribution ; la partie contentieuse de l'administration appartient aux tribunaux ; la taxe faite par les officiers municipaux compromettait les intérêts des boulangers, parce qu'elle n'était pas exactement proportionnée avec le prix des farines : cette taxé ne pouvait être réformée que par la voie de l'appel ; cet appel devait être porté au bailliage : le bailliage a donc dû rendre la sentence qu'on vous propose d'annuler. Si vous adoptiez ce décret, je vous demanderais pardevant qui les boulangers pourraient se pourvoir?
La véritable question que présente cette affaire est celle-ci: la taxe du pain est-elle une fonction judiciaire ou une fonction administrative ? Lès juges doivent appliquer la loi pour juger les différends qui s'élèvent entre les particuliers : hors de l'application de la loi et de la recherche des délits, je ne leur connais plus de fonctions. Tout ce qui tient dans l'ordre public à la sûreté des subsistances, au prix des denrées, appartient essentiellement et appartenait même, dans l'ancien régime, aux corps administratifs. Vos décrets n'ont rien changé à cet égard. La municipalité de Soissons, en fixant la taxe du pain, s'est donc renfermée dans ses fonctions, sur lesquelles le pouvoir judiciaire ne devait se permettre aucune entreprise. D'après vos décrets, les tribunaux ne doivent pas troubler les municipalités dans leurs fonctions : vous avez plusieurs fois fait l'application de ces décrets à des corps judiciaires; la sentence du bailliage de Soissons est donc une atteinte formelle portée à vos décrets* Votre décision, sur la procédure cri-
minelle commencée, doit porter sur les mêmes principes. Le projet de décret qui vous est présenté par vos comités, n'en est qu'une application exacte; il doit être adopté.
La police n'appartient aux municipalités que provisoirement et sauf l'appel aux tribunaux ; vous l'avez ainsi décidé. Les boulangers de Soissons, en appelant au bailliage, se sont conformés à cette décision. D'après l'état d'insurrection où se trouve la ville de Soissons, il me semble prudent et nécessaire d'ordonner l'apport des pièces.
Il paraît que la taxe faite par les officiers municipaux est juste, puisque deux cents particuliers ont proposé de fournir du pain à ce prix. Cependant ce bailliage a infirmé Cette taxe que le directoire de district a confirmée après cette infirmation. Ce directoire n'a fait qu'user de son pouvoir; le tribunal a entrepris sur un pouvoir gtii lui est étranger. La taxe du paib est une affaire d'ordre général, eue appartient aux municipalités, sauf le recours des parties intéressées aux corps administratifs supérieurs et non aux tribunaux, autrement les tribunaux seraient des corps administratifs supérieurs. Si les boulangers avaient été condamnés à une amende par la municipalité, cette condamnation serait un acte 4e police contentieuse, et l'appel n'en aurait pu être porté que pardevant les tribunaux : mais tout ce qui dans la police n'est point contentieux est administratif. Cette distinction prouve évidemment là sagesse du décret qui vous est proposé par vos comités.
Sous tous les points de vue le bailliage n'était point compétent; si la taxe du pain est un objet d'administration, il est certain que le sénéchal ne pouvait s'en occuper ; si o^st un objet de police, il ne pouvait pas davantage, puisque l'appel des jugements de police était porté directement au parlement : cette règle n'a pas varié sous l'ancien régime.
Toute cette discussion roule sur une fausse interprétation de vos décrets. 11 y a dans la ville de Soissons deux partis : l'un est extrêmement patriotique, l'autre est parfois aristocrate; celui-ci y a suscité toutes sortes de tracasseries à la municipalité, et cette yille seule a occupé le comité des rapports autant que toutes les autres. Je regarde la sentence du bailliage comme une tracasserie nouvelle ; la taxe raite par les officiers municipaux était nécessaire et juste. 3e n'en veux d'autre preuve que ia proposition de deux cents particuliers qui demandaient à fournir du pain à ce prix. On vous a cité un décret, dont il faut déterminer le véritable sens. Dans Je second article de ce décret, la police contentieuse est confiée aux municipalités; dans l'article6, l'appel des jugements de police est attribué aux bailliages. Il faut distiQguer les actes d'administration des jugements : la taxe du pain est un acte de police d'administration, et non de police contentieuse; cette taxe n'est point un jugement, et ce n'est que d'un jugement qu'on peut appeler. Pour qu'il y ait un jugement, il faut qu'il y ait discussion, il faut qu'il y ait un différend qui divise les parties ; or^ dans la taxe des denrées, ii n'y a pas de différend, il n'y a pas de discussion entre la partie privée et la partie publique : donc il n'y a pas de jugement, donc il n'y a pas lieu à l'appel; les boulangers n'étaient donc pas dans le cas de
l'article 6 du décret ; le bailliage ne devait donc pas juger.
(de Saint-Jean-d?Angely). Il serait dangereux d'annuler la sentence du bailliage de Soissons : ce serait prononcer que les taxes des municipalités ne sont point assujetties à l'appel aux tribunaux, tandis qu'il est, dans les principes, de l'intérêt général, qu'elles y soient soumises* Il y a dans la taxe du pain deux parties intéressées; les boulangers qui doivent fournir cette denrée, et les consommateurs. Si le peuple ou les boulangers réclament, le juge doit être consulté. Il existe pour Soissons, comme, pour Paris, un tarif enregistré. Le juge prononce ainsi : La loi dit que quand le blé coûte tant, le pain doit coûter tant, le peuple doit donc payer le pain à tel prix. Si cette loi n'était exécutée, la taxation du pain serait arbitraire ; autrefois l'appel ayait lieu. Si le bailliage favorisait les boulangers, la ville se plaignait, et le parlement infirmait ou confirmait la sentence. Votre décret sur les attri-r butions des municipalités porte ces mots : « En se conformant au règlement actuel. » Ainsi, quand les boulangers se sont pourvus, ils en avaient le droit, lé bailliage devait juger. Je n'examine pas s'il a Voulu tracasser la municipalité; je n'examine pas si la sentence est juste ; il a pu se tromper, nous ne le savons pas, et c'est ce qu'il faut vérifier. La taxe est-elle bien ou mal faite? voilà la question importante. Je demande que l'Assemblée ordonne préalablement l'apport des pièces.
Il est des objets extrajudiciaires qui ne souffrent pas d'appel. j'ai été maire pendant quatre àris, et je puis assurer que j'ai toujours cru la taxe du pain inattaquable par cette voie. Si vous déclarez le contraire, vous Compromettez l'intérêt du peuple, pour lequel la surveillance des municipalités est établie, ét qui est essentiellement opposé à celui des boulangers.
Toute la difficulté vient de ce que la ligne de démarcation entre la police contentieuse et la police administrative n'est pas encore tracée. On ne peut condamuer ni la municipalité, ni le bailliage, qui n'ont pu la reconnaître. Il me paraît convenable 4e suspendre la décision et d'ordonner l'apport des pièces et le renvoi au comité dé Constitution.
Plusieurs membres réclament la clôture de la discussion.
La clôture est prononcée.
La motion de M. Boutteviile-Dumetz est mise aux voix et adoptée, et l'Assemblée décrète l'apport des pièces et le renvoi de l'affaire au comité de Constitution.
demande à l'Assemblée de vouloir bien faire connaître son intention sur le désir que plusieurs de ses membres ont témoigné Ge matin de réserver encore quelques jours (eê billets de tribune pour MM. les députés des gardes nationales à la itération..
L'Assemblée nationale décide qu'ils leur seront réservés jusques et compris ceux de la séance du 26 de ce mois.
L'ordre du jour est un rap*» port au comité des domaines sur le droit de protection levé sur les juiff de Me h.
, rapporteur (1). Messieurs les juifs de Metz sont assujettis, envers M. de Bran-cas, au payement d'une redevance annuelle de 20,000 livres, sous le nom de droit d'habitation, protection et tolérance. Cette redevance leur paraît devoir être rangée dans la classe de ces servitudes personnelles, dont ta proscription est prononcée par vos décrets ; et ils ont espéré qu'aussitôt qu'elle vous serait dénoncée, votre humanité et votre justice vous porteraient à l'abolir.
Avant de soumettre à votre examen les questions que fait naître cette affaire, sur laquelle vous avez demandé l'avis de votre comité des domaines, il faut, Messieurs, vous rendre compte des faits qui ont motivé la création et la jbuis-sance du droit dont il s'agit.
Les juifs établis à Metz depuis plus de deux siècles, n'y furent soumis qu'aux mêmes impôts que les autres citoyens, jusqu'à l'avènement de Louis XV au trône.' Des lettres patentes du 31 décembre 171Ï5 vinrent changer leur sort à cet égard.
Le duc dè Brancas et la comtesse de Fontaine exposèrent au monarque ou plutôt au prince, qui exerçait alors la régence, qu'il était dû au souverain un droit d'habitation, protection et tolérance, par chaque famille juive établie à Metz, et dans le pays Messin et par celles auxquelles il voudrait bien permettre de se fixer dans la même province, et ils demandèrent que ce droit leur fût accordé pendant le temps qu'il plairait âu roi.
Sur cet exposé, le roi établit et fixe le droit à 40 livres par an, payables par chaque famille juive actuellement domiciliée, ou qui s'établira par la suite à Metz ou dans le pays Messin, et il en accorde la jouissance pour trente années, à compter du 1*' janvier 1716, à M. de Brancas pour les trois quarts et à la dame de Fontaine pour l'autre quart, ainsi qu'à leurs héritiers, successeurs et ayants cause.
Telle est, Messieurs, la valeur des lettres patentes du 31 décembre 1715, c'est-à-dire du titre constitutif de la redevance qui se lève annuellement sur les juifs de Metz.
Les lettres patentes de 1715 ayant été présentées au parlement de Metz, le procureur général de cette cour crut devoir en requérir la communication aux svndics de la communauté des juifs, et ceux-ci s-empressèrent de former opposition à l'enregistrement: mais cette opposition fut évoquée au conseil, par un arrêt du 19 mars 171o, qui ordonne, par provision, que les lettres patentes seront enregistrées purement et simplement. et qu'elles seront exécutées. Cet arrêt auquel le parlement dé Metz fut obligé de céder, apprit aux juifs que toute résistance de leur part serait désormais inutile.
Peu de temps après, Messieurs, la prestation dont ils venaient d'être chargés, subit une
modification remarquable. De nouvelles lettres pa-. tentes du 9 juillet 1718, registrées au
parlement de Metz, le 3 septembre suivant, permettent aux juifs établis à Metz, d'y continuer
leur demeure au nombre de 480 familles (c'était le nombre de celles qui y existaient alors);
elles étendent la même permission à leurs descendants, mais elles y attachent des conditions
rigoureuses, dont la plus considérable est celle que les juifs demeu-
Les trente années ae la première concession devant expirer en 1745, elle fut renouvelée en 1742, pour trente autres années, au profit seulement de M. de Brancas fils, alors duc de Lauraguais, tant en considération de ses services personnels et de ceux rendus par sa maison, qu'en faveur du mariaae qu'il était sur le point de contracter avec la demoiselle de Mailly : ce sont les termes du brevet du 15 décembre 1742, sur lequel ont été expédiées, le 4 avril 1743, des lettrés patentes qui ont été enregistrées au parlement de Metz et qui règlent, avec beaucoup de détails, les droits de l'épouse et des enfants de M. de Brancas sur la rente de 20,000 livres.
Quoique la durée de la deuxième concession dut s'étendre jusqu'au 31 décembre 1775, dès le premier mai 1750, M. de Brancas a obtenu un nouveau brevet qui proroge, pour lui et pour les siens, jusqu'en 1805, et avec les mêmes clauses, la jouissance du droit de protection. Les lettres patentes expédiées sur ce dernier brevet, qui forme le titre actuel de M. de Brancas, ont été enregistrées au parlement de Metz, le 2 septembre 1751. Le motif de cette dernière grâce est le désir du roi de donner à M. de Brancas une nouvelle marque de sa bienveillance.
Avilis et découragés sous l'empire du despotisme, les juifs de Metz ont senti renaître leurs espérances sous un nouvel ordre de choses. Ils ont demandé avec confiance, et la participation des droits civils dont ils sont exclus, et l'affranchissement d'une prestation qu'ils regardent comme humiliante.
C'èst à votre comité de Constitution qu'il est réservé, Messieurs, de préparer votre décision sur la première de ces-deux demandes. Votre comité des domaines n'a dû s'occuper que de ce qui concerne la redevance dont les juifs dé Metz demandent provisoirement la suppression. Il a cru devoir y donner une attention d'autant plus grande, que la question tient à l'existence politique d'une classe d'bomthés aussi nombreuse qu'industrieusè; que la même charge pèse sur les juifs én différents endroits et que la réclamation de ceux de Metz peut et doit naturellement donner lieu à une décision générale-
Deux points paraissent devoir être traités dans cette affaire *. 1° le droit de protection peut-il subsister désormais, soit au profit du concessionnaire, soit au profit du domaine, c'est-à-dire de la nation ? 2° supposé qu'il doive être aboli, la suppression doit-elle s'opérer sans aucune indemnité pour ie concessionnaire?
Pour prononcer en connaissance de cause sur le sort du droit de protection, dû par les juife de Metz, il faut, avant tout, se former une juste idée de la nature de la redevance.
M. de Brancas dit qu'elle prend sa source dans lé droit qu'a le souverain de fermer aux étrangers l'entrée du royaume. Elle est, suivant lui» le prix du consentement donné par le roi à l'établissement des juifs dans là ville de Metz ; elle est représentative du droit d'Aubaine, que le fisc aurait pu exercer sur lès successions.
Ce n'est pas? Messieurs, sous le même aspect que les juifs de Metz envisagent les choses. Suivant eux, le gouvernement les a considérés commè
un peuple condamné, par nos lois, à la servitude; et la taxe levée annuellement sur eux, parait destinée à les marquer à perpétuité du sceau de cette honteuse condition.
Cette dernière idée se rapproche davantage de celle d'un écrivain qui a fait un traité du domaine : « Outre le droit, dit-il, qui appartient au « roi sur les étrangers et leurs successions, il en « a un particulier sur celles des juifs qui sont « demeurés plus que les autres dans cet état de « servitude où tous les roturiers avaient été ré-« duits sous la première race. Les juifs, ajoute-« t-il, qui ne peuvent paraître dans le royaume, « ont toujours été obligés d'y acheter la tolé-« rance. La confiscation de leurs biens étant la « peine sous laquelle les ordonnances leur en « défendent l'entrée, ils en ont volontairement v sacrifié une petite partie, pour conserver l'au-« tre. Cette prestation, qui s'est quelquefois con-« vertie en redevance annuelle, est appelée « droit de protection et d'habitation, connu à « Metz^t en quelques autres lieux; mais ce droit « n'éteint point celui de l'aubaine, qui doit être « exercé sur leurs successions, après leur « mort. »
Considérons maintenant, Messieurs, la difficulté sous les points de vue que présentent ces diverses définitions.
Et d'abord celle que donne M. de Brancas ne peut pas être exacte. Il est impossible, en effet, d'admettre qu'il s'agisse ici d'un droit d'aubaine, soit que l'on fasse attention à la nature de la redevance, soit que l'on observe les circonstances dans lesquelles elle a été créée.
Ceci, Messieurs, est essentiel à établir, par deux raisons : 1° vous n'avez encore rien décidé sur le droit d'aubaine, dont il est vrai cependant que le droit est facile à prévoir, d'après les maximes nobles et généreuses dont vous faites profession; 2? quand, le droit d'aubaine serait aboli, il serait toujours de notre devoir d'examiner si M. de Brancas ne se trompe pas, en affirmant que la prestation dont il jouit en est une émanation : car la justice d'abord l'exige ainsi, et l'intérêt particulier de M. de Brancas est lié à celui de la nation qui serait propriétaire du droit.
Qu'est-ce, Messieurs, que le droit d'aubaine ? C'est le droit de recueillir la succession des étrangers qui meurent dans le royaume. Ainsi c'est un droit casuel et momentané, qui s'ouvre par la mort d'un individu, et dont l'exercice se consomme par la prise de possession de ses biens. Ce droit ne subsiste pas perpétuellement contre la postérité de l'étranger, parce que la qualité i d'étranger est un vice personnel à 1'indiviau qui est venu s'établir dans le royaume, et que ce vice s'est effacé dans la personne de ses descendants, dont la naissance, dans la patrie adoptive de leur père, a fait des régnicoles. De là il résulte que ia taxe imposée a toujours sur les familles juives de Metz différé essentiellement du droit d'aubaine, par ce caractère de perpétuité qui y soumet des individus, que, depuis longtemps on ne peut plus considérer comme des aubains. Que l'on parcoure les fastes de notre jurisprudence fiscale, et l'on verra que si l'on a autrefois levé sur les étrangers un tribut annuel sous le nom de droit de chevage; que si, depuis l'extinction de ce droit, on a, dans diverses cir-constan ces, exigé d'eux des taxes pour les besoins de l'Etat, ces impositions, bornées à la personne de l'étranger, ne se sont jamais étendues jusque iur «a degeendance»
Ce n'est pas seulement parce qu'il doit grever à toujours les familles juives de Metz, que le droit de protection n'est point un droit d'aubaine, c'est encore parce qu'à l'époque où il fut créé, les juifs de Metz n'étaient pas des. étrangers.
Ils prétendent qu'ils étaient établis à Metz, avant que cette ville passât, en 1552, sous la domination française. Je ne sais si ce fait est bien exact; je vois en effet qu'en 1718, les marchands de Metz dataient de 1567 l'arrivée des quatre premières familles juives dans cette ville, et que cet événement est particularisé par la citation de 1 ordonnance du maréchal de La Vieuville, qui lëur permit de s'y fixer. Quoiqu'il en soit, Messieurs, il est toujours certain, qu'établis dans le royaume au plus tard-en 1567, les juifs de Metz n'y étaient plus étrangers en 1715, et qu'on ncv put les condamner alors à expier, par une taxe annuelle, un vice imaginaire de pérégrinité.
Et si l'on prétendait, Messieurs, que, par une police particulière aux juifs, ils sont perpétuellement considérés comme étrangers parmi nous, je demanderais alors où sont les monuments de cette police absurde? quelles sont les lois qui l'ont établie? quels sont les actes qui constatent qu'elle soit restée en vigueur, même au milieu du progrès des lumières? Mais je ne suis pàs même réduit à cette preuve négative. Les doma-nistes les plus fiscaux, les plus remplis de préjugés, reconnaissent que le droit d'aubaine ne s'exerce pas contre les juifs nés dans le royaume ; qu'un usage certain assure entreeux l'ordre des successions; et que cet usage est même autorisé par une loi expresse, par une ordonnance de Philippe le Long, d'avril 1317, qui prononce, en faveur des juifs, non pas seulement la capacité de succéder, mais même Ja validité des dispositions qu'ils pourront faire de leurs biens.
On a objecté, Messieurs, de la part de M. de Brancas, que les juifs de Metz ont reconnu eux-mêmes dans tous les temps leur qualité d'étrangers, en obtenant, de règne en règne, des lettres de confirmation; mais la réponse est simple et péremptoire. Les juifs forment à Metz une corporation particulière, et ce n'est pas comme étrangers, c'est comme corporation qu'à chaque changement de règne, ils ont sollicité des lettres patentes confirmatives de leurs droits; ils ont suivi en cela et ils ont dû suivre l'exemple de tous les régnicoles réunis en corps ou communautés. Ainsi, ce fait loin de s'élever contre eux, repousse, au contraire, de plus en plus la supposition d'un vice perpétuel de pérégrinité : câr assurément il n'est point d'exemplé qu'une sage police ait jamais permis aux étrangers de se réunir en corporation au sein de cette même société qui les méconnaît.
Au surplus, Messieurs, M. de Brancas n'a pas fait attention sans doute que son propre système fournissait des armes contre lui. Il est de principe, en effet, que le droit d'aubaine est un droit de souveraineté, et qu'à ce titre, il est incessible et incommunicable à aucun citoyen. Cette maxime est depuis longtemps de notre droit public, et les parlements avaient soin d'en maintenir l'exécution en exceptant l'aubaine des droits dont l'apanagé pouvait jouir.
Je ne sais. Messieurs, si vous trouverez bien exacte l'idée que les juifs donnent de la redevance à laquelle ils sont assujettis, et qu'ils font considérer comme une servitude personnelle. Trop longtemps, il est vrai, les juifs ont été regardés en Europe comme une Caste avilie et vouée à la haine et aux outrages des chrétiens! trop long-
temps on s'est permis de les traiter comme des esclaves, de les taxer même, comme un vil bétail, à des droits de péage; et de là sans doute la facilité qu'ont eue des personnes puissantes de faire imposer à ceux de Metz une charge particulière. Mais enfin cette charge n'est par elle:même ni une servitude, ni le rachat d'une servitude ; la dénomination sous laquelle elle a été établie, suffirait seule pour écarter cette idée. Un droit de protection, d'habitation et de tolérance ne peut être que le prix de la permission d'habiter dans le royaume, et de la protection promise par le souverain. Il existait, dans le régime féodal, des droits de cette nature, et vous ne les avez pas confondus, Messieurs, avec ceux de servitude personnelle.
Mais le droit échappera-t-il plutôt à la proscription, considéré sous ce dernier aspect? Devez-vous souffrir, Messieurs, qu'une classe d'hommes à gui l'on ne peut contester le titre de régnicoies, soit cependant réduite à payer le prix de la permission d'habiter dans le royaume, et à acheter la protection du souverain?
Il est évident d'abord que si une taxe semblable pouvait être légitime, ce serait encore un droit de souveraineté, dont un sujet ne pourrait exercer la joufssance. Mais elle n'est pas légitime; la chose a paru indubitàble à votre comité, soit dans la thèse générale, soit dans les circonstances particulières.
Dans la thèse générale, quiconque s'est habitué dans un pays, de l'aveu du souverain, quiconque surtout est né de parents domiciliés dans ce pays, est de droit membre du corps social. À. ce titre, il ne peut être privé de la faculté d'y continuer sa résidence, tant qu'il ne s'en est pas rendu indigne par quelques délits, et par conséquent, il doit y être protégé par le gouvernement. Ce droit de tous les citoyens est incontestable, non seulement parce qu'il est de l'intérêt de tous que le repos public ne soit pas troublé sans cesse par des querelles particulières, mais encore parce que la protection de la force publique est une dette du gouvernement, qui en reçoit le prix parla perception des impôts. La condition des juifs de Metz ne peut pas être différente à cet égard de celle des autres habitants de ce royaume. Les assujettir spécialement à un droit de protection, tandis qu'ils contribuent à tous les subsides qui se lèvent sur tous les citoyens, c'est donc leur faire* payer deux fois la même chose ; c'est prostituer l'emploi de la force publique à l'oppression de ceux qu'elle doit protéger. Si vous avez cru de votre justice, Messieurs, d'anéantir tous ces droits que percevaient les anciens seigneurs, pour prix d'une protection qu'il leur était impossible de garantir, ne devez-vous pas, par la même raison, supprimer un droit perçu au nom du souverain pour une protection qu'il lui est impossible de refuser ?
Je ne parle point, Messieurs, de la tolérance religieuse de laquelle ont joui de tous les temps les juifs de Metz. Jamais dans une nation chrétienne, la diversité des cultes n'a pu devenir l'objet d'un trafic honteux. Un zèle malentendu a souvent égaré nos aïeux, il ne les a jamais avilis. Qu'importerait en tout cas qu'un gouvernement sordide se fût déshonoré par un tel marché? N'avez-vous pas reconnu, Messieurs, le droit imprescriptible de l'homme, de ne pouvoir être inquiété pour ses opinions religieuses, et par conséquent de ne pouvoir être réduit à acheter la faculté de professer la foi de ses pères ?
lês circonstances particulières udûnedt une
nouvelle force à la réclamation des juifs de Metz. Quand est-ce, en effet, Messieurs, que le droit a été créé ? Ge n'est pas au moment où ceux-ci s'introduisaient pour la première fois dans le royaume, et où le gouvernement pouvait se croire dans le cas de leur vendre la tolérance. Je l'ai déjà dit, Messieurs, ils étaient établis à Metz depuis longtemps; leur résidence dans cette ville y date à peu près de la même époque que la domination française; les prédécesseurs de Louis XV les avaient reconnus dans tous les temps comme de bons et fidèles sujets ; et les lettres patentes qui, depuis Henri IV, ont confirmé leurs droits de chaque renouvellement de règne, attestent à la fois leur ancienne qualité de français, leur loyauté et même leurs services. Or, si dès longtemps avant Je règne de Louis XV, ils étaient en possession de cette protection, de cette tolérance, que la patrie doit à tous ses enfants, que restait-il à leur vendre en 1715?
Ge n'est pas seulement à Metz, Messieurs, que les juifs ont été assujettis à un droit de protection contre lequel réclament tous les principes. Nous sommes instruits que ce même droit existe dans plusieurs cantons de la Lorraine et de l'Alsace, où il se lève, tantôt au profit du domaine, tantôt au profit de différents seigneurs particuliers. Quelles que soient les circonstances qui ont donné lieu à l'établissement de cette taxe ailleurs qu'à Metz, c'est sous le même prétexte qu'elle s'y est introduite. Partout on a vendu aux juifs une prôteetion due indistinctement à tous les habitants de cet Empire qui en supportent les impôts : et ce contrat honteux, où la force a dicté des lois à la faiblesse, doit disparaître à jamais d'une terre libre qui ne connaît plus que les droits de la raison, de la justice et de l'humanité. Déjà, par un édit du mois de janvier 1784,1e meilleur des rois avait prononcé la suppression des droits de péage corporels, qui se levait sur les juifs, à l'entrée de différentes villes : il avait été révolté de voir des hommes assimilés à des animaux. Achevez, Messieurs, l'œuvre de sa bienfaisance et de sa justice ; et que les juifs régni-coles ne soient plus désormais grevées d'aucune taxe qui ne leur soit commune avec tous les Français.
Il resté une question à examiner. La suppression du droit doit-elle s'effectuer sans aucune indemnité pour les concessionnaires? Il nous a paru impossible, Messieurs, de résoudre ce point d'une manière générale. Il peut exister, et il existe vraisemblablement, à cet égard, une grande variété dans les titres des particuliers. Ge qui a été accordé aux uns sans cause valable, et comme pure libéralité, d'autres peuvent en avoir payé le prix, et par conséquent le posséder à un titre plus légitime : et quoique les surprises en ce genre n'aient été que trop fréquentes, il ne faut point oublier que 1 abus ne se présume pas. La prudence veut donc, que, pour ne rien préjuger sans connaissance de cause, on adopte le parti qui avait été pris par l'édit de suppression des péages corporels : c'est-à-dire que l'on réserve de statuer ultérieurement sur les indemnités qu'il y aura lieu d'accorder. Ceux qui auront des prétentions à former à cet égard, seront tenus de représenter leurs titres aux administrations de département, d'après l'avis desquelles le Corps législatif décidera.
Mais vous êtes en état, Messieurs, de prononcer, dès à présent, sur ce qui concerne le droit levé-à Metz, au profit de M» de Brancas i ses titres particuliers sont connus j ët leUr examert n'a
pas présenté au comité l'apparence d'un doute.
Le principe de décision est simple et incontestable. L'Etat ne peut être chargé d'une indemnité envers le concessionnaire, qu'autant que la concession n'a pas été purement gratuite, c'est-à-dire qu'autant qu'il n'en a pas reçu un prix quelconque, où qu'elle n'a pas servi à acquitter une dette légitime. Or, il résulte des titres de M. de. Brancas, que la triple concession faite à son père et à lui, est une véritable libéralité, une pure grâce pécuniaire.
Par la suppression de la redevance dont il a été gratifié, il ne peut donc devenir créancier de l'Etat, et il n'aura aucune action ouverte pour répéter une indemnité.
Un dernier point de vue doit être présenté, non plus à votre sévérité ou à votre justice, mais à votre bienfaisance.
M. de Brancas n'a aucune pension ; sa rente de 20,000 livres sur les juifs de Metz lui en. tenait lieu- Cela est si vrai, que, recherché, en 1783, par l'administration des domaines, comme engagiste d'un bien domanial, une décision du conseil déclara qu'il n'était point dans le cas du règlement du 14 janvier 1781, la concession dont il jouissait ne pouvant être considérée que comme une pension.
M. de Brancas résigné d'avance à tout ce qu'il vous plaira prononcer à son égard, demande, en tout cas, Messieurs, si son sort doit être différent de celui des autres pensionnaires, et si, lorsque les grâces accordées à ceux-ci pourront n'éprou-Ver que des réductions, il doit perdre en entier le bienfait du gouvernement, parce que ce bienfait était accompagné d'une faveur particulière, c'est-à-dire d'un assignat sur les juifs de Metz.
M. de Brancas exposé qu'issu d'Une famille qui a rendu de grands services à l'Etat, il s'est appliqué à marcher sur les traces de ses ancêtres; qu'il est depuis trente-deux ans lieutenant général fies armées ; qu'il a fait onze campagnes ; qu'il a servi à trois sièges, et qu'il s'est trouvé à deux batailles. Il ajoute qu'il est âgé de soixante-dix-sept ans et accablé d'infirmités ; que sa fortune est médiocre; que tous ses biens sont substitués, et que ses revenus considérablement diminués par la'suppression des droits féodaux, sont presque épuisés par différentes délégations à ses cré anciers.
Nous avons cru, Messieurs, qu'il était de votre dignité de ne point rejeter ces considérations : puisque M. de Brancas n'était pas dénué de titres pour solliciter des grâces, et puisque le gouvernement a témoigne, d'une manière expresse, la volonté de le considérer comme pensionnaire, il nous a paru naturel qu'il fût rangé dans la classe des pensionnaires, et qu'il fût soumis aux règles auxquelles elle sera désormais assujettie. Car pourquoi serait-il traité plus sévèrement que tant d'autres dont on trouve le riom sur la liste des pensions, et dont on se demande en vain les services ? Par ce tempérament raisonnable, vous aurez rempli ce que vous devez à la pureté des principes et à cette impartialité exacte qui caractérisent vos décrets.
Le comité me charge de vous proposer le projet de décret dont la teneur suit :
« L'Assemblée nationale, considérant que la protection de la force publique est due à tous les habitants du royaume indistinctement, sans autre condition que celle d'en acquitter les contributions communes;
« Après avoir quï le rapport de son comité des domaloes, a décrété et décrète qu'à compter du
jour de la publication du présent décret, la redevance annuelle de 20,000 livres levée sur les juifs de Metz et du pays Messin, sous la dénomination de droit d'habitation, protection ou tolérance, est et demeure supprimée et abolie, sans aucune indemnité pour le concessionnaire et possesseur actuel de ladite redevance.
« Décrète en outre que les redevances de même nature qui se lèvent partout ailleurs sur les juifs, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies et supprimées, soit que les-dites redevances se perçoivent au profit du Trésor public, ou qu'elles soient possédées par des villes, par des communautés, ou par des particuliers, sauf à statuer, ainsi qu'il appartiendra, sur les indemnités qui pourraient être dues aux possesseurs et concessionnaires, d'après l'avis des départements dans le territoire desquels les redevances se perçoivent ; à l'effet de quoi les titres leur en seront représentés dans l'année par les possesseurs et concessionnaires.
« Décrète enfin que la concession portée par le brevet du 1er mai 1750, en faveur de M. de Brancas, sera considérée comme une pension de 20,000 livres, et soumise aux Tègles qui seront ci-après décrétées par l'Assemblée nationale, relativement aux pensions. »
Si le comité des domaines s'était borné à la faveur singulière qui avait été accordée à la famille de Brancas, je ne prendrais pas la parole ; mais le projet de décret qu'on vient de lire présente une question constitutionnelle qui ne devrait pas être mise à la discussion à dix heures du soir, et qui, sans doute, est bien digne d'une Assemblée complète et d'une 6éance du matin.
Les juifs n'ont jamais élevé de réclamation contre le droit qui les frappe, parce qu'ils le regardaient comme une conséquence de ce qu'ils habitaient Metz non comme citoyens, mais comme négociants et comme étrangers,
Une voix : Ce n'est pas vrai l
Celui qui m'interrompt se trompe et la preuve c'estque les juifs vivent à Metz comme des juifs, c'est-à-dire qu'ils y ont un autre culte, d'autres usages, une langue différente, des mœurs conformes à leurs lois, qu'ils n'ont aucune analogie avec la manière d'être des habitants de Metz auprès de qui ils vivent.
Jamais l'ancien gouvernement n'aurait souffert deux cultes, s'il n'eût pas regardé les juifs comme des étrangers; car les juifs sont juifs en France, comme les Français sont français partout.
Les juifs payent dans tous les lieux qu'ils habitent.
Les juifs d'Alsace particulièrement ne payent point d'impôt, parce qu'ils sont redevables d'un droit pour ia protection qu'on leur accorde et ils ne payent pas d'impôts, parce qu'ils sont étrangers.
Sans en trer dans de longs développements, je considère que vous ne pouvez affranchir les juifs de la redevance qu'ils payent sans les regarder comme des citoyens français, d'où je conclus au renvoi de l'affaire au comité de Constitution.
Je ne crois pas qu'une société puisse défendre à des hommes quelconques d'habiter son sol lorsqu'ils ne troublent pas l'ordre social. J'en conclus que le titre de possession du droit de M. de Brancas .est illégitime et j'adopte la première partie du décret du comité. Quant à
la seconde, qui promet une indemnité à la famille de Brancas, je la repousse, parce qu'on ne peut accorder d'indemnité à un possesseur que lbrs-que le titre du premier propriétaire est juste, ce qui n'est point dans l'hypothèse proposée.
{de Nemours). J'observe que la protection se doit et ne se vend pas.
Il faut séparer la condition de la famille de Brancas de celte du gouvernement. La première ne peut être frustrée du prix de services rendus, par la suppression pure et simple du droit qui lui avait été concédé en récompense de ses services.
Je ne trouve dans la somme que payent les juifs ni un droit de protection, ni un droit de domaine, ni une servitude personnelle: je n'y vois qu'un cadeau fait par le Souverain à des favoris, a des courtisans corrompus (Des murmures se font entendre). J'ajoute que je parle des siècles passés et non au temps présent. Je propose donc d'abolir dans tout le rovaume le titre de protecteur des juifs.
Je ferai remarquer au comité qu'une indemnité n'est due que lorsqu'il y a acquisition à titre onéreux.
Dans tops les cas, cette affaire doit être réduite aux seuls juifs de Metz, sans qu'il soit, question des autres qui ne sont pas à Tordre du Jour.
, Lorsqu'il s'agit de la liberté des hommes* elle est toujours à Tordre du jour.
propose un amendement sur les mots possesseurs à titre onéreux, qui est adopté.
En Supprimant les droits féodaux, on a supprimé aussi toute espèce de recherche commencée, ou à commencer à leur égard. Je demande qu'il en soit de même pour le droit de protection des juifs.
(Cet amendement est adopté.)
Le projet de décret, avec les modifications qui y ont été apportées e6t ensuite mis aux voix et adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, considérant que la protection de la force publique est due a tous les habitants du royaume indistinctement, sans autre condition que celle d'en acquitter les contributions communes:
« Après avoir ouï le rapport de son comité des domaines,
« A décrété et décrète que la redevance annuelle de 20,000 livres levée BUr les juifs de Metz et du pays Messin, sous la dénomination de droit d'habitation, protection et toléfûnoè^ est et demeure supprimée et abolie, sans aucune indemnité pour le concessionnaire et possesseur actuel de ladite redevance ;
Décrète, en outre, que les redevances de même nature, qui se lèvent partout ailleurs sur les juifs, sous quelque dénomination que ce Soit, sont pareillement abolies et supprimées sans indemnité de la part des débiteurs, soit que lesdites redevances se perçoivent au profit du Trésor public, ou qu'elles soient possédées par des villes, par des communautés ou par des particuliers; sauf à statuer, ainsi qu'il appartiendra, sur les indemnités qui pourraient être dues par la nation
aux concessionnaires du gouvernement à titre onéreux, d'après l'avis des directoires des départements dans le territoire desquels lesdites redevances se perçoivent ; à l'effet de quoi les titres concédés seront représentés 'dans l'année par les possesseurs et conpessionnaires ;
« Décrète enfin qu'il ne pourra être exigé aucun arrérage desdites redevances, et que les poursuites qui seront exercées pour raison d'iceux, sont et demeurent éteintes. »
(La séance est levée à dix heures trois quarts.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du ipatin,
(i; Nemours), secrétaire} donne lec? ture du procés-verbal de la séance d'hier au soir.
Je demande présenter une observation sur le décret rendu hier concernant les juifs. L'intention de l'Assemblée est-elle de les décharger de tous impôts? car je la préviens que les juifs d'Alsace n'en payent pas d'autres que ceux qu'elle supprima hier à dix heures trois quarts. Je crois que les membres qui proposent de pareils décrets devraient au moins s'instruire au préalable de ce qui s1 appelle les localités. Dans nos campagnes, ou les juifs sont répandus comme les sauterelles qui mangent les moissons, On lie paye point dë capitation.Comment fera-t-on afin de les Imposer, surtout pour les £nnéeà précédentes, puisque vous déclarez les arrérages non exigibles ?
(de Saint-Jean-d' Angely). Certainement il est juste que les juifs soient imposés, aussi le seront-ils comme les autres citoyens des campagnes s'ils y ont des possessions foncières, sinon ils seront traités comme les non-propriétaires. Quant aux arrérages échus, cé droit était si odieux que je regarde comme souverainement juste d'eu détruire tputes les traces.
(de Nemours). On peut mettre dans l'article : A la charge d'acquitter les impositions comme les autres citoyens,
Un moment : ne préjugez pas une question qui mérite une discussion sérieuse.
(de Saint - Jean - tfAngeïy). Ne perdons pas lé temps à une discussion qui est étrangère a l'ordre du jour. Les juifs doivent, comme tous les individus, acquitter les impôts, et payer en outre leur part pour prix de la protection que leur accorde la loi. Je demande le renvoi au comité des finances.
Il faut examiner quel ser ait leur sort, s'ils n'étaient pas juifs ; ils ne possèdent pas
d'immeubles ; ils ne payent pas d'impositions; cela est Jout simple. N'est-ce pas un honneur
que montrer de l'indignation contre un droit perçu sur des hommes comme
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la motion au comité des finances.)
(Le procès-verbal est ensuite adopté.)
lit la note suivante des e xpéditions en parchemin, des proclamations ou lettres patentes du roi sur les décrets de l'Assemblée nationale, envoyées pour être remises aux archives.
Expéditions en parchemin pour être déposées dans les archives de VAssemblée nationale.
« 1° D'une proclamation sur le décret du 25 juin, qui autorise le travail des commissaires nommés par les 60 sections, relativement à l'aliénation des domaines nationaux;
« 2° De lettres patentes sur lé décret du 28, portant que les impositions de 1789 seront payées sur la récolte de 1789,et celle de 1790 sur la récolte de 1790, sans rien préjudicier aux usages locaux, ou aux clauses des baux relativement aux fermiers entrants et sortants, et concernant le payement des impositions assises sur les biens domaniaux ou ecclésiastiques ;
« 3° D'une proclamation sur le décret du 29, concernant les oppositions faites à l'échange des billets de la caisse d'escompte contre des assignats;
« 4° D'une proclamation sur le décret du 2 de ce mois, concernant le logement payé par la ville d'Aoul, au sieur de l'Epinau, commissaire des guerres;
« 5° D'une proclamation sur le décret du 8, qui autorise M. Cognet, commissaire du roi au département de la Charente-Inférieure, à ne faire procéder à l'élection des officiers municipaux de Saint-Jean-d'Angely, qu'au moment où le district de la même ville aura été terminé, et improuve la conduite des volontaires ou canônniers envers les commissaires de Sa Majesté. »
Paris, le
lit également une note des décrets présentés à la sanction du roi, en ces termes :
Du
« Décret qui fixe, d'une manière précise, les pouvoirs du comité de liquidation, et détermine les fonctions qui lui sont attribuées. »
Dudit jour.
« Décret qui charge les directoires de district de fixer la somme à attribuer aux députés à la fédération, dans les districts où elle n a pas été réglée. »
Dudit jour.
Décret portant que, passé le premier août prochain, l'Assemblée ne recevra aucune députation des municipalités, des cantons ou des districts. »
Dudit jour.
« Décret qui autorise l'administration du dé-
partement de la Dordogne, à prononcer 4 divisions sur l'union des trois municipalités de la ville de Riberac,les bourgs de Saint-Martin et de Saint-Martial. »
Dudit jour.
Décret par lequel Sa Majesté est suppliée do donner des ordres pour qu'il soit envoyé à Orange le nombre de troupes de ligne nécessaire pour le maintien de la tranquillité publique. »
Du 18 juillet.
« Décret qui proroge le terme de rigueur fixé pour les échanges des billets de caisse d'escompte en assignats au 15 août, se réservant l'Assemblée de déterminer le terme de cette prorogation. »
Dudit jour.
Dééret portant que le receveur général du clergé continuera de payer à Paris, jusques et compris le 30 septembre prochain, les arrérages de 1789, des pensions et rentes assignées sur ie clergé. »
Dudit jour.
« Décret qui ordonne que les bannières des 83 départements seront placées et transportées dans le lieu ou le conseil d'administration de chaque département tiendra ses séances, etc. »
Du 19 juillet.
« Décret portant que les contributions publiques continueront d'être levées et perçues de la manière accoutumée, notamment que les droits perçus sur les ventes de poissons dans les villes de Rouen, Meaux, etc., auront lieu comme par le passé. »
Dudit jour.
« Décret qui abolit le retrait lignager, le retrait demi-denier, et les droits de trézain. »
Dudit jour.
« Décret qui règle l'uniforme que porteront les gardes nationales du royaume. »
, député du département de la Mayenne, demande et obtient un congé d'un mois.
L'ordre du jour est la suite des rapports du comité des finances sur toutes les parties des dépenses publiques.
, rapporteur. Vous avez décrété sagement la suppression des jurés-priseurs. Il s'agit maintenant de les remplacer et c'est l'objet du décret que le comité des finances m'a chargé de vous proposer;
M. Lebrun donne lecture d'un projet de décret en six articles.
demande, par amendement, iVexcepter aie tous droits les ventes volontaires.
(de Saint-Jean d'Angely). 11 n'y a point de liberté sans impôts. Si l'on supprime les droits sur les ventes volontaires, voilà encore une des branches du revenu public réduite presqu'à rien, car toutes les ventes seront volontaires au dire des intéressés; et puis comment rembourser les offices de jurés-priseurs, à la liquidation desquels vous avez affecté, sur le produit des droits, une somme annuelle de 8 à 900,000 livres? Je demande que l'article l*r reste tel qu'il a été proposé.
(L'Assemblée rejette l'amendement.)
Un autre membre propose d'attribuer exclusivement aux huissiers le droit de faire les ventes.
Pourquoi accorder aux huissiers un pareil privilège? Il faut laisser au peuple le droit de choisir.
(de Saint-Jean d'Angely). Les notaires et les greffiers inspirent une plus grande confiance. Je ne vois aucun motif de les exclure.
(On demande la question préalable sur tous les amendements.)
La question préalable est prononcée et le décret est rendu en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité des finances, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. « Les notaires, greffiers, huissiers et sergents sont
autorisés à faire les ventes de meubles dans tous les lieux où elles étaient ci-devant faites
par les jurés-priseurs. »
Art. 2. « Les procès-verbaux de vente et de prisée faites par les officiers ci-dessus désignés ne seront soumis qu'aux mêmes droits de contrôle que ceux des jurés-priseurs. *
Art. 3. Il ne pourra être perçu par lesdits officiers que 2 sols 6 derniers du rôle de grosse des procès-verbaux, 2 sols 6 deniers pour enregistrement d'une opposition, et 1 livre 10 sols par vacation de prisée, conformément à l'article 6 de l'édit" de février 1771; et ce, sans préjudice des conventions particulières qui pourront modifier ou abonner ces droits. »
Art. 4. « Les 4 deniers pour livre du prix des ventes seront versés par les officiers qui-les auront faites, dans les mains des contrôleurs des actes, lesquels en compteront à la régie des domaines. »
Art. 5. « Les quittances de finances des offices de jurés-priseurs supprimées, seront remises au plus tard dans deux mois, à dater du jour de la publication du présent décret, au comité de liquidation. »
Art. 6. « Le comité se fera représenter le registre des parties casuelles à la décision qui pourra avoir modéré le prix desdits offices, et en fera son rapport à l'Assemblée pour y être statué. »
, député d'Alsace, demande par l'organe de M. le Président, un congé de deux mois qui lui est accordé.
fait ensuite le rapport suivant sur l'organisation du Trésor royal (1).
C'est par elle que l'ordre, que l'économie, qu'une comptabilité sévère s'établira dans toutes vos dépenses, garantira la régularité de l'administration et la perpétuité de vos lois.
Cette organisation, Messieurs, n'est plus aujourd'hui ce qu'elle était autrefois.
Elle n'est point précisément ce qu'elledevait être d'après les règlements qui ont hxé sa constitution actuelle.
Elle n'est point enfin ce qu'elle sera sous l'influence d'une législature permanente.
Sous l'ancien régime (et ce régime remontait jusqu'à Colbert), deux gardes veillaient sur le Trésor royal.
L'un était attaché aux années pairs, l'autre aux années impairs.
La recette totale des revenus d'une année, le payement entier des dépenses d'une année, composaient ce qu'on appelait, ce qu'on appelle encore un exercice>
Le Trésor royal recevait en masse et reversait en masse ies revenus de l'Etat.
La maison du roi avait ses trésoriers ;
La guerre, ses trésoriers .
La marine, ses trésoriers ;
Toutes les parties de l'administration, leurs trésoriers et leurs caisses.
Sous une administration mobile et incohérente, ces trésoriers et ces caisses tombaient et se relevaient, se doublaient et se dédoublaient au gré de la sagesse ou de l'impéritie des ordounateurs, de l'aisance ou des besoins du Trésor public, souvent au gré de la faveur et de l'intrigue.
La dépense de l'année une fois projetée et approuvée par le roi pour chaque département, les fonds étaient versés, à des époques fixes et par égales portions, dans les çaisses des trésoriers particuliers.
Les retards de payement, les suspensions, les diminutions éventuelles de dépense, la négligence des parties prenantes, toutes les chances enfin étaient perdues pour le Trésor public.
Souvent il était vide, et les caisses secondaires étaient remplies.
Elles l'étaient au moins de la représentation vaine des fonds qui travaillaient pour le trésorier.
Quelquefois, et c'est un reproche que la malignité s'est permise contre quelques ministres, quelquefois les fonds versés dans les caisses excédaient la dépense réelle, et ces excédents étaient la proie de la faveur et se perdaient en gratifications obscures.
Les ministres, les ordonnateurs, maîtres de leurs caisses, les gouvernaient avec un empire absolu et sans contrôle. Ils les érigeaient en caisses de crédit ; et libres de l'inspection et des censures de la finance, ils exagéraient la dépense, anticipaient sur les recettes convenues, et souvent aussi empruntaient, sans le savoir, ies fonds mêmes que le Trésor royal avait versés.
De là les mécomptes éternels des contrôleurs généraux, condamnés à la pénible tâche de chercher des ressources soudaines pour des besoins qu'ils n'avaient pu prévoir ni calculer.
Ce fut là une des sources les plus constantes des erreurs de la finance et l'éternel désespoir des administrateurs.
Quiconque a, depuis trente ans, suivi la marche des affaires, a prévu quel serait le résultat de cette incohérence dans les différentes parties
du gouvernement, de cette lutte perpétuelle et inégale entre tous ses agents.
Je vous $ti dit que le Tré6or royal recevait en masse les revenus, et les reversait en masse.
Il ne les recevait pas tous; quelques-uns étaient affectés à des dépenses particulières et privilégiées.
Ainsi, le produit des aides ét des gabelles, du moins pour la plus forte partie, passait directement, et sans l'intervention du Trésor royal, dans les mains des payeurs des rentes.
Ainsi, d'dutres revenus étaient affectés à d'autres charges et Versés dans d'autres caisses : là, soustraits à l'œil de l'administrateur, ils séjournaient longtemps inutiles, et pour l'Etat et pour ses créanciers.
Cependant, cette affectation avait ses motifs, et des motifs bien légitimes.
Le payeur, dépositaire et garant de tous les fonds destinés à l'acquit des charges affectées sur sa caisse, offrait un point d'appui à la confiance, et livrait un débiteur individuel aux poursuites du créancier public.
Mais à côté de cet avantage étaient les abus que le temps a développés.
Le créancier dormait au profit du trésorier ; c'était pour le trésorier que les familles S'éteignaient, pour lui que s'égaraient lés contrats, que les formalités prolongées, que lés saisies et oppositions reculaient les payements.
Le dépôt grossissait annuellement dans ses mains, et souvent il reprenait sur ce dépôt la financé qui devait en être lé garant et le gage.
En 1772, Ces abus Cessèrent dans les caisses immédiatement soumises à l'administration des finances.
Le payement des charges diverses, dispersé dans les provinces, fut réiini dans les caisses de Paris, et ces caisses furent assujetties à un régime sévère.
Mais les trésoriérs des départements, les trésoriers de la maison du roi, restèrent toujours sous ia surveillance unique des ordonnateurs, qui, renfermés dans leurs cercles, ne calculaient la dépense que d'après des convenances et des vues souvent personnelles, et jamais d'après la somme des revenus.
En 4788, un ministre principal régnait sur tous les départements.
Il exécuta ce que plusieurs ministres des finances avaient conçu, mais ce qu'un ministre prépondérant pouvait seul exécuter.
Toutes les grandes caisses furent réunies à la caisse principale ; cinq départements et cinq administrateurs furent créés.
Chaque administrateur fournil un cautionnement dé 1,200,000 livres et eut, indépendamment de l'intérêt de sa finance, un traitement de 50,000 livres.
Le premier département, celui des caisses, sous la garantie d'un administrateur, reçoit et reverse les revenus, mais ne les reverse qu'en proportion des besoins.
Cette recette, ce reversement sont presque toujours fictifs-.
C'est par des revirements qu'ils s'opèrent, c'est par des assignations sur les recettes, sur les fermes, sur les régies, sur- toutes les branches du revenu.
Mais c'est toujours du Trésor public que partent les quittances expédiées aux comptables, et c'est au Trésor public que viennent enfin se réunir fes quittances des parties prenantes. I Dans cette organisation, le miuistre des finances,
présent à toutes les recettes, présent à toutes les dépenses, en devient en quelque sorte le modérateur.
Du moins, la masse entière des ressources et des besoins lui est connue ; il tfest point réduit à emprunter, à anticiper, quand des fonds appartenant à l'Etat séjournent encore dans des caisses particulières.
Sous l'administrateur, un premier commis doit viser, doit enregistrer toutes les ordonnances de dépenses.
Dans ses bureaux se rédigent, s'expédient toutes les quittances des comptables, et s exécutent toutes lés Opérations nécessaires, soit pour établir la Comptabilité courante, soit pour accélérer la comptabilité arriérée.
A la caisse, ûn commis principal, sous le nom de commis du grand-comptant, préside à toutes les recettes, préside-à tous les payements, consomme toutes les transactions pécuniaires qtie commandent les besoins et les circonstances.
Le portefeuille est dans ses mains, et la responsabilité sur la tête de l'administrateur.
C'est le commis. du grand-comptant qui tient ou dirige les livres à parties doubles, dans les quels sont portés les payements et les recettes ; c'est lui qui fait dresser les comptes de temp3 et d'intérêts.
Un caissier, sous le nom de commis du petit-comptant, reçoit et verse lés fonds effectifs.
D'autres commis tiennent des livres d'entrée et dè sortie.
D'autres dressent des états qui, remis tous les soirs à l'administration des financés, lui présentent la situation journalière de la caisse publique.
Quatre caissiers secondaires reçoivent et payent respectivement les fonds destinés aux dépenses de la guerre, de la marine, de là maison du roi, des intérêts de la dette et des pensioùs.
Ce premier département coûte 201,000 livres, savoir :
L'administrateur. ....... 50.000 liv.
Les premiers commis, caissiers, employés, etc. .............. 151.000 liv.
Le département de la guerre à ses bureaux de service et de correspondance attachés aux différentes divisions de l'organisation militaire :
A l'extraordinaire des guerres -r
A l'ordinaire des guerres ;
A l'artillerie et génie ;
Aux maréchaussées ;
Au bureau du visa et du contrôle des lettres de change;
Un bureau pour la tenue des registres, des journaux, et pour la garde des acquits;
Enfin, un bureau de comptabilité.
C'est dans les provinces surtout, c'est dans toutes les provinces que se fait le service du département de la guerre.
Des trésoriers particuliers, sous le nom de trésoriers provinciaux des guerres, sont distribués dans lès villes principales et reçoivent en fonds effectifs, mais plus souvent en assignations sur les caisses particulières, les sommes nécessaires pour les dépenses qu'ils sont chargés de payer.
Ce département coûte 385,400 livres, savoir :
L'administrateur. ....... 50.000 liv.
Les bureaux. .........115.400
Les trésoriers provinciaux.. . . 220.000
Le département de la marine a ses bureaux à Paris, ses trésoriers dans les ports et dans les colonies.
Sa correspondance, sa comptabilité, moids éfen-
dues, demandent une moindre dépense. Elle est de 178.100 livres, savoir :
L'administrateur........ 50.000 liv.
Les bureaux de Paris. ..... 36.000
Les trésoriers des ports.....59.100
Les trésoriers des colonies. . . . 33.000
Le département affecté au payement des intérêts de la dette et des pensions a des bureaux pour l'enregistrement, la vérification et le visa des quittances ;
Un bureau de reconstitutions ;
Un bureau d'amortissement ;
Des bureaux de comptabilité.
La dépense est de 143.900 livres, savoir ;
L'administrateur........ 50.000 liv.
Les bureaux......... . 93.900
Le cinquième département, celui de la maison du roi, a ses bureaux distribués suivant l'ordre et la nature des services :
Un bureau pour la tenue des journaux, des bureaux pour les gages de la maison du roi ;
Pour la chambre aux deniers ;
Pour les menus plaisirs ;
Pour l'écurie et la vénerie et autrefois pour la maison de la reine.
C'était encore dans ce département qu'on avait placé les dépenses des ponts et chaussées et des dépenses diverses qui n'appartenaient à aucun département déterminé.
Chaque espèce de dépense a dans ce département, comme dans les autres, sa comptabilité.
Il coûte 122.900 livres, savoir :
L'administrateur ........ 50.000 liv.
Les bureaux. . 72.900
A ces dépenses premières, il faut ajouter les dépenses accessoires, celles des registres, du papier, du bois, de la lumière, etc., évaluées 133.700 livres, savoir :
Le parchemin pour brevets et quittances .............. 10.000 liv.
Les épices et frais de reddition de compte............. 506.000 liv.
Une dépense accidentelle, aujourd'hui suspendue, celle du tirage de la loterie royale qui se faisait à l'Hôtel-de-Ville, et pour laquelle on payait à la municipalité d'alors..... 204.000 liv.
Une dépense passagère, celle de la commission pour le remboursement et le payement des intérêts des emprunts faits à Amsterdam et à Gênes.
Cette dépense, évaluée dans le compte imprimé à 90.000 livres, n'a été, en 1789, que de................... . 54.000 liv.
Il n'y a point de loyer ; c'est l'hôtel de l'ancienne compagnie des Indes qui aujourd'hui renferme le Trésor royal et ses cinq départements.
La dépense ordinaire était donc de 2.029.000 livres.
Il ne faut point séparer du Trésor public l'intendance ou la direction qui doit en éclairer la marche, en gouverner les mouvements, en contrôler toutes les opérations.
La direction du Trésor royal est soumise à un agent principal sous le nom d'intendant; elle a ses premiers commis et ses bureaux correspondants aux bureaux du Trésor public.
La dépense totale en appointements, loyers, frais divers est de........ 830.000 liv.
Le loyer, l'entretien, forment un objet considérable qu'on peut évaluer au moins à 25.000
livres (1).
Vous avez séparé la dépense personnelle du roi, de la dépense publique, et la dépense, c'est à lui seul de la régler sans dépendance et sans contrôle.
Il ne doit donc plus y avoir, dans la constitution du Trésor public, un département de la maison du roi ; mais il faudra rejeter dans les départements conservés tout ce qui est relatif à la dépense des ponts et chaussées, tout ce qui est relatif aux dépenses diverses et indéterminées.
Le département affecté aux intérêts de la dette et aux pensions, votre comité vous proposera encore de le supprimer.
Il existe des trésoriers et des payeurs dont le droit et le devoir sont de payer toutes les charges publiques, et qui les payeront sans augmentation de traitement.
On vous proposera peut-être encore, Messieurs, et en effet, le projet en est entré dans quelques têtes; on vous proposera de supprimer les payeurs des rentes et de reporter au Trésor royal le payement de tous les arrérages de la dette et de toutes les pensions.
De grandes considérations, mais surtout la considération de l'ordre et de l'économie, repoussent cette idée, dont l'expérience a déjà démontré l'illusion.
Celte institution des payeurs de rentes, ces payements à l'Hôtel-de-Ville tiennent au crédit et à 1 opinion. Depuis deux cents ans on est accoutume à cet ordre de choses ; en le déplaçant, vous ébranleriez la confiance, vous rompriez une habitude qui, dans ce moment encore, entretient la sécurité.
Les payeurs de rentes et leurs contrôleurs ont donné pour gage de leur exactitude et de leur responsabilité, une finance de 32 millions.
Cette finance, il serait impossible de la rendre, et cette impossibilité est pour une nation juste un grand obstacle, le plus grand de tous les obstacles à leur suppression.
Mais, dans tout autre système, il n'est point de garantie pareille, ni pour la nation, ni pour ses créanciers. Un administrateur, des commis, des bureaux, toutes les surveillances possibles ne donneront point les motifs de repos, de tranquillité qu'offrent quatre-vingts citoyens qui, avec 32 millions déjà donnés, présenteront encore pour gage toute leur fortune, leur honneur et celui de leurs familles.
Ces citoyens soumis à un régime commun, inspecteurs nés les uns des autres, jaloux de conserver à leur compagnie uue réputatioo qui est leur propriété à tous, sont attachés par tous les liens à l'exactitude et à la régularité de leur service.
Les 160 millions qu'ils sont chargés de payer, se divisent en six cent mille parties qui,
distribuées en deux payements, donnent douze cent mille quittances à vérifier.
Ces comptes, il faut les rendre et en obtenir l'apurement.
~ Toutes ces opérations, Messieurs, les payeurs des rentes les font avec la plus grande exactitude et la plus grande célérité.
Tandis que la comptabilité du Trésor royal est arriérée de seize à dix-sept ans, celle des payeurs des rentes est à jour. On dit à jour : en effet, le compte de 1785 est rendu ; celui de 1786 est présenté ; celui de 1787 se forme ; et celui de 1788 ne peut pas être encore dressé, parce qu'il reste beaucoup de parties à payer sur cet exercice.
160 millions à payer né coûtent pas aujourd'hui un demi-denier pour livre. Ajoutez-y tout ce que paye le Trésor royal en intérêts, en pensions, et vous épargnerez encore plus de 160,000 livres.
Enfin, Messieurs, cette simplification qu'on propose aujourd'hui a déjà été tentée et tentée sans suecès.
La caisse des arrérages payait 24 millions, elle coûtait chaque année près de 300,000 livres et elle a laissé une comptabilité confuse et interminable. Vous supprimez donc, Messieurs, le quatrième département du Trésor royal ; mais les reconstitutions et les amortissements dont ce département était chargé, vous demanderont des dispositions nouvelles.
Les reconstitutions, Messieurs, sont une forme récemment introduite pour le transport de la dette constituée d'un créancier à un autre créancier.
Autrefois,les rentes passaient d'un propriétaire à un autre propriétaire, sans l'intervention du Trésor public.
Aujourd'hui, c'est du Trésor public que le possesseur d'une rente paraît recevoir ce qu'il a reçu en effet d'un acquéreur particulier.
Au moyen de ce remboursement fictif, le titre ancien s'évanouit et l'acquéreur devient le créancier direct et immédiat de l'Etat.
Cette opération nécessite une liquidation qui se fait aujourd'hui au Trésor royal même, et dans le département que nous proposons de supprimer ; elle se consommera désormais au bureau de la liquidation qui est attaché à l'administration générale.
L'amortissement est une opération préliminaire de la reconstitution. Il faut que le créancier primitif soit remboursé, que son litre soit éteint avant que lé titre nouveau soit créé.
Il est un autre amortissement qui s'opère par un remboursement effectif ; cet amortissement doit être aussi précédé d'une liquidation : c'est encore sous les yeux et sous la responsabilité immédiate du ministre qu'elle doit être faite.
Mais c'est à la caisse de l'extraordinaire que l'extinction véritable sera consommée! On pense que ces opérations peuvent être confiées à la responsabilité du ministre, et des agents inférieurs de l'administration. Et, en effet, la dette publique une fois reconnue, tous les éléments qui la composent, constatés par des contrats, par des registres, par des. comptes réguliers, toutes les transactions soumises a la publicité, il est impossible qu'il y ait jamais eu fraude ou erreur importante. Le titre ancien, déposé au Trésor public, vérifiera la régularité de la reconstitution : les remboursements effectifs seront ordonnés par la législature et «ne pourrout être faits que dans
l'ordre et dans les formes qu'elle aura prescrits. Le compte de chaque année démontrera donc de la manière la plus précise l'état successif de la dette et constatera les changements qu'elle aura subis, et comment se seront opérés ces changements. Si les lois ont été violées, la violation sera punie, ou la législature sera impuissante ou corrompue.
Restent trois départements.
Ici, Messieurs, le premier objet de la discussion, c'est de savoir si ces départements doivent être, ou réunis, ou séparés ; s'il faut rendre à la guerre, à la mariné, des trésoriers et des caisses indépendantes du Trésor public.
Je ne crois pas, Messieurs, que cette question puisse être problématique. L'exemple du passé vous a démontré les dangers de la.séparation: et quand nous n'aurions plus à craindre le retour de ces dangers, il est un inconvénient inévitable attaché-à cette séparation.
Il faudra verser dans la caisse de la guerre, dans la caisse de la marine, les fonds qurleur seront assignés, à des époques fixes et convenues. Ils seront là cachés à l'oeil du ministre des finances. Si les dépenses ne se font pas, si les dépenses sont reculées, les fonds resteront oisifs, au lieu d'être employés à d'autres dépenses urgentes, à la libération de là dette.
Cette stagnation seule peut priver le Trésor public de l'usage de plusieurs millions ; et si les trésoriers sont fidèles, elle privera le commerce d'une circulation importante ; s'ils ne le sont pas, elle exposera leur fortune et celle de l'Etat aux risques de leurs spéculations.'
Vous voudrez donc, Messieurs, que ces trois départements restent unis et subordonnés.
C'est dans leur mouvement et dans leur organisation, qu'il faut chercher les éléments de leur dépense.
L'exactitude dans la recette, l'exactitude dans les payements, l'exactitude et la précision dans la comptabilité : voilà, Messieurs, ce que vous devez exiger des trois départements, et il faut que vous leur accordiez tous les instruments nécessaires pour arriver à ce but.
Fixons-nous d'abord au premier département, au plus important de tous.
Il y faut un administrateur sur lequel puisse reposer la confiance publique; et la confiance publique, en matière de finance, ne repose que sur une réputation intacte, sur une fortune connue.
L'homme qui réunit ces deux choses n'accepte un emploi laborieux et d'une responsabilité dangereuse qu'avec la certitude d'y trouver de la considération et un traitement honorable.
La considération, Messieurs, tout citoyen désormais l'obtiendra par des talents et des vertus.
Quant au traitement, quelle que doive être l'influence de notre Constitution, quelque révolution qui doive s'opérer dans nos mœurs, votre comité n'a pas cru qu'il fût possible de le fixer au-dessous de 25,000 livres; et certes, c'est livrer à bon marché la tranquillité de sa vie, sa réputation et sa fortune.
L'administrateur doit être le dépositaire de cette caisse, dont il est le gérant; mais, sans doute, il ne doit pas en être l'arbitre, et le maître.
Il faut que son administration soit éclairée par des coopérateurs nécessaires, qui ne soient pas tout à fait dans ses mains, et qui répondent eux-mêmes à ce ministre qui répond à la nation.
Ainsi, Messieurs, le premier commis du Trésor royal, le caissier du grand-comptant ne seront
point des instruments uniquement dépendants de l'administrateur.
Il faut que le premier commis vise la recette, comme la dépense, il faut que dans ses bureaux se tiennent aussi des livres à parties doubles, qui, tous les jours, puissent offrir la vérification et ia preuve des opérations de la caisse.
Il existait et il existe des registres du contrôle général, confiés à deux gardes, dont les offices ont été supprimés. Ce contrôle avait pour objet de vérifier toutes les quittances de finance, toutes les quittances des comptables. G'est dans ces registres que doivent se trouver les finances originaires des offices, à compter de l'époque où les gardes des registres ont été établis.
C'est au Trésor royal que ces registres doivent être déposés pour être consultés. C'est là qu'ils doivent être continués sous l'œil de commissaires nommés par la législature.
G'est encore au Trésor royal ou mieux encore à un bureau du contrôle de recette que doivent être réunis des registres, tenus jusqu'ici à l'Hôtel-de-Ville et sous l'inspection du prévôt des marchands et échevins, où s'enregistrent les contrats originaires; où s'enregistrent les reconstitutions; où devrait être mentionnée la rente éteinte, à côté de la rente qui la remplace.
Il faut enfin que la comptabilité courante soit à jour, et qu'à chaque instant, les registres du Trésor public offrent à la législature un état incontestable de la situation de ses finances.
Il est une autre comptabilité, celle qui présente l'ensemble des recettes et des dépenses 4 l'année.
Celle-là, Messieurs, est aussi nécessaire que l'autre, mais elle ne saurait être aussi rapide. Elle est aussi nécessaire, peut-être encore plus nécessaire que l'autre. En effet, que nous importerait l'exactitude, la fidélité journalière de notre compte, si jamais nous ne pouvions comparer ]a masse de nos revenus à la masse de nos dépenses; s'il n'y avait pas une époque fixe, où nous rassemblerions toutes les parties de la recette, toutes les parties qui en justifient l'intégrité, toutes les parties de la dépense et toutes les pièces qui établissent la certitude et la légitimité de leur emploi.
Cette comptabilité ne peut être aussi rapide que l'autre.
Je vous ai dit, Messieurs, qu'un exercice embrassait la recette totale et la dépense totale d'une année.
Mais ni la recette totale, ni la dépense totale d'une année ne s'effectuent et ne peuvent s'effectuer dans l'année même.
La recette des impositions directes ne s'opère aujourd'hui qu'en vingt mois. Elle s'opérera plus lentement si les directoires de districts et de départements ne surveillent pas, ne pressent pas la perception avec la plus grande activité; si le zèle des trésoriers n'est pas animé par des gratifications.
Les recettes des fermes, des régies, ont leurs époques et leurs variations.
Les dépenses aussi se divisent de mois en mois, se partagent en fractions, reculent ou avancent suivant les circonstances et les lieux.
Il faut, pour former les comptes de l'exercice, attendre le complément de toutes les recettes et de toutes les dépenses de l'année.
Des quittances partielles sur chaque époque de la recette doivent être converties en quittances définitives.
Les distributions partielles de la dépense,
faites sur la foi des ministres, doivent être Réunies et autorisées; du moins, elles ont dû, jusqu'ici, être autorisées par les ordonnances générales de l'ordonnateur suprême.
Ces opérations nécessiteront des longueurs dans tous les temps.
Mais, dans les jours de pénurie et d'embarras, elles se compliquent et s'éternisent.
Ce sont des revirements perpétuels, c'est un enchaînement de recettes fictives, de payements fictifs; et, jusqu'ici, il a fallu des ordonnances pour couvrir toutes ces fictions.
Souvent des circonstances soudaines, extraordinaires, ont exigé, Ou paru exiger des mesures extraordinaires et soudaines.
Des opérations, commencées sur les ordres d'un ministre, n'étaient pas encore consommées et déjà le ministre était déplacé. Le successeur n'apportait ni les mêmes principes, ni les mêmes vues, et l'opération était arrêtée dans son cours.
Le Trésor royal, engagé sur une parole ministérielle, attendait longtemps que ses engagements et ses dépenses fussent validées par l'autorité du monarque.
Ainsi, pour nous fixer à des époques rapprochées de notre temps, des secours donnés sous un ministre pour soutenir le crédit de quelques particuliers, et une certaine nature d'effets n'ont point encore reçu la sanction accoutumée.
La caisse n'a, pour se couvrir d'une émission de fonds, hasardée sur cette foi périlleuse, que des papiers déposés pour gages des secours fournis.
Et l'administrateur reste soumis à une grande responsabilité, dépositaire d'effets qui ne sont point encore à l'Etat, et sur lesquels ses propres périls ne lui donnent aucun droit à lui-même.
Toutes ces circonstances, Messieurs, arrêtent ia comptabilité dans sa marche.
Les comptes d'exercice se divisent en deux parties; sous le nom de compte de l'année, ils renferment toutes les recettes, toutes les dépenses faites dans l'année.
Sous le nom de compte des rentes, ils renferment toutes les recettes, toutes les dépenses faites après l'année révolue.
Une fois dressés, ils étaient examinés, calculés, arrêtés par le roi dans son conseil des finances.
IIs l'étaient nécessairement longtemps après l'année à laquelle ils appartenaient.
Et ce n'est pas là, Messieurs, un désordre ou un malheur de ce règne.
Les comptes de 1720 ne furent arrêtés qu'en 1729 et une partie même en 1733.
Ën ce moment, le compte de 1780 est arrêté ; ceux de 1781, de 1782, de 1783 sont près de l'être.
D'autres délais, d'autres obstacles, les arrêtaient à la Chambre des comptes.
II faut que les comptes des recettes particulières d'une année soient rendus et jugés à la Chambre des comptes avant qu'elle puisse entendre et juger le compte du Trésor royal pour la même année.
C'est le compte des recettes particulières qui établit et vérifie la recette du Trésor royal.
Le compte de 1775 n'est ni rendu ni jugé; mais vous savez, Messieurs, que cette reddition et que ce jugement sont une formalité vaine, une opération mécanique.
Sous notre ancien régime, le roi était l'ordonnateur suprême ; il ne devait compte à personne et sa signature faisait loi.
La mission de la Chambre des comptes se
bornait ddfic à une Vérification de Chiffrés, à une représentation, à une critique matérielle des pièces justificatives.
Et certes, Messieurs, il fallait que son ministère finit là.
Toute Constitution serait absurde dans iaqtiélle lin Corps qui ne serait paS là nation, qui ne Serait pas le souverain, pourrait soumettre à sa Censure le dépositaire de l'autorité et jtier les dépenses qu'il aurait évidemment ordotinées.
En vâin nos rois avaierit-dls imposé à leurs cours le devoir de les avertir, en Vaid les lois avaient-elles prescrit une sorte dé résistance à des volontés manifestées sous de cèrtaineS formes.
La Volonté souveraine revêtait toujours, au gré dé Ceux qui la faisaient mouvoir, les formes toutes-puissaûtes.
Tel est le malheur du despotisme : il est satis force contre lui-même I il est éternellement condamné aux caprices et aux âbus.
Ce n'est que de celte époque, Messieurs, que commencera une comptabilité véritable.
Vous lui prescrirez des lois que feront respeC-tët- Vos sUCcekseurS.
Mais il faut dévorer ces Comptes arriérés, et c'est à vous seuls que cette tâche appartient.
Déjà nous devrions l'avoir ëhtrëpfise ; elle ne ne nous donnera que de vaines ët tristes lumières ; mais, du moitis., VotiS aurez marqué le terme où finiront les abiis.
Vctre comité, Messieurs, à pensé que, poiir remplir toutes les vues que je viens de vous développer, il fallait à tous lès départements du Trésor public des hommes laborieux et choisis ; qu'il les fallait moins nombreux, mais que leur service devait être honoràblement payé. Oui, Messieurs, honorablement payé. Eh ! quel homme avec des talents* avee cette noble fierté, ia Compagne inséparablë des vertus et des talënts; se Vouerait au Seryiee d une administration dure et avare ï J'ai déjà eu 1 honnetir et malheureusement l'occasion de vous, le répéter plus d'une fois; ce serait une funeste économie que celle qui prétendrait ramener, et surtout ramener tout à coup les agents de la chose publique à une mesure rigoureuse que les circonstahcès nous conseillent. Si vous Muiez dù travail, il faut donner encouragement et. sécurité à l'homme de qui vous l'exigez ; en lUi imposant une dépeh-dance et des privations de tous les jours, il faut lui laisser des jouissances domestiques et l'ës-poir dans l'avenir. Quand les comptoirs du négociant ou du banquier offriront Un traitement plus avantageui que lé Trésor public, VOUS n'aurez pour le Trésor public que le rebut du banquier et du négociant. Là plupart de Ceux qui gourmândent la prodigalité de votre comité des finances, n'ont pas certainement daigné établir ces comparaisons. Admirables ëti retrànçHe-metits, ils portent partout la faux inexorâblë dè la parcimonie; ils fie calculent ni leS temps,.îii les lieux, rti les habitudes de leur siècle, ni les engagements qu'on peut avoir contractés sur la foi etsUr la nécessité d'Un ordre de .choses qui n'existera plus : mais les loyers, mais les consommations, mais les marchandises de toUte espèce lie baissent pas au gré de la parcimonie ; et là marche éternelle delà nature veut que tout, au moral comme au physique, ne change que par degré.
Ce Henri IV, qu'on accusait d'être avare, savait pourtant qu'il fallait payer le zèle de ses serviteurs, et 1 austère Sully, que rappellent encore
nos regrets, s'il Vivait aujourd'hui, noué nous plaindrions qu'il coûterait trop chei* à. la France. En effet, nOus trouverons deS administrateurs à meilleur marché, noiis trOUverotis aussi des Commis à tout prix ; mais attendons unë Seconde législature, et nous apprendrons d'elle ce que vaut notre économie.
N'oublions pas encore qu'il faut préparer dë loin des successeurs àux commis principaux ; qu'il faut faire efitfëf dàns nos calculs les accidents, les malàdieS, la multiplication et là soudaineté des travaux ; due nous manquerons SOU Vêtit" d'instruments, si iious n'avons que iëS instruments absolument nécessaires.
Nous avons fixé là dépéftSç du premier dépar-temènt à la somme dë 120,000 livres.
Nous àvohS supposé des retraites iiéCëssâîrèS, et quë cette somme suffirait et aux appointements et aux retraites.
En proposant cîeâ retraites, Messieurs, nous n'avons pas ignoré que nous franchissions peut-être les limités qhe vous nous avez marquées ; mais c'est quand on parle ae rigueurs, qu'il faut bien parler d'adoucissements. C'est au milieu de ces secousses générales qui déplacent tant d'individus, qui distribuent tant a@ calamités, qu'il faut plus que jamais répandre la consolation et l'espérance. Ah I s'il eût été au pouvoir de votre comité des finances de suivre l'impulsion de sa sensibilité, il n'y eût point eu d'infortune qu'il n'eût prévenue ; il n'y en avait pas du moins dont il n'eût voulu tempérer l'amertume. Tous ces hommes que frappe ia suppression, de modiques secours auraient soutenu leur courage; ils se seraient livrés sans inquiétude à d'autres travaux, ils auraient du moins été chercher Un asile dans la campagne, et y auraient reporté des connaissances et des talents utiles.
Dans des Etats corrompus par les arts dtf luxe,-dans les Etats où la population est amoncelée dans les villes et ne se soutient que par les ma^ nufactures, si oh entreprend unë gràndé révolution, il faut ménager des asiles et des ressources à cette population précaire; il faut la porter dans des colonies où elle puisse acquérir dés propriétés et des richesses, et il y avait, au milieu mèmë de la France, tant de colonies à établir, tant de terrains appartenant à la nation à distribuer ! *..
Le second département, celui de la guerre, dans Sa formation, paraît être tel que l'exige le service auquel il est destiné.
Nous avons examiné si ce département, si celui de la marine devaient avoir des administrateur et si ces administrateurs devaient être soumis à un cautionnement.
Nos opinions Se sont d'abord partagées : point de caisses dans les deux départements ; par conséquent, disait-on, cautionnement inutile. Mais s'il n'existe point de caisse* il y â cependant Un maniement de fonds; il y a ohé trânsmissioh d'effets ' et de rescriptions dans les provinces. Enfiii, il est intéressant qu'il puisse y aVoir entre les trois administrateurs uùe êôlîdârité de fonctions et de garanties. Ces dëux Considérations Ont déterminé i assentiment du comité.
Il a cru qu'il fallait ajouter deux administrateurs, tous deux avec 1^00,000 livres de finances* tous deux avec 25,000 livres d'appointements.
Il a fixé le second département à 100,000 livres pour tes appointements^ les retraites et les frais de Paris ; quant aux trésoriers provinciaux, il a pensé que leur service était trop chèrement payé.
Qu'ils pouvaient être réduits à 100,000 livres et qu on en trouverait à ce prix.
Mais que s'ils se refusaient à la réduction, od trouverait dans tous ies départements un trésorier de district, qùi en ferait les fonctions et les ferait à des conditions plus avantageuses.
Quant au troisième département, nous avons cru que les bureaux de Paris pouvaient être fixés à 36,000 livres, qui suffiront aux appointements etaux retraites ; que les trésoriers des ports seraient honorablement payés avec 4^000 livres.
Les trésoriers, des Colonies : Nous n'avons pas cru que dans les circonstance^ présentes nous pussions déterminer leurs émoluments. Nous les avons laissés à leur fixation actuelle, jusqu'à ce que i'avénir nous ait éclairés suf le régime des colonies> sur les dépenses d'administration et dè gouvernement, qu'elles laisseront à la charge de la France* Le parchemin, le papier, les registres) le bois, ia lumière, les frais divers des bureaux dans les trois départements, nous les avons évalués à 100*000 livres, et notre évaluation e6t plutôt au delà qu'en deçà du besoin. Avec, cinq départements, avec un nombre plus considérable de commis dans chaque département, avec une manière d'opérer plus compliquée, cette dépense n'était calculée qu'à 143,700 livres; mais il faut toujours, dans les calculs d'administration, une certaine latitude, et notre expérience domestique à tous, a dû. nous prouver que la précision des calculs est toujours démentie quand elle s'applique à des dépenses éventuelles, il faut faire partout sa part à la négligence.
Enfin l'intendance, la direction du Trésor royal avec ses bureaux ; Nous avons pensé qu'elle serait mieux placée à côté du Trésor public, qu'elle doit éclairer et faire mouvoir
Par là vous économiserez des frais de loyer> des frais d'entretien et de réparation, des frais de service, et vous gagnerez plus encore en travail et en surveillance.
Nous n'avons point examiné si le directeur du Trésor public devait être un intendant ou un premier commis. Nous n'avons vu là que des noms différents.
Mais nous avons pensé que les hommes étaient dupes des noms ; que des talents rares pouvaient se refuser sous un nom et se donner sous un autre ; qu'il fallait laisser aux ministres le soin de distribuer ces chimères suivant les circonstances et le besoin* Du reste, nous avons évalué les frais divers, les appointements et les retraites du moment à 200,000 livres.
Voilà ces 200,000 livres qu'Un honorable membre accuse le comité des finances de donner à un individu*
Le comité des finances ne sait point exagérer son zèle ni vanter le produit de son économie ; mais il a pourtant aussi son économie ; elle est toujours mesurée sur la justice et sur l'humanité. Il a fixé à 200,000 livres, non pour uh seul homme, mais pour les appointements, pour les retraites, pour les frais divers de plusieurs bureaux qui coûtaient 330,800 livres*
Le comité des finances a calculé ia nécessité et l'importance de ces bureaux» Il a vu que c'était le pivot sur lequel tournait le Trésor public. Il sait qu il est possible de les réduire, et cette réduction, il l'a évaluée» Mais il a évalué aussi les dédommagements passagers qu'exigeraient les suppressions de trois départements.
Nous vous proposons de supprimer, dès à présent, les épices et frais de comptabilité,
Le tirage des loteries royales est une dépense
accidentelle, une dépedsé exagérée (jue Vous pouvez suspendre en suspendant les tirages, que vous pourrez annuler en consommant tous les tirages a la fois.
Nous ne l'avons point fait entrer dans nos calculs»
Enfin, nous avons laissé à 54,000 livres la commission passagère pour le payement des intérêts et des capitaux, des emprunts faits à Gênes et à Amsterdam»
C'est un objet convenu âVec des étrangers, et qui a été réglé sur le coUrs ordinaire de ces sortes de transactions.
Nous n'avons poiht entrepris de distribuer lés appointements, c'est au ministre â connaître les sujets qu'il emploie, d'apprébiéb lehr travail et leurs talents ; mais vous pouvez exiger du ministre qu'il soumette sa distribution à votre examen, et qu'il vous en développe les motifs.
Par là, Messieurs, vous le garantirez de l'irn^ portunité des sollicitations, vous le garantirez de ses préventions et de celles des autres,.
Quoique nous vous avons présenté l'organisation du Trésor public, il est, dans cette organisation, des détails que nous n'avons point déterminés ; il est un ordre, une distribution de(travail quel'èxpériencê et les lumiêrés de l'administration fixeront mieui be là théorie du comité.
Nous VoUS propoëonë donc d'appeler sur Cet Objet l'àttetitîbn du premier ministre des finances; et avant que d'adopter îios vùes, de les éclairer et de les rectifier d après ées observations.
Dépense actuelle du Trésor flil* blic. . . . . . . . . ... ; . 2,029,000 liv.
Dépense de l'ihtefldâflbe et de ses nureaux. . ............. 330,800
Total.............2,359,800
Dépense réduite d'après ie platt du comité........... 663,000
Économie..... 1,696,800 liv.
Voici le projet de décret en 14 articles que j'ai l'honneur de vous proposer :
t Art. 1er. Le Trésor public sera composé de trois départements
sous trois administrateurs, savoir: le département des caisses, le département de la guerre
et le département de la marine.
« Art* 2» Le traitement de Chacun des trois administrateurs sera de 25,000 livres, indépendamment de l'intérêt de leur finance.
« Art. 4. Les appointements des premiers commis du grand comptant, des caissiers et des commis de premiers départements, ensemble les salaires des garçons de bureau et frais divers, seront provisoirement fixés à 120,000 litres ; sur cette somme il sera pris de qui sera nécessaire pour assurer des retraites à ceux des commis actuels que les circonstances forceraient de supprimer, et qui auront mérité des grâces par la longueur et l'utilité de leurs services.
« Art. 4. Il sera alloué provisoirement 200,000 livres, pour la dépense du département attaché au service de la guerre, savoir : pour les bureaux de Paris et les retraites jugées nécessaires, 100,000 iivres; pour le service que font aujourd'hui les trésoriers provinciaux, 100,000 livres.
» Art. 5. Il sera alloué provisoirement pour les dépenses du départemeut attaché au service de Ja marine, la somme de 114,000 livres, savoir : pour les appointements, frais de retraite, des bureaux de Paris, 36,000 livres ; pour le trésorier
des ports, 45,000 livres; pour le trésorier dans les colonies, 33,000 livres.
« Art. 6. Il sera pareillement alloué pour les bois, lumière et papier, registres, parchemins et frais divers des trois départements, la somme de 100,000 livres.
« Art. 7. Le département ci-devant attaché à la maison du roi demeure supprimé, à compter du 1er juillet présent mois.
« Art. 8. Le département affecté au payement des intérêts de la dette et des pensions, sera supprimé, à compter du 1er juillet 1791 ; et du 1er juilr let jusqu'à cette époque, le traitement de l'administrateur lui sera payé à raison de 25,000 livres. Les appointements, frais de bureau de ce département, tant qu'il subsistera, seront fixés sur le pied de 80,000 livres par année.
« Art. 9. Il sera pareillement accordé des retraites aux commis et employés de ce dernier département, qui ne pourront p'as être remplacés, en raison de la longueur et de l'utilité de leurs services.
« Art. 10. A compter du 1er octobre prochain, l'intendance du Trésor public et ses bureaux seront réunis dans le même hôtel ^pae les trois départements.
« Art. 11. A compter de la même époque, là dépense de l'intendance du Trésor public pour appointements, retraites, s'il y a lieu, frais de bureau, papiers, registres, bois, lumière, sera fixée à la somme de 200,000 livres.
« Art. 12. Le ministre des finances distribuera les sommes ci-dessus, et remettra au comité des finances l'état motivé de sa distribution, pour en être rendu compte à l'Assemblée.
« Art. 13. 11 remettra pareillement au comité des finances un mémoire sur la meilleure organisation et sur la comptabilité du Trésor public.
« Art. 14. Il sera nommé incessamment un comité qui vérifiera les comptes arriérés du Trésor public, et en fera son rapport à l'Assemblée. »
Nous ne sommes pas en état de discuter actuellement ce projet de décret et j'en demande l'ajournement. Je fais la motion de l'impression du rapport, du projet de décret avec des détails sur la destination et assignation des fonds dans la partie de l'intendance du Trésor royal, mentionnée aux articles 10 et 11 du projet de décret. Le comité propose 200,000 livres pour l'intendance ; cette somme me paraît trop considérable et tout le projet de décret a besoin lui-même d'un mûr examen.
(de Saint-Jean-d'Angely). Je propose à l'Assemblée de décréter, dès à présent, les articles 12 et 13 du projet de décret, en les rédigeant en ces termes :
« Art. 12 et 13. Le premier ministre des finances sera tenu de faire remettre à l'Assemblée les états portant distribution contre ies divers employés des sommes fixées par le projet de décret pour chaque département du Trésor public, notamment pour la partie de l'intendance du Trésor royal.
« Il fera remettre en même temps un mémoire contenant ses vues sur la meilleure organisation du Trésor public ».
Cette motion est adoptée .
La demande d'impression et d'ajournement faite par M. Camus est également adoptée (1).
L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de marine, pour qu'il soit incessamment fait un rapport.
L'ordre du jour est la discus sion du projet de décret proposé par le comité des finances sur les payeurs des rentes, déjà ajourné le 4 juillet.
, rapporteur. Vous avez ajourné la question de savoir où se fera le payement des intérêts de la dette publique et des pensions. Sur 161 millions de rente, plus de moitié se paye à Paris, plus d'un tiers se paye à l'étranger, et 4 à 5 millions se payent aux provinces : il n'est donc d'aucun intérêt pour elles qu'1 ce payement s'effectue ailleurs qu'à Paris. Votre comité persiste donc à vous proposer de décréter que les payements des rentes continueront à être faits à Paris.
Le rapporteur passe en revue toutes les créances et les emprunts, les offices du roi, les compagnies des Indes anciennes et modernes. Il justifie, par des calculs, les propositions du comité et propose un projet de décret en sept articles.
, Personne ne s'attendait à ce que la séance de ce jour serait consacrée aux finances puisqu'elle devait l'être d'abord à l'organisation de l'armée. Le rapporteur du comité ('es finances nous propose avec beaucoup d'art et d'adresse des objets de la plus haute importance, mais s'il a eu le temps de lesméditer et de les produire sous un point de vue aussi favorable, il n'en est pas de même de ceux qui ne partagent pas sa manière de voir, et c'est pour cela que je demande l'ajournement.
Quand il s'agit de comptabilité, il faut un centre d'où partent l'action et la réaction. De quelque manière qu'on s'y prenne, il faudra tou jours que les bureaux qu'on établirait en province vinssent se fondre pour la vérification et autres opérations indispensables, dans un bureau unique. Cés bureaux de province deviendraient donc des rouages non seulement inutiles, mais gênants. Pour vous alarmer on vous dit que si tout se paye à Paris, le numéraire de là France s'y concentrera. Vaine illusion. lien est de cela comme des impositions. Je croyais que les fonds des impôts venaient tous se fondre dans la capitale : quel a été mon étonnement lorsque j'ai constaté qu'il n'en vient pas la centième partie. Je conclus à l'adoption du plan du comité des finances.
Messieurs, sous prétexte d'économie, le comité des finances veut vous faire décider une question de laplus haute importance.
La première question à examiner est celle de savoir si on payera tout à Paris ; mais il y
en a une seconde, c'est celle de savoir si l'on ne peut pas se passer des payeurs de rentes.
Plusieurs membres ont, sur cet objet, proposé des moyens simples, qui permettent de payer à
jour fixe en
On nous présente 40 payeurs de rentes et il y en a 43. Les trois dont on ne parle pas sont connus sous le noms de doyens. Leur finance est de 450,000 livres et ils ne perçoivent que 18,000 livres, tant pour les intérêts de leur finance que pour leur peine. Les autres 40 ont donné 600,000 livres de finance, mais on leur paye 30,000 francs d'intérêts et en sus 15,000 livres.
Je demande, comme M. d'André, l'ajournement de ia discussion.
Le comité pense qu'il y a tout intérêt pour la chose publique à ce que les diverses opinions puissent se produire il ne s'oppose donc pas à l'ajournement pourvu que ce soit à jour fixe.
(L'ajournement à vendredi prochain est prononcé.)
Il m'a été remis par M. La Rochefoucauld un arrêté des amis de la Révolution de Londres; vous désirez sans doute en entendre la lecture. (Adhésion.)
Copie d'une lettre de milord comte Stanhope à m. de la Rochefoucauld.
Monsieur, c'est avec une satisfaction extrême que j'ai l'honneur de vous informer que nous avons eu hier, au nombre de six cent cinquante-deux amis de la liberté, célébré, votre glorieuse Révolution, et l'établissement et la confirmation de votre Constitution libre.
M. Sheridan, qui était de notre assemblée, a proposé la résolution ci-incluse, laquelle a été reçue avec des acclamations réitérées et avec toute la chaleur qui caractérise des hommes indépendants et libres.
Oserai-je vous prier, de la part de cette assemblée respectable, de présenter leurs résolutions à l'Assemblée nationale de France? C'est comme leur président du jour que je vous demande cette grâce.
Bientôt nous espérons que les hommes cesseront de se voir sous l'aspect odieux et détestable de tyrans et d'esclaves; mais que, suivant votre exemple, ils s'envisageront comme des égaux, et apprendront à s'aimer comme des hommes libres, des amis et des frères. J'ai l'honneur d'être, etc.
, Signé : stanhope.
Anniversaire de la Révolution de France, célébré à la Taverne de la Couronne et de l'Ancre, dans le Strand, le {^juillet 1790, par six cent cinauante-deux amis ae la liberté réunis, et présidés par le comte Stanhope.
Il a été unanimement arrêté
Que cette assemblée se réjouit sincèrement de l'établissement et de l'affermissement de la liberté en France, et qu'elle voit avec une satisfaction particulière les sentiments d'amitié et de bienveillance que le peuple Français paraît avoir conçu pour ce pays, surtout dans un temps où il est évident, de l'intérêt des deux Etats, que rien ne trouble l'harmonie qui règne actuellement entre eux, et qui est si essentielle à la liberté et au bonheur non seulement de ces deux nations, mais môme du monde entier
Résolu unanimement :
Que le présent arrêté sera transmis par le président à l'Assemblée nationale de France.
Signé : Stanhope.
Je demande l'impression de cette lettre, et en outre que M. le Président soit chargé, par l'Assemblée nationale, d'écrire à cette société. G'est un égard que nous lui devons ; je crois même que cela peut être d'une grande utilité pour la tranquillité de l'Europe.
Les sentiments exprimés dans la lettre de milord Stanhope sont dans tous les cœurs des amis de la paix; mais je ne crois pas qu'une société particulière puisse se mettre en correspondance avec une Assemblée nationale. Je ne crois pas non plus que deux nations malheureusement rivales. (Non.... 1 s'écrie-t-on dans une grande partie de la salle.) Je ne crois pas, je le répète, qu'une puissance qui a toujours été notre rivale... (On rappelle M. de Foucault a l'ordre.) Il est de la prudence de s'en méfier. Pour répondre aux sentiments de paix manifestés dans la lettre de milord Stanhope, puisque ce n'est qU'une lettre écrite à M. le duc de La Rochefoucauld, c'est au club de 1789, à celui de la propagande de la liberté à y répondre. Je pense qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. de Lameth.
(La discussion est fermée.)
L'Assemblée ordonne l'impression de la lettre de milord Stanhope et charge son Président d'écrire à la société des amis de la Révolution de Londres.
L'Assemblée reprend la suite de la discussion sur les diverses parties des dépenses publiques.
, rapporteur, propose les articles suivants qui sont décrétés successivement après de courtes observations.
Ces articles concernent les traitements des diverses personnes occupées pour le service de Vad-ministration.
Art. ler. « Le traitement du contrôleur des bons d'Etat et
celui de son adjoint sont supprimés.
Art. 2. « L'office de contrôleur des rentes delà chambre des comptes est pareillement supprimé. La finance sera liquidée et remboursée, et cependant les intérêts de ladite finance payés à raison de 5 0/0.
Art. 3. Il sera nommé par le roi un ou deux agents chargés du recouvrement des créances actives du Trésor public et de la poursuite des comptables qui seront constitués en débet, et il ne leur sera alloué qu'une remise à prendre sur le montant des sommes dont ils auront opéré la rentrée.
Cette remise sera indiquée par le ministre des finances, décrétée par l'Assemblée nationale et sanctionnée parle roi.
Art. 4. « La place du directeur des aménagements des forêts et le traitement de 15,000 livres qui y est attaché, seront supprimés.
Art. 6. «Seront pareillement supprimés les deux offices de garde des registres du contrôle général, et les attributions qui leur sont allouées, soit à eux-mêmes, soit pour leurs commis dans les provinces.
«Leur finance sera liquidée et remboursée, et jusqu'au remboursement les intérêts seront pavés à 5 0/0. 3 '
Arti 6. « La place de directeur de correspàn-
dance du bureau des salines et le traitement de 4,0QQ }iyres qui y est attaché sont supprimés.
« Le sieqr Leroux de ta Yille est renvoyé à faire valoir ses services au comité des pensions.
Art. 7. « La formalité de l'enregistrement des rentes au greffe de rHôtel-dg-ViJle,a déP9Use de 6.40Û livres qu'elle occasionne, "sbpt suppri-mées.
Art. 8. «Le payement des rentes constituées pour le compte du roi sur le domaine de la yille, est renvoyée aux payeurs des rentes de l'Hôtel-de-Ville.
Art. 9. «Le traitement du secrétaire de la feuille des bénéfices et la dépense de ses bureaux sont supprimés.
Art. 1o. «Le traitement du sieur tecip^Mi pour le dépôt relatif a la population/ est supprimé, et le dépôt rèûpj aux bureaux dç l'admïr nistratiôn générale.
Art. 1l. «Le traitement du sieur Lemoine et la place d'agent ou d'inspecteur des postes sept supprimés,
Art. 12, «Le traitement du SÎepr Legendrç, pour )e travail sur l'Inde, est SUPPPïUé-
Art. 13. « La dépense de ltjOQO livres affectée au bureau de ta **feWf|ô sera supprimée a compter du premier janvier
Art, 14. «Lâ dépense du bureau Mur l'admission à Saint-Cyr sera supprimée à compter du premier janvier 1791.
Art, 15. «I^e traitement de 6,000 livres acpordé au sieur Prépape» pour un travail sur les frais de justice, est supprimé! '
Art. 16. « La gratification de 2,400 livres accordée au caissier du sceau est supprimée ».
, J'ai reçu de M- îîeck^r UUe
lettre à laquelle est jointe le compte général dès recettes et aett dépenses de l'Etat) depuis le Ier mai J789 jusque* et compris le 30 avril 179Q-
L'Assemblée prononce ]e renvoi au comité des finances. Elle ordonne, en outre, l'impression et la distribution du travail de M, Decker. (Voy-p. 249 ce document annexé à la sjsançç de çe jour.)
(La séance est levée à trois heures.)
Projet de pécret sur im trésor royal,, prfcentè au non\ du comité des finances par M. Lebrun, avec des annexes par départements (i).
L'Assemblée nationale après avoir entepdu son comité des finances, a décrété flferèlf ?
Le Trésor publie sera composé dg trois appartements SOUS trois admjpisiratèur§t lesquels seront nommés par le rqi,
Savoir:
Le département des caisses;
Le département de la guerre;
Le département de la marine.
Art.2. Le traitement de chacun des trois ad-
ministrateurs sera dp 25,000 livres, indépendamment de l'intérêt de leur finance.
Art. 3. Les appointements du premier COrnUl*8» du commis du grand comptant) des caissiers efdei Commis du premier département, ensemble lep salaires des garçons de bureaux et frais divers» seront provisoirement fixés à Ï2Q.0Q0 livres.
Art. 4. Sûr cette sopàme de "1^0,000 livres gç-r ront prises les sommes nécessaires pour assurer des retraites ou gratifications à cep^ des commis actuels, dopt Jes circonstances détermineraient la suppression.
Art. 5. Il sera alloué aussi provisoirement 20Q,Q0Q Ijvres poqr le second départem§Rt» Savoir :
100,000 livres pour les bureaux de Paris, et les retraités ou ^ratifications jugégs nécessaires pour ies commis supprimés ;
Et, 100,OpQ Jjyres pour Je service que font aujourd'hui lés trésoriers provinciaux.
Art. 6. Il sera alloué aussi provisoirement la sqmm§ de U4,QÛÛ livres pour la dépense du troisième département,
Savoir;
Pour les appointements, frais de bureau, r^-r traite des commis de Paris, 36,000 livres ;
Pour les trésoriers des ports, 45,000 livres;
Pour les trésoriers dans les colonies, 33,000 livres.
Art. 7. II sera alloué pour le bois, la lumière, le papier, les registres, [es parchemins et autres frais aux trois départements» ensemble là somme de IQQ.ÛDO livres.
Art; 8. Le département ci-devant attaché à la maison du roi demeure supprime» à compter du premier juillet 1790.
Art, 9. Le département attaché au payement des intérêts de là dette publique et des pensions sera supprimé, à compter du premier Janvier I79I, et cependant la dépense induite à 8Q,QQÔ livres.
Art. 10» Il sera acportlé aux commis et employés de ce departémept, qui ne nonfroqt pas être remplacés, des retraites ou gratifications, en raison de ia longueur et de l'utilité dO leurs services.
Art. 11 A compter du preniier octobre prochain, l'intendance du fré^of public ef||s bureaux seront réums dans le même Intiment que les trois départements»
Art, 12. A compter do la m§mç époque, la dépense de 1 intendance et (je ses bureaux, pour appointements, retraites ou gratifications» s'il y a lieu, frais diyery papiers, registres, Dois, lumière, etc., sera fixée provisoirement à 200,000 livres.
Art. 13. Le premier ministFe des finances distribuera les sommes oirdessus et remettra au Qomité des finances l'état motivé de §a distribution, pour en être rendu compte à l'Assemblée nationale.
Art. 14. Il remettra pareillement au comité des finances un mémoifp sur l'organisation intérieure du Trésor publict ainsi que sur la comptabilité.
Art, 15. Les registres du contrôlé général seront réunis au Tr^qr ppolip,
Art. 16. |l sera nommé incessamment nn comité qui vérifiera le arriéré du Trésor BUWjfpfet en fera son reppori á l'assemblee,
INTENDANCE DU TRÉSOR ROYAL.
M. Dufresne, appointements..................
De La Fontaine, premier commis des finances.
60,000 liv. 30,000
MM.
Bureau des fonds ordonnances.
Burté, chef........................ 8,000 liv.
Mottet,cpmmig.,......... 7,000
Le Paon, commis..................................3,800
Spbry, commis..............«..........3,800
Vitry, commis..-...................................3,400
De Flubéj commis,................................3,200
Forestier, commis.................................2,800
Lattinvine, commis................................1,800
Le Fèvre, commis..................................1,500
De Jjire, commis.................... 1,500
Çh. Le Févre, surnuméraire....... »
36,800
Julien.
MM.
Bureau de la maison du roi, pensions et autres dépensés courantes du Trésor royal.
Bergeron, chef........................................11,000 liv.
Villemin, commis..................................3,600
Chuperel, commis..................................3,600
Guillot, commis..............................4,000
Deyaux, commis...................................3,200
Binon, commis..,...............................2,800
Fauries, cpmmis/....'.'..'.......... 3,000
Chevalerie, commis................................1,800
Bergeron fils, commis..........................1,500
3,000
34,500
Bureau des brevets* de pensions, garnisons j MM. Ducl^nd, chef..................... 5,000 liv. j 1600
ordinaires, etcM,.......... ( Le Franc, commis................. 2,600 \
MM.
Contentieux et détails monétaires.
Contre de la rq^ison du roi et diverses dépensés......(.'...'....'.." .*...« • •
Contrôle des diverses dépenses de la guerre.!
MM.
MM.
V
Le Bel, commis..f................ 6,000 liv/
Rautier, commis....................................5,000
Charton, commis....................................1,400
Porsman, commis..................................1,200
Morel, commis.,....................................1,200
Basser......................................................3,000
Cottin, chef............................................10,000 liv.]
Dattel, commit......................................3,600
Le Roi, commis....................3 ,"200
Blondel, commis......................2,400
Poirson, commis....................................2,400
Cœdès, chef........................10,000 liv.^
Laquiante, commis................................2,100
Rivert, commig.....................................2,100
Bobé, commis.......................1,800
Triquet, commis.................. 2.20Q
La Croix, commis..' .. .'I'.. ljpOO
Dutilleul, commis.......... 11. M.. 1,600
15,800
23,600
21,400
MM.
Contrôle de la mapjne et des colonies..
Contrôle de la comptabilité.
Goix, chef................................................10,000
Vauquav, commis.....................3,600
Dq paillard, commis..'!..3,200
Carel, commis..................................2,400
Yerville, commis,,,.?,.n |,Q0Q
Godroy, commis..:.;............. 3,500
Saint-Germain, commis........................2,700
Bayneau, commis......2,300
Ra4imenl> commis..........................1,500
MM. De Clerck...............................3,000
Le Camus...................................1,800
Thedion..........•..............................1,500
31,200
Quatre garçons de bureaux. Desbleux, portier, gages, no Frais de bureaux, chauffage et entretien
4,000
6,300
5,000
Desbleux,_ portier, gages^ nourriture.JiabUlement................................................^MOO . ^ ^
Total (1)........................... 307,500 Uv.
(1) Le rapport a été fait sur l'état de 1789, et il y a eu depuis une réduction de 3,300 livres.
BUREAUX DU TRÉSOR ROYAL.
PREMIER DÉPARTEMENT.
Rureaux de la dépense.
45,700
Administrâtes, M................................................ 50>°00
MM. De Souches, premier commis............12,500 liv.^
Chambellan, commis.....................3,000
Lyard, commis.....................3,000
Lefer, commis........................................2,400
Corbin, commis........................2,600
Ronnemer, commis................................1,500
Lamoleré, commis................................5,000
Savigny, commis....................................2,000
Vial de La Salle, commis...........3,500
Provendier, commis..............................2,000
Tartois, commis............................2,400
Mengin, commis....................................2,000
Marie, commis....................
Garré, commis......................................1,000
MM. Fagnan, commis.................................2,600 liv.
Pauchet, commis..........................1,800
Roisdon, commis..................................2,000
Ressari, commis....................................1,000
Rureau de la comptabilité .
Rureau de la comptabilité des anciens exercices de M. de La Rorde...............
Caisse générale.
Caisses auxiliaires.
Pour le département de M. de Langes.........
Département de Ta guerre. j
Département dé la mariné, j
Département de la maison | du roi................. f
7,400
MM. Gombault, liquidateur..........................4,500 liv.
Sorel, commis...........................1 >800
Morin, commis.....................
Philidor, commis.................
Hébourg, commis...............................1,500
Schmatz, commis.........................1,500
Rernengham, commis...................1,800
[MM. Garat, premier commis........................12,000 liv.]
Doyen, commis......................................9,000
Dolhègue, commis........................3,000
Le Rreton, commis...........................1 >500
Pitois, fils, commis................................2,000
Dubra, commis.................................3>000
Lachaut, commis........................3,000
Guéry, commis....................
Nicolas, commis...............................m*
Orsay, commis....................
La Haye, commis...........................1,500
MM. De Coincy, caissier..............................8,000 liv.
De Maronville, contrôleur....................2,200
Maubach, commis..................................2,000
Riot, commis de comptoir.............1,600
Deux, garçons de caisse, à 1,500 livres
chacun..................................................3,000
Tronc, caissier..........................................6,000
Deux garçons décaissé............ 3,000
Delport, caissier..;.;;........................6,000
Deux garçons de bureau......................3,000
Le Roi, caissier....................................6,000
Deux garçons de bureau.......... 3,000
14,100
40,00c
16,800
9,000 9,000 9,000
Total du premier département
201,000 liv.
SECOND DÉPARTEMENT.
GUERRE.
Bureaux de Paris.
M........................ administrateur.
Service et correspondance de l'extraordinaire des guerres.......................
Artillerie et génie.
Ordinaire des guerres.
Maréchaussées.
Visa et contrôle des lettres de change.
Registres, journaux et garde des acquits.. ./
Comptabilité ,
MM. De Pontenoy, chef................................12,000 liv.
Prangey, commis..................................3,500
Violet, commis........................................2,400
Cauchois, commis........................2,400
Quesnon, commis........................2,400
La Guepière, commis..................2,400
Chretiermot, commis............................2,400
De Bourges, commis............................2,400
Rully, commis.../.....,....................2,400
Petit-Mortier, commis.................1,800
Coiguet, commis..........................1,800
Vautier, commis.'............................1 >800
Lemonnier, commis..............................1,500
Douchy, commis. ............1,500
Foûrnier, commis..................................1,800
Cornu, père......................................1,000
MM. Lerminat, commis '.............................4,000
Birot, commis........................................2,000
Louvet, commis.......................1,500
Delima, commis..............................1,800
Blin, commis........................1,000
MM. De La Garde, commis........................3,600
Dil Cayer, commis.......................2,400
Rousseau, commis.........................1,200
MM. Martin d'Ingrande, commis................3,600
Martin, commis................... 2,400
Martin fils, commis—.......................1,000
MM. Cornu de l'Isle, commis......................2,000
Fournier l'aîné, commis........................1,500
Bully, neveu................................1,000
MM. Champiat, commis.......•................3,600
Dutilleul, commis.......................2,400
Garnier, commis................................1,800
Renard, commis.................................1,800
Planchette, commis.... . ..............1,800
Allenet, commis............... 1,800
Wabbrecq, commis-...-........... 1,800
Cornu fils aîné, commis..................1,800
Villers, commis......................................1,800
Goujon, commis...........*....». 2,000
Fey, commis ................. ..........1,200
Feynaux, commis...............................1,500
MM. Milliau, chef.......'.;..,-----------6,000
Forestier, commis..^.............. 3,600
Meslan, commis.,.,.,,.,....................3,000
Poussin l'aîné, commis....,..,.---------3,000
Bourelle de Sivry, commis.......... 2,400
Poussin cadet, commis..................2,400
Plet, commis......................................1,800
Parny, commis.,,..................1,500
Lendormy, commis....................1,800
Fay, commis............................1,200
Chapret, commis...............................1,800
Boutarel, commis..............................1,200
Chrétien, commis ,,.... ..................1,500
Lassinotte, commis.......,................1,200
Griois, commis.........................1,000
Mesplet, commis....................................1,200
Guesdon, commis..........................1,000
Baron, commis......................................* >000
50,000 liv.
31,500
10,300
7,200 7,000 4,500
23,300
36,600
Trois garçons de bureaux à 1,000 livres chacun................................................. 3,000
Total................................................ ....... 185,400
Sur quoi il est juste que M. de Biré supporte la portion de dépenses relatives au travail de sa comptabilité pendant le cours de cette année. Cette portion de dépense peut être réglée à............. 20,000
Rftste pour les bureaux de Paris et le traitement de l'administrateur
(A reporter.), 165,400
238 jAssemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juillet 1790."}
Report.
Trésoriers dans les départements.
165,400 liv.
MM. De Pontenoy, priaeipal..............
Realavne dp Voisine» principal......,
Herquet de Réranger, particulier;
Jehanpet cadet, particulier...........
Gorjop de Vefville, particulier.......
Bertherand, principal...............
Bretorçneau jeune, principal.......
De La Rue, principal...............
Des Champs, principal.... -......
De Haut de Pressensé, principal
Colin, principaj.................y»;..
D'Haupière?, prjncipal...............
Dauvijiers fils, principal.............
Mathis de Chapé, principal........
La Germoni^re de Villejoui, principal.
Fontaine, princjpal..................
Trubesrt, principal..................
De Raismes de Donique, principal....
Godart, pr jppjRal.................••
Collardeau du Haume, particulier.... Tulleler, particulier......v....V•" .•'.'.
Polonùau, prjncipal.....'........
Houssét de Cheville, principal.......
Poulain, particulier....... .*.........
Peimijœuf, prjncipal..........,**!!!!
Rouessart, principal.................
Chauljry, principal..............'.'.".,
De Vernède neveu, principal.........
De Maison-Rouge, principal. Hébert, prinpipal .J.................
Girod de Yiennçy, principal.........
Lamouroux dé Saint-Albénès, princip. Chastpl d'Qizycpurt, pripcipal., Husson de Doigny, particulier
Brodelet, partiQulier. ...............
Couver, particulier.................
Guyot, particulier .................
La Roche, particulier...............
Guinat, particulier..................
Petit-Jean, particulier............. .
Geoffroy, particulier.................
Vagner, particulier..................
De Chastel fils, principal.............
De Brpy, particulier................
Blancpot, particulier................
Gilles, particulier...................
Mesny, particulier..................
Jeannpt de Crochart, principal.......
Fournier de Cologne, particulier......
Martin, particulier..................
Gaumont, particulier...............'.
Bontemps, fils, ' particulier...........
, Le Grand, particulier................
Poustpn, principal..................
Marel de Chausseville, particulier ....
Mene^siet-Duplessis, particulier ......
Moreau, particulier .................
V^rdremarq, particulier............
De Làu, particulier .................
De Haut de Lanus, particulier........
Ramqnt de Pouget, particulier.......'
De Là Bouillerie, particulier.....
De Jqvigny, particulier..............
Paris................................. t. 3,000 liv.
Amiens........................................5,400
Abbèvflle.....i ....................................1,000
Calais, Boulogne, etc.......................................2,400
DoulleUs.............j....................600
Soissons..................................................3,600
Orléans.:.................................................1,500
Bourges.........................................................1,500
Lyon...................................................2,100
Là Rochelle.............. :. : I ; : ^..... :.. 8,000
Moulins.,.................................................1,500
Clermont-Ferrand..............................................1,500
Poitiers.".................................................1,800
Limoges.....................................2,000
Bordeaux............»...................4,400
Tours ....................................................3,600
Auch..l.;...........\....................................3,000
Montauban.....................................................1,500
Châlons......................................................4,000
Roôroy..'...'.........,.............................1,200
Charleville et Méziôres......................................1,800
Rouen..................v..............................4,500
Caen..'.... ............................................3,000
Cherbourg................................................5,400
Alençon...,.,,..,..........................2,400
Renpes,, V..................................................9,5QQ
Aix .............................................................11,000
Montpellier............................................6,000
Perpigpan .,,............ ..............................5,000
Dijon....,.,.,.. I....................... 2,500
Be§arjçpn,...............'.....".'.*.'.'... 7,000
Grenoble ..............................................6,500
Metz..................................................11,000
Sedan.,,,.,..t...............................1,500
.............................................................2,400
Vie..........................................................................1,000
Thionville...........................................1,800
Montmédy........................................................1,200
Phalsbqurg............................................................1,800
Toul..................................................................1,500
Longwy ...................................................1,200
Sarreloqis...........1,500
Strasbourg.................. !........... 11,000
Fort-Louis.................................................1,200
Colmar.,..................................................4,500
Landau..................................................................2,400
Belfort..................................................................1,600
Lille.........:..................................................12,000
Douai....................................................................2,000
Dunkerque. ......'..*..........................................3,008
Arras.. ...........................2,400
Aire.;.............................................................1,600
Saint-Omer...,....... ....................................1,600
Valenciennes...............................10,500
Maubeuge..................................................1,500
Landrecies ................................................1,200
Givet......................................................2,700
Avesnes.............-......................................1,000
Cambrai............,.............'...... 1,200
BOuehain................................................600
Naney.. :.!..,.............................................6,400
Bastia....................................................9,000
Bayonne.:.;.,.............................................2,500
Total du deuxième département
885,400 liv.
TROISIÈME DÉPARTEMENT.
GARILFE,
M.............., administrateur.
Bureaux de Paris.
Dans les ports dp France.
Dans les colonies.
MM. Bizouard l'alné, chef.................10,000 liv.
Brezal, commis....,...............4,200
Paillart, commis....................................3,600
Pezard, commis..,................................3,000
Liévreville le jeuqe, commis..............3,0Q0
Chastelain, commis. '.'.'.'. ".'. *.. '.'.'. 1 ',800
Frpmiot, commis..................................1,500
Fossé, commis......................................3,000
Bruaud, compris..,,,.,,. f.. 1,80Q
Liévreville l'aîné, commis..........1,500
Bazin, garçon de bureau.*.'......... 1,000
Crosnier fils, garçon de bureau.... 1,000
MM. Lemoine, à, Brest...,.,,.................15,QQQ Jjf,\
Pernety, à Toulon................................14,000
Boussard, à Rochefort........................12,000
Sauvé, à Loriept.......................6,000
Chaussé, au Havre.........,,...,, 3,300
Servoisièr, à Dunkerque.............3,300
Vincent, à Bordeaux............................5,500
MM. Bizouard le jeune, à Sl-Domingue.. 12,000 liv,
Levacher, à, la Martinique'.'.'....... 5,000
Breschwelt, à la Guadeloupe....... 4,000
Qeneste, à Cayenne.........................4,000
Perrichon. aux îles 4e Franco et de
Bourbon............................8,000
50,000 liv.
36,000
59,100
33,000
Total du trgisjèwe département.
178,100 liy
QUATRIÈME DÉPARTEMENT.
M........................................................................................... 50,000 liv.
MM. Gislain, premier commis......................10,000 liv.\
Dupin, commis.....................................5,000
. Malessart, commis............ 3,600
Bureau de !a première commission.........^ Lottin, commis......................................3,000 > 26,500
Gauthier, commis..................................2,200 *
Gachet, commisi, i >•>?•,,.. 1,500
Noël, commis.......«..............1,200
MM. Delille, liquidateur...............................5,000 liv.]
. Desrez, liquidateur................................5,000 /
Reconstitution............................} Griois, liquidateur................................2,000 > 15,300
Picot, liquidateur..................................1,500
Maillart, liquidateur............................1,800
MM. Lubin, liquidateur.3,600 liv.
Tulle, liquidateur"."..*.....2,600
Clavier père, liquidatéar...'.'...'.... 3,000
Pensions de service ordinaire..........Lallemant, liquidateur,2,500 l lg 900
A Pasquier, liquidateur,, j,.,........ 2,400 ' '
Harger, liquidateur.'.:;.i.îi!.ïl;! 1,500
Clavier fils, liquidateur..................1,800
Moret, liquidateur..................................1,500
MM. Le Grand, liquidateur..........................4,000 liv.\
Beljambe, liquidateur..........................2,400 I
Amortissement............................} Bourboul^on, liquidateur....................1,500 f n m
) Picheloche, liquidateur........................1,500 f '
I La Pommeraye, liquidateur..;...;. 1,500 \
\ Regnault, liquidateur..................1,500 )
Comptabilité des dépenses autres que cellesl MM. Advenier, liquidateur..........................4,000 liv.) fi
de la maison du roi....................( Trotté, liquidateur........................2,500 J o,ow
( MM. Martinet, liquidateur............................4,000 liv.]
1 Marigues de Romilly, liquidateur... 1,500 f
Comptabilité des pensions................./ Sollier, liquidateur................................2,000 > 10,300
j Dumesnil, liquidateur............................1,600 i
\ Barbier, liquidateur..............................1,200 /
Quatre garçons de bureaux, à 1,000 livres chacun................................................ 4,000
Total du quatrième département................................ 143,900 liv.
CINQUIÈME DÉPARTEMENT.
M........................................................................................... 50,000 lïy
12,700
MM. Jout£, premier commis........... 8,000 liv.}
Chambre des denier*......................{ Papïgny, commis................. 2,000 | 8,200
Beflerille
_ , 1 De La Neuville, commis......................2,000
Tenue des journaux......................j Pourchasse, commis............................1,500
' Mangeot, commis v.............................1,200 /
Gages de la maison du roi, solde de la pré-\ MM. Arnoult, commis..................................3,000 liv.j 4 200
vôté de l'hôtel..........................' Jouty fils, commis............................1,200 1
MM. L'Epinal, commis................................5,000 liv,]
Papïgny, commis..................................2,000
Befleville, commis................................1»200
, . . . , V1 ( MM. Loison, commis....................................f >500 liv.) 6 300
Menus plaisirs et garde-meubles............j piot COmmis..........................................1,800 ) '
( MM. Rougery, commis..................................J.JjJO liv.l
Ecuries et vénerie.........................\ Guérin, commis......................................*,uuu t
( Pérard, commis......................................i,ouu j
„ . , . \ MM. Henry père, commis..............................5,000 liv.j g 50Q
Maison de la reine.........................j Henry fils, commis................................1>500 )
( MM. Fontenay, commis................................3,000 liv.)
Ponts et chausées.................................Dauvergne, commis..............................2,400 | b,t>ou
( Gouliard, commis..................................i,zuu j
MM. Piscatory aîné, commis........................lir.\
Piscalory jeune, commis......................1 >500 J
) Trimery, commis..................................5,000 1 15,800
Dépenses diverses.........................S Rollot, commis......................................2,400 '
Pelet, commis........................................J>®00
Petit-Beau, commis..............................1,200
Trois garçons de bureau, à 1,000 livres chacun.................................................. 3'000
Total du cinquième département........................................ 122,900 liv.
RÉSULTAT.
Premier département............................................................201,000 liv.
Second département..............................................385,400
Troisième département..........................................................178,100
Quatrième département..........................................................143,900
Cinquième département........................................................122,900
Total général.................... 1,031,300
Intendance et ses bureaux......................... 327,500
Il importe au bon ordre des finances, que le Trésor national soit constitué de telle manière que le service des recettes et des dépenses s'exécute avec facilité, que chaque agent connaisse ses devoirs, et ne puisse ni les négliger ni les outrepasser ; que la surveillance soit facile, la comptabilité toujours simple et toujours claire, et la responsabilité tellement établie, qu'aucun malversateur ne puisse se flatter d'y échapper.
Les formes mécaniques d'un établissement de ce genre acquièrent de l'importance et de l'intérêt, et aux yeux du législateur, quand il songe que ces formes sont la sauvegarde la plus sûre à laquelle il puisse confier la permanence et la siabilité de ses institutions économiques. Il est prouvé par l'expérience, que c'est à l'ordre intérieur des livres et des caisses que toutes les grandes affaires d'argent et de crédit doivent leur prospérité. Il est difficile qu'il existe un équilibre constant entre les recettes et les dépenses, lorsque Jamasse des unes et des autres ne peut pas êire embrassée d'un coup d'oeil ; il est difficile que les abus soient toujours éloignés de l'administration, lorsque, dans la forme même de l'administration, on n'a pas fait entrer les précautions qui rendent ces abus impossibles.
Pénétré de ces réflexions, je me suis livré à l'étude des moyens d'organisation qui peuvent convenir au Trésor d'un vaste Empire, et particulièrement aux circonstances où nous nous trouvons : nous avons pour leçons les fautes, sans nombre, des administrations précédentes, nous avons pour guides les maximes de la Constitution.
La nation française a, dans ce moment, deux sortes de recettes : depuis que l'Assemblée nationale a décrété quelesdomaines nationaux seraient mis en vente, le produit de ces ventes forme, et continuera de former pendant plusieurs années, un objet de recette important. Ges rentrées et celles qui proviennent de la contribution patriotique ainsi que des dons faits par les citoyens à
la patrie, n'auront lieu que passagèrement ; elles composent la caisse de l'extraordinaire.
Le produit desimpôts fournit une autre branche de recette. Et celle-là quoiqu'elle doive varier pour la quotité, suivant la uature des besoins, est constante et habituelle; sur elle repose à jamais la force publique nationale.
Il me paraît important de ne pas confondre,dans le même réservoir, le produit de ces deux sources de richesse; sausdoute, elles appartiennent toutes deux à la nation, puisque l'une provient de l'aliénation de ses domaines, et des efforts extraordinaires qu'elle s'est commandés pour le salut de la chose publique ; et l'autre, des prélèvements habituels qu'elle s'est imposés sur sa propriété et du revenu des domaines qui ne sont pas encore aliénés. Mais les recettes extraordinaires ne doivent pas être consumées à des dépenses d'administration ; l'ordre et l'économie nous font une loi de les considérer comme des capitaux, et de les employer à éteindre des capitaux de dettes, dout les intérêts pèsent annuellement sur l'Etat, ou dout la justice exige impérieusement le remboursement.
Le moyen le plus sûr que cette distinction soit constamment observée, c'est de distinguer la caisse des recettes ordinaires d'avec celle des recettes extraordinaires, et de les soumettre à des ordonnateurs différents. Par ce moyen chacun d'eux emploiera les fonds dont il dispose aux seuls objets pour lesquels ils sont destinés ; et si des circonstances urgentes pouvaient ordonner quelque revirement, il ne s'effectuerait jamais, sans un décret exprès du Corps législatif, qui ne sera pas prodigue de semblables dispositions.
Je ne traiterai donc point ici de l'organisation de la caisse de l'extraordinaire. Tout ce qu'il m'importe d'établir à son égard, c'est la nécessité de la tenir séparée de ia caisse ordinaire, afin de mettre un obstacle de plus à la tentation de confondre la consommation des capitaux avec celle des revenus.
Je ne m'occuperai pas même en ce lieu, de ia question de savoir où les revenus des domaines nationaux doivént être versés, jusqu'au moment de leur aliénation. Leur qualité de revenus semble les destiuer à se confondre avec les autres sommes de même nature dans le Trésor national, pour y acquitter des dépenses annuelles.
D'un autre côté, leur décroissance progressive en ventes qui transporteront chaque jour quelque nouvel immeuble aux acquéreurs ; la difficulté de séparer l'intérêt d'avec le capital lui-même, soit dans les reconnaissances des municipalités, soit dans les annuités des particuliers qui auront acquis à terme ; l'embarras d'imposer aux districts une comptabilité double, et une double correspondance relative aux domaines, l'une avec la caisse de l'extraordinaire pour le prix des ventes, l'autre avec le Trésor pour le prix des baux et revenus : toutes ces raisons réunies peuvent faire rejeter à la caisse de l'extraordinaire la totalité des recouvrements qui concerneraient les domaines nationaux ; et alors cette caisse, déjà chargée du remboursement graduel et successif de la dette non constituée, verserait en masse les revenus des domaines au Trésor public, jusqu'au moment de leur aliénation. Mais je n'ai pas besoin d'approfondir ces questions, parce que quelque détermination que l'Assemblée nationale adopte à ce sujet, elle s'effectuera sans difficulté dans l'organisation que je propose. Le Trésor national de ia France ne doit pas être constitué sur des combinaisons resserrées dans
une seule hypothèse il dôit être eâpablë d'exécuter, toutes les combinaisons que leS législateurs de cet Empjré pourront varier et modifier à l'infini, suivant la loi momie des événements ët dëS circonstances.
Le Trésor nabonal doit être le centré dû .tous les revenus de l'Ëtat doivent aboutir, ét d'Où ils doivebt se répandre sur là surface dë l'Empire pour y acquitter toutes les dépensés hêcëssstlfei au Donneur commun : la quotité dë. ceS revenus ne peut être déterminée qtie par ie Co'rps.législatif ; elle lui est indiquée par la sommé dës bësdiilS; il règle également et les uns ét lës autres, c'ëst-à-dire qu après avoir examiné quelles soht lës dépenses nécessaires au gouvernement, ët .après en avoir décrété 1 étatsayec iihë sévère écohbmie, il détermine les sacrifices que le biën générât commande à chaque citoyen.
Lever l'impôt sur les contribuables est la fonction des qorpS administratifs ; c'est par ëiix que le pouvoir exécutif remplit cette importante partie de ses obligations.
Il est également du dëvdir du pouvoir éxêcutif de recueillir le produit des impôts dans le Trésor de la nation, de veiller à l'exactitude des rentrées, de presser les recouvrements tardifs, et de lëvêr les obstacles de tout gënre qui pëuvent obstruer les canaux de là richesse publique.
Il est,encbrèaii nombre des devoirs du pouvoir exécutif, dç faire que toutes ies dépenses soient acquittées hdèlement et sànS délai, sans excéder la mesure qui a été réglée par le Corps législatif, ët sans exposer les individus à souffrir deT'ihe^ê-cutiod des engagements que la société entière a contractés envers eux. Mais, tandis que le pouvoir exécutif agit ainsi dans la direction qui lui a été imprimée, il est au devoir des représentants de la nation de Surveiller toutes ses opérations avec une infatigable, vigilance, et d'exercer avec sévérité les droits, de la responsabilité contre les agents où dépositaires infidèles qui auraient compromis le Trésor.national.
Tels sont lès principes généraux qui m'ont paru dériver de ^ensemble de la Constitution et de la division des pouvoirs qu'elle a ponsacrês dans toutes les parties de l'administration. 11 n'est pas nécessaire au plan que j'ëmbrasse, de discuter si radmihlstration dès finances doit être coudée à un seul ministre, ou doit être conduite par uh conseil de trésorerie composé de plusieurs commissaires: et, pour simplifier les idées que j'ai a présenter, j'éviterai d'abord toutes les questions qui ne sbpl pas nécessairement liées avec l'objet que je traite. Je me servirai partout de cette expression générique.: I ordonnateur des finances, parce qu'elle peut s'appliqufer également au ministre, qui réunirait daqs sa main tout le département, et aux commissaires dont les fondions se bornent à surveiller le Trésor public.
Quelques personnes ont pensé que la manière la plus simple de constituer cé Trésor serait de le composer d'une caisse unique, dans laquelle toutes les recettes viendraient se confondre, et de laquelle sortiraient toutes les,sommes employées en dépenses ; l'extrême simplicité de cette idee a quelque cho§e de séduisant. On aime à voir tous les revenus d'une grande nation, concentrés dans uh seul point, se régir et se distribuer comme un particulier distribue et régit les fonds qui composent sa fortune. Mais il faut bien se garder d'embrasser, avec une aveugle confiance, les mesures d'une.apparente simplicité; il n'en résultait dans l'exécution que complication et obscurité.
L'immensité des recettes, l'extrême multiplicité des dépenses exigent des précautions extraordinaires ; et ce qtii peut offrir dë§ Résultats clairs dans une caisse dont les proportions sont plus réduites, n'offrirait, qu'un chaos îrlêltrlcàble au milieu du mouvement ëffrâyâht d'une recette et d'une dépense de 6410 millions de revenus. Les âbUS së càcbëfaieht avec habilité dans une manutention trb|) êtëhdlie ttôltf tlti'ud feêtll fcoup d'dbil pût i'ëmbrâSSéh Il eh est des opérations vâstes comme des idées complexes : ce n est qu'en les divisant qu'on peut en. saisir tous les rapports, en comparer toutes les parties, étl vérifier tous les éléments.
Un administrateur uni^Uëqiii régirait dnë Caisse unique, tout à la foià dépositaire dë l'Universalité des deniers, ët distributeur dë l'uiliVénalité des payements, ne pouvant être forcé ibUr par jdUt* de compter sur pièces, pourrait aisément jouir des deniers nationaux, et lës appliquer Idtiâlemps à ses spéculations particulières avant qu'on put le convaincre de cës jeux de caissë, si sbUVent préjudiciables à l'intérêt public. Dès bordereaux fictifs, mais dont, là fausseté sëbàit impossible à prouver, couvriraient ce genre de déprédation obscur et dangereux qui expose lë patrimoine dé l'Etat à toutes les chances que l'avidité et i'imprlidënce peuvent faire braver par iin déijôSitïlire infidèle. Cjn a beau compter sur des VérilicàtiOns journalières, c'est se reposer sur un liibyeti de vigilance trop difficile à mettre en pratique, trop facile à élucider..
La diVisiod des caisses peut sëillè prévenir cës inconvénients : séparées, elles së Cohtrôjëht l'une par l'autre; lpurs pOrdereâux leé dëhdbbéUl mutuellement s'iîs diffèrent j les justifient s'ils se rapportent exactement Alors la tentation même d'abuser est repoussé© par là certitude de de pouvoir abuser impunément; alors là Vaste macnine du Trésor riational acquiert une Simplicité Vraie, parce que tous Ses mouvements sont distincts, parce que toute son action s'aperçoit, parce que l^us ses rouages.sont à décodyèrt ; alors les plus légères difficultés frappent un eau attentif, et le remède est toujours près du mal, qiiànd lë mal ne peut pas être dissimulé.
Tel est l'avantage (Jui doit résulter ja jjjg. tinction des caisses. Celle qui reçoit des deniers par une infinité de canaux, cëllé dont leâ teintions et les comptes ouverts sont multipliés par le nombre.des. corps administratifs et des régies qui recueillent les deniers publics në doit présenter de détails qUë ceux des vérséifients qu elle reçoit; cës détails ne produiront jamais d'obscurités quand ils Seront tous en recette, parce qu'il Suffira d'additionner les recettes pour saisir la totalité deâ opérations de la eaiBse et connaître sa Situation effective. L'erreur, qui ne se glisse jamais qu'à là faveur Uë la complication, trouvera difficilement piâçë dans Uflë Comptabilité qui n'offrira pour balance, à beaucoup d'articles de recettes qu'un seul article de dépenses.
La eaiBse des dépenses* au contraire, celle qui doit payer à une inlînité de parties prenantes, ne saurait recevoir, avefc trop d'unité, le dépôt qu'elle aoi.t subdiviser à l'infini dans sà distribution.
Én unmot, lë principe tjui doit êtïlaircir toute comptabilité, est de .ne souffrir Jamais qu'une multitude d'articles de recettes puisse se rencontrer avec une multitude d'articles de dépenses, et de séparer tellement les deux fonctions essentielles du Trésor liàtionâl, que l'une des deux fàssë rejSumr SUP l'attiré la lumière de sou ex*-trême simplicité.
On trouvera peut-être gUe j'ai porté jusqu'à l'èXcèSla strUpUlëtiSe application de te principe mais s'il ëst bon, s'il est Vrai, â'il ëstUSUèl, soti application rie salirait être trop rigoureusement suivie;
Je proposé t|uë là câiSSe des recettes soit ndii seulement dispensée de tout pâyement de détail, niais ènéorë assujettie â île faire jamais dë vëf-sement qu'à Une seule ët ifiéibë caisse, afin de û'avdlr jamais tjli'un seul dompte de dépense, dit plutôt dë versements en masse.
Il est nécessaire que là distribution des dépendes publiques sdit divisêë ëhtre plUsieUrs payeurs distincts. La département de là èuërrë ou de la mariné offrent chacun assez dë délai lé pour1 occuper uh trésorier. La lléte tivile doit aussi avoir le sien. Lë payement dès déniées dë Cëtlë listé n intéresse là Uatioh que quant â sa tuasse ët bon pas quant à sa distribution. Il fàUt Utt autre département {Joui* lë payement dë plusieurs objets compris daUS là ClaSse de dépensés diverses, ët pour l'acquittement des intérêts dë là dette publique.
Mais ibib u'actoraer à chacune dë ces tâiSSëS udë Çbrrëspôûdàticë directë avec cëllë à laquelle ëbduilgéënt tous leS revenus, jë Voudrais que le |râfid réservoir Universel dëS deriiëfs UàtiottaUX ne connût autifi seiil écoulement et ne s'oUVrît jàmàls pour VerSer àUcUn fofldfe qtië dàns la calêSe' principale deS dépenses. Quâtrë comptes OUVëHs dë Versement ehtrë là baisse des revenus ët les qilàtre trésoreries exigeraiedt déjà Uh ràp-prdchëment, une opération complexe, pour Vérifier les énoncés dë l'administration de là Caisse |ul rëVeUUs, ët S'asSufér dë Sâ sithâtioh effective, tes fàpprobhëfheiits les plus Simples Sont Souvent négligés, èt t'est cdfitrè cëttë forcé d'ihertie qUë nôUs aVonS â MémUmi* la fortune nationale.
Là CdrrespohdaUCe seule àVec là caiase de la liste CiVîlë, sûr les itttériëufëS de la quelle la nation n'a pas de surveillance, suffirait pour embrouiller toilië la comptabilité.
J'ai dû prévoir cët ihcônvéfliëfit et h'ai pas dû l'iîitroduirë dans là Constitution du Trésor national ; je h'ài pas crU devoir composer avec le irinêrôe, ni compter avec dës remèdes accessoires, quand je poilvais pfëVehir le mal dans sa source. Cependant i'ôffrirai, dàùs le corps de Ce projet, un bureau central de comptabilité, dont je më promets lës plus hëureUx effets, pour là comparaison des Opérations corrélatives de toutes les caisse! du Trésor national. Si quelque moyed peut être ëfficace pour réparer les inconvénients de diviser en plusieurs branchés là sortie des deniers réunis dàns là Caisse générale des recettes, c'est un bureau central de comptabilité auquel tous lés trésoriers fourniraient, jour par jour, des états au vrai de lellfs opérations. Ce bureau serait donc spécialement chargé de ces rapptoche-riîents dont jé redoute ià nécessité, parce que jé trains qu'on n'en néglige i'usâgë. Ce bureau pourrait donc fendre plus tolérâMes les versements directs de là, càiSSe des retëttes dàns Celle de chaque trésorier payeur, pourvu toutefois qu'on en ëXceptât le trésorier de la liste Civile, lequel ne pourrait jamais, dans aucun système, tirer ses fonds que de là caisse des dépenses : autrement toute clàrtê dans lës comptes journaliers Serait à jamais perdtie ; car lë bureàti central dé comptabilité n ayant pas le droit d'exiger les bordereaux des payements journaliers faits par la liste civile, et les représentants de la nation né pou-vatit jàthais faire Vérifier cèttte caisse puretheut royale, sa correspondance avec la caisse des re-
cettes poiirrâit tôuVHr les Virements les plus frauduleux;
J'achèverai dé ti'âcër' ici les fonctions qde jë destine à Ce bureau Centrai. Sofi noni indique déjà sa dëstinatiod; TOUs les genres de comptabilité lui sont dévolus. La comptabilité joUrnàhère par bordereaux tldlt lui 6trë présentée dë la part de toutes les baisses : il doit comparer les bordereaux, les verifiër, ët* s'il s'y troute des différences, en éclaircir les causes et les mettre en évidéheé. Chaque mois l'opération journalière doit être remise ëh un tai>lëàUj ët résumé dans Un rapprochement général. Uh relevé anHuel doit encore refohdré les comptes partiels et des jOUrs ët des mois. Enfin: lës comptes Sur pièces dë Chaque administrateur ët dë Chaque trésorier doivent aussi, CHaqUe adiiéë, se rapporter à ce centre Commun : leur rapprochement avec les comptes "par bordereaux, qu On à dû fourbir chaque jour, chaque année, èët Une première critique du Compte sur pièces de 1'àhnéë; qui, àprès avoir SUbi cette épreuve, ët aVOlr été réuni en un sëul corps, doit enfin passer du burëaU central, aVec ses observations, dans les mains de là législature, à qiii seule appartient lë droit de le recevoir et de te manifester à la nàtiOti.
Telle est l'idée qhe je ine suis formée d'un bureau centrât de comptabilité. Toujours ouvert à chaque administrâtes et trêsdriër des caisses nationales, il doit être plate hors de lëur dépendance particulière, Solllbilëf sans Cesse leurs déclarations, lés recueillir et les enregistrer, comparer leur euncordaticëj opposer leUrs diversités, offrir, aUx yeUx de l'ordOhnàteUr des fihances ëf à la VigilàbCë suprême de l'Assemblée nationale^ des moyen! continuels d'inspection et de vérification. Utile aU rapprochemedt de là comptabilité; préparant des discussions sàns lesquelles elle n'est qu'une forme oiseuse, ce bureau remplacera les avantages imaginaires de l'Unité, par ies avantagés réels dë là Cfentralité : il présentera tout à la fois dës résultats clairs, parce qUe la division des Objëts eh produira la netteté] des résultats vrais, parte que là Comparaison déS énoncés eh fera voir l'identité, et qu'il n'appartient qu'au vrai de në jamais se Contredire; eniîfl, ce bureau présentera des résultats complets, parte que l'universalité dës recettes effectives et la généralité des payemeilts exécutés y seront toujours réunis soUs Uh mémë point de Vttë, et facilement confrontés avec lës recettes etleS dépensés dout doit être composé l'actif et lë passif de Chaque année.
Ainsi la situation au Vrai du Trésor public* ne Sera plus ni un problême> ni uh mystère; ainsi le crédit national aura des bases Solides, réelles et connues; ainsi, chaque citoyen, en acquittant sà part des contributions, pourra s'assurér que le prix de SOU Sacrifice h'ëst point détourhé dë là destination utile à laquelle 11 a voulu le consacrer.
Cette destination eihbrasSè là totalité deë dépenses que l'Assemblée nationale a assignées aux divers départements. Mais à là tête dé dës dépenses, il convient de placer le pavement des intérêts de là dette publique; car la nation, ddttt la bonne foi n'est pas diffêrehte de celle des partiëuliers, n'a de revenus disponibles qu'après s'être acquittée envers sës créanciers dës ihtérêts qu'elle leur a promis.
Les intérêts dè la dette publique ttbn coûstitUéé fie figureront quë bien peu d'instants dans les comptes de la nation : le remboursement du capital de cette dette, décrété par l'Assemblée nationale, et assigné sur le produit de la vente des domaines nationaux, fera disparaître cet article
passager de dépense, quelle que soit la caisse qui doive être chargée de l'acquitter tant qu'il subsistera; mais le payement des intérêts de la dette constituée, qui doit être permanent, est celui qui sollicite le plus essentiellement l'attention de l'Assemblée.
Le payement des intérêts de la dette constituée s'élève à 160 millions environ, dont 100 millions en rentes viagères, et 60 millions en rentes perpétuelles.
Aucune partie du Trésor national n'exige plus impérieusement une réformation, que la manière dont s'effectue aujourd'hui le payement de ces intérêts. Le payement annuel de 160 millions environ, dont 100 millions viagers, décroîtront avec cette rapidité accélérée qui moissonne les générations des hommes, est égrené entre quarante payeurs; en sorte que, réparti également entre chacun d'eux, un trésorier-payeur n'est employé qu'au maniement annuel de 4 millions environ.
Qu'on y joigne 16 à 18 millions de pensions et d'indemnités, et chaque payeur aura environ 4 millions et demi à distribuer.
Il est difficile d'imaginer une bizarrerie tout à la fois moins économique et moins constitutionnelle; car ces fonctionnaires, si peu occupés, sont revêtus d'offices formés en titres et héréditaires. La manie de créer des offices pour les vendre était nécessairement liée, dans l'ancien régime, à la frénésie d'emprunter et de dissiper. Les ministres non contents de corrompre, par cette institution, la pureté de toutes les fonctions publiques, en vinrent bientôt à imaginer des fonctions et des titres, uniquement pour les offrir à l'enchère. Le titre de payeur des rentes était un titre inutile ; il n'en parut que plus facile d'étendre sans mesure ce qui existait sans motif : les intérêts de la dette constituée étaient moindres sous le ministère de l'abbé Terray, qu'ils ne le sont devenus aujourd'hui, par la circulation de plusieurs emprunts viagers. Cependant on était arrivé, ayant confiance en lui, jusqu'à la création de soixante-dix offices formés et héréditaires de payeurs des rentes. L'abbé Terray eut quelque honte de cette foule : il supprima quarante payeurs d'un trait de plume, et le service n'en souffrit pas ; ou plutôt, il continua de souffrir du nombre encore immodéré de ces agents superflus. Ën 1786, l'acquisition de Saint-Gloud força le ministre des finances à imaginer un expédient pour se procurer des fonds : aussitôt le ministre ne manqua pas de trouver que dix payeurs des rentes de plus étaient essentiels au service des créanciers de l'Etat, et dix nouvelles finances, de 600,000 francs chacune, apportèrent au Trésor royal la passagère ressource de 6 millions, qui laissèrent après eux, l'éternelle surcharge de 300,000 livres d'intérêts, et de 150,000 livres de traitements inutiles, en comprenant ceux des contrôleurs.
Car chaque payeur des rentes jouit, outre l'intérêt de sa finance à 5 0/0, d'un traitement de 15,000 livres, qui a été réduit à 12,000 livres, tant pour lui que pour ses frais de bureau. Il pèse en outre sur le public d'environ 12,000 livres, par les frais d'immatriculé qu'il est autorisé à percevoir.
Au moyen de cet avantage, dont il jouit, 11 est autorisé "à regarder la fonction de payer 4 ou 5 millions des intérêts de la dette nationale, non seulement comme un devoir qui lui est imposé, mais comme un droit dont il a la propriété (1). Mais l'esprit de la Constitution a déjà
frappé cet abus à la racine; il a déjà rélégué, parmi les erreurs de l'ancien régime, ce langage de propriétaire, par lequel il semblerait que la nation appartînt à ses fonctionnaires, et non pas les fonctionnaires à la nation, et ce système proscrit n'a même plus de défenseurs.
A propos du principe constitutionnel, qui a détruit la propriété et la vénalité des fonctions publiques, votre justice a placé la promesse du remboursement des offices que vous ne devez et ne pouvez plus souffrir, et votre sagesse en a indiqué les moyens, en assignante l'extinction de ces capitaux, le produit de la vente des domaines de la nation. Ces capitaux produisent des intérêts aux parties qui les ont fournis, ils leur procurent en outre un traitement: rembourser ces capitaux c'est donc une bonne opération de finance, autant qu'une conséquence nécessaire delà Constitution.
Je compte au nombre de mes plus pénibles devoirs, celui de proposer une opinion qui entraîne la suppression d'une compagnie pour laquelle je professe sincèrement la plus haute estime, et dont plusieurs individus m'ont honoré de leur amitié. Aucune compagnie de finance n'a mérité plus d'éloges, et n'a montré plus de modération que celle des payeurs des rentes;mais non seulement leurs offices formés et héréditaires sont inadmissibles dans la Constitution, mais encore leurs fonctions me paraissent tout à fait oiseuses; et, pénétré de cette conviction, je ne puis être arrêté par aucune considération qui m'empêche de la développer. Je suis fortement persuadé qu'un seul trésorier, à l'aide d'un bureau bien organisé, tel que celui dont j'offrirai l'état, pourrait exécuter le même service, avec plus d'économie, avec plus de commodité pour le public, avec autant de sûreté. Je pense que leurs offices, imaginés par le seul besoin de créer des charges vénales, doivent disparaître au moment où la raison prend les rênes du gouvernement, et où l'ordre préside aux finances.
Qu'il ne faille pas quarante payeurs pour payer 180 ou 200 millions, c'est ce que je me crois dispensé de prouver. Autant vaudrait-il s'attacher à démontrer qu'il ne faut pas cent vingt trésoriers pour la totalité des dépenses publiques : en vain objecterait-on qu'il y a des vérifications à faire pour reconnaître la propriété des parties prenantes, dont le nombre est très multiplié. Tout le monde sait, à Paris, que cette occupation est bien loin de remplir, pendant tout le cours de l'année, les loisirs d'un payeur de rentes. Tout le monde sait qu'un bien petit nombre d'entre eux a fait précéder le choix de cet état, par des études relatives aux questions de propriété.
MM. les payeurs de rentes n'ont rien à décider entre parties qui se contestent la propriété d'une créance sur l'Etat; ils n'ont qu'à vérifier ies titres non contestés, qu'une partie présente à l'appui de la propriété qu'elle réclame. Cet examen qui n'a lieu qu'à chaque mutation, peut être, avec autant do sûreté, confié à un bureau soigneusement choisi, composé, si l'on veut, d'hommes de lois, d'hommes exercés par l'habitude dans la connaissance de tous les actes, et de toutes les transactions translatives de propriété.
La nation a assez prouvé qu'elle ne regardait pas la vénalité comme une caution suffisante de fa capacité des fonctionnaires publics; et la ré-
ception d'un payeur des rentes n'a jamais été ac- ' eompagnée d'aucune des précautions qui pouvaient épurer en quelque sorte les choix fournis par les chances de la vénalité. 11 n'y a donc nulle raison de craindre qu'on ne puisse pas monter un bureau de vérification, capable d'offrir au public autant de motifs de confiance, que les payeurs de rentes pouvaient en inspirer par leurs lumières.
Leurs cautionnements consistant dans leur finance et dans celle des contrôleurs (officiers aussi nombreux que les payeurs des rentes, et encore plus utiles) seraient-ils des gages nécessaires à la sûreté des deniers de l'Etat? Mais les contrôleurs, non plus que les payeurs, ne sont pas solidaires les uns pour les autres, et la somme des deniers qui passe entre leurs mains, excède de beaucoup le cautionnement sur lequel on voudrait faire résider la confiance publique; et si les deniers de l'Etat ne pouvaient être mis en sûreté que par des cautionnements, ce serait trop peu faire pour un si grand intérêt, que d'appliquer cette méthode seulement à 160 et quelques millions:il conviendrait encore de l'étendre au surplus des sommes beaucoup plus considérables, destinées aux frais de l'administration et des départements.
Les quarante payeurs des rentes, quelque sol-vables,et surtout quelque intègres que j'aime à les reconnaître, ne font qu'offrir une complication de plus, un rouage de plus dans la machine du Trésor public, et conséquemment une chance de plus pour la déperdition des fonds publics, sans rien diminuer des dangers que l'on suppose à craindre entre les mains d'un administrateur : car soit qu'ils tirent directement leurs fonds de la caisse des recettes, ce qui serait très vicieux, parce que cette méthode compliquerait beaucoup la comptabilité de cette caisse, soit que les fonds nécessaires à leurs payements leur soient distribués par la cuisse des dépenses, ces fonds auraient toujours passé par les mains d'un administrateur.
L'introduction des payeurs des rentes entre le Trésor national et le public n'est donc qu'une machine de plus, un danger de pins, un frottement, une lenteur dé plus dans une organisation dont les mouvements ne sauraient avoir trop de promptitude ét de simplicité.
Cependant les payeurs de rentes et leurs défenseurs cherchent à multiplier les craintes pour rendre de la faveuràleur cause. Quand une forme d'administration choque les idées les plus naturelles, par sa complication, par sa cherté, par l'embarras qu'elle jette dans la comptabilité, il faut bien lui chercher un prétexte dans la sûreté, et ne pouvant espérer de convaincre les bons esprits, fâcher de les effrayer, en leur annonçant que tout autre système exposerait l'Etat à payer quelquefois indûment, à prendre de faux créan-cierspour de vraies parties prenantes, et, par conséquent, à payer deux fois : mais cette frayeur si étrange a-t-elle donc quelque fondement?
Plusieurs Etats de 1 Europe, tels que l'Angleterre et la Hollande, ont aussi une dette publique constituée, et n'ont pas cru devoir se munir d'une foule de payeurs des rentes pour l'acquitter; ils payent tout à un même centre, ét ne payent pas deux fois; et, sans chercher si loin des exemples, il a existé à Paris une trésorerie de payement d'arrérages, qui payait environ 24 millions par années et l'on ne croit pas que, dans l'espace de: vipgt ans, il s'y soit fait un seul payement à une partie non propriétaire. De telles erreurs sont si faciles à éviter qu'un peu d'atten-
tion suffit pour s'en préserver constamment. Les titres de propriété, qu'une partie est obligée de produire dans le cas de mutation, , dénonceraient les droits du vrai propriétaire et démasqueraient l'usurpateur. Il faudrait donc que celui-ci, après avoir réussi à se procurer des contrats au préjudice du possesseur légitime, parvînt encore à effacer des titres de propriété, des testaments, des partages, toutes les traces de son usurpation. Rien n'est plus difficile à supposer qu'une réunion de circonstances qui fasse entièrement disparaître les caractères de la vérité, ou plutôt qui les ressemble tous en apparence, en faveur* de l'injustice et de la mauvaise foi : c'est créer des chimères pour s'en effrayer soi-même.
Au surplus, si la sagacité des payeurs des rentes et l'attention de leurs commis suffisent pour démasquer ces fraudes et pour les rendre impossibles, des commis-liquidateurs et vérificateurs, passant leur vie à de pareils examens, choisis parmi les hommes les plus exercés à de sembla* bles questions, y apporteront-ils moins de lumières et d'intelligence ? Mais, dit-on, c'est le cautionnement d'un payeur des rentes qui assure les deniers publics, et la vigilance du payeur, par son propre intérêt. Si l'Assemblée nationale n'a pas proscrit, sans retour, le système des cautionnements, celui d'un administrateur du Trésor national peut être double ou triple,de celui d'un payeur des rentes, et c'en est assez pour le lier aussi fortement, par son intérêt, à l'exacte inspection des titres sur lesquels il fera ses payements. Mais c'est un bien faible argument que celui des cautionnements; car si l'Assemblée, persistant dans ses précédents décrets, regarde ces énormes avances, dont la nation paye l'intérêt aux financiers, bien moins comme un gage qui les attache à son service, que comme un lien qui l'asservit elle-même à leur ministère onéreux ; sf elle redoute ces prêts faits à l'Etat, comme un obstacle invincible à l'abaissement de l'intérêt de l'argent; si elle les repousse comme autant dè fonds soustraits à l'acquisition des domaines nationaux; si, en un mot, elle continue à prescrire les cautionnements en argent, alors la vaine, l'imaginaire responsabilité des payeurs des rentes s'évanouit tout entière, et cette frivole raison, inventée par eux pour tâcher de paraître utiles, n'offre plus même le plus léger prétexte à invoquer.
Mais ce qui n'est pas imaginaire, ce sont les lenteurs, les difficultés, les entraves de tout genre, qu'une trésorerie, divisée entre quarante bureaux indépendants, apporte au service public. Cet ordre de choses est-il celui qu'indique la raison ? A-t-il jamais été imaginé pour la sûreté de la Dette, ou pour la promptitude du service? N'est-il pas clair, au contraire, que cet -abus est un enfant de la vénalité? Si cette manutention n'existait pas, viendrait-il dans l'esprit de quelqu'un de l'établir, et sur quelle théorie pourrait-on l'appuyer? Qui ne sait que l'unité doit présider partout où l'action ne saurait être ni trop simple ni trop prompte; qujl y a une économie sensible et de temps et d emplo3'és à réunir, en un seul, quarante établissements homogènes: que, dans tous les détails de l'administration, il faut un seul chef et des coopérateurs subordonnés, et non pas quarante chefs, étrangers les uns aux autres ; que quatre commis laborieux font plus d'ouvrage que quarante particuliers riches, indépendants, répandus dans ia société ?
Puisque le devoir des législateurs est de toujours prévoir les malversations, pour leur oppo-
ser toujours des barrières, serait-il chimérique de craindre qu'aux lenteurs introduites dans lé payement de la Dette publique sur l'emploi d'un agent superflu, il se joignît quelquefois des lenteurs inspirées par l'intérêt personnel des payeurs eux-mêmes?
C'est avec raison que des formes rigoureuses sont exigées dans les quittances produites par les parties prenantes ; mais de la rigueur juste autant que sévère, à la chicane minutieuse, l'intervalle est étroit, et l'intérêt personnel peut aider à confondre l'une avec l'autre. Une objection quelconque, de la bonté de laquelle le payeur seul est le juge, ou du moins qu'on ne pourrait lever juridiquement qu'avec beaucoup de temps, d'avances, et sans répétition définitive de frais, peut facilement reculer de quinze jours ou d'un mois le payement de quelques articles de rentes, et procurer ainsi au payeur quelques jouissances de fonds peu considérables, peu lucratives, à la vérité, mais secourables quelquefois dans un moment de pénurie.
On n'a pas de tels inconvénients à craindre dans un bureau de vérification sagement organisé; les commis, qui examinent les quittances, sont parfaitement étrangers à la Caisse et indifférents au séjour que les fonds peuvent y faire. La caisse elle-même ne recevra de fonds que d'après les demandes effectives des rentiers constatées par la remise de leurs quittances trouvées suffisantes. Au commencement de chaque jour on pourra dresser l'état des payements, et clore et remettre le soir l'état des payements effectués. Le compte du payement des intérêts de la Dette sera à jour, comme l'état des payements d'une grande maison de commerce; et si quelque retardement pouvait se faire ressentir aux échéances de payement déterminées par le GorpS législatif, ce serait un grand bien, dans une telle crise, que d'empêcher le Trésor public de pouvoir dissimuler son embarras, comme on ne manquait de le faire quand il existait un intermédiaire entre ce Trésor et le rentier. L'administration accusait alors les payeurs, et ceux-ci rejetaient là faute sur l'administration; on prolongeait l'attente du public dans cette incertitude, et les palliatifs survenaient sans que la cause du mal eût été éclairée, ni ses retours prévenus pour l'avenir.
Céssons donc de chercher à nous persuader que la confiance publique ait pris pour basé un vice d'administration si manifeste, qui consiste à confier à quarante payeurs, à quarante contrôleurs et à quarante bureaux, ce qu'un trésorier et un bureau bien organisé peuvent exécuter d'une manière bien plus commode pour les rentiers.
Le citoyen qui possède, quoique avec une très médiocre fortune, huit ou dix parties de rentes sur l'Hôtel-de-Ville, peut -avoir affaire à huit Ou dix payeurs différents ; chaque rente exige de lui l'accomplissement des même3 formalités; chacune exige une quittance séparée, l'oblige au dépôt de cette quittance, l'expose à la voir rejetée au rebut, pour l'oubli des plus insignifiantes formalités, le contraint à aller s'informer des raisons qui ont motivé le rejet de sa quittance, à la rectifier, à la reproduire et à multiplier ces opérations et ces démarches autant de fois qu'il possède de contrats différents. Survient-il une mutation, il faut à chaque payeur une justification séparée, et tous les payeurs n'ont pas la même jurisprudence; ce qui paraît suffire à l'un ne satisfait pas son confrère, plus circonsr
pect que lui ; aussi presque aucun citoyen, quelque temps qu'il ait à donner à ses propres affaires, ne peut-il percevoir ses rentes pâr lui-même; il faut qu'il emploie des intermédiaires et qu'il sacrifie une partie de son revenu à soudoyer leur entremise; et ce serait là cet ordre de choses auquel on croirait le crédit de nos reates attaché 1 Disons plutôt que, si le crédit subsiste malgré tant d'abus, tant de gêne et de défectuosité, le crédit prendrait un tout autre essor sous une forme de payement plus simple et plus avantageux aux parties prenantes. Qui est-ce qui n'aimerait pas mieux justifier à la fois, et par une seule production de sa propriété, que d'avoir dix fois à remplir cette formalité pour une même succession ?
On vous fera des peintures alarmantes de l'effroi que jetterait dans tous les cœurs des rentiers l'affranchissement de ces entraves. On vous peindra des femmes tremblantes pour leur dot, des filles pour leur légitime. J'ignore si cette peinture n'est pas entièrement fantastique ; s'il est quelques personnes assez instruites, assez peu confiantes dans la sagesse de vos: décrets, pour s'alarmer du bien que vous pouvez faire, et recevoir en tremblant les dons de votre patriotisme, . les fruits de votre économie, les effets de cet infatigable courage qui a frappé tous les abus; mais je sais que celUi-Ci est senti par tous les pères de famille, par tous les rentiers qui ont réfléchi sur leurs intérêts, et qu'ils en attendent de vous la réformation. Tous s'attendent que le Trésor public, unique dépôt des revenus de la nation, ne renverra plus à quarante payeurs l'acquittement journalier des intérêts de la Dette publique, et tous se promettent que cette simplification désirée rendra leurs démarches plus faciles, les formalités plus simples, les payements plus rapprochés.
L'Assemblée nationale, dépositaire de la plus haute confiance qu'une nation ait jamais accordée à ses représentants, ne peut y répondre qu'en cherchant, dans tous ses travaux, à s'approcher de la perfection, et, lorsqu'elle ne peut y atteindre tout à coup, elle doit au moins commencer l'ouvrage, ouvrir la carrière aux législatures suivantes et leur en marquer le terme.
C'est .ainsi qu'elle me paraît devoir tendre à simplifier la dette constituée, en la réduisant, volontairement et sans contrainte, à un même titre et à un taux uniforme d'intérêt.
En la réduisant à un même titre, on détruira cette nomenclature barbare, énonciative d'hypothèques ët de délégations qui n'existent plus, et qui toutes ont été remplacées nar la sauvegarde plus suffisante et plus sûre de l'honneur et de la loyauté française.
Par la réduction volontaire à un taux uniforme d'intérêt, seront effacées les traces et jusqu'au souvenir des excès d'infidélité dont l'autorité ministérielle arbitraire a plusieurs fois affligé les Créanciers de l'Etat, en changeant la proportion des intérêts attribués à leurs capitaux. Déjà une nouvelle forme établie pour les reconstitutions, et adoptée avec une satisfaction générale par tous les rentiers, fait disparaître de tous les contrats qui se vendent l'énonciatiou inutile des capitaux primitivement fournis, pour "ne plus exprimer que ceux qui sont véritablement représentés par la rente qui s'acquitte.
Cette doublé et utile simplification de là nomenclature et des intérêts de la dette; qui ne s'opére qu'avec tant de lenteur par la voie des reconstitutions, ët qui ne pourrait pas être injuste, puis-
qu'elle serait volontaire, s'effectuerait, en peu d'années, en offrant au créancier le simple et légitime attrait d'une forme plus brève de constater sa propriété et de toucher ses revenus. Les frais des contrats, des reconstitutions, des immatricules, pèsent à chaque mutation sur le rentier, l'obligent à salarier des employés et diminuent d'autant son revenu net.
L'embarras des anciennes constitutions se fait sentir encore d'une manière plus pénible dans la comptabilité. Outre les longueurs, les redites, les inutilités que la chambre des comptes et ses suppôts se sont plû à y accumuler, il y existe une complication nécessaire qui résulte de l'extrême variété des titres de la dette publique et du taux des intérêts.
C'est aussi sur ces variétés qu'étaient fondées les différentes classifications des payeurs des rentes ; chaque nature de dette avait son payeur ou ses payeurs qui lui étaient affectés.
Ainsi tous les abus étaient liés dans l'ancien régime : une dette enveloppée de nuages, une comptabilité inextricable, une forme de payement immonde et dispendieuse; vous pouvez faire disparaître à la fois tous ces inconvénients, en ajoutant à là suppression des payeurs des rentes le décret sur la conversion volontaire de la dette, dont je joins le projet à la suite de cette opinion. Sa simplicité et la facilité de son exécution me persuadent que l'Assemblée nationale ne dédaignera pas une mesure si utile, au crédit public, et qui débarrassera, plus que toute autre, la nation, des abus de la comptabilité actuelle. Celle des payeurs des rentes offre chaque année plus de cent volumes in-folio minutés.
Enfin, et ce dernier moyen est décisif,1 la réunion des objets transportés aux payeurs des rentes ^n une seule caisse serait une économie de plus de 270,000 livres, et cette économie nous n'avons pas le droit de la négliger : ici, tous les raisonnements doivent céder au calcul. Je joins le tableau de ce que coûtent les payeurs des rentes et leurs contrôleurs ; j'offre un aperçu de la formation du bureau qui suffirait, et au delà, pour le service le plus prompt et le plus complet du payement des intérêts de la dette constituée et des pensions. C'est d'après les informations les plus exactes et les plus précises que je garantis la suffisance de ce bureau, dont j ai estimé les appointements d'une manière large, pour donner pleine mesure au système que je combats. Des bureaux, ainsi montés et composés de sujets capables* exécuteraient tous les payements, vérifieraient tous les titres, enregistreraient toutes les oppositions, discuteraient les quittances avec autant de sûreté et plus de promptitude que les quarante maisons -des payeurs des rentes. Tous les comptes réduits et balancés, jour par jour, pourraient offrir un tableau complet des opérations de chaque caisse et présenter le même ordre qu'on admire dans les maisonsdebanque les mieux établies. Si la France parvient bientôt, comme il faut l'espérer, à établir un assez bel ordre dans la recette de ses revenus, pour n'être plus obligée d'assujettir ses créanciers à l'ordre, ou, disons mieux, à Uattermoiement alphabétique,- ce sera alors que l'avantage des bureaux, dont je propose l'organisation sur les quarante fractiohsae bureaux établies chez les payeurs des rentes, se manifestera bien plus, sensiblement.
On voit, à l'inspection de ce tableau, que la différence des frais, entre l'une et l'autre méthode, ne permet pas d'hésiter, et l'économie, au lieu d'être de 270,000 livres, s'élèverait à plus de
400,000 livres, si l'opération, qui tend à simplifier la dette en la reconstituant, était adoptée par l'Assemblée nationale, comme je ne doute pas qu'elle ne le soit, si elle daigne la prendre en considération. [Voyez le tableau ci-joint.)
Répondrai-je à un argument que les payeurs des rentes ont voulu tirer des abus commis dans une caisse unique, destinée au payement d'une partie de la dette, et qui a existé, pendantquelque temps, sous le nom de caisse des arrérages ?
Cette caisse, établie sous l'ancien régime, en eut tous les défauts; les frais de son administration, qui payait environ 24 millions, ne s'élevèrent pas, comme l'a dit un honorable membre, dans un rapport du 21 juillet, déjà cité, à la somme de 300,000 livres, mais à celle de 160,000 livres, somme beaucoup trop considérable à la vérité ; mais ce qu'on ne vous a point dit, c'est que, sous le prétexte des frais de cette caisse, étaient dissimulées plusieurs grâces pécuniaires, absolument gratuites. Sa comptabilité fut longue et embrouillée, mais on avait entassé dans cette caisse toutes les opérations, toutes les liquidations les plus épineuses; il semblait qu'on ait voulu y rejeter tout ce que le département de la finance avait de plus contentieux et de plus susceptible de difficulté. Quelle conséquence peut-on tirer de cette réunion d'abus et de contestations,, contre un plan de payement et de comptabilité, simple, économique et abrégé, tel que celui que je propose et dont l'utilité doit frapper tous les bons esprits, car tous sentiront qu'il ne peut pas être bon de livrer à quarante bureaux ce qu'une seule trésorerie peut exécuter ?
On trouvera à la suite du projet de décret que je propose sur l'organisation du Trésor public, le projet de celui qu'il suffirait de rendre pour transporter entre les mains d'un administrateur du Trésor public les payements épars entre les quarante officiers payeurs héréditaires, sans que le service public éprouvât d'interruption, et sans que la propriété des rentiers ni les droits de leurs créanciers subissent aucune altération. Toujours animé du désir de l'économie, j'ai pensé qu'un seul administrateur, celui de la caisse des dépenses, pouvait suffire au payement de la dette publique et au payement des dépenses des affaires étrangères et autres objets divers d'administration, et, enfin, au versement en masse dans les caisses de la guerre et de la marine, versements qui, dans mon système, doivent émaner de la caisse des dépensés plutôt que de celles des revenus.
Enfin, on trouvera, dans le dernier titre, mes idées sur la surveillance qu'il convient à l'Assemblée nationale d'exercer, par ses commissaires, sur cette importante partie de l'administration. J'ai cherché à faire en sorte que l'immense intérêt de la conversion des deniers publics ne reposât pas uniquement sur la responsabilité, qui pourrait être tardive, et qui, en punissant le ministre ou son subordonné déprédateur, ne remplacerait pas les fonds dilapidés. J'ai pensé qu'il serait toujours plus facile et plus sûr de prévenir un si grand désordre que de le punir. J'ai cherché cependant à ne point arrêter l'action du pouvoir exécutif ; elle doit être parfaitement libre, aussi longtemps qu'elle se meut dans les bornes que lui prescrivent les décrets de l'Assemblée nationale. Les moindres écarts qu'un ministre pourrait se permettre au delà de ces limites doivent être dénoncés aussitôt que l'Assemblée à laquelle appartient et la vindictepubiique etla répression de ce dé-Jit. Mais l'œil,,qui observe tous les mouvements des agents du pouvoir exécutif, n'est point la main
qui doit les arrêter, et la responsabilité doit subsister toute et ne jamais trouver d'abri dans les autorisations qu'on ne manquerait pas de sur-prendre"si l'on pouvait les obtenir. Tels sont les motifs et les principes du décret que j'ai l'honneur de proposer à l'Assemblée. On y trouvera plusieurs détails d'exécution dont il m'a paru que les développements n'étaient pas nécessaires, et dont la rédaction fait assez sentir l'intention et l'objet.
PROJET DE DÉCRET
sur l'organisation du Trésor public.
L'Assemblée nationale, convaincue de la nécessité d'établir le meilleur ordre dans la manutention des deniers publics, de porter la lumière sur toutes les parties de la recette et de la dépense, de prévenir tous lea abus par la clarté et la simplicité impossible à éluder et de fonder une organisation si désirable sur les principes de la Constitution et sur la distinction qu'elle établit entre les différents pouvoirs, décrète ce qui suit :
TITRE Ier.
DE LA RECETTE DES REVENUS PUBLICS ORDINAIRES
Art. 1er. La totalité des revenus ordinaires de l'Etat,
composée du produit de la contribution foncière ou personnelle, des impôts indirects de tout
genre et du revenu en masse des domaines nationaux, sera versée dans une seule caisse qui
sera nommée caisse des revenus nationaux.
Art. 2. Aucune somme ne pourra être versée dans ladite caisse, à titre de prêt, dépôt, anticipation, service, ni sous aucun autre prétexte, à moins qu'il n'ait été ainsi ordonné par un décret de l!Assemblée nationale sanctionné par le roi.
Art. 3, La garde de cette caisse sera confiée à un administrateur comptable et responsable, sous la surveillance du Corps législatif, ainsi qu'il sera ci-après expliqué.
Ledit administrateur sera obligé de tenir un livre de recettes qui contiendra, jour par jour, sans aucune interruption, la mention de toutes les sommes qui auront été versées à la caisse des reve n u s n a tio n au x, par les receveurs des districts, pour lés impositions dont la levée est confiée aux corps administratifs ; et par les régisseurs ou adjudicataires, pour la partie des revenus de l'Etat qui pourra être administrée dans cette forme, et il donnera des récépissés de toutes les sommes qui lui seront vërsées.
Art. 4. Ledit administrateur sera subordonné à l'ordonnateur des finances et; tenu de lui remettre, jour par jour, un état détaillé des recettes qui sont entrées dans sa caisse. A la fin de chaque -mois., il fournira un relevé des sommes entrées dans sa .caisse, pendant le courant du mois, et de celles qui devaient y être versées ; en sorte que le mémoire des recouvrements, qui ne sont pas encore elfectués, puisse toujours être rapproché du montant des sommes qui ont été versées effectivement.
Art. 5. La caisse des revenus nationaux ne sera jamais chargée d'aucuns payements de détail, et ne versera jamais qu'en masse dans : la caisse des dépenses nationales; elle y pourra verser, soit
des deniers comptants, soit des mandats ou res-eriptions sur les receveurs des quatre-vingt-trois * départements, et il sera fait mention dans les récépissés, qui lui seront remis par la caisse des dépenses, de la nature des effets dans lesquels elle aura fait ces versements.
Art. 6. La caisse des revenus nationaux ne pourra faire aucuns versements que sur des ordonnances signées par le ministre des finances; et, pour justifier de l'acquit, elle présentera, joint à cette ordonnance, un récépissé de la caisse des dépenses.
Art. 7. Ledit administrateur sera responsable de sa gestion ; ses malversations, même ses négligences, si elles portaient préjudice au Trésor national, seront dénoncées et poursuivies, par-devant les tribunaux, suivant les formes établies par la Constitution, à la diligence de l'ordonnateur des finances, qui sera responsable lui-même desdites malversations ou négligences, s'il négligeait de porter ladite accusation.
TITRE II.
DE LA CAISSE DES DÉPENSES NATIONALES.
Art. 1er. Toutes les dépenses de la nation seront faites, soit
en masse, soit en détail, par une seule et même caisse, qui sera appelée caisse des dépenses
nationales.
Art. 2. Il ne sera fait de dépenses par ladite caisse, que celles qui auront été portées sur les états arrêtés et décrétés par le Corps législatif.
Art. 3. Les litres des emprunts faits jusqu'à ce jour par le gouvernement, et reconnus et consolidés par l'Assemblée nationale, seront considérés comme états arrêtés, à l'égard des propriétaires des effets de la dette publique, jusqu'à l'amortissement.
Art. 4. L'administration de la caisse des dépenses nationales payera en masse, et aux époques qui seront déterminées, les sommes attribuées à la liste civile, sur les ordonnances de l'ordonnateur des finances, et en tirera récépissé du trésorier de la liste civile, et il aura son acquit desdites sommes, en rapportant ladite ordonnance et ledit récépissé.
Art. 5. Les fonds seront délivrés aux trésoriers de la guerre et de la marine en la manière suivante. Chaque mois, lesdits trésoriers dresseront des états des payements effectifs qu'ils auront à exécuter dans lecourant du mois, et lesdits états, certifiés par la signature de l'ordonnateur de ces départements, seront remis le premier jour dudit mois à l'ordonnateur des finances; ces états seront accompagnés .du compte des sommes qui auront été.payées dans le courant du mois précédent, avec la date des payements ; il sera fait mention des sommes qui pourraient être restées dans la caisse, pour n'avoir pas été réclamées.
Sur le vu et la vérification de ces états, l'ordonnateur des finances délivrera, sur la caisse des dépenses, les mandats nécessaires pour l'acquit des dépenses de chaque mois, dans chacun desdits départements.
Art. 6. S'il était porté sur les états la demande de fonds, des trésoriers de la guerre, ou de la marine, des objets de dépense autres ou plus forts que ceux autorisés par les décrets de l'Assemblée nationale, l'ordonnateur de la finance ne pourra délivrer, sur la caisse des dépenses, de mandats en conformité de pareilles demandes ni
outrepasser en total, chaque année, les fonds destinés par le Corps législatif aux dépenses de ces départements, a peine d'en répondre en son propre et privé nom.
Art. 7. Les versements à faire en masse, par la caisse des dépensés, aux trésoriers de la guerre ou de la mariné, pourront s'effectuer, tant en deniers comptants qu'en mandats ou rescriptions, Sur les receveurs des quatre-vingt-trois départements, tirés par la caisse des revenus nationaux ; et il sera fait mention dàns les récépissés des trésoriers, payeurs de la guerre et de la marine, de la nature des deniers ou effets dans lesquels les payements auront été effectués.
Art. 8. L'administrateur de la caisse des dépenses aura son acquit des versements par lui faits aux caisses de la guerre et de la marine, en rapportant l'ordonnance de l'ordonnateur des finances, et le récépissé du trésorier desdites caisses.
Art. 9. L'administration de la caisse des dépenses nationales payera en détail toutes les autres dépenses de l'administration générale et tous les intérêts et arrérages de la dette publique, constituée viagère ou au porteur.
Art. 10. La caisse générale des 'dépenses, sera divisée en deux bureaux. Le premier dé ces bureaux effectuera les versements en masse, conformément à l'article 4, et toutes les dépenses de détail de l'administration. Le second bureau fera les payements des intérêts de la dette publique, et sera divisé en deux sections, l'une pour le payement des rentes perpétuelles, constituées ou au porteur, et l'autre pour le payement des rentes viagères et des pensions.
Art. 11. L'état des bureaux et des personnes employées au service des caisses, avec les appointements de chacun, sera présenté par l'ordonnateur des finances au Corps législatif, pour être par lui décrété et employé dans l'état des dépenses.
Art. 12. L'administrateur de la caisse des dépenses sera tenu de fournir, jour par jour, à l'or-donnateurdes finances, un état distinctif des versements par lui faits en masse, et des payements effectués en détail, et, à la fin de chaque mois, un résumé de tous les versements et payements par lui faits, rapproché de l'état de la totalité des dépenses échéant pendant ledit mois.
Art. 13. Il ne sera fait par la caisse des dépenses nationales aucuns payements fictifs, et tous les bons de caisse ou promesses semblables de payement seront réputés nuls et de nulle valeur à l'avenir.
TITRE III.
DES DÉPENSES GÉNÉRALES DE L'ADMINISTRATION.
Art. 1er. L'administrateur de la caisse des dépenses aura son
acquit relativement aux dépenses de l'administration, toutes les fois qu'il rapportera la
quittance d'une partie prenante, employée sur un état de dépense décrété par l'Assemblée
nationale.
Art. 2. L'Assemblée nationale fixera, par un décret, quelles seront les dépenses de l'administration générale qui devront ou pourront être acquittées dans les départements par les receveurs des districts.
Art. 3. Toutes lesdites dépenses seront censées faites à l'acquit de la caisse nationale des dé-
penses, et seront réunies au compte général de ladite caisse.
Art. 4. A cet effet, il sera dressé dans chaque département un étal des dépenses fixes de l'administration générale, payables, d'après les décrets du Corps législatif, par la caisse du département; copie dudit état, visé par le directoire du département, sera adressée à l'ordonnateur des finances.
Art. 5. Le receveur de chaque département comptera, par-devant le directoiredu département, des payements par lui effectués suivant ledit état, et le dirèctoire du département retirera les acquits. Le compte ainsi reçu et approuvé, 11 en sera fait une copie, qui, étant visée par le directoire, sera reçue comme comptant par la caisse des revenus nationaux, qui en donnera son récé-r pissé aux dits receveurs, et la caisse des revenus le versera aussi, comme comptant, dans celle des dépenses nationales, qui en emploiera le montant dans son compte, et le rapportera pour acquit valable.
TITRE IV.
DU PAYEMENT DE LA DETTE PUBLIQUE.
Art 1er. L'administrateur de la caisse des dépenses nationales
tiendra des registres d'immatriculés qui constateront la propriété ou les droits de
jouissance des rentiers, soit en viager, soit en perpétuel.
Art. 2. Ledit administrateur tiendra aussi un registre des oppositions au payement des arrérages qui pourront être formées par les créanciers des rentiers. Lesdites oppositions ne seront valables qu'après avoir été visées par l'administrateur ou son préposé à cet effet; et lorsqu'elles seront ainsi visées, il ne pourra vider ses mains des deniers, qu'elle né lui apparaisse dé la mainlevée desdites oppositions, à peine d'en répondre en son propre et privé nom.
Art. 3. Il sera délivré par ledit administrateur tous les extraits d'immatriculés qui pourront être nécessaires aux rentiers, et sera fait sur le registre le rejet des arrérages de toutes les parties éteintes par remboursement et par reconstitution., ét en sera fourni certificat, sans que pour lesdites immatricules, oppositions, enregistrement de mainlevée, extraits et certificats, il puisse être reçu par lui ni ses préposés aucun droit ni émolument.
Art. 4. Les parties prenantes qui sont propriétaires de plusieurs parties de rentes constituées et perpétuelles, encore qu'elles soient de différentes créations, seront autorisées à en toucher les arrérages sur une seule et même quittance.
Art. 5. Tout propriétaire qui aura à justifier à la fois de sa propriété sur plusieurs parties de rentes sera autorisé d'en justifier par un seul et même cahier.
Art. 6. Tout propriétaire jouissant sur la même tête de plusieurs parties de rentes viagères de diverses créations, sera autorisé à les toucher sur une seule quittance et sur un seul certificat de vie.
Art. 7. L'administrateur aura son àcquit de payement des intérêts de la dette publique, en la forme suivante.
Pour les parties au porteur, en rapportant' les coupons.
Pour les parties constituées en perpétuel, en rapportant la quittance sous signature privée
du rentier ou de son fondé de procuration, avec les pièces à l'appui de son droit lors des mutations.
Pour les rentes viagères, en rapportant les certificats de vie, signés de deux notaires résidant au chef-lieu du district, et la quittance sous signature privée'du rentier ou de son fondé de procuration.
Art. 8. Lors du décompte qui sera fait aux héritiers, au décès de chaque rentier, viager ou titulaire de pension, son article sera rejeté du sommier d'immatriculé; il sera porté sur un tableau qui présentera le montant de toutes les extinctions de chaque jour, et qui sera arrêté mois par mois, et copie de ce tableau sera fournie à l'ordonnateur.
Art. 9. L'Assemblée nationale,, espérant que l'état des revenus publics ne tardera pas à lui permettre d'ouvrir indéfiniment les pavements de chaque semestre, aussitôt après son échéance, décrète que, provisoirement, l'ordre alphabétique de payement sera conservé.
Art. 10. Chaque rentier dont le payement sera ouvert sera tenu de déposer sa quittance et les pièces à l'appui dans une boite qui sera disposée à cet effet ; et, huit jours après, il pourra se présenter à la caisse pour recevoir son payement. Le même ordre sera observé pour le payement des pensions.
Art. 11. Il sera établi le nombre de contrôleurs nécessaires pour surveiller les payements, se faire réprésenter les contrats ou pouvoirs des parties prenantes, et délivrer les certificats de payement dont ils seront requis-
Art. 12. Les difficultés qui pourraient s'élever sur la suffisance ou régularité des titres produits par les parties prenantes, pour établir leurs droits de propriété, seront d'abord soumises, sur un simple mémoire, à un comité de liquidation composé de l'administrateur et de deux principaux commis du département. Le comité signera son avis motivé sur la suffisance et validité des titres, et si la partie se croit lésée par l'avis du comité, ellepourra faire assigner l'administrateur par-devant le juge ordinaire ; et si l'administrateur est condamné à payer, le jugement par lui exécuté sera sa décharge.
Art. 13. La voie d'appel sera ouverte aux parties, suivant les formes de constitution et de législation ordinaires.
TITRE V.
DU PAYEMENT DES DÉPENSES DE LA GUERRE ET DE LA MARINE.
Art. 1er. Le département de la guerre et celui de la marine
auront chacun un trésorier-payeur, chargé du payement en détail de toutes les dépenses de ces
deux départements.
Art, 2. Les versements seront faits dans ces deux caisses par la caisse des dépenses nationales, sur les ordonnances de l'ordonnateur des finances, conformément aux états décrétés par l'Assemblée nationale, en la forme et manière indiquées par les art. 5, 6, 7 et 8 du titre II du présent décret.
Art. 3. Le trésorier-payeur de ces deux départements fera tous les payements en détail, soit par lui-même à la caisse de Paris, soit par ses trésoriers dans les différentes parties du royaume et des colonies, conformément aux états arrêtés et décrétés par l'Assemblée nationale, ou sur les ordonnances du ministre ou de l'ordonnateur de
la guerre ou de la marine. Il aura sa décharge en rapportant lesdites ordonnances, conformes aux états, et les acquits des parties prenantes.
Art. 4. Les trésoriers-payeurs des départements de la guerre et de la marine fourniront, jour par jour, tant à leur ministre respectif," qu'à l'ordonnateur des financés, un état de leurs dépenses; et, mois par mois, ils ép formeront un relevé dans lequel ils rapprocheront les payements effectués pendant le mois, de l'état des dépenses assignées pour ledit mois.
TITRE VI.
DU BUREAU CENTRAL DE COMPTABILITÉ.
Art. 1er. Il sera établi au Trésor national un bureau central de comptabilité auquel l'administrateur de la caisse des revenus nationaux, celui de la caisse des dépenses nationales et les trésoriers-payeurs de la guerre et de la marine seront tenus de rapporter, jour par jour, le journal de toutes les recettes et dépenses de leur caisse. Les relevés de chaque mois seront également rapportés à ce bureau central.
Art. 2. Le bureau central de comptabilité sera soumis à l'inspection commune des administrateurs et trésoriers de chaque département.
Art. 3. De la réunion des différents états fournis par chaque caisse, le bureau central fournira un journal général qui représentera la situation réelle et journalière du Trésor public, de ses recettes et dépenses, de ses recouvrements et débits, et offrira à chaque instant la balance de son actif et deSson passif. Les livres seront tenus èh partie double.
Art. 4. Dans les trois premiers mois de chaque année, le bureau central formera le compte effectif des recettes et dépenses de l'année précédente, dont il prendra les éléments dans les journaux par lui tenus conformément aux articles précédents. Ce compte présentera aussi le rapprochement des recouvrements à faire et des débits à payer ; il sèra certifié par les administrateurs et trésoriers-payeurs et visé par l'ordonnateur des finances; il sera rendu public par la voie de l'impression.
Art. 5. Chaque administrateur et trésorier-payeur sera obligé de dresser annuellement son compte sur pièces, et de le déposer avec lesdites pièces à l'appui et acquits au bureau central de comptabilité. Le bureau central fera le rapprochement du compte sur pièces de chaque aépar-tement avec le compte en sommes relevé sur les journaux ; après cette vérification, il réunira en un seul et même corps les comptes des quatre départements, et présentera le compte général au Corps législatif, avec ses observations, s'il y a lieu.
TITRE VII.
DES COMMISSAIRES DU CORPS LÉGISLATIF.
Art. 1er. Chaque législature nommera un nombre suffisant de
commissaires pour inspecter toutes les opérations de chaque caisse et bureau du Trésor
public. Tous caissiers et chefs de bureaux seront tenus de leur remettre tous les états
qu'ils exigeront, comme ausside leur représenter, sans déplacer, tous les originaux des
livres et journaux, même les pièces et ordonnances.
Art. 2. Les mêmes commissaires pourront vérifier la situation effective des caisses, toutes les fois qu'ils le jugeront convenable.
Art. 3. Les fonctions desdits commissaires se borneront seulement à inspecter et surveiller, dans le plus grand détail, toutes les opérations des caisses et bureaux, et à rendre compte au Corps législatif du résultat de leur examen et de leurs observations ; et ils ne pourront se dispenser de faire au moins un rapport sur cet objet à chaque session. Il leur sera absolument interdit de donner aucun ordre ni défense aux payeurs du Trésor national de prendre sur eux l'interprétation d'aucun décret relatif aux finances de l'Etat et de donner provisoirement à l'ordonnateur aucune autorisation qui puisse affaiblir sa responsabilité.
Art. 4. Les fonctions de ces commissaires subsisteront même dans l'intervalle des sessions du Corps législatif, et ils ne pourront recevoir d'autre traitement que la même indemnité qui sera attribuée aux membres du Corps législatif pendant la tenue des sessions.
PROJET DE DECRET
Pour parvenir à convertir les différents titres actuels de la dette publique en un titre uniforme.
Art. 1er. Les propriétaires des rentes, intérêts et autres
charges annuelles et perpétuelles sur la nation, pourront, si bon leur semble, à compter du
l*r janvier 1791, remettre leurs titres actuels de créances au Trésor public, dans les formes
ci-après ordonnées, pour qu'il leur soit expédié en échange une ou plusieurs quittances de
finances portant le capital au denier vingt, du produit net de leurs rentes ou intérêts.
Art. 2. Lesdites quittances de finances seront expédiées au nom des anciens propriétaires ou des personnes qu'ils indiqueront, et produiront 5 0/0 d'intérêts annuels, sans retenues ; à cet effet, elles seront accompagnées de vingt coupons d'intérêts, portant les mêmes noms, payables de six mois en six mois, au 1er janvier et 1er juillet de chaque année.
Art. 3. Les payements desdits coupons d'intérêts seront fait à leur échéance, par la caisse des dépenses nationales, établie au Trésor public, en représentant par les porteurs lesdits coupons, avec l'acquit au dos, signé des personnes qui y sont dénommées.
Art. 4. Pour parvenir à faire l'échange mentionné article premier, les propriétaires remet-
tront au Trésor public, avec leurs titres, un acte passé par-devant notaire, contenant la déclaration qu'ils entendent convertir telle et telle rente, ou partie d'intérêts à eux appartenant, conformément au présent décret, en quittances de finance de telle somme, accompagnées de coupons d'inté-rêis à partir du premier jour de tel semestre.
Art. 5. En marge de ladite déclaration, lepayeur desdites rentes ou intérêts donnera son certificat: 1° qu'il a fait mention sur ses registres de l'extinction des parties y énoncées, à compter du premier jour de tel semestre ; 2° qu'elles sont de telle somme de produit net ; 3° que les déclarants sont véritablement propriétaires ; 4° et qu'il n'y a point d'opposition entre leurs mains au payement des arrérages.
Art. 6. Lorsque les quittances de finance devront être expédiées au nom des anciens propriétaires, ils seront dispensés de rapporter le certificat, qu'il n'existe peint d'oppositions formées sur leurs capitaux, entre les mains de3 conservateurs des hypothèques sur les finances; dans le cas contraire où ils indiqueraient de nouveaux propriétaires, ils seront tenus de rapporter ledit certificat.
Art. 7. Lorsqu'il n'y aura pas de changements de propriétaires, les oppositions formées entre les mains des conservateurs des hypothèques auront sur les capitaux portés ès dites quittances de finance le même effet qu'elles pourraient avoir sur les anciennes créances ainsi éteintes et converties.
Art. 8. Le propriétaire qui voudra disposer de sa quittance de finance, la rapportera au Trésor public avec les coupons à échoir ; il y joindra un simple acte en brevet, passé devant notaire, revêtu des certificats des conservateurs des hypothèques, portant déclaration que ladite remise est faite, à l'effet, par le Trésor public, d'expédier une nouvelle quittance de finance, avec de nouveaux coupons de même somme, sous les noms qu'il se réserve d'indiqueret de fournir.
Art. 9. Lors des mutations par décès, les héritiers ou ayants droit feront la remise mentionnée au précédent article, en fournissant, de plus, les pièces justificatives de leur droit et qualité, et il leur sera, en conséquence, expédié de nouvelles quittances de finance et coupons, soit en leur nom, soit au nom qu'ils indiqueront.
Art. 10. Lorsque les coupons d'intérêt dépendant desdites quittances seront épuisés, le renouvellement en sera fait au nom des mêmes propriétaires, et les nouveaux coupons ne seront remis que sur la représentation de chaque quittance de finance.
CRÉANCE MODÈLE.
perpétuelle et nationale.
Je, administrateur du Trésor public, déclare que M. Pierre
, etc., est propriétaire de la somme capitale de due par la nation, produisant d'intérêts annuels et perpétuels au denier vingt, dont il m'a fourni la valeur, en exécution du décret de l'Assemblée nationale, du sanctionné par le roi, le
J'ai remis au susnommé les coupons d'intérêts, à compter du premier janvier ou juillet 17
Fait à Paris, au Trésor public, le
N° MODÈLE DES COUPONS.
Décret du
Premier coupon six premiers mois 1791.
Le premier juillet 1791, M. Pierre recevra au Trésor
public la somme de pour intérêts échus à cette époque,
de la somme capitale à lui due par la nation.
PROJET DE DÉCRET
pour transporter le payement des intérêts de la dette publique à la caisse des dépenses nationales.
Art. 1er. Toutes les rentes perpétuelles et viagères, coupons
d'intérêt, taxations héréditaires, et généralement tous les intérêts de la dette publique,
sous quelque dénomination qu'ils puissent être compris, maintenant acquittés par les payeurs
des rentes de l'hôtel-de-ville de Paris, ou dont le payement leur a été provisoirement
transféré par différents décrets, seront payés par l'administrateur de la caisse générale des
dépenses nationales, établie au Trésor public, à compter des six premiers mois de 1791, dont
le payement sera ouvert au premier juillet de ladite année.
Art. 2. Seront pareillement payés à ladite caisse toutes les rentes et intérêts de la dette publique, dont le payement a pu être exécuté jusqu'à ce jour, par tout autre trésorier ou payeur, sans cependant déroger aux dispositions des décrets du 15 août 1790, et du... concernant les payements qui doivent s'effectuer dans les districts.
Art. 3. Les trésoriers ou payeurs des différents objets énoncés aux articles précédents, seront tenus de remettre dans les quatre premiers mois de 1791, à l'administrateur de la caisse de3
Frais de Vttablimment des payeurs.
Lcs quarantcs payeurs clos rentes jouissaicnt chacun d'un traitcmenldc 15,000 livres, y compris 3,000 livres de frais de bureaux.
Le rapporteur du comito des finances a ponsd qu'on nc pouvait pas le reduire au-dessous de 12,000 livres.
Ainsi, & raison de 12,000 livres chacun, les qua- rantes payeurs couteni........ 480,000 liv.
Lcs contrdlours, & raison do 3,000livres coatent]............... 120,000
Total..........600,000 liv.
dépenses, un relevé de leurs registres d'immatriculés contenant état par eux certifiés de toutes les parties de rentes ou intérêts perpétuels ou viagers dont ils sont chargés.
Art. 4. Ils remettront aussi audit administrateur un état énonciatif, et d'eux certifié, des saisies et oppositions faites en leurs mains, au payement des arrérages, lesquels tiendront ès mains dudit administrateur.
Art.5.Lesditspayeurs des rentes de l'hôtel-de-ville de Paris acquitteront, dans les six premiers mois de 1791, tout ce qui sera échu, jusques et compris le dernier décembre prochain (1790), de toutes les rentes et charges annuelles, dont ils ont été chargés jusqu'à ce jour.
Art. 6. Ils remettront le premier juillet 1791, audit administrateur, l'état de leurs débets ou parties non réclamées ; ils en verseront le montant à la caisse générale des revenus du Trésor public, et ce, nonobstant lesdites saisies et oppositions formées entre leurs mains.
Art. 7. Les offices des quarante payeurs de l'hôtel-de-ville de Paris et ceux de leurs contrôleurs, sont supprimés pour cesser toutes fonctions au premier juillet 1791 ; les finances desdits offices seront liquidées et remboursées après l'apurement des comptes desdits payeurs.
Art. 8. Après l'apurement de leurs comptes, iesdits payeurs déposeront au Trésor public leurs registres et sommiers d'immatriculés.
Evaluation des dépenses d'une caisse des arrérages, substitués aux quarante payeurs des rentes, en laissant subsister les titres actuels de créances et la diversité des natures de remises.
1 Administrateur (1)....... 25,000 liv.
1 Liquidateur, chef........ 12,000
2 Liquidateurs, sous-cLels, à 6,000
livres........;..... 12,000
1 Caissier général......... 10,000
Rentes perpétuelles et coupons.
4 Commis de comptoir, à 2,000 livres. 8,000 .
4 Contrôleurs, à 3,000 livres . . . . 12,000
4 Compteurs d'argent, à 1,200 livres. 4,800
Bureaux.
6 Liquidateurs, anciens maîtres clercs de notaire : savoir : deux à 5,000 livres, et quatre à 4,000 livres. . 26,000
23 à reporter.
A reporter. 109,800
23 Report.
Reporté...... 109,800 liv.
10 Sous-liquidatêurs ou viseurs de quittances, anciens seconds clercs de notaire, à 2,400 livres . . •. . . . 24,000
15 Commis aux enregistrements et écritures, dont trois à 2,400livres, j; et les autres à 2,000 ...... 31,200
Rentes viagères et pensions.
caisse.
4 Commis de comptoir, à 2,000 livres. 8,000
4 Contrôleurs, à 3,000 livres . . . . 12,000
4 Compteurs d'argent, à 1,200 livres . 4,800
bureaux,
2 Liquidateurs, anciens maîtres clercs de notaire, à 4,000 livres .... 8,000
10 Sous-liquidateurs ou viseurs de quittances, anciens seconds-clercs de notaire, à 2,400 livres..... 24,000
15 Commis aux enregistrements et écritures, dont trois à 2,400 livres, et les autres à 2,000 livres . . . 31,200
87
5 Garçons de bureaux, à 1,200 livres.
6,000 Frais de bureaux, papiers, registres, feu, lumières, etc ......71,200
Total. . . . . . 326,200 liv.
RÉSULTAT.
Les payeurs coûtent............................................ 600,000 liv.
L'établissement proposé coûterait........•....................... 326,200
Economie annuelle résultant de la suppression «les payeurs des rentes....................................................... 273,800 liv.
TROISIÈME ANNEXE
A LA SANCE DE L'ASSMVLEE NATIONALE DU
Mémoire par le premier ministre des finances et compte général des recettes et dépenses de
l'Etat, depuis le ler mai 1789 jusques et compris le 30 avril
1790 (1). (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
Messieurs, j'ai l'honneur d'adresser à l'Assemblée nationale le compte des recettes et des dépenses publiques, depuis le premier mai 1789 jusqu'au 1" mai 1790, et qu'elle a demandé avec beaucoup d'empressement.
L'entière confection d'un compte de 1,500 millions, réunion faite des articles en débit et des articles en crédit, d'un compte composé d'objets de tout genre, reçus et payés dans tout le royaume, d'un compte mis en règle deux mois et demi après le terme jusques auquel il s'étend, un tel ouvrage, je le pense, sera considéré, par ceux qui en connaissent la difficulté, comme un exemple remarquable de diligence ; et si l'Assemblée nationale détournait son attention du mérite d'un pareil
travail, il faudrait ranger cette circonstance parmi tant d'autres, qui avertissent les hommes publics de chercher dans leur propre sentiment le plus sûr dédommagement de leurs peines.
Je ne pourrais néanmoins renoncer, sans un grand sacrifice, à une approbation qui m'est infiniment précieuse ; ainsi je prie l'Assemblée nationale de remarquer :
Que c'est au milieu d'un courant d'affaires immenses, et dont rien ne peut arrêter le mouvement, qu'il a fallu former un compte si étendu ;
Que ce compte ne représente pas seulement ies recettes et les dépenses faites au Trésor royal, mais toutes celles encore qui ont lieu dans un grand nombre de caisses ressortissant à ce Trésor, soit à Paris, soit dans les provinces ;
Que l'on peut aisément trouver un surcroît d'ouvriers quand il est questiou de simples copies ou d'autres expéditions dont la conception est facile; mais, dans les affaires compliquées, on ne peut éviter que toutes les parties se réunissent a un seul chef, le mobile et le centre du travail général ;
Que les divisions de bureaux, l'ordre des registres, les formes de travail, enfin la machine entière du Trésor royal est montée depuis un temps immémorial, selon le sens et la marche des comptes à rendre aux chambres des comptes :
Qu'il suffit essentiellement à ces cours de s'assurer que chacun rend compte de ce qu'il a reçu,
et qu'aucun payement n'est fait sans line autorité valide et sans une quittance régulière; mais il faut à une nation, délibérant sur ses affaires, un tableau qui séparé tout ce qui est différent, qui réunisse tout ce qui est semblable, qui fasse disparaître les difficultés inséparables d'une multitude de rassemblements préliminaires, pour ne présenter que des résultats simples, derrière lesquels se trouvent réunis, avec la même méthode, les détails justificatifs applicables à chaque objet;
Qu'il faut, par ce moyen, mettre l'universalité des citoyens à portée de juger, les uns d'un coup d'œil, les autres avec une certaine mesure d'attention, plusieurs avec une exactitude rigoureuse, et tous avec certitude, du degré d'étendue de chaque nature de recettes et de dépenses;
Que, jusqu'à ces temps-ci,te ministre des fmànces lui-même n'avait aucun intérêt à faire dresser à la hâte un compte général au bout d'une année révolue, puisque nulle dépense ne pouvant être faite sans son attache, il n'avait besoin ni d'une connaissance détaillée, ni d'une récapitulation générale des choses passées, pour se garantir des abus que lui seul aurait pu commettre;
Qu'il suffisait donc au ministre de suivre, de la manière et dans les formes qui lui étaient le plus Çropres ou le plus commodes, la situation du résor royal, le tableau des besoins et des ressources, et les diverses variations dont les recettes et les dépenses sont susceptibles; . Que la gêne du Trésor royal, portée à l'extrême depuis deux ans, la nécessité d'appliquer les revenus futurs aux besoins présents, les dispositions journalières indispensables pour subvenir aux difficultés sans cesse renaissantes, enfin, toutes les opérations qu'entraînent l'embarras et la pénurie ae la plupart des caisses, ont dû forcément apporter du retard dans l'exécution des changements de comptabilité que l'on s'est proposé depuis longtemps;
ty. Que, dans les grands mouvements d'argent et d'affaires, les caissiers et les comptables, dont le caractère moral est éprouvé par 1 expérience, deviennent infiniment précieux, et qu'il faut souvent ménager, en de telles circonstances, leur attachement quelquefois invincible aux formes dont ils ont une ancienne habitude ;
Enfin, je dois faire observer que l'Assemblée nationale ayant demandé un compte du 1" mai d'une année, au 1er mai d'une autre, et par conséquent celui d'un intervalle fixé entre deux époques qui ne sont ni la fin d'une année, ni la fin d'un semestre, ni le terme d'un quartier, il résultait de cette disposition particulière une difficulté de plus.
J'omets plusieurs autres observations, toutes propres à faire voir que la confection du compte général des recettes et des dépenses du royaume
de France est une œuvre moins simple qu'elle ne paraît, à ceux qui, laissant à part les considérations morales, ne voient dans tous les comptes que l'application très connue des quatre premières règles de l'arithmétique.
Tout doit prendre une nouvelle forme, tout doit se perfectioner en raison du nouvel ordre général établi ou prêt à s'établir. La fixation positive de toutes les parties de dépense,,la destination de certains fonds à chacune en particulier, le renvoi aux départements de province, de celles qui sont payables dans l'étendue de leur administration, l'éloignement encore de diverses causes de confusion par l'établissement de l'équilibre entre les revenus et les dépenses, la pleine liberté de faire un choix national entre les différentes formes de comptabilité, et d'y mettre de la tenue par l'inspection des commissaires choisis à cette fin par chaque législature ; toutes ces dispositions amèneront certainement la comptabilité à l'ordre le plus simple et le plus régulier.
Cependant, dès à présent, plusieurs changements obtenus enfin généralement, vont tendre beaucoup plus facile la confection des états de finance dans les formes nécessaires pour l'instruction de l'Assemblée nationale; et l'on éprouve déjà l'effet de ces dispositions, puisque depuis le mois de mai passé on remet au comité des finances, dès les premiers jours de chaque mois, un compte exact, à peu d'exceptions près, des recettes et des dépenses du mois précédent, lesquelles sont classées selon la méthode observée dans le tableau général des revenus et des dépenses fixes.
Je demande à l'Assemblée nationale, comme un acte de justice, de vouloir bien examiner ou faire examiner promptement le compte général que j'ai l'honneur de lui envoyer/et dont chaque article sera appuyé des pièces justificatives et des différents détails que l'on peut demander.
Je ne puis répondre de l'exactitude arithmétique de" toutes les subdivisions d'un compte que je n'ai pas formé moi-même, mais je suis au moins garant de la partie morale, c'est-à-dire du juste et sage emploi des fonds dont j'ai eu l'administration. Je ne suis cependant comptable en aucune chose, puisque je n'ai jamais rien fait payer qu'en vertu des ordres généraux ou particuliers du roi; mais je veux bien qu'on rende rétroactive la loi de la responsabilité des ministres ; je veux bien qu'on la reporte jusqu'au premier jour de ma précédente administration, car après m'être présenté sans crainte au tribunal de ma conscience, je n'en redoute aucun autre; et ce que j'ai fait dans un temps où l'idée d'une inspection nationale ne venait pas même à l'imagination, je l'offre au grand jour avec la même sécurité que ma conduite du moment présent.
Signé : NECKER.
Tableaux.
COMPTE GÉNÉRAL DES RECETTES ET DES DÉPENSES DE L'ÉTAT,
Depuis le 1er mai 1789 jusque3 et compris le
Recettes.
2
3
4
5
6
7
8 9
10 11 12 13
14
15
RECETTES.
RESTANT EN CAISSE AU 30 D'AVRIL 1789.
Espèces, billets de caisse et effets échéants dans le mois de
mai 1789....................,,,.......... 16,927,063 liv.
Effets au portefeuille à diverses échéances......... 48.794.493 liv.
a déduire :
Les rescriptions à fournir, soit à la caisse d'escompte, soit à MM. de Biré, Sava-lette, Duruey et Septeuil, en remplacement des fonds qu'ils ont remis au Trésor public, avant l'esprit du 1« mai 1789............. 7,182,477
41,612,016 liv.,
Fermes générales.......................
Fermes des Postes.....................
Ferme des Messageries................
Ferme de Sceaux et Poissy....,........
Ferme des affinages. Il n'a été rien reçu.
Abonnement des droits des quatre membres de la Flandre maritime........................ ........................
Régie générale des aides, etc. Régie des domaines et bois...
Régie de la loterie royale.....
Régie des revenus casuels.....
Régie du droit du mare d'or..
Régie des poudres et salpêtres...........................
Il a été fait recette au Trésor public, dans le mois de février 1789, de douze billets de 50,000 livres chacun, que les régisseurs des poudres ont payés dans le cours de l'année.
Recettes générales des finances, non compris les sommes tirées par anticipation sur les années 1790 et 1791...i............
Impositions des pays d'Etats.
[Le détail de ces deux articles se trouve dans le tableau ci-dessous.]
Trésor public.....
Différentes caisses.
De cette part,
livres.
58,339,079
830,000 949,026 403,191 150,000 Mémoire.
822,219 9,573,101 33,704,253 10,383,339 1,157,447 249,189 Mémoire,
5,811,279
122,572,123
FONDS
REÇUS
dans le Trésor public.
RÉSERVÉS
dans différentes caisses.
livres.
126,065,086 10,009,728 257,971 630,000
21,928,887 15,940,320 2,327,516
511,700 303,184
27,238,524
18,036,982
223,249,898
TOTAUX.
livres.
58,539,079
126,895,086 10,958,754 661,162 780,000
822,219 31,501,988 49,644,573 12,710,855 1,157,447 760,889 303,184
27,238,524
23,848,261
345,822,021
Tableau détaillé des impositions de» pays d'Etats.
Trésor public........
Différentes caisses....
LANGUEDOC.
TRÉSORIER.
livres. 526,281 8,127,866
8,634,147
RECEVEUR
général du
Roussillon
livres 204,529 865,021
1,069,550
9,723,697
BRETAGNE.
TRÉSORIER.
livres. 2,955,2*9 2,913,723
RECEVEUR
général.
livres, 85,193 269,636
5,868,972 354,829
6,223,801
BOURGOGNE.
TRÉ-
SORIER.
livres. 3^82^932
3,182,932
RECEVEUR
général de Bresse, Bugey et
Dombes.
livres. 423,448 464,800
888,248
4,071,180
PROVENCE.
TRÉ-
SORIER.
livres. 450,934 1,199,963
1,650,897
RECEVEUR
général
des terres adjacentes.
livres. 111,518 702,646
814,164
2,465,061
PAU,
BAYONNE
et
FAIX.
RECEVEUR
général.
livres. 1,054,127 310,395
1,364,522
23,848,261
16
17
18
19
20 21
22
23
24
25
26
27
28
29
RECETTES, (suite.)
Report.
Capitation et vingtièmes abonnés.
Capitâtion et dixièmes sur les payements faits au Trésor public, non compris les retenues qui sont faites sur les pensions, à mesure qu'on les paye................................
REÇUS
dans le Trésor public.
Impositions particulières aux fortifications des villes.
Bénéfices sur les monnaies, et recouvrement de deniers de boîte arriérés........................ ...... ..................
Droits attribués à la caisse du commerce.
Reçu du département de la marine, pour les forges roy.iles, en remplacement des avances que le Trésor public leur a faites avant le 1er mai 1789......................................
Intérêts annuels des sommes prêtées aux États-Unis de l'Amérique.....................................................
Intérêts reçus au Trésor public sur diverses créances.
Soulte du prix de la vente de l'hôtel d'Évreux, déduction faite de l'hôtel des Domaines, reçu eu échange, et un à compte reçu sur le prix d'une maison des Quinze Vingts............
Recettes diverses......
Divers débets anciens.
Parties non réclamées et rapportées au Trésor public par différents payeurs...........................................
Reçu de la ville de Toulouse, à compte de 400,000 livres, pour le rachat de différentes impositions particulières à la ville ; laquelle somme est payable tous les vingt ans, à compter du l«r octobre 1790..........................................
EMPRUNTS.
Emprunts nationaux de 30 et de 80 millions..
De Languedoc............3,400,000
De Bretagne................1,100,000
D'Artois........................650,000
De Provence................196,376
De la Flandre maritime...........................657,573
De cette part.
25,713,628 liv.
Des pays d'Etats.
6,003,949
livres. 122,572,123
1,213,505
592,503 676,399
269,083 305,418
401,702
Mémoire. 539,700
257,000 1,366,415 2,291,860
240,262 200,000
31,717,577
FONDS
RÉSERVÉS
dans différentes ' caisses.
livres. 223,249,898
TOTAUX.
555,213
livres. 345,822,021
1,213,505
592,503 676,399
824,301 305,418
401,702
162,643,547
539,700
257,000 1,366,415 2,291,860
240,262 200,000
31,717,577
223,805,116
386,448,663
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
RECETTES.
Report.
Il est fait recette d'une somme de 410,732 livres restant due sur l'emprunt de 3 millions ouvert à Gênes pour Monsieur, frère du roi, et la quittance en a été donnée à M. Giambonne, avec promesse de lui remplacer cette somme, si la recette ne s'en
effectue point à Gênes............ 410,732 liv.
De Sainte-Geneviève........................... 22,000
Emprunts ( De Gênes.
Produit de la vaisselle portée aux hôtels des monnaies :
A Paris.............................. 11,314,846 liv.
Dans les provinces.................... 2,941,194
Dépôts faits au Trésor public, et qui doivent être retirés à volonté..............................................
Dons patriotiques.
Contribution patriotique, compris des reconnaissances de vais selle et des quittances de rentes, de pensions et de traitements divers, qui ont été portés en dépense dans leurs comptes respectifs......................................
Contrats sur le clergé, qui ont été vendus.
Contrat sur les Etats de Languedoc, qui a été remboursé, lequel faisait partie de ceux qui cont en portefeuille......
Bordereau à 4 0/0, de l'emprunt de février 1770, fourni à la marine, et porté en dépense...........................
Second quart des 1,800,000 livres de don gratuit fait en 1788 par le clergé...........................................
Reçu pour le prix des charges de receveurs généraux et particuliers des finances..................................'....
Supplément de finance aux commissaires des guerres conservés.
Fonds de cautionnement de divers administrateurs et autres comptables............................................
Avance reçue de la caisse d'escompte.
ANTICIPATIONS SUR LES REVENUS.
Comptant.
recettes générales des impôts directs.
livres. 361,940
livres,
Deniers. livres.
/D*aVril 1790.,'.'.'. 7,300,000\
De mai.............9,5t>5,500
i De juin..................8,100,000
De juillet..............11,300,000]
[D'août.......
11,600,0001 11,400,0001 11,200,0001 10,400,000} 9,100,000/
JDe septembre...
/D'octobre.......
Rescriptions...(De novembre....
iDe décembre.... |Reste des deniers
de 1790....... 22,583,5601
Deniers. De janvier 1791. 5,300,000]
De février...... 5,500,000
vDe mars........ 5,500,000
Pour une avance faite par la ville de Strasbourg, dont il lui sera tenu compte dans les six premiers mois 1790................
128,849,060/
129,261,000
50,000'
De cette part.
129,261,000
De cette part.
reçus dans le Trésor public.
livres. 162,643,547
432,732
14,256,040
573,600 361,587
9,721,085 309,000
100,000
90,492
450,000
1,696,000 200,000
1,697,752 190,000,000
382,531,835
FONDS
réservé!
dans différentes caisses.
livres. 223,805,116
223,805,116
totaux.
livres. 386,448,663
432,732
14,256,040
573,600 361,587
9,721,085 309,000
100,000
90,492
450,000
1,696,000 200,000
1,697,752 190,000,000
606,336,951
RECETTES.
Report
Report....... .........
FERMES GÉNÉRALES UNIES.
1790.(
/Mars.......
Avril......
Mai........
Juin.......
'Juillet.....
Août......
Septembre. Octobre.. . Novembre.. Décembre..
{'Janvier.... Février....
Mars.......
Avril......
BILLETS.
livres.
3,000,000 5,000,000 5,000,000 5,000,000 5,000,000 5,000,000 5,000,000 5,000,000 5,000,000 5,000,000 5,000,000 3,010,000
58,010,000
ASSIGNATIONS.
livres. 1,246,612 2,511,000 4,460,525 2,850,000 3,300,000 2,895,000 2,903,000 807,500 575,000 915,000 850,000 1,500,000 740,000 500,000
26,080,637
TOTAUX.
livres. 1,246,612 2,511,000 9,460,525 7,850,000 8,300,000 7,895,000 7,930,000 5,807,500 5,575,000 5,915,000 5,850,000 6,500,000 5,740,000 3,510,000
84,090,637
ANTICIPATIONS SUR LES REVENUS.
TERMES DES POSTES.
Assignations..,
fJuin 1790..
[Juillet.....
\Août......
(Septembre.
Jûctobre____
r Novembre.. [Décembre..
livres. | 484,000\ 150.0001 150,000/ 150,000V 86,3001 500,0001 501,715J
RÉGIS GÉNÉRAL!.
Assignations.
[Juillet,
(Août.......
ISeptembre..
(Octobre.....
{Novembre... j Décembre..., I Janvier 1791
[Février......
Mars.........
Avril........
RÉGIS DE* DOMAINES.
/Mai 1790. Juin..... Juillet... (Août
Nouveaux billets Œ?re des adminis-'
trateurs.
Novembre... Janvier 1791.
Février......
Mars........
Avril........
Mai..........
108,0001 102,000/ 15,0001 6,000} 540,0001 45,0001 603,000] 207,000 180,000 90,000/
66,200 22,000 23,000 74,400i 7,000 6,000 70,600 28,000| 367,000 28,000 54,200 15,000
Total des recettes.
129,261,000
REÇUS
dans le Trésor public.
livres. 382,531,835
213,351,637
84,090,637i
livres.
2,022,015
/Avril 1790 .................... 360,000*
Mai........................... 1,180,000
Juin.......................... 1,201,000
FONDS
reserves
dans différentes caisses.
livres. 223,805,116
4,637,000
7,420,415
761,400
603,303,887
223,805,116
TOTAUX.
livres. 606,336,951
213,351,637
7,420,415
827,109,003
Dépenses.
3
4
5
6
7
8 9
10 11 12
13
14
15
16
17
18
19
20 21 22
13
24
25
26
27
28
DÉPENSES.
Maison du roi et de la reine, des princes et de la famille royale...................................................
Maison de Monsieur et de Madame
Maison de monseigneur comte et de madame comtesse d'Artois et leurs enfants........................................
Département des affaires étrangères.......
Département de la guerre.................
Département de la marine et des colonies. Ponts et chaussées.......................
Haras.
Rentes perpétuelles et viagères.....................
Intérêts d'effets publies et d'autres créances ........
Gages de charges représentant l'intérêt de la finance. Intérêts et frais d'anticipations.....................
Intérêt et remboursement des maisons acquises pour être démolies, sur les ponts, dans les halles et les marchés........
Indemnités à différents titres.........
Pensions, déduction faite des retenues.
Gages du conseil, traitement des ministres et de la magistrature ....................................................
Gages, traitements et gratifications à différentes personnes....
Intendants des provinces et leurs bureaux...................
Dépenses de la police de Paris...........................
Guet et garde de Paris avant l'établissement de la garde nationale...................................................
Garde nationale de Paris et frais accessoires Maréchaussée de l'Ile-de-France.............
Pavé de Paris, compris le remboursement dé l'année 1788, que la ferme générale a avancé...............................
Travaux dans les carrières sous la ville de Paris et les environs ...................................................
Remises de droits casuels accordés de tout temps aux officiers du Châteiet et à d'autres magistrats.....'...................
Remises de droits da marc d'or,
Remise sur les droits de monnayage accordés à la caisse d'escompte, non compris une autre remise de 149,259 livres qui lui a été payée au Trésor public, et dont il est fait déduction sur les bénéfices des monnaies, portés en recette sous le n» 19....................................................
Remises, non-valeurs, décharges et modérations sur les impositions ...............................................'.'...
Gages et augmentations de gages des maîtres des postes....
De cette part.
PAYEMENTS FAITS
PAR
le Trésor public.
livres. 17,644,056 3,101,866
3,573,922 7,380,000 102,947,367 60,545,612 6,852,261 450,308 7,310,023 19,899,892 350,419 10,342,941
360,759 646,030 15,305,913
1,039,389 173,582 32,163 1,781,387
537,993 3,682,192 263,160
1,284,466
346,920
120,784
311,161
266,294,566
PAR
différentes caisses.
livres. 120,000
1,211,908
54,500
95,051,654 16,921,401 7,375,595 15,597
1,147,624 157,155
283,622 211,947 952,929
3,720
5,700
156,252 5,933,576
129,603,180
TOTAUX.
livres. 17,764,056 3,101,866
3,573,922 7,380,000 104,159,275 60,545,612 6,906,761 450,308 102,361,677 36,821,293 7,736,014 10,358,538
360,759 1,793,654 15,463,068
1,323,011 385,529 985,092 1,781,387
537,993 3,682,192 263,160
1,288,186
346,920
120,784 5,700
156,252
5,933,576 311,161
395,897,746
DEPENSES.
Report.
Traitement des administrateurs du Trésor public, de leurs bureaux et de leurs commis dans les provinces...............
Bureaux de l'administration générale, compris 309,452 livres payées à l'imprimerie royale.............................
Traitement aux receveurs, fermiers, régisseurs généraux et autres frais de recouvrement..............................
Dépenses de la caisse du commerce, du département des mines, ae l'administration des monnaies et de l'ancienne compagnie des Indes.......................................... .....
Fonds employés pour des actes de bienfaisance............
Secours aux Hollandais réfugiés en France.................
Communautés et maisons religieuses.......................
Dons, aumônes, secours, hôpitaux et enfants trouvés........
Travaux de charité pour subvenir au manque de travail à Paris et dans les provinces.................;.................
Destraction du vagabondage et de la mendicité. Primes pour l'importation des grains.......;..
Primes et autres encouragements pour le commerce extérieur...................................................
Jardin royal des plantes et cabinet d'histoire naturelle.
Bibliothèque du roi...................................
Universités, académies, collèges, sciences et arts......
Entretien, réparations et constructions de bâtiments pour la chose publique............................................
Dépenses de procédures criminelles et de prisonniers........
Dépenses locales et variables, secours aux pauvres habitants des provinces,etc.........................................
Dépenses de reddition de comptes.. 108,000 liv.
ninoncoc * Ordonnances arréragées..................138,825
{ Gratifications extraordinaires................79,519
diverses, j Dépenses diverses imprévues....... 321,081
Dépenses diverses ordinaires.. .... 134,266
Dépenses de la caisse civile de l'Ile de Corse..............
Rentes, intérêts, indemnités, gages et autres charges de l'administration des domaines payés en province, et dont on n'a point reçu les acquits, en sorte qu'on ne peut encore indiquer la subdivision exacte de chaque objet..............
Travaux des fortifications de l'enceinte du Havre...........
Travaux de la rade de Cherbourg..........................
Travaux des fortifications militaires de Cherbourg...........
Travaux et achats des terrains pour la clôture de Paris, compris une partie de l'avance faite en 1788 par la ferme générale,.
Travaux du pont de Louis XVI..............................
Dépenses relatives aux subsistances, déduction faite des recouvrements qui ont eu lieu...............................
Achats de matières d'or et d'argent, déduction faite de ce qu'elles ont produit jusqu'au premier de mai 1790...........
Remboursements relatifs aux paquebots qui ont été supprimés...................................................
PAR
le Trésor public.
PAYEMENTS FAITS
PAR
différentes caisses.
livres. 266,294,566
1,656,215
2,480,562
Remboursement de l'ancien papier- onnaie des Iles de France et de Bourbon...-..-.......................................
De cette rt\
660,770 26,085 831,935 802,809 2,383,884
2,487,801 584,394
287,848 254,882 64,903 185,993
166,500 75,678
390,678 668,313 250,000
565,000 4,173,139 635,000
3,808,616 500,000
39,540,453
267,295
869,619
1,945,717
332,858,655
livres. 129,6Q3,180
70,165 3,650 18,265,414
186,201
406,264 654,920
1,379,119 1,087,023 5,671,907
5,194,699
1,800 484,434
1,827,614 3,239,590
6,069,264 113,378
7,198,085
63,467
331,337
275,287
182,126,798
TOTAUX.
livres. 395,897,746
1,726,380
2,484,212
18,265,414
846,971 26,085 831,985 1,209,073 3,038,804
3,866,920 1,671,417 5,671,907
5,482,547 254,882 66,703 670,427
1,994,114 3,315,268
6,459,942 781,691 250,000
7,198,085 565,000 .4,173,139 635,000
3,872,083 500,000
39,871,790
267,295
1,144,906
1,945,717
514,985,453
59
60 61
62
63
64
65
66
67
68
69
70
71
72
73
DEPENSES.
Report.
Remboursement pour partie du prêt fait par les fermiers généraux sur leurs bénéfices dans le dernier bail............
Dernière partie du remboursement fait aux fermiers généraux sur les fonds de place d'un fermier général...............
Remboursement à des receveurs généraux qui ont trop payé sur d'anciens exercices..................................
Remboursements divers.
Remboursement à M. le prince de Condé pour les droits utiles du Clermontois.........................................
Remboursement en rescriptions de décembre 1790, et des trois premiers mois de 1791 des avances faites par les receveurs généraux des finances en 1785...........................
Remboursement d'un prêt fait au Trésor public, avant le 1" mai 1789, par la caisse d'escompte sur des billets des administrateurs de la loterie royale...............................
Remboursement au sieur Demory sur ses anciennes avances.
Remboursement en effets à terme sur la loterie des hôpitaux du mois d'octobre 1787, conformément à l'engagement formel qui avait été contracté à cet égard.......................
Remboursement à des commissaires des guerres supprimés au mois d'avril 1788........................................
Remboursement d'offices de receveurs particuliers des finances qui sont en faillite......................................
Remboursement des petites parties de rentes de 20 livres et au-dessous, conformément aux arrêts du conseil des mois de décembre 1784 et d'août 1785.......-..-.................
Remboursement des reconnaissances que les directeurs des monnaies ont délivrées pour la vaisselle, compris celles qui ont été reçues dans la contribution patriotique.............
Remboursement des emprunts faits dans les pays étrangers. En Hollande.
291,152
De
Pour le compte des Etats-Unis
de l'Amérique.............. 1,000,000 liv.
Sixième et septième remboursements sur les 1,600,000 livres pour les messageries. 400,000 liv.
Cinquième idem sur les 6 millions pour le compte du
roi ....................... 1,200,000
Dernier remboursement de l'emprunt de 3 millions fait
par Monsieur.............. 1,000,000
Second, troisième et quatrième remboursements sur l'emprunt de 500,000 livres fait par la ville de Paris... 260,000
Traites d'Arazzo de Gênes, à compter du premier million de l'emprunt des Quinze-Vingts, remboursable en décembre 1789............... 431,152 I
la Flandre maritime........................ 139,500
Remboursement des emprunts des pays d'Etats.
u
PAR
le Trésor public*
PAYEMENTS FAITS
PAR différentes caisses.
livres. 332,858,655
Languedoc. Bretagne .. Bourgogne. Provence..
TRESORIERS.
livres. 2,734,535 882,652 1,976,000 515,260
RECETTES
générales.
livres.
315,000
TOTAUX.
livres. 2,734,535' 882,652. 1,976,000 ' 830,260
De cette part,
405,255
i'e SÉRIE. T. XVII.
10,000,000
3,600,000 73,000
6,059,525 490,000 136,217
182,903
5,658,316
4,430,652
livres.
6,423,447
363,894,523 192,093,340
TOTAUX.
livres.
182,126,798 514,985,453
2,460,000 2,460,000
200,000 200,000
86,428 86,428
196,667 601,922
600,000 600,000
10,000,000
3,600,000 73,000
6,059,525 490,000 136,217
182,903
5,658,316
4,430,652
6,423,447
555,987,863
17
74
75
76
77
78
79
Trésor pu-bMc... Différentes caisses.
DEPENSES.
Report.
Rescription des recettes générales que le Trésor public a été obligé d'acquitter, faute de payement dans les provinces....
Quittances des gages et appointements divers portés en recette dans la contribution patriotique...........................
Fonds dans les mains du sieur Gaudelet, banquier à Brest, chargé de fournir les sommes nécessaires aux dépenses de la guerre et de la marine en Bretagne.....................
Frais relatifs à l'Assemblée des notables en 1788.
A MM. les députés de l'Assemblée nationale, pour indemnité de leurs dépenses et frais relatifs à l'Assemblée............
ANTICIPATIONS REMBOURSÉES.
83
8UR les fermes générales. SUR la ferme des Postes. SUR la ferme de Sceaux et Poissy. SUR la régie générale. SUR la régie des poudres.
Billets. Assignations. Assignations. Assignations. Assignations. Billets.
livres. 60,000,000 livres. 43,688,916 16,286,801 livres. 2,900,000 7,344,152 livres. livres. 7,875,451 7,465,331 livres.
334,333 281,159
60,000,000 59,975,717
119,975,717 10,244,152 334,333 15,340,782 281,159
146,176,143
Assignations des domaines suspendues, lesquelles étaient dans les mains de diverses personnes qui en avaient fourni les fonds au Trésor public avant l'arrêt du 16 août 1788, qui en a suspendu le remboursement.............. 14,395,000 liv.
A déduire lés assignations qui ont été remises dans la circulation, par le moyen de l'emploi que le Trésor public en a fait, en les donnant en payement à. divers créanciers, lesquelles assignation:» sont portées comme comptant en dépense dans les différents chapitres du présent compte.............. 1,503,198
Reste en assignations éteintes......... 12,891,802 liv.
Mécompte dont on n'a pu encore trouver la cause, mais qu'on espère de découvrir par une nouvelle vérification générale dont on va s'occuper...........................................
Total pes dépenses..................
PAYEMENTS FAITS
PAR
le Trésor public.
livres. 363,894,523
9,561,085 241,847
482,033 59,730
5,687,763
114,464,367
12,891,802
33,984
par
différentes caisses.
livres. 192,093,340
TOTAUX.
livres. 555,987,863
9,561,085 241,847
482,033 58,730
5,687,763
31,711,776
159,067,945
507,317,134
223,805,116
33,984
731,122,250
RÉCAPITULATION.
RÉCAPITULATION.
TRESOR
PUBLIC.
Les recettes montent à.............................................
Les dépenses à..................................... 507,317,134 liv.
A DÉDUIRE
Les bons à terme que le premier commis du grand comptant a délivrés pour le service des divers départements, et dont il est fait dépense dans le présent compte....................................... 2,728,649
livres. 603,303,887
504,588,885
Reste en caisse au 30 d'avril 1790, ao soir.
98,715,000
DIFFERENTES
caisses.
livres. 223,805,116
223,805,116
TOTAUX.
livres. 827,109,003
728,394,001
98,715,000
Laquelle somme de 98,715,000 livres est composée comme suit
Comptant.
1790.
Avril......
Mai........
Juin.......
Juillet.....
Août.......
Septembre, Octobre.... Novembre.. Décembre..
Sur Paris.
livres.
Effets en portefeuille.
1791.
Janvier Février Mars... Avril.. Mai.... Juin... Août..
1792. Février.
3,777,015 1,984,690 3,327,970 6,970,091 7,158,290 8,461,991 7,631,460 8,489,816
47,801,322
EFFETS
Sur les provinces.
livres. 30,000
'mU^ôo
1,131,451 2,818,550 2,930,730 2,905,860 2,907,040 2,302,200
livres. 6,532,660 3,585,950 2,599,970 2,412,210 2,660,360 375,690 20,000
18,186,840
livres. ' 20,000
16,640,130
livres. 623,100 255,190 181,850 144,910
1,205,050
TOTAUX.
livres.
30,000 3,777,015 3,598,990 4,459,420 9,788,641 10,089,020 11,367,850 10,538,500 10,792,016
livres.
64,441,452
livres. 14,861,658
64,441,452
livres. 7,155,760 3,841,140 2,781,820 2,557,120 2,660,360 375,690 20,000
Y 83,853,342
19,391,890
19,391,890
20,000
Somme pareille.
98,715,000
A Paris, le l,r mai 1790 : Signé ; Dufresnk. Vu : NECKER.
analyse, par m. colmar, des recettes et dépenses faites par le ministre des finances, et observations, sur le compte général rendu le 21 juillet 1790 (1). (Imprimé par ordre du comité des finances de l'Assemblée nationale (2),
Nota. L'Assemblée nationale, dans sa séance du 8 juillet 1790, avait renvoyé à son comité des finances l'examen de l'accusation portée par M. Colmar contre M. Necker. Nous insérons ici eette accusation, quoiqu'elle n'ait été imprimée qu'au mois de septembre suivant.
AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR.
J'aurais pu rendre cette analyse publique dès les premiers jours du mois d'août, et confondre une multitude de journalistes mercenaires, vils, intolérants, téméraires, ennemis de l'ordre et de la lumière, toujours prêts à jeter un voile sur les manœuvres secrètes, désastreuses, dirigées contre le pauvre peuple, qui me condamnèrent impitoyablement de m'être mis en avant sans être en état, disaient-ils, de fournir au moins des semi-preuves. 1
Les honnêtes gens sauront que la matière ^tait assez délicate pour que je dusse me prescrire une marche régulière, méthodique; et c'est d'après Cette conduite que je suis parvenu à fixer l'attention de Messieurs du comité des finances de l'Assemblée nationale, dont les délibérations sages à mon égard m'ont fourni l'occasion de faire le sacrifice de mon intérêt à la chose publique.
INTRODUCTION.
; H'importe à tous les citoyens de connaître les erreurs dans les comptes des ordonnateurs des divers départements, et très particulièrement de celui de la finance. C'est dans ces vues que je me suis proposé de faire remarquer celles qui m'ont paru les plus saillantes, et qui n'ont point échappé à l'œilattentif de touthomme qui voudra observer, sans prévention,la marche tortueuse de ceux qui sont intéressés au désordre, et à éloigner le grand œuvre de la Constitution; cependant on ne peut constater l'inexactitude d'aucun compte que par l'examen des pièces prétendues justificatives, et, par cette raison même, il faut que tous les comptables offrent à l'inspection publique, c'est-à-dire des citoyens courageux et instruits qui ne présentent, pour relever les erreurs, toutes les pièces à l'appui des dépenses ainsi que celles qui constatent les recettes effectives; jusque-là nous sommes autorisés à regarder comme faux ou
vicieux tous les articles qui ne sont point étayés des pièces justificatives et probantes.
Je veux bien, dit le ministre, à la fin du préambule ou discours, dans son compte général du 21 juillet 1790, qu'on rende rétroactive à mon égard la loi de responsabilité des ministres; je veux bien qu'on la rapporte jusqu'au premier jour de ma précédente administration, etc.
En saisissant la proposition de M. Necker, nous le prions de nous dire comment il se fait que le total de son compte rendu en 1781, ne cadre ni avec celui qu'il a donné dans son Traité sur l'ad~ ministration des finances, ni avec celui qui était joint au discours prononcé le 5 mai 1789, à l'ouverture des Etats généraux, compte par lequel il n'a porté qu'à 475,294,000 livres les revenus du roi,lesquels, dans son administration des finances, sont portés à 545,900,000 livres, ce qui opère une diminution d'environ 70 millions de livres sur les revenus publies.
Nous demandons d'où provient cette différence, et pourquoi n'en avoir pas expliqué les détails?
A l'égard du compte général rendu cette année 1790, tout y est massé, tout y est confondu, revenus publics, recettes extraordinaires, emprunts, anticipations, etc.
Malgré cette confusion, M. de Brémont, citoyen très versé dans les matières de finances, s est empressé de rendre public, par la voie de l'impression, un simple aperçu par lequel il démontre et prouve "qu'il y a 264 millions d'erreur sur quatre articles seulement de ce compte.
Notre objet n'étant point, dans ce moment, d'analyser un tel compte (1), nous nous bornerons, quant à présent, à donner ici, ainsi que nous nous y sommes engagés, l'état de situation auquel se trouvait le Trésor royal au 1er janvier 1790, dans lequel j'aperçois une somme d'environ 859 millions dont M. Necker n'a pas justifié de l'emploi.
Le compte de 1788 justifie que le service de cette année était assuré par le moyen de l'em* prunt de 120 millions et par le renouvellement des anticipations alors existantes.
Il est prouvé, par ce compte, que toutes les charges, tant ordinaires qu'extraordinaires de1788, acquittées, il y aurait eu, au 1er janvier 1789, la somme de 7,393,000 livres d'excédent du service de 1788.
M.-Necker confirme lés résultats du compte de 1788, en prenant pour preuve du déficit qui existait alors dans les finances.
Il est prouvé que les dépenses de 1788 comprenaient une somme de 76,500,000 livres de remboursement qui ont été suspendus au mois d'août 1788.
Enfin il est connu que le dépérissement de quelques branches de revenus est postérieur au nàois de mai, et même à i'année entière 1789.
C'est d'après ces différentes bases qu'on peut connaître quelle était la situation réelle du Trésor royal au 1er janvier 1789.
À cette époqùe les dépenses des différents départements, pour le service de 1788, n'étaient pas soldées, à beaucoup près; il y avait des retards sur les pensions, sur les gages, traitements, etc.
TABLEAU
de situation du trésor royal OU 31 décembre 1789, d'après le rapport du premier ministre des finances.
Au 1er janvier 1789, M. Necker devait avoir en caisse, soit en
argent, soit en effets exigibles, une somme de............... 145,643,000 liv. sans y
comprendre celles résultant des retards de payements qui ne seront ici que pour mémoire.
Voyez le chapitre X des recettes extraordinaires du compte rendu par M. de Brienne,
archevêque de Sens.
Les recettes du Trésor royal, suivant M. Necker, étaient en1789 de..................... 475,294,000
L'emprunt de la caisse d'escompte en vertu de l'arrêt du conseil d'Etat du roi, du 17 janvier 1789 était de....:...... 25,000,000
Autre emprunt décrété par l'Assemblée nationale le 19 décembre 1789, en versant 80 millions de livres de billets de la caisse d'escompte, ci ... 80,000,000
Chapitre des anticipations.
Les anticipations sur le service des huit derniers mois de 1789, suivant le rapport de M. Necker, à l'ouverture des Etats, au chapitre des anticipations, étaient de............. 172,000,000
Celles sur 1791, suivant le même, étaient de............ 90,000,000
Les emprunts nationaux des 30 et 80 millions, en vertu des déclarations du roi des 12 et 28 août 1789, ont produit, suivant le dernier compte de M. Necker.................. 31,717,577
Le produit des vaisselles, suivant le même............ 14,257,040
La contribution patriotique, suivant le même............ 9,721,085
Chapitredes dépenses arriérées.
Parties arriérées restées en caisse, tandis que M. Necker les porte en dépense, savoir :
A reporter...... 1,043,632,702 liv.
Report....... 1,043,632,702 liv.
Dix-huit mois d'arrérages de rentes annuelles montant à 162,486,000 livres par an, suivant les différents comptes de M. Necker, ci, pour dix-huit mois.....:..,..:;........... 243,729,000
Idem. Pour intérêts d'effets publics, suivant les mêmes comptes, 44,300,000 livres par an, et pour dix-buit mois .... 66,450,000
Pour intérêts des gages des charges montant £ 14,692,000 livres par an, et pour dix-huit mois, ci.................... 22,038,000
Six mois de pensions arrié- riées, ci............................14,599,000
L'arriéré des divers départements peut s'élever à 160 millions ; mais M. Necker, d'après son dernier compte général, paraît être en avance avec les ministres de 25 à 30 millions, ci, pour mémoire (1).
Total des sommes versées au , Trésor royaj, et de celles qui ont dû y exister pendant l'année 1789................... 1,390,448,702
Sur quoi il faut en déduire les dépenses fixes, montant ensemble, suivant le rapport et le compte de 1789, ci........ 531,443,000
Reste en caisse au 31 décembre 1789, toujours d'après le compte de M. Necker...... 859,005,702
Observations générales.
Dans la supposition où le premier ministre, ses partisans et adhérents, croiraient pouvoir répliquer à ces observations générales, je demanderais que la discussion détaillée des comptes de finances fût faite contradictoirement et publique*-nient, en présence d'un certain nombre de commissaires nommés par l'Assemblée nationale, et de citoyens assez instruits et versés dans les matières de finances que j'offre de réunir à cet effet.
Alors, je ne me bornerai point à faire connaître les erreurs et les désordres de l'ancien régime de la finance; je proposerai de suite un plan de travail sur une législation de finance économique de la plus grande importance, législation qui n'a jamais existé, et dont les bases seront appuyées sur la régénération de l'agriculture, seul fondement solide d'une bonne Constitution.
Pour y parvenir, j'offre à Messieurs du comité des finances et à l'auguste Assemblée :
1° De résoudre le problème des assignats ou papier-monnaie de la manière la plus propre à opérer immédiatement la liquidation de la totalité de la dette publique, et d'assurer sur des
hypothèques et non sur des impôts le sort du clergé, et les dépenses relatives au culte (1) ;
2° De fournir des plans d'administration économique et de réductions sur les divers départements qui ne seront pas moindres de 70 millions par an ;
3" De supprimer tous les impôts arbitraires et vexatoires de l'ancien régime, en les remplaçant par des contributions (2) simples qui ne porteront que sur deux ou trois objets, lesquels fourniront au delà des besoins de l'Etat ;
4° D'indiquer les moyens d'assurer l'abondance des denrées de première nécessité, d'empêcher à jamais l'accaparement et le monopole des grains et farines; défavoriser singulièrement la libre circulation de ces denrées, sans avoir à craindre l'abus de cette liberté, qu'il est toujours nécessaire et prudent de surveiller (3) ;
5° Enfin, et par une suite des précédents moyens, d'en donner d'une facile exécution pour
la jonction de toutes les rivières navigables par l'ouverture des canaux de navigation et d'arro-sement et leur confection ainsi que celles des grandes routes et chemins de communication; d'empêcher les inondations et débordements des eaux, de pratiquer tous les travaux relatifs au dessèchement des lacs, étangs, marais nuisibles, ainsi que les atterrissements le long de la mer et des rivières, causes ordinaires des épidémies, des épizooties qui ravagent les campagnes et les villes et très particulièrement dans le3 provinces méridionales.
On parviendra ainsi, à favoriser l'exploitation d'une multitude de mines dont celles des charbons de terre, si utiles aux usines,, abondent dans le royaume; ce qui ménagerait, économiserait nos bois dont la rareté et les prix augmentent sensiblement.
Par la disposition de ces travaux indispensables, l'Assemblée nationale aura la douce satisfaction de mettre de suite les administrations de département à même d'occuper l'infinité de bras oisifs et des êtres robustes et laborieux qui sont dans l'indigence, et que le malheur des circonstances n'ont que trop multipliés au grand regret de l'humanité.
Signé : Colmar.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures du matin.
(de Saint-Jean d'Angély), secrétaire, donne lecture du procès-verbal de ta séance d'bier.
Ce procès-verbal est adopté.
, député de la ville de Grasse, fait à l'Assemblée nationale, de la part de la dame Gabrielle de Théon d'isnard, citoyenne de la même ville, la remise d'un titre de rente, constituée sur les tailles, au capital de 592 livres, et de 102 livres 8 sous d'arrérages pour premier terme de sa contribution patriotique, abandonnant à la nation l'excédent de cette somme, sur le quart de ses revenus.
(de Saint-Jean-d'Angély), secrétaire, fait lecture d'une note de M. le garde des sceaux, indicative de la sanction apposée par le roi aux décrets suivants :
Le roi a sanctionné:
« 1° Le décret de l'Assemblée nationale du 9 de ce mois, portant que le serment des experts qui seront nommés pour l'estimation des biens nationaux, sera prêté sans frais, par-devant les juges ordinaires ;
e 2°. Le décret du même jour portant suppression des offices des jurés-priseurs;
« 3° Le décret du 10, portant que les biens des non-catholiques qui se trouvent encore entre
les mains des fermiers de la régie aux biens des religionnaires, seront rendus aux héritiers
successeurs desdits fugitifs ;
« 5® Le décret du même jour, portant révocation de l'administration ci-devant confiée aux élus généraux du duché de Bourgogne, comtés et pays adjacents, et qu'il sera fait défense aux-dits élus de s'immiscer dans aucune partie de cette administration;
« 6° Le décret du 12, qui fixe définitivement la division du département de l'Eure, en six districts ;
« 7° Le décret du même jour, portant que l'économe général continuera, pendant la présente année, la régie qui lui est confiée;
«8° Le roi a aussi accepté le décret du même jour sur la constitution civile du clergé, et prendra, en conséquence, dans sa sagesse, les mesures nécessaires pour en assurer l'exécution ;
« 9° Sa Majesté a donné sa sanction au décret du 13, concernant la perception que le ci-devant seigneur de Quesnoy près Lille, continue de faire d'un péage et pontonage sur la rivière de Deule;
« 10° Âu décret du même jour relatif à la perception des droits d'aides, octrois et barrières établis aux entrées de la ville de Lyon;'
« 11° Au décret du même jour, portant qu'il sera informé par les tribunaux ordinaires contre les infracteurs du décret du 18 juin, sanctionné par le roi, concernant le payement des dîmes et des chamçarts, autres droits fonciers, même contre les officiers municipaux qui auraient négligé à cet égard les fonctions qui leur sont confiées;
« 12° Au décret du même jour, portant que les directoiresde département chargeront, sans délai, les directoires des districts de se faire représenter, par les receveurs, les registres de leurs recouvrements, afin d'établir la situation des collecteurs et de chaque municipalité du district ;
« 13? Au décret du 16, relatif à l'exécution de la vente des domaines nationaux, conformément au décret du 14 mai, et à l'instruction du 31 du même mois, sanctionné et approuvé par le roi ;
« 14° Au décret du 17, qui annule les procès-verbaux des prétendus commissaires des trente-deux sections de la ville de Lyon, des 9 et 10, et ordonne l'exécution du décret du 13, concernant le rétablissement des barrières de ladite ville ;
« 15° Et enfin, Sa Majesté a donné ses ordres, d'après le décret du 11 du présent mois, pour la continuation du service de la poste aux lettres, de la poste aux chevaux et des messageries,
Et prendra en considération l'objet de la délibération du 10, relative à M. de Mazière, emprisonné à Bruxelles.
Signé : Champion, de Gicé archevêque de Bordeaux. Paris, le
Le même secrétaire fait part à l'Assemblée d'une adresse des administrateurs du district de Fougères, dans laquelle, pour "prémices de leurs travaux, ces administrateurs présentent à l'Assemblée l'hommage de leurs senliments de reconnaissance, de respect et de soumission pour ses décrets.
annonce à l'Assemblée que les députés de la fédération générale des départements de la Sarthe et autres demandent d'être admis à la barre.
L'Assemblée délibère de les y admettre aujourd'hui, à la séance du soir.
expose les motifs d'intérêt public qui doivent engager à ne négliger aucun moyen de se procurer les renseignements les plus exacts sur les biens du ci-devant clergé et gens de mainmorte, et d'assurer ainsi le succès de l'importante opération de la vente des biens nationaux. Il annonce que, d'après l'ancien ordre de choses, on obtiendra les connaissances les plus complètes à cet égard, des directeurs du domaine, des contrôleurs des actes et des revenus des décimes ; il présente un projet de décret qui a pour objet d'ordonner à ces officiers publics d'adresser ces renseignements à l' Assemblée nationale : il joint à ce projet de décret un tableau destiné à déterminer la forme dans laquelle ces renseignements doivent être présentés.
Ce décret est absolument inutile ; les dispositions en sont prévues, puisque les municipalités sont autorisées à faire, dans les dépôts publics, toutes les recherches nécessaires.
On trouverait très peu de choses chéz les contrôleurs, et moins encore chez les receveurs des décimes, puisque les rôles leur ont été remis par les bureaux des décimes. L'objet que M. Bouche se propose est déjà rempli; le comité ecclésiastique a demàndé aux municipalités des renseignements très considérables ; il en a déjà beaucoup reçu.
(On demande la question préalable sur la proposition de M. Bouche.)
(La question préalable est prononcée.)
, rapporteur du comité féodal. En défendant par votre décret sur la chasse, des 20,21 et 28 avril, de chasser dans les parcs, bois et forêts dépendant des maisons royales, votre intention n'a pas été d'attribuer aux municipalités la connaissance des infractions à ce décret et de faire comparaître, pour ainsi dire, le roi à leur tribunal. Cependant la municipalité de Versailles a commencé des poursuites dans une affaire de cette nature. G'est pour obvier à un tel abus que nous vous proposons le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, informée des doutes qui se sont élevés sur l'article 16 de ses décrets des 20,21 et 28 avril dernier, concernant la conservation des plaisirs personnels du roi;
« Déclare : 1° que, par ledit article, la chasse est interdite dans les lieux y désignés, même aux propriétaires, sur leurs fonds non clos de murs, sauf à statuer ci-après sur l'indemnité qui pourra leur être due pour raison de cette défense ;
2* Que tous les délits de chasse commis dans lesdits lieux doivent être poursuivis par-devant les juges ordinaires.
Je demande, par amendement, que tout ce qui est clos soit exempt de recherches.
Il doit être défendu à tous les propriétaires d'enclavés de chasser aux environs des plaisirs personnels du roi si leur terrain n'est pas clos par un mur; un fossé ou une haie vive ne sont pas suffisants, pour leur donner le droit de chasse. Il faut éviter les malheurs imprévus qui pourraient résulter de Coups de fusil tirés dans des lieux couverts pardes haies, tandis que Sa Majesté pourrait y passer à chaque instant.
(de Saint-Jean d'Angily). Je crois
que le propriétaire doit avoir le droit dechasser sur sa propriété close et ai lé roi était présent, son respect connu pour la propriété le porterait à adopter les dispositions qui consacreraient ce principe.
Je demande qu'il soit défendu aux officiers des chasses du roi de chasser avant la levée des récoltes.
Le décret qui nous est proposé est extrêmement important. J'en demande 1 impression et l'ajournement.
Dans tous les cas, les propriétaires qu'on priverait du plaisir de chasser sur leur propriété ont droit de prétendre à une indemnité.
Si la demande d'ajournement est maintenue je propose de la faire porter sur l'article Ier et de décréter l'article 2 dès à présent.
(Cette motion est mise aux voix et adoptée.)
L'article 2 est ensuite décrété en ces termes :
Tous les délits de chasse commis dans les lieux désignés par l'article 16 des décrets des 20, 2i et 28 avril dernier, concernant la conservation des plaisirs du roi, doivent être poursuivis par-devaut les juges ordinaires »
, L'ordre du jour est la dis-eussion sur l'organisation de l'armée.
Le rapporteur du comité militaire a la parole.
, député de Nemours. Le comité militaire, dans les observations qu'il va vous soumettre sur le projet d'organisation de l'armée, présenté de la part du roi par le ministre de la guerre, a pensé devoir chercher-à réunir l'intérêt du moment avec les avantages d'une bonne organisation, et allier tout ce qui est nécessaire à une bonne armée avec les principes d'économie qu'exigent les circonstances actuelles. Le plan arrêté par le roi est combiné sur le doublement des régiments. Cette disposition qui rapproche les anciens corps, est la plus convenable dans le moment actuel, en ce qu'étant obligé pour changer l'organisation de l'armée ou de doubler ou de diviser, la division détruirait cet esprit de fraternité qui existe et qu'il est important de conserver. Cette méthode est encore la plus économique. Le comité a VU avec peine qu'elle n'était point adoptée pour la cavalerie. Le ministre propose le tiercement. Cette opération séparerait les individus habitués à vivre ensemble, et produirait un déchirement dangereux. Dans ce plan, en augmentant les corps de troupes légères, on attache à chacun d'eux un bataillon d'infanterie qu'on appelle légion : ce procédé avait déjà été adopté ; on y a renoncé, il n^est en Usage chez aucune puissance. Le génie et rartillerie sont menacés de réformes considérables; il serait dangereux, d'après ]e système de défense que l'Assemblée a adopté, d'altérer les forces défensives. Le ministre voit des dangers dans la réunion du génie et de rariillerié que 1e comité avait proposée. Il n'est fait aucune mention des ingénieurs-géographes. Le plan arrêté par le roi présente aussi un état-major trop nombreux. Le comité exposera ses vues sur les différentes parties de ce plan ; il suivra l'ordre des tableaux qui le composent: il proposera des projets de décrets qui y seront souvent conformes, mais quelquefois contraires ; il les motivera, mais avant tout il croit devoir vous en présenter un qui servira de base à l'organisation militaire et aux autres décrets. 14 est ainsi concu :
* L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité militaire, et d'après le plan présenté par le ministre de la guerre de la part du roi, a décrété et décrète : 1° que l'armée active pour l'année 1791 sera composée de 151,000 hommes qui seront divisés comme il sera dit ci-après ; 2° qu'il y aura dan s l'armée 110,000 hommes d infanterie, les officiers compris; 31,000hommes de cavalerie, les officiers compris ; pour l'artillerie et le génie, 10,000hommes, les officiers également compris. »
Avant de discuter ce décret, il faut demander que le comité détaille les. motifs^ qui lui font regarder comme nécessaire une armée de 151,000 hommes en activité; du nombre des troupes dont l'armée sera composée dépendent le maintien de la Constitution et de la liberté, et la détermination de la somme qui sera affectée pour la dépense de cette partie de l'ordre public. Le comité militaire a seulement dit : Dans le cas d'une attaque générale, de tej endroit à tel autre, il faut 40,000 hommes : donc, la force totale doit être de tant, etc. Assurément une telle assertion ne suffit pas pour nous prouver que nous devons dire comme lui : nous aurions l'air d'opiner de lassitude, et d'opter de confiance.
J'ai reçu une lettre du ministre de la guerre qui annonce que d'après le décret de l'Assemblée du 19 courant, il a fait un nouveau plan d'organisation de l'armée.
L'Assemblée décide que cette lettre sera lue, mais la lecture* à peine commencée est interrompue.
Un membre. Votre comité militaire vous a présenté un projet de décret sur lequel vous avez ouvert la délibération. Je demande que la discussion commencée soit continuée.
(Cette motion est adoptée.)
Il y aurait un préalable nécessaire; le comité diffère d'avec le ministre sur plusieurs points : le pretnier est la réunion du génie et de l'artillerie; le second, le doublement de la cavalerie au lieu du tiercement; le troisième, la proposition faite, par le ministre, de joindre un bataillon d'infanterie, sous le nom de légion, à chaque régiment de cavalerie légère; le quatrième, porte sur la liste des officiers généraux que le comité croit devoir être attachés à des régiments. Ce serait déjà beaucoup que d'avoir sur ces différents points l'opinion de 1 Assemblée. Cette.marche abrégerait infiniment la discussion.
, le jeune. Il me semble qu'on était convenu de discuter les bases du comité.
Il paraît que la première question e3t de savoir s'il convient à la liberté publigue et à la sûreté de la Constitution d'entretenir 150 mille hommes sous les armes? Il faudra ensuite arrêter la proportion des différentes armes. Jusqu'à ce que ces deux points soient décidés,, on ne peut aller en avant sur l'organisation de l'armée.
L'Assemblée a à examiner le nombre des hommes dont sera composée l'armée; si cette armée sera divisée en deux parties, l'une active et l'autre sédentaire,
quel sera le nombre des deux espèces de forces, la division des armes et leur proportion. Avant d'entrer dans cet examen, je demande à faire unè observation sur l'exposé du travail du comité militaire, présenté dans la séance du 13; il s'y trouve une assertion qui ne peut être lue sans effroi et sans douleur. On y lit:
«L'armée doit être à la disposition du chef suprême à qui la nation l'a confiée : le choix dés soldats et des officiers, leur avancement, leur suspension et leur destitution. » Les récompenses que mérite leur zèle doivent donc être également à sa disposition. Cependant il ne faut pas que tous ces avantages ne soient dans ses mains qu'un moyen de faveur et de corruption avec lequel il puisse se ménager des conspirateurs et fomenter la sédition....
(On observe à M. de La Galissonnière que ce n'est point là une assertion.)
La discussion doit uniquement porter sur ceci :
« Le comité propose d'établir une armée de 151 mille hommes; y en aura-t-il moins, yen aura-t-ilplus, y en aura-t-il autant?»
Le rapport contient des principes qu'il faut bien discuter. On y trouve ces mots: « Il devient indispensable qu'il n'y ait à la tête de nos troupes que des chefs amis de la Révolution; tout ce qui pourrait y être contraire ne doit pas avoir la direction de la force armée. Nous serions sans cela menacés à chaque instant de la voir se tourner contre la liberté que nous avons établie et que noua voulons défendre. Il se formerait différents partis dans les corps... »
(Une grande partie de l'Assemblée demande à passer à l'ordre du jour.)
, le jeune. Quand l'Assemblée décrète l'impression d'un rapport, il faut qu'elle en réponde ou qu'elle improuve les expressions injurieuses à la majesté du roi.
Il faut donc examiner le plan du ministre; cependant il y aurait une grande question à agiter. Les compagnies continueront-i'lleg à être au compte du trésor national? (On demande à passer à 1 ordre du jour); l'Assemblée a à déterminer la quantité des troupes dont l'armée sera composée et sa division en deux parties, l'une active et l'autre sédentaire. Je crois que l'armée active ne peut être moindre de cent cinquante mille hommes, et qu'en temps de guerre, il faut avoir une armée auxiliaire de cinquante à soixante mille hommes, afin de présenter à la première attaque un front de deux cents ou de deux cent dix mille hommes. L'infanterie doit être de cent dix mille hommes. La cavalerie de trente-deux mille ; l'artillerie et le génie de neuf mille ; ce qui forme les cent cinquante-un mille hommes.
Je demande si le comité, avant de nous présenter son plan, a pris connaissance des divers travaux sur l'organisation de l'armée qui lui ont été adressés, notamment de ceux de MM. de Pawlet et Des Pommelles (1).
Le comité a pris connaissance
J'avais demandé la parole, parce que je croyais examiner le plan du ministre de la guerre, et que le comité se bornerait à en discuter la base principale, qui consiste dans une armée active de 151,940 hommes, y compris les officiers. Cette base est d'accord avec les principes que le comité militaire a toujours adoptés, soit dans son rapport du mois de janvier dernier, soit dans celui présenté le 7 juillet par M. de Noailles. Je me réfère à cette base, et je demande qu'elle soit décrétée ; il sera ensuite facile d'en faire l'application aux différents plans.
, le jeune. On vous propose de décréter une armée active de 151 mille hommes. Il existe un plan d'un membre du comité militaire, qui présente une armée de deux cent mille hommes; cent vingt mille toujours sur pied, et quatre-vingt mille auxiliaires. Je crois que la discussion devrait en être préalablement faite, car il semble réunir l'avantage d'une défense plus forte avec une moindre dépense. J'ai entendu faire plusieurs objections. On dit que l'armée active se trouvait subordonnée à l'armée auxiliaire. Si l'on a voulu dire que l'armée active y serait subordonnée pendant la paix, c'est moins un reproche qu'un éloge. On a dit que ce plan s'opposait aux réengagements, parce qu'il offrait aux soldats un avantage considérable après six ans de service ; mais, d'après ce plan même, il faudrait faire moins de recrues.
Je crois donc que ce plan présente de très grands avantages. Au premier coup de canon, vous auriez 200 mille hommes exercés, et pendant la paix, vous laisseriez un plus grand nombre de bras à l'agriculture et aux manufactures ; il ne demande pas une dépense plus considérable que celui du comité, et il offre cinquante mille combattants de plus au premier signal de guerre. Il conserve le même nombre d'officiers, ie même nombre des soldats dans la cavalerie et l'artillerie, parce qu'ils ont besoin, pendant la paix, d'être exercés pour la guerre. Il n'évite pas l'inconvénient de recrues par milice; mais il retarde d'une campagne l'emploi de ce moyen, et l'on sait que du succès de la première campagne dépend souvent le succès de la guerre. Je demande donc que M. Emmery soit entendu.
Quelque désirquej'eusse de relever différents passages du préambule du rapport qui vous a été fait le~13 de ce mois, je me conforme aux ordres de l'Assemblée, et j-e passe à l'objet plus particulier de la discussion. L'Assemblée a décrété que le plan du ministre serait préalablement discuté. J'ai examiné ce plan, et il ne m'a présenté aucune vue sur la dépense; et quoique soldat depuis20ans, jen'y ai trouvé aucun détail sur l'organisation et sur les proportions de l'armée ; cependant on vous propose d'en décréter les bases avant que nous ayons été éclairés sur les motifs qui ont déterminé les dispositions de ce plan, avant que le plan de M. Emmery soit connu. Cette marcbe n'est nullement convenable a la sagesse de l'Assemblée nationale, il est nécessaire de combiner les différentes parties de ce, pian ; je demande donc que le ministre donne les motifs du nouveau modèle d'armée qu'il propose, et l'état de l'armée actuelle, afin qu'on puisse en faire la comparaison. Je demaude que les neuf rapports, annoncés par le comité militaire, soient
également imprimés, surtout le neuvième, qui est le plus important ; car, selon M. de Noailles, il comprend la suppression des emplois inutiles, la disposition des forces militaires dans l'intérieur du royaume, le système de défense, les moyens d'exécution pour le plan proposé, et les avantages qui doivent en résulter pour l'Etat et pour les individus. On reprendrait lundi la discussion en connaissance de cause, et après avoir saisi l'ensemble de ce plan.
Sur le nombre d'hommes, le comité est d'accord avec le ministre de la guerre, et c'est sans doute un préjugé favorable pour cette opinion ; mais je voudrais que la discussion s'établît de manière à porter sur le plan du ministre, sur celui du comité, et sur celui de M. Em-mery ; il me paraîtrait aussi convenable d'ordonner au comité de développer ,les motifs de son opinion.
(On demande que M. Emmery soit entendu.).
Je sens qu'il ne m'appartient pas d'avoir une opinion personnelle sur l'armée; c'est après avoir profité des discussions que j'ai entendues au comité militaire, et des différentes idées qui y ont été développées, que je suis parvenu à m'en faire une sur la force armée, nécessaire pour les besoins de la paix, pour ceux de la guerre", et proportionnée à nos finances. Avantque l'Assemblée nationale eût pris la glorieuse résolution de ne point entreprendre de guerres pour faire des conquêtes, avant qu'on se fût assuré que l'intrigue des cours ne déterminerait plus les déclarations de guerre, l'armée était de 164,000 hommes de troupes de ligne et 60,000 hommes de milice : 240,000 hommes étaient donc l'état de notre armée, en paix et en guerre : on faisait de nouvelles levées, quand des besoins pressants l'exigeaient; ainsi, au delà de 240,000 hommes, on n'avait aucune ressource assurée : vous avez maintenant les gardes nationales, habituées à marcher ensemble, remplies de zèle pour la défense de Ja liberté et de leurs foyers. En ne les considérant que comme des citoyens-soldats, vous pouvez vous attendre qu'elles défendront les frontières, qu'elles serviront, comme les milices, à tenir les garnisons, tandis que les troupes de ligne agiront contre l'ennemi au dehors ;etsices troupes étaient repoussées, la valeur des gardes nationales les appuierait vigoureusement dans leur retraite, et l'on devrait tout attendre de leur courage, lorsqu'elles combattraient sous les yeux de leurs femmes, de leurs enfants et de leurs concitoyens.
(Une grande partie de VAssemblée applaudit; les applaudissements des tribunes et des galeries, remplies des députés des gardes nationales du royaume, sont unanimes.)
C'est d'après cette considération, très influente sur tout système militaire, que j'avais pensé, ou plutôt recueilli de la pensée de plusieurs bons militaires, qu'une force active de 150,000 hommes occasionnerait une dépense considérable qui augmenterait encore les besoins de la guerre. J'avais pensé que nous avions d'autant moins de troupes pendant la paix, que le service des garnisons ne sera pas désormais aussi considérable ; il y aura un moins grand nombre d'hommes de garde ; on ne mettra pas de sentinelles à chaque coin de rue : il faudrait, permettez-moi cette expression, un officier municipal à côté de chaque sentinelle, pour la requérir ; ainsi le soldat moins nombreux d'un tiers ne fera pas un service aussi fatigant.
Ajoutez encore que, pour toutes les opérationsMe l'ordre civil, les gardes nationales seront employées. J'avais pensé que 120,000 hommes sous les armes suffiraient pour l'instruction des troupes auxiliaires. Je ne comprends dans mon plan ni la cavalerie Di l'artillerie, parce que l'instruction de ces corps est plus longue, et que c'est à l'instruction que je tends. Je ne comprends pas les officiers dans les. 120,000 hommes qui composeront l'armée active, parce que ce n'est point au moment de la guerre qu'il faut chercher des officiers instruits, et que les officiers font la véritable force de l'armée : ainsi l'armée active, y compris les officiers,- serait de 150,000 hommes; on ne recevrait dans l'armée auxiliaire aucun individu qui n'eût servi pendant six ansdansl'arméeactive : ils se réuniraient chaque année pendant un mois pour faire la répétition dece qu'ils aurontappris. Je vois dans ce projet l'avantage de n'avoir pas à redouter une masse de 150,000 hommes pendant la paix, entre les mains des ministres. Si vous aimi'Z votre Constitution et la liberté, vous reconnaîtrez que cette considération est puissante, surtout quand on vient de faire une Révolution telle que la nôtre.
La seconde observation porte sur l'économie. Je propose de donner une demi-solde aux soldais auxiliaires, il ne faut pas croire que ce soit la moitié delà solde des soldats actifs. "Un auxiliaire avec la demi-solde pendant onze mois, solde entière pendant celui de rassemblement, moitié de la masse générale pour son habillement, et un douzième de chacune des autres masses, en raison de l'activité de son service pendant un douzième del'année, reviendrait à 961ivresl9 sous2deniers. Un fantassin, sous les armes, coûte 251 livres. Vous voyez que le rapport entre la dépense à faire pour un soldat actif, et celle à faire pour un auxiliaire, est à peu près de 27.à 70.
Ce système offre donc une grande économie d'argent, avec une augmentation considérable de forces; économie d'argent : la dépense pour 200,000 hommes serait inférieure à celle qu'on propose pour 150,000. Augmentation de forces : 150,000 hommes ne suffiraient pas au moment de la guerre, et 200,000hommes suffiraient; 200,000 hommes façonnés à la discipline, exercés, instruits, éprouvés, tels qu'on les aurait d'après mon plan. Une armée de 150,000 hommes, absorbant 84 millions, ne dispenserait pas de lever 50,000 hommes au premier signal de guerre; mais ces 50,000 recrues seraient incapables de bien servir avant un long apprentissage : quelles qu'elles fussent, leur enrôlement coûterait beaucoup, leur habillement, leur équipement seraient un nouvel objet de dépenses, et prenez garde que celles qui se font au moment de la guerre sont toujours plus grevantes.
Il n'est pas question de dire qu'on évitera les frais d'enrôlement par un tirage de milice; on n'en veut plus :1e peuple ne s'y soumettra jamais. L'Assemblée nationale, en ordonnant la recherche des moyens par lesquels on pourrait augmenter l'armée pendant la guerre, a imposé pour condition expresse la suppressiondu tirage de la milice. Quand il serait permis de recourir à cet odieux moyen, il y aurait de l'inhumanité à ne pas le rendre utile par l'adoption d'un plan, qui, n'offrlt-il que cetunique avantage, serait encore précieux : on dira qu'avec 150,000 hommes sous les armes, on peut avoir 50,000 auxiliaires; mais je prie qu'on ne perde pas de vue que 150,000 hommes sous les armes absorberont les 84 millions destinés à la guerre, et vraisemblablement les dépas-
seront ; il faudra donc un nouveau fonds pour l'entretien des 50,000 auxiliaires. Vous pouvez tout ce qui est bon, utile, nécessaire ; vous le pouvez avec moins de 84 millions : ils suffiront et au delà pour entretenir 200,000 hommes prêts à marcher au premier signal. Pourquoi consacreriez-vous au même objet une somme plus forte, sans autre avantage que d'avoir constamment sous les armes 50,000 hommes de plus pour^nenacer davantage votre liberté ?
J'ai su qu'on avait fait des objections à mon plan ; je les combattrais en ce moment si j'avais prévu que je dusse parler aujourd'hui, si j'avais prévu que vous pussiez attacher quelque importance à mon opinion. On m'a dit que pendant la paix, il fallait être prêt à la guerre; j'ai répondu que c'était alors que mon plan était concevable, vous aurez aisément 120 mille soldats actifs. Les trois quarts de ceux qui seront réformés prendront parti parmi les auxiliaires : il en sera de même des soldats répandus dans les campagnes, et qui souffrent du surhaussement des denrées et de la perte du travail. En cas de guerre, vous trouverez donc des soldats qui marcheront avec les autres, et qui, aussitôt qu'ils ne seront plus nécessaires, rentreront dans l'ordre d'un système arrêté. Si vous donnez quelque attention à mes idées, je demanderai à réfuter les objections qui pourront m'être faites.
(Une grande partie de l'Assemblée applaudit.)
, le jeune. Il vient d'être présenté un nouveau plan, dont il est impossible de saisir aussi rapidement l'ensemble. L'opinant parait l'avoir très bien développé, mais il convient lui-même qu'il n'était point préparé. Il serait donc présomptueux de le combattre en improvisant. Il y a dans ce plan beaucoup de choses qui me paraissent devoir être adoptées. L'autre projet n'a pas été développé de même; il présente simplement une échelle de proportion dont il serait aisé de démontrer l'irrégularité. Je veux seulement faire une observation, qui vous prouvera la nécessité de rendre un décret explicatif de celui que vous avez rendu il y a quatre jours. Le plus grand reproche qu'on ait fait aux militaires de France, c'est leur inconstance dans l'état qu'ils avaient embrassé. En effet, leur sort était tellement incertain,quedepuis 1766, on a cinq ou six fois changé de manoeuvres et de costumes. Après un long service, l'officier se trouve toujours écolier. G'est cette instabilité qu'il faut détruire pour attacher le militaire à son métier. Cependant votre dernier décret a fait naître la crainte d'une instabilité^plus forte. Il porte que, tous les ans, le bill de l'armée sera porté à la législature. Si vous ne décrétez pas que le nombre des corps de ligne, des officiers et des sous-officiers ne variera jamais, que le nombre des soldats sera seul soumis à des variations, vous mettrez tous les officiers comme l'oiseau sur la branche; il suffira de l'éloquence d'un orateur pour leur faire perdre leur état. Il est nécessaire de décréter ce principe avant toute autre chose.
Quelque importantes que soient ces considérations, elles doivent céder à un plus grand motif, à l'intérêt de la liberté publique. Cet intérêt exige que chaque législature puisse réduire ou casser l'armée ; je cite l'exemple de l'Angleterre qui se conduit ainsi.
(La partie gauche de l'Assemblée applaudit).
, le jeune. On sait aussi ce
qu'est le militaire chez les Anglais. Il me semble que la réponse à l'objection est dans ma proposition. Si les législatures ont le droit d'augmenter ou de diminuer le nombre des soldats, il n'y a rien à craindre pour la liberté publique.
Plusieurs personnes ont désiré que je prisse la parole ; je répondrai en un seul mot au préopinant. Autrefois, il s'agissait de la signature d'un ministre ; aujourd'hui, il faut la proposition du pouvoir exécutif, un décret de l'Assemblée nationale et la sanction du roi ; les militaires seront avec tout cela bien plus sûrs de leur sort, -r Le comité militaire a reconnu que le plan de M. Emmery méritait la plus grande considération ; il suppose, ainsi que celui du comité, la même force totale; mais voici la différence essentielle : dans l'un, l'armée doit être de 150 mille hommes actifs et de 60 mille sédentaires ; dans l'autre, de 120 mille hommes et de 70 mille sédentaires ; laquelle de ces deux dispositions doit être admise ? C'est le premier objet de la discussion. En acceptant le plan de M. Emmery, il faudrait changer toutes les proportions des officiers et des sous-officiers ; la forme des enrôlements et la discipline éprouveraient des modifications indispensables. M. Emmery est d'accord avec le ministre et le comité, pour la cavalerie et l'artillerie, il diffère pour l'infanterie, puisqu'au lieu de 110 mille hommes, il n'en présente que 80 mille; mais en approuvant, en admirant son idée, nous avons observé que, dans un moment où toutes les puissances sont sous les armes, où plusieurs même sont campées, il serait dangereux d'adopter un nouveau système qui changerait les proportions du service, son activité et la discipline des corps, et de licencier une trop grande partie de l'armée; nous avons pensé qu'il était prudent, qu'il était nécessaire d'établir l'armée sur les bases que propose le comité. Quand la paix sera rétablie en Europe, quand la. Constitution sera sincèrement adoptée, vous pourrez dégager l'armée active de 15 mille hommes, ou d'un nombre plus considérable pour en augmenter l'armée sédentaire; vous pourrez ainsi revenir au plan proposé. — On a dit que le comité n'avait pas donné assez de développements ; ces développements appartenaient plus particulièrement au ministré. Nous devons frapper cette Assemblée par de grandes masses ; il suffisait de dire, il faudrait telle force pour la défense de telle étendue de frontière; il était inutile d'entrer dans le détail des postes, et de dire: il faut ici 20 hommes, là 30. Nous avons senti comme un autre que nous devions compter sur le courage des gardes nationales, non seulement quand elles combattraient devant leurs femmes et leurs enfants, mais encore hors du royaume.
(Les tribunes, remplies de gardes nationaux, applaudissent avec transport.)
Il serait possible de 'tirer tel avantage de leur organisation, que les calculs d'aujourd'hui deviendraient inutiles. Je passe à la motion de M. de Cazalès. Je désirerais fort qu'elle pût être adoptée; mais chaque partie du plan du ministre est une conséquence de celle qui la précède. Par exemple,' la maréchaussée forme une dépense de 4 millions ; par le résultat de l'organisation de l'armée, cette dépense peut être extrêmement diminuée. Si vous parlez de la supposition d'une attaque générale, vous augmenterez nécessairement l'artillerie et le génie, parce que les travaux deviennent bien plus considérables
que dans la dernière guerre, à raison des passages qui ont été ouverts dans différentes parties des frontières, où il n'y avait pas de chemins. J'ai une dernière observation à proposer; une des grandes difficultés que présenterait une infanterie aussi faible que celle qui se trouve dans le plan de M. Emmery, c'est qu'il faudrait retenir tous les soldats dans les corps, c'est qu'il faudrait renoncer à l'avantage inappréciable de les envoyer dans leur patrie, parmi leurs concitoyens, connaître la douceur et les avantages de la Constitution; c'est que vous mettriez le désespoir dans l'armée. Je crois et ie dis que la proposition de M. Emmery est une bonne conception, qu'il pourra être utile d'en faire usage ; mais qu'il serait dangereux, en ce moment, de ne pas conserver des forces dont la proportion serait déterminée sur l'état actuel de l'Europe.
On a comparé le plan du comité et celui de M. Emmery ; mais on n'a pas présenté une différence essentielle. On parle pour les deux systèmes d'une dépense de 88 millions. Dans l'un, les troupes auxiliaires sont en dedans; dans celui du comité, la dépense des 50 mille hommes sédentaires est en dehors de cette somme.
Le comité n'a pas parlé aujourd'hui de la dépense de l'armée; il est dans son intention de comprendre les 150 mille hommes actifs et les 150 mille auxiliaires dans la même somme.
Je ne vois qu'un plan, celui du ministre: le comité l'adopte, et c'est sur lui que porte mon observation. Je demande si c'est un autre plan que nous discutons ?
Si M. de Toulon-geon demande que l'on ne décrète pas le nombre des individus des différents grades, avant de connaître la dépense qui s'y rapporte, je suis de son avis ; mais en comparant même les tableaux correspondants, il faut une discussion générale sur tous les objets.
La division qui existe dans les opinions prouve la nécessité de l'ajournement que j'ai demandé.
, le jeune. La proposition que je vais faire ne consiste pas dans un ajournement.. L'Assemblée a pu remarquer, dans le cours de la discussion, que le comité a adopté l'opinion de M. Emmery ; il n'en approuve cependant pas l'exécution pour le moment. Il serait possible de tout concilier, en décrétant que l'armée sera de 200 mille hommes: 120 mille hommes toujours assemblés, avec 10 mille officiers et 70 mille auxiliaires; mais que les circonstances présentes exigent 150 mille hommes en activité. Les législatures suivantes réduiraient ce nombre au moins à 120 mille hommes.
C'est le plan du ministre que vous devez discuter ; la seule mission de votre comité est de vous le présenter,
L'Assemblée ralentirait sans utilité son travail, si elle ajournait jusqu'à l'impression des neuf rapports; plusieurs ne sont pas nécessaires pour la discussion. Je citerai, par exemple, celui sur l'organisation de tribunaux militaires. Le parti 1e plus simple est
d'exiger du comité des observations sur le plan du ministre; dans ses observations se trouvera le plan du comité, et dans son opinion, sur les différents points, ses réponses aux propositions de M. Emmery. Si vous ordonnez l'impression, vous vous exposez à un délai de 15 jours.
Il n'est pas possible que les vues de M. de Cazalés soient remplies ; on ne peut pas faire les rapports avant que les bases aient été posées. Je prends pour exemple celui du mode du recrutement dont je suis chargé; je ne puis rien faire si je ne connais la nature du contrat auquel le soldat sera soumis, et je ne puis connaître la nature des dispositions de ce contrat, sans que le nombre des individus qui composeront 1 armée soit fixé. Il y a une mesure sage à prendre, c'est de demander, premièrement, au ministre, pourquoi il propose d'établir une armée active de 150 mille hommes; 2° quel nombre d'hommes existent actuellement sous les drapeaux ? L'Assemblée pourrait obtenir un ajournement à très court terme. L'observation de M. de Crillon est aisée à adopter ; il y a toujours eu deux pieds de guerre ; on décréterait l'armée active de 120 mille hommes pour le premier pied de guerre ; une augmentation de 30 mille hommes qui seraient pris dans les 70 mille auxiliaires, et qui formeraient l'armée active de 150 mille que demande le ministre; ainsi, par un tel moyennes différentes opinions seraient rapprochées. Je propose d'ajourner à lundi.
J'adhère absolument à l'ajournement; mais je demande que d'ici à lundi le comité présente au moins le neuvième rapport.
La division des opinions ne pouvait porter que jsur le nombre d'hommes qui composera l'armée active et l'armée sédentaire ; nous sommes tous d'accord: je demande que le décret proposé par le comité soit mis aux voix. Si nous avions été également d'accord sur la dépense, nous aurions proposé un "projet de décret général. M. de Bouthillier, quia le plus étudié cette question, porte les dépenses accessoires à 16 millions ; dans le plan du ministre, elles s'élèvent à 18 millions: il faut étudier une foule de détails, et ce ne serait pas dans trois jours qu'on pourrait avoir achevé ce travail.
Il est nécessaire de faire mention du service de mer ; dans la dernière guerre, 20 ou 25 mille hommes d'infanterie formaient la garnison des vaisseaux,
Que le comité rende compte du plan présenté de la part du roi par le ministre; il fera ses observations, qui contiendront son plan particulier. Vous avez donné l'initiative àu roi ; ainsi la marche que vous devez suivre est prescrite par vos décrets.
fait lecture d'un projet de décret ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ajournant ladiscussion à lundi prochain, ordonne que, d'ici à cette époque, il sera fourni par le ministre de la guerre un mémoire explicatif des motifs pour lesquels il propose de tenir sur pied une armée de 151 mille hommes, et l'état des troupes actuellement sous les drapeaux ; qu'il présentera encore le tableau de la dépense qu'occasionnerait une armée active de 70 mille hommes, d'être portée à 150 mille
hommes pour le premier pied de guerre; et que le comité donnera en même temps ses observations. »
L'Assemblée n'entend pas sans doute préjuger la question par un décret d'ajournement. Il suffit, en ajournant, d'ordonner que le comité rendra compte des différents plans.
J'ai voulu réunir les différentes propositions qui avaient été faites, et je n'ai pas cru faire préjuger la question. Mais il m'a semblé que votre intention était que les plans fussent comparés. Vous avez voulu, sans donner la préférence à aucun d'eux, les laisser intacts jusqu'à ce qu'on vous eût mis en état de les juger.
présente un projet de décret ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète que le ministre de la guerre sera tenu de lui présenter les motifs sur lesquels il a établi son plan, et que le comité donnera son opinion sur le nombre d'hommes qui composera, pour l'année 1791, l'armée active et l'armée sédentaire. »
(On demande la priorité pour la rédaction de M. Emmery.)
Je demande la priorité pour ia rédaction de M. de Menou. Vous avez décrété que l'initiative appartenait au roi ; donc c'ést le plan arrêté par le roi qui doit être présenté d'abord à l'Assemblée. Comment peut-il l'être? Par le comité militaire, qui donnera son opinion, Sort quil l'approuve, soit qu'il le combatte. Est-il donp possible de mettre en concurrence avec ce plan celui d'un membre de l'As-semblée ?
(La discussion est fermée.)
(Lapriorité est accordée à la rédaction de M. Em-tnery.)
en demande la division.
fait des changements à son projet de décret.
Après avoir entendu la lecture du nouveau projet de décret de M. Emmery, je n'insiste pas sur ia division.
Le projet de décret proposé par M. Emmery est mis aux voix et adopté eu ces termes :
« L'Assemblée nationale, en ajournant ia question à lundi prochain, décrète que d'ici à cette époque, le ministre de la guerre remettra un mémoire explicatif des motifs pour lesquels il propose de tenir sur pied une armée de 150,000 hommes, avec un état des troupes actuellement sous les drapeaux ; tju'il sera présenté à l'Assemblée nationale, par son comité militaire, un tableau de la dépense qu'entraînerait l'exécution du plan du comité même, ou celle de tous autres qu'il croirait devoir présenter, ainsi que le tableau de la dépense d'une armée active de 120,000 Soldats (non compris les officiers), laquelle, au moyen d'une réserve de 70,000 soldats auxiliaires, serait susceptible d'être portée à 150,000 hommes, pour le premier pied de guerre, avec les observations que le comité militaire jugera à propos de faire'sur le tout. »
, député de Chaumont-en-Vexin,
demande et obtient un congé pour se rendre auprès de Mœ* sa mère, malade.
annonce, pour l'ordre du jour de demain, la suite des rapports du comité des pensions et de ceux du comité des finances.
On ohserve que ia discussion sur l'ordre judiciaire avait été ajournée à la séance de ce jour, et l'on propose de la mettre à l'ordre de demain.
L'Assemblée adopte cette proposition.
On fait lecture d'une lettre, par laquelle M. Necker sollicite l'attention de l'Assemblée pour un mémoire de la garde nationale du Mont-Jura, qui demande à être autorisée à veiller à l'exportation des grains hors duToyaume, et à l'introduction en fraude des marchandises fabriquées chez l'étranger.
Ce mémoire, îpînt à cette lettre, est renvoyé au comité des rapports.
La séance est levée à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, donne lecture des adresses suivantes :
Adresse de la commune de Montjai, qui offre à la patrie deux sommes, l'une de 1,800 livres 2 sous à elle due par l'Etat, suivant un titre nouveau du 5 novembre 1766, lequel est joint & l'adresse ; l'autre de 700 livres, provenant du bai] à fermé de quelques biens communaux.
Adresse de l'assemblée électorale du département de la Manche, qui peint avec énergie le bonheur que la Constitution assure aux Français, et promet à l'humanité entière; improuve les déclarations et protestations séditieuses, par lesquelles la nation la plus douce était, au nom de la religion la plus paisible, menacée des horreurs de la guerre civile; et enfin applaudit au serment par lequel les représentants de la nation se sont engagés à .ne pas se séparer, que lorsqu'ils auront rempli la tâche honorable qui leur est imposée.
Adresse des députés du district de Remiremont à la fédération du H juillet, qui, en confondant leurs actions de grâce et l'expression de leur joie avec celles de tous les Français, observent que leur position sur la frontière, pouvant augmenter pour eux le danger, ne fait que fortifier leur résolution de périr, s'il le fallait, pour le maintien de la Constitution et de la liberté nationale.
Adresse des négociants de Bordeaux, qui voient à regret le soin qu'ont pris les députés
extraordinaires du commerce, d'inviter ,1a nation à des préparatifs de guerre, et les
désapprouvent dans la crainte que leurs alarmes ne tendent plutôt à appeler qu'à éloigner ie
fléau de ta guerre. Ils ajoutent que des terreurs ne conviennent point à un peuple qui vient
de conquérir la liberté, à des Français tous prêts à mourir prèsou loin de leurs foyers pour
conserver le bien qui
Adresse des sieurs Sergent, dessinateur, et Le Vacher, citoyens de Paris, qui ont demandé à l'Assemblée nationale la permission de lui faire l'hommage du portrait du roi, auquel ils ont employé, non le ciseau et le burin d'esclaves, et par le sentiment d'une vile adulation, mais le burin d'hommes libres, seuls dignes de tracer le portrait d'un roi citoyen.
Adresse des soldats de tous les grades du régiment d'Auxonne; ils jurent, comme soldats, une obéissance sans bornes au monarque citoyen, le père et l'ami de son penple ; comme citoyens, d'être les plus fermes appuis d'une Constitution, qui n'est que l'expression du vœu de la nature, et n'a d'autre base que celle du contrat social, l'égalité.
Adresse d'un artiste bien estimable (le sieur Desbau, garde national du département de la Haute-Loire) qui, ne trouvant point dans sa fortune de moyens pour satisfaire a son patriotisme, s'en est vengé par son talent, et offre à la patrie le tableau d'un palais dessiné pour la tenue des séances de l'Assemblée nationale.
Adresse des municipalités d'Oberhoffen et de Sleinseltz qui se soumettent à acquérir les domaines nationaux dont ils donnent la désignation, et supplient l'Assemblée nationale de voir, dans iehr sommission, la preuve de la plus sincère adhésion aux décrets de l'Assemblée natio-nale.
Adresse de la commune de Barrois qui rend compte à l'Assemblée de la conduite qu'elle a tenue, relativement à la fédération générale du 14 juillet. Tous les citoyens réunis ont fait éclater dans ce grand jour les preuves d'un patriotisme vraiment distingué. Ils ont prêté avec transport le serment fédératif du Cbamp-de-Mars. - Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la communauté de Châtelain, de celles de Blandy en Beauce, et d'Amayé-sur-Orne. . Adresse de la garde nationale tde la communauté de Rivesaltes, qui demande des armes.
Aaresse aes utuiaires uu cnapure aaini-raui de Narbonne, qui improuvent la declaration d'une partie de l'Assemblee, et la supplient de s'int6resser a leur sort.
Adresse de la garde nationale de Bergerac qui unit sa voix i celle de Bordeaux, pour supplier l'Assembl£|e de livrer a la sevSnte des lois, les traitres qui ont porte le desordre et le crime dans la ville de Montauban, en altribuer Ua connais-
sance et la poursuite h un tribunal autre que ce- lui de cette malheureuse ville.
Aaresse aes commissaires au roi, pour 1 urba- nisation de la nouvelle municipality de Saint- fean-d'Angely, en vertu du d6cret du 27 mai der- lier, qui anrioncent que cette organisation a et6 jxecutee a la satisfaction de tous les citoyens de >dHa villo.
Aaresses aes municipuiues ue oaiui-uyr a ns- trancourt, de Loddes, de Saint-Pierre d'Escou- blac, de Ligny, de la ville de Nancy, de la ville et canton de Saint-Dizier, de la communaute de Villers-Franqueux, de celle du Port-Saint-P6re, d'Anneyron, d'Albon, de Saint-Gilles, de Perigny, de Louvergny, des villes de Foug6res, Mezi&res, Aigue-Perse et Douai, des gardes nationales de Quintin, departement des Cdtes-du-iNord, et de Charapier en Dauphine.
Toutes ces municipals et gardes nationales envoient le proc6s-verbal de la f6te civique, que lous les habitants ont celebr6e avec transport le 14 juillet, dans laquelle ils ont prononce le ser- ment tederatif du Champ-de-Mars.
Adresses ties assemmees eiectoraies au aistrici de Pont-l'Ev&que, du district de Bernay, du dis- trict de Libourne, du district de l'Ajgle et du district de Chatillon.
Des assemblies administratives des districts de Bruy&res eo Vosges, de Gondrecourt, de Prades, de Segre.
Des assemblies ilectorales du dipartement de I'lsire, du dipartement de la Seine-In firieure. Des assemblies administratives du departe- ment de la Charente, du departement de Lot-et- Garonne et du dipartement de la Charente-In- firieure.
Toutes ces assemblies consacrent les premiers moments de leur existence & prisenter k 1'Assem- ble nationale l'hommaged'une adhesion absolue & ses dicrets. et d'un divouement sans bornes pour en assurer l'exicution. Elles la supplient de poursuivre sans relache, et jusqu'a sa con- summation, la Constitution qu'elle a si glorieu- sement commence.
Adresses des sieurs Babeuf et Audessert, qui, pour la troisiime fois, prisentent a l'Assemblee un travail imprime, leur ouvrage commun, et ayant pour litre: Cadastre perpMuel. lis ne veu- lent, pour prix de leurs travaux, que le bonheur d'etre utiles a la patrie.
Les soldats ci toy ens et confHiris de la ville du Mans sont admis k la barre; 1'un d'eux dit:
« Pires de la patrie, un merne esprit anime tous les Frangais reg6n6r6s par vous; rhommage de leur reconnaissance et leur veneration pro- fonde se portent de toutes parts au sanctuaire aususte de leurs sases lesislatenrs.
« La France orfre un tableau superbe; le nou- vel ordre de choses, fruit de vos sublimes tra- vaux, cause une admiration g£n£rale ; la postS- terite croira d'aulant plus difticilement cette Revolution salutaire, operee par vous pour le bonheur de tous, que la nation presente a peine & se persuader qu'il ait et6 possible de passer si rapidement de i'etat de servitude a celui de la liberty, de detruire le colosse monstrueux du despotisme, de rendre le Frangais a lui-meme, et surtout a ses vertus primitives dont la source est dans vos coeurs. Quelle jouissance pour vous, Messieurs, d'avoir pu opirer le rapprochement des hommesl Yous les avez pinitris du principe d'igalite si longtemps miconnu, principe que la nature et la justice reclamaient constammeut.
« Vos bienfaits, Messieurs, sont incalculables, la mesure de notre gratitude est indéfinie; quel spectacle plus digne de vous que l'union et l'énergie des Français! Chaque jour vos oreilles entendent le cri touchant du patriotisme dont vous donnez un exemple soutenu à l'univers; qu'ils sont purs les élans attendrissants des citoyens armés de toute la France! Ces différentes confédérations ont pour objet le recouvrement des impôts, l'obéissance aux lois et l'exécution de vos sages décrets, sanctionnés ou acceptés par le roi.
. Il est au milieu de vous, ce monarque citoyen ; il a le premier arboré l'étendard de la liberté; il a toujours pensé qu'un roi n'était véritablement digne de l'être, que lorsqu'il régnait pour l'amour de ses peuples. Vous connaîtrez la masse des forces nationales, comme vous recevrez les marques attendrissantes de l'amour, du respect et de l'approbation générale du peuple français; les législateurs, les vrais amis de la Constitution, les défenseurs des lois, réunis dans la première ville de France, leur roi à leur tête, prêteront le serment civique le plus saint, 1e plus grand que l'on puisse imaginer. Le Mans vient de jouir dans ses murs, de la fête civique la plus imposante quant à la solennité de l'exécution. 4,024 citoyens armés de différents départements, représentant 40,889 frères d'armes, viennent de
J'urer sur l'autel de la patrie, conjointement avec 1M. les officiers municipaux et le régiment de Chartres, dragons, de maintenir, de tout leur pouvoir, l'heureuse Constitution du royaume, émanée de votre sagesse et de vos lumières ; ils ont contracté l'obligation sacrée de vivre libres et de mourir pour la défense des pères de la patrie. Tels sont, Messieurs, les sentiments divers qui ont été l'âme du serment solennel que nous avons prononcé avec une fraternité vivement sentie, mais impossible à rendre ; les applaudissements réitérés donnés aux augustes représentants des Français, ont terminé cette journée si glorieuse pour l'armée fédérative du Mans.
« Nous sommes avec le plus parfait respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs,
Les soldats citoyens de l'armée confédérée au Mans. Signé : Denis-Batard Fontenay, président; Georges Le Bouyer, Monhoudou, François Desson, Saint-Aignan, secrétaires.
répond :
« C'est un moment bien flatteur pour l'Assemblée nationale, que celui où elle entend, dans toutes les parties de l'Empire/retentir ces mots : Nous serons fidèles à la nation, à la loi et au roi. Elle ne pouvait recevoir une récompense plus douce de ses longs et pénibles travaux; il n'est actuellement aucun citoyen qui n'ait promis de maintenir la Constitution, et rien ne pourra désormais l'ébranler; nous en avons pour garants cette franchise et cette loyauté, qui, dans tous les siècles, ont caractérisé la nation française. L'Assemblée vous permet d'assister à sa séance.
MM. les aumôniers des bataillons de Paris, des départements, des troupes de ligne et de la marine, sont admis à la barre.
, aumônier général de la garde nationale parisienne, donne lecture de l'adresse suivante :
« Messieurs, choisis par nos concitoyens pour exercer au milieu de leurs bataillons les fonctions d'un ministère aussi doux que consolant, jaloux
de répondre à la confiance que notre zèle leur a inspirée dès le premier instant de la Révolution, pleins du généreux enthousiasme qui les animait, comme eux, nous avons milité pour la chose publique, et, avec eux, nous sommes venus nous réunir autour de l'autel de la patrie. C'est là que nous osons nous flatter, Messieurs, d'avoir prouvé que nos cœurs brûlaient de cet amour désintéressé qui vous enflamme pour la prospérité de l'Empire; c'est là que nous avons montré à la France entière que la religion, rappelée à ses usages primitifs, ajoutant par sa noble simplicité un nouvel éclat à la pompe de nos cérémonies publiques, ne peut, selon vos vues, que fortifier et perpétuer dans toutes les âmes l'amour de là patrie, le respect pour les lois et l'attachement pour le roi.
Elle ne s'effacera jamais de notre souvenir cette solennité mémorable, dont on ne trouve pas d'exemple dans tout ce que l'antiquité eut de plus majestueux, de plus imposant, et qui, dans un seul jour et presque au même instant, a fait de ce vaste royaume le temple de la liberté.
C'est votre décret bienfaisant, Messieurs, qui, de toutes les extrémités de l'Empire, a rassemblé dans le champ de la concorde des milliers de frères d'armes, qui ne se connaissaient que par les rapports éloignés d'un même patriotisme; c'est de l'autel de la patrie que le héros de ta liberté a fait entendre ce serment qui a retenti dans le champ de la confédération, et presque tout à coup dans toute la France...; serment auquel notre auguste monarque et vous, Messieurs, avez donné la sanction la plus solennelle.
Pénétrés que nous sommes des sentiments qui animent tous les bons Français, il ne manquait à notre bonheur que de vous témoigner de vive voix un respect inviolable, une admiration justement méritée, une obéissance sans bornes.
Continuez, législateurs de la France, continuez d'assurer sa liberté, son bonheur. Notre devoir est de continuer également d'élever nos mains vers le ciel pour attirer ses bénédictions sur vos nobles travaux.
Signatures de MM. les aumôniers :
L. de Saint-Martin, aumônier général de la garde nationale parisienne, président-,—Chassant, aumônier du bataillon de Saint-Germain-l'Auxer-rois, secrétaire; — Lebreton, aumônier du district de Saint-Florent, département de Maine-et-Loire;— Dom Chappuis, aumônier du district de Luxeuil, département de Haute-Saône; — Hardy, aumônier du district d'Eroy, département d'Aube; — Sauvage, aumônier du département de la Mayenne; — Havet, aumôuier du district de Montreuil; — De Cagny, aumônier B. H. IV. Paris ; — Dujonquay, aumônier du bataillon du district des Capucins du Marais, à Paris ; — Paulin, aumônier du district de Château-Thierry, département de l'Aisne; — Chapelle, aumônier du districLde Montluçon, département d'Allier; — Coquot, aumônier du district d'Issurtille, département de la Côte-d'Or; — Maignien, aumônier du district de Ghamplitte, département de la Haute-Saône; — Jonot, aumônier du district de Marcigny, département de Saône-et-Loire; — Méron, député des aumôniers de la marine de Brsest; —Miroielle, aumônier du district deMe-lun, département de Seine-et-Marne; — André Reyne, député des aumôniers d'escadre du département de la marine de Toulon ; -- Volondat, aumônier du district de la Souteraine, département de ia Creuse ; — Mézière, département du
Loiret ; — Charlemagne, aumônier du district de SainlrHippolyte, département du Doubs ; — Laroze, aumônier du bataillon des Enfants-Trouvés; — Baresme, aumônier du district de Longwi ; — Giiliard, aumônier du district de Poligny, département de Jura; — Toupet, aumônier député de Gien; — Lecomte, aumônier du bataillon de Bonnes-Nouvelles de Paris ; — Oudotte, aumônier du bataillon des Gordeliers de Paris ; — Ecot, aumônier du district d'Angers, département de Mayenne-et-Loire ; — Ber-net, aumônier du bataillon de Popincourt de Paris ; —Fomand, aumônier de Limoges ; — Du-plessis, aumônier du bataillon de Saint-Gervais; — Gavoille, aumônier du bataillon de Nazareth ; Merlor, aumônier du bataillon dépendant duMoret; — Lièble, aumônier du bataillon de Saint-Germain-des-Prés-lès-Paris ; — Seigneur, aumônier du bataillon des Jacobins-Saint-Ho-noré; — Loûet, aumônier du bataillon de Saint-Honoré ; — Morinet, aumônier du bataillon de Saint-Jacques delà Boucherie;—Duval,aumônier du bataillon des Mathurins, dixième bataillon, première division; — Savoye, aumônier des Blancs-Manteaux ; — Lanceraux, aumônier de la Croix-Rouge;Berquesse, aumônier du bataillon des Enfants-Rouges; — Opoix, aumônier du bataillon de Saint-Jacques du Haut-Pas; —• Lebreton, député du district de Mendre, département de Saône-et-Loire; — Guesnet, député des aumôniers de la marine de Rochefort; —Chapelle; aumônier du département de l'Ailier, district de Montluçon; — Paulin, aumônier du district de Château-Thierry, département de l'Aisne, — et autres absents pour ce moment, étant retournés à leurs départements ou à leurs régiments ; — Taporel, aumônier de mestre de camp, dragons; — Foucaud,député de Limoges, département de la Haute-Vienne; — Chaudé, aumônier du district de Pontarlier, département du Doubs;— Chirac, aumônier du districtd'Is-souard, département du Puy-de-Dôme; — Gros-nier, aumônier du district du Bourg-en-Bresse, département de l'Ain; — Lecoulteux, aumônier des volontaires de Nantes ; — Champion, aumônier du district deSivray,départementde Vienne; — Juîly, aumônier du district de Ghâtillon-sur-Seine, département de la Côte-d'Or;—Petit-Jean, aumônier du district de Bar-sur-Seine, département de l'Aube ; — Nollot, aumônier du canton du Chàtelet, département de Seine-et-Marne;— Lefebvre, aumônier du district d'Autun, département de Saône-et-Loire; — Pautel, idem; — Bohet, aumônier du district de Clément, département du Puy-de-Dôme ; — Forestier, aumônier du district de Nogent-le-Rotrou, département d'Aube-et-Loire ; — l'abbé Bohet, aumônier du département du Puy-de-Dôme; — Morel, aumônier du bataillon de, Saint-Nicolas-du-Char-donnet ; — Leverrier, aumônier deSorbonne; — Fleury du Balueller; aumônier de Saint-Ma-eloire; — Granet, aumônier de Saint-Louis-en-flsîe; — de Saderèze, aumônier de Sainte-Marguerite; — Dupuien, aumônier du bataillon des Feuillants; -- Bessejon, aumônier du bataillon de Saint-Laurent; —Pcdr-et, aumônier du bataillon, de Robin, aumônier du bataillon de Saint-Martin-des-Champs; — l'abbé j Jumel, aumônier du bataillon de Saint-Lazare; ! — Déprez, aumônier du bataillon des Capucins- j Chaussée-d'Antin:— Planchas, aumônier de Saint-Louis-la-Cultur® ; — Auphant, aumônier de Saint-Jacquesr-rHôpital ; — Coquelle, aumônier du bataillon des Petits-Pères; — Follet,
aumônier du bataillon du Petit-Saint-Antoine ; — Picavez, aumônier du bataillon de Saint-Philippe-du-Roule ; — de Ghierfrajjc, aumônier du bataillon des Théatins; — Constant, député, aumônier de la section de Bondy; — Blandin, aumônier du bataillon de Saint-Nicolas-des-Champs; — Lambert, aumônier du bataillon de Saint-Sévérin; — Darsin, aumônier du bataillon de Saint-Merry; — Courte!, aumônier du bataillon des Minimes ; — Visinet, aumônier du bataillon de Saint-Eustache ; — Leclerc, aumônier du bataillon de la Jussienne; — Champlans, aumônier du district d'Aix, département des Bouches-du-Rhône ; — Asselin, électeur de Paris, aumônier du département de la Manche.
répond : « L'Assemblée nationale reçoit avec une vive satisfaction les assurances de vos sentiments patriotiques : elles sont un garant de ceux que vous aimerez à répandre dans tous les lieux où vos fonctions vous appellent.
Si la religion ordonna toujours, comme un des premiers devoirs, l'obéissance à l'autorité légitime, jamais ses ministres ne durent réclamer cette obéissance avec plus de succès qu'au moment où les représentants de la nation s'occupent uniquement des droits et du bonheur de chaque individu, et ce ministère est sans doute bien doux qui n'exige de soumission que pour un gouvernement qu'il est impossible de ne pas aimer- Vous pouvez assister à ia séance de l'Assemblée nationale. »
, député de ClermonUen-Beau-voisist demande un congé de huit jours.
, député de Paris, demande un congé de trois semaines. Ces congés sont accordés.
fait une motion pour que M. le Président écrive au régiment d'Auxonne une lettre de satisfaction pour son patriotisme et son attachement à la discipline. Cette motion est adoptée.
M. Treilhard, président, cède le fauteuil à M. de Menou, ex-président.
L'ordre du jour est le rapport du comité des rapports sur les événements qui ont eu lieu à Mon-tauban.
Je préviens l'Assemblée nationale que M. le maire de Montauban, le procureur-syndic de ia commune, et plusieurs officiers municipaux, sont à Paris depuis trois ou quatre heures; ils réclament, par ma bouche, qu'on veuille bien les entendre avant de les juger : je demande que l'Assemblée décrète qu'ils seront admis à la barre, et qu'elle ajourne l'affaire à mardi prochain.
Nous avons déjà trop différé de prendre connaissance de l'affaire de Montauban, et de prévenir les malheurs qui menacent les patriotes de cette ville; Je maire et les officiers municipaux eux-mêmes doivent être surpris de notre indulgence; nous ne devons pas déroger à un usage constamment suivi dans cette Assemblée, et nous devons avant tout entendre le rapport.
Si l'on entend les officiers municipaux, il faut aussi entendre les gardes nationales maltraitées.
Sera-ce comme ajournés à la barre qu'ils comparaîtront, ou autrement?
La défense est de droit naturel ; on ne peut refuser la demande sans violer tous les droits.
rappelle qu'une demande d'ajournement a été faite par M. de Cazalès et qu'il va la mettre aux voix.
Je n'insiste pas sur l'ajournement.
, député de la Manche, rapporteur du comité des rapports (1). Messieurs, au mois de juillet 1789, il se forma, dans la ville de Montauban, une gardé nationale.
Le 11 septembre suivant, il fut fait un règlement général provisoire, relatif à la formation, organisation, service et discipline. Trois bataillons furent créés : chaque bataillon, composé de huit compagnies; chaque compagnie de 100 hommes y compris les officiers. Il fut, en outre, créé une compagnie de dragons, dont le nombre fut fixé à 60 hommes, sauf à être augmentée suivant les circonstances. Les officiers furent élus au scrutin, et devaient être renouvelés ou confirmés tous les six mois, excepté ceux de l'état-major, dont lés fonctions devaient durer un an.
Ce règlement, fait d'accord avec l'ancienne municipalité, fut exécuté.
§ Ier. — Corps de volontaires.
Au mois de février, il s'éleva une espèce de mésintelligence entre la garde nationale et les officiers municipaux qui venaient d'être élus en exécution de vos décrets. „ Des brigands avaient essayé de piller, de brûler et de dévaster quelques châteaux : la garde nationale offrit ses services à la municipalité; elle fut même employée ayee succès dans quelques circonstances.
Quelques citoyens, qui n'étaient point de la garde nationale, se qualifièrent de corps de volontaires, et, sous le prétexte de porter des secours et de poursuivre ies brigands, se mirent en activité : ils rendirent compte à l'Assemblée nationale des mouvements qu'ils s'étaient donnés et des poursuites qu'ils avaient faites. L'Assemblée autorisa son Président à leur écrire une lettre par laquelle il leur témoignerait la satisfaction de l'Assemblée nationale, de la conduite qu'ils avaient tenue.
Cette lettre fut rendue publique à Montauban par la voie, de l'impression. Les volontaires obtinrent, des officiers municipaux, la transcription sur les registres de la municipalité; cet enregistrement contient des éloges donnés au zèle et aux sentiments qui animaient les volontaires pour la cause publique; il fut fait mention de l'enregistrement à la suite de la lettre imprimée.
La garde nationale ne vit point avec indifférence les conséquences qui pouvaient résulter de
la distinction d un corps de volontaires d'avec les autres soldats citoyens : elle présenta le
7 mars, à la municipalité, sa pétition à cet égard ; elle observa aux officiers municipaux que
l'enregis-
Le lendemain, 8 mars, la municipalité fit imprimer et afficher une proclamation. Le préambule annonce son mécontentement sur le ton et la forme de la pétition, sur la menace de se pourvoir à l'Assemblée nationale ; elle dit que les volontaires n'avaient pas intention de former un corps permanent, ni la municipalité celle de leur donner une existènce légale... Elle termine par déclarer qu'il n'y a lieu de prononcer sur la pétition dont il s'agit, et par faire défense de se réunir en assemblée, soit générale, soit particulière, sans en avoir prévenu la municipalité, sans néanmoins empêcher la garde nationale de délibérer sur les objets qui pouvaient légitimement la concerner.
Une lettre de M. le Président de l'Assemblée nationale, adressée à la garde nationale le 19 mars, dut terminer toute difficulté sur cet objet, en annonçant que la création d'un corps de volontaires était contraire aux décrets de l'Assemblée nationale, dont les principes étaient de maintenir l'unité des corps parmi les gardes nationales.
§ II.—Question sur les armes.
Il s'éleva bientôt une autre contestation.
La nouvelle municipalité, d'après la délibération du conseil de la commune du 14 mars, fit une réquisition au colonel ou commandant, d'en* voyer et faire remettre au secrétariat de l'hôtel-de-ville les clefs de l'arsenal, magasins, dépôts d'armes, de munitions et autres effets généralement quelconques. Ces clefs avaient été laissées par l'ancienne municipalité à la disposition du commandant.
Sur cette demande, le conseil de guerre députa quatre de ses membres vers la municipalité, pour lui remettre les clefs des poudres et munitions et pour lui observer que le commandant n'avait pas à sa disposition les clefs du grand arsenal, où étaient renfermés quatre cents fusils; que cette clef était déposée au greffe de la commune; qu'il n'avait que celle du petit arsenal où étaient cent cinquante fusils, tant pour le service extraordinaire de la garde nationale, que pour s'exercer au maniement des armes.
Les députés du conseil de guerre demandèrent à la municipalité que cette clef restât à la disposition du commandant de la garde nationale, ajoutant que les intentions des chefs étaient d'assembler les bataillons, les jours de dimanches et fêtes, pour les exercér et leur apprendre les évolutions militaires.
La municipalité ne se contenta pas des clefs qui lui étaient remises; elle ne goûta point les rai-
sons sur lesquelles la garde nationale s'appuyait pour demander la conservation, chez le commandant, de la clef dp petit arsenal.
Elle lit, le 21 mars, une seconde réquisition à M. de Preissac, colonel, de remettre le lendemain la clef du petit arsenal.
Dès le lendemain 22, la garde nationale prit un arrêté de déférer à cette réquisition : ( Parce que, t dit-elle, elle s'empreçsera, dans toutes les occa-« sions, de donner 4 MM. les officiers municipaux le « témoignage des sentiments qui l'animent, et qui « sont inséparable? du serment qu'elle a prêté de « maintenir la paix, et de défendre, de toutes ses « forces et de tout son courage, les décrets émanés « ou à émaner de VAssemblée nationale. »
Après avoir obéi provisoirement aux ordres des officiers municipaux, la garde nationale vous a présenté, le 24 mars dernier, une adresse dans laquelle elle demande qu'on confie au commandant les armes qui lui sont nécessaires, pour s'exercer et apprendre les évolutions militaires. Elle ajoute que ce serait mettre des entraves insurmontables à son zèle patriotique, si on lui refusait d'avoir à sa disposition les six cents fusils déposés dans les arsenaux, fusils dont le nombre est insuffisant pour armer une garde nationale de plus de2,000 hommes,
§ 111. — Projet de fédération.
L'ordre des faits exige que je vous rappelle ici, Messieurs, un troisième objet de discussion, entre la garde nationale et la municipalité. Vous en avez déjà eu connaissance : mais la majeure partie des faits vous est inconnue; et il est indispensable que le tableau de ce qui s'est passé entre ces deux corps vous soit présenté dans son ensemble.
Dans les premiers jours de mars, ia garde nationale de Montauban crut que, pour mieux déconcerter ceux qui troublaient la province, elle devait tenter de faire un parti iédératif avec toutes les gardes nationales voisines; elle avait, sous les yeux, l'exemple de ce qui s'était passé entre les gardes nationales du Vivaraisetdu Dauphiné; une autre fédération faite sous les murs de Montélimart, le 13 décembre; et plus récemment encore le pacte fèdératif des municipalités d'Anjou et de Bretagne, réunies à Ponti vy, et celui des gardes nationales desdites provinces.
Une lettre circulaire fut imprimée, le 13 mars, et envoyée, de la part de la garde nationale mon-taubanaise, aux gardes nationales de la province, avec invitation à la fédération. Elle nomma des députés pour se rendre dans les villes voisines, et leur donna des pouvoirs pour fixer les bases de l'association demandée.
Plusieurs villes acceptèrent avec transport la proposition qui leur était faite. La ville de Cahors nomma des commissaires pour rédiger le traité conjointement avec les députés de Montauban. Ce plan fut rédigé et adopté le 15 mars. On convint d'une invitation aux autres villes, sous la condition, toutefois, que les troupes ainsi fédérées ne pourraient se mettre en activité que conformément aux règles établies ou à établir par l'Assemblée nationale. Le premier jour de correspondance entre les commissaires respectifs lut fixé à Caussade, et marqué au 8 avril.
Plusieurs autres villes acceptèrent, comme Cahors, le plan fèdératif, et nommèrent des commissaires pour se rendre au jour convenu à Caussade.
Le 29 mars, la garde nationale de Montauban et
le régiment de Languedoc, en garnison dans cette ville, firent aussi un acle d'association, et s'engagèrent réciproquement, sous la foi du serment, d'être soumis irrévocablement aux décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, d'en maintenir Vexécution et de la forcer, même, à la première réquisition de la municipalité.
Une copie de cet acte vous fut alors envoyée avec une adresse des deux corps unis.
Le conseil militaire instruisit aussi les officiers municipaux de Montauban, de ses démarches. 11 leur annonça son projet de fédération avec les gardes nationales voisines, destinées toutes à agir, leur dit-il, sur les réquisitions des corps administratifs et municipaux, et de concert entre elles, pour la cause commune.
Le conseil de guerre demanda en même temps à prêter le Serment civique, pria MM. les officiers municipaux d'y assister, et de leur délivrer, pour ce jour-là, les armes qui étaient à leur disposition.
Le corps municipal rendit, le 29 mars, sur le réquisitoire du procureur de la commune, une ordonnance qui déclare la lettre circulaire de la milice nationale montaubanaise et le projet de confédération qu'elle renferme, contraires aux principes de son institution, aux lois et aux décrets de l'Assemblée nationale : supprime en conséquence ladite lettre; fait défense d'y donner aucune suite, de rien faire ou entreprendre pour l'exécution dudit projet : le tout à peine de désobéissance et sous les autres peines de droit. •
Il parait que cette ordonnance, qui fut affichée le 30 mars, et l'adresse du comité militaire se croisèrent, et que la garde nationale, en rédigeant son adresse ne connaissait pas l'ordonnance de la municipalité, de même que celle-ci ignorait l'adresse.
La municipalité, qui avait conçu et qui avait dit que la garde nationale voulait faire une fédération indépendante, et voulait se soustraire à l'autorité du corps municipal, fut désabusée de cette erreur à la lecture de l'adresse et de l'acte fait avec le régiment de Languedoc. Il y eut alors des conférences entre les deux corps. Des commissaires furent nommés entre la municipalité et la garde nationale, pour indiquer le parti le plus propre à faire cesser l'impression que produisait l'ordonnance mortifiante pour la garde nationale qui avait été affichée le 30 mars.
Les commissaires rédigèrent un projet qui expliquait les intentions de la garde nationale, de n'user de ses forces que sur la réquisition de la municipalité. Ce projet ne fut pas entièrement adopté par le corps municipal.
Il tardait à la garde nationale de le voir s'effectuer. Le 3 avril, l'état-major écrivit à la municipalité, pour la prier de donner la publicité la plus prompte à cet acte conciliatoirè. Le corps municipal s'assembla le même jour et ,sur le réquisitoire du procureur de la commune, il rendit l'ordonnance ainsi conçue :
« Déclarons recevoir avec satisfaction le témoi-« gnage des sentiments de ladite garde nationale « et ae l'intention, par elle manifestée, de de-« meurer toujours liée aux ordres et réquisitions « de la municipalité... Déclarons, en outre, que, » sans entendre nous opposer aux concours et asso-« dations autorisés par le décret du 23 février, « sanctionné le 2b, tendant lesdits concours et « associations à faire agir, avec intelligence et « concert, les forces nationales de divers lieux « employées sur la réquisition de l'autorité légi-« time, la municipalité persiste à improuver toute
« autre espèce de fédération; et ce, jusqu'à ce que « VAssemblée législative ait déterminé l'organi-« sation des gardes nationales. — Sur tous les « autres objets de ladite adresse déclarons, qucint « à présent, n'y avoir lieu de prononcer, %
Ces autres objets étaient l'invitation faite par la garde nationale aux officiers municipaux, d assister le mardi d'après Pâques, au serment civique qu'elle demandait a prêter, et la remise, pour ce jour-là, des armes dont le corps municipal était le dépositaire.
J'ai eu l'honneur de vous dire. Messieurs, que le pacte fédératïf, fait avec le régiment de Languedoc, vous avait été aussitôt envoyé avee une adresse. — Cette adresse fut lue à votre séance du 8 avril.
Il vous fut alors proposé. Messieurs, que M. le Président fût chargé d'écrire au régiment du Languedoc et à la garde nationale, poUr donner à ces deux corps un témoignage authentique de la satisfaction nationale.
Cette proposition éprouva dés contradictions, parce qu'un membre observa qu'il existait une ordonnance de police, rendue par la municipalité, qui avait désapprouvé la démarche faite par la garde nationale, sans avoir prévenu la municipalité d'étendre la fédération aux milices nationales voisines.
On n'était pas alors certain de l'existence de cette ordonnance, et l'Assemblée nationale décréta le 8 avril ; « Qu'il serait fait mention tiono-% rable, dans le procès-verbal, de l'adresse com-« mune de la milice nationale de Montauban et « du régiment de Languedoc; et que M- le Prési-« dent écrirait, tant à cette milice qu'à ce régi-« ment, pour leur témoigner la satisfaction de « l'Assemblée. »
Il fut aussi décrété que les pièces relatives à l'ordonnance de police, rendue par le conseil municipal de Montauban, étaient renvoyées au comité des rapports.
Ce comité rendit compte de celte affaire le 10 du même mois; et, après une discussion étendue, l'Assemblée décréta ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale consacre, de nouveau, « le principe de la subordination des gardes ua-« tionales aux municipalités, par l'intermédiaire « desquelles les ordres du pouvoir exécutif doi-« vent toujours leur être transmis.
« Au surplus, considérant que le pacte fédé-« ratif, proposé dans la lettre circulaire, écrite « par la garde nationale de Montauban, le 13 mars o dernier, a été, dicté par le pur patriotismev et « n'a pu avoir pour objet de se soustraire à l'au-« torité de la municipalité,à laquelle elle est eu-« tièrement subordonnée, elle approuve le zèle « de la garde nationale, et charge son président « de lui écrire, ainsi qu'à la municipalité, pour « les engager à travailler de concert au maintien « de la Constitution et de la tranquillité pu-« blique. »
Ici, vous remarquerez, Messieurs, que, lors de ce décret, vous n'aviez sous les yeux, ui l'adresse remise à la municipalité par le conseil militaire le 30 mars, ni la deuxième ordonnance rendue par les ofliciers municipaux le 3 avril. En présumant avantageusement du projet de lettre et des sentiments de la garde nationale, on voua avait cependant inspiré un genre do méfiance sur la soumission de cette garde, de n'agir que sur la réquisition des ofliciers municipaux : vous n'étiez point instruits de l'explication faite du malentendu qui avait régné entre ia garde nationale et la municipalité.
Jusque-là, Messieurs, les difficultés semblaient devoir facilement s'aplanir. Il n'y avait réelle? ment de question que relativement aux armes, dont la garde demandait que la disposition fût confiée à son commandant; votre décision devait déterminer de quelle manière il en serait usé à cet égard.
Mais, telle a été la mésintelligence, l'éloigné? ment entre deux corps qui ne devaient jamaiâ agir que de concert, qu'une question n'était pas plutôt terminée, qu'une autre lui succédait, ou plutôt il s'en élevait plusieurs dans le mémo temps.
§ IV. — Contestations relatives à l'augmentation des bataillons et compagnies.
Les personnes qui avaient, dans les mois de janvier et février, pris la qualité de volontaires, n'étaient point employées dans la garde nationale ; elles savaientbion qu'on ne refuserait point de les v admettre : mais il leur répugnait sans doute a'ètre incorporées et d'avoir à servir sous le corn-mandement et avec ceux qui s'étaient opposés à ce que les volontaires formassent un corps distinct.
Le procureur de la commune donna un réquisitoire à la municipalité, le 6 avril ; il exposa que, le 29 mars, il lui avait été fait renvoi de deux pétitions.
La première, dit-il, est l'ouvrage d'un très grand nombre de citoyens notables et distingués, dont les signatures couvrent plusieurs pages, et qui demandent une augmentation de compagnies, sous le prétexte de l'oubli fait, dans le principe, dé plusieurs citoyens, et de nécesitê pour la ville.
Le procureur de la commune donne des éloges au zèle et au patriotisme des pétitionnaires, à l'égard desquels il fallait s'empresser, suivant lui, de réparer la faute que le trouble et la précipitation au moment ne permirent pas même d'apercevoir.
La seconde pétition, continue le procureur de la commune, a été faite par plusieurs soldats citoyens qui improuveqt le projet de fédération et expriment leurs vœuxpourqueles citoyens, dignes d'être armés, et qui ne le son'- pas, soient admis dans la garde nationale, et qu'il en soit formé de nouvelles compagnies.
Ua j copie de ces deux pétitions, certifiée par M. Lussan-d'Esparbès, remise depuis quelque temps, à votre comité, anoonee qu'elles sont souscrites de 3Û0 et quelques citoyens.
D'aprè3 les conclusions du procureur de la commune, la municipalité prononça ainsi, le 6 avril,
« Nous, officiers municipaux, vu le réquisitoire « ci-dessus et les pétitions y énoncées et y faisant droit, avons donné acte aux membres de la « garde nationale de leur désaveu, consigné.dans « celle desdites pétitions qui les concerne; et, en « acceptant une augmentation des compagnies « dans la garde nationale montaubanaise, et dans i la vue de conserver l'unité de corps conforme « aux voeux de l'Assemblée nationale, exprimés « dans la lettre de son Président, du 27 mars s 4ernier, ordonnons que tous lei citoyens ca-« pables de porter les armes et dignes d'en rece-« voir l'honneur seront admis dans ladite garde « nationale, tant ceux qui s'y trouvent déjà émit ployés, comme surnuméraires, au delà de « hommes par compagnie, que tous autres « qui se sont déjà présentés ou qui se présen-« teront; auquel effet, il sera ouvert un rôle au
« secrétariat de l'hôtel-de-ville,dans lequel cha-« cun des aspirants pourra se faire inscrire « pendant le délai de huitaine, pour, après ledit « rôle fait, être pourvu, d'après le nombre des « inscrits et sur la meilleure forme que de droit, « à l'augmentation des compagnies de la garde « nationale montaubanaise, suivant le plan qui « sera par nous jugé le plus convenable : ordon-« nons que la présente ordonnance sera im-« primée, etc., etc. »
Vous devez, Messieurs, être étonnés de ce qu'on parle de surnuméraires et de ce qu'on nomme ainsi ceux reçus dans chaque compagnie après le nombre de 64 hommes. Votre comité qui n'a eu sous les yeux, à cet égard, que le règlement qui fixait le nombre des hommes par compagnie à 100, a demandé cette explication aux députés de Montauban; il lui a été repondu que pour opérer, autant qu'il serait possible, l'égalité de nombre parmi les compagnies, on était convenu verbalement de les porter toutes d'abord à 64, afin qu'il n'y en eût pas de 100, tandis qu'il y en aurait d'autres qui ne seraient composées que de 30 ou 40 hommes.
Quant à la qualité de surnuméraire, elle était donnée à celui qui, n'ayant pas été dès le principe dans une compagnie, s'y serait fait agréger : alors on exigeait pendant trois mois qu'il fût surnuméraire, avant de pouvoir obtenir un grade dans cette nouvelle compagnie.
La garde nationale s'alarma du plan décomposition des nouvelles compagnies. Elle crut apercevoir que cette prétention, élevée par ceux-là mêmes qui avaient agi comme volontaires, tendait à faire revivre, sous une autre dénomination, le projet rejeté par l'Assemblée nationale elle-même, de faire une troupe particulière de ceux qui s'étaient qualifiés de volontaires.
D'après la publication de cette ordonnance de la municipalité, M. de Puy-Montbrun, commandant général, se décida à assembler les compagnies de la garde nationale pour délibérer à cet égard; mais il prévint, avant tout, la municipalité de cette assemblée.
La municipalité, informée de ce projet, fit, le 7 avril, une réquisition au commandant, conçue en ces termes :
« Nous, officiers municipaux de la commune « de Montauban, déclarons n'entendre empêcher « l'assemblée de la garde nationale montauba-« naise, en tant que ladite assemblée ne se for-« mera que par compagnies séparées, à jour, « lieu et heure différents, à quoi MM. les com-« mandants de la garde nationale sont requis de « tenir la main. »
M. de Puy-Montbrun répondit sur-le-champ que, quoiqu'il fût convaincu que la police du corps lui appartînt, il retirait ses ordres, et faisait à ia patrie ce nouveau sacrifice.
Le lendemain, 8 avril, la municipalité apprit que, nonobstant que le commandant eût retiré ses ordres, plusieurs compagnies s'étaient rendues chez M. de Puy-Montbrun. Elle fit une nouvelle Téquisition, dans laquelle elle dit qu'on lui a rapporté qu'il a été usé de menaces contre quelques membres de la garde nationale; persiste à sa réquisition de la veille et, en la renouvelant en tant que de besoin, requiert fortement « M. de Puy-« Montbrun, commandant ladite garde nationale, « de ne pas souffrir qu'il y soit contrevenu, à « peine de demeurer personnellement responsable « et garant des événements et désordres qui pour-« raient en résulter, et sous toutes les autres « peines de droit. »
Le 10 avril, l'état-major de la garde national6 fit à la municipalité la déclaration « que la gard « avait rendu compte à l'Assemblée nationale, paX « des députés extraordinaires, des ordonnances du « corps municipal des 29 mars, 3 et 6 avril, ainsi m que des réquisitions du 6 et du 8, pour, par elle « statuer sur le tout : et attendu ce recours à l'au-« torité législative, ledit état-major invite le corps « municipal à ne donner aucune suite aux susdites « ordonnances et réquisitions, notamment à Vor-« donnance du 6 avril concernant une augmenta-« tion de compagnies, comme contraire au vœu « général des citoyens qui composent actuellement « la garde nationale. »
En effet, Messieurs, une adresse de la garde nationale à l'Assemblée nationale, en date du 7 avril, prouve qu'elle s'était pourvue devant vous des ordonnances dont il s'agit, pour les faire proscrire, tant en ce qui concernait la fédération, rejetée par la municipalité, qu'en ce qui touchait la question des armes pour la prestation du serment civique, etc.
Dans cette adresse, l'état-major fait valoir ses raisons pour prouver que l'incorporation est seule praticable et que le système d'une augmentation de bataillons et compagnies est infiniment dangereux.
De son côté, la municipalité, dans une adresse qu'elle vous a depuis fait parvenir, le 5 mai, mais dont nous parlons ici pour ne point trop éloigner les moyens dont on s'est respectivement appuyé sur le même objet, la municipalité, disons-nous, assure qu'il v a une très grande quantité de citoyens qui demandent cette augmentation; et que, dans une ville aussi considérable que Montauban, où tant d'intérêts et tant d'opinions se croisent et se combattent, la garde nationale ne peut disputer aux officiers municipaux ]e droit de démêler et d'exprimer la volonté générale.
La garde nationale prétend que le vœu de la majorité, parmi les soldats citoyens, était pour l'incorporation et non pour l'augmentation des compagnies. Elle a envoyé à votre comité le recensement des voix prises sur cet objet, duquel il résulte que, sur 1,335 votants, 999 étaient contre l'augmentation des compagnies, et 336 seulement pour leur admission.
Elle ajoute que les signatures des pétitionnaires ont été rassemblées avec effort, qu'elles ont été la plupart extorquées, et qu'il a fallu recourir aux porteurs de chaises, aux enfants, à ceux des écoles chrétiennes, à certains vieux décrépits et à quantité d'incurables de la ville.
Elle s'appuie enfin sur une pétition adressée aux officiers municipaux, le 11 avril, par 160 pères de famille, tous citoyens actifs, et qui n'étaient pas membres de la garde nationale. Ces citoyens s étaient réunis dans la Bourse commune des marchands, après en avoir prévenu la municipalité. Dans celte pétition, ils représentaient au corps municipal que la formation inconstitutionnelle de nouvelles compagnies allait opérer une scission et un désordre qu'il était de la prudence d'éviter. Ils priaient avec instance les officiers municipaux d'éloigner toute semence de division, de prendre en considération le règlement provisoire de la garde nationale et les décrets de l'Assemblée nationale, qui portent que les corps qui s'étaient formés dans les diverses parties du royaume resteraient dans le même état jusqu'à la nouvelle organisation, de donner au règlement et aux décrets leur plein et entier effet.
La municipalité a cru devoir écarter les motifs sur lesquels la garde nationale et les pères de
famille s'appuyaient. Elle a soutenu qu'elle connaissait le vœu de la commune, et qu'elle ne s'occupait que de le remplir.
Qu'elle doutait de la grande majorité vantée par la garde nationale, puisqu'il lui a été remis dix procès-verbaux qui constatent que douze compagnies au moins désiraient cette formation : ces procès-verbaux ont été déposés à votre comité. On voit qu'en effet, dans douze compagnies, il y a eu 280 à 300 personnes qui ont voté pçur rétablissement nouveau : mais on ne peut dire, avec vérité, que ce soit à beaucoup près les douze compagnies entières.
Les officiers municipaux ont dit qu'ils étaient instruits que le vœu de la garde nationale était le fruit de tous les genres de séduction et d'intrigues ; qu'il avait été facile d'entraîner la classe des artisans et des manouvriers, par la crainte de manquer de travail et de pain.
D'après cette opinion, les officiers municipaux requirent, le 18 avril, le commandant général de faire remettre, dans trois jours, à Ihôtel-de-ville, le contrôle exact de toutes les compagnies qui composaient la garde nationale, en désignant séparément les surnuméraires.
Le commandant se conforma à cette réquisition. Nous vous rendrons compte incessamment de ce qui se passait d'ailleurs, à cette même époque, à Montauban ; mais l'ordre des faits semble exiger que nous continuions le détail de ce qui est relatif au projet d'augmentation des compagnies.
Le 2 mai, le sieur de Gieurac, maire, écrivit à M. de Puy-Montbrun, commandant général, et le prévint que la municipalité voulant agir de concert avec la garde nationale, elle lui faisait part de sa détermination de ne plus retarder l'organisation des nouvelles compagnies, et qu'elle va, à cet effet, convoquer les citoyens qui doivent les composer, pour qu'ils puissent nommer leurs officiers.
M. de Puy-Montbrun répondit sur-le-champ :
« J'assemblerai, Messieurs, le plus tôt possible, c le conseil de guerre de ia garde nationale, qui « seul peut déterminer ma volonté.
« Est-ce agir de concert avec l'état-major du « corps que j'ai l'honneur de commander, que * de me prévenir que la municipalité veut impé-« rieusement la formation et l'organisation d'un « quatrième bataillon, qui se réunira, par votre « ordre, aux trois bataillons existants qui se sont « armés au moment de la Révolution ? J'ai cru, « Monsieur, que la municipalité, au lieu de faire « des lois, s'empresserait de faire connaître, à nos « législateurs, le vœu des citoyens qui désirent « servir sous nos drapeaux. J'aurais été trop beu-« reux, en mon particulier, d'avoir été le maître « de le prévenir. La garde nationale, vous le « savez, Monsieur, a cru être en droit d'appeler « de l'ordonnance de MM. les officiers munici-« paux, relative à ia formation des nouvelles « compagnies ; elle attend un arrêt de ses véri-« tables juges ; le conseil de guerre sera mon « suide, etc. >
Le conseil de guerre délibéra, le lendemain 3 mai ; et, après avoir rappelé les raisons qui devaient retarder l'exécution du plan de la municipalité, il arrêta que celle-ci serait suppliée de surseoir et protesta contre toute formation et changement jusqu'à la décision de l'Assemblée nationale.
Pendant ce temps, il y avait un député extraordinaire de la garde nationale auprès de l'Assemblée nationale. Il rendit compte, au comité de
Constitution, des troubles qui existaient : il lui fut répondu qu'on s'occupait de proposer à l'Assemblée nationale un projet de décret général qui, en effet, le fut le 30 avril. Plusieurs membres de cette Assemblée attestent à votre comité qu'ils étaient présents au comité de Constitution, lorsque le député extraordinaire exposa l'objet de sa mission.
On ne tarda pas à connaître à Montauban le décret rendu le 30 avril, par lequel il était décidé que les gardes nationales resteraient, en attendant l'organisation définitive, sous le même régime qu'elles avaient lors de leur institution, et que les modifications que les circonstances rendraient nécessaires, ne seraient faites que de concert entre les gardes nationales actuellement existantes et les nouvelles municipalités.
L'état-major adressa, le 6 mai, ce décret, qui lui était envoyé par M. Poncet, membre de cette Assemblée, aux officiers municipaux, en les invitant de nouveau à suspendre et faire suspendre tout ce qui pourrait être relatif à la formation des nouvelles compagnies ; et protesta contre tout ce qui pourrait tendre à rien changer au régime qu'avait eu la garde nationale à l'époque où la municipalité avait été régulièrement constituée.
Le même jour, la municipalité fit une réquisition à l'état-major de reconnaître, comme faisant corps avec la garde nationale, le quatrième bataillon nouvellement formé en vertu de son ordonnance du 6 avril, composé de 8 compagnies. Elle lui adressa le contrôle des officiers et soldats destinés à partager le service. Elle requit aussi l'état-major d'admettre les députés desdites compagnies dans le conseil militaire, pour délibérer sur les objets qui intéresseraient ladite garde nationale.
L'état-major, en réponse à cette réquisition, persista dans ses protestations, refusa d'admettre le quatrième bataillon, et protesta de rendre la municipalité garante et responsable des événements qui pourraient résulter de sa persévérance.
On répandit alors, dans la ville de Montauban, un imprimé intitulé : Réflexions sur le décret du 30 avril 1790, au sujet des gardes nationales ; de l'imprimerie de Vincent Teulières, imprimeur du roi, à Montauban.
Dans cet écrit on prétend :
Que le décret n'était pas rendu pour Montauban, et qu'il n'y est pas applicable ;
Que ce décret n'a eu pour but que de prévoir les difficultés qui résulteraient des règlements et projets opposés relativement au régime des gardes nationales; que l'ordonnance des officiers municipaux, relative à la formation d'un quatrième bataillon, n'était pas un règlement ni un projet ;
Qu'il n'était pas question de changer à Montauban le régime de la garde nationale ;
Que les compagnies créées par le corps municipal sont actuellement existantes.
On conclut, dans cet écrit, que le décret autorise les nouvelles compagnies, et on prétend l'établir par une dissertation sur le mot régime, sur sa valeur et sa vraie signification.
Il s'en fallait de beaucoup que la garde nationale admît de pareilles interprétations : elle concevait que tout devait rester dans le même état qu'il était précédemment, et qu'il ne pouvait être apporté aucun changement à cet état que par le concert et le consentement mutuel de la garde nationale et de la municipalité^ que l'une sans l'autre ne pouvait faire de modifications.
La municipalité a remis à votre comité des
rapports un avis, signé, le 10 mai, par deux membres de votre comité de Constitution ; mais le mémoire dans lequel on expose que quatre cents citoyens, non enrôlés dans le principe, avaient demandé à l'être; qu'il avait, en Conséquence, été formé avant le décret du 30 avril, un quatrième bataillon i ce mémoire, disons-nous, ne fait aucune mention des obstacles et de l'opposition apportés par la garde nationale ; en sorte que le comité de Constitution s'est décidé à trouver tout bien, parce que tout lui a paru s'être opéré de concert.
g V. — Fanatisme.
Le mécontentement devenait plus général et plus inquiétant dans la ville de Montauban. Plusieurs autres difficultés agitaient depuis plus de quinze jours les esprits. On sixième^ ou environ, de la population de cette ville, était composé de protestants, parmi lesquels se trouvent les négociants lés plus aisés.
Les libelles, les plus incendiaires* se répandaient avec la plus grande profusion, pour exr citer le peuple contre les protestants, et pour lui faire croire que ceux-ci étaient des factieux, par principes et par caractère; qu'ils Voulaient dé* truire la monarchie et la religion ; qu'il fallait les éloigner de toutes les places, se métier d'eux sans cesse, etc.
Plusieurs de ces libelles avaient été saisis par les patrouilles de nuit, et dénoncés aux officiers municipaux, par le commandant général, le 15 avril, en vertu de l'arrêté de la garde nationale, avec invitation au corps municipal de prendre les meilleures mesurés pour affaiblir l'impression que pouvaient faire ces écrits sur l'esprit du peuple.
Le 2Lavril, il circula un écrit» intitulé : Avis aux citoyens catholiques de Montauban, contenant invitation à se rendre, le vendredi 23 avril, à deux heures, après-midi, dans l'église des, Gor-deliers, où on nommerait des commissions pour aller annoncer l'assemblée aux officiers municipaux.
Le motif,.donné à. cette réunion, était de présenter une adresse au roi et à l'Assemblée nationale, pour solliciter un décret qui:
1° Assurât à jamais l'unité de la religion en France, et qui déclarât la religion catholique, apostolique et romaine, la seule religion de l'État;
2° Conservât à Montauban son siège épiscopai, les ordres religieux, le collège, le séminaire, l'hôpital et autres maisons d'institution;
3° On demandait qu'à l'exemple des catholiques de Toulouse, on fît une adresse à la municipalité, pour la prier de suspendre, jusqu'à la réponse du roi et de l'Assemblée nationale^ la douloureuse visite qu'elle était chargée de faire dans les maisons religieuses ;
. 4° Enfin, on annonçait qu'on prierait leg vicaires-généraux d ordonner des prières publiques, auxquelles toutes les communautés et toutes les églises paroissiales seraient invitées.
L'assemblée eut lieu le 33, suivant l'avis imprimé; on y nomma un président, des secrétaires, et ensuite des commissaires pour aller à l'hôtel-der-ville donner avis de l'assemblée.
Après je retour dos commissaires et la lecture de.l'acte donné par les officiers municipaux., on entra en matière ; on fit un arrêté conforme à l'avis, et on s'ajourna au £7» pour entendre là lecture des. adresses au roi et à l'Assemblée na-
tionale, que les commissaires furent chargés de rédiger.
Le 27, on lut les projets ; ils furent adoptés, et les commissaires furent chargés de les envoyer à leur destination.
Comme il avait été décidé, dès le 23, qu'on demanderait d'être autorisé à faire des prières publiques, les vicaires-généraux de M. l'évêque de Montauban donnèrent un amendement, le 26 avril, dans lequel ils disent avoir été sollicités, à cet effet, par un très grand nombre de citoyens de la ville, légalement assemblés par permission de MM. les officiers municipaux'; ils ordonnèrent des prières de 40 heures.
La garde nationale, dans sa lettre du 23 avril, se plaignait des assemblées dans les églises, dans lesquelles elle dit que la majeure partie du temps fut employée à déclamer, contre les protestants. On leur reprochait les malheurs dont on se plaignait; on les accusait d'avoir multiplié les intrigues et prodigué l'argent pour accaparer les suffrages et séduire jusqu'au régiment; l'aumônier, présenta aux Cordeliers, accusa un protestant d'avoir offert un louis d'or à un chas-séur, pour I engager à séduire ses camarades et à les induire à se lier avec les protestants. L'acte de dénonciation était écrit, on l'enleva des mains de celui qui le lisait, et on nomma le sieur Yi^nesj pour être le séducteur désigné. La fermentation était très grande ; le sieur Yignes et son fils dénoncèrent cette calomnie aux officiers municipaux : ceux-ci ne reçurent leur plainte qu'aux risques et périls desdits sieurs Vignes, qui depuis, pour obtenir une plus prompte réparation, s'adressèrent aux juges ordinaires,
Les choses étaient parvenues au dernier degré de fermentation, et l'explosion la plus violente était sur le point d'avoir lieu- L'alarme était générale. Le 7 mai, ceux qui avaient demandé ces nouvelles compagnies formèrent une nouvelle pétition, pour qu'elles fussent mises en activité» Le 8, le commandant de la garde et quelques pères de famille se concertèrent ensemble, pour trouver les moyens capables d'empêcher l'incen» die général dont on était incessamment menacé» Ils se transportèrent à l'hôtel-de-ville» Le commandant adressa aux officiers municipaux un discours tendant à obtenir quelque plan de conciliation» qui pût convenir aux deux partis et entretenir au moins un calme apparent jusqu'à l'organisation des gardes nationales.
On nornmades commissaires de part et d'autre. Ce fut le 9 mai, après-midi, que, suivant le pro-cès-verbàl de la municipalité, les propositions de conciliation furent discutées» La municipalité proposa deux moyens, ou de recevoir, dans chacun des trois bataillons existants, trois des nouvelles compagnies, auquel càs il en serait formé une neuvième; ou de réunir les huit compagnies nouvellement formées avec les vingt-quatre anciennes, ce qui, alors, en aurait fait trente-deux, et d'en former, par la voie du sort, quatre bataillons composés de huit compagnies chacun, tou-r jours sous le même état-major.
Quoique ces deux propositions ne fussent, ni l'Une ni l'autre, conformes au vœu de la garde nationale» qui consistait à n'admettre qu'une incorporation, cependant, sur l'ouverture faite le 9 au soir, le conseil de guerre fut convoqué pour le lendemain 10 ; et là on prit la résolution de douner les plus amples pouvoirs à l'état.-major,et d'adopter d'à van ce tout ce.qu'il pourrait faire pour hbien et lapaix. L'état-major paraissait disposé à faire les plus grands sacrifices pour ramener le
calme, et faire disparaître toute idée de dissen-tion : mais malheureusement il n'était déjà plus temps.
Événements du 10 mai.
Le 10 mai était le premier jour des Rogations : ce jour-là on avait fait la procession d'usage. Il était connu que, dès le matin, les officiers municipaux devaient se rendre dans les cinq communautés religieuses pour y faire l'inventaire ordonné par votre décret du 26 mars.
Les officiers municipaux disent, dans leur procès-verbal, que, pour se conformer au décret et, en même temps pour accélérer l'opération, ils arrêtèrent que deux d'entre eux se détacheraient, à onze heures du matin, pour se transporter dans le môme moment dans les cinq communautés ; que, parvenus chacun de leur côté, ils trouvèrent l'accès des maisons religieuses intercepté par une populace immense, presque entièrement composée de femmes, qui, à la vue des commissaires, crièrent de toutes leurs forces qu'elles s'opposaient à tout inventaire, 6 tout trouble et inquiétude qu'on apporterait aux religieux ; qu'on les avait trouvés dans leurs maisons ; qu'il fallait les y conserver; que, malgré les représentations des commissaires, tendant à faire respecter les décrets et à s'y soumettre, le peuple, attroupé, persista dans sa résistance, et força les commissaires à se retirer, pour déférer au corps assemblé lesdits attroupements, et en dresser procès-verbal.
11 demeure constant qu'il se formaaussi, quel-temps après, uu attroupement considérable sur la place des Monges, devant la maison du commandant général, et que les officiers municipaux en furent informés au moment où, suivant leur récit, ils s'occupaient des moyens de dissiper ceux qui s'étaient formés.
Le motif de cet attroupement était, dit la municipalité, de demander au commandant, pourquoi il s'était déclaré du parti des non-catholiques et s'opposait à l'admission de nouvelles compagnies.
M. de Puy-Montbrun dit que, pendant le temps qu'il s'occupait à l'hôtel-de-ville des moyens d'effectuer la Conciliation, on vint annoncer à la mUnipalité que 4,000 personnes, réunies sur la place, voulaient brûler sa maison. 11 ajoute que M. Delbreil, avocat général, et M.de Chaunac, actuellement chef de bataillon, frappèrent des mains.
Le maire se rendit au lieu de l'attroupement, et à force dé représentations, lui et quelques officiers municipaux parvinrent, disent-ils, à le dissiper.
Le sieur de Cieurac en fit rendre compte au sieur de Puy-Montbrun, qu'il fit inviter à dîner.
Le sieur de Puy-Montbrun rentra quelque temps après chez lui, avec quelques dragons et quelques membres de la garde nationale : aussitôt il se forma un nouvel attroupement devant la porte de sa maison, et dans le nombre des attroupés il y avait beaucoup d'hommes.
Sur ce nouvel avis, M. de Gieurac se rend de nouveau devant la maison de M. de Puy-Montbrun, harangue le peuple, qui promet de se retirer si les dragons, entrés chez le général, se retirent de leur côté. On souscrit à ces conditions, M. de Puy-Montbrun va dîner chez le maire.
Suivant le récit de la municipalité, la fermentation subsistait toujours. Le peuple, dit-elle, se plaignait ouvertement de ce que le gieur Montet,
officier de la garde nationale, avait tiré son sabre et avait menacé le peuple de le tailler en pièces.
Voici de quelle manière la municipalité assure que la scène continua. — Nous ne tronquerons pas ce récit de la municipalité, sauf à vous faire voir en quoi la garde nationale l'attaque 1 — Nous vous prions seulement, Messieurs, de remarquer que ce que nous allons rapporter est l'extrait de ce que la municipalité a déclaré dans son procès-verbal :
A deux heures et demie de l'après-midi, trois officiers municipaux s'aperçoivent que, dans la cour de l'hôtel-de-ville, et dans leoorps de garde y joignant, plusieurs membres de la compagnie de dragons et de la garde nationale étaient attroupés. On mande à l'hôtel-de-ville ceux desdits membres qui étaient en garde. Quatre se rendent à la maison com nune.lnterpellés d'expliquer les motifs de leur réunion, dans un moment où ils n'étaient pas de garde, et où il n'y avait pas d'assemblée, ils répondirent, suivant le récit de la municipalité, que l'hôtel-de-ville était un point de ralliement pour eux, ils voulaient savoir pourquoi il y avait des attroupements dans . la ville; que dans le moment même la maison de M. Delbreil, à la place des Monges, était remplie de monde au nombre de plus de deux cents personnes. La municipalité dit qu'elle envoya s'assurer de ce fait, et interpeller le sieur Delbreil, si la dénonciation était vraie, de faire vider sa maison. Le fait se trouva controuvé : il n'y avait aucun étranger chez le sieur Delbreil, on n'avait trouvé que le sieur Delbreil, père, qui s'habillait.
D'après ce rapport les officiers municipaux invitèrent les officiers mandés à faire cesser les alarmes et les craintes auxquelles leur réunion donnait lieu, à se retirer et à engager leurs camarades à en faire de même. Sur la résistance de déférer à cette in vitation amicale, les officiers municipaux ordonnèrent à ces officiers de se retirer, et de faire retirer leurs camarades. L'un des officiers persévéra, et dit que, B'il y avait quelque danger, les officiers municipaux n'étaient pas p us à l'abri des ballos que les autres citoyens. Ces officiers sortirent et rejoignirent leurs camarades.
Quelques instant après on aperçut le sieur Du-chemin, capitaine de dragons, parmi les attrou-. pés. On le manda à l'hôtel-de-ville, on lui lit les mêmes représentations et réquisitions qui venaient d'être laites aux autres officiers inférieurs en grade. Ge capitaine répondit que la municipalité pouvait faire une réquisition au commandant général, et qu'il offrait d'en être le porteur ; mais qu'il ne pouvait quitter ni faire quitter ses camarades.
Pendant que les officiers municipaux délibé*-raient sur le parti ultérieur à prendre pour dissiper cet attroupement, ils furent avertis qu'il y avait dans lu rue, et près de la porte extérieure de l'hôtel de la commune, une l'ouïe do citoyens de tout sexe, qui demandaient que les membres de la garde nationale attroupés, et notamment les dragons, se retirassent. Les dragons de leur côté, continue la municipalité, crient aux armes et prennent en effet les fusils qui étaient dans le cops de garde pour le service journalier, et qui n'étaient point chargés ni garnis de pierres à feu.
Sur-le-ohamp, cinq officiers municipaux, le substitut du procureurde la commune, revêtus de leurs chaperons,et le secrétaire se portèrent vers la porte extérieure de la cour pour contenir le peuple attroupé, l'empêcher d'entrer, le calmer,
et l'engager à se retirer : mais prières, exhortations, invitations à la paix, menaces, rien ne fut capable d'arrêter l'attroupement et de le dissiper.
Un officier municipal courut au corps de garde, dont il trouva la porte gardée par une foule de dragons, tous armés de fusils et de sabres. Il les requiert de se retirer, en leur observant que leur retraite allait assurer la tranquillité publique ; que leur obstination pourrait amener les plus grandi malheurs. Sur leur refus, il leur enjoignit, au nom de la nation, de la loi et du roi, d'obéir. Il leur dit qu'il y avait,à côté de la porte du corps de garde, une petite porte donnant sur la rue, par laquells ils pouvaient se retirer sans aucun danger. Nouvelle désobéissance.
Quelques dragons, armés de sabres, voltigent dans la cour, se présentent sur la porte où était encore contenu le peuple, et le bravent par des menaces de voies de fait.
Le passage est enfin forcé, malgré tous les efforts de la municipalité et le mouvement du vicomte deGhaunac: le peuple entre en foule dans la cour. Les uns étaient armés de pierres, les autres de bâtons et de gros morceaux de bois.
Les dragons, ralliés vers la porte du corps de garde, avaient chargé leurs fusils, et les avaient garnis de pierres. Ils font, dit la municipalité, une décharge sur le peuple, dont quelques-uns reçoivent diverses blessures. Le peuple, furieux, demanda à grands cris des armes et des munitions pour sa défense. Les instances sont si vives que que l'un des officiers municipaux ne crut pas pouvoir, sans compromettre visiblement ses jours, se dispenser d'ordonner au secrétaire de la commune de délivrer le drapeau rouge, qui fut apporté sur-le-champ.
On arbora le drapeau rouge. Cent cinquante fusils, qui étaient dans le petit arsenal, sont enlevés aussitôt que la porte en fut ouverte par le secrétaire. Ceux qui s'en étaient saisis, ayant entendu un coup de fusil qu'on dit être parti du corps de garde où s'étaient barricadés les dragons, reparaissent les baïonnettes au boutdufusil, pour demander des munitions ; ils sont suivis diine foule de citoyens: ils menacent le secrétaire et le capitaine au guet, des dernières violences, si on se refuse à leurs demandes.
Alors le sieur Neuville, capitaine du guet, ouvre la porte du cabinet où étaient déposées les munitions, et en délivre successivement à ceux qui se présentent. En même temps, ceux qui n'étaient pas encore armés s'introduisent du petit arsenal dans le grand, et s'emparent des fusils qui y étaient déposés.
A mesure que le peuple s'armait, continuent les officiers municipaux, il se portait vers le corps de garde où les dragons étaient réfugiés. On lire à coups redoublés sur ia porte et par la fenêtre dudit corps de garde : de leur côté, les dragons tirent par la fenêtre sur le peuple, et quelques particuliers sont blessés.
Alors un officier municipal, M. de Chaunac.qui avait été légèrement blessé, les sieurs Delbriel frères, et de l'Albeinque s'approchent de la fenêtre du corps de garde, représentent aux dragons et aux soldats enfermés dans Je corps de garJe, que le moyen de calmer le peuple serait peut-être qu'ils rendissent les armes, et qu'à ce prix on leur conserverait la vie ; qu'il semblait que le peuple se bornait à demander qu'on leslivrât à la justice et qu'ils fussent àcet effet traduits dans les prisons du château royal : cette proposition fut acceptée, les soldats nationaux rendirent les armes par la fenêtre du corps de garde.
Vers les deux heures après-midi, la maréchaussée, requise par la municipalité, s'était mise en état de dissiper les attroupements formés devant les couvents et la maison du commandant. Elle se porta ensuite dans la rue de l'hôtel-de-ville ; aussitôt qu'elle fut instruite de ce qui se passait. Un officier municipal requit, par écrit, le commandant d'un des postes du régiment de Languedoc, de dépêcher un piquet vers la maison com-mune, pour dissiper les attroupements qui s'étaien t formés : ce fut exécuté.
Le commandant, suivant le même récit, fut alors requis, par le maire, de mettre la troupe en activité, pour concourir, avec la maréchaussée, à remettre le bon ordre et la tranquillité.
En attendant l'arrivée du régiment, un officier municipal requit le commandant de la maréchaussée d'entrer avec sa troupe dans la cour de l'hôtel-de-ville j pour contenir le peuple et pour empécherqu'onenfonçâtlaporteducorps de garde. On avait déjà commencé à démolir le mur. Cela produisit l'effet désiré, la porte fut abandonnée.
Le régiment de Languedoc arriva et le peuple promit de ne point se livrer à d'autres excès, pourvu que les dragons fussent livrés à la justice, etconduits,sanshabits, dans les prison s du château royal.
On ouvrit les portes du corps de garde, où l'on trouva trois dragons étendus morts, un quatrième si grièvement blessé, qu'il périt aussitôt, et trois ou quatre autres blessés, dont un est mort peu de temps après.
On plaça les dragons et autres soldats nationaux, entre les deux compagnies de grenadiers et des chasseurs du régiment de Languedoc, et escortés par un peuple immense. Ils furent conduits dans les prisons du château royal.
Le maire entra, dit-il, dans une église voisine après avoir invité le peuple à s'y rendre. Il l'exhorta à la paix, à la tranquillité et à pardonner. Le peuple dit qu'il n'était pas en sûreté, qu'il y avait des amas d'armes considérables, de canons et munitions chez le sieur Mariette, l'un des prisonniers.
Le maire répondit au peuple, que le sieur Mariette avait fait sa déclaration sur les registres de l'hôtel de la commune, comme quoi les canons étaient hors de service. Le peuple insista et un oflicier municipal se rendit chez le sieur Mariette. Le peuple, content, se retira et se dispersa.
La municipalité réunie prit les mesures nécessaires pour pourvoir, pendant la nuit, à 1a sûreté et à la tranquillité des citoyens.
Les officiciers municipaux ont terminé leur récit en donnant des éloges au régiment de Languedoc et à la maréchaussée ; ils assurent qu'une proclamation de la municipalité, affichée les 11 et 12 mai, a mis le dernier sceau à la tranquillité publique.
Ce procès-verbal de la municipalité de Montauban est contesté sur plusieurs articles essentiels: d'abord, par le commandant général, le sieur de Puy-Montbrun, par les députés extraordinaires de Montauban qui ont également envoyé,à diverses reprises, une narration de la manière dont ils assurent que les choses se sont passées.
Beaucoup de mémoires et de lettres sans signatures ont également été remis à votre comité. Nous ne croyons pas, Messieurs, devoir vous entretenir de ces productions qui ne sont pas souscrites de leurs auteurs. Mais votre comité croit devoir vous rendre compte des faits tels qu'ils ont été rendus par le parti opposé à la municipalité. Il a cru qu'il n'appartenait qu'à l'Assemblée nationale de
déterminer le degré de confiance qu'on doit ajouter aux pièces signées qui ont été produites.
Le premier reproche fait à la municipalité est d'avoir annoncé son projet de visite des monastères; de l'avoir exécuté avec affectation dans les cinq couvents, à la même heure ; et de n'avoir pris aucun moyen pour dissiper les attroupements dont elle devait connaître l'existence avant même de se rendre aux portes des monastères.
On lui reproche que l'état-major, qui était en conférence avec la municipalité, ayant dit aux officiers municipaux qu'il fallait requérir la force publique pour dissiper les attroupements qui se multipliaient, et qui allaient produire de grands malheurs, les officiers municipaux répondirent que ce ne serait rien, et qu'il ne fallait employer la force qu'à défaut de tout autre moyen (1).
On désavoue que le sieur Montet a menacé le peuple de son sabre. Les prisonniers attestent que cet officier, craignant pour les jours du général, proposa de mettre un garde à sa porte, et s'oflrit pour être le premier en sentinelle ; qu'alors il se disposa à occuper ce poste ; et comme il n'avait pas de fusil, il porta la main à la poignée de son sabre. Ce geste fut interprété comme une menace ; il se répandit, avec éclat, que M. Montet aurait voulu fondre sur le peuple.
Les dragons et autres soldats, qui depuis ont été incarcérés, assurent qu'ayant conçu de
l'inquiétude sur l'attroupement qui s'était formé, ils se rendirent à l'hôtel-de-ville où est
le corps de garde, pour là attendre le résultat de la négociation entamée entre ia garde et
les officiers muni-
Dans le même instant, un nègre, nommé Bal-thasar, convoque une assemblée de catholiques aux Cordeliers ; il distribuait des billets imprimés. Cette assemblée devint très nombreuse.
Quelques personnes montèrent successivement dans la chaire : on y excita le peuple, en attestant que la compagnie de dragons, mêlée de protestants ou de mauvais catholiques*, s'étaient emparée du corps de garde et de l'arsenal.
Lorsqu'on eut débité aux Cordeliers que les dragons avaient prislesarmes de l'arsenal, le peuple se transporta en foule à l'hôtel-de-ville. On arracha la cocarde nationale. Le peuple était muni de pierres, d'armes à feu, enlevées chez les armuriers : d'autres étaient armés de bâtons, de broches, etc.
Le capitaine, qui était allé porter la réquisition de la municipalité au commandant pour faire abandonner le poste occupé parles dragons, rapportait l'ordre conforme à cette réquisition, mais il ne put pénétrer à travers la foule: il reçut plusieurs coups de fusil.
Le sieur de Puy-Montbrun atteste que, pour dissiper l'attroupement, il proposa au maire de venir avec lui pour contenir le peuple. Il vola à l'hôtel-de-ville : la municipalité l'abandonna ; le peuple criait qu'il voulait le poignarder. Deux cents personnes fondirent sur lui, et il entendait dire en parlant de lui : qu'on l'assassine ! La maréchaussée lui sauva la vie ; mais il avait reçu trois coups de sabre et plusieurs coups de bâton. Le peuple se porta au lieu où le sieur de Puy-Montbrun s'était réfugié, et plusieurs voix répétaient : Nous avons promis sa tête, il faut tenir parole! Mais on assura que le sieur de Puy-Montbrun était ailleurs.
Les citoyens détenus attestent que, s'il n'y avait plus d'attroupement devant la porte de M. Delbriel lorsque la municipalité y envoya, c'est que le sieur Delbriel fils s'était rendu, avec les attroupés, aux Cordeliers.
La ressource indiquée par les officiers municipaux, de faire sortir les dragons et autres soldats par la petite porte dont ils parlent dans leur procès-verbal, était évidemment illusoire, parce qu'on certifie que la grande et la petite porte de la cour sont sur la même ligne, donnent sur Ja même rue, et ne sont distantes que de quelques pas l'une do l'autre. Ensortequecequeles officiers municipaux attribuent à l'entêtement ou à l'acharnement, ne doit l'être qu'à une prudence dictée par la nécessité des circonstances.
Il est désavoué que les dragons aient attaqué le peuple. On articule,au contraire, que M. Chau-nac, ancien volontaire, chevalier de Saint-Louis, actuellement chef de bataillon dans la nouvelle garde, s'élança, le sabre à la main, sur le sieur Gatereau, dragon ; qu'il lui porta un coup dont il lui aurait fendu la tête, si le sieur Gatereau ne lui eût opposé le bras gauche, où il reçut une profonde entaille. Alors le sieur Gatereau tira un coup de pistolet sur le sieur de Chaunac, dont il ne l'atteignit pas. Les dragons n'avaient entre eux tous que six pistolets de poche.
Les dragons et autres soldats citoyens disent qu'étant assaillis à coups de pierres et à coups de fusil, ils se barricadèrent dans le corps de garde; que la populace, ayâut à sa tête le sieur deCtiaunac, Jes fusillait et écrasait à coup de pierres, tandis que ceux des assiégeants, qui étaient sans armes, recevaient les fusils et les munitions du magasin qui leur étaient distribués par les officiers munici-
paux, qu'à mesure que cette distribution avançait, le feu redoublait ; que plusieurs officiers municipaux, dans un moment aussi critique, étaient dans une parfaite sécurité, riaient sur là place, et s'offraient mutuellement du tabac.
S'il y a eu des blessés parmi le peuple, ce dont on ne peut douter, puisque les rapports des chirurgiens adressés par la municipalité, constatent que le nombre s'est porté à dix, qui ont reçu de légères blessures, on doit imputer cet accident, dit-on, à la maladresse de ceux qui tiraient sur les dragons, et à ce que les balles ou mitrailles se reportaient, du mur contre lequel on tirait, sur les personnes qui étaient près de ce mur.
On reproche encore à la municipalité son refus de publier la loi martiale, sur la réquisition que leur faisaient les dragons; sa lenteur à requérir le régiment de Languedoc, qui n'arriva qu'a cinq heures et demie, c'est-à-dire près dé trois heures après le commencement de la scène.
On lui reproche enfin de n'avoir pris aucune mesure convenable pour dissiper les attroupements qui existaient dès le matin, et qui se succédaient à toutes les heures du jour.
Les dragons et autres soldats citoyens demandaient la vie; ils avaient mis un mouchoir blanc au haut d'une baïonnette; on leur cria de rendre les armes ; mais, pendant ce temps, on redoublait de coups de fusil à travers la porte et les fenêtres. Ils articulent que pendant, qu'ils demandaient grâce, on leur répondait en terrais très durs, mêlés de jurements affreux i qu'en voulait avoir toutes leurs têtes sur des piques, et venger la mort de Favras, Lorsque la maréchaussée eût pu se frayer un passage et se fût exposée à ia fureur du peuple pour sauver les dragons; lorsque le régiment fût arrivé, on fit sortir ceux qui étaient dans le corps de garde. Le maire de la ville et un autre officier municipal escortèrent ces infortunés pendant qu'on les conduisait en prison» Le maire portait le drapeau blanc* et les prisonniers, dégradés, deshabillés malgré leurs blessures, furent dans cet état conduits au milieu des grenadiers et chasseurs. d'abord devant l'église cathédrale où on leur ht faire une espèce d'amende honorable en leur faisant demander pardon, puis dans les prisons où ils ont été détenus jusqu'au 29 mai.
On assure que le peuple, fier de sa victoire, criait : Vive le rçi! A bas la nation et la cocarde nationale /
Le respect dû à la vérité nous oblige de vous faire remarquer ici, Messieurs, que le récit qui vous a été fait à votre séance du 17 mai, d'après la lettre qui était parvenue à votre comité, a été inexact dans la partie où l'on disait que M* de la Force était à Montauban, et votre comité croit devoir faire apercevoir et rectifier en même temps l'erreur dans laquelle on l'avait induit à cet égard»
M. de la Force a réclamé lui-même contre cette allégation. Sa justification sur ce fait ne peut être équivoque, mais il aurait dû être persuadé que jamais jl n'entra dans l'intention de votre comité, ni d'aucun des membres de l'Assemblée nationale, de le calomnier. Le rapport était autorisé par lettre qui, en cette partie» est erronée.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur cette digression.
Les offieiers municipaux s'oocupèrent, le 10 mai au soir et le lendemain, pour trouver les moyens de rétablir le calme. Le lî, ils firent publier une proclamation, par
laquelle ils défendirent les assemblées de jour et défendirent aux religieux de prêter territoire ; ordonnèrent le rapport des armes dans les arsenaux pour n'en sortir que par ordre de la municipalité, et dans les cas seulement qui pourraient l'exiger, et qu'ils annoncèrent avec confiance ne pas devoir se produire; ils défendirent également, sous peine de 25 livres d'amende, de tirer des coups de fusil, pistolet, botte, etc.; et ils enjoignirent aux cavaliers de la maréchaussée, soldats de la compagnie du guet, et à toutes personnes armées par autorité publique et légitime, d'arrêter les contrevenants.
Par son réquisitoire, en tête de cette proclamation, le procureur de la commune exhorte le peuple à la paix, et à abjurer la haine et la vengeance. Bon peuple, lui dit-il, votre douleur atteste que vous êtes nés doux et compatissant, que que votre nature aimable et facile peut s'irriter, mais qu'elle ne tarde pas à revenir aux impressions de l'humanité, aux premières émotions au sentiment; au fort même de votre courroux que vous n'avez voulu de victimes que celles du hasard ou de la témérité.
Ce peuple, dit la municipalité, rentra aussitôt dans l'ordre, les nouvelles compagnies furent mises en activité; cependant il est certain que, le lendemain de la scène sanglante qui avait eu lieu, deux dragons furent saisis par le peuple ; la vie leur fut conservée par le secours du major du régiment, mais ils firent amende honorable, et furent conduits comme leurs camarades dans les prisons.
Les officiers municipaux, en vous adressant leur procès-verbal, y ont joint une copie de lettre qui a dû être écrite par le sieur de Puy-Montbrun au curé de Montauban. Comme on tire des inductions de cette lettre, il est essentiel qu'elle soit mise sons vos yeux. Elle est ainsi conçue :
« Monsieur, recevez l'hommage de tous mes remerciements de l'intérêt que vous avez daigné prendre à l'homme qui vous respecte le plus, et qu'on calomnie et outrage de la manière la plus horrible. C'est uniquement parce que j'ai cru faire le bien, que j'ai accepté une place qui ne m'a causé que les plus vives inquiétudes* Forcé de déférer, sans cesse, à un conseil et à un état*-major formé depuis longtemps j'étais heureux lorsque j'avais fait quelque progrès dans leur confiance par ce moyen j'étais assure de la tranquillité de ja ville, et enfin, j'étais parvenu à obtenir de pleiug pouvoirs pour réunir les huit compagnies à la garde nationale. Quoique en présence de l'état-major, je parusse désirer quelque sacrifice de la municipalité, mon plan était de la laisser maîtresse absolue; et en obtenant cette réunion si désirée, que je n'avais pu obtenir que par degré, -je me promettais les plus douces jouissances. Vous connaissez tous nos malheurs, qu'une imprudente jeunesse a occasionnés, et que j'ai cherché â prévenir en donnant les ordres les plus précis, et eh exposant enfin ma vie qui a couru les plus grands dangers : c'est à Dieu que je dois ce miracle, qui nrimposera la loi de né jamais jouer aucun rôle que celui de bon citoyen, qui ne m'abandonnera qu'avec la vie, etc. Signé : de puy-Montbrun. »
Je dois maintenant vous observer, Messieurs; que M. de Puy-Montbrun, dans une lettre du 6 juillet, s'explique ainsi :
« j'ai envoyé au commissaire du roi une copie « de ma lettre à la municipalité, et une réfuta-u tion du procès-verbal et de l'examen sommaire « rempli de réticepces criminelles ou de faus*
« setés. A la fin de ce dernier ouvrage, on ex-« plique d'une manière outrageante une lettre de « remercîments au curé de la ville, qui est défi-« gurée, et dont l'interprétation est injurieuse « pour mes sentiments pour l'ancienne garde nationale. »
Dans sa relation au commissaire du roi il dit qu'il a taxé la jeunesse d'imprudence, et il explique en quoi consiste cette imprudence. Elle est assaillie, dit-il, par le peuple; elle se réfugie dans l'hôtel-de-vïlle pour y garder les armes; on la poursuit. Sa démarche fatale pour elle est imprudente'
La municipalité, dans sa lettre du 12 à l'Assemblée nationale, dit qu'elle est pénétrée de douleur des excès auxquels s'est portée une jeunesse imprudente et téméraire, qui a été cruellement punie de ses attentats contre la sûreté publique ; elle regrette de n'avoir pu prévenir ces scènes sanglantes, mais, du moins, elle a la consolation d'avoir arraché au ressentiment du peuple un grand nombre de victimes, du sang desquelles il semblait altéré.
Aussitôt que l'événement désastreux du 10 mai fut connu jie l'Assemblée nationale, elle rendit, le 17 mai, un décret pour prendre les mesures capables de rétablir le calme. Vous ordonnâtes à tous les citoyens de porter la cocarde nationale, vous mîtes les non-catholiques sous la protection de la loi.
Vous décrétâtes enfin que vous prendriez les mesures les plus sûres pour que justice fût faite de tous ceux qui, par négligence dans leurs fonctions, ou par des manœuvres séditieuses, avaient excité ou fomenté ces désordres.
Les villes voisines de celle de Montauban furent sensiblement affligées du malheur dont elle venait d'être le théâtre. Elles s'empressèrent d'offrir un asile aux infortunés que le fanatisme et la fureur populaire avaient proscrits : les émigrations étant devenues nécessaires à quantité de familles, la ville de Bordeaux, sur le réquisitoire du procureur de la commune, fit un arrêté, le 15 mai, pour inviter les citoyens de Montauban à venir à Bordeaux où ils trouvaient asile, force et tous les secours de la fraternité la plus amicale; elle engagea toutes les autres villes, les bourgs et villages â faire les mêmes offres. Dix-sept autres municipalités ont suivi ce noble et généreux exemole.
La ville de Bordeaux, comme vous le savez, Messieurs, ne s'en tint pag là ; elle arrêta de voler au secours des citoyens de Montauban qui étaient dans les fers, Tout semblait faire craindre. de nouvelles scènes d'horreur. La garde nationale de Bordeaux, de concert avec la municipalité, envoya un corps de 1,500 hommes, composé de cette même garde, et d'un détachement du régiment de Champagne, à Moissac. Cette démarche vous fut annoncée par la municipalité de Bordeaux, qui vous prévint que l'armée bordelaise resterait à Moissac, pour y recevoir de vous ou du roi l'autorisation et les ordres convenables.
Les officiers municipaux de Montauban ne virent point dans cette démarche de l'armée bordelaise le sentiment qui l'avait dictée. Ils vous avaient adressé une lettre, le 16 mai, par laquelle ils vous rendaient compte du fruit de leur zèle et de leurs travaux pour rétablir le calme. Ils vous annonçaient avoir pourvu» d'une part, aux subsistances, et avoir procédé à une nouvelle promotion à tous les grades dans la garde nationale qui n'existait plus par la dispersion de son
état-maior, de son conseil de guerre et par l'épouvante qu'avaient prise quelques-uns dé ses membres devenus suspects à cause de leurs opinions religieuses. L'ancienne garde nationale eSt, suivant leur récit, presque entièrement fondue dans la nouvelle, et ne connaît d'autre chef que la municipalité-
lis vous attestaient encore que les non-catholiques, oubliant toute division, prodiguaient les secours aux infortunés : ils disaient que les prisonniers étaient traités avec beaucoup d'égards, et qu'ils confessaient devoir leur salut à la municipalité.
Cette lettre du 16 mai a dû éprouver un retar* dement, puisque vous ne la reçûtes qu'avec une autre, datée du 19, par laquelle les officiers municipaux vous dénonçaient que les Bordelais venaient fondre sur eux, la flamme et le fer à la main. Ils députèrent vers eux des commissaires chargés de paroles de paix et sollicitèrent en même temps un décret de l'Assemblée nationale pour prévenir l'incendie qui était près d'embraser la ville de Montauban.
Lors de la députation envoyée, le 19, à Moissac, par la municipalité de Montauban, il avait été pris ledit jour une délibération par laquelle l'élargissement des prisonniers avait été déclaré ne devoir se prolonger que jusqu'au retour dés députés. Dans cette délibération imprimée, le maire dit : qu'il conviendrait de rendre la liberté aux infortunés à qui, dans la fatale journée du 10 malt la prison fuit ouverte, plutôt pour leur servir d'asile, que pour les retenir captifs. ïl n'est aucun citoyen qui nsdit versé des larmes sur leur sort; dont le cœur n*aille au-devant de leur délivrance. De ces expressions du maire on a induit que lui-même était pénétré de cette vérité, que les prisonniers étaient plutôt malheureux que coupables.
Le 22, les députés revenus de Moissac ren* dirent compte de leur mission. Les pères de famille, qui n'étaient pas de la municipalité et qui avaient été envoyés en députations, étaient Convenus, devant le détachement bordelais, que la religion avâit servi de motif ou de prétexte aux fureurs du peuple qu'on avait trompé ; qu'il était vrai que les volontaires de la garde nationale n'avaient pas attiré parleur faute les meurtres et les emprisonnements dont ils étaient les victimes, qu'ils s'étaient toujours contenus dans les bornes d'une défense naturelle et légitime. Ils prièrent, au surplus, le détachement de ne pas exiger d'autres éclaircissements, ne devant pas y répondre par ménagement pour les autres députés, officiers municipaux. À leur retour, l'élargissement des prisonniers fut d'abord ordonné; une députation fut nomméej pour aller en rendre compte à l'armée bordelaise; mais le peuplé étant alors en fermentation, on déclara suspendre l'élargissement jusqu'à l'arrivée de MM. les députés qui étaient attendus dans le jour.
L'après-midi dudit jour 22, procès-verbal fut dressé, par la municipalité, des attroupements du peuple qui était furieux de l'élargissement prononcé ; il usait à cet égard de menaces, demandait des armes et déclarait qu'il ne voulait pas faire de mal aux prisonniers, mais qu'il s'opposait à ce qu'ils sortissent de prison avant que l'armée de Bordeaux rétrogradât. La municipalité prit des mesures pour dissiper les attroupements, promit au surplus que les prisonniers cesseraient d'être détenus, et une nouvelle députation fut envoyée au détachement de l'armée bordelaise.
Uq des députés arriva le soir à Montauban et
se concerta avec la municipalité pour ramener la paix.
En vous envoyant le procès-verbal du 22, la municipalité de Montaunan se plaignit hautement de la conduite des citoyens de Bordeaux, de Ja calomnie répandue contre les officiers municipaux de Montauban. Dans leur adresse et dans leur délibération imprimée, ils disent qu'ils verront avec plaisir que l'Assemblée nationale ordonne une information légale qui dévoilera les manœuvres séditieuses qui ont fomenté et fait éclater les désordres qui ont affligé la ville de Montauban. Ils annoncent que les municipalités voisines se sont empressées, à l'envi les uns des autres, de venir offrir à la leur des secours et leurs bons offices auprès du détachement bordelais, pour l'engager à rétrograder; que ces villes leur ont donné des témoignages de dévouement et d'adhésion aux mesures prises par eux.
La ville d'Agen avait député vers Montauban et vers l'armée bordelaise ; mais mécontente de l'inexécution des promesses qui lui avaient été faites, elle offrit de se réunir au détachement bordelais, et réclama contre l'assertion faite par Ja municipalité de Montauban, que les troupes d'Agen se réuniraient à son parti.
Les officiers municipaux de Montauban écrivirent aux municipalités voisines de contenir leurs troupes et de ne les faire marcher qu'à leur réquisition.
Toulouse et vingt autres villes et municipalités voisines de Montauban, après s'être concertées sur Je parti qu'elles devaient prendre, offrirent leur médiation. Elles voulaient surtout protéger l'élargissement des prisonniers, et les secours qu'elles proposaient au besoin avaient particulièrement cet élargissement pour objet. Ces villes ont été mécontentes de ce que celle de Montauban a ensuite refusé cette médiation. Il est vrai que les officiers municipaux de Montauban ont donné pour motifs de l'inutilité de cette négociation l'arrivée prochaine de M. de Verleuil, envoyé par le roi, pour procurer, par sa présence, la paix publique.
Quoi qu'il en soit, Messieurs, nous ne pouvons nous dispenser de vous observer ici que la municipalité de Montauban s'est prévenue lorsqu'elle a dit à l'Assemblée nationale que les villes voisines leur ont donné des témoignages d'adhésion. Elles ont voulu seulement être médiatrices, et surtout porter secours aux infortunés qui étaient détenus, leur faire rendre la liberté, et elles se sont réunies aux vœux non équivoques de l'armée bordelaise en manifestant qu'elles pensaient que c était particulièrement sur les bons patriotes que le fanatisme avait exercé ses fureurs.
Les détails trop considérables dont cette malheureuse affaire est surchargée, ne nous permettent pas de nous étendre ici sur les éloges que méritent ces villes, et particulièrement celles de Bordeaux, Toulouse et Agen. Mais l'opinion publique, sur la conduite qu'elles ont tenue dans cette circonstance malheureuse, et la reconnaissance des bons citoyens, nous dispensent de nous étendre à cet égard.
L'arrivée de M. d'Esparbès à Montauban, le 22 mai, ne put, quelque zèle qu'elle ait employé, faire recouvrer la liberté des prisonniers. M. de Verteuil,indisposé, ne put remplir la mission qui lui était donnée par le roi. M. Dumas se trouva dès lors chargé directement des ordres de S. M. Les officiers municipaux, prévenus de l'arrivée
du commissaire du roi, firent publier et afficher, le 26 mai, une proclamation pour ordonner la plus parfaite soumission et recommander au peuple de placer sa confiance dans la sagesse de l'Assemblée nationale, dans l'autorité du roi et dans les ordres qui émanent de lui par l'entremise de celui qui venait pour être l'image de sa justice et de sa bienfaisance. .
Le 28 mai, M. Dumas arriva à Montauban; après avoir remis sa lettre de créance, il annonça que le détachement bordelais avait ordre de rester à Moissac, qu'il n'avait aucune intention hostile : il observa que 55 citoyens gémissaient en prison sous l'oppression populaire, tandis qu'ils devaient être sous la protection de la loi.
Après avoir rendu compte à M. Dumas de ce qui s'était passé, il fut arrêté qu'il serait fait une proclamation pour le lendemain 29; elle eut lieu. Ce jour-là, M. le commissaire du roi s'aperçut, suivant que le dit la municipalité, que le peuple était disposé à ne consentir à l'élargissement des prisonniers, qu'autant que le détachement de Bordeaux aurait rétrogradé : alors M. Dumas chargea Monsieur son frère d'une lettre pour ce détachement ; il harangua le peuple, lui lut la lettre qu'il envoyait : cette lettre fut applaudie, un citoyen demanda que les prisonniers sortissent à 1 instant.
On profita de l'enthousiasme du peuple qui jura qu'il défendrait les jours des prisonniers s'ils étaient attaqués; on se porta aux prisons où on ouvrit les portes aux citoyens qui y étaient renfermés, et le peuple leur manifesta des témoignages d'amitié et d'intérêt : une médaille fut donnée par le commissaire du roi à celui des citoyens qui, le premier, avait demandé la liberté des citoyens.
Les ordres furent expédiés pour que le détachement bordelais eût à se retirer le lendemain. La municipalité s'est exprimée, dans son adresse à l'Assemblée nationale, de la manière la plus satisfaisante, sur la conduite qu'a tenue M. Dumas dans l'exercice des fonctions délicates dont il était chargé.
Le calmeparaît s'être maintenu à Montauban depuis cette époque : cependant plusieurs lettres attestent que deux jours après l'élargissement des prisonniers, un soldat citoyen du détachement de l'armée bordelaise venu à Montauban y avait été saisi par le peuple, que celui-ci, institué par le nommé Barrier, voulut le prendre, et qu'il ne dut la conservation de ses jours qu'aux soins et à l'intrépidité de M. Dumas.
Le 6 juin, la municipalité fit prêter aux 4 bataillons de la garde nationale le serment civique en présence de M. Dumas et des aides-de-camp, ainsi que des officiers du régiment de Languedoc.
Deux adresses vous sont parvenues: l'une de 18 personnes tant officiers que fusiliers de la garde nationale ; l'autre de 15 officiers parmi lesquels on remarque les mêmes signataires qui ont signé dans la première adresse.
Elles contiennent une improbation de la conduite des dragons et de l'état-major.
Les auteurs de ces adresses reprochent à ceux qui ont quitté Montauban, ou d'avoir formé des complots, ou au moins de s'être rendus coupables de lâcheté ; ils exigent une justification avant de Jes recevoir même comme soldats.
Ils indiquent Jes changements qu'ils ont faits et Ja composition de 4 bataillons composés de 32 compagnies de 64 hommes chacune.
Ils ajoutent que le calme est rétabli à Montauban.
Les députés extraordinaires et autres membres de l'ancienne garde nationale réclament contre les allégations que renferment ces adresses.
Elles sont l'ouvrage des volontaires, disent-ils, et la preuve s'en tire de ce qu'ils se plaignent de ce qu'on ne voulait pas les recevoir dans la garde nationale quoiqu'on consentît à les y incorporer; qu'il y en a plusieurs qui ont pris une part très active à la journée du 10 mai, ajoutant qu'ils n'ont formé aucun complot, mais qu'il y en avait eu un pour les perdre; qu'ils ont fui pour éviter la mort.
Que l'émigration est de plus de 4,000 personnes ; que la paix qu'on dit exister n'a rien qui doive surprendre, puisqu'on a chassé ou forcé de fuir à Montauban un aussi grand nombre de citoyens.
On leur reproche d'avoir anéanti l'ancienne garde nationale, d'avoir même établi un régime nouveau malgré les décrets.
Enfin, on désavoue qu'il y ait 32 compagnies, composées chacune dé 64 citoyens actifs.
Le 8 juin, il fut fait,par la médiation de M. Dumas, un acte entre les citoyens dè tous les états et de différentes religions. Cet acte est fort court, mais il est essentiel que vous en connaissiez les principales dispositions.
Trente-quatre citoyens déclarent, au nom de ia patrie, qu'ils veulent jouir des droits de l'homme, conservés par. la Constitution; qu'ils se garantissent mutuellement la liberté de tous les actes de citoyens; ils se considèrent égaux devant la loi et veulent observer tous, avec des cultes différents, les mêmes principes, la même morale, renfermée dans les lois sociales.
Ils déclarent aux ennemis de la Constitution, s'il en existe, que les querelles religieuses des siècles d'ignorance ne peuvent se renouveler ; qu'ils veulent, par la plus indissoluble union, en effacer la dernière trace, et tiennent pour ennemis publics ceux qui tenteraient d'en réveiller le souvenir.
Us adhèrent, pour l'avenir, aux lois constitutionnelles, renouvellent leur serment de les maintenir et d'exécuter avec zèle et respect tous les décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi.
Trente-un autres citoyens ont accédé depuis à cet acte dont ils adoptaient les principes, mais ils n'ont pas voulu le souscrire, sans s'expliquer sur quelques expressions qui y étaient employées ; ils ont trouvé mauvais que les premiers déclarassent qu'ils voulaient, par la plus indissoluble union, effacer les querelles religieuses jusqu'à la dernière trace-,e\. leur critique porte sur ce qu'il n'est possible d'effacer la trace d'une chose qui n'a jamais existé dans les troubles qui venaient d'agiter la ville de Montauban.
L'autre expression, qui leur a déplu, est celle par laquelle les premiers disent : Nous nous attachons pour l'avenir aux lois constitutionnelles. Que, par ces termes, on doit concevoir qu'ils n'ont entendu que propager et appliquer les principes qui ont été et seront toujours gravés dans leurs cœurs.
La municipalité, en ordonnant le dépôt de cet acte, comme un monument de concorde et d'unanimité, a déclaré qu'elle adoptait la manifestation des sentiments ci-dessus comme ceux qu'elle a toujours professés; elle a adhéré aux vcèux qui sont exprimés dans l'acte, ainsi qu'aux additions faites par les derniers signataires.
Nous terminons, Messieurs, le rapport des pièces qui ont été remises à votre comité, en vous observant qu'après le fatal événement arri-
vé à Montauban, deux particuliers pour propos tendant à exciter des mouvements séditieux dans le peuple, la municipalité leur fit prêter interrogatoire le 21 mai; et,de ces interrogatoires, il résulte que ces deux particuliers^taient à Montauban le 10 mai, qu'ils se rendirent aux Cordeliers ; qu'un monsieur, habillé de noir, était en chaire, et haranguait le peuple ; qu'ils entendirent dire que les protestants s'étaient emparés de l'hôtel-de-ville et du corps de garde, qu'ils se rendirent sur le lieu avec la foule ; que les gardes leur distribuèrent des fusils, reçurent des cartouches; qu'ils revinrent dans la courchargerleurs armes, et firent 7 à 8 décharges sur le corps de garde; que ne pouvant pas distinguer ce qui se passait dans le corps de garde à cause de la fumée, un monsieur vint indiquer à l'un d'eux comment il fallait diriger ses coups; qu'aprèsavoir tiré, il fut applaudi; après avoir conduit les prisonniers, les officiers municipaux leur avaient dit de garder leurs armes et de se rendre à l'hôtel-de-ville, si pendant la nuit ils entendaient sonner la grosse cloche, et que le mercredi 12, ils reportèrent leurs armes à l'hôtel-de-ville. Ces deux interrogatoires, signés du greffier de ia municipalité, ont été remis et déposés à votre comité.
C'est ici, Messieurs, que se termine le rapport que nous avons à vous faire des faits et des moyens respectifs sur lesquels on s'appuie, de part et d'autre, dans cette importante affaire. Nous laisserons à l'écart une foule de mémoires sans signatures, et de lettres anonymes dont on a surchargé de toutes parts votre comité. Il nous reste maintenant à vous faire part des observations qui ont frappé les membres de votre comité.
Vous étiez saisis de plusieurs objets de contestation entre la garde nationale et la municipalité, avant l'événement du 10 mai.
La municipalité de Montauban a été vivement Inculpée; elle sollicite une réparation authentique et éclatante, afin de faire disparaître jusqu'aux nuances de la calomnie qu'elle dit avoir été répandue contre elle.
D'autre part, les citoyens qui ont été détenus, aidés des témoignages des municipalités voisines, des procès-verbaux de là maréchaussée et de l'armée bordelaise, demandent qu'on leur procure les moyens de rentrer dans leur patrie. Ils imputent aux officiers municipaux les malheurs qui ont ensanglanté la ville de Montauban. Beaucoup d'autres citoyens de Montauban demandent également justice contre les officiers municipaux.
La première réflexion que suggère l'humanité est de considérer l'état actuel de cette ville. Si le calme y était parfaitement rétabli, comme on le dit et comme on l'infère des actes signés depuis la journée du 10 mai ; si les familles qui ont déserté cette cité, pour fuir la mort dont elles étaient menacées, étaient rentrées dans leurs foyers ; si tout germe de division était assoupi et parfaitement éteint, il semblerait alors que l'Assemblée nationale, qui s'est toujours signalée par son indulgence, pourrait ne pas s'attacher, dans la circonstance actuelle, à ordonner la recherche et punition de ceux qui ne se seraient rendus coupables crne d'imprudences ou de légères négligences. Peut être faudrait-il se borner en ce cas à donner des regrets aux malheureuses victimes qtie l'erreur plutôt que le crime aurait immolées.
Mais votre comité a pensé que les circonstances sont telles qu'il ne faut pas se laisser égarer par un sentiment de commisération et d'humanité.
Ce oui est arrivé à Montauban a fixé les regards et 1 attention de toute la France. En remettant trop légèrement certains délits, il peut, il doit résulter même de leur impunité, l'ébranlement de la Constitution que vous donnez à la nation. Vous deve? à votre caractère de représentants d'un grand peuple, d'examiner avec scrupule si ceux qui, en vertu de vos décrets, ont été revêtus et honores de la qualité d'administrateurs, ont rempli, comme ils devaient le faire, les fonctions qui leur ont été dévolues.
Il n'est malheureusement que trop vrai que le calme apparent dont paraît jouir maintenant la ville de Montauban ne peut être considéré comme Un retour effectué à une paix durable. Pour que cette paix existât réellement, il faudrait que le traité qui la doit cimenter fut agréé et consommé entre tous jes partis que les dissensions avaient d'abord désunis, 11 est facile, sans doute, à des vainqueurs de dire : nous sommes en paix, quand les ennemis vaincus et chassés ne peuvent revenir chez eux que pour y subir la loi qui leur est donnée ; encore si l'acte de paix dicté par ceux qui sont restés maîtres du champ de bataille, n'était pas suivi de conditions humiliantes pour ceux auxquelles elles sont imposées.
Est-ce bien en effet sur des sentiments de confraternité sincère, est-ce bien sur un retour réel et vrai à la concorde, que la garde nationale nouvellement créée s'appuie, lorsqu'elle dit à l'Assemblée nationale qu'elle n'a plus voulu des chefs du corps ; qu'elle a aussi nommé à la place des absents, parce qu'ils étaient coupables ou de complots ou de lâcheté ; qu'il faut qu'ils vienneut se justifier avant tout et ensuite reprendre, même après leur justification, une autre place que celle qu'ils occupaient? Exiger une pareille justification, c'est entretenir la mésintelligence et la méfiance; c'ept vouloir perpétuer la discorde; c'est exiger que ceux qui ont quitté le sein de leur famille, continuent de rester expatriés, Le nom de traité de paix n'est qu'une chimère* Quelles familles émigrées voudraient rentrerdans Montauban, pour y subir l'inquisition à laquelle semblent vouloir les livrer ceux qui le8 accusent de complots ou de lâcheté? L'Assemblée nationale est forcée, dans une conjoncture aussi délicate, d'interposer son autorité, et de faire rendre justice à ceux qui continuent de gémir sous le poids de l'oppression.
Vous avez entendu, Messieurs, sur les diverses contestations agitées précédemment à Montauban entre la garde nationale et la municipalité, les moyens dont chacune d'elles a fait usage pour soutenir ses prétentions.
D'abord il est certain que la réclamation, formée dès le mois de février par 1a garde nationale contre l'admission d'un corps de volontaires qui semhleit vouloir se donner consistance, était fondée sur la lettre et l'esprit de vos décrets. La municipalité, n'a point, à la vérité, contesté principe que ces volontaires ne doivent pas exister en corps séparé, mais en supposant que la garde nationale, qui réclamait contre ia création de ce corps, eût eu un tort en s'assemblant sans en avoir prévenu 1a municipalité, celle-ci n'a-t-elle pas manifesté tout d'abord soq aigreur en rendant compte de son ordonnance du 8 mars, par laquelle, en improuvanr la conduite de la garde nationale, elle déclare qu'il y a lieu de prononcer sur la pétition et lui fait défense de 3'assembler sans permission ?
Eh i bien, Messieurs, la garde nationale avait-elle donc tort de craindre les projets des soi-disant
volontaires ? Ceux-ci recevaient des marques de protection visibles de la part des officiers municipaux ; et leurs desseins ne se sont'ils pas d'ailleurs réalisés par la suite ?
En suivant l'esprit et la marche tenue par la municipalité dans cette première circonstance, on voit qu'elle ne mettait aucun égard, et qu'elle n'usait d'aucun ménagement envers la garde nationale,
Bientôt la municipalité cherche une autre ocoa-* sion d'exercer son autorité contrela garde nationale. La clef des arsenaux et des armes avait été confiée au commandant, et jamais il n'était résulté d'abus de cette confiance. Les officiers municipaux, au moment où ils venaient de traiter la garde nationale sans aucun ménagement, par leur première ordonnance, envoient un ordre au commandant de remettre les clefs des arsenaux, de rendre leg armes, etc.
A cette occasion, la garde, quoique modifiée, arrête de différer à la demande, et donne pour motif à son aquiescement ceux de l'obéissance, du désir de maintenir la paix et de défendre la Constitution,
Il est vrai que la garde nationale a soumis à l'Assemblée nationale ses représentations sur la privation des armes, mais sa déférence provisoire n'a subi aucun retardement.
Dans une troisième circonstance, la municipalité qui avait vu se former le projet d'une fédération entre la garde nationale et les gardes nationales voisines, garde le silence depuis le 13 mars, jour où la lettre d'invitation à la fédération avait été imprimée. Ce n'est que le 30 qu'on affiche une ordonnance qui supprime cette lettre; et il est à remarquer que le 29, il y avait eu un traité d'alliance entre la garde et le régiment de Languedoc. Ne semble-t-il pas que la municipalité, qui avait gardé ie silence depuis le 13, n'agissait ainsi le 30, que parce qu'elle était lâchée de voir la garde et le régiment de Languedoc unis par ce traité?
Par cette ordonnance, on affeole de croire que la garde veut secouer l autorité municipale et se rendre indépendante- Cette prétention était si peu celle de la garde, qu'elle faisait part à la municipalité de son traité, de sa déférence à l'autorité municipale, de son projet et de sou voeu de n'agir que sur sa réquisition.
Si vous eussiez connu, les 8 et 10 avril, cette démarche de la garde nationale et ses déclarations à la municipalité, vous n'auriez probablement pas, Messieurs, rappelé sans nécessité qu'elle ne devait pas s'écarter d'une subordination à laquelle elle déclarait tenir plus que jamais.
Ce qui achève de convaincre que le comité voulait s'arroger toute espèce d'autorité, c'est son défaut de concert avec la garde nationale et le défaut d'explication. Pourquoi, si elle croyait qu'un projet de la garde nationale pût être nuisible ap bien public, pourquoi ne pas en référer aux chefs ? pourquoi ne pas leur en faire apercevoir lea inconvénients ? EsUce donc par des placards mortifiants qu'on cherche à ramener des citoyens mêmes, lorsqu'on croit qu'ils sont égarés? Les officiers municipaux sont les pères de la patrie, tous les citoyens sont leurs enfants; ce n'était qu'en traitant ceux-ci avec bonté, que la municipalité devait chercher à les ramener des écarts qu'ils se seraient permis.
Eh I quel ( tait donc le crime de la garde nationale? Kn existait-il un dans le dessein d'une fédération avec ies villes du département? Elle avait
devant ses yeux plusieurs exemples de fédérations semblables, toutes dictées par le patriotisme.
Votre comité n'a pu jusque-là apercevoir que la garde nationale se fût écartée du respect et de l'obéissance qu'elle devait aux officiers municipaux.
Une quatrième discussion s'élève : quelques citoyens veulent entrer dans la garde nationale, dont ils n'étaient pas membres. A-t-on refusé de les y admettre? Non. Au contraire, ia garde veut bien qu'ils s'incorporent dans les compagnies; mais cet acquiescement ne faisait pas j'affaire des pétitionnaires. Us voulaient faire un bataillon particulier. Us voulaient avoir leurs officiers, et ne pas servir sous le commandement des autres, excepté les chefs, c'est-à-dire le commandant général, le colonel, le lieutenant-colonel et le major. Qui était à la tête de cette prétention? Les mêides volontaires qui n'ayant pu se perpétuer d'abord en corps particulier comme volontaires, parce que vos décrets et une lettre de votre président proscrivaient cette prétention, ont cherché à se procurer d'une autre manière une influence qu'ils ambitionnaient. On voit, en effet, aujourd'hui, le chef des volontaires, chef de bataillon de la garde actuelle.
La municipalité a reçu, il est vrai, des pétitions pour accorder cette augmentation de bataillon et de compagnies. Mais a-t-elje joué un rôle impassible dans cette circonstance? Non. On la voit protéger visiblement et ouvertement cette prétention. On l'entend dire que les obstacles qu'on y a apportés ne sont suscités que pour une ambition déguisée des officiei"s qui composaient Vétat-major, et qui étaient jalouoç de conserver une prépondérance que des têtes sages et rassises pourraient leur faire perdre.
Dans tout ce qui s'est passé relativement à cette formation de nouvelles compagnies, on voit que la garde nationale accordait tout ce qu'on avait droit d'exiger d'elle- Aucune des 24 compagnies n'était complète suivant le taux fixé à 100 hommes par le règlement : par l'incorporation, on pouvait recevoir 600 hommes de plus sans créer de quatrième bataillon, et il n y en avait que 336 qui demandaient ce quatrième bataillon.
Il paraît que la majorité des votants parmi ceux qui étaient de la garde, a refusé la création des nouvelles compagnies, puisque sur 1335, 999 ont rejeté le système proposé à cet égard.
Cependant la municipalité, qui avait rendu une ordonnance à cet égard le 6 avril, par laquelle elle ordonnait la création d'un quatrième bataillon, n'a aucun égard à la forte opposition de la garde nationale * celle-ci la prévient qu'elle a déféré sa réclamation au Corps législatif, qu'elle a envoyé des députés à cet effet. La municipalité s'occupe toujours, malgré cela, de l'exécution de son plan- lôŒpères de famille leur demandent la permission de s'assembler, ils lui font une pétition pour surseoir jusqu'à la réponse attendue, ils lui font envisager les dangers d'une précipitation à cet égard : la municipalité, sourde à ces représentations, cherche à consommer son ouvrage.
Quel pouvait donc être le but d'une pareille obstination de la part des officiers municipaux, puisqu'ils apercevaient eux-mêmes une forte résistance, puisque cette résistance était apportée par un nombre assez considérable pour qu'en s'exnliquant sur ce nombre, ils disent seulement qu'ils doutent de cette majorité, pourquoi ne pas attendre la décision de l'Assemblée nationale ? Et si, comme ils l'assurent, ils croyaient que l'Assemblée nationale n'était pas saisie de la contes-
tation, pourquoi ne la lui déféraient-ils pas eux-mêmes? Ont-ils bien pu de sang-froid mépriser, comme ils l'ont fait, la suppliqua de 160 chefs de famillé qui, étrangers à la garde nationale, leur faisaient voir l'orage près de foudroyer les citoyens? Et si les événements sinistres qu'on leur présageait se sont malheureusement, par leur persévérance opiniâtre, réalisés, quels reproches n'est-on pas en droit de leur adresser?
Le décret du 10 avril, qui exigeait que tout se fît de concert entre la garde nationale et la municipalité, suffisait sans doute pour que les officiers municipaux sussent parfaitement qu'un projet quelconque relatif à 1 augmentation des compagnies ne pouvait s'effectuer qu'autant que la garde nationale l'aurait approuvé.
En vain la municipalité, jalouse de faire exécuter ses volontés, a prétendu le 6 mai que votre décret du 30 avril ne la concernait pas : il était rendu pour tout le royaume.
Il n'est pas sanctionné, à la vérité, quand elle l'a connu, mais la contestation était soumise à l'Assemblée nationale avant la formation des compagnies, et la municipalité en était prévenue. Elle devait donc attendre la décision. Mais, d'ailleurs, qu'était-il besoin à Montauban du décret du 30 avril, puisque celui du 10 rendu pour Montauban même prescrivait le concert? Il était donc plus qu'utile de s'occuper de la part de la municipalité du soin de tordre le sens de ce même décret et de faire naître des équivoques sur des termes qui le consacrent.
Il est évident que les officiers municipaux ont méprisé vos décrets à cet égard ; personne ne s'avisera sans doute de regarder comme une exécution du décret du 10 avril la réquisition faite au commandant par la municipalité le 6 mai, de recevoir le contrôle des nouvelles compagnies en lui disant que cette réqulsitiou a pour but lè concert qui doit régner entre les deux corps. Il n'y a que le mot employé par la municipalité, car réellement elle ordonnait et commandait, et ce mot, sans la chose, décèle l'entreprise des officiers municipaux.
On les voit, dans tous les temps, conséquents à leur système. Ils connaissaient l'objet des délibérations de ceux qui se disaient les catholiques de Montauban, Les imprimés l'indiquaient; ils permettent ces assemblées qui, par leur objet, portaient évidemment l'empreinte du fanatisme. Ils ne disent pas un seul mot de ce fait dans leur procès-verbul ; ils en ont parié depuis, parce qu'ils ont été instruits qu'on leur faisait des reproches à cet égard.
Elles ont lieu le 23 et le 27 avril ; elles étaient excitées et demandées par les mêmes personnes qui avaient figuré comme volontaires et qui voulaient la création d'un quatrième bataillon.
Là, on critiquait amèrement vos décrets sur la motion de Dom Gerle, sur la suppression des ordres religieux, sur les changements faits dans le clergé : là, on se permettait des diatribes contre certains membres de l'Assemblée nationale. Ces assemblées se tenaient devant un peuple nombreux auquel on persuadait que la religion était en danger, que le décret du 13 avril devait alarmer tous les bons catholiques.
Les officiers municipaux s'excusent sur ce que vos décrets autorisent les citoyens à s'assembler, quand ils le demandaient, au nombre de 150.
Mais cette excuse est-elle recevable ; il ne suffit pas de s'attacher aux lerme§ de la loi, il faut en saisir l'esprit,
Il n'est malheureusement que trop certain qu'à
Montauban comme à Nîmes, comme à Castres, à Lavaur, Uzès, Toulouse et autres villes de la province, on cherchait à soulever le peuple contre la Révolution en lui suggérant faussement que la religion était anéantie.
Il est également certain que le 10 mai était incliqué comme celui où devait s'opérer une commotion violente.
Si les ofticiers municipaux de Montauban eussent voulu montrer de l'attachement à la Constitution, s'ils eussent voulu réellement exécuter et faire exécuter vos décrets, pourquoi ne dissuadaient-ils pas le peuple qu'on égarait par des mensonges et qu'on soulevait contre ceux qui professaient un culte différent ? Ils avaient sous les yeux l'exemple récent de la ville de Toulouse qui, quelques jours Auparavant, avait refusé ces sortes d'assemblées.
D'ailleurs, comment la municipalité persuadera-t-elle qu'elle n'avait pas le droit d'empêcher ces assemblées, elle qui les a défendues le 11 mai? fallait-il donc, pour les défendre, attendre que les plus grands malheurs fussent arrivés, que le sang eût coulé, qu'un nombre considérable de citoyens eût été obligé de prendre la fuite? Elle a dû calculer les effets que produiraient ces assemblées, ces prières publiques extraordinaires ordonnées d'après son autorisation à la réunion des citoyens qui les ont provoquées.
On ne voit pas non plus que les officiers municipaux se soient occupés du soin de surveiller, de faire, pour désabuser le peuple, les observations que la connaissance de vos décrets devait leur suggérer.
Sous quelque point de vue qu'on envisage la conduite de la municipalité à cet égard, elle est évidemment répréhensible.
Si on examine ensuite celle qu'elle a tenue le 10 mai, en ne la jugeant même que d'après son procès-verbal, quels reproches n'est-on pas en droit de lui adresser?
D'abord, d'après ce qui s'était passé dans les assemblées des églises, les officiers municipaux ' savaient que le peuple était soulevé contre les visites des monastères.
Quel moment prennent-ils pour faire ces visites? Le 10 mai, jour remarquable; un jour de procession.
Comment se déterminent-ils à faire ces visites? Le matin, à onze heures, dans les cinq couvents à la fois, dans un jour, dans un moment où le peuple éiait attroupé à la porte des monastères et en défendait l'issue depuis le matin : le peuple n'a pu ignorer ce projet, et il ne s'est certainement porté à celte démarche que parce qu'il savait d'avance celle que devait faire la municipalité.
Ces attroupements ont dû être connus des officiers municipaux avant leur départ de l'hôtel-de-ville; mais s'ils les ont ignorés, lorsqu'ils s'en sont convaincus, il éiait de leur devoir de les faire dissiper, de requérir la force armée, de faire même au besoin publier la loi martiale. Un pareil acte de vigueur, exercé dans le principe, d'après vos décrets, aurait certainement produit l'effet de faire retenir les attroupés et ce jour trop fameux n'aurait pas été terminé par des scènes de carnage et de sang.
L'impunité et le défaut des mesures devaient enhardir le peuple. La retraite docile des officiers municipaux, sans que ceux-ci eussent rien fait pour dissiper les attroupements, en excita bientôt de nouveaux. Deux se forment successivement devant ia porte du commandant, sous le prétexte,
dont la municipalité avoue qu'on se servait, qu'il était du parti des non-catholiques qui ne voulaient pas admettre les nouvelles compagnies. Le maire dit qu'il dissipa avec facilité les attroupements. Mais si le peuple était si docile à sa voix, s'il faisait ainsi cesser ces attroupements presque aussitôt qu'ils étaient formés, si même le 11, après l'événement du 10, la 'municipalité dit qu'elle annonce avec confiance qu'il ne s'en reproduirait pas de semblables, qu'elles conséquences ne doit-on pas induire de la conduite que le peuple a ensuite tenue pendant trois heures en présence du maire et des autres officiers municipaux? Nous nons dispensons, Messieurs, de les tirer nous-mêmes.
Dans un autre endroit de son procès-verbal, la municipalité dit que,même après que les attroupements formés devant la porte du commandant eussent été dissipés par le maire, la fermentation durait toujours parce qu'on était mécontent du sieur Montet.
De cet aveu il résulte que, pour dissiper une fermentation et des attroupements qui se préparaient et se succédaient depuis le matin, il fallait nécessairement recourir aux moyens indiqués par la loi pour les faire cesser. Cependant il est de fait que le peuple se porta aux Cordeliers et qu'après avoir été excité sous le prétexte de prétentions et même d'entreprise de ia part des dragons, il se rendit en foule à l'hôtel-de-ville.
Que font les officiers municipaux? Rien de ce qu'ils doivent faire, le contraire de ce qu'ils devaient faire.
Ils devaient à l'instant requérir la force armée et faire publier la loi martiale; que ce fussent les dragons qui, comme ils le disent, formassent cet attroupement, que ce fut au contraire le peuple, il n'y avait pas à balancer. On ne conçoit pas comment les officiers municipaux ont vu indifféremment le peuple attroupé pendant sept à huit heures, sans prendre les moyens que la loi mettait en leur pouvoir pour le faire rentrer dans l'ordre.
Nous n'ajouterons pas qu'ils ont été requis à cet égard par le commandant, par les dragons et par les pères de famille qui étaient à l'hôtel-de-ville. Cesfails sont articulés, mais nous ne nous déterminerons que d'après le procès verbal même de la municipalité pour en conclure la nécessité de la publication de la loi martiale.
Quand le peuple arrive à l'hôtel-de-ville, il insiste pour avoir des armes. Les officiers municipaux ont peur, disent-ils; ils sont obligés de donner armes et munitions. C'est ainsi qu'ils armaient le peuple au lieu de le faire contenir par la troupe armée; c'est ainsi qu'après avoir désarmé la garde nationale, ils fournissaient les moyens d'assassiner les membres qui la composaient.
Que signifie, d'après cette conduite, la manière dont ils arborèrent le drapeau rouge ? Le drapeau rouge arboré, après que le peuple était muni de fusils et de cartouches ! et dans ce moment publia-t-on la loi martiale? Non.
Que faisait le régiment de Languedoc dans cet instant terrible? Il ne figurait en rien; il ne le pouvait pas. Il ne fut requis que très tard, et il n'arriva que dans le moment où le corps de garde avait été assiégé, où l'on avait fait des décharges terribles sur ceux qui s'y étaient réfugiés, où Je mur de ce même corps de garde avait été commencé de démolir sous les yeux de Ja municipalité. Il n'arriva qu'après que les malheureux qui ont péri dans cette fatale journée eurent été assas-
sinés, et après que la maréchaussée, qui, s'êtant frayé difficilement un passage, eût contenu le peuple et lui eût fait abandonner la démolition qu'il avait commencée.
Qu'on juge, Messieurs, si douze hommes de maréchaussée ont pu, lorsqu'ils ont été requis, arrêter la fureur du peuple et lui faire lâcher prise; qu'on juge ce qu'ils auraient pu faire, s'ils eussent été requis plus tôt; et si le régiment de Languedoc l'eût été lui-même à temps, qu'on juge la conduite de ceux qui pouvaient et qui devaient faire cette réquisition.
On ne peut songer sans indignation à la manière dont les malheureux dragons et autres soldats ont été traités en sortant du corps de garde. Dépouillés de leurs vêtements comme des criminels, ils sont conduits par le maire lui-même, qui portait le drapeau blanc pour annoncer le rétablissement de la paix cimentée par le sang qu'on avait répandu, et par la détention de cinquante-cinq ouvriers honnêtes : et cette paix cruelle est annoncée avee authenticité, tandis que la loi martiale n'avait pas été publiée.
De quelque œil qu'on envisage la conduite des officiers municipaux dans cette journée, on ne peut s'empêcher d'apercevoir combien ils ont méprisé leurs devoirs.
Le peuple veut des assemblées dont la religion était le prétexte, la municipalité les autorise. Il s'attroupe, la municipalité se retire et ne prend point les mesures dictées par vos décrets pour le faire rentrer dans l'ordre. 11 ne veut pas qu'on visite les couvents, on ne lui résiste par aucun moyen : il veut des armes et des munitions pour tirer sur ceux qu'il dit être ses ennemis, la municipalité lui délivre des armes et des munitions. Il dicte le jugement de ceux qui ont survécu à ses fureurs, la municipalité l'exécute. Il exige qu'on fasse des perquisitions dans les maisons des citoyens, sous le prétexte qu'ils ont des armes, la municipalité s'y prête.
Le lendemain on arrête deux dragons, et on leur fait éprouver le même sort qu'à leurs camarades ; ia municipalité qui ne l'a pas empêché ne dit même rien de cette anecdote : au contraire, elle annonce que, le 11, tout était en paix.
Dans l'ordonnance rendue le 11, la municipalité,, en ordonnant à la force armée d'arrêter les contrevenants à son ordonnance, désigne les autres troupes, mais elle ne veut pas proférer le nom de garde nationale; elle se contente de dire qu'elle enjoint à toutes autres personnes armées par autorité publique et légitime, d'arrêter, etc.
Apres ces scènes affreuses, on voit paraître aussitôt les nouvelles compagnies mêmes avec un nouveau régime, par une création d'officiers dont les emplois n'existaient pas. On voit à leur tête le premier orateur des assemblées des Gordeliers qui, en même temps, étaient volontaires dans le principe.
Le 19 mai, la municipalité de Montauban écrivait aux municipalités voisines de contenir leurs troupes, et de ne pas les laisser sortir- Le même jour elle écrivait à Alby, et demandait avec instance, qu'on lui envoyât, sans délai, la compagnie de chasseurs et de grenadiers pour les réunir aux troupes de Montauban.
Le même jour, le 19 mai, la municipalité écrivait que le détachement de Bordeaux venait fondre sur la ville, le feu et la flamme à la main, et le 20, les députés de la municipalité, dont deux officiers municipaux, témoignaient à Marmande, au nom de leurs commettants, au détachement bordelais, Vadmiration dont les remplissait le beau
dévouement et la généreuse démarche de la garde rtationale bordelaise. Ce qui est prouvé par le procès-verbal du détachement de Bordeaux.
Il est articulé , dans les procès remis à votre comité, qu'en laissant croire au peuple de Montauban que les intentions de l'armée bordelaise étaient hostiles, et qu'on rassemblait de toutes parts la poudre à tirer, qu'on faisait fondre des balles, faire des cartouches, des lances, "forger des hallebardes, et qu'on essaya de se procurer du canon.
Dppuis les malheurs arrivés à Montauban, la municipalité a fait ses efforts pour faire écarter les soupçons auxquels sa conduite antérieure avait donné lieu. Elle a fait différentes opérations pour rétablir le calme; elle a exécuté depuis ce temps plusieurs de vos décrets, notamment en ce qui concerne les visites des maisons religieuses. . §
Elle a aussi fait prêter serment civique à la garde nationale ; mais elle avait, sur une pétition antérieure, déclaré qu'il n'y avait lieu de prononcer sur cette demande. Les officiers municipaux observent que les circonstances n'avaient pas permis de le faire prêter plus tôt. Votre décret du mois de janvier l'ordonnait cependant. Il est évident que la municipalité ne voulait recevoir le serment qu'autant que la garde nationale serait accrue, augmentée et composée comme elle le désirait. Elle l'a fait prêter aussitôt après la nouvelle composition, et après que l'autorité enlevée aux uns a été confiée à ceux que la municipalité voulait en revêtir.
Votre comité a pensé, Messieurs, que les efforts faits par la municipalité de Montauban, depuis le 10 mai, pour vous prouver sa déférence à vos décrets, ne peuvent excuser la conduite qu'elle a tenue tant avant que ce jour-là même.
Il a remarqué que, dans tous les temps et dans toutes les circonstances, la garde nationale s'était conduite, envers la municipalité, avec les égards et la subordination qu'on pouvait exiger d'elle, que les prétentions qu'elle a élevées ne peuvent point être envisagées comme un crime, et que son recours à votre autorité, en annonçant son res-r pect et sa confiance, n'ont d'ailleurs pu indisposer la municipalité, puisque l'exécution était provisoirement donnée àux ordres dés officiers municipaux.
Le changement opéré par la municipalité dans la garde nationale est une entreprise évidente sur les droits, puisque, par vos décrets, et notamment par celui du 10 avril, tout devait s'opérer de concert. Il a paru à votre comité que Je nouvel ordre de choses, établi dans cette garde nationale, ne peut subsister. Vous n'avez à choisir que dans ces deux partis: l'un, ou de laisser les choses dans leur état actuel, auquel cas vous confirmerez l'espèce de proscription prononcée contre les membres chassés et les familles qui ont été forcées de quitter la ville ; l'autre, ou de rétablir les choses dans leur ancien état, auquel cas les citoyens actifs s'enrôleront, par la voie !d'incorporation; dans lès compagnies et bataillons créés par le règlement du 11 septembre. Dans cette alternative, vojtré comité a pensé que vous ne balanceriez pas à prononcer d'après les principes consacrés par vos décrets, et particulièrement celui du 10 avril, rendu pour la ville de Montauban même.
Quant aux officiers municipaux, votre comité n'a pu être de l'opinion du ministre qui leur à
donné des éloges (1).
Paris, ce
Votre comité a appris. Messieurs, que, par un ordre donné par M. le garde des sceaux, Îî s'est fait et se continue à Montauban une information sur ce qui concerne l'événement du 10 mai : mais nous vous observons qu'une information faite dans la ville ou le fanatisme et les passions les plus violentes agitent tous les ésprits, et divisent les citoyens en deux partis, on ne peut raisonnablement se promettre d'acquérir par cette voie des connaissances vraies qu'il ëst essentiel de se procurer.
Cette information n'est pas nécessaire pour déterminer votre décision telle qtie vous la porterez aujourd'hui,. Si vous vous déterminez à juger la municipalité de Montauban, relativement à l'exercice des fonctions administratives qui lui étaient confiées, vous n'avez besoin â cet égard que du pro-cès-verba[ même des officiers municipaux, votre comité s'est particulièrement attaché à ce prOCèé-verbal, qui ne peut être rejeté par ses autetirS. 1I; a remarqué, d'après les réflexions qu'il vous sou met, qu'il en résulte pins qu'à suffire pour établir que les officiers municipaux sont coupables en ce qu'ils ont omis de faire ce que vos décrets lettr prescrivaient de faire, et en ce qu'ils ont fait ce qu'ils ne devaient pas faire.
L'information deviendra sans doute nécessaire, mais votre comité croit que ce ûe peut être au juge de Montauban que ie soin de ta faire doit être confié. Les citoyens qui ont été détenus vous ont présenté une adresse dans laquelle ils vous supplient de nommer un autre tribunal que celui de Montauban.
Dans ces circonstances, votre comité a l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant:
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, déclare que l'information commencée devant le juge de Montauban, relativement à l'événement arrivé dans cette vitle, le 10 mai dernier, demeure comme non-avenue.
« Ordonne que son Président se retirera par devers le roi, pour supplier Sa Majesté de donner des ôfdres pour qUe l'ancienne garde nationale mon^ tâubaoaise soit rétablie dans le même état qu'elle était avant l'ordonnance dés officiers municipaux: de ladite ville* en date du 6 avril dernier, laquelle ordonnance, ainsi que tout ce qui a été fait en cen-1 séquence, est déclaré comme non-avenu, sauf aux autres citoyens actifs, qui n'étaient pas de ladite garde-nationale ancienne, à s'y faire îflCofpo* çèf conformément au décret du 12 juin dernier.
« L'Assemblée nationale décrète:
« 1° Qu'il sera informé devan t les officiera municipaux, juges ordinaires en matière criminelle à Toulouse, à la diligence de la partie publique, de tous les événements arrivés à Montauban le 10 mai, ainsi qtte tojts ceux qui y sont relatifs, tant âùfêriéurS qtte pogtéïiéûfs à ladite époque et circonstances et dépendances ; à Tefffet de quôi les
piéced déposées aù comité des rapports seront adressées incessamment à ladite partie publique;
« 2° Que jusqu'à ce qu'il soit statué sur ladite information, les membres du corps et conseil municipal de Montauban demeureront Suspendus de leurs fonctions, à l'époque de la notification qui leur sera faite dd çrésent décret; ■
« 3° Que les administrateurs du département du Lotou db son directoire commettront, sûr l'avis du directoire du district de Montauban, six personnes pour remplir provisoirement dans cette ville les fonctions municipales, dont une sera p;ir eux indiquée, pour faire les fonctions de maire, et une autre pour remplir celles de procureur de Ja commune;
« 4° Que la notification du présent décret et de Ja commission qui sera nommée, sera faite au même instant aux officiers qui composent la municipalité de Montauban, par les administrateurs dudit département ou de son directoire ;
« 5° L'Assemblée nationale charge son président d'écrire à la troupe dé maréchaussée à Montauban, pour lui témoigner sa satisfaction de la bonne conduite qu'elle a tenue le 10 mai.
Je demande que le rapporteur nous montre l'original des pièces dont il a tiré tant d'inductions.
Quoique je sois éloigné d'environ seize lieues de Montauban; quoique mes intérêts en soient séparés et que je n'aie rien de commun ayec Cette ville, je ne puis garder Un cottpable silence. Je ne vois dans le rapport du comité que l'effet de préventions qui ont produit les idées les plus exagérées. Quand il s'agit du salut d'une ville entière, quand on a la vérité sous la main, quand on peut la rétablir dans ses droits, on doit le faire.
Plusieurs membres : Il est trop tard pour discuter. — L'ajouenement !
(La salle se vide.)
lève la séance à onze heurt s du soir.
Observations sur le recrutement et remplacement de Varmée active, par cantons ou par dépm'--lemertts, par M. Des Pommelles, lieutenant-colonel du cinquième régiment d'étatwiajor (1 )v
On a proposé à, rAssemblée nationale trois plans pour le recrutement de 1,'arméè activé :
1° Celui des enrôlements volontaires;
2° Celui de 1» conscription militaire forcée, même pendant la paix ;
Celui du recrutement volontaire par canton s, en attachant tin certain flombre de régiments à chaque département,dans lequel ils seraiént tenus de résider et de se recruter.
L'Assemblée nationale ayant décrété que l'ar-
mée active continuerait à n'être recrutée que par la voie des enrôlements volontaires, il ne reste plus d'autre discussion que sur ce troisième système; d'après cela, nous allons examiner :
1° Si l'établissement en est possible;
2° S'il ne mettrait pas un obstacle invincible à l'exécution du décret de l'Assemblée, et n'exposerait pas l'armée à manquer de recrues;
3° Quels seraient les effets qui résulteraient de cette nouvelle disposition de l'emplacement de l'armée, pour la sûreté du royaume, les provinces frontières, les départements de l'intérieur, et enfin pour la discipline et l'instruction des troupes de ligne;
4° Quelles seraient les suites fâcheuses que ce nouveau mode de recrutement pourrait avoir, pendant la guerre, pour la population des différents départements;
5° Enfin, quelle serait, à la longue, l'influence progressive de ce nouveau régime sur la Constitution du royaume.
La première opération nécessaire pour établir ce recrutement par cantons, c'est indubitablement de partager l'armée active en 81 divisions, afin d'en affecter une à chaque département. Ou, d'après quelle base partira-t-on pour asseoir cette opération fondamentale?
1- Les nouveaux départements étant formés par des fractions ou des réunions des anciennes généralités, il faudra du temps et un travail considérable pour apprécier, avec quelque certitude, leur population respective;
2° En supposant même cette population connue, soit par le nombre des feux et celui des naissances, soit par les registres mortuaires, soit enfin par un dénombrement exact, les enrôlements étant purement volontaires, toutes ces données deviennent insuffisantes.
Le goût pour le service militaire est très différent en France d'une province à l'autre. Il tient à l'éducation, à l'habitude, aux circonstances et aux préjugés de chaque pays, au séjour des troupes; mais surtout il paraît subordonné d'une manière constante à l'influence du climat (a).
D'après les derniers relevés, parmi les seize généralités du nord, on en trouve beaucoup dont le contingent fourni à l'armée par le? enrôlements volontaires, est au-dessous du centième de la population ; tandis que, dans les provinces du midi, il s'élève au trois cent quarante-neuvième, et que la généralité de Lyon, qui fournit le plus, à cause de sa capitale, ne donne qu'un soldat sur 151 têtes (a).
L'espèce d'hommes est sans doute généralement plus élevée et plus vigoureuse dans le Nord. En France, on peut calculer que dans la totalité des provinces méridionales, le nombre des sujets qui n'ont pas la taille nécessaire pour servir, est à celui des provinces septentrionales, dans le rapport de 27 à 20. Aussi voyons-nous que, dans les troupes à cheval, où l'on a besoin d'exiger une taille plus haute, le Midi ne fournit à leur composition actuelle qu'un cinquième des hommes, c'est-à-dire moitié moins qu'il ne le devrait proportionnellement à sa population avec celle du Nord.
Une série de faits aussi concordants ne peut être l'ouvrage du hasard; elle tient certainement à des causes physiques générales, que toutes les institutions humaines ne peuvent changer (b).
Cependant on se tromperait étrangement si, d'après ces observations, on croyait pouvoir prendre pour base de cette nouvelle répartition la proportion dans laquelle se fait le recrutement actuel.
Paris fournit, année commune, 6,339 recrues, ce qui fait à peu près le tiers du remplacement annuel de l'armée. Il faudrait donc, d'après le nouveau système d'emplacement et de recrutement par cantons, attacher à cette seule ville le tiers de toutes les troupes de ligne, ce qui est évidemment de toute impossibilité.
Rien, sans doute, n'est plus facile que d'attaquer un régime établi ; tout le monde connaît les inconvénients qui y tiennent ; mais il faut avoir étudié particulièrement un objet pour prévoir les effets qui résulteront d'un nouveau plan qu'on propose. Or, qui peut calculer la quotité de soldats que ce système enlèverait au recrutement nécessaire pour compléter annuellement l'armée ?
Sur 3,916 soldats levés dans la généralité de Rouen et qui servent dans les troupes de ligne, il
y en a 3,112 qui ont été engagés à Paris ; mais combien parmi eux n'y en a-t-il pas qui, ayant été attirés dans cette capitale par l'espoir d'y faire fortune et se trouvant déçus de leurs chimères, se sont engagés dans un moment de détresse, et qui ne l'eussent pas fait s'il avait fallu retourner chez eux ? Combien d'autres qui, séduits par ce désir ou plutôt par cette passion de voyager, si naturelle à la jeunesse, ne se seraient pas engagés, s'ils avaient été circonscrits à servir dans un régiment sédentaire de leur propre pays (a) ? Enfin, si l'on élague les circonstances et si l'on ôte les motifs qui, dans nos mœurs actuelles, peuvent seuls alimenter les enrôlements volontaires, c'est mettre l'armée dans l'impossibilité de se recruter, et, par conséquent, annuler le décret de l'Assemblée nationale.
Je dis plus encore : Ce serait un grand malheur, pour la nation, que ce plan pût être exécuté ; car, en retirant la plus grande partie des troupes des garnisons qu'elles occupent sur les frontières, pour les disperser dans les départements auxquels elles seraient attachées, il en résulterait :
1° Que les places frontières, restant sans défense, l'intérieur du royaume ne serait plus couvert par un cordon de troupes suffisant pour le mettre à l'abri d'une invasion subite (b);
2° Que l'armée, ne pouvant plus être rassemblée aussi promptement, nous serions nécessairement toujours prévenus par nos ennemis pour la première campagne, ce qui serait un malheur réel pour la nation, parce qu'au commencement d'une guerre, la perte de temps est irréparable;
3° Que cette opération ruinerait totalement les provinces frontières qui, n'ayant d'autre débouché pour la vente de leurs denrées, que la consommation des troupes qui y sont établies, ne seraient plus en état d'acquitter l'impôt;
4° Que l'avantage qui pourrait résulter de l'accroissement des consommations dans quelques départements, serait plus que compensé par les inconvénients de l'augmentation du prix des denrées et conséquemment des journées dans les provinces de manufactures, ainsi que par l'impossibilité où d'autres (par exemple telles que l'Auvergne, le Limousin,etc., dont le sol est extrêmement stérile) se trouveraient de fournir à un tel accroissement de consommations;
5° Que, sans aucun avantage réel pour la totalité du royaume, cela rendrait d'un côté parfaitement inutiles les établissements frontières qui
ont coûté tant de frais à l'Etat, tandis que, de l'autre, le logement des troupes deviendrait fort à charge aux citoyens des villes de l'intérieur où il n'y a point de casernes;
6° Qu'il faudrait nécessairement disperser une grande partie des régiments, parce que, dans les départements de l'intérieur, on trouverait peu de villes assez considérables pour les loger en entier : or, il n'y a pas de militaire qui n'affirme (et l'expérience le démontre), que cette dispersion perpétuelle est absolument incompatible avec la discipline et l'instruction, conditions sans lesquelles il n'existe pas d'armée. Car si le nombre et la bravoure suffisaient, pourquoi sacrifier pendant la paix tant de millions pour l'entretien des troupes de ligne? La levée d'un corps de milice, au premier moment de la guerre, ne nous laisserait rien à désirer. Ainsi, par ce nouveau mode d'emplacement des troupes de ligne, le but militaire et politique de leur institution serait tota^-lement manqué, puisque, quelque nombreuse que fût notre armée, elle ne pourrait plus être assez disciplinée ni assez manœuvrière pour résister à celle des puissances voisines.
Mais suivons actuellement cette armée en campagne et combinons, avec les événements ordinaires de la guerre, la composition qui résulterait de ce recrutement par cantons. Il est incontestable que les batailles les plus meurtrières ne sont, en dernière analyse, que des affaires de poste, où les régiments chargés, soit de l'attaque, soit de la défense, perdent toujours prodigieusement de soldats. Dans l'état actuel, cette perte, tombant sur la totalité du royaume, est presque insensible pour chaque province et devient très facile sur la masse générale; il suffit donc de renvoyer ces corps sur les derrières de l'armée, pour les mettre, au bout de très peu de temps, en état de rentrer en campagne. Ici, au contraire, cette perte d'hommes frappant uniquement sur le canton qui aurait recruté ces régiments, il serait entièrement écrasé. Alors la population épuisée ne pourrait plus fournir le nombre de recrues nécessaire,où le deuil de toutes les familles répandrait une consternation si générale, que personne ne voudrait plus s'engager.
D'après cela, non seulement ces régiments seraient hors d'état de servir pendant tout le reste de la guerre, mais une perte aussi considérable de jeunes gens, ferait, pour ainsi dire, une lacune dans la génération de ce département et il faudrait beaucoup d'années pour rétablir dans les mariages le niveau nécessaire à l'équilibre de la population, et rendre à l'agriculture et aux travaux la multitude de bras et d'individus qu'une seule bataille aurait moissonnés. Ainsi, ce nouveau mode de recrutement choque tous les principes d'une saine politique, qui doivent être de former les armées ae manière à ne jamais exposer aux hasards de la guerre, que la quantité de soldats proportionnelle à la population respective des provinces qui composent la totalité d'un Empire.
Mais ce ne seraient pas encore là les suites les plus fâcheuses qui résulteraient de cette nouvelle mauière dé disposer l'armée et de la recruter ; chaque pas que l'on fait dans l'examen de ce nouveau système, y fait découvrir de nouveaux dangers. Un instant de réflexion suffit pour se convaincre qu'il porte dans son sein le germe assuré de la dissolution de la monarchie et de son anéantissement.
L'Assemblée nationale a reconnu que la France était un État monarchique.
Or, qu'est-ce qu'une monarchie? C'est un gouvernement où le pouvoir exécutif suprême repose tout entier dans la main d'un seul.
Le pouvoir législatif réside dans l'Assemblée nationale concurremment avec le roi; mais l'exécution des lois est uniquement confiée au roi ; par conséquent, il faut que les moyens du pouvoir exécutif soient tellement combinés, que la plus grande force publique soit à ia disposition de celui qui parle pour l'exécution, et le maintien de la loi.
Si donc une des divisions de l'Empire refusait aux lois nationales la soumission qu'elles lui doivent toutes, il faudrait, pour maintenir l'unité dans les parties de la monarchie ; 1° que la division réfractaire eût le moins de moyens possibles pour résister à la loi; 2® que le pouvoir exécutif eût tous les moyens nécessaires poûr forcer cette division à se soumettre à ia loi. Or, le plan de recrutement et d'emplacement, proposé pour l'armée, produit un effet directement opposé à ces principes»
Un régiment affecté uniquement à chaque département, toujours résidant dans Ce.même dé* partementj deviendra et sera le régiment dê tel département exclusivement, et non un régiment au service de la nation entière.
Il faudrait bien mal connaître l'esprit humain, pour imaginer que les soldats, nés dans un dé* partement,'servant dans leur pays, enregimentés dans les régiments de leur pays et y résidant, concevront l'idée qu'ils appartiennent à une autre patrie qu'à leur département» surtout s'il réeia-tait aux décrets de l'Assemblée nationale.
Ces idées qui nous dégagent des liens d'une localité, pour nous identifier avec la totalité de l'Empire, sont trop philosophiques pour faire des prosélyteB parmi des soldats. C'ert par abstraction de tout autre sentiment, que des hommes réfléchis deviennent cosmopolites : n'attendons pas de si grands efforts de génie des hommes qui composeront nos légions,.
Je dis que tel sera l'effet du recrutement que l'on propose : que si le département où sera fixé tel régiment, égaré par des idées qu'il est trop aisé à des ambitieux de faire naître, se refusait à l'observance d'une loi qu'il réprouverait, il se verrait aussitôt soutenu par la force militaire qu'il recèlerait dans Bon sein ; dè» lors., la réeis* tance serait imposante; s'il était mis aveo d'au» très départements, elle deviendrait alarmante; b'jI formait une coalition avec plusieurs pro« vinces, elle pourrait ramener toutes les horreurs des guerres civiles.
S'il n'était question que de former un Etat lié, comme l'Amérique septentrionale, par une grande confédération, et dont l'ensemble n existât aux yeux de la politique que par des traités entre les divisions réciproques, alors, sans doute» on devrait attacher exclusivement les régiments à leurs pays, de craints que s'ils étaient fournis par des citoyens de tous les départements, ils ne pussent amener l'existence d'une monarchie-
Mais si les régiments français, affectés à chaque département, acheminent inévitablement à ce plan de républiques confédérées, que deviendra donc alors ce pouvoir exécutif suprême décrété par i'Assemblée nationale? Dans un pareil ordre de choses, vous aùrest Un roi sans moyens» sans pouvoir, sans autorité» obligé de pactiser au lieu de commander, réduit à calculer la force de ré* sistance de chaque département, avant d'y établir les lois nationales, et contraint de les armer sans cesse, les uns contre les autres, pour faire usage
de la puissance exécutrice que la nation lui a confiée?
Tel est cependant l'ordre de choses qui, à la longue, résulterait, nécessairement du nouveau plan proposé» Un tel orare de choses est non seulement 1 anéantissement de l'unité monarchique, mais il est absolument contraire aux principes de l'Assemblée nationale, dont tous les décrets ne tendent qu'à détruire ies privilèges particuliers qui peuvent s'opposera là constitution uniforme de l'Empire français.
Que si quelqu'un traitait de chimériques les inconvénients que nous venons de développer, on lui dirait qu'on ne petut espérer que la même énergie qui anime les citoyens, lorsqu'ils élèvent une Constitution, continuera de les échauffer, au même degré, quand 11' né s'agira que de la maintenir.
Aujourd'hui, la ferveur de la liberté rend tout aisé, elle aplanit tous les Obstacles; l'Assemblée nationale en impose à toutes les volontés ; les citoyens se font un honneur de marcher au-devant de ses décrets et de s'y soumettre.
Mais ce zèle peut se calmer, quelques départements pourront se créer un intérêt particulier, alors il faut que le pouvoir exécutir maintienne, par ga puissance, cette unité salutaire que la loi aura établie.
La prévoyance est la vertu des législateurs ; elle seule porte nos regards au delà du moment où nous vivons; elle seule imprime aux lois cette durée que les siècles he peuvent détruire.
Rassemblons nos idées, et présentons ici le résultat des vérités établies dans ce mémoire:
1° Il est impossible d'établir, sur aucune espèce de base solide, ce nouveau système d'emplacement et de recrutement de l'armée active^
2° Il mettrait l'armée dans, l'impossibilité de jamais se" compléter, et anéantirait par là le décret de l'Assemblée nationale sur les enrôlements volontaires;
3ÔSans présenter aucun avantage pour la masse générale du royaume, il dérangerait le niveau actuel de toutes les provinces, et serait incompatible, non seulement avec la Sûreté de l'état, mais encore avec la discipline et l'instruction des troupes;
4° Il exposerait la population de plusieurs départements à être détruite par les hasards et ies malheurs de ia guerre ;
5° Ênfln, il est évidemment contraire à l'unité du gouvernement monarchique, reconnu par-i'Assemblée nationale; il changerait la Constitution du rôyauniê, ët n'en serait plus qu'un assemblage incohérent de républiques fédératives.
C'est en vain qu'à ces vérités incontestables, on chercherait à opposer l'exemple de la Prusse. Il en est des lois, comme de certaines plantes qu'on ne peut transporter dans un autre pays : On
miner ce que Frédéric a fait dans ses États ; mais Seulement ce (jui eohVient le mieux à nôtre si* tuatloû, pârôe qùè c'est, sans do'tttè» lêparti qu'eût choisi ce grand homme, s'il eût eu le bonheur d'être chef de la nation française.
Mémoire sur le mode de formation et de recrutement de Varmée auxiliaire, par M. Des Pommelles, lieutenant-colonel du 5® régiment d'état-major (1).
Dans un mémoire publié récemment, nous avons déjà démontré la nécessité d'une armée auxiliaire et permanente de 100 mille hommes; ainsi, l'objet qui doit maintenant nous occuper est le mode de la formation et du recrutement de cette armée.
L'Assemblée nationale a décrété les enrôlements volontaires pour la formation de l'armée active.
Adoptera-t-elle exclusivement le même mode pour l'armée auxiliaire?
Si ce moyen est suffisant, sans doute il n'y a pas à balancer. Le service militaire est le plus grand sacrifice qu'un citoyen puisse faire à sa patrie; aussi ne doit-elle et ne peut-elle l'exiger que lorsqu'il est absolument nécessaire au salut de tous et à la sûreté de l'Empire»
Mais où finit la possibilité de trouver des hommes qui se dévouent volontairement à la défense de l'Etat» là commence l'obligation de marcher en personne»
Je ne rappellerai point ici les inconvénients politiques qu'il y aurait d'abolir entièrement l'obligation du service personnel pour le remplacer par une. imposition générale (a) ; je ne parlerai point de ia hausse considérable que cela occasionnerait dans le prix des enrôlements de l'armée active» et du surcroît de dépense qui en résulterait annuellement pour le Trésor public; il suffirait d'ajouterquelcjues millionSaUX fondsde la guerre et d'augmenter les subsides. La tranquillité des citoyens est au-dessus de toutes les Considérations de finance. Mais ce n'est pas seulement de l'argent qu'il faut pour résister aux puissances voisines, ce sont des soldats. Est-il possible d'en obtenir le nombre suffisant pour les enrôlements volontaires? Voilà le point capital de la question.
Il faut, a dit un écrivain célèbre, des moyens plus rapides et plus sûrs pour les augmentations de guerre, que Je recrutement ordinaire; il faut des recrues d'une espèce plus solide qu'à la paix. Là trop faible espèce de soldats dont l'armée se trouva composée en 1757, fit périr, pendant cette gûerre, pltis de cinquante mille hommes dans les hôpitaux, et ce ne fut qu'après une incorporation de quarante-neuf bataillons de milices que l'armée prit de la consistance et résista aux campagnes suivantes. Si ce fait était isolé, comme il pourrait tenir à des causesparticulières, sans doute on n'en pourrait tirer aucune induction certaine; mais depuis le règne de Charles VII, époque de l'établissement des troupes réglées, on ne citera pas une guerre où les enrôlements volontaires aient pu seuls suffire pour alimenter l'armée. Souvent on a supprimé les milices pendant la paix ; souvent on les a remplacées par un accroissement d'impositions ; mais toujours on a été
forcé de les rétablir non seulement pour la défense des frontières, mais encore pour les incorporations qui, dès la seconde campagne, devenaient nécessaires au complet de l'armée active.
Si nous rapprochons de cette uniforme et longue suite de faits, les calculs de la population militaire du royaume, nous verrons que.ces faits tiennent à une cause invariable et que l'histoire du passé est et doit nécessairement être celle de l'avenir.
L'armée active et l'armée auxiliaire forment, réunies, un total de deux cent cinquante mille hommes. Ainsi, la population du royaume étant de vingt-cinq millions soixante-quinze mille huit cent quatre vingt-trois âmes, il faudrait donc que, sur cent têtes de tout sexe, un individu s'enrôlât volontairement.
Or si, dans l'état actuel, ce n'est qu'avec beaucoup de peine que l'on parvient à se procurer, pour les troupes réglées, un soldat sur cent quatre-vingt-cinq têtes, comment pourrait-on espérer que lorsqu'il faudrait obtenir un contingent volontaire presque double, l'opération fût possible?
Gette vérité déjà si frappante, acquiert une nouvelle force lorsqu'en dernière analyse, on évalue la masse disponible et recrutable de Ja population»
Après en avoir déduit les neuf dix-septièmes pour les femmes lesdeuxnpuvièmespour les veufs et les gens mariés, les quatre-vingt et unièmes pour les mâles au-dessous de dix-huit ans, environ le tiers des célibataires restants pour les défauts de taille ou les infirmités, enfin les matelots, les garde-côtes et tous ceux que leur fortune ou leur profession éloigne du métier des armes ; il en résulte que c'est tout au plus si l'on peut porter la classe recrutable à six cent mille hommes (a).
Aussi voyons-nousque» jusqu'à présentai l'armée moyenne des recrues nécessaires au remplacement de l'armée ne s'élevait que de dix-huit à vingt mille, et où conséquemment il ne fallait trouver qu'un homme sur trente-quatre qui voulût B'engager, cependant le recrutement, de jour en jour, devenait plus difficile. Que serait-ce donc lorsque le même recrutement étant presque doublé, à raison de l'armée auxiliaire, il faudrait nécessairement trouver un homme sur dix*sept?
D'ailleurs, il est nécessaire d'observer qu'un effet presque certain de la révolution actuelle sera indubitablement d'augmenter les difficultés du recrutement volontaire.
Cette vérité, qui, au premier aperçu, pourrait paraître un paradoxe, n'a besoin que d'être développée, pour être généralement reconnue.
Il est de toute impossibilité que les régiments
de ligne puissent envoyer un recruteur dans chaque village : par conséquent, la presque totalité au recrutement de l'armée active s'est toujours laite et se fera toujours dans les grandes villes telles que Paris, Lyon, etc. Il en résulte qu'il n'y a que des paysans attirés dans les capitales par l'espoird'y gagner de l'argent, qui s'engagedt, et que les villes fournissent les deux tiers des enrôlements volontaires, c'est-à-dire sept quinzièmes de plus qu'elles ne le devraient, d'après le rapport de leur population à celle des campagnes. Les habitants nés dans les murs de Paris donnent seuls un douzième du recrutement annuel de l'armée.
Cette différence paraîtra et plus sensible et plus claire si l'on veut suivre avec attention la gradation du rapport de l'armée moyenne des naissances mâles des villes et des campagnes, avec l'armée commune des enrôlements volontaires.
Il naît, année moyenne, quatrecent quatre-vingt-seize mille neuf cent vingt-trois mâles dans le royaume, et il s'engage à peu près dix-huit mille hommes. Ainsi, la proportion des enrôlements volontaires aux naissances mâles, devrait être, pour tout le royaume, d'un sur vingt-six et demi, ou de deux sur cinquante-trois. ' Paris, au contraire, sur sept naissances mâles, fournit un engagement volontaire; la totalité des villes, un sur huit et demi ou deux sur dix-sept naissances mâles, et les campagnes, un seulement sur soixante-six un sixième.
Or, si le luxe, comme cela est inévitable, tombe dans les villes et surtout dans la capitale, alors, nécessairement la populatien, les mariages et les naissances y diminueront d'une manière sensible et rapide (a); car, d'un côté, les artisans, ne trouvant plus la même quantité de travaux, ni les mêmes moyens de subsistance, ou passeront en pays étranger, ou resteront dans les campagnes ; de l'autre côté, les paysans, ne pouvant plus être attirés dans les villes par l'espoir d'y faire fortune, resteront chez eux et ne s'engageront pas. Ainsi, sous tous les rapports, la classe recrutàble éprouvant une diminution considérable, les difficultés de l'enrôlement volontaire augmenteront nécessairement. Qui peut même prévoir l'influence de cette révolution sur le recrutement de l'armée active?
Jusqu'à présent, il faut en convenir, l'administration a trop négligé d'examiner le rapport des naissances mâles avec les enrôlements volontaires; cependant, ces observations sont si nécessaires, qu'elles ne peuvent pas être considérées comme •
de pure curiosité. Ce n'est qu'en étudiant la liaison secrète qu'ont entre eux certains objets, qui d'abord, ne paraissent avoir aucune analogie, que des législateurs peuvent coordonner toutes les branches d'une bonne Constitution. Un fait connu mène à la découverte de tous les autres termes de l'équation; sans cela, faute de connaître les causes, on se trompe sur le choix des moyens. Or, comme ce sont les naissances mâles qui doivent un jour fournir des soldats, leur accroissement ou leur diminution, dans les villes surtout, est le seul thermomètre qui puisse déterminer la probabilité des limites du recrutement volontaire de nos armées (a).
L'expérience de plusieurs siècles et les calculs sur la classe disponible de la population militaire se réunissent donc pour prouver invinciblement que les enrôlements volontaires n'ont jamais pu et ne pourront jamais suffire: 1° pour alimenter à la fois l'armée active et l'arméeauxiliaire ; 2° pour remplacer le vide occasionné, dans les troupes réglées, par les maladies et les hasards de la guerre.
Je dis plus, je suppose que l'on ne croie pas cette impossibilité absolument démontrée ; je suppose que les calculs de population, assis sur la plus grande masse connue de probabilité, ne convainquent pas entièrement; je suppose encore que, d'après le changement de Constitution, l'on ne re-
garde pas comme concluante la longue suite d'exemples tirés de notre histoire ; du moins est-il impossible que tant de faits réunis ne laissent pas dans les esprits de doutes et d'indécision. Or, le motif seul est suffisant pour qu'il ne soit pas permis d'adopter, commeconstitutionnel, un principe dont on ne peut pas garantir la certitude.
Lorsqu'en rejetant la conscription, le comité militaire a proposé à l'Assemblée nationale le recrutement volontaire pour la formation de l'armée active, l'expérience cautionnait la sûreté de l'exécution.
Mais ici, l'expérienceétànt absolumentcontraire, ou l'on exposerait le royaume à n'avoir point d'armée auxiliaire, ou, ce qui est pis encore, à n'avoir que deux armées incomplètes, qui, après avoir dévoré l'Etat pendant la paix, ne seraient pas assez fortes pour le défendre pendant la guerre ; ainsi la constitution militaire de la France croulerait absolument par la base. Et quel moment choisirait-on pour abandonner le recrutement de nos armées aux chances incertaines d'idées entièrement systématiques? celui où toutes les puissances sont en armes, celui en(in,où le duché de Clèves, le comté de la Marck et plusieurs autres Etats du roi de Prusse (a) viennent tout récemment de renoncer au privilège de s'acquitter par une contribution pécuniaire de leurs contingents de recrues et se sont soumis à fournir des soldats en nature.
Enfin, il existe, entre la constitution de l'armée auxiliaire et celle de l'armée active, une différence essentielle qui lient tellement à l'origine même et à la nature du contrat social, que rien ne peut l'anéantir.
Tant que les nations n'ont point encore de système militaire combiné, et qu'elles ne rassemblent des troupes que pourrepousser une incursion, alors il faut nécessairement que tout citoyen, en étal de porter les armes, marche en personne ; mais l'ennemi repoussé, chacun rentre dans ses foyers et reprend ses travaux. Or, c'est là précisément la destination de l'armée auxiliaire ; donc le service personnel doit être Ja base constitutionnelle de sa formation et les enrôlements volontaires ne sont qu'une tolérance et un adoucissement de la loi primitive, qui ne doivent être étendus qu'autant que les circonstances le permettent.
L'armée active, au contraire, devant, par son institution, être toujours sur pied, le service personnel deviendrait, pour chaque citoyen, une charge trop onéreuse et que la chose publique n'a pas strictement le droit d'exiger, tant que l'Empire n'est pas attaqué. L'état de soldat devient alors une profession habituelle et particulière, que chacun doit être libre d'embrasser à son gré. Donc l'enrôlement volontaire est et doit être la base constitutionnelle de la formation de cette armée ; et l'on ne peut recourir aux enrôlements forcés pour la compléter que lorsque les circonstances de la guerre ne laissent plus d'autre ressource. . Ici, on va peut-être m'objecter le vœu de plusieurs bailliages, qui demandent l'abolition entière du service personnel, et les diverses objections développées dans l'Assemblée nationale contre le système de la conscription militaire.
Sans doute, les abus., les vexations et les exemptions humiliantes ont dû soulever les peuples contre l'ancien régime des milices. Une grande partie des citoyens, uniquement occupés
du soin de pourvoir à leur subsistance journalière, n'ont ni le temps ni les connaissances nécessaires pour calculer les forces des puissances voisines, et pour réfléchir sur les moyens de résistance à leur opposer. D'ailleurs, comment le peuple aurait-il pu regarder comme un devoir indispensable et sacré, un service dont s'exemptait l'opulence? Ainsi, plusieurs bailliages ont dû voter pour l'abolition du service personnel ; cependant, en dernière analyse, la majorité des cahiers ne demande que la réforme des abus.
Sans doute, l'Assemblée nationale doit à la fois réformer les abus onéreux aux citoyens, mais surtout le3 éclairer, quand d'indispensables devoirs leur commandent des sacrifices.
Souvent on ne murmure contre une charge publique que parce que l'on n'est pas convaincu de sa nécessité et que l'on n'en sent point assez le rapport avec son intérêt particulier. Il faut donc dire à la nation : « Sans doute, il est pé-« nible pour un citoyen d'avoir, même au sein de « la paix, i'inquiétuâe d'être forcé d'abandonner « demain ses foyers, pour s'exposer aux hasards « de la guerre. Mais, voulez-vous retarder le mo-« ment d'un tel sacrifice ? Montrez-vous toujours « prêts à le faire. Ce n'est, a dit le grand Fré-« dé rie, qu'avec des épées nues qu'on retient les « autres dans le fourreau. »
Il faut encore dire à la nation : « Voilà les ar-« mées de l'Empire et de l'Allemagne. On ne peut « se procurer par les enrôlements volontaires le « nombre suffisant de soldats pour leur résister. « Si une partie des citoyens refuse le service per-« sonnel, vous n'aurez point d'armée.auxiliaire; « l'ambition de vos voisins aura peut-être la per-* fidie de ne pas vous attaquer sur-le-champ, afin « de mieux, laisser consommer votre décadence « militaire; mais bientôt, n'en doutez pas, l'en-« nemi vous déclarera la guerre, et après s'être « emparé des frontières, il pénétrera dans l'inté-« rieur de l'Empire, ravagera vos propriétés, et « vous éprouverez les horreurs de la conquête « et l'esclavage des peuples vaincus. »
Certes, l'abolition du service personnel serait plus agréable au peuple, il n'y verrait que l'affranchissement d'une charge publique. Mais si l'exemption de ce service compromet la sûreté de l'Etat, est-il possible de l'accorder? Non, sans doute, une assemblée législative s'élève à de plus hautes pensées ; elle fait créer des lois pour les siècles, et, dédaignant l'hommage d'une reconnaissance momentanée, elle s'environne de l'estime et du respect de la postérité.
Maintenant, il ne nous reste qu'à répondre aux trois objections principales, faites sur la conscription militaire :
1° Que l'obligation du service personnel attaque la liberté individuelle des citoyens ;
2° Qu'il arracherait à l'agriculture, au commerce, aux arts et aux talents des hommes précieux, pour les changer, tout au plus, en médiocres soldats ;
3° Les difficultés qu'éprouverait l'exécution.
Ces objections, présentées avec beaucoup de force à l'Assemblée nationale, ont dû Ja déterminer à proscrire le service forcé pour l'armée active; mais ici la position n'est pas la même.
Rien n'est plus contraire, sans doute, à la liberté naturelle de l'homme, que de l'obliger de marcher à la guerre ; mais l'ordre social, en même temps qu'il assure des droits aux citoyens, leur impose aussi des devoirs; car ce n'est que sous la condition expresse que chaque citoyen contribuera, de sa personne et de sa fortune, au
maintien et à la défense de la société, qu'il peut au besoin réclamer l'assistance de la société entière pour la défense de sa personne et de sa propriété.
A Athènes, à Rome, en Angleterre, en Suisse et chez les peuples les plus libres, chez les sauvages mêmes, tout homme en état de porter les armes est obligé de marcher en personne à la guerre : ce n'est pas seulement parce que la contribution du service personnel est autorisée par l'exemple de tous les peuples et de tous les siècles ; Ce n'est pas parce que les lois la commandent qu'elle est légitime; mais c'est parce que la nature et la nécessité ont partout dicté la loi avant que le législateur ail parlé,
La question se réduit donc toujours au même point : savoir si la défense de la patrie exige irrésistiblement, ainsi que nous l'avons démontré, le concours du service personnel pour la formation de l'armée auxiliaire? .
Ge genre de service ne peut, sous atfcun rapport, être assimilé à la conscription militaire proposée pour base unique de la totalité des armées.
Cette conscription enlevait nécessairement, même pendant la paix, un citoyen à ses habitudes, à sa famille, à ses affaires, à sa profession ; et ce qui était un vice bien plus essentiel, elle aurait arrêté le cours de l'éducation des jeunes gens, dont les talents pouvaient, un jour, devenir utiles à l'Etat.
Ici, au contraire, le service personnel, exigé seulement pour l'armée auxiliaire, laisse le citoyen constamment libre et tranquille pendant la paix ; il ne lui impose que l'obligation de certifier son existence à des époques fixées, et la guerre n'étant qu'un état de crise, chaque citoyen inscrit couserve un espoir très fondé d'acquitter son temps de service, sans être forcé de marcher à l'ennemi. Si la guerre vient à s'allumer, il n'a point à se plaindre ; tous les intérêts particuliers doivent se taire devant la nécessité ae défendre l'Etat.
D'ailleurs, l'armée auxiliaire ne pouvant, par sa nature, être considérée que comme une espèce d'arrière-ban organisé et infiniment plus doux que celui qui, tant de fois* a été ordonné depuis l'établissement de la monarchie, tout Français qui refuserait alors le service devrait être dégradé de son état de citoyen* Quiconque, en ce cas, hésite de hasarder Sa vie pour défendre l'Etat, est indigne d'en faire partie; car ce n'est qu'à cette condition que chaque citoyen a joui, dans la société, du bonheur d'être libre et des douceurs de la paix.
Mais des nommes enrôlés malgré eux ne feront que de médiocres soldats. La réputation qu'ont acquise les grenadiers royaux, depuis leur institution» ne peut laisser aucune inquiétude du côté de 1a bravoure ; et si, comme cela est incontestable, il faut, pour la guerre, une espèce d'hommes plus robustes que ceux du recrutement volontaire, l'armée auxiliaire les fournira, car les contingents étant fixés d'après la population, vous aurez les quatre cinquièmes composés d'habitants de la campagne, qui, accoutumés aux travaux pénibles, seront plus en état de supporter les fatigues de la guerre, que les recrues ordinaires qui sont, ou des artisans ou des paysans déjà énervés par le séjour des grandes villes.
Les difficultés dans l'exécution présentent une objection plus embarrassante. Depuis plusieurs années, dés philosophes» plus éloquents qu'éclairés
sur cette partie d'administration, ont tellement déclamé contre les milices, qu'ils ont inspiré dë grands préjugés contre l'obligation du service personnel; d'un autre côté, la suspension des tirages, l'année dernière, faute très grave en politique, a pu faire croire que cette obligation serait abolie; mais ce préjugé doit s'évanouir; car il est très différent de marcher comme citoyen pour une guérre qui intéresse toute la nation, ou de se dévouer pour satisfaire l'ambition d'un seul homme. D'ailleurs, le respect que doivent tous les citoyens aux décrets d'une Assemblée qui, en posant les bases de la liberté publique, doit en assurer le maintien contre les ennemis extérieurs, suffit seul pour dissiper toutes les inquiétudes; mais pût-on redouter des obstacles dans l'exécution, il n'en serait pas moins nécessaire de consacrer un principe auquel est attachée la sûreté de l'Etat. Le temps aplanira bientôt les difficultés ; et une vérité que l'Assemblée nationale aura reconnue, reprendra tôt ou tard son empire.
CONCLUSION.
Je me résume, et je dis; qu'à moins de nier tous les faits et les Vérités établis dan» ce mémoire, il faut nécessairement prendre le service personnel pour base constitutionnelle de la formation de l'armée auxiliaire, et, en conséquence, statuér :
1° Que tous les départements, districts et municipalités fourniront à l'armée auxiliaire* même pendant la paix, Un contingent d'hommes, proportionnel à leur population respective ;
2® Que tous les soldats qui formerbnt ces contingents seront acceptés par les délégués du pouvoir exécutif» inscrits sur des registres ; et pour s'assurer du complet, tenus de certifier leur existence aux époques et suivant le mode fixé par la loi, et de se présenter au premier ordre de rassemblement ;
3* Que tous les citoyens célibataires, depuis dix-huit ans, jusqu'à quarante, et en état de porter les armes, seront assujettis à contribuer, par le service personnel, à la formation de ces con* tingentB, sauf à tolérer les engagements volontaires dans les divers départements, avec toutes les modifications qui pourront concilier la tranquillité des citoyens et la sûreté de l'Empire*
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
l'aîné, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin.
Il ne se produit aucune réclamation*
, autre secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier an soir.
Je demande l'impression de l'a-
(Cette proposition est adoptée ainsi que le procès-verbal.)
Là listé qu'on doit suivre pour l'ordre de la parole présente une certaine confusion, parce que deux secrétaires ont reçu à la fois les déclarations des orateurs qui se présentaient.
Là listé doit être établie par le secrétaire qui arrive le premier; c'est le moyen d'éviter les doublés emplois.
Je réclame l'exécution du règlement et je demande que M. le Président soit seul chargé de la liste.
A l'avenir, le président arrivera de bonne heure à l'Assemblée et recevra lui-même les nothsde ceux qui demanderont la parole,
(L'incident n'a pas de suite.)
Lès 34,4* et 6* bureaux n'ont pas encore remis leurs Scrutins pour la nomination des commissaires chargés d'ëxâminer l'affairé d'Avignon.
L'affaire est très urgente. Je demandé qu'on passe outre et qu'on proclame les commissaires élus parles autres bureaux.
(Cêtte motion est adoptée.)
proclame les commissaires suivants :
MM. Barnave,
Tronçhet,
Charles de Lameth,
Bouche,
Démeunier,
De Mirabeau, ainé,
,secrétaire> fait, comme suit, la lecture de la liste des décrets de l'Assemblée nationale portés à la sanction du roi, le 22 juillet 1790,
Du
Décret qui charge le garde des sceaux et les autres ministres d'envoyer au comité des décrets, tous les huit jours, un état par départements, et par ordre de dates des décrets dont on leur aura accusé la réception.
Du
Décret portant que les droits qui formaient l'objet des baUx passés par les ci-devants Etats d'Artois, seront régis, à compter du premier août prochain, par des régisseurs nommés par le département du Pas-de-Calais.
Dudit jour.
Décret qui autorise les officiers municipaux
de Sivry-sur-Meuse, à emprunter une somme de 800 livres.
Dudit jour.
Décret qui supprimé la redèvance annuelle de 20,000 livres, levée Sur les juifs de Metï et du pays messin, sous la dénomination de droit d'habitation, protection et tolérance,
Dudit jour.
Décret qui autorise et valide le payement de 2,400 livres fait par la ville de Gimont aux particuliers qui ont logé les bas-officiers et soldats du régiment de Cambresis.
Du
Décret qui autorise lès notaires, huissiers et sergents à fâire les ventes des meubles* dans tous les lieux où elles étaient ei-devant faites par les jurés-priseûrs créés par l'édit de 1771.
, rapporteur du comité des finances, présente un projet de décret concernant le fôfo d'impôsitions de lâ présenté année, arrêté pa? la commission provisoire établie dànS la ci-devant province de LanguedOô.
Ce décret est adopté sans réclathàtion. il éêt ainsi conçu : . s
? L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, décrète que la Coififhisslon provisoire établie.dans la ci-devant provincé de Languedoc, par Particlé premier du décret du 2â mars, sanctionné par le roi le 26, est Cobtrë-vonue à l'ai-ticle 3 dudit décret, êh comprenait dans le rôle d'impositions de la présente ânuéë : 1° la somme de 35,333 livrés 6 sols 8 deniers, pour gages et appointements des syndics généraux, secrétaires, commis tlu greffe du roi, dèâ anciens Etats de ladite ci-devant province, de l'agent de ladite province à Paris, du secrêtâire du commandant èn chef, et du secrétaire de l'intendant de ladite ci-devant province ; 2° la somme de 19*300 livres que ladite province était dans l'Usage d'imposer en faveur du commandant en chef, de l'intendant et du premier secrétaire en chef de l'intendant.
« Décrète, en outre, que ladite commission a également contrevenu à l'article 4 dudit décret, en clôturant les comptes du sieur Puymaurin, l'un desdits syndics, du sieur Carrierre* et du sieur Desaussèie, secrétaires-greffiers desdits anciens Etats, et en leur allouant la somme de 16*012 livres 3 sols 11 deniers,
Et néanmoins, pour ne pas retarder le payement des impôts, l'Ansemblée nationale décrète que l'imposition faite desdites trois Sommes aura son exécution, et que le trésorier én demeurera chargé, pour lâ représenter au Cdfflinissàriât qui sera établi en conformité de l'article dernier dû décret sur les assemblées àdmitlistràtiVès, et poUr être employées en ihoins imposé, ou de telle autre manière qui sera réglée par le commissariat* L'Assemblée nationale fait défenses audit trésorier, et â tous autres, de payer lesdites Sommés, revenant ensemble à celle de 70,945 liv. 10 sôL 7 den., à ceux à qui la commission provisoire lès a attri-* buées, à peine d'en être personnellement responsables; enjoint aux commissions secondaires de
ladite ci-devant province, de se conformer aux articles 3 et 4 du décret du 23 mars, sauf aux parties intéressées dans l'ancienne administration à se pourvoir, pour la répétition des avances qu'elles prétendraient avoir faites, ou pour tout autre objet, devant le commissariat qui doit êlre nommé par les assemblées administratives des divers départements formés dans le Languedoc. »
Au mois de mai dernier vous avez rendu un décret qui â rapproché d'un semestre le payement des rentes sur l'hôtel-de-ville de Paris; l'Assemblée n'a pas voulu commettre une injustice envers les autres créanciers de l'Etat, les porteurs des actions de la compagnie des Indes...
(On demande le renvoi au comité des finances.)
On a déjà fait des représentations pour obtenir l'augmentation des sommes qui sont chaque mois destinées au payement des porteurs d'actions de la compagnie des Indes. Ces sommes n'étaient autrefois que de 25,000 livres ; à compter de ce mois, elles seront portées à 50 ou 60,000 livres.
(Le renvoi au comité des finances est ordonné.)
Il y a des municipalités qui sont chargées de pensions qui doivent être supprimées. La ville de Paris , par exemple , paye 6,000 livres à l'ancien trésorier, 15,000 livres à l'ancien procureur du roi et une troisième à une personne dont le nom m'échappe. Le comité des pensions m'a chargé de vous proposer un décret qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il ne sera payé, par les administrations municipales et autres, aucune pension ou gratification au delà de la somme de 600 livres, conformément au décret du 16 de ce mois, jusqu'à ce que, par l'Assemblée nationale, il en ait été autrement ordonné. Décrète également que lesdites administrations municipales et autres seront tenues d'envoyer, sans délai, au comité des pensions, l'état certifié des pensions et gratifications dont elles sont chargées ».
(Ce projet de décret est adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation judiciaire et sur la motion de M. Chabroud tendant à faire décréter que les juges des districts seront juges d'ap-pel les uns à l'égard des autres.
(1). Messieurs, je me présente pour combattre la motion qui tend à rendre tous les tribunaux de district juges d'appel les uns à l'égard des autres, et pour soutenir la proposition du comité, d'établir des tribunaux d'appel qui auraient pour ressort trois ou quatre départements.
Le comité (2) ayant annoncé l'intention de ré-
Si j'ai bien saisi les motifs de la motion que j'attaque et ceux des membres qui l'ont ou préparée ou appuyée, on pense que la supériorité d'un tribunal sur un autre est incompatible avec le maintien de l'égalité et de la liberté politiques ; je ne crains point de contredire cette assertion, ]e le fais même avec confiance, parce que je me fonde sur notre Constitution: en effet, j'y vois d'abord le Corps législatif supérieur de tous ies corps administratifs; 2' les assemblées de département qui ont directement autorité sur celles de district ; voici les termes de l'art. 3 du décret, qui détermine leur organisation : « les administrations de district ne participeront à ces fonc-« tions que sous l'autorité interposée des admi-« nistrations de département. »
3° Je vois les assemblées de district même qui sont supérieures des municipalités,suivant l'article 55 du décret, qui contient leur organisation et qui porte : « les corps municipaux seront entière-« ment subordonnés aux administrations de dé-« partement et de district pour tout ce qui con-« cerne les fonctions qu'ils auront à exercer par « délégation de l'administration. »
On ne peut, Messieurs, reconnaître, plus formellement que vous ne l'avez fait par ces décrets, la supériorité d'un corps sur un autre ; votre Constitution l'a consacrée, et lorsque vous n'y avez vu aucun danger à l'égard du Corps législatif et des corps administratifs, lorsque vous n'avez pas regardé qu'elle pût porter atteinte à l'égalité politique, comment pourriez-vous penser autrement -à l'égard des tribunaux? Les uns et les autres ne seront-iis pas composés des mêmes citoyens ? Les membres des tribunaux ne seront-ils pas élus par le peuple comme ceux des corps administratifs ; tous ne seront-ils pas également nommés pour un temps déterminé ? Ne vous propose-t-on pas même, à l'égard des juges des tribunaux supérieurs, une précaution faite pour vous rassurer? C'est de décréter « que la distinction des deux degrés de juridiction c n'établit aucune différence ni supériorité per-« sonnelle entre les juges, que tous sont égaux « en caractère, que les juges d'appel n'ont de « pouvoir que sur les jugements qui leur sont « déférés et n'en ont aucun sur les juges qui « les ont rendus. » (1)
N'est-il pas évident que, par là, il y aura une supériorité de corps et non d'individus,
supériorité qui a le précieux avantage qu'on n'a pu reconnaître d'exciter l'émulation en
engageant les membres des tribunaux de district à devenir digues de parvenir aux tribunaux
dont les fonctions seront plus difficiles et plus importantes ; l'auteur de la motion a
oublié vos précédents décrets, lorsqu'il a aperçu, dans cette émulation, l'inconvénient de
rendre les juges de
Si vous pouviez, Messieurs, voir du danger dans cette supériorité de tribunaux, si vous vous décidiez à la rejeter, revenez avec empressement sur vos décrets, "abjurez alors ce qui doit vous paraître une erreur ; détruisez ces cinq cent cinquante districts supérieurs de 48,000 municipalités ; anéantissez ces 83 départements supérieurs de 550 districts et des 48,000 municipalités ; mais ne vous arrêtez pas là, Messieurs, portez le courage à son dernier degré, et puisqu'il s'agit du salut de la patrie, ne craignez point d'être homicides, armez-vous de la foudre contre vous-mêmes, et disparaissez à votre propre voix, car enfin vous êtes un corps supérieur d'environ 50,000 autres corps.
Mais reconnaissez plutôt, Messieurs, que la supériorité des corps quels qu'ils soient, et par conséquent celle des tribunaux, est parfaitement compatible avec l'égalité politique, et pour le succès de la régénération de l'empire français que vous avez entreprise, consolidez votre existence, celle de vos successeurs et des corps qui doivent être leurs coopéràteurs après avoir été les vôtres.
Voyons si la liberté se trouve plus exposée par l'établissement des tribunaux supérieurs; on vous fait craindre que cette supériorité ne leur donne des forces pour attaquer avec succès la Constitution.
Je ne viens point, Messieurs, encenser votre ouvrage : c'est à la nation, rendue au calme et à la réflexion, à le juger; le roi n'a rien négligé pour seconder la volonté que vous avez eue de faire jouir le peuple français de la liberté ; ce n'est qu'en abusant qu'il peut la perdre ; élever une digue capable d'arrêter le torrent de la licence est peut-être une entreprise aussi digne de vous que le fondement de la liberté même.
Sur quoi peut donc être fondée cette craiute que l'on conçoit des tribunaux supérieurs dont les membres sont si peu nombreux et le ressort si circonscrit ? Je parle de ceux que le comité vous propose dans le titre 4 de son dernier projet.
Si jamais ces tribunaux pouvaient se livrer .à l'idée de projets sinistres, n auraient-ils pas pour les arrêter, et toutes ces municipalités dont ils seront entourés,, et toutes les assemblées de district et de département, et la haute cour nationale, et le Corps législatif qui doit être permanent, en ce sens qu'il tiendra annuellement une session et que ses membres seront toujours prêts à se réunir; n'aurout-ils pas enfin devant eux et l'opinion publique ét la liberté de la presse ?
Ah 1 Messieurs, si tous ces remparts dont vous avez entouré la liberté publique sont insuffisants, elle n'est plus qu'une chimère qui n'a été imaginée que pour faire le tourment des hommes. On se plaît, pour nous intimider, à comparer aux anciennes cours les tribunaux d'appel que le comité propose, et à nous faire appréhender qu'ils parviennent au même degré de pouvoir : comment peut-on présenter cette idée de bonne foi? Qui ignore que la véritable cause de la puissance des cours c'était la part qu'elles prenaient à la législation et à l'administration ? Mais: l'avaient-eUes usurpée ? Ne l'avaient-elles pas reçu plutôt de la nation même, des États généraux? Et lorsque, loin de l'accorder aux nouveaux tribunaux d'ap-
pel, la nation, par votre organe, prononce qu'ils y seront totalement étrangers; lorsqu'elle les environne d'autant de surveillants, cè serait une crainte bien chimérique que celle que pourraient faire concevoir ces corps à l'égard de la liberté et vous ne pourriez vous y livrer sans trahir les intérêts de la patrie, puisque l'effet de cette crainte serait d'organiser le pouvoir judiciaire d'une manière qui le rendrait incapable dè remplir son objet.
Je ne crois pas m'abuser ; je pense, comme je l'ai dit,-que si les tribunaux supérieurs pouvaient donner des inquiétudes, elles devraient être com-; munes aux corps administratifs; il me semble qu'alors il serait heureux de pouvoir leur présenter les tribunaux supérieurs comme un contre-poids.
Les deux principaux motifs qu'on vous présente pour faire rejeter les tribunaux dont je viens de parler et pour y substituer cet étrange appel de district, à district me paraissent donc sans réalité.
(Ici l'Assemblée est interrompue par un bruit de musique militaire, et par celui d'un commandement d'évolutions. Le bruit redouble; il s'y mêle' des acclamations etdes cris répétés de : Vive VAssemblée nationale!)
(On annonce que les députés des gardes nationales du département du Mont-Jura, prêts à partir de Paris, sont rassemblés sur la terrasse des Tuileries.)
Je demande qu'on envoie aux députés des gardes nationales du Mont-Jura une dé-putation de deux membres pour leur témoigner la sensibilité de l'Assemblée nationale aux bon-, neurs qu'ils lui rendent.
Ces députés demandent à paraître un moment devant l'Assemblée.
Un huissier est envoyé pour les prévenir. 11 rentre au bout d'un instant et anuonce qu'ils sont déjà partis.
Après quelques moments de délibération, l'Assemblée arrête qu'ils seront reçus/s'ils se présentent.
, continue son discours :
Qu'il me soit permis d'ailleurs, de vous rappeler à vous-mêmes, je veux dire à vos propres décrets; celui du premier mai porte : « il y aura deux degrés de juridiction en matière civile : » Or, si vous adoptiez les tribunaux de district, juges les uns à l'égard des autres, vous contrarieriez ce premier décret, car les plaideurs pourraient bien avoir deux jugements dans une même affaire, mais tous les deux devant des tribunaux de même nature, de même Composition, de même pouvoir; on passerait par deux épreuves de jugements, mais non par deux degrés de juridiction ; car, dans notre langue, le mot degré emporte avec lui l'idée d'élévation comparative ; il n'y a point de degré où tout est de niveau, il n'y: en a que quand il y a élévation ou supériorité d'un côté, et infériorité de l'autre; ainsi pour qu'il existe deux degrés de juridiction, il faut que l'on puisse appeler, non pas d'une juridiction à une autre seulement, mais d'Une juridiction inférieure à une supérieure; c'est donc une conséquence nécessaire du décret que j'ai cité qu'on établisse une classe de tribunaux supérieure aux autres. Et je crois avoir prouvé que leur existence est parfaitement compatible avec l'égalité et la liberté politiques. ;
Voyons si cet établissement n'est pas nécessaire
à la bonne administration de la justice» et si le mode que l'on veut y substituer, n'est pas destructif de cet avantage.
On a dit et même répété dans cette tribune que ce qui intéressait le plus un plaideur, ce n'était pas le gain ou la perte de son procès, mais bien de ne pas éprouver de délai, de déplacement et de dépense capables de détruire ou d'altérer sa fortune; je n'examinerai pas jusqu'à quel point cette assertion peut être vraie quand on l'applique aux affaires qui ne sont pas d'un grand intérêt absolu, mais je la nie si on l'applique à un procès qui compromet la vie, l'état, l'honneur et la fortune entière d'un citoyen.
Sans doute, celui qui aura plaidé, pour un de ces intérêts majeurs, aura gémi en attendant son jugement, et gémira encore après, sur les délais, les déplacements et la dépense que son procès Juiaura occasionnés, mais malgré toutes ses peines, il se trouvera encore heureux par le jugement qui lui aura assuré la. vie, qu'une injustice lui faisait perdre, l'honneur qu'elle lui aurait ôté aux yeux de ses concitoyens; son état, dont l'ignorance l'eût privé ; et le reste de la fortune que Je défaut de lumière ou l'inexpérience lui eussent ravi; celui, au contraire, qui, dans l'un de ces cas, aura reçu, dans ses propres foyers, up jugement aussi prompt que peu coûteux, mais injuste, sera à jamais inconsolable; je ne crois pas qu'il y ait personne de bonne foi qui ne reconnaisse que ma réflexion est juste.
Ainsi donc, lorsqu'il s'agit d'intérêts majeurs, tels que ceux que j'ai énoncés, l'objet essentiel pour les parties, c'est d'obtenir une justice parfaite; elles désirent que leur procès aient un jugement prompt, facile et peu coûteux ; mais, pardessus tout, elles veulent une justice parfaite : c'est donc aux moyens qui peuvent l'assurer que l'on doit s'attacher lorsque l'on s'occupe de déterminer l'étendue de compétence que l'on peut donner aux tribunaux.
Quand uu peuple, par l'effet de son extrême civilisation, a des rapports très compliqués ; lorsque ses conventions et ses transactions sont très variées ; quand son commerce et ses relations s'étendent avec tous les peuples de l'univers ; quand il est uni avee les habitants d'un autre hémisphère, sa législation ne peut être que très composée, et elle devient nécessairement une science que l'on ne peut acquérir que par une étude particulière, et avec le secours des lumières générales, sans lesquelles on est incapable de tout succès. Il faut donc que le juge chargé de l'application des lois en soit instruit ; il est nécessaire qu'il ait ch s lumières, l'amour de l'étude, et celui de son état, et, ce qui n'a pas besoin de preuve, il doit essentiellement être intègre.
Cependant cette réunion de qualités indispensables dans le magistrat civil, et qui doivent exister au plus haut degré possible dans ceux qui sont chaînés de prononcer en dernier ressort sur les matières les plus difficiles et le»plus importantes ; cette réunion de qualités n'est que l'apanage d'un jîetitDombre d'hommes; on ne peut donc chercher les juges d'unt* telle compétence que dans le cercle étroit qui renferme ces hommes capables.
Comment, d'après cela, se flatter d'en trouver assez pour former les cinq cent cinquante tribunaux de district qui doivent exister en France au terme de vos décrets? J'ignore de combien de sujets On voudrait composer chacun de ces tribunaux dans la supposition qu'ils seraient juges d'appel ] en dernier ressortdea matières les plus importai) tes : mon opinion personnelle est que lé nombre de '
six est très au-dessous de ce qui serait nécessaire* mais quand il serait suffisant, il faudrait trois mille cinq cents sujets doués de cette réunion de qualités éminentes, que je crois qui doivent paraître indispensables à tout homme raisonnable, et certainement la France n'a pas dans son sein une telle richesse : je pense même qu'elle en est fort éloignée; car enfin fart de juger est comme tous les autres: pour le bien exercer, il faut l'avoir pratiqué.
Qu'il me soit encore permis, Messieurs, de vous faire uno réflexion. Dans les corps nombreux, il n'est peut-être pas nécessaire que tous les membres aient la même étendue d'instruction: il peut suffire qu'il y existe un foyer capable de répandre la lumière; mais dans un corps composé de peu de personnes, si toutes ne sont pas parfaitement instruites, le plaideur sera victime de l'ignorance.
Ët quand, par impossible, on aurait un nombre suffisant de sujets éclairés pour composer ces tribunaux, trouverait-ou, dans chaque district, assez d'hommes profonds dans la science des lois pour aider de leurs lumières, et les juges et les parties ?Non, sans doute, et ils seront d'autant plus rares que les plus dignes seront entrés dans les tribunaux.
D'ailleurs, c'est auprès des cours et des grands sièges que se trouvent aujourd'hui la plupart des jurisconsultes consommés; les tribunaux de district sont presque tous, ou du moins le plus grand nombre, placés dans de petites villes, beaucoup même dans des bourgs ou villages ; croit-on que des avocats formés par l'expérience et qui seront d'un certain âge se déplaceront facilement, qu'ils quitteront leurs habitudes, leur famille ? Hon, sans doute.
J'ajoute que si l'on adoptait l'organisation que je combats, il n'y aurait plus ni juges, ni avocats profonds, parce que les affaires, d'une grande difficulté et d'une importance majeure, se trouvant répandues dans les 550 tribunaux de district les juges et les avocats n'auraient que très peu d'occasions d'en faire la matière de leur occupation, et cependant ce n'est que par l'habitude ae considérer de grands objets et ceMe d'en faire l'objet de ses études et de ses conceptions qu'on acquiert une grande capacité en quelque genre que ce soit. Il me paraît donc detoute évidence que, sous tous les rapports, la proposition qui vous est faite de rendre tous les tribunaux de district juges en dernier ressort des matières les plus importantes est inadmissible, qu'en l'adoptant on livrerait l'administration de la justice a des hommes incapables de la rendre, et que, par ce système, on exposerait la génération présente, au moins, à être victime d'une Constitution que vous désirez qui fasse le bonheur de toutes.
Lorsque je fais attention qu'il est à présumer que, par l'effet d'une prévention bien ou mal fondée contre tous ceux qui avaient un caractère public dans l'ancien régime, les nouveaux tribunaux seront composés, en général» d'hommes étrangers à la profession de juges: je l'avoue, Messieurs, Je projet contre lequel je réclame me saisit d'effroi; quel spectacle, en effet, que celui de tous les Français, dont la vie, l'état, 1 honneur et les propriétés dépendent journellement de la décision de questions tellement difficiles, qu'elles exigent tout à la fois et de grandes lumières et une longue habitude de juger, livrés à l'igBorance d'une multitude d'hommes qui n'auront même aucune expérience dans l'art de juger ; je vous conjure, Messieurs, au nom de la patrie, de vous pénétrer de l'idée d'un tel malheur 1 Si jene m'ar-
rête pas à la développer, c'est que, jugeant de l'Impression qu'elle est dans le cas de vous faire, par celle que j'en ressens moi-même, je crois qu'il suffit de vous la présenter.
Je crois donc que, pour procurer aux justiciables la perfection de la justice qu'il importe de leur aegurer, on doit rejeter la proposition qui vous est faite de rendre chaque tribunal de district juge en dernier ressort, de toute matière. Je pense qu'au contraire, l'on doit adopter les tribunaux d'appel, proposés par votrecomité, en leurdonnant, suivant son projet, un ressort de trois ou quatre départements.
Je vais prouver que ce plan assure au plaideur la facilité et la promptitude des jugements autant que l'économie.
Il ne faut pas, sans doute, que les tribunaux soient trop éloignés des justiciables, mais la proximité de ceux d'appel intéresse beaucoup moins le plaideur que celle des juges de première instanee; c'est devant ceux-ci que se fait l'instruction des affaires : c'est là que se forme le procès; souvent il est nécessaire que les parties donnent ell^s-mémes des renseignements sur les faits, ou des explications sur les pièces, même à l'égard des gens non lettrés ; on n'a pas souvent d'autre ressource que de les entendre pour connaître leurs affaires et pour mettre leur procès dans un état d'instruction convenable; quelquefois ils y suppléent, auprèsde ceux quisont chargés de le's défendre dans les tribunaux, par l'organe des praticiens ignorants, dont l'existence fait le malheur des campagnes où ils entretiennent l'amour de la chicane, dont ils savent profiler; pour délivrer nos campagnes de ces vampires qui les dévorent, il est essentiel que les juges de première instance soient à portée de tous tes plaideurs, afin que ceux-ci puissent recourir directement aux défenseurs et aux conseils qu'ils y trouveront et qui devront instruireleurs affaires ; il y aura même iine grande économie pour les parties, celle de n'avoir qu'un défenseur au lieu ae deux.
C'est encore devant ies premiers juges que s'exécutent les jugements interlocutoires, tels que les enquêtes, informations, interrogatoires sur les faits et articles, vérifications d'écriture, etc., et comme la présence des parties ou d'autres personnes du pays est nécessaire pour ces différents actes de justice, c'est un avantage précieux pour le plaideur que le tribunal Où ils ont lieu soit peu éloigné de lui.
iMais tous ces motifs de rapprocher des justiciables les juges de première instance disparaissent à l'égard de ceux des Causes d'appel: 1° totalement pour l'exécution des jugements interlocutoires, et même pour celle des jugements du fond, parce qu'on peut les renvoyer devant ies premiers juges ; 2° à l'égard de l'instruction, elle est faite en première ibstance, et s il y a quelque changement à porter en cause d'appel, on a peu besoin du secours de9 parties, puisque tons ceux qu'elles sont dans le cas de donner sont consignés par écrit dans les moyens exposés devant le premier luge, et alors un simple mémoire, rédigé par le premier défenseur, suffit; le plus ordinairement même l'instruction n'a pas besoin d'être changée, ni augmentée, en cause d'appel ; en général, c'ett par l'ignorance des praticiens que la première instruction se trouve défectueuse, ou insuffisante pour la cause d'appel ; plus souvent encore, peut-êiré c'est l'avidité des défenseurs en cause d'appel qui les décide à ajouter à ïa première instruction.
C'est donc avec fondement que j'ai avancé que la plupart des motifs, qui sollicitaient en faveur des justiciables la proximité des tribunaux de première instance, n'existait pas à l'égard de cux d'appel. Si un plaideur devant les juges de cette classe croit avoir un grand Intérêt à en être rapproché, c'est pour être plus à portée de solliciter ia justice; mais il faut^ Messieurs, que de sages règlements rendent inutiles ces sollicitations qui avilissent ceux qui les pratiquent, et dégradent le magistrat auquel elles s'adresseut; il faut, comme votre comité vous l'a proposé, que le juge soit obligé, par la loi, de prononcer sans retard sur une cause qui est en état d'être décidée; il faut enfin que des règles faciles à prescrire sur la procédure à tenir en cause d'appel et sur les délais à observer, évitent au plaideur la peine et 1a dépense d'un déplacement pour faire mettre son procès en état de recevoir règlement.
Ces lois devenant la sauvegarde des parties, à l'époque où les tribunaux auront au plus haut degré la confiance publique, puisqu'ils ne seront formés que par le choix du peuple, nous serons sans intérêt pour nous rapprocher des tribunaux d'appel, et nous nous apercevrons peu de la distance qui pourra être entre eux et nous ; elle sera d'ailleurs pt u considérable, dès que leur ressort n'excédera pa3 trois ou quatre départements comme le comité le propose. Dans cette distribution des tribunaux d'appel, les justiciables seront assurés d'une justice prompte, facile et peu dispendieuse; mais aussi elle permettra de trouver un nombre de juges éclairés suffisant pour assurer aux plaideurs la perfection de la justice.
Par toutes ces considérations, je conclus à ce que l'Assemblée nationale décrète ;
1° Que les tribunaux de district ne seront juges d'appel que des jugements rendus dans le teiTitoire dont ils seront juges de première instance ;
2' Que les appels des juges de district seront portés à des tribunaux spécialement établis pour les recevoir et juger en dernier ressort, lesquels comprendront trois ou quatre départements ;
3° Que l'on choisira, pour fixer le siège de ces tribunaux d'appel, les villes qui seront jugées les plus susceptibles de recevoir de tels établissements.
annonce que le maire de Paris demande à être entendu à la barre pour un objet pressant.
L'Assemblée décide de lui donner la parole tout de suite et l'invite à monter à la tribune en qualité de membre de l'Assemblée.
, maire de Paris. Messieurs, la municipalité de Paris, jalouse de rendre à Messieurs les fédérés tous les honneurs qui dépendent d'elle, m'a chargé d'ordonner les obsèques des deux fédérés qui ont péri dans la rivière, dimanche, 18 de ce moisi la municipalité de Pas$y a revendiqué le droit de rendre les derniers devoirs à ces d^put^s, dont les corps ont été trouvés sur son territoire : je suis yeô.u soumettre à rAssemblée Cette difficulté élevée entre les deux municipalités, Après avoir rempli mission dont j'éiai-i chargé, je déclare qiio, pour lever cette difficulté, je ne doute pas que le corps municipal de Paris ne se porte ftVeç empressement à Passjf, pour assister aux obsèques ordonnées par la municipalité du lieu, rendre ies honneurs à nos frères d'armes» et donner en même temps un exempte de la fraterdité qui doit régner entre toutes les municipalités. »:
G'est dans les lieux où les eorps ont élé trouvés que les députés sont censés être morts; c'est là, en suivant tous les principes, que l'inhumation doit se faire.
M. le maire de Paris a pénétré nos sentiments d'amour et de fraternité pour nos frères d'armes, et la proposition qu'il fait d'envoyer une députation aux obsèques ae ceux que nous avons eu le malheur de perdre, ne trouvera point ici de contradicteurs.
Les corps trouvés à Passy doivent être transportés à Paris. C'est ici que les deux confédérés ont péri, puisqu'ils assistaient à Une fête donnée par la ville de Paris ; ils avaient un domicile de mission à l'hôtel-de-ville de Paris. Dans la règle générale, la famille est autorisée à réclamer les corps en payant un droit au curé; ceux des deux confédérés appartiennent à la ville de Paris ; elle les réclame, ils doivent lui être remis.
La ville de Paris est jalouse de rendre les derniers honneurs à ses frères d'armes; je suis chargé d'ordonner leurs obsèques, mais je ne doute pas que la municipalité de Paris ne se rende avee empressement à Passy, et qu'elle ne s'estime heureuse de donner ce premier exemple de fraternité.
Je demande que les corps soient transportés à Paris. Ces deux confédérés sont les seuls enfants du maire d'Aurillac, homme respectable, qui mourra peut-être de douleur ; tout notre département est plongé dans le deuil; il faut que les obsèques se fasseDt à Paris, afin que la députation entière du département du Cantal puisse s'y rendre.
Comme les honneurs qu'on rendra à nos deux frères d'armes seront les mêmes à Passy qu'à Paris, je demande la priorité pour ma motion.
(Cette priorité est accordée.)
L'Assemblée décrète, avec un assentiment général, qu'une députation de douze membres se fendra à Passy pour assister aux obsèques des deux confédérés.
Il est convenu que tous les députés du département du Cantal s'y rendront également.
On reprend la discussion sur l'ordre judiciaire.
L'appel d'un tribu -nal de district au tribunal d'un district voisin rencontrera de puissants adversaires : 1° les habitants des grandes villes, qui regardent comme une espèce de propriété faisant partie de la suprématie dont se glorifient leurs cités, la fixation dans leur sein aé tous les grands établissements ; li ceux qui, sans intérêt particulier^ tiennent encore fortement à toutes les idées d'hiérarchie ; 3e ceux qui ne peuvent conce-1 voir la possibilité des lumières de l'instructioù, qu'ont certaines castes favorisées; 4" enfin, ceux qui, sans bien démêler les sentiments qui les dirigent, sans avoir même de prétentions bien directes aux places importantes attachées aux grands tribunaux, envisagent cependant la possibilité de disposer ou d'obtenir ces places comme un avantage qu'ils veulent conserver. Au milieu de tant d'obstacles, que reste-t-il à faire? One seule chose : bien démontrer l'utilité générale
du projet qui vous est soumis, et pour cela commençons par nous former une juste idée d'un jugement et du but de l'appel. Un jugement est l'application de la loià un fait constaté; cette opération étant la seule que l'on puisse permettre au juge, le juge, le plus près du lieu où s'est passé le fait, est donc celui qui, par sa position, est te plus en état de le bien constater. Or, rien ne peut nous faire présumer que le juge, le plus à portée de constater le fait, soit le moins en état d'y appliquer la loi. Les premiers jugements rendus chez tous les peuples du monde l'ont certainement été par les voisins et les proches. Nous, devons donc regarder comme démontré qu'à égalité d'impartialité, les juges de district choisis par le peuple sont plus à même de bien juger que des juges plus éloignés, également choisis par. le peuple, et que les juges de district sont dans la véritable position pour porter de bons jugements. Maintenant quel est le but de l'appel ? C'est la faculté ac-cordéeà un plaideur de faire examiner de nouveau son procès par des juges aux lumières desquels il accorde plus de confiance. Pensez-vous que cette faculté d'appeler sera remplie d'une manière plus avantageuse à la confiauce, lorsqu'au lieu ae laisser aux plaideurs, dans une certaine latitude, la satisfaction de choisir leurs seconds juges, vous les obligerez à être rejugés forcément par un tribunal exclusif? Après avoir banni les privilèges, ne les conserveriez-vous que dans l'ordre judiciaire, et pensez-vous qu'il soit moins essentiel au bonheur public de laisser au plaideur, déjà si malheureux, la précieuse liberté du choix dans les cas d'appel, que ne l'eût été l'abolition de tant d'entraves dont la France vous doit la suppression ? L'on peut appliquer ici l'exemple de ces marchands exclusifs d'une denrée nécessaire, qui, sous le prétexte de vous la procurer plus saine, vous forçaient à la prendre bonne ou mauvaise, et souvent mêlée de tout ce qui pouvait en enchérir l'achat, sans en augmenter le prix apparent et réel. Maintenant le citoyen est libre de choisir son magasin et sa marchandise, et vous avez décrété que rien ne pouvait compenser l'avantage de cette liberté, à laquelle vous avez sacrifié une partie importante des revenus publics. Portez dans l'ordre judiciaire la même liberté, et deux biens en résulteront nécessairement: le premier, c'est qu'au lieu de ces avenues longues, obscures, ruineuses, qu'il fallait nécessairement traverser avant d'arriver à son juge, et que les riches seuls pouvaient franchir; au lieu de cet abord dur, insolent, surtout vis-à-vis du pauvre, qu'offraient si souvent les procureurs, avocats et juges, aux malheureux condamnés à les solliciter, vous leur verrez succéder, dans tous les tribunaux, des gens de loi obligés de se concilier et de mériter la confiance de leurs clients, et qui deviendront nécessairement plus scrupuleux, plus exacts, moins ruineux.
lie second bien, C'est qu'occupés à bien remplir leurs fonctions, puisque leurs intérêts tiennent à leur réputation, ils dirigeront toutes leurs facultés vers ce grand but, et seront moins susceptibles de cet esprit d'ambition et de domination, qui porte toujours les hommes à opprimer ceux qu'ils n'ontpas intérêt de ménager; 11 est essentiel, je pense, de montrer aussi à ceux qui tiennent encore aux avantages prétendus des hiérarchies, et dont la confiance ne peut se fixer sur les officiers publics, décorés d'un titre et d'un appareil plus imposant, que, dans les jugements et les appels, le juge de district et le juge d'une cour supérieure ne devant jamais que constater un fait
et y appliquer la loi, le juge supérieur s'en occupe souvent avec infiniment moins de sollicitude, parce que, plus environné d'objets de distractions, et comptant presque toujours usurper sur le travail des sous-ordres, il partage sa pensée entre ce qu'il aperçoit par lui-même et ce que lui fait apercevoir celui qui, pour ainsi dire, prépare son opinion. C'est un malheur inséparable de tous les ordres émanés du pouvoir exécutif ; ces ordres sont rarement le résultat essentiel de la pensée de celui qui est censé les donner; mais l'unité d'action nécessaire à la marche toujours active de ce pouvoir ne permet pas de remède à cet abus. Il n'en est pas de même pour les juges: si cet abus existait dans les anciens grands tribunaux, où le secrétaire dictait si souvent au juge son opinion ; si nous devons craindre de le voir se rétablir dans les cours supérieures proposées par le comité, il est possible de le prévenir en supprimant ces grands corps, qui ne sont point essentiels à la constitution judiciaire. Le juge attaché à des fonctions publiques est provoqué par les citoyens, il n'a pas besoin d'autre moteur, aucune unité d'action n est nécessaire ; chaque opération d'un juge est isolée de l'opération du juge d'un autre tribunal; ainsi, nulle nécessité à gémir sur un abus que la nature même des choses ne rend pas indispensable à l'ordre judiciaire, comme dans le pouvoir exécutif. Eh I si vous craignez pour un juge de district continuellement sous les yeux de ses voisins, qui connaissent jusqu'à son intérieur, qui peuvent à chaque instant, et pendant toute sa vie, lui reprocher une négligence ou la faiblesse d'avoir cédé à l'intrigue ; si vous craignez, dis-je, que ce frein si puissant de l'opinion de ceux avec qui nous sommes forcés de vivre ne puisse le contenir, que ne devez-vous pas craindre d'un juge d'une cour supérieure éloignée, qui voit disparaître du lieu qu'il habite, aussitôt après le jugement, les victimes de son insouciance ou de son crime ; et qui est assuré d'une espèce d'impunité, parcè qu'il ne craint plus la présence et les réclamations journalières du malheureux qui est forcé de reporter dans ses foyers son inutile désespoir l
Je pense donc que, sous* quelque point de vue que l'on considère les choses, un bon jugé de district, tout entier à votre affaire, en l'examinant lui-même, est bien préférable à un juge de cour supérieure, distrait par la multiplicité des devoirs et accessoires de sa place, et s'en reposant souvent sur des sous-ordres. Ainsi, je vois dans l'appel au district voisin l'avantage de l'appel très bien rempli. Je vois surtout disparaître, par cette forme de procéder, les cours supérieures, dont la prépondérance, toujours croissante, quelles que soient les entraves dont vous les entourerez, doit, sans cesse, alarmer les amis de la liberté. Ces cours supérieures, fortes de l'état de servitude où les tribunaux de district ne manqueront pas de tomber sous leur régime, finiront par êtrei dans l'Etat et au milieu d'une Constitution qui a voulu séparer tous les pouvoirs, des corps intermédiaires participant à tous ces pouvoirs, commandant à l'opinion, et sous l'égide du respect que les peuples leur porteront bientôt exclusivement, feront de continuels efforts pour étendre leurs prérogatives. De très humbles pétitions seront d'abord mises en avant, bientôt ils seront consultés; peut-être même un jour tolè-rera-t-on une espèce d'initiative en écoutant leurs représentations, en délibérant même sur leurs propositions. De là, il n'est qu'un pas vers l'asservissement ; car dès que ces corps auront obtenu
une prépondérance suffisante, tous les abus de l'ancien régi me reparaîtront peu à peu. Tremblez donc de perdre un jour une liberté si difficile à recouvrer, et que vos précaptions, poussées jusqu'au scrupule, avertissent vos descèndants de celles qu'ils doivent prendre eux-mêmes. N'admettez aucun établissement qui ne présente pas une nécessité absolue; car tout rouage, dont on n'aperçoit pas une nécessité absolue, est une pièce hors a'œuvre qui complique la machine et hâte sa ruine. Les cours supérieures sont dans ce cas : elles peuvent être suppléées par le mode d'appel au district voisin; donc elles sont inutiles, et conséquemment nuisibles. Le mode d'appel au district voisin ne vous présente rien d'alarmant ; 540 tribunaux, tous égaux en considération, en fonction, continuellement contenus, stimulés les uns par les autres, roulant d'un mouvement égal, uniforme, présentent une belle simplicité d'action et de réaction digne de la plus belle Conetitution. Cette simplicité doit réunir tous lès suffrages, lorsqu'aux avantages déjà présentés elle en offre de plus précieux encore, celui des justiciables également traités, quant à l'éloignement de leurs juges; celui de la grande égalité dans l'instruction des juges,bien préférable à l'ineptie des premiers juges, si rarement réparée par la prétendue science des grands tribunaux ; celui d'assurer à tous les juges nommés par le peuple une égalité de respect et de considération, qui fera germer dans leurs âmes toutes les vertus ; celui de propager, de maintenir, de district à district, cet esprit de concorde et de fraternité si essentiel au bien général de toutes les parties de l'Empire; celui enfin d'augmenter la population, en la répartissant plus également ; avantage toujours suivi d'une augmentation très active dans l'industrie, dans cette industrie si précieuse, qui vivifie les empires, lorsqu'elle est appelée et disséminée également sur toutes les parties, tandis qu'elle les conduit à leur ruine, dès que, seulement accaparée dans certains points, elle y prend le caractère corrupteur du luxe.
(l). Messieurs, c'est sans doute une conception grande et magnifique que celle de faire participer tout l'Empire français à la puissance réformatrice que le régime précédent avait concentrée à quelques points de sa surface. Cette idée était bien faite pour frapper, d'un mouvement subit, les défenseurs de l'égalité civile : cependant pour nous décider en pon-naissance de cause, et pour édifier tant de millions d'hommes que cette question intéresse, portons le flambeau de l'analyse dans l'intérieur des deux systèmes entre lesquels vous allez choisir.
Si vous adoptez les tribunaux de département, vous exposez les parties à faire de longs et dispendieux voyages pour soutenir des procès quelquefois peu importants. Gomme, par exemple, celui qui, pour un procès de 1,200 livres, sera obligé de faire un voyage de 40 ou 50 lieues, et de hasarder ainsi une partie de son capital pour avoir la chance, au moins douteuse, de rattraper le reste.
Combien de personnes d'ailleurs ne peuvent pas faire de pareils voyages à cause de leur peu
de fortune, ae leur sexe, de leur âge, de leurs infirmités, et ceux-là ont souvent le malheur
de
Un second, qui n'est pas moindre, c'est que les villes où seraient situés ces tribunanx, attireraient sans cesse l'argent des pays circonvoi-sins, sans jamais le rendre. Elles attireraient plus impérieusement encore tous les citoyens qui se destineraient principalement à l'étude des lois; et les petites villes, déjà diminuées par le nombre de ceux qui se fixeront dans les chefs-lieux de département, pour y suivre de plus près le mouvement de l'administration, deviendraient bientôt désertes; ce qui doit paraître un grand mal aux yeux des législateurs, car ces villes sont des centres de mouvement qui animent la circulation et vivifient tout ce qui les environne.
Un troisième inconvénient des tribunaux de département» c'est que les juges institués pour juger en dernier ressort finiraient par prendre une supériorité réelle, et sur les juges de dis^ trict, et sur les citoyens de leur arrondissement.
Inutilement auriez-vous décrété que tous les juges sont égaux, les juges d'appel se diraient bientôt à eux-mêmes : que sont les juges de district auprès de nous ? Des êtres subalternes dont le mérite dépend de notre avis; que seraient leurs décisions sans notre assentiment? Ces colloques intérieurs paraîtraient bientôt dans leur manière de se conduire, et l'inégalité de fait succéderait sans retour à l'égalité de droit.
Et d'ailleurs ici la mémoire vient à l'aide du raisonnement. Tout le monde sait que la tyrannie des Parlements avait bien moins pris naissance dans la part qu'ils avaient à l'administration, que dans leur puissance judiciaire ; et tous ceux qui ont fréquenté les villes où habitaient ces magistrats, savent que leurs regards semblaient dire au citoyen : incline-toi profondément, ou crains que je ne sois ton jugel
Examinez, Messieurs, le projet du comité ; voyez si les tribunaux de département ne sont pas les Parlements travestis ; soyez bien certains que la même attribution de pouvoir entraînerait les mêmes abus, et craignons de conserver la chose, après avoir proscrit le mot.
Je n'irai pas chercher dans notre histoire comment de simples clercs, appelés pour faciliter le jugement des procès, lorsque la renaissance du droit romain les eut rendus plus difficiles, s'investirent peu à peu d'une si grande puissance.
Je n'examinerai pas comment ce qui est arrivé une fois arriverait encore. Je ne dirai pas par quelles intrigues les riches accapareraient bien-tôt toutes ces places, eomment leur accès deviendrait difficile pour le pauvre. Je ne vous entretiendrai pas de la possibilité de voir, dans un temps de crise, ces vingt grands corps se réunir contre la liberté publique, mais pour vous peindre d'un trait combien la tyrannie judiciaire est odieuse, je me contenterai de vous rappeler qu'au mois de novembre 1789, quand vous frappâtes ces Parlements d'une paralysie, présage d'une destruction certaine, pas une voix ne s'éleva en leur faveur, pas une main ne s'avança pour retarder la ebute des idoles que la crainte avait tant de fois fait encenser. A cet exposé rapide des principaux inconvé-
nients des tribunaux de département, faisons succéder celui de quelques-uns des avantages du système contraire.
Le premier et le plus désirable, d'après les principes que vous avez adoptés, est l'égalité dans les tribunaux, égalité sans laquelle il n'est point d'honneur pour le juge de district, point de liberté pour le citoyen.
Le second est la commodité des justiciables, ils y trouvent la facilité de faire juger leurs contestations sans quitter leurs foyers, celle d'éclairer leurs gens d'affaires sans se ruiner en voyages; et si la manie de plaider fait venir des campagnes quelque argent dans les villes de district, il sera bientôt ramené, dans la main des agriculteurs, par l'achat des denrées de première nécessité que ceux-ci fournissent à leur tour. C'est ainsi que le cours de la justice, au lieu d'être un torrent rapide qui rongeait ses bords, deviendra un fleuve tranquille qui déposera également son limon sur toute la surface du royaume.
En instituant les tribunaux de district tour à tour juges de première instance et d'appel, vous leur donnerez une consistance sans laquelle beaucoup d'entre eux ne pourraient pas avoir une occupation suffisante.
En effet, il arriverait que beaucoup de plaideurs riches, préférant, par des raisons secrètes, de plaider aux tribunaux de département, ne daigneraient pas même se défendre au tribunal de district dans toutes les affaires sujettes à l'appel, ce qui, joint à la diminution nécessaire des procès, ôterait et aux juges, et aux gens de loi, les occasions de s'instruire.
Mais si les mêmes tribunaux deviennent, en même temps, souverains pour les affaires qui y seront portées par appel, dès lors les questions y seront mieux discutées, plus attentivement approfondies; les lumières augmenteront avec rapidité et seront bientôt au niveau des affaires les plus difficiles, Si, toutefois, dans le nouvel ordre de choses, il s'en rencontre encore quelques-unes de ce genre.
Enfin, à mon avis, le bienfait le plus précieux que la société recevrait? de la circulation des tribunaux d'appel, serait l'émulation de probité qui s'établirait entre eux.
Car si, comme il est probable, vous donnez une certaine latitude au choix des parties pour le tribunal d'appel, nul doute qu'elles ne relèvent leur appel dans les tribunaux où elles trouveront des juges plus intègres, des gens de loi plus éclairés, des officiers ministériels plus exacts.
De là, une émulation louable entre les districts pour donner les places de juges aux plus habiles -, émulation entre les gens de loi pour devenir plus dignes d'une confiance absolument libre ; émulation entre les officiers ministériels pour parvenir, à moins de frais, à faire juger les procès qui leur seraient confiés. Tout tribunal où les plaideurs seraient ou mal jugés, ou mal servis, serait fui comme un lieu dangereux. C'est ainsi, Messieurs, qu'il vous serait réservé de faire cesser enfin les plaintes qu'on a quelquefois justement fait contre la justice, puisque c'est par leur intérêt même que vous inviteriez ses suppôts à devenir honnêtes gens.
On n'a fait, contre ce système, qu'une seule objection plausible : c'est dé dire que, dans les tribunaux de département, la seconde épreuve devient jugement souverain, parce qu'il est probable qu'il émane d'une source de plus grandes lumières; au lieu qu'entre deux tribunaux également organisés,
il n'y a aucune raison pour que la seconde épreuve mérite plus de confiance que la première. I
Cette objection mérite un sérieux examen, et je vais essayer d'y répondre.
D'abord, il faut remarquer que la faculté de l'appel contient deux avantages qui l'ont fait adopter. Le premier est celui pour la partie de tenter une seconde chance, où elle a l'espoir de voir les mêmes moyens faire une ipeilleure fortpne ; le second est de lui donner un délai, soit pqqr recouvrer les pièces ;qu'elle pourrait avoir pèrdues, spit pour faire déduire les moyens qui auraient pu avoir été oubliés en première instance. Quod non deduxi de-ducam, et déjà les tribunaux de district, devenus respectivement tribunaux d'appel, réunissent cet avantage principal par les délais qui s'écouleront entre les deux jugements.
Il est encore bien facile de leur donner Iesecond, et l'Assemblée nationale a, pour ce]a, une grande quantité de moyens.
Par exemple, si vous mettes cinq juges dans chaque district, trois pourront juger la première instance, et les cinq se réunir pour juger l'appel d'un autre tribunal de district.
Ne craignons, pas pour cela, queles deux autres juges soient déspccupés, parce que, dans les intervalles, ils se dévoueront etâ l'instruction des procès civils, et au jugement des procès criminels.
Vous pourriez encore demander, dans les jugements d'appel, l'assistance d'un certain nombre de suppléaints, ou d'hommes de lois, qui, entourant nécessairement le tribunal, saisiront avec empressement cette occasion de mériter la confiance publique. Enfin, Messieurs, ilvous est facile de trouver un grand nombre de moyens peu dispendieux pour donner à la seconde épreuve la confiance d'opinion que doit nécessairement avoir pn jugement souverain.
Et remarquez, je vous prie, que les bases que votre comité a adoptées pour les tribunaux de département vous faciliteront infiniment cette opération.
Car, suivant ce projet, les tribunaux seront de huit juges, séparés en deux chambres, et le nombre de quatre juges serait suffisant pour rendre un jugement d'appel au souverain- Cette combinaison demande un examen particulier.
La décision d'un tribunal composé de trois juges est l'opinion certaine de dèux personnes, au moins, et l'opinion présumée de trois.
La décision d'un tribunal composé de quatre juges est l'opinion certaine de trois personnes, au moins, et l'opinion présumée de quatre au plus.
Ainsi, d'après l'avis du comité, le tribunal d'appel n'a, sur letribunal de première instance, qu'une seule voix de plus pour décider la réformation.
Mais, si vous adoptez, pour les tribunaux de district, cinq juges, dont trois seulement jugeront en première instance, et tous les cinq en appel, non seulement vous aurez pour la réCormation la certitude de trois opinions uniformes, mais encore la probabilité des deux autres. Ainsi, sous ce rapport, le tribunal de district, jugeant en appel au nombre de cinq juges, mérite encore plus de confiance que celui de département organisé de quatre juges seulement; puisque trois opinions certaines et une probable méritent moins de confiance quet rois opinions certaines et deux probables; cette réponse me paraît d'une évidence mathématique.
On vous a dit encore qu'on ne trouvait pas, dans les tribunaux de district, les lumières suffisantes pour la décision des grandes causés.
Sur quoi je remarque que cette objection tient
plus à la mémoire du passé qu'à la préyoyance de i'avcnir.
Car, d'où partaient cès procès Inextricables qui embarrassaient si souvent lés gens de M1? ils partaient des matières bénéficiâtes que vous avez réduites à une simplicité apostolique,
Ils partaient des droits féodaux qqe vous avez proscrits, des dîmes qui sont rentrées aux ipains des agriculteurs, du retrait lignager qui yient de disparaître, des substitutions qui n'échapperont certainement pas à votre sollicitude. TQûtes ces sources de divisions sont tarips ; èt on peut pén? ser que les procès, désormais réduits à quelques questions de succession et de propriété, seront si simples, qu'il ne faudra, avec l'habitude, qu'une médiocre intensjté de lumières ét de travail pour les défendre et les juger. , .
D'ailleurs, les gens instruits ne sont pas bornés à la ville qu'ils habitent : la confiance yient les chercher d'un bout du royaume à l'autre, et ceux qui la méritent ne seront jamais éloignés tant que la poste pourra leqr porter des mémoires et rapporter leur réponse.
Et si on consulte l'expérience ; qu'ont produit jusqu'ici les prétendues sources de lumières judiciaires répandues dans les grandes villes? Rien que des maux.
On y est venu plaider à grands frais, on a essuyé des longueurs dé toute espèce ; on a quitté ses affaires; on a obtenu un jugement; et le plus souyent Iqs deux parties, ruinées sans ressource, ont été obligées de venir gémir sur leurs foyers d'avoir été chercher si loin là justice» pour ne trouver que des regrets.
Je ne crqis pas me tromper en disant que le nombre des arrêts extorqués par la faveur, égale au moins celui des sentences injustes.
Soyons de bonne foi, Messieurs, dans cette importante question, et pénétrons-nous bien que la proposition d'adopter les tribunaux de département n'est autre chose que l'intérêt d'une vingtaine de villes qui se croient faites pour les obtenir, contre l'intérêt du royaume entipr; le reste d'une vieille erreur qui supposait que les justiciables étaient pour les tribunaux, et npu pas les tribunaux pour les justiciables. Enfin, la demande de quelques centaines d'officiers ministériels accoutumés à pâturer dans une grande sphère, et qui voient avec impatience élever des barrières contre leur cupidité.
Mais, M, à ces fantômes polprés, on oppose des avantages immenses qui résultent du système contraire, si vous voulez réfléchir, Messieurs, que vous n'avez que Ce moyen pour ramener parmi les juges cette égalité de droit et de fait, qui éloigne toute idée de tyrannie, pour conserver aux campagnes un numéraire qui irait s'enfouir au loin dans les grandes villes, pour faire qu'un procès ne soit qu'un petit mal, pour transformer chaque tribunal et ses alentours, en autant d'assemblées qui ne rivaliseront que par les lumières et ia probité, de répondre, en un mot, au vœu de tous les districts, c'est-à-dire de tout lé royaume, vous aurez bientôt repoussé toute vaine considération d'intérêt et d'amour-propre, et vous décréterez avec empressement la motion de M. Chabroud à laquelle je me réfère.
(Une partie de l'Assemblée applaudit à ce discours, que des applaudissements ont déjà souvent interrompu.)
C'est avec une juste défiance que je me présente pour combattre un projet qui, si l'on en croit son auteur et ses défenseurs, va ré-
pandre l'abondance et la prospérité sur le royaume. Mais dans le plus beau diamant il est permis d'apercevoir quelques taches, et sans être grand lapidaire, j'en vois beaucoup dans celui de M. Cbabroud. En écartant, pour un moment, le talent du metteur en œuvre, examinons le brillant nu. Adopter le plan de M. Chabroud, c'est anéantir l'appel : en décrétant qu'il y aura lieu à l'appel, vous avez voulu faire juger de nouveau l'affaire par un juge réputé plus instruit, et sans intérêt à confirmer la sentence. L'appel est un ap ui donné au plaideur contre l'erreur ou l'injustice du premier juge. Votre objet serait absolument manqué. Il se ferait une alliance tacite entre les tribunaux de district, pour confirmer respectivement leurs jugements. L'une des parties désirerait tel ou tel tribunal, l'autre partie consentirait à ce que l'affaire fût portée au tribunal désigné, ou Bien le sort en déciderait, tel est le projet. Examinons ce tribunal d'appel. Il serait juge en première instance, présidial pour l'appel des jugements de juges de paix, et tribunal supérieur pour l'appel des sentences des tribunaux de district : ainsi, il réunirait tous les pouvoirs judiciaires. Ainsi, vous auriez établi le despotisme judiciaire. (Il s'élève des murmures.) Supposons trois districts, dont l'un s'appelle Paul, l'autre Pierre et l'autre Jean. Pierre est reformé par Paul, Paul par Jean et Jean par Pierre.
Si le jugement de Paul est infirmé, il se trouve humilié d'être réformé par son égal. Qu'arrive-ra-t-il? Pierre, Paul et Jean conviendront de confirmer respectivement leurs jugements; ainsi, Je circulaire sera le mot, et la réciprocité la chose. (On murmure.) Ainsi, tous les juges étant élevés à la qualité de juges d'appel, tous les jugements seraient confirmés :1a liberté civile et la liberté individuelle seraient compromises. Quand on renvoyait d'un parlement à un autre parlement, l'arrêt était toujours maintenu. Chacun de ces corps voyait son honneur intéressé au jugement rendu par l'un d'eux, et ici les tribunaux de district auraient bientôt un esprit de corps. L'appel serait un second jugement où toutes les chances se trouveraient contre la bonne foi. On appellerait du tribunal de la ville principale, au tribunal de district d'un village, c'est-à-dire d'un juge plus instruit à un juge moins instruit. A quelles mains aban-donneriez-vous, en dernier ressort, l'honneur et la fortune des citoyens? Vous les livreriez à l'inexpérience et souvent à quelque chose de pis. Quels juges trouverez-vous dans un arrondissement restreint, où l'on aura déjà pris des administrateurs de district et de département, des officiers municipaux, des juges de paix? Les gens capables changeront-ils un état certain pour un état précaire? Quelle diversité de jurisprudence n'allez-vous pas introduire! 11 y aura des réputations de tribunaux comme il y a des réputations d'individus : on saura que tel tribunal juge telle question de telle manière. Les enquêtes n'avaient-elles pas une jurisprudence opposée à celle de la grand'chambre? Vos districts seront-ils composés d'hommes ou d'auges?... L'appelant voudra saisir le tribunal qui jugera dans son sens; l'intimé sera obligé de le suivre, et de là une multitude de demandes en cassation. L'application de la loi à tous les cas ne peut pas toujours être absolument directe, car tous les cas ne seront pas prévus par la loi. Les citoyens doivent se confier aux lois, les lois aux juges : c'est donc à des juges intègres qu'il faut livrer les jugements en dernier ressort. Je ne me permettrai pas de dire que c'est ici la cause des petites villes contre les grandes ; c'est I
aussi la cause des juges contre Je peuple qui serait à leur merci. Comptez-vous pour rien la crainte que le tribunal de district ne cède à un homme puissant, dont l'influence sera plus con • sidérable dans une petite ville que dans une grande, tandis que cette influence serait moindre dans un tribunal sup rieur dont la masse serait plus étendue? Cette crainte me touche, et si j'ai tort, l'histoire n'est qu'une longue calomnie contre le genre humain... L'inégalité entre les juges est inévitable; vous l'avez décrété : vous le décréterez encore. Le législateur présente au plaideur le juge d'appel comme plus digne de confiance; sans cela pourquoi l'appel serait-il établi ? Le législateur doit donner au juge d'appel une place plus distinguée, sans cela il va contre ses vues, il contredit celles de la morale et de la raison. Le principe de l'égalité n'est pas là; il faut des échelons et des degrés. Si le juge de district dépend de son confrère, et son confrère de lui, ils seront bientôt une coalition ; se réformant eux-mêmes, ils seront indifférents sur leur manière de juger, et le résultat d'une telle indifférence sera que vous n'aurez ni juges, ni défenseurs. Il ne suffit pas d'alJer contre les choses établies, il faut faire mieux. Vous avez décrété qu'on serait jugé par le juge qu'on aurait élu; cependant le plaideur en première instance ne saura pas quel sera son juge d'appel. Un citoyen ne se déterminera à intenter une action, que parce qu'il dit : « Si je suis mal jugé en première instance j'aurai la ressource d'un tribunal d'appel composé de magistrats intègres et éclairés, qui, ne connaissant pas Je s parties, ne connaîtront que la justice et la vérité. » Il dira, dans le plan qu'on vous propose : « Mon adversaire est un homme puissant, il me conduira dans celui des districts dans lequel il aura le plus de liaison, de rapport et d'influence. » Si l'Assemblée nationale adopte un tel avis, la raison publique aura toujours quatre mille ans contre son décret. Il est temps de rétablir la puissance morale dont la justice a besoin. Peut-on craindre que les tribunaux proposés par le comité n'attentent à la liberté? Ils seront en petit nombre; ces juges seront, pour ainsi dire, dispersés dans la Constitution; vous avez tracé des limites qu'ils ne pourront jamais franchir. Je ne sais quelle idée de perfection préside à tous ces beaux projets; comme si les établissements de l'homme étaient susceptibles de perfection I Ce n'est que par le temps qu'on peut éviter les inconvénients que le temps seul peut faire découvrir; c'est à la longue que les idées mûrissent, que les institutions s'épurent. La nature prodigue les siècles pour former un diamant. Prenez-y garde, si vous manquez l'ordre judiciaire, vous n'aurez fait que le buste de la liberté.
Je me propose de démontrer qu'une saine politique et l'intérêt des justiciables doivent faire adopter le plan de M. Chabroud. Je répondrai ensuite à quelques objections. — Appuyés, pour ainsi dire, sur le berceau de la Constitution naissante, la politique nous conseille d'écarter tout ce qui pourrait s'opposer à son achèvement et à sa perfection ; d'éloigner ces grands corps qui étaient tout dans la nation, et pour lesquels la nation n'était rien. En adoptant le projet de tribunal d'appel, proposé par le comité, vous renouvelleriez ces corps; ils auraient un ressort étendu, une compétence immense ; ils seraient placés dans les grandes cités; ils se livreraient bientôt à l'ambition dangereuse de partager le pouvoir législatif, et se coaliseraient pour
y réussir : ainsi vous-mêmes vous auriez préparé une pierre d'attente qui ébranlerait les fondements de la liberté publique. Les juges doivent être égaux aux yeux du peuple comme à ceux de la loi. Ils le seront quand ils se surveilleront les uns les autres; quand leur ressort sera restreint à une très petite étendue; ils ne pourront ni dominer, ni surprendre l'opinion publique, ils ne pourront jamais se réunir pour former de dangereuses entreprises. Ainsi donc une sage politique exige que les juges soient juges d'appel'les uns des autres. — J invoque aussi l'intérêt des justiciables. Le comité lui-même a dit que le temple de la justice devait être placé à la porte des justiciables; y serait-Il, s'il fallait faire 40 ou 50 lieues pour aller chercher un juge d'appel, et des jugements dont l'expédition serait nécessairement très lente, pour aller s'exposer aux rapines des solliciteurs, des gens d'affaires et de la vermine praticienne? — On a objecté que les tribunaux d'appel conviendraient entre eux de confirmer toujours leurs jugements respectifs; C'est supposer que les juges ne seront pas désignés par l'opinion publique ; celui que le peuple choisira n'écoutera que le cri de la loi et de sa conscience, que les inspirations de la vérité. Ou craint la diversité de jurisprudence : de l'institution proposée résultera tout le contraire. On écartera cette habitude de l'esclavage et de l'erreur; on ne dira plus, tel tribunal a jugé ainsi, donc il faut juger ainsi; un tel a dit cela, donc il faut le dire; rien n'était plus incertain, pour le juge, que ce fatras de citations. On a présenté aussi comme une objection, qu'il fallait attacher au tribunal la solennité d'un lieu plus important : est-ce l'appareil qui fait la bonne ou la mauvaise justice? Saint-Louis jugeait sous un chêne, à Vincennes, et ses jugements étaient dictés par la divinité. On réclame encore l'intérêt des grandes cités; c'est l'intérêt du peuple qu'il faut écouter, c'est pour cet intérêt que je sollicite l'adoption du plan de M. Chabroud.
(On demande à aller aux voix.)
C'est une grande nouveauté qu'on vous propose : elle doit avoir en bien ou en mal de grandes conséquences ; il faut l'examiner avec soin. Elle me paraît avoir des inconvénients très graves et point d'avantages réels. On dit que les tribunaux supérieurs tiennent à l'ancien régime, et on ne veut pas de tribunaux supérieurs. Permettez-moi de combattre cette puérilité par une trivialité : on mangeait du pain et on portait des souliers dans l'ancien régime.
(ci-devant d'Eprémesnil). Et dans le nouveau régime on n'a plus ni pain, ni souliers.
Notre ordre judiciaire a totalement changé. Les juges ne seront plus législateurs; ils ne seront plus choisis dans uue caste particulière; le temps de leurs fonctions ne sera que de six années. Vous les avez placés au-dessous de tous les corps administratifs; vous en avez fait des pygmées. Que pouvez-vous craindre,de leurs efforts?La liberté de la presse, le tribunal de cassation, les législatures permanentes, la crainte qu'auront les juges de perdre leur état, sont des moyens propres à vous rassurer... Pourquoi subordonner un village, qui formera un district, à un village plus considérable, qui sera le chef-lieu d'un canton? Si les juges manquent à leur devoir, il faudra recourir à un tribunal unique de cassation, qui lui-même ne pourrait exister si les juges devaient
être égaux. Si vous vouliez qu'ils le fussent, l'opinion publique casserait vos décrets; il y aura toujours une grande différence entre les juges de Paris et ceux du Bourg-la-Reine ; entre ceux de Versailles et ceux de Gonesse; entre ceux de Rennes et ceux de Vanne*. Vous ne persuaderez jamais qu'on obtiendra un meilleur jugement, en allant du centre des lumières dans le séjour de l'inexpérience. La grande majorité de la dèputation de l'ancienne province de Bretagne adopte le plan du comité : elle en a sinné le vœu.
(Plusieurs membres de cette dèputation s'élèvent contre cette assertion.)
Le vœu de la dèputation n'est pas contraire a la raison; il est donc conforme au plan de M. Chabroud.
MM. Huot et de Kérangal ne peuvent me démentir, car je n'ai pas dit qu'ils eussent signé. On craintles grandes villes; mais n'ayez donc que des chaumières isolées. On dit que les grandes villes vivroutaux dépens des campagnes; mais ne vivons-nous pas tous aux dépens les uns des autres, je n'excepte pas même les membres de cette auguste Assemblée? C'est cette dépendance qui fait le véritable lien de la société. Rien ne prouve mieux la faiblesse d'un plan, que le besoin de l'appuyer sur de semblables moyens : c'est quelque chose de loin, et de près ce n'est rien. Maisi'ai un inconvénient majeur à vous soumettre. L'numanité ne vous est point étrangère; c'est votre humanité que j'invoque. Est-il nécessaire à la félicité publique de sacrifier les villes où étaient établis les tribunaux en dernier ressort? Je sollicite votre justice pour ces villes désolées..... Il n'y a nulle raison pour adopter le plan de M. Chabroud; il n'y en a aucune pour rejeter celui du comité. Je demande donc que ce dernier soit décrété.
(On demande à aller aux voix.)
(Il s'élève quelque discussion sur l'ordre de la parole.)
(On demande que la discussion soit fermée.)
Il est juste d'entendre un membre du comité de Constitution.
Le comité n'a pas encore formé d'opinion, mais M. Le Chapelier a fait un travail qu'il est prêt à vous présenter.
(Après une légère discussion sur l'ordre de la parole, l'Assemblée décide que la liste sera suivie.)
(M. Garat l'aîné obtient la parole et la cède à M. Le Chapelier.)
La proposition qui vous est faite mérite la plus grande attention, parce que, d'une part, elle influerait sur l'ordre judiciaire, et que, de l'autre, l'ordre judiciaire influe sur les mœurs de tous les hommes. Les réflexions que j'ai fanés m'ont convaincu que ce système est le plus fuueste de ceux que le désir de dire des choses nouvelles a pu produire. Vous avez décrété l'appel sans aucune contradiction; quel à été votre Dut? Est-ce de faire juger deux fois le même procès? Non, l'appel deviendrait dangereux ; il multiplierait les chances contre le bon droit. C'est d'obtenir un jugement plus sain d'un tribunal plus nombreux, et qui, par sa situation, se trouvât envi-ronnéd'un plus grand nombre d'hommes instruits, des lumières desquels les juges pussent profiter; si ce n'est pas là votre motif, il faut anéantir l'appel. Daignez remarquer que ce sont deux opéra-
rations différentes, ou de faire porter l'appel des jugements d'un tribunal d'une petite ville, dans le le tribunal supérieur d'une grande ville, ou de faire juger deux fois une affaire par un tribunal égal. Ici vous avez l'avantage d'apprécier le danger d'uo double jugement ; vous avez une large base pour la bonne foi : là, vous n'avez aucune base, vous trouvez des inconvénients sans avantages. Dans l'origine des sociétés, quand une contestation s'élevait, les voisins étaient consultés; s'ils n'accordaient pas les contestants, on disait : 11 existe tel homme renommé par sa sagesse, et c'est à lui qu'on s'en rapportait. Voilà l'origine dçs jugements et des appels, Ayoir démontré que la proposition de faire juger là sentence d'un tribunal de district par un autre, et l'appel, ce sont deux choses différentes : C'est avoir prouvé qu'il est impossible d'adopter cette proposition, puisque vous avez décrété que l'appel aurait lieu. J'ajoute une observation. Il est naturel d'appeler d'un juge moins éclairé à un juge qui l'est davantage, et non d'un juge qui l'est davantage à celui qijj l'est moins, C'est daps les grandes villes que se trouvent les grande talents; c'est au milieu des grandes affaires\que se forment les grands juges ét les grands jurisconsultes, Renoncez à eh avoir, si vous yous restreignez dans l'étendue d'un seul district; renonce^ à exciter l'émulation. Il n'y a dans les petites villes que de petits intérêts ; les petites choses tiennent toujours lés hommes à leur hauteur; dans les grandes ville?, au Contraire, il y a plus de rapports, plus de conventions, plus de grands intérêts, ainsi plus de procès et de grandes discussions. Si vous répondez qu'il importe peu d'avoir de grands juges et de grands jurisconsultes, je,n'ai rien à opposer à une telle réponse.
Cependant le législateur doit chercher à les faire naître, il doit reconnaître leur influence sur l'opinion et sur les moeurs. Vous n'aurez donc que des tribunaux qui feront la ponte de la.Gonstitu-tion, et si l'on vient à dire : L'ancien ordre valait mieu$, la Constitution est souillée, elle est affaiblie, et lés peuples sont mâlbèureux ; jugezdufutur par l'expérience du passé, Qn citait avec étonne-ment unè petite ville qui renfermait un grand juge. On craint les grands établissements qui tendent toujours à s'agrandir; les parlements n'étaient pas dangereux non parce qu'ils étaient juges, mais parce qu'ils étaient administrateurs et législateurs. Que les tribunaux ne jugent que dés procès, et ce danger ne se renouvellera jamais, .JNe craigne? pas qu'ils s'agrandissent gous la surveillance des assemblées administratives et du corps législatif. Autrefois c'était pour lés cours un më-rjte que de s'opposer aux entreprises des ministres, que de se mêler de l'administratiop, et souvent elles l'ont f^it avec succès pour l'intérêt public {.aujourd'hui ce serait un crime que de s'opposer à l'exécution des lois du Corps législatif. Il est une.seconde objection; elle est déjà réfutée par ce peu de mots, ce ne sont pas de petits établissements qu'il faut à un grand peuple; je me fais des juges d'appel une idée bipn différente de celle que plusieurs préopipants en ont voulu donner : je pense qu'il est nécessaire que ces juges soient très éclairés, qu'on leur accorde un traitement avantageux, quils soient payés avec munificence, afin que la science et l'intégrité soient dans un tel honneur, que tous les citoyens s'empressent à l'envi à mériter un jour de partager j .bette gloire* Si l'on adopte l'appel d'un tribunal de district à un autre, tous ces avantages sont per-1 dus. On dit que la machine sera compliquée, que
les tribunaux seront trop éloignés des justiciables. Mais Cette complication n'existera pas pour quelques tribunaux de plus; mais s'il faut rapprocher la justice des justiciables en première instance, jl faut présenter pour l'appel moins de facilités que (d'obstacles. Si vous placez, pour ainsi dire, un tribunal d'appel à la porte du plaideur, il j recourra; éloignez-le, il balancera, et sans doute cette incertitude est salutaire, puisque ipême ep gagnant il serait obligé de faire des sacrifices.
Tous ces inconvénients se trouvent dans ja proposition de M. Chabroud, Sj ma pensée était suivie, on diminuerait le nombre des tribunaux d'appel au lieu de l'augmenter, Le comité prp-pose de composer ces tribunaux de huit juges, divisés en deux chambres. Le nombre quatre présente la meilleure chance puisque l'arrêt passe la majorjté de trois çontre un ; c'est un bien réel que d être jugé aux trois quarts des voix, tandis qu'en première instanee, on ne le sera qu'aux deux tiers. Un des avantages des tribunaux d'appel éloignés des parties, c'est la difficulté des sollicitations : autrefois elles étaient un besoin, à présent elles seraient un délit. Vous devez désirer que les parties soient ignorées des juges. Compte-t-on pour, rien l'inconvénient de faire juger la sentence d'un juge par le juge du district voisin ? On dit que les parties choisiront, ou bien que, si plusieurs tribunaux sont proposés par elles, le sort en décidera. Qui est-ce qui choisira ? EJst-ce l'appelant ? L'intimé a en sa laveur la présomption de la Chose jugée; si l'appelant indique quatre tribunaux, l'intimé peut concevoir des craintes sur les motifs qui ont déterminé ce choix, et cette défiance est un défaut énorme. Si le sort doit décider, la même défiance, qui alarmâit. une des parties, raccompagnera toujours; elle regardera l'appel comme uh nouveau fléau. Je vais plus loini : je dis que cette loi est inexécutable; le noinbre*des districts est inégal. Il faudra donc une loi particulière pour chaque département^ce système est d'ailleurs contraire à vos décrets; voiis avez décidé que les parties éliraient leurs juges : c'est une base constitutionnelle. Or, je vous demande si l'intimé ou l'appelant, traduits dans un district voisin, auraient choisi leurs juges? Je conclus, et je demandé la question préalable sur la motion de M, Chabroud, ou que,, s'i on l'adopte, les appels soient supprimés. Personne plus que moi ne tient à |a stabilité >de yos décrets, personne ne sent mieux que moi l'inconvénient de détruire l'appel; mais, 1° il ne serait pas très dangereux de revenir sur un décret qui n'a été rendu que ,pdnr ordre de travail, et qui n'est pas aecepté ; 2° il vaudrait mieux ne pas avoir d'appel que d'avoir des tribunaux circulaires.
(M, Gaultier de Biauzat a la parole; il la cède à M. Qhabroud.)
Je récapitulerai mes moyens, ceux qui m'ont été Opposés, ét je répondrai aux objections qui m'ont été faites. En proposant qe rendre les tribunaux de district propres à fournir les deux degrés âé, juridiction, j'ai fait remarquer la simplicité de ce .moyen, ét combien les moyens simples méritaient la préférence ; on n'a pas présenté sur cela d'objections importantes : g'ai dit. qqe ces tribunaux supérieurs seraient dangereux, en ce qu'ils menaceraient la liberté publique et individuelle, et qu'au contraire les tribunaux de district, dans leur obscurité,seraient Utiles, sans.être redoutables, Je ne vois pas d'objections à cet égard. J'ai fait sentir la nécessité de
l'égalité parmi les juges : cette égalité a été attaquée; cependant le comité l'avait consacrée par un article particulier. 0:i a dit que les lumières étaient plus rassemblées dans les grandes villes et autour des grands tribunaux. Mais à côté de cette proposition on veut faire juger les intérêts des pauvres par des tribunaux inférieurs; l'Assemblée nationale, qui a décrété tous les citoyens égaux en droits, ne petit consentir à une distribution de. la justice, établie de manière qu'il y ait une balance moins sûre pour le pauvre, et une balance plus sûre pour le riche. Vous n'avez pas manqué de vous pénétrer des craintes que j'avais conçues sur les rivalités qui auraient eu lieu entre lés villes et les départements, au sujet des tribunaux supérieurs; ces craintes sont restées sans réplique. J'ai parlé d'économie; on s'est borné à des dénégations simples. Je présenterai à cet égard un plan détaillé, à la fin de mon opinion. Jè passe aux moyens qui m'ont été opposés : le pre mier est le décret par lequel vous avez ordonné qu'il y aurait deux degrés de juridiction ; ce décret ne dit pas qu'il y aura des tribunaux d'appel. On ajoute que le mot degré emporte des idées de comparaison, d'où résultent des juges supérieurs et inférieurs. Je dis que l'Assemblée a seulement eu en vue les premiers et les seconds jugements, et non les personnes qui jugeront. Je n'ai donc pas contrevenu à ce décret et aux principes de l'Assemblée.
On a dit que mon projet était anticonstitutionnel, qu'il anéantissait i'appel, et que l'appel entraînait l'idée de cour supérieure et de cour inférieure : je n'ai pas besoin de répéter ma démonstration : Uappel a pour objet unique de faire juger de nouveau, et non de recourir à une puissance supérieure que la Constitution n'admet nullement. On a dit cependant que vous avez des juges de paix qui sont inférieurs aux juges de district; je regarde les juges de paix comme n'étant pas placés dans l'ordre judiciaire : les juges de paix ont été établis en avant de l'ordre judiciaire, et afin d'empêcher que, pour de petits intérêts, les habitants du royaume ne fussent obligés d'entrer dans les formes; et, en effet, les juges de paix ne jugent point de procès. L'ordre judiciaire ne commence que lorsqu'il y a procès; donc les juges de paix ne sont pas dans l'ordre judiciaire. On a dit qu'il n'y avait pas de raison pour entretenir la voie de l'appel, s'il n'y à pas de recours d'un tribunal moins éclairé à un tribunal plus éclairé. J'exige des lumières dans tous les juges, et en cela je me conforme davantage à vos décrets et à vos intentions. Le juge qui examinera de nouveau l'affaire aura deux avantages :
1° Le nouvel examen des jurisconsultes; 2° les motifs du jugement du premier juge, parce que sans doute vous obligerez celui-ci à les joindre à sa sentence. Il est donc vrai qu'on aura tous les avantages de l'appel; qu'on en aura de plus intéressants encore, qui résulteront, non des personnes, mais de l'état des choses. Il est donc vrai que je n'ai pas blessé les décrets constitutionnels. Un opinant a dit que les tribunaux de district seraient à la fois juges de première instance, juges présidiaux pour les jugements des juges de paix, et juges supérieurs; qu'ils ramasseraient toutes les branches ae l'ordre judiciaire, et qu'ils présenteraient un véritable despotisme. Cette objection est bien faible à l'égard du jugement en première instance. Il n'y a pas de danger à l'égard de l'appel des jugements des juges de paix, qui est une espèce de préjsidialité. S'il y a quelque in-
convénient, il est bien racheté par la considération de l'intérêt du pauvre. Quant à ce que les tribunaux de district seront juges supérieurs, et à l'égard du despotisme qu'on parait redouter, je réponds que celte crainte est nulle dans mon système, puisque, comme tribunaux supérieurs, ils n'auront aucun territoire; puisque, ne sachant pas s'ils seront chargés de juger les causes de tels ou tels citoyens, ils ne pourront prendre aucun ascendant, ils ne pourront avoir aucune influence politique. On a dit qu'il était naturel d'établir, pour réformer les jugements, un plus grand nombre de juges ; mais cette nécessité est plus dans nos habitudes que dans la réalité. M. Thouret a d'ailleurs appuyé ma proposition. Voici le détail des dangers d'un grand nombre de juges : plus ils sont nombreux, plus les rivalités se multiplient, et jamais elles ne sont à l'avantage du plaideur; ce sont elles qui ont donné lieu à ce qu'on appelle au palais le rapporteur et le compartiteur. 11 arrive que deux hommes conduisent tout dans un tribunal, qu'ils préparent tous les résultais, et qu'avec 20 juges, on n'en a réellement que deux. La sollicitation a plus de prise, quand il y a plus de juges; chacun a ses entours, et ce sont autant de moyens pour faire valoir l'intrigue. Avec un grand nombre de juges, il faut moins compter sur l'expédition des affaires :-quand ils sont peu nombreux, ils s'entendent mieux pour marcher ensemble; quand ils sont eu grand nombre, ils comptent les uns sur les autres ; l'un est prêt, l'autre ne l'est pas. Ces observations ne sont ici que des faits. J'atteste l'expérience de plusieurs membres de cette Assemblée. Je dis encore qu'avec un grand nombre, on est plus exposé à l'erreur. On ne peut pas réduire les questions à la négative ou à l'aflirma-tive; il faut prendre les milieux, et les milieux ne sont pas la justice; de là viennent ces prononcés de hors de cour, qui jugent qu'on n'a pas su juger. Enfin j'observe que, dans le projet du comité, on propose de faire rendre le jugement d'appel par quatre juges. Vous voyez qu'il est facile de l'aire ployer mon plan à cette disposition : le comité a voulu qu'il y eût qualre juges pour réformer le jugement qui aurait été rendu par trois. J'aurais de même quatre juges pour réformer le jugement de trois.
Je crois donc avoir encore répondu à ce moyen; je suis obligé de revenir sur l'observation qui a été faite, qu'auprès des grands tribunaux, il y avait plu3 de lumières. Je confesse que cela était vrai dans l'ancien état des choses ; c'est là que ces talents trouvaient de la gloire et du profit : ceux qui se sentaient des talents s'y rendaient de toutes parts; les hommes à qui la nature avait donné des talents ne pouvaient rester subordonnés ; désormais ils se répartiront dans les lieux où ils pourront les exercer; ils resteront dans les villes peu considérables, puisqu'ils y trouveront de la gloire et des avantages pécuniaires. Remarquez qu'une moindre fortune y est nécessaire. Dans le sein de leur famille, au milieu de leurs concitoyens, ils se respecteront davantage ; les mœurs y gagneront, et c'est surtout à cela que je tends. J'ajoute une considération dont j'espère que la vérité frappera toute l'Assemblée, Il y a dans les grandes villes de grands jurisconsultes : je demande par qui ils sont consultés; par qui l'avocat éloquent est employé ? par les gens riches, qui peuvent les payer : ils n'existent pas pour le pauvre. L'avocat recherché, le jurisconsulte qui a acquis de la célébrité, est inabordable; le pauvre est abandonné au peuple dq
palais. Je ne yeux pas accuser cette classe d'hommes que je suis accoutumé à estimer; mais je peins les hommes comme ils sont. Je sais que le pauvre n'est pas repoussé par l'avocat célèbre ; mais les moments de ces messieurs sont si bien comptés, qu'il est rare que le pauvre puisse aller jusqu'à l'homme humain, qui l'écouterait. On vous a dit que, dans les petites villes, la prévention est extrêmement facile, que l'opinion y est moins éclairée. Je répondrai sèchement que la prévention est là où l'enthousiasme peut naître, et qu'il ne peut naître que là où il y a de la foule.
On vous a dit que tous ces tribunaux, qui s'occuperaient des appels, seraient une source abondante de cassation. Je ne sais sur quel calcul cette objection est établie. Il me semble qu'il y aura toujours le même nombre de jugements infirmés ou confirmés : ainsi le nombre des tribunaux ne multiplie pas celui des cassations. On vous a dit que les citoyens seraient jugés par des juges qu'ils n'auraient pas choisis. Je vous prie de vous rappeler qu'il n'est pas dit dans vos décrets que les juges seraient choisis par le peuple du district, mais par le peuple. Je crois que l'électeur qui nommera dans un département, nommera au nom du peuple français; et votre principe consiste à avoir des juges nommés par le peuple. Il est si vrai que cette observation est juste, que vous décréterez que les juges seront les juges du domicile du défendeur, en matière personnelle, et, en matière réelle, ceux' du lieu ae l'immeuble, qui fera l'objet de la contestation ; et je m'attache à ceci. Il arrivera souvent, en matière réelle, que le demandeur et le défendeur n'auront pas leur domicile dans le lieu de l'immeuble, et assurément ils n'auront pas influé sur l'élection des juges. Il me reste de cette considération que les juges, élus par district ou par département, seront les juges de la masse du peuple, et que le décret sera exécuté. Dans mon système, le peuple choisira plus réellement ses juges, puisque c'est d'après ces motifs particuliers de confiance qu'on s'adressera à tel ^tribunal. Je crois que, par ces considérations, je mets de côté le reproche de m'être écarté de la Constitution. Il me reste à m'occuper des moyens d'économie. Dans le plan du comité, il y aura J ,494 juges de district, 498 officiers du ministère public; pour 21 cours supérieures, 168 juges et 21 officiers du ministère public.
Je suppose que le traitement'de chaque officier du tribunal de district sera de 2,000 livres, cela fait deux millions 988 mille livres et 996 mille livres pour le ministère public; restent les cours supérieures. Le préopinant a dit qu'il fallait payer ces juges avec munificence; qu'ils auraient un territoire étendu ; qu'un homme ne se déplacerait pas, s'il ne trouvait de véritables avantages : le comité proposerait, sans doute, de leur donner trois fois plus qu'aux juges inférieurs ; je ne fais que doubler, ce qui me donne pour les juges des cours supérieures 672,000 livres, pour les officiers du ministère public 84,000 livres; le total des premières dépenses du plan du comité est de 4,740,000 livres. J'aurai plusieurs objets à y ajouter dans mon plan ; j'ai un juge de plus par tribunal de district; ce qui me fait 2,480 juges à deux mille livres, et une dépense de 4,960,000 livres : elle excède celle du comité de 200,000 livres. Si mon plan est plus avantageux, cé n'est pas une telle somme qui doit arrêter l'Assemblée nationale de France; mais j'observe qu'il faudra, pour les 21 cours supérieures, des bâtiments d'un certain luxe, et que cette dépense sera très con-
sidérable; ensuite l'entretien de ces bâtiments, et l'on sait que l'entretien des bâtiments publics est énorme. Je pourrais ajouter encore les frais communs qui se font dans tous les tribunaux. J'observerai aussi que votre comité ne propose que huit juges par cour supérieure : j'assure que, si une fois vous décrétez ces établissements, il sera aisé de vous prouver qu'elles ne doivent pas être de huit, mais de deux et de trente officiers; voilà quels sont mes calculs; l'excédent de 200,000 livres me semble compensé. Mon projet n'est donc pas plus cher que celui du comité.
(Une très grande partie de l'Assemblée applaudit.)
(On demande à aller aux voix.)
M. Chabroud ayant donné de grands développements à son plan, il est naturel que le comité jouisse du même avantage.
Une partie de l'Assemblée propose de continuer la discussion à demain.
On délibère sur cette proposition. — Une première épreuve est douteuse, une seconde est pour la négative.
La discussion est fermée à une grande majorité.
La priorité est accordée à la proposition de M. Chabroud.
(On demande à proposer des amendements.)
Je demande la permission d'observer qu'il s'agit uniquement d'arrêter le principe, qui n'est pas susceptible d'amendements ; ils ne peuvent porter que sur ies détails qui seront réservés.
Le principe est mis aux voix, et décrété en ces termes? à une très grande majorité1:
« L'Assemblée nationale décrète que les juges de district seront juges d'appel les uns à l'égard des autres, suivant les rapports qui seront déterminés ci-après. »
annonce que les douze membres qui, avec la dèputation du Gantai, assisteront aux obsèques des deux fédérés noyés dans la Seine, sont :
MM. Anthoine.
de Talaruc,
évêque de Goutances,
Melon,
député de la Corréze.
l'abbé Bourdon.
Gérard.
Papin,
curé de Mari y.
de Broglie.
Etienne Chevalier.
Stanislas de Clermont-Tonnerre.
Chambors.
de Bonnal, évêque de Clermont. Laurendeau.
La séance est levée à 4 heures.
A LA SÉANCE DE L'ESSEMBLÉE NATIONALE
du
opinion de M. Charrier de la Roche , député de Lyon, sur cette question (1) : Y aura-t-il des juges d'appel, autres que ceux des tribunaux de district (2) ?
Le projet de transformer les tribunaux de district en tribunaux d'appel, réciproquement les uns envers les autres, m'a paru plus ingénieux que solide, et plus économique sans doute que susceptible d'exécution. Il présente surtout un inconvénient capital qu'on ne peut éviter qu'en établissant des tribunaux d'appel permanents, hiérarchiques, et qui en soient toujours distingués.
En effet, si le tribunal A, par exemple, devient par l'appel le reviseur du tribunal R, et que le tribunal R, réciproquement envers le tribunal A, jouisse du même avantage, voilà deux tribunaux intéressés à se ménager mutuellement, s'ils s'entendent, ou à casser leurs jugements, s'ils sont mécontents l'un de l'autre; et comme les tribunaux sont établis pour les justiciables, comme les corps administratifs pour les administrés, quelle funeste position pour des plaideurs, également exposés par le danger de la connivence ou de la rivalité des deux tribunaux, exerçant alternativement l'un sur l'autre une autorité suprême, une juridiction sans appel.
C'est le même inconvénient qui fit rejeter, avec un cri d'indignation générale, l'élablissement des deux degrés de juridiction concentrés dans les grands bailliages, sous le dernier ministère. Le même principe produira les mêmes effets, et une semblable organisation fera craindre les mêmes abus; ce sera, en un mot, le plan despotique de MM. de Lamoignon et de Rrienne, en deux volumes au lieu d'un.
On redoute l'esprit de corps et l'aristocratie des grandes corporations envers ceux qui leur sont subordonnés; mais ce danger, souvent réel et funeste pour la liberté, ne peut plus subsister avec les lois que vous avez consacrées; et, comme il faut prudemment le proscrire, le prévenir même là où il est, là où il peut être avec quelque vraisemblance, il ne faut pas indiscrètement, et sans motif, le voir où il n'est pas, où il ne peut plus être, et se former des chimères pour le combattre.
Vous avez créé des corps administratifs et subordonnés; vous êtes obligés d'admettre des
évêques et des curés, des officiers et des soldats; des juges de paix et de district; en un
mot, une hiérarchie perpétuelle et sagement combinée dans la distribution de tous les
pouvoirs civils, politiques et religieux; en assignant à chacun ses limites, ses droits et
son autorité, vous les contiendrez dans leur sphère, et chaque législature, en les
surveillant, leur ôtera, sans doute, toute
On oppose à ce plan l'économie si nécessaire dans les circonstances, car les autres objections ont été d'ailleurs suffisamment résolues. Je la juge nécessaire, tout comme vous; mais la parcimonie ne doit pas être confondue avec elle ; il n'y a jamais rien de trop dans les dépenses qu'exige le bien de l'Etat, quand elles sont mesurées sur Je besoin ; vous pouvez ensuite économiser sur le nombre des tribunaux supérieurs, dont la multiplication sera toujours plus favorable au plaideur avide qu'au plaideur honnête; sur le nombre des juges dans chaque tribunal, dont la diminution des procès, et surtout la rareté des appels rendra la réduction plus facile; enfin sur les honoraires et le traitement de ces juges, si l'on a soin d'exhorter les électeurs de n'appeler à ces fonctions augustes, par un choix bien circonspect, que ceux dont la fortune et la réputation leur donnent lieu de présumer qu'ils ne sacrifieront jamais leur délicatesse et leur conscience, aux droits immuables de la justice.
opinion de M. Pison Du Galland
(1) sur la proposition de rendre les tribunaux appelables les uns des autres (2).
II nc suffit pas de rendre la justice facile et expdditive, il faut la rendre respectable,
pure et 6cI air 6e.
Il faut que la justice soit pure; une justice vénale et corrompue, facile a le devenir, ou soupçonnée de l'être, accessible à toutes les petites passions sociales, serait le fléau des citoyens, et ne mériterait pas le nom de justice.
Il faut enfin que la justice soit éclairée ; que la clarté et la sagacité de ses décrets instruisent et fixent l'opinion publique,etque la fixité des jugements, en terminant un différend, en empêche d'autres de renaître.
Il me semble que les tribunaux de district, appelables des uns aux autres, ne seraient point propres à remplir constamment ces conditions essentielles.
Les magistrats, qui composeront ces tribunaux, seront nécessairement peu nombreux; des juges, peu nombreux, né peuvent en imposer, ni par leur réunion des lumières, ni par la maturité présumée des discussions. Sans force réeile.sans ascendant par eux-mêmes, ne se prêtant aucun appui mutuel, ils seront nécessairement exposés, non seulement à toutes les erreurs de la Censure, mais à tous les caprices et à toutes les atteintes de l'opinion locale, et circonscrite dans leur enceinte : de là, le défaut de courage et d'énergie; de là, dans les occasions délicates et difficiles, leur asservissement presque inévitable à l'opinion qu'il plaira à des partis puissants ou au-dacieux de leur dicter; et, si une fois la faiblesse est le partage des juges, est-il un terme Où le désordre et l'anarchie doivent s'arrêter ?
Le très petit nombre de juges a un fécond inconvénient, lorsqu'il s'agit de prononcer en dernier ressort. L'opinion individuelle de chacun d'eux étant plus à découvert, ils en sont plus immédiatement exposés à la haine et à la vengeance des parties qui succombent. La liberté d'opinion qui a fait rejeter le projet de la rendre publique devient illusoire. En faut-il davantage pour altérer l'impartialité de la justice et pour exposer le faible à devenir souvent la Victime d'un adversaire puissant et accrédité?
La pureté de la justice n'est pas moins exposée que son énergie dans les tribunaux trop rétrécis ; il est de toute évidence qu'un petit nombre de juges est plus facile à corrompre qu'un plus grand, et que le sort d'une affaire tenant à des moyens plus faciles, ces moyens en seront tentés avec d'autant plus d'activité.
Il faut considérer, d'ailleurs, que les tribunaux de district étant extrêmement rapprochés, les parties ne seront point assez étrangères d'un district à l'autre, pour n'avoir pas, pat elles-mêmes ou par les leurs, des relations d'intérêt ou d'amitié avec leurs juges; relations extérieurement insuffisantes pour fonder des récusations légales, mais toujours trop puissantes pour influer dans les déterminations de la justice. Combien de fois n'a-t-on pas été témoin de la chance, des jugements, dans les plus grands tribunaux, lorsque les parties connues ou accréditées y faisaient valoir leurs intérêts? Que ne sera-ce pas lorsque ces influences de société viendront à se reproduire presque tous les jours et dans toutes les causes?
Ne nous abusons pas ! Trop souvent, dans les opinions, on à confondu un état social invétéré, où l'opulence et l'inégalité des fortune? ont dé-;
veloppé toutes les passions réellps ou factices, avec ces pays neufs où l'égalité naturelle est, pour ainsi dire, à côté de l'égalité politique. Dans ceux-ci, les objets de commerce et d'émulation sont peu nombreux, les transactions peu compliquées; les différends y sont simples comme les mœurs; la justice n'y est qu'une sorte d'arbitrage, un dénouement fraternel d'une obscurité ou d'une incertitude : dans les sociétés vieillies, l'intérêt se multiplie sous mille formes différentes; il y est aiguisé par des jouissances artificielles; il s'y-complique avec la vanité ; l'astuce y est exercée à masquer l'injustice; des citoyens y font tratic d'éloquence et d'habileté ; le magistrat, qui semblerait n'avoir besoin que de droiture, yji journellement besoin d'autant de caractère que de sagacité.
J'ajoute que les tribunaux d'une certaine importance seront plus éclairés. Figurants sur un plus grand théâtre, non seulement leur émulation est. plus excitée, mais ils s'approprient les lumières dont ils sont plus environnés, L'expé-riehce a confirmé que les plus grands tribunaux ont toujours produit les magistrats et les jurisconsultes les plus savants, les plus judicieux et souvent les plus intègres.Ne nous privons pasdece précieux avantage; la société en aura encore besoin longtemps; des lois simples et qui, en même temps, aient prévu toutes les transactions d'un grand peuple, ne sont pas un espoir auquel il faille prématurément se livrer.
On a dit, avec raison, que la dépense était un objet de considération secondaire; mais pourtant n'est-il pas à négliger? Or, je crois que l'établissement d'un tribunal d'appel sur plusieurs départements est beaucoup plus économique qu'une justice d'appel d'un district à l'autre.
Je suppose que ce dernier parti fût embrassé, il faudrait doubler le nombre des juges dans chaque district; car, certes, on se refuserait à confier lé dernier ressort à trois juges seulement, dont on propose de former ces tribunaux. Un tribunal d'appel, formé de deux chambres, subviendrait aisément à trois ou quatre départements, c'est-à-dire à dix-huit ou vingt-quatre districts, pour les mettre en état de prononcer sur leurs appels respectifs; ce sont soixante-douze juges à placer de plus dans quatre départements, tandis qu'avec le tiers de ce nombre, on peut former un tribunal d'appel, certainement plus respectable et plus approprié à la justice suprême, que vingt-quatre petits tribunaux morcelés.
On a dit que l'établissement particulier déjuges d'appel blesserait le principe de l'égalité des juges. J'avoue que je ne sais ce qu'on a entendu par cette égalité, et si, ce qu'on a appelé un principe n'est pas le plus singulier paradoxe.
,Entend-on parler de l'égalité politique? certes, l'état de magistrature appelable ou d'appel ne doit pas y porter atteinte. Entend-on parler de l'égalité de puissance ou d'effet dans les jugements, ce serait une absurdité; car le jugement préposé à confirmer ou réformer, a nécessairement une puissance ou un effet supérieur au jugement soumis à l'appel.
On n'a pas trouvé l'égalité violée par l'appel des juges de paix aux juges de district, dans les matières au-dessus de 50 livres : elle ne le sera pas mieux par l'appel des juges de district à un tri* bunal supérieur; et quand les sièges de district se serviraient mutuellement de tribunaux d'appel, n'efcerceraieut-its pas une supériorité les pus à l'égard des autres?
C'est précisément cette supériorité qui forme
la sûreté du plaideur et celle de la loi. La prévoyance de 1 appel pfdige le juge de première instance à se conformer à la loi, pour ne pas perdre sa considération par des réformes fréquentes. Le juge d'appel est obligé de se conformer à la loi, parce qu'il trouve un premier censeur dans le jugement qu'il a à examiner ; parce que, guidé par un premier jugement, il lui faudrait plus de corruption pour être injuste; parce que les plaintes des tribunaux inférieurs finiraient par se joindre à celles des parties qui l'accuseraient d'injustice ; parce qu'enfin il est moralement plus difficile ou plus répugnant d'être injuste, en attaquant ou renversant la justice d'un autre, que de se rendre injuste de son propre fond,
J'en appelle encore à l'expérience de tous ies tribunaux; n'est-il pas reconnu qu'un premier jugement formait une présomption telle que, dans les cas ordinaires, il ne sufhsait pas de moyens péremptoires ? il fallait les porter à un certain degré d'évidence, pour parvenir à une réformation.
Partout l'Assemblée a établi une hiérarchie de gouvernement; les districts sont préposés à la surveillance et au redressement des municipal lités; les départements remplissent le même office envers les districts; les juges de paix sont sou--mis à la surveillance et au redressement des législatures, par son empêchement suspensif. Sur quel fondement les tribunaux de district seraient-ils seuls exceptés de cette loi générale, pour ne connaître que leur propre censure, et leur surveillance réciproque?
Il est un terme, sans doute, où la surveillance doit s'arrêter; mais cette surveillance n'existerait point, ou n'existerait qu'en apparence, des tribunaux de même genre étant, en même temps, juges de premier et second degré.
11 faut considérer encore, je ne dis pas la mo? bilité, mais la confusion ou la subversion de ju* risprudence. Il existe plus de 500 districts dans le royaume: un tribunal quelconque de cassation pourrait-il suffire aux recours de ces 500 tribunaux? 500 tribunaux 1 500 jurisprudences différentes! car il est connu qu'avec douze parlements seulement, on avait, sur plusieurs points, des jurisprudences différentes ; c'était, sans doute, la faute du gouvernement de ne les avoir pas ramenés à l'unité; mais ce que l'insouciance négligeait de faire, çroit-on que la plus grande Célérité puisse y suffire vis-à-vis de plus'de 500 tribunaux?
On a dit (et c'était une conséquence du système proposé) qu'il fallait abolir les résultats de jurisprudence. Mais c'est un Second paradoxe non moins étrange que celui de l'égalité des juges ou des jugements. Tous les peuples éclairés ont reconnu l'importance de l'uniformité des juge-r inents pour la liberté civile, la stabilité des propriétés et les affections de patrie, qui se composent de ces deux, éléments. Les Romains, nos premiers maîtres ep législation, et les plus grands maîtres de l'art pour ceux qui apprennent et méditent avant de décider, les Romains, dis-je, comparaient l'autorité des jugements à celle de la loi, Montesquieu écrit qu'il n'y a de pays vraiment libre que là où les jugements sont uniformes, où l'on iuge le jour comme on avait jugé ia veille, et où le jugement du jour est la règle de celui du lendemain. Les Anglais ont des recueils des usages constants et des jugements qui les établissent; et il serait à désirer parmi nous que la jurisprudence eût été ainsi recueillie; car ce n'est pas le respect pour la jurisprudence qui était un abus dans nos tribunaux, mais, au contraire, la licence de la contredire et de s en écar-
ter, mais qu'elle n'avait jamais été légalement et authentiqueaâent recueillie. Quelles ne seraient pas les conséquences funestes d'un système qui proscrirait toute espèce d'exemple dans l'administration de la justice? Quelle lumière et quelle instruction répandraient les tribunaux, si leurs jugements, inutiles pour l'avenir, n'étaient propres qu'à terminer un différend actuel? J'aurais succombé aujourd hui dans une instance, et demain je pourrais Iwrdiment reproduire la même question dans le même tribunal? La moralité et le bon sens ne sont-ils pas également heurtés par une proposition semblable?
On; a senti que le rapprochement et l'identité des tribunaux d'appel et des tribunaux appelables lés exposant à partager les mêmes affections ou les mêmes erreurs, c'était détruire l'utilité de l'appel. On a proposé d'y remédier en mettant au sort, entreles parties, la désignatio n-du tribunal d'appeL Cet expédient aurait cela d'utile, qu'en jouant le choix du tribunal, on pourrait en prendre occasion de jouer plus ou moins la décision ou le jugement : car ne serait-ce pas un vrai jeu que des jugements pouvant varier arbitrairement d'un jour à l'autre dans les cas innombrables non directement prévus et stipulés par la loi?
On a dit que les grands tribunaux étaient des foyers permanents de praticiens et de chicane. Mais croit-on, de bonne foi,, que 500 et plus de foyers de cette espèce, s'établissant auprès d'un pareil nombre de tribunaux de district, seront moins funestes que 20 à 25 seulement s'établissant auprès d'un pareil nombre de cours supérieures? J'en appelle encore à l'expérience : la justice n'était-elle pas plus mal rendue, et la chicane plus odieuse et plus féconde, en raison du rétrécissement des tribunaux ? La justice n'était-elle pas plus mal administrée, et la chicane plus active dans les'Villages que dans les petites villes, et dans les petites villes que dans lès grandes? La raison s'en fait aisément sentir: le praticien, peu occupé, cherche à trouver dans un procès l'avantage qu'un jurisconsulte éclairé puise dans vingt autres où il est consulté ou employé. Le praticien grossoie à mesure de son insuffisance: et le juge moins exercé, moins élevé, méconnaît ou tolère des abus qu'il ne sait souvent, ou ne peut réprimer. ,
On a dit aussi que c'était les grandes villes qui réclamaient les grands tribunaux qui siégeraient dans leur seinrpour en induire que leur opinion était déterminée par leur intérêt particulier. Mais ne serait-ce pas les habitants des petites villes qui provoquent et appuient la municipalité des petits tribunaux ; et si le législateur ne peut pas se séparer de son propre intérêt, cet intérêt serait-il plus recommandable dans le second cas que dans le premier?
Je conclus de cette discussion, qu'une raison froide et impartiale doit éclairer la décision qu'il s'agit de porter : cette décision n'est pas seulement importante pour la tranquillité publique, la stabilité des propriétés et la félicité particulière des citoyens, mais pour la sûrété même de la Constitution qui doit trouver un nouvel appui dans les tribunaux, propres à rallier plusieurs départements par des relations communes, si jamais la puissance exécutive venait à renverser les barrières de la loi.
Je demande qu'il soit maintenu ou établi des tribunaux d'appel, communs aux sièges de districts de plusieurs départements, suivant qu'il sera particulièrement déterminé.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté sans réclamation.
fait part à l'Assemblée d'une lettre de M. Regnard, député du département de l'Allier, qui, de l'avis de sa députation, et pour raisons à elle communiquées, demande un congé de trois semaines : le congé est accordé.
Il y" a déjà huit jours que vous avez rendu un décret portant que le roi sera supplié d'envoyer des troupes à Orange. Ce décret n'est point encore mis à exécution, et cependant les troubles augmentent dans le comtat d'Avignon. Il est même à craindre qu'il n'en résulte les plus grands malheurs. Je demande que M. le président soit chargé d'écrire au ministre de la guerre, pour qu'il envoie sur-le-champ\ des troupes dans la Ville d'Orange et lieux circonvoisins, pour assurer la tranquillité de ce pays.
C'est au roi que M. le président doit s'adresser ; je demande qu'il se retire par-devers lui, pour le supplier de prendre les précautions nécessaires pour que les propriétés que la nation possède à Avignon s'oient en sûreté.
J'appuie la motion de M. Rewbell, pour demander à Sa Majesté de veiller à la conservation des propriétés de la nation à Avignon. Nous avons dans cette ville des archives, des greniers à sel, des magasins de tabac : il est donc instant d'aviser.
Plusieurs membres font remarquer que l'Assemblée n'est pas assez nombreuse sur la motion importante relative à Avignon.
(La motion relative à l'envoi des troupes à Orange est adoptée.)
annonce qu'il a présenté hier à la sanction du roi les décrets suivants:
« 1° Décret portant que les délits de chassé,, commis dans les plaisirs du roi, doivent être poursuivis par-devant les juges ordinaires. »
« 2° Décret qui fait défense aux trésoriers et autres de la ci-devant province de Languedoc de payer aux personnes à qui la commission proyi-visoire l'avait destiné, sur les impositions, la somme de 70,645 livres 10 sous 7 deniers, et charge le trésorier de ladite somme pour la représenter au commissariat des départements de cette province. »
àVous avez rendu un décret sur l'uniforme que doivent porter toutes les gardes nationales
du royaume : vous n'êtes entrés dans aucun détail et chacun les règle à sa fantaisie; il en
peut naître des inconvénients; en conséquence, votre comité de Constitution vous propose le
décret suivant :
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité de li-quida'ion, propose un décret relatif à la solde de six premiers mois, due aux officiers et sous-ofjieiers au ci-devant régimen t des gardes-françaises.
Ce projet de décret est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
« Le ministre de la guerre fera payer les apr pointements des six premiers moi* de la présente année dus aux officiers et sous-officiers du régiment des ci-devants g»rdps-françaisps; et, à compter du premier de ce mois, lesdits appointements ne seront plus à la charge du Trésor public. »
, rapporteur du comité ecclésiastique. Il se présente plusieurs personnes pour l'acquisition des biens nationaux, situés, soit dans Paris, soit dans les environs. Je ne sais pourquoi ceux qui en jouissent actuellement ne permettent à personne de les examiner. Le département de Paris n'étant point organisé, il est nécessaire de donner à la municipalité actuelle les pouvoirs d'exercer les fonctions de directoire de district, relativement à l'aliénation de ces biens. Voici, en conséquence, le projet de décret que votre comité ecclésiastique vous proposer
« L'Assemblée nationale, en expliquant son décret du 8 juin dernier, décrète que la municipalité de Paris est autorisée à remplir les fonctions du directoire de district, par rapport aux biens ecclésiastiques, non. seulement dans ladite ville, mais encore dans toute l'étendue du département de Paris; et ce provisoirement jusqu!à ce que l'administration dudit département et de ses districts, ainsi que leurs directoires, soient en activité. »
(Ce projet de décret est adopté sans discussion.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur le projet de décret relatif au traitement du clergé actuel.
, rapporteur. Je vais vous faire lecture de tous les articles décrétés sur le traitement du clergé actuel. Votre comité vous prévient qu'il a fait des changements et des additions aux articles conformément aux divers amendements qui ont été proposés et ajournés pendant la discussion.
Je lis l'article premier et le deuxième :
Art. 1er. « A compter du premier janvier 1790, le traitement de
tous les évêques en fonctions est fixé ainsi qu'il suit :
« Ceux dont tous les revenus ecclésiastiques ne vont pas à 12,000 livres, auront cette somme-
« Ceux dont les revenus excèdent cette somme, auront 12,000 livres, plus la moitié de l'excédent, sans que le tout puisse aller au delà de 30,000 livres.
« Celui de Paris aura 75,000 livres ; tous continueront à jouir des bâtiments et des jardins à leur usage, qui sont dans la ville épiscopale.
Art. 2. « Les évêques qui, par la suppression effective de leurs sièges, resteront sans fonctions, auront pour pension de retraite les deux tiers du traitement ci-dèssus . »
(Les articles 1 et 2 sont adoptés.)
, rapporteur. Le comité vous pro*
pose maintenant un article additionnel pour fixer le traitement des évêques actuels qui donneraient leur démission.
Il s'est él vê à ce sujet une difficulté entre le comité ecclésiastique et celui des pensions, sur le traitement à faire aux démissionnaires. Le comité ecclésiastique a pensé que ces évêques devaient être traités comme ceux qui seront supprimés. Sur huit membres qui se trouvaient au comité des pensions, lors de la discussion, quatre ont pensé que ces évêques devaient être réduits à dix mille livres; c'est à vous de trancher la difficulté. Voici l'addition que je vous propose de faire à l'article 2, portant: « que les évêques supprimés jouiront des deux tiers du traitement qu'ils auraient eu, s'ils fussent restés en fonctions, pourvu que le tout n'excédât pas 30,0U0 livres. » Il en sera de même à Végard des évêques conservés qui se démettront.
Vous avpz déterminé que les pensions n'excéderont pas 10,000 livres ; ce n'était pas la peine d'en faire une loi, si vous accordez aujourd'hui une somme plus forte.
(de Saint-Jean-d'Angély). Le décret relatif au traitement ou clergé actuel a précédé la loi sur les pensions. Le traitement à faire aux évêques qui donneront leur démission ne peut être déterminé par les principes de cette loi; il faut dire tout haut la grande vérité : il y aura dans la démission des évêques, ou des mor tifs puisés dans une délicatesse de conscience, sur laquelle l'homme ne peut avoir d'inspection, ou bien dans une opposition formelle au vœu national. Dans le premier cas, vous ne pouvez forcer les évêques à exercer leurs fonctions; dans le second, vous serez trop heureux d'être débarrassés, même en les payant un peu plus cher, de gens qui, en rêvant en place, ne feraient que contrarier votre Constitution.
Le traitement proposé par le comité des pensions me paraît trop favorable pour des gen3 ou malintentionnés, je n'attaque personne, ou qui préféreraient au travail une vie molle et oisive. Je demande qu'il ne soit rien donné à ceux qui ne prouveront pas que leur retraite est nécessitée par des infirmités ou par toute autre cause légitime.
La majorité des évêques s'est constamment montrée opposée à votre Constitution; s'ils trouvaient le même avantage en quittant leurs fonctions qu'en les remplissant, il serait à craindre qu'ils ne formassent une coalition, de laquelle il pourrait résulter les plus dangereux effets. Qui est-ce qui a déterminé tous les détracteurs de la Constitution? c'est l'intérêt. Eh bien! prenez-les par là. Ces gens-là savent calculer; sans cela, je ne réponds pas des inconvénients.
(de Saint-Jean-d'Angély). Je pense, comme le préopinant, que c'est l'intérêt qui a fait nos ennemis; mais je n'en tire pas les mêmes conclusions. Les évêques qui se trouveraient forcés de conserver l'exercice de leurs fonctions par le refus qu'on ferait de leur accorder une retraite, dans le cas où ils donneraient leur démission, se vengeraient en refusant des dispenses (j'atteste ce fuit), ou se serviraient ainsi des pouvoirs qui leur sont laissés, pour arrêter l'action de votre Constitution, dans laquelle vous
les avez placés comme des rouages nécessaires. Nous aimons mieux, diraient-ils, vous contrarier, en restant en place, que de nous retirer avec 10,000 livres. Je suis bien persuadé que s'il ne fallait que de l'argent pour faire entrer dans la classe ordinaire des citoyens ceux de vos ennemis qui sont à la tète de la hiérarchie ecclésiastique, pour mettre à leur place des prêtres respectables et éclairés, vous ne balanceriez pas à faire le sacrifice.
Nous ne devons avoir aucun embarras sur les dispenses de mariage. Il est évident que le contrat doit être séparé du sacrement. Que l'on ne croie pas quec'estlà un système nouveau. Ceux qui seront chargés d'un rapport à ce sujet, trouveront leurs meilleures raisons dans un ouvrage en deux volumes, publié il y a deux ans par un des hommes les plus pieux et les plus éclairés, M. Mordenau : cet auteur prouve que les dispenses de mariage sont du ressort de la puissance civile. Quand la loi est sage, il ne faut pas de dispense. Lorsque j'ai cherché quelles étaient les causes de l'empêchement du mariage au quatrième degré, j'ai été fort surpris de trouver, dans un des canons du concile de Latran, cette raison: « Comme il y a quatre éléments dans le corps humain, il faut aussi qu'il y ait quatre degrés d'empêchement au mariage. »
Ceci mérite les plus sérieuses réflexions. Ou a porté l'audace jusqu'à sommer un évèque de donner une dispense à un père pour épouser sa fille. Les piètres auront toujours le droit de refuser la bénédiction nuptiale à ceux qui n'auront pas rempli les formalités.
présente une rédaction qui est mise aux voix et adoptée en ces termes :
Art. 3. « Le traitement desévêques conservés,qui jugeraientà propos de donner leur démission, sera des deux tiers de celui dont ils auraient joui étant en fondions, pourvu toutefois que ces deux tiers n'excèdent pas la somme de dix mille livres. »
Les articles suivants, jusques et y compris le 15e, sont lus et admis sans réclamation, aiusi qu'il suit:
Art. 4. « Les curés actuels auront le traitement fixé par le décret général sur la nouvelle organisation du clergé ; et, s'ils ne voulaient pas s'en contenter, ils auront: 1° 1,200 livres: 2° la moitié de l'excédent de tous leurs revenus ecclésiastiques actuels, pourvu que le tout ne s'élève pas au delà de 6,00(3 livres; ils continueront tous à jouir des bâtiments à leur usage et des jardins dépendant de leurs cures, qui sont situés dans le chef-lieu de leurs bénéfices. «
Art. 5. « Le traitement des vicaires actuels sera le même que celui fait par le décret général sur l'organisation nouvelle du clergé. »
Art. 6. « Au moyen des traitements fixés par les précédents articles, tant en faveur des évêques que des curés et vicaires, la suppression du casuel et des prestations qui se perçoivent sous le nom de mesures par feu, ménage, moissons, pension, et sous telle autre dénomination que ce puisse être, aura lieu, à compter du lep janvier 1791. Jusqu'à cette époque, ils continueront de les percevoir. Les droits attribués aux fabriques continueront d'être payés, même après ladite époque, suivant les tarifs et règlemeuts. » Art. 7. « Les traitements qui viennent d'être
déterminés pour les curés et les vicaires auront lieu à compter du 1er janvier 1791. »
Art. 8. « En ce qui concerne la présente année, les curés auront, outre leur casuel, savoir : ceux dont le revenu excède 1,200 livres, 1° ladite somme de 1,200 livres ; 2° la moitié de l'excédent, pourvu que le tout n'aille pas à plus de 6,000 livres.
« A l'égard de ceux dont le revenu est inférieur à 1,200 livres, ladite somme leur sera payée comme il suit :
» Ils toucheront d'abord ce qu'ils étaient dans l'usage de recevoir, ainsi et de la même manière que par le passé; et, le surplus, leur sera compté dans les six premiers mois de 1791, par le receveur du district. »
Art. 9. « Les vicaires des villes, outre leur casuel, jouiront aussi, pendant la présente année, de la somme qu'on était dans l'usage de leur payer ; à l'égard de ceux des campagnes, ils auront. outre leur casuel, la somme de 700 livres qui leur sera payée de la manière portée par l'article ci-dessus. »
Art. 10. « Les abbés et prieurs-commandatai-res, les dignitaires, chanoines prébendés, demi-prébendés, chapelains, officiers ecclésiastiques, pourvus de litres dans les chapitres supprimés, et tous autres bénéficiers généralement quelconques dont les revenus n'excéderont pas 1,000 livres n'éprouveront pas de réduction.
« Ceux dont les revenus excédent ladite somme, auront : 1° 1,000 livres; 2° la moitié du surplus, sans que le tout puisse aller au delà de 6y0u0 livres, ce qui aura lieu, à compter du 1er janvier 1790. »
Art. 11. « Dans les chapitres où les revenus sont partagés par les statuts en prébendes inégales auxquelles on parvient successivement par option ou par ancienneté, le sort de chaque chanoine sera déterminé sur le pied de ce dont il joint actuellement; mais lorsqu'un des anciens chanoine* mourra, son traitement passera au plus ancien des chanoines, dont le traitement se trouvera inférieur, et ainsi successivement, de sorte que le traitement, qui était le moindre, sera le seul qui cessera.
« La faculté de parvenir à un traitement plus considérable n'aura lieu qu'en faveur des chanoines qui seront engagés dans les ordres saerés. » Art. 12. a Dans les chapitres où, par les statuts ou l'usage, les prébendes des nouveaux chanoines sont, pendant un temps déterminé, partagées èn tout ou en partie eDtre les anciens chanoines, on n'aura aucun égard à cet usage ; le traitement de chaque chanoine sera fixé sur lé pied d'une simple prébende. »
Art. 13. « Il pourra être accordé, sur l'avis des directoires de département et de,district aux ecclésiastiques qui, sans être pourvus de titres quelconques, sont attachés à des chapitres, sous le nom d habitués, ou sous toute autre dénomination, ainsi qu'aux officiers laïques, organistes, musiciens et autres personnes employées pour le service divin, et aux gages desdits chapitres séculiers et réguliers, un traitement, soit en gratification, pension, suivant le temps, le taux et la nature de leurs services, et eu égard à leur âge et leurs infirmités ; et cependant les appointements ou traitements dont ils jouissent, leur seront payés la présente année. »
Art. 14. « Les abbés réguliers perpétuels et les chefs d'ordre inamovibles jouiront, à l'époque qui sera déterminée pour les pengions des religieux, savoir : ceux dont les maisons ont un re-
venu de 10,000 livres, d'une somme de 2,000 livres ; et ceux dont la maison a un revenu plus considérable, d'un tiers de l'excédent, sans que le tout puisse aller au delà de 6,0(K) livres. »
Art. 15. « Après Je décès des titulaires des bénéfices supprimés, les coadjuteurs entreront en jouissance d'un traitement, à raison du produit particulier du bénéfice, lequel traitement sera fixé à la moitié de ceux décrétés par les articles précédents. Dans les cas néanmoins où les coadjuteurs auraient d'ailleurs, à raison d'autres bénéfices ou pensions, un traitement actuel, égal à celui ci-dessus, ils n'auront plus rien à prétendre; et s'il est inférieur, il sera augmenté jusqu'à concurrence de la moitié des traitements décrétés par les précédents articles. »
, rapporteur. Le comité me charge de proposer à l'Assemblée de comprendre, dans l'article suivant, les évêques anciennement dé-*mis, les coadjuteurs et l'évêque de Babylone.
, évêque de Saint-Flour. Je propose de conserver aux évêques septuagénaires qui ont donné leur démission, antérieurement à l'époque du 1er janvier 1790, un traitement qui ne pourra excéder la somme de 30,000 livres.
Je propose d'allouer à tous les évêques qui seraient établis ou conservés sur le territoire étranger, un traitement annuel de 10,000, livres à charge par eux, de résider, dans ies lieux où leurs sièges seront établis.
Je demande, à mon tour, que l'évêque d'Âmicle, âgé de 86 ans, sulfragant de Cambrai, qui y a fait jusqu'à présent toutes les fonctions épiscopales, soit traité comme les anciens évêques démis.
curé de Souppes. L'évêque de Babylone a rempli en même temps les fonctions de consul à Bagdad avec un traitement de 20,000 livres; il ne possède aucun revenu ecclésiastique et je propose de lui assurer une pension de 10,000 livres.
Un membre. Cette affaire concerne le comité des pensions à qui elle doit être renvoyée. (Le renvoi est ordonné.) On demande la question préalable sur tous les amendements. Elle est mise aux voîx et prononcée.
Les articles 16, 17,18,19, 20, ces trois derniers nouveaux, sont ensuite décrétés ainsi qu'il suit ;
Art. 16. « A compter du 1er janvier 1790, les évêques qui se sont anciennement démis, les coadjuteurs des évêiiues, ies évêques suffragants de Trêves et de Basle, résidant en France, jouiront d'un traitement annuel de 10,000 livres, pourvu que leur revenu ecclésiastique actuel en bénéfices ou pensions monte à cette somme ; et si ce revenu est inférieur, ils n'auront de traitement qu'a concurrence de ce revenu : leur traitement, comme coadjuteur, cessera lorsqu'ils auront un traitement effectif. »
Art. 17. « Les ecclésiastiques qui n'ont d'autres revenus ecclésiastiques que des pensions sur bénéfices continueront d'en jouir, pourvu qu'elles n'excèdent pas 1,000 livres ; et si elles excèdent cette somme, ils jouiront; 1° de 1,000 livres; 2° de la moitié de l'excédent, pourvu que le tout n'aille pas au delà de 3,000 livres. La réduction déterminée par cet article aura lieu à compter du l9r janvier 1790. »
Art. 18. « Les pensions sur bénéfices dont les biens se trouveront régis par les économats seront aussi continuées dans les mêmes proportions que ci-dessus.
Art. 19. « II en sera de même des pensions retenues suivant les lois canoniques, en suite de résignation ou permutation, tant des curés que d'autres bénéfices.
Art. 20. « Les pensions assignées sur la caisse des économats, sur celle du clergé et autres biens ecclésiastiques, ainsi que les indemnités, dons, aumônes ou gratifications dont les revenus ecclésiastiques quelconques peuvent êtrechargés, seront réglés incessamment sur le rapport du comité des pensions assignées sur le Trésor public. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 21 en cès termes : »
Art. 21. « Toutes les pensions, excepté celles créées pour les curés en suite de résignation ou permutation de leur cure, et celles qui n'étaient sujettes à aucune retenue, continueront de n'être comptées, dans tous les cas, que pour leur valeur réelle, c'est-à-dire déduction faite des trois dixièmes don t la reten ue était ordonnée. Sans néanmoins que cette réduction puisse réduire celles au-dessous de 1,000 livres, et réduire à moins celles qui excèdent cette somme. »
demande la suppression de la fin de cet article, parce que les pensions sur bénéfices ne doivent être comptées que pour leur valeur réelle.
, rapporteur, répond que l'article 21 n'a pas été modifié par le comité et qu'il a déjà été adopté dans les termes qui viennent d'être lus.
persiste dans son amendement qui est mis aux voix et adopté.
En conséquence, l'article 21 se trouve réduit aux dispositions ci-dessous :
Art. 21. « Toutes les pensions, excepté celles créées pour des curés, en suite de résignation ou permutation de leurcure, et qui n'étaient sujettes à aucune retenue, continueront de n'être comptées dans tous les cas que pour leur valeur réelle, c'est-à-dire déduction faite des trois dixièmes dont la retenue était ordonnée. »
, rapporteur, continue la lecture des articles déjà décrétés. Ils n'éprouvent aucune réclamation et sont ainsi conçus :
Art. 22. « Pour parvenir à fixer les divers traitements réglés par les articles précédents, chaque titulaire dressera, d'après les baux actuellement existants, pour les objets tenus à bail ou ferme, et d'après les comptes de régie et exploitation pour les autres objets, un état estimatif de tous les revenus ecclésiastiques dont il jouit, ainsi que des charges dont il est grevé : ledit état sera communiqué aux municipalités des lieux ou les biens sont situés, pour être contredit ou approuvé, et le directoire du département dans lequel se trouve le chef-lieu du bénéfice donnera sa décision après avoir pris l'avis du directoire du district.
Art. 23. « Seront compris dans la masse des ecclésiastiques, dont jouit chaque corps ou chaque individu, les pensions sur bénéfices, les dîmes, les déports qui formaient l'unique dotation des archidiacres et archiprêtres ; mais le casuel, ainsi que le produit des droits supprimés sans indemnité, ne pourront y entrer » Art.
24. « Les portions congrues, y compris leur
augmentation, les pensions dont le titulaire est grevé, la dépense pour le bas-chœur et les musiciens, lorsque les corps ou les individus en seront chargés, et toutes les autres charges réelles, ordinaires et annuelles, seront déduites sur ladite masse : le traitement sera ensuite tixé sur ce qui restera d'après les proportions réglées par les articles précédents. »
Art. 25. « La réduction qui sera faite, à raison de l'augmentation des portions congrues, ne pourra néanmoins opérer la diminution des traitements des titulaires actuels au-dessous du minimum, fixé pour chaque espèce de bénéfices. »
Art. 26. « Les titulaires qui tiendront des maisons de leurs corps à titre de vente à vie, ou à bail à vie, en jouiront jusqu'à leur décès, à la charge de payer incessamment au receveur du district où se trouvera le chef-lieu du bénéfice, le prix de la vente dont ils seraient en arrière et le prix du bail, aux termes y portés. »
Art. 27. « A l'égard des chapitres dans lesquels des titres de fondation ou donation, des statuts homologués par arrêt, ou revêtus de lettres patentes dûment enregistrées, ou un usage immémorial donnaient à l'acquéreur d'une maison canonicale, à ses héritiers ou ayants cause un droit à la totalité ou à une partie du prix de la revente de cette maison, ces titres ou statuts seront exécutés suivant leur forme et teneur, et l'usage immémorial sera suivi comme par le passé. En conséquence, les titulaires pessesseurs desdites maisons, leurs héritiers ou ayants cause pourront en disposer comme bon leur semblera, à la charge par eux de payer au receveur du district, outre ce qui sera porté dans les titres et statuts, réglés par l'usage immémorial, le sixième de la valeur des maisons, suivant l'estimation qui en sera faite; et, dans le cas où le droit n'existerait pas, les titulaires possesseurs n'auront que la jouissance accordée par l'article précédent. »
Art. 28. « Les donateurs desdites maisons et autres qui prétendront avoir droit de toucher une somme à chaque mutation, ou d'autres droits quelconques sur-lesdites maisons, ne pourront exercer leur action que contre les titulaires auxquels il est permis d'en disposer par l'article ci-dessus, sauf à ceux-ci leurs exceptions et défenses au contraire. »
Art. 29. « Les titulaires des bénéfices supprimés, qui justifieraient en avoir bâti ou reconstruit entièrement à neuf la maison d'habitation à leurs frais, jouiront pendant leur vie de ladite maison. »
Art. 30. « Néanmoins, lors de l'aliénation qui sera faite, en vertu des décrets de l'Assemblée, des maisons dont la jouissance est laissée aux titulaires, ils seront indemnisés de la valeur de ladite jouissance, sur l'avis des administrations de district ou de département. »
Art. 31. « Les maisons dont la jouissance ou la disposition est accordée aux titulaires par les articles 26, 27 et 29 n'entreront pour rien dans la composition de la masse des revenus ecclésiastiques qui sera faite pour la fixation de leur traitement ; et ceux auxquels la jouissance en est accordée tant qu'ils jouiront, resteront obligés à toutes les réparations et à toutes les~charges. »
Art. 32. « Les revenus des bénéfices dont le titre est en litige n'entreront dans la formation de la masse à faire pour fixer le traitement des prétendants auxdits bénéfices que pourmémoire jusqu'au jugement du procès, sauf après la décision, à accorder le traitement résultant desdits bénéfices à qui de droit ; et les compétiteurs ne pour-
ront faire juger que contradictoirement avec le procureur général syndic du département où s'en trouvera le chef-lieu. »
Art. 33. « Les titulaires qui sont autorisés à continuer, pour la présente année seulement, la régie et l'exploitation de leurs biens, retiendront par leurs mains les traitements fixés par les articles précédents: et les autres seront payés desdits traitements à la caisse du district, sur les premiers deniers qui y seront versés par les fermiers ou locataires. »
Art. 34. « Tous ceux auxquels il est accordé des traitements ou pensions de retraite, èt qui, dans la suite, seront pourvus d'office ou emploi pour le service divin, ne conserveront que le tiers du traitement qui leur est accordé par le présent décret, et ils jouiront de la totalité de celui attribué à 1a place dont ils rempliront les fonctions .-Dans le cas où ils se trouveraient de nouveau sans office ou emploi de même genre, ils reprendraient la jouissance de leur pension de retraite. »
Art. 35. « La moitié de la somme formant le minimum du traitement attribué à chaque classe d'ecclésiastiques, tant en activité que sans fonctions, sera insaisissable. »
Art. 36. « Les administrateurs de département et (te district prendront Ja régie des bâtiments et édifices qui leur ont été conliés par les décrets des 14 et 20 a\ril dernier, dans l'état où ils se trouveront ; en conséquence, les bénéficiers actuels, maisons, corps et communautés, ne seront inquiétés en aucune manière pour les réparations qu'ils auraient dû faire. »
, rapporteur. J'appellel'attention de l'Assemblée sur l'article suivant qui n'a pas encore été voté et qui est un article additionnel :
Art. 37. « Néanmoins, ceux desdits bénéficiers qui auraient reçu, de leurs prédécesseurs ou de leurs représentants, des sommes ou valeurs, moyennant lesquelles ils seraient, en tout ou en partie, chargés desdites réparations, seront tenus de prouver qu'ils ont rempli leurs engagements ; et ceux qui ont obtenu des coupes de bois pour faire aucunes réparations ou réédifications, seront tenus d'en rendre compte au directoire du district du chef-lieu du bénéfice. »
(Cet article est adopté.)
Les articles 38 et 39, antérieurement décrétés, sont relus et admis sans contradiction, ainsi qu'il suit :
Art. 38. « A dater du 1er janvier 1791, les traitements seront payés de trois mois en trois mois ; savoir : aux évêques, curés et vicaires, par le receveur de leur district, et à tous les autres titulaires, ainsi qu'aux pensionnaires, par le receveur du district dans lequel ils fixeront leur domicile, et seront, les quittances, allouées pour comptant aux receveurs qui auront payé. »
Art. 39. « Les évêques et les curés conservés dans leurs fonctions rie pourront recevoir leur traitement qu'au préalable ils n'aient prêté le serment prescrit par les articles 21 et 38 du titre II du décret sur la constitution du clergé. »
, rapporteur. Le comité me charge de vous proposer encore un article additionnel, relatif aux desservants des églises catholiques dans l'étranger. En voici le texte :
Art. 40. « Les administrateurs et desservants des églises catholiques établies dans l'étranger, notamment dans les lieux restitués à l'Empire par le traité de Ryswick, continueront de recevoir, comme par le passé, des mains du district
Je plus prochain, le même traitement qui leur a été payé sur les deniers publics levés en France. Le directoire du département, sur l'avis du directoire du district, ordonnera et fera fournir, par le même receveur, ce qui sera nécessaire pour les frais du culte dans lesdites églises, conformément à l'usage; le tout provisoirement, et jusqu'à ce que l'Assemblée ait pris un parti définitif. »
(Cet article est adopté sans opposition.)
, rapporteur. Le comité me charge enfin de vous demander de faire insérer dans votre procès-verbal : « Que le rapporteur a fait lecture des articles ci-devant décrétés pour la fixation du traitement du clergé actuel ; qu'il a en outre été proposé des articles additionnels, des additions et corrections aux premiers articles décrétés; que l'Assemblée a décrété et adopté- le tout conformément à ce qui vient d'être lu. »
(Cette proposition est mise aux voix et décrétée.)
fait l'observation que les vicaires des villes, qui sont salariés par la congrue de 350 livres et qui n'ont d'autre traitement, et que peu ou point du tout de casuel, doivent recevoir, pour l'année 1790, l'augmentation de 350 livres comme les vicaires de campagne.
(Cette motion est renvoyée au comité ecclésiastique.)
(de Reims) demande à poser une question au comiié ecclesiastique et au comité des finances au sujet de Vaffectation des bâtiments des établissements religieux. 11 dit :
Ce sera sans, doute, un avantage précieux pour un grand nombre de villes que celui qu'elles se seront assuré en obtenant de fixer dans leur sein les assemblées de district et de département, ou les tribunaux, ou tous autres établissements publics.
De quelle importance ne sommes-nous pas fondés à croire cet avantage, si nous en voulons juger d'après la vivacité des réclamations que nous avons entendues, d'après l'énergie des adresses que nous avons reçues, d'après l'af-fluence des députés extraordinaires accourus de toutes parts, d'après l'amertume des regrets et des plaintes de ceux qui retournent sans emporter d'espérance?
C'est en partant de cette observation que je demande s'il ne serait pas convenable et juste de mettre à la charge particulière des villes qui ont obtenu de fixer chez elles les établissements publics, tous les frais nécessaires pour recevoir ces établissements. Pourquoi ces villes ne payeraient-elles pas, de leurs deniers particuliers, les avantages particuliers qu'elles acquièrent ? Et ne serait-il pas douloureux pour les villes, qui n'auront rien ontenu, de contribuer à l'agrandissement et à la splendeur de leurs rivales?
L'intérêt du Trésor public sollicite également une disposition précise à cet égard. D'après les décrets de l'Assemblée nationale, qui ont manifesté son intention de supprimer les maisons religieuses dans les villes, chaque ville compte déjà s'emparer de quelqu'une de ces maisons pour y recevoir soit l'assemblée de district, soit l'assemblée de département, soit tout autre établissement public. Cependant les emplacements des maisons religieuses dans les villes ont été comptés parmi ies principales ressources pour ia finance : combien cette ressource serait-elle affai-
blie, si chaque ville qui aura à recevoir, soit une assemblée ae district, soit une assemblée de département, soit tout autre établissement publie., croit pouvoir y destiner les maisons religieuses qui lui paraîtront convenables! N'exigera-t-on pas qu'elles en payent la valeur?
Je propose cette double question au comité des finances; je la propose au comité ecclésiastique et je suis convaincu qu'une prompte décision est réellement intéressante.
(Cette motion n'a pas de suite.)
Vordre du jour est la discussion de l'affaire de Montauban.
annonce ou'il lui a Hi remit une adresse par le maire et les offitiers munici- vaux de Montauban.
On en fait lecture.
Ces officiers disent que, se reposant sur leur innocence, ils sont jusqu'à ce moment restés impassibles ; mais que se voyant inculpés par les conclusions du rapporteur de l'affaire 4e Montauban, et ne pouvant se dissimuler que l'accusation frappe directement sur eux, ils demandent à être entendus; ils se reposent sur leur innocence et sur la justice de l'Assemblée.
Cette adresse occasionne les débats les plus vifs. La partie droite demande l'ajournement de l'affaire à mardi prochain, afin que les officiers municipaux aient le temps de préparer leur défense. La partie gauche consent à ce que les officiers municipaux soient entendus, mais elle s'oppose à l'ajournement.
Plusieurs membres demandent que la garde nationale montauban aise soit entendue dans sa défense.
Cette proposition est adoptée à l'unanimité.
met aux voix l'ajournement. Après de longs débats, et après trois épreuves successives, l'Assemblée décide que les officiers municipaux de Montauban seront entendus à une séance extraordinaire, lundi prochain au soir. (La séance est levée à trois heures.)
Séance du samedi
La séance est ouverte à six heures-du soir. .
, ancien Président, occupe le fauteuil en l'absence de M. le Président qui s'est retiré par-devers le roi pour présenter plusieurs décrets à la sanction.
, secrétaire, fait lecture de l'extrait de plusieurs adresses, savoir :
Adresse de la garde nationale de la ville de Châteauroux, par laquelle elle réitère à l'Assemblée nationale l'assurance de ses sentiments d'admiration, de reconnaissance et de soumission.
Cette garde nationale récapitule les services qu'elle a rendus, à différentes époques :
Dissipé trois insurrections populaires;
Sauvé la vie et les propriétés d'une femme dont le peuple égaré démolissait la maison et demandait la tête; dipsipé, par l'exécution delà loi martiale, un complot pour lequel plusieurs prisonniers sont en ce moment sous le glaive de la loi ;
Rétabli, à dix lieues de leurs foyers, et par une marche forcée, la tranquillité troublée par des cultivateurs qui, égarés par des conseils pervers, coupaient les haies et se partageaient les héritages.
Cette garde nationale reconnaît que trente hommes du régiment de Royal-Roussillon, commandés par le sieur Comaire ; et la maréchaussée, commandée par le sieur Douard, ont partagé ses dangers et la gloire de ses succès, obtenus sans qu un seul homme ait perdu la vie.
Elle annonce qu'elle protège la perception des impôts et réprime la contrebande. Elle se glorifie d'avoir pris, avant que l'Assemblée nationale eût décrété la formule du serment à prêter à la fédération générale, une délibération conçue en ces termes : « Tout officier, sergent, caporal et soldat qui refusera de marcher pour la perception des impôts, ou pour arrêter la fraude, sera cassé, et le jugement du conseil de guerre rendu public. »
Cette garde nationale aspire à la seule récompense digne de ses travaux, la gloire d'obtenir l'approbation de l'Assemblée nationale.
Adresses de félicitation, adhésion et dévouement des habitants de la ville de Mirebeau, de la municipalité et de la garde nationale de Saint-Etienne, de Saint-Geoire et de Saint-Michel ;
De la commune d'Aire-en-Gascogne, qui sollicite l'établissement d'un collège national ;
Des gardes nationales de Gavray et de Belloy ;
Des députés militaires du département du Doubs à la fédération du 14 juillet, qui remercient l'Assemblée, de la justice particulière qu'elle a rendue à la Franche-Comté, en faisant enlever, d'un de ses monuments publics, l'image d'une servitude dont tous les Français sont délivrés, et qui, rappelant une conquête, faisait mal juger d'une province qui se donnerait à la France aujourd'hui, si depuis longtemps elle n'en faisait partie ;
Des officiers municipaux de la ville de Montauban, qui envoient le procès-verbal de la confédération des troupes nationales et de ligne, et de tous les citoyens de leur arrondissement, à l'exemple de la confédération du Champ-de-Mars, ainsi qu'un exemplaire imprimé de leur proclamation par laquelle ils ont invité tous les habitants à ce pacte fédératif :
Des habitants de la ville d'Agde, qui supplient l'Assemblée d'appliquer aux conseils généraux de toutes les municipalités, de tous les corps administratifs, le principe de la publicité que l'Assemblée a consacré par ses décrets sur les séances de la commune de Paris ;
De la société des amis de 1a Constitution de la ville de Saint-Genies, rive d'Olt, qui forme la même demande que les habitants de la ville d'Agde;
Des écoliers du collège de la ville de Gray, qui se sont réunis à l'assemblée générale des citoyens de cette ville, pour prêter le serment fédératif des Français. Ils font le don patriotique de la somme de 300 livres provenant des contributions volontaires de chacun d'eux, et de la va-
leur des prix d'usage auxquels ils ont renoncé, cherchant uniquement à oblenir l'assurance de s'en être rendus dignes ;
Des municipalités dé la ville d'Aigfe, de Ghe-rac, de Saint-Etiendc-d'Arvers, de Cosnàc et de Pont-l'Abbé, département de la Charente-Inférieure; de la commune du Villar, d'Orville et Caumainil* de Saint-Vincent-du-Bouley, district de Bernfty ; de Porte-^Joie, près le VaudreUil ; de Sainte-Marie-Laumont, d'Estrepilly, district de Château-Thierry; de la Chapelle-Orthemale, département de l'Indre; de Stains, département de Parts ; de la ville de Mello, ét des gardes nationales du département de la Lozère.
Toutes ces municipalités et gardes nationales présentent à l'Assemblée le procès-verbal de la fête Civique que tous les citoyens ont célébrée, le 14 juillet, et dans laquelle ils ont prononcé le serment fédératif du Champ-de-Mars ;
De l'assemblée primaire du canton de Severac-le-Gbàteati* département de l'Aveyron;
De rassemblée administrative du district de Montpellier $
Des assemblées électorales du département de la Moselle et dtt département des Basses-Alpes.
Ces assemblées présentent à l'Assemblée nationale l'hommage d'une adhésion absolue à tous ses décrets, et d'uh dévouement sans borneB pour en maintenir l'exécution. Elles la conjurent de poursuivre sans relâche, et jusqu'à sa consommation, là Constitution qu'elle a si glorieusement commencée-.
Adressé efivoyêè par les députés des gardes nationales du département du Jurû à la fédération générale.
Cette âdhésSe est ainsi conçue :
« Messieurs*
« En Venant jurer j avec leurs frères, amour et fidélité à la GdhstitUtiOh, lés premiers vœux des gardes nationales du Jtira vous ont été offerts. En approchant dé cette imtnense cité, désormais pluê Cohntie dans l'univers par le noble désinté^ ressèment, lé courageux patriotisme de ses habitante, que par ce qui peut, à tant de titres, la rendre célèbre* un sentiment d'attendrissement et tié respect s'ést emparé de nous, et, dans Un religieux silence, nous avons porté nos pas vers l'As-feembléé nationale, A l'instant de retourner dans nos foyers, c'est encore aux pieds des murs qui renferment les représentants de 24 millions d'hommeB* que nous venons nous réunir ; c'est de cette enceinte révérée que noué reprenons le chemin de nos montagnes, Encore quelques jours et nos familles attentives Vont apprendre de nous les consolantes vérités que nos yeux ont vues, et le mépris Qu'on doit aux erreurs dont on veut les envelopper.
* Ce n'est pas sans une véritable tristesse que nous nous éloignons de vous, Messieurs, mais au moins c'est avec sécurité ; tout ce que la courageuse Verttt peut inspirer de confiance, nos frères de Paris nous l'ont fait éprouver; nous ne pouvons douter que ces citoyens, dont on tie petit âésefc admirer l'héroïsme et la touchante hospitalité* tiê fesSènt rèèpecter votre glorieux ouvrage; tnais si là Constitution pouvait eticbre courir quelques dangers ; s'il était possible, que nos se* cours leur fussent nécessaires, recevez le serment solennel que nous prêtons en ce moment, de faire briller les armes de Vingt mille hommes dans cé lieu même d'où nous vous adressons les témoignages de notre vive et profonde reconnais^-sance.
« Que ceux en qui l'esclavage a tellement éteint toute idée de vertu, qu'ils ne peuvent concevoir l'égalité, les sublimes principes que vous avez décrétés, regardent comme Une ivresse passagère, comme un vain mouvement d'enthousiasme, notre ardent amour pour la liberté, il est assez d'hommes généreux qui le partagent avec nous. Non, jamais nous ne reprendrons nos chaînes ; jamais qui que ce soit n'osera nous en présenter ; jamais la liberté ne nous Sera ravie : Vivre libre ou mourir-, voilà désormais la devise des citoyens du Jura ; voilà les premiers mots que nos enfants apprendront à prononcer.
« Nous sommes, Messieurs, avec le respect profond que l'on doit aux représentants de la nation, vos très humbles et très obéissants serviteurs,
Les gardes nationales du Jura :
« Signé : Lorain, capitaine du district de Saint-Claude ; Buchet, capitaine de Dôle ; — Jobin, capitaine du district de Lons-le-Saunier ; — Charles Duhamel* major du détachement, député dti Jura ; — Vuillot, capitaine de Poligny ; -^Levrat* commandant d'Orgelet ; — Deglanne, Commandant du district de Salins ; — Malet, commandant des députés des gardes nationales du Jura. »
Je demande l'impression dé cette adresse dans le procès-verbal.
Je propose d'envoyer aux gardes nationales du département du Jura Un extrait du procès-verbal de la séance d'hier constatant que l'Assemblée avait l'intention de les recevoir.
(Ges deux motions sont adoptées.)
, secrétaire* lit ensuite l'extrait de deux adresses :
L'une, des habitants de la ville de Rugles, au département de J'Eure, qui annoncent que les officiers municipaux* les ecclésiastiques, les religieuses et un grand nombre de citoyens des deux sexes, après avoir entendu une messe solennelle et prêté le serment civique, se sont réunis à un repas où ont régné l'égalité et la fraternité; on a ensuite retourné a l'église pour y chanter le Te Deum, après lequel on a allumé un feu de joie, où chacun, en répétant les cris de Vive la nation ! semblait condamner aux flammes le despotisme, l'aMStocratie, le fanatisme, les distinctions insupportables que la nature ne donna jamais.
Et l'autre, des prêtres bénéficiera de l'église cathédrale de Riez eh Provence, qui supplient l'Assemblée d'ordonner que les chanoines leur payent la distribution de cette année qui leur est due. Ges bépéficiers manquent d'aliments.
fils fait la motion que cette dernière adresse soit renvoyée au comité ecclésiastique, ce qui est décrété par l'Assemblée.
, secrétaire, lit l'extrait d'une adresse des officiers municipaux dé lâ paroisse de Sainte-Croix-de-MOntiVilllers-en-CaUX, par laquelle ils témoignent leur respect et leur soumission à la sagesse de tous les décrets de l'Assemblée nationale; et, aU nom de la fabrique de cette même paroisse, ils offrent le don patriotique d'un billet de caisse de 200 livres, de 100 livres en argent, et d'une croix d'argent, du poids d'un marc sept gros deux grains.
fait lecture d'une adresse des élec-
teurs du département de la Lozère, qui témoignent leur zèle pour se conformer à tous les décrets et à l'esprit patriotique de l'Assemblée nationale, et peignent celui dont ils sont eux-mêmes animés.
« Inébranlables, disent-ils, dans les vrais principes de la religion, dans les principes de la justice et de l'égalité ; en un mot, dans les principes de la Constitution, nous vouons la guerre aux opinions qui la contrarient ; mais nous avons fait le vœu de ramener par la douceur ceux qui pourraient être encore aigris par des sacrifices nécessaires au bien public... Tout pour la paix, ajoutent-ils, est notre cri de ralliement ; tout pour la paix sera notre seul esprit de corps. »
donne lecture de Vadresse suivante de trois citoyens ci-devant nobles du district de Sémur, département de la Côte-dOr :
« Nous, soussignés, ci-devant nobles et privilégiés du bailliage d'Auxois, après avoir lu la protestation faite, le 21 juin dernier, par M.d'Argen-teuil, député de la noblesse dudit bailliage, contre le décret rendu par l'Assemblée nationale le 19 du même mois ;
« Considérant que l'Assemblée nationale ayant reçu de la France entière le droit de lui donner une nouvelle Constitution, les décrets de cette auguste Assemblée, acceptés ou sanctionnés par le roi, sont pour tous les Français des lois inviolables et sacrées ;
« Considérant que l'abolition de la noblesse héréditaire est une conséqueuce nécessaire des principes de justice et d'égalité, consacrés dans la déclaration des droits de l'homme ;
« Considérant que les ci-devant nobles et privilégiés acquièrent dans cette heureuse Révolution l'état de citoyens libres, bien au-dessus de l'état de gentilshommes esclaves ;
« Considérant enfin que la protestation de M. d'Argenteuil, vicieuse dans son principe, dangereuse dans ;ses conséquences, est diamétralement opposée à l'instruction qu'il a reçue de ses commettants au mois d'août 1789 :
« Nous désavouons formellement cette protestation, faite à notre insu et contre notre avis, et nous prions l'Assemblée nationale de recevoir ce désaveu comme l'expression de nos plus vrais sentiments; et comme lé gage de notre soumission profonde à ses décrets.
« Fait à Semur-en-Auxois, ce 14 juillet 1790.
« Signé: François Gueneau ; — Jacques Reuil-lon ; Philibert-Hugues Gueneau (ci-devant d'Au-mont). »
annonce que le sieur Davy, graveur, supplie l'Assemblée d'agréer l'hommage d'une image encadrée, représentant un monument qui pourrait être élevé sur la place de la Bastille : 1 Assemblée accepte l'estampe.
, secrétaire, fait lecture du procès* verbal de la séance de ce matin.
représente qu'il a été fait une motion tendant à ce que le roi fût supplié de donner des ordres pour envoyer, dans le plus court délai, des troupes à Avignon ou aux environs, afin de protéger les établissements français qui sont dans cette ville. Il demande, en conséquence, que cette motion, qui a été renvoyée à l'ordre de deux heures, soitinséréeau procès-verbal.
répond qu'il n'a pas oublié cette motion dont il est l'auteur; mais comme l'Assemblée n'a pris aucune résolution, il n'a pas dû en faire mention au procès-ver bal.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Les députés de la ville de Paimpol, â la confédération du 14 juillet, offrent un aon patriotique', l'un d'eux, M. Thomas, porte la parole en ces termes :
« La France a parlé : 25 millOns d'hommes ont exprimé leur vœu : l'alliance de toutes les parties de l'Empire pour soutenir l'ouvrage de votre sagesse, le serment que tous les Français ont fait de vivre et de mourir pour la Constitution : voilà le plus bel éloge de l'Assemblée nationale. Il était depuis longtemps dans tous les cœurs, il a été au même instant dans toutes les bouches ; il a retenti dans l'univers, et ce cri d'un grand peuple, qui sera bientôt le modèle de tous les autres, va réveiller ceux qui dorment encore dans la servitude : vous leur avez révélé le secret de leurs droits, trop longtemps méconnus. Ils les ressaisiront, ils rompront leurs chaînes, comme vous avez brisé toutes celles qui nous entouraient, et, régénérateurs de votre pays, vous deviendrez les bienfaiteurs, les libérateurs du monde.
« L'admiration des siècles sera votre récompense ; vous en avez déjà obtenu une non moins précieuse, l'amour et la reconnaissance de vos concitoyens : ils bénissent vos travaux, ils répètent vos noms avec transport, ils les apprennent à leurs enfants avec les mots de patrie et de liberté. La France sera heureuse, et le spectacle de son bonheur fera votre bonheur et votre gloire.
« Fiers d'avoir déjà été les organes des habitants de la ville de Paimpol au pacte de famille des Français, nous ne nous honorons pas moins de vous apporter l'hommage de leur respect et de leur dévouement ; vous l'avez plusieurs fois reçu, mais ils aiment à répéter ce qu il est si doux pour eux de sentir : ils osent le dire, laRévolution n'a pas eu plus de fermes soutiens, ni l'Assemblée nationale d'admirateurs plus sincères. Epuisés par leur zèle et leurs nombreux sacrifices, les habitants de Paimpol ont cherché autour d'eux ce qu'ils pourraient encore offrir à la patrie ; ils n'ont trouvé que leurs boucles d'argent, leurs femmes y ont joint des bijoux ; nous venons les déposer entre vos mains* Ce tribut de notre patriotisme eût été plus digne de vous, si nos ressources avaient égalé notre courage à déjouer les sourdès menées des ennemis du bien public, notre vigilance à assurer la perception des impôts, et notre infatigable ardeur à soutenir la plus belle des révolutions. >
(On interrompt plusieurs fois par des applaudissements.)
L'Assemblée nationale applaudit au zèle qui vous anime; elle a entendu avec sensibilité l'expression de votre patriotisme, et reçoit, avec satisfaction, le don que vous, lui présentez. Puissent tous les Français mériter, comme vous, ses éloges I Elle vous invite à assister à sa séance.
Vordre du jour est un rapport du comité des rapports sur la succession de Jean Thierry.
, député de Nantes, rapporteur. Messieurs, la succession de Jean Thierry existe-t-elle? Il n'est pas permis d'en douter d'après une
foule de faits accumulés qui la constatent. Jean Thierry tint toutes ses richesses du legs universel porté au testament de Stipaldy, son coassocié dans le commerce, lequel l'avait adopté pour son frère. Ce testament est reconnu : il contient un détail énonciatif de propriétés foncières et de titres de créances ; deux certificats d'ambassadeurs de France à Venise attestent l'existence de Thierry et de son hérédité. Quels sont les biens qui composent cette succession? Ce sont des capitaux sur l'hôtel des monnaies de Venise, sur l'hôtel de ville de Paris, et trois maisons- situées à Gorfou. Quel est l'intérêt de l'Etat à l'examen de cette succession ? C'est de donner, d'une part, des juges aux parties contendantes, afin que la justice soit rendue ; et, de l'autre part, d'approprier auTrésor public une succession opulente qui lui serait dévolue à titre de déshérence. Qui peut statuer sur cette question ? L'Assemblée nationale. En l'année 1781, il a été établi une commission du conseil pour la juger ; les prétendants, écouduits par d'anciens arrêts, demandent un nouveau tribunal, deux seuls restent en litige, et, en consentant à la prorogation d'une commission qui ne réunit pas la confiance, ilsdésirent qu'elle ne juge qu'à la charge de l'appel.
Voici le projet de décret que vous propose votre comité des rapports :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, désirant faire jouir les prétendants droit à la succession de Jean Thierry, décédé à Venise en 1676, daus une affaire qui présente un grand intérêt, des droits dont jouissent tous les citoyens dans des causes de bien moindre importance, proroge provisoirement, à la commission ci-devant nommée par le roi pour juger ces contestations nées et à naître entre les prétendants droit à la même succession, l'attribution de juridiction qui lui a été accordée à cet effet, à la charge que les jugements, par elle rendus ou à rendre, ne seront censés l'être qu'à la condition de l'appel ; en conséquence, l'Assemblée nationale accorde aux prétendants droit, actuellement en instance, et à ceux qui out été précédemment jugés, le droit de se pourvoir par appel contre les jugements de la commission, rendus ou à rendre, par-devant celui des tribunaux qui vont être incessamment organisés, qui leur sera désigné pour tribunal d'appel ; et pour venir au secours de ceux des prétendants droit à cette succession, qui ne se sont pas mis en étal, dans les délais successivement fixés par les arrêts du conseil précédemment rendus, l'Assemblée nationale leur accorde un nouveau délai de six mois, à compter de la publication de son présent décret, pour servir à ladite commission leurs titres, papiers, documents, généalogies et mémoires, dans les formes déterminées par les mêmes arrêts.
« L'Assemblée nationale charge son Président de se retirer par-devers le roi pour le supplier de donner sa sanction au présent décret. »
Je demande qu'il soit fait des informations auprès de la république de Venise pour connaître les sommes qu'elle a payées aux ministres ou aux prétendants à l'hérédité.
La succession de Jean Thierry me paraît ressembler à la dent d'or de l'enfant de la Silésie. Les savants se disputèrent, se dirent force injures, pour combattre ou prouver l'existence et la possibilité de ce prétendu* phénomène. Voilà l'histoire de la conduite de tous les contendants à cet héritage imaginaire. Si cette succession existe, les héritiers doivent aller à Venise, demander
l'exécution du testament créé sous les lois de cette république. Je crois donc qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Ge n'estpas une commission dans l'acceptation ordinaire de ce terme, qui a été établie pour cette affaire,mais un tribunal institué par un pouvoir légitime,lorsqu'il n'y en avait point d'autres qui pussent en être légalement saisis. D'après ces principes,on ne doit pas raisonnablement accorder aux contendants déjà jugés la faculté d'appeler des jugements déjà rendus.
Vous ne pouvez détruire, par un appel facultatif, des jugern nts rendus en dernier ressort, et auxquels les parties ont aquiescé en renonçant aux voies de requête civile ou de cassation.
(L'Assemblée renvoie cette affaire au comité pour proposer un nouveau projet de décret.)
(La séance est levée à dix heures.)
opinion de M. l'abbé Maury,
député de Picardie, sur les finances et sur la dette publique ; dont l'état a été présenté
et discuté par lui au comité des finances,
Messieurs, en ma qualité de membre de votre comité des finances, j'ai été député au nouveau bureau institué pour régler les aliénations des bienti nationaux. Nous n'avons eu encore qu'une seule séance dans laquelle nous n'ayons approfondi le plan proposé par M. l'evêque d'Autun. Ge prélat était présent à notre discussion préparatoire. Nous avons été convoqués et contremandés trois fois depuis cette première assemblée, où nous n'avions rien arrêté. Il me semble cependant que le premier article du projet de décret dont on vient de vous faire lecture, préjuge définitivement la question que vous nous avez ordonné d'examiner. Nous sommes ajournés pour la traiter à fond, lundi prochain; mais elle ne serait plus entière, et vous l'auriez décidée d'avance, si vous adoptiez, dès ce moment, le décret présenté par M. le duc de La Rochefoucauld.
11 s'agit d'examiner s'il est avantageux à la nation d'aliéner tous les biens du domaine et du clergé, et de recevoir, en payement de ces ventes, les créances sur l'Etat, en évaluant les capitaux, à raison de 5 0/0 de leur intérêt annuel.
Avant d'entrer dans cette discussion, j'insiste d'abord sur la demande que j'ai si souvent
et si inutilement réitérée dans l'Assemblée nationale. Je ne cesse, depuis dix mois, de faire
les motions les plus expresses pour vous engager à vous élever, dans vos délibérations sur
les finances, au-dessus des aperçus vagues, des moyens partiels, des ressources provisoires,
des palliatifs du moment, enfin des petits expédients plus propres à débarrasser
l'administration qu'à régénérer l'Etat. J'insiste particulièrement sur cette importante
Je demanda un compte divisé en trois cahiers différents, tous certifiés et garantis par la responsabilité du ministre des finances.
Le premier de ces cahiers doit contenir l'universalité des contributions payées au Trésor public, le produit actuel des impôts et l'exactitude ou l'arriéré des perceptions : voilà la recette.
Le second doit énoncer avec précision la dépense annuelle et ordinaire du Trésor national, avec l'indication et la durée des charges qu'on appelle dépenses extraordinaires.
Je ne parle ici que des charges dont l'obligation est déjà contractée, et on ne me soupçonnera pas sans doute d'exiger l'évaluation anticipée des dépenses imprévues, auxquelles il faut cependant affecter des fonds en réserve.
Enfin, le troisième cahier doit embrasser la totalité de la dette publique, constituée ou non constituée; savoir: la dette en contrats perpétuels, la dette en rentes viagères, les anticipations, l'arriéré de tous les départements, les remboursements à époques fixes, la valeur de tous les offices de judicature et de tous les effets publics, les fonas des jurandes, les avances des compagnies de finance, la dette du clergé général, des diocèses, des chapitres, des monastères, des bénéfices, des provinces régies en pays d'Etat; enfin, la masse entière de la dette nationale, sous quelque domination qu'elle existe.
Je dis, Messieurs, que, sans ces trois fanaux qui doivent éclairer votre route, il vous est impossible de faire un pas dans le dédale obscur des finances. En eflet, si vous ne connaissez pas avec précision la recette du Trésor public, vous ne pouvez rien statuer sur l'impôt: vous n'avez aucune base pour fixer la proportion de l'impôt direct avec l'impôt indirect; pour taxer les hommes, les biens, les marchandises on les denrées. Si vous ignorez le montant des dépenses, vous ne pouvez régler aucune économie. Si le voile épais qui couvre la dette de l'Etat n'était pas déchiré sous vos yeux, vous feriez d'inutiles efforts pour assurer la libération du royaume; et la caisse d'amortissement qu'il faut établir, même quand on emprunte, parce qu'on regagne par le crédit beaucoup plus qu'on ne paraît perdre par les remboursements, cette caisse, vraiment nationale, ne saurait être établie si vous ne connaissiez pas la totalité de la dette dont vous devez préparer et assurer l'extinction.
Le travail que je demande est, sans doute, très considérable ; mais quand M. Necker a su qu'il allait correspondre avec la nation assemblée, il a dû prévoir que ce compte lui serait demandé, ou plutôt cet état, plus approprié à sou département que toutes les matières de législation dont il s'est chargé par un excès volontaire de zèle, devait être tout prêt dans son portefeuille. Un administrateur des finances est obligé d'en faire l'objet continuel de ses méditations ; car enfin on ne reçoit point au hasard, on ne dépense point au hasard; et. à l'exception des nouvelles dettes dont la nation s'est chargée, et dont l'apurement n'est pas encore fait, je ne conçois pas que nous puissions demander inutilement, après quatorze mois
de séances, le compte de la recette, de la dépense et de la dette du Trésor public.
On ne parviendra jamais à rétablr l'ordre dans les affaires d'un particulier, si l'on ne connaît pas avec précision l'actif et le passif de sa fortune. Or, je déclare qu'après m'être longtemps occupé de l'état des finances, leur situation actuelle s'est constamment dérobée à mes calculs. J'ai poursuivi la vérité jusque dans le cabinet des ministres; et je n'y ai découvert qu'un mystère qu'ils ne connaissent peut-être pas eux-mêmes, et que je suis las d'adorer en silence.
Les partisans de M. Necker prétendent que cet administrateur, si vigilant sur tous les petits sentiers de la renommée dont il a tant négligé les grandes routes, est trop occupé pour rédiger le travail que je demande. Je réponds que, puisque sa mauvaise santé et ses immenses occupations lui laissent assez de loisir pour défendre sa gloire en composant des brochures contre des particu-culiers et même contre moi, il est étonnant que le temps lui manque pour fournir aux représentants de la nation un compte précis et détaillé des finances.
M. Necker est persuadé qu'il a fourni ce compte depuis longtemps. J'observe d'abord que l'état des finances dont il s'agit ne doit pas être confondu avec les revisions ordinaires que l'on obtient àla chambre des comptes. Ge tribunal, très nécessaire sans doute pour entretenir le bon ordre dans la comptabilité, n'examine que les dépenses du Trésor public ; et il est institué pour les allouer sans examiner jamais ni la dette, ni l'impôt. Le compte définitif dont j'ai besoin pour éclairer ma raison et pour rassurer ma conscience, en disposant des sacrifices d'un peuple accablé sous le poids des impositions, embrasse l'universalité des finances. Je ne trouve nulle part le travail complet que je sollicite, et je ne veux plus rien adopter de confiance. J'admire ceux de nos collègues qui sont ou qui se croient suffisamment instruits dans celte matière; mais je ne crains pas de répéter encore qu'il semble qu'on ait voulu fatiguer cette Assemblée de sa propre ignorance, en la laissant flotter dans le chaos de douze cents opinions isolées qui se heurtent, se croisent et se combattent sans cesse.
Il me serait très facile de prouver en détail que ce n'est ni par ma faute, ni par une hypocrite modestie que j'avoue mon ignorance sur les bases de nos délibérations. Voici un précis très court de ce que M. Necker ne nous a pas encore appris relativement à la recette^ à la dépense et à la dette de l'Etat.
Relativement à la recette, plusieurs impôts sont supprimés, plusieurs autres ne sont pas perçus. Le produit de la contribution patriotique n'est pas déterminé avec précision. L'arriéré des impositions dues à l'Etat nous est inconnu et nous ne savons pas si nous pouvons compter sur cette recette. Je n'accuse M. Necker d'aucune négligence à cet égard; il ignore sans doute lui-même le montant des revenus dont nous sommes assurés, dans le malheureux état d'anarchie où se trouve le royaume; mais je dis que la fortune publique ne sera point sans péril, tant que nous né connaîtrons pas avec certitude le produit réel de toutes les contributions.
Les économies, les améliorations, les réductions, les suppressions, les nouveaux frais du culte des assemblées administratives et de l'administration de la justice échappent encore à tous les calculs; et, par conséquent, la dépense annuelle de l'Etat est pour nous, dans ce moment, un mys-
tère qui exige de longues méditations pour être éctyirci. Je ne saurais arrêter un instant mes réflexions sur les économies, sans regretter amèrement que M. Necker ne nous en ait pas présenté Je tableau à l'Ouverture des Etats généraux. Le ministre aurait rallié tous les ordres de la nation autour de son vertueux monarque, en lui faisant exécuter noblement les sages réductions de dépense que son cœur désirait, et dont il méritait de recueillir, dès lors, toute la gloire. L'article des dépenses extraordinaires pour l'avenir, lesquelles seront pour nous, pendant longtemps, malhéu^ reusement trop ordinaires, ne nous a jamais été présenté : mais je reviendrai bientôt à cet objet qu'il me suffit d'indiquer ici parmi les réticences dont je me plains.
Les créances accessoires dont l'Etat s'est chargé ont rendu ençore plus difficile la liquidation de la dette publique. D'ailleurs, de combien de nuages est encore enveloppée cette partie de nos finances I Dans le rapport de M. le marquis de Moptesquiou, du 18 novembre, les dettes arriérées des départements sont estimées 80 millions : dans le mémoire de M. Necker, du 6 mars dernier, elles sont évaluées de 150 à 200 millions. D'où peut naître une différence de plus de moitié entre ces deux évaluations ? Gomment chaque ministre n'a-t-il pas dans ses bureaux l'état arrêté des dettes de son département? Sommes-nous dans un état de prospérité qui nous permette de passer légèrement sur soixante et dix, et peut-être sur 120 millions de plus ou de moins? Tel est Ïiourtant le contraste que nous apercevons entre es rapports de M, Necker et du comité des finances.
Quant à la dette nationale, M. Necker prétend que lorsque que l'on connaît la somme des intérêts dont une nation est grevée, c'est une curiosité bien oiseuse que de vouloir calculer le capital nécessaire pour éteindre cette créance. J'ignore si M. Necker a raison. Vous en jugerez dans un moment, Messieurs, lorsque je mettrai sous vos yeux, je ne dis pas le compte entier et définitif, mais du moins un aperçu incontestable de vos dettes. Mais quand une partie de la dette est remboursable à des termes fixes ; quand une autre partie de la dette ne porte aucun intérêt; enfin, quand toutes les parties de la dette sont constituées à des intérêts différents, depuis un jusqu'à 10 0/0, ce n'est plus une çuriositê oiseuse, c'est un esprit d'ordre qui réclame le compte précis du capital. Il est donc intéressant ppur nous de le connaître en détail. Le devoir du ministre des finances était de noys en présenter le tableau raisonné, et c'est ce qu'il n'a jamais fait-
Que le public prononce maintenant entre M. Necker et moi- Qu'il dise si j'ai eu tort de demander un compte détaillé des finances. Je ne propose point à M. Necjter un juge qui lui soit suspect. Ce ministre n'a pas encore entièrement pprau dans le royaume la faveur populaire dont nous l'ayons vu jouir; et je n'ignore pas les préventions que l'intrigue et la calomnie ont cherché à répandre contre moi- Peut-être aurais-je pu, comme tant d'autres, capter la bienveillance du peuple, en le trompant sans cesse, tantôt par les plus hçnteuses adulations, tantôt
Ear les plus lâches réticences, tantôt par la plus ypocrite popularité : mais ie dédaigne ouvertement d'usurper son e^irne ; jpveu* l'attendre et la conquérir, en servant toujours (a nation avec la plus courageuse franchi^, et en ne |a flattant jamais.
Ai-je donc tort de me plaindre de ce que l'on nous laisse ignorer la somme de nos dettes? M, Necker nous a dit que les dépenses extraordinaires, pour l'année 1789, montaient à 500 millions. Il est vrai que lorsque j'en témoignai ma surprise au comité des dix, dont j'avais l'bonneur d'être membre? l'accommodant M. Anson me répondit qu'il allait en retrancher 40 millions dans un instant : il prit la plume, et tint parole. J'admirerai longtemps cè talent merveilleux avec lequel on réduit en un instant, de 40 millions une dépense déjà faite, et j'en ai rappelé plusieurs fois le souvenir à ce même M. Anson, qui m'a reproché depuis, à la tribune, de vouloir effrayer les créanciers de l'Etat. Il ne s'agit ni d'épouvanter, ni de rassurer personne ; mais il s'agit de calculer. Je calcule donc, et je dis que les dépenses que l'on appelle extraordinaires, s'élèveront à une somme à peu près égale dans les années suivantes; qu'une partie de ces dépenses, dont je peux fournir l'état, que j'ai vu au comité des dix, doit se prolonger pendant plusieurs années; que cette dépense qu'on appelle extraordinaire, devient, par conséquent, une dé-, pense ordinaire, surtout pour les législatures qui ne doivent durer que deux ans 5 que, si je me trompe sur cet article, il est facile de me le prouver en produisant le tableau certifié véritable de nos dépenses extraordinaires d'ici à dix ans ; que ces dépenses n'étant composées pres-qu'en entier que d'engagements pris envers les créanciers, ou de fonds à payer pour des travaux publics qu'on ne veut pas abandonner, méritent une considération particulière ; et qu'enfin le total de ces dépenses, dont le premier mn nistre des finances n'a pas eu le temps de nous fournir les détails, s'élève à des sommes très considérables.
Je demande si c'est ainsi que le célèbre William Pitt présente le budaet des finances au parlement d'Angleterre. Je demande ce que penseraient les Anglais [d'une pareille réticence, ou si l'on veut, d'Une pareille obscurité dans le bilan de la fortune publique.
Je peux, sans doute, m'abuser; mais je ne cherche à tromper personne, en disant que M. Necker ne nous a jamais présenté un compte général des finances. A l'ouverture des Etats généraux, ce ministre nous apporta uné copie du compte rendu par M. l'archevêque de Sens ; et il ne nous parla, dans ce long discours, ni de l'évaluation des économies qui montaient à plus de 50 millions, ni de la caisse d'amortissement qui deyait nous coûter au moins 30 millions par année, ni de la dette arriérée des départements qui peut s'élever à deux cents millions. Les économies et les impositions y étaient si bien confondues qu'il était impossible de les distinguer. Il nous proposa d'établir un impôt sur le malheur, en augmentant le produit des quatre deniers par livre sur la valeur des biens meubles, au moment où les ventes sont forcées par la ruine OU par la mort des citoyens. La distribution du tabac râpé dans la province de Bretagne, dont il évaluait le produit à 1,200,000 livrés, ne pouvait pas rapporter une augmentation de 100,000 écus. Quand il nous indiqua ses moyens pour convrirle déficit qu'il fixait à ^millions, il prit pour base le compte rendu par M. Dufresne, ou l'on place parmi les revenus, le produit de la gabelle, des droits d'aides, les revenus caspels et ceux du marc 4'PC» QUI sont anéantis, ou du mpiqs prodigieusement diminués. En faisant toutes ces observations, je ne
reproche à M. Necker ni ces suppressions, ni ces modifications d'impôts qui ne sont pas son ouvrage; mais je dis que le compte de M. Du-fresne supposant une erreur de recette de 80 à 90 millions dans l'état actuel des finances, et que ce compte servant de base à tous les calculs de M. Necker, il était absolument nécessaire qu'il nous présentât un nouveau travail. Les moyens qu'il nous a offerts depiis pour remplacer les revenus supprimés, ne renferment que des indications vagues, des phrases obscures, et jamais un seul calcul précis. Je ne me livre à aucune de ces réflexions pour le vain plaisir d'embarrasser la modestie de M. Nçcker ; mais je crois devoir rendre à l'Assemblée nationale un compte fidèle de l'état dans lequel a laissé mon esprit, la lecture attentive des discours et des mémoires du premier ministre des finances.
Ahl s'il avait voulu se servir de toute l'autorité de sa renommée, et de l'ascendant que luidonnait la confiance publique sur les représentants de la nation, il lui aurait été bien facile, dans le mois de juillet dernier, de nous faire reconnaître la dette, de déterminer de sages économies, et d'obtenir tous les impôts directs ou indirects, nécessaires à la régénération des finances. Si son plan général eût été arrêté à cette époque, un mois de travail suivi, au milieu de l'Assemblée nationale, lui aurait assuré une immortelle gloire. La perception des tributs n'avait pas encore été troublée ; la force publique était dans toute sa vigueur. Nul obstacle n'eût arrêté l'exécution d'un projet si vaste, qu'aucune indécision, aucune incertitude dans l'esprit du ministre n'auraient décrédité auprès des députés du peuple français. La plupart des cahiers exigeaient, il est vrai, que la Constitution fût terminée avant que l'article des finances fût définitivement réglé ; mais qu'aurait-on pu répondre à un ministrequi, pour surmonter toutes les résistances, aurait montré la banqueroute, c'est-à-dire la ruine et l'opprobre de la nation, à Ja porte de ce sanctuaire; à un ministre qui, en rétablissant l'ordre, ne nous aurait demandé que les décrets provisoires ; à un ministre qui, pour rassurer le patriotisme sur l'établissement de la Constitution, nous aurait proposé de ne rien voter en matière d'impôts, que jusqu'au jour de notre séparation, et qui nous aurait ainsi réservé le droit de proroger à la fin de nos séances les décrets que nous aurions rendus provisoirement ? Rien n'eût résisté à une marche si loyale et si ferme. Nous eussions parcouru paisiblement la carrière de nos immenses travaux; les droits de la nation auraient été assurés; et nous ne traînerions plus à notre suite cette longue chaîne de désastres qui acccablent aujourd'hui toutes les classes de citoyens. J'éveille, sans doute, des sentiments douloureux dans le cœur de tous les bons Français, en regrettant que M. Necker ait oublié, dans sa gloire, combien il lui était facile de rétablir l'ordre dans nos finances, au moment où notre enthousiasme le rappela de la Suisse. Un court intervalle de résolution et d'activité eût consacré à jamais son nom, en assurant à la France plusieurs siècles de concorde et de bonheur.
Au lieu de suivre une marche si simple, M. Necker a imaginé d'abandonner cette Assemblée à elle-même ; et il est, sans doute, le premier administrateur qui, étant honoré de la confiance d'un grand monarque, n'ait pas cru devoir donner l'impuLsion, au moins en matière de finance, aux délibérations d'un corps nombreux, dont il ne pouvait pas, sans doute, être l'arbitre, mais
qu'il précipitait infailliblement dans un chaos, dès qu'il cessait d'être son gu de. Que dirait le parlement de la Grande-Bretagne, du cabinet de Saint-James, si les ministres du roi d'Angleterre se renfermaient dans ce rôle passif, durant le cours des sessions parlementaires? Eh! qu'avons nous donc dû penser de la longue inaction de M. Necker, nous qui avons voté sur sa parole, et sans aucune discussion, la contribution patriotique du quart des revenus; nous qui avons interrompu l'ordre du jour, toutes les f >is qu'il a voulu nous parler ou nous écrire; nous, enfin, dont il n'a suspendu qu'une seul'- fois les délibérations, lorsqu'il nous envoya cet étonnant mémoire dans lequel il établissait, relativement à la sanction royale, qu'il suffisait à l'A-«semblée d'accorder au monarque des Français un veto purement suspensif? Mais n'examinons pas dans ce moment son influence sur la Constitution, et revenons aux finances dont l'administration lui est confiée.
L'opération fiscale que l'on vous propose aujourd'hui, M ssieurs, est l'une dés suites fatales et nécessaires d s vues bornées, partielles, et de cet esprit d'inaction ou d'incertitude que M. Necker nous a toujours montré dans l'administration des finances. Il n'a pas su s'emparer de la confiance publique, eu la dirigeant par un plan invariablement arrêté. Satisfait de nous montrer de la mesure, dans un temps où il aurait dû développer toute la puissance du génie, il n'a pas connu les hommes ; il a laissé flotter et divaguer l'opinion. Dès qu'on a vu le timon de l'Etat vaciller dans ses mains, chacun a cru pouvoir s'en emparer et s'ériger en administrateur. Votre délibération actuelle vous en offre un exemple frappant. La cupidité qui a sans cesse les yeux ouverts, dans cette capitale, sur les besoins et sur les fautes de l'administration, enfante chaque jour de nouveaux systèmes pour colorer, sous le prétexte du ben public, les complots qu'elle trame contre la prospérité générale du royaume. On vous présente, dans ce moment, un projet pour faire décréter l'aliénation des biens du domaine et du clergé, au profit des créanciers de l'Etat, qui payeront ces acquisitions avec des contrats portant 5 0/0 d'intérêt, ou dont la valeur sera estimée à raison du denier vingt de leur intérêt annuel.
Il est inconcevable d'abord, que l'on ose proposer aux représentants de la nation, comme une opération juste, de recevoir en payement, sur le pied du capital de la rente actuelle, et non pas au taux de la somme constituée dans l'origine, les contrats que la mauvaise foi et l'impé-ritie des ministres ont déjà réduits arbitrairement. Quelle étrange mesure de loyauté, que de payer rigoureusement toutes les charges des em-prùnts usuraires que nos administrateurs ont ouverts dans ces derniers temps, et de vouloir anéantir les capitaux des rentes, que l'immoralité et la mauvaise foi de leurs prédécesseurs ont diminuées par trois banqueroutes mal déguisées, sans aucun respect pour la justice! Je ne devine pas les raisons qui peuvent nous rendre si scrupuleusement favorables à des usuriers étrangers, tandis que nous traitons, avec tant de rigueur, nos plus honnêtes concitoyens,que nous punissions d'une réduction forcée de leurs revenus, réduction qui n'a jamais été autorisée que par le despotisme ministériel.
Mais ne nous arrêtons pas à celte considération. L'opération que l'on vous conseille est le chef-d'œuvre de l'esprit d'agiotage. Elle doit être célé-
brée à jamais dans la rue Yivienne, et unanimement abhorrée dans tout le reste du royaume. Je n'ai pas l'honneur d'être le confidenlde M. l'évêque d'Autuu, qui vous en a donné le conseil dans une motion imprimée, mais je vais Vous révéler les conséquences et peut-être aussi le secret de son plan.
On appelle agioteurs, les spéculateurs nombreux qui jouent sur les effets publics, c'est-à-dire qui font Je trafic habituel d'en vendre ou d'en acheter, et qui ne cessent d'influer sur leur prix, par les plus honteuses manœuvres. Les agioteurs sont ruinés toutes les fois que le papier reste en stagnation, sans augmenter ni diminuer de valeur. Or, les effets qui circulent sur la place, n'ont pas varié depuis près de deux mois, et les agioteurs sont à l'aumône. Ils ont pris des engagements pour en fournir ou pour en recevoir, et ils sont exposés à perdre les différences qui existent, à l'époque des termes indiqués,entre les valeurs du moment et leurs conventions. Peu leur importe que les effets haussent ou baissent. Les uns parient qu'ils hausseront, les autres qu'ils baisseront; et ces joueurs à la hausse ou à la baisse rentreront en activité dès qu'ils pourront spéculer sur les variations de la place. Cet état actuel de stagnation absolue leur, a paru fort triste. C'est donc pour vivifier l'agiotage, en fertilisant tout à coup ce champ devenu si aride, que M. l'évêque d'Autun vous propose de décréter l'aliénation soudaine de tous les biens du domaine et du clergé. Or, je prétends que c'est le calcul le plus antipatriotique qui a dirigé ce complot dont je vais devoiler toutes les combinaisons.
Eu effet, si vous mettez en vente des biens-fonds pour 2 milliards, et si vous recevez en payement tous les contrats sur l'Etat, à raison de 5 0/0 d'intérêt qu'ils produisent, il est évident qu'au moment où votre décret sera prononcé, tous les effets publics, élevés par votre opération au titre de la monnaie, monteront sur-le-champ au pair. Ainsi, un effet qui perdrait aujourd'hui 25 0/0 sur la f)lace, ne perdrait plus rien demain; de sorte que e porteur de ces effetsserait aussitôt gratifié par vous d'une augmentation du quart de sa fortune ; et tous les agioteurs, qui ont joué à la hausse, seraient évidemment enrichis. Gomme il n'existe dans ce moment aucun effet en circulation qui ne perde au moins 10 0/0 de sa valeur, tous les capitalistes de la Bourse gagneraient un dixième sur leurs capitaux.
Ce ne sera point votre papier-monnaie qui participera au gain de cette révolution imprévue. Pourquoi nos assignats, qui perdent déjà plus de 3 0/0 outre l'intérêt, quand on veut les réaliser en argent, sont-ils néanmoins le plus accrédité de tous les effets publics? La raison en est bien simple : vous leur avez assigné une hypothèque spéciale qui soutient la confiance publique. Au moment où cette hypothèque serait aliénée, les assignats rentreraient dans la classe de tous les papiers qui sont en circulation; et il arriverait nécessairement que les effets s'élèveraient à la valeur des assignats, ou que les assignats descendraient au niveau des effets publics. Il est évident, en effet, que l'opinion ne pourrait plus apercevoir la plus légère différence entre aucun de ces papiers qui auraient tous la même valeur, jusqu'à ce que toutes les ventes fussent consommées, en concentrant dans la capitale toutes les grandes propriétés territoriales du royaume.
Je sais bien que tous les domaines nationaux ne suffiraient pas pour éteindre cette masse énorme de papiers dont la place est ou serait
bientôt couverte ; mais cétte considération doit être pour vous un nouveau motif de ne point adopter l'opération qui vous est proposée. L'appréciation dos biens du domaine et du clergé n'est pas faite encore. L'abolition de la dîme et des droits féodaux diminue les revenus ecclésiastiques de plus de la moitié de leur produit. On peut donc prévoir, avec certitude, de terribles mécomptes dans leur évaluation. Malgré cette réduction, on estime encore les biens nationaux à 2 milliards : et je n'ai nul besoin de contester cette appréciation que je crois excessivement exagérée. Supposons donc que l'aliénation projetée monte à 2 milliards. Voici comment je raisonne d'après cette hypothèse:
On ne contestera pas, sans doute, que ces biens ne soient spécialement hypothéqués aux frais du culte. Je demande donc quel sera le gage de subsistance qui restera aux ministres de la religion, que vous venez de dépouiller avec une si scandaleuse inhumanité, si vous vendez dans ce moment le patrimoine de l'Église? Vos pasteurs seront aussitôt confondus avec tous les autres créanciers de l'Etat. Il ne leur restera plus qu'une subsistance précaire, soumise à toutes les chances du Trésor public. La religion ne sera plus qu'uu impôt, et le plus onéreux de tous les impôts. La faculté que vous nous donnerez d'acquérir nous-mêmes une portion de nos biens sera manifestement illusoire. Vous avez réduit nos salaires avec tant de barbarie, qu'il ne nous est plus possible de nous priver du nécessaire en achetant des propriétés. Or, le culte est la base de tout gouvernement; et vous ne devez pas le compromettre, en aliénant les biens qui forment sa dotation. Nous réclamons notre hypothèque, l'hypothèque de nos créanciers ; et nous demandons que la nation française ne confonde point ses pasteurs qu'elle dépouille, avec les agioteurs qui l'ont ruinée. Que dis-je? Non, nous ne serions pas même traités aussi favorablement que la plupart des agioteurs. Ceux-ci se hâteraient de réaliser leurs papiers en achetant des biens-fonds. Nous n'aurions pas la même ressource; et nous nous verrions relégués parmi ceux des agioteurs qui se seraient présentés trop tard aux enchères pour participer à ces acquisitions territoriales.
Quand nous insistons ainsi sur la conservation de notre hypothèque, on nous répond que nous voulons empêcher la vente de nos biens, parce que nous conservons l'espérance secrète de les recouvrer. C'est ajouter l'insulte et la dérision à l'injustice et à la violence. Faut-il nous exposer et je pourrais dire nous condamner à venir demander honteusement l'aumône aux usuriers qui auront envahi nos possessions, de peur que la nation ne nous les restitue? Si les représentants du peuple français voulaient un jour nous réintégrer dans l'ancien héritage de l'Eglise, seraient-ils embarrassés pour écarter tous ces acquéreurs de mauvaise foi qui nous auraient supplantés; des acquéreurs dont, la plupart n'auraient sacrifié à l'Etat que les profits criminels de leur agiotage; des acquéreurs, ou plutôt des usurpateurs qui auraient ënglouti des biens hypothéqués aux créanciers du clergé, et aux frais toujours privilégiés du culte? Ou cherche à vous intimider, Messieurs, pour vous rendre injustes. Ehl comment vous intimide-t-on? En vous menaçant de votre seule volonté, à laquelle rien ne résistera jamais dans le royaume. C'est ici le combat de la force contre la faiblesse; et le fort ne pourrait affecter une crainle hypocrite en présence du faible, que pour s'autoriser, sans pudeur, à de nouveaux excès d'injustice.
Non seulement les biens du clergé affectés par leur nature à la dépense éternelle du culte public, et déjà insuffisants à cette destination sacrée, non seulement ces biens n'ont pas été évalués jusqu'à présent, mais la dette publique elle-même est encore un mystère pour les représentants de la nation. Vous savez que j'ai souvent insisté dans cette tribunp pour vous presser de liquider la dette de l'Etat. Cette Opération, qui devait être la base de tous vos travaux en matière de finance, est à peine ébauchée. Votre comité des finances a livré a l'impression les états qui lui ont été remis par le Trésor royal. M. l'évêque d'Autun, fortement occupé de l'exécution de son projet, vient de publier, dit-on, des observations dans lesquelles il affirme que la dette de l'Etat ne s'élève qu'à la somme de 4,373,214,616 livres.
Mais d'abord j'arrête ici M. l'évêque d'Autun ou l'auteur de l'écrit qu'on lui attribue, et, je dis : si les biens nationaux ne valent, de votre propre aveu, que 2 milliards; et si vous reconnaissez vous-même que la dette de l'Etat s'élève à 4 milliards et demi, il résultera évidemment de l'aliénation de ces biens qu'une dette de 2 milliards et demi restera sans hypothèque. Vous n'opérez donc pas l'entière libération du Trésor pûbhc en aliénant la totalité de ces biens, et en remboursant des capitaux dont un tiers ne coûte presqu'aucun intérêt à l'Etat. Direz-vous que l'impôt servira d'hypothèque à ceux des créanciers qui ne pourront pas être admis à vos acquisitions? Mais considérez que les frais du culte vont engloutir une partie très considérable de l'impôt; que plusieurs impôts actuellement abolis, tels que la gabelle, par exemple, étaient hypothéqués aux créanciers de l'Etat; que vous ne vouiez voter l'impôt que pour deux ans, et que l'impôt devrait être perpétuel pour servir d'hypothèque invariable à vos créanciers. Considérez enfin que tous les créanciers actuellement reconnus ont un droit égal à l'hypothèque des biens nationaux; qu'il n'y a aucune raison pour favoriser l'un au préjudice de l'autre, et que, ne pouvant pas tous participer à vos ventes, ils ont tous le droit de s'opposer aux aliénations.
Mais je n'ai pas besoin de m'arrêter à ces considérations pour appuyer l'argument que je tire de la dette publique. Cette dette n'est pas encore liquidée. Personne au monde n'a donc le droit de la fixer. Vous prétendez qu'èlle ne s'élève pas au-dessus de 4 milliards et demi. Quant à moi, qui me suis occupé autant que vous, et peut-être plus que vous, de cette liquidation importante, je connais depuis longtemps le tableau que vous me présentez sur la foi apparente du comité des finances dont je suis membre. Malgré mes recherches, je n'ai pas encore pu parvenir à évaluer avec une exacte précision la dette publique; mais je vais prouver que, sans avoir atteint la borne de vos créances, mes découvertes m'ont appris que la dette publique s'élevait au-dessus de 7 milliards. Eh ! qu'on ne m'accuse point du projet criminel de provoquer la banqueroute, en révélant à la nation cette effrayante vérité.
Non, je ne désespère point du salut de l'Etat, qu'une ignorance coupable pouvait seule compromettre. Je ne cherche point à répandre l'alarme, en portant la lumière jusqu'au fond de cet abîme, qu'il faut sonder dans toute sa profondeur, puisqu'il faut le combler. Je déclare hautement que ia nation a des ressources suffisantes pour acquitter avec honneur tous ses engagements, dès qu'il y aura en France, entre les mains du roi, une force publique, un ressort d'autorité;
sans lequel l'impôt ne peut jamais être perçu. Ayez donc, Messieurs, le courage d'entendre ce que j'ai le courage de dire. On veut nous éblouir par des promesses, par des approximations, par des flatteries qu'on appelle ici des preuves de patriotisme; mais il faut des calculs; on ne nous en présente aucUn, et ceux que je viens vous offrir sont incontestables.
Voici donc, Messieurs, le tableau de la partie de la dette nationale que je connais, et dont je garantis la certitude en vous la dénonçant. Je ne parle point des intérêts que la nation paye; je parle uniquement du capital qu'elle doit. Je ne répondrai à aucun anonyme; mais je m'engage solennellement à justifier l'exactitude du compté suivant, dont j'ai déjà discuté tous les articles dans deux longues séances de votre comité des finances; je m'engage,dis-je, à en démontrer la vérité contre tous ceux qui voudront me contredire, à la seule condition qu'ils mettront leur nom aux écrits qu'ils voudront publier contre moi.
ÉTAT DE LA DETTE PUBLIQUE.
Le capital des rentes cons-stituées monte à 2 milliards 600 millions, ci..........2,600,000,000 liv.
Les rentes viagères et les tontines s'élèvent à 103 millions, à raison de 7, 8, 9, 10 0/0 d'intérêt. Je suppose qu'elles sont toutes à 8 0/0, et qu'elles forment,, par conséquent, un capital de 1 milliard 236 millions, ci.1,236,000,000
Les assignats nouvellement créés, et déjà dépensés avant leur émission, 400 millions,ci............400,000,000
La dette du clergé général, 150 millions, ci......150,000,000
Emprunt national du mois de septembre dernier, moitié en argent, moitié en papier, et dont un quart n'est pas rempli, 30 millions, ci.30,000,000
Les payeurs et les contrôleurs des rentes, 32 millions, ci —.............32,000,000
Les receveurs généraux et particuliers des finances, 80 millions, ci............80,000,000
Les fermiers généraux, les régisseurs généraux, les administrateurs du domaine, 205 millions, ci...........205,000,000
Les prêts faits au Trésor royal, par M. Necker ou par M. de Mory, 4 millions, ci.4,000,000
Les remboursements en annuités dues à la caisse d'escompte et aux notaires de Paris, 77 millions, ci...77,000,000
Tous les effets au porteur, qui circulent sur la place, en y comprenant les fonds -de l'a ncie n ne com pagn ie d es Indes, 497 millions, ci...
Le gouvernement de l'intérieur du royaume, 4 millions, ci..................4,000,000
A reporter....... 5,315,000,0001iv.
Report......5,815,000,000 liv.
Toutes les charges de magistrature et de finances, aveo les offices ministériels des procureurs, des huissiers et des notaires, les greffes, les grandes et les pe-* tites chancelleries, 600 millions, ci....... .........600,000,000
Les anciennes dettes liquidées, 12 millions, ci.. .12,000,000
ï Les emprunts dans l'étranger, 10 millions, ci....10,000,000
Les emprunts sur les pays d'Etat, 130 millions, ci....130,000,000
L'arriéré des départements, 150 millions, ci....150,000,000
Les dettes particulières des diocèses, des ordres religieux, des congrégations, des monastères, des chapitres et des bénéfices, 150 millions, ci,.,. ,,,,,150,000,000
Les dîmes inféodées dont la nation a promis le remboursement au denier 25, et dont le produit est de 10 à 11 millions de revenus, selon le rapport imprimé du comité ecclésiastique, 250 millions, ci...........250,000,000
Les charges de la maison du roi, de la reine et des princes, 52 millions, ci...52,000,000
Les emplois militaires, les charges de l'état-major et des commissaires des guerres, 40 millions, ci...40,000,000
Les avances des fermiers de Sceaux et de Poissy, 1,200,000livres, ci........1,200,000
Les dettes particulières à l'administration de chaque pays d'Etat, qui sont devenues la dette de la nation, depuis que ces administrations sont anéanties, et que l'ancienne division des provinces est changée , au moins 60 millions, ci.. *...60,000,000
Les jurandes de tout le royaume, qui ne sont pas encore supprimées, mais dont la suppression est une conséquence nécessaire de Ja nouvelle Constitution, et qui, dans tous les cas, n'en forment pas moins une partie de la dette publique, puisque l'Etat a vendu ces privilèges, dont il a garanti Ja jouissance, 130 millions, ci......................130,OQQ,000
Total........... 6,900,200,000 liv.
Je m'arrête. J'avais affirmé que la dette publique montait à 7 milliards : je le démontre. Je n'ai parlé ni de la non-valeur de la perception des impôts, ni de leur suppression, ni des nouvelles dépenses dont l'Etat est chargé en veFtu de nos décrets, pour les frais du culte, le traitement des bénéficiers, des pensions des rëligieux et des re-
ligieuses, l'administration de la justice, les assemblées nationales permanentes, les assemblées administratives des départements, des districts, des directoires, des municipalités. A toutes ces dépenses annuelles, dont l'Assemblée nationale vient de charger, pour la première fois, le Trésor publie, il faut ajouter la masse de la dette, que nos décrets ont prodigieusement augmentée, comme on vient de le voir dans le tableau précédent, et surtout le remboursement que nous avons nécessité d'une portion considérable de nos dettes, dont la nation ne payait point ou presque point d'intérêt. Ce n'est pas à celui qui révèle avec franchise les créances de l'Etat que doivent s'en prendre les citoyens justement contristés d'une si affligeante énumération ; c'est uniquement à ceux qui ont tant aggravé notre fardeau que le patriotisme peut demander compte de ce formidable résultat de leurs décrets. En disant ainsi la vérité, je crois, Messieurs, faire un grand pas vers l'ordre, sans lequel il ne saurait y avoir aucune sûreté pour les créanciers de l'Etat.
Loin d'exagérer 1a dette nationale, je ne l'ai point suivie dans foutes ces ramifications. Ce n?est point, en effet, une liquidation exacte que je présente; je porte simplement pour mémoire l'arriéré des rentes, des pensions, des In térêts et des gages, quoique cet article excède 200 millions, en y comprenant le semestre, échu le 1er juillet dernier. Je porte, également pour mémoire, les dettes particulières de tous les tribunaux du royaume, le remboursement du papier des îles, les anticipations dont le renouvellement nous a été dénoncé, toutes les créances sur l'Etat qui me sont inconnues, et l'examen des dettes particulières de l'hôtel de ville de Paris, sur lesquelles il est faoile de prévoir les plus sérieuses contestations.
On m'a objecté : 1° que l'exacte appréciation des charges de judicature était inférieure à mon estimation ; 2* qu'il ne fallait pas évaluer la dette constituée par l'énonciation des capitaux, mais uniquement par le montant des intérêts; 3° que le capital des rentes viagères étant anéanti, il fallait le retrancher de la dette publique.
Voilà les trois seules objections sérieuses qui m'aient été opposées dans votre comité des finances. Je vais vous communiquer mes réponses, dont la grande majorité de mes collègues m'a paru satisfaite, et vous jugerez entre nos différents systèmes de quel côté se trouve l'illusion ou lp vérité.
D'abord, ce n'est point sur la première quittance de finance qui n'existe plus : ce n'est point en raison du centième dernier, auquel la plupart des charges n'étaient point soumises, et qu'aucun office ne payait à la rigueur, qu'il faut évaluer les charges de magistrature. La liquidation doit en être faite dans tous les tribunaux, conformément aux dispositions de l'édit de 1771. Ce travail est encore très incomplet; et le comité de judicature le terminerait promptement, s'il voulait s'en occuper. Les offices ministériels doivent subjr une suppression presque générale en vertu de la nouvelle organisation des tribunaux. J'observerai à ce sujet que nos décrets ont établi, dans tous les districts, des tribunaux composés de cinq juges, et qu'ils ont anéanti tous les tribunaux supérieurs. On avait cru, jusqu'à présent, que pour exciter l'émulation parmi les jurisconsultes, et pour prévenir la corruption des juges, il fallait avoir peu de tribunaux, et beaucoup de juges dans chaque tribunal. Nous avoh$ décrété tout le contraire: et le temps nous jugera. Mais* sans me livrer a cette digression, je me borne à 1$ partie finan-
cière des offices, et je l'évalue à 600 millions, en y comprenant les charges de finance. L'avis de plusieurs personnes instruites dans cette matière; les omissions remarquables que je trouve dans les liquidations déjà connues ; les réclamations qui m ont été adressées par plusieurs bailliages, où l'on demande avec justice, outre le prix réel d'acquisition, le remboursement des frais de réception et des droits du marc d'or; l'appréciation que j'ai faite des charges de la chancellerie et du conseil des parties; enfin, tous les renseignements que j'ai pris à ce sujet me conduisent au résultat d'une créance de plus de 600 millions. La conservation des offices des notaires en suspendrait le remboursement, mais elle n'en éteindrait pas le capital.
Je passe maintenant à la liquidation delà dette constituée et je dis qu'il ne faut point l'évaluer par le montant des intérêts, mais par les sommes stipulées dans les contrats de constitution. Je sais bien qu'en appréciant la dette constituée à raison de 5 0/0 des intérêts annuels que paye l'Etat, on obtient une réduction fictive très considérable; mais cette évaluation me paraît évidemment injuste. Les créanciers du clergé, par exemple, qui se sont réduits volontairement a 4 0/0, comme je l'ai déjà observé, tandis qu'ils auraient pu placer leurs fonds sur le roi à 6 et même à 7 0/0, doivent-ils perdre, au moment de leur remboursement, un cinquième de leur créance ? Les rentes constituées ont été déjà réduites par le gouvernement, avec le despotisme le plus arbitraire en 1720, en 1764, en 1771 ; mais du moins nos administrateurs immoraux coloriaient ces confiscations tyranniques, en promettant d'établir, comme dédommagement des réductions ,' des caisses d'amortissement pour remboufser annuellement les capitaux par la voie des loteries. G'est à cette condition que les plus honnêtes créanciers de l'Etat ont subi une énorme diminution dans leur fortune. La condition n'a point été remplie, Peut-on se faire aujourd'hui un titre contré eux de l'injustice et de la mauvaise foi des ministres ? Quel est celui de ces créanciers ainsi réduits qui, ne pouvant plus redouter aucune nouvelle réduction, puisqu'elle aurait tous les caractères de la plus infâme banqueroute, ne préfère ses rentes actuelles ainsi diminuées, à un capital qui n'en représenterait lè fonds qu'à raison de 5 0/0 de l'intérêt annuel dont il jouit ? Le fisc le plus avide ne peut plus l'atteindre; et intérêt pour intérêt il préférera toujours celui qui est attaché à un capital plus considérable. Aussi voyons-nous que ces rentes ainsi réduites sont précisément celles que l'on estime le plus dans le commerce. D'ailleurs, l'Etat doit manifestement ce qu'il a reçu : or, il a incontestablement reçu toutes les sommes énoncées dans les contrats. Ce n'est donc pas moi ui fait une fiction, en évaluant ainsi les créances e l'Etat. La fiction appartient ici tout entière au système que l'on m'oppose, en composant la masse idéale de la dette d'après l'intérêt de 5 0/0 qu'elle coûte au royaume. D'ailleurs, tous les efforts de l'Assemblée nationale tendent à la diminution progressive de l'intérêt de l'argent ; et cette désirable révolution serait l'effet nécessaire dq rétablissement du crédit public. Qr, plus l'intérêt de l'argent baissera, plus vous vous rapprocherez de la valeur primitive des capitaux que vous devez : ils auront alors, par la seule diminution de l'intérêt, toute la valeur foncière qu'ils
cepter aujourd'hui leur remboursement'd'après la réduction des intérêts ; et qu'outre la priorité de leur hypothèque, la lésion même qu'ils ont soufferte ne permet plus de faire aucune spéculation qui réduise encore une fois leur créance de moitié. G'est la cause commune de tous les rentiers de l'hôtel de ville de Paris, du clergé et des pays d'Etat, que je défends, en développant ces principes; et j'observe qu'après nous avoir fait longtemps uu mystère de la dette de l'Etat, on a recours aux plus misérables sophismes et aux fictions les plus immorales pour en diminuer la masse.
On m'oppose enfin que le capital des rentes viagères est anéanti, et que l'Etat ne pouvant pas être tenu de le rembourser, je ne dois le compter pour rien dans la liquidation de la dette publique.
Cette objection ne paraît pas sérieuse, sans doute, à ceux mêmes qui la proposent. Je sais bien que le capital des rentes viagères étant aliéné à perpétuité, l'Etat ne peut être tenu de le restituer aux prêteurs ; mais il n'en est pas moins vrai que la nation est intéressée, et qu'elle est autorisée à faire Ce remboursement, et qu'une créanee dont l'intérêt annuel s'élève au-dessus de 100 millions, forme non seulement une véritable dette à la charge de l'Etat, mais qu'elle est encore la plus grande plaie. Cette discussion exige quelques développements.
Distinguons d'abord entre les rentiers viagers, les honnêtes citoyens qui ont placé sur leur tête le fruit de leurs travaux ou de leurs économies, et les étrangers qui, par de savantes spéculations, ont placé leurs fonds ou les produits de leur agiotage sur vingt, trente, quarante et jusque sur cent vingt têtes choisies à l'âge de nuit ou dix ans, à Genève et en Suisse. Les premiers sont des joueurs qui ont parié avec l'Etat, qu'ils vivraient au bout de l'année : ils ont gagné dès qu'ils rapportent leur certificat de vie ; ils doivent être payés. Les seconds ne sont pas des joueurs, mais des calculateurs infaillibles ; il ont spéculé que par la répartition de leurs rentes viagères sur un grand nombre de têtes choisies, la longue vie du plus grand nombre des sujets compenserait quelques morts imprévues, et qu'ils recevraient la totalité de leurs rentes pendant qua-rante-trois ans. Les calculs des probabilités de la vie humaine, font eu ce genre de véritables démonstrations. Le capitaliste genevois est assuré de jouir de son revenu viager, pendant quarante trois ans ; et s'il veut l'aliéner, il peut le vendre tous les jours à un prix réglé par ces combinaisons.
Cette théorie-pratique des emprunts viagers sera l'époque la plus remarquable du ministère de M- Necker. C'est lui seul, il faut l'avouer, qui, èn donnant à nos finances une prospérité apparente, en assurant contre toute vérité qu'il soutenait une guerre sans augmenter les impôts, a opéré la ruine du royaume, par des emprunts exorbitants. L'appât qu'il présentait aux prêteurs a singulièrement renforcé son crédit personnel, qui nous est devenu si funeste. Il faut, dit M. Hume, qu'une nation anéantisse le crédit public, ou que le Crédit public anéantisse la nation. Le grand art de M. Necker consista toujours à substituer de nom* le crédit des banquiers au crédit des financiers. Ses énormes emprunts eussent été impossibles, malgré les avantages usu-raires qu'ils offraient aux prêteurs, si la caisse d'escompte n'avait facilité les opérations inouïes qui se succédaient avec une si étonnante rapi-
dité. Ce ministre a prodigieusement favorisé cet établissement, sur lequel il a fondé toute sa gloire. Ce n'est point ici le moment de montrer le mal irréparable qu'a fait la caisse d'escompte en ruinant le commerce, en fournissant des moyens si faciles de faire des avances en papier au gouvernement, en transportant notre numéraire chez les étrangers, et en accréditant, par cette extraction, les plus absurdes et les plus infâmes calomnies. Toutes ces vérités ont été déjà développées en présence de l'Assemblée nationale. Les fortunes incompréhensibles de plusieurs banquiers, depuis dix ou douze ans, et les brigandages des agioteurs, ont été l'effet naturel des systèmes administratifs de M. Necker. Outre les facilités que l'agiotage donnait à la caisse d'escompte, pour faire remplir les emprunts viagers, les banquiers recevaient 1 0/0 d'intérêt pendant neuf mois pour le montant de leurs soumissions; et ils négociaient ensuite, pendant un semestre entier, le titre de l'emprunt à leur profit; de sorte que les mêmes opérations qui ont ruiné le royaume, ies ont enrichis.
Ces rentiers viagers, qui ont fait de si lucratives spéculations sur le peuple français, prévoient aujourd'hui que l'ordre sera rétabli dans les finances, ou que le désordre le plus irrémédiable va les bouleverser pour toujours. Si le désordre a lieu, leur ruine est inévitable; si l'ordre est rétabli, leur proie doit leur é( happer, parce que ia première opération d'un ministre intelligent sera Je remboursement des capitaux viagers, par des annuités qui éteindront la dette dans quatorze ans, au lieu d'en supporter l'intérêt pendant plus de quarante années.
Les annuités, dans le sens que je leur donne ici, sont des rentes qu'on ne paye que dans un nombre déterminé d'années et qui réunissent par des remboursements annuels, l'intérêt et le principal. M. de Parcieux publia, en 1746, la théorie des annuités, et il en diviea la table depuis un jusqu'à cent ans. Les étrangers ont su très bien profiter de celte explication; mais comme, en France, le gouvernement a toujours été jusqu'à présent fort en arrière de la nation, nous sommes obligés d'apprendre, par l'exemple des étrangers, ce qu'ils ont appris eux-mêmes dans les ouvrages de nos écrivains.
Quand l'Assemblée voudra discuter les remboursements des renies viagères, par la voie de ces annuités, je tâcherai de prouver la justice d'une pareille opération, et on ne vous persuadera pas sans doute aisément, Messieurs, que l'Etat fasse banqueroute à ses créanciers, en leur restituant les capitaux qu'il en a reçus, avec l'intérêt légal qu'ils ont droit d'exiger.
Les moralités les plus sévères ne peuvent condamner une nation qui a fait un marché ruineux pour elle, à le ratifier, quand elle peut se soustraire à cette vexation par un remboursement loyal et effectif.
Si les étrangers, qui jouissent de nos rentes viagères, acquéraient aujourd'hui nos biens nationaux, cette conversion de propriétés présenterait à leurs avides spéculations deux opérations aussi avantageuses pour eux, que funestes à la France. D'abord, celte immensité de domaines que nous mettrions en vente, en ferait nécessairement baisser le prix, et ensuite l'impossibilité de placer l'argent dans les fonds publics amènerait une augmentation inévitable dans la valeur des propriétés foncières.
Il arriverait alors que les acquéreurs des biens nationaux les conserveraient, ou qu'ils les aliéne-
raient. S'ils les conservaient, la France serait ruinée à jamais, parce que l'extraction annuelle de notre numéraire transportant, ch z l'étranger, non pas seulement comme à Tunis ou à Maroc, un simple tribut, mais le produit territorial de deux de nos meilleures provinces, épuiserait nos trésors et entretiendrait à jamais le change dans l'état le plus onéreux au royaume. S'ils se déterminaient, au contraire, à vendre avec prudence les domaines qu'ils auraient acquis, le prix de ces ventes absorberait et extrairait le numéraire de toutes nos provinces. Voilà le complot que l'agiotage a formé, et que je dénonce au patriotisme de tous les bons Français.
Après avoir expliqué le système de M. Necker, relativement aux emprunts, et les ravages qu'il a opérés dans nos finances, je vais profiter de cette discusion pour développer et comparer les principes et la méthode du gouvernement anglais sur cette partie d'autant plus importante de l'administration, qu'il est impossible d'entreprendre ou de soutenir aucune guerre aujourd'hui sans la ressource des emprunts.
Pour bien entendre la manière dont les emprunts nationaux se font en Angleterre, où l'on n'a jamais abusé du moyen ruineux des anticipations, il faut s'arrêter d'abord à deux observations préliminaires.
La première, c'est que l'intérêt payé par le gouvernement anglais est fort au-dessous de l'intérêt légal que chaque citoyen peut exiger de son débiteur. L'intérêt du prêt a été longtemps inconnu dans les lois anglaises. Pour placer son argent à intérêt, il fallait recourir à un contrat pignoratif connu dans la jurisprudencedelaGrande-Bretagne sous le nom de mort-gage, en vertu duquel le créancier n'avait pour intérêt que le revenu d'un immeuble. Pendant longtemps, les tribunaux de la loi commune n'ont autorisé que cette espèce d'intérêt, qui ne saurait être fixé légalement, et qui est par sa nature nécessairement plus considérable qu'un intérêt pécuniaire déterminé par la législation. Il était d'usage que le propriétaire, après avoir ainsi engagé un immeuble, en prit le bail qui durait autant que le mort-gage, et dont le produit représentait l'intérêt volontairement convenu entre le créancier et le débiteur. La loi avait pris des précautions pour empêcher la cession des propriétés engagées, quand la lésion était trop forte ; mais elle u'avait opposé aucune barrière à l'usure, qui n'était soumise, par la loi, à aucune peine, et même à aucune inspection.
Les tribunaux d'équité fournirent, les premiers, aux créanciers, le moyen légal d'exiger les intérêts stipulés pour un prêt, sans recourir à la forme du contrat pignoratif. Les tribunaux de la loi commune ont ensuite admis la même jurisprudence, au moyen de plusieurs fictions de droit, infiniment bizarres. Les difficultés qu'entraînait cette jurisprudence, et la lenteur des décisions ont donné, dans l'opinion publique, une grande faveur aux obligations du gouvernement, qui a toujours stipulé, danssesemprunts, des intérêts fixes, sous le nom d'annuités. On connaît en Angleterre trois espèces d'annuités ; les unes sont fort rachetables et doivent être payées jusqu'au parfait remboursement de la somme reçue; les autres sont à vie, et les dernières sont limitées à un certain nombre d'années. Toutes les fois que le parlement a créé des annuités de cette dernière clase, il les a déclarées non rachetables, parce qu'elle doivent s'éteindre sans aucun remboursement.
Le gouvernement anglais a employé l'expression d'annuités, parce qu'à l'époque des premiers emprunts, l'intérêt légal de l'argent n'était pas connu encore en Angleterre. Les premiers emprunts du gouvernement français furent faits dans les mêmes principes. Nos administrateurs ne stipulaient aucun intérêt pour les capitaux qu'ils empruntaient; mais ils aliénaient des rentes viagères ou perpétuelles.
Les particuliers ont adopté, en Angleterre, la forme d'emprunts parannuités, dont le gouvernement leur avait donné l'exemple ; et ce genre d'engagement a été maintenu par les tribunaux.
La seconde observation que j'ai annoncée, c'est que les emprunts du gouvernement anglais ayant commencé, avant que la méthodedes appropriations des fonds fût admise, ils n'étaient que des engagements de la couronne, sans aucune garantie du parlement. Telles sont encore aujourd'hui les dettes de la liste civile, dont le roi seul répond jusqu'à ce que le parlement s'en charge volontairement, ce qui est arrivé plusieurs fois, et elles sont alors comprises dans la dépense de l'année. Tant que les dettes du gouvernement anglais n'ont été que des engagements particuliers du roi, elles ont été contractées à des termes fort courts, avec un intérêt assez considérable, et toujours payé d'avance : c'est de là qu'est venue une forme d'emprunt très commune en Angleterre sous le nom de billets de l'Echiquier, dont le parlement a continué de faire usage, depuis qu'il s'est réservé l'administration des finances. Charles II suspendit, de son autorité privée, pendant environ dix-huit mois, le payement des billets de l'échiquier, dans un temps où il n'espérait pas pouvoir les renouveler. Cette scandaleuse infidélité à la foi publique avait décrédité les billets de l'échiquier. Le parlement reconquit la confiance publique, et il en rétablit la circulation.
A une époque très peu éloignée du moment présent, la législature anglaise a fixé le taux de l'intérêt légal, mais à titre de dommages seulement, à 6 0/0. Sous le règne de la reine Anne, Je même intérêt fut réduit à 5 0/0, et c'est encore aujourd'hui le taux de l'argent en Angleterre.
Les premiers emprunts cautionnés par le parlement, sous la forme de création ou d'aliénation d'annuités, supportèrent uu intérêt plus considérable.
L'établissement de la banque d'Angleterre, dont l'utilité politique est encore un si grand problème, fit baisser l'intérêt de l'argent, parce que, pour obtenir son privilège, la banque acquit du gouvernement une annuité plus chère pour le préteur que le prix courant. Elle s'engagea d'ailleurs à faire circuler, à ses risques et périls, une grande quantité de billets de l'échiquier, à un an de terme et à un intérêt inférieur à celui de la place.
L'augmentation des capitaux qui sont en circulation en Angleterre, tant réellement que fictivement, par le moyen des billets de cette même banque, dont on a souvent exagéré, dans cette Assemblée, le discrédit momentané, a beaucoup contribué à la réduction de l'intérêt de l'argent. Daus des temps difficiles, le gouvernement anglais a été obligé de l'augmenter pour se procurer des fonds; et cette détresse se tit sentir principalement au commencement de ce siècle, pour les frais de la guerre de la succession d'Espagne. Le parlement, ne voulant point paraître empruntera un taux plus élevé, ajouta dès lors par forme de prime, à une annuité rachetable, une autre an-
nuité soit à terme fixe, soit viagère, qui semblait accordée gratuitement à chaque acquéreur d'une annuité particulière. Ce sage gouvernement, que je revère comme un gouvernement classique pour tous les peuples de l'Europe, adopta de bonne heure la méthode de créer des impôts pour payer les nouvelles annuités dont il se chargeait. Cette correspondance vraiment morale, vraiment économique, vraiment patriotique entre les emprunts et les impôts, a préservé l'Angleterre de l'abus et du discrédit des annuités.
La banque royale acquit ensuite une nouvelle annuité pour obtenir le renouvellement de son privilège : mais les conditions en furent plus avantageuses au gouvernement, qui paya un intérêt moins considérable; et la banque fit circuler une plus forte somme des billets de l'échiquier, à un moindre intérêt. La compagnie des Indes acheta également une annuité, à un prix très favorable au Trésor public; et la compagnie de la mer du Sud se soumit aux mêmes conditions pour obtenir son privilège. Les loteries furent instituées d'après le même principe, et dirigées vers le même but. Dès que le gouvernement se fut ainsi environné de secours, il s'établit un fonds d'amortissement, et les remboursements commencèrent immédiatement après la paix d'Utrecht. J'avoue que ces amortissements furent d'abord très faibles ; mais c'était une grande leçon d'économie, et la nation anglaise ne l'a jamais oubliée.
En 1719, te même bouleversement des fortunes, qui ruina la France, se lit sentir en Angleterre. La compagnie de la mer du Sud se chargea de toutes les dettes du gouvernement, moyennant une annuité rachetable à un taux moindre que l'intérêt dont l'état était grevé entre ses créanciers. Cette entreprise, qui ne réussit pas, fut cependant très utile au Trésor public. Les directeurs de la banque royale montrèrent, dans ce moment de crise, une politique très profonde et très sage, et partagèrent avec le gouvernement les profits d'une grande opération'manquée. La banque vint au secours de la compagnie de la mer du Sud, qui était prête à faire banqueroute; et du milieu de ce désordre, dont les administrateurs surent adroitement profiter, on vit s'établir une diminution considérable sur l'intérêt de l'argent. Cette réduction fut l'effet de l'obéissance de l'opinion en Angleterre, et de la confiance du public dans les billets de banque, confiance qui, en élevant son crédit au-dessus de ses fonds, la mit en état de faire à très bas prix, des avances fort importantes, soit aux particuliers, soit au gouvernement. Les actions de la banque commencèrent à gagner alors ; elles ont toujours gagné depuis cette époque, et, dans ce moment, elles gagnent de soixante-douze à soixante-quatorze pour cent.
Dès que le parlement se fut ainsi concerté avec la banque d'Angleterre, il offrit aux créanciers de l'Etat de racheter les annuités qui avaient été créées à un taux élevé. Cet arrangement lut trouvé solide pour l'amortissement de la dette publique; plusieurs créanciers préférèrent ces annuités rachetables à un remboursement imprévu. Le taux de toutes les annuités rachetables fut fixé à trois et demi pour cent, jusqu'à l'année 1782, et le parlement décréta qu'à cette époque, elles seraient réduites à trois pour cent. Les annuités viagères ou à terme restèrent daus une proportion plus avantageuse à leurs propriétaires.
Le gouvernement anglais ne profita presque point de la longue paix dont il jouit depuis le
traité d'Utrecht, jusqu'au moment où il déclara la guerre à l'Espagne en 1739. Cette paix ne fut troublée que par l'entreprise des Espagnols sur Gibraltar en 1727. Durant cet intervalle de tranquillité, la nation remboursa peu de capitaux, et le Trésor public ne fut soulagé que par la réduction des intérêts.
La guerre d'Espagne, la guerre avec la France, qui d'auxiliaire devint partie principale, obligèrent le gouvernement anglais à des emprunts très considérables, et cette dépense augmenta l'intérêt de l'argent. Le parlement fut fidèle à sa méthode des annuités, et son alliance intime avec la banque d'Angleterre rendit ses opérations moins onéreuses à l'Etat. Après la paix d'Aix-la-Chapelle, en 1748, la nation reprit ses opérations économiques, et continua ses remboursements.
La guerre de 1756 lit sur les fonds publics l'effet que doivent toujours Opérer des dépenses extraordinaires. L'intérêt de l'argent augmenta; et le parlement, ne voulant pas se soumettre à un plus haut intérêt, déguisa sa détresse en ajoutant par forme de prime, aux annuités rachetables, des annuités à terme fixe.
. Après la paix de Paris, en 1762, les représentants de la Grande-Bretagne revinrent à l'économie et aux amortissements. On avait déjà remboursé dix millions de livres sterlings, lorsque l'insurrection de l'Amérique septentrionale suspendit les amortissements, nécessita de nouveaux emprunts et éleva la dette nationale à des sommes exorbitantes.
Durant tous les intervalles que nous venons de parcourir, l'intérêt des billets de l'échiquier, qui sont à un an de terme, fut réglé, comme il l'est encore aujourd'hui, à deux deniers par jour pour cent livres, c'est-à-dire à trois livres dix deniers par an. La somme de ces billets, que la banque est obligée de mettre en Circulation à un prix si modique» fut déterminée à trois millions de livres sterlings; mais la banque a eu très rarement, en émission, la représentation d'un pareil capital*
Voici» Messieurs, en quoi consiste cette obligation de faire circuler les billets de l'échiquier. La banque s'oblige de faire payer à vue tous ceux de ses billets qui lui sont présentés, en tenant compte de l'intérêt. Elle les donne en payement de ses propres billets au porteur, ou de ses obligations à terme, à tous ceux qui veulent les accepter; car il faut bien remarquer que le cours des billets de l'échiquier n'a jamais été forcé en Angleterre. Les capitalistes anglais le3 gardent dans leur caisse pour profiter de l'intérêt journalier qu'ils produisent» Ordinairement la banque elle-même prend ce dernier parti, de sorte que ce qu'on appelle, en Angleterre, faire circuler des billets, n'est autre chose dans le fait que les retirer de la circulation.
Quand le parlement d'Angleterre a besoin de fonds extraordinaires, il crée des annuités auxquelles il affecte des impôts, pour les acquitter et les racheter successivement. L'urgence, plus ou moins grande de ces secours, détermine à créer des annuités à terme, ou à les rendre viagères, ou à établir une loterie. Le parlement ordonne, eh conséquence, l'émission d'une certaine somme des billets de l'échiquier ; il statue que le payement des annuités ou des billets de loterie sera fait sur le fonds d'amortissement ou sur le produit des nouveaux impôts auquel il affecte toujours la majeure portion des contributions publiques. Dès que ces dispositions sont décrétées, on ouvre une souscription pour l'acquisition des annuités ou des billets de loterie. Les
capitalistes et les banquiers négocient les conditions de la souscription avec le ministre des finances. On règle d'abord les époques auxquelles les souscripteurs feront leurs payements, qui ne s'effectuent jamais que par termes, dans le cours de l'année. On fixe ensuite le prix des différents effets, et on détermine l'intérêt que le gouvernement doit payer pour chaque somme de cent livres sterlings. Pendant la dernière guerre, les effets ainsi mis en circulation ont été payés quelquefois à cent trente pour cent. On donnait, par exemple, une aunuité rachetable du prix de cent livres, une annuité à terme estimée dix-huit livres, et un billet de loterie qui valait environ douze livres.
Lorsque les clauses de l'emprunt sont ainsi convenues, les banquiers et les capitalistes font leurs soumissions ; et comme leurs engagements excèdent toujours leur fortune réelle, c'est à leur industrie à tirer un parti avantageux des effets qui leur sont remis par le gouvernement. Le premier payement que le ministère exige sur la souscription, est assez fort pour que l'engagement puisse être rempli par d'autres, si le premier souscripteur néglige de tenir sa parole, parce que ses avances sont perdues pour lui. On conçoit que cette inexactitude de payement doit être très rare, attendu que le souscripteur qui a fourni d'abord des fonds considérables, aime mieux vendre à perte, que de sacrifier ses déboursés. Le corps des souscripteurs concerte assez bien ces ventes pour les rendre toujours avantageuses.
D'après cette méthode de lever les fonds nécessaires au service public, il doit y avoir des moyens très abusifs pour couvrir de si énormes escomptes; aussi, excepté la solde des troupes, dont les comptes sont soumis à des formalités rigoureuses, les autres parties de la dépense publique ne sont jamais bien connues. A cette occasion, j'oserai prédire ici, d'avance, que la même obscurité et le même désordre s'établiront bientôt dans notre comptabilité. C'est une vérité que l'on ne saurait comprendre aujourd'hui* mais qui sera incessamment démontrée par l'expérience, qu'il n'existe pas, dans l'univers, de gouvernement moins économique que celui qu'on introduit dans ce moment en France. On y sera nécessairement ou trop resserré sur les fournitures des fonds, ou trop facile sur les pièces justificatives des dépenses, et la comptabilité deviendra un chaos beaucoup plus impénétrable que l'abîme d'où nous sortons. Au lieu de profiter, en ce genre, de l'exemple de nos voisins, nous ne serons éclairés que par nos propres fautes. Quand un gouvernement populaire vise à l'économie, il se livre ordinairement aux plus cruelles injustices; il ne juge de ses droits que par l'immensité de son pouvoir. Se croit-il dispensé de la parcimonie, il s'abandonne aux plus excessives 'prodigalités ; et il ne change ainsi que de manière d'être injuste. Voilà l'inévitable alternative d'une grande nation qui doit charger son chef des affaires qu'elle ne saurait bien conduire elle-même, elle gagne tout : quand elle le surveille; elle perd tout quand elle veut le remplacer.
L'expérience Be réunit au raisonnement pour démontrer que notre nouveau gouvernement français, et qu'en général, tout gouvernemont où Je peuple à une grande influence, ne saurait être économique par sa nature. Le gouvernement anglais est extrêmement cher. Les places y sont très multipliées, et outre les appointements qui leur sont attachés, les émoluments en sont très considérables. Je sais bien que l'on attribue com-
munément ces formes dispendieuses à l'influence de la cour ; mais j'observerai que cette influence est heureusement inévitable dans un grand ntat, puisque^ sans elle, un grand Etat, livré à l'ascendant des partis qui ne cesseraient de le déchirer, ne pourrait pas se soutenir pendant un demi-siècle sans être démembré.
On vous a souvent parlé, Messieurs, dans cette Assemblée, de l'économie des nouveaux Etats américains. Mais, outre que ces gouvernements fédératifs sont dispensés, par leur pusition, d'entretenir une flotte et une armée, on ne vous dit pas que les frais de justice y sont énormes, et que cette dépense n'en est pas moins onéreuse au peuple, quoiqu'elle ne soit pas versée dans le Trésor public. On ne vous dit pas que tous les appointements des emplois et surtout que leurs émoluments ont été considérablement augmentés dans les Etats américains, depuis leur indépendance. On ne vous dit pas que l'extrême rareté du numéraire contient nécessairement les denrées à un très bas prix dans un pays dont le principal commerce a pour objet l'exportation des comestibles. On ne vous dit pas enfin que toutes les dépenses, assignées sur les caisses des comités ou des villes, ne sont pas comprises dans l'estimation des charges publiques.
Mais qu'avons-nous besoin d'interroger ici l'expérience des autres peuples ? Vos propres décrets, Messieurs, ne vous suffisent-ils pas pour juger de l'économie des gouvernements populaires ? Toute la nation reconnaissait depuis longtemps la nécessité d'augmenter la solde des troupes. Notre comité militaire, avant sa nouvelle composition, nous avait proposé une augmentation de vingt deniers par jour, pour chaque soldat français* L'Assemblée nationale a décrété, sans aucune discussion, sur le rapport de son nouveau comité, que la solde serait augmentée de trente-deux deniers ; et nous avons ainsi chargé le Trésor public d'une dépense annuelle de deux millions six cent mille livres, qu'il est impossible de diminuer. Nous avons également augmenté les appointements des officiers supérieurs, par une conséquence des principes de notre nouveau gouvernement; principes toujours actifs, quoiqu'ils ne soient peut-être pas toujours connus, ni même soupçonnés par les comités qui nous en proposent l'application.
N'est-ce pas l'influence du gouvernement populaire, qui va changer notre Trésor des gages qu'il faut attribuer aux offices de judicature? Dans l'ancienne administration, l'Etat jouissait de l'intérêt des charges que nous sommes obligés de rembourser, ainsi que des revenus casuels que nos nouvelles formes vont éteindre. Je demande si l'administration gratuite de la justice, c'est-à-dire si la suppression des épices paraîtra une opération économique aux plaideurs eux-mêmes, et surtout aux citoyens paisibles qui n'ont jamais aucun procès,
Pensez-vous, Messieurs, que vos nouvelles méthodes administratives ne coûteront pas beaucoup plus à l'Etat que les anciennes ; et espérez-vous qu'elles établissent une économie durable dans les dépenses de l'administration?
Si vous examinez attentivement, Messieurs, les difficultés de la comptabilité, vous comprendrez aussitôt qu'elle ne peut être livrée sans danger à la seule vigilance des assemblées administratives, et qu'elle deviendrait inévitablement une nouvelle source de dilapidations, si vous l'abandonniez aux commissaires auxquels vos nouveaux principes semblent la confier. Qui de vous, Mes-
sieurs, se persuadera que l'Assemblée nationale, ou l'un de ses comités, pourra juger,
chaque année, avec exactitude, de la comptabilité ati Trésor national ? L'inexpérience est
toujours hardie i on n'a pas encore effleuré les difficultés dont cette question est
environnée. Plusieurs de nos décrets prouvent, jusqu'à l'évidence, que l'Assemblée ne
soupçonne pas les véritables principes en matière de comptabilité. Là suppression des
tribunaux qui en étaient chargés est déjà votée dans le nouveau projet de l'organisation
judiciaire. Hélas! il faudrait créer ces tribunaux, comme on l'a fait en Hollande, après de
funestes expériences» s'ils n'étaient pas institués dans le royaume; et on nous propose
d'anéantir les chambres des comptes, uniquement parce qu'elles existent! Il y a, sans cloute,
des abus à réformer dans ces tribunaux. Ces abus sont principalement l'ouvrage du ministère,
qui a toujours cherché à énerver leur autorité et à modifier leur énergie; mais je soutiens,
et je le prouverai, que les chambres des comptes sont nécessaires au bon ordre de la
comptabilité; et que si nous voulions réserver leurs fonctions aux prochaines législatures,
nous accablerions nos successeurs d'un fardeau dont le poids serait au-dessus de leurs
forces. Ce nouveau régime ne serait, Messieurs, ni moral, ni économique. Ah! puisque nous ne
savons pas imiter les instructions utiles de nos voisins, profitons du moins de leurs fautes.
La comptabilité coûte fort cher à l'Angleterre, et elle y est fort mal administrée. Les
institutions anglaises l'ont cependant simplifiée très avantageusement sur plusieurs points
essentiels (1) ; mais il est im-
Outre les frais de comptabilité, la perception des tributs sur laquelle on espère parmi nous tant de réductions de dépense, nous révélera bientôt les plus étranges mécomptes. Quelque moyen que l'on puisse adopter pour faire parvenir les revenus de l'Etat au Trésor public, les grandes économies que l'on se promet dans cette partie de l'administration, comme des bienfaits assurés du nouveau régime, seront peut-être incessamment reléguées parmi les éblouissantes théories démenties par l'expérience. Ge sera elle qui nous convaincra, chaque jour, de l'indispensable nécessité d'exiger, des receveurs de l'impôt, un cautionnement proportionné à leur recette. Il faudra, dès lors, leur assigner des émoluments, soit en taxations fixes, soit en jouissance de fonds : ce qui compose la même charge pour la caisse nationale. J'ose prédire hardiment, Messieurs, que la surveillance des directoires, en supposant même qu'elle fût payée, ne suppléera jamais à ces cautionnements effectifs.
G'est surtout, Messieurs, dans cette partie de la perception des tributs publics, que les principes secrets attachés à l'essence de tous les gouvernements populaires exercent promptement leur action et leur influence; que les places se multiplient sous mille prétextes spécieux ; que leurs profits grossissent sans cesse, sinon en appointements que l'on n'oserait pas avouer, de peur de compromettre sa popularité, du moins en émoluments qui coûtent encore plus cher à l'Etat; que les régies s'établissent et deviennent également onéreuses aux citoyens et ruineuses pour le Trésor national ; que les méthodes les plus dispendieuses sont toujours préférées, ou qu'elles ne tardent pas d'être appliquées à plusieurs parties du service public, qui ne peuvent être faites avec économie que lorsque l'intérêt vigilant d'un entrepreneur ou d'une compagnie en surveille et en dirige les dépenses.
Je citerai, Messieurs, en preuve de cette tendance qu'a l'Assemblée nationale elle-même vers les systèmes les moins économiques, la différence très remarquable que nous présentent l'Angleterre et la France, relativement à leur navigation intérieure.
En Angleterre, on a reconnu, de bonne heure, que le gouvernement dirigeait rarement avec sagesse, et jamais avec économie, les travaux de ce genre. L'Angleterre est percée de canaux qui facilitent les transports des marchandises, et qui n'ont jamais rien coûté à l'Etat. Toutes ces entreprises ont été conçues et exécutées par des particuliers qui étaient intéressés à les conduire avec promp-
étaient chargées de les employer à des dépenses déterminées. Cette méthode introduisit de grands désordres dans les comptes, et mit en retard plusieurs parties du service public, dont les fonds étaient insuffisants, tandis qu il y avait de l'excédent entre les mains de quelques autres trésoriers. La cause des hypothèques spéciales s'opposait aux remises des deniers qui auraient rétabli la balance entre les caisses publiques. On consulta les créanciers de l'Etat, dans une assemblée générale; et ce fut après s'être assuré de leur consentement, par respect pour la loi, que le gouvernement anglais réunit toutes les recettes dans une caisse générale. Les appropriations ont été continuées pour les dépenses, mais non pour les dépôts chargés de les payer. Le crédit public a étonnamment gagné à cette opération, qui a rendu la comptabilité beaucoup moins dispendieuse, et néanmoins infiniment plus simple et plus claire.
titude et économie, et à les entretenir ensuite avec le plus grand soin.
En France, au contraire, le gouvernement a dépensé des sommes immenses pour creuser des canaux dont l'utilité est souvent douteuse; dont les directeurs ralentissent les travaux pour conserver plus longtemps leur emploi; et le défaut d'entretien y occasionne continuellement les dégradations les plus ruineuses. Aussi notre navigation intérieure est elle encore dans le plus déplorable état d'imperfection ; et les dépenses considérables, qui ont été décrétées sans examen par l'Assemblée nationale elle-même pour les canaux, du Gharolais et de Picardie, ne serviront qu'à mieux démontrer combien de pareils travaux doivent être étrangers, je ne dis pas seulement au gouvernement, mais encore à tous les corps administratifs.
Outre ces inconvénients qui sont inséparables des gouvernements populaires, les augmentations de salaire ou d'émolument dans une seule branche de l'administration s'étendent bientôt à toutes les autres parties du service public. Le nivellement des conditions vers lequel toutes les institutions démocratiques tendent sans cesse, élève au même prix des services d'une nature différente. Les distinctions héréditaires disparaissent; et cette action morale de l'un des plus puissants mobiles qui excitent le patriotisme étant ainsi anéantie, on est obligé d'y substituer partout le ressort de l'argent.
Enfin, il faudrait ne compter pour rien l'expérience et les dépositions unanimes de
l'histoire du monde, pour méconnaître la redoutable influence des élections populaires sur le
caractère moral des nations. Sans cesse occupés désormais d'élire nos évêques, nos pasteurs,
nos juges, nos officiers municipaux, les membres des directoires, des districts, des
départements, des législatures, ne verrons-nous pas toutes ces fonctions publiques à
l'enchère ? L'esprit de brigue et de vénalité que ces élections populaires ont toujours
introduite chez toutes les nations, ne sera-t-il pas bientôt l'esprit général du peuple
français? Les dépenses corruptrices, que cette nouvelle forme de gouvernement renouvellera
chaque jour dans toutes les parties de l'Empire, deviendront la plus accablante et la plus
immorale des impositions. Nous apprendrons ainsi trop tard cette grande vérité découverte par
un homme de génie qui abrégeait tous les résultats, parce qu'il saisissait tous tes rapports
: que la liberté est toujours accompagnée de grands îhpôts. J'invite donc tous les Français à
mediter, dans ce moment, les principes prophétiques de l'Esprit des lois. La liberté (1)
disait Montesquieu, a toujours produit l'excès des tributs. Règle générale : On peut lever
des tributs plus forts à proportion de la liberté des sujets; et l'on est forcé de les
modérer à mesure que la servitude augmente. Cela a toujours été, et cela sera toujours. C'est
une règle tirée de la nature, qui ne varie point ; on la trouve par tous les pays : en
Angleterre, en Hollande et dans tous les Etats où la liberté va se dégradant jusqu'en
Turquie. La Suisse semble y déroger, parce qu'on n'y paye point de tributs, maison en sait la
raison particulière, et même elle confirme ce que je dis. Dans ces montagnes stériles, les
vivres sont si chers, et le pays est si peuplé, qu'un Suisse paye quatre fois plus à la
nature, qu'un Turc ne paye au sultan. Un peuple dominateur, tels qu'étaient les Athéniens et
les Romains, peut s'affranchir de tout impôt, parce qu'il règne sur des nations sujettes. Il
ne
M. de Montesquieu aperçoit ainsi, avec sa sagacité ordinaire, les raisons qui affranchissent les cantons démocratiques de la Suisse du poids des tributs qu'entraîne toujours cette forme des gouvernements. LesEtats-Unis de l'Amérique peuvent également être cités en exception de la règle générale. Mais comment ont-ils échappé à la surcharge des impositions qui augmentent toujours avec 1a liberté? Par deux moyens qui expliquent aisément ce pnénomène politique : d'abord, par l'infâme expédient de la banqueroute qu'ils ont faite à visage découvert, et ensuite par la ressource momentanée de cette inmensité de domaines qu'ils vendent au profit du Trésor public. Sans ce double mode de libération, les circonstances heureuses qui dispensent les Etats-Unis d'entretenir ni flotte ni armée, ne les auraient pas préservés d'un accroissement d'impôts, véritablement intolérable dans un pays condamné encore pour longtemps à la plus excessive rareté de numéraire.
Séance du
La séance est ouverte à onze heures du matin.
, curé de Saint-Pierre-de-Lille. Qu'il est consolant pour un pasteur, dont le devoir indispensable est de plier la jeunesse à l'obéissance et à la subordination dues à la puissance souveraine de la nation, d'apprendre qu'un militaire respectable, M. Boisragon, ancien premier capitaine du régiment d'Orléans, s'occupe à rassembler de jeunes citoyens de 7 à 14 ans, â leur faire chérir la nouvelle Constitution du royaume, à leur apprendre à la défendre et à faire germer dans leur cœur l'amour le plus pur et l'attachement le plus sincère à la patrie ! Je pense que l'Assemblée nationale écoutera, avec intérêt, la lecture que je suis chargé de lui faire de la part de ces jeunes citoyens.
fait lecture de cette adresse, elle se termine ainsi :
« Les droits de l'homme, que vous avez assurés par vos décrets, sont gravés dans notre
mémoire en traits ineffaçables ;il- n'est pas difficile d'inculquer dans son esprit des
connaissances aussi simples et aussi naturelles. Vos lois ont pour bases ces principes sacrés,
elles rendront heureux tous ceux qui sont soumis à leur empire. Nous venons de consacrer à
l'Eternel notre drapeau ; il sera toujours l'emblème et le gage de notre union civique et de
notre dévoûmenl à la patrie ; nous venons de promettre au pied de l'autel d'être fidèles à la
nation, à la loi et au roi. Ce serment
(Cette adresse reçoit beaucoup d'applaudissements.)
lit la note des décrets sanctionnés ou acceptés par le roi, dans les termes suivants :
l°,Le décret de l'Assemblée nationale, du 17 de ce mois, portant que les directoires de district fixeront la somme à attribuer aux députés à la fédération, dans les districts où elle n'a pas été réglée ;
2° Le décret du même jour, concernant les municipalités établies dans les villes de Riberac, les bourgs de .Saint-Martin et de Saint-Martial;
3° Le décret du 18, portant que le terme de rigueur qui avait été fixé pour les échanges des assignats contre les billets de la caisse d'escompte est prorogé;
4° Le décret du même jour, concernant le payement d'arrérages de rentes, dépensions assignées sur le clergé, et d'autres objets dedépenses ;
Et la perception de ce gui peut être encore dû des impositions ecclésiastiques des années 1789 et précédentes ;
5° Le décret du 19, portant que les bannières données par la commune de Paris aux 83 départements, et consacrées à la fédération du 14 juillet,. seront placées dans le lieu où le conseil d'administration de chaque département tiendra ses séances;
6° Le décret du même jour, portant que toutes les contributions publiques, non supprimées, continueront d'être levées et perçues de la même manière qu'elles l'ont été précédemment; notamment que les droits perçus sur les ventes de poissons dans les villes de Rouen, Meaux, Beauvais, Mantes, Senlis et autres, auront lieu comme par le passé;
7° Le décret du même jour, qui abolit le retrait lignager, le retrait demi-denier et les droits de treizain;
8° Le décret du même jour, qui règle l'uniforme que porteront les gardes nationales du royaume;
9° Et enfin Sa Majesté a donné ses ordres, en conséquence du décret du 17, pour le maintien de la tranquillité publique dans la ville d'Orange, et de la sûreté de cette ville.
Signé : Champion de CicÉ, archevêque de Bordeaux. Paris, le 21 juillet .1790.
lit aussi la note suivante des décrets portés hier à la sanction du roi:
Décret portant qu'il ne sera payé par les administrations municipales aucune pension au delà de 600 livres,;
Décret qui charge le président de se retirer par-devers le roi pour le prier d'envoyer des troupes à Orange.
(de Saint-Jean-d' Angély), secrétaire, doune lecture de deux lettres de M. de La Luzerne, ministre de la marine.
Il annonce, dans la première, que, dans l'île de Saint-Martin, les citoyens ont forcé le régiment de la Guadeloupe de venir avec eux dans la partie hollandaise pour délivrer un Français détenu pour dettes; ils ont élargi les prisonniers et maltraité, la sentinelle;
Par la seconde, le ministre prévient que les soldats, qui ont excité des troubles à la Guadeloupe, ont exigé de l'assemblée coloniale des certificats de bonne conduite.
(Après une légère discussion, l'Assemblée a envoyé ces lettres aux comités de marine et des colonies réunis. )
(de Saint-Jean-d'Angêly) annonce une autre lettre de M. de La Tour-du-Pin, sur l'organisation de l'armée.
Cette lettre, qui est ainsi conçue, est renvoyée au comité militaire :
OBSERVATIONS DE M.La Tour-dn-Pin
, ministre de la guerre, relatives au plan d'organisation de l'armée, précédemment envoyé à l'Assemblée nationale.
Messieurs, par votre décret du 22 de ce mois, vous avez arrêté qu'il vous serait rendu compte des motifs qui ont déterminé à vous proposer l'entretien d'une armée de cent cinquante mille hommes. Dans un délai aussi court, je ne puis qu'indiquer rapidement tous les objets qu'il faut considérer pour se former un résultat de la force nécessaire à la sûreté d'un Empire.
C'est de la nature de son gouvernement, de sa position géographique, de son étendue, de sa population, de ses alliances» des ennemis qu'il peut avoir, des forces qu'ils peuvent employer, que se compose le système de la défense d'un Etat.
Telles sont les importantes considérations d'après lesquelles vous avez à fixer quelle armée peut être nécessaire à la France pour la guerre; il s'agira d'examiner ensuite jusqu'à quel point cette armée peut, sans inconvénient, être réduite à la paix.
Sans doute, il appartenait aux représentants de la nation française de consacrer, les premiers, ce grand principe de justice, que la force militaire n'est créée que pour la conservation de l'Etat, et non pour son agrandissement; mais ce système juste et modéré n'en nécessite pas moins de grandes armées : s'il faut ne pas vouloir la guerre, il faut pouvoir la repousser avec vigueur ; il faut surtout, autant qu'il est possible, chercher à en porter le théâtre chez nos ennemis.
Défions-nous, Messieurs, de cette politique timide et trompeuse qui dirait qu'il suffit de bien garnir nos frontières.; mais nous avons besoin, au contraire, d'armées fortes et manœu-vrières qui, agissant avantageusement au dehors, éloignent de notre pays les maux de tout genre qu'entraîne la guerre avec elle; nous devons chercher à faire vivre nos troupes aux dépens des Etats qui nous l'auront déclarée; alors nous obtiendrons, à la fois, repos pour le peuple et soulagement pour le Trésor public.
Si vous considérez la force des armées qui oeuvent nous être opposées, vous verrez que l'état de paix du roi de Hongrie est de deux cent trente mille hommes et que la conscription établie dans ses Etats peut les porter facilement au delà de trois cent mille.
L'état de paix du roi de Prusse est de deux cent mille nommes, et une conscription d'un genre plus rigoureux encore peut les porter également à près de trois cent mille. Le contingent de l'Empire est de trente mille
hommes, et doit, selon les circonstances, pouvoir se porter au triple de cette force.
C'est contre une ou plusieurs de ces forces auxquelles peuvent se joindre des puissances du Nord, que nous devons songer à nous défendre-
Mais il faut ajouter à la liste de nos besoins la conservation de nos colonies dans les deux Indes, et la garnison de nos vaisseaux; les puissances maritimes nous obligent à de grands efforts non seulement pour garantir ces importantes possessions, mais pour la protection que nous devons à notre commerce; c'est donc à une guerre de terré et de mer tout à la fois, qu'il faut que nous songions à faire face, et je pense, Messieurs, que vous en conclurez que, dans une tellè position, ce n'est pas trop d'avoir un état militaire, constitué sur le pied de deux cent cinquante mille hommes, c'est-à-dire sur un pied plus faible que celui de chacune des puissances avec lesquelles nous pourrions avoir la guerre, quoique nous soyons presque toujours assurés d'avoir à la faire et sur mer et sur terre.
Aussi, Messieurs, est-ce à l'heureuse position géographique de la France, au nombre et à la liaison de ses forteresses, à la nature de ses alliances, que nous devons de n'avoir pas besoin de plus nombreuses armées pour défendre d'aussi vastes possessions, une aussi grande étendue de côtes et de frontières.
Je Vgiis indiquer maintenant l'emploi des deux cent cinquante mille hommes que je crois nécessaires à la défense de l'Etat. On ne peut pas couvrir nos frontières,. depuis Bâle jusqu'à la Meuse, avec une armée moindre de quatre-vingt mille hommes ; on ne peut pas en avoir moins de soixante mille pour pénétrer dans les Pays-Eas, et s'y maintenir ; la frontière des Alpes demande trente à quarante mille hommes, parce que la nature du pays donne aux ennemis que nous pourrions avoir dans cette partie, plus de facilité qu'à ia France pour surprendre le passage des montagnes; la garnison de nos vaisseaux exige au moins dix-huit mille hommes; celle de nos colonies en demande à peu près autant.
En récapitulant ces différentes forces, vous trouverez deux cent seize mille combattants, et cependant il n'en est pas encore un seul employé à la garde de nos places et de nos côtes.
J'ajouterai donc, Messieurs, au nombre ci-dessus de deux cent seize mille combattants, une réserve de trente-quatre à trente-huit mille hommes, formant à peu près le sixième de l'armée, tant pour réparer les pertes que pour garder nos forteresses et défendre nos côtes.
L'histoire des guerres passées devient ici, Messieurs, un témoin précieux et irrécusable de la nécessité de cette force militaire ; consultez-là, vous nous verrez, sous les règnes précédents, avoir constamment, en armes, un bien plus grand nombre de troupes.
En bornant donc à deux cent cinquante mille hommes les armées françaises, je n'ai point fait la supposition de la réunion de toutes les puissances contre la France; je n'ai fait que prévoir des événements ordinaires, et dans l'ordre de la vraisemblance; et j'ai cru qu'il fallait abandonner aux efforts du patriotisme le soin de surmonter les obstacles extraordinaires.
Maintenant, Messieurs, s'il vous èst prouvé qu'une armée de deux cent cinquante mille hommes est indispensable pour faire face aux besoins de la guerre, je vais indiquer jusqu'à
quel point cette armée peut être réduite pendant la paix.
Les deux cent cinquante mille hommes me paraissent devoir être composés de :
Cavalerie....... 40;000 hommes.
Artillerie....... 14,000
Infanterie..............160,000
Réserve........ 36,000
Total. . . . 250,000 hommes.
Il est reconnu que l'instruction des troupes à cheval et celle de l'artillerie demandent une longue éducation et une constante habitude. On ne peut pas diminuer indifféremment la force de ces corps. On ne peut pas se flatter de trouver, au moment d'entrer en campagne, beaucoup d'hommes formés pour ces deux services; il faut donc en réduire le nombre avec mesure, et je ne pense pas qu'il puisse l'être au delà du quart pour ces deux armes.
Quant à l'infanterie, lorsqu'elle est bien constituée, lorsque le nombre des officiers et des sous-officiers restant le mêine, la diminution ne porte que sur les soldats, lorsqu'il existe dans chaque compagnie un fond suffisant d'hommes bien instruits, cette arme peut être réduite dans une proportion double de celle de la cavalerie.
D'après ces principes, Messieurs, une armée de deux cent cinquante mille hommes pourra supporter une réduction de :
Cavalerie 10,000 hommes
Artillerie...... . 4,000
Infanterie. ...... 50,000
Réserve................36,000
Total, . . 100,000 hommes.
Ce qui laissera l'armée à cent cinquante mille hommes; mais aussi cette réduction, déjà forcée, est la seule praticable. Au delà de cette mesure, la sûreté de l'Etat et l'honneur de nos armes se trouveraient compromis, et la nation entretiendrait toujours à grands frais une armée insuffisante.
Je vous prie, Messieurs, d'observer qu'en établissant l'état de paix de la France à cent cin-, quante mille hommes, lorsque celui de l'Autriche est à deux cent trente mille, et celui de la Prusse à deux cent mille, j'ai calculé sur tous les moyens militaires de porter à la perfection l'instruction de ces cent cinquante mille hommes. Je ne parle point de cette perfection minutieuse qui fatigue les troupes, et qui ne peut jamais avoir d'application à la guerre, mais de celle vraiment nécessaire, et qui ne s'acquiert que par une longue présence sous les drapeaux.
On s'égare, Messieurs, lorsqu'on vous parle d'une instruction d'un mois par an, comme pouvant être suffisante, sans compter tous les autres inconvénients de ce régime, sans attaquer l'économie qu'on s'en promet, sans calculer que l'exécution en serait ordonnée, et peut-être difficilement suivie, je puis vous assurer que les individus, soumis à ce service, en feront toujours trop pour leur liberté, et trop peu pour leur instruction. Ce système est incomplet; et si une puissance étrangère le pratique avec succès, c'est avec un service plus long que celui qu'on vous propose, et parce qu'elle y joint des moyens qu'assurément vous êtes loin de vouloir qu'on emploie dans nos armées.
Je termine donc mon opinion, Messieurs, par établir qu'il ne faut pas moins qu'une armée de cent cinquante mille hommes en activité pendant la paix, et qu'il faut que cent mille auxiliaires soient tenus prêts à y être incorporés au momeDt de la guerre.
Signé : La TouR-DU-PjN.
État général.
ÉTAT GÉNÉRAL
de la force de l'armée au complet, fixé par les dernières ordonnances,
savoir :
INFANTETiE
DÉNOMINATION © H 33 Cd
des GRADES. S i H - f- « FRANÇAISE, ALLEMANDE, IRLANDAISE ET H A en P M U 05 H 04 £3 O PS H S jj 03 -C Cd M* K xCd O E-O H OBSERVATIONS.
LIÉGEOISE- es 6-
ÉTAT-MAJOR DI L'ARMÉE.
Maréchaux de France employés..... Lieutenants généraux employés. .... Etat-major de la cavalerie, dragons et hussards. . ........... . . Commissaires des guerres et élèves. . . Directeurs des fortifications....... Commandants des écoles d'artillerie. . . 2 48 105 46 14 172 » y> » » » » » 9 » » )> » » » » » » » » s 9 » » » » » » 10 » » y> » 8 }> 9 » » » 13 » . 165 46 14 172 13 8
TROUPES.
Majors. ............... Majors en second,. . ........ . Aides-majors et sous-aides majors. . . Quartiers-maftres trésoriers....... Porte-drapeaux, étendards et guidons. . » » 9 » » » » » » » 92 104 103 90 3 103 184 174 1.920 1.920 11 11 11 » 44 11 44 ' » 198 198 63 62 62 62 61 206 » 618 618 29 34 42 » 7 7 9 9 316 301 21 22 23 » » » » » 189 108 216 233 241 152 54 182 434^ 174, 3.241/ 3.145 Non compris 18 capitaines surnuméraires dans les régiments, et 206 de remplacement dans les troupes à cheval.
Lieutenants en troisième.
» » 1.920 » 198 » 412 » 155 50 9 20 2.685 70, Non compris 18 surnuméraires dans les régiments étrangers, et 206 de remplacement dans les troupes à cheval.
387 » » 6.613 6.856 103.596 726 825 9.878 2.164 1.422 31.186 959 791 7.794 396 » » 11.245 9 894 152.454
Total de la force de l'armée sur le pied du complet............. 387 117.065 11.429 34.772 9.544 396 173.593 Dont 35,164 montés.
128.494
Dont il faut déduire le non-complet an 1" juillet 1790............ » 19.547 3.377 1.299 » 24.223
Partant, reste en effectif au 1er juillet 1790 387 108.947 31.395 8.245 396 149.370 Dont 35,164 montés.
M. de La Platrière fait hommage à l'Assemblée de l'éloge du chancelier de L'Hôpital.
Cet hommage est reçu avec satisfaction.
demande que l'on s'occope sans relâche de la discussion du rapport de M. Lebrun sur toutes les parties de la dépense publique : il se plaiDt de l'inexactitude des membres de différents comités, et la présente comme la cause de ia lenteur de plusieurs opérations importantes.
Vainè. La cause véritable de cette inexactitude et de cette lenteur, c'est que la même personne est d'un grand nombre de comités. Je demande que l'Assemblée décide qu'on ne pourra être désormais que d'un seul, et qu'elle force à opter.
représente que cette motiou tend à gêner la confiance de l'Assemblée, et que c'est aux membres honorés de cette confiance à examiner, dans leur conscience, s'ils peuvent remplir tous les devoirs auxquels ils se sont consacrés.
Cette motion, plusieurs fois présentée, a toujours été rejetée; une semblable disposition aurait été sage et utile lors de l'établissement des comités : elle ne tendrait, aujourd'hui, qu'à tripler la durée de la session actuelle. La désorganisation des comités les obligerait à recommencer leurs opérations.
(L'Assemblée décide de passer à l'ordre du jour.)
dit que l'ordre ancien pour les tribunes recommence aujourd'hui, et il a démandé les intentions de l'Assemblée pour savoir si on continuera de recevoir les députés fédérés dans les deux extrémités de la salle, au delà des pilastres.
(L Assemblée or donne qu'on les admettra encore jusqu'au 30 de ce mois.)
L'ordre du jour est la discussion d'un projet de décret du comité des finances sur les assignats.
, rapporteur (1). Messieurs, le comité des finances a pris en considération l'empressement du public de voir, enfin, les assignats substitués dans la circulation aux billets de la caisse d'escompte, servant de promesses d'assignats. Il croit répondre à cet empressement, et en même temps simplifier les dispositions nécessaires pour opérer les échanges des assignats contre les billets de caisse, en vous proposant de rendre provisoirement uh décret pour leur émission.
Le comité des finances a pensé, Messieurs, qu'il convenait de restreindre d'abord l'émission des assignats au seul échange des billets de caisse, que cela écarterait toute confusion sur leur emploi ; qu'à cet effet, vous approuveriez que les sommes qui devront être fournies au Trésor public lui soient encore délivrées en billets de caisse servant de promesses d'assignats.
Par cette disposition, Messieurs, il ne sortirait aucun assignat de la caisse de
l'extraordinaire pour satisfaire aux besoins de l'administration, ce qui simplifierait, à vos
yeux, la marche de vos assignats, faciliterait la comptabilité de la
Votre comité des finances aperçoit, dans la continuation et la persévérance de vos travaux, le port auquel nous désirons tous arriver. Vous ne tarderez pas à jouir (j'ose vous en répondre, Messieurs), du repos et des fruits de votre pénible et périlleuse navigation.
Tous ceux qui, dans les pays étrangers, s'intéressent à la France; ceux qui y ont toujours conservé, depuis plusieurs générations, des liaisons de- prédilection, les pubiicistes des nations les plus éclairées en Europe, portent sur votre position actuelle, qu'ils connaissent parfaitement, et sur l'effet de vos décrets, qu'ils méditent dans le calme et l'éloignement de nos passions, un jugement bien différent de celui qu'on a voulu, qu'on voudra encore faire prévaloir au milieu de vous à cette même tribune.
Il est vrai que ces mêmes étrangers, dans toutes leurs lettres, que je pourrais ici produire, ne peuvent donner aucune croyance aux inculpations exagérées qu'on s'efforce de répandre sur la résistance de la nation entière à payer les impôts, parce que des insurrections partielles, excitées peut-être par des mécontents, inévitables même dans un changement universel, ne décident jamais les destinées d'une nation civilisée, qui ne peut enfin méconnaître les vrais qioyens d'affermir ses droits, sa force et sa liberté.
D'ailleurs, Messieurs, ils jugent de l'avenir par votre vigilance actuelle et votre empressement à réprimer ces désordres.
C'est par l'émission progressive des assignats, Messieurs, que vous connaîtrez l'extinction successive de la dette de la nation envers la caisse d'escompte, et la quotité des billets retirés de la circulation, qui seront en égalité de l'émission des assignats.
Votre comité des finances s'est remis sous les yeux les sommes qui, en exécution de vos décrets, ont été successivement versées par la caisse d'escompte dans le Trésor public.
110 millions ont été fournis en conformité de vos décrets des 19 et 21 décembre 1789; 20 millions en exécution de celui du 17 avril; 20 millions en exécution de celui du 11 mai; 20 millions en exécution de celui du premier juin; 30 millions en exécution de celui du 19 juin, et 45 millions conformément à votre dernier décret du 4 juillet : ces six sommes réunies présentent un total de 305 millions ; ainsi, il reste une somme de 95 millions à fournir pour le service de l'année, qui compléterait l'emploi des 400 millions destinés au service de 1789 et 1790, et dont la dette sera définitivement représentée par les 400 millions d'assignats que vous avez créés.
Votre comité a considéré, au surplus, qu'il serait prudent de mettre en activité les bureaux du trésorier de l'extraordinaire, de constater, par quelque expérience, le bon ordre de ses registres et la facilité des échanges à Paris, avant de les étendre dans les provinces, parce qu'en même temps votre comité s'occupera des moyens de vaincre les inconvénients graves qui se présen-
tent à cet égard : il se propose de vous faire incessamment un rapport sur .cet objet»
Voici, en attendant, le projet de décret qu'il a l'honneur de vous présenter :
Projet de décret.
L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité des finances, a décrété ce qui suit :
. 1° A compter du 10 août prochain, les assignats crées par les décrets des 19 et 21 décembie 1789, 16 et 17 avril, et premier juin 1790, seront échangés par le trésorier de l'extraordinaire, contre les billets de la caisse d'escompte, ou promesses d'assignats, qui seront présentés à cet effet par le public, jusqu'à concurrence des sommes qui lui seront dues par la nation, pour le montant 'des billets ou promesses d'assignats qu'elle aura remis au Trésor public, en vertu des décrets de l'Assemblée nationale;
2°/Il ne sera délivré et échangé que dix mille assignats par jour, de 1,000 livres, de 300 livres et 200 livres indistinctement; il sera pris'les dispositions nécessaires pour éviter la confusion et le désordre que pourrait occasionner l'empressement de ceux qui demanderont successivement l'échange de leurs billets ;
3° Pour ne point interrompre ces échangps, et être assuré que le service du public sera rempli sans interruption, les sommes qui devront être fournies au Trésor public continueront à lui être délivrées, sur l'autorisation qui en sera donnée successivement par l'Assemblée nationale, en billets de caisse, servant de promesses d'assignats, jusqu'à la concurrente de la somme de 95 millions, laquelle, avec la somme de 170 millions précédemment versée par la caisse d'escompte, conformément aux décrets des 19 et 21 décembre, et celle de 135. millions qui a été successivement fournié par ladite caisse, eu conformité des décrets des 17 ayril, 11 mai, l«r, 19 juin et 4 juillet, complétera celle de 400 millions, montant total des assignats qui ont été destinés au service des années 1789 et 1790, et qui, par les échanges qui en sont ordonnés à la caisse de l'extraordinaire contre les billets de caisse ou promesses d'assignats, fournis en exécution des décrets de l'Assemblée nationale, éteindront en totalité les dettes de la nation envers la caisse d'escompte.
Il y a un fait sur lequel je demande un éclaircissement. M. le premier ministre des finances a dit lui-même que le service de l'année se ferait sur les 400 millions, et qu'i aurait encore 11 millions de reste.
Le premier ministre des finances doit incessamment vous adresser un mémoire, dont la lecture a été faite au comité des douze. Il reprend tous les articles de l'aperçu, pour résultat duquel il vous avait annoncé onze millions de reste; ilreprésente, à chacun des articles, les diminutions de recette, qu'il n'avait pu prévoir, et les augmentations de dépenses occasionnées par vos décrets. Les 95 millions qui restent sur les assignats fourniront au service pour les deux ou trois mois suivants.
Cette explication me parait très affligeante; sur quoi vivrons-nous les trois derniers mois de l'année ? 11 est indispensable de
chercher à savoir pourquoi l'on dépense ainsi. Vous verrez^ dans le compte que vient de donner M. Necker, 220;milliotis d'anticipations : je vois bien leur échéance; mais je ne vois pas à quelle époque elles seront entrées dans le Trésor public; si elles sont antérieures au moment où vous les avez prescrites, il faut qu'on nous l'apprenne: ce qui est clair, c'est que les revenus se dissipent. On parle de responsabilité, et on ne l'exerce pas; en voilà le moment ; vous verrez une somme considérable, pour dettes de M. d'Artois. Pourquoi ne les paye-t-il pas ? Pourquoi paye^t-on les dettes d'un particulier? Le frère uu roi n'est qu'un particulier. (On applaudit.)Remarquez la conduite du ministre; j'ose même le dire, la conduite de votre comité des finances. (On applaudit.) On demandé des sommes de 20 millions, et pour les obteuir on présente des aperçus, des vues spéculatives; quand on voit la facilité de l'Assemblée, on demande 45 millions ; aujourd'hui ce sont les 400 millions tout entiers. Vous avez décrété que des renseignements seraient donnés, on pe les donne pas.
Je crois avoir dit qu'au mois de janvier, Mmo de La Mark a reçu 120,000 livres, parce qu'elle avait un logement gratis aux Tuileries, et qui lui a été ôté; on a fait porter cette somme sur le garde-meuble, afin de dépayser. Nous avons la preuve que tout se fait ainsi. Un particulier, dans le mois de février, a fait passer une rente viagère de 15,000 livres sur une autre tête. Heureusement que la chambre des comptes a arrêté cét arrangement. Voilà comme les revenus se dissipent, voilà comme on suit les anciens errements. Je demande que le comité mette sous les yeux de l'Assemblée, par la voie des rapports et par celle de l'impression, tous les renseignements qui lui sont demandés, et qu'il ne soit voté aucune somme pour le Trésor public, avant que M. Nécker ait rendu compte des payements qu'il a faits à M. d'Artois, et qu'il les ait rétablis dans ia caisse.
J'adopte les conclusions de M. Camus; je dois seulement relever une inexactitude, en observant que M. Necker, dans l'aperçu qu'il vous a présenté, dit qu'il a fait fonds de la rentrée de la contribution patriotique, et de la gabelle et autres droits supprimés ; après les 95 millions qui restent en assignats consommés, ces deux ressources demeureront encore. Quant aux anticipations, nous pouvons assurer qu'on n'en a fait aucune depuis que vous les avez défendues, à moins qu'on n'ait échappé à notre vigilance.
On devait acquitter 140 millions d'anticipations dans l'année 1790; au mois de mai, cet acquittement devait être de 60 et quelques millions; on n'a payé jusqu'à cette époque que 26 millions. Lorsque M. Camus insiste pour que cet objet soit conuu de la France entière, il a raison. Il faut connaître ces anticipations qui sont payées, ce qui reste à paver, quels sont les départements qui sont en retard pour les impositions, quels sont les receveurs généraux qui n'ont pas payé; il faut exiger sur tout cela les pièces justificatives: on doit attacher la plus grande importance à la perception des impôts territoriaux ; je sais que les contribuables ne les refusent pas, mais qu'ils ne leur sont pas demandés. Il est évident que l'hommejiuquel vous laissez cet argent, le mangera; c'est préparer des moyens de résistance.
Le préopinant parait étonné de ce qu'au mois de mai, on avait payé une si petite somme des anticipations; je vais expliquer comment cela se fait ; ce n'est qu'au mois d'avril que vous avez défendu de les renouveler; eelles qui avaient été renouvelées ne sont payables qu'une année après. Ce n'est qu'à l'époque de votre décret qu'on a cessé d'en renouveler, et que l'on commence d'en payer.
demande qu'on ajourne à trois jours le projet de décret présenté au nom du comité des finances. Après quelques débats, l'Assemblée ordonne l'impression du projet de décret, et l'ajournement à mercredi.
J'ai voulu voir si le compte que M. Necker vient de donner des finances, depuis l«e mois de mai 1789 au mois de mai 1790, est garanti. Il est rédigé par M. Dufresne, et porte seulement ces mots : Vu, Necker. Je demande qu'il soit certifié véritable par ce ministre; si nous découvrons quelques péchés d'omission ou de commission, M. Necker les avouera comme nous, parce qu'il n'aura rien certifié.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'un mémoire de M. Necker sur les circonstances qui ont changé le résultat de l'aperçu spéculatif qu'il a présenté le 31 mai, et sur les variations survenues dans la recette et dans la dépense.
L'Assemblée ordonne l'impression et le renvoi au comité des finances du mémoire qui est ainsi conçu :
Mémoire adressé à VAssemblée nationale, par le premier ministre des finances (1).
Messieurs, les affaires de finances, aussi longtemps que l'ordre public ne sera point rétabli, exigeront continuellement votre attention, car, jusqu'à cette heureuse et désirable époque, toutes les supputations seront soumises à des contrariétés imprévues.
Que si l'on joint à cette situation des choses, la lenteur inévitable de toutes les dispositions législatives d'une nombreuse assemblée, l'on sera moins surpris encore que de grandes difficultés se renouvellent ou se perpétuent.
Je vais appliquer ces réflexions générales à un objet particulier digne de toute votre attention.
J'ai remis à l'Assemblée nationale un aperçu, formé le l*r mai dernier, des besoins et des ressources pendant les huit derniers mois de cette année.
Il résultait de ce tableau qu'au 31 décembre il devait y avoir un excédant de 11 millions. Je fis observer en même temps que cet excédant devait être considéré comme la simple représentation du fonds de caisse indispensable en tous les temps, et encore plu8 à une époque où la prudence exige de conserver soigneusement une somme quelconque en numéraire effectif, afin de se mettre en état de satisfaire aux nombreux payements qui ne peuvent être exécutés qu'en espèce.
Le tableau des huit derniers mois de l'année n'offrait donc en aperçu que le niveau entre
les ressources et les besoins.
1° On a vu, dan3 l'aperçu du Ie' mai, que l'on comptait avec vraisemblance sur la rentrée, pendant les huit derniers mois de l'année, des 4 millions en arrière sur les impositions directes; mais le Trésor public, loin d'être encore rempli de cet objet, a éprouvé un nouveau déficit de 2,450,000 livres, par l'impossibilité où se sont trouvés quelques receveurs généraux, desatisfaire aux engagementsqu'ilsavaientprisàterme fixe,selon l'usage constant pour les impositions directes.
Voilà donc un vide en ce moment de plus de 6 millions, et l'on peut craindre qu'il ne s'augmente en voyant le retard prolongé de la confection des rôles des tailles dans un grand nombre de communautés.
On ne peut rien ajouter cependant aux ordres répétés de l'Assemblée nationale et aux recommandations instantes de l'administration. Le dernier décret rendu par l'Assemblée nationale à ce sujet, en excitant la surveillance des directoires de département, aura peut-être un effet décisif; mais on se ressentirà toujours, dans le cours de l'année, des premières lenteurs qui n'ont pas été prévues.
2» Les produits de la ferme générale, de la régie des aides et de l'administration des domaines, vont encore en dégradant : et quoi que j'aie estimé les recouvrements sur les droits indirects excessivement bas, on n'est pas sûr qu'ils ne soient encore au-dessous de mes calculs dans le cours entier de l'année.
3° L'Assemblée nationale ayant décrété, dans le mois de mars dernier, 49 millions d'impôts en remplacement de la gabelle et des droits sur les cuirs, l'amidon, les fers et les huiles, il était naturel de présumer, le 1«* mai, que, sur cette somme, le Trésor public recevrait 25 millions dans le cours de l'année; mais nous touchons à la fin de juillet, et vous n'avez point encore réparti les 49 millions d'impôts nouveaux entre les divers départements qui doivent y être assujettis. Les règles infiniment exactes, prescrites par votre décret pour cette répartition, ont entraîné un grand nombre de recherches; il a fallu connaître avec précision la date sous laquelle les différentes communautés du royaume ont cessé d'être soumises à l'impôt des gabelles ; il a fallu de plus s'enquérir de la mesure de leur consommation; et ces divers renseignements, donnés par les directions et les greniers à sel de la ferme générale, on a dû les appliquer à l'ancienne division du royaume par généralité; enfin, un travail immense a été la suite des bases de répartition que vous avez adoptées par votre décret, et le membre du comité des finances qui a demandé et dirigé ce travail, aura de fort bonnes raisons à vous donner du retard de son rapport; mais il n'est pas moins vrai qu'en attendant, l'on ne peut procéder ni à l'assiette de l'impôt par communautés, ni à la formation des rôles par individus : et, à l'époque où nous sommes, il n'est plus possible de croire à une rentrée de 25 millions dans le cours de cette année.
4° On avait évalué, dans l'aperçu formé le 1** mai, les recouvrements sûï la contribution patriotique, pendant le cours des huit derniers mois de l'année, a 12 millions en compensation d'arrérages, et à 30 millions en deniers, et cette dernière supposition avait été jugée trop modérée. Gepen-
dant les retards que l'on éprouve me font craindre, en ce moment, que ia recette du Trésor public, dans le cours des huit derniers mois de l'année, ne soit encore au-dessous de mes espérances.
On a mis tout en usage pour hâter la confection des rôles dont les municipalités ont été chargées par vos décrets ; mais les contrariétés _ dont vous avez exactement connaissance par le comité que vous avez nommé pour suivre cette partie d'administration, apportent des retards à l'exécution de vos dispositions. Le zèle des directeurs de département les surmontera sans douter on n'ose plus néanmoins compter sur 30 millions de recette en deniers, dans le cours des huit derniers mois de l'année.
J'ai représenté, plusieurs fois, au comité des finances, qu'il serait convenable d'accorder une remise quelconque aux receveurs et aux collecteurs :.il ne faut pas désintéresser entièrement ceux qui contribuent de quelque manière au succès d'une affaire essentielle. Vous avez aussi découragé, je le crains, les personnes chargées de la perception des contributions indirectes. Le moment n'était pas encore venu de compter sur un zèle sans récompense ; et nous sommes dans une circonstance où l'importance du recouvrement exact des deniers publics, unie peut-; être au salut de l'Etat, ne peut-être trop évaluée»
5° On avait passé, dans l'aperçu du 1er mai, les dépenses ordinaires selon leur ancienne fixation, mais on avait déduit sur le total 25 millions en raison des retranchements attendus à la suite des plans de réforme dont l'Assemblée nationale est occupée. La totalité de ces réformes était estimée à 60 millions ; ainsi il était naturel de présumer, le 1er mai, que, dans le cours de huit mois, le Trésor public éprouverait un soulagement de 25 millions, et le comité des finances l'avait jugé de même; mais le retard des délibérations relatives à la nouvelle organisation de l'armée, n'a pas encore permis de jouir de la grande économie que vous aviez déterminée sur le département de la guerre; et cependant l'augmentation de solde accordée aux soldats forme un accroissement de dépense de 600,000 francs par mois,
Yos décrets assurent, pour l'avenir, une diminution importante sur les pensions ; mais, par une disposition particulière et qu'on ne pouvait préjuger, cet objet considérable de dépenses sera plus fort dans l'année .1790, qu'il ne l'a jamais été.
En effet, vous avez déterminé, le 27 juin, que l'on eût à payer, sans retard ni discontinuation, tous les arrérages dus le 31 décembre 1789, disposition qui comprend ceux de 1789 et les reliquats de 1788. Vous avez, de plus, décidé que l'on acquitterait de même les six premiers mois de 1790 de toutes les pensions de 500 livres et au-dessous.
Enfin, par votre décret du 16 ce mois, vous avez étendu ce payement de 600 livres pour 1790 à toutes les pensions indistinctement.
Cependant il résulte de ces dispositions qu'au lieu d'un allégement en 1790, il y aurait 7 millions à payer au delà des 25 à 26 millions qui ont formé, jusqu'à présent, la plus forte dépense des pensions pour une année entière.
J'omets d'autres observations de moindre importance, qui diminuent encdre les réductions attendues sur la totalité des dépenses fixes pendant le cours des huit derniers mois de l'année.
i60 L'Assemblée nationale, par son décret du 30 mai sur la mendicité, a déterminé une nou-
velle dépense de 30,000 livres par département, objet par conséquent de 2,500,000 livres, indépendamment du supplément nécessaire pour ia ville de Paris.
7° L'Assemblée, postérieurement toujours au 1er mai, a accordé aux troupes de la marine et des colonies une augmentation de solde qui forme une dépense d'environ 1 million pour l'année.
8° Les achats de numéraire ont un peu renchéri; et, en même temps, le besoin d'y recourir s'est accru. J'avais pensé et je pense encore qu'on adoucirait cette nécessité en astreignant, comme je l'avais proposé, les receveurs et les collecteurs des impositions à payer en argent ce qu'ils reçoivent en argent.
Je viens de donner une idée générale du vide que peuvent occasionner dans le cours de cette année des retards invraisemblables et des dispositions inattendues à l'époq;ue du lar mai dernier. J'ai cru devoir ramener 1 attention de l'Assemblée nationale vers ces circonstances, afin qu'elle soit instruite, à l'avance, de la nécessité probable d'un supplément de moyens pour le service de l'année; afin que, sur le rapport de son comité des finances, elle continue à protéger les efforts de l'administration pour le recouvrement de la contribution patriotique; afin qu'elle accélère, en ce qui dépend d'elle, la répartition par département du remplacement de la gabelle et des autres droits supprimés ; afin qu'elle détermine, le plus promp-tement possible, les économies dont le département de la guerre lui paraîtra susceptible; afin qu'elle n'ordonne aucune nouvelle dépense payable dans cette année, s'il n'y a pas nécqgsité absolue, ou qu'elle exige au moins des comités qui lui en proposeront, de lui en faire connaître, en somme, l'exacte étendue; et afin aussi que l'Assemblée ne soit pas surprise, si, prudemment, j'apporte quelque lenteur dans la distribution des ronds destinés aux dépenses susceptibles d'une prolongation de payement.
Les résumés que j'ai présentés dans ce mémoire ne doivent pas inspirer d'alarme, car ce sont essentiellement des retards de recouvrement et et non des vides réels que j'ai annoncés; dans le temps où on aurait pu, par des négociations .d'anticipations,faire servir aux payements du jour, des recettes à quelques mois de distance, le service complet de cette année n'aurait pas présenté d'inquiétude. Mais puisque l'Assemblée nationale, en procrivant ces anticipations, les a remplacées par l'émission d'une somme équivalente en assignais, il est bien important de soutenir le crédit de Ces derniers billets, en accélérant la vente des biens destinés à leur amortissement.
Je me crois obligé de fixer l'Assemblée nationale sur l'embarras dans lequel pourront se trouver les finances au commencement de l'année prochaine, si les impôts qui doivent remplacer les droits supprimés ou tombés en dépérissement, ne sont pas établis à l'avance, et si leur recouvrement n'est pas assuré. L'Assemblée a connaissance de l'état général des affaires du royaume : il devient pressant, sous tous les rapports, que le comité des impositions fasse connaître ses plans, et vous mette, sans retard, en état de les discuter. Les bien nationaux offrent, sans doute, de grandes ressources, mais elles ne peuvent se réaliser qu'avec une certaine mesure; l'Assemblée nationale est d'ailleurs trop éclairée pour faire servir ie produit de la vente de ces biens au payement des dépenses fixes; celles-ci, dans tout Etat dont les finances sont bieu administrées, ne doivent
jamais être balancées que par des revenus également fixes, et les ressources extraordinaires ne peuvent être appliquées sagement qu'aux dépenses extraordinaire, ou au remboursement des capitaux de la dette publique.
(de Nemours) rend compte du travail qu il a fait pour le remplacement de la gabelle et des droits supprimés ; il en expose les difficultés; il annonce que ce travail est fait et qu'il sera mis, à la fin delà semaine, sous les yeux de l'Assemblée.
annonce également que l'état de la perception des impositions dans les différents départements est rédigé.
L'Assemblée en ordonne l'impression.
(La séance est levée à trois heures.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
(de Saint-Jean-d'Angély), secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, 25 de ce mois. Ce procès-verbal est adopté sans réclamation.
L'Assemblée agrée l'hommage que lui fait M. l'abbé Lamourette, d'un écrit intitulé: « Le décret de l'Assemblée nationale, sur les biens du clergé, justifié par son rapport avec la nature et les lois de l'institution ecclésiastique. »
Elle agrée également l'hommage que lui fait M. du Gai, député extraordinaire, d'un recueil des décrets de l'Assemblée, intitulé: Code politique, avec cette épigraphe: « Je viens, après mille ans, changer ces lois grossières. »
, député de la Meurthe, demande et obtient un congé de six semaines pour affaires de famille pressantes.
, député de Dax, écrit à M. le Président pour le prier d'informer l'Assemblée que le dérangement de sa santé l'a empêché de se rendre auprès d'elle, dès le premier jour de ce mois, terme de son congé, et de lui annoncer qu'il s'y rendra dans les premiers jours du mois prochain.
donne connaissance à l'Assemblée d'une note de M. le garde des sceaux, indicative des décrets suivants, sanctionnés par le roi.
Le roi a sanctionné ou accepté :
1° Le décret de l'Assemblée nationale du 17 de ce mois, concernant les créances arriérées, et les pouvoirs et les fonctions du comité de liquidation ;
2° Le décret du 20, concernant la régie de tous les droits qui formaient l'objet des baux passés par les ci-devant Etats d'Artois ;
3° Le décret du même jour, portant que la redevance annuelle, levée sur les juifs de Metz,
du pays messin et partout ailleurs, sous la dénomination de droit « d'habitation, protection
et tolérance, " est et demeure supprimé et abolie;
5° Le décret du même jour, qui autorise et valide, en tant que de besoin, le payement de-2,400 livres fait aux particuliers de la ville de Gimont qui ont logé le premier bataillon du régiment de Gambrésis;
6° Le décret du 21, portant que les notaires, greffiers, huissiers et sergents sont autorisés à faire les ventes de meubles dans tous les lieux où elles étaient ci-devant faites par Jes juréspriseurs ;
7° Le décret du 22, portant que tous les délits de chasse, commis sur les plaisirs du roi, doivent être poursuivis par devant les juges ordinaires ;
8° Le décret du 23, portant qne la commission provisoire, établie dans la ci-devant province de Languedoc, a contrevenu en allouant différentes sommes au décret du 23 mars, et défenses au trésorier de les payer;
9° Et enfin, Sa Majesté a donné ses ordres pour l'exécution du décret du 6, relatif aux années ou certificats de réception des décrets.
Signé : CHAMPION DE ClCÉ, archevêque de Bordeaux.
Paris, ce
Une pétition des habitants de la communauté de Mont-Saint-Martin, district de Loogwy, département de la Moselle, relative à un détachement de neuf hommes du régiment Royal-Allemand, cavalerie,envoyés chez eux pour empêcher l'exportation des grains, est renvoyée au comité des finances.
Un mémoire en forme de lettres de M. François-Aubert Thuiliêres, habitant de Tignouville en Beauce, est renvoyée au comité d'agriculture et de commerce.
, rapporteur du comité des finances, propose deux décrets d'imposition pour Saint-André de Valborgne et Le Vigan et deux décrets d'emprunt pour Annonay et Donzy.
Ces décrets sont adoptés, sans discussion, ainsi qu'il suit :
Premier décret.
L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, autorise les officiers municipaux de Saint-André de Valborgne, district de Saint-Hippolyte, département du Gard, à imposer la somme de'800 livres, sur tous les contribuables dans leurs rôles pour acquitter pareille somme fournie pour le soulagement des pauvres, dont les officiers municipaux s'étaient rendus personnellement responsables, le tout conformément à la délibération du 16 mai 1790.
Deuxième décret.
t Sur le rapport du comité des finances, l'Assemblée nationale autorise les officiers municipaux du Vigan, département du Gard, à imposer en une ou deux années, à leur choix, la somme de 6,000 livres, pour être employée, tant aux dépenses articulées, qu'à l'acquit des dettes désignées dans la délibération prise en conseil général, le 26 juin 1790, à charge de rendre compte. »
Troisième décret.
« Sur le rapport du comité des finances, l'Assemblée nationale, conformément à la délibéra-
tion prise en conseil général de la ville d'Annonay, le 21 juin, confirmée par celle du 13 juillet, sur le renvoi fait par le comité des finances, autorise les officiers municipaux à faire l'emprunt de la somme de 4 000 livres, pour être employée aux objets rappelés dans ia première délibération, à charge défaire le remboursement de ladite somme dans quatre ans par une addition au rôle de la municipalité ; au surplus de l'obligation de rendre compte et de justifier de l'emploi. »
Quatrième décret.
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, autorise les officiers muni-paux de la ville de Donzyv district de Gosne-sur-Loire, département de là Nièvre, à faire l'emprunt de la somme de 10,000 livres, conformément à la délibération prise en conseil général le 15 juin, laquelle somme sera employée à l'acquit de celles dues pour achats de grains, à charge et condition d'en faire le remboursement dans trois ans, sur le produit des coupes de leurs bois communaux, lorsqu'ils en auront obienula permission, et à ce défaut, par la voie d'imposition, suivant le mode qui leur sera prescrit par le district et département, sous peine, à défaut d'avoir pourvu audit remboursement dans le délai ci-dessus, d'en demeurer personnellement responsables; et, au surplus, à charge de rendre compte.
Vordre du jour est un rapport du comité de la marine sur les dépenses de l armement de l'escadre ordonné par le roi.
, rapporteur (1). Messieurs, vous avez envoyé à votre comité de la marine, pour vous en rendre compte, l'examen d'une lettre de M. de La Luzerne, qui vous expose que la dépense de l'escadre armée à Brest s'élève, pour les deux premiers mois, à 3,103,890 livres, sur quoi vous avez ordonné qu'il serait mis à sa disposition 3 millions. M. de La Luzerne réclame, sur ces deux premiers mois, un excédant de 103,890 livres, et pour le mois d'avril, 1,067,845 livres : total, 1,171,735 livres. Ce ministre observe que ces fonds doivent être distincts des 47,500,000 livres, à quoi se trouvent fixés pour cette année les fonds ordinaires et extraordinaires de la marine et des colonies.
Je dois, à cette occasion, Messieurs, vous faire remarquer que vous n'avez encore rien statué sur les dépenses de la marine et des colonies. Le premier objet des conférences de votre comité fut de se mettre en état de vous en rendre compte. Chargé de ce travail, les différences d'avis qui s'élevèrent entre nous, sur toutes les parties du régime économique, me mirent dans le cas de ne produire qu'au nom d'une partie du comité un premier rapport des dépenses et de l'administration de la marine, et ce rapport n'a été soumis à aucune discussion. L'Assemblée s'est expliquée depuis sur l'ordre dans lequel elle voulait recevoir les propositions de son comité; savoir : l'organisation de l'armée navale, celle des classes, et ensuite de l'administration. Les principes constitutionnels de l'armée navale seulement ont été décrétés, et l'examen ainsi que la fixation des dépenses de ce département n'ont pu encore trouver place dans vos délibérations.
C'est dans cet état que le ministre de la marine
Le tableau de ces dépenses a été présenté à l'Assemblée avec l'explication des détails.
J'ai dit, dans le premier rapport, qu'il paraissait y avoir une différence de 140,000 francs en plus dans l'état du ministre sur l'article des demi-soldes et journaliers de l'armement, estimés pour un mois seulement. Mais ces demi-soldes et ces rations se prolongent au delà de ce terme, si les vaisseaux ne sont pas en état d'aller en mer : et c'est ce qui est arrivé pour plusieurs.
On a d'ailleurs omis dans l'état le détail de quelques articles de dépenses auxquels j'ai supposé que cet excédant pourrait faire face ; tels que le transport des hardes des équipages, du lieu de la levée au port de l'armement, les suppléments d'appointements aux chirurgiens commis aux revues, les soldes des volontaires et les frais de cordelle qui ont lieu à Rochefort pour mettre les vaisseaux en rade : et sept cents hommes y sont employés pendant trois ou quatre jours pour un vaisseau de 74.
Enfin, en rendant compte des différents articles énoncés dans l'état du ministre, j'ai remarqué ceux dont l'appréciation ne pouvait qu'être approximative, tels que les réparations à faire aux vaisseaux lors de l'armement, lesquelles dépendent de l'âge du vaisseau, du nombre des campagnes qu'il â faites, et des vices qui se découvrent au moment de l'armement. Ainsi, le vaisseau Y Or ion qu'on arme à Rochefort, coûtera plus de 20,000 francs, au lieu de 7,000, à quoi les réparations sont estimées, parce qu'on s'est aperçu, en délivrant un bordage, qu'il y en„avait un grand nombre de gâtés.
En résumant, dans mon rapport du 12 juin, tous les articles de dépense dont est composé l'état du ministre, et les observations auxquelles il avait donné lieu, j'ai dit que la vérification des calculs avait été faite sur les tarifs et règlements qui déterminent les soldes et appointements la conduite et substance des équipages : et quant aux dépenses d'estimation telles que celles employées pour dépérissement des agrès et mâtures, journées d'hôpitaux, consommations journalières de diverses marchandises ët munitions, j'ai exposé les termes de ces calculs éventuels, parce qu'il ne peut y en avoir de positifs : mais la dernière lettre de M. de La Luzerne a mis votre comité dans le cas de remarquer que si l'on ne peut contester les divers articles et la somme totale à laquelle s'élève la dépense de l'armement de l'eBcadre pour une année, la répartition de celte dépense sur chaque mois ne peut se faire en réalité; car, par exemple, le remplacement des mâts et agrès dépéris, estimés à 145,000 livres par mois, ne s'exécutera peut-être qu'à la fin de l'année. Mais aussi la solde des équipages et le traitement des officiers qui s'élève à 358,000 livres par mois, exigerait, si l'escadre sortait de Brest, une dépense au comptant de 1,174,000 livres, parce •qu'il faut payer trois mois d'avance. Ainsi, lorsqu'on vous demande pour appoint de la dépense des deux premiers mois 103,000 livres, cette pré-^ cision de calculs dans les bureaux du ministre ne saurait être le terme précis de la dépense qui a eu lieu dans le port. Votre comité n'a donc pas cru qu'il fût nécessaire de vous proposer plus d'un million de fonds extraordinaires 6 assigner
pour le mois d'août, jusau'à ce que la sortie de l'escadre soit décidée. Mais, d'après le retard qu'éprouve l'examen général des dépenses de la marine, votre comité a pensé qu'il ne devait pas perdre une occasion de vous proposer la réduction d'une de celles qui avait déjà fixé voire attention : c'est le traitement pour la table des officiers généraux et particuliers commandant les bâtiments de guerre.
L'intention de l'Assemblée nationale n'est probablement pas que la marine de France ait un traitement inférieur à celui des autres puissances de l'Europe; mais si nous vous présentions, Messieurs, pour toute.mesure, ce terme de comparaison, il n'y aurait rien à réduire, car le traitement dès officiers généraux fit capitaines de vaisseaux commandant les vaisseaux anglais, espagnols, russes et hollandais, est égal ou supérieur à celui de nos officiers. Nous avons donc puisé, Messieurs, dans les circonstances actuelles, dans les besoins de l'Etat, le motif des sacrifices que le patriotisme des officiers de la marine leur imposait volontairement ; car il n'est point de bons citoyens dont les privations ne ce convertisent en jouissances, lorsqu'elles contribuent à la restauration de la chose publique.
En nous attachant, dans la fixation des traitements de mer, aux principes d'économie qui déterminent vos décisions sur toutes les dépenses, votre comité n'a pas dû oublier ce qu'exigeait aussi la dignité du commandement et les inconvénients qu'il y aurait à effacer tout à fait la représentation. Les officiers généraux de la marine sont tenus à des dépenses inévitables non seulement dans les rades étrangères, mais dans leur propre escadre.
Ils ne peuvent se dispenser de réunir souvent sur leur bord les commandants des bâtiments de leur escadre ; et. dans leur traitement se trouve compris la nourriture de leurs capitaines du pavillon, majors, aides-majors et commissaires de l'escadre. Les commandants particuliers sont proportionnellement susceptibles des mêmes égards.
D'après ces considérations, Messieurs, et la comparaison que je vais vous présenter des traitements de la marine anglaise, votre comité a cru devoir adopter les termes de réduction provisoire dont il va vous rendre compte.
De toutes les marines de l'Europe, celle dont les officiers, commandant les vaisseaux, sont les mieux traités, ce sont les officiers hollandais. Ils sont chargés de la nourriture de leurs équipages, moyennant un prix fixe pour chaque homme; et il n'est pas rare qu'une campagne de douze mois produise à un capitaine de vaisseau hollandais, depuis 30,000 jusqu'à 50,000 francs. Quoique cet arrangement soit économiquement calculé pour les finances de l'Etat, qui n'a plus à supporter les frais de magasin, de commission et de régie des vivres, votre comité est loin de vous le proposer : car il est aussi dangereux qu'impolitique de convertir en une spéculation de fortune la noble fonction d'un commandement militaire.
La marine russe est, pour les gradeset le traitement, à l'instar de celle d'Angleterre; la ma-, rine espagnole comme celle de France. Voici le traitement des officiers anglais lorsqu'ils commandent. On sait qu'à terre ils ne jouissent que d'une demi-solde, mais aussi ils ne sont tenus à aucune espèce de service, et résident où bon leur semble.
L'amiral commandant en chef a 5 livres sterlings
par jour, et cinquante domestiques (1) payés à 19 schellings par mois, un secrétaire paye à 300 livres sterlings par an.
L'amiral-commandant de djvisipn, 3 livres ster-lines, 10 schellings et trente domestiques payés.
Le vice-amral, 2 livres sterlings, 10 schellings et vingt domestiques.
Le contre-amiral, 1 livre sterling, i5 schellings et 20 domestiques.
Le premier capitaine, sous le commandant en chef, 1 livre sterling, 15 schellings et quatre domestiques par cent nommes d'équipage.
Seconds capitaines sous les amiraux, 1 livre sterling et quatre domestiques par cent hommes d'équipage.
Sous les vice-amiraux e.t contre-amiraux, 16 schellings et quatre domestiques parcent hommes d'équipage. Si l'équipage n'est point au-dessus de soixante hommes, les quatre domestiques sont également payés.
Les proportions ont été à peu près suivies par votre comité dans la réduction qu'il a adoptée ; mais cette réduction sera encore plus rigoureuse pendant le séjour des bâtiments dans les rades, la totalité du traitement n'étant allouée que du jour où les vaisseaux mettent à la voile.
Les dispositions soumises à votre décision n'élant que provisoires et se trouvant déterminées par la aemande d'un fonds extraordinaire pour les dépenses de l'armement ordonné à Brest, le même décret assignera 1 million pour la dépense extraordinaire du mois d'août et la fixation des traitements dés officiers commandant les vaisseaux et autres bâtiments de l'escadre.
En voici le projet :
Projet de décret.
Art. 1er. L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de marine, a provisoirement décrété qu'il serait mis à la disposition du ministre de la marine* pour la dépense extraordinaire qui aura lieu pendant le mois d'août, pour l'armement ordonné, une somme de 1 million, et d'après le compte qui lui a été rendu des différents objets qui composent les dépensesM'armemént, l'Assemblée nationale a décrété qu'à compter du premier août prochan, les traitements accordés pour la table des officiers généraux, capitaines de vaisseaux et autres officiers commandant les bâtiments de guerre, seraient réduits et demeureraient provisoirement fixés ainsi qu'il suit :
Art. 2. Il sera accordé au vice-amiral commandant en chef, pour
la table........120 liv. au lieu de 160.
Au lieutenant-géné-ral commandant en
chef. . ....... 90 — 120.
Au même, commandant une division. . . 75 — 100.
Au chef d'escadre, commandant en chef. 75 — 100.
Au même, commandant une division. . . 54 — 80.
Au capitaine de vaisseau, commandant une division de six vaisseaux de guerre ... 48 . — 70.
guerre........ 40
Au même, commandant un vaisseau de
ligne......... 36
Au même, commandant une frégate, s'il y a un major a nourrir. 34 Au même, s'il n'y a
pas de major..... 28
Au lieutenant de vaisseau commandant. 24
Au sous-lieutenant commandant..... 20
50.
45.
40. 34.
23.
Art. 3, Les traitements ci-dessus fixés, tant pour les officiers généraux et particuliers commandant les bâtiments de guerre que pour la nourriture des personnes qu'ils sont obligés d'admettre à leur table, ne seront susceptibles d'aucun supplément, et seront réduits d'un quart pendant le séjour des vaisseaux et autres bâtiments de guerre dans les rades de France, après l'armement seulement, ladite réduction ne pouvant avoir lieu pour le désarmement dont la durée ne pourra excéder le nombre de jours fixé par l'ordonnance.
Plusieurs membres demandent à aller aux voix.
Nous ne connaissons point encore assez cette matière pour pouvoir prendre un parti. Il y a actuellement sous presse un ouvrage dans lequel on se propose de prouver que les dépenses de la marine sont beaucoup trop considérables. Sans connaître cette partie, je trouve très surprenant de voir le traitement des officiers des différents grades se répéter à chaque article. J'avais cru d'abord qu'on ne donnait, par exemple, au vice-amiral commandant en chef, que 120 livres de traitement, que parce qu'il était chargé de nourrir les autres officiers ; mais je vois ensuite le lieutenant-général commandant en chef avoir 90 livres, et j'avoue que cette somme me paraît exorbitante ; peut-être né ferais-je pas ces réflexions, si je connaissais mieux cette partie, et c'est encore un des motifs qui prouvent que l'ajournenient est nécessaire. Je suis d'autant plus fondé à demander qu'on mette de l'évidence dans ces détails, que, de tous les fonctionnaires publics, il n'en est point qui s'enrichissent plus vite que ceux employés dans la marine.,J'en connais qui ont fait acquisition de maisons de campagne superbes, et particulièrement aux environs de Toulon. Je persiste donc à demander l'ajournement et l'impression du projet de décret.
Le préopinant n'avait pas besoin de nous dire qu'il ne connaissait rien au service de la marine. Il a fait plusieurs questions auxquelles je me crois dispensé de répondre. Je ne Gonteste pas qu'il soit possible de faire des réductions dans cette partie. Quant à la surprise du préopinant sur ce qu'il voit tous les officiers, dans le même état, pour des sommes qu'il appelle considérables, j'observe ce que tout le monde sait bien, que ce ne sont pas les officiers du même bord. ^
Puisque le projet de décret ne renferme que des réductions, je crois qu'il faut s'empresser de l'adopter.
Il est d'autant plus important de statuer sur le décret proposé par le comité de la marine, notamment sur la partie qui concerne la réduction provisoire des tables des officiers employés, que ces officiers sont au moment de s'embarquer, et qu'il est de toute justice qu'ils connaissent le montant de leurs traitements avant de partir.
(député de Saint- Jean-d1 Angély). D'après les observations d'un des préopinants, on pourrait croire qu'on donne un traitement à un lieutenant-général et ensuite à un capitaine; c'est qu'il y a un vaisseau commandé par un lieutenant-général, et l'autre par un capitaine, l'un a plus et l'autre moins, suivant son grade.
met aux voix les trois articles du projet de décret. Ils sont successivement adoptés sans changement.
L'Assemblée devait s'occuper vendredi dernier d'un rapport des trois comités réunis, de la marine, des pensions et militaire, sur le mode de rétablissement des pensions supprimées; des circonstances particulières n'ont pas permis que ce rapport vînt en discussion ; peut-être l'Assemblée sera-t-elle déterminée, par l'intérêt qu'il présente, à l'entendre aujourd'hui.
(L'Assemblée décide que M. Camus, rapporteur, aura la parole.)
,rapporteur. Vos trois comités delà guerre, de la marine et des pensions réunis, ont eu la satisfaction d'être unanimes sur les principes qui ont déterminé le projet de décret dont je vais vous faire lecture. Pensions de rigueur, pensions d'équité et secours de pure grâce, telles sont les bases sur lesquelles il repose.
Voici les articles que nous vous proposons de décréter :
Art. 1er. Les personnes qui, ayant servi l'Etat, se trouveront dans les cas déjà déterminés par les décrets de l'Assemblée, des 10 et 16 du présent mois, ou dans les cas qui restent à déterminer d'après les rapports particuliers relatifs à chaque nature de service, obtiendront une pension de la valeur réglée par lesdits décrets ; s'ils avaient déjà une pension, mais de moindre valeur que celle que lesdits décrets leur assurent, la pension dont ils jouissaient demeurera supprimée, et elle sera remplacée par la pension plus considérable qu'ils obtiendront.
Art. 2. Les officiers généraux qui, par la nouvelle organisation de l'armée, ne seront pas conservés en activité, seront regardés comme retirés; et il sera établi une pension en faveur de ceux de ces officiers qui, ayant fait deux campagnes de guerre, en quelque grade et en quelque lieu que ce soit, avaient précédemment obtenu une pension.
La pension rétablie ne sera jamais plus forte que celle dont on jouissait. Si la pension dont on jouissait était de 2,000 livres ou plus, la nouvelle pension sera de 2,000 livres pour l'officier général qui aura fait deux campagnes de guerre; elle croîtra de 500 livres, à raison de chaque campagne de guerre, au delà des deux premières ; mais cet accroissement ne pourra porter le total au delà de la somme de 6,000 livres qui est le maximum fixé pour les pensions mentionnées au présent article.
Art. 3. Les officiers des troupes de ligne et des troupes de mer qui avaient servi pendant vingt
années dans les troupes de ligne ou dans les troupes de mer, qui avaient fait deux campagnes de guerre ou deux expéditions de mer, dans quelque grade que ce soit, et auxquels leur retraite avait été accordée avec une pension, soit
Sar suite des réformes faites dans la guerre ou
ans la marine, soit à une époque antérieure aux règlements qui seront mentionnés en l'article suivant, jouiront d'une nouvelle pension créée en leur faveur, laquelle ne pourra excéder celles dont ils jouissaient, mais pourra lui être inférieure, ainsi qu'il sera dit en l'article 7.
Art. 4. Les personnes qui, n'étant ni dans l'un, ni dansl'autre des cas prévus parles deux articles précédents, auront obtenu, avant le Ier janvier 1790, une pension pour services rendus à l'Etat, dans quelque département que soit, en conformité des ordonnances et règlements faits pour lesdits départements, jouiront d'une nouvelle pension rétablie en leur faveur, laquelle ne sera jamais au-dessus de celles dont elles jouissaient précédemment, mais pourra être au-dessous dans les cas prévus par l'article 7.
Art. 5. Les veuves qui ont obtenu des pensions, en conformité des ordonnances et règlements faits pour les départements dans lesquels leurs maris étaient attachés à un service punlic, jouiront de nouvelles pensions rétablies en leur faveur et pour la même somme à laquelle elles étaient portées, sous la condition néanmoins que lesdites pensions n'excéderont pas la somme de 3,000 livres, qui sera le maximum des pensions rétablies en faveur des veuves.
Les veuves des maréchaux de France, qui avaient obtenu des pensions, jouiront d'une pension de 6,000 livres, qui sera rétablie en leur faveur.
Art. 6. Les anciens règlements portés sur les pensions ayant, à différentes époques, soumis des pensions à des réductions, converti en rentes viagères des arrérages échus et non payés, suspendu jusqu'à la mort des pensionnaires d'autres arrérages échus et non payés, il est déclaré :
1° Que la disposition des articles précédents, qui porte que les pensions rétablies n excéderont pas le montant des pensions anciennes supprimées, s'entend du montant desdites pensions, déduction faite de toutes les retenues qui ont eu ou dû avoir lieu pendant le cours de l'année 1789; toute exception aux règlements qui établissent lesdites réductions étant anéantie ;
2° Que les rentes viagères créées pour arrérages échus et non payés continueront à être servies aux personnes mêmes dont les pensions se trouveraient supprimées sans espérance de rétablissement; et hors la nouvelle pension aux personnes en faveur desquelles une nouvelle pension serait rétablie ;
3° Que les arrérages échus, non payés et portés en décompte sur les brevets, seront compris dans les dettes de l'Etat et payés comme telles, tant à ceux dont les pensions sont supprimées, qu'à ceux qui obtiendront une nouvelle pension.
Art. 7. Les pensions rétablies en vertu des articles précédents et dont le maximum n'a pas été fixé ne pourront excéder la somme de 10,000 livres, si le pensionnaire est actuellement âgé de moins de 70 ans ; la somme de 15,000 livrés, s'il est âgé de 70 à 80 ans; et la somme de 20,000 livres s'il est âgé de plus de 80 ans. Tout ce qui excéderait lésdites sommes demeurera retranché.
Ceux qui ayant servi dans la marine et les co-
lonies auront atteint leur 70e année, jouiront de la même faveur que les octogénaires.
Les veuves des maréchaux de France, qui ont atteint l'âge de 70 ans ou de 80 ans, jouiront de la faveur accordée à cet âge.
Art. 8. Il ne sera jamais rétabli qu'une seule pension en faveur d'une seule personne, quand même elle aurait servi dans plusieurs départements, et quand même ce dont elle jouit en pension lui aurait été accordé originairement en plusieurs articles.
Art. 9. Ceux qui, ayant fait quelque action d'éclat, ou ayant rendu des services distingués dignes d'une gratification d'après les dispositions des articles 4 et 6 des décrets du 10 de ce mois, n'en auraient pas été récompensés ou ne l'auraient été que par une pension qui se trouverait supprimée sans espérance de rétablissement, seront récompensés sur le fonds de 2 millions destiné aux gratifications*.
Art. 10. Les personnes qui, ayant droit à une pension ou à une gratification, préféreront aux récompenses pécuniaires les récompenses énoncées dans 1 article 5 du décret du 10 de ce mois, en feront la déclaration, et l'adresseront au comité des pensions, qui en rendra compte au Corps législatif.
Art. 11. L'Assemblée nationale se réserve de prendre eu considération ce qui regarde les secours accordés aux patriotes hollandais (1) et jusqu'à ce qu'elle ait prononcé sur ce sujèt, les secours continueront d être distribués comme par le passé.
Art. 12. Pour subvenir aux besoins pressants des personnes qui se trouvent privées des pensions qu'elles avaient précédemment obtenues, n'auraient pas de titre suffisant pour en obtenir de nouvelles, et ne seraient pas dans le cas d'être renvoyées, soit à la liste civile, à cause de la nature de leurs services, soit au comité de liquidation, à cause des indemnités dont elles prétendraient que leur pension est le remboursement, il sera fait un fonds de 2 millions réparti et distribué d'après tes règles suivantes: 500 portions de .1,000liv.; 1,000 portions de5001iv.; 4,001 portions de200 liv.; 1,332 portions de 150 liv. Les secours de la première classe ne seront donnés qu'à des personnes mariées ou ayant des enfants ; ceux de la seconde classe pourront être donnés à des personnes mariées ou ayant des enfants ou sexagénaires. Les secours de la troisième classe seront distribués à toutes personnes qui y auront droit.
Art. 13. Les mémoires présentés dans les différents départements par les personnes qui ont obtenus des pensions, les décisions originales intervenues sur lesdits mémoires, les registres et notes qui constatent les services rendus à l'Etat, ensemble les mémoires que toutes personnes qui prétendent avoir droit aux récompenses pécuniaires jugeront à propos de présenter, seront remis au comité des pensions, qui les examinera et les vérifiera, ainsi que les mémoires qui lui ont été déjà remis. Il sera adjoint au comité six membres pris dans l'Assemblée et choisis au scrutin dans la forme ordinaire, de manièreque le comité sera à l'avenir composé de dix-huit membres.
Art. 14. Après l'examen et la vérification des états et pièces énoncés en l'article
précédent, le comité dressera quatre listes. La première comprendra les pensions à payer sur
le fonds de 10 millions ordonné par l'article 14 du décret du
Art. 15. Lorsque le décret porté par l'Assemblée aura été sanctionné par le roi, les pensions Comprises dans la première liste sérontpayées sur le fonds qui y est destiné par l'article 14 du décret dû 16 de ce mois. A l'égard des pensions et secours com-
Jiris dans les seconde et troisième listes, il sera ait fonds par addition, entre les mains des per-' sonnes chargées du payement des pensions, du montant desdites listes.
Chacune des années suivantes, le fonds de ces deux listes ne sera fourni que déduction faite des portions dont jouissaient les personnes qui seront décédées dans le cours de l'année précédente; de manière que lesdits fonds diminuent chaque année graduellement, sans que, sous aucun prétexte, il y ait lieu au remplacement d'aucune des personnes qui auront été employées dans les seconde et troisième listes.
Art. 16. Les quatre listes seront rendues publiques par la voie de l'impression, avec l'exposé sommaire des motifs pour lesquels chacun de ceux qui s'y trouveront dénommés y aura été compris.
Art. 17. Les pensions accordées commenceront à courir du 1er janvier 1790; mais sur les arrérages qui reviendront à chacun pour l'année 1790, il sera fait imputation de ce qu'on aurait reçu pour ladite année, en exécution du décret du 16 de ce mois.
Avant d'adopter aucun décret, je demande que M. le rapporteur veuille bien nous indiquer quel sera le montant total de toutes les pensions.
Nous ne connaissons point encore tous les détails pour donner une réponse exacte, mais je crois que ia somme nécessaire pour toutes les pensions, y compris les articles, d'exception à décréter, ne montera pas à plus de 18 millions.
Pour gagner du temps on nous en fera perdre beaucoup ; on commence par nous avertir dans le premier article qu'il reste plusieurs cas à déterminer ; cè sont ces cas qu'il est indispensable de nous présenter avant de rétablir les pènsionssurdes bases solides ; ce serait mettre la charrue devant les bœufs.
Nous avons annoncé des modifications suivant les diverses occupations des personnes. Ces détails ne sont pas encore absolument déterminés ; ils résultent, par exemple, de la manière de compter les années de services, soit en paix, soit en guerre.
Je persiste dans ma première proposition; je fais mon devoir, j'en suis fâché ; mais nous ne devons pas décréter les conséquences avant de connaître les principes.
donne une nouvelle lecture de l'article K II est décrété en ces termes :
Art. 1» «rLes personnes qui, ayant servi l'Etat, se trouveront dans les cas déterminés par les décrets de l'Assemblée, des 10 et 16 du présent mois, ou dans ceux qui restent à déterminer, d'après les rapports pârticuliers, relatifs à chaque nature de Service, obtiendront une pension de la valeur réglée par lesdits décrets, s'ils avaient déjà une pension, mais de moindre valeur que celle que lesdits décrets leur assurent, la pension dont ils jouissaient demeurera supprimée, et elle sera remplacée par la pension plus considérable qu'ils obtiendront. »
(L'article 2 est mis en discussion.)
Vous ne me ferez sans doute pas l'injure de penser que, poussé par l'intérêt personnel, je monte à la tribune pour défendre mes pensions. Lorsque la patrie est en danger, un militaire lui doit, non seulement son sang, mais encore sa fortune tout entière, et à plus forte raison le sacrifice des pensions qu'il tient de sa munificence... J'ai quatre réflexions à présenter à l'Assemblée sur l'article 2. J'observerai d'abord que les officiers généraux ne sont jamais regardés comme retirés du service, et que tel officier général, qui n'a pas été employé cette année, le sera peut-être l'année prochaine. En effet, supposons que, d'après le plan du ministre, la nouvelle organisation de l'armée exige 94 officiers généraux, comment remplacerez-vous ceux qui pourraient mourir ou quitter? Fera-t-on une promotion anticipée, tandis qu'il vous restera une foule d'officiers généraux, dont un grand nombre ont des talents et assez de santé pour servir encore longtemps? Vous trouverez, sans doute, plus juste et plus économique d'employer d'anciens officiers généraux qui ont bien servi, qui désirent de servir encore, et dont vous payez l'inactivité. Je demande doue que le second article soit rédigé ainsi : « Les officiers généraux qui seront employés jouiront des appointements qui leur seront attribués, et il sera établi une pension en faveur de ceux de ces officiers qui, etc. »— Seconde observation. Les régiments allemands, irlandais et italiens ont des capitulations particulières. Il est de toute justice de les suivre. Les pensions de retraite, dans ces régiments, ont toujours été plus fortes que dans les régiments français. Vous avez le droit d'exiger des sacrifices des Français; mais je pense que ceux qui n'Ont pas le bonheur de l'être, ne nous en doivent aucun.
Je demande donc que le comité des pensions soit chargé de s'occuper de là rédaction d'un article additionnel qui règle les pensions des officiers étrangers. — 3e observation. Ce même article n'établit aucune différence dans le traitement d'un officier que son nom et son rang à la cour ont porté rapidement au grade d'officier général, et celui qui n'y est parvenu qu'après avoir passé successivement par tous les gràdes militaires. Ce dernier portait constamment le poids du jour,dans les camps et dans les garnisons, tandis que le premier a été à peine aperçu à son régiment. Je demande donc que les récompenses soient proportionnées aux services, et que les officiers généraux appelés ci-devant de fortune, épithète honorable, puisqu'elle ne regardait que ceux qui avaient mieux et plus longtemps servi la patrie, soient mieux traités que les autres. — 4e observation. Le même article second,en attribuant 2,000 livres de pension aux officiers généraux qui auront fait deux campagnes de guerre, semble les refuser à ceux d'entre eux qui ne les auront pas faites ; ce qui à mon avis est injuste. Pour le prouver je ne
citerai qu'un exemple. Je connais un officier général de la promotion de 84 qui a passé par tous les grades et qui a servi pendant 40 ans, avec la plus grande distinction; si je le nommais, vous verriez tous les militaires qui m'écoutent se lever
Êour appuyer la motion que je fais en sa faveur.
h bien I cet officier n'a pas fait la guerre. Est-ce Ja faute des ofliciers particuliers si le régiment dans lequel ils servent est jugé nécessaire ailleurs qu'à l'armée, ou si ie colonel n'a pas assez de faveur pour faire employer son régiment ? Je demande donc que les officiers généraux qui ont passé par tous les gardes jouissent d'une pension de 2,000 livres,quoiqu'ils n'aient pas fait deux campagnes,ou qu'ils soient traités comme ils l'auraient été dans les grades qu'ils occupaient avant d'être promus au grade d'officier général. En conséquence de ces quatre observations, je demande l'ajournement et une nouvelle rédaction.
Je pense, comme M. d'Elbhecq, qu'il faut retirer de l'article ces mots : seront regardés comme retirés ; et je demande que la pension des officiers généraux soit fondue dans leurs traitements. Je crois devoir me plaindre de l'injustice faite à un maréchal de camp, à moi, qui ai servi pendant 45 ans. J'ai vu donner la préférence à un sous-lieutenant qui avait servi sous mes ordres, lorsque j'étais colonel des carabiniers: il ne faut pas réduire les vieux militaires à une oisiveté qui fait leur tourment. Depuis que je suis maréchal de camp, les ministres m'ont fait éprouver mille injustices. MM. de Poix, de Cas tries et d'Escars, tous jeunes officiers, m'ont été préférés. Je demande qu'on établisse des règles à cet égard.
Il me semble qu'il est de la justice de donner un traitement aux officiers généraux, d'abord en cette qualité; en second lieu, un supplément.lorsqu'ils seronten activité;enfin, un second supplément,lorsqu'ils seront à laguerre. Je demande donc qu'il ne leur soit pas donné de pensions, mais des traitements.
Jë réclame surtout ia justice de l'Assemblée pour ceux qui ont particulièrement contribué à la gloire de nos armées, tels que MM. de Bouillé, de Rochambeau, etc.
Je pourrais dire que j'aivunombre d'officiers généraux arrivés au grade de maréchal de camp pour avoir servi pendant la paix, et avoir de grosses pensions, tandis que nous, qui étions à la guerre, rien. Je ne demande pas d'argent ; mais je demande la permission de demander au roi des honneurs, si yops voulez bien me le permettre.
Les mots : seront regardés comme retirés ne tendent à rien moins qu'à faire oublier les anciens officiers généraux, pour faire mieux traiter les jeunes héros de l'Amérique.
(ci-devant de Cranté). Laisser aux ofliciers généraux retirés la faculté de rester en place,c'estarrêterla marche des grades de l'armée.
Il n'y a donc qu'à les jeter à la rivière 1
Tous les amendements, excepté celui de M. Toustain, sont rejetés, et l'article est décrété en cës termes:
Art. 2. « Il sera rétabli une pension en faveur des officiers généraux qui, ayant fait deux cam-
pagnes de guerre, en quelque grade et en quelque lieu que ce soit, avaient précédemment obtenu une pension ; mais elle cessera d'être payée, s'ils rentrent en activité, en sorte que, conformé -ment à l'article 10 des décrets du 16 de ce mois, il ne soit jamais payé au même officier, pension et traitement.
« La pension rétablie ne sera jamais plus forte que celle dont on jouissait.
« Si la pension dont on jouissait était de 2,000 livres ou plus, la nouvelle pension sera de 2,000 livres, pour l'officier général qui aura fait déux campagnes de guerre; elle croîtra de 500, livres, à raison de chaque campagne de guerre, au delà des deux premières ; mais cet accroissement ne pourra porter le total au delà de la somme de 6,000 livres, qui est le maximum fixé pour lespensions mentionnées au présent article.»
met aux voix les articles 3 et 4.Mis sont successivement adoptés ainsi qu'il suit :
« Art. 3. Les officiers des troupes de ligne et les officiers de mer qui avaient servi pendant 20 années dans les troupes de ligne, ou sur mer, qui avaient fait deux campagnes de guerre ou deux expéditions de mer, dans quelque grade que ce soit, et auxquels leur retraite avait été accordée avec une pension, soit par une suite des réformes faites dans la guerre ou dans la marine, soit à une époque antérieure aux règlements qui seront mentionnés en l'article suivant, jouiront d'une nouvelle pension créée en leur faveur, laquelle ne pourra excéder celle dont ils jouissaient, mais pourra lui être inférieure, ainsi qu'il sera dit en l'article 7. »
« Art. 4 Les personnes qui, n'étant dans l'un ni dans l'autre des cas prévus par les deux articles précédents, auront obténu, avant le premier janvier 1790, une pension pour services rendus à l'Etat dans quelque département que ce soit, en confprmité des ordonnances et règlements faits pour lesdits départements, jouiront d'une nouvelle pension rétablie en leur faveur, laquelle ne sera jamais au-dessus de celles dont elles jouissaient précédemment, mais pourra être au-dessous dans les cas prévus par l'article 7. »
, rapporteur, donne une nouvelle lecture de l'article 5.
Si vous adoptiez cet article tel qu'il est proposé, vous réduiriez à la misère les veuves des maréchaux de France, tels que les maréchaux de Muy et de Richelieu. La veuve de ce dernier, du vainqueur de Mahon, de cet homme qui a été si utile à Gênes, qui a vécu sous trois rois, et a été victime du despotisme ministériel, qui a rendu les plus grands services à l'Etat, se trouverait réduite à6,000 livres... (L'orateur est interrompu par des murmures.) Mmede Richelieu avait 20,000 livres sur le gouvernement de son mari par la suite de vos décrets; M. de Richelieu ne lui ayant laissé aucun douaire, elle se trouve, ainsi que Mm® de Muy, réduite à 2,000 écus.
Je désirerais qu'on ajoutât, au commencement de l'article, ces mots : « Les veuves et les enfants de ceux qui ont été tués ». Dans la gendarmerie et dans toute la maison du roi, les officiers achetaient leurs emplois. A leur mort, cette finance était perdue pour leurs héritiers. La seul bataille de Minden fit rentrer 1,500,000 livres dans les coffres du roi. Il serait convenable de dresser une liste des citoyens dont
les pères ont été tués à la guerre, et de ceux qui, en perdant leur père, ont perdu des emplois qui faisaient toute leur fortune. On croirait peut-être que ces malheurs étaient un titre pour obtenir des grâces du roi. Pour en avyr, il fallait être ou vil courtisan des ministres, ou protégé par eux. Mon père a été tué. Il avait une finance de 100,000 livres et j'ai été ruiné. Je sers depuis 16 ans : j'ai un emploi sans appointements; on m'a seulement accordé une pension de 800 livres.
Il ne faut pas confondre les indemnités pour perte d'emploi ; elles se trouveraient sujettes, ainsi que les pensions, au maximum, et cela ne serait pas juste. On peut commencer ainsi la rédaction de l'article : « Les veuves et enfants des officiers tués au service de l'Etat, les veuves et enfants qui ont obtenu en conformité des ordonnances, etc. »
(de Nemours). Je partage certainement l'estime et les égards que l'Assemblée nationale témoigne pour les services militaires, mais je la supplierai dx»bserver qu'il y a des services civils d'un degré d'importance qui leur imprime une égale considération, et réclame, pour les veuves et les enfants de ceux qui les ont rendus, des récompenses à la fois honorables et utiles. Je vous citerai ceux d'un homme justement célèbre : M. Poivre, ancien intendant de l'Ile-de-France, qui a employé 40 ans de sa vie à quatre voyages infiniment périlleux dans l'archipel des Moluques, pour procurer à la nation la culture des épiceries fine3, dont les Hollandais s'étaient exclusivement emparés, et qui a tellement réussi dans cette grande opération, que cette culture est actuellement en pleine vigueur à l'Ile-de-France, à l'Ile-de-Bourbon et à Cayenne, et ouvre pour la nation une source immense de richesses.
M. Poivre n'était pas militaire; il a risqué sa vie, mais il n'a pas été tué ; il n'a perdu qu'un bras dans ses travaux. On a donné 1,000 écus de pension à la veuve, et 1,000 francs à chacune de ses deux filles. Ges pensions sont sujettes aux retenues actuellement établies. On dit que les services civils qui, selon les ordonnances et règlements, assuraient des récompenses aux veuves et aux enfants, conserveraient leur efficacité pour les pensions qui sont à recréer en faveur des titulaires actuels.
Mais les ordonnances et règlements n'ont statué que sur les services ordinaires et médiocres, rendus sans reproche, un certain nombre d'années. Les ordonnances et les règlements n'ont pas prévu les grands hommes, et n'ont pas dû les
Erévoir, car les grands hommes sont très rares, es ordonnances et règlements n'ont pu prévoir qu'un homme donnerait à son pays trois cultures nouvelles, de la plus grande importance, et qu'il doublerait la richesse de trois colonies ; qu'il le ferait avec une habileté et des dangers au-dessus de ce que l'on pouvait imaginer. Je demande donc que l'on ne borne pas les droits des veuves et des enfants, au titre que peut leur acquérir la mort de leurs maris et de leurs pères tués au service. Parce qu'un homme n'a pas eu le bonheur d'être tué, sa famille ne doit pas en pâtir, si véritablement ses services exigeaient degrandes vertus, et ont eu une grande utilité. Il y en a qui n'ont pas été tués, mais qui ont été grièvement blessés. 11 y en a qui n'ont pas été tués, I mais qui se sont tués eux-mêmes de fatigues et I depeinesde toute espèce, et quin'ont mené qu'une 1
vie languissante, qui était un fardeau de plus. Je demande donc que les dispositions de l'article soient étendues aux veuves et aux enfants de tous ceux qui ont rendu des services très distingués.
présente une nouvelle rédaction de l'article : elle obtient la priorité et est décrétée ainsi qu'il suit :
Art. 5 « Les veuves et enfants qui ont obtenu des pensions, en conformité des ordonnances et règlements faits pour les départements, dans lesquels leurs maris ou leurs pères étaient attachés à un service public, et notamment les veuves et enfants d'officiers tués au service de l'Etat, jouiront de nouvelles pensions, rétablies en leur faveur, et pour la même somme à laquelle elles étaient portées, sous la condition néanmoins que les pensions desdites veuves et celles de tous leurs enfants réunies, n'excéderont pas la somme de 3,000 livres, qui sera le maximum des-dites pensions : les veuves des maréchaux de France, qui avaient obtenu des pensions, jouiront d'une pension de 6,000 livres, qui sera rétablie en leur faveur# »
met aux voix l'article 6. Il est adopté dans la teneur suivante :
Art. 6 « Les anciens règlements ayant, à différentes époques, soumis des pensions a des réductions, converti en rentes viagères des arrérages échus et non payés, suspendu jusqu'à la mort des pensionnaires, d'autres arrérages échus et non payés, il est déclaré : 1° que la disposition des articles précédents, qui porte que les pensions rétablies n'excéderont pas le montant des pensions anciennes supprimées, s'entend du montant desdites pensions, déduction faite de toutes les retenues qui ont eu ou dû avoir lieu pendant le cours de l'année 1789 : toute exception aux règlements qui établissaient lesdites réductions étant anéantis ;
« 2° Que les rentes viagères créées pour arrérages échus, et non payées, continueront à être servies aux persounes mêmes dont les pensions se trouveraient supprimées sans espérance de rétablissement, et hors la nouvelle pension aux personnes en faveur desquelles une nouvelle pension serait rétablie ;
3° Que les arrérages échus, non payés et portés en décompte sur les brevets, seront compris dans les dettes de l'Etat, et payés comme tels, tant à ceux dont les pensions sont supprimées, qu'à.ceux qui obtiendront une nouvelle pension. »
, rapporteur, relit l'article 7. -
Le comité des pensions propose une échelle de proportion qui correspond parfaitement avec les égards dus à la vieillesse; mais je ne vois pas qu'il ait fixé 1 e minimum. Les soins et les dépenses qu'exigent les infirmités d'un vieillard ne peuvent permettre d'en réduire une seule au-dessous de 3,000 livres. Je propose cet amendement :
« Les pensionnaires actuels qui auront 75 ans, et dont les pensions s'élèvent au-dessus de 3,000 livres, ne pourront être réduits au-dessous de cette somme. » (L'amendement est adopté.) L'article est ensuite décrété dans la teneur ci-dessous :
Art. 7. « Les pensions rétablies en vertu des articles précédents, et dont le maximum n'a pas été
fixé, ne pourront excéder la somme de 10,000 livres, si le pensionnaire est actuellement âgé de moins de 70 ans ; la somme de 15,000 livres s'il est âgé de 70 à 80 ans, et la somme de 20,000 livres s'il est âgé de plus de 80 ans. Les pensionnaires actuels âgés de plus de 75 ans, qui jouissaient de pensions au-dessus de 3,000 livres, conserveront une pension au moins de ladite somme de 3,000 livres ; ceux qui, ayant servi dans la marine et les colonies, auront atteint leur 70e année, jouiront de la même faveur que les octogénaires; les veuves des maréchaux de France, qui ont atteint l'âge de 70 ou 80 ans, jouiront de la faveur accordée à cet âge. »
Je vais mettre aux voix l'article 8.
Je demande, par amendement, que ia pension d'une personne qui en réunissait plusieurs soit, établie sur la totalité de ces pensions.
Cet amendement est adopté et l'article est décrété en ces termes :
Art. 8. « Il ne sera jamais rétabli qu'une seule pension en faveur d'une seule personne, quand elle aurait servi dans plusieurs départements, et quand ce dont elle jouit en pension lui aurait été accordé originairement en plusieurs articles ; mais la fixation de la nouvelle pension sera réglée d'après le total des pensions réunies. »
met aux voix les articles 9, 10 et 11 ; ils sont adoptés dans les termes suivants:
Art. 9. « Ceux qui, ayant fait quelque action d'éclat, ou ayant rendu des services distingués, dignes d'une gratification, d'après les dispositions des articles 4 et 6 des décrets du 10 de ce mois, n'en auraient pas été récompensés, ou ne l'auraient été que par une pension qui se trouverait supprimée, sans espoir de rétablissement, seront récompensés sur le fonds de deux millions destiné aux gratifications. »
Art. 10. « Les personnes qui, ayant droit à une pension ou à une gratification, préféreraient aux récompenses pécuniaires les récompenses énoncées dans l'article 5 du décret du 10 de ce mois, en feront la déclaration, et l'adresseront au comité des pensions, qui en rendra compte au Corps législatif. »
Art. 11. « L'Assemblée nationale se réserve de prendre en considération ce qui regarde les secours accordés aux Hollandais retirés^n France; et jusqu'à ce qu'elle ait prononcé sur cet objet, ces secours continueront d'être distribués comme parle passé. »
, rapporteur, donne une nouvelle lecture de l'article 12.
Je propose de s'assurer, par un examen de la fortune des citoyens, si les titres des pensions étaient obreptices ou subreptices.
, Valnè. Cette motion a été rejetée par la question préalable il y a quelques jours. D'ailleurs, comment mettre ce principe àexécution dans des formes inquisitoriales ? Je demande, au nom de la chose jugée, que la formule proposée par M. Lanjuinais, soit rejetée.
Je demande la question préalable.
L'arbitraire et l'inquisi-lre Série. T. XVII.
tion doivent être bannis de nos décrets. Je demande qu'on vote sur l'article.
(L'amendement de M. Lanjuinais n'étant pas appuyé n'a pas de suite.)
L'article est décrété ainsi qu'il suit :
Art. 12. « Pour subvenir aux besoins pressants des personnes qui, se trouvant privées des pensions qu'elles avaient précédemment obtenues, n'auraient pas de titre suffisant pour en obtenir de nouvelles, et ne seraient pas dans le cas d'être renvoyées, soit à la liste civile, à cause de la nature de leurs services, soit au comité de liquidation, à cause des indemnités dont elles prétendraient que leur pension est le remboursement, il sera fait un fonds de deux millions, répartis et distribués d'après les règles suivantes ; cinq cents portions de 1,000livres ; mille portions de 500 livres, quatre cents portions de 200 livres, treize cent trente-deux de 150 livres. Les secours de la première classe ne seront donnés qu'à des personnes mariées ou ayant des enfants : ceux de la seconde classe pourront être donnés à des personnes mariées ou ayant des enfants ou sexagénaires ; les secours des troisième et quatrième classe seront distribués à toutes personnes qui y auront droit.»
met aux voix les articles 13 à 17. Après quelques courtes observations ces articles sont adoptés en ces termes*:
Art. 13. « Les mémoires présentés dans les différents départements, par les personnes qui ont obtenu des pensions, les décisions originales intervenues sur lesdits mémoires, les registres et notes qui constatent les services rendus à l'Etat, ensemble les mémoires que toutes personnes qui, prétendant avoir droit aux récompenses pécuniaires, et jugeront à propos de présenter, seront remis au comité des pensions, qui les examinera et vérifiera, ainsi que les mémoires qui lui ont déjà été remis. Il sera adjoint au comité six membres pris dans l'Assemblée, et choisis au scrutin, en la forme ordinaire, de manière que le comité sera à l'avenir composé de dix-huit membres. »
Art. 14. « Après l'examen et la vérification des états et pièces énoncés en l'article précédent, le comité dressera quatre listes : la première comprendra les pensions à payer, sur le fondf de dix millions, ordonné par l'article 14 du décret du 16 du présent mois; la seconde comprendra les pensions rétablies par les articles 2, 3, 4 et 5 du présent décret; la troisième liste comprendra les secours établis par l'article 9; la quatrième liste comprendra les personnes dignes des récompenses établies par l'article 5 du décret du 10 de ce mois, et qui les auront préférées aux récompenses pécuniaires. Ces listes seront présentées au Corps législatif, à l'effet d'être approuvées ou réformées par lui, et le décret qui interviendra, sera ensuite présenté à la sanction du roi. »
Art. 15. « Lorsque le décret rendu par le Corps législatif aura été sanctionné par le roi, les pensions comprises dans la première liste seront payées sur le fonds qui y est destiné par l'article 14 du décret du .16 de ce mois. A l'égard des pensions et secours compris dans les seconde et troisième liste, il sera fait fonds par addition entre les personnes chargées du payement des pensions, du montant desdites listes. Chacune des années suivantes, le fonds de ces deux listes ne sera fourni que déduction faite des portions dont jouissaient les personnes qui seront décédées dans le cours de l'année précédente, de manière
que lesdits fonds diminuent chaque année graduellement, sans que, sous aucun prétexte, il y ait lieu au remplacement d'aucune des personnes qui auront été employées dans les deuxième et troisième liste. »
Art. 16. « Les quatre listes seront rendues publiques par la voie de l'impression, avec l'exposé sommaire des motifs pour lesquels chacun de ceux qui s'y trouveront dénommés y aura été compris. »
Art. 17. « Les pensions accordées commenceront à courir du 1er janvier 1790; mais sur les arrérages qui reviendront à chacun pour l'année 1790, il sera fait imputation de ce qu'on aurait rreçu pour ladite année, en exécution du décret du 16 de ce mois. »
, rapporteur. 11 ne nous reste plus qu'à vous présenter quelques articles sur des observations qui ont été faites et des exceptions qui ont été demandées. Nous vous proposons de faire connaître vos intentions par le décret suivant :
« L'Assemblée a délibéré, au surplus, de maintenir les exceptions qu'elle avait aéjà provisoirement votées en faveur des pensions accordées aux familles d'Assas et de Ghambor, ainsi que pour la pension du général Lukner, et en outre de renvoyer aux trois comités, soit la demande de la veuve et des enfants du feu maréchal de Lowendal, soit les exceptions réclamées par les officiers étrangers. » (Adopté.)
Les cent vingt citoyens, députés par la commune de Paris, pour le pacte fédératif présentent une pétition par laquelle ils proposent à l'Assemblée d'assurer la mémoire ae la journée du 14 juillet dernier, en éternisant, autant qu'il sera en elle, le monument admirable qui a reçu dans son sein les enfants de la patrie, les premiers nés à la liberté.
L'Assemblée renvoie au comité de Constitution cette pétition qui est ainsi conçue :
« Messieurs, les 120 députés des 60 districts de la capitale, chargés de l'exécution du pacte fédératif, aprè3 avoir achevé la mission honorable qui leur a été confiée, viennent soumettre à vos lumières le vœu qu'ils ont unanimement formé, pour immortaliser l'acte auguste et solennel qui a fixé à jamais les devoirs et garanti le bonheur de tous les citoyens de cet Empire.
Le projet heureux et vaste de la confédération générale des Français, conçu parla commune de Paris, accueilli par vous avec empressement, vient enfin de se réaliser sous vos auspices et avec le concours d'un roi citoyen,
La France a vu dans une seule journée, dans une seule enceinte toute sa famille unie par les douces étreintes de la fraternité, jurer, sous la voûte du ciel, autour de l'autel de la patrie, attachement inviolable à la Constitution qui est votre ouvrage, soumission à la loi et fidélité au roi,
Ainsi s'est accomplie la touchante commémoration de l'époque du 14 juillet, de ce jour où vingt-cinq millions d'hommes ont recouvré leurs droits et leur liberté.
Il est juste, il est nécessaire que vous assuriez la mémoire de cette grande journée en éterni- I sant, autant qu'il est en vous, le monument admirable qui a reçu dans son sein les enfants de la I patrie, les premiers nés de la liberté.
Que ce cirque immense, formé en trois jours par les mains d'un peuple de frères, soit conservé pour nos neveux, et que la matière en soit,
s'il se peut, aussi durable que le souvenir de l'objet pour lequel il a été construit.
Que le marbre transmette à nos descendants l'autel majestueux sur lequel le dieu des nations a été pour la première fois invoqué au nom de la liberté et de l'égalité."
Qu'au même lieu et sur le même sol où le premier roi d'un peuple libre a juré de maintenir la Constitution et de gouverner par la loi, soit placée une table d'airain, sur laquelle ce serment gravé devienne le type impérissable des devoirs de ses successeurs.
Que le Champ-de-Mars enfin soit dédié à notre postérité sous le nom de champ de la fédération; que ce champ soit à l'avenir le lieu où nos rois seront investis du pouvoir qui leur est délégué par la Constitution, et où ils jureront de n'en jamais franchir les limites.
Telle est. Messieurs, la pétition de la ville de Paris, interprète des vœux de toute la France : il est digne de vous de l'adopter et de la consacrer par vos décrets. Vous verrez tous les citoyens de toutes les parties du royaume s'empresser de souscrire pour .l'édification de ce monument, de ce palladium, auquel sera désormais attachée la fortune publique; et cet empressement sera un nouvel hommage rendu à votre sagesse et à votre patriotisme.
Les cent vingt citoyens députés par la commune de Paris pour le pacte fédératif.
Charqn, président. »
fait un rapport sur la proposition faite par M. de Vismes, fondé de la procuration des Génois, de prêter à la nation soixante-dix millions, tant en espèces qu'intérêts échus et créances exigibles, remboursables en annuités de dix années, à compter de 1790 (1). Messieurs, lorsqu'en vertu de vos décrets, la municipalité de Pans était autorisée à emprunter, pour garantir l'acquisition qu'elle avait proposé de faire de biens nationaux, le sieur de Vismes se présenta et offrit de prêter jusqu'à concurrence de 70 millions, conformément à votre décret du 9 avril, sanctionné par le roi.
Les offres consistaient à fournir ces 70 millions, savoir, un quart comptant; les trois autres quarts en arrérages échus et autres créances liquidées, le tout à l'intérêt de 5 0/0, remboursable, par égale portion, en dix années, dont le premier remboursement ne devait avoir lieu que deux ans après le dépôt.
Sur cette proposition, M. le maire de Paris et M. de La Rochefoucauld, président du comité de l'aliénation des biens nationaux, à qui elle fut communiquée, observèrent qu'aucun projet d'avances ni d'emprunts ne pouvait être agréé ni proposé qu'autant que le sieur de Vismes rapporterait une soumission régulière, signée de capitalistes accrédités.
D'après cette instruction, le sieur de Vismes est parti pour Gênes le 9 mai ; il y a opéré
avec succès, et a rapporté une soumission signée des premières et des plus opulentes maisons
de Gênes, qui sont comptées parmi les plus riches de l'Europe. Cette soumission est conforme
au projet du sieur de Vismes; elle renferme l'obligation : 1° de fournir dix-sept millions
cinq cent mille livres, argent comptant, et cinquante-deux millions cinq cent mille livres,
tant en quittances
Pendant le voyage du sieur de Vismes, qui n'a duré que cinq semaines, vous avez, Messieurs, rendu un nouveau décret, qui dispense les municipalités de tout cautionnement, et qui consé-quemment rend inutile l'emprunt projeté par la ville de Paris.
Le sieur de Vismes, avant de rendre aux Génois le titre qui les engage, persuadé que cette opération peut être utile à vos finances, a désiré qu'elle fût mise sous vos yeux; et le comité des finances, sans émettre aucun vœu à ce sujet, a cru ne pouvoir se dispenser de voua exposer le fait qui montre au moins la confiance que de riches et habiles étrangers mettent dans ia solidité de vos finances, fondée sur celle de votre Génstitution.
C'est une belle réponse aux ennemis de la grandeRévolution, opérée par votre courage, que la démarche d'une puissance étrangère, d'une maison libre, depuis longtemps, qui s'empresse de seconder vos généreux efforts, par l'offre d'une partie de son numéraire, et qui, voulant encore participer aux arrangements que vous avez adoptés pour le rétablissement des finances, yous propose aussi de reconstituer une dette exigible à des époques rapprochées, par des annuités à dé plus longs termes, mode que vous vous proposez d'employer pour opérer la libération successive de FEtat.
Cet emprunt, Messieurs, que l'on est prêt à réaliser, mérite, ce me semble, surtout dans les circonstances où nous sommes, toute l'attention de l'Assemblée nationale; il vous est offert à un taux d'intérêt au-dessous de ceux consentis depuis longtemps, et â la mesure de celui que vous avez décrété pour l'emprunt national. Les époques de remboursement ne seront point onéreuses, aux moyens de vos finances. Les remboursements ne commenceront qu'à un terme où vous êtes sûrs d'avoir surmonté toutes les difficultés, et de ne plus éprouver aucun embarras pour effectuer les payements.
En Consentant cet emprunt, vous attirez de l'étranger un nouveau numéraire de 17,500,000 livres, dans un temps où la pénurie des espèces vous force à des sacrifices énormes, et- qui, par l'entremise même de la caisse d'escompte, indépendamment des intérêts, vous ont coûté jusqu'à présent 4 à 5 0/0.
Vous épargnez la sortie de plusieurs millions, qui sont aus aux Génois pour les intérêts échus quant à présent, et pour ceux qui doivent échoir jusqu'au 1er novembre 1791.
Vous anéantissez les remboursements que vous aviez à effectuer d'ici en 1793, et qui forment un objet de plus de 10 millions, dont il faudrait que le numéraire passât à l'étranger.
Vous prolongez les remboursements de partie des emprunts à termes fixes, et vous vous rédi-mez des primes et des accroissements périodiques de ces emprunts, tels que les loteries de 1780, d'avril et octobre 1783, l'emprunt de 125 millions et celui de 80 millions. '
Vous diminuez la masse des rentes viagères, dont les intérêts énormes coûtent à l'Etat le triple des capitaux empruntés à termes fixes, et remboursables par annuités, avec les intérêts.
Vous rendez à la patrie un service signalé, en rétablissant l'équilibre des changes, depuis longtemps si défavorables à toutes nos opérations commerciales.
Rétablir l'équilibre des changes, c'est nous assurer aujourd'hui de vendre sur le pied de 8 à 10 0/0 plus cher toutes nos marchandises à l'étranger, de payer 8 à 10 0/0 de moins toutes nos marchandises étrangères dont nous ne pouvons nous passer.
Vous donnerez à tous les étrangers, propriétaires de capitaux dans nos emprunts, un exemple qu'ils ne tarderont pas à suivre.
Bientôt la reconstitution de la dette en annuités sera provoquée, et vous ne devez pas douter de l'empressement général de tous les citoyens français à se conformer à un plan aussi utile à leurs intérêts qu'intéressant pour le salut de l'Etat.
Enfin, dans l'appareil dé guerre dont nos ennemis nous menacent, l'Assemblée ne voudra pas repousser vers ces puissances ennemies les capitaux que l'on cherche à placer et qu'elles pourraient employer contre nous, et ne manquera pas de sentir combien il est heureux de pouvoir prouverâ l'Europe qu'il existe encore des nations assez sages pour nous aider à nous défendre contre les tentatives de puissances mal intentionnées.
Telles sont, Messieurs, les considérations que, j'ai dû vous présenter, sur la proposition du sieur de Vismes, comme fondé de la procuration des Génois, et je conclus à ce que le projet de décret (dont je vous donnerai lecture si vous l'ordonnez) soit envoyé pour l'examen, à vos comités des finâncesetde l'aliénation des domaines nationaux, pour, sur leurs prompts rapports, être par vous ordonné et décrété ce qu'il appartiendra.
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale, vu les propositions faites par un nombre de capitalistes génois; considérant l'utilité d'attirer en France du numéraire effectif, et d'éloigner les remboursements qui nécessitent une extraction de numéraire, jusqu'à concurrence des intérêts et des capitaux à termes fixes, dus à l'étranger :
Considérant qu'il est intéressant de convertir en annuités les remboursements qu'exigent plusieurs emprunts à termes fixes, auxquels sont attachés des primes et des accroissements de capitaux, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. La municipalité de Paris est, autorisée à passer, au nom delà nation, une constitution de 70 millions de capital aux capitalistes génois, dont la soumission lui a été présentée et à leur fondé de procuration.
Art. %. Le capital de 70 millions sera fourni, un quart en espèces ou matières d'or et d'argent, et trois quarts, tant en lettres de change et intérêts échus et â échoir jusqu'au Ie' janvier 1791, qu'en capitaux de créances sur l'Etat liquidées et produisant intérêt au denier vingt, et en capitaux des emprunts effectués* sous la condition de remboursements à termes fixes et constitués dans les emprunts de Gênes.
Art, 3. La constitution de 70 millions ci-dessus sera stipulée remboursable pour les principaux en 24 payements, de six mois en six mois, dont
le premier sera effectué au 1er juillet 1793. Le second au 1er janvier 1794, et ainsi de suite.
Art. 4. Les annuités comprendront les intérêts dégradatifs et partie des capitaux.
Art. 5. Les capitaux qui seront fournis en espèces ou matières d'or et d'argent, conformément a l'article 2, porteront intérêt à 5 0/0, à compter du quartier dans lequel ils seront versés dans le Trésor publicet les intérêts échus, dont la quittance sera donnée pour comptant dans ledit capital de 70 millions, porteront intérêt à compter du 1er octobre prochain : à l'exception de ceux dont l'échéance n'arrive qu'au derpier décembre 1790, dès que l'intérêt ne courra que du Ier janvier 1791.
Art. 6. Lesdites annuités seront stipulées en lettres de change sur Gênes, au change qui sera stipulé et convenu.
Art. 7. L'Assembléenationale déclare, en conséquence, les bois nationaux destinés à être exploités pour le compte de la nation, spécialement hypothéqués au payement desdites annuités, jusqu'à leur parfait payement.
Art. 8. La municipalité de Paris fera verser dans le Trésor public les espèces et matières d'or et d'argent, jusqu'à concurrence de 17,500,000 livres, au moment de la délivrance des annuités ; elle donnera le bordereau des intérêts, dont la quittance sera délivrée pour comptant par les prêteurs et celui des capitaux des créances qui compléteront le payement des 70 millions, lesquels seront publiquement anéantis.
Art. 9. La municipalité de Paris est autorisée par le présent décret à effectuer pareille constitution jusqu'à concurrence de 140 millions, aux conditions énoncées au présent décret.
Je suis membre du comité d'aliénation, et j'observe en cette qualité que cette affaire lui est parfaitement étrangère.
M. d'Allarde lui-même nous a dit que cette proposition avait été réglée par le comité des finances ; je ne conçois pas pourquoi on en demande le renvoi à ce comité. J'ajoute qu'il me paraîtrait nécessaire qu'un membre nous indiquât les motifs qui l'ont fait rejeter.
Le rapport de M. d'Allarde ne mérite pas d'occuper l'Assemblée. Le rapporteur n'a pas observé que cette proposition, faite par les Génois à la municipalité, ne l'a été Di au gouvernement, ni à l'Assemblée ; d'ailleurs, nous n'avons pas besoin d'argent.
Si vous n'avez pas besoin d'argent, pourquoi l'achetez-vous donc si cher?
Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
(Cette proposition est adoptée.)
, député de Douai, fait à l'Assemblée, au nom des comités d'agriculture, de féodalité et des domaines, le rapport suivant sur les droits de voirie et plantations d arbres dans les chemins publics (1).
Messieurs, par l'article 39 du titre II de votre décret du 15 mars 1790, concernant les
droits féodaux, vous vous êtes réservé de prononcer sur
C'est cette réserve que vos comités de féodalité, d'agriculture et des domaines viennent aujourd'hui vous rappeler, pour vous soumettre le projet de loi qu'ils ont préparé sur les droits de voirie, et singulièrement sur les plantations d'arbres dans les chemins publics.
Je dis chemins publics, et par là je n'entends pas les grands chemins ou chemins royaux, qui seront, pour votre comité des domaines en particulier, l'objet d'un rapport distinct de celui-ci ; mais les chemins qu'on appelle indifféremment vicinaux ou vicômtiers, parce qu'ils conduisent ad vicos, aux villages ou bourgs.
C'est sur ces chemins que les ci-dévant seigneurs s'étaient attribué des droits ; c'est de ces chemins qu'ils se prétendaient propriétaires; c'est sur ces chemins que, dans plusieurs provinces, ils avaient planté des arbres, comme sur leur propriété foncière.
Si ces chemins étaient effectivement une propriété pour eux, n'en doutons pas, ils l'ont conservée, et les droits qu'ils y ont exercés jusqu'à présent leur appartiennent encore; car, en détruisant la féodalité et les justices seigneuriales, vous n'avez porté aucune atteinte à la propriété foncière ; vous l'avez, au contraire, respectée et maintenue jusque dans ses moindres vestiges.
Mais si les seigneurs n'ont jamais eu ni pu avoir sur les chemins publics de véritables droits de propriété; s'ils n'y ont jamais pu prétendre que la justice, si c'est de la confusion de leur qualité de justicier avec celle de propriétaire, qu'est dérivée pour eux, en plusieurs provinces,la faculté d'y planter, il est indubitable que l'abolition de leur justice les a privés de tous leurs droits, de toutes leurs prétentions sur ces chemins, et que ces chemins sont aujourd'hui pour eux ce qu'ils sont pour tous les citoyens, c'ést-à-dire que, destines à l'usage commun de tous les individus par une espèce de consécration publique, ils n'appartiennent à personne, et dépendent uniquement de la puissance souveraine.
Entre ces deux hypothèses, le choix n'est pas difficile à faire pour quiconque a médité les principes de la matière, l'histoire des justices seigneuriales, les anciens monuments de notre jurisprudence et les dispositions de nos coutumes.
Les principes nous disent qu'il a existé des chemins avant qu'il existât des seigneuries ; qu'ainsi il est impossible de considérer les chemins comme des concessions seigneuriales ; et que, dès lors, les droits que les seigneurs ont exercés jusqu'à présent eurles chemins ne sont ni le prix, ni l'émanation, ni la modification d'une propriété sacrifiée par eux à l'usage du public.
Les principes et l'histoire nous disent, de concert, que les justices seigneuriales n'étaient, dans leur origine, que des fonctions publiques confiées en sous-ordre par le fonctionnaire suprême, par le monarque, à des agents subalternes ; que, devenues héréditaires par la force, elles n'ont pas perdu pour cela leur nature primitive et originelle de fonctions publiques; que, dès lors, elles n'ont jamais pu prendre le caractère d'une propriété; que si elles n'ont jamais eu ce caractère, elles n'ont jamais pu, à plus forte raison, le transmettre aux objets sur lesquels elles s'exerçaient; que jamais, par conséquent, un seigneur justicier n'a pu se considérer comme propriétaire, soit de sa justice, soit des chemins soumis à sa justice; qu'il n'a jamais eu sur les chemins qu'un droit ou plutôt un pouvoir d'administrer, et que certainement le pou-
voir d'administrer une chose publique ne donne point la propriété de cette chose.
Quant aux anciens monuments de notre jurisprudence et aux dispositions de nos coutumes, nous y trouvons la preuve, qu'en effet les droits exercés jusqu'à présent par les seigneurs sur les chemins n'ont point d'autre source ni d'autre base que leur justice (1); et de là dérive nécessairement la conséquence que leur justice étant détruite, ou, pour parler plus juste, les fonctions publiques, qui leur avaient été déléguées, étant supprimées, le mandat dont ils avaient été, ou dont ils s'étaient dits chargés par le chef de la nation, étant révoqué par la nation elle-même, les accessoires de cette justice, les salaires de ces fonctions, les honoraires de ce mandat doivent cesser en même temps.
Il ne peut donc y avoir de difficulté ni à prononcer ia suppression du droit de voirie seigneuriale, ni,par suite, à priver les ci-devant seigneurs du droit que leur accordaient les coutumes de plusieurs provinces, ou que la possession leur avait attribué dans d'autres, de planter les chemins publics.
Mais en perdant le droit de planter à l'avenir les chemins publics, les ci-devant seigneurs doivent-ils perdre les plantations qui y existent actuellement, et les arbres qu'ils auraient pu abattre et vendre avant les décrets du 4 août 1789, ont-ils, depuis cette grande époque, cessé d'être à leur disposition?
Ici, Messieurs, s'élève un conflit entre l'exacte rigueur des principes, et cette espèce de justice douce et compatissante qu'on distingue communément par le nom d'équité.
Dans l'exacte rigueur des principes, les arbres suivant le fonds auquel ils sont attachés, ceux qu'un seigneur a plantés sur un chemin public ne peuvent lui appartenir, et le public seul a droit de les réclamer.
Mais si nous consultons l'équité, elle nous dira que dans les lieux où la loi, la coutume,
l'usage accordaient au seigneur le droittle planter les chemins publics, le seigneur était,
par cela seul, considéré comme propriétaire des arbres existants sur ces chemins; que cette
propriété, pour être très imparfaite, et, si l'on veut, très vicieuse, n'en était pas moins
un fruit du droit de justice; qu'à la vérité, le droit de justice est supprimé pour l'avenir;
mais que les fruits qu'il a produits, avant sa
Elle nous dira encore que les lois ne doivent pas avoir d'effet rétroactif, et que si ce principe peut souffrir des exceptions en faveur des lois qui ne font que réparer des injustices tout à la fois récentes et scandaleuses, il doit couserver toute sa force quand il s'agit de lois qui frappent sur des abus invétérés et dès longtemps regardés comme des droits légitimes.
Elle nous rappellera enfin que, lorsque vous avez, par votre décret du 15 mars dernier, aboli sans indemnité cette foule de droits absurdes et barbares qui pesaient sur le peuple, vous n'avez pas cru pouvoir toucher aux arrérages de ces droits, et que, loin de là, vous avez autorisé formellement Jes personnes à qui ils étaient dus, d'en poursuivre le recouvrement (1).
Ne serait-il donc pas bien étrange que, tandis que le seigneur d'une mainmorte peut, en vertu de votre décret du 15 mars, réclamer et s'approprier la succession d'un infortuné mainmortable, que la mort aura dérobé à sa famille avant ia publication des décrets du 4 août 1789, le seigneur d'un chemin public n'eût pas le droit cie conserver les arbres qu'il y a plantésavant la même époque et qui jusqu'alors y ont crû à son profit exclusif?
Non, il n'est pas possible que des législateurs équitables et d'accord avec eux-mêmes portent aussi loin les effets de la suppression du droit de voirie. Aussi, Messieurs, vos trois comités ont-ils été unanimement d'avis que les arbres existants actuellement sur les chemins publics doivent continuer d'appartenir aux seigneurs qui en ont été jusqu'à présent réputés propriétaires.
Je dis « qui en ontété jusqu'à présent réputés propriétaires »; car l'intention de vos comités n'est pas du vous proposer de donner de nouveaux droits aux ci-devant seigneurs; mais seulement de leur conserver, sur les arbres actuellementexistants, les droits qu'ils avaient avant les décrets du 4 août 1789, ce qui exclut toute prétention à ces arbres, de la part des seigneurs auxquels la coutume, ou une possession bien prouvée et bien constante ne les défraient pas, et maintient même, dans les coutumes qui admettaient le droit de plantation, les droits que des particuliers pouvaient avoir acquis-sur certains arbres par l'effet d'une possession paisible ou d'un titre spécial.
Mais en conservant au ci-devant seigneur la propriété des arbres actuellement sur pied, ne devez-vous pas lui faire une loi de les abattre, et pouvez-vous encore ies laisser croître à son profit?
Ici l'équité se trouve encore en opposition avec la rigueur des principes; mais elle est ici plus forte que sur la question précédente; car elle est soutenue par des considérations d'économie politique, et, si j'ose le dire, par l'intérêt national.
Dans 1a rigueur des principes, l'abolition du droit de justice et celle du droit de planter
qui en est la suite nécessaire devrait emporter pour le seigneur la cessation absolue de tous
les prolits des plantations actuelles, et par conséquent lui impo-. ser l'obligation
d'abattre les arbres qui croissent en ce moment sur les chemins. ■ Mais d'abord l'équité
s'élève contre ce parti, est un grand nombre de seigneurs qui ont expos
Considérez, en effet, Messieurs, combien le bois déjà rare dans la plus grande partie de la France; cette substance si précieuse, si nécessaire à l'homme, et sans laquelle il ne peut ni résister au froid, ni faire cuire ses aliments, ni exercer les arts les plus essentiellement liés à ses premiers besoins, tous les jours nous la voyons dépérir, soit par l'incurie du propriétaire, soit par son avidité qui appelle d'autres genres de culture, soit enfin, puisqu'il faut le dire, par les dévastations auxquelles se livre un brigandage que l'insouciance des tribunaux semble encourager.
Pourriez-vous donc, dans de telles circonstances, ordonner la destruction des arbres qui sont l'espérance et la ressource de l'avenir? Nony ce serait douter et de votre justice et de votre sagesse, que de craindre une pareille loi; ce serait vous offenser, que de vous la proposer.
Aussi, Messieurs, n'y a-t-il aucun membre de vos trois comités qui vous la propose. Mais ils se réunissent tous pour vous soumettre un moyen qui, si vour l'adoptez, réunira à l'avantage de faire cesser, du moment qu'on l'exécutera, les effets utiles du droit de voirie seigneuriale, l'avantage non moins précieux et non moins digne de toute votre attention, de laisser parvenir à leur maturité les arbres qui ont été plantés en vertu de ce droit.
- Ce moyen est très simple; il consiste à donner aux propriétaires riverains la faculté de racheter des ci-devant seigneurs voyers, les arbres plantés vis-à-vis de leurs propriétés.
Par-là, vous concilierez avec ce que vous devez aux principes, ce que la justice exige de vous pour l'intérêt privé des ci-devant seigneurs, et ce qu'attend de vous l'intérêt public.
Les principes seront respectés, puisque les effets utiles ae la voirie seigneuriale ne survivront à ce droit, qu'autant que le voudront bien les propriétaires les plus intéressés à les faire cesser.
L'intérêt privé des seigneurs sera conservé, puisque le rachat des arbres qu'ils ont plantés, leur procurera l'équivalent de ce que ces arbres mêmes auraient pu leur rapporter, s'ils les avaient vendus dans leur état actuel.
Enfin, 11 sera pourvu à l'intérêt public, puisque les propriétaires riverains n'auront garde d'abattre, avant leur maturité, des arbres4ont ils auront payé la valeur.
Tel est, Messieurs, le fond du projet de décret que nous avons l'honneur de vous présenter. Les détails qu'il contient s'expliquent assez par eux-mêmes.
Projet de décret
L'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :
Art. l8r. Le régime féodal et la justice seigneuriale étant abolis, nul ne pourra dorénavant, à l'un ou l'autre de ces deux titres, prétendre aucun
droit de propriété ni de voirie sur les chemins publics, rues et places de villages, bourgs ou villes.
Art. 2. En conséquence, le droit de planter des arbres ou de s'approprier les arbres crus sur les chemins publics, rues et places de villages, bourgs ou villes, dans les lieux où il était attribué aux ci-devant seigneurs par les coutumes, statuts ou usages, est aboli.
Art. 3. Dans les lieux énoncés dans l'article précédent, les arbres existant actuellement sur les chemins publics, rues ou places de villages, bourgs ou villes, continueront d'être à la disposition des ci-devant seigneurs qui en ont été jusqu'à présent réputés propriétaires, sans préjudice des droits des particuliers qui auraient fait des plantations vis-a-vis leurs propriétés et n'en auraient pa3 été légalement dépossédés par les ci-devant seigneurs.
Art. 4. Pourront néanmoins les arbres existant actuellement sur les rues ou chemins publics, être rachetés par les propriétaires riverains, chacun vis-à-vis sa propriété, sur le pied de leur valeur actuelle, d'après l'estimation qui en sera faite par des experts nommés par les parties, sinon d'office par le juge, sans qu'en aucun cas cette estimation puisse être inférieure au coût de la plantation des arbres.
Art. 5. Pourront pareillement être rachetés par les communautés d'habitants, et de la manière ci-dessus prescrite, les arbres existant sur les places publiques des villes, bourgs ou villages.
Art. 6. Les ci-devant seigneurs pourront," en tout temps, abattre et vendre les arbres dont le rachat ne leur aura pas été offert, après en avoir averti par affiches, deux mois à l'avance, les propriétaires riverains et les communautés d'habitants, qui pourront respectivement et chacun vis-à-vis sa propriété ou les places publiques, les racheter dans ledit délai.
Art. 7. Ne sont compris dans l'article 3 ci-dessus, non plus que dans les subséquents, les arbres qui pourraient avoir été plantés par les ci-devant seigneurs sur les fonds mêmes des riverains, lesquels appartiendront^ ces derniers, en remboursant par eux les frais de plantation seulement.
Art. 8. Ne sont pareillement comprises dans les articles 4 et 6 ci-dessus les plantations faites, soit clans les avenues, chemins privés et autres terrains appartenant aux ci-devant seigneurs, soit dans les parties de chemins publics qu'ils pourraient avoir achetées des riverains, à l'effet d'agrandir lesdits chemins et d'y planter; lesquelles plantations pourront être conservées et renouvelées par les propriétaires desdites avenues, chemins privés, terrains ou parties de chemins publics, en se conformant aux règles établies sur les intervalles qui doivent séparer les arbres plantés d'avec les héritages voisins.
Art. 9. Il sera statué, par une loi particulière, sur les arbres plantés le long des chemins dite royaux.
Art. 10. Les administrations de département seront tenues de proposer au Corps législatif les mesures qu'elles jugeront les plus convenables, d'après les localités et sur l'avis des districts, pour empêcher, tant de la part des riverains et autres particuliers, que des communautés d'habitants, toute dégradation des arbres dont la conservation intéresse le public.
met successivement aux voix les divers articles du projet de décret.
Les articles 1 à 9 sont relus et adoptés après quelques courtes observations.
(de Saint-Jean-d'Angély) a la parole sur l'article 10. Il demande, pour prévenir les abus et les malversations de certaines municipalités, qu'il soit inséré dans cet article une disposition portant qu'elles ne pourront rien entreprendre en vertu du présent décret, que d'après l'autorisation expresse du directoire de district, qui sera donnée sur une simple requête et après communication aux parties intéressées.
(de Nemours) observe que les Anciens avaient montré la nécessité de conserver les arbres par une fiction ingénieuse: ils avaient placé une nymphe dans chacun d'eux. Il est d'avis que l'amendement de M. Regnaud doit trouver place dans l'article en discussion.
Divers membres demandent à aller aux voix. L'amendement est adopté.
, rapporteur, modifie la rédaction de l'article qui est décrété ainsi qu'il suit :
Art. 10* « Et pour pourvoir au remplacement de ceux qui auraient été ou pourraient être abattus, les administrations de département seront tenues de proposer au Corps législatif les mesures qu'elles jugeront les plus convenables, d'après les localités et sur l'avis des districts, pour empêcher, tant de la part des riverains et autres particuliers, que des communautés d'habitants, toute dégradation des arbres dont la conservation intéresse le public; 2° cependant l'Assemblée nationale déclare nuls et attentatoires à la puissance législative, les arrêts généraux du parlement de Douai, des 12 mai et 31 juillet 1789, en ce qu'ils ont rendu les communautés d'habitants du ressort de ce tribunal responsables de plein droit de tous les dommages qu'éprouveraient les propriétaires de plantations : fait défenses de donner à cet égard aucune suite tant aux procé-, dures faites qu'aux jugements rendus en conséquence desdits arrêts. »
(La séance est levée à trois heures.)
Séance du
La séance est ouverte à 6 heures du soir.
, ancien Président, occupe le fauteuil en l'absence de M. Treilhard, président.
, secrétaire, donne lecture des adresses suivantes :
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement d'une société des amis de la Constitution, formée dans la ville de la Réole, et de celle formée dans la ville de Dax.
Adresse de la municipalité et garde nationale de la communauté de Dency, qui demandent des
armes.
Adresse des membres de l'école royale de chirurgie d'Orléans, qui supplient l'Assemblée de réprimer les abus qui régnent dans cette partie essentielle de la médecine.
Adresse de la ville du Buis, département de la Drôme, qui demande que le siège de son bailliage soit remplacé par le tribunal de district.
Adresse des chancelier, doyen et professeurs do l'université de médecine de Montpellier, qui se font un devoir de transmettre les principes d'égalité consacrés par la Constitution à cette nombreuse jeunesse, que la réputation de l'université de cetto ville attire de toutes les parties de la France et de toutes les contrées de l'univers.
Adresse des élèves du séminaire de Châlons-sur-Marne, qui présentent à l'Assemblée l'assurance de leur adhésion à ce qu'elle a fait jusqu'ici, et se dispose à faire pour le bonheur des Français. Ils font l'éloge le plus touchant de leur évê-que, et conjurent l'Assemblée de le leur conserver.
Adresse de la garde nationale de Couiza, qui exprime les plus vifs regrets de n'avoir pu envoyer des députés à la fédération générale, et fait hommage à l'Assemblée de son union au serment fédératif prononcé au Champ-de-Mars.
Adresses de l'assemblée électorale du département des Basses-Alpes et des assemblées administratives du département de l'Ariège et du département de l'Hérault, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l'Assemblée nationale l'hommage d'une adhésion absolue à tous ses décrets, et d'un dévouement sans bornes pour en assurer l'exécution. « Nous « avons, disent les administrateurs du départe-« ment de l'Hérault, renouvelé avec toute la « France, à l'époque mémorable du 14 juillet, le « serment solennel de défendre, jusqu'au dernier « soupir, cette liberté sans laquelle Vexistence des « citoyens est V image du néant, et la vie des nations « le comble de l'opprobre. »
Adresses des municipalités, des communautés d'Odenas en Beaujolais, de Saint-Myon, département du Puy-de-Dôme, de Ruelle, département de la Charente, de Saiut-Jean-d'Atauxen Périgord, de Montellier, département de la Drôme, d'Arte-nac et de Saint-Pierre, de Selles en Bern, de Saint-Jean de Prigny en Retz, de Chenoise, département de Seine-et-Marne, d'Ecoyeux, de Comps, de Ledenon, département du Gard, du bourg de Selongey au département de la Côte-d'Or, des villes de Port-Louis, du Palais à Relle-Isle-en-Mer, de Granville, de Saint-Amand, de Nuits, de Gy, du Port-Sainte-Marie, de Vienne, d'Elain, de Nîmes, de Niort, de Maubeuge, de Limoges, de Melle, de Dieu-le-Fit, d'Hyères et de Bordeaux.
Adresses des "gardes nationales du Port-Saint-Péré, de 1a Pleyssade, de Pouillon, de Marennes, de Nogaro et de différentes communautés du district de Melle.
Toutes ces municipalités et gardes nationales annoncent que tous les citoyens armés ou non armés, et les troupes de ligne, en garnison dans la plupart des villes énoncées ci-dessus, se sont empressés de s'unir à la fédération du 14 juillet, en célébrant ce jour mémorable par une féte civique, où ils ont fait éclater les plus grands trans-
ports de joie, et prononcé dè concert le serment fédératif du Champ-de-Mars.
Adresses des assemblées administratives du district d'Angoulême, de celui d'Amboise, gui implorent les premiers moments de leur existence, et celui qui fait le pacte fédératif de tous les Français, pour assurer à l'Assemblée nationale que les fonctions qui leur sont confiées n'ont pour eux de prix que parce qu'ils vont coopérer à l'établissement d'une Constitution qui fait Tâtonnement et l'admiration de l'Europe, et va rendre à sa vraie dignité et au bonheur le meilleur des peuples.
Adresse de la commune de la ville de Tours, qui joint le procès-verbal de la cérémonie du 14 juillet, du serment prêté sur l'autel de la patrie, et des réjouissances qui ont eu lieu en ce jour immortél.
Adresses des officiers municipaux de la ville de Tours, qui supplient l'Assemblée nationale de faire remettre aux municipalités les bibliothèques des établissements ecclésiastiques et religieux sous inventaire, à l'effet de les faire contribuer au développement des lumières de leurs concitoyens.
Adresse d'un sieur François Hébert, lils du malheureux maire de Saint-Denis, victime de la funeste journée du 2 août en cette ville, lequel expose que cet événement, la destruction des péages et celle de la place de directeur du domaine de Saint-Gyr, réduisant sa femme, ses enfants et lui à la misère, il implore les secours et la bienfaisance de la nation.
Adresse de la municipalité d'Auch, qui a tous les actes d'adhésion pour elle, déjà adressée à l'Assemblée, à celle des assemblées primaires des quartiers de Saint-Pierre Gaillau, de Joui de la Trailleet Cour de Ville, en joint une nouvelle à l'occasion du pacte fédératif du 14 juillet.
Adresse des officiers de l'état-major de la garde nationale du Temple, qui exposent qu'ils avaient demandé au ministre de la guerre le congé absolu du sieur Masson, ancien militaire, dont l'expérience, Je courage et les talents le leur rendent nécessaire pour les former au service ; que le ministre leur avait accordé ce congé, en fournissant une somme de 200 livres pour le remplacement dudit sieur Masson, condition qu'ils ont sur-le-champ offert de remplir ; mais que des calomnies ayant trompé la religion du colonel du régiment de Champagne, et, par ce dernier, celle au ministre, ils éprouvent actuellement un refus qu'ils supplient l'Assemblée nationale de vaincre, en faisant connaître au ministre la vérité.
Adresse du gardien des ci-devant capucins de la rue Saint-Honoré, et des sieurs Antoine, Louis, Pierre le Douy, dit en religion Frère Anaclet, secrétaire et archiviste de la maison, qui demandent, comme une grâce, la permission de continuer ia célébration des saints mystères dans leur église, sans émolument, et pour le seul bonheur d'être utile à la religion et à l'Etat, jusqu'à cè que la destination de ce temple soit définitivement déterminée par la nation et ses représentants.
Adresse de la commune de Javarda, qui rend compte de la cérémonie auguste du pacte fédératif et du serment civique qui ont eu lieu dans leurs murs le 14 juillet, joignent leur adhésion à tous les décrets et manifestent le vœu de conserver leur pasteur aux vertus et au patriotisme duquel ils rendent l'hommage le plus flatteur.
L'ordre du jour appelle la discussion de Vaffaire de Montauban.
Vous avez décidé que vous entendriez à la barre la municipalité et la garde nationale de Montauban. Je demande que MM. de la garde nationale soient présents au discours de la municipalité, afin qu'ils puissent y répondre.
Je demande que la discussion ne puisse êtré fermée sans qu'on ait entendu deux orateurs pour et contre.
(Les officiers municipaux et les gardes nationales de Montauban paraissent à la barre.)
accorde d'abord la parole aux officiers municipaux.
, procureur de la commune de Montauban, prononce le discours suivant (1) : Messieurs, les tristes circonstances qui nous amènent devant vous n'altèrent point la joie que nous fait éprouver la vue de nos augustes législateurs, la présence des pères de la patrie.
Vous avez daigné nous accorder, Messieurs, l'accès de ce sanctuaire ; ce premier acte de justice nous présage celle que nous obtiendrons dans le fond de la cause.
Et quel est le motif qui nous a fait désirer l'approche de ce grand et suprême tribunal? quel espoir a pu nous y attirer ? c'est sans doute la le premier problème à résoudre. Nous n'avons pu compter sur les ressources que fournit le talent.
Un homme qui n'est jamais sorti du fond de sa province, surpris et peut-être troublé par la nouveauté du spectacle, par l'éclat imposant de tout ce qui l'environne, à peine remis d'une fatigue qui a excédé ses forces peu exercées aux déplacements et aux voyages; qui ne se retrouve pas lui-même au milieu ae cette multitude d'objets qui le frappent et l'étônnent, et qui, plus difficile-mentencore, peut se familiariser à l'idée d'accusation que sa conscience et son honneur repoussent : cet homme a besoin de toutes les facultés de son âme, pour soutenir sa constance ; et il lui en reste bien peu pour son apologie ; cet homme réclamerait au moins le temps et la réflexion pour préparer sa défense, et le second jour après celui où il obtient ta parole, l'appelle à en faire usage.
Que signifieraient, au surplus, ici tous les moyens empruntés de l'art du discours et du raisonnement? Tous les talents que je ne possède pas, me seraient inutiles, et s'anéantiraient devant une assemblée qui déploie chaque jour tout ce que l'éloquence et le génie ont de plus rare et de plus éminent.
Ce n'est sûrement pas de l'opinion qui nous a précédés, que nous pouvons tirer notre confiance. Elle s'est signalée contre nous ; elle est ardente, elle est répandue, elle domine, et je n'ai pas même droit de l'inculper.
Non, Messieurs, je ne me plains pas de cette opinion ; quelque contraire qu'elle puisse être, elle tient à des causes que j'honore;.elle est excusable, même dans ses excès.
On nous a peints dans tout le royaume comme des ennemis de la Révolution, à laquelle nous nous sommes pourtant voués par les serments, à laquelle nous avons attaché notre existence et notre destinée, en acceptant les places qui nous ont été déférées. ■ ' "
Ceux qui nous ont jugés rebelles à la Constitution, n'ont pas été à portée d'entendre les
discours
Telle fut mon entrée dans la carrière municipale : je ne parlerai pas de la profession que je viens de renouveler et que l'impression a rendue publique; elle a été entendue le 14 de ce mois à la fédération générale, qui a eu lieu à Montauban, avec toute la pompe et l'appareil dont cette ville est capable, et qui a présenté l'unanimité de vœux la plus parfaite, et les transports de la joie la plus vive et la plus pure. Je plains ceux de mes concitoyens qui ont refusé d'en être les témoins, qui se sont dérobés aux plus douces et aux plus tendres invitations, consignées dans une proclamation du 10 de ce mois.
Je reviens à l'impression fatale qu'a produit le reproche de lutter contre la Révolution. Ah! s'il était fondé, nous mériterions la haine de tous les Français, et j'applaudis à ceux qui, ne pouvant nous connaître et nous justifier, nous voient avec indignation. Ce n'est pas encore ici le moment de nous disculper; mais je préviens que l'imputation n'a été accompagnée d'aucune preuve, que les preuves contraires s'élèvent de toutes parts, et que tout annonce qu'elle n'a été mise en œuvre que comme l'arme la plus sûre de la haine et de lu vengeance. Cette prévention encore qui nous condamne.a pris sa source dans le fanatisme de religion qui nous est attribué. Je n'ai qu'un mot à répondre ici, et ce mot est puisé dans l'écrit le plus violent qui ait été lancé contre la municipalité, qui porte pour titre ; Récit de Vhorrible aventure, etc. On y lira dans une note mise au bas de la page 27, qu'un protestant est à la tête du parti des nouvelles compagnies, et la conclusion .en est aussitôt tirée par l'auteur de la noie, qu'il est donc faux que la querelle soit une querelle de religion.
D'après, néanmoins, des suppositions pareilles, publiées par toutes les bouches de la renommée, faut-il s'étonner que les municipaux de Montauban soient devenus un objet d'horreur, et je pourrais dire d'exécration ? Il ne manquait qu à les transformer en assassins, et ce dernier trait a achevé le tableau.
Dix-sept citoyens honnêtes, portés par les vœux de toute une ville à des places de confiance, devenir tout à coup des meurtriers, des scélérats!,. Ah! cetle idée soulève et je ne puis m'y arrêter.
Mais le public, mais les villes étrangères ont été induites à tout croire. On les y a disposées par les idées du fanatisme qui entreprend tout, et qui consacre les plus horribles attentats. Un esprit contraire à 1a Révolution est une autre es-I èce de fanatisme qui, joint au premier, double ses efforts et étend les limites du crime au delà de ce que l'imagination peut atteindre.
Plaignons-nous après cela de l'opinion qui nous proscrit; non, Messieurs, je la respecte cette opinion; je dis plus, elle est raisonnable et juste, et c'est par là même que j'espère qu'en lui donnant d'autres fondements, elle nous deviendra propice, et qu'elle se déclarera pour l'innocence.
L'innocence, oui, Messieurs, c'est elle seule qui nous conduit ici/Jamais je n'eusse soutenu vos regards si mes collègues ou moi méritions un
reproche; nous pouvons n'avoir pas été infaillibles, mais nous sommes sûrs d'être irrépréhensibles dans les faits et l'intention.
C'est ce sentiment intime qui surmonte toutes les craintes et toutes les répugnances, qui nous a fait vaincre les difficultés et les obstacles, qui noua a élevés au-dessus de toute faiblesse, et qui nous a impérieusement commandé de demander et d'obtenir la parole.
Nous avons cru qu'il était toujours temps de porter la vérité à une Assemblée qui l'aime, et ne veut voir qu'elle. Nous n'avons pu mettre au rang des torts, le silence persévérant que nous nous étions prescrit, et que nous avons prolongé jusqu'au moment qui nous a menacé d'uu décret rigoureux et humiliant.
Le public était inon iê de brochures et de libelles; la passion qui s'y montrait nous paraissait un triomphe pour la justice, l'excès de la calomnie devait en être l'écueil, la modération caractérisait autant la bonne cause, que l'exagération décelait la mauvaise. Que pouvaient en tous cas des écrits la plupart anonymes, dénués de toute garantie? S'il était présenté contre nous quelque pièce authentique, n'était-il pas certain qu'elle nous serait communiquée? car jamais on n'a pris pour règle ce qui n'a pas été contredit ou exposé à la contradiction. Tel était notre langage, et p2r-sonne n'osera dire qu'il fut celui du bon sens et de la raison la plus commune.
Nos adversaires (car je ne donnerais jamais le nom d'ennemis à des frères, à des concitoyens), nos adversaires s'étaient portés en nombre vers cette capitale, et s emparaient de tous les esprits. Pour nous, nous gardions nos foyers, nous demeurions fidèles à notre poste, l'innocence et la loi veillaient pour nous, c'était sur elles que reposait notre sécurité; elle a été trompeuse; mais nous ne cesserons de croire qu'elle nous honore.
Cette paix que nous gardions au milieu de l'orage était entretenue par le soin d'instruire l'Assemblée nationale de toutes nos démarches et de tous les détails de notre conduite. Pas un courrier qui ne lui en rendît compte; diverses adresses lui développaient la chaîne et la succession des faits. Tous les actes marquants de l'administration étaient mis sous ses yeux, et nos diverses proclamations rinformaient,àtoutinstant,deréiat de la ville, de la situation de ses habitants, des progrès de la pacification et du retour à la tranquillité publique.
Nous ne doutions pas de l'effet de ces mesures, quoi qu'il ne fût attesté par aucune réponse; nous ne doutons pas encore que tous ces actes n'aient été retracés par M. le rapporteur. G'est à l'ombre de ces précautions que notre confiance se soutenait et s'accroissait.. Toute appréhension nous était étrangère; que pouvaient craindre les magistrats qui avaient signalé leur courage et leur dévouement dans les moments les plus périlleux.? qui, placés entre deux partis avaient voulu les sauver tous; qui, aux risques de leurs jours, étaient devenus les libérateurs de leurs concitoyens, et qui n'avaient voulu voir qu'une partie, quand les rivalités cherchaient à en faire deux?
Oui, Messieurs, le croirez-vous, après la déplorable journée du 10 mai, les municipaux qui auraient eu tant d'intérêt à recueillir les preuves, s'ils avaient pu prévoir qu'on les inculperait, les municipaux ne songèrent qu'à prévenir les suites, qu'à empêcher ou affaiblir l'éclat d'un tel désastre. Ils ne voyaient qu'un malheur public, une calamité générale dans ce tragique événemeut, dont il fallait, s'il était possible, effacer au plus
tôt la trace et ensevelir la mémoire. Ils ne prirent aucune précaution contre la calomnie, dont ils étaient bien loin de redouter l'atteinte. Ils se bornèrent à déposer dans le sein de l'Assemblée nationale, le récit d'une funeste aventure, et ne consentirent même à l'imprimer que quand ils aperçurent que l'opinion commençait à s'égarer.
Le dirai-je, Messieurs? — Et pourquoi ne me Mterai-je pas de vous l'apprendre? C'est moi, moi-même qui, de concert avec la municipalité, désarmai le vengeur public, prêt à informer contre les auteurs de la catastrophe. Je me rendis chez lui à plusieurs reprises pour le supplier, et conjurer de suspendre ses poursuites, de ne pas céder au vœu rigoureux de son ministère et de la loi qui le pressaient d'agir. Je lui peignis tant de familles intéressées, qui, enlacées dans l'entière cité, se verraient ^peut-être couvertes d'ignominie et d'opprobre. Je lui peignis la consternation et le deuil qu'allait répandre cette procédure menaçante, les haines se renouveler, les querelles s'aigrir, et tous les levains de ia discorde mis à jamais en fermentation dans une patrie que nous chérissions, et où ne pourraient plus rentrer la concorde et la fraternité.
Je suppliai et j'obtins; les ordres du pouvoir exécutif ont été le signal des poursuites et d'uue procédure qu'il n'a plus été possible d'éviter, mais qui s'est pourtant faite avec une lenteur et une nonchalance qui n'annoncent que trop l'ascendant de ceux qui la craignent.
Je ne pense pas, Messieurs, qu'on m'oppose que nous la redoutions nous-mêmes, cette procédure; que c'était pour nous que nous tremblions, ou que notre zèle était du moins bien loin d'être désintéressé.
Ali ! si quelqu'un me tenait ce langage, qu'il m'entende jusqu'au bout et il saura que nous envisageons cette même procédure comme le siège de la vérité, et, en même temps, comme le rempart de l'innocence. Il saura que, sans la connaître, nous consentons d'être jugés par elle; que noire confiance est dans nos cœurs, et dans ce dépôt inviolable, qui est sous la garde de la justice, et qu'elle seule a formé. Je n'en dis pas davantage, pour ne pa3 anticiper sur la discussion qui doit ailleurs trouver sa place.
Il est temps, en effet, de discuter et de faire succéder, à des réflexions générales, un examen tout particulier. Il sera rapide, peu développé, parce que les moments du départ, de l'arrivée, de ia parole accordée se touchent presque, et n'ont laissé qu'un très court intervalle. J'ai le cœur plein, mais la plume et le papier n'en peuvent suivre les mouvements, et il fallait plus d'une journée pour transmettre et tracer ce que j'aurais à dire; et ia séance dont vous daignez nous faire jouir est bien plus précieuse que suffisante ; je ne parcourrai que quelques objets principaux où se rallient les accessoires, que vos lumières et votre prompte intelligence ne manqueront pas de suppléer. J'ignore même si, pour ce plan raccourci, je pourrai, jusqu'à la fin, m'aider de la plume, et si la mémoire et la parole non écrite ne devront pas suppléer.
Jetez d'abord, Messieurs, vos regards sur noire position; elle est, j'ose le dire, étonnante et unique, nous nous présentons comme accusés; mais nous n'en avons pour ainsi dire que l'attitude, et nullement le titre ni le caractère.
Qui sont nos accusateurs ? Nous ne les connaissons pas (1). Où sont-ils? Nous l'ignorons.
Quelle
Lorsque de sourdes rumeurs nous disaient que nous étions poursuivis comme des coupables, nous refusions d'y croire et nous répondions : si nous étions dénoncés, la dénonciation nous serait connue; il implique qu'un citoyen soit accusé sans être appelé pour se défendre; et ce que la loi assure au moindre individu, est au moins acquis à un corps d'officiers publics.
D'après ce que la voix publique nous apprend, une condamnation flétrissante pend sur nos têtes, puisque nous devons être suspendus de nos fonctions ; eh bien, Messieurs, c'est par le bruit de la condamnation que nous sommes informés de l'accusation.
J'atteste qu'il ne nous a été légalement communiqué aucune plainte, que nous n'avons vu que des anonymes, des feuilles imprimées, que le public a vues comme nous ; que nous avons méprisé ces vils canaux de la calomnie, et que nous n'avons même pas eu le soupçon qu'il pût en sortir quelque dangereuse influence.
J'atteste qu'aucun acte ne nous a révélé que nous ayons des accusateurs, ni quels ils peuvent être. J'atteste enfin que nous n'avons été appelés à nous justifier sur aucun fait, sur aucune pièce, sur rien de ce qu'on a appelé jusqu'ici charge ou accusation.
C'est par des voies indirectes que nous avons su ce que nous ne savons pas encore aux yeux de la loi ; et par cela même qu'elles étaient indirectes, nous devions attendre et nous attendons celles que la justice de tous les temps a prescrites.
Oui, Messieurs, partout où le nom de justice est connu, dans tous les pays et dans tous les siècles, on a attaché à ce nom, on a compris dans sa signification la faculté pour l'accusé de contredire et de se défendre; et cette faculté emporte nécessairement la connaissance des personnes et des actes qui forment l'accusation. Ce n'est pas une maxime d'institution, elle est fondée sur le droit immuable de chaque homme, de chaque individu social, sur la raison éternelle, qui ne varie pas et qui n'est pas sujette à l'inconstance, au changement, ni à la mobilité de l'opinion.
Vous êtes, Messieurs, les législateurs de cet Empire, et vos destinées vous appellent à le devenir un jour de l'univers que vous instruisez et qui vous admire.
Mais vos exemples sont aussi des lois, et les plus puissantes de toutes, parce que leur pouvoir est proportionné au respect et à la vénération que vous inspirez. De celui que vous allez donner dépend la confirmation du premier dos droits de l'homme que vous avez déclaré ; celui de ne pouvoir être privé d'une défense légitime; et cette défense que serait-elle, si l'accusation et les accusateurs ne sont connus, si tous les actes à la charge de l'accusé ne lui sont communiqués ?
Je pourrais me référer à cette exception pé-
On parle de l'interrogatoire des nommés Biau, arrêtés à Revel, pour propos séditieux, qui n'ont été interpellés que sur l'affaire de Montauban, et qui à l'instant se sont évadés des prisons.
Cette fourberie n'a sûrement pas eu de succès au comité des rapports»
Si la loi rejette toute condamnation non précédée de défenge, elle n'impose en aucun temps silence à l'honneur outrage, et ne le force pas d'attendre que l'accusation soit régulière pour en écarter ia honte; lorsque surtout l'opinion s'est manifestée, et qu'elle fait déjà le tourment d'une âme honnête, qui, saU3 murmurer, en éprouve toute la rigueur.
Sans la multitude des faits qui nous ont été exposés, et qu'il serait trop long de réfuter ou d'expliquer* je ne relèverai que ceux qui éclairent tous les autres, et qui, par cela même, sont les seuls essentiels.
C'est aux diverses ordonnances rendues par la municipalité sur mes conclusions, que je crois devoir me fixer. J'y ai coopéré par mon ministère, j'en suis plus particulièrement garant, et, dans les actes où je n'ai pas concouru, ma voix sera d'autant plus libre et plus indépendante qu'elle sera exempte de tout intérêt personnel; à la gloire de défendre la vérité, je joindrai celle de la défendre pour elle-même, de consacrer mon zèle et mes efforts à ceux que l'estime et la fraternité me rendent chers.
Le 29 mars dernier je poursuivis une ordonnance qui annule le projet de fédération à conclure entre la garde nationale de Montauban et celle des villes voisines.
La glorieuse approbation qu'elle reçut dans le sein de cette auguste Assemblée m'aurait peut-être dispensé de ia rappeler ; elle m'aurait plutôt ordonné le silence sur un succès aussi flatteur, s'il n'était connu que cette même Ordonnance n'a pas été à l'abri d'une censure qui, quoique tardive, n'est pas moins affligeante.
Celte ordonnance et mon réquisitoire avaient pour base l'infraction des décrets, en ce que la fédération projetée n'aurait pas été subordonnée aux réquisitions de la municipalité. Cette maxime fondamentale, qui soumet l'autorité militaire au pouvoir civil, fut consacrée en termes exprès par le décret du 10 avril, qui laisse subsister l'ordonnance et applaudit au zèle qui l'a dictée.
Devait-on s'attendre qu'après une décision aussi auguste, la même ordonnance subirait un nouvel examen, et qu'une critique inattendue en serait le fruit?
On vous a dit, Messieurs, si le langage m'a été fidèlement transmis, que toutes les circonstances n'étaient pas connues, que vous ignoriez surtout que le projet improuvé par les municipaux eût été expliqué dans une adresse de la garde nationale, du lendemain 30 mars, adresse qui rectifiait le plan et le rendait conforme au voeu des décrets.
S'il en est ainsi, Messieurs, il est honorable pour la municipalité de Montauban, que la même
cause qui fit accueillir son ordonnance, par l'Assemblée, ait été aussi celle qui la fit rendre.
L'Assemblée nationale ignorait l'adresse du 30 mars et les modifications qu'elle contient, lorsqu'elle ratifia notre ordonnance du 29 mars. Eh 1 bien, j'ose attester que nous l'ignorions aussi quand nous l'avons délibérée cette ordonnance; je l'affirme et je le prouve» L'ordonnance est du 29 mars et l'adresse est du 30, pouvions-nous deviner la veille ce qui nous serait présenté le lendemain ?
Il est vrai que le temps nécessaire à l'impression retarda l'affiche jusqu'au 30 ; mais encore cette affiche avait précédé l'apport de l'adresse qui n'eut lieu qu'à la séaace du soir; il est plus vrai encore qu'aucun officier municipal ne soupçonnait cette adresse; il est très vrai, enfin, que dans les écrits imprimés par la garde nationale, et notamment dans celui qualifié de récit fidèle, elle est convenue et a dit très formellement que l'ordonnance était affichée lorsqu'elle Yint remettre son adresse»
Si l'adresse ne parvint qu'après l'affiche, elle était donc ignorée avant ? l'état des choses n'avait donc pas changé ? Le motif qui avait déterminé l'ordonnance subsistait, et ce motif est celui qui prévalut dans l'Assemblée le 10 avril suivant, et qui dirigea 6on opinion, dans le sens et l'esprit que la municipalité eut la gloire d'avoir adoptés.
L'Assemblée n'aura donc aucun regret au décret émané de sa sagesse le 10 avril, et ce décret, justifiant à jamais l'ordonnance du 29 mars, en fait un monument d'honneur pour la municipalité, malgré les efforts inutilement tentés pour en obscurcir l'éclat, pour le convertir même en sujet de blâme et de reproche.
A l'ordonnance du 29 mars succéda celle du 3 avril; quelle interprétation pouvait-on lui donner qui la rendît défavorable ou répréhen* sible? J'exposai dans le réquisitoire que la garde nationale corrigeait, par une adresse, la lettre qui paraissait tracer le plan d'une fédération indépendante ; j'invitai le corps municipal à recevoir le témoignage d'une intention pure et régulière (ce sont les termes). Je requis une déclaration authentique en faveur des sentiments de ia garde nationale ; que les fédérations, autres que celles qui paraissaient résulter des décrets, fussent improuvées jusqu'à ce que l'Assemblée nationale eût détermine l'organisation permanente des gardes partriotiques. L'ordonnance qui intervint fut conforme à ces conclusions.
Je m'abuse, Messieurs, ou cette ordonnance ne renferme rien que de juste et de régulier. Si je me trompais à cette époque, mon erreur dure encore et j'avoue que je ne saurais me trouver coupable.
Mais ce n'est pas par ce qu'elle contient, que l'ordonnance est maintenant attaquée, c'est parce qu'elle ne dit pas ce qu'elle devait dire; pourquoi se taire, allègue-t-on, sur la prestation du serment civique offert par la garde nationale ? pourquoi ne pas l'admettre ?
En voici le motif qui, je crois, est légitime et qui n'a besoin que d'être énoncé. Le décret qui prescrit, le serment des gardes citoyennes date du 7 janvier dernier, mais les lettres patentes qui le sanctionnent sont du 16 mars suivant.
Du 16 au 30, jour de l'adresse, l'intervalle n'est pas long. Le décret passa par l'intendance suivant l'usage ; il n'était pas encore officielle-' ment connu de la municipalité; devait-elle en prématurer l'exécution? Ne hasarde-t-on pas toq?
jdurs quelque chose de s'écarter des règles? Aussi la demande de la garde nationale ne fut pas rejetée ; il fut seulement dit qu'il n'y avait lieu d y prononcer quant à présent, clause qui annonce bien nettement l'intention de remplir le vœu de la loi, dès que le moment en serait arrivé.
L'ordonnance/ contre laquelle on s'élève le plus, et qui a eu les suites les plus importantes, est celle du 6 avril, qui détermine l'augmentation des compagnies.
Elle fut rendue sur deux pétitions, l'une d'un grand nombre de citoyens actifs, l'autre d'une partie de la garde nationale; pétitions que le corps municipal avait renvoyées au procureur de la commune pour y être statué sur ses conclusions .
Qu'on se place dans les circonstances où se trouvait l'officier public, entre deux demandes qui exprimaient le même vœu, porté à la fois par une multitude de citoyens recommandables, et par les membres, même en grand nombre, de la garde nationale.
D'un côté, le droit de chaque citoyen de concourir à la défense publique n'est pas équivoque, et l'honneur et la charge doivent en être également répartis; on ne peut pas dire que ce fussent ici les volontaires qui cherchaient à se reproduire sous une autre forme, car les volontaires étaient au nombre de 50 et les pétitionnaires d'une seule liste excédaient celui de" 300, auxquels il faut ajouter les soldats de la garde nationale qui demandaient aussi l'augmentation. Il a résulté de ces pétitions une formation de huit nouvelles compagnies de 64 hommes chacune, ce qui présente un total prodigieusement supérieur à la masse des volontaires. Ce serait donc bien gratuitement, qu'on supposerait que le désir des nouvelles compagnies n'était formé que par les individus qui s'étaient antérieurement réunis ; il faut nier la réalité des pétitions, ou reconnaître qu'elles étaient l'ouvrage d'une quantité de citoyens qui avaient des droits à se faire écouter. Cette première considération était certainement d'un grand poids et méritait une attention favorable.
D'autre part, qui pouvait apprécier la demande et en reconnaître l'utilité? N'est-ce pas aux officiers municipaux qu'il appartient de veiller à la garde et à la sûreté intérieures? Ils étaient donc les juges et tes arbitres-nés de la mesure des forces destinées à les procurer ou à les maintenir.
C'est ainsi, Messieurs, que j'envisageai l'objet, et si je me trompai, mon esprit et mon jugement sont seuls en défaut. Je requis conformément aux pétitions, et j'annonçai textuellement qu'il fallait admettre tous les citoyens capables de porter les urines et dignes d'en recevoir l'honneur ; l'ordonnance de la municipalité fut relative.
Cette ordonnance était-elle juste et régulière au moment où elle fut rendue? Je pense, Messieurs, que cette vérité est incontestable.
A-t-elle cessé de l'être depuis? et l'existence légale qu'elle avait reçue, a-t-elle pu s'évanouir, a-t-elle pu être interceptée par quelque cause postérieure et rétroactive?
La garde nationale annonce son recours à l'autorité législative, la municipalité surseoit à toute exécution et laisse écouler environ un mois, pour s'assurer, par le procès-verbal même de l'Assemblée, si son ordonnance lui a été déférée. Elle acquiert une certitude contraire.
Pressée alors par les instances des habitants,
elle procède à la formation et rend compte au Corps législatif, par une adresse du 5 mai, voulant n'agir que sous ses auspices, ayant toujours son autorité présente, et désirant de la rendre témoin en quelque sorte de tous les actes de son administration. Arrive, le lendemain 6 mai, la nouvelle d'un décret rendu le 30 avril, qui fixe provisoirement le régime des gardes nationales et le réfère à celui qui existait lors de la constitution des nouvelles municipalités, qui n'admet, au surplus, des modifications qu'autant qu'elles seront le fruit du concert entre les gardes nationales elles-mêmes et les nouvelles municipalités.
Ce décret est général, il fait loi pour tout le royaume; donnait-il atteinte à l'ordonnance du 6 avril ? J'ose avancer que non, je me permets même d'assurer que ce décret la confirme, et qu'il y met le sceau.
Ce décret ne suppose-t-il pas que, jusque-là, le régime n'était pas invariable? N'établit-il pas une disposition nouvelle? Eût-il fallu une loi pour ne prescrire rien qui déjà ne fût ordonné ? Oui, ce décret du 30 avril prouve manifestement que le régime des gardes nationales n'avait pas eu jusque-là de stabilité, qu'il était subordonné aux circonstances dont le jugement et l'examen ne pouvaient appartenir qu'aux municipalités.
Qui ignore que les dois nouvelles n'exercent d'empire que sur l'avenir, quelles ne donnent aucune atteinte au passé? et le décret du 30 avril, annoncé dans les feuilles publiques, n'avait même rien d'authentique pour la municipalité ; il n'existait et ne devait commencer à exister pour elle que du jour où il lui serait officiellement adressé. La formation des nouvelles compagnies était cependant consommée et le contrôle en avait été remis à l'état-major de la garde nationale dès le 6 mai.
Que l'on combine les circonstances; il est visible que le décret du 30 avril prouve lui-même que les gardes nationales n'avaient pas eu jusque-là de régime certain. Il est visible que ce décret ne déroge pas aux changements antérieurs; il est visible que l'addition des huit compagnies était effectuée longtemps avant la connaissance officielle du décret; il est encore visible que ce décret n'a pu rien opérer sur l'ordonnance du 6 avril, que tout ce qui en avait été la suite devait demeurer intact et obtenait même une pleine confirmation.
Que fit cependant la municipalité? Jalouse de se rapprocher en tout de l'esprit des décrets dans les cas même sur lesquels ils ne s'étendaient pas, elle appelle ce concert recommandé par la nouvelle loi du>30 avril; elle ouvre des conférences; elle entend les citoyens actifs, les pères de famille; elle députe le 8 mai deux de ses membres au général de la garde nationale, pour lui proposer divèrses alternatives et plusieurs plans de conciliation.
J'étais un des commissaires ; le général me reçut avec transport ; nous nous félicitâmes ensemble de l'heureuse issue des démêlés ; il ne doutait pas que le conseil militaire n'acceptât une des propositions, il avait même pouvoir d'en traiter seul, et la déférence seule l'obligeait à consulter ses camarades. Jamais négociation n'avait promis un succès plus prompt et plus complet.
Le conseil militaire fut convoqué le lendemain; . il se rendit au consistoire derhôtel-de-vilie, dans le cours de l'après-midi; toutes les espérances s'évanouirent à leur approche; aucun des projets n'avait été goûté; les pourparlers furent infruc-
tueux, et nos tentatives les plus pressantes échouèrent contre une résistance soutenue ; il fut dit eu finissant que le conseil militaire se rassemblerait le jour suivant.
Ce jour fut le 10 mai, je n'en dis pas davantage ; il rappelle assez la terrible explosion qui ne devait pas être le fruit de tant de démarches pacifiques.
Le général a publié, après coup, qu'il était muni de pleins pouvoirs pour terminer les différents et souscrire aux nouvelles compagnies : ah! que ne portait-il plutôt cette parole de paix, eile aurait sans doute dissipé l'orage et opéré l'heureuse conciliation....
J'ai prouvé par tout ce qui précède, que le décret du 30 avril n'était pas applicable à l'accroissement consommé.de la garde nationale montau-banaise ; j'ai prouvé encore, je le pense, que la municipalité, par respect pour ce décret, qui ne la liait pas sur un fait passé, avait mis tout en œuvre pour amener le concert qui était autant l'objet de ses vœux que celui de la nouvelle loi. Après cela que peut-il me rester à dire sur l'ordonnance du 6 avril, qui détermina les nouvelles compagnies (1) ?
L'effroyable scène du 10 mai a donné lieu à diverses inculpations contre la municipalité. Je supplie l'Assemblée de me permettre une réflexion qui s'applique à tout et qui, peut-être, répond à tout.
Quand on calcule de sang-froid et qu'on est instruit par l'événement, il est aisé de voir ce qu'il fallait faire et de censurer ce qui a été fait ; on aime à s'attribuer, en prévoyance, ce qui n'est pourtant acquis que par l'expérience et par l'exemple; on se persuade volontiers que le malheur aurait cédé aux précautions et aux remèdes, et on refuse de voir que le sort et la destinée sont presque toujours plus forts que la prudence.
Daignez, Messieurs, prendre pour un instant la place des officiers municipaux, la plupart magistrats et gens d'affaires, et peu faits à ces affreux soulèvements, à ces émotions soudaines, qui demandent un coupd'œil juste, une présence d'esprit rare, une fermeté que rien ne trouble, une intrépidité que rien n'étonne ; qui peut se flatter de posséder ces dons du ciel? Qui peut s'être formé l'habitude des crises de ce genre, dans le silence du cabinet, dans l'exercice des fonctions d'une vie paisible et éloignée des hasards et des périls ?
Au moment où le tumulte éclate, la plupart des officiers municipaux étaient dispersés ; l'heure ne les avait pas encore appelés à la maison commune; quel conseil pouvait prendre le petit nombre que le hasard y fit rencontrer, au milieu de la confusion, du désordre et de l'effroi ? Qui d'entre eux aurait risqué des ordres rigoureux ou violents dont la justification dépendait ae l'événement?
On les blâme de n'avoir pas déployé un appareil menaçant contre les femmes attroupées. Mais dans des cas pareils, n'attend-t-on pas toujours la dernière extrémité, et n'arrive-t-elle pas toujours avant qu'on ait encore embrassé le parti de la rigueur et de la force ?
On leur reproche d'avoir souffert l'enlèvement
On objecte encore à la municipalité sa lenteur à appeler le régiment de Languedoc; peut-être trop de précipitation fonderait un reproche plus spécieux. Qui trouvera ce juste milieu que l'événement seul indique, quand l'événement est encore indécis? La maréchaussée, à la suite des troubles du matin, avait été mise sur pied à deux heures après-midi; on pouvait espérer que cette troupe suffirait; le règlement fut requis une heure après, mais le rappel des soldats et les apprêts de la marche, l'éloignement des casernes au delà du faubourg le plus distant de la ville, consumèrent un temps et causèrent des délais qui faisaient tressaillir d'impatience les officiers municipaux (1).
On leur prodigue d'autres inculpations (2) pour écarter le vrai point de vue, et les seuls moyens qui peuvent faire discerner les coupables. De quel côté se trouve le complot ? De quel côté se trouvent les agresseurs ? Voilà les deux questions qui doivent éclairer cette affaire et en offrir le dénouement.
Il est avoué, dans tous les écrits dirigés contre la municipalité, que la résolution était prise d'opposer la force à l'introduction des nouvelles compagnies fixées au 14 du mois, de défendre, jusqu'à extinction, l'approche et l'occupation des postes où se faisait le service de la garde. Je n'ai jamais cru à d'autre dessein, mais celui-là est aussi réel, que les autres peuvent être exagérés. Si l'exécution fut devancée, si elle eut lieu le 10 mai, quelque mouvement imprévu l'accéléra, et ce fut sans doute la rumeur 'du matin, c'est ce que j'ai consigné dans un écrit ayant pour litre : Réflexions à mon ami, où je ne déclarai pas mon nom, parce que mon nom était inutile au succès, mais que j'avoue ici en témoignage de ma sincérité, et parce que je le croi3 le dépôt le plus fidèle des faits vrais et vraisemblables.
Le projet n'est donc pas équivoque : l'agression est aussi certaine. Le procès-verbal de la municipalité l'atteste, on en prend droit contre elle, on ne peut donc pas le récuser. La lettre signée Peyrouset, cette fameuse lettre qui fut le premier signal de la calomnie, en renferme l'aveu précis (3).
Ce fait de l'agression détermine seul les coupables, et ce fait n'est pas contesté par les
libelles, dans les journaux qui se sont rendus
Il me reste à me disculper de l'acte le plus pur de ma vie, de la proclamation du onze mai. Elle a été conçue dans la plus vive émotion de mon eœur, dans l'effusion d'une douloureuse sensibilité, dans l'épancbement d'une âme souffrante et attendrie; je me flatte qu'aux yeux de l'Etre qui lit au fond de la pensée, elle expiera une partie de mes erreurs et de mes faiblesses.
Le peuple que j'ai appelé bon et compatissant méritait-il ces titres? Eh, Messieurs, ce peuple s'était vu attaqué, il avait essuyé le premier feu ; sa colère exclut-elle donc sa bonté? Il avait cédé à nos prières, à nos supplications, et laissé désarmer sa vengeance. Ces traits sont-ils donc eeux de la férocité ? Que l'on consulte d'ailleurs les circonstances ; fallait-il rallumer le courroux de ce peuple grièvement offensé ? Ne fallait-il pas, au contraire, réveiller les sentiments généreux, et en l'invitant à la compassion, la lui inspirer; faire succéder des dispositions douces et bienfaisantes, aux mouvements de fureur qui l'avaient agité? Ah 1 si l'on juge par l'effet, l'esprit de la proclamation ne devait obtenir que des suffrages. Elle lit verser des larmes d'attendrissement et de pitié; elle rétablit le calme et fit disparaître, en un instant, la haine et l'animosité.
On a relevé le passage où il est écrit que les habitants rapporteront les armes pour ne les sortir que dans les cas qui pourraient l'exiger, et que nous annonçons avec confiance, disent les officiers municipaux, m pas devoir se produire.
Ah ! Messieurs, qu'il est malheureux d'être livré aux interprétations l Jamais le sens qu'on a voulu prêter à cette phrase, n'approcha de la pensée de ceux qui la retracent. N'êtaiMl pas naturel de rassurer le peuple, de lui faire regarder la catastrophe dont il gémissait comme un événement extraordinaire et unique, qui ne se reproduirait plus? N'était-il pas nécessaire de le lui persuader pour l'engager à rendre des armes qui pouvaient, à chaque instant, devenir funestes? One disions-nous, au surplus, qui ne fût dans l'exacte vérité ? Est-ce que nous n'avions pas la confiance, qu'avertis par ce malheur la vigilance et le zèle en préviendraient un nouveau? Ne prenions-nous pas toutes les mesures qui pouvaient l'é-. carter, et nous en garantir pour l'avenir ? Non jamais expressions plus simples, plus analogues aux circonstances, et moins susceptibles d'une insinuation perverse*
Après avoir épuisé la censure sur ce que porte la proclamation, on l'exerce encore sur ce
qu'elle ne porte pas; il n'y est pas mention, dit-on, de la garde nationale ;.on n'emploie
pour la désigner que des termes obscurs et mystérieux, l'énon-
Eh 1 Messieurs, où sommes-nous donc réduits ? Le silence même devient criminel ; si la proclamation est muette sur la garde nationale, peut-elle l'offenser ? Si elle l'indique, peut-on se plaindre dè l'omission?
Mais qui n'aperçoit la position des officiers municipaux? Il faudrait être bien insensible et bien déterminé à leur refuser tout intérêt, pour ne jpas la voir et n'en être pas touché. La garde nationale était la source ou du moins l'occasion de tous les troubles. Le çœur du peuple était ulcéré et il demandait des ménagements; était-ce bien le cas de brusquer un sentiment exalté que les malheurs de la veille semblaient justifier, et qui pouvait, à chaque instant, ramener des scènes effrayantes? on ne se fait donc pas l'idée des égaras et de la circonspection qu'exige un peuple effervescent l
J'ai dit que la garde nationale était la source ou l'occasion des troubles, et |'âi été fondé à le dire d'après les deux, vérités démontrées et convenues que le complot et l'agression émanaient d'elle ; je yeux dire de ceux qui s'étaient introduits dans le poste de l'hôtel-de-ville, à une heure où ils n'y étaient pas appelés, porteurs de munitions et de pierres à feu, dont ils firent usage en tirant les premiers sur lès citoyens.
Je l'ai dit, j'en ai présenté les preuves ; Je nombre des blessés du peuple en est te témoignage trop frappant; et je pense que lorsqu'on s'est permis d'avancer que les balles qui sortaient de ses fusils avaient réfléchi sur lui-même, on n'a voulu que donner l'exemple et le modèle d'une absurdité complète.
S'il restait quelque doute encore, c'est au général lui-même qtie j'en appellerais ; c'est à sa lettre écrite lé lendemain de l'action que je renverrais ceux qui balanceraient dans leur croyance,
« Forcé, dit ce général, de déférer sans cesse à un conseil et à un état-major, formé depuis longtemps, j'étais heureux lorsque j'avais fait quelques progrès dans leur confiance. » Il se plaint, comme on l'entend, de la résistance et de l'indocilité de ce conseil rétif, dont la formation n'était pas son ouvrage; il se prépare aux effets de cette opiniâtre raideur qu'il ne pouvait vaincre, et qui lui faisait regarder comme un bonheur les faibles progrès qui l'acheminaient à sa confiance,
« Far ce moyen, continue le général, j'étais assuré de la tranquillité de la ville, » Cette tranquillité dépendait donc du conseil militaire; si elle a été troublée, quels sont donc les moteurs du désordre ?
« Et enfin, j'étais parvenu à obtenir de pleins pouvoirs pour réunir les huit compagnies à la garde nationale, poursuit M. de Puymonbrun. Quel secret vous échappe? Pourquoi l'avez-vous retenu captif? Il eût été le salut de la ville; est-ce ainsi que vous répondez à la confiance de la municipalité qui vous avait député deux commissaires de son sein, le samedi 8 mai, surveille de la catastrophe? »
M. de Puymonbrun termine sa confidence, dans cet instant où il ne dissimule rien, par cette phrase remarquable : « Vous connaissez tous les malheurs qu'une imprudente jeunesse a occasionnés, et que j'ai cherché à prévenir en. donnant les ordres les plus précis. » Ah f Messieurs, quel trait de lumière ! en croiriez-vous le ch&f de la garde nationale lui-même? C'est lui qui
vous déclare qu'une imprudente jeunesse a occasionné tous les malheurs : c'est lui qui reconnaît par là même que ce sont les dragons, qui par 1 invasion de la maison commune, ont donné l'épouvante à la ville et provoqué le peuple, qui s'est bientôt vu sous le feu de leurs mousquets. Le général avait cherché à prévenir ce malheur en donnant les ordres les plus précis; les intentions lui étaient donc connues, il savait donc ce qui devait arriver, et sans cela quels ordres;eût-il pu donner? Àhl Messieurs, que cette lettre est tranchante? Quelle est lumineuse 1 elle résout tous les problèmes; elle prouve le dessein, elle prouve l'agression, elle coupe tous les nœuds de cette cause; et l'original écrit et signé de la main du général est rapporté, et peut-être mis sous les yeux de l'Assemblée.
Dans ia multitude d'objets qui se pressent au-devant de ma plume, et qu'un si court espace ne me permet pas de rapprocher, je ne dois pas omettre, au moins, ce qui concerne les assemblées des cordeliers, dont on a tant parlé.
Je sens ici plus que jamais combien la condition des administrateurs est déplorable, combien la confiance qui met un homme en place est cruelle et redoutable.
On nous blâme de nous être conformés à un décret dont la disposition est littérale et précise, Qu'il serait bien plus facile de nous inculper, si nous l'avions enfreint! Toutes les chances sont-elles donc -perte et malheur pour les officiers municipaux ? Les contraires les rendront-rils donc également coupables?
L'article 62 du décret des municipalités porte en termes exprès : « Les citoyens ont ie droit de se réunir paisiblement, et sans armes, en assemblées particulières, pour rédiger des adresses, des pétitions, soit au corps municipal, soit aux administrateurs de département et de district, soit au Corps législatif, soit au roi, sous la condition de donner avis aux officiers municipaux du temps et du lieu de ces assemblées et de ne pouvoir, etc. »
Est-il de loi plus textuelle, plus positive et plus claire? Est-il moins clair et moins certain que nous devions l'observer, cette loi? C'est cette observation, néanmoins, qui tourne à crime ; on nous oppose l'esprit et le sens, toujours arbitraires, qu on est toujours le maître de plier à son gré, quand la lettre nous absout, quand elle atteste hautement que nous lui avons été fidèles.
Faudra-t-il donc admettre ce nouveau principe, que c'était à nous à suppléer aux termes de la loi; que nous devions déterminer les exceptions, qu'il nous appartenait de franchir des limites clairement posées ? Ah ! Messieurs, nous avions cru jusqu'ici que l'interprétation même de la loi était interdite, que c'était un véritable attentat et une violation criminelle que de se rendre l'arbitre des distinctions. Où la loi ne distingue pas, ont dit tous les siècles, ce n'est pas à celui qui obéit à distinguer ; voilà pourtant la matière du reproche le plus amer, celui qui s'est reproduit sous mille formes, que tous les écrits ont répété.
Mais il est sorti de ces assemblées des adresses téméraires, audacieuses, qui n'ont pas même respecté certains membres de l'Assemblée nationale; s'il en est ainsi, ces membres seront assez généreux pour nous défendre, pour écarter de la municipalité l'odieux ou le blâme de ces adresses.
Etait-ce bien à nous, Messieurs, à en prendre connaissance ? Dès que ces actes étaient déférés à l'Assemblée nationale, avionsr-nous le droit de
les juger 1 Quelle entreprise si nous avions voulu nous ingérer à demander compte de ce qui était soumis au Corps législatif ? J'ose dire que c'eût été de notre part une irrévérence caractérisée, et je puis même ajouter une atteinte visible donnée à votre pouvoir suprême. Quelle nouveauté, quel exemple qu'un corps municipal eût tenté d'in-tereepter le recours à l'autorité législative ; qu'au mépris d'un décret formel, il se fût avisé de disputer aux eitoyens la liberté de vous porter leurs vœux et leurs supplications; qu'il se fût surtout permis d'entrer dan* le mérite des-adresses qui vous étaient présentées, et sur lesquelles il vous était réservé de statuer.
Ici se termine, Messieurs, la discussion de la eause, où je n'ai pu qu'effleurer les détails, mais où j'ai pesé sur les motifs et les raisons décisives.
Il me tardait, Messieurs, de porter vos regards sur le projet de décret tel qu'il vous a été offert par votre comité des rapports (1).
La première disposition de ce projet déelare que, « l'information commencée devant le juge « de Montauban, relativement à l'événement ar-« rivé dans cette ville le 10 mai dernier, sera « regardée comme non-avenue et à cette première « disposition se lie celle qui décrète : qu'il sera « informé devant les officiers municipaux, juges « ordinaires en matière criminelle à Toulouse, à « la diligence de la partie publique, de tous les « événements arrivés à Montauban le 10 mai, « ainsi que de tous ceux qui y sont relatifs, tant « antérieurs que postérieurs à ladite époque, les « circonstances et dépendances, à l'effet de quoi « les pièces déposées au comité des rapports se-« ront incessamment adressées à la partie pu-« blique. »
Il vous est donc proposé, Messieurs, d'anéantir une procédure précieuse qui a recueilli les premiers témoignages, qui a constaté les faits, au moment que la mémoire en était présente, qui a appelé et réuni ceux qui ont tout vu, tout entendu, et qui n'existeront peut-être plus, quand l'information sera recommencée.
Il vous est proposé de frapper d'anathème l'ouvrage de la loi, auquel ont concouru la puissance législative et le pouvoir exécutif, cet ouvrage qui porte tous les sceaux de l'autorité légitime et qui est revêtu de tous les caractères qui peuvent le rendre respectable et sacré.
J'ai dit, Messieurs, que tous les pouvoirs avaient coopéré à cette procédure; et d'abord la loi seule enjoignant au juge de Montauban d'informer, il ne peut se commettre un délit sans que cette loi ne crie au vengeur public : Armez le bras de la justice, recherchez le crime et punissez le coupable.
Tel est, Messieurs, le droit public du royaume que pour assurer la poursuite du crime, tout juge est rendu compétent pour informer. Mais le sénéchal de Montauban avait la compétence naturelle et de droit, comme juge ordinaire, comme juge du lieu du délit. II faudrait les plus puissantes raisons pour le dépouiller et l'exclure quaod il n'aurait pour lui que Je suffrage de la loi générale et des ordonnances du royaume.
Il joint à ce premier titre un de vos décrets, Messieurs, celui du 17 mai, sanctionné le
même jour, qui porte : « Que le président de l'Asgeip-
Par ce décret le pouvoir exécutif fut nanti; il fut chargé des mesures à prendre pour le rétablissement du calme, et une deces mesures jugée nécessaire par le roi, a été d'ordonner la recherche régulière et juridique des coupables; cette procédure a été commencée, elle s'est accrue ; mais tout s'est borné à l'audition des témoins et nous avons lieu de croire que le juge a été limité à cette seule fonction qui l'arrête au moment de lancer les décrets.
Est-il possible, Messieurs, d'anéantir aujourd'hui ce corps de dépositions formé sous les auspices de la loi, sous celles de l'Assemblée nationale et du roi ? Peut-on se dissimuler que l'information n'émane de votre décret du 17 mai qui renvoie au pouvoir exécutif, et lui confère le droit de déterminer le choix des mesures? Peut-on se dissimuler que le tribunal de Montauban n'ait agi en vertu des ordres de Sa Majesté, à lui notifiés par le ministre de la justice? Si l'ouvrage de tous les pouvoirs n'est pas solide, sur quoi pourra reposer ia confiance? Vous avez, Messieurs, proscrit toutes les commissions par vos sages décrets, lesquelles sont regardées, à justetitre, comme le fléau de la liberté; et les auteurs deces mêmes décrets admettraient un contraste, une contrariété si frappante? Une des bases de la sûreté la plus précieuse peut-être, c'est de ne pouvoir être soustrait à son juge naturel et légitime. Verrait-on à côté du décret qui abolit à jamais les commissaires, un autre décret qui érige effectivement une commission, qui donne pouvoir à un tribunal étranger, et l'appelle à connaître des faits que la loi ne lui défère pas ?
Vous avez pensé, Messieurs, bien autrement pour la ville de Nîmes, et dans une affaire qui couvre, par son éclat et par sa gravité, celle de Montauban. Pour Nîmes, vous avez ordonné que la procédure serait faite par le présidial du lieu. Cette auguste décision semblait indiquer au comité des rapports de ne pas proposer une autre marche; les principes et les règles peuvent-ils varier et n'être assujettis qu'à l'influence du moment et des circonstances?
Quelque motif extraordinaire d'un genre supérieur à tout devrait, au moins, autoriser la violation du principe, et en excuser l'exemple.
On ne vous en a présenté d'autre que la partialité présumée du juge de Montauban, et cette partialité n'est fondée que sur ses rapports et ses liaisons dans la ville qu'il habite ; si c'était là la cause sérieuse de la récusation, elle serait bientôt détruite. Le juge criminel de Montauban est un étranger breton, natif de Nantes, qui a épousé une femme de Figeac; et l'un et l'autre sont isolés de toute parenté, de toute alliance dans le séjour où ils sont fixés depuis peu d'années.
Le procureur du roi est un autre étranger du Languedoc, transplanté par sa charge et son mariage à Montauban, qui ne tient à la ville que par un très petit nombre d'alliés, et qui n'y a de son chef aucun parent.
Qui ignoré d'ailleurs que le ministère public est libre et qu'aucune parenté ni liaison ne le rendent récusable?
Tels sont les magistrats chargés de la procédure jusqu'au décret ; leurs affections du reste, si on pouvaiten soupçonner de préjudiciables au devoir, ne devraient-elles pas nous faire autant d'ombrage qu'à nos adversaires? l'expérience ne nous a que
trop appris que nous leur cédons dans l'art et les moyens de faire des partisans. Ne sait-on pas qu'ils ont eu le crédit de faire ouïr en téSioin jusqu'à la femme d'un des principaux officiers de l'état-major, député depuis plusieurs mois pour cette affaire à la suite de l'Assemblée et de ses comités?
Mais, si enfin les juges sont récusables, les lois n'ont-elles pas établi des formes pour prononcer la récusation, pour faire casser les procédures nulles ou vicieuses? Les routes et les tribunaux ne sont-ils pas ouverts, les ordonnances n'ont-elles pas tracé la voie et l'Assemblée nationale voudrait-elle s'attribuer des fonctions peu analogues à la majesté des législateurs, et qui appartiennent évidemment au pouvoir judiciaire, qu'elle n'entend pas exercer?
Il est surtout bien étrange, et peut-être inoui, qu'une procédure soit cassée sans être sous les yeux du tribunal qui l'annule; ne faudrait-il pas au moins commencer par la voir?
Cette partialité, qu'on lui reproche, sera saillante aux premières pages; si elle est aussi réelle qu'on l'assure; on verra s'il y a de l'affectation dans le choix des témoins, dans celui des notables adjoints (!) ; on verra si la rédaction est artificieuse ou contournée; enfin il n'est pas possible qu'aux yeux d'une Assemblée si clairvoyante, la propension ne se trahisse 1 Que l'Assemblée ordonne donc l'apport de la procédure, qu'elle ne proscrive pas ce qu'elle ne connaît point; qu'elle attende à juger d'après ses propres lumières et les connaissances qu'elle aura puisées dans la procédure elle-même.
Nos adversaires qui redoutent sans doute l'information déjà bien avancée, et qui pourrait être terminée, si l'ardeur et la volonté y avaient concouru, nos adversaires voudraient lui en substituer une qui serait faite devant les officiers municipaux, juges ordinaires en matière criminelle, à Toulouse.
Je n'invoque ici, Messieurs, que l'honneur et la délicatesse des officiers municipaux de Toulouse; ils ne consentiraient point à influer, de quelque manière que ce puisse être, dans un procès qui touche à la municipalité de Montauban. La France entière a su qu'ils avaient délibéré le 19 mai dernier, « de requérir M. le général de la garde nationale de leur villej de former sur-le-champ un détachement pour se réunir à celui de Bordeaux, et de s'occuper tout de suite des préparatifs du départ. »
A Dieu ne plaise, que je me plaigne ici de celte délibération. Je rends hommage aux sentiments qui l'ont, inspirée; on a voulu secourir des patriotes que la municipalité croyait persécutés et opprimés.
Je remarque seulement cette opinion adoptée d'avance et soutenue par une démarche d'éclat. Peut-on se persuader qu'imbus de cette idée et engagés même à la faire prévaloir, par la conduite qui s'y rapporte, ces officiers municipaux approcheraient du tribunal avec cette indifférence d'opinion, avec cette neutralité parfaite qu'exige un si important ministère? Je Je répète, les officiers municipaux de Toulouse eux-mêmes seraient les premiers à s'abstenir de toute connaissance d'un procès où ils ont certainement ouvert leur avis par la détermination la plus expressive.
La seconde partie de la première disposition du
Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit pour établir la régularité de l'ordonnance du six avril. Ce n'est pas a l'ouvrage de la municipalité que je tiens. Ah! qu'il s'anéantisse, qu'il périsse s'il peut être détruit sans inconvénient et sans péril.
La garde nationale, telle qu'elle est à présent constituée, renferme huit nouvelles compagnies, fondues dans le corps, sous le même état-major, dans l'unité absolue de sa création.
Elle a prêté le serment civique devant M. Dumas, commissaire du roi, qui vit avec intérêt le bel ordre qui y règne, la bonne contenance de la troupe et Pair courageux des soldats. Le procès-verbal en fut adressé à l'Assemblée.
Cette même garde nationale a assisté à la fédération du 14 juillet, avec le régiment de Languedoc, le détachement de Royal-Pologne, cavalerie, la brigade de maréchaussée et le corps de marine. Cette auguste cérémonie fît éclater la joie et l'union parmi tous les militaires. Jamais transports n'égalèrent ceux auxquels la ville se livra; des cris d'allégresse, des fêtes, des danses qui durèrent plusieurs jours, offrirent l'image du bonheur le plus parfait ; toute la cité n'avait qu'une âme, et cette âme était de feu pour la Constitution dont ils goûtaient les charmes, toute d'amour pour la patrie, toute en affection pour les concitoyens. Qui a vu ce spectacle ne croira pas que la discorde soit prête à y renaître, à moins que quelque cause du dehors ne l'y rallume.
Quelques jours avant ces touchantes scènes, la municipalité avait publié une proclamation pour appeler au pacte fédéral les troupes nationales et celles de ligné, les habitants et les citoyens. Voici uu article de cette proclamation : « Invitons pa-« reillement ceux de la garde nationale montau-« banaise qui s'en trouvent séparés, à s'y réunir « sous les drapeaux des quatre bataillons, en se « divisant dans les trente-deux compagnies for-« mant l'ensemble de la garde nationale, leur « déclarant que c'est le vœu le plus ardent de ce « corps qui nous en a fait les dépositaires par sa « délibération du 6 du présent mois. »
Ces invitations ont été dédaignées,, je le dis avec douleur. Qu'il eût été à souhaiter que ia réunion se fût opérée! Quel jour fortune pour celte ville et pour nous ! Il ne manquait que leur présence, pour ensevelir à jamais le souvenir de toute discussion. Autour de l'autel de la patrie on se serait juré une amitié éternelle. On aurait resserré les nœuds de la fraternité ; le feu sacré qui brûlait sur cet autel et dans tous les cœurs aurait consumé tous les vestiges de l'antipathie et de là haine. Vains efforts, inutiles vœux! ils n'ont produit que des regrets.
Les membres de 1a garde nationale, séparés, ont été sourds à l'invitation, et ils veulent y rentrer en vainqueurs. Ah ! Messieurs, que cette ,vic-toire est alarmante, qu'elle pourrait être cruelle et funeste. . ... Désarmer les huit nouvelles compagnies.....faire rougir le front de tant de ci-
toyens recommandables..... Donner un tel triomphe à leurs adversaires..... Je jure de déployer
toutes mes facultés, de m'exposer à tout pour obtenir l'obéissance, et tous mes collègues joignent leur serment au mien. Mais nous devons le dire à l'acquit de nos consciences f le premier hommage à vous offrir est celui de la vérité, et plus elle est courageuse, plus elle est digne de vous. Si Montauban doit périr, s'il est proscrit... le moyen est court et il est presque sûr.
Ah I Messieurs, le salut de cette ville vous touchera. Je vous parle en son nom, et mon titre m'en donne le droit ; elle n'a pas été le berceau de mon enfance, mais l'estime m'y attache autant que l'affection ; que doit-ce être de ceux qui sont nés dans son sein, qu'elle a élevés dans son enceinte. En est-il un qui eût voulu porter la torche dans ses murs, qui pût contempler sans frémir cette cité naguère heureuse et brillante, maintenant livrée à la désolation et au ïavage! .
Ses habitants ne sont pas tels que la calomnie peut les avoir peints ; ils sont nobles, francs et généreux, sensibles à l'excès dans tout ce qui touGhe l'amour-propre et l'honneur, pleins de force d'ailleurs, de courage et d'énergie ; ce peuple estimable, Messieurs, est digne de votre protection; il vous chérit et vous révère; la douceur peut tout sur lui, la violence ne peut que le détruire. Si, dans le principe, il montra moins d'attrait et de goût pour la Révolution, c'est qu'on la rendait formidable, en l'entourant de menaces et de sévérité par un comité de recherches.
Il l'a aimée depuis et l'aime avecpassion, parce qu'un régime paisible et doux lui en a développé le bonheur et les avantages.
Messieurs, pardonnez à mon zèle s'il ose offrir à votre sagesse le plan salutaire, qu'elle est bien plus propre à vous inspirer, que je ne le suis à vous le faire entendre.
La garde nationale a délibéré, le 6 de ce mois, de rappeler ses membres séparés ; elle les a invités à se réunir par l'organe des officiers municipaux et par une solennelle proclamation.
Ne serait-il pas équitable qu'au, moyen de cette invitation à laquelle les membres séparés seront toujours les maîtres de répondre, la garde nationale paisible et confiante restât telle qu'elle est? Le délai ne serait peut-être pas long, tout le royaume attend le décret général d'organisation pour les troupes nationales, et vous ne larderez pas à remplir son attente. Le décret établira sans doute un ordre nouveau; tout se refondra et les principes de la mésintelligence disparaîtront avec l'ancienne formation.
Cette idée, Messieurs, je viens vous la proposer comme tempérament d'équité; mais si vous daignez vous souvenir que l'ordonnance du 6 avril, qui autorise les nouvelles compagnies, est régulière et légale, vous serez persuadés que le maintien des nouvelles compagnies est d'une justice exacte et rigoureuse.
La disposition du projet de décret qui me reste à discuter est celle qui nous concerne et qui est ainsi conçue : que jusqu'à cequ'il soit statué sur « l'information (celle qui serait faite à Toulouse), « les membres du corps municipal de Montauban « demeureront suspendusde leurs fonctions à l'é-« poque de la notification du présent décret.
« Que les administrateurs du département du « Lot ou de son directoire Commettront, sur l'a-« vis du directoire du district de Montauban, six « personnes pour remplir dans cette ville, provi-« soirement, les fonctions municipales dont uu ' « sera par eux indiqués pour faire les fonctions
« de maire, et un autre pour remplir celles de « procureur de la commune, etc. &
À n'envisager, Messieurs, que nos propres sentiments, et notre tranquillité personnelle, nous serions loin de réclamer contre un projet qui ne serait pour nous qu'un acte de bienfaisance ; oui, Messieurs, la peine serait douce et nous dirions sans effort et sans vertu que nousbaisonsla main qui nous frappe.
Cette main rompait nos chaînes, nous soulageait d'un fardeau qui a épuisé nos forces, quoiqu'il n'ait pas encore lassé notre patience, ni vaincu notre résignation.
Hélas I Messieurs, un travail sans bornes, pour lequel lanuit a souvent suppléé la durée du jour; des tribulations sans nombre, tous les genres de péril, notre repos perdu, notre vie mille fois exposée, notre temps et toutes nos facultés aliénées : tel est, Messieurs, notre sort ; tel a été notre apa-. nage depuis le moment qui nous a dévoués au service de nos concitoyens. Je n'ai pas même voulu dire notre honneur attaqué, parce que ta gloire de le défendre avec courage et dignité ine paraît en racheter toute la peine et en compenser l'amertume,
Jugez, Messieurs, si une pareille position peut laisser des regrets; je le dis avec sincérité, depuis je commencement de mes fonctions, ja n'ai eu que deux jouissances que mes confrères ont partagées.
La première, lorsqu'on me précipitant le 10 mai au milieu d'un peuple furieux, en m'offrant aux coups, en suppliant, en eonjurant, j'apaisai la vengeance, et je sauvai les citoyens qu'une colère aveugle allait immoler.
La seconde, lorsqu'à côté du commissaire du roi, à travers une multitude innombrable, je volai vers les prisops, j'en arrachai ceux qui y gémissaient, je m'élançai dans leurs bras et les arrosai de mes larmes.
A cela près tout a été peine et tourment, et le décret qui me suspendrait serait ma délivrance.
Mais, Messieurs, la justice adopterait-elle ce que mes désirs solliciteraient? lin décret qui commence par interdire un officier public en même temps qu'il ordonne l'instruction de son procès, ne renferme-t-il pas une contradiction frappante ?
On ne peut se dissimuler que la suspension ne soit une espèce de flétrissure, que le sentiment profond de l'innocence peut adoucir, mais qu'il ne saurait détourner. Sous ce point de vue, la justice punira-t-elle avant d'avoir acquis des preuves, lorsqu'elle en est encore à en ordonner la recherche, lorsqu'en supprimant une procédure déjà faite, elle introduit un état de choses où il n'en existe aucune, où il ne reste par conséquent rien qui puisse charger ou convaibere ?
On propose de suspendre provisoirement, donc c'est de la procédure qu'on attend les preuves pour opérer la destitution. Mais si faute de procédpre on ne peut destituer, n'est-ii pas également vrai que, faute de procédure, on ne peut suspendre ¥ Ce qui n'est pas, ne produit aucun effet; on ne peut attribuer le plus ni le moins à uue cause nulle, et il implique autant d'attacher à rien une petite conséquence, que de lui en attacher une grande.
Outre une raison principale, je dois vous exposer, Messieurs, de puissantes considérations.
Le projet proposé me paraît choquer d'abord l'article 47 du décret consttiutif des municipalités ; il porte, ce décret : « que lorsqu'un membre du « conseil municipal viendra à mourir, ou donnera
« sa démission, ou sera destitué ou suspendu de sa * place, ou passera dans le bureau municipal, il « sera remplacé de droit pour le temps qui lui « restait à remplir par celui des notables qui aura « réuni le plus de suffrages. i>
Voilà la loi ; est-ce s'y conformer que d'établir une commission au choix du département? Les places des officiers suspendus ne sont-elles pas dévolues aux notables? Le décretconstitutionnel ne les a^t-il pas appelés avant que vous puissiez rendre un décret qui établisse des commissaires?
Autre inconvénient plus notable : quatre des premiers officiers municipaux ont donné leur démission et sont actuellement remplacés par autant de notables.
J'expliquerai bientôt la démission ; mais serait? il juste que les notables, nouvellement en fonction dans le corps municipal, fussent enveloppés dans une disgrâce qui dpit leur être étrangère? Le décret projeté ne présente aucune exception ni distinction ; par cela même il serait inadmissible.
Sur les quatre offieiers sortis du corps muni-r cipal, l'un a été élu membre de l'administration du département du Lot; les autres deux ont été appelés au district, l'un desquels en est le procureur-syndic; le quatrième a demandé sa retraite pour raison de santé.
Quel serait l'effet du projet proposé, s'il se convertissait en décret ? L'officier du département, les ofûGiers du district seraient suspendus des fonctions municipales qu'ils n'exercent plus, et ils continueraient les fonctions d'un ordre supérieur dans les corps administratifs. Bien plus, à ce dernier titre, ils seraient chargés de remplacer la municipalité proscrite ou disgraeiée, c'est-à-dire de se remplacer eux-mêmes ; quelle bizarrerie, quel monstre, quelle confusion I Si cependant on voulait étendre l'interdiction sur les officiers municipaux, aujourd'hui membres des administrations, voilà tous ces corps mutilés, le district de Montauban sans syndic, privé d'un autre membre, le département du Lot également incomplet : quelle chaîna d'inGonvénieâts, que de secousses répétées, que de contre-coups? Tout serait ébranlé, tout perdrait son aplomb. L'Assemblée nationale sera sans doute frappée de tant de suites fâcheuses et inconciliables avec l'ordre publie, ou qui du moins tendent à le troubler.
Une dernière considération que je dois soumettre à votre sagesse, Messieurs, c'est l'effet qu'occasionnerait, dans la ville de Montauban, un décret qui lui enlèverait ses officiers municipaux.
Ils sônt, Messieurs, l'ouvrage du peuple; ils ont été l'objet libre de son choix, et il croira tomber sous lé joug, si une autorité étrangère, je veux dire celle du département, lui nomme de nouveaux chefs. Il ne doutera pas que ceux qu'il croit lui être contraires, ne parviennent à dominer; que cet ancien Gomité dont le nom l'effraye encore, ne revive sous un autre titre ou sous une autre forme.
Ce peuple, qui a placé sa confiance dans les officiers qu il a élus, qui a été témoin de leurs travaux, de leur dévouement et de leur zèle, qui les a vus se sacrifier mille fois pour le salut public. braver tous les périls, veiller avec la plus tendre sollicitude sur ses intérêts, ce peuple ne démêlera pas la cause d'une sévérité qui lui paraîtra inexpliquable. Il mérite les éloges que je lui ai donnés ailleurs, mais il est peuple. Nous vous faisons part, Messieurs, de nos craintes, bien disposés à tout tenter et à tout faire pour empêcher qu'elles ne se réalisent. La confiance que nous devons à vos lumières, à votre haute
prudence, et qu'il nous est si doux de manifester, nous fait une loi de ne rien taire et nous impose l'obligation de vous éclairer sur des maux qui seront sans doute prévenus dès que vous en connaîtrez le danger.
Nous avons pu contenir et réprimer sa colère, j'ignore si nous aurions le même pouvoir sur l'affection et la reconnaissance.
Vous suppléerez, Messieurs, à notre faiblesse, à l'impuissance de nos moyens, ou plutôt vous chercherez à maintenir et à cimenter la paix dont notre ville jouit; nous vous l'attestons,Messieurs, à notre départ, elle offrait l'image du bonheur et de la concorde : la cérémonie auguste de la fédération avait ému tous les cœurs et réchauffé toutes les âmes, on se couvrait de lauriers et de fleurs, et les élans du patriotisme se mêlaient à tous les plaisirs et à tous les jeux.
Oq a voulu vous persuader qu'qn grand nombre de familles étaient errantes et fugitives, qu'elles n'osaient se rapprocher de leurs foyers, qu'une prodigieuse émigration avait dépeuplé cette ville turbulente.
Erreur, Messieurs, erreur ; je ne veux pas dire imposture. Nous vous attestons ne pas connaître une seule maison transplantée (1) ; quelques individus se sont dispersés a Toulouse, dans cette capitale; mais ce sont des voyages ou des absences; leurs pères* leurs familles, leurs établissements restent à Montauban, et rien n'annonce qu'ils aient quitté leur patrie. Ce doux npm les rapprochera, elle leur ouvre son sein. Vous avez vu comme la garde nationale presse affectueusement les membres séparés de se réunir à ses drapeaux.
Le vœu secret de mon coeur et celui de mes collègues aurait été un oubli général et absolu : à ce prix le sacrifice des injures ne nous eût rien coûté ; l'honneur même y aurait souscrit.
G'est dans cette vue que les deux partis avaient signé un traité solennel de concorde ei d'amitié, auquel je me fais gloire d'avoir coopéré par mes puissantes exhortations : j'en avais béçi le ciel. Ce jour qui est le 3 juin, oû la municipalité déposa dans ses registres, cet acte pacifique, me parut un jour fortuné qui devait ramener le calme et la sérénité dans nos mœurs, et recommencer nos belles destinées.
Gomment cette espérance art-elle échoué 7 II n*est plus temps de la former, elle ne saurait renaître; nous sommes traduits comme criminels, et nous devons être jugés.
Mais une procédure légale doit préparer le jugement, cette procédure existe, et quelque défiance qu'elle pût nous inspirer, elle seule doit nous absoudre ou nous condamner. Jusque-là nous ne pouvons avec justice être privés de nos fonctions.
Vous venez d'entendre notre justification, Messieurs, qui n'a pu recevoir l'étendue et le développement dont elle était susceptible. Elle n'est pas moins solide, elle n'est pas moins concluante, car la vérité agit toute seule et n'a besoin que de se montrer.
Kous ne formons aucune demande, c'est en votre sagesse que nous plaçons notre confiance; il suffit que vous nous reconnaissiez innocents, tous nos vœux sont remplis.
invite ensuite un des députés de l'ancienne garde nationale montaubanaise à présenter la défense de cette garde.
, un des membres de la députation, dit :
« Citoyen de Montauban, chargé d'une mission honorable, c'est au nom de citoyens opprimés que je viens parler. Le mois de juillet 1789 vit éclore à Montauban un comité patriotique, composé de citoyens de toute condition. La paix régnait dans ia ville ; on les calomnia, on les inquiéta, on intrigua, on réveilla le fanatisme religieux; l'appareil militaire fut même déployé; lesoons citoyens découragés se retirèrent des assemblées primaires, et le petit nombre de ceux qui y restèrent forma la municipalité que vous connaissez : elle commença par retirer des mains du général les clefs de l'arsenal, qu'il avait toujours eues, c'était sans doute pour en faire le fatal usage auquel elle les destinait; elle permit des assemblées incendiaires et fanatiques, où se trouvaient des femmes et des enfants ; elle défendit celles de la garde nationale ; elle a souffert que le frère d'un officier municipal publiât dans la ville de faux décrets, dans unjournal auquel il donnait lé nom de Journal des Débats, et qu'il falsifiait à son gré ; elle n'a nommé que depuis peu un collecteur ; elle a éludé l'exécution du décret qui autorise un emprunt de 18,(X)0 livres en faveur des malheureux, et les a ainsi privés des secours qu'ils étaient en droit d'attendre; elle a saisi avec empressement l'occasion d'établir un corps rivai de la garde nationale, au mépris de 60 pères de famille, qui lui en ex-
Èosaient le danger, et de 999 soldats contre 336.
Ile avait annoncé publiquement que le lundi 10 mai, jour des Rogations, elle irait faire l'inventaire des maisons religieuses. Les portes des églises étaient défendues deux heures avant leur arrivée. Douze soldats auraient pu empêcher le désordre ; les officiers municipaux ne réclamèrent aucun secours. M. Romagnac, négociant, est informé que les troubles vont fondre sur l'hôtel de ville ; il en instruit la municipalité, on lui répond qu'il se fait des monstres pour avoir le plaisir de les combattre; il offre de se transporter à l'endroit avec la municipalité ; On se contente de lui envoyer un capitaine du guet. Déjà le peuple dépave les rues, et fait voler les pierres par-dessus les murs de l'hôtel de ville: les dragons sont retirés dans leur corps de garde, où ils sont assaillis à coups de pierre et ae fusil. M... dit à un officier municipal : « Voulez-vous que je fasse retirer le peuple, sans occasionner aucun malheur ? — On n'a pas besoin de vous, luiré'pondit-on; quand on en aura besoin, on vous appellera. » La municipalité a dit qu'on avait fait plusieurs décharges sur le peuple ; mais il y aurait eu des morts sur la place ; personne n'a été ni tué, ni dangereusement blessé, quelques-uns ont reçu de légères atteintes; c'est l'effet du désordre qui régnait entre eux; en entendait les cris de : Vive le roi, vive la noblesse, vive l'aristocratie, à bas la nation et la cocarde nationale ! Loin de nous opposer à l'information de tous ces faits, nous nous soumettons à tel tribunal qu*il vous plaira d'ordonner, et telle est notre confiance, que nous ne craindrons pas de nous constituer prisonniers sous la sauvegarde de la loi. » {On applaudit dans une grande partie de la salle et de toutes les tribunes.)
, le jeune. Les tribunes sont vendues.
dit aux uns et aux autres :
Assemblée nationale prendra, Messieurs, en congrégation les deux mémoires dont vous venez de faire la lecture et la remise sur le bureau. Elle
croit devoir en ce moment vous engager à vous retirer.
Nous avons l'exemple d'un député qui a interrogé à la barre M. de Biré ; en conséquence je demande que M. le président soit autorisé à interroger la municipalité. Si les faits qui sont articulés contre elle sont vrais, il est impossible de juger, sans connaître les preuves contradictoires.
Je demande la parole : 1° pour que la proposition de M. Malouet soit écartée par la question préalable ; 2® pour prouver qu'il est nécessaire que l'Assemblée éloigne dans cette affaire tout ce qui n'est pas de son ressort. Si M. le président interrogeait la municipalité sur des faits, il jouerait le rôle de juge, et anticiperait ainsi sur la marche qu'on doit observer dans cette affaire.
L'Assemblée n'est point ici juge des faits, elle doit prendre une disposition provisoire et indispensable. Sans doute, lorsqu'une municipalité est accusée de haute trahison, le Corps législatif a bien le droit de la suspendre de ses fonctions : c'est ici l'avantage de la société. Ceux qui sont chargés de l'intérêt public doivent être exempts même du soupçon : on instruit ensuite sur les faits, et si l'innocence de l'accusé est reconnue, il reprend ses fonctions, sans qu'il en résulte pour cela aucun mal, même dans l'opinion publique. Je demande donc que le projet du comité soit adopté.
. (On demande à aller aux voix.)
Je demande comment il se peut qu'un décret, qui prononce qu'il y a matière a juger, ne soit pas un jugement? Quelle étrange jurisprudence que celle que vient d'établir le préopinant ! C'est donc sur des clameurs publiques qu'il faut juger un corps qui s'est toujours constamment montré ami de ia justice et des lois : cette idée mérite bien d'être alliée à celle qu'il a prononcée dans cette tribune, lorsqu'il a dit qu'il fallait des tribunaux dans le sens de Ja Révolution; quant à moi, qui pense que le premier devoir d'un peuple libre est de protéger l'honneur, j'écarte des principes aussi absurdes. Aucun des laits n'a été prouvé ; je demande même que l'accusation qui vient d'être faite par la garde nationale soit déposée sur le bureau , afin d'en constater la vérité. Les préventions les plus fortes se sont manifestées jusque dans le sein de cette Assemblée; on a vu le public applaudir avec indécence à tout ce qui pouvait inculper la municipalité. (De violents murmures interrompent Vorateur.) C'est lorsque l'opinion publique vous a dicté un jugement, qu'il faut se roidir contre cette opinion : quand le public a pris un parti dans une affaire importante, il est du devoir du juge d'attendre que les passions aient eu le temps de se calmer, et les préventions de s'affaiblir, afin que, dans le calme des juges et du public, la voix de la justice et de la vérité puisse se faire entendre.
Montauban est ma patrie, les officiers municipaux que cette ville a choisis étaient dignes à tous égards dë cet honneur, et le neuple les regarde encore comme tels; redoutez les effets d'un jugement trop précipité. Ahl si,N victime de sa sensibilité, le peuple allait méconnaître l'autorité suprême des représentants de la nation... (On rappelle M. de Cazalés à Vordre), faudrait-il que cette ville infortunée disparût de dessus la surface du globe? De pareilles idées n'entreront jamais dans
le cœur des amis de la liberté ; si vous rendez un jugement contre les officiers municipaux de Montauban, il faut que les motifs en soient si clairs, si évidents, que personne n'ose prendre la parole en leur faveur. M. le garde des sceaux a l'extrait de la procédure, l'Assemblée n'a qu'à ordonner qu'il soit apporté : vous ne pouvez pas refuser cet acte de justice; je finis par un ssul fait qui vous prouvera encore la nécessité d'ajourner cette affaire. M. Faydel, député du Quercy, se retirait de la salle avec les pièces justificatives, on a tenté de les lui enlever (Toute la partie gauche demande qui, et comment); apprenez qu'un délai de justice est toujours un grand bien ; je persiste donc à demander l'ajournement et l'apport des pièces.
(On demande que M. Faydel rende compte du fait.)
On a voulu attaquer M. Faydel, mais nous l'avons escorté.
Jeudi au soir, sur les 11 heures, en sortant de l'Assemblée, quand j'ai été'près de la barrière, j'ai entendu dire derrière moi : Il faut lui enlever les pièces, en attendant que nous puissions faire mieux. Je me suis retourné, j'ai aperçu huit hommes qui causaient tout bas à l'oreille; j'étais seul; j'ai suivi le chemin qui conduit au Carrousel, et j'ai entendu des propos que je ne répéterai pas. J'ai distingué que parmi ces personnes, il y en avait une en avant qui avait un habit gris et qui était fort maigre de figure. Je me suis arrêté, pour voir si ces personnes continueraient à me suivre, elles se sont aussi arrêtées, et se sont parlé à l'oreille; alors j'ai rencontré quelques membres de cette Assemblée; je leur ai dit : Je viens d'entendre un projet de m'enlever les pièces que j'ai sur moi; les personnes ne sont pas loin. Nous les avons vues en effet; elles se sont encore arrêtées et se sont parlé de nouveau à l'oreille. Quand nous avons été arrivés à la petite porte des Tuileries, nous avons fait semblant de prendre le détour, les personnes se sont encore arrêtées ; alors M... m'a dit : Donnez-moi vos papiers; s'ils les prennent, il faut qu'ils soient plus d'un ; dans le moment, ils ont disparu. Voilà mon histoire.
Le complot n'ayant pas heureusement eu de suites funestes, je ne vous en parlerai pas. Je reviens à l'objet qui occupe l'Assemblée. La motion du premier préopinant me paraît méconnaître ce point sur lequel nous avons à prononcer. La question unique est de savoir si les points constatés suffisent pour suspendre la municipalité; il est connu qu'elle a changé l'organisation de la garde nationale de cette ville, contre le vœu de ce corps et la pétition formelle de 150 pères de famille; il est connu qu'elle a essayé de faire la visite des maisons religieuses, un jour consacré pour la religion, au moment où un peuple considérable se disposait à en défendre l'entrée, sans qu'elle ait pris, d'après son propre aveu, aucune précaution pour faire cesser le désordre. Elle a retardé trois heures à requérir le secours de la maréchaussée et du régiment de. Languedoc, au moment où ce peuple furieux assassinait les dragons réfugiés dans le corps de garde. (Plusieurs fois Vorateur est interrompu par les murmures et les cris redoublés de la partie droite. — La partie gauche demande à aller aux voix.)
L'Assemblée a prononcé fortement son vœu; je ne continuerai pas que M. le président ne l'ait consultée.
Je reçois de la municipalité de Montauban la déclaration suivante dont jedonne connaissance à l'Assemblée :
« Nous, maire, officier municipal et procureur de lacommune de la ville de Montauban, supplions M. le Président de l'Assemblée nationale de vouloir bien lui faire part du désaveu formel que nous faisons des faits avancés contre nous, à la barre, par nos adversaires, et du défi que nous leur donnons d'en produire aucune preuve légale.
« Paris, ce 26 juillet 1790, à 11 heures moins un quart du soir.
Signé .-Gieurac, maire; Mialaret,officier municipal-, Lade, procureur delà commune. »
On demande que les officiers municipaux soient admis à se défendre.
La partie gauche observe qu'il ne s'agit ni de défense, ni d accusation.
Je demande que ce désaveu formel soit établi dans le procès-verbal.
On demande successivement la question préalable sur l'ajournement et sur la réquisition de l'apport des pièces de l'information commencée.
Elle est adoptée.
La discussion e3t fermée.
Plusieurs membres du côté gauche se retirent en criant à l'injustice.
, rapporteur, fait lecture du projet de décret.
Je demande, par amendement, qu'il sera dit, dans le décret, que M. le président se retirera par-devèTs le roi, pour le supplier de retirer de Montauban le régiment de Languedoc, et d'en renvoyer deux autres à sa place.
L'amendement de M. Roussillon est adopté et le décret est rendu en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports,
« Déclare que l'information commencée devant les juges de Montauban, relativement à l'événement arrivé dans cette ville le 10 mai, demeure comme non avenue; ordonne que son président se retirera par-devers le roi, pour supplier Sa Majesté de donner des ordres pour que l'ancienne garde nationale montaubanaise soit rétablie dans le même état qu'elle était avant l'ordonnance des officiers municipaux, du 6 avril dernier, laquelle ordonnance, ainsi que tout ce qui a été fait en conséquence, est déclarée comme non avenue, sauf aux citoyens actifs, qui n'étaient pas de ladite garde ancienne, à s'y faire incorporer, conformément au décret du 12 juin dernier.
« L'Assemblée nationale décrète : 1° qu'il sera informé devant les officiers municipaux, juges ordinaires en matière criminelle à Toulouse, à la diligence de la partie publique, de tous les événements arrivés à Montauban le 10 mai, ainsi que de tous ceux qui y sont relatifs, tant antérieurs que postérieurs à ladite époque, circonstances et dépendances; à l'effet de quoi les pièces déposées au comité des rapports seront incessamment adressées à ladite partie publique;
« 2° Que jusqu'à ce qu'il soit statué sur ladite information, les membres du corps municipal de Montauban demeureront suspendus de leurs fonctions à l'époque de la notification qui leur sera faite du présent décret ;
« 3° Que les administrateurs du département du Lot ou de son directoire commettront, sur
l'avis du directoire du district de Montauban, six personnes pour remplir provisoirement dans cette ville, les fonctions municipales, dont l'un sera par eux indiqué pour faire les fonctions de maire, et un autre pour remplir celles de procureur de la commune;
« 4° Que la notification du présent décret et de la commission qui sera nommée sera faite au même instant aux officiers qui composent la municipalité de Montauban, pour les administrateurs dudit département ou de son directoire ;
« 5° L'Assemblée nationale charge son président d'écrire à la troupe de maréchaussée à Montauban, pour lui témoigner sa satisfaction de la bonne conduite qu'elle a tenue le 10 mai;
« 6° Que le président se retirera par-devers le roi, pour le supplier de rappeler de Montauban le régiment qui y est en garnison, et d'envoyer en cette ville deux autres régiments pour le remplacer. 9
(La séance est levée à une heure du matin.)
Nota. Nous insérons ici le Mémoire des patriotes hollandais, qui contient les motifs de l'article 11 du décret sur les pensions.
Mémoire pour les patriotes hollandais, réfugiés en
France, précédé d'une lettre a M. le Président
de VAssemblée Nationale (1).
Monsieur le Président, pénétrés de reconnaissance pour la nation généreuse qui nous a acueillis dans notre infortune, nous venons vers ses au-gus|es représentants lui en offrir le respectueux hommage.
La France nous a ouvert un asile ; elle a donné des secours à la plus grande partie d'entre nous ; elle nous a invités à jouir dans son sein de la sûreté que nous avons perdue dans notre patrie, de la liberté que nous avons eu le malheur de n'y pouvoir établir. Elle nous a honorés de son estime", de son amitié ; elle nous aurait consolés par les soins de sa bienveillance, si les témoignages d'une juste sensibilité pouvaient nous consoler de ce que les circonstances ne lui ont pas permis de faire.
Les patriotes hollandais, à leur arrivée en France, ont reçu des secours portés dans les états de dépense à une somme déterminée. . Lorsque l'Assemblée nationale a décrété une première économie de 60 millions sur toutes les dépenses des départements, l'article concernant les Hollandais est resté le même.
Mais le décret annonce pour la suite un examen de chaque objet de dépense des départements, d'après lequel on se propose de déterminer différentes sortes de réductions.
Cette dernière partie du décret explique 1a cause des sollicitudes des patriotes hollandais.
Hs ne démandaient pas que, pour exercer un grand acte de justice publique, pour acquitter
(1) Ce document n'a pas été inséré au Moniteur.
une dette nationale si sacrée, leurs alliés fassent maintenant des efforts que la situation des finances rendrait pour eux trop difficiles» Dans d'autres circonstances, ils aimeraient à rappeler l'intention qu'on avait eue* à l'arrivée des Hollandais eh France, de fixer, outre les fonds de subsistance! des fonds particuliers pour encourager et faciliter les établissements de commerce et d'industrie qui pourraient être formés par eux. Hb prouveraient que ce plan, pour lequel l'état des finances n'a permis de faire qu'un très léger sacrifice, oti pour mieux dire, qu'ir n'a pas permis de suivre, était le moyen le plus facile et le plus sûr de rendre utile a la France la dépense qu'elle s'était déterminée à faire en leur faveur. Ils se bornent au* jourd'hui à supplier l'Assemblée nationale de vouloir bien leur consacrer entièrement là somme annuelle qui lettr a été destinée* et que le comité des finances de l'Assemblée nationale a jugé nécessaire de leur conserver. Ils demandent que les économies qui se font chaque jour sur cette somme, par la mort ou le départ des çatriotés inscrits sur lesJistes, soient employées invariablement, et dans une juste proportion, à l'objet de sa destination primitive. Une partie de ces économies pourrait être consacrée à donner de nouveaux secours à ceux dont les familles sont arrivées en France après la confection des dernières listes, et qui peuvent à peine subsister de ce qu'ils reçoivent en ce moment. Une autre partie serait appliquée à ceux de leurs compatriotes qu'une persécution, toujours subsistante, oblige de quitter leur patrie, et que les anciennes promesses de la France et leur attachement pour elle engagent à y venir chercher un asile, sous la sauvegarde de la justice et de la loyauté nationales. La troisième partie de ces économies servirait à encourager et faciliter les établissements de commerce et d'industrie auxquels peut sè livrer, âvèê de très grands succès, la classe la plus considérable des réfugiés. Des établissements de ce genre seraient l'unique moyen de ranimer, d'une manière avantageuse à la France* l'industrie d'une foule d'hommes laborieux, actifs et intelligents, que ce travail journalier mettrait, dans la suite, & l'abri de la misère, dont un secours purement alimentaire ne peut les préserver.
Enfin les. patriotes hollandais b&ent solliciter l'intérêt de ia nation française pour cette partie de leurs concitoyens qui ont défendu leur patrie avec tant de zèle et de confiance, et qui, impatients de l'inaction forcée où ils ont été réduits en France jusqu'à ce jour, Sollicitent, avec uné persévérance respectueuse, d'être admis à l'hon^-neur de servir leur patrie adoptive.
Tel est, Monsieur le Président, l'objet de la pétition que nous avons l'honneur d'adresser à l'Assemblée nationale. Les motifs qui doivent @h démontrer ia justice naissent du développement des principes et des faits renfermés dans le mémoire suivant, que nous venons déposer auprès des représentants de ia nation française.
Nous sommes, avec un profond respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs,
Sianê : C. J. de Nyvenheimj *»' R.-J.-B. de Capel-len de Marsch; — Abbema; P. Gevers; —de Witt — Huber; — H. Van Kleffens; — Jacob Van Staphorst; — B. comte de Bdetzelâer de Langerack; — Pieter'tHoen ; J. Gelderman; — J. G. de Kock; — L. Makkftros; -- B. de Nyvenheim; -- 11. D. Van Hoorn;— J. B. Bic-kef; — J. Vaft Hoeyj — F. IL du Bois5 —F.
A. Persoons ; —* Cor» Van der Hoop-Gybs ; Valckenaer; — A» Braak.
MÉMOIRE.
Des républicains* chassés de leur patrie par le despotisme du premier ministre de l'Etat* dispersés loin de leurs foyers* par le fér* le feu, les proscriptions et le pillage, sont venus demander a un peuple allié rasile et les secours que sa justice avait promis à la liberté malheureuse. Ils n'ohl point reclâmê pour cette liberté lés moyens de protection activé qu on leur avait offerts aaris un temps plus prospère* et sur lesquels ils avalent alors appuyé leur plus grande et presque leur unique espérance» Convaincus, avec toute l'Europe, que la loi de la nécessité a pu seule opposer Un obstacle invisible aux efforts qu'ils avaient droit d'attendre dé la loyauté et de l'intérêt politique de la France* ils se sont soumis à dette grande infortune avec un sentiment de résignation admirable pour eux-mêmes et pour leurs généreux ailliês. En pleur&rit sur les ruines d'une patrie que la violence effaçait du rang des républicains, ils ont porté leurs regards sur le mouvement universel qui entraîne, en Europe, les empires et les individus vers la liberté, et leur âme est restée ouverte aux consolations des hommes dn gnes d'être libres.
Les causes, les circonstances et les effets de la révolution hollandaise sont connus de toute là terre; mais jamais la raison publique ne fut mieux disposée à les apprécier que dans les circonstances actuelles; jamais l'impulsion des esprits et la situation des choses en offrirent une occasion plus favorable de justifier auprès de la nation française l'intérêt qu'elle avait pflB à dette grande cause de la justice ët de la liberté»
Les amis de la patrie, dans leB Provinces^ Uhleâ, voulaient ^réformer les abus de leurs constitutions particulières et de la constitution gé-* hérale de l'Etat, en rétablissant leur liberté politique et leurs droits individuels sur des bases plus solides que celles qu'avaient posées leurs ancêtres èn 1579.
Ils voulaient renfermer dans les bornes de l'in* térêt commun les fonctions du stathoudér* fonctions qu'il avait insensiblement accrues, soit par des usurpations ouvertes* soit par son influence prépondérante dans les Etats de chaque province.
Ils Voulaient réprimer l'autorité arbitraire qu'il exerçait en qualité de capitaine général et de grand amiral de la République.- Honteux et effrayés de son attachement passif à la cause de la Grande-Bretagne, contre les propres intérêts de sa patrie, ils Voulaient qu'il ne put disposer à son gré des forces navaies et militaires de l'Etat, afin que son aveugle dévouement n'imprimât pas une seconde fois a la nation batayèla honte dont il l'avait cbuvertè dans la dernière guerre, en retenant dans les ports de la République les dix vaisseaux de ligne destinés à se joindre aux forces navales de la France à Brest* contré un ennemi commun.
Ils voulaient enchaîuer l'aristocratie des grands, qui, marchant avec le despotisme de l'administration stathoUdériennë, et Se fortifiant de son pouvoir et de son influence, renversait dévant elle tous les appuis de la Constitution, de la liberté civile et de l'égalité républicaine.
Ils voulaient, par rétablissement des bourgeoisies armées, placer la défense de la liberté
intérieure dans les mains qui seules pouvaient la garantir, en la respectant.
Ils voulaient restituer au peuple le droit ina-liénable et imprescriptible de nommer ses magistrats ; droit constamment reconnu par lés anciens ducs et comtes.
Ils voulaient former deS municipalités Vérita* blement électives, ën détruisant le systeffië d'u^ sUrpatlon qui, daùs presque toUtéfc le» provinces» avait concentré là nomination dé ces mandataires publics dans les mains dë leurs Collègues, ou uâîis Celles du stathoudêr et de ses agents subai-ternes.
Ils voulaient que dëfe administrations provinciales, organisées d'après lés vrais principes de la représentation, missent tous les citoyens â portée de concourir, par leur zèle et leurs lumières, à la conservation èt â l'accroissement de la pros-périlé publique.
Ils voulaient, par des régences amovibles ét des élections renouvelées a des époques Aies, appeler les citoyens à lu jouissance d'un des droits les plus immuables de Tordre social ; et étouffer dans toutes les âmes ces habitudes ou cés déëlrs de pouvoir arbitraire, qui naissent toujours, et malgré les plus sages dispositions dès lois, de la perpétuité ou de la longue durée des charges publiques.
Ils voulaient que tous les Citoyens, SâhS autre distinction que celle dë leurs vertus et dë leurs talents, pussent être admis à l'honorable devoir de servir la patrie dans des emplois publics, devenus jusqu'alors le patrimoine exclusif d'un petit nombre de familles nobles ou patriciennes.
Ils Voulaient que tous les agents du pouvoir exécutif fussent responsables dë leurs actions au tribunal de la loi.
Ils voulaient mettre les magistrats â l'abri de l'influence inconsiitutionnëue du stathoudêr, parce que cette indépendance était uu dés plus fermes soutiens de la liberté publique et de la sûreté individuelle.
Ils voulaient défendre aux membres dés Etats généraux et des États des provinces, d'être au service ou à la solde du stathoude? ou de tout autre prince.
ils voulaient réformer Ja représentation incohérente et vicieuse de l'État dans les assemblées législatives, où le Plat-Pays n'est représenté presque eû aucuné d'elles.
Ils voulaient abolir les usurpations les plus onéreuses et les plus humiliantes de la féodalité, telles que les services personnels des habitants du Plat-pays, à l'égard des drossards^u baillis, et les abus du droit dê chasse exclusif.
Ils voulaient enfin effacer toutes les traces de l'esprit d'injustice et d'inégalité sociale, en renversant les barrières de l'intolérance religieuse, et en réparant, â l'égard des catholiques, lés maux qu'ils avaient reçus de l'ignorance et ae la barbarie des âgés précédents.
Telle était la révolution que la raison et le respect des droits de l'homme allaient créer au milieu dëS Provinces-Unies.
Mais Ce grand exèflipiè de liberté que préparaient, aVeC Unê si courageuse constance, tant d'hommes réunis par lé même zèle et lès mêmes lumières,-cë grand exemple devait alors manquer à la terre, té despotisme du stathoudêr et l aristocratie noble Ou patricienne, liés autrefois par un intérêt commun, ensuite séparéS~par leurs prétentions respectives, se Confondirent tout à coup par la haine dé là justice et l'effroi delà liberté, lin grand nombre dé Citôyéùs, dont les
emplois ou les espérances étalent attachés au maintien de l'usurpation stathoudérienne; un plus grand nombre à qui l'or suffisait, ou qu'éf-frayaït un aVeUlr de vengeances; des âmes faibles que fatiguait d'avance le Spectacle d'une liberté qu'il fallait conquérir; dés esprits timides ou peu attentifs, qui, entraînés par des hommes malveillants. Craignaient qu'un gouvernement purement populaire flë vînt renverser l'autorité des ldis et la liberté publique; en un mot, une foule d'Individus qui n'étaiënt pas mûrs pour la liberté, ou qui n'en étalent pas digûë3, vint se rallier à là cause des ennemis déclarés dë la patrie. Le stathoudêr et l'aristocratie appelèrent alors au Secours de leur impie confédération cette partie du peuple si Cruellement aveuglée, dont les stathouders s'étaient toujours Servis pour enchaîner, tantôt des provinces efl particulier, tantôt la République entière. lls_achetèrent dë nouveau ses fureurs ; ils égarèrent sa raison paf des discours et des écrits séditieux; ils firent retentir à ses oreilles les mots de religion protestante; ët soulevant â la fois toutés ces âmes séduites, ils armèrent contré la liberté les vices de l'ignorance, lës passions dë la misère, et employèrent ainsi, en faveur d'un gouvernement oppressif, lès crimes dë l'oppression même.
Les troupes de la République, composées en grande partie d'étrangers, offrirent un nouvel appui au chef nui régnait sur elles, par les grâce?, les emplois êf.l'argent.; et là sërvile obéissance d'une partie de l'armée vint cimenter à Elburg et â Ëattem l'œuvre du despotisme, par le Pillage et la dévastation.
Il restait cependant des espérances aux amis de la liberté. Ils avaient droit aê croire que la rai* son, l'esprit de justice et dé patriotisme ramèneraient enfin vers i'intérêt commun tant de volute tês égarées. Ils voyaient déjà arriver i'heure OU devaient cesser de si longues ët si funestes erreurs. Déjà, les séditions étalent étouffées par les sages discours et par la vigilâUCë armêë des Cia toyëris... lorsque les baïonnettes prussiennes, dirigées par l'invincible main dë l'Angleterre, vin-rënt, en couvrant dé toutes parts le territoire de la République, ordonner à la liberté dê reculer devant la force.
Les violences publiques ët les attentats particulière Se réunirent alors pour rassasie? râmé des ennemis dë la patrié. Tous iê§ bons citoyens, tous les hommes dont les.lumières avaient réveillé la nation sur sel droits; ôéux dont lë courageux dévouement l'amenait à la liberté lès armes à ia main, tous succombèrent à ia fois sous les coups de leurs lâches oppresseurs. Les peines dë mort, de fustigation, dê bannissement, d'Incarcération ; la Confiscation dëflbiehS, la condamnation à dès amendes excessives qu'aggravaient encore ies poursuites juâiciâirês ' tel fut le digne salaire des amis de la liberté. L'incendie, le pillage, la proscription parcoururent, eu un instant, comme un fléau dévastateur, toute ia surface de ia République, ët portèrent partout îèâ vengeances du stathoudêr.
AU milieu dé Cette lutte sanglante de cet horrîblë déchirement de toutes les parties dé l'Etat, les défenseurs dë.lâ^patriê appelaient à leur Secours la protection, la justice de là France, cette protection si hautemênt annoncée, céttëjuitice si fortement promiâë jusqu'au dernier instant, ët dôflt l'assurance avait PU seule diriger d'abord leur résolution ët SoUtënir Si lôngtëmpl lëur cOUrage* Là FrâUCe lëur àVâit dit qu'elle régaf défait éômMê Une offrfise pèréoHfielle lôut ce qu'on ehtreprèn-
drait contre leur liberté. Leur liberté éiait attaquée; leur liberté allait être envahie. Mais la France ne put entendre "leurs cris; et les défenseurs de là liberté batave, ayant à combattre à la fois, et les conspirations les plus audacieuses au dedans, et une! invasion étrangère, furent subjugués par les forces supérieures d'une troupe de satellites appelés au pillage et au meurtre.
Ainsi fut arrêtée tout d'un coup cette grande restauration nationale, que tant d'années de lumières, de courage et de patriotisme avaient préparée. Les Provinces-Unies perdirent leur liberté; et la France, en perdant l'honneur de donner une seconde fois un exemple de justice au monde, vit enlever à ses intérêts politiques une alliance que, depuis la fatale invasion de 1672, elle avait jugée digne de Ses plus grands efforts et de, sa plus vive sollicitude, et dont l'anéantissement était devenu l'objet le plus ardent des désirs de l'Angleterre.
Il suffit, en effet, pour apprécier l'intérêt qu'avait l'Angleterre de voir dissoudre l'alliance conclue en 1785 entre la France et les Provinces-Unies, de considérer un moment les avantages que celte alliance assurait à la nation française :
1° L'entrée libre de tous les vaisseaux français dans les ports de la République en Europe, dans la mer du Nord, dans les deux Indes, en Afrique, et surtout au cap de Bonne-Espérance, relâche ou station infiniment importante pour ; les vaisseaux français destinés aux grandes Indes;
2° Secours toujours présent de la marine militaire hollandaise, composée maintenant de plus de cinquante vaisseaux de ligne;
3° Entremise de la marine marchaude pour l'approvisionnement des forces navales de France et de ses colonies. On sait que, dans la dernière guerre, un nombre très considérable de bâtiments ont été employés par la République pour porter des mâts, du chanvre, des bois de construction et autres munitions navales dans les ports de France et ses colonies ;
4° Facilité de faire des emprunts en Hollande à un taux plus modéré qu'en France, ou du moins participation des capitalistes hollaadais dans les fonds de France;
5° Intérêt de l'industrie de la France et surtout de la capitale. Il suffit, pour être convaincu de cette vérité, de jeter un coup d'oeil sur le rapport fait à la commune de Paris le 31 janvier 1790. On y lit, page 5 : -
« La Hollande, avant la révolution stathoudé-rienne, donnait aux frabriques de Paris des ordres extrêmement étendus ; et l'expédition s'en faisait par son entremise, d'un pôle a l'autre. A l'instant où sa liberté a été flétrie, son commerce a reçu des atteintes mortelles, dont il ne s'est pas relevé; et l'on peut regarder cette époque comme la première attaque aux fabriques de Paris. »
Depuis la destruction de l'alliance française, le plus grand nombre des papiers publics de la Hollande sont sous la dépendance la plus absolue du parti dominant. Dignes soutiens d'une si noble cause, ils calomnient chaque jour, avec la plus absurde et la plus audacieuse insolence, les principes et les effets de la Révolution française; de cette grande régénération sociale, dont aucun siècle n'avait encore offert l'exèmple et qui vivra éternellement dans l'histoire et dans le cœur des amis de l'humanité, pour la consolation et l'exemple de la terre. Ils en dénaturent toutes les circonstances au gré des passions étrangères qui les dirigent. Ils peignent la France expirant dans les convulsions de l'anarchie, pour avoir eu la
criminelle pensée et les moyens plus coupables encore de renaître à la liberté et à toutes les vertus dont elle est l'inépuisable source. Ils montrent sans cesse la fortune publique en péril, attaquée chaque jour, à chaque instant, par les vices de l'ancienne administration et par les désordres bien plus grands delà liberté nouvelle. Ils représentent toutes les fortunes particulières suspendues à un édifice chancelant sur sa base, près d'être englouties sous ses ruines... G'est par ces grandes leçons que, dans les Provinces-Unies, on s'efforce d'apprendre au peuple à chérir une servitude qui le préserve, dit-on, de tous ces maux de la liberté. G'est encore par elles qu'on porte ia terreur dans l'âme de tous ceux qui ont lié leurs intérêts à la fortune de la France. Ges perfides manœuvres ont eu le succès qu'on en attendait, au moins par rapport aux capitalistes hollandais. Presque aucun d'eux n'a pris d'intérêt dans les nouveaux emprunts nationaux de la France. Cette défiance artificielle, cet effroi, préparé avec tant de soin, influent de la manière la plus forte sur la baisse des effets publics de la France et sur toutes les opérations de commerce et de banque.
Si l'alliance de la République avec la France était d'uue si grande importance pour ce royaume, on sent aisément combien l'alliance nouvelle avec l'Angleterre doit être contraire à ses intérêts politiques et commerciaux :
1° La première atteinte portée par ce traité à l'intérêt de la France est ia stipulation expresse de secours que la République doit donner à l'Angleterre dans les. Indes, en cas d'attaque ou de menace. On sait avec quelle tournure astucieuse cette stipulation est énoncée dàiïs l'article VI du traité d'alliance prétendue défensive avec la Grande-Bretaane, de 1788. On sait que, sous prétexte d'être défendu*, les Anglais ont véritablement imposé à la République l'obligation d'attaquer, de concert avec eux, toutes les fois qu'ils en trouveront l'occasion, sans paraître agresseurs : et l'occasion leur manquera-t-elle jamais, lorsqu'ils en auront le désir et les moyens ? Les citoyens des Provinces-Unies, qui pourraient, à cet égard, avoir quelque doute sur la probité politique de l'Anglelerre, n'ont qu'à lire leur propre histoire. On se rappelle avec quelle modération et quelle franchise la cour de France demanda, avant la ratification du traité, dés éclaircissements certains sur cet article. On se rappelle aussi le ton de duplicité et de dérision avec lequel les Etats généraux répondirent à ces sages représentations. Si quelque chose put justifier l'opinon que la France et l'Europe avaient conçue de la nature de ces nouveaux engagements, ce fut sans doute cette réponse. Pour prix de cette perfidie politique, l'Angleterre garantit (art. III) le stathoudérat héréditaire dans la maison d'Orange, et s'engage à maintenir la forme du gouvernement subsistante. Ainsi, l'on vit une nation libre, foulant aux pieds lès lois sacrées qu'elle avait si souvent, et avec tant de succès, invoquées pour elle-même, déclarer, à la face de l'Europe indignée, qu'un citoyen protégé par elle serait à l'avenir indépendant de la volonté ^souveraine du peuple dont il est le délégué, et que ce peuple n'aurait jamais le droit de changer la forme de son gouvernement ;
2° La marine hollandaise sera constamment aux ordres de l'Angleterre. Leplus grand bonheur que puisse espérer la France est de la voir rester quelquefois dans l'état ae neutralité;
3° Les ports de la République sont fermés pour la France et ouverts pour l'Angleterre; 4° Les Hollandais ont un intérêt très considé-
rable dans les fonds anglais, et les chefs du gouvernement actuel dans les Provinces-Unies favorisent ces opérations de tout leur pouvoir. Si l'Angleterre se livre à une guerre nouvelle, la Holjande ouvrira à ses emprunts une source féconde. ; Tels sont les avantages que le traité de 178§ assure à l'Angleterre, aux dépens de la France ; avantages dont elle s'est déjà empressée de jouir, et qu'elle saura bien recueillir dans toute leur étendue, jusqu'à ce que les lois éternelles de la nature amènent enfin l'heure de la justice et de la liberté.
On vient de voir quels ont été pour l'Angleterre et pour la France les effets opposés de la contre-révolution batave. Mais combien ces effets ont été plus terribles encore pour les citoyens hollandais, amis de la France et défenseurs de la liberté nationale 1 Les malheureux, arrachés à leur famille, à leurs amis, à leur fortune, par des bandes armées et de sanglantes proscriptions, ont vu, en s'éloignant,- leurs terres dévastées, leurs maisons pillées, leurs fermes détruites. Des milliers^de citoyens, de tout âge et de toute condition, ont été forcés d'abandonner une patrie que leur dévouement ne pouvait plus sauver, et qui restait en proie aux exécrables vengeances du parti vainqueur.
La cour de France, qui avait promis, en 1786, de prendre, en tout état de cause, les patriotes hollandais sôus sa protection immédiate, là cour de France ordonna, en septembre 1787, à M. de Saint-Priest, qui se rendait à La Haye, de recueillir les patriotes fugitifs, et de les assurer qu'ils seraient indemnisés de leurs pertes.
Cependant, après une déclaration si précise, après les assurances lés plus solennelles, on a établi en principe : * que le roi accorderait des grâces, au lieu d'acquitter une dette; que la subsistance accordée aux Hollandais réfugiés estune grâce dont Sa Majesté n'a aucun dompte à rendre, sur laquelle ils ne peuvent exiger aucune influence officielle, et que Sa Majesté peut modifier, étendre et même supprimer, selon qu'elle le, jugera à propos. »
Les patriotes hollandais, à qui l'on avait si bien indiqué, avant et après la Révolution, la nature et l'étendue des promesses de la France, garderont, sur cette nouvelle explication de ses intentions précédentes, le silence qui convient à leur respect pour élle. Ils aiment à croire que le principe dont on vient de parler, contraire aux intentions tant de fois manifestées du roi le plus fidèle à ses engagements, n'a été établi que pour écarter des |soliicitations qu'on regardait comme peu convenables dans l'état de détresse où étaient les tinances. Mais ce principe, mal interprété, a donné lieu à des inculpations très fortes contre le ministère de France. Ces réclamations ont été répandues dans quelques villes de la Flandre et de l'Artois ; et la plupart des réfugiés qui s'y trouvent, principalement ceux de la classe inférieure, se sont crus autorisés à former sur cet objet des plaintes graves et nombreuses. D'un autre côté, le parti stathoudérien, en Hollande, a contemplé avec joie ce tableau de la prétendue dépression où le ministère de France veut tenir les patfiotes réfugiés ; et il s'en est servi comme d'un moyen infaillible pour ruiner entièrement là cause dé la liberté et les intérêts de la France. Mais ce triomphe de l'imposture ne sera pas de longue durée. La vérité fera bientôt entendre sa voix et apprendra aux patriotes qui existent dans les Provinces-Unies, et à ceux qui sont réfugiés
dans le reste dè l'Europe, qu'ils ne doivent ni désespérer de leur liberté, ni se rendre coupables d'ingratitude envers la France.
La nécessité de réunir les patriotes en France après la Révolution de 1787, avait été démontrée au gouvernement par des considérations dont il n'était pas difficile de saisir toute l'importance. Quelques-uns de ces patriotes avaient fui d'abord en Allemagne ; la plus grande partie était dans les provinces belgiques. On leur offrait, en plusieurs endroits, et surtout dans ces dernières provinces, des encouragements, des franchises, la liberté du culte. Le voisinage, l'affinité de mœurs et de langage les appelaient dans les provinces belgiques. Mais l'intérêt de leur liberté, l'intérêt politique de la France, leur attachement, leur estime pour elle, tout les invita à venir chercher dans son sein l'asile, les secours et les consolations qu'on leur offrait.
On forma aussitôt les établissements de la Flandre et de l'Artois. On pourvut à la subsistance des réfugiés. Plusieurs officiers obtinrent des pensions sur le département des affaires étrangères,, et, ^depuis le mois de janvier 1788, deux mille individus sont soutenus par des secours hebdomadaires. Une somme annuelle est affectée à ces frais de subsistance et d'asile; et le comité des finances de l'Assemblée nationale, pénétré de la justice et de l'utilité de cet emploi, a déclaré qu'il regardait cette somme comme n'étant susceptible d'aucune sorte de réduction.
Cette dépense annuelle ne doit pas, même d'après le principe établi sur cet objet en 1787, être regardée comme un pur sacrifice fait par la nation française en faveur des hollandais réfugiés. Quelques-uns d'entre eux ont porté en France des capitaux considérables qu'ils ont sauvés du pillage et de la confiscation. Ils ont déjà donné à ces capitaux un emploi utile dans les différentes villes où ils ont fixé leur séiour ; et cet emploi ne peut que s'étendre et devenir plus avantageux, depuis que les vrais principes de la liberté ont presque entièrement affranchi le commerce de France. D'autres capitalistes, domiciliés jusqu'à ce jour dans le Brabant, pour y terminer leurs affaires, ne tarderont pas à porter leur fortune en France, sous les auspices de la liberté et de la bienveillance nationales. Le plus grand nombre des Hollandais, réfugiés dans la Flandre et l'Artois, y ont transporté des moyens de travail et de grandes sources de richesse publique. Il en est parmi eux dont les premiers essais ont justifié l'espérance qu'on avait conçu de l'utilité de leurs travaux. Il en est d'autres qui, depuis longtemps, sollicitent le vœu du gouvernement pour établir des branches importantes d'industrie hollandaise. Ces fabriques, ces grands ateliers d'une industrie nouvelle pour la France, pourront être introduits avec d'autant plus de facilité, qu'on possède en même temps les principaux ouvriers qui dpivent travailler, soit à la construction des machines, soit à la fabrication des matières.
Ou pourrait développer, avec plus d'étendue, les différentes espèces d'avantages que la nation française a droit d'attendre de l'industrie des Hollandais réfugiés. Ce que l'on vient de dire suftit peut-être en ce moment pour attester l'utilité des secours qu'elle leur donne, et des encouragements quils sollicitent.
Le gouvernement, craignant que le nombre des réfugiés ne devînt trop considérable, fit annoncer, dans le courâut de l'année 17^8, qu'après le 31 décembre de la même année, aucun réfugié
ne serait admis aux secours accordés par le roi»
Mais, d'après les intentions bienfaisantes du roi, cette annonce d'inadmission future supposait évidemment qu'aucun patriote ne serait plus obligé de se soustraire aux vengeances du sta-thouder ; et sans doute l'âme sensible et juste du jRestaurateur de la liberté française, ne pouvait soupçonner les haines implacables de la tyrannie. Cependant les proscriptions ont toujours continué dans les Provinces-Unies. Les sentences de bannissement, de confiscation, ont toujours été prononcées, après le terme de 1788, comme auparavant. Le parti dominant a même redoublé d'ardeur dans ses persécutions pendant l'année 1789, parce que les mouvements intérieurs de la France lui ont paru favoriser la stabilité du gouvernement actuel de la République.
La province d'Utrecht, dont les Etats avaient aboli, le 26 février 1629, le système atroce de la confiscation ; la province d'Ûtrecht a vu ses nouveaux Etats, de concert avec le stathouder, ordonner, au mois de mars 1789, le décret de dénombrement et de confiscation des biens appartenant aux régents, magistrats, militaires et autres citoyens qui avaient soutenu la cause de la liberté. La plupart s'étaient réfugiés dans le Brabant, afin d y être plus à portée de leurs familles et des amis qui veillaient à leurs intérêts. Instruits des nouvelles poursuites du stathouder, ils présentèrent au ministère de France, dans le mois d'août 1789, une requête, par laquelle, pleins de confiance dans la justice du gouvernement, ils le suppliaient de vouloir bien leur permettre de venir, avec leurs femmes et leurs enfants, réduits, comme eux, à la dernière misère, cnercner en France l'asile et les secours que leurs compatriotes y avaient trouvés. Cette requête est restée sans réponse»
La cour de justice de la province de Frigea aussi, le 15 janvier 1788, ordonné, sur la réquisition du procureur général, que si les accusés ne se présentaient pas devant cette cour, leurs liens seraient confisqués; et la Confiscation a été véritablement prononcée le 16 janvier 178Ô.
Dans le mois de Juillet 1788, les anciens membres des Etats de Frise se sont adressés également au ministère de France; ils lui out exposé leur situation et celle de ieurs concitoyens; ils ont, comme les patriotes de la province d'Utrecht, invoqué 1a protection de la France, si souvent et si énèrgiquemeut promise. Us ont imploré la justice, la sensibilité du roi en faveur d'un grand nombre de citoyens détenus dans lès prisons de la province, pour avoir défendu les intérêts de la patrie et les droits de la liberté ; mais leurs réclamations, leurs instantes prières n'ont pu être mieux entendues que celles des citoyens d'Utrecht.
Tel est le tableau rapide de tout ce qtié les patriotes des Provinces-Unies ont entrepris pour la cause de la liberté, de tout ce qu'ils Ont souffert pour elle. Des hommes qui ont bravé la mort pour la patrie, ont le droit, ils ont l'impérieuse obligation de se rattacher à Ja Vie par leurs espérances; celles des patriotes hollandais vivent dans le cœur de tous les amis de i'humanité, parée que la liberté batave est liée, comme la liberté universelle des peuples, à un mouvement qu'il n'est plus au pouvoir des hommes d'arrêter ou de suspendre,
Bons et généreux alliés; peuple digne d'une immortelle gloire, et pour le bien que vous avez fait, et pour ie.bien que. vous avez le pouvoir de faire, recevez ici avec i'expression de nos vœux
celle de notre éternel dévouement, fuissent Un jolir les citoyens dès ProVÎnceS-lJnies prouver à l'Europe qu'ils n'ont oublié ni Vos bienfaits, ni votre exemple 1
Séance du
La séance est ouverte â neuf heures du matin.
annoncé l'hommage fait à l'Assemblée : i0 par le sieur Ternisien, d une perspective de la cérémonie du serment civique fait au Cliatnn-de-Marsp&r la nation française assemblée lê 14 juillet 1790; 2° par le sieur Moizard, maître d'écriture â Blois, d'un dessin à la plume contenant un calendrier perpétuel, et les portraits du roi et de là reine. L'Assemblée a agréé ces hommages.
, secrétaire, fait ensuite lecture de l'extrait des pièces et adresses suivantesk.
Procès-verbal dê prestation de serment de la garde nationale de Lozay en Saintonge, commandée par le sieur Meaugeais, qui à exprimé aux citoyens qu'il commande les sentiments les plus conformes aux principes de l'Assemblée, et les a exhortés à maintenir la paix et la Constitution de tout leur pouvoir. L'Assemblée a accueilli avec Satisfaction cette preuve dti patriotisme des citoyens de Lozay.
Adresses de là municipalité, des citoyens ét des gardes nationales de la commune de Saint-Pierre d'Orignolies, district de la haute Saintonge, département de la Charente-Inférieure, qui témoignent leur admiration pour les travaux de l'Assemblée, qu'ils prient dé ne pas se séparer qu'eiie ne les ait achevés.
Délibération de l'hôtel de Ville de Sedan, par laquelle il arrêté que toutes les démarches nécessaires seront faites pour obtenir de i Assemblée nationale le don d'une superbe statue en marbre du célèbre vicomte maréchal de Turenne, déposée depuis longtemps dans une caisse à l'abbaye de Cluny en Bourgogne, dans le cas où ce monument Serait déclaré appartenir à la nation, ét non pas â la maison de Bouiiion qui ie revendique. La ville de Sedan ne demande, dit-elle, qu'Un vain marbre en échange du grand homme qu'elle a donné à la hâtiôïL
(Cette demande est renvoyée au comité des domaines.)
Soumission d'acquérir dès biens îiâtiohâUX pour la somme de 44,400 livres 15 sols par la commune de Sainte-Croix en Tôuràitte. Cette soumission a été renvoyée au comité de l'aliénation des biens nationaux.
Adresse de l'assemblée électorale du district de Rochefort qui, avant de terminer ses
travaux, en persistant dans les Sentiments de respect ét de soumission qu'elle a déjà
manifestés a l'Assemblée, se joint aux districts de la Rochelle, de Saint-Jean d'Apgeiy et de
Marennes, pour réclamer l'alternat du département dë la Charente-In-
(1) Cette séancê est incomplète au Moniteur.
Délibération du conseil de la commune de Con-flans-sur-Seine, district de Sézanne, département de la Marne, pour acquérir la terre et ci-devant seigneurie de Gonflans, appartenant au domaine.
, Vainè, secrétaire, donne lecture du procès-Yerbal de la séance d'hier au matin.
propose d'ajouter à l'amendement fait à l'article 7, par M. Delley d'Agier, ces mots : ayant titre pour l'avoir, de sorte que cette partie de l'article se trouverait ainsi rédigée : « Les personnes âgées de 75 ans et plds, qui ont actuellement une pension au-dessus de 3,000 livres, qt qui ont titre pour l'avoir, ne pourront en avoir une moindre ae 3,000 livres. »
On observe qu'une addition de telle nature ne peut être faite à un décret dans un monaent où l'Assemblée n'est pas complète.
(Cette proposition est renvoyée à l'ordre de deux heures.)
La promptitude aveq laquelle s'est levée la séance d'Jiier hfa pas permis de faire attention à un amendement proposé par M. d'Es-tourmel. Cet amendement, qui peut se placer ap dernier article* est conçu en ces termes : « Ët pour pourvoir, s'il.y a lieu, au remplacement des arbres qui auraient été abattus. »
(Cet amendement est adopté.)
, autre secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir.
La municipalité dè Toulouse a envoyé à l'Assemblée nationale Une adresse où elle demandé là punition des municipaux de Montauban : je fais la motion dë joindre cèttè pièce à celles que le comité des rapports doit faire passer à la partie publique à Toulouse, afin de mettre cette municipalité elle-même en demeure, si elle se juge suffisamment impartiale pour connaître de cette affaire. Je demande, eh ôUtre, qué la lettre qUi nous à été lue dans le teifips et dans laquelle est consigné l'àVëti que la garde nationale de Montauban a fait lé premier feu, y soit également jointe.
(Ces deux motions sont écartées par l'ordre du jour.)
(ci-devant de Ctattùé) demande là parole avant l'ordre du jour.
L'Assemblée décide qu'il sera entendu.
Un Courrier extraordinaire du département des Ardennes m'a remis les pièces que je Vais vous communiquer, et qui concernent jes hénemèhts qui se passent sur lès frontières. Il attend là réponse de l'Assemblée nationale.
M. Dubois fait lecture des pièces dont voici la substance :
La première est une lettre qui lui est adressée par les administrateurs dn département des Ardennes.
« Nous vous envoyons copie d'une leitre adressée par M. de BûUiilê à M. dë Bôttnesson, lieutenant de roi à Mézières, et Une délibération du directoire du département. Nous avdns cru d'autant plus important d'en rendre compte à l'Assemblée nationale, que la même lettre à été écrite au commandant de Sedan, et que les points les plus importants de notre frontière, Rocroy, Charlevllle,
Avesnes, se trouvent dégarnis depuis peu de3 troupes qui y étaient. »
Lettre adressée à M. de Bonnesson par M. de Bouillé. Metz, 21 juillet. — « J'ai l'honneur de vous prévenir que M. le comte de Merci, ambassadeur de Sa Majesté apostolique près le roi, a demandé, au nom de son souverain, qu'il fût livré passage aux troupes autrichiennes, dans le cas où elles traverseraient le territoire de franco sur les frontières de Luxembourg, pour se rendre dans les provinces belges. Le traité fait entre les deux puissances, porte qu'il sera également livré passage aux troupes du roi, si elles le requéraient. L'intention de Sa Majesté est que les troupes autrichiennes ne trouvent aucun obstacle. Vous voudrez bien, lorsque vous en serez officiellement requis, donner les ordres eu conséquence, en prenant les précautions nécessaires pour empêcher le désordre. Vous pourrez communiquer ma lettre à la municipalité de votre ville, et même en donner copie, si elle le désire. »
Délibération du direàtoire du département des Ardennes.
« L'Assemblée, considérant que M. de Bouillé n'annonce pas précisément avoir reçu des ordres du roi, ët £jue le passage des troupes autrichiennes pourrait avoir dés conséquences majeures, inquiéter le peuplé des frontières, répandre des alarmes et troubléf les opérations de l'Assemblée, a arrêté qu'il serait sur-le-champ envoyé uti courrier extraordinaire à l'Assemblée nationale ; que M. de Bonnesson serait invité à faire part au directoire du département des réquisitions officielles qui lUi seraient faites, et qu'il Sera envoyé Une expédition de la présente délibération à M. de Bouille. >
Je ddis vous apprendre en même temps que, la semaine dernière, des hommes couraient pendant la nuit sur les frontières, et criaient : Aux armes, voici Vennemi. Les paysans se sont armés, ils ont failli tirer les utts sur lés autres : ils pourraient croire que les troupes autrichiennes sont lés ennemis qu'on leur a annoncés. Je pense qu'il serait à propos de demander au ministre quels sont les ordres donnés à M. de Bouillé; l'Assemblée délibérera après. Voici une noutellë pièce qui m'est remise à l'instant, c'est une lettre du directoire du département; elle est datée du 23 juillet, c'est-à-dire de quelques jours avant la délibération que je viens de vous lire, i Nous sommes instruits, pàrdes lettres qui nous ont été adressées, que la navigation de là Meuse est interceptée depuis notre frontière jusqu'à Liège ; les rives sont occupées pàr les troupes belges et par ies troupes autrichiennes. Le département avait pensé que là neutralité de la France devait as* sure? la liberté de son pavillon. Le mémoire ci* joint contient l'exposé des effets fâcheux de l'interception du passage ; on ne pourrait trop tôt interposer l'autorité de la nation près des génê* raux des troupes autrichiennes et des troupes belges, pour obtenir la liberté de la navigation de la Meuse ; si cette liberté n'est pas totalement rétablie, Une partie imposante du commercé du royaume est anéahtië.
Il faut5 sans doute, avoir la communication des ordres donnés à M. de Bouillé, et les confronter avec les traités ; car il serait très différent de pouvoir passer sur les terres de Franee, ou de poutoir passer dans les places fortesc'est
un objet à éclaircir, mais ce n'est pas la seule chose à faire. Dans les circonstances actuelles, et dans leur rapport avec les mouvements des troupes étrangères, il est aussi important de ne pas souffrir que des mesures ministérielles, mal prises, compromettent la tranquillité publique. Un procès-verbal prouve que depuis peu tous les postes sur la Meuse sont dégarnis de troupes. On ne peut pas présumer que des dispositions de cette nature aient été prises sans intention, sans réflexion. Tous les traités passés depuis trente ans entre ia France et les puissances voisines, au sujet de nos limites, sont à notre désavantage. Moi qui ai séjourné sur les lieux, je yous l'atteste pour les Pays-Bas et pour nos frontières sur la Meuse. Il serait extraordinaire de prendre une délibération avant de s'assurer d'un fait aussi capital que le dépouillement de celle de nos frontières qui était la moins garnie de troupes et la moins en état de défense. 11 faut autoriser des commissaires à demander au ministre le oui ou le non de ce fait. J'ai vécu dans ce pays, et je n'ai jamais pu comprendre comment, par le traité d'Aix-la-Chapelle, en cédant de belles provinces, on ne s'est pas assuré les moyens de garantir nos frontières. Si le fait reproché au ministre était une déloyauté marquée, et l'on ne peut penser que ce soit légèreté ou imprudence, ce serait un crime national. Ne lé supposons pas, mais chargeons des commissaires de se retirer sur l'heure au secrétariat de la guerre pour prendre les renseignement nécessaires.
On dit qu'il faudrait mander le ministre, mais pour prendre un parti il serait nécessaire d'avoir a la main des traités, dont le dépouillement ne peut se faire dans celte Assemblée. Eh 1 qu'importent des délicatesses d'autorité, lorsqu'il s'agit du salut public? On dit qu'il se fait un rassemblement de troupes dans la Savoie ; que les frontières du Dauphiné sont hérissées d'artillerie il faut savoir si le ministre s'est mis en mesure. Se peut-il que ce décret sage et nécessaire, que vous avez rendu sur le droit de paix et de guerre, éprouve si promptement une infraction évidente? S'il se fait réellement des rassemblements de troupes, peut-on être resté dans une incertitude, dans une apathie coupable ? Se peut-il, après l'union promise entre le roi et vous, qu'on vous traite comme si vous étiez étrangers a la France, qu'on vous laisse ignorer des choses de cette importance qui intéressent si directement le salut public?
Je vous dois un éclaircissement sur le dégarnissement des frontières.
Je suis loin d'inculper le ministre, mais je raconte des faits. Il y a un mois que la ville de Ro-croy envoya un courrier pour solliciter un régiment. Elle en a toujours eu. Je m'adresse à M. de Latour-du-Pin avec le député extraordinaire, qui est le major de Rocroy. Ce ministre me répondit qu'il ne pouvait pas donner de régiment. Je lui oJbservai que, dans nos montagnes, on voyait le feu des troupes autrichiennes et des troupes belges, et qifon craignait une invasion dans la plus riche partie de la Champagne. Il dit que M. d'Esterhazy, commandant de la province, en savait là-dessus plus que moi. Je demande que cette pétition soit prise en considération. La ville de Charleville est dans le même cas. Le directoire du département des Ardennes écrivait, le 15 juillet dernier, que le directoire, dont le chef-lieu est dans cette ville, lui avait fait part du départ inattendu du régiment des hussards de Berchiny. En rendant hommage à ia bonne conduite de ce corps, les administra-
teurs témoignent leurs inquiétudes pour le département et pour le district de Charleville : en effet, disent-ils, placés sur les frontières de Luxembourg, près du théàtred'uneguerre sanglante, que n'avons-nous pas à craindre des brigands qui se rassemblent 1 Un régiment d'infanterie ne remplacerait pas la cavalerie légère, la seule arme qui soit propre à s'opposer à une invasion. Le district de Charleville est dépourvu de toutes espèces de protection dans un moment où le péril est imminent.
, député de Charleville. En conséquence d'une lettre qui m'avait été adressée, je me suis rendu chez le ministre de la guerre avec un député extraordinaire de Charleville pour demander que le régiment de Berchiny fût remplacé. Le ministre m'a fait des promesses qui n'ont eu aucun effet. Je demande qu'en se retirant vers le roi, M. le président sollicite le remplacement de ce régimen t.
membre du comité des recherches. La sollicitude de l'Assemblée ne doit pas se borner à l'objet qui l'occupe en ce moment, il faut qu'elle embrasse tout le royaume : notre état n'est point alarmant, mais il est critique. Le comité est informé, par des voies sûres, qu'il se fait des rassemblements de troupes en Savoie. Les princes d'Allemagne possesseurs en Alsace s'agitent de toutes parts ; il est bien étonnant que les ministres s'endorment sur des objets aussi importants. Nous devons nous en occuper d'une manière instante. Je demande que le ministre de la guerre et celui des affaires étrangères fournissent, dans le plus bref délai possible, un étatexact de lasituation des frontières et de l'état politique de l'Europe, relativement à la France, afin de prendre les précautions nécessaires pour que nos frontières soient gardées par les troupes de ligne qui sont inutiles dans l'intérieur du royaume.
J'ignore les conditions des traités faits entre la France et l'Autriche, mais quelles qu'en soient les clauses, il y a un décret accepté par le roi, qui porte que le pouvoir exécutif ne pourra introduire aucunes troupes étrangères en France. Le Corps législatif est assemblé; les circonstances sont pressantes; il fautadopter sansdé-lai la motion de M. Fréteau ; il faut nommer six commissaires, que le président choisira pour abréger; ils iront chez le ministre de la guerre et chez celui , des affaires étrangères pour savoir quels ordres ont été donnés, et quels motifs ont déterminé à donner ees ordres.
Le commandant du régiment de-écrit que, pendant qu'on dégarnissait les frontières de Flandre, on excitait les troupes à l'insurrection; il„en était de même à Strasbourg. On saisit ce moment pour distribuer en Alsace de nouveaux libelles, écrits dans les deux langues. Pendant qu'on exciter ainsi nos frontières à la révolte, on veut faire tomber notre crédit. Le directeur des fermes à Valenciennes a remis un avis par lequel on annonce qu'il y a une fabrique d'assignats à Coblentz ; qu'on y vend ces billets à très bon marché. Il est inconcevable qu'on choisisse ce moment pour introduire dés troupes étrangères dans une place forte. L'empereur, dans les guerres du Bra-bant, n'a jamais fait une semblable demande, et aujourd'hui on accorde, sans difficulté, une pétition de cette importance.
J'appuie la proposition de M. Fré
teau. J'observe que, quoique la remarque de M. Muguet n'ait pas obtenu une grande faveur, elle est infiniment sage. Puisque vous avez, par votre décret,défendu rintroduction des troupes étrangères en France, sans le consentement du pouvoir législatif, il fallait présenter à l'Assemblée le traité ; lui demander si elle voulait qu'il fût exécuté; il fallait vous rapporter la pétition, vous indiquer comment le passage pourrait se faire. Vous ne devez rien négliger quand vous êtes menacés de toutes parts. L'Angleterre arme toujours, les provinces belges sont armées, le roi de Sardaigne a fait passer à Nice quatre régiments d'infanterie, un de cavalerie et un train d'artillerie ; il serait à pre-pos d'envoyer des troupes à Antibes et à Entrevaux, les deux clefs des provinces méridionales.
Il y a Antibes 200 hommes, et à Entrevaux 40 invalides. On nous a ôté les troupes que nous avions l'année dernière en Provence. Je demande qu'il soit nommé un comité de huit personnes pour prendre connaissance des traités faits avec les puissances étrangères. Si vous ne créez pas ce comité pour vous préparer des connaissances sur ces objets, à la première affaire vous ne saurez quel parti prendre. On appellerait ce comité le comité des affaires étrangères. (Une grande partie de VAssemblée applaudit.)
On retire les troupes des frontières partout où il y en a, et partout où les puissances étrangères en rassemblent. Il s'est formé auprès deChambéry un camp de 13,000 hommes, on y attend incessamment 6,000 Piémontais, et le ministre retire le régiment qui est en garnison à Grenoble. Ce régiment serait parti si le peuple ne l'avait retenu. Il n'y a qu'une chose à faire, c'est de mander sur-le-champ le ministre de la guerre et celui des affaires étrangères. Il faut qu'ils disent les raisons pour lesquelles on dégarnit nos frontières. On adoptera ensuite la motion de M. Fréteau.
Si l'on mande les ministres, on ne saura rien ; le moyen de tout savoir c'est de nommer sur-le-champ des commissaires.
La motion de M. Fréteau est mise aux voix et décrétée en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète que six commissaires, nommés sur-le-champ, se retireront, à l'heure même, au secrétariat de la guerre, à l'effet dé prendre communication des ordres qui ont été adressés aux commandants pour le roi, de livrer passage aux troupes étrangères par les départements, terres et villes de la domination française ; même aux commandants des corps de troupes de ligne, d'évacuer les places frontières du royaume, notamment du côté de la Champagne et des pays belges, à l'effet d'être rendu compte desdits ordres à l'Assemblée le plus tôt possible, ensemble des mesures qui peuvent avoir été prises pour la défense et sûreté de la nation au dehors.
« Décrète, en outre, que lesdits commissaires se rendront de suite au secrétariat des affaires étrangères, à l'effet de demander au ministre la communication des nouvelles et dépêches qu'il a reçues relativement à la situation politique des puissances voisines du royaume. »
nomme les commissaires, qui sont MM. Fréteau, Dubois, de Menou, d'Elbhecq, d'André et Emmery.
Je demande que, toutes affaires cessant, on s'occupe de l'organisation de l'ar-
mée. La révolution qui s'est opérée en France est la cause de toutes les têtes couronnées. L'Angleterre, sur laquelle on voudrait nous endormir, est peut-être de toutes les puissances de l'Europe celle que nous avons le plus à craindre. (Il s'élève beaucoup de murmures.) Je soupçonne une intelligence entre la cour de Londres et celle d'Espagne. L'Angleterre a une escadre de 60 vaisseaux de ligne : je ne sais quelle est sa destination; mais je la crains. Je fais la motion qu'à compter de demain, nous nous occupions, sans interruption, de l'armée et de la marine. Cette motion n'a pas de suite.
V Assemblée passe à son ordre du jour qui est la suite de la discussion sur l'ordre judiciaire. Titre III des juges de districts.
, rapporteur. L'article 1er du titre III du nouveau plan que vous a proposé le comité de Constitution (1), portait :
« Art. 1er II sera établi, en chaque district, un tribunal composé de trois juges, auprès duquel il y aura un officier chargé des fonctions du ministère public. Les suppléants y seront au nombre de quatre, dont deux au moins seront pris dans la ville de l'établissement. »
Mais comme dans votre séance du 23 de ce mois vous avez adopté la motion incidentè de M. Chabroud, qui attribue aux tribunaux de dis-| trict la connaissance mutuelle des appels de leurs jugements; la question qui se présente aujourd'hui à la discussion consiste à savoir de ! combien de juges chaque tribunal sera composé. Le chiffre de trois juges ne convient point d'après le décret que vous avez rendu. Je me suis concerté avez M. Chabroud et, d'accord avec lui, je propose à l'Assemblée de composer, de cinq juges, les tribunaux de districts, parce que, sans rien déterminer sur le nombre des juges qui prononceront sur l'appel, il faut au moins qu'il en reste un pour recevoir les auditions et donner suite à toutes les instructions des procédures criminelles.
Il n'est pas nécessaire de porter jusqu'à cinq le nombre des juges ; celui de trois est suffisant, en y ajoutant quatre suppléants, dont deux seront pris dans le lieu même du tribunal. Les appels seront très rares ; lorsque le tribunal de district aura à prononcer sur un appel, il ne pourra le faire qu'en appelant un suppléant ; je dis un, parce que la combinaison de quatre juges est plus favorable pour assurer l'équité des jugements; quand il y aura partage, on appellera un autre suppléant; ainsi vous aurez une machine simple et économique.
Il est de l'intérêt des justiciables et de la justice de donner aux tribunaux de district le nombre de juges déterminé par le comité. Il est probable que dans cinq juges on trouvera plus de lumières et de probité que dans trois. Peu sont corrompus par peu, dit Machiavel ; c'est aussi le sentiment deBeccaria et de Montesquieu. Il serait dérisoire, en attribuant tant de fonctions aux tribunaux de district, de ne leur donner que trois juges.
Je ne suis pas partisan du grand nombre des juges; je crois qu'il doit être restreint à la stricte nécessité, et assurément le
nombre cinq ne s'élève pas au delà du strict nécessaire. Les suppléants proposés ne sont autre chose que des juges; car l'homme, sans lequel un tribunal ne peut remplir toutes ses fonctions, est attaché à ce tribuual.
Je propose un amendepaent, qui n'est autre chose que l'avis que M. Chabroud avait déjà présenté : il consiste à fixer à quatre le nombre des juges.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements proposés. L'article est adopté en ces termes : Art. 1er « II sera établi, en chaque district, un tribunal composé de cinq juges, auprès duquel il y aura un officier chargé des fonctions du ministère public. Les suppléants y seront au nombre de quatre, dont deux au moins seront pris dans la ville de l'établissement, ou tenus de l'habiter. »
, rapporteur, donne ensuite lecture des articles 2 a 7. Après quelques observations, qui ne donnent lieu à aucun amendement, ees articles sont adoptés tels que les propose lé rapporteur, ainsi qu'il suit :
Art. 2. « Dans les districts où il se trouvera une ville dont la population excédera cinquante mille âmes, le nombre des juges du tribunal de district pourra être porté à six, lorsque le Corps législatif aura reconnu la nécessité de cette augmentation, d'après les instructions des administrations de département; ces six juges se divi* seront en deux chambres pour juger concurrent ment les causes de première instance, et les appels des jugements des juges de paix.
Art. 3. « Celui des juges qui aura été élu le premier présidera dans les tribunaux qui se trouveraient divisés en deux chambres; le juge qui aurait été élu le second, présidera la seconde chambre.
Art. 4. « Les juges de district connaîtront en première instance de toutes les affaires personnelles, réelles et mixtes en topte matière, excepté seulement celles qui ont été déclarées ci-dessus être de la compétence! des juges de paix, les affaires de commerce dans les districts où il y aura des tribunaux de commerce établis.
Art. 5. « Les juges de district connaîtront en premier et en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 1,Ô0Q livres de principal, de toutes les affaires mobilières et des affaires réelles dont l'objet sera de 50 Jlyres de revenu déterminé, soit en rentes, soit par prix de bail.
Art. 6. « En toutes matières personpelles, réelles et mixtes, à quelque somme ou valeur que 1 [objet de la contestation puisse monter, ies parties seront tenues de declarer, au commencement de la procédure, si elles consentent à être jugées sans appel» et auront encore, pendant tout le cours de l'instruction, la faculté d'en convenir; auquel pas les juges de district prononceront en premier et en dernier ressort.
Art, 7. « Lorsque le tribunal de district connaîtra, soit en première instance â charge d'appel, soit de l'appel des jugements des juges de paix, il pourra prononcer au nombre de trois juges; et lorsqu'il connaîtra dans tous les autres cas, en dernier ressort, soit par appel d'un tribunal de district, soit au cas de l'article 5 ci dessus, il pourra prononcer au nombre de quatre ».
L'Assemblée arriye maintenant au titre IV intitulé : Des appels. Dans sa
séance du 23 juillet; elle a décréta l'article premier en ces termes :
Art. 1er « Les juges de district seront juges d'appel les uns a l'égard des autres, selon ies rapports qui seront déterminés dans les articles suivants. ?
Les articles que je vais présenter maintenant sont le développement du principe contenu dans celui 4ui vous a été lu par M. le président, lis ont été concertés avec M, Thouret : nous avons toujours eu devant les yeux cette maxime que j Assemblée nationale a adoptée: L'intérêt des justiciables et la confiance de chacune des parties do/yent influer le plus possible dans le choix du tribunal où l'appel sera porté.
M. Chabroud lit l'article 2 qui est décrété en ces termes ;
Art. 2. « Lorsqu'il y aura appel d'un jugement, les parties pourront convenir d'un tribunal entre ceux de tous les districts du royaume, pour lui en déférer la connaissance, et elles en feront la déclaration au greffe du tribunal dont il aura été appelé, laquelle déclaration sera signée d'elles, ou de leurs procureurs spécialement fondés. »
Plusieurs membres disent qu'on n'a pas bien entendu la lecture de l'article 2, et demandent qu'on le remette aux voix.
Il n'est pas possible de remettre en délibération un article adopté; je demande qu'on passe à l'examen de la suite du projet. (Cette motion est adoptée.)
Il arrivera tous les jours qu'une troisième partie, qui ne sera pas au premier tribunal, interviendra ou sera appelée en appel, il faut donc décréter avant tout que.l'af-î faire reviendra au tribunal qui doit en connaître.
La cause principale attire les parties; il est donc possible d'espérer que l'on ne permettra pas d'introduire de nouvelles parties dans les causes d'appel-
Ce serait nuire aux droits d'autrui que de ne pas ajouter un article additionnel en faveur des tierces parties et, comme if est juste de réfléchir sur cet objet, je demande l'ajournement à après-demain.
Je combats l'ajournement, car s'il éta|t possible qu'une poiiveile partie, intervenant dàns une cause, pût la faire renvoyer à un autre tribunal, nous renouvellerions lés anciens privilèges de ceux qui évoquaient les causes dans les tribunaux privilégiés.
Ce serait une grande injustice d'empêcher des garants en cause d'appel. (On demande l'ajournement de toutes parts.)'
Je ne m'oppose pas à l'ajournement, mais je crois inutile de renvoyer au comité puisqu'il né s'agit pas dé préparer un travail, mais seulement d'examiner et de discuter. (L'ajournement est prononcé.) La séance est levée à deux heures et demie.
seanc. du
ouvre la Eéaace à six heures du soir.
, secrétaire, fait lecture de l'extrait de plusieurs adresses doûtla teneur suit :
Adresses des pFêtres séculiers et réguliers de la ville d'Arles, qui, jaloux de manifester leurs sentiments patriotiques en même temps que les autres Français, ont choisi le 14 juillet pour l'é.-poque de leur hommage et de leur adhésion solennelle i tous les décrets de l'Assemblée nationale ; ils ont mis au rang de leurs premiers devoirs celui de prêcher au peuple la soumission la plus entière et l'obéissance la plus prompte aux lois qui émanent de sa sagesse,
Adresse de la municipalité de Rahon, département du Jura, qui déêlape ennemis de la nation et du roi et traîtres j* la patrie tous cgux qui, par des protestations, éqritfe ou aetes quelconques, chercheraient à s'opposer aux déèrets de l'Assemblée et à troubler ainsi la tranquillité publique.
Adresse de l(i municipalité de Monthieu en Combes : elle fait le don patriotique de l'imposir tign des pi-devant privilégiés.
Adresse de là municipalité de |a ville d'Auch, qui s'élève avec force contré les deux délibérations et pétftiqp des citoyens catholiques de Nîmes ; elle annonce que les trois corporations des maîtres cordonniers, perruquiers et tailleurs de lg ville d'Auch ont reçu la jsecpnde délibération ; qu'ils l'pnt dénoncée a la municipalité comme séditieuse et attentatoire à l'autorité suprême des représentants de nation.
L'Assemblée électorale du départeipept du Gers et la garde nationale d'Auch ont adhéré à cette dénonciation.
Adresse des anciens magistrats de la ville de Schelestadt. département dû Bas-Rhin, qui, rentrès dans leurs fonction^ en vertu du décret du 8 juin, qqi a cassé la municipalité de cette ville, se sont empressés de prêter le serinent civique.
Adressé des municipalités de Soppernap et d'O-deren, département du Haut-Rhin, qui font des soumissions importantes d'acquérir, le plus tôt possible, des biens nationaux.
Adresse des citoyens actifs de Yijlié, département de Rbôn$H3t-Lpif6, qui se pont confédérés contre les ennemis de ia Constitution.
Adresse du régimenl patriotique de la ville et juridiction de Penne, contenant son adhésion à la fédération proposée par le régiment patriotique d'Agen.
Adresses des administrateurs du département de l'Ardèche et du département du Gard, qui, dès l'instant de leur réunion, s'empressent de renouveler à l'Assemblée l'expression des sentiments de respect et de reconnaissance dont les électeurs du même département lui avaient adressé l'hommage.
Les administrateurs du département du Gard s'engagent de faire tous leurs efforts pour faire
exécuter les lois et rétablir la paix si cruelle-
Adresses des municipalités de Val d'Ajol, de Vichy, de Grèïes-le-rChâteau, district de Marveiols, de Fleury, district d'Orléans, d'Aigueyives. département du Gard, de Juliénas, des yiijès d'Hyères, de Gonfolens, d'Aurillac, de Notre-Dame-de-Plaisance en PQitou, et d'Alais.
Toutes ces pwpicipaiités eqvojent â l'Assemblée le procès-verbal de la fête civique que tous les citqyeng armés ou npiî armés ont célébrée le 14 juillet, dans laquelle ils se sont livrés aux transports de la plus vive allégresse, et ont prononcé, de concert, le serment fédératif du Champ-de-Mars.
Adresse de la société des amis de la Constitution de la ville de Dax, qui offre à l'Assemblée nationale sou tribut d'hommage et d'admiration pour la plus belle GQnsti(ui]pp qui s'élève et tend à grands pas vers sa perfection,
Cette iOQiêtê, instruite qu'une pétition a été clandestinement remise à la ipunicipalitâ de la mêipe ville, pour la transmettre à l'Assemblée contre son intention, s'empresse de préyepir l'Assemblée qu'il n'y a qu'un esprit de jalousie et de discorde qui seul peut avoir soufflé un projet aussi inconstitutionnel ; « Nous n'igpprpns pas * ces perfides motifs, ajoutent-ils ; la mal-« veitlance ne manque pas de ressources pour « pallier, donner même un air de vérité à l'impos-« ture la ping hardie, mais elle ne saurait nous dé-« courager ; elle pourra faire de nous des martyrs « de la Constitution, mais jamais des parjprçs : « notre vie est à la patrie et à ses lois. ?
Adresse des électeurs (Je Popteroix, qui annoncent que, pour témoigner leur respect pour l'Assemblée nationale et leur adhésion à cep mêmes décrets, ils se sont empressés de terminer la formation de leur district.
Mandement de M. l'Evêque de Tarbes, qui ordonne que le Te Deum sera chanté dans toutes les paroisses de son diocèse, le 14 de ce mois, à l'occasion du pacte fédératif»
(de Saint-Jean-d'Aiigely) fait lecture d'une adresse des habitants du lieu de Vieu-zos, district d'Argelès, département des Hautes-Pyrénées , contenant qu après avoir prêté le serment ordonné pour la fédération du 14 du courant, ils ont, avep leur pasteur, chanté le Te Deum en action de grâces de la liberté conqui se, et VExau-diat, pour demander au Saint-Esprit tes lumières nécessaires pour les représentants de la nation et leur bon roi i et qu'ils ont arrêté unanimement que leur maire serait chargé d'adresser le procès-verbal des cérémonies qui ont eu liëu à l'occasion de la fédération, à M. Barrère, leur ci-devant seigneur èt leur très grand bienfaiteur, en le priant de vouloir bien leur servir d'organe auprès de l'Assemblée nationale»
fait part'à l'Assemblée du serment fédératif prêté le 14 du courant par les habitants de Vertus, département de la Miarne.
fait part de l'hommage fait à l'Assemblée d'un ouvrage anglais sur l'organisation du pouvoir judiciaire ; d'un autre hommage fait à l'Assemblée d'un ouvrage français sur les dispositions politiques et morales qu'il faut sp presser d'avoir à l'usage des assemblées électorales en France.
, député du Roussillon, demande
un coogé de six semaines pour cause de santé.
, député d'Avesnes, demande un congé pareil pour raisons de santé et d'affaires. Ces congés sont accordés.
(de Nemours) prie l'Assemblée d'accepter sa démission de membre de cinq comités : comme l'intérêt d'un travail plus prompt lui semble, en demeurant attaché à celui des finances, exiger qu'il ne se sépare pas de ceux qui dépendent de ce comité, il demande à y continuer ses travaux.
(Cette déclaration reçoit de nombreux applaudissements.)
fait lecture de la copie d'une lettre écrite par M. de Boiiillé à M. de Grangeville. — Cette lettre est parfaitement semblable à celle écrite parle même à M. de Bonneson.—Les officiers municipaux de Thionville, pleins de confiance en la sagesse de l'Assemblée, qui saura les prémunir contre tous les dangers et contre toutes les entreprises du dehors, l'ont envoyée à MM. les députés du département de la Moselle.
(On ordonne le renvoi de cette lettre aux six commissaires.)
quitte la séance et cède la présidence à M. l'abbé Gouttes, ex-président.
Vordre du jour est un rapport du comité de vérification concernant la députation de la Guadeloupe et de Marie-Galande.
, curé de Soiippes, rapporteur. Par un décret du 22 septembre 1789, MM. de Curt et Gual-bert... (M. le rapporteur est interrompu par des cris tumultueux qui partent des Tuileries. On entend cés mots plusieurs fois répétés : Le renvoi des ministres ! L'Assemblée paraît se troubler. — Plusieurs membres se lèvent.)
N'oublions pas que nous sommes les représentants de la nation française. Je réclame l'orare et le silence.
Trente ou quarante personnes occasionnent ce bruit : je demande que le président donne des ordres à l'officier de garde pour le faire cesser.
(de Nemours). Si on les laisse continuer, nous n'en serons plus les maîtres.
Les ordres sont donnés et déjà tout est tranquille.
, rapporteur. Par un décret du 22 septembre 1789, MM. de Curt et Gualbert furent reçus à l'Assemblée nationale, comme représentants de l'île delà Guadeloupe, sous la condition qu'ils rapporteraient la confirmation de leurs commettants ; ils avaient été nommés à Paris par ceux des habitants des colonies qui s'y trouvaient alors, et depuis ils ont été confirmés par les électeurs. Aujourd'hui trois autres députés se présentent; ils ont été élus dans les colonies, à la pluralité; ce sont MM. Chabert de la Char-rière et Nadal de Sintrac, pour la Guadeloupe, et Robert-Coquille pour l'île de Marie-Galande. Ils sont porteurs de nouveaux pouvoirs et demandent à être admis dans l'Assemblée. — MM. de
Curt et GUalbert, sont depuis dix mois dans l'Assemblée, ils oqt toujours partagé nos travaux. Ils sont liés par le serment de ne se Séparer qu'après l'achèvement de la Constitution ; je crois que lorsqu'un membre aété présenté à la nation comme son représentant, rien ne peut altérer son caractère ; voici, en conséquence, le projet dé décret que je vous présente au nom du comité de vérification.
« L'Assemblée nationale décrète qu'elle conserve comme représentants de la Guadeloupe, MM. de Curt et GualbeFt, admis par son décret du 22 septembre 1789, et cependant admet MM. Chabert de la Charrière et Nadal de Sintère, au même titre de représentants delà colonie, et M. Robert Coquille, pour l'île de Marie-Galande, sans que cette mesure de représentation puisse tirer à conséquence pour les prochaines législatures. »
L'Assemblée exercerait un droit qu'elle n'a pas, en admettant une double représentation de quelque partie du royaume que ce fût; elle ne peut que vérifier les pouvoirs des députés, et non les nommer. Je demande que le comité énonce laquelle des deux nominations est légitime, et qu'elle soit seule admise.
Je m'étonne qu'on vienne après dix mois réclamer contre une nomination confirmée.
(de Roquefort). Le projet de décret, proposé par le comité de vérification, respecte les droits acquis aux deux premiers députés et consacre, en même temps, le droit des électeurs. Je pense qu'il doit être adopté.
(de Saint-Jean-d'Angely.) Je propose de conserver les deux premiers à l'exclusion des autres, parce qu'aucune des deux nominations n'est légale eu soi et que, puisque nous devons choisir entre les prétendants, il est juste de donner la préférence à ceux qui ont partagé nos travaux.
(On demande à aller, aux voix.)
(Le projet de décret du comité est adopté.)
Les six commissaires, que vous avez chargés de l'exécution de votre décret de ce matin, ne peuvent point encore rendre un compte complet de leur mission, n'ayant point entre les mains toutes les pièces nécessaires. Ils demandent à faire leur rapport demain matin, après la lecture du procès verbal.
M. d'Ambly et moi avons demandé au ministre de la guerre si effectivement les villes frontières étaient dégarnies; il nous a répondu qu'elles étaient comme elles avaient toujours été.
Une voix : Cela n'est pas vrai!
Puisqu'on dit aussi légèrement que cela n'est pas vrai, j'atteste que nous tenons de la bouche même du ministre de|la guerre que, dans un certain espace, sur lés frontièreà, il y a 48 ou 50 bataiIJons d'infanterie, et 40 escadrons de cavalerie ; il ne manque pas 150 chevaux dans les endroits où il doit y eu avoir le plus ; mais n'ayant ni les états pour la répartition des troupes sur les frontières, ni le traité où l'on prétend qu'est renfermée la permission du passage des troupes étrangères, nous ne pouvons encore vous faire un rapport certain ; on a promis de nous remettre les pièces demain avant huit heures, et nous ferons notre rapport aussitôt après la lecture du procès-verbal.
fait un rapport sur l'affaire du régiment de la Guadeloupe, qui était en garnison àTabago et dont une partie est encore détenue au Havre. Il s'est informé au ministère de la marine pourquoi on avait fait renvoyer 60 de ces soldats avec des cartouches jaunes. Le ministre lui a répondu que c'était parce que la ville du Havre ne voulait pas les garder, et qu'on ne pouvait pas créer un conseil de guerre, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait organisé l'armée. Il annonce l'arrivée en France de cinq officiers de ce régiment, qui ont été sous le couteau de leurs soldats à Tabago ; il lit ensuite une adresse du reste des soldats du régiment de la Guadeloupe qui sont dans les colonies. Ils demandaient qu'on ne laissât point leurs drapeaux entre des mains souillées de crimes.
« Nous bas-officiers, grenadiers, chasseurs et fusiliers du régiment de la Guadeloupe, sommes pénétrés de la plus vive douleur de la manière honteuse avec laquelle le détachement de Tabago s'est comporté en maltraitant nos chefs qui étaient les leurs , et en enlevant notre drapeau qui nous avait été confié et que nous avions fait le serment de ne jamais abandonner. Ces malheureux ont foulé aux pieds tous sentiments d'honneur et, de plus, cherchent à déshonorer notre régiment qui, depuis 18 ans qu'il est formé, s'est toujours comporté, tant en campagne qu'en garnison, avec une conduite irréprochable. Tous, d'un commun accord, nous vous prions de vouloir bien faire punir tous ces scélérats, indignes de voir le jour. Nous vous supplions encore d'avoir égard à ce que notre drapeau est souillé par des mains aussi infâmes, et de vouloir bien demander au roi qu'il nous en soit envoyé un autre.»
Toutes les préventions sont réunies contre ces soldats; ils sont dénoncés par les habitants de Tabago, par l'état-major et même par leurs camarades : les faits sont graves, et quel que soit le résultat de vos délibérations, il est certain qu'il faut un jugement. Si ces soldats sont coupables, ils doivent être punis; s'ils ne le sont pas, ils ne peuvent être licenciés. La conduite du pouvoir exécutif est donc irrégulière, l'Assemblée ne peut, dans ce moment, fermer les veux sur un pareil abus; sans cela, la dépendance de l'armée ne serait que le plus vil esclavage. Voici le décret que je propose sur cet objet :
« L'Assemblée nationale renvoie l'examen des faits qui lui ont été dénoncés, concernant le détachement du régiment de la Guadeloupe, nouvellement arrivé de Tabago, aux comités militaire et des colonies réunis, pour en faire le rapport à l'Assemblée nationale ; décrète, en conséquence, que le ministre de la marine sera tenu de donner à ces comités tous les renseignements et communications de pièces nécessaires pour la connaissance de cette affaire. »
(Le décret est adopté;)
, membre du comité des rapports, fait un l'apport sur uné difficulté survenue à propos des bancs d'une église, à Saint-Hippolyte, district du Mur de Barrés, département de l'Avey-ron.
Plusieurs propriétaires, dit, le rapporteur, avaient des bancs dans l'église de ce village. Le peuple demanda qu'on les en ôtât. Tous les propriétaires y consentirent. Cependant, au moment où on les enlevait, quelques personnes réclamèrent pour celui d'un particulier. Comme cette oppo-
sition avait fomenté quelques troubles, la municipalité rendit une ordonnance qui décidait l'enlèvement provisoire de tous les bancs. Cette précaution sage avait rétabli la paix. Le propriétaire du banc que l'on avait voulu conserver porta plainte au bailliage de Villefranche qui cassa l'ordonnance de la municipalité et ordonna que les bancs seraient replacés par la municipalité aux dépens du procureur-syndic. Le comité des rapports a pensé que la municipalité ne pouvait être intimée sur l'appel d'une de ses sentences; en conséquence,nous vous proposons le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, considérant que l'ordonnance delà municipalité de Saint-Hippolyte au district du Mur de Barrés, département de l'Aveyron, en date du 11 avril dernier, présente, indépendamment des circonstances par lesquelles elle fut déterminée, un de ces objets d'administration et de police générale qui pnt été confiés aux municipalités, et dans lesquels elles ne peuvent être troublées par aucun acte du pouvoir judiciaire; que, d'ailleurs, ni la municipalité, ni le procureur ae la commune ne pouvaient être intimés sur l'appel de -cette ordonnance qui a été portée au bailliage de Villefranche, ni condamnés personnellement par le jugement qui l'a réformée; M
« Décrète que le jugement rendu par le bailliage de Villefranche, le 15 juin dernier, sera considéré comme non-avenu, sauf à ceux qui se trouveraient lésés par l'ordonnance de la municipalité de Saint-Hippolyte, du 11 avril précédent, à se pourvoir, s'ils le jugent convenable, par-devant les assemblées administratives supérieures, ou à exercer autrement les droits que cette ordonnance leur a réservés. »
Un membre dit que la démarcation des pouvoirs des municipalités n'étant pas suffisamment tracée, il y a lieu de renvoyer cette affaire au comité de Constitution.
Les fonctions de la marguitlerie sont distinctes de celles de la municipalité. Comme les officiers municipaux ne peuvent exercer aucune influence sur la marguillerie, je conclus qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Vainé. Je crois que l'Assemblée perd son temps et beaucoup de sa dignité en s'établis-sant ainsi tribunal d'appel d'une infinité de causes particulières. Je ne m'oppose cependant pas au renvoi au comité de Constitution pour y dormir à jamais, comme toutes les affaires qui ressemblent à celle-là. J'ajoute, pour plus de sûreté, qu'on peut renvoyer également au comité ecclésiastique.
Je dois rappeler que l'Assemblée nationale est dépositaire du pouvoir législatif et non celui de juger des contestations entre des particuliers ou des communautés.
Je demande la question préalable sur le projet de décret du comité des rapports.
(La question préalable est mise aux voix et adoptée. )
(La séance est levée à neuf heures et demie.)
Sèdnce du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, fait la lecture du procès-verbal de la séance d'hier matin et l'Assemblée en adopte la rédaction.
Il lit ensuite une adresse des habitants de Gom-mensacq, petite paroisse de laboureurs dans lés Landes, qui témoignent leur respect, leur soumis-mission et leur reconnaissance pour tous les décrets de l'Assemblée nationale, annoncent que leur contribution patriotique s'élève à 1,754 livres 16 sols, dont 1,506 livres sont payables au premier pacte, le reste au second, et que cette somme excède la masse de leurs impositions.
Ils joignent à cette adresse le procès-verbal de leur serment civique prêté, le 14 de ce mois, à l'heure précise de midi.
, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier soir.
Vous aviez renvoyé hier à Tordre de deux heures la discussion d'une addition à faire au décret sur les pensions, adopté dans votre séance de lundi dernier ; comme cette discussion n'a pas eu lieu, je proposede la renvoyer au moment où l'on s occupera des articles additionnels que le comité doit présenter à l'Assemblée.
(Cette motion est adoptée.)
Je suis allé hier soir à Saint" Gloud et j'ai demandé à Sa Majesté, selon le vœu de l'Assemblée, le remplacement du régiment qui est en garnison à Montauban. Le roi a répondu qu'il prendrait cette demande en considération.
lit aussi la note Suivante des décrets qu'il a présentés au roi dans la mêmesoi-rée.
Du 20 juillet.
Décret qui ordonne l'apport des pièces relatives à la difficulté qui s'est élevée à Soissons entre la municipalité et le baillage, et le renvoi de l'affaire au comité de Constitution»,
Du 24 juillet.
Décret qui autorise la municipalité de Paris à remplir les fonctions du directoire de district, par rapport aux biens ecclésiastiques.
Dudit jour.
Décret qui charge le ministre de la guerre de payer aux officiers du régiment des ci-devant
gardes-françaises, leurs appointements des six premiers mois de 1790.
Décret général sur le traitement du clergé actuel.
Du 26 juillet »
Décret qui déclare non-avenue l'information commencée devant les jugés de Mautauban, relativement à l'événement du 10 mai, charge le président de se retirer devers le roi pour supplier Sa Majesté d'ordonner que l'ancienne garde Mon-* taubanaise soit rétablie dans son premier état, et suspend, jusqu'à nouvel ordre, de leurs fonctions, les officiers du corps municipal.
, député du Forez, au département de Rhône-et-Loire, demande et obtient un congé d'un mois.
J'ai reçu de M. de Montmo-rin, ministre des affaires étrangères, une lettre qui est ainsi conçue î
« Monsieur le Président,
« Quoique j'aie donné a MM. lés Commissaires de l'Assemblée nationale tous les éclaircissements qu'ils m'ont fait l'honneur de me demander, et quelle que soit ma confîanée dans le rapport qu'ils en feront à l'Assemblée, j'attache trop d'intérêt à son opinion, pour ne pas lui dbnner moi-même les explications qu'elle a paru désirer. La demande qu'a faite au roi M. le comte de Mercy, au nom du souverain qu'il représente, du passage de quelques troupessur le territoire de France, est conforme aux usages constamment suivis entre les deux puissances, et naturelle entre deux pays voisins, dont les possessions sont entrer mêlées. Elle est fondée sur le droit public, et nous sommés nous-mêmes dans le cas de requérir le passage, pour nos troupes, sur le territoire belge, toutes les fois que nous changeons de garnisons, nomméraentcellesdePhilippevilleetMariehbourg. Un refus aurait été non seulement contraire aux formes les plus simples qui S'observent entre puissances voisines, mais nous aurait exposés au même procédé en pareille occasion. J'observerai, de plus, que la demande de M. le comte de Mercy était de pure prévoyance, qu'il n'a encore passé aucunes troupessur notre territoire; que, vraisemblablement, il n'en passera pas, et que, dans tous les cas, il ne peut être fait question que d'un petit nombre de gens de guerre. En priant le ministre de la guerre de prendre les ordres du roi j'ai donc rempli une simple formalité d'usage, et sur cet objet, même de devoir} pour le ministre des affaires étrangères, lorsqu'il en est requis par un ambassadeur étranger, et ni M. la Tour-du-Pin, ni moi, n'avons dû penser que le passage incertain d'un petit nombre de gens de guerre, sur quelques points des extrémités de nos frontière^, pût, sous aucun rapport, être assimilé à une introduction de troupes étrangères.
« M. la Tour-du-Pin a informé l'Assemblée du nombre de troupes qui garnissent nos frontières dans cette partie; il n'y en a jamais eu autant en temps de paix, puisqu'il s'élève à 81 bataillons et 74 escadrons, depuis Bitche jusqu'à Dun-kerque; et à 35 bataillons et 30 escadrons, depuis Landau jusqu'aux extrémités de la Franche-Comté. Le nombre de troupes n'a éprouvé de diminution que celle de deux régiments, qu'on
emploie momentanément du côté de Lyon. J'ai donné connaissance, à MM. lestcommissaires, des différentes notions qui me sont parvenues sur ce qui se passe dans les autres pays qui nous avoi-sinent. J'avais déjà communiqué, avec plus de détails, les mêmes notions à quelques-uns des membres du comité des recherches de l'Assemblée nationale, qui, je n'en doute pas, rendront témoignage à l'empressement avec lequel je leur ai donné tous les éclaircissements qu'ils pouvaient attendre de moi, et avec lequel j'ai même prévenu leur désir.
« J'ai l'honneur, etc.
« Paris, ce
« Signé: Montmorin. »
(Cette lettre est renvoyée sur-le-champ aux six commissaires qui se trouvent assemblés dans un bureau.)
, rapporteur du comité de Constitution, fait un rapport sur la fixation du chef-lieu du département du Pas-de-Calais.
LéSa villes d'Arras, Saint-Omer et Aire ont réclamé le privilège de servir de chef-lieu au nouveau département. L'Assemblée nationale a fixé provisoirement le chef-lieu à Arras et à laissé aux électeurs, réunis à Aire, le choix du siège définitif. Les électeurs se sont bornés à déclarer que le provisoire subsisterait jusqu'à la prochaine assemblée; en conséquence, le comité de Constitution propose le projet de décret qui suit :
« L'Assemblée nationale, aprè3 avoir entendu l'avis de son comité de Constitution, décrète que, conformément à son décret du 26 février dernier, l'assemblée du département du Pas-de-Calais se tiendra provisoirement dans la ville d'Arras, et que les électeurs du département, lors dë leur réunion pour la nomination des administrateurs dans deux ans, pourront proposer celle d'entre toutes les villes du département dans laquelle ils croiront que le chef-lieu doit être fixé. L'assemblée administrative sera aussi admise à présenter son opinion sur cette fixation. »
La décision des électeurs témoigne de la jalousie que les autres villes portent à Arras. Le crime d'Arras est d'avoir porté sa contribution patriotique à 700,000 livres, d'avoir adhéré la première a tous les décrets, enfin d'avoir proposé la première cette fédération générale qui sera peut-être la plus belle époque de la Révolution. Je demande q.u'Arras soit définitivement choisi comme chef-lie» du département.
, député de Saint-Omer, demande Je maintien du provisoire, parce que les décrets laissent aux électeurs lé soin de choisir le chef-lieu du département et que les villes qui se trouvent en concurrence n'ont pas été appelées à produire leurs arguments.
appuie la proposition de M. de Beaumetz. L'Assemblée, dit-il, avait accordé une faculté aux électeurs qui n'en ont pas usé ; c'est donc à l'Assemblée elle-même à prononcer en dernier ressort.
demande la priorité pour l'amendement de M. de Beaumetz.
La priorité est accordée et le décret suivant est rendu :
i( L'Assemblée nationale décrète que le chef-lieu du département du Pas-de-Calais est fixé définitivement dans la ville d'Arras. »
Les six commissaires norrimés hier pour aller prendre des renseignements au secrétariat de la guerre et des affaires étrangères sïir le passage de troupes étrangères sur le territoire' français, se présentent pour faire leur l'apport.
, rapporteur. En conformité des ordres que vous nous avez donnés hier, nous nous sommes rendus chez M. de la Tour-du-Pin, secrétaire d'Etat au département de la guerre, immédiatement après le décret qui contenait commission dont vous nous aviez honorés. Ce ministre était à Versailles; il est retenu à 3 heures; ayant été informés de son retour; nous nous sommes rendus chez lui à 4 heures 1/2, et nous ne l'avons pas trouvé. Nous sommes alors allés chez M. de Montmorin. secrétaire d'Etat au département des affaires étrangères; nous avons eu avec lui une conférence, dont la suite avait été remise à ce matin. M. de Montmorin avait besoin d'un délai pour recouvrer les traités et les pièces que nous demandions. Jë vais commencer par vous rendre compte de ce qui regarde les ordres donnés aux Commandants des places, depuis Verdun jusqu'à Givet; il y a déjà longtemps que cette négociation est entamée, et comme il est nécessaire de vous donner sur cet objettoutes les idées possibles, je vais lire les lettres à leurs dates. Toutes ces lettres sont certifiées.
M. Fréteau lit ces lettres dont voici l'extrait :
Lettre de M. le baron de Bender, "général -des troupes autrichiennes, à M. le comte de Mercy. A Luxembourg, le 3 juin 1790. —«Le général major, comte Hapbncourt, d'après les rapports qui lui ont été faits, que les insurgents belges devaient, avec.le peuple de Givet, se rendre à Beau-raing et lé piller, demande que nous vous priions instamment de vouloir porter, à la cour de France ou à l'Assemblée nationale, ce contenu en sa lettre du 29 du mois passé. Il serait à désirer que vous puissiez engager la cour dè FranCe ou l'Assemblée nationale à envoyer des troupes à Givet. L'Intelligence qui régné entre les deux puissances demande qu'il soit pris des mesures efficaces, etc. »
Lettre de M. le comte de Mercy à M. de Montmorin, en date du 12 juin. — « Un objet qui intéresse le service de ma cour m'oblige de recourir à votre excellence. En examinant la frontière de Luxembourg, il paraît que les terres de France touchent ce pays, de manière à interrompre toute communication sur notre terrain. Par les traités il a été reconnu que les troupes de France allant à Maubeuge pourront traverser notre territoire. Les circonstances peuvent engager nos troupes à traverser une petite partie de celui de France; il ine semble que la réciprocité doit s'effectuer, et que des réquisitions aux commandants des villes frontières pourraient suffire; mais pour lever tous les obstacles, j'ai adressé, au nom de ma cour, cette demande à la cour de France. »
Lettre de M. de Montmorin à M. de la Tour-du-Pin, en date du 27 juin. « J'ai l'honneur de vous envoyer l'extrait, etc. Je vous prie de mettre cet objet sous les yeux du roi. Selon moi, cette demande de passage est fondée sur la réciprocité et sur la bonne intelligence des deux cours, etc. »
Lettre de M. de la Tour-du-Pi'n à M. de Montmorin, en date du 17 juillet. « J'ai reçu la lettre par laquelle vous m'informez, etc. Le roi, à qui j'en ai rendu compte, a décidé, conformément à
votre avis, qu'il ne serait apporté aucun changement au passage des troupes autrichiennes, puisque les siennes passent librement. Je fais part de l'intention de Sa Majesté à MM. de Bouillé et Sa-labouts. »
Lettre de M. delà Tour-du-Pin à MM. de Bouillé et Salabouts, en date du même jour. — « M. le comte de Mercy a demandé, etc. Le passage est accordé à celles du roi, dans les cas de nécessité, en vertu des traités. L'intention de Sa Majesté est qu'en exécution de ces traités, il ne soit apporté aucun obstacle au passage des troupes autrichiennes qui seraient dans le cas de se porter des frontières de Luxembourg dans les terres belges adjacentes. Vous voudrez bien, quand vous serez requis, donner le passage à ces troupes, en prenant les précautions nécessaires pour qu'iL ne se commette aucun désordre. »
Vous avez entendu M. Dubois de Crancé. Un procès-verbal établit que ces ordres ont été donnés au lieutenant de roi de Thoin-ville ; il paraît certain qu'ils ont été donnés, même au commandantdeVerdun; je n'en ai pas des preuves authentiques; mais M. de la Tour-du-Pin nous a communiqué une lettre adressée par M. Drapier, administrateur subalterne des vivres, à M. Dou-merc, administrateur principal dans cette partie; elle annonce que ces ordres, arrivés à Verdun, ont excité, parmi le peuple, des inquiétudes qui duraient encore au moment où cette lettre est partie.
On peut se rappeler que M. Dubois a fait mention de propos menaçants, tenus dans les villages des frontières, de cris nocturnes : Aux armes, voici Vennemi! Il paraît difficile de douter de ce fait, d'après une lettre, écrite Je 25 par un officier municipal du Pont-d'Arche, qui atteste ces bruits extraordinaires, et la terreur dont les paysans sont saisis ; on craint les brigands, et on demande des armes pour les municipalités; tels sont ces documents, qui nous ont été remis par le secrétaire d'Etat du département de la guerre; ainsi, il n'est pas douteux que, pour favoriser le passage, des ordres ont été donnés aux commandants des places, depuis Mézières jusqu'à Verdun. Vous avez pu remarquer, dans les lettres du ministre des affaires étrangères à M. de la Tour-du-Pin, et de M. de la Tour-du-Pin à M. de Bouillé, que ce passage était accordé par un traité. Ce fait ne nous avait été annoncé que d'une manière légère. Nous avons ce traité; il est constaté que la réciprocité n'y est point du tout établie. Le traité de 1769 a été ratifié par une convention de 1779, qui n'y change absolument rien. L'article 34 du traité de 1769 porte que les troupes et attirail d'artillerie de Sa Majesté Très Chrétienne, jouiront du passage libre dans le comté de Beaumont, à condition qu'elles ne pourront ni loger ni séjourner dans le territoire de Sa Majesté l'impératrice de Hongrie, que les vivres seront payés comptant, etc. — Il est nécessaire d'avoir quelques idées de la situation des lieux. II se trouve une petite portion de bois dans le territoire de l'Autriche, entre Givet et Maubeuge. Pour arriver aux garnisons de Phi-lippeville, de Charlemont et Marienbourg, il faut nécessairement que nos troupes traversentce bois.
Rien n'annoncedoncque, dans ce traité, la réciprocité aitdû être établie, la lettre du traité prouve qu'elle ne l'est pas. Ainsi, il n'y a nul doute que les ordres ont été donnés pour ce passage; que les ministres se sont trompés, quand ils ont cru que ce passage des troupes autrichiennes était assuré par une clause qui n'existe point. Il paraît
d'ailleurs difficile, quand même la réciprocité serait établie, que ces troupes puissent ne pas séjourner et loger en traversant depuis le lieu où elles sont jusqu'à Verdun. Il est doue évident qu'il y a une erreur et que les ministres n'avaient pas le traité sous les yeux. Ils ont aussi parfaitement oublié le décret du 28 février; il est ainsi conçu : «line peut être introduit dans le royaume, ni admis au service de l'Etat, aucun Corps de troupes étrangères, qu'en vertu d'un acte du corps législatif, sanctionné par le roi. » Les ministres ont dit qu'ils n'avaient pas compris ce décret dans un sens qui eût quelques rapports au passage de quelques gens de guerre autrichiens sur le territoire de France.
M. de Montmorin a cru qu'il ne s'appliquait qu'aux troupes qu'on ferait entrer dans le royaume avec intention d'y servir; la première partie du décret, introduit dans le royaume, présente un sens complet. La seconde peut exister indépendamment de la première, comme la première, indépendamment de la seconde. Les ministres ne l'avaient pas ainsi saisi, à ce qu'ils nous ont assuré ; voilà ce compte exact du premier objet de notre mission. Notre second objet était de demander pourquoi on avait dégarni les frontières de troupes? On avait cité Rocroy comme ayant peu d'infanterie et point de cavalerie ; on avait dit que Charleville avait été dépouillé de son régiment, et qu'on demandait une augmentation de troupes à Givet. Le ministre nous a promis un détail de l'emplacement des troupes, depuis Dunkerque jusqu'à Bitche, depuis Landau au Port-de-l'Ecluse et dans les Alpes. Il nous est apparu que Rocroy n'avait en effet que 150 hommes du régimentroyal Hesse-Darmstadt ; que le régiment de Berchigny-Hussards avait été retiré de Charleville ; le ministre nous a assuré que le remplacement de ce régiment avait été ordonné^et qu'il allait être exécuté. Voici le tableau général de l'emplacement de l'armée, que nous a remis M. de la Tour-du-Pin.
M. Fréteau fait lecture de ce mémoire, dont voici l'extrait : « Il a toujours été regardé comme indispensable, en politique, d'entretenir un grand nombre de troupes sur les frontières de l'Alsace, des Evêchés et de la Flandre. Vous verrez que celte disposition n'a point été négligée, les circonstances ont exigé de simples mutations d'une place à une autre. On a retiré de l'Alsace quatre bataillons pour l'exécution du décret qui concerne la ville de Lyon; quatre bataillons ont été retirés de Besançon, ainsi que quelque cavalerie de l'intérieur de la Bourgogne, qu'il était nécessaire de faire marcher danslesautres provinces,qui étaient ou trop faibles ou trop éloignées. Il y a, depuis Dunkerque jusqu'à Bitche, 81 bataillons et 74 escadrons; depuis Landau jusqu'au Port-de-l'Ecluse 35 bataillons et 30 escadrons. Je ne me suis déterminé à retirer de Charleville le régiment de Ber-chigny, que parce que j'avais les moyens de le remplacer par les chasseurs de Picardie. Le décret qui demandait une garnison à Haguenau a empêché l'exécution de cette disposition. Je pensais que Charleville et Mézières formant une seule ville, la garnison servirait l'une et l'autre, et qu'il n'y aurait nulle inquiétude à cet égard. Sur la demande du départementdes Ardennes, j'ai donné des ordres à un escadron d'Estherazy. Si les circonstances devenaient plus pressantes, il serait facile de tirer un régiment de Metz; ainsi cette frontière a à peine perdu deux escadrons. Les frontières des Alpes n'ont jamais attiré l'attention du gouvernement ; elles sont à présent plus gar-
nies que dans le plus fort pied de paix : il y a 27 bataillons et 16 escadrons. Dans un besoin pressant les troupes de Lyon devraient rassurer encore. Si je n'avais été pressé par les instances du général Paoli, je n'aurais pas donné ordre de faire partir de Grenoble les chasseurs de Corse, mais leur remplacement était assuré. Il est facile de voir que tous les points inquiétants sont aussi fournis que pouvaient le permettre les obstacles occasionnés par les insurrections qui ont éclaté dans plusieurs parties du royaume. Toutes les troupes qu'il a été nécessaire de disperser dans l'intérieur pourraient être en très peu de temps ramenées sur les frontières. Cette dispersion emploie 30 bataillons et 36 escadrons. Nos côtes n'ont que l'armement ordinaire... Tels sont les éclaircissements que j'ai cru, etc. »>
Nous avons fait les plus vives instances près du ministre pour qu'on s'occupât de Rocroy ; j'avais eu des inquiétudes sur Marien-bourg; on m'a assuré, dans l'Assemblée, que la garnison de Philippeviile, composée de quatre escadrons, est toujours partagée entre Marienbourg et Charlemont.
Vos commissaires ne font pas mention d'une lettre qui leur a sans doute été remise : elle est de M. le baron de Bender, qui se plaint que 150 hommes de la garnison de Givet, réunis avec des bourgeois, se sont emparés de l'artillerie que les troupes autrichiennes avaient prise sur les Belges au combat de Beau-raing.
Nous n'avons aucune connaissance de cette lettré ; ce matin, sur un bruit vague, j'ai demandé à M.de Montmorin, en présence des cinq commissaires, s'il était instruit de ce fait; il m'a répondu que non; ainsi nous sommes lavés du reproche grave d'une soustraction de pièces; je ne pouvais deviner ni dire un fait que M. de Montmorin a démenti.
Je demande qu'il soit envoyé un huissier pour aller chercher cette lettre, qui est de la plus grande importance.
Le troisième objet de notre mission était de prendre des informations sur les mesures qui avaient été prises pour la défense du royaume et pour la sûreté delà nation au dehors. Le ministre de la guerre a dit n'avoir pu faire autre chose que de maintenir l'emplacement des troupes et des garnisons; que, quant à l'artillerie et aux fusils, on s'est seulement occupé de l'approvisionnement de la flotte. Il reste à vous rapporter le compte qui vient de nous parvenir, de ce que le ministre des affaires étrangères pense de 1 état politique de l'Europe, par rapport à la France. — Quant aux dispositions de l'Angleterre, on convient qu'elle fait des armements considérables ; qu'elle a fortifié son armée de ligne ; qu'elle en embarque une grande partie; que les milices sont convoquées ; que son escadre devient de jour en jour plus forte ; que quatre vaisseaux hollandais s'y sont réunis; que six autres peuvent s'y réunir bientôt; que la presse est si animée que les billets d'exemption donnés par les ministres sont nuls. Il est impossible de penser que cette escadre soit destinée pour le Nord. Les vaisseaux sont trop forts pour passer le Suud ; il est d'ailleurs trop tard pour entreprendre cette navigation. Les négociations
avec l'Espagne sont toujours suivies : cette cour fait des propositions de paix très raisonnables... Il parait impossible que les forces considérables, préparées par l'Angleterre, aient pour objet le commerce avec l'Espagne, et qu'elles ne donnent pas des inquiétudes. Jusqu'à présent cette puissance a dépensé 36 millions pour ses armements.
Le ministre nous a dit que sans les fêtes de la fédération, il aurait informé l'Assemblée de toutes ces circonstances, et qu'il était disposé à envoyer incessamment un mémoire. Quant à l'Espagne, on assure qu'elle ne doit donner nulle inquiétude : ses vues se bornent à empêcher la communication de ses peuples avec les nôtres. L'état de sa flotte est respectable, la réunion de ses forces s'opère à Cadix. Quant aux troupes de terre, il n'y a nul changement dans leur placement sur les frontières de la Catalogne au Rous-sillon, de la Navarre à la Biscaye.
M. Fréteau fait lecture de la lettre de M. Drapier à M. Doumerc. Elle annonce entre autres détails que les princes d'Allemagne, qui ont des possessions en Alsace, emploient tous les moyens propres à exciter une insurrection dans cette province. Les mouvements de la noblesse et du clergé et de quelques réfugiés au delà du Rhin donnent de vives inquiétudes. Des mécontents français se sont réunis à eux. Les troupes du corps germanique se rassemblent pour se porter ou à Liège, ou dans les points qui intéressent plus spécialement le royaume.
(On demande si M. le cardinal de Rohan est mêlé dans ces mouvements.)
Nous avons fait cette question à M. de Montmorin, qui nous a répondu que les nouvelles de Ratisbonne faisaient croire que ce prélat s'en était mêlé.
J'ai entendu hier, de la bouche de M.de Montmorin, que M. le cardinal de Rohan était au delà du Rhin; que par un envoyé à la diète de l'Empire il travaillait, ainsi que l'évêque de Spire, à échauffer les esprits ; que des membres de la noblesse immédiate en Alsace faisaient cause commune avec les princes d'Allemagne ; que quelques membres de cette noblesse désapprouvaient ces mouvements, mais que c'était le petit nombre.
Quant à la Prusse, M. de Montmorin nous a dit que son alliance avec l'Angleterre était certaine; que son influence sur la Hollande était immense, et qu'à l'égard de la Savoie, il n'y avait à Nice que 2 bataillons. Il est convenu que l'avis ou plutôt l'ordre avait été donné aux Français réfugiés de rentrer dans l'intérieur des terres, en n'emmenant avec eux que le moins possible de domestiques français. Oa dit que cette disposition a été déterminée par la découverte d'un projet formé Contre Nice par les gardes nationales de Marseille et de plusieurs autres parties de la province.
Vainé. Je demande à donner une explication ; le fait connu et avéré qui a déterminé l'ordre donné aux réfugiés de quitter Nice est l'insulte faite par eux au pavillon d'une tartane, dont le capitaine a donné plainte. Cette explication est bien plus naturelle et bien plus vraisemblable que le projet qu'on suppose aux gardes nationales de Provence.
Les ministres ne nous ont pas parlé du fait que cite le préopinapjt.
Il est bien certain que cette explication est moins vraisemblable que celle qui est donnée par le ministre; car si l'on était mécontent des réfugiés, on ne les inviterait pas à se retirer dans l'intérieur du royaume.
Quant au Brabant, il est reconnu que l'indiscrétion d'un Français a seule occasionné l'insulte faite aux armes de France. Les Brabançons se prévalent du pavillon français pour faire la contrebande, et n'en troublent pas moins notre navigation. Le ministère semble éprouver des embarras à faire rendre justice à cet égard; quant à Chambéry et aux différents postes qui s'étend depuis Briançon jusqu'à Mont-Dauphin, depuis Barcelonnette jusqu'au Var, nous avons témoigné des inquiétudes au ministre; il nous a dit qu'il n'avait reçu aucune nouvelle : noue avons articulé que le roi de Sardaigne s'était permis de placer l'artillerie sur les côtes du Dauphiné qui, d'après les traités, ne devraient pas être garnies de canons. Nous avons observé que le rassemblement des troupes qui se faisait à Chambéry ne devait pas rester longtemps en place, puisqu'on avait préparé mille tentes.
Nous avons fait remarquer que ceB troupes, suivant les soupçons qui se sont répandus, attendaient des Piémontais, et que des anciens employés des fermés en France, qui depuis quelques jours traversent le royaume, devaient se réunir à elles. Nous avons ajouté que, d'après les procès-verbaux de plusieurs municipalités, le passage de ces commis était un fait indubitable. Le miniBtre ne croit pas qu'il y ait plus de 2,000 hommes à Chambéry, ni que des Piémontais doivent passer incessamment en Savoie; ilme sait rien du rassemblement deB ahCiens employés des fermes. — Sur tous ces détails, Je comité a un projet de décret à vous proposer, il a une vue particulière relative au renforcement des garnisons de Givet, de Cbarleville et Mézières ; il croit qu'il y aurait des inconvénients à mêler de pareilles dispositions au décret que vous avez à rendre; il se réserve de préparer une rédaction à ce sujet; il a aussi d'autres demandes particulières à vous faire connaître; la ville,de Vienne, notamment, insiste plus que toute autre pour obtenir des secours et forces militaires. Des passages, tous faciles et sans aucune défense, permettraient à des troupes étrangères d'arriver aisément jusqu'à elle, Voici le projet de décret que vos commissaires peuvent vous présenter en ce moment:
« L'Assemblée nationale déclare que, conformément au décret du 28 février, accepté par le roi, le passage d'aucunes troupes étrangères sur le territoire de France pe doit être accordé qu'en vertu d'un décret du Corps législatif, sanctionné par Sa Majesté ; qu'en conséquence, les ordres émanés du secrétaire d'Etat au département de la guerre, et adressés aux commandants pour le roi sur les frontières du royaume» seront réputés comme non-avenus» Et cependant l'Assemblée nationale se réserve de statuer sur ie passage demandé par l'ambassadeur du roi de Hongrie, lorsqu'elle aura connaissance du nombre des troupes, des différentes espèces d'armes et attirail de guerre; de l'ordre de leur marche et de l'objet de leur destination. L'Assemblée nationale, instruite des plaintes portées par ledit ambassadeur du roi de Hongrie, ,et voulant maintenir les prin" cipes de justice qu'elle a annoncés, et prendre pour base de ses décrets et pour unique motif des armements qu'elle ordonnera, charge son président de se retirer par devers le roi pour
prier Sa Majesté de donner des Ordres précis à l'effet d'entretenir la police sévère et prévenir toute infraction au droit deB gens; décrète, en OHtre : que ie roi sera prié de prendre vis-à-vis les puissances aotuelles en guerre, les précautions nécessaires pour assurer la liberté du commerce français, et notamment sur la Meuse ; que le roi sera supplié de faire distribuer des armes aux citoyens partout où la défense du royaume rendra cette précaution nécessaire, et ce, sur Pavisdes directoires des assemblées administratives. »
On ne peut permettre à Un député de quitter son poste pour aller cabaler ailleurs. Je demande que M. ie cardinal de Rohan soit mandé à la barre.
(Cette motion est fortement appuyée.)
Je n'ai pas demandé la parole pour excuser le ministre dé- la guerre, je. prétends qu'il a agi d'une manière régulière, et que s'il avait agi autrement, je devrais le dénoncer. Il se présente deux questions : devaiùil accorder aux troupes autrichiennes le passage demandé par l'ambassadeur du roi de Hongrie? Les ministres devaient-ils donner connaissance de cette demande à l'Assemblée nationale ? L'ambassadeur du i*oi de Hongrie ayant demandé Lle passage des troupes autrichiennes, pour aller des Etats de ce prince dans Une autre partie de ces mêmes Etats, aucun acte public ne s'y opposant, cè passage n'a pu être refusé. M. le baron de Bender s'est plaint d'un véritable brigandage. Cent cinquante hommes dé la garnison de Givet, ayant à leur tête des grenadiers du régiment de Chartres et accompagnés des boUrgeoig, Qpt enlevé du canon et des munitions prises sur les Belges par lès Autrichiens. Je m'étonne que la lettre qui pbi»te ce fait n'ait pas été remise aux commissaires.
J'ai déjà assuré que M. de Mont-morin nous a nié positivement ce fait,
Les Commissaires Ont présenté un projet (le décret,,dont la matière est assez intéressante pour ne pas s'en écarter par des observations et dès faits incidents.
Comme dans ce projet de décret il est question.d'injures faites, il faut s'en occuper. Il est évident, Bi le roi de Hongrie fait des sacrifices pour conclure la paix avec le roi de Prusse, qu'il ne s'y détermine qu'afin de remettre les pays belges sous son obéissance» Je demande comment on peut inculper le ministre qui n'a fait que suivre un usage établi "et suivi de tout temps ? Tous ceux qui ont la moindre connaissance du pays,: savent qu'entre la Sambre et la Meuse il n'y a de passage praticable que par la France. Le ministre, en ne suivant que l'usage, a évité une irrégularité dangereuse. Je ne dis point qu'il n'a pas dû avertir l'Assemblée nationale; mais je prends le parti de demander par quelle loi il pourrait être condamné? Le rapporteur a Cité, d'une matière peu juste; le décret du 28 février : jren appelle à la conscience de tous les membres de l'Assemblée ; ont-ils pensé que ce décret portait sur autre chose que sur l'introduction de troupes étrangères dansnotre armée?
Il faut exiger des opinants qu'ils se renferment dans ia discussion du projet de décret» Il n'est pas question de justifier les ministres»
Je pense donc que, dans de
telles circonstances, l'Assemblée ne peut pas s'en tenir aux termes du décret qui lui est proposé, et qu'il faut demander aux nations voisines d'expliquer leurs intentions.
J'ai demandé la parole pour appuyer l'avis des commissaires et ajouter une clause qui me paraît nécessaire. La disposition de suspendre le passage des troupes autrichiennes est extrêmement sage ; les nations voisines n'y verront que de la prudence. Mais, dans mon opinion, les ministres ne me paraissent pas aussi innocents qu'au préopinant. Nous ne pouvons nous dissimuler les inquiétudes que donne l'état politique de l'Europe. La Prusse est sur le point de faire la paix avec la Hongrie ; on assure qu'une des clauses du traité sera de soutenir les prétentions des princes d'Allemagne. D'un autre côté, les intentions de la Sardaigne sont peu connues; mais on sait qu'elle fait des rassemblements de troupes : l'Angleterre et l'Espagne négocient avec la Savoie, avec la Bohême, même avec la Prusse, pour appuyer les projets contraires à la Révolution française. Nous voyons en même temps éclater, dans les provinces méridionales, des signes d'insurrection, excités certainement par les mauvais patriotes, et peut-être même par les nations voisines. Apprécions,dans cet état critique, la conduite du ministre des affaires étrangères. Il dit qu'il n'a pas rendu compte à l'Assemblée de notre situation politique, à cause des fêtes de la confédération; qu'il se disposait à envoyer incessamment un mémoire à ce sujet. Voilà un acte constaté d'une négligence dangereuse et coupable. Une armée autrichienne demande un passage sur le territoire de France; alors le ministre, malgré un de vos décrets, et sans qu'aucun traité obligeât à la réciprocité, engage M. de la Tour-du-Pin à donner les ordres pour autoriser ce passage. Etait-il possible, dans cette circonstance, de se porter, sans le consentement de l'Assemblée nationale, à une démarche qui peut nous plonger dans les horreurs de la guerre ? S'il existe un traité secret, jamais l'Autriche n'aurait une plus belle occasion de s'emparer de nos frontières, pour pénétrer ensuite dans l'intérieur du royaume. Il serait essentiel d'ajouter au projet de décret, que l'Assemblée, improuvant la conduite du ministre des affaires étrangères, le déclare personnellement responsable des événements qui seraient la suite d'ordres donnés d'une manière imprudente ou perverse. (Une grande partie de l'Assemblée applaudit.) Il est essentiel de nous occuper de notre situation actuelle ; il faut que la nation française développe tous ses efforts, déploie toute sa vigueur, afin de détruire la confiance des ennenis de la chose publique. Il est nécessaire que l'Assemblée soit éclairée sur les moyens : je renouvelle, en conséquence, la proposition faite hier de nommer sur-le-champ un comité de huit personnes, pour se concerter avec le ministre des affaires étrangères, et donner à l'Assemblée les renseignements exacts et détaillés dont elle pourrait avoir besoin.
Vaîné. Entièrement de l'avis du comité au fond, je crois pouvoir proposer une motion incidente, que l'Assemblée trouvera de quelque importance. Cette proposition pourrait être susceptible d'un grand développement et la matière d'un énergique discours. Peut-être me saura-t-on gré de m'en tenir à la simple ênoncia-tion de ma motion. Elle est appuyée sur des faits qui sont à votre connaissance. Il est notoire qu'un
manifeste passe pour avoir été adressé à quelques municipalités, de la part du ci-devant comte de Condé; que la notice en est criée dans la capitale, autour de nous, et que cette pièce est dénoncée au comité des recherches. Quoiqu'il eu soit je fais purement et simplement ma proposition.
« Sur la notoriété qu'il existe un écrit intitulé : Manifeste du prince de Condé, etc , etc., etc. ; attendu le suprême intérêt de la patrie et l'urgente nécessité de surveiller les mouvements extérieurs, attendu les circonstances trop notoires qui rendent Louis-Joseph de Bourbon, ci-devant prince de Condé, tout à la fois étranger aux lois nouvelles et dangereux à la Constitution, l'Assemblée nationale a décrété et décrète :
« QueLouis-Joseph de Bourbon, ci-devant prince de Condé, sera tenu de faire, sous trois semaines, le désaveu authentique et légal de cet écrit; à faute de quoi, son silence en sera réputé l'aveu ; et en conséquence, Louis-Josgph de Bourbon, dit Condé sera déclaré traître à la patrie, et ses biens seront administrés par les directoires de districts et de départements dans le territoire desquels ils se trouvent, pour être les revenus employés au profit de ses créanciers, et le surplus des revenus, ainsi que les fonds, remis à ses enfants, s'ils se présentent pour les réclamer (1). »
(Une grande partie de VAssemblée applaudit, et beaucoup de membres se lèvent pour appuyer cette motion.)
Je n'ai qu'une simple observation à présenter. L'objet important de votre délibération c'est le passage demandé par les troupes autrichiennes ; il faut s'en occuper sans délai ; les ordres sont donnés; lès autrichiens peuvent être attaqués par les habitants de la frontière, et ces hostilités pourraient avoir des suites qu'il est très facile de prévoir. Si la parole m'est accordée sur le projet de décret des commissaires, je prouverai que ses dispositions sont très bonnes et très sages. Quand vous aurez délibéré sur ce décret, on pourra passer aux motions de MM. Lucas et de Mirabeau i'aîné ; elles me paraissent n'avoir point de rapport à la proposition de vos commissaires,
Vaîné. Il n'est pas nécessaire d'un grand développement pour montrer l'étroite liaison de
ma motion avec la motion principale. Je ne vois pas dans quelle situation, dans quel lieu,
dans quelle classe on ira chercher un ennemi plus dangereux : celui qui doit désirer davan-
Si l'on veut adopter cette motion incidente sans discussion, je ne m'y oppose pas; si l'on veut la discuter, je m'y oppose. Je suis lé plus intéressé à la demande du passage des troupes autrichiennes, et je demande la parole.
M. d'André me paraît avoir prouvé évidemment que ce qui importe à la chose publique, c'est de prendre une délibération pour savoir si le passage sera accordé aux troupes autrichiennes ; si les ministres du roi ont dépassé leurs pouvoirs; si, dans ies circonstances actuelles, ils n'auraient pas dûconsulter l'Assemblée nationale. J'ai peine à concevoir comment la motion incidente de M. le comte de Mirabeau... (On rappelle l'opinant à l'ordre); comment la motion incidente de M. de Mirabeau peut se lier à la motion première. J'avoue que je lui sais peu de gré dé ne nous avoir pas donné les développements qu'il a annoncés. Je ne puis m'accoutu-mer à entendre les étranges principes que l'on professe dans cette tribune ; je ne puis m'accou-tumer à voir que sur je ne sais quelle clameur publique, sur un manifeste dont les quatre cinquièmes de l'Assemblée ignorent l'existence, dont, sur ma parole d'honneur, je n'ai nulle connaissance, on i n ter pelle d'une man i ère aussi i n j u rieuse, aussi contraire au respect dû au sang de nos rois, un prince du sang de France. Je crois qu'il est de la dignité de l'Assemblée de délibérer sur le projet de décret présenté par les Commissaires et d'ajourner la motion de M. de Mirabeau, jusqu'à ce que le comité des recherches ait donné des renseignements sur le prétendu manifeste dont il s'agit.
, président du comité des recherches. Une grande partie des membrés de l'Assemblée demandent si nous sommes instruits de ce manifeste. Nous avons une dénonciation signée, d'un plan de contre-révolution, qui doit être précédé d'un manifeste dont cette dénonciation contient les bases. Si l'Assemblée le désire, nous pouvons, dans un instant, lui présenter cette pièce.
(L'Assemblée lui,témoigne ce désir.)
Je demande à M. Voidel s'il ést vrai que Je ministre des affaires étrangères ait dit aux membres du comité des recherches qu'il eût des notions sur les projets du prince de Condéî
Je vais répondre catégoriquement à l'interpellation qui m'est faite par M. Barnave. Dans une conférence particulière avec le ministre des affaires étrangères, il nous a dit, parformede conversation, qu'il regardait M. de Gondé comme un des plus dangereux ennemis de la Révolution; qu'il savait qu'il avait de l'argent sans pouvoir deviner de quelle manière il se l'était procuré.
Si l'Assemblée voulait adopter sans discussion le projet de décret proposé par M. de Mirabeau, je ne m'y opposerais pas. Lorsque le roi a prêté le serment civique, tout Français qui ne le prête point est coupable ; mais les six commissaires, chargés de vous donner des renseignements sur le passage des troupes autrichiennes, présentent un objet bien important. Il y a actuellement dans le département desArdennes 60,000 hommes sous les armes, qui ont abandonné leurs moissons pour repousser les hostilités qu'on leur a annoncées ; je crois donc qu'il faut nous empresser d'adopter le décret proposé par les six commissaires.
Ce décret est d'autant plus pressant que, depuis quinze jours, il passe des émissaires dans la Champagne, la Lorraine et les Trois-Evêchés; ils répandent le bruit que, dans peu de jours, les Autrichiens passeront sur notre territoire, et qu'ils doivent s'emparer de nos places; il est évident que c'est afin que les habitants de ces provinces se portent à des hostilités contre ces troupes, et que, les Autrichiens usant de représailles, la guerre commence avant qu'on ait pu la prévoir.
(On demande à aller aux voix.)
Je demande que la discussion soit fermée.
Il est impossiblè qu'on rende le décret sans ouvrir la discussion. Je demande donc qu'il soit accepté ou rejeté sans désemparer; mais que, du moins, la discussion soit ouverte.
Je propose à l'Assemblée de décréter que; sans désemparer, elle délibérera successivement sur le décret du comité et sur celui de M. de Mirabeau.
Je demande que, dans quinzaine à compter de la publication du présent décret, le cardinal de Rohan soit tenu de se rendre à la barre pour rendre compte de sa conduite.
Voici ma motion ï
« L'Assemblée nationale ordonne que M. de Rohan, l'un de ses membres, viendra sur-le-champ reprendre sa place dans l'Assemblée, et y rendre compte de sa conduite, s'il y a lieu. »
(La priorité est accordée, suivant la proposition de M. Rœderer, au projet du comité.)
donne lecture de l'article premier ainsi conçu :
Art. 1er. « L'Assemblée nationale déclare que, conformément au décret du 28 février, accepté par le roi, le passage d'aucune troupe étrangère sur le territoire de France ne doit être accordé qu'en vertu d'un décret du Corps législatif, sanctionné par Sa Majesté ;
« Qu'en Conséquence, les ordres émanés du secrétariat de la guerre, et adressés aux commandants des frontières du royaume, seront réputés non-avenus : cependant, l'Assemblée nationale se réserve de statuer sur le passage demandé par l'ambassadeur du roi de Hongrie, lorsqu'elle aura connaissance du nombre de troupes, des différentes espèces d'armes et attirail de guerre, de l'ordre de leur marche et de l'obj et de leur des tination. » (Cet article est adopté à l'unanimité.)
lit l'article deuxième qui est également décrété à l'unanimité en ces termes :
Art. 2. «.L'Assemblée nationale, instruite des plaintes portées par ledit ambassadeur du roi de Hongrie, et voulant maintenir les principes de justice qu'elle a annoncé prendre pour base de ses décrets, et pour unique motif des armements qu'elle ordonnera, charge son président de se retirer par devers le roi, pour prier Sa Majesté de donner des ordres précis à l'effet d'entretenir la police la plus sévère, et de prévenir toute infraction au droit des gens. »
fait lecture de l'article troisième.
Art. 3. « En attendant les réclamations de plusieurs municipalités des frontières, à l'effet d'être armées pour soutenir la Constitution qu'elles ont iurée, et assurer la tranquillité publique, l'Assemblée décrète que le roi sera supplié de fairç distribuer des armes aux citoyens partout où la défense du royaume rendra cette précaution nécessaire, et ce, sur la demande des directoires des assemblées administratives. »
(ci-devant duc). Il est nécessaire auparavant que vous demandiez aux ministres de vous faire connaître la quantité d'armes qui restent dans les arsenaux.
Il n'est pas nécessaire de faire connaître à toute l'Europe l'état de nos armes.
Quand tous les bons citoyens en auront pris contre les ennemis de la Révolution, il n'en restera plus guère.
J'adopte le projet présenté par le rapporteur ; mais je propose un amendement que je crois indispensable : c'est d'y ajouter que le ministre sera tenu de rendre compte à l'Assemblée du nombre d'armes qu'il aura délivrées.
Il faut aussi ajouter au décret, qu'il sera gardé dans les arsenaux assez d'armes pour renouveler celles de l'armée qui sont mauvaises.
(de Nemours). II n'est pas vrai que les armes de l'armée soient mauvaises : elles ne valent pas des armes neuves; mais elles sont bonnes encore et redoutables. On peut donner aux gardes nationales les armes actuelles de l'armée, et renouveler l'armement de celle-ci avec les armes neuves qui sont dans les arsenaux. Les gardes nationales ne devant jamais être dans le cas de faire la guerre d'une manière aussi active que les troupes réglées, les armes actuelles seront excellentes pour les gardes nationales; et celles de l'armée de ligne étant renouvelées, chacun sera armé comme il doit l'être.
Il y a une manière d'énoncer vos vues, sans annoncer à l'Europe l'état de vos forces ; c'est-à-dire avant de faire droit sur les demandes des municipalités, le ministre sera tenu de s'entendre avec le comité militaire.
Je demande aussi que l'Assemblée nationale décrète que les ministres donneront des ordres aux manufactures pour fabriquer des fusils et baïonnettes. Un très grand nombre de municipalités m'ont écrit de parler à M.de la Tour-du-Pin pour demander des armes; sans cela elles ne pourraient résister aux efforts des
ennemis de la Révolution. S'il y en avait eu à Montauban, le parti patriote n'aurait pas succombé. J'ai communiqué plusieurs lettres au ministre; tantôt il m'a dit qu'il ferait tout son possible, tantôt il m'a répondu négativement. Qu'on réfléchisse un peu sur les circonstances, et on verra qu'on veut nous mettre sur les bras toutes les puissances voisines. Sous Louis XIV, un peuple esclave leur a tenu tête ; sous le règne de la liberté, nous ne devons avoir aucune inquiétude : mais pour que le courage de la nation inspire une juste confiance, il faut qu'elle soit armée. Une révolution a, comme une maladie, ses périodes et ses crises. Vous avez vaincu les ennemis du dedans; il reste à combattre les ennemis du dehors. En un seul jour la ville de Paris rendit la France libre ; c'est son exemple qu'il faut suivre : mais pour cela, je le répète, il faut des armes. Je demande donc que le ministre donne des ordres pour la fabrication continue des armes.
(de Nemours). Je demande aussi que les fabriques de canons et de boulets soient mises dans la plus grande activité; car ce sont principalement des boulets, et non pas seulement des balles, qu'il faut envoyer à l'ennemi.
, rapporteur, s'appropriant les divers amendements présentés, propose une nouvelle rédaction de l'article troisième.
Cette nouvelle rédaction est adoptée, à l'unanimité, en ces termes :
Art. 3. « Décrète, en outre, que le roi sera prié de prendre, vis-à-vis les puissances actuellement en guerre, les précautions nécessaires pour la liberté du commerce français, et notamment sur la Meuse;
« Et attendu les réclamations de plusieurs municipalités des frontières, à l'effet d'être armées pour soutenir la Constitution qu'elles ont jurée, et assurer la tranquillité publique;
'« L'Assemblée décrète que les ministres du roi seront tenus de donner au comité militaire connaissance des demandes d'armes et munitions qui seront faites par les municipalités des frontières, de l'avis des directoires de départements, et d'y joindre l'état des armes et munitions distribuées à ces municipalités;
« Décrète, en outre, que le roi sera supplié de donner les ordres les plus prompts pour la fabrication des canons, fusils et autres armes, et pour les munitions nécessaires : le tout suivant les prix et conditions qui auront été communiqués au comité militaire ; que le roi sera prié de faire distribuer des armes aux citoyens, partout où la défense du royaume rendra cette précaution nécessaire, et ce, sur la demande des directoires. »
(On demande que la discussion soit ouverte sur la motion de M. d'Aiguillon.)
L'Assemblée nationale a formellement adopté la motion de M. Rœderer, où il n'est fait aucune mention de celle de M. d'Aiguillon. Je ne prétends point disculper la conduite du ministre des affaires étrangères; je ne la connais point; mais comme elle doit être aussi inconnue à tous les membres de cette Assemblée, je ne crois pas qu'on puisse l'improuver, sans avoir auparavant entendu le ministre. Je sais qu'il a donné des preuves de patriotisme et d'amour pour la Révolution. (Il s'élève des murmures.) Je ne vois pas ce que cette assertion a de ridicule. Un membre du comité des recherches ne
jjent-ril pas de voua dire que, dans une conversation confidentielle, ce ministre avait manifesté ses craintes sur M. de Condé? J'invite à faire une attention sérieuse à la coalition du corps germa* nique, à la réclamation des princes d'Allemagne, à 36 millions employés par l'Angleterre pour un armement. Rien n'est plus effrayant qu'un armement qui commence par une dépense de 36 millions.
Ce n'est pas parce que je crois le ministre innocent, que je m'oppose à la motion de M. d'Aiguillon; mais parce qu'elle n'est point analogue au parti qu'on doit prendre. Quand il s'agit du salut de l'Etat, la nation ne doit pas fixer son attention sur un particulier. Ce qui nous a été rapporté, par les six commissaires, n'est qu'une branche des manœuvres qu'on emploie contre nous. L'Assemblée nationale doit voir que M. de Montmorin n'est pas seul coupable; elle ne doit pas prendre un parti qui fasse supposer qu'elle regarde sa conduite particulière comme le but de ses mesures et l'unique objet de sa rigueur. Il est. suffisamment indiqué,par toutes les circonstances, que les auteurs de la conspiration qui nous me-nace et dont nous nous apercevons bien tard, ce sont tous les ministres. Je conclus à ce que l'Assemblée n'adopte pas le projet de décret de M. d'Aiguillon, et à ce qu'il soit fixé un jour pour s'oo-cuper des moyens d'enchaîner tous les ennemis de la Révolution.
On propose d'improuver la conduite du ministre des affaires étrangères; mais il n'a pas pu donner les ordres dont on se plaint; il a écrit à M. de la Tour-du-Pin de prendre les ordres du roi sur l'exposé du comte de Mercy. Lorsque nous en avons parlé à M. de la Tour-du-Pin, il nous a dit d'une manière si simple que le décret du 28 février lui était échappé, que nous avons cru que c'était réellement une inadvertance.
Je demande la question préalable sur la partie de la motion qui tend à improuver la^conduite du ministre. J'ai été plus que personne solliciteur de la loi qui demande la responsabilité; ce n'est pas dans une circonstance où les intentions du ministre sont évidemment honnes, qu'il faut les improuver : vous ne voulez pas donner un effet rétroactif à l'explication de votre décret du 28 février. (Il s'élève des murmures.) Il ne faut pas attaquer l'honneur des ministres; ce sont les bras du pouvoir législatif. (.Nouveaux murmures.)On a beau m'interrompre par des murmures, il y a de. l'énergie à résister à l'opinion publique, qui n'est jamais plus énergique que quand elle demande vengeance.
(L'Assemblée décide qu'elle passera à l'ordre du jour.)
Sur l'interpellation faite au comité des recherches, j'ai déclaré qu'il y avait une dénonciation signée, d'une conspiration et d'un projet de base de manifeste. Cette dénonciation a été faite à la municipal ité de Cette par le commandant de lia garde nationale de la même ville, par lequel elle est signée.
M. Voidelfait lecture de cette dénonciation, dont voiei l'extrait : — « Je viens vous donner l'avis d'un projet trop certain, contre lequel il est urgent de nous prémunir. Il est question •d'une contre-révolution : les contre-révolutionnaires ont pour eux. l'Espagne, la Sardaigne, l'Autriche et la Prusse. L'Espagne fournira des
hommes et de l'argent;la Sardaigne, 30,000 hommes; l'Autriche, 30,000 hommes; et la Prusse, 30,000 hommes, quoiqu'on dise n'en avoir demandé que 24,000. M. le prince de Condé sera le généralissime ; les contre-révolutionnaires entreront par le pays de Comminges ; ils feront préeé-* der leur marché d'un manifeste dans lequel il sera porté qu'il sera rendu au roi les droits que la nation a repris; que ia noblesse contribuera à toutes les charges sans exception, que le clergé sera moins bien traité qu'il ne l'est par les décrets de l'Assemblée nationale; que la dîme sera entièrement abolie; que les assignats auront hypothèque sûre; que tous les hommes participeront indistinctement aux emplois civils et militaires, et qu'il sera conservé une partie de la garde nationale.
« Il résulte de l'espoir de tant d'avantages qu'il est hjen à craindre que le peuple ne se laisse séduire. (Une voix s'élève : Nous les tenons ces avantages.) J'ajoute qu'il est d'autant plus urgent de prendre des précautions, que le projet est à la veille d'être exécuté; il est nécessaire d'augmenter nos forces, notre artillerie, d'armer notre garde nationale, de lui fournir des sabres, des fusils et des gibernes; il faudrait que l'Assemblée nationale autorisât notre ville à faire un emprunt de 15,000 livres, pour subvenir à l'achat de ces objets. A Cette, le 16 juillet. Signé : François Cas-tillon, commandant de la garde nationale. » — Suit une délibération du conseil général de la commune.
(L'Assemblée'décide que la lecture de cette délibération ne sera pas entendue.)
Un membre. Les 15,000 livres sont le motif de cette dénonciation.
Je demande que cette dénonciation soit payée sur les 5,000 livres promises par M, de Laborde.
l'aîné. L'existence OU la fausseté de la conspiration, la certitude ou la frivolité du prétendu manifeste ne sont rien, , Un homme qui se trouve éloigné de sa patrie doit se croire trop heureux de pouvoir y rentrer par le moyen d'une simple dénégation.
lit une seconde fois l'expo-sitifde son projet dè décret, auquel il a fait quelques changements.
Sans être plus indulgent envers les ennemis de la patrie que M. de Mirabeau, il est facile de prouver que sa motion est inadmissible et dangereuse. Gomment nous proposer un décret solennel contre un homme, d'après l'énoncé d'un manifesté que nous nè connaissons pas, sans savoir s'il est de telle personne plutôt que de toute autre? Pourquoi, parmi tant d'hommes ennemis de la Révolution, n'aperçoit-il que lui? Est-il le seul qui ait donné des preuves d'opposition ? Et s'il fallait un exemple exclusif, je lé demande à tous les hommes impartiaux, faudrait-il tomber sur un homme qui, attaché par toutes les relations possibles aux abus de tout genre, n'a pas goûté nos principes? Pourquoi jeter les yeux sur un ci-devant prince, plutôt que sur d'autres plus coupables, puisqu'ils ont des raisons de s'attacher à la Constitution, puisque, par leur état, ils doivent accélérer le cours de ia Révolution? Pourquoi, au milieu de tant de grands objets, allez-vous fixer votre attention sùr un manifeste qui n'est peut-être
pas authentique? Je demande donc que, sans avoir égard à la motion de M. de Mirabeau, l'Assemblée décrète que demain elle continuera de s'occuper des moyens de résister à la ligue de nos ennemis.
Je n'ajoute qu'une seule observation; c'est que dans le cas où le prince de Condé se serait égaré jusqu'à former des projets contre sa patrie, ce serait le confirmer dans cette intention que de le traiter avec tant de rigueur. Je répondrai à M. de Mirabeau, qui trouve que c'est un moyen de le faire rentrer sans danger dans sa patrie, qu'il est libre d'y rentrer quand il voudra ; que ce n'est pas par des expressions iujurieuses à son patriotisme qu'on le ramènera. Ce n'est point en prenant de tels moyens que nous devons espérer de réunir tous les Français dans les mêmes sentiments. Je demande la question préalable sur la motion de M. de Mirabeau.
l'aîné. Je répondrai avec sim-plicité aux véhémentes interpellations de M. Robespierre. Les talents militaires qui rendent redoutable M. de Bourbon, dit Condé, sont le premier objet de l'animadversion que j'ai cherché à provoquer contre lui. Lorsque M. Robespierre m'accuse de l'avoir choisi parmi tant d'autres, il ne se rappelle pas que le zèle des préopinants m'avait devancé sur d'autres objets. Si j'ai gardé un profond silence relativement à l'improbation du ministre, c'est que j'ai trouvé qu'on avait raison dans le fond et non pas dans la forme. Les ministres ne doivent pas être improuvés, mais jugés. J'ai présenté une motion moins emphatique que les longues ou Courtes observations dont M. Robespierre a bien voulu l'honorer. Il m'a semblé qu'il était de la justice d'ouvrir à un absent l'entrée de sa patrie, et de prendre les voies de rigueur s'il se refusait à profiter de cette ouverture. Peut-être aussi y a-t-il autant de gloire à l'avoir attaqué, qu'à présenter sur les ministres des motions tant de fois répétées.
M. Condé est l'ennemi de ma famille; mais il me semble qu'il y a moins de courage à l'attaquer absent, qu'à attaquer un ministre en place. En un mot, ,1a motion de M.de Mirabeau, toute belle qu'elle paraît aux autres et à lui-même, n'est rien du tout; car M. de Condé n'a qu'à répondre: je n'ai pas écrit cela, et il est justifié'.
l'aîné. En effet, cette motion n'est rien pour ceux qui ne veulent qu'un pendu ; mais elle est tout pour ceux qui veulent un justifié.
Je ne veux ni accuser ni justifier M. de Bourbon; mai3 je pense qu'il ne faut pas détourner l'attention de dessus les coupables, pour l'attacher à un seul individu.
(ci-devant de Saint-Fargeau). Si je voulais rendre un service important à Louis-Joseph de Bourbon, si je voulais en faire un citoyen très redoutable, et l'envelopper de toute la faveur que donne la proscription à un personnage distingué et à une réputaiion éclatante, j'appuierais la motion qui vous a été présentée. Si je voulais porter sur les décrets de l'Assemblée nationale, dont l'opinion publique fait toute la force, la défaveur et le discrédit qui accompagnent une délibération peu réfléchie,' je vous proposerais
d'adopter cette décision sévère, sur la simple dénonciation d un manifeste qui ne nous a pas même été lu. Coriolan, aigri par les Romains, se retira chez les Volsques, et il en obtint des secours qui mirent sa patrie à deux doigts de sa perte... Ce ne sera pas chez les Volsques que Louis-Joseph de Bourbon prendra sa retraite ; mais des peuples puissants de l'Europe sont gouvernés par des Bourbons; voilà l'hospitalité qui l'attend; et je ne veux pas lui prêter l'intérêt que ses malheurs mêmes lui donneraient, lorsqu'il se présenterait devant ses propres parents, tout couvert de blessures morales que lui auraient faites vos décrets. Je pense que nous devons au plus tôt nous occuper de l'ensemble des dangers dont la France est environnée. Sur la motion présente, je ne suis d'avis ni de la question préalable, ni de l'ajournement; mais je demande que l'on passe à l'ordre du jour,
(L'Assemblée décide qu'elle passera à l'ordre du jour.)
(La séance est levée à quatre heures et demie.)
OPINION DE M. Rabaud
(ci-devant de Saint-Étienne) au sujet des mouvements de plusieurs princes de l'Europe (1).
Messieurs, vous n'avez pas été étonnés des ob-jets qui soudainement ont été soumis à votre délibération. Il y avait longtemps que chacun de vous recevait des avis particuliers sur les mouvements et les intrigues préparés contre notre liberté auprès de diverses cours de l'Europe. Depuis longtemps vous entendez dire que c'est ici la cause des rois, et que tous devraient se réunir pour venger ce que l'on appelle leur querelle. Vous vous êtes entendu menacer de la ligue de tous les princes contre l'humanité et de vingt potentats européens contre trois ou quatre cents millions d'hommes. Vous avez entendu parler de grands préparatifs de guerre, de flottes armées, d'une rupture entre deux puissances voisines, d'une guerre où vous ne pouviez éviter d'entrer comme alliés ou comme ennemis, de l'alliance soudaine entre deux autres puissances qui menaçait votre liberté, d'invasion de nos colonies, du siège de nos ports, et de tout ce que pouvait réunir contre nous la fureur et la vengeance.
Vous avez vu, dans le même temps, des troubles suscités dans l'intérieur du royaume, des
brigands étrangers répandus dans nos provinces, des hommes soudoyés pour semer la discorde,
des
Maintenant, Messieurs, on redouble d'efforts pour renouer un projet déconcerté en partie. Des brigands étrangers, égarant, quelques jours le peuple de Lyon, l'ont porté à des violences qui pouvaient faire de Lyon un rendez-vous de mécontents, et le centre d'une guerre particulière. Des hommes armés dans lé Gomtat-Venaissin, et dont l'argent des étrangers peut aisément grossir le nombre, menacent les provinces voisines. La ville de Montauban peut aussi devenir une place forte, et un rendez-vous des ennemis de la liberté.
Dans le même temps circulent des écrits incendiaires, annonce infaillible d'un projet que l'on ne publie avec tant d'audace que dans le dessein d'en répandre partout les insinuations. On y invite tous les princes de l'Europe à se réunir dans un congrès (1); on leur peint la France comme un pays Sans armée, sans marine, sans finances, sans religion, sans mœurs, sans lois, et qui déjà est absent de l'univers; on leur montre déjà nos dépouilles, et pour les inviter à se répandre comme des brigands dans cet Empire, on leur peint la France hors d'état désormais de maintenir les traités, et les Français, comme une nation féroce, indigne de la liberté, et qui ne compte pour rien la perfidie.
De quoi s'agit-il maintenant, Messieurs, et quel parti devons-nous prendre? Tranquilles sur
votre morale publiquement énoncée, et sur vos principes connus, fiers de cette conscience
nationale que vos décrets ont formée, vous offrez à l'Europe, l'exemple, le premier exemple
d'un grand peuple qui renonce au brigandage des conquêtes, et qui fait de la modération et de
la justice une loi constitutionnelle de l'Etat. Vous annoncez ainsi à vos voisins que, si
l'esprit de vertige ne les saisit, vous êtes nécessairement leurs plus sûrs alliés. Vous
apprenez aux peuples que leurs amis, ce sont ceux qui épargnent le sang humain, et que leurs
ennemis, ce sont leurs tyrans qui le versent, qui le répandent, qui le prodiguent pour leurs
intérêts personnels. Vous apprenez aux têtes couronnées, à vingt mortels auxquels l'Europe
obéit, que la France est un empire dont ils n'ont rien à redouter, tant qu'ils ne cherchent
pas à s'en faire redouter eux-mêmes. Vous leur donnez un grand exemple, et l'Europe entière
leur dira que cet exemple est une leçon. Vous avez dit à l'univers ces paroles simples et
sublimes '. jamais nous n'attaquerons personne. Croyez, Messieurs, que ces paroles ne sont
pas perdues, elles ont retenti dans tous les cœurs; la nation qui se constitue sur la
justice, doit être un jour l'admiration et le modèle de toutes les autres. Vous avez donc
fait votre déclaration de paix; qui nous menacera maintenant d'une déclaration de guerre?
Quels monarques de l'Europe avez-vous offensés? Quelles barrières avez-vous franchies?
Quelles insultes ont-ils reçues? Où seraient leurs droits et leurs titres ? Quels prétextes
les cabinets ministériels pourraient-ils donc imaginer, et quel serait le style de leurs
manifestes? Et leurs peuples, et leurs sujets, que diraient-ils en se voyant traîner sur nos
frontières? « Ce peuple veut être o" libre, et nos maîtres nous ordonnent de l'égor-
Vous ne voulez plus tenir vos traités (1)! Qui le leur a dit? Vous ne pourrez plus les tenir ! Ah! sans doute, l'Europe avait jadis plus de confiance en nos ministres I Sans doute, un gouvernement despotique et conquérant est un infaillible garant de la fidélité ! Sans doute, on ne pourra pas se fier à un peuple qui commence par annoncer qu'il respectera toujours les possessions des autres peuples ! Et les rois ont toujours été fidèles observateurs des traités 1
Il faut que, sur-le-champ, vous fassiez raison à l'Europe du prix des cessions qui vous ont été faites, ou que la nation soit dépouillée même de ses droits légitimes (2). Langage de cannibales, vrai manifeste de brigands! Tels sont les conseils que des brouillons incendiaires osent donner à des rois, tant les ennemis de la liberté cherchent à dégrader la majesté des princes, pour servir leurs intérêts particuliers. Mais qu'ils sachent que la nation a tout ce qu'il faut de justice et de force pour maintenir et même pour faire exécuter les clauses des traités; que nous ne serons plus gouvernés par l'astuce des cabinets ni par les mystères diplomatiques ; que la probité sera notre politique; qu'une grande nation ne prend conseil que de la générosité; que les intérêts de tous seront pesés dans une juste balance quand nous serons sortis des déblais de notre antique constitution, et que, si nous avons quelque confiance dans la justice des souverains, nous en avons encore plus dans la nôtre.
Non, Messieurs, ce n'est qu'un vain prétexte dont se servent ceux qui se Croient assurés d'avoir gagné les rois, quand ils ont intrigué dans les cabinets. Non, cette ligue dont on nous menace, ce congrès de tous les souverains, ces couronnes réunies, des troupes à nos portes, ces vaisseaux armés, cet appareil dont on veut nous effrayer dans de prétendus manifestes, et cette suite de conspirations intérieures que nous avons successivement découvertes: tout cela n'èst que le fruit de la vengeance et du désespoir de nos anciens oppresseurs.
Ils disent que nous sommes sans armée : nous l'avons encore cette armée, mais une armée citoyenne, et digne plus que jamais de combattre pour nous. Que nous sommes sans vaisseaux! Eh bien! nous avons trois millions d'hommes prêts à défendre leurs foyers. Que nous -sommes sans finances! Oui maintenant; mais nous avons appris à être pauvres, et quel peuple que celui qui a perdu tous ses besoins et qui ne regarde point en arrière! Que nous sommes sans lois! Ils se trompent, nous en avons une loi puissante et qui donne de grands conseils, la loi delà nécessite! La France, disent-ils, a disparu de l'univers ! S'ils en étaient bien convaincus, ils ne prendraient pas tant de soin de de le dire.
Cependant, Messieurs, ces objets ont dû exciter votre vigilance. S'il existe un projet de
guerre contre la France pour venger la querelle de nos oppresseurs, vous n'y verrez qu'une
violation du droit des gens; et les Français ne verront dans ceux qui violeraient leur
territoire que des brigands et des assassins. Si les faiseurs de com plots se sont flattés de
persuader aux princes étrangers qu'ils se partageraient nos provinces; s'ils leur montrent
sur la carte la portion de
Je comprends, Messieurs, que quelques princes du Nord peuvent être séduits par la fureur d'agrandir leurs Etats, car leurs Etats sont leur bien, et vous savez qu'en Allemagne les hommes sont la propriété des souverains. L'intérêt des princes conquérantset par conséquent leurs principes sont de s'agrandir, de conquérir, de verser le sang de leurs sujets pour acquérir d'autres sujets; comme, dans le négoce, on acquiert l'argent avec de l'argent. Leur commerce est un commerce d'hommes, une spéculation de sang humain. Mais leurs fantaisies seraient-elles des titres? El le reste de l'Europe n'ouvrirait-il pas les yeux sur leur dévorante ambition? Et cependant une autre puissance, dont le corps est, pour ainsi dire, démembré, dont la tête est à Madrid, le cœur au Mexique et les membres dans les deux mondes ; dont le sang,'par une circulation difficile, n'alimente que faiblement tant de parties dispersées : l'Espagne a-t-elle vraiment intérêt à troubler une puissance dont toute la force est concentrée, et dont la liberté vient d'augmenter le ressort? Sait-elle où l'engageraient des hostilités, et ce qu'est une guerre commencée? Est-elle assez forte pour ne rien risquer à s'affaiblir? Est-elle assez puissante pour étendre les bras sur les deux mondes, assez agile pour couvrir à la fois toutes ses possessions?
Quoi qu'il en soit, Messieurs, on vous annonce de partout des projets conspirateurs, et vous ne devez pas attendre, pour les confondre, qu'ils aient été réalisés. Votre roi, qu'inutilement on a cherché à séparer de sa nation; qui s'est identifié avec elle parceque des hommes vulgaires auraient appelé des sacrifices ; qui, quoiqu'on en dise, est déjà, qui doit être une pièce essentielle de votre Constitution achevée et la clé de tout l'édifice ; qui, plus que jamais, a intérêt de s'unir avec son peuple et avec ses représentants : votre roi voit annoncer sous ses veux le projet de démembrer ses Etats, et c'est en feignant de le servir qu'on porte une main coupable sur sa couronne.
Le roi de Pologne ne fut point soutenu de ses sujets. Je le crois bien, ses sujets étaient esclaves ;
mais le roi d'un peuple libre a autant de défenseurs qu'il y a de citoyens.
Le roi de Pologne fut réduit à un noyau de royaume. Que les Français soient rassurés: aucun d'eux ne deviendra la proie d'une puissance étrangère. Ils l'ont juré, et cette fédération universelle, comme par une inspiration céleste, a réuni tous les Français en un seul corps. Tout est royaume, tout est frontière. Il n'y a plus de partie, il n'y a qu'un tout. Et si une grande puissance, si une grande volonté, si une grande population, doivent être comptées dans le calcul des forces humaines, c'est celui que nous présenterons à l'étrange et prétendue ligue dont on nous menace. Et, sans doute, ce nouvel obstacle qu'on nous suscite, ne servira, comme tous ceux que nous avons vaincus, qu'à nous rendre notre liberté plus chère à nous en assurer la conquête.
Que les princes de l'Europe nous observent; nous n'avons point de secrets, et, comme la maison du plus vertueux des Romains, la salle nationale est ouverte à tout le monde. Qu'ils exa-miment s'il leur convient d'avoir pour amie une nation qui a juré la paix à ses voisins, et qui brûle de la conquérir pour l'univers, par les armes dignes d'elle : la raison, la justice et la bonne foi. On leur dit que nous n'avons pas ratifié les traités, mais on leur dit eu même temps que nous n'existons plus. Que peut-on demander à un peuple anéanti, disparu de dessus le globe? Mais si cette prophétie est mensongère, si votre persévérance, Messieurs, qu'inutilement on s'efforcera de fatiguer, si l'énergie de la nation, si cette puissance de volonté dont les hommes faibles n'ont aucune idée, vous permettent d'achever votre ouvrage, l'Europe apprendra que si la vertu fait nécessairement la Coustitution d'un peuple libre, les traités sont désormais, entre ses mains, un dépôt inviolable et sacré.
Vous veillerez cependant, Messieurs, avec une inquiétude continuelle, sur les mouvements intérieurs qu'on chercherait encore à exciter dans l'intérieur du royaume; car c'est du dedansque nous viennent tous les obstacles. Ce ne sont que les divisions intestines qui sont à craindre. Vous ne pouvez avoir la guerre du dehors si vous ne l'avez pas au dedans : et si les Français savent être unis entre eux, nul peuple n'osera frabchir leurs fontières. Vous éclairerez ce peuple que l'on cherche à abuser. Il apprendra de vous qu'on ne l'excite à la licence que pour lui faire perdre le fruit de vos bienfaits ; qu'on lui suggère de ne pas payer les impôts, que pour nous empêcher de rétablir nos finances; qu'on ne l'invite à égorger ses frères que pour engager ceux-ci à la vengeance et pour exciter à une guerre civile; qu'on ne veut une guerre civile que pour avoir Je prétexte de faire entrer chez nous des chefs et des armées étrangers; qu'on ne veut introduire des troupes étrangères que pour mettre en lambeau le plus beau royaume de l'Europe et pour satisfaire Ja vengeance de nos anciens oppressants.
Le silence tranquille vous convenait peut-être, Messieurs, quand, malgré tant d'obstacles, vous vous occupiez nuit et jour à avancer votre Constitution. Maintenant, il faut crier à haute voix, et opposer toute la force nationale au complot contre la nation et contre le trône. Ils veulent nous ôterla liberté, nous crierons: Liberté! Et ce cri, répété par vingt-cinq millions de Français, sera la sauvegarde de nos frontières et fera tressaillir de joie toute l'Europe.
Bientôt on vous présentera, Messieurs, le plan d'organisation des gardes nationales, les moyens
de soutenir la force de l'armée par la force de la nation. Les soldats citoyens n'attendent que ce moyen pour prendre les rangs et les formes que vous leur indiquerez.
En attendant, tout le monde se convaincra de eelte grande vérité, que la nation et le roi n'ont qu'un même intérêt; vous méditerez avec sagesse les principes politiques qui naissent de nos relations avec l'Europe; et, en éclairant le peuple sur les suggestions dont on l'entoure, et sur les pièges qu'on lui tend, vous entretiendrez, vous rallumerez le feu sacré dont il brûle pour la liberté; et qui doit le rendre ua des premiers peuples du monde.
Je concluais à demander qu'il fût décrété: 1° La nomination d'un comité déjà demandé pour prendre communication des traités;
2° Que le roi serait supplié de donner les ordres nécessaires pour envoyer un nombre suffisant de troupes sur les fontiéres voisines des lieux où les princes étrangers ont rassemblé des armes et des soldats et pour garnir les forteresses;
3» Que les Français absents du royaume, pour quelque cause que ce soit, et qui n'ont pas prêté le serment civique, seraient tenus de déclarer, dans un terme fixé, s'ils adhèrent ou non à ce serment; et qu'en cas de non adhésion, ils seraient déchus du droit de citoyen actif.
Ge dernier article était fondé sur ce principe: qu'Une société qui se constitue doit savoir quels sont les membres qui consentent ou ne consentent pas au droit commun, et que ceux qui n'y consentent pas n'ont aucun droit aux bénéfices de la cité.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, député du Puy-de-Dôme, demande un congé pour aller prendre les eaux du Mont-Dore.
Ce congé est accordé.
M. de La Luzerne envoie un mémoire pour faire connaître les dépenses du département de la marine «t des colonies pendant l'année 1790. Ce mémoire est renvoyé au comité de la marine.
rend compte qu'il a présenté à la sanction du roi/ sept décrets, savoir :
Du 26 juillet»
« Décret qui autorise la ville de Douzy à emprunter la somme de 10,000 livres. »
Dudit jour.
« Décret qui autorise les officiers municipaux de la ville d'Annonay à un emprunt de 4,000
livres. »
« Décret qui autorise les officiers municipaux de Saint-André de Vaiborgne à imposer la somme de 800 livres. »
Dudit jour.
« Décret qui autorise les officiers municipaux de Vignan, département du Gard, à imposer en une ou deux années, à leur choix, la somme de 6,000 livres. »
Dudit jour.
« Décret sur les droits de voirie et plantation d'arbres dans les chemins publics. »
Dudit jour.
« Décret portant réduction des traitements ac cordés pour la table des officiers généraux de la marine. »
Du 28 juillet.
« Décret qui ordonne qu'en exécution de celui du 28 février, aucunes troupes étrangères ne pourront entrer dans le royaume qu'en vertu d'un décret du pouvoir législatif; anhulle les ordres émanés du secrétariat de la guerre, et porte différentes dispositions relatives à ia police des frontières, à la liberté du commerce français, et à la fabrication de canons, fusils, et à la distribution des armes aux citoyens, partout où la défense du royaume rend cette précaution nécessaire. »
présente à l'Assemblée une note de M. le garde des sceaux, oui envoie un mémoire de M. le bailli deVirieu, chargé des affaires de l'ordre de Malte.
Un de MM. les secrétaires fait lecture de ce mémoire qui a pour objet Je décret du 3 juillet présent mois, par lequel il est ordonné que le produit du rachat des droits féodaux appartenant à cet Ordre, sera versé dans la caisse de l'extraordinaire, jusqu'à ce que l'Assemblée ait pris un parti définitif. -Cette disposition est regardée par M. 1er bailli de Virieu comme Une sorte d'expropriation provisoire; il pense cependant que l'Assemblée nationale ne peut être raisonnablement soupçonnée de vouloir dépouiller un Ordre dont le droit de propriété est reconnu par toutes les puissances de l'Europe, et pour lequel il réclame la protection du roi.
Déjà les réclamations de cet Ordre sont venues traverser la marche de l'Assemblée nationale ; j'ai alors demandé que l'on s'occupât de savoir si les ordres de Malte, de Saint-Lazare, du Saint-Esprit et d'autres, peuvent subsister dans la Constitution. Je propose aujourd'hui de renvoyer cette question à l'examen du comité de Constitution, auquel seraient adjoints deux membres du comité ecclésiastique, deux du comité militaire et deux de celui des pensions.
Cette motion est adoptée, et le décret rendu en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète que la note adressée par le bailli de Virieu, pour l'Ordre de Malte, au ministre des affaires étrangères, sera renvoyée au comité de Constitution, lequel, après y avoir appelé deux membres du comité ecclésiastique, deux membres du comité militaire, deux membres du comité de la marine, deux membres du comité des pensions, sera chargé d'examiner tout ce qui regarde les différents Ordres de Malte, de Saint-Louis, du Mont-Carmel et de Saint-Lazarre, de Saint-Michel et du Saint-Esprit, de faire incessamment son rapport à l'Assemblée de l'état desdits Ordres, et de lui présenter les projets de décrets qu'il jugera convenables. »
Vos commissaires se sont réunis hier pour examiner l'état du placement des troupes, fourni par le ministre de la guerre : nous y avons trouvé qu'il n'était pas toujours conforme avec l'exposé des villes qui ont adressé à l'Assemblée des mémoires pour demander des troupes. En consultant les députés de ces villes, nous avons recueilli quelques notions ; mais notre travail demande encore plusieurs jours.
Nous devons aussi observer qu'ayant trouvé un traité de la France avec la Savoie, qui a le même objet que celui de 1769 avec l'Autriche, il nous a paru nécessaire que l'Assemblée nommât un'comité pour en faire l'examen, ainsi que des aotres traités qui existent avec les différentes puissances. Ce comité, composé de douze personnes, prendrait connaissance de tout ce qui est relatif aux affaires extérieures du royaume, en rendrait compte à l'Assemblée sous huit jours, ^proposerait, en même temps, ses vues sur les moyens de pourvoir à la sûreté de l'Etat.
, député de Nemours» Quelles que soient les menacés qui nous sont faites de la part des puissances étrangères, leurs tentatives, en supposant qu'elles en projettent, seront impuissantes, si l'union, si la concorde ne cessent de régner entre les gardes nationales du royaume et -les troupes de ligne. Il n'est pas de puissance plus formidable que celle que le patriotisme arme et réunit» Quelles sont les puissances auxquelles on suppose des intentions hostiles ? La population de l'Autriche entière ne s'élève qu'à 15 millions; celle de la Prusse, à 5,500,000 nommes» Mais si nous ne devons pas être effrayés de ces prétendus armements, nous n'en devons pas moins surveiller les moyens de défense, et Chercher à connaître les mesures prises par les ministres pour fortifier nos frontières, et les mettre sur un pied respectable. J'adopte donc la motion de M. Fréteau.
(de Saint-Jean-d Angély). La partie de cette disposition, qui a pour objet de charger des commissaires d'examiner les traités qui nous lient aux puissances étrangères, doit être adoptée; mais la seconde partie est inconstitutionnelle. Le décret qui donne au roi l'initiative serait détruit, si le Corps législatif chargeait des commissaires, pris dans son sein, de présenter des projets de plans de défense. Vos ennemis ne demanderaient pas mieux que vous vous arrogeassiez tous les pouvoirs; ils se serviraient de ce prétexte pour rejeter sur vons les fautes des ministres, dont la responsabilité serait anéantie.
J'observe que, Bi ce décret est adopté, l'Assemblée réunira tous les pouvoirs.
Je demande que les membres de ce comité ne puissent faire partie d'aucun autre comité, afin de ne pas ralentir le travail.
La proposition est infiniment simple. Il s'agit de créer un comité du nombre de membres qu'il vous plaira de fixer, chargé de prendre connaissance des traités et des relations extérieures de la France, pour en rendre compte à l'Assemblée.
Comme le secret sur les délibérations du comité devra être gardé» je crois qu'il est bon dénommer six membres seulement, si vous jugez à propos de nommer cêcotnité, qui, je le crains, sera une cause de lutte continuelle avec le ministre.
Je conviens que le secret doit être observé en maintes circonstances; j'insiste néanmoins pour que les ministres soient tenus de rendre compte à l'Assemblée des mesures prises et à prendre pour la sûreté de l'Etat.
Tout est contradictoire dans cette discussion. Les uns veulent le secret, les autres des déclarations formelles. On Veut obliger les ministres, dans le même moment, et à parler et à se taire. Entre les dèux opinions, il faut choisir.
II est peut-être possible de concilier les deux sentiments $ui agitent l'AsSem-blée. Les objets généraux qui doivent nous occuper pour la sûreté de l'Etat sont l'organisation de l'armée et des gardes nationales. En ce qui concerne la formation d'un comité des affaires étrangères, voici le projet dé décret que je vous proposé :
« Il sera nommé un comité de six membres, chargé de prendre connaissance des traités existants entre la France et les puissances étrangères, et des engagements respectifs qui en résultent, pour en rendre compte à l'Assemblée au moment où elle le demandera. »
(On demande à aller aux voix.)
(Le projet de décret de M. Emmery est adopté.)
L'Ordre du jour est la discussion du projet de décret du comité des finances, présenté dans la séance du 25 de ce rnoisf sur l'émission des assignats.
, rapporteur, exposé en quelques mots l'objet du projet de décret (1).
La fabrication des billets portant promesse d'assignats me parait sujette à beaucoup
d'inconvénients ; d'abbra il faut en faire l'émission double, au lieu de simple qu'elle
devrait être. Pourquoi faire deux papiers différents pour la même valeur ? C'est le moyen
d'augmenter sur la place la concurrence du papier, ce qui fut toujours une source
d'agiotage. Suivant ce projet, il va s'établir une caisse d'amortissement. L'expérience, ne
nous apprend-elle pas que, dans un moment de Crise, on peut suspendre l'échange et laisser
en circulation les uns et les autres ? Je demande que l'on décrète d'abord s'il v aura ou
non des billets portant promesse d'assignats, et
Je me suis frappé d'abord de la justesse des réflexions de M. Camus sur la nécessité de constater l'annihilation des billets portant promesse d'assignats. On a déjà pris des mesures de toute espèce, l'Assemblée peut encore en prendre de nouvelles. Quant à futilité de la fabrication, je réponds d'abord qu'il faut satisfaire à l'empressement du public et mettre le Trésor public à portée de faire ses payements sans interruption. Nous avons fixé l'émission à dix mille par jour; il sera possible d'augmenter ce nombre par la suite. Le trésorier de "extraordinaire n'a d'autre fonction que de donner des délégations sur nos biens nationaux et d'éteindre nos dettes. Je persiste donc à demander que les articles soient adoptés.
demande qu'on ajoute à l'article 11 ces mots : « et que le comité des finances présentera un projet de décret pour constater l'annihilation et la brûlure d'autant de billets qu'il en sera échangé pour des assignats, conformément aux décrets des 19 et 21 décembre 1789, et 16 et 17 avril 1790. L'addition et les articles sont décrétés ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité des finances, a décrété ce qui suit:
« 1° A compter du 10 août prochain, les assignats créés par les décrets des 19 et 21 décembre 1789, 16 et 17 avril et premier juin 1790, seront échangés, par le trésçrier de l'extraordinaire, contre les Billets de la caisse d'escompte ou promesse d'assignats, qui seront présentés à cet effet par le public, jusqu'à concurrence des sommes qui lui seront dues par la nation pour le montant des billets ou promesses d'assignats qu'elle aura remis au Trésor public en vertu des décrets de l'Assemblée nationale;
* 2° Il ne sera délivré et échangé que dix mille assignats par jour, de 1,000 livres, 300 et 200 livres indistinctement : il sera pris les dispositions nécessaires pour éviter la confusion et le désordre que pourrait occasionner l'empressement de ceux qui demanderont successivement l'échange de leurs billets. Le comité des finances présentera un projet de décret pour constater l'annihilation d'autant de billets qu'il en sera échangé pour des assignats. Lesdits billets seront brûlés en présence des commissaires nommés par l'Assemblée nationale. Les commissaires en dresseront procès-verbal, en se conformant, dans cette disposition, à l'article 14 du décret du 16et 17avril;
« 3°Pourla facilité de ces échanges, déterminer et fixer les fonctions de la caisse de l'extraordinaire, et être assuré que le service du public sera rempli sans interruption ; les sommes qui devront être fournies au Trésor public continueront à lui être délivrées en billets de caisse servant de promesse d'assignats, sur l'autorisation qui en sera donnée successivement par l'Assemblée nationale, jusqu'à la concurrence de la somme de 95 millions, laquelle, avec la somme de 170 millions précédemment versée par la caisse d'escompte, conformément aux décrets des 19 et 21 décembre, -et celle de 135 millions qui a été successivement fournie par ladite caisse, en conformité des décrets des 17 avril, lljnai, lw et 19 juin, et 4 juillet, complétera celle de 400 millions, montant total des assignats qui ont été destinés au service des
années 1789 et 1790, et qui, par les échanges qui en sont ordonnés à la caisse de l'extraordinaire contre les billets de caisse ou promesses d'assignats, fournis en exécution des décrets de l'Assemblée nationale, éteindront en totalité les dettes de la nation envers la caisse d'escompte. »
L'ordre du jour appelle la suite des rapports du comité militaire.
fait le rapport suivant sur l'organisation de l'armée (1).
« En exécution de votre décret du 22 de ce mois, le ministre de la guerre a fait parvenir à votre comité un mémoire sur les motifs qui l'ont déterminé à porter à 151,000 hommes le nombre de soldats en activité, nécessaires pour la défense du royaume.
J'aurai l'honneur de vo s donner tout à l'heure lecture de ce mémoire.
Par une suite du même décret, votre comité doit vous présenter ses observations sur les diverses parties de ce plan, et c'est une obligation que nous allons nous efforcer de remplir. Quelques différences d'opinions avaient paru d'abord s'élever entre les membres du comité; mais les discussions auxquelles nous nous sommes livrés pour remplir la tâche que vous nous aviez imposée, nous ont conduits à un avis commun. Animés tous du même esprit, nos différentes idées se sont combinées par la discussion, et nous avons adopté les résultats que nous allons vous offrir.
Nous avons cru qu'en consultant les décrets constitutionnels qui, sur ces objets, donnent l'initiative au roi, la marche que nous avions à suivre était de vous présenter successivement les différentes parties du plan du ministre, en énonçant à la suite de chacune d'elles l'opinion motivée de votre comité sur l'adoption, le rejet ou les modifications qui pourraient y être apportées.
Les tableaux qui forment le plan du ministre, qui sont sous vos yeux, et dont je vous donnerai successivement l'explication, vous mettront à même de suivre facilement l'analyse rapide que je dois vous offrir du plan du ministre, dans l'organisation des différentes parties de l'armée.
Pour mettre de l'ordre dans une manière assez compliquée, et y répandre toute la clarté dont elle est susceptible, je vous présenterai d'abord l'opinion du ministre et celle de votre comité sur le nombre total des hommes dont l'armée doit être composée.
De là je passerai à la division et à la distribution de ce nombre total dans les différentes armes.
Sur chacune de ces divisions, je présenterai des détails relatifs à la dépense, au nombre des officiers,à la composition et à l'organisation des corps.
Enfin, je terminerai ce travail par un résumé précis sur ces différentes parties, et je vous présenterai la suite du décret que votre comité m'a chargé de vous proposer.
Si la brièveté du temps qui s'est écoulé depuis que le comité a définitivement arrêté les
dispositions que je vais mettre sous vos yeux, ne m'a pas permis de donner à ce travail
considérable tous lés développements qu'il aurait peut-être exigé, je tâcherai au moins d'y
apporter assez de méthode pour que des résultats adoptés après des discussions approfondies,
auxquelles ont été
Yous n'avez point oublié, Messieurs, que le ministre de la guerre vous a proposé de porter à ' 151 mille le nombre de soldats en activité, nécessaires pour la défense du royaume.
Voici le mémoire explicatif dont il a appuyé cette proposition :
.« Du
« Messieurs, par votre décret du 22 de ce mois, vous avez arrêté qu'il vous serait rendu compte des motifs qui ont déterminé à vous proposer l'entretien d'une arméede 150 mille hommes. Dans un délai aussi court, je ne puis qu'indiquer rapidement tous les objets qu'il faut considérer pour se former un résultat de la force nécessaire à la sûreté d'un Empire.
« G'est de la nature de son gouvernement, de sa position géographique, de son étendue, de sa population, des alliances, des ennemis qu'il peut avoir, des forces qu'ils peuvent employer, que se compose le système de la défense d'un Etat.
« Telles sont les importantes considérations d'après lesquelles vous avez à fixer quelle armée peut être nécessaire à la France pour la guerre. Il s'agira d'examiner ensuite jusqu'à quel point cette armée peut, sans inconvénient, être réduite à la paix.
« Sans doute il appartenait aux représentants de la nation française de consacrer, les premiers, ce grand principe de justice, que la force militaire n'est créée que pour la conservation de l'Etat et non pour son agrandissement; mais ce système justeet modéré n'en nécessite pas moins de grandes armées. S'il faut ne pas vouloir la guerre, il faut pouvoir la repousser avec la vigueur ; il faut surtout, autant qu'il est possible, chercher à en porter le théâtre chez nos ennemis.
« Défions-nous, Messieurs, de cette politique timide et trompeuse, qui dirait qu'il suffit de bien garnir nos frontières; nous avons besoin, au contraire, d'armées fortes et manœuvrières qui, agissant avantageusement au dehors, éloignent de notre pays les maux de tout genre qu'entraîne la guerre avec elle. Nous devons chercher à faire vivre nos troupes aux dépens des Etats qui nous l'auront déclarée : alors nous obtiendrons, à la fois, repos pour le peuple et soulagement pour le Trésor public.
« Si vous considérez la force des armées qui peuvent nous être opposées, vous verrez que l'état de paix du roi de Hongrie est de 230 mille hommes, et que la conscription établie dans ses Etats peut les porter facilement à 300 mille.
« L'état de paix du roi de Prusse est de 200 mille hommes, et une circonscription d'un genre plus rigoureux encore peut les porter également a près de 300 mille.
« Le contingent de l'Empire est de 30,000 hommes, et doit, selon les circonstances, pouvoir se porter au triple de cette force.
« G'est contre une ou plusieurs de ces forces, auxquelles peuvent se joindre des puissances du Nord, que nous devons songer à nous défendre.
« Mais il faut ajouter à la liste de nos besoins la conservation de nos colonies dans les deux Indes, et la garnison de nos vaisseaux. Les puissances maritimes nous obligent à de grands efforts, non seulement pour garantir ces impor-
tantes possessions, mais pour la protection que nous devons à notre commerce. C'est donc à une guerre de terre et de mer tout à la fois qu'il faut que nous songions à faire face; et je pense, Messieurs, que vous en conclurez que, dans une telle position, ce n'est pas trop d'avoir un état militaire constitué sur le pied ae 250 mille hommes, c'est-à-dire sur un pied plus faible que celui de chacune des puissances avec lesquelles nous pourrions avoir la guerre, quoique nous soyons presque toujours assurés d'avoir à la faire et sur terre et sur mer.
« Aussi, Messieurs, est-ce à l'hèureuse position géographique de la France, au nombre et à la liaison de ses forteresses, à la nature de ses alliances, que nous devons de n'avoir pas besoin de plus nombreuses armées pour défendre d'aussi vastes possessions, une aussi grande étendue de côtes et de frontières.
« Je vais indiquer maintenant l'emploi des 250 mille hommes que je crois nécessaires à la défense de l'Etat. On ne peut pas couvrir nos frontières, depuis Bâle jusqu'à la Meuse, avec une armée moindre de 80 mille hommes; on ne peut pas en avoir moins de '60 mille pour pénétrer dans les Bays-Bas et s'y maintenir; la frontière des Alpes demande 30 a 40 mille hommes, parce que la nature du pays donne aux euuemis que nous pourrions avoir dans cette partie plus de facilité qu'a la France pour surprendre le passage des montagnes ; la garnison de nos vaisseaux exige au moins 18 mille hommes; celle de nos colonies en demande à peu près autant.
« En récapitulant ces différentes forces, vous trouverez 216 mille combattants, et cependant il n'en est pas encore un seul employé à la garde des places et de nos côtes.
« J'ajouterai donc, Messieurs, au nombre ci-dessus , de 216 mille combattants, une réserve d'environ 34 mille hommes, formant à peu près le sixième de l'armée, tant pour réparer ses pertes que pour la garde de nos forteresses.
« L'histoire des guerres passées devient ici un témoin précieux et irrécusable de la nécessité de cette force militaire.Gonsultez-là, vous nous verrez, sous les règnes précédents, avoir constamment en armes un bien plus grand nombre de troupes.
« En bornant donc à 250 mille hommes les armées françaises, je n'ai point fait la supposition de la réunion de toutes les puissances contre la France, je n'ai fait que prévoir des événements ordinaires et dans l'ordre de la vraisemblance, et j'ai cru qu'il fallait abandonner aux efforts du patriotisme le soin de surmonter les obstacles extraordinaires.
« Maintenant, Messieurs, s'il vous est prouvé qu'une arméede 250 mille hommes est absolument indispensable pour faire face aux besoins de la guerre, je vais indiquer jusqu'à quel point cette armée peut être réduite pendant la paix.
« Les 250 mille hommes me paraissent devoir être composés de :
Cavalerie... 40,000 hommes.
Artillerie... 14,000 —
Infanterie.. 160,000 —
Réserve.... 36,000 —
Total.... 250,000 hommes.
« Il est reconnu que l'instruction des troupes à cheval et celle de l'artillerie demandent une longue éducation et une constante habitude. On
ne peut pas indifferemment diminuer la force de ces corps ; on ne peut pas se flatter de trouver, au moment d'entrer en campagne, beaucoup d'hommes formes pour ces deux services; il faut donc en reduire le nombre avec mesure, et je ne pense pas qu'il puisse l'etre au lela du quart pour ces deux armes.
« Quant a l'infan terie, lorsqu'elle est bien cons-tituee, lorsque le nombre des officiers et des sous-officiers, restant le meme, la diminntion ne chaque compagnie un fonds suffisant d'hommes bien instruits, cette arme peut etre reduite dans une proportion double de celle de la cavalerie.
« D'apres ces principes, Messieurs, une armee de 250 mille hommes pourra supporter une reduction de:
Cavalerie... 10,000 hommes.
Artillerie... 4,000 -
Infanterie... 50,000 —
Réserve:-...; 36,000 —
Total_____ 100,000 hommes.
ce qui laisser^ l'armée à 150,QÔO hommes; mais aûssi, cette rédiuclion, d£jà forcée', est ja seule praticable. Au delà de cette mesuré» la sûreté de l'Etat et l'honneur de hos armes §e trouveraient compromis, et la nation ëptrètienqr^it toujours à grands frais une armée insuffisante."
« Je yous prie, Messieurs, d'obsery,er qu'en établissant l'état de paix de la J?rancjerâ 150 mille hommes, lorsque celui d'Autriche est à 23Q mille, et celui de la Prusse à 500 mille , j'§i calculé surtout lès moyens militaires de porter à la perfection l'instruction de cep 150 mille nommes ;/é ne pQrle point de pette perfection minutieuse qui fatigue les troupes et qui ne peut jamais avoir d'application à la guerre, mais de cg||e vraiment nécessaire et qui ne s'acquiert que par une lon-gùe présence sous les drapeaux .
« On s'égare, Messieurs, lorsqu'on voiis parle d'une instruction d'un mois par an, comme pop-yant être suffisante ; sans compter tous' les autres inconvénients de ce régime, sans attaquer l'économie qu'on s'en promet, sans calculer que l'exécution en serait ordonnée et peut-être difficilement suivie, je puis vous assurer que les individus soumis à ce seryice en feront toujours trop pour leur liberté et trop peu pour leur instruction» Ce système est incomplet, et si une puissance étrangère le pratique avec succès, d'abord c'est avec un service plus long que celui qu'on vous propose, et c'est parce quelle y joint des moyens qu'assurément vous Êtes loin de vouloir qu'on emploie dans nos armées.
« Je termine donc mon opinion, Messieurs, par établir qu'il ne faut pas moins qu'une armée de 150 mille hommes en activité pendant Ja pajx, et qu'il faut que 100 mille auxiliaires soient tenus prêts à y-être incorporés' au moment de la guerre.
« Signè : La Tour-Du-PiN. »
Vous venez d'entendre, Messieurs, la lecture du mémoire du ministre de la guerre.
Il vous a présenté d'iVèrses combinaisons politiques qui vous obligeraient à employer des systèmes différents dé'dêfense et à'mettre sur pied une plus ou moins grande quantité de forces. Ces suppositions l'ont conduit à la nécessité d'une armée de 250 mille bommes pour la défense de l'Etat.
Leministre s'assure cette masse de forces par l'entretien, pendant la paix, d'une armee active de 151,899 hommes et de 100 mille auxiliaires, toujours prets a etre incorpores dans l'armee active.
Ces deux choses sont absolument distinctes.
Nous n'àvptis point pebàéy1 Bùmme'le ministre, qu'il fût n^CesËaire d avoir, eii! temps qè paix, iuO mille nom|nès én réserve pour augmenter, en caç de gperré/1 l'armée actïVe.* Cè^bombré qu'il demande, d'aprèà Une des suppositions Oui' entraîneraient l'emploi le plus considérable'de forces, nppg a paru pouvoir être réduit à 50 mille hommes. M. JSmmery vous a développé, Messieurs, ses îdéès $-sdet'-$gard ; iës; frais' qu'ehtràîttèrafent les '^xillaii^s*' pourront éé trouver'en partie, sans'être obligé d'augmenter la sbmme demandée paî" le ministre, dans lès économies qui doivent résulter de ce qu'Un tiers environ des soldats, dans l'infanterie/et un (ifuart dâîis la caVà-lërTe, seraient en Congé pendant' neijf ihoiè de Ji'année» avec une demi-solde. '
Sur le d'hommes qui doit composer l'armée active, votre comi|é a adopté, à très pëù jjé cfiosés prés, m proposition du ministre'de la guerrjç. Pqjir appuyer ëettë proposition, ' le ministre yûus ' présemei dans ifnr tïiértioirê, ''un $P$rêu principes gënéranx qui' tfôivènt déterminer les fôrces militâfHîs de là France; il aurait pu, si le temp^ et lès Circonstance^ le lui pussent 'permis, l'appuyer 'de plusieurs' autres ràisobs, et dë l'autorïfé d'un grà'rtd Nombre de militaires fameux.
Je me bornêrài à joindre apx motifs qu'il vous a pr^septés, là considération d'é' notre position actuelle, dé l'état présent de l'Europe et dés Circonstances politiques qui nous environnent : ce n*ést pas iofsdùe Tput nous ijM i iiéfcessité d'en imposer' aux ennemis de n6trè Révolution;; lorsque le triom phe qu'obtient parmi nous la cause de l^'|ibèrféV inquiète et, agité1 chez leë aUfrès pëupies tous les dépositaires de l'autorité ; lorsqu'il est facile présumer quë les efforts ét les bompipts dé nos j^ëconfënfs trouveraient chez qpélqueç-qns d'çux dé' puissant^ Sècoqrs, qu'il peut être question d,e regiér l'état de' nos fOrces jppit^ir^s au^e^sôus des moyens dë défense quë hbps presçqt,' ^u sèiri de là plus pFofpndèkpaix:, l'éfat mililairjB ae j'Eprope. Lé temps, et surtout les progrès dçs principes d'équité pblitiqqe dont nous i^oppops ^exemple, produiront sànls doute puVrêdnchon graâpelle dans' î^ notooré'de soldais" que lès aifrèrenies 'j)ui'ssahcê§litfé 'l'Éur^b Ji^nnept actnellemept sur pied ; mail le Sp^ces mênie dp çes ^rfpciêes'et là^lièYeméïït'tlef'hptre Peyplution' exigent què poUs as^dÏÏ0|iy àdjBjtfiS 4'lflij la paix par uhe .cqnjepance 'imposante ;!èt nous devons lafre respecter cette mqrôfe'qùf boite interdit topte'à'ggreèsion cori|,re les autrës peuplés, en nons montrant prêts à repousser celles qpi pourraient|t"rg' tëù't'ées çpvnfrë nous. '
Je sais qu en partant de cès'ijïéeÈu er en jçtant |,es veux sur |eg armées qu'en tjreuëhnent Jes'i'ois (je frpsse' ét e popgrie, le nopûbre ^'béAimes que nous'proposons'pourrait paraitrè irtsiiffisant ; mais nous $vons peflsé, Messieurs, qu'iùd^en-dapimenf dg |>energi^ extraordihalrë' qù^o^i âoit toujours attendre "tfe pftdyensi d'hommes qUi orit vraimént une patrie, et qui combattent' pour sa défense, la France possédait assez de mff^ens (l'accroître c.ette arméc au' moment de là guerre, §t de porter" rapidement ses forcés" aù niveau de cellèg qui pourrajent êtrë employées contre ëllei, pour être pleinement rassurée contré les plus
extrêmes suppositions. Si l'on considère, en effet, quelle facilité doivent donner aux moyens de recrutement et d'accpoisseipent l'immense population de cet Empire,'et le traitement favorable à tous égards dont lpg décrets que vous avez rendus, et ceux qui voûs ^eSfent a rendre encore à leur égard, doivent faire jouir les soldats Français ; si 'l'on* considère les ressdiïrcés 'que présenteraient, dansées cas extraordinaires •a'jhva&iôfb'/âë ligues entreprises contre noùs,;ceS tmlftè*s nationales armées' pour la Constitution 'ët ?â liberté, on repoussfera,ttbiltes'' fesiiràUiëtudes bui'pourraient nàître)déHlâ^comparaison de ûo'fre armeè active, avec céllefe' des puissaticës militaires 'de l'Europe ;' ort pêOSera, côtomë ië mihiètrë de la guerré'et cômme Votre çomité, due vs'il'est indispensable dè conserver' s tp! pied tfbe a^mêé Hètivë de 150',000 hôffi'més environ,!) éfette kftnéel' bièn organisée pourra* suffire' à'fôptrë' ttositiôft? efqe notnbrè partiîtrâ le1 plus - propre a 'cîonclHé^ Ce qu'exigent'(le nous la» sûreté mtériteUrë 'ét êxttë-rieuré; ladignité -dd'la natibri!eï'lëS''VUes; d'èéÔ-horfiie qu'il 'n'est p&s pernil^' âux représentants de là nation ttê: rfégftger.
Appuyé sdf Ctes^èfoïïsidératiqns, votre comité vous "'jtfbpôëerd"5 ;de pôné^^'arjiiWaéfive^^oiîiV l'année l'79'f à 153;849 hommes. Ce nombre s'éloigne peu'deCêlui qu'a proppSé lé' miniâtrè }jer'ia giiërrè." Les'déveTôppërheiSts qui suivront'présenteront les motifs de la difference.
Lé tninistre a tfiviSé en ^Idèieufs tableaux le plâfl W formation * et d ' or ga nis a £ i on d y ' rt? fti él* qtt'il vouS a présenté ; le iire'tole^'dé des est intittilé": fàblèau fiënêfat ïïe Ta, ffi'rddliôii^e Formée'; le second'': Tableau gênêtdl des'dépensés de l'état-major de l'armée; le troisième et fjua-trièmdV' Pbrmatïôh âésWê'giménfs'H'fnf^tèfih; le cindiUièirf^ et?;l'ë!:&i$iéme;^ FSi'matyàncfés'Hïêgï-ménÛ de'cêvalbrje ; 'le'septreftie :' Formttiioiï de Vdftillérie'; 7èvHuitièÉe ïÇp¥pèuàû jénièt; lê'iteu-viéme: Etat-des dépèMes àcàesèoifei; fé 'di^i&fô : Etal généf-àl des dépensés de l'armee.
Le premier; ^eéônd et dixièmé tableaux pe présentant qû'é ;des résulfàts gétféraUx 'dê'Jpririatitfn et de dépenses hûi exigent laçpnûaîssaticé'préalable des détails de èè'tte même Torifràpdn, ^ai cHu nd! déV6ifMvouà èoUmeitrë les observations qui y sont relatives, qu'à la lin dç çe rapport, eÉ'ïje cehfamëhfcfe l'éxaml'ii du plan tonistre par les tMsiêÈë èt tfuatrièjiiè tàpîëaux ç(ui prê-ëè'ntëj^; ' la ^formation et la depense de l'infanterie.
N0' III ET IV.
Infanterie.
Les numéros | ejt 4 présentent la formatjqp des régirtierits Ç'irffantèrje, ëV lp numéro 6, qui dés légions,' renferme ce qui çônçérnë j'jpfonterie tjè'des corps.^fies numéros offrent aussi l'état des dépéUses que ces ^ifférénts corps nécessitent. Suivant'ceb tableaux, îeminiStré demande 103,687 hommes, non compris 6,(?p4 officjers, qui posent le nombre fcôtàf de l'inranterié à li0,2£{ hommes, dont 72|> officiers et 10,703 sous-officiers ou soldats suisses.
11 divise1 92,9$4 français qui, compris les officiers,' forment' un total (Je 99,588, en 196ba-feillons, dont 138, sôys la dépoipination de bataillons de caippagne, sont de' 10 -compagnies ; 46, sô'us celle de bataillons de garnison, sont de 8 compagnies; et (3ouze attachés aux légions
sont également de 8 compagnies. Chaque compagnie é8t dëîWKomfJieâ'J savoir gOuâ^ôffiôitrs, 1 rpurriër, 6'rck]rorà(ix, 1 itatobdur;,39 êVehadiëfâ, chaé&eùrs oq fUsifiëre.' Ctidqtië' cbmpagriîê rest c6rlimândéê!'par;,tin 'èâpita'îrië^lin liëtrtënatit, un SouS-Iieiit^'nattt. Lë 'ttnrifêtfeT'fdrfaiè' de'ceé' bà'tailfôns'fra^aifej' 4$!^êgifaieiftS tt'é'^batàiflofak, corn mandés par -tin "'cofwfél; 3 lièfitënïfnts-coïcj-hel'S, ët l^bàTàill'dhs4'^ légfon'é1, cortiràlàttfclSà^pafr' l'Ifthîtêtla'nt-èèiotfel j-ét iïpbHfê lâ5 dëpetfée^ {06ur lë.¥°46 régiments; à litYë^'pbur îés 12f Kàtaillôn'i dp^ lé-iiôri'é,'à 1^783,512 nVFes;'ftolir 'il 'régiments sdiysesj dont la cBmp6sifi8HrMte' la'-ïâèttie, â 5V6^,t89 'livres : éh total,11 poti^ ffb faqlefié1 fran-jjaise' et suisse a 39.161.549 livres
Votrê comite a pènsë, MeMHéu'rs, que le nom-bre'u'bqmtiiè^, îjropdà^' pjSir fè!,,'Mïnis^e |iour "à ibfmaM^dë> rin|ântâ4e,' deyrait être ' augjneqié de .^pO^lioipfmés péinr, ècVêé res iSatstllfôii^ crias^ui,sique i^m!s|re'Httàiclië''aplt! que Votre comité croit "plus a^antd^eu^ de fajfe rejUrfer uanà les régiriientb;' pbrpè'r a: 54 hqmtHes là rorce dç^ côjtapagnij^s, pon'fàiblei à ^j'commè Ië mitfistre-*le'p^o'posej^ètnOur^Urfer le'sèr^ipe, et ffftsfmcppn des 'feamlmnl Ijin^dans lè plàn du ' mmiStrè^èont à 'OT'hptnmès,' érqûe ^it#^Ôtreralt,1par Cetfe dis^mônl'à'plp. L'ifa-fto'rodVanuu'u§â paratijonf1 dë'chasseurs uans lès régiments'payait utn'e à votrë êbniîï^'tfabbrd éû ||Ù'e)|è q'onnêfaît uûe éconouiiê pàr ïà sup-pr^siôji dé 1? lletjtenànts-ôjilôrîet^, de 12 cfljar-t|ers-inaîtçê3, '96 ^ôj^§-JjeuteMnfs, qiii qpnnéraif le moVë'n'dfatta-fcjfôfi par .çnàçftiè 'r^imept^ Un qUaftïeme Jieilf^-f]nt-ç^Iprjej aif ^atriëmë j)âtaj||on, qiesure jnië yptra qomu| ef tpps qu'i| a'àppél^s à ceg ^isgûlsipn^ ont rép.rdee"comihë ihdzèpep#a-b|e.'pe q^iâpiègip batàî||oq, (JeHnt ^itnentër ]ès 3 autres ^'^tpe'je (j^ rinsWpcfipq^doit sans ddïife être comqîànfié par ofqpier supérieur : fi !sera{|; tfail'jèufs facile dëfôririer,'comme on fa toujour§ fait, jjps bafaiffons dé cffassëur's au (mo-mepf de la guerre, et péjif-^tre fp^îne àyeç plus (jp suct^s, ay^pf le phQÏx bhj tqûte pnfapteïie. Jîlàjs un av^n^ge plus Imporlant cvést râpgmën-m]ôn ^e ja torce 4ês^'pqmpàgnigs, ^ugmënjatipn ppcessaire ppur -la per|ection de l'ihstructio'ii1 et qqf dopperaif poSsip]|it"e 4e restreindre lès-dépense? de l'^çpa^e, pn ' perippitàn^ d'envoypr''en pongi, ^erqatiypiûént pendant 9 mois de l'année, ppgimes par ri^imepf d'infanferiè. Le comité a crq que ce nombre de' 5^2 hoinqies Sur un rè-gimentdp 2,0)58 bornmés, étant & p§ïï près IMqui-valenj'qes semestres et congés çjohnéé jusqu'à ce moment, ppuyait étrê éloigne du régiment pendant ce temps, san§ gue. lë service et l-iqs-trpctiop pussent pp souffrir;- l'économie "qui re-splterait' de ces • cppgés^ qui ne jouiraient que de la demi-solde pendant lepr apsence, spfeyieridràit en partie aux dépenses des àpxiljaipes qu'jl est essentiel (^entretenir pour remplàcêr lés Milices dont le régime ést prQ§èrit par |a QonStitution, et pouvait être àssuj-e cependant 4u nomjjre d'hommes nécessaires pour jnettrp au premier ordre'une armée de 200,000 hommes sur pied.
Le comité approuve la foripation des régiménts de 4 bataillons; il a fondé"son ppinion à cet égard sur l'avantage immense- que présentent les corps considérables, soit pour l'instruction, pour l'unité de principes et de moyens de disci? pline en temps de paix, soit pour l'ensemble èî l'impulsion en temps de guerre; il a pensé, avec tous les militaires et notamment avec M. le prince
Henry de Prusse, que cé qui nuisait en ce moment à la perfection de l'armée française, était l'extrême faiblesse des régiments et des bataillons et escadrons ; que cette faiblesse était la possibilité de jamais manœuvrer par le front calculé dans les principes d'évolutions; qu'elle était par là aux officiers le moyen de se former le coup d'oeil pour la guerre; que cette faiblesse de corps déjà si fâcheuse pour l'instruction devenait telle après quelques jours démarché, qu'un régiment d'infanterie pouvait à peine mettre sous les armes 8 à 900 hommes ; que cependant c'était sur des corps aussi peu nombreux qu'il fallait diminuer 150 ou 200hommes; pour opérer la réduction de plus de 30,000 hommes sur l'armée, réduction nécessaire pour qu'elle ne s'élève pas au-dessus de 150,000 hommes environ. Le comité a pensé qu'il n'y avait que deux manières d'opérer cette réduction. La première était de retrancher des hommes dans les corps, et, par là, de les réduire absolument à rien . La seconde de réformer des régiments, et, par cette mesure, de priver un grand nombre d'officiers et sous-officiers de leur état. L'incorporation, au contraire, et surtout celle qui aurait lieu par le doublement, n'entraîne aucun inconvénient ; elle ne sépare rien, ne détruit rien : elle laisse le nombre des places, à l'exception des places d'état-major, absolument le même; elle ne peut apporter de changement que dans le rang des officiers, et quand ils ne retireraient pas de', la nouvelle formation soit pour les appointements, soit surtout pour l'avancement, des avantages considérables, je présumé trop de leur patriotisme pour croire qu'ils présentassent aucune objection ni qu'ils fissent paraître le moindre regret, persuadés, comme ils le seront, que vous aurez été déterminés par l'utilité publique. Qu'on éloigne donc tous les motifs de crainte, de dangers, puisés dans les circonstances ; qu'on éloigne ces assurances d'opposition et de résistance que repousse le patriotisme connu de l'armée, et qui ne peuvent faire balancer lorsqu'on est sûr de la bonté de la détermination que l'on prend.
Les différences qui existent entre le plan du ministre relativement à l'infanterie'et l'opinion du comité sont: 1° que le ministre porte à 103,687 hommes la force de' l'infanterie que le comité porterait à 105,877, différence de 2,190 hommes en plu3, suivant l'avis du comité; 2° que le ministre ne met pas de quatrième lieutenant-colonel pour commander le quatrième bataillon, et que le comité le croit indispensable; 3° que le ministre ne met que deux adjudants-majors, par régiment, et que le comité en propose quatre; les officiers, appelés par le comité, ayant pensé que ces adjudants devant être établis pour servir, dans les manœuvres, d'officiers-directeurs, il était indispensable qu'il yen eût un attaché à chaque bataillon ; 4° enfin que le ministre forme douze bataillons de chasseurs, et que le comité les fait rentrer dans ies régiments, pour porter les compagnies à 54 hommes que le ministre ré-duisait à cinquante ; opération d'où il résulté une diminution de 312 officiers.
Quant aux dépensés de l'infanterie, suivant le plan du minisire, elles s'élèvent à 39,161,549 livres; suivant l'avis du comité, à 39;439,343 livres : ce qui fait une différence en pins, d'après l'avis du comité, de 277,794 livres, au moyen de laquelle somme il obtient une augmentation de 2,190 hommes.
Nos V et VI.
Troupes à cheval.
Les numéros 5 et 6 présentent les diverses formations des régiments de cavalerie et de dragons, celte des légions et l'état des dépenses que ces différents corps nécessitent. Suivant ces tableaux, le ministre demande en total 29,634 hommes, et 27,924 chevaux, qu'il divise en 192 escadrons ; 72 de cavalerie, 48 de dragons, et 72 pour les légions. Chaque compagnie, dans la cavalerie et les dragons, est de 74 hommes ; sayoir : 3 sousrofficiers, J 1 fourrier, 8 brigadiers, 1 trompette, 57 cavaliers ou dragons montés, 4 à pied. Dans les légions, les compagnies sont de 80 hommes; savoir, 3 sùus-officiers, 1 fourrier, 8 brigadiers, 1 trompette, 63 chasseurs montés, 4 à pied. Chaque compagnie est commandée par un capitaine, un lieutenant, 2 sous-lieutenants; il est de plus attaché à chaque escadron un capitaine sous la dénomination de capitaine-lieutenant, tenu à un même temps de service que. les autres capitaines, et jouissant d'appointements. Le ministre forme, de cet ensemble, 42 régiments, dont 18 de cavalerie, et 12 de dragons de 4 escadrons, commandés par un colonel, deux lieutenants-colonels ; et 12 légions de 6 escadrons, commandés par 1 colonel, 3 lieutenants-colonels; et il en porte la dépense : pour la cavalerie, à 8,240,760 livres ; pour les dragons, à 5,401,608 livres ; pour la cavalerie des légions, à 8,548,548 livres': en total, à 22,190,916 livres.
Votre comité a pensé que les 29 à 30 mille hommes demandés par le ministre, formant le .cinquième d'une armée de 150 mille, était la véritable proportion où devait se trouver la cavalerie, relativement aux autres armes; qu'avec l'augmentation d'un quart qu'elle peut supporter, et qui pourrait s'effectuer facilement au moment de la guerre, elle se retrouverait dans la même proportion d'un cinquième, pour une armée de 200 mille hommes : le nombre d'hommes et de cbevaux demandés par le ministre, lui paraît devoir être adopte.
Il approuve, de même, le nombre et la formation des escadrons, la division des compagnies, lé nombre des officiers, sous-officiers, brigadiers et cavaliers. Il approuve également la dépense qui ne paraît pas être forcée ; il croit seulement qu'elle pourrait éprouver une légère diminution, si son avis sur le nombre des régiments était adopté.
C est sur ce point, Messieurs, qu'il s'éloigne des vues du ministre. Le plan proposé présente 42 régiments de troupes â cheval, 30 de 4 escadrons, et 12 de 6 escadrons. Le comité a pensé qu'une formation uniforme pour tous les corps de cavalerie aurait les plus grands avantages; il a pensé que des corps considérables avaient toujours plus d'ensemble; que l'objection que la discipline était plus difficile à obtenir dans des corps nombreux, tombait par la séparation des régiments, proposée en 3 divisions de 2 escadrons, chaque division commandée par un lieutenant-colonel ; que cette formation, en réduisant à 32 le nombre dés régiments de troupes à cheval, diminuerait celui des états-majors, éteindrait l'espèce de rivalité que la différence des formations établit dans les troupes à cheval, et le dégoût qui en résulte dans celle des armes, qui se croit l'infériorité sous quelques rapports. Enfin, il a pensé
que si on attachait d'une manière particulière un maréchal de camp à chacun de ces régiments, au lieu d'employer les généraux seulement auprès des troupes, tels qu'ils le sont aujourd'hui et que le ministre le propose; il a pensé, dis-je, qu'il en résulterait des avantages considérables, liais à toutes les raisons qui militent en faveur de cette formation, s'est jointe une considération de circonstances de la plus haute importance, et qui lui paraît devoir décider entièrement la question. G'est que le doublement n'opère aucune séparation, que les 3 escadrons d'un régiment sont réunis aux 3 escadrons d'un autre; au lieu que, dans le plan du ministre, les 3 escadrons d'un régiment incorporé sont dispersés dans trois régiments différents ; qu'il sépare ainsi des hommes accoutumés à vivre, à servir ensemble, et qu'il opère un déchirement dangereux dans tous les temps, mais particulièrement dans les circonstances présentes. Cette formation de 6 escadrons, qui n'est autre que la réunion des brigades formées par le conseil de la guerre, et qui, dans le premier moment, au milieu de beaucoup de partisans,trouvait cependant quelques contradicteurs, a, dans un comité nombreux d'officiers généraux et particuliers, réuni tous les suffrages et obtenu un assentiment général. Parmi les différentes objections que l'on avait d'abord présentées, une des plus importantes était la difficulté des établissements; mais votre comité a pensé que cette considération ne pouvait nullement s'opposer à une formation qui offrait d'aussi grands avantages. Il a pensé qu'il était important de rendre les établissements des troupes à cheval d'une utilité publique; que leur séjour dans les villes, où les denrées sont toujours plus chères, augmente les dépenses, et qu'elles établissent une hausse dans le prix des denrées, désavantageuse aux citoyens ; il croit donc qu'il suffirait de conserver, dans l'étendue du royaume, huit à dix établissements dans les grandes villes, telles que Metz, Strasbourg, Valenciennes, Lille, Besançon, etc., où les établissements sont en partie formés, et où ils pourraient être facilement perfectionnés, et que le reste des troupes à cheval devrait être réparti dans l'intérieur des provinces pour consommer les denrées sur le sol productif, et répandre la fécondité par ses engrais.
Avant devous proposer de décréter le nombre d'hommes, les sommes nécessaires aux dépenses des troupes à cheval, je dois Vous faire connaître, Messieurs, que votre comité,, occupé de restreindre la dépense, autant qu'il est possible, a pensé qu'il pourrait être envoyé en congé pendant neuf mois de l'année, alternativement, un quart des hommes de troupes à cheval, nombre à peu près équivalent à celui des semestres, et des petits congés accordés jusqu'à ce moment ; que ces hommes pourraient être réduits à la demi-solde, et qu'il ne serait fait fonds pour les masses de boulangerie, de bois et de lumière, que pour le temps de leur présence : les autres masses devant toujours rester complètes. L'économie qui résulterait de ces congés de neuf mois, servirait à payer 7,292 auxiliaires, proportion environ du quart dont je vous ai représenté l'augmentation nécessaire en cas de guerre.
Votre comité vous propose d'adopter le ptan du ministre, quant au nombre d'hommes, à celui des chevaux, au nombre et à la formation des escadrons et des compagnies; il diffère seulement dans Je nombre des régiments que le ministre porte à 42, et que votre comité voudrait réduire 3 2 : ce qui supprimera dix colonels, dix quar-
tiers-maîtres, et quelques hommes d'état-major, et diminuerait la dépense de 545,084 livres.
Il vous propose aussi, lorsqu'il vous soumettra les dépenses de l'état-major général' de-l'armée, d'employer un maréchal ae camp, comme général, à chaque régiment, au lieu de l'employer seulement auprès des troupes.
N° VII.
Artillerie.
Le n° 7 du plan du ministre de la guerre présente le tableau de l'organisation qu'il propose de donner à l'artillerie.
Avant de vous faire connaître les différences qui existent entre ce plan et l'organisation actuelle, il est important de vous rappeler, Messieurs, que cette organisation est l'ouvrage de M. de Gribeauval qui a joui, dans toute l'Europe, d'une si grandé rêputation militaire, et qui, par ses talents supérieurs dans cette partie, est devenu une autorité si imposante, que des avantages démontrés pourraient seuls décider à apporter des changements à son système.
M. de Gribeauval a pris pour bases de cette constitution la nature du service de l'artillerie en paix et en guerre. En paix, pour l'instruction des soldats et des officiers. En guerre, pour l'action de cette arme devenue si importante dans les armées modernes. .Il a semblé à votre comité militaire que ié système de guerre étant le même, aucun motif ne demandait qu'il fût apporté de changement dans l'ouvrage de M. de Gribeauval.
Nous ne détaillerons pas dans ce rapport général toutes les observations que font naître lès changements faits par le ministre dans le corps de l'artillerie. Ces observations vous seront présentées, avec l'étendue qu'elles exigent, dans un rapport particulier : aujourd'hui nous dirons séu-lement que le plan du ministre ne conserve de la constitution établie par M. de Gribeauval qu'une seule disposition, celle d'avoir sept régiments d'artillerie, chacun de vingt compagnies à 54 hommes, tant sous-officiers que caporaux et canonniers.
En effet, cela excepté, la composition des officiers de l'état-major et des compagnies diffère absolument dans ces deux formations.
Dans le système de M. de Gribeauval, observé jusqu'à ce moment, l'état-major est composé d'un colonel, un lieiitenant-colonel, un major et cinq chefs de brigades, pour qu'il sé trouve un officier supérieur à la tête de chaque division d'un régiment. Le plan du ministre réduit à cinq les sept officiers de l'état-major, ce qui désordonné le principe sage et utile de M. de Gribeauval. Chaque compagnie est commandée en çe moment par un capitaine et trois lieuteuants. Le plan du ministre; y réforme un lieutenant; mais pour avoir encore quatre officiers, par compagnie, il y place un capitaine en second. Il existe dans l'ordre actuel 84 capitaines en second ; mais ils sont tous attachés, pour leur instruction, aux divers établissements où se fabriquent les armes et toutes les machines de guerre, et succèdent, suivant leur ancienneté, au commandement des compagnies; et comme le nombre des compagnies, dans les régiments, est de cent quarante, et que le ministre propose d'attacher à chacune un capitaine en second, il faudra donc porter à cent quarante les quatre-vingt-quatre capitaines en second qui existent en ce moment, c'est-à-dire augmen-
ter, de cinquante-six, les individus de ce grade. Nous vous observerous que cet arrangement est defavorable a l'institution de M. de Gribeauval.
Ces lieutenants, Messieurs, ce sont ceux qui ne sont parvenus à ce grade qu'après de longs et utiles services en qualité de canonniers et de sous-officiers, et le nombre des réformes serait, selon ce plan, de cent douze s réforme injuste qui éteindrait le principe d'émulation qu'on a voulu établir, (la^s.un service pép qui priverait
ces iest^m£(Blës înilit^jf^s, d\i prix.de leurs travaux ; reforme iin politique ,quj.i|e§ redUjiraitjpentj être,,à la, pécçssit£ de, i^ryir ç.pèZjdes puissances éiràngè};^i(jalouses qe nôtre ftôrpç cÇaf till^rLç, ,ët qùi,Jtmanqua#i deicèsr|tàlépt^,Jj,|pieîiji,J|' iijief-tpaientL l^plu^Jliaq^pr^^t feraient servir çpp-tre,là Francs une pratiqué ëçj^ir^ë, une jéijiijjâ-tipd militairé qqi.a coûté beaucoup à }a.^Uon: Nous avons pensé,, Messieurs, qu'il sûfjj.sait^xjlq vous soii,mettre, ces réflexions^ ,pbi[r ^fo^. faire rejeter sur4e-champunë mesure,, apssj fàc.neu?,e pour des bbmmes qui méritent autant .d'intérêt que les lieutenants en trpi,siè|pecle l'artillerie.,
Le noiqbre des inspeptëurs; généraux de. l'ar? tillérie est.de dix,,Le,Plan du. mii^sjrejçs féduit à Ç, et comme, céjtte réduction rend impossible (e service,de ces ..ofneieçs généraux, fqui était,déj^ très .difficile, vu leur ^ge avsinçé^t.vu l'étendue de. leurs fonctions) puisqu'ils doivent, inspecté? annuellement Jes . tipupes de l'artillerie, i toutes les.places.dé guerre et les établissements, relatifs à fie peryioe-! Le ^ministre,, RQurJeSj suppléer, porte jusqu'à dOhze i(es commandants d'école qui ne font que sept. Ce qui fait, pn ofificiçr gèQéqal dé plus dans les.deux.premiers grades réunis. Le double emploi pour les mêmes fonctions serait,iin des moindres,inconvénients decesjcbangqraenfs* Il se trouve aujourd'hui deux directions pojjr l'artillerie de tolité^lés .places du royaume,.celle de Corse .comprise. Leiibinistre en réduit le nombre à seize;>mais,indépendamment de la trop grande étendue que cette réduction donnerait à la surveillance de chaque directeur, il eUièstré* sultêj dâns lë pjan dd , ministre, ,1a nécessité d'ajdiiter urinfficier supérieur à chacune des nouvelles directions: .
Ainsi; dpns l'ordre actuél, il existe yingtfdeilx. colotlels directeurs e,t vidgt-th)is lieutenantâ-eo-1 lonéls soîis-directedfs, totdl quararite-cin4 oifl-ciét-s supérieurs pour les directions^ Lé plan du ministre propose. seize coldnelé directeurs et trerite-deui liehtenants cblonëls sdus-dirëcteursj total quarante-huit officiers supérieurs ptitir le même service. Ld différénce est-donc de trois officiers supêriedrs en plus dans le plan du ministre. Ce même plan l-éduit à 30 les soixante-deux capitaines *en prëinierj attaelië&aux plab&3 de gbert-è, Satis doute, la &dj}préséion d'une partie des forterësseS nécessitera cèlle des capitaines qui y ibnt fixésj niais cettë sùp^ressidh ne peut être effectuée quë pât ëxtinriti&fi, puisqu'ils ont fait unë sortë dé tràitë àfrëc l'Etat ëh accèptkht ces pl&t-ës, ët tjtië lëur pension dè réforme équivaudrait, pbur le ping grand nombre aux ap-pbintemëritâ dotit ils jbtlISêëht eh bë fflbtnënts
Le fêlan db ministre réildit à sept lëâ heuf compâghieS d'btifriefs; lb^èctUe là di&iHbUtibri de ces bbm pâgûiëfc fiâhâ lë§ jjâtas dès dlfféhëhtés années Stiflit à pëitié àiîît tië§bhi§ dil ëët^icë; de qui aniëUë d'âillèUré titiéî réforme ttë MUit officiërs ët cent soldats ouvriers; espèce d'hommes pré-
cieuse, qui ne se fome qu'avec beaucoup de temps et de soins, et qu'on retrouverait diffici-lement au moment de la guerre.
Enfin, le plan du ministre separe du corps de l'artillerie les compagnies des mineurs pour les donner au corps du dgnie. Les officiers d'artillerie et ceux des mineurs reclament contre cette decision qui devait etre au moins, et poourtant ná pas ete precedee d'une discussion contra-dictoire. L'officier general qui commande ces mineurs, avait expose des principes quie a vaient porte le ministre a ne pas separer les minetures du corps de l'artillerie, et telle etit leur desti- nation dans le plan que le ministre a yait adresse, le 28 mai dernier, au comite militaire. Il les atta-che au corps du genie suivant le nouveau plan adopte par le roi, le 7 juillet; mais il ná expose aucun nouveau motif pour appuyer cette decision.
.lîènV^iîefloit-çin regarder cett^prétepHon.réciproque qës.qeu^ corpÊ.d^ rartili^rjie pt.du génie, suç ies qijiieurs, comme rpccasi,^ preneuse d-u^prpjéi.de .réuRioni.eutre ces dè^x ,çbrps,.,Ce PÎQj^a parUji'npe, graude inipprlanceuà. vptre cçinité^^pus les rapports dp seryiçë et sous ceux de.j'éèpnomi,^ Yptre qonùtéj à réuqL vingt ofn-çiers des. tieiix çprps, ét pliis^eurs,.Oificiers:géné-r raiix, et lpsy;tifiUbei;s,,Ket, aprèaplusieurs çé.an,ces la très!1i^çle .majpjrité a qp8clû.qùfé cette réii? nion, serait éçbjiofuiqnej, féconde en i avap tages* et praticable suiyapt uri mode qui conserverait aux plus ancien^ officiels de? deux corps ,leurs fonq-r tiôps. hajbitueiles, :, leL^inistrç a prohoncé„qu'ii vpyaitJropL d'inconvénients, dans, ce projet- Cependant yptre coinitéjnënse tiu'il 'eat de.son de-VQir.de. suiyre) cette.Wêe importante avec toute l'attention et la prudence qu'elle exige, pour iqettre l'Assemblée len état, dststatuer ce qu'elle jugera le .pl.uô convenable-, MM. de Thibqutot et de Piizi,, phargés ,deS rapports., sur l'artillerie et s0* le génie, vOU^.dëvélppperobt les principes et iesjco.n^éqùences de cette grande opération
.Et soit,t d'après leur opinion^ soit d'après un examen ultérieur^, si vous l'ordonnez, vous sëre* à même de statuer sur un.objet qui ititéresSej de la manière la plus essentielle; la force et les Suc? cès de l'armée. Il nous suffit aujourd'bbi de vous assurer que quelque, parti que.vous preniez, .la somme ,de 4,277^358 livres portée dans le compte dp ministre poiir leâ dépenses de l'artillerie, ne sera pas outrepassée.
P VIII.
Génie.
Le n° 8 préBënte un tableah fie la formation et deâ dépenses du corp^ dii gériië; Je vâid vous donnër connaissance; Messieurs; des changements que lë plan iiropbâé apporterait à la Composition actuelle.
Le corps du ^éhle, dépuis l'ordonnance dû mois de aéeembi-è 1776i ëëtcoiilposê dë i S directeurs des fortifications, qui avaient lé ràng dë brigadiers, du ^ornent de ledr prdfflOtloti à la place de dlrëCtêtiriï. Le surplus du èorpâ dugëdie était de trois bëtlt &éize officiers divisés en Vingt et une brigades,, cbmpdséeà bhâcudë d'bn colonël, d'Un liëUtenàht-bolodëlj d'Ub mâjorj de quatre cabitainës ën. premier; dë bin^ cd|iitâines en së-cbhd ët lie trblM lielltënadts; plÛS, urt Officier ddtlfi l'âVàncément ëtâii bbrtfè àU gradë dë liéd-tenant-colonel et dont les fonctions étaient de
surveiller l'entretien de la gàlériê des plàiis èri relief.
Ges vingt et une brigades étaient réparties dans les différentes directions selbn les besoins du service, et ces mêmes besoins exigeaient souvent que des,,officiers d'une brigade eu fussent tirés soit po.i^, pourvoir àu service des colonjesy épit pour, suppléer aux besoins , extraordinaires du seryiàj dans.J es .différentes directions.,
résultait que la,division dji cbrp'Mju génie nar brigades ét^it, une disposition parfaitement illusoire^ puisque constamment til,etait inêvitable.de, J'altërer,; aujnpyën ,de qupi, le comité ne voit nul inconvénient à i'àbândbdhër comme le fait le miriis.tre. ■i La ^éine ordonnance tcLe 1776 Exigeait, qiiié.les sujets sortis de l'écple,du génie fussëdt iMc^sji-vement attachés à la suite des écoles, dé, l'artillerie et; à la suite de l'infanterie pôiir y pjtèhtfrë une,connaissance détaillée du service de çes différentes arjbquep. Les inçhnv^ients .de aetle.disposition, dont le premier aperçUjétàit fajt jîci^r séduira ne tardèr.eqt pas â;se fairë rem^quer; ils isolaient de jeunes officiers et :Jes ehievâifîpt à la survpillanee immédiate et paternelle delëurg chefs naturels; ils interrompaient, Ipço.ùrs ae leur instruction , et, les. Exposaient a perdre pour longtemps, peut-être même.;pour toujours:» le goût de l'application héwssairë clans ce,métier.
La- foule des sujets ,qui (se présentaient àq concours ppur être àdna/S dahs.le porps ropl,dû génie, malgré l'extension t faite à. J'in^çuctiph exigéet des «candidats, malgré, là, sévérité croissante des. examens,; malgré la réduction djçs pia-r ces d'élèyes, détermina le,ministère à iâutôrisêr l'accroissement 4es surnuméraires qui, dans, moment, souit au ,nombré de 47, ce qui porte lé pied actuel du. corps, du génie à 376 officiers, au lieu àe 329, qU'indiqûë rordoniiànce, Lë.^ninistrë réunit les mineurs au corps du génie, ët comme ce premier chrp.s est dans.l'çtat açtuel de, ^2 plfir çiers, i,l s'ensuit.que ies deux,.corps réunis,sont de quâtrëi tient : huit ofÇiçiers que leiministrë .rë: duit à trois ceht djx ; par conséquent; la réforme est de 98 officiers. Cette réforme paraît b^çn forte^ surtout si. l'on considère que tous les emplois dahs .les.ideuXj corps sont Je prix d'études longues êt, pênibïes.et d'une dépense considérable faite avec incertitude absoiue.du succès,.
Toutes ies réflexions que .j'ai eu l'honneur dp présenter à l'égard ,de i'artiljerie s'appliquent égaiethent au corps du géniè?. et; je doià me, qor-ner à vous assurer^ .comme je j'ai fait à l'arJicIjB précédent^ .que, quelque parti que,vous preniez* ia somme de 951 ,.320 livres, demandée par le mi' nistre, ne sera pas dépasséë.
N° IX
Depenses accessoires.
Le n° 9 présente un élat. général des dépéhsës accessoires au département qe la gu,erre. tCei; état, Messieurs, a déjà été scrupuleusement exà-miné dans votre comité. ; tuais ies détails, en sqpt si nombreux et si compliqués, et lés dépenses qu'il renferme, sont tellement subordonnées aux dispbsitions ultérieures que vous arrêterez sur les divers rapports qui vous seront faits, qu'il serait impossible de vous offrir aujourd'hui un résultat exact et invariablé sur cet. objet., Ën effet, Messieurs,, si, vous^jetez les veux .sur le tableau qui vous est présenté par le ministre,
vous afjercéVrëà SÙr-le-chàihp les i-ëlàtibhà intimes que. les divëi'SëS parties dé dépëtiSës qiii f sont „ poHées. ont avec toiltes les parties de l'or-ganisàtiori générale; foûS çbncevrëz cilié les fraif des étalés, pùnybis militaires et ràèsemblëthefits abnuèls,portés qàris bë cdnoLptë â 1,500,009 liVi;eS; seront cdnsidëfôblenient dimltiùél, si vous dëtèr-minçz tjiie fekPrmPffl sëroritperhiànedtëSi què les etàts-màiors des place^ jrëduitsà wO,00l) livres pourront [jeuf-être l'être ëncûrè davantage d'après le travail, qui. Voiis §erà pçësë;Htê sur là Con-servàtidn où ia dëstr.uctibu dëS plâëëé de giierf-ej que les tràvaUX.de i'^i'liliërië. cëUx dil génie et les bâtiments militaires, portés à 5,400,OOÛ livreS, sont égâiëcdëpt IdijbrdQhneà à.cë travail et peuvent eriçore ;êprolmr lïijë. rëtijtfctioîj, jirft réii-nibd dës aëiix cdrps du géiiiês ët de l'drtiileMë; que lef ^épfepse§ acs. Idvallde.s Êjt récoripedses milifdireS dépëhdënt .des dispositions ifiië v6u§ arrêterez à cet égà/rd^ jàlt, .tluê ctt^ngénielili dans le rëgiinë,àcldel, pouri'aiént appdrtër ëribore des diminutions dahs l(es, dépense^, qli'eiifiri là çodnétabli.q ët la, inàréchàuSëéê, jitirtëëi â 4,778,0QQ livrés, dont l'uiië, la cpnnétàblie, Serà probablement supprimée; etl'aiitrë, la màrëcnaiiè-séq, poùrrà ëtrè inoainëë, peut-êire iiiëinè refnisé aiix j dépaftemén^s, éproûveront aussi dès i-ëdtic-tious ou modidcftiionâ. Vous voyez, d'après cei observations. Messieurs, iju'il est impossible de voiis offrir, dans, ce hiomëiu, ùn^étai inyàriàblë sur toutes ççs {jar^ies dë a&3.eq^ës ; mais Vbtis apercevrëz, ën itiêhie tëhipé, qdë lëè mbdificàtlbhs que peut éprouver l'état présenté, par le ministre; ne peuvent être qu'en diminutions; ainsi, en vous? présentàntj pour métndire, la somme dè 19,304;00Ô livres, demandée pâr le ministre pour les dépenses accessoires du dépàrtëment de la guerre;.- noilS prenoris avec vous l'engagemënti Messieurs^ que cette somme ne sëra pas dépassée, et noilS broyons pouvoir ifods assurer qu'elle éprouvera des reductions.
D'après Celà; Messieurs; VOUS jugez que quoique ndus fle vous présentions pàsj en ce moment, une mësiirë définitive à cet égard ; cependant 1a cer-tltdde què vous avez que la somme demandée par le ministre est le mtixiniù'ni auquel elle puisse s'êleVër j cette certitudëj dis-je, vous met à mêmè d'àrt-êtër défihitivehlent tout èe qui regarde là fot'cë et l'organisation de l'armëe.
Jé viënS de jjarcouHr, Messieurs, les iluhiéros 3; 4; 5^ 6, 7, 8; Ô du plan du ministre, ët qui prësëhtëtit ses viteé Sdr la foVCeet l'organisation de ridfantëriéj de lâ càvàleWej de l'artillerié, dû gêniez ët qui offrent l'état des dépenses de ces diffét'ëtits cbrps; ainsi cju.e l'état général des dé-pëUseé aCëësSOirfeS dii dë^aHetriënt dé la guerre; j'ài ëU égâièthëht l'hontiëur dë vous Souoiettre l'àvis dè vdtrë cdtnitë Stit- tous ces différents objets : il ne më reste hiàintedaiit qu'à vous donner dë§ éclaircisseihëiltâ Shr lës numéros 1; 2 ët 10 c|Ûi, ebliullë je voiis l'âVaiS aiinoncé; ne prësen-feiit qdë de8 ëtàtS génërftui de formatisn et de dë|iên§ë§, ët là compdsition dë l'ëtat-majnr général dé râriiiëd. Ge§ états dé foftnatioh et de dé-pensesTie çpnt.Autr^c^iose que le rappropheflaent dë.jçe que j'ai aeja. deyelqppe stur i^njà^tër^jet lacayalerie, ^t.aé cé qui ^er^, présenté rëlat^vlp meiit à i'arttiieçië, au géjiie ei aux dépense^ accessoires, dans des rappdris particuliers- La partje de ces rapproche,tneiits ^i.jconcé^ne les çbjets, sûr lesquels votre 'a.cjju poiiVlj}r you^mçttre.à mêmëj de. délibérer .dans, cé. ma-, ment», et vpus proposer un â,vi^ ^élçfidWu^, ç'esif à-dirë le nombre total dés troupes et rorganisà'
tion de l'infanterie et de la cavalerie, avec les soldes, appointements et toutes les parties de dépenses relatives à ces troupes, se trouvera dans le résumé qui termine ce rapport, et qui répond ainsi aux numéros 1, 2 et 10. Quant à l'état-major général de l'armée, qui comprend le nombre d'officiers de l'état-major de l'armée, celui des aides de camp et des commissaires des guerres, cet objet, Messieurs, ne laissait pas que de mériter un développement considérable. Il a été examiné et discuté avec soin dans votre comité ; mais il a, à cet égard, de nouveaux renseignements à demander au ministre, soit sur le rang que tiendraient ces aides de camp dans l'armée et sur l'avancement qui leur serait destiné, soit sur le nombre d'ofliciers généraux qui n'est porté qu'à 30 pour les lieutenants généraux, et 60 pour les maréchaux de camp, dans le plan présenté, sans s'expliquer sur le sort des autres, quoique cependant le ministre ne borne sans doute pas au petit nombre proposé ceux qu'il conserverait en activité. Ces renseignements sont nécessaires. Messieurs, pour vous proposer une mesure définitive; mais comme cette partie de l'organisation de l'armée n'est pas nécessaire pour que vous statuiez sur le nombre des troupes, leur organisation et leur solde, il vous suffira d'avoir la certitude que nous pouvons vous donner, avec toute assurance, que, dans ce qui sera présenté ultérieurement, le nombre proposé par le ministre et la somme à laquelle il fait monter la dépense de cet objet ne seront pas dépassés.
Parmi les questions relatives aux officiers généraux, il en est une, Messieurs, qui a longtemps occupé votre comité et tous les officiers qui y ont été appelés : c'est de savoir si les maréchaux de camp seraient attachés d'une manière particulière à chaque régiment, ou seulement s'ils seraient employés, près des troupes, comme ils l'ont été jusqu'à ce moment. Ce dernier avis est celui du ministre, mais non pas celui de votre comité, ni des officiers qu'il a consultés; ils ont tous pensé qu'il résultait les plus grands inconvénients de la manière passagère et incertaine dont les généraux étaient employés auprès des régiments; qu'en changeant continuellement de destination, ils ne pouvaient ni connaître les troupes, ni en être connus ; que les interruptions fréquentes de leur activité leur étaient la connaissance du service et des détails militaires ; au lieu que si le général était attaché d'une manière fixe et invariable aux régiments, ils mettraient plus d'intérêt et dé zèle à acquérir leur confiance, et que cette confiance contribuait essentiellement aux succès à la guerre, et, dans tous les temps, au maintien de la discipline. Votre comité a surtout été déterminé par une considération importante, c'est que les maréchaux de camp étant employés, ainsi qu'il le propose, au commandement des régiments, ne pourraient pas perdre sans motifs leur activité, et que la nécessité d'un jugement, pour les destituer, les arracherait à l'arbitraire des ministres qui, sans cette disposition, resteraient entièrement maîtres de leur sort.
Mais, Messieurs, nous remettrons plus tard ces réflexions sous vos yeux, lorsqu'il sera question de vous proposer de prononcer sur cet objet; mais ne pouvant aujourd'hui les embrasser tous, et bornant les objets que nous présentons à votre décision, au nombre de troupes, à leur organisation et à leur solde, il me suffit de vous répéter, en ce moment, que la dépense présentée par le ministre et ia somme de 2,266,000 livres, portée
dans son plan, et que nous compterons pour mémoire, ne sera pas dépassée.
N° X et dernier.
Vous voyez, Messieurs, parles développements que j'ai eu l'honneur de vous présenter, que votre comité a fixé son opinion, et qu'il vous propose dès aujourd'hui de décretér le nombre d'hommes dont l'armée doit être composée, l'organisation de l'infanterie et des troupes à cheval, les appointements et les soldes de tous les grades dans les différentes armes, et la dépense qui doit en résulter.
L'armée active, que le ministre de la guerre vous a proposée de mettre sur pied, a paru à votre comité devoir être adoptée avec peu de modifications; il a réduit de 194 le nombre des officiers, et il a augmenté de 2,144 le nombre des hommes ; et la dépense totale, pour cette augmentation de plus de 2,000 hommes, n'en est accrue que de 147,594 livres.
L'armée active, suivant l'avis de votre comité, est donc de 143,783 hommes, non compris l'état-major général de l'armée, l'artillerie et le génie portés pour mémoire, suivant le plan du ministre, à 10,066, ce qui fait un total de 153,849 hommes. Le nombre de 143,783 hommes se divise en 6,430 officiers d'infanterie et 1,888 officiers de cavalerie ; en 105,887 hommes d'infanterie et 29,588 hommes de cavalerie. La dépense totale, pour l'infanterie, est de 39,439,343 livres ; pour la cavalerie, de 22,793,716 livres : total pour ces deux objets 64,500,059 livres à laquelle somme il faut ajouter celle de 26,798,678 livres pour les dépenses de l'état-major général de l'armée, celle de l'artillerie, du génie et les dépenses accessoires du département de la guerre, tous ces articles tels qu'ils sont portés dans le plan du ministre, ce qui élèvera la dépense totale de l'armée, suivant l'avis du comité à 88,298,737 livres; tandis que celle du ministre est à 88,151,143 livres : ce qui fait une différence, comme je l'ai dit plus haut, de 147,594 livres en plus, suivant l'avis du comité.
Votre comité s'est plus éloigné de la proposition du ministre, relativement au nombre des soldats auxiliaires ; il les a réduit à 47,936 livres du nombre de 100,000 livres que le ministre proposait : c'est sur ce nombre seulement qu'il propose aujourd'hui de prononcer. Le régime particulier de ces troupes vous sera proposé par M. Emmery, qui a cru devoir réserver ce rapport pour l"e moment prochain où vous traiterez de l'organisation des gardes nationales. Mais je dois vous avertir que leur dépense ne s'élèvera pas à 4 millions et que les bénéfices sur les congédiés de l'infanterie et de la cavalerie monteront au delà de 3,200,000 livres.
L'artillerie, le génie, les dépenses accessoires, l'état-major de l'armée feront nécessairement l'objet d'un examen particulier : votre comité a cru devoir vous présenter sur ces objets ses vues générales, soit pour mettre sous vos yeux les rapports de ces différentes parties avec l'ensemble de l'organisation militaire, dont il vous propose de décréter les principales bases, soit surtout pour vous donner, sur toutes les dépenses de l'armée, des données certaines et propres à fixer votre décision. C'est, en effet, en connaissant tous les objets de dépense auxquels vous aurez encore à fournir, c'est en connaissant d'avance les sommes que ces objets de dépense n'excède-
ront pas, que vous pouvez accorder aujourd'hui avec sécurité et avec connaissance de cause celles qu'exige la partie de l'armée sur laquelle nous vous proposons de prononcer.
Les demandes du ministre sur ces objets sont :
pour l'artillerie, de...... 4,277,358 liv.
pour le génie, de...... 952,320
pour les dépenses accessoires, de 19,303,000
pour l'état-major, de...... 2,266,000
Total...........26,798,678 liv.
Assurés de faire des réductions sur quelques-unes de ces sommes, nous pouvons vous assurer qu'aucune ne sera augmentée dans les avis que nous vous proposons. Le retard de notre opinion sur ces objets, qui vous sera très incessamment présentée, ne saurait donc apporter d'obstacle à la décision que nous sollicitons aujourd'hui sur tout ce qui concerne l'infanterie et les troupes à cheval.
Il est instant d'organiser l'armée : l'intérêt de la nation, le sort des militaires, les circonstances dont nous sommes environnés, l'agitation de l'Europe, les événements qui semblent se préparer, nous le prescrivent impérieusement.
L'armée s'est ressentie, comme le corps social entier, de la secousse violente qu'a dû produire le passage d'un ordre de choses ancien et oppressif à un ordre de choses tout nouveau. Il est temps d'y assurer, avec ces lois bienfaisantes, qui sont le fruit de la nouvelle Constitution, et qui doivent faire le bonheur du soldat, cette discipline exacte, sans laquelle il n'est pas de véritable force militaire et sans laquelle les armées, cessant d'être utiles au dehors, deviennent bientôt redoutables à la tranquillité du dedans.
La nouvelle organisation militaire rendra l'armée française aussi imposante pour nos ennemis que rassurante pour les citoyens. Ces troupes, que l'honneur a toujours animées et qui trouvent aujourd'hui un nouveau principe de valeur dans le patriotisme qui les enflamme, surpasseront l'espérance des citoyens, quand une organisation bien entendue donnera le développement le plus avantageux à leurs forces et à leur courage, quand des lois militaires sages et ponctuellement exécutées dirigeront vers ie bien commun tous Jes sentiments généreux par lesquels elles sont mues.
Hâtez-vous donc, Messieurs, pour l'avantage de l'armée et pour le salut de la patrie, d'achever ces lois militaires, dont les premières ont été reçues comme autant de bienfaits, et dont celles qui doivent succéder vous sont demandées avec l'ardeur d'un zèle qui brûle d'être utile et de servir son pays. Que les militaires connaissent exactement les biens dont ils doivent jouir, et les devoirs qui leur sont imposés; qu'ils les connaissent, et la soumission la plus profonde et l'exécution la plus ponctuelle prouvera que la véritable liberté est amie de l'ordre, et que le patriotisme est dans tous les états le principe certain de l'accomplissement des devoirs.
S'il est vrai que quelques dangers nous environnent, s'il est vrai que les ennemis de la chose publique cherchent à fomenter des divisions au dedans, qu'ils y trament des complots criminels; s'il est vrai, comme on l'annonce, que des ligues au dehors, des entreprises perfides, menacent notre Constitution naissante,et semblent vouloir étouffer dans son herceau la liberté de l'univers, hâtons-nous de donner à nos forces militaires
cette énergie et cette impulsion qui ne peuvent être que les résultats d'une organisation sagement combinée ; avantages que rien ne peut balancer, et qui seuls peuvent assurer le succès des armées : hâtons-nous donc de les procurer à l'armée française, pour ne pas exposer la valeur des généreux militaires qui la composent, à essuyer des revers pour la première fois qu'ils combattraient véritablement pour la patrie et la liberté.
Les idées que nous proposons, Messieurs, ont été longtemps discutées avec des militaires expérimentés; les légères modifications que nous apportons aux idées du ministre de la guerre ont été particulièrement l'objet de cet examen et ont été presque unanimement adoptées. Toutes tendent à augmenter la force de l'armée, soit par le nombre des individus, soit par la formation des corps, sans en augmenter la dépense. Nous les présentons à votre délibération avec la confiance que nous inspire la réputation des militaires qui ont coopéré à notre travail, et la puissance des motifs qui nous ont déterminés, et qui, dans le cas où elles essuieraient des oppositions, vous seront développées dans le cours de la discussion avec plus d'étendue que n'a pu me le permettre l'extrême brièveté du temps que j'ai eu pour faire un travail aussi difficile, par la multiplicité des objets que j'ai eus à mettre sous vos yeux.
Voici la suite de décrets dans lesquels nous avons cru devoir réduire la partie de l'organisation de l'armée, qui nous a paru susceptible d'être mise en délibération.
Projet de décret.
L'Assemblée nationale, délibérant sur le plan d'organisation de l'armée qui lui a été présenté, delà part du roi, par le ministre de la geurre; et après avoir entendu son comité militaire, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. L'armée sera composée en ofliciers, sous-officiers et
soldats, pendant l'année 1791, de 189,719 hommes, dont 143,783 en activité; et 45,936 soldats
auxiliaires, non compris l'artillerie, le génie et l'état-major général de l'armée.
Art. 2. L'armée active sera divisée dans les différentes armes, en 6,430 officiers, et 105,877 hommes d'infanterie, 1,888 officiers et 29,588 hommes de cavalerie; la distribution en sera faite ainsi qu'il suit.
Infanterie.
Art. 3. L'infanterie sera composée de 100,878 hommes, officiers compris, forman t 46 régiments français; et de 11,429 hommes, officiers également compris, formant 11 régiments suisses: total 112,307 hommes.
Infanterie française.
Art. 4. Les régiments d'infanterie française seront de 2,069 hommes, formant 4 bataillons, dont trois bataillons de campagne, et un bataillon de garnison; chaque régiment sera commandé par un colonel, et chaque bataillon par un lieutenant-colonel.
Art. 5. Les trois bataillons de campagne seront chacun de 10 compagnies, et le bataillon de garnison de 8 ; chaque compagnie sera de 43 soldats,
1 tambour, ;6caporauxt ï fourrier, â .sergents; en total. 54 hommes,, jeonicoan.dés par 1 capitaine, 1 lieutenant, isous-iieu^enant.
Art.i 6.. Le. nombre des x^pçier^ sdus-offiqiçrs et. soldats, non^compris lès officiers .généraux, sera , ainsi pour les. ,46 jPégjp^ents, d'infaniecie française : 46 colonels; 184 lieutenarits-cblphejs, 46 quartiers-maître^ i 4 §.4,,,^^Judan ts^rnç^çg> 1,748 capitaines, 1,748 lieutenants, l^S^squs-lieutenants,\jL84 ;ad.jud.an,ts> AjB. ;taipbpurs-(majors, 5,244 sergents, Îi748,fôvrçiêjrs, 10,534 caporaux, 24 lO iambojjrs ou .musiciens, 75,302 grenadiers, chasseurs ou fusiliers;
Appointements.
Art. 7. Le colonel aura 6,(30.0. livres d'appçnnie-ments par année; les.deux premiers lieutenants-colonels auront 4,200 .livres;;., les, deux.seconds lieUtenantSrcqlonéls, .3,600 livres ; les. quartiers-maîtres , 1,;400 livrés; lès adjudants-majors, 1 ,'200 livres; les, capitaines*de la première classe auront 2,700 livres ; ceux delà seconde, 2*400 livres ; ceux dè la troisième, 2,200livrés ; ceux,de la quatrième, 1,700 livrps ; et,ceûxde,la cinquième; l;5001ivres ; les lièutenants auront 1,000: livrés; les sousT-lieutenants, 800 livres; ;les adjudants auront 668 livres ; les tambours-majons, 443 livres ; les Caporâlix-tamboqrs, 335 livres ; les musiciens, 353 livres ; les sergents-majors de grenadiers auront 461 livres; de chasseurs; 452 livres & de fusiliers, 443 livres ; les sergents de grenadiers auront 413 livres;,de chasseursT 386 livres; de fusiliers, 377 livré! ; lès foUrHfers de grenadiers auront 341 livres; de chasseurs, 332 livres; de familiers, 323 livreè; les,caporaux de grenadiers abront 323 liyres; de chasseurs, 314 livres j. de fusiliers^805 livres; lès tambours de grenadiers âuroht 305 litres ; les tambours de grenadiers auront 305 livres ; dë chasseurs; 296 livres; de fusiliers) 287 livres^; 4es grenadiers auront 269 livres i lèfe chasseurs, 260 livres ; les fusiliers; 251 litres, toute masse comprise.
Art. 8v En conséquence; la dépense, d'un régit ment d'infanterie sera'de 733,599 livres, joute m^sse comprise, ét celle des 46 régiihëhts; de 38;749.,554 livres.
ïnfanterie suisse.
Art. Les régiments suisses seront de973 hommes, formant deux bàtâllldns. Chaque régiment sera, commandé par un colonel, un lieutenant-bbionel. un major.
Art. 10. Lés deux bataillons seront chacun de D Compagnies ; une de gréMdiërs; huit de fusiliers : chaque compagnie de grenadiers* sera de 40 grenadiers, 4 appointés, 1 tambour, 4 caporaux; 2 sergents, 1 fourrier; en total 52 hommes, commandés par 1 capitaine, ,1 ^lieutenant, 1 sous-lieutenant. Chaque cBmpdghië dë fusiliers sera de 37 fusiliers, 6 appointés, 1 tambour, 6 caporaux, 3 Sergents, 1 fourrier; àU total54Sommes commandés par 1 capitaine, 1 lieutenant; 1 sous-lieutenant.
Art. 11. Le nombre des officiers et soldats sera ainsi: pour les 11 régiments suisses^ 11 colonels, 11 lieutenants-colonels,! 1 majors, 22aides-»majors^ 22 sous-aides-raajors, 44 porte-drapeaux, 11 qUar-tlers-maîtres, 198 capitaines, 198. lieutenants^ 498 sbus-lieu tenants ^11 tamboursrmajdrs, 44 prévôts, 198 fourriers, 572 sergents, 1,144 caporaux,
1,144. appbintés, 7,216 grenadiers oti fusiliers, 374 tambours.
Appointements
Art. 12.'Le colonel aura 12,00!) liytbs d'ap-poiniemçntë -par année, le , lieutebayicolonéi 3,00dlivres ; le major, 6,600 livrés ; leé aides-majors, 1,800 .livres ; les sous-aides-majors, 1,200 livrés ; lé^ ptirte-drapeaux, 600 livres ; les quartiers-maîtres, 1,200 livres ; les capitaines de grenadiers, auront ,6,892. Ml IfiSj capitaines fie fusiuërs.de.la première classe, 8,41$ livres: ceux delà peuxiê/në classe,.7,800 livres; les iieùte-haptgjiïë grenadiers auront 1,^60 livres; les lieU-tçnemts de fiisiliejs,, 1,44Q livres ; les sous-jièu-tenanis dçgrenadieî's, l,^00jUy^eS; les sous-liéd-tènants; dë fusiliej*§, 1,152 ,livres.
itLes^tàmbqurs-maiors^aurbnj; oroi livres;, îëâ prévôts, 775livres; les fourriers, ser|eiits, capo-r raux, appointés, tambours.et,grenadierjS auront 307 livres; les fourriers, .çèrgènts,. caporaux, appointés, tatqbbur^. et. fusiliers .aconit 295 livres.
Art. ,13. Èp, conséquence, la dèpènsje d'u\h régiment d'^nfantérié suisse gërçj, toute ni^s^ conir prisé, de 515,799. livres, et pourleMl régiments sijiss^s, a^. ^73,789uli^res^i çt coi$prëjb$i}t 20,000 livr.é^ accordées, en supplenjejpt à^x Régiments a'Ërnést éj; Steiuer, la dépense sera, eh total, de 5,693,789 livres.
Cavaterie.
Art. 14, 1,888 officiers, 29,588 hommes de cavalerie seront divises en 12 regiments de cavalerie, 8 de dragons et 12 de chasseurs.
Art., 15. Les régiments de cavalerie et de dragons seront de 898 hommes, et ceu$ de chasseurs def969 hommes, formant; trois divisions iieideux escadrons : chaque^ègiment sera, çppimânclé par un colonel; et chaque division par un lieutenànt-colpnel.
.Art. 16. Les escadrons.seront chacun dë deux compagnie; chaque compagnie dans la cavalerie et les dragons, sera de...61 hommes, l trompette, 8 brigadiers, 1 fourrier, 3 maréchaux des logis; en,total 74 homopses^copamandés par 1 capitaine* 1 lieutenant, 2 sous-lieutenants; dans les chasseurs, de 67 chasseurs,. 1 trompette, 8. brigadiers, 1 fourrier, 3 maréchaux des logis ; en total 80 hommes, commandés par 1 capitaine, 1 lieutenant et 2 sous-lieutenants : il. sera attaché en outre à chaque escadron 1 capitaine-ijeutenatit.
Art 17. .Le nombre des officiers* sous:officiers; cavaliers; dragons et chasseurs, nomcompris les officiers généraux^ seTa ainsi , pour les 32 régiments dé troupes à cheval, 32 colonels* 96 iieu-tenants-Colonels, 32 quartiers-maîtres,. 57Ç; capitaines; 384 lieutenart ts,i 7,68souârlieUtenants,i96 adjudanta, 1,216 maréchaux des logis, 384 fourriers, 3,072 brigadiers, 24,436 cavaliers, 384 trompettes;, total 31,476 .hommes. ...
Art. 18. Le colonel aura 6;000 livres d'appointements par année ; le premier lieutenant-colonel 4,400 livres ; le Second lieUtenant-çolonel 4,000 liyres; le troisième lieutenant-colonel 3jtjOQ.livres; ie quartier-maître; 1,400 livres; les capitaines de la première clâsse auront ^800 livres ; .ceux de la seconde; 2;200 livres; ceux de la troisième, tëOOji* vres ;. lès lieutenants auront ljlOO livres \ les soUs-Jièutenantâ, 800 livres.
Les adjudants dans la cavalerie auront 758 li-
vres,; les toarépbaùxdesibgis enjÇhpf, 551 livres j les m^réçhjaux.des logis, ordinaires, 515 livres,; lep fourriers, 44$ livres ; les brigadiers, 413 livres ; les trompettes, 497.livres ; les cavaliers» 365,livres ; dans les dragqos et les chasseiirs, les adjudants àiirprit,750 pvjés ; Jcjç, màrécpaux dé§, logis eq, 543 livras. ; les fliaréçh^nx des logis .orfli^ riajresL 507 j i,vres ; les i fourriers, 441 i ivres ; le s brigaji jèrs}, 4p5 livres; Jfis j[çampëljl;es,44S9 livres ; leS(urâgpns.étXesLchasséurs 351,livres.
Art. 19. dépense d'un ment, d,e cavalerie,, toute masse comprise, sera dft679,950jivres:, et pour douze régiments de cavalerie, 8.159,400 .livres.
La depense d'un regiment de dragons sera de 668,456 livres et pour huit regiments 5,347,648 livres.
La dépend d'un régiment; de.chasseurs .sera de 7,12,889 iivres, et pour douze régiments^,554,668 livres.
La dépense de trentes deux régiments de troupes à cheval sera aé 22,061,716 livrés.
notà
En jpig|iapt au nbiphré de .143,7,&3 hommes d'infanterie et de cavalerie ; porté par Jes articles «ci-dessus, celui de 10,024 hommes porté dans le plan du ministre pour .l'artillerie, iegéhie etl'étatrma-jprgénérai.de l'arméeUe nombre Jotal des individus de. l'armée active, géra defl,53(8i}^ hommes.
En joignait à Ja.; gomme de ,6 livres pontée par les artiçies cirdessus pour la dépense de l'infanterie et de la cavalerie j. celle de 5^28,678 livres demandée par le ministre pour, i'.artillerje et le génie, celle ie 2»266,OOÔ livres,pour l'état-major,général de l'armée, et celle de 19i304j00p lièvres; demandée également par le mipisirei,. pour les dépenses.accessoires»,ia somme totale affectée à l'armée pour l'année 1791 serait de 88,298j737 livres. g
On à annoncé, dans le rapport, qup iès propositions que fera le comité militaire relativemen t à ces trois dernier^ objets de dépenses, n'excéderont certainement pas„ etréduiront vraisemblablement les .sommes demandées par je ministre
On a également annoncé qUe la dépense de l'àrméejauxiiiaire se trouverait payée parjà somme de 3» 147,608,livres 10 sols, à économiser sur la dépense de l'armée active; ,au rnoyéd des Cdhgés à demi-Solde, qui seront accordés, pendant neuf mois de l'année, à l'infanterie et à la cavalerie; sUivantles proportions ihdiquéés.dans ce rapport. Ainsi, dans les vues du comité, la dépense totale de l'armée bë.pourra jamais excéder la somme indiquée bi-dessus.
Plusieurs membres demandent la parole.
aiiponce qùë M. de docnerel demande que,des commissaires de Saint-Domingue soient admis à la Jfariie pour présenter une pièce qu'ils disent importanté.
Je demande, en meme temps, qu'il soit donne lecture d'une piee adressee de Saint-Domingue et qui est parvenue a notre president.
J'ai, eneffet, recu un paquet; mais je l'ai fait porter tout de suite au comite colonial.
Il a été, en effet, adressé différentes
pièces à l'Assemblée nationale par l'assemblée générale de la: cblotiie ae 8aihtDt)tilingue,et ces pièces ont été portées au comité des colonies.
Au nombbë tfeëës pièce! èst iittârrëtë de l'assemblée générale. par lequel elle, déclare que les lois qui èôriëërnërit le regiaië iateriëiît dë là cblbhie, préparées et décrétées dans son sein, ne peuvent ètr$ soumises .qu'à la sanction du rpi, et quelques autres dispositions contraires aux principe^jénonj-cés dans les instructions que l'Assemblée nationale a àdrèssées aux colonies.
Pardi ces pièfeesiësl une adresse de l'aSèemblëê générale tie Siiint-ûomingde à l'Assembléè nationale, par laquelle elle lui demandé de feonsdcrer ces principes.
L'arrêté de l'assemblée générale de Saint-Domingue e^ priyéjde tout ce qjui pourrait lui, donner de la bdililstancë. li ^|é.i;enpu avant qlie rassemblée générale ait été bbtiiirmeb par le vœu des paroisses, quoique vos instructions portent formellement que ies aiiemblées coloniales ne pourront lê&itimétherit êridnber Ifeôf voett qu'après cette confirmation; et quoique cettea^émbléë elle-même ait cru nécessaire dëaëtbanderdbx paroisses bettë codfirindtion tju'ëiie n'a boint ënbbrë obtenue, il a étë rëbdu cohtfe l'ttpimoti et le vœu dë la cold-nië; qUi 8'est manifesté dé là manière la pldë éclatante en favëtir dë tos défcrêts et de fios instructions;
Il est à rèmarcjiiér qlie qtiëlqUëS membres tjtfi ont .déterminé cet arrêté par lequel rassemblée gériéraje tt'ëntëilcl sdumëltfë âëS.dëcrëtè Sur lë ré-gimëitilëriëur qii'à là è'élilë sâhçjtiori du rbi; étaient, il y a qiieitjue tembs, dans toils lëtlrs pHribibës» dës républicains décidés. Lorgne ràdtdritë da rpi ëii§tdit lëlllë cUItti là colbblej lié Jtàràiàsaiëtifc be fbttlbW' rebOnrl^tti-b qiië de l'A8sëmHlëe natidridlë; lBréqiië leâ décrets âm^èiit dàriâ là co-lonie, ils.në sduihëtlëfltiedré lbi§ ihtëHëurès qii'à là §anbtidn du roii
Mais lë bon eSnfîfc et l'âttactièiiiënt de§ bcllOtis dbivëht rasgiirëhfiOhtt'é iës fcllsfjdsitipnà ae duëlqiiefe persoîitiéâ piàlinteriHBiitiëës: Gët Hltâchëmëdt èst tel qlie; dë 1le_ tirëiiiiëh ridortiertt bfi l'aâsëHpblee gëheràle à ëté ^Icciilëë dë HbiiFKr dëS idëëà d'inllë-pëiidôhcël ëlle â étë dHli|êe dé, prbtëstel. dë Sa ftdklitë â là ijatWH fràp^kiée; pdùf caltdër leâ ttlbu-Vëuiënté d^niliiâd^briioti (|ui B'^itfSiettï dë toutes parts contre elle.
Je demande, que, rëxàndëil des [)iècè§ kPFifëes de Sàiht-Diimihguë sbit renvoyé au comité des colonies pour en être fait rapport.
Pour ëclaircir ceS discussions, il faut faire lecture de la pièce. Il n'existait pas dë comité dës;cBidniëâ ;.mais yotis ett àVië2 iiOujimé un colitl'ëloçtiiël les bbl.otiâ rëjbjàtnëHîj.{inii^yUi]bilt jiBlir Vous fflètirë ép état aé ^byrer îë décret Ijue vBÙs àvëz rë^du il y â piuSieiirs îhoiâl 11 n'y à donc plus de mission.
La piece dont M. de Cocherel demande la lecture ne pourrait que semer l'alarme.Je persiste a demander I'ajournement et le renvoi au comite colonial.
(Cette jlr'OIJositibn ëst adoptée.)
Divers membres demandent le renvoi a demain de la discussion sur l'organisation militaire et l'impression du rapport de M. de Lameth.
Ces propositions sont adoptées. .
(La séance est levée à deux heures trois quarts.)
Séance du
ouvre la séance à six heures du soir.
(de Saint-Jean d'Angely),secrétaire, lit un discours prononcé par le docteur Brice, à la société qui porte à Londres le titre d'omis de la révolution d'Angleterre.
La lettre d'envoi et le discours sont ainsi conçus :
« A M. le Président de VAssemblée nationale de France.
« Londres, le
« Monseigneur, le 14 juillet, plus de dix mille personnes ont célébré, à Londres, l'anniversaire de la révolution de France. La fête, où se trouvait la compagnie la plus nombreuse, était conduite par plusieurs membres de la société des Amis de la révolution d'Angleterre, et présidée par lord Stanhope. Vous savez comment s'est passée cette fête. Vous connaissez aussi la substance des discours qui y ont été prononcés ; puisque lord Stanhope a été chargé, par le vœu général de tous ceux qui étaient présents, d'en faire part à l'Assemblée nationale de France; mais le discours entier du docteur Brice, qui perdrait trop dans une analyse, et que tous les amis de la Révolution de France, que tous les eunemis des aristocrates et des despotes, verraient avec plaisir, ce discours dans son entier, je l'ai demandé au docteur Brice pour le faire connaître à mes compatriotes.
« Il s'est prêté à ma demande et j'ai l'honneur de vous en envoyer la traduction. Il me paraît important de faire honneur au sentiment des étrangers, ami3 de notre Révolution. G'est par eux que les bons principes se propageront, qu'on détruira les fausses opinions répandues dans tous les pays par des aristocrates, et qu'on obligera les ministres de tous les Etats qui nousavoisinent à rejeter les propositions absurdes et infernales qu'on ne cesse de leur faire.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Tocquot.
Discours de M. le docteur Brice.
« Messieurs, le sujet du toast que je vais proposer me paraît d'une très grande importance.
« En conséquence des cinq dernières guerres dans lesquelles nous avons été engagés depuis
1688, époque de notre révolution, 1 Etat est surchargé d'une detteimmense,qui embarrasse
toutes lés parties de l'administration et nous prive des moyens de supporter les frais d'une
nouvelle guerre; au moins ne peut-on nous y engager aujourd'hui, sans nous exposer aux plus
dangereuses conséquences. Il y a certainement des bornes au crédit public, il y a un terme à
une dette nationale, et si on les outrepasse une fois, la banqueroute est inévitable; nous
marchons vers ce principe, si nous nous engageons à présent dans
« En France, les esprits sont disposés à s'unir à nous, pour établir le système d'une paix durable ; une telle alliance entre les deux premiers royaumes du monde; serait l'union la plus louable pour le dessein le plus noble. Une telle alliance serait en effet bien digne de l'union de la philosophie et de la politique qui distinguent si honorablement l'âge présent. Cette alliance ferait le salut de la Grande-Bretagne. Elle répandrait la félicité dans l'univers entier et accomplirait l'espoir et les désirs de tous les amis delà liberté et du bonheur du genre humain. Je sais, par des personnes très respectables, qu'il y a eu un projet formé dans l'Assemblée nationale de France, pour faire à l'Angleterre la proposition d'une telle alliance.
« Ô philanthropes, dignes d'une gloire immortelle, vous méritez l'estime et l'amour, non seulement de vos concitoyens, mais de tous les peuples du monde. Vous avez déjà déclaré que vous renonciez pour toujours à toutes vues de conquêtes et à toutes guerres offensives, vous donnez par là une preuve de respect dû aux droits de l'homme, et vous êtes les premiers législàteurs qui aient donné un si grand exemple.
« Tels sont. Messieurs, les fruits de cette glorieuse révolution que nous célébrons aujourd'hui ; elle est le présage d'un juste et nouvel ordre dans les affaires humaines. Les passions des rois ont jusqu'à présent plongé trop souvent les nations dans les horreurs et les calamités de la guerre; mais aujourd'hui, grâce à l'Assemblée nationale de France, l'on vient de faire un grand pas pour préveni r cette cause des misères humaines et la tranquillité des hommes ne sera probablement plus troublée dorénavant par des intrigues de cour.
« En Angleterre nous avons été longtemps accoutumés à parler des Français comme de nos ennemis naturels.-
« Pendant qu'on ne yoyait en France qu'un maître et des esclaves, ce langage, quoique injuste et immoral, pouvait en quelque sorte être excusé; mais aujourd'hui les Français ont secoué le joug honteux qu'ils portaient; ils ont brisé leurs fers avec un courage qui étonne le monde entier et qui fait trembler tous les tyrans. En cela nous leur avions montré l'exemple. Aujourd'hui ils nous en donnent eux-mêmes un autre et nous avons lieu de CToire qu'ils couronneront bientôt leur ouvrage glorieux, en nous appelant, non sur un champ de bataille, pour exécuter les ordres sanguinaires d'un despote, mais sur le terrain sacré de la liberté, pour nous embrasser comme frères, pour faire des vœux réciproques d'une amitié éternelle et former une confédération pour é'endre les bienfaits de la paix et de la liberté dans l'univers entier. Les deux royaumes ainsi unis seront tout-puissants; en Europe ils entraîneront bientôt, dans leur confédération, laHollande, et en Amérique les nouveaux Etats-Unis ; et quand quelque partie duglobeseramenacéed'uneguerre, ils pourront dire aux puissances divisées : la paix! et la paix sera faite. J'ai donc pensé qu'il serait digne de la compagnie respectable, assemblée ici, à l'occasion d'un événement si heureux, d'exprimer son sentiment sur le succès de la proposition dont je viens de vous rendre compte en buvant à une alliance entre la France et la Grande-
Bretagne, pour perpétuer la paix et rendre tous les peuples plus heureux. »
(.Plusieurs fois cette adresse est interrompue par les plus vifs applaudissements.) :
Je demande qu'on en fasse une seconde lecture dans un moment où l'Assemblée sera plus complète.
Celte adresse révèle au monde le secret des tyrans et celui des peuples. Le discours du ministre des affaires étrangères aux six commissaires nommés par l'Assemblée, annonce une fédération des têtes couronnées contre la liberté française. C'est pour un projet impie qu'ils voudraient répandre le sangde ceux qu'ils appellent leurs sujets, et qui ne le sont pas. La France est un épouvantai! pour tous les tyrans; peut-être dans leur trame abominable sont-ils secondés par ceux dont le ministère et l'autorité devraient être employés à entretenir la paix. Les Anglais furent autrefois nos ennemis ; ils aimaient la liberté, et nous ne ia connaissions pas; nous l'avons conquise, et on ne nous la ravira point. Une société de généreux Anglais vient, et nous profitons de cette circonstance. Il est temps que les peuples s'entendent contre les tyraus, dans les moyens de sortir de l'esclavage. Je demande qu'on fasse parvenir une adresse aux Anglais amis de la Constitution française. Cette motion est importante, et l'Assemblée peu nombreuse. Je demande qu'on en délibère demain.
(de Nemours). L'Angleterre est gouvernée par un parlement et non par la société des amis de ^Constitution française. Cette société n'est pas dépositaire du vœu national. Pendant que vous entretiendrez avec elle correspondance de flagornerie, vous ne prendrez aucune précaution contré le gouvernement. Ne perdçns pas un seul instant le sentiment de notre dignité.
(On ordonne l'ajournement à demain de la motion de M. Charles de Lameth.)
La municipalité de Villeneuve-les-Avignon envoie une adresse pour protester contre une inculpation grave de M. Bouche, député de Provence, produite contre elle dans la séance de l'Assemblée nationale du lTcourant. (Voy. ce document annexé à la séance de ce jour.)
On introduit à la barre un ci-devant carabinier nommé Aude, qui prit le général Ligonier à la bataille de Lawfeld, en 1747.
dit :
« Vous avez permis au brave carabinier qui prit le général Ligonier à la bataille de Lawfeld de paraître ce soir devant vous : le voilà ; il ne sait pas exprimer les sentiments dont il est plein.
« La majesté du Corps législatif lui en impose ; , il tremble peut-être, mais c'est peut-être pour la première fois de sa vie.
« Brave homme, félicitez-vous d'avoir assez vécu pour être témoin de la liberté de votre patrie; elle mettra à vos services le prix qui leur est dû. Si les représentants de la nation portent sur les abus l'inquisition la plus sévère, .c'est pour être en état de récompenser dignement ceux qui, comme vous, ont fait de telles actions.
« Vous pouvez assister à la séance. »
, officier général sous lequel a servi le carabinier Aude, rend compte de
l'action brillante de ce soldat; il connaît le fait d'armes parce qu'à cette époque, il était lieutenant des carabiniers.
« Je crois devoir vous instruire, Messieurs, dit M. de Lautrec, des traits qui font le plus d'honneur au vieux guerrier qui est devant vos yeux.
« Ce carabinier, après avoir pris le général Li-gonjer, lui dit de lui rendre ses armes. Le] général lui présenta ses pistolets et sonépée. Alors celui-ci lui dit : Gardez vos armes et donnez-moi votre parole d'honneur; je la préfère.
« Le général lui donna sa parole.
« Ensuite, pendant que ce carabinier le conduisait, le général lui proposa ses diamants, sa bourse et lui offrit de lui faire sa fortune, s'il voulait passer en Angleterre àvec lui ; et s'il ne le voulait pas, de lui faire passer, en Hollande, ou en quelque liêu qu'il lui plairait désigner, tout l'argent qu'il voudrait.
« Alors le carabinier lui répondit qu'il ne faisait pas la guerre pour de l'argent, qu'il ne la faisait que par honneur.
« C'est le général Ligonier lui-même qui a répété tous ces détails au maréchal de Saxe, qui en rendit sur-le-champ compte au roi. »
(L'Assemblée donne de grands applaudissements au carabinier Aude et renvoie son affaire au comité des pensions.)
présente une pétition des officiers de fortune du régiment de la Martinique, qui ont passé par tous les grades. Ils demandent qu'il soit sursis à nommer aux emplois militaires jusqu'à ce que l'organisation de l'armée soit décrétée.
Le renvoi demandé ne tend à rien autre chose qu'à donner aux ministres la possibilité de faire des nominations à leur gré, et à éloigner des emplois ceux qui, au lieu d'intrigues, ont de longs et importants services : ce que je dis n'est pas sans motifs; le régiment de Flandre vient d'être donné, au mépris de vos principes qui consacrent les récompenses à ceux qui s'en.sont rendus dignes, vient, dis-je, d'êtredonnéàM.deMontmorin, major en second de ce régiment, dont l'âge ne permet pas d'être porté au commandement d'un régiment qui, sans cette nomination, eût été probablement la récompense d'un lieutenant-coloneL Voici, en conséquence, le projet de décret que je vous présente :
« L'Assemblée nationale décrète que le roi sera supplié de surseoir à la nomination de tous les emplois militaires, jusqu'au moment très prochain où l'Assemblée aura arrêté les dispositions relatives à l'avancement militaire ; décrète, en outre, que le. présiden t se retirera par-devers lé roi, pour porter à la sanction le présent décret. »
(Le décret est adopté.)
Les députés de Vadministration du département de l'Hérault, admis à la barre, l'un d'eux dit : « que le corps administratif de ce département profite des premiers moments de son existence politique pour venir offrir à l'Assemblée, nationale l hommage de son admiration et de l'adhésion la plus entière à tous ses décrets ».
répond :
Messieurs, l'Assemblée nationale reçoit toujours avec une nouvelle satisfaction les adhésions à ses décrets que s'empressent de lui offrir les députés des divers départements et les gardes natio-
na]es du royaume. Cette unanimité dç sentiments uaffs' Kms,î|suilfeu'xf dans tous 'jë^ëtâïs ét'li'àtiê tous'lbs âges, offre le'fcpë'cfécle ]e pliis doux àtox amis de la liberté, comme élle offrirait' l'é spectacle le pl'àd'lm'posanià tous cèui qui pourraient être tentés1 x}è' trpu'j3le!r n'éSî qp'él)àtio'rtîs*: r'
« L'Assfembléênatibtiale prendra vbs demandes en 'consid'éFàtiôn, et1'vous pefynët d'aêsister a sa séance. >>; ';
Les députés de rassemblée administrative du district de. Montpellier, admis également à la barre, par l'organe de l'un d'eux, * expriment les mêmes sentiments de patriotisme et d'adhésion aux décrets'de l'Assemblée nationale. ' *
leur répond :
« Messieurs, rAssepiblée 'nationale examinera Yps péflfifiRB et Jes'pèsera dans sa sagesse : elje est bien persuadée ae' là sincérité de vqs sentiments patrjpîiqpes pt de votre empressement à en donner' çurç Preuves dans tputes les occasions.
« Vous pouvez assj§fer à sa çéappe. »
apnpnce (me M. de Bonne-$a-vardin a été arrêté à Ckàtons-sur-Mafjie, et, avec lui, m Mi l'abbé c^e Barmond, députe3à tAssemblée nationale,*et Eggss, député de la garde nàtioi^alè d'Obernheim.
On fait lecture d'une lettre de M. l'abbe de Barmond, en date du 28 juillet.
« Messieurs, j'ai été arrêté aujourd'hui dans la yi}}ë'de^nâ|Ms-sdr-M|ràe, ayarit dans m'a 'voi-tjïre m. le 'chevalier de' Bbnbe-'Savardin et un garde" national d'Oberriheinil'Jë conçois sur-)ef champ combien de soupçons peuvent" s'efèvèr sur moi : je proteste qu'ils sont Jou^s £aux. C'est à ia seule sensibilité jtjùé M.K'd'é ïSMn^'a dû cet àsile,! qu'il Tn'aVàit' démandé jusqu'à' Sfra.sjjôprg seulement. Je le lui ai ' d*aboH ' refusé, Sentant combien je me 'èbniproibeitàis,'en accueillant sa demande. Je'lui dï*dît erifià' tfûe fya'voiture était toujours oû'vèrte ', que je ne l(,en éhas's'èrcHs 'point. Le motif qui m,'a déterminé est ^i'ippîe. M. 'de Bbnne n'était pîus entré lë^'màiris au cbmiré des redhyrchè'é: jLe'prQèa^ëbj* pé5 là' çbriimunè ayajt ïaic :sa $ënonçià$dh'! 'au Châtèletl'Il' n'esf p^ts çriçoreUû ^bâtelet'lluisque fé nrppufeuf du roi n aVa,jt p'as cb'ncjd à le débrëter, mais à unçsiih-plé îbfon'naiiôn :"aïnsî,' dà'tfs la rigBëur des'pHn-cjpe'^, M.de Bobine était ijbl -e. J'ai été ibucfiê de'sôji sort : qui ne l'eût paâ été a ma1 placéJe cjeclaré sur mon honneur, et j'ai (je crois) prouvé cômbien il'm'>êtait che'r,(j\ié]e ri'à^aisjamais^entendûparler ae M. de Bonne, aVaii't qu'il §'àdrëssât à moi pbur cet ôjbjet. Il est, dans Cette affaire, millë'détails dont une lettre n'est bas susceptible. J'ai demandé à la municipalité dë mé remettre sUr-le-ètià'mp à rA.ésèmbléë nationale, pour' lui1 rendre compte d'une conduite ç(ui lui manifesterait dés sentiments dignes d'être-avoues, bien lôfà d'être corrompus. On a refusé ma deipande avant que l'As--; f emDile èïit prôrtoncél Telà sUpplié'de nié 'marider auprès d'elle; j'irai avec lë cûUrâgè de iH'nnôcence, non pas 'me justifier (je mé'suis réellement compromis), niais dissiper des nuageâ incompatibles avec la gêilérosité, motif de * mon "àctibn;"'J'attendrai avec impatiéncë Cette grâce que j'ai le droit de demander 'comme votre collègue. Il est encore un objet que je vous prie de ne pas perdre de vue. Le nommé EggSS, qui a été arrête avec moi,^nôrait parfaitement quel 'était son troi-siôme'compagnon de voyage. H vint me demander une placé dans ma vôiture, pour retourner
chez lui : c'était la première fois qu'il venait à Paris.' Il était membre de la fédération^ à ce'fitfe, et à la recommandation de'M: ' l'abbé d'Eymâr, h^mbre'de l'Assemblée, tè me fis un plaisîV de la lui offrir; je me fais un» devoir'de le défendre, quelque singulier qu'il puisse paraître à un ac-cUsédë devenir1 l'avocat d'un autrë.'1 Sa'position doit vous intéresser : je ne puis que rend ré justice à la manière dont la murfife'ipà'lité s'est' cbh-duite à mon égard, sauf l'objet de ma réquisition, que je crôis qu'elle rié pouvait ;pâS,me1/,ëfuSer ; j'ai ëtè traité "âVec' tôutès "lës inarquës dé considération UUe j'e vous'reporte, comme en étant Je btit!. Jé suis- étc,
Signât l'abbé de Barmond, député de Paris. »
On lit ensuite ]e procès-verbal d'arrestation de de Bonne,' l'abbé tfe Barmond/ et Eggss.
le 28 juillet, ils ont éfé îjfrêtés sur la poi|r-sjiifë de juljen, aide ' de camp de M. de M-fayette. Il rencontra javojture''dé l/àt)bô de Bar-tnôn'fl sur lé ch'emip de Châl6bè-sur-Mà'rne; il pria le maître des postes de në' donrièr de'éheyaux'à a'ucùpe Voilure,'jusqu'à ce qû'il ëpt gU']e temps de'priévepir 'la mqnjpipalitév''Bieût^t'' la voiture arnVa aux relais ; sur lé refus 4'é fournir des chevaux, lés trois voyàgepfs' s'acfiemjnèreht vers l'fiôfel de ville pour pn 'porjer jieurs"p'|ain(ëg % ja municipalité. Hais, au milieu de'lèur roijte, ils Tu-reqt tous trois arrêtés par ja gai;cle nàjjpqalè qui les enveloppa, ^n effet, 1 aidél^e camp en'ayajt ob-ténu l'ordre dans' cetintervafle^Ils furent conduits'a l'hôtel de ville et interrogés. Perquisition fut ràite de leurs papiers : il ne s'est trouvé que fjeux paquets, l'un ficelé, contenant, suivantvje pjré;de % de Barmond, trois voliibes d'une ji'istbire dë voyages; le secoh'4,' des lettres et papiers destinés à M. le cardinal deftôhan. M. Eggss était dépositaire de ce dernier paquet.
«Il résulte encore des déclarations deM.de Rfestre; que depuis l'évasion de de'Çonne qes prisons që l'abbaye, arrivée le l^juij]'et,'iï défait retiré à une maison de'campagne près Paris. M. l'abbé de Barrùorid l'y avait envoyé chercher avec sa voiture pour le ramener dans sa maison, Viéiilë-Rue-du-Templë. M- de $onne y' est resté plusieurs jours sous le plus grand secret'. Il ne parlait à personne, pas même aux frères dë l'abbé', qui veillait spul' a sa subsistance. 'Tant de mystères donnèrentdës soupçons dans le voisinage. M. de Bonne fut aperçu à travers une jalousie, sans néanmoins être parfaitement reconnu. M. de ]\ïëstre fit part à l'aide de càrrip dé M', de Lafàyette de ses inquiétudes) Dès ce 'moment, M. de Bonne eût été arrêté", si M.' Julien'eût été muni de pouvoirs suffisants. A ce pioyen, M-l'ajjbé put le temps de partir de Paris.°M'.'Julien le s'ujvit avec M. de Mestre, qu'il laissa (ïerrjere la 'yotyure lorsqu^Js rëûrtnt rencbiitrée. M. Julîèn" marcha devarit popr Arriver, comme || fit,' 'â lp ppste de Chalons,' tandis que M- de Mesire ne perdait pas de vue lés voyageurs.^» '
je demande à dire ce que je sais dans cette affaire. Je çféc!are,sûr mon' honneur, n'avoir jamais ni v'u, hî entèndu M. de Bonne-Savardin. Quant aq sieur Eggss, c'es^t un jeunë homme qui m'a été adressé par M. le cardinal de Bohan lui-même, en me priant de Je loger dans l'hôtel où je loge moi-même. Je n'ai eu d'entretien avec lui que sur la route qu'il c^ëyàit prendre.
Je fais la motion que les trois
prigopmerç soient cppijuits à Paris sous bonne pt' sûre'"gardel J'observe qùfe ^iiividTabîlite 5des députés a pciïir but' de les souslrjaïre rajix podr-smtes arbitraires des tribunaux,1 inâis don à pelles qui se rèràient èn vertu ugs ordres de'l'As-serpbl$p. ' Je d,empile aussi que le roi soit supplié de donner des "ortlrës'pour que le sieur de Rioljes, arrêté à Lyon, sqit conduit à Parié ët aile lès papiers trouvés'sur lui soient mis en sûreté.
Les trojs personnes pe doivent pas être çon^uijiès dàrj^ le' mêiqë lôcài. Il ïàùt deài^iiert' à 'ravancp, ùûé' pnspn Spéèj'ale pflpr jp sfp^r dp ^pnnë-S'ayardîn.
Je propose de charger M- je Pfésifle^t de té.mdfgner la' sàusFàètibn' "dè 'Aè-çembiée | M. dë Lafayetye, à son aidé de camp et aux officiers mùùicipaux '(Jë Ghàlons-sur-Mariie.
L'Assemblée (|oit mettre iiné diïférlenpè prière le Vraitemëiit dè M! de Ëonne-Savardin, accusé çlu crime dé lèse-nation, et )qs sieurs abbé de Barniondpt pggss,donj; tout le tor(; a été de s'êirp rencontrés dans sà cbqlpa-gnie.
M. de Bonpe-Savar-din s'est aéja'sauvé dé l'abbaye Saint-Geripain-dés-Prés; il faut veiller sur lui et empêcher qu'on n'enlève ses papiers.
mpt aux voix le projet dg décret préposé par M. Ba'rnaVè. Il ést adopté en ces termes : .
« L'Assemb}ée nationale décrète que le roi sera prié de donner dés ordres pour que lé sieur abbé Perrotin, dit de* Barmdnt, dëpdté à l'Assemblée natioïiàle, et les sieurs Eggs et Bonne-Savardin Soiefit Conduits âPariS séparément ët par les gardes nationales, pour êtrè les siëurs Eggs et Bonne-Savardin déposés séparément dans les prisons de Paris, et lé sieur Perrotin, dit de Barmoht, gardé dans sa maison, jusqu'à ce qu'après l'avoir én-teridu, il ait été statué à son égard par l'Assemblée nationale.
« Decrèfe que le? papiers saisis par la municipalité de Gha)ons-sur'-Marn.é lsërotit remiS dans V ètaj-'é^brice^àr' fe jirbces-vèrbàrdës o^ciers ïnu-nicipaux aux comtnandants des gardes nationales, ef par ces dërnièré au' comité des recherchés.
« Décrété, ëp otitrë, que le Siëur Drouard, dit dë Riolèsj défénu à LyoUVàittsi que 0ffinpÉî arrêté aussi et détenu à Bourgoin, seront àtifftft éonduiïs dans les brisons de'Paris par les gardes nationales,' ët quelles pièces ' saisies sur eux par les 'ôffibiers municipaux de Bourgoin et de Lyon seront pareillement apportées au comité des rë-therches par les chefs desdites gardes nationales.
« Charge son président d'écrire aux officiers municipaux et gardes nationales de Châlons-sur-Marne; Bourgoin et Lyon, au commandant général dë la garde parisiénne-et aux sieurs Julien et de Mestre, pour leur témoigner la satisfaction de l'Assemblée sur les prëuves de zèle et'de patriotisme qu'ils ont respectivement données.
(La séance est levée et indiquée àdèmaih neuf heures du matin.)
Rapport clans l'affaire de MM. d'Hosier et Petit-Jêàri, lu aux comités des rèbherèhéà del" Assemblée naîiônàle ei de'là' municipalité de Paris, le 29 'juillet 1790, par M. J. P. Bris&ot, mêrhbre du corfiité dès iïecnercfïès de la 'muniàipalité de Paris'.
§i les actions publiques des hommes qui affichent ûiiè ddètrihe extradMiriàiréiîthèrifèn1l de ïfxer l'attentïôn débeux qui Sphi dhargës'dë rtiaiii-tenir la tranquillité général^1,Cëst' surtout cfàhs lesHefjipk dé troubles, où dès folies et dë'S visibrts pëùvètit îëhYîr àÉ'couvrjr des 'prOiefâ uati^éreù'x pour là' Cobstitution ; c'est, èurtout', lorsqu'elles tentipht à âlarmpr sur la Sûreté dû cjiéf suprëtbe du poUvbir éxécutif:
Telle1 est 'là double considération qui a déterminé le cobité d^'t-echërfe'hes de fAssëmblëé h'a-tiottàle et 'celui de là municipalité dë'Paris' 'à pôrfér ràttpntion ïa plus profonffè' dans Texameh dû projet bizarre des' deui '^ëhsorihëà Arrêtées à Saint-Gldtid.: Ils ont crû dëMpùr dëtbif dë rië rfeh hé^ligër pour feu1 découvrir lè véritable*objet ; ët maintenant''qu'é^eàrrs redherdhës sô'rit tertninées, îls'prdieHt ' devoir 'en publier le résultait, ' pàrpe qù'bn doit roijt 'dirë fau!pfeil|)J[eV' et quei dafii^ la çirconstanpë particulière, ilijtdp'opte1 de lè iran-quilliser.
L'hlstqire de d'gofipr et Petit-Jean tient en pahiè kii fapq^jii,1n%heffsfeë'an'i'mà^ ët fentidr-tie à la crqyàncë deVêvéîàtiohs faijt'é^pat là Vielle à pes'persortîies' ietèeS'dahs Pétât dë Sombàmbu-l'iSme. un W'c^bîràii ^afs (|uë, tfàitë dû' 'où la philosophie a répandu des lu mièresbrillances, Où les hommes ônV àppris àù'a^puye'r leurs'opinions qiie sur des base?1 solides, 11 se trouvât des êtres assez faibles' pour adopter les Vfsitfns les plus extravagantes; d'après desfaits irisijgnïQants et'des discours ténus" dànfsrtle"déliré.
Cë'phéhdtaèné môM ëxisfe cëben^lant; les sectes d'illunainês augmentent, âù5 liëu 'de'dlhiihûér; pëijt-ëtt"é n'est-cë qù'uti rés^ltàt'dës birç'dbMànces p611iiqu.es de la Franbe, qui ràlliei à teur doctrine mystérieuse, les hérnm.ës mécohtënts dU 'ndùvel b^dre de choses, et qui''espèrént'y froàver des moyèns de- le détruire! Uet'ëxp'àse dédlîirera le vbilê qui lesboUVre, prévjëndra'leurs biaribeuvres, et'.b'èSÉ'ùn riduvèàù motif 4yitep'iiblie^. 'MMi d'Hosier et Petit-Jëàn' (1 ) Sê' rendirent ku cfi^tfeàii de Saint-Cloud lè 29 juindértïièrVjour dë saidt Pierre
et de saint Paul. Arrivés sur le midi, ils y restèrent bien avant dans la nuit. Leur isolement, leur attention à tout observer, leur air méditatif et grave, cet air qui caractérise les hommes à secte et à idées extraordinaires, leur opiniâtreté à rester, même lorsque l'heure du repas les appelait ailleurs, durent faire naître des soupçons, qui s'aggravèrent encore, par cela qu'ils étaient inconnus, et qu'ils ne cherchaient point à se faire connaître. Aussi furent-ils successivement écartés des appartements, du vestibule, du jardin et des cours par un aide de camp de la garde nationale, qui vint leur dire que leur vue offusquait le château (1). La surprise et les soupçons durent augmenter encore, lorsqu'on les vit, hors des grilles mêmes,commandera leursdomestiquesde retourner à Paris, s'opiniâtrer à rester, à se promener, à s'asseoir près de ces grilles, quoiqu'il fût près de deux heures de nuit (2). La patrouille, qui veillait à la sûreté du château, les trouve en cet état, les interroge : ils répondent qu'ils sont là par ordre du roi et du maître (3). On les conduisit au corps de garde et le maire de Saint-Gloud les y interrogea. M. d'Hosier déclara s'appeler et signa Paul, quoique ce ne soit ni son nom de baptême, ni son nom de famille. Il mentit, pour suivre, dit-il, un mouvement intérieur qui lui a fait choisir le nom du saint du jour (4). Il dit aussi être amené à Saint-Gloud par des ordn s supérieurs, des ordres qu'il tenait de Dieu même (5).
M. Petit-Jean s'appela et signa Pierre aujourd'hui; c'est un de ses noms de baptême, et il ne voulut pas décliner son nom de famille ; il déclara n'être venu à Saint-Gloud, que sur Vordre de notre sainte mère, jogut" imprimer à Sa Majesté, aujourd'hui roi de france et de navarre, lespensées incluses à l'écrit qu'il venait de remettre, et n'avoir plus dautre désir que de le voir confirmer au roi, pour manifester à son peuple la sainte vérité de sa mission (6).
Avant de rendre compte de cet écrit, remis par M. Petit-Jean, il est nécessaire de dire qu'après cet interrogatoire, MM. Petit-Jean et d'Hosier assurèrent de nouveau la garde, que c'était le roi qui les avait mandés', qu'ils étaient là par son ordre, et qu'ils ne sortiraient du corps de garde que par l'ordre du roi (7).
La garde n'imaginant pas que ce fut un langage figuré, prit des mesures, pour être instruite de la vérité de ce mandat. Il se trouva faux ; et ce fut alors que MM. d'Hosier et Petit-Jean dissipèrent son erreur, en certifiant, en présence de M.de Villequier, envoyé par le roi pour vérifier les prétendus ordres, que ce n'était point Louis XVI qui les avait mandés, mais qu'ils avaient été amenés à Saint-Cloud par des ordres supérieurs (8).
On ne conçoit pas comment des hommes, qui affichent la dévotion, ont pu se servir d'un jeu de mots, pour tromper ceux qui les arrêtaient, et qu'ils savaient bien éloignés d'entendre le sens de leurs expressions. Ce langage mystique ne servant qu'à les rendre plus suspects, le maire de Saint-Gloud ordonna de les conduire au comité
de recherches de l'Assemblée nationale, avec tous les papiers saisis sur eux, et notamment l'écrit remis par M. P tit-Jean ; ils furent interrogés par ce comité, ensuite détenus à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, et l'examen de leur affaire fut renvoyé par lui au comité de recherches de l'hôtel de ville.
Gomme l'écrit remis par M. Petit-Jean est la principale pièce de cette affaire, il est nécessaire de le transcrire ici. Nous en donnons une copie littéralement transcrite.
Ge 15 mai 1790.— Parole donnée directement à nous par la sainte Vierge. Pensée diverse qu'elle veut imprimer par influence dans l'àme du roi:
Premièrement, aller sans pompe parler aux hommes, demander qui suis-je ?
2me. Alors, qu'il dise: de la puissance qui y était attachée,
je ne veux que ma liberté et celle de commander mon armée;
3me. Aller habiter Je lieu de sa naissance ;
4me. D'être revêtu de ses habits royaux;
5me. D'aller déposer sa couronne près de celle de Louis XIII,
et lui offrir ses enfants ;
6me. De s'environner des plus anciens soldats dans tous les
ordres, promettre ce joui—là la loi de son amour pour son peuple, et demander le choix des
ministres de sa confiance, en les prenant parmi ceux qui l'environneraient au pied de la
sainte Vierge ;
7me. N'abandonner Paris qu'après cette œuvre;
8me. Ne plus craindre des hommes, en ce que cette action
abattra la puissance du mal.
9me. Que l'union de son âme au ciel lui donnera une force
universelle.
Telle est la destinée attachée au rang qui lui est donné et non à l'homme qui ne sérail pas roi, à l'image et pour l'amour de son Dieu.
La sainte \ierge vous prescrit, ainsi qu'à Am-broise, d'imprimer, avec toute la force et l'amour que vous avez pour elle, toutes ses pensées dans l'âme du roi, en les répétaut chaque l'ois que vous serez près de lui avec toute l'énergie humaine et spirituelle que vous possédez.
Dicté en somnambulisme, par moi, signé : le clerc de Thomassin.
Cet écrit est sur vélin, en caractères bleus. — Cette recherc he, dans le papier et les caractères, annonce quelque chose de mystérieux. On n'a pas pu, ou l'on n'a pas voulu donner la clé de ce mystère, II fourmille d'ailleurs de fautes d'orthographe; les esprits supérieurs ou leurs copistes ne se piquent pas apparemment d'être bons grammairiens.
En examinant avec attention cet écrit, on y distingue six points sur lesquels il était nécessaire d'interroger les personnes impliquées dans cette affaire :
1° Les pensées ou plutôt les ordres que cet écrit renferme;
2° Qui l'avait dicté, écrit et renvoyé ;
3° Qui devait exécuter les ordres qu'il prescrit;
4° Comment s'est opérée la révélation de ces pensées par la Vierge ;
5° Quel sens tous les membres de la société mystique y attachaient-ils?
6° De quelle manière devait-on exécuter les ordres de l'écrit ?
Tels sont les points principaux sur lesquels les somnambules et leurs partisans ont été interrogés, non pas dans l'ordre qu'on vient de présenter, mais d'une manière plus divise. On ne suit cet ordre que pour éviter les répétitions, pour offrir, sur chaque point, l'ensemble des dépositions.
§ I. Examen des pensées ou conseils que renferme l'écrit en vélin.
Il n'est personne qui, en lisant attentivement ces pensées, n'y découvre un poison dangereux; qui ne voie qu'elles ont pour objet de détruire les réformes faites dans la distribution des pouvoirs politiques ; de rétablir, sous le nom de royauté, la puissance absolue.
Dans la première pensée, on conseille au roi d'aller parler à son peuple, demander qui il est. — C'est supposer qu'il est méconnu, que sa puissance est foulée aux pieds, tandis que l'on n'a détruit que l'ancien despotisme. — On y dit, en langue prophétique, qu'il loi sera répondu, roi, c'est-à-dire monarque absolu; car ce mot s'entend, dans son ancienne acception, comme les pensées subséquentes l'indiquent.
Dans la deuxième pensée, on conseille au roi de ne réclamer de la puissance attachée à la royauté, que sa liberté et celle de commander son armée. C'est évidemment supposer queleroi n'est pas libre; et, dès lors, c'est vouloir porter atteinte à la validité de tous les décrets sanctionnés ou acceptés par le roi ; c'est vouloir renverser la Constitution.
Ëh ! pourquoi conseille-t-on au roi de redemander la liberté de commander son armée, si ce n'est pour recouvrer son ancien pouvoir? Car si l'on entend par ces mots le droit de diriger l'armée, conformément à ia Constitution, le roi l'a; il était inutile d'aller chercher au ciel une inspiration pour lui conseiller de demander ce qu'il a. Mais on ne veut pas simplement qu'il dirige, on veut qu'il commande. — Qu'est-ce encore que ce Eronom possessif de l'ancien régime ? Son armée ! e roi a-t-il une armée ? N'est-ce pas une expression inconstitutionnelle?
Dans la septième pensée, on conseille au roi de quitter Paris ; dans la troisième, d'aller habiter Versailles; parce qu'on imagine que son séjour à Paris empêche l'exécution de ces projets que les ennemis du bien public ne cessent de tramer contre le peuple, l'Assemblée nationale et le roi.
Le but de la quatrième pensée est visible. On conseille au roi de se revêtir de ses habits royaux ; on croyait que cette pompe ferait la plus grande impression sur le peuple, et faciliterait la restitution de l'ancienne puissance absolue.
Tel est encore évidemment le but du 5® conseil, qui consiste à renouveler le vœu de Louis XIII pour la Vierge et à lui offrir les enfants du roi ; vœu très inconstitutionnel, puisqu'il suppose^dans le roi une propriété de la France, qu'il n'a*pas; vœu très dangereux dans ses Conséquences; car le peuple est attaché à la religion, et on espérait qu'un pareil vœu, solennellement exécuté, le frapperait et l'amènerait à rendre au roi celte puissance absolue.
C'est dans le sixième conseil surtout que perce l'esprit antipatriotique des inventeurs de ce talisman. Ils conseillent au roi de s'environner de ses plus anciens soldats, dans tous les ordres ; de promettre, ce jour-là, la loi de son amour pour son peuple, et de demander le choix des ministres de sa confiance, enprenant parmi ceux qui l'environneraient aux pieds de la Vierge.
Pourquoi s'environner ainsi ? Le roi a-t-il quelque danger à craindre ? Menace-t-on ses jours ? Ne sont-ils pas protégés par la garde nationale ? Oui, sans doute, ils sont protégés ; mais on veut des soldats qui aident à recouvrer l'ancienne
puissance, et l'on sait que la garde nationale ne se prêterait pas à ce dessein.
On conseille au roi de prendre les plus anciens soldats, parce qu'on suppose que les plus anciens seront plus attachés aux anciennes idées de soumission aveugle, n'auront pas si facilement adopté les idées nouvelles de liberté, de patriotisme. Certes, c'est une injure qu'on fait à ces anciens militaires. '
Et ces mots de tous les ordres, ne trabissent-ils pas l'idée perfide de l'auteur de cet écrit? Y a-t-il encore des ordres, ou veut-il les ressusciter ?
Qu'est-ce encore que ces mots : la loi de son amour pour le peuple ? Ne signifient-ils pas évidemment qu'il faut substituer cette loi d'amour à la loi constitutionnelle de l'Etat ? C'est-à-dire qu'au lieu d'une Constitution fixe, précise, claire, on voudrait nous faire gouverner par les caprices d'un homme seul, ce qu'on pallie sous les lois mystiques de l'amour.
Enfin, où veut-on que le roi choisisse ses ministres? Ce n'est pas parmi les bons patriotes, parmi les hommes éclairés sur la Constitution, mais parmi ceux qui l'environneraient lorsqu'il priera la Vierge; c'est-à-dire parmi les illuminés, ou parmi ceux qui seconderaient le projet de cette contre-révolution de somnambules ?
On ne s'arrêtera pas à disséquer les autres pensées, qui ne tendent qu'à inspirer au roi de la fermeté pour exécuter ces conseils perfides, et abattre la puissance du mal; expressions très commodes, qui se prêtent à toutes les explications.
Qui peut douter, d'après cette analyse, que cet écrit ne contienne des idées dangereuses et qui tendent à une contre-révolution ? Et si le roi, au lieu de la probité du patriotisme et du sens droit dont il a donné tant de preuves, eût été secrètement opposé à la Révolu tion ; s'il avait eu du penchant pour les idées mystiques, quelles impressions funestes et profondes de pareils conseils n'auraient-ils pas fait sur son âme, surtout quand on réfléchit à la source d'où l'on suppose qu'ils partent ?
§ II. Qui a dicté, écrit et envoyé ces pensées ?
MM. d'Hosier et Petit-Jean sont convenus que cet écrit venait de Mme Thomassin, la jeune femme d'un officier actuellement à Saint-Domingue. Cette dame, qui joue le plus grand rôle dan3 cette affaire, est âgée de 34 ans, et demeure Nancy.
Telle est, d'après elle, l'histoire de ce papier. Elle a dit (1) que le 15 mai, au sortir d'un sommeil magnétique, elle trouva un papier, sur lequel étaient écrites, de sa main, ces pensées; qu'elle les conserva, en conséquence de l'ordre qu'elle trouva au bas de l'original, jusqu'à ce qu'il lui fut prescrit l'usage qu'elle en devait faire; que sur la fin de juin environ, dans un autre sommeil, et auquel M. Argence seul était présent, il lui fut dit, par l'être qui l'inspirait, qu'elle devait copier sur un papier velin, en caractères bleus, les pensées ci-dessus mentionnées; qu'elle essaya de les copier; que ne pouvaût les écrire assez, lisiblement, elle pria M. Argence de les écrire sous sa dictée ; qu'elle les lui dicta, l'original étant toujours sur elle; qu'à son réveil elle retrouva l'original écrit de sa main, la copie
qu'elle avait essayé de faire, et celle faite par M. Argençe, etc. Enfin Mme Thomassin est convenue avoir envoyé cet écrit à M. d'Hosier.
M. Argence, cité dans cette réponse, est colonel, chef du bataillon au régiment du roi actuellement à Nancy; il a, dans une déclaration,attesté avoir écrit ces paroles, sous la dictée de Mme Tbomassin, dans son état de somnambulisme ; il a affirmé de plus n'en avoir eq aucune connaissance, qu'au moment où il les a écrites pensées par pensées; qu'il n'a eu aucune connaissance de sa destination, etc.
§ III. Qui devait exécuter les ordres que cet écrit renfermait?
MM. d'Hosier et Petit-Jean conviennent, dans leurs interrogatoires respectifs, qu'ils étaient chargés d'exécuter les ordres portés dans cet écrit. Ils conviennent tous deux qu'Ambroise désignait M. d'Hosier (1), auquel ils ont été adressés avec la lettre:
Mardi, à huit heures du matin.
La poste va partir, cher fils bien-aimé de votre tendre mère ; j'espérais pouvoir vous écrire plus longuement hier, mais une migraine forte m'en a empêchée. Je me hâte donc seulement de vous dire que le jour que vous recevrez cette lettre, M. Dupouget, trésorier de guerre, à Nancy, arrive à Paris, porteur d'une boite à votre adresse. Il arrive par la diligence et loge rue de Glichy, Chaussée - d'Ântin, n° 40, maison de Mme çle Grandville. Il faut que vous y alliez, ainsi que j'en suis convenue avec lui. Il ne sortira point de cette soirée, étant trop fatigué et vous remettra lui-même les dépôts précieux que notre sainte m.,, vous envoie. Oh ! mon ami, que votre zèle et votre amour pour elle soient parfaits ; vous y trouveriez raison de tout, et grâce plénière. Adieu, cher petit, le plus chéri des enfants de la plus tendre mère ne Test pas mieux que vous : telle est la vérité qui existe pour jamais dans l'âme de votre petite mère et celle de son m....
Mes tendrez amitiés à notre ami commun.
§ IV. Comment s'est opérée la révélation de la Vierge ?
MM. d'Hosier, Petit-Jean, Argence et Thomassin ont déclaré que les pensées de cet écrit avaient été dictées par la Vierge, à cette dernière, lorsqu'elle était dans l'état de somnambulisme.
Qu'est-ce donc que cet état de somnambulisme? Quelle foi doit-on ajouter à cette révélation de la Vierge ?
Ecoutons M. d'Hosier : « Le magnétisme animal, dit-il, produit le somnambulisme matériel, lequel conduit au somnambulisme spirituel ; ce somnambulisme met les êtres qui réprouvent en rapport avec les êtres spirituels, et ils communiquent ensuite les impressions qu'ils en reçoivent à ceux avec lesquels ils sont en rapport (2). »
Mme Thomassin a donné une explication plus détaillée de cet état de somnambulisme, qui éclaircira ce que la précédente peut avoir d'énig-matique.
« Elle a dit (3) qu'étant malade, elle suivit le
traitement magnétique de M. de la Fitte, à Nancy : qu'elle ne tarda pas à en éprouver les effets et à tomber dans le somnambulisme; que, dans cet état, elle connut parfaitement sa maladie, les moyens qu'il fallait employer pour la guérir, et le terme où elle finirait; qu'elle connut, même celle de plusieurs autres malades, et contribua à les guérir; qu'à l'époque où finit sa maladie, elle eut le honneur d'éprouver un somnambulisme d'un ordre supérieur; qu'elle eut communication avec son père, mort antérieurement, ensuite avec un ara?£, et qu'ensuite elle en eut avec la sainte Vierge elle-même ; qu'elle ne put douter de son bonheur de communiquer avec elle, par les paroles qu'elle entendit dans cet état, qu'elle écrivait quelquefois, ou qui lui ont été rendues par les personnes qui l'entouraient; qu'elle jouit plus rarement à la vérité de ces communications dans son état de veille ; qu'elles sont d'un ordre bien inférieur. »
Puisque Mme Thomassin avait eu le bonheur de voir la Vierge, il était naturel de lui demander comment elle avait la certitude que c'était bien elle. Voici sa réponse littérale :
« Elle a dit que, dans son état de somnambulisme, elle voit une grande lumière avec des ondulations fréquentes, moins vives que la lumière ordinaire, où se dessinent des traits, où elle a reconnu plusieurs fois son père, et d'autres fois elle a vu des êtres qui lui étaient inconnus, mais qu'elle a su d'eux-mêmes être un ange et la sainte Vierge; qu'elle en a ensuite été assurée, par le récit des personnes qui ont recueilli les paroles qu'elle prononçait dans cet état, et ensuite par son sentiment intérieur, quand elle a ses visions . dans l'état de vieille. »
. Mme Vassart, la jeune sœur de Mme Thomassin, qui est inspirée, comme elle, qui voit son père, les anges et la Vierge dans ses sommeils (1), et dans son état de veille, ne parle point de ces ondulations, de ces figures qui se dessinent. Elle dit qu'elle a vu la Vierge dans un état de gloire, tantôt plus jeune et tantôt plus âgée, tantôt plus vêtue et tantôt moins. (2)
Quand on demande à ces illuminées les preuves de ces révélations, dont elles avouent ne conserver aucun souvenir, elles ne citent ni miracles, ni rien de surnaturel; — elles allèguent le témoignage de ceux qui assistent à leurs songes, les écrits qu'elles tracent pendant leurs sommeils, et leurs visions éveillées.
Ainsi pour être convaincus qu'elles voient la Vierge, il faut qu'elles s'en rapportent à des individus qui peuvent les-tromper ; n'ont d'autres preuves à leur donner, que des paroles prononcées dans le délire.
Quant à leurs écrits tracés dans l'état de som* nabulisme, ils sont presque tous, de leur aveu, illisibles, obscurs, insignifiants; et ces inspirées, en font si peu de cas, qu'elles les brûlent.
Il en est de même des visions éveillées? la société mystique n'a pu nous en citer ni montrer aucune pièce.
Voilà donc les grandes preuves qui engagent Mmes Thomassin et Vassart à croire qu'elles sont inspirées ;
Des visions dont elles ne se souvienneut point ; Le témoignage des assistants qui ne voient rien;
Dee écrits illisibles et insignifiants;
Des visions éveillées dont il n'existe aucune trace.
Il faut convenir que ces illuminées sont faciles en croyance.
Mais ceux qui les croiènt, sont encore bien moins difficiles en preuves.
Quand on demande à M. d'Hosier quelle certitude il a que Mme Thômassin est inspirée* il répond que c'est par son [sentiment intérieur (1); mot qu'il se garde bien d'expliquer, et qui se réduit a ceci: je çrois, parce que je crois. Il ajoute qu'il croit, pour avoir vu plusieurs fois Mme Thômassin dans le somnambulisme, gui est, dit-il, un état préparatoire à la, communication avec la sainte Vierge.D'après cette explication, M. d'Hosier devait croire tops les somnambules inspirés.
M- Petit-Jean cite aussi ce commode sentiment intérieur. Il déclare qu'il n'a pas plus douté que cet écrit ne fût vraiment de la sainte Vierge, que d'autres qu'il avait reçus précédemment, et qui tous ont été vrais; mais il n'a montré aucun de ces écrits.
M. Petit-Jean avait encore annoncé dea faits extraordinaires qui appuyaient sa conviction. Mais ces faits étaient si graves, si importants, qu'il ne pouvait les exposer que devant l'Assemblée nationale, et qu'il s'est opiniàtré à les cacher dans son premier interrogatoire.
Il a fallu la présence de plusieurs membres du comité des Recherches de cette Assemblée, pour vaincre son opiniâtreté ; et voici à quoi §0 sont réduites ces annonces fastueuses. Noua leâ copions littéralement.
« Il a dit qu'il concluait (2) la vérité des révéla* tions de Mme Thpmassin sur des annoncés qui lui ont été faites, et qui se sont réalisées ; que, pour en donner des exemples relatifs a sa mission même à St-Cloud, il annonce que ceuombre de personnes qui se trouvèrent avec lui dans lès appartements, et particulièrement sur le vestibule, les unes pe le voyaient point, d'autres entendaient par contre sens; en sorte qu'il n'a pas essuyé, dans tout le temps qu'a duré sa démence aux appartements, le plus léger obstacle, etc. •» — Ainsi M. Petit-Jean se croit invisible, et conclut de là que Mme Thômassin est inspirée.
Quand on a demandé à Mme Vassart, si elle se rappelait quelques-uns des discours qui lui ont persuadé que c'était bien la sainte Vierge qui parlait à sa sœur, elle ayait répondu que sa scëur l'avait assurée qu'elle serait heureuse, et qu'elle était pure (3).
Mme Jumilhac, femme de M. Jumilhac, lieutenant général des armées françaises, est, de son côté, certaine que Mme Thômassin voit la Vierge, parce que dans s on état de somnambulisme, elle (Mme Jumilhac) lui avait fait des questions auxquelles Mme Thômassin à répondu avec justesse.
Mme Jumilhac a, comme les inspirées, uq défaut de mémoire qui ne lui a pas permis de se rappeler ces discours si justes de Mme Thômassin,
Ainsi, pour résumer les motifs de croyance des membres de cette société qui attestent les inspirations de Mme Thômassin :
M. d'Hosier croit qu'elle parle à la Vierge, parce qu'il le croit;
M. Petit-Jean le croit, parce qu'il s'est rendu invisible à, Saint-Cloud;
Mme Vassart le croit, parce que sa sœur lui a dit en dormant qu'elle serait heureuse et qu'elle était pure ;
Mme Jumilhac le croit, 'parce que Mme Thômassin lui a, dans son sommeil, fait des réponses dont elle ne se souvient plus.
Cet oubli des principes de la crédulité, révolterait même, s'il ne s'agissait que de faits ordinaires. Que doit-ce donc être pqur des faits extraordinaires, miraculeux, qui demandent, pour être crûs, des preuves plus frappantes, et au-dessus de toute espèce d'objections?
Comment d'ailleurs ne pas suspecter ces visions, quand on observe qu'elles n'ont aucun objet marqué, aucun objet utile, pi pour le bien des hommes, nir pour la gloire de là religion 1 Peut-on prêter au ciel l'idée ridicule de multiplier les miracles dans le secret d'une maispn, uniquement pour prpcurçr des extases à deux ou trois femmes, et de causer {'idolâtrie de quelques esprits crédules?
Comment encore ne pas suspecter ces visions, quand on considère les préparatifs qui les précèdent?
C'est par la prière, ou plus souvent par le magnétisme, que l'on parvient à cet état de somnambulisme spirituel.
Mme Thomâssin a déclaré que son mari la magnétisait dans l'origine, ensuite sa mère; mais que maintenant, depuis Pabsence de son mari, elle n'est plus magnétisée que par M. Argencè (1). Il l'endort en lui prenant ia main ; après quelques minutes elle est anéantie, ou plutôt exaltée dans Cet état de somnambulisme.
Mme Vassart déclare que madame sa mère et M, d'Hosier la
mettaient dans cet état de somnambulisme ; mais elle avoue que sa mère l'y mettait plus
rarement ef plus faiblement,parce que là santé de sa mè>'e n'est pas assez fQîfe et qu'il
faut,pour la perfection de cet état, h réunion des forces de Mme aux fovees physiques, (2)
Nous avons dû nous étendre sur la nature et les circonstances de ce somnambulisme, afin de faire connaître la source à laquelle on doit l'écrit en vélin. La connaissance de cette source sert à en apprécier la valeur. C'est le produit d'un sommeil magnétique, c'est-à-dire d'un état de délire.
§ V. Quel est le sens quia été attaché aux fameuses paroles pa,r les différents membres de la société mystique?
Mme Thômassin, interrogée sur ce sens, a répondu qu'elle ne
pourrait l'expliquer que dans son état de somnambulisme; qu'elle avait pour principe de ne
jamais raisonner sa foi et d'y donner un abandon entier (3).
Mais comme on lui observait que» puisqu'elle ne pouvait pas se rappeier du sens qu'elle y attachait dans son état de somnambulisme, au mqins elle y en attachait un, lors de l'envoi qu'elle en avait fait dans son état d'éveil, et qu'elle était responsable de cet envoi ; elle a répondu que son unique objet était d'unir l ame du roi à la sainte Vierge pour son bonheur et celui de tout le royaume (4).
On n$ voit pas trop comment le bonheur du
royaume pourrait s'opérer, si le roi, suivant le conseil, se fûtenvironné des anciens soldats dans tous les ordres, se fût mis à la tête d'une armée, eût été habiter Versailles, et eût voulu donner à son peuple cette loi si vague de son amour. — On ne voit, au contraire, que désastres, calamités, résultant de pareils conseils.
M. d'Hosier, à la même question qui lui a été faite, a répondu, qu'étant convaincu que ces ordres lui étaient transmis far la Vierge, il n'a pas dû en examiner le fond; qu'il a dû obéir sans balancer (1).
On devine aisément combien une soumission aussi aveugle pouvait être dangereuse ; aussi n'a-t-onpas manqué d'en faire la remarque à M. d'Hosier. On lui a demandé s'il se croirait obligé d'exécuter toute espèce d'ordres qui lui seraient transmis par la même voie, comme venant de la sainte Vierge, tel que celui de nuire à un individu ; il a répondu que le somnambulisme ne pouvait jamais servir à transmettre des ordres criminels (2).
Sans vouloir faire aucune application à M. d'Hosier, ne peut-on pas lui répondre que lesmaho-métans se servent de révélations pour armer les séides? Clément avait aussi des visions.
M. Petit-Jean n'a pas eu d'abord recours à ce moyen banal des illuminés; il a voulu expliquer les pensées de l'écrit en vélin, et il a déclaré qu'il n'y attachait d'autre sens, que celui contenu dans les limites données par l'Assemblée nationale au pouvoir exécutif (3).
On lui a demandé comment il pouvait allier, avec la Constitution et la Révolution, le conseil donné au roi de réclamer sa liberté, le droit de commander son armée?
Il a répondu, que le sens de ces paroles ne tombait que sur le désir d'imprimer au roi la volonté d'abandonner de ses prérogatives actuelles tout ce qui ne tiendrait qu'à l'orgueil et au faste, en ne se réservant que la faculté d'agir librement par lui-même, pour le gouvernement de son peuple toujours dans les limites du pouvoir qu'il en aurait reçu.
En se rappelant l'écrit en vélin, il est aisé de voir combien cette réponse se conforme peu avec les conseils qu'il renferme; car, est-ce conseiller de renoncer au faste, que de conseiller au roi de se revêtir de toute la pourpre royale? Est-ce être ami de la Révolution, que de conseiller au roi de s'environner de ses anciens soldats de tous les ordres, de quitter Paris, de donner la loi de son amour pour seule loi?
L'explication donnée par M. Petit-Jean devait paraître d'autant plus suspecte, que sessentiments sur la Révolution étaient assez connus, par la qualité, qu'il avait affecté de donner au roi, de roi de France et de Navarre.
Aussi, quand M. Petit-Jean a été pressé sur le sens inconstitutionnel de ces phrases, s'est-il retranché à dire que ces conseils ne venaient pas de lui ; qu'il n'était qu'exécuteur passif d'un simple fait.
M. Argence, celui qui a écrit les pensées, a déclaré, qu'il n'y attachait aucun sens; que
c'était à Mme Thomassin à en donner l'interprétation dans son
état de somnambulisme, si, comme il l'écrit, elle ne peut pas le donner dans son état de
veille.
De tous ces faits, il résulte que MM. Petit-Jean, d'Hosier, Mme Thomassin, M. Argence, en se retranchant dans la mysticité, dans la croyance
aveugle qu'ils donnent à l'être qui a dicté cet écrit, ont été réduites à l'impuissance de le justifier, de lui attacher un sens excusable.
§ VI. De quelle manière devait-on exécuter les ordres contenus dans cet écrite
Il y a des variations sur la manière dont celte mission devait être remplie. Suivant Mm» Thomassin et M. d'Hosier, les pensées ne devaieut être imprimées que par influence au roi (1).
Il s'agissait d'expliquer cette impression par influence, et M. d'Hosier nous a dit que cette impression était une communication par le sentiment intérieur de celui qui veut imprimer, à celui qui doit recevoir l'impression (2).
Suivant M. Petit-Jean l'impre-sion parintluence ne peut s'entendre que par l'idée de substitution, de l'intention d'une âme à une autre (3).
Telle est, suivant eux, l'efficacité magique de cette impression par influence, qu'elle peut s'exercer, sans être vue de l'être qu'on veut influencer; qu'elle s'opère de loin comme de près : à la vérité, plus près on a plus de force.
M. Petit-Jean ne voulait pas se borner à cette impression mentale des pensées: il a déclaré que l'intention était de remettre ou faire remettre l'écrit au roi (4).
Il est vrai que, sentant ensuite le danger d'un pareil aveu, et la contradiction avec les
déclarations de son collègue et de Mme Thomassin, il a varié sur
cette remise et son intention (5).
En résumant, il est prouvé :
1° Que l'écrit en vélin contient des idées dangereuses;
2° Que cet écrit a été dicté et envoyé par Mma Thomassin, écrit
par M. Argence;
3°Que MM. d'Hosier et Petit-Jean devaient être etontètê exécuteurs desordres qu'il contient ;
4° Tous ces illuminés s'accordent à soutenir qu'il a été révélé par la Vierge à Mme Thomassin, dans son état de somnambulisme; ce qui prouve leur
folie;
5° Tous s'accordent à dire qu'ils ne peuvent y attacher aucun sens; ce qui prouve delà folie ou de la mauvaise foi ;
6° Tous, avec M. Petit-Jean, s'accordent à dire qu'il devait être imprimé par influence du roi; ce qui, encore une fois, prouve la folie.
D'après ce résumé, il est facile de juger les personnes qui ont joué un rôle dans cette comédie mystique;
Si tous croient sincèrement que cet écrit a été révélé par la Vierge, ils sont tous atteints de folie.
Or, la folie ne peut faire la matière d'une accusation; il faut se borner à recommander les croyants aux soins de bons médecins et de leur famille.
Mais s'ils ne croient pas à cette révélation; si ce mystère ne cache que fourberie, qu'hypocrisie, ce sont des crimes ; cette fourberie, si elle était prouvée, pourrait fonder une dénonciation.
Mais l'est-elle suffisamment? On trouve bien, à la vérité, des variations, des mensonges parmi tous ces illuminés, qui se disent d'ailleurs des
êtres religieux. Tel le mensonge de M. d'Hosier pour son nom; telles les variations de M. Petit-Jean sur l'objet de la remise de l'écrit; telles les autres variations sur l'explication du sentiment intérieur. Mais la mauvaise foi, surtout, éclate dans une autre découverte qu'ont procurée les interrogatoires, et sur laquelle nous devons maintenant fixer votre attention.
M. Petit-Jean avait annoncé, avec un air de mystère, dans son premier interrogatoire, qu'il avait un secret de la plus haute importance à confier à l'Assemblée nationale; que le roi courait le plus grand danger, que son sceptre devait bientôt lui être enlevé.
Cédant aux instances réitérées du comité, il a déclaré « que le complot qui menaçait le roi, avait pour objet de substituer la maison actuelle d'Orléans à la maison régnante, que les préparatifs hostiles de l'Angleterre, à ce moment, ont pour objet de soutenir cet attentat ; et que l'époque, à ce qu'il y a lieu de présumer, sera celle de la fédération (1). »
On lui a demandé les preuves de ce complot, et il en a cité trois :
1° La révélation qui en avait été faite par la Vierge à Mme
Thomassin ;
2° La galerie des tableaux de Saint-Cloud;
3° Une des centuries de Nostradamus.
« L'exposé, a-t il dit (2), de la Révolution présente, telle qu'elle est commencée, telle qu'elle se finira, est écrit, dévoilé, révélé dans l'arrangement même des tableaux de la galerie de Saint-Cloud; en conséquence, il a demandé qu'aussitôt le rapport fait à l'Assemblée nationale de sa déposition, elle prenne les mesures nécessaires pour maintenir ce dépôt de preuves essentielles dans un état intact, de manière à ce que lui répondant, puisse, en cas d'interrogatoire, soit au Ghâtelet, soit devant elle, faire apporter successivement les preuves des complots qu'il annonce. »
On lui a demandé les développements de cette Révolution et de ce complot. Il a réservé de les donner à l'Assemblée nationale; mais, dans ce second interrogatoire qu'il a subi, en présence des membres du comité des Recherches de l'Assemblée nationale, il a donné un de ces développements imposants (c'est son mot) ; il a dit que « l'ameublement du premier salon d'entrée de Saint-Cloud présentait trois tableaux, dont l'un, placé dans le milieu, est le duc d'Orléans, père du duc actuel, et les deux autres, faisant pendant l'un de l'autre, indiquent le sort futur de tous les auteurs de ce complot; sort, dont les événements prochains justifieront avant toute autre recherche ultérieure (3). »
Il a ajouté que le tableau de la fête prochaine du Champ-de-Mars se trouvait de même dans l'ameublement du château de Saint-Cloud; étendant ses idées plus loin, il a assuré « que la révolution politique de la France est purement initiatoire d'une révolution religieuse, morale, politique et universelle dans toute la terre, dont Saint-Cloud n'offre que le tableau (4). »
Comme cet ameublement n'était pas propre à détruire l'incrédulité sur ce complot, M. Petit-Jean a cité la centurie suivante de Nostradamus (5) :
L'un des plus grands fuira jusqu'aux Espagnes,
Quand longue plaie après viendra saignée.
Passant copie à travers les montagnes,
Dévastant tout, — en suite en paix régner.
Ce grand était, suivant M. Petit-Jean, M. d'Orléans; cette longue plaie désignait le projet combiné des escadres anglaise et espagnole qui devaient fondre sur Rrest, y détruire la marine française, et, à défaut de succès, débarquer une armée en France, assez à temps, pour seconder à la journée du Champ-de-Mars, M. d'Orléans, qui devait entrer en France avec une armée, et marcher sur Paris; mais cette armée étant trop peu nombreuse pour exécuter ce projet, aujourd'hui surtout, a-t-il dit, que ses complices ne peuvent plus le favoriser, il sera forcé de se replier en retraite, soit sur la flotte, soit sur l'Espagne; et dans l'incertitude de retrouver sa flotte, il est simple de croire qu'il se repliera sur l'Espagne, ce qui est désigné par ces vers,
Passant copie (ou troupes) à travers les montagnes Dévastant tout, etc.
Quelque ridicule que fût cette prédiction, il était un fait essentiel que le comité devait
approfondir. Le prophète avait déclaré que l'exposé de ce complot (1), y joint les noms de
ses principaux auteurs, était consigné dans des écrits venant de Mme Thomassin, copiés d'elle par Mme Jumilhac, envoyés par
celle-ci à M. d'Hosier, qui en avait donné connaissance au répondant.
Il avait de plus déclaré que les noms des principaux auteurs du complot, désignés dans cet écrit, étaientMM.le comte de Mirabeau, Alexandre et Charles de Lameth, et le duc de Liancourt, laquelle désignation, a-t-il dit, il ne répète que sauf erreur. Il avait encore déclaré que ces personnes n'étaient pas simplement désignées, mais qu'elles étaient nommées. (2)
M. d'Hosier avait gardé le silence sur ce complot; il fallait l'interroger de nouveau. Il a
nié tout; il a nié avoir connaissance de l'écrit de Mme
Thomassin, qui contenait l'exposé du complot. Mais ensuite, quand il a été mis en pré sencede
M. Petit-Jean, quand il l'a vu fermement persister dans sa déclaration, alors il a changé de
langage, et, pour justifier ses contradictions, il a allégué sa timidité naturelle; il a dit
qu'il avait entendu nier simplement qu'il eût remis cet écrit; mais d'ailleurs il a avoué
avoir communiqué cet écrit à M. Petit-Jean ; il a avoué que cet écrit (3) « parlait d'un
projet où M. le duc d'Orléans et plusieurs autresavaient formé le projet d'usurper la
couronne, et, à défaut, de vendre le royaume à une puissance étrangère non désignée. » li
aavoué que les complicesde ce projet étaient MM. de Liancourt, Alexandre de Lameth et de
Mirabeau, sans autre désignation pour ces derniers; il a avoué qu'il tenait cet écrit de Mme
Jumilhac; qu'elle le lui avait adressé de sa terre, près de Limoges, en mai ou en juin
dernier; qu'il était écrit de la main même de Mmede Jumilhac; qu'elle lui avait marqué le
tenir de Mmô Thomassin, et que tout ce qu'il contenait avait été révélé à cette dernière par
la Vierge.
Mme Thomassin la jeune, à qui l'on a fait lecture de la
déposition de M. Petit-Jean, a nié avoir aucune connaissance de cet écrit (4); elle a
déclaré « n'avoir aucun souvenir d'avoir nommé, dans son somnambulisme, quelqu'un de coupable; qu'elle ne croit pas même que cela soit possible; qu'elle a pu quelquefois parler de nouvelles diverses qui se répandaient, et y ajouter plus ou moins de foi, suivant les circonstances, et s'être exprimée diversement; mais qu'elle ne se souvient point d'avoir eu aucune révélation à ce sujet. »
Les dépositions de MM. d'Hosier et Petit-Jean annonçaient que Mme Jumilhac était
profondé-dément versée dans tous ces mystères de somnambulisme (1); qu'elle propageait ies
écrits qui en sortaient ; qu'elle avait écrit et envoyé celui relatif au complot attribué à
M. d'Orléans. Il était donc du devoir dii comité de l'interroger sur ces divers points. Mais
quel a été son étonnement, de l'entendre opposer une dénégation positive a ce dernier fait,
si bien constatéI Elle a bien avoué avoir écrit plusieurs fois sous la dictée de Mme Thômassin, dans l'état de somnambulisme ; elle a aussi avoué que
Mme Thômassin lui avait recommandé d'envoyer des copies de ces écrits à M. d'Hosier,
lorsqu'elle serait à sa terre ; ce qu'elle a fait en mai ou juin dernier ; mais elle a
déclaré n'avoir aucun souvenir de ce que coû-tenaient ces écrits, et les avoir brûlés. (2)
Cet oubli si profond devait paraître assez extraordinaire, les faits étaient si graves : comment ne lui avaient-ils laissé aucune impression? Ces faits si graves étaient réVéféS par la Vierge; et Mmo Jumilhac a une foi si robuste pour ces révélations, a tant de vénération pour elles, qu'elle prend la peine de les copier! Commeht oublier si vite ce qu'on vénère? Mm9 JumilhaG les avait d'ailleurs copiées deux fois; et enfin, deux mois s'étaient à peine écoulés depuis ces copies et l'envoi. Toutes ces circonstances cadraient mal avefc cette perte subite de memolre elles étaient embarrassantes, Mme Jumilhac s'en est tirée, en persistant à dire qu'elle he s'en Souvenait pas; que ce défaut dë souvenir venait pëùt-être, à-t-elle ajouté, de Vobscurité qui règne dans les discours des somnambules.
Mais cette obscurité, si Utile aux Somnambules, pour cacher ieur but secret, ne pouvait être invoquée ici; car les auteurs et complices du projet étaient bien nommés. À cçtte remarque, Mme Jumilhac a répondu : « que jamais Ma* Thômassin ne nommait personne dans Son somnambulisme; que lorsqu'elle voulait indiquer quelqu'un, elle le désignait par le^ lettrés initiales de soïi nom ; qUe cette indication, jointe à l'obscurité du fotia de l'écrit, a pu être différemment interprétée par* ceux qui en ont ëti commUnioation. Elle a, d'ailleurs, soutenu n'avoir aucune connaissance dé ces noms-là. »
Il faut convenir que ces révélations de lettres initiales, qui laissent ensuite Un champ
libre à des interprétations calomnieuses, sont d'une utilité assez grande, pour que la Vierge
apparaisse et les dicte a une simple mortelle ; mais, enfin, MM. d'HoSier et Petit-Jean
avaient vu des noms, entiers dans l'écrit de Mme Jumilhac. Il
fallait les entendre sur ces lettres initiales si bien imaginées. M. d'Hosier, ijui avait
décliné ces noms, qui les avait vus, si bien vus, qu'il avait ajouté une circonstance
frappante ; M. d'Hosier, mis en présente de Mme JUmilhac, varie
encore une fois,
et se souvient de n'avoir vu que des lettres initiales (l)
On lui a demandé comment il avait pu appliquer à ces trois personnes des lettres initiales, qui pouvaient convenir à mille autres. — Il a répondu: « que c'était parce qu'il l'avait ouï dire en général ; qu'il n'a pas eu de motif particulier de les appliquer; qu'en faisant l'application il a pu se tromper* » Il ajoute que: « le mot complot ne se trouvait point dans l'écrit envoyé par Mm* Jumilhac; qu'il y était question seulement de gens vicieux voulant le mal, etc. »
Sur cette réponse complaisante, on a fait observer à M. d'Hosier qu'il était perpétuellement eu contradiction avec lui-même dans ses divers interrogatoires. Il s'est contenté de répondre, que ce qu'if venait de dire était la vérité (2).
La vérité,, eh 1 comment donc caractériser les autres réponses? Peut-on citer la vérité quand on la viole ?
Il n'est pas difficile, d'après cet exposé, de juger et ce complot, et la révélation prétendue qui en a été faite, et les dénégations de cétte révélation.
Le complot n'est, sans doute, qu'une chimère, et serait une calomnie,, si les preuves qu'en donne M. Petit-Jean ne décelaient pas, dàns lui, la démence.
La révélation du complot, par la Vierge, est une autre chimère.
Mais ce qui n'est poittt chimérique, c'est qu'il a existé un écrit contenant la prétendue
révélation de ce complot, copié par Mme Jumilhac, ët envoyé par
elle à M. d'Hosier. It existe, sur ce fait, Une double déposition qui détruit la dénégation
de Mm® Jumilhac, celles de MM. d'Hosiër et Petit-Jean; l'un a reçu l'écrit et l'autre l'a eu
en communication, et M. Petit-Jean ne pouvait se tromper sur l'écriture, puisqu'il était en
correspondance avec Mme Jumilhac.
Quelle que soit là source d'où vienne cet écrit, quelle qu ait été l'intention en la
propageant, on qoit blâmer MM. d'tlôsier, Petit-Jean et Mme
Jumilhac, ou de n avoir pâs dénoncé le complot, s'ils étaient convaincus de sa réalité, ou,
s'ils ne l'étaient pas, d'avoir Contribué à la circulation d'Une calomnie grave, contre des
citoyens que leur place doit rendre respectables, ët d'avoir, pour assurer le succès de cette
calomnié, supposé une révélation divine.
La mauvaise foi, qui a percé dans leurs réponses, leurs variations, leurs dénégations, doit réfléchir sur l'explication qu'ils Ont donnée de l'écrit en vélin et du somnambulisme auquel ils l'attribuent, et doit les rendre très suspects.
Si la démence ne caractérisait pas tous les rêves qu'ils ont débités sur Cet écrit, si elle n'infectait pas tous les actes qui en ont été la suite, on ne pourrait s'empêcher de prononcer:
Que Mme Thômassin est coupable d'avoir communiqué cet écrit à
Mme Vassart, et de l'avoir envoyé, dans son état de veille, à M.
d'Hosier;
Que M. Argence, qui l'a copié, est blâmable d'avoir laisse subsister un écrit aussi dangereux, lorsqu'il ignorait l'Usage qu'on devait en faire ;
QUe M. d'Hosier est coupable d'avoir communiqué cet écrit à M. Petit-Jean, et d'avoir cherché à exécuter les ordres qu'il contenait;
Que M. Petit-Jean, surtout, est coupable d'avoir
votilu remettre et faire remettre au roi cet écrit.
Tous ces actes étaient d'autant plus blâmables, que les conseils renfermés dans l'écrit étaient donnés dans un temps de troubles, et à la veillé de la grande fédération, lorsque tous ceB anciens soldats, dont on parle dans l'écrit, devaient être rassemblés.
En deux mots, l'écrit contient un projet dangereux; l'intention est plus que suspecte, mais les moyens sont extravagants. Il faut pardonner à la folie, niais, en même temps, il faut se mettre en garde contre elle ; la publicité, qui d'ailleurs est un devoir, en préviendra les écarts ou fera justice des imposteurs.
Adresse de ta Communauté de Villeneuve-lès^Avignon au sujet des imputations dirigées contre elle, par M. Bouche, député de Provence, dans la séance du 17 juillet, à propos de Vaffaire d'Avignon.
Ce jourd'hui 25 juillet 1790, dans l'hôtel de la commiine de Villeneuvè-lès-Avignon, à 2 heures de relevée,
Le conseil général de la commune, présidé par M. Antoine Chabrel, maire, assemblé à son de cloché et par billets d'invitation, auquel Ont été présents MM. Marie-Joseph Augustin dé Roubin, Bertrand Lhermite, Antoine Valay, Joseph Barra-cah, Claude Bonel, Gabriel Anèstay et Jean Gar-guet, officiers municipaux; Jean-Baptiste Noël Seigneuret, Antoine Lyon, Gabriel Aubert, Fran-çoig-Àubert Linsolas, Claude Rouvierre, Robért Ferrànd, Joseph Lautiér, Michel Gonet, André Laugier, Pierre - Paul BoUyer, Michel, Pascal Bouyer, Biaise Tardieu et Firmin Bremond, notables, en l'absence des autres, pour être malades ou en foire de Beaucaire.
M. Pierre-Marie Palejay, procureur de la commune, présent.
M. le maire a dit : que tous les papiers publics font mention d'une inculpation grave, à iaquelle M. Bonche, député d'Aix à l'Assemblée nationale, s est livré contre les citoyens de cette ville et la municipalité, dans la séance du 17 courant, en parlant sur les troubles d'Avignon ; voici un extrait du Journal des Débats, n° 348, impriméâVéC le consentement de l'Assemblée nationale, par Baudouin, son imprimeur.
« M. Bouche s'est dit l'organe de tous les départements du Midi... Il s'est aussi livré A toute son indignation contre là ville dè VillenéUve-lêS-Avignon, qui a seule entendu les cris des malheureux, et n'a pas volé à leur secours, dans le Sein de laquelle il s'est fabriqué, à ce qu'on assure, dix-huit mille cartouches, et où l'on ourdit chaque jour de noirs et perfidës complots. »
Qu'il ne doit non plus laisser ignorer que la ville a trouvé dans un honorable meibbre (M. de Çlermont-Lodève), un digne défenseur contre les noirceurs de M. Bouche; voici ce que porte le même journal : « M. de Clermont-Lodève s'est effçircé de défendre la ville de Villeneuve-lès-Avignon, inculpée par M. Bouche, et il a cherché de prouver qu'elle avait plus d'intérêt qu'âUciihe arçjre d'être attachée â la France. »
Qu'enfin le sieur André, citoyen de cette ville, député du district à la fédération générale de Paris, a écrit au corps municipal, en date du 20 de ce mois, pour lui témoigner toute sa peine et sa sensibilité aux imputations faites , à cette ville, par M. Bouche, à la même séance citée par le susdit journal, ce qui ne laisse aucun doute sur la vérité du fait»
Que la garde nationale et à elle joint grand nombre de citoyens, se sont rendus ce matin à la maison commune et ont dénoncé à la municipalité la partie du discours de M. Bouche, concernant cette ville, comme tendant à faire naître des soupçons sur les principes et les sentiments de patriotisme dont nos concitoyens ne cessent de donner des marques depuis la Révolution» et ont demandé que la municipalité en poursuive la juste réparation; ce qu'il expose pour y être délibéré, remettant le susdit journal et lettre dudit sieur André, sur le bureau.
M. le procureur de la commune ouï :
Le conseil général de la commune, pénétré des sentiments de la plus vive reconnaissance pour M. de Clermont-Lodève, lui a voté par acclamation les remerciements les plus sincères.
Et partageant avec tous les citoyens la juste indignation que leur ont inspiré les imputations odieuses que M. Bouche a osé se permettre contre cette ville, dans le sein de l'Assemblée nationale, s'empresse de déclarer et d'assurer â la France entière, que tout ce que ledit sieur Bouche a dit contre VilleneuVe est un tissu d'impostures, de fausseté, et de calomnie la plus noife, et qu'il le défie d'en donner la moindre preuve.
il se réserve, en conséquence, de le poursuivre par-devant tous tribunaux compétents, jusques à due répâration, lorsqu'il sera dépouillé au caractère sacré de" représentant de la nation, dont il a abusé si ouvertement dans cette occasion.
Cette calomnie est d'autant plus sensible aux citoyens et à la municipalité, qu'ils s'étaient jusqu'à ce jour glorifiés de l'harmonie et de l'union qui régnent en celte ville parmi toutes les classes de citoyens.
Que malgré les pertes incalculables que cette ville éprouve dans laRévolution par la destruction des corps religieux et l'abolition des privilèges, elle n'a jamais cessé de donner les préuveâ les plus évidentes de son patriotisme et de son attachement à ia Constitution (1).
Le conseil général donne pour preuve de ce patriotisme Y adhésion (2) que cette ville a donnée, avant presque toutes les autres, aux décrets de l'Assemblée nationale, la renonciation à tous ses privilèges, l'empressement de la municipalité à ouvrir le registre de la contribution patriotique, dès qu'elle eut connaissance du décret rendu à ce sujet, même avant de l'avoir reçu officiellement, celui de tous les citoyens à y souscrire, au point qu'il en renferme pour environ 70 mille livres, et de les acquitter (3).
Il donne encore en preuve le payement de tons les impôts directs et indirects de la dîme et des droits féodaux, qui n'a jamais souffert en cette ville le moindre refus ni retard, malgré les misères du temps; enfin les sentiments que tous les citoyens ont manifesté dans la journée à jamais mémorable du 14 du courant.
Lè conseil général, après avoir prouvé le patriotisme, le zèle et l'attachement des habitants pour la Constitution, doit encore justifier leur conduite à raison des griefs que M. Bouche leur impute, en disant : « qu'ils ont entendu les cris des malheureux et n'ont pas volé à leur secours. »
En conséquence, il déclare et affirme qu'aux premiers coups de fusil que l'on entendit de cette ville, le colonel et deux capitaines de la garde nationale s'empressèrent de passera Avignon pour en connaître les motifs; mais plusieurs patrons qui se trouvaient sur le port du Rhône, du côté aél'îlede la Rarthalasse, vis-à-vis d'Avignon, leur ayant assuré qu'ils seraient insultés, s'ils y allaient, ils restèrent sur le port d'où ils envoyèrent des bateaux pour traverser et secourir une foule d'Avignonnais de tout âge, de tout sexe et profession qui s'expatriaient, fondant en larmes, et poussant les cris du plus affreux désespoir; que, dans le même moment, le corps municipai et plusieurs membres de la garde nationale s'occupaient dans la ville à procurer à ces malheureux infortunés (1) tous les secours et besoins que leur situation exigeait (2).
Affirme encore que dans l'intervalle où l'on secourait ainsi tous ceux qui réclamaient asile et assistance, arrive sur le rocher d'Avignon qui domine le port, un piquet de douze à quinze hommes armés de fusils, qui, couchant en joue les patrons de Villeneuve, leur ordonnèrent de se retirer au plus vite avec leurs bateaux, leur firent défense de passer aucun Avignonnais, avec menace de faire feu sur le premier qui n'exécuterait pas cet ordre.
Affirme qu'il fut tiré un coup de fusil à un citoyen de cette ville, résidant depuis quelque temps à Avignon, se trouvant sur le port du Rhône, qui le laissa sur le carreau.
Il affirme de plus que le détachement des gardes nationales de France, qui se sont rendues à Avignon, n'y sont allées que d'après la réquisition de la municipalité d'Avignon, et qu'elle n'a requis ni la municipalité ni la garde nationale de cette ville de lui prêter secours, quoique plus à portée qu'aucune autre (3).
Il affirme enfin que les menaces d'incursion en cette ville, que le peuple d'Avignon faisait journellement, mit la municipalité dans le cas de demander des troupes de ligne, attendu le défaut d'armes de la garde nationale, qui lui furent accordées; mais ces menaces ayant été vaines elle ne les a point requises de venir.
Et considérant que l'assertion d'un homme revêtu d'un caractère aussi respectable que celui de représentant de la nation, donnée en présence du sénat le plus auguste et dans un temple où la vérité devrait seule percer, doit nécessairement
faire l'impression la plus défavorable contre les citoyens de cette ville.
Le conseil général a unanimement délibéré et arrêté de dénoncer à l'Assemblée nationale, M. Bouche, député d'Aix en Provence; comme calomniateur, jusqu'à ce qu'il ait prouvé ce qu'il a eu la témérité d'avancer et de lui en demander la juste réparation.
Charge à cet effet le corps municipal de présentera l'Assemblée nationale toute adresse et pétition nécessaires, portant l'expression de la vive douleur où les imputations de M. Bouche ont jeté les habitants, et l'assurance des sentiments les plus sincères et les plus respectueux à son égard ; protestant que, malgré tout ce qu'a pu dire M. Bouche, ils sont et seront toujours les plus fidèles observateurs des lois qu'elle jugera à propos de donner, et qu'ils resteront toujours inviolable-ment attachés à la Constitution et au roi.
Arrête enfin que la présente délibération sera imprimée et qu'extrait d'icelle sera envoyé, avec l'adresse et pétition ci-dessus, à l'Assemblée nationale, au ministre de département, en l'assurant de la fidélité et de l'amour inaltérable et respectueux des habitants pour la personne sacrée du roi, aux directoires du département et et du district, et à toutes les municipalités du royaume.
Que pareil extrait sera aussi envoyé à M. de Clermont-Lodève, avec prière de l'agréer comme un faible hommage que la commune rend à son lèle, pour l'intérêt qu'il a bien voulu prendre à son égard, l'assurant de la sensibilité et de la reconnaissance de tous les citoyens.
Et ont les délibérants, sachant écrire, signé : Chabrel, maire, — Roubin; — Lhermite; — Va-lay; — Barracan; — Bonel; — Aoestay; — Gar-guet; officiers municipaux; Seigneuret; — Lyon;— Aubert; — Aubert Linsolas; — Rouvierre; — Ferrand; — Laugier; — Bouyer; — Tardieu; — Bremond; — Gonet, notables;— Pallejay, procureur de la commune; — Gleise, secrétaire-greffier.— Collatîonné: GLEISE, secrétaire greffier.
ADRESSE
à VAssemblée nationale de France.
Tandis que toute la nation livrée encore à cette allégresse générale de la liberté régénérée à la suite de ce jour mémorable dans les fastes des nations ; tandis que cette ivresse patriotique était si vivement partagée par une cité toujours fidèle, toujours soumise, toujours religieuse observatrice d'un serment si souvent répété et renouvelé pompeusement dans ce jour solennel: faut-il, Messieurs, qu'un membre du Corps législatif, respectant assez peu un caractère sacré, soit devenu l'organe de l'imposture, dans l'enceinte et en présence du sénat auguste, qui donne des lois au plus florissant empire de l'univers?
Justement indignés, profondément affectés des imputations les plus criminelles, les citoyens de Villeneuve-lès-Avignon s'honoreront sans doute de déposer leur vive sensibilité et l'amertume de leur douleur dans le sein des pères de la patrie.
La délibération du conseil général de la commune justifie toute l'étendue de leur patriotisme, de leur dévouement à ia chose publique, de leur soumission sans bornes à vos décrets et dont l'exécution s'est maintenue au milieu de l'ordre, de la paix jamais altérée par le plus léger murmure, et a l'abri des orages qui ont agité la France et les contrées voisines.
Les malheurs d'Avignon, ces malheurs multipliés par des proscriptions sanguinaires vous sont connus... l'esprit répugne à les retracer.
En vain, M. Bouche (car il faut le nommer) chercherait-il à atténuer, par des calomnies dépourvues de toutes preuves et de toute vrai=em-blance, le mérite d'une secourable hospitalité accordée, par des voisins, aux citoyens fugitifs de cette ville infortunée, échappant aux peines, aux excès d'une populace effrénée, ivre de sang et de fureur (1) et qui peut-être encore n'en est pas rassasiée ?
Cette vertu compatissante, la première que prescrivent les lois de la nature et de la société, serait donc devenu un crime au mépris des droits de l'homme que vous avez consacrés par vos préceptes?
Eh bien 1 Messieurs, ce secours hospitalier exercé envers des voisins, des amis, des parents de tout état, de toute profession, n'a pu être publiquement reproché aux citoyens de Villeneuve; il a fallu des prétextes sans doute pour s'en venger, et, par une prévarication vraiment criminelle, on n'a pas craint d'y substituer des délits imposteurs dont une bouche impure a osé souiller le sanctuaire de la vérité, en y donnant une publicité légale, qui a propagé dans toutes les parties du royaume.
M. Bouche accuse les citoyens de Villeneuve, « qui ont seuls entendu les cris des malheureux, de n'avoir pas volé à leur secours : » et quel secours] plus efficace que de les soustraire à la mort qui les poursuivait, aux affreux supplices dont ils avaient été les témoins et qui peut-être leur étaient préparés ?
Les citoyens de Villeneuve n'ont pas volé à leur secours et quand un premier mouvement des officiers principaux des gardes nationaux les a portés de se rapprocher des murs ensanglantés d'Avignon, qu'ont-ils rencontré sur leur bord ? le cadavre d'un de leurs anciens citoyens immolé à une fureur vengeresse. Qu'ont-ils éprouvé pour prix de leur empressement ? Des obstacles, des menaces dont ils eussent été les victimes, s'ils avaient tenté de les surmonter. Et ce secours si voisin, et qui pouvait être si prompt, a-t-il été demandé par le corps municipal d'Avignon qui les réclamait au loin?... Il a reconnu le tort qu'il a fait à l'empressement de ses généreux voisins (comme il conte par la lettre qu'il écrivit de mouvement à la municipalité de Villeneuve), et par laquelle il attribue le défaut d'une invitation si naturelle « à un oubli plutôt qu'à un sentiment d'indifférence si contraire au patriotisme et aux liaisons d'amitié qui ont toujours existé entre les deux villes. » (2)
Non content d'une inculpation si authentique-ment démentie, M. Bouche se permet encore d'avancer outrageusement « que dix-huit mille cartouches ont été fabriquées, à ce qu'on assure, à Villeneuve, oii l'on ourdit de noirs et perfides complots. »
Cette accusation devient d'autant plus grave qu'elle semble tenir à la cause des troubles qu'il attribue aux provinces méridionales, dont il se déclare l'organe, que cet accusateur si dangereux par la place qu'il occupe prouve de pareils forfaits: et les citoyens de Villeneuve se dévouent tous aux justes punitions que ia rigueur des lois leur inflige, ou qu'il nomme les dénonciateurs.
Mais si une accusation aussi téméraire est faussement hasardée, quelle doit être la peine du calomniateur et d'une prévarication d'autant plus criminelle, qu'elle prostitue le ministère le plus saint, le temple sacré de la loi?
Ce n'est point ici un simple particulier compromis par une fausse inculpation, c'est une cité entière, c'est un corps estimable de citoyens exposés à la flétrissure de toute la nation, pour avoir préparé des complots ténébreux et les moyens de les exécuter.
Serait-ce à l'instigation ou par les pratiques de fugitifs Avignon nais renfermés dans leur enceinte que ces infâmes projets auraient été tramés? Hélas! les infortunés, paisibles dans leur asile, encore tremblants parle souvenir des plus cruels spectacles et des dangers qu'ils ont couru, leur esprit accablé ne laisse à des cœurs déchirés que le sentiment d'une gratitude pour des hôtes attendris.Quoi I c'est l'élan, c'est l'expression cent fois répétée de leur reconnaissance qui agite, qui irrite des ennemis cruels? ce tourment du crime multiplie des jactances et des menaces qui eussent exigé des précautions, si la barrière qui sépare les deux villes n'avait rassuré les citoyens de Villeneuve sur des entreprises redoutées encore par ceux d'Orange, dont l'entremise et les secours dirigés par un magistrat aussi vertueux que patriote ont arrêté des flotsdesang et arraché à la mort de malheureux proscrits, qui gémissent encore dans les fers.
Qu'il soit permis de le dire; ces généreux citoyens doivent être auprès de vous les oracles de la vérité comme ils ont été les anges tuté-laires de la malheureuse ville d'Avignon. C'est dans leurs sentiments secourables que les citoyens de Villeneuve trouveront l'apologie de ceux qui les ont animés.
Quelle que puisse donc être la cause suggérée ou intéressée, connue ou secrète des téméraires inculpations de M. Bouche, les citoyens de Villeneuve, fiers du sentiment de leur conscience, rassurés par celui de leur patriotisme, peuvent donc avancer avec une hardie confiance, que si la calomnie est un crime dans l'ordre civil, le crime augmente dans l'ordre politique quand il émane de l'abus du plus saint des devoirs, et bien plus encore quand un des représentants de la nation l'accrédite par le poids de son affection au mépris d'une probité, qui, épurée par vos principes, devait être à l'abri d'un pareil genre de prévarication; la sagesse, la justice du pouvoir suprême que vous exercez, vous font un devoir de la proscrire, de faire punir, comme une forfaiture, l'abus d'un ministère sacré, et comme un attentat national qui porte atteinte à l'honneur d'une cité sage, fidèle et soumise, honneur qui intéresse toutes celles du royaume exposées à la même diffamation.
Mais si la nation entière doit attendre cette justice de l'auguste Assemblée nationale, les citoyens de Villeneuve la réclament avec une confiance égale à leur soumission et à leur respect.
Copie de la lettre écrite par la municipalité d'Avignon, à celle de Villeneuve-lès-Avignon,
le
Messieurs, au moment où se fit dans notre ville l'explosion qui l'a mise à deux doigts de sa perte, la plupart de nous, se trouvant dispersés, écrivirent aux gardes nationales françaises, nos alliées,
et aux municipalités pour leur demander des secours. Vous avei su avec quelle célérité ce secours est venu et combien il nous a été utile pour ramener le calme parmi nos malheureux concitoyens.
Nous n'aurions pas manqué, Messieurs, de vous demander le même service, persuadés d'avance de votre générosité ; mais la préoccupation dans laquelle nous nous trouvions, nous "lit perdre de vue ce secours le plus prochain. Nous serions au désespoir que vous pusSiea attribuer Cet oubli à quelque sentiment d'indifférence; nous connaissons trop votre patriotisme et les liaisons d'amitié qui,ont toujours existé entre nos deux villes, et nous ne désirons que de les voir resser-Ter encore plus par une fédération positive, qui ne fasse. de vos citoyens ët de vos gardes nationales, ainsi quë des nôtres, qu'un peuple de frères. Nous verrons arriver ce moment avec la plus grande et la plus douce Satisfaction.
Nous sommes, avec les sentiments de la plus inviolable fraternité, VOS très humbles et obéissants serviteurs.
Les maire et officiers municipaux d'Avignon: Richard, Raphaël, àudifïret, le jeune, Lamy, Gérard, officiers municipaux.
Séance du,
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
(de Saint-Jean-fî Angèly), secrétaire, dônûé lecture du procès-verbal delà séâhce du mercredi 28 juillet.
(Ce procès-verbal est adopté.)
(de tfemôurs) lit le proCèà-Verbal de la séance du jeudi 29 de Oë mois, au matin.
(de Saint-Jeail-d' Angêly) propose d'ajouter au décret rendu pour l'examen des réclamations de l'ordre de Malte, une disposition portant que lë comité de Constitution aura pour adjoints, dans cette affaire, deux membres du comité des aflaires étrangères.
Cette proposition est adoptée et lë décret suivant ëst' réndu :
« Il sera adjoint au comité, nommé hier, pour faire â l'Assemblée un rapport sur l'ordrë de Malte» deux membres dd comité, dont on a décrété aussi hier la nomination pour examiner nos traités et nos relations politiquSS, avec les puissances, et en rendre compte à l'Assemblée.
, secretaire, donne lec-ture du procè3-verbal de la séance d'hier au soir.
Plusieurs membres demandent que M. l'abbé de Barmond Soit désigné par son nom propre celui de Perrotin.
(de Nemours). 11 me semble qu'on pourrait dire : M. Petrotin, dit ct-deMHt l'abbé de
Barmond.
En ce cas, les deux domestiques pourraient bien n'être que ses deux compagnons de Voyage.
Vous avez décrété que le sieur Riolle, détenu dans les prisons de Lyon, serait conduit à Paris. Je demande que le particulier qui a été arrêté avec lui soit également traduit en justice.
(Gette proposition est adoptée.)
Je viens d'apprendre que les ci-devant états du Gambrêsîs sont toujours en fonction et qu'ils refusent de les cesser, quoique la nouvelle administration soit en activité* Je demande que M* le Président soit autorisé à Së retirer par devers le roi pour le prier de donner les ordres nécessaires pour faire cesser ces fonctions qui sont en opposition avec Vos décrets-.
J'ai également à faire une proposition, c'est que le comité des finances présenté, au premier jour, un décret sur le payement des frais des assemblées bailliagères dont l'ajournement a été prononcé le 4 juin, jusqu'après la formation dës assemblées de département et de district. J'appuie, en même temps, la motion de M. Merlin.
(de Nemours). J'ajoute que les anciens corps administratifs doivent remettre tous leurs papiers, en bon ordre, aux assemblées de département.
La motion de M. d'Estourmei est renvoyée au comité des finances. Ceile de M, Merlin est décrétée en ces termes :
« L'Assemblée nationale charge 3on président de se retirer par devers le roi, pour supplier Sa Majesté de donner des ordres aux civdevant états du Cambrésis de cesser, dès ce moment, toute fonction, conformément au décretdu 22 décembre 1789, Concernant la formation des assemblées administratives, et dé remettre incessamment, sous inventaire, au directoire du département du Nord, tous les titres et papiers afférents à l'administration du Cambrésis. »
, au nom des commissaires des bureaux. Les archives de l'Assemblée s'étendent tous les jours et le local qui leur a été primitivement affecté est tout à fait insuffisant. Le dépôt des archives doit être permanent, afin d'éviter ledanger de déplacements continuels. D'autre part, on se plaint des retards du service de l'imprimerie Baudouin ; ces retards disparaîtraient en partie, si On lui accordait un emplacement plus vaste qui lui permîf d'avoir un personnel plus nombreux. Vos commissaires ont considéré que les maisons religieuses des.Jacobins et des Récollets, qui ont des bibliothèques irès précieuses, allaient disparaître et qu'il y avait intérêt â les réunir dans un local spacieux : ils vous proposent donc d'affecter à ces divers usages la maison des capucins de la rue Saint-Honoré qui présente les moyens de remplir l'objet déterminé par les circonstances que je viens d'énoncer. J'ajoute que la garde placée autour de l'Assemblée veillerait également sur le bâtiment qui serait affecté à votre usage.
Je demande ce que vous feriez du jardin des capucins, par qui il serait
entretenu, à qui il appartiendrait? Je propose l'ajournement, afin que la question puisse être examinée à fond.
(L'ajournement est îejeté.)
Le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport des commissaires, et par suite des décrets des 10 juin et 6 juillet,
« Autorise la municipalité de Paris à faire évacuer le couvent des capucins de la rue Saint-Ho-noré, pour être employé aux divers usages relatifs au service de l'Assemblée, et qui seront indiqués par les commissaires.
« Elle charge la municipalité de Paris de prendre sur les fonds qu'elle est autorisée à percevoir par le décret du 8 juin, les sommes nécessaires pour assurer des moyens de subsistances aux religieux de cette maison, soit qu'ils veuillent être transférés dans un autre couvent de leur ordre, soit qu'ils déclarent vouloir jouir du bénéfice des décrets des 19,20 février et 21 mars derniers. »
, secrétaire, fait lecture d'une note des expéditions suivantes en parchemin, envoyées our être déposées dans les archives de l'Assem-lée nationale ;
Expéditions en parchemin pour être déposées dans les archives de VAssemblée nationale.
« 1° D'Une proclamation sur le décret du 26 juin et 3 de ce mois, concernant l'armée navale;
« 2° De lettreé patentes sur le décret dû 3 du présent mois, qui autorise les états du Cambré" sis â prêter aux officiers municipaux de Catnbrai, la Somme de 64,558 livres 18 sols;
« 3° D'une proclamation sur le décret du même jour, concernant les difficultés qui se sont élevées entre la nouvelle municipalité de Haguenau et les anciens magistrats de Cette ville:
«t 4° De lettres patentés sur le décret du 6, qui autorise la municipalité de Dourgues à imposer, en deux ans, par des rôles additionnels, la sommé de 10,000 livres;
«' 5° Dé lettres patehtes sur lé décrétdu même jôbr, portant que tous les octrois et autres droits établis au profit de la ville de Sedan continueront d'être perçus provisoirement: et autorise les officiers municipaux de ladite ville à faire un emprunt de 40,000 livres;
6° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise ia municipalité d'Arras à emprunter 30,000 livres sans intérêts ;
« 7° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorisé là commune de Saint-Parquier à imposer une somme de 800 livres;
t 8° De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant l'imposition à faire par les officiers municlpadx de Dafflpierre, d'une somme de 1,200 livres en quatre ans;
« 9° De lettres patentes sur le décret du 8, concernant l'imposition à faire par les officiers municipaux de Louviers, d'une somme de 20,000 livres en quatre ans ;
« 10° D'une proclamation sur le décret du 12, portant que la division du département de l'Eure, en six districts, est définitive ;
«11° De lettres patentes sur le décret du 13, portafltqu'il Serainforiné, parles tribunaux,Contre les infractions du décret du 18 juin, sanctionné par le roi, concernant les dîmes, champarts et autres droits fonciers ;
« 12° D'une proclamation sur le même décret ;
« 13° D'une proclamation sur le décret du même jour, relatif à la perception des droits d'aides, octrois et barrières établis aux entrées de la Ville de Lyon;
« 14° D'une proclamation sur le décret du 17, concernant les municipalités établies dans les villes de Ribêrac, les bourgs de Saint-Martin et de Saint-Martial ;
« 15° Et enfin des lettres patentes sur le décret du même jour, qui annule les procès*verbaux des prétendus commissaires de trente-deux sections de la ville de Lyon, des 9 et 10, et brdonne l'exécution du décret du 13, concernant le rétablissement des barrières de ladite ville. »
Paris, le
M. Jacques Garpentier, qui était à six mille lieues de la France, lorsque l'Assemblée nationale fut convoquée, et qui vient d'y rentrer, pour partager les bienfaits de la Révolution, adresse à M. le Président une lettre, par laquelle il prie l'Assemblée nationale d'agréer: le don patriotique d'une somme de 300 livres, comme un faible témoignage de son attachement à une Constitution à laquelle il donne le resta de sa vie.
, député de Çastelmoron-d'Al-bret, demande un congé pour affaires pressantes.
, député d'Evïeux, adresse une demande semblable.
Ces congés sont accordés,
Je suis chargé, par vos commissaires, de vous annoncer qUë les ordres donnés par le ministre, pour lé passage des troupes aUtrichiénnès, ont été rèvdtjtiéS, et que les cour-: riers extraordinaires doivent arriver aujourd'hui dans les différentes places.
Les permissions de laisser passer quelques bataillons sur quelques langues de terrain ont toujours été accordées sans nulle difficulté. La fceUle précaution d'usage était de faire déposer, dans des caisses, les armes tjU'oh rendait après le passage effectué. Il y a beaucoup d'inconvénients à révoquer une permission.
L'Assemblée passe à la discussion du projet de décret présenté hier, au nom du comité militaire, par M. Alexandre de Lameth, sur l'organisation de l'armée.
, trois plans sont soumis â votre discussion.
Le ministre vous propose une dépense de 88,151,153 livres pour une armée de 152 mille hommes, toujours en activité. Le comité propose Une armée de 153,953 hommes en activité, et et 50,666 soldats sédentaires dans les départements: il n'oftré'pas de plan de dépense.
M. Emmery propose 120,000 soldats actifs et 70,000 auxiliaires, sans eXcéder la dépense du plan du ministre. Cette disposition m'a d'abord séduit ; mais, en me plaçant au delà d'une campagne, je me suis représenté que la mort, la maladie ou d'autres accidents pourraient alors rendre les auxiliaires insuffisants, et forcer à recourir à d'autres moyens. Si les dbjections que j'ai à présenter déterminent à rejeter, sous ce rapport, le plan de M. Emmery, il arriverait nécessairement la même chose aux soldats sédentaires proposés par le comité. Alors la Supériorité du plan du ministre serait démontrée. tJne armée active de 120,000 hommes serait trop faible pour défendre nos frontières et nos côtes; des soldats qui rece-
vraient une demi-paye, qui pourraient pendant vingt années ne faire aucun service, offrent une dépense considérable et inutile; ils présentent beaucoup d'autres inconvénients. La plupart seraient mariés ; s'ils étaient obligés de marcher, qui nourrirait leurs femmes et leurs enfants? L'Etat, sans doute; ce serait un devoir. Ne raar-cheraient-ils pas avec chagrin et à regret? Et nous savons que le regret produit dans nos régiments une maladie désastreuse. Les hommes mariés ne sont pas de bons soldats; l'expérience l'a prouvé. Ils deviennent des blanchisseurs, des tailleurs, des vivandiers, pour trouver moyen de secourir leur famille : enfin au lieu de 70,000 hommes, on se trouverait bientôt réduit à 50,000, qui ne vaudraient pas des soldais qui servent par inclination, qui, dévoués à la guerre, ne retournent dans leur famille que par des semestres limités. Pour apprécier les différences qui se trouveraient entre ces deux espèces d'armées, présentez-les au choix d'un général expérimenté. Turenne aurait dit : Je demande des soldats, et il n'aurait pas pris votre armée composée d'auxiliaires. Après vingt ans, la moitié sera hors d'état de servir ; il en coûtera des dépenses considérables de rassemblement, et, comme il est toujours arrivé, la plus mauvaise armée sera encore la ia plus chère. Vous n'éviterez pas le danger trop certain de déterminer le soldat à quitter son métier, après six ans, pour aller jouir d'une demi-paye qui n'exigera peut-être pas de service. Un homme s'engage à 16 ou 17 ans, à 22 ou 23 il quitterait le régiment et entrerait dans les auxiliaires. On dit que ces troupes seront composées de soldats dressés; oui, ils seront dressés, mais ils ne seront pas formés : un soldat ne se forme que dans le cours de son second engagement. Supposons les auxiliaires établis, alors la mort, les maladies, les retraites à l'âge de 50 ans, occasionneront un mouvement parmi eux ; on ne pourra, pour les conserv er, faire des recrutements que dans l'armée active ; ainsi l'institution des auxiliaires nuirait à ia solidité de l'armée active, et détruirait les troupes en activité.
Le plan qui comporte un tel établissement ne peut donner une bonne armée: portée à 200,000 nommes, elle ne vaudra jamais les 150,000 que présente le plan du ministre. Dans ce plan, l'armée peut être augmentée, pour le premier pied de guerre, de 30,000 soldats, en doublant les régiments étrangers, et en accroissant les nôtres par les légions. Quand le salut de l'Etat exigera qu'on preune des dispositions plus formidables,- ne trouvera-t-on pas parmi les gardes nationales des jeunes gens vigoureux et libres, des volontaires déjà exercés au maniement des armes, aux évolutions militaires, qui serviraient pendant une campagne, n'ayant nul souci que de rentrer dans leur patrie avec des lauriers ? (On applaudit.) Je demande si une armée, ainsi recrutée, ne serait pas la plus fière, la plus formidable de l'Europe? Autrefois les habitants de la Franche-Comté ne trouvaient pas à se marier, s'ils n'avaient fait un ou deux engagements. Peut-on douter que cette émulation, cet honneur militaire ne se renouvellent aujourd'hui ; qu'en servant dans l'armée, c'est vraiment la patrie que l'on sert? Croit-on qu'il serait nécessaire de consulter les registres du contrôle des départements, autrement que pour connaître ceux dont ce ne serait pas le tour de faire la campagne? (On applaudit encore,) Ainsi le premier et le second pied de guerre seraient assurés ; la nation serait dispensée de payer, pendant vingtansde paix, des auxiliaires
qui ne seraient que de mauvais soldats, et dont l'institution aurait énervé l'armée. Je pense donc que le meilleur plan est celui qui donne 150,000 hommes sans auxiliaires. Je ne vois de changements à faire dans celui du ministre, que sur les incorporations. Au surplus, l'organisation de l'armée doit rester au pouvoir exécutif ; la tactique doit être déterminée par lui seul. L'Assemblée doit seulement se borner à fixer à peu près le nombre des individus qui composeront l'armée et celui des différents grades, et les dépenses générales et accessoires. — M. de Froment présente un projet de décret, rédigé dans les vues qu'il a développées.
(1). Messieurs, le plan d'organisation militaire, dont la lecture vient de vous être faite, établit quarante-s^x régiments d'infanterie de quatre bataillons, et trente-deux de troupes à cheval de six escadrons chacun.
En applaudissant aux observations de votre comité militaire sur le plan remis par le ministre du roi, je ne puis qu'approuver les raisons qui ont engagé ce comité à rejeter une organisation qui n'aurait pu avoir lieu dans les troupes à cheval, qu'en morcelant, pour ainsi dire, une grande partie des régiments de cette arme, pour les incorporer, par parties séparées, dans ceux conservés en leur entier.
Le plan de votre comité, moins désastreux sans doute puisqu'il ne doit entraîner que des incorporations de régiments entiers, ne me paraît pas cependant sans inconvénients.
Toujours persuadé, ainsi que je l'ai déjà annoncé dans un plan général de constitution militaire, que j'ai publié au mois de février dernier, que la formation préférable à donner aux troupes dans les circonstances actuelles, sera celle qui, en n'admettant que les réformes absolument indispensables, occasionnera le moins de secousses possibles et dérangera le moins l'existence et les habitudes de tous les individus, je ne puis vous dissimuler mes craintes sur les dangers que ce plan du comité peut présenter dans sonensemble général et dans son exécution.
Les régiments d'infanterie sont tous aujourd'hui composés de deux bataillons ; ceux de cavalerie et de dragons le sont de trois escadrons ; les carabiniers, les chasseurs à cheval et les hussards en ont quatre. Pour parvenir à la formation qui vous est proposée, il faudra doubler tous les régiments de toutes les armes. Il en résultera des réformes, des incorporations et des corps beaucoup plus nombreux qu'ils ne sont aujourd'hui; ce sont des inconvénients majeurs, sur lesquels j 'ose vous supplier de fixer, en premier lieu, votre attention.
Un des quatre bataillons de chacun des régiments d'infanterie, organisés différemment des trois autres, doit être une espèce de dépôt destiné à recevoir les infirmes, les recrues, et a ne servir militairement que pour renforcer les trois autres bataillonsaunombre d'hommes nécessaires à leur service ou à leurs manœuvres.
L'institution de ces bataillons, proprement dits de garnison, prive l'infanterie d'une
partie de ses moyens d'augmentation en temps de guerre : elle établit des fonctions
d'officiers et de sous-ofliciers différentes dans le même corps. Ce sont encore des
inconvénients non moins à craindre ; je vais
Les réformes sont toujours fâcheuses, sans doute, pour les individus sur lesquels elles portent, ainsi que pour ceux qui, se destinant au métier des armes, se voyent frustrés par elles de l'espérance d'obtenir des emplois; mais si, portant principalement sur des grades supérieurs, récompenses des talents et de l'ancienneté, ces réformes peuvent détruire l'émulation ou décou-rag3r la persévérance qui ne peuvent exister sans espoir d'avancement, elles deviennent de plus en plus affligeantes.
Le plan de votre comité, en doublant ainsi les régiments de toutes les armes, supprime la moitié de tous les états-majors à présents existants. Des arrangements favorables aux individus et tels que votre justice vous les dictera sans doute, pourront adoucir la rigueur de leur sort. Mais, Messieurs, réfléchissez aux suites qu'une diminution aussi considérable d'em plois supérieurs pourrait avoir.
Votre sagesse paraît vouloir avancer l'époque des récompenses dues aux services : si l'officier, en embrassant le métier des armes, se voit réduit à demeurer aussi longtemps dans les grades inférieurs, ou à n'arriver au commandement que dans un âge qui l'y rendrait peu propre, ce temps fixé par vous, pour les grâces, sera toujours l'époquede sa retraite. Pour peu qu'il ait d'aisance il abandonnera, dans un âge propre encore au service, un métier qui ne lui offrirait pas plus d'espérances ; les régiments perdront bientôt tous ceux qui auraient été le plus en état de les bien conduire et finiront par n'être plus composés que de jeunes gens ou que d'officiers qui, dépourvus de ressources, y resteraient avec persévérance, et parviendraient, par elte, dans un âge trop avancé, aux emplois supérieurs, qu'ils auraient été forcés d'attendre si longtemps.
Si les réformes sont fâcheuses, les incorporations, de quelque manière qu'elles aient lieu, ne sont pas moins dangereuses, Messieurs. Quoique tous les régiments soient également animés du même amour de la patrie, des mêmes sentiments de courage, et du même désir de gloire, chacun d'eux n'en a pas moins son esprit particulier. Les événements glorieux qui leur sont arrivés, l'habitude même ont contribué à le leur donner. Il se transmet par tradition, et c'est souvent lui qui assure leur succès.
Il est toujours à craindre que des incorporations au moyen desquelles chaque régiment apporte cet esprit qui lui est propre, n'en introduise deux différents dans le même corps et que, pour être bons chacun en particulier, leur réunion ne produise un effet fâcheux. L'expérience n'a que trop vérifié cescraintes: il existe aujourd'hui tel régiment dans l'armée qui ne doit les divisions intérieures qui l'ont si souvent affligé qu'aux incorporations qu'il a reçues anciennement. Si elles ont pu produire ce triste résultat dans des temps ordinaires, pendant lesquels tous les liens de la subordination subsistaient en leur entier, quel effet terrible ne pourrait pas en résulter dans les circonstances actuelles; quelques régiments ont su allier les devoirs du patriotisme avec les lois de la subordination militaire; d'autres égarés, sans doute, les ont p!us ou moins oubliés; presque tous se permettent d'avoir une opinion politique ; elle n'est pas la même dans tous ; deux régiments qui se réuniraient apporteraient chacun celle dontils seraient animés, et ne différassent-ils entre eux de sentiments que par des nuances pour
ainsi dire imperceptibles, il n'en faudrait pas davantage, peut-être, pour occasionner des tracasseries, des disputes et même des combats.
De quel œil deux régiments, qui ne seraient pas conduits de la même manière, verraient-ils leur réunion ? Dans ce moment, où les corps, devenus des associations délibérantes, se permettent de réfléchir, et de discuter avant d'obéir, serait-on bien assuré qu'ils voulussent y consentir? Le serait-on davantage que les villes, dans lesquelles ils tiendraient garnison, voulussent les laisser sortir pour aller retrouver ceux avec lesquels ils devraient se réunir, ou recevoir ceux qui y arriveraient pour s'y incorporer avec eux ?
On ne peut songer sans frémir à tous les désordres qui pourraient en être la suite. Pour oser entreprendre l'exécution de ce plan, il faut être assuré de l'obéissance.
Qui pourrait la garantir en ce moment ? Quels moyens, enfin, pourraient être employés pour l'exiger ?
Mais je veux que toutes ces craintes soient sans fondement, il existerait encore d'autres difficultés non moins importantes; l'ancienneté trop longtemps méconnue va recouvrer une partie de ses droits, elle en donnera désormais de certains à tous les emplois supérieurs des régiments. L'âge ne procure pas un avancement égal dans tous. Il a lieu en raison des mouvements qui se font dans chacun. La guerre en occasionne de plus fréquents; les corps qui l'ont faite sont, en conséquence,ordinairement plus jeunes que ceux qui n'en ont pas couru les hasards. Tous ne l'ont pas faite également. Tels officiers, les premiers ae leur grade dans leur régiment, pourraient se voir reculés par le moyen des incorporations ; comment verraient-ils le retard de leurs espérances dans le moment où leurs droits deviendraient plus assurés? Que de reproches, que de divisions, que de dégoût cet arrangement n'occasionnerait-il pas? Pourrait-il paraître juste, surtout, si des officiers qui auraient gagné leurs rangs aux prix des dangers qu'ils auraient pu courir à la guerre, se les voyaient enlever par d'autres qui ne seraient redevables des leurs qu'à une paisible ancienneté ?
Enfin, Messieurs, tous les régiments seront doublés ; peu de nos établit-sements militaires conviennent à des corps de 4 bataillons ou de 6 escadrons. Les besoins de protections dans un aussi grand Empire exigent une grande dispersion des forces publiques; il faudrait nécessairement diviser presque toujours des régiments aussi nombreux, et en placer souvent même les différentes parties à des distances considérables les unes des autres;l'instruction, la discipline et l'administration, qui ne peuvent être portées dans chaque corps au point de perfection désirable, que par une unité de principes, souffrent toujours de ces partages. Des systèmes différents s'y introduiraient, la malveillance des chefs, ne pouvant s'étendre également dans tous les points, ne pourrait y établir aucune uniformité; et les gaspillages d'administration, augmentant toujours en raison de sa division, et de la multiplicité des agents qui en sont chargés, empêcheraient, non seulement les bénéfices qu'une plus grande réunion de moyens aurait pu donner dans des corps nombreux, mais même encore, occasionneraient dans chacun des augmentations de dépenses qui absorberaient bien certainement les produits de l'économie, que la suppression de
quelques états-majors aurait pu procurer sur toute l'armée.
Tels sont, Messieurs, tes inconvénients que présente la première partie de ce plan qui vous est proposé. Examinons à présent la seconde, c'est-à-dire l'institution des bataillons de garnison dans l'infanterie.
Nos besoins de défense ont été calculés. Votre comité militaire, d'accord avec le ministre, a mis sous vos yeux tous les détails faits pour constater leur nécessité. C'est en conséquence qu'il vous propose aujourd'hui la force de l'armée à entretenir sur pied » mais, Messieurs, celle de votre in» fan te rie, réduite 4 peu près d'un quart par ces bataillons, pour ainsi dire inutiles au service, n'existera réellement que sur le papier» D'aii-leprs? si-la paix permet de réduire les troupes au nombre strictement nécessaire pour la défense, la guerre exige qu'elles puissent être augmentées avec facilité.
Les augmentations à faire au moment d'entrer en campagne ne peuvent être sans danger, que lorsqu'en incorporant les hommes de nouvelles levées au milieu d'anciens soldats dont ils puissent prendre l'esprit, et sous les ordres d'offlciers expérimentés, elles portent uniquement gur la force intérieure de chacune des compagnies existantes, sans obliger à en lever de nouvelles, qui, ne pouvant avoir tout de suite l'ensemble des anciennes, servent rarement bien dans leur début. Pouf pouvoir prooéder de cette manière aux augmentations qui peuvent être indispensables, il faut avoir un nombre de cadres suffisants pour les recevoir. Ces cadres, préqieux à conserver à cet effet, sont les compagnies et les bataillons. Plus leur nombre sera considérable pendant la paix, quelle que soit leur forceréduite pendant ce temps, et plus l'armée sera susceptible d'être portée aisément au pied de guerre qui pourrait être nécessaire.
La force de chaque bataillon ne peut guère excéder 900 hommes.
On vous propose d'entretenir 184 bataillons d'infanterie française; dans ces 184, un quart doit être de garnison ; leur augmentation n'ajouterait rien à ia force réelle de l'armée, puisque leur destination est de rester uniquement sur tes derrières comme des dépôts à renforcer ceux qui serviraient en campagne. Il ne faut donc compter que 138 bataillons dê guerre, susceptibles d'être augmentés. En les portant-à 900 born* mes, leur plus grande force possible, on n'aurait que 124,200 hommes d'infanterie.
Si on renonçait, au contraire, au projet de ces bataillons de garnisqn ; si, en sentant leur inutilité pendant la paix, et la possibilité de les remplacer à la guerre d'une manière plus avantageuse encore, par des compagnies auxiliaires formées à ce moment seulement, on se décidait à établir tous les bataillons sur la même formation, les 184 bataillons à entretenir sur pied, devenant ainsi en totalité bataillons de guerre, en les portant à toute la force dont ils seraient susceptibles, donneraient alors 165,600 hommes d'infanterie. Pour en avoir un pareil nombre, en adoptant le plan qui yqui est proposé, il faudrait, au moment de la guerre, lever de nouveaux bataillons. Une formation qui, en affaiblissant autant l'armée pendant lapais, obligerait de recou-> rir à ce moyen, au commencement d'une guerre, doit donc vous paraître défectueuse.
le dis plus, Messieurs ; elle est nuisible, non seulement à ia paix, mais encore à la guerre. Elle établit des fonctions d'officiers et de sous-
officiers pour ainsi dire différentes dans le même régiment. Les uns seraient destinés à commander des compagnies actives et à servir réellement, tandis que les autres ne le seraient qu'a dresser des recrues, ou à avoir soin des infirmes. Quelle différence de service ! Quel zèle pourraient y mettre ces derniers? N'est-ce pas anéantir tout à toit l'émulation d'une quantité trop considérable d'officiers dans chaque régiment, que de les consacrer uniquement à des détails peu flatteurs en les faisant travailler ainsi perpétuellement, non pour la troupe qu'ils commandent, mais pour les autres compagnies qu'ils seraient chargés seulement d'entretenir ? N'est-ce pas détruire totalement l'intérêt que leurs soldats devraient leur inspirer? Comment pour-raiént-ils en prendre à des hommes auxquels ils ne seraient attachés qu'en passant? En vain dira-t-on qu'ils conserveront leur rang dans le régiment, et qu'ils repasseront successivement dans les autres bataillons. Cet arrangement, dont le principal inconvénient en temps de paix serait d'exposer une partie des compagnies à des mutations fâcheuses et fréquentes de commandants, en aurait, en outre, de bien plus grands à la guerre. Si l'ancienneté place ainsi les officiers et les sous-officiers aux compagnies véritablement actives, celles de garnison, toujours commandées par les plus jeunes, priveraient l'armée, pendant la guerre, de ceux le plus en état de servir utilement, qui s'y trouveraient ainsi attachés ; tandis que plusieurs autres, quë leurs infirmités devraient y faire placer de préférence, si ces dépôts ne se composaient qu'au moment de la guerre, marcheraient pour un service auquel leurs forces physiques pourraient peut-être les rendre peu propres.
Pour appuyer ce système, on fcherche à se prévaloir de l'exemple des troupes étrangères qui ont de pareils bataillons attachés à la suite de ehacun de leur régiment. Imitons-les en tout, Messieurs ; que ces bataillons placés comme les leurs hors aeg rangs ne fassent pas partie de la foroe réelle de l'armée, Attachez-y, comme eux, vos invalides encore en état de servir. Leur sort y sera meilleur, pour la plupart, qu'il ne peut être dans leurs provinces, où la modique somme qu'ils peuvent obtenir suffit à peltte à leur subsistance. Leur service y sera moins rigoureux qu'il n'est aujourd'hui dans ces compagnies d'invalides détachées, toujours en garnison dans les villes ou forts les plus désagréables du royaume. Placez-y, par forme de retraite, vos sous-officiers et vos officiers le moins en état de servir ; ne les faites pas concourir, par l'avancement, avec ceux des régiments réellement en activité remployez ces bataillons ainsi formés à composer Iç fond de vos dépôts, soit pendant là paix, soit pendant la guerre. Voilà comment ils pourraient être de quelque utilité. Lorsque vous vous occuperez des retraites militaires et des invalides, j'aurai l'honneur de vous communiquer quelques réflexions sur la manière de les organiser avantageusement pour les individus qui y seront placés, et utilement encore pour |e service, Formés comme on vous le propose, et faisant partie des régiments, ils ne présentent que des inconvénients.
Un des principaux avantages de cette formation à quatre bataillons dont un de garnisqn, est, vous a-t-on dit, d'avoir des régiments plus nombreux, et de mettre les trois bataillons de guerre en état de manœuvrer toujours sur un front plus étendu que celui auquel ils seraient ré-
duits pendant la paix, en se servant, pour ies renforcer, d'un nombre d'hommes nécessaires, de celui de garnison qui ne participerait jamais lui-même que de cette manière aux exercices du régiment.
Pour se procurer l'avantage de réunir quatre bataillons pour l'instruction, faut-il donc adopter cette formation ? La réunion de deux régiments de deux bataillons chacun, en brigades permanentes, ne produirait-elle pas le même effet, sans s'exposer à autant d'inconvénients? Et si l'on veut qu'un régiment de quatre bataillons ne manœuvre jamais qu'à trois, toujours complété par le quatrième, ce qui ne pourrait avoir lieu que lorsque le local permettrait de réunir la totalité du régiment, est-il nécessaire d'instituer un bataillon uniquement destiné à ce genre de service ?. Un des quatre bataillons, en les organisant tous de la ipême manière, pourrait de même, alternativement renforcer les trois autres- Les mêmes moyens de manœuvres subsisteraient en leur entier, et chaque bataillon partageant alors à son tour l'emploi-d'auxiliaire, aucun ne pourrait se plaindre d'être uniquement consacré à un service différent. De grands abus se sont introduits dans la constitution militaire ; mais. Messieurs, c'est dans la qistribution des grâces, dans l'arbitraire des ministres, dans celui des chefs, dans les'minuties inutiles de la discipline, dans leg-emplois sans fonctions, dans les gaspillages d'administration» enfin dans les jeux de l'intrigue et de la faveur, qu^l faut les chercher et les combattre et non dans l'organisation intérieure de l'armée, Telle qu'elle existe aujourd'hui, elle est susceptible de bien servir encore. Les changements que vous pourriez faire dans la formation particulière cles corps qui la composent, n'ajouteraientrien à leur mérite ni à leurs moyens.
Si le plan de votre comité vous paraît avanta* geux vous pourriez aisément, Messieurs, vous procurer les mêmes résultats, sans vous exposer a tous les inconvénients dont j'ai eu l'honneur de vous présenter le tableau.
Adoptez, si vous le voulez, le nombre d'hommes de bataillons et d'escadrons qu'il vous propose ; mais, Messieurs, en rejetant le doublement des régiments, décrétés en un nombre double de celui porté dans le plan soumis à votre discussion, la prudence l'exige, l'intérêt de l'armée le commande, je ne puis me lasser de vous le répéter.
Quatre-vingt-douze régiments d'infanterie de deux bataillons et 64 de troupes à cheval à trois escadrons donneraient le même nombre de bataillons, d'escadrons et de compagnies, que ies 46 d'infanterie à quatre bataillons et que les 32 de troupes à cheval, à six. escadrons, tels que votre OQjpité vous les propose. Leur réunion en brigades permanentes produirait, pour le service et "instruction, les mêmes moyens que le doublement des régiments, lorsqu'elles pourraient être établies dans le même local ; et lorsque lps circonstances forceraient de les diviser, elles pourraient l'être avec moins d'inconvénients, puisque chacun des régiments dont elles seraient formées serait indépendant de l'autre, pour ses moyens, ses ressources et son administration. Elles pourraient, de même, être commandées par un officier général qu'on pourrait placer à leur tête, non comme colonel chargé de tous les détails intérieurs, ce serait enlever aux officiers supérieurs des corps, des fonctions qu'il est bien important de leur conserver, mais uniquement, comme inspecteur destiné à surveiller en grand,
et à y maintenir l'exécution et les principes das ordonnances.
Réfléchissez, Messieurs, à tous les inconvénients des bataillons de garnison, des incorporations et des corps trop nombreux, toujours exposés à être séparés ; réfléchissez surtout avec prudence à la position du moment. Je ne puis mieux vous exprimer les dangers auxquels elle vous expose que par une comparaison qui me paraît y convenir parfaitement :
Notre militaire est une étoffe précieuse encore La poussière du temps a pu ternir son éclat, elle peut le reprendre aisément si vous cherchez à ie lui rendre par des moyens doux : elle se déchirera bientôt si vous employez des secousses violentes qui ne conviendraient pas à sa maturité.
Cette formation, en maintenant sur pied un nombre plus considérable d'états-majors, occasionnerait, il est vrai,, une augmentation de dépense, sj. l'on voulait adopter ce système et suivre eq même temps tous les détails du plan de votre comité; mais, Messieurs, sans s'en écarter dans aucun point intéressant, sans augmenter ni diminuer réellement les proportions du nombre d'hommes reconnus nécessaires dans chaque arme ; en conservant, même sur pied, 92 compagnies de plus dans l'infanterie, ee qui, en multipliant encore les cadres nécessaires pour les augmentations, diminuerait d'autant le nombre des officiers réformés, en donnant par ce moyen la même formation à tous les bataillons, et en les affectant tous au même service, sans aucun retranchement sur les soldes, les masses ou les appointements proposés ; en n'employant, ainsi que votre comité vouS le propose, que des moyens d'économie sur la solde et le pain des hommes qui auraient permission de s'absenter sur le pied au tiers dans l'infanterie, et sur le pied du quart dans les troupes à cheval, pendant neuf mois tous les ans ; enfin, sans exercer aucune rétenue sur les autres masses des absents, que je ne crois pas susceptibles d'en supporter malgré ies calculs du comité, il me serait facile de vous proposer un plan suivant lequel vous entretiendriez,
savoir :
92 régiments d'infanterie de 1,011 hommes chacun, répartis en deux bataillons et en 20 com«-pagnies dont 2 de grenadiers et 2 de chasseurs, commandés par 94 officiers, et formant ensemble 5,888 officiers, §,796 sous-officiers et 87,216 soldats;
11 régiments suisses conservant leur formation actuelle et composés ensemble de 726 officiers, et de 10,703 sous-oflieiers et soldats ;
64 régiments de troupes à cheval, dont 40 à 465 hommes et 24 à 464, répartis en 3 escadrons ét en 6 compagnies, commandés par 31 officiers et formant ensemble 1?984 officiers, 1,344 sous-officiers, 28,560 cavaliers montés, et 1,832 à pied.
Enfin, un état-major d'armée, compose de 4 généraux, 30 lieutenants généraux, 78 maréchaux de camp, employés aux 78 brigades, 28 adjudants généraux ou de division, 76 aides de camp, 218 officiers de tous grades.
La dépense de ce plan, en y portant seulement pour mémoire les 24,522,978 livres que le minis*. tre affecte dans le sien, à l'artillerie, au génie ét aux dépenses accessoires, ainsi que votre comité vous le propose, en attendant qu'il soumette à votre discussion ces articles sur lesquels je me réserve aussi de vous communiquer mes
réflexions, ne monterait, en totalité, qu'à 85,985.015 livres, et présenterait u e économie de 2,166,148 livres, sur les 88,151,163 livres demandées par le ministre.
Cette économie serait suffisante pour solder les auxiliaires à entretenir dans les départements, au nombre nécessaire pour porter la force totale de l'armée à 200,000 hommes, ainsi qu'on vous le propose, dans le cas où, malgré les observations très judicieuses qui vous ont été faites par un des préopinants, vous vous déterminiez à les adopter. Je me réserve de vous en démontrer la possibilité. Dans le cas contraire, où, frappés des inconvénients que des hommes ainsi entretenus pourraient avoir pour la composition et le recrutement de l'armée active, vous vous décideriez à rejeter ce système, cette somme alors viendrait en déduction sur les fonds assignés au département de la guerre.
Je pourrais mettre sous vos yeu,x tous les détails de ce plan, si vos décrets même, d'accord avec mes principes, ne m'empêchaient pas de vous le proposer.
Vous avez décrété, le 28 février dernier, que le roi était le chef suprême de l'armée et qu'il devait être chargé de son organisation, d'après les hases constitutionnelles qui seraient arrêtées par vous. Vous avez, en conséquence, demandé à son ministre les plans nécessaires pour vous mettre à portée de décider les bases; en arrêtant, par un de vos derniers décrets, que vous détermineriez le nombre d'individus de tous les grades, dont l'armée devrait être composée, ainsi que les dépenses que son entretien pourrait occasionner, vous avez prononcé que l'initiative appartenait au roi, et c'est d'après ce principe que vous avez ordonné à votre comité de vous soumettre ses observations sur le plan qui vous avait été envoyé au nom de Sa Majesté.
Il les a mis sous vos yeux, Messieurs; mais quelquej u^tes qu'elles puissent être, vouloir décréter le nouveau plan que votre comité a pensé devoir préférer à celui remis au nom du roi, sans les lui avoir communiqués préalablement, ce serait contredire vos principes, ce serait contrevenir à vos décrets mêmes. Eclairer la sagesse du roi, par vos réflexions, est votre devoir; prononcer définitivement sur des détails que vous lui avez confiés, serait outrepasser des pouvoirs dans lesquels vous vous êtes circonscrits vous-mêmes. Votre comité, d'accord avec le ministre, sur le nombre d'hommes nécessaires au service de l'armée active, ainsi que sur la somme à fixer pour ses dépenses, ne diffère avec lui d'opinion que sur celui des auxiliaires à entretenir, c'est à vous de prononcer sur ces deux points; déterminer la force totale de l'armée entre 200 ou 250,000 hommes, fixer les dépen.-es, afin d'arrêter ia quotité de la solde de chaque grade, me paraissent les trois seuls articles qui doivent être soumis, quant à présent, à votre discussion. Je demande donc, qu'en vous bornant à les décréter aujourd'hui, vous vouliez bien ordonner que les observations de votre comité, sur le plan du ministre, ainsi que celles que j'ai eu l'honneur/de vous proposer par forme d'amendement, soient remises au roi, afin que, sur sa réponse, vous pui.-siez décréter ultérieurement le nombre d'hommes et d'individus de tous les grades et de toutes les armes sur lesquels vous vous êtes réservés de prononcer.
J'ai l'honneur, en conséquence, de vous proposer le projet de décret suivant :
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de son comité militaire, ainsi que les différentes observations qui lui ont été soumises dans le cours de la discussion, tant sur le plan de l'organisation de l'armée approuvé par Sa Majesté et remis par son ministre que sur le nouveau plan proposé par son comité, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. La force de l'armée demeurera fixée, pour l'année
1791, à 200,000 hommes, y compris les officiers de tous les grades et de toutes les armes.
Art. 2. De ces 200,000 hommes, 151 à 154,000 seulement (1) dont 9,500 ou 11,000 officiers au plus de tous grades et de toutes armes, seront constamment rassemblés et soldés toute l'année. Le surplus nécessaire pour compléter les 200,000 hommes sera formé de soldats auxiliaires, lesquels resteront dans les départements où ils seront enregistrés, soldés et employés ainsi qu'il sera décrété ultérieurement, dans le cas où un examen plus réfléchi des inconvénients qu'ils pourraient avoir relativement à la composition et au recrutement de l'armée de ligne, ne s'opposerait pas au projet de cette armée sédentaire annoncée par le comité.
Art. 3. Les observations du comité militaire, sur le plan adopté par le roi, ainsi que celles laites par forme d'amendement sur celui du comité seront adressées au ministre, afin qu'en les présentant à Sa Majesté, il puisse prendre ses ordres à ce sujet et mettre l'Assemblée dans le cas de décréter définitivement l'organisation de l'armée.
Art. 4. Sa Majesté sera suppliée de peser dans sa sagesse les inconvénients des bataillons de garnison, ceux qui pourraient résulter, dans ce moment surtout, des incorporations, des réformes, des suppressions trop considérables d'emplois supérieurs, seuls capables d'entretenir l'émulation, ainsi que ceux que pourraient entraîner après eux des corps trop nombreux, souvent dans le cas d'être séparés, et de vouloir bien, en conséquence, examiner s'il ne serait pas plus avantageux au bien du service et surtout aux cir on-tances présentes de répartir les 184 bataillons d'infanterie et les 192 escadrons à entretenir sur pied en 92 régiments d'infanterie de deux bataillons et en 64 régiments de troupes à cheval de trois escadrons chacun, que de les répartir en 46 régiments d'infanterie de 4 bataillons ainsi que le propose le ministre et le comité, et en 42 ou 32 régiments de troupes à cheval, suivant les deux plans d'organisation présentés à l'Assemblée, sauf ensuite à former en brigades ces régiments non doublés, ce qui produirait le même effet que leur doublement.
ArL5.Le comité militaire fera le plus tôt possible les rapports qu'il a annoncés sur
l'organisation particulière de l'artillerie du génie et de l'état-major général de l'armée,
ainsi que sur les dépenses acces-
Art. 6. Les fonds à assigner au département de ]a guerre ne pourront excéder la somme de quatre-vingt-huit millions cent cinquante et un mille cent quarante-trois livres, portée en l'état remis par le ministre du roi.
Les 26,935,478 livres, portées dans l'état du ministre pour l'état-major général de l'armée, pour l'artillerie, le génie et pour les dépenses accessoires du département, ne seront décrétées que provisoirement et seulement comme un maximum susceptible de réduction, s'il y a lieu, à la suite de l'examen qui sera fait de chacun de ses articles, d'après le rapport du comité militaire.
Art. 7. Il sera exercé, sur les hommes absents parcongé dans les régiments d'infanterie française et dans les troupes à cheval, la retenue de la demi-solde et de la masse entière de la boulangerie pendant le temps de leur absence. Sa Majesté sera suppliée d'autoriser ces hommes à s'absenter pendant dix mois tous les ans, sur le pied du tiers dans l'infanterie, et pendant neuf mois seulement sur le pied du quart, dans les troupes à cheval. Il sera fait un fonds particulier de ces retenues, lequel servira à l'entretien des hommes auxiliaires, conformément au traitement qui sera décrété ultérieurement en leur faveur, sur le rapport qui en sera fait par le comité militaire, dans le cas où cette armée sédentaire devrait avoir lieu, ou lequel tournera en économie sur les fonds attribués au département, dans le cas où ce projet ne serait pas adopté.
Art. 8. Les appointements, soldes et masses de tous les grades demeureront fixés, ainsi qu'il suit:
( Tels que le comité militaire les a proposés, d'après les calculs énoncés au plan du ministre.)
J'invite MM. du comité ecclésiastique â s'assembler sur-le-champ pour prendre connaissance d'un paquet concernant M. le cardinal de Rohan. On me dit que cette affaire est importante et qu'il est urgent de prendre un parti.
La discussion sur Vorganisation de Varmée est reprise.
Le plan, dont l'ensemble a été présenté hier par le comité militaire, paraît fondé sur des bases solides, appropriées aux circonstances et à l'intérêt de la liberté; il est tellement combiné d'après tous les principes constitutifs d'une bonne armée, que je ne crois pas avoir à en développer les avantages. Je vais me borner à examiner les points principaux dans lesquels le comité diffère avec le ministre. Le premier est la réduction de 4 hommes par compagnie, qui, par cette opération, se trouverait portée de 54 à 50 hommes ; cette diminution priverait un régiment de 150 hommes, excédant nécessaire pour les maladies et autres accidents imprévus. Ainsi, sous ce premier rapport, je crois, avec le comité, ^U'il est utile d'avoir des compagnies de 54 hommes : elles présentent encore l'avantage de pouvoir manœuvrer sur un grand front et d'assurer le coup d'œil des officiers.
Le ministre emploie ces 4 hommes à former des légions, qui me paraissent inutiles pendant ia paix, et qui présentent une augmentation considérable d'officiers et d'états-majors. Il sera facile de faire, pour la guerre, une infanterie légère ;
le service présente plus de dangers ; et quand' sous le régime arbitraire, l'émulation de la gloire formait rapidement ces corps, peut-on en douter qu'ils ne se forment avec une rapidité plus grande quand tous les Français, à l'amour de la gloire, joignent le patriotisme et le courage de ia liberté? Je crois qu'il m'est permis de dire que mon père pensait qu'il ne faut former les troupes légères qu'au moment où l'on entre en campagne. — La seconde différence porte sur l'institution des lieu-tenants-colonels pour chaque bataillon ; le ministre la regarde comme inutile à l'égard du quatrième bataillon; mais ce bataillon étant un bataillon de garnison, devant servir à donner aux soldats malades du repos et des secours, il est nécessaire de mettre à sa tête un officier expérimenté et élevé en grade. — Troisième différence. Le ministre compose les régiments de cavalerie et de dragons de quatre escadrons, et le comité de six; cette dernière formation est plus analogue à celle de l'infanterie; les corps nombreux ont de grands avantages à la guerre : le grand Frédéric a consacré ce principe par ses ouvrages, par ses institutions, et plus encore par ses victoires. Une considération puissante a déterminé votre comité à adopter cette formation; il lui a paru nécessaire de resserrer un plus grand nombre de soldats sous le même drapeau, dans les liens de la fraternité, et d'établir une unité d'intérêt et d'action. Les motifs du comité sont les mêmes à l'égard des brigades. — Quatrième différence. Le comité a pensé que le seul moyen d'attacher les oficiers généraux aux soldats, était de mettre un maréchal de camp à la tête de chaque régiment, sous le nom de général-colonel; il aura, pour ainsi dire, une famille militaire; il s'empressera de mériter l'estime de ses soldats, qui, de leur côté, seront conduits par l'émulation naturelle à tout soldat français, et par le désir d'obtenir des éloges de leur chef supérieur : le régime paternel, si recommandé par les plus grands généraux, sera réalisé. Le ministre a cru qu'il serait dangereux de faire perdre au grade de colonel l'importance qu'il tenait de sa supériorité ; cependant, à la guerre, le colonel est toujours aux ordres d'un officier général. Peut-il craindre, pendant la paix, d'être ce qu'il a toujours été dans un moment plus intéressant pour sa gloire? MM. Luckner et de Puységur ayant été appelés au comité, la grande majorité a été pour l'institution des généraux-colonels.
le jeune (ci-ievant le vicomte). Il m'est impossible de présenter mes idées sur les plans qui vous sont proposés sans exprimer le regret que j'éprouve devoir l'Assemblée nationale entrer dans le détail de la formation de l'armée, avant d'avoir considéré, dans sou ensemble, ce que c'est que la force publique. Sans doute, l'armée est un des moyens les plus importants de la force publique, mais ce n'est qu une partie de cette force. Il fallait embrasser d'un même coup d'œil, considérer sous un même rapport, renfermer également dans les bornes de tous les pouvoirs, et combiner avec eux l'organisation des troupes de ligne et celle des gardes nationales. Ces deux parties de la force publique tiennent essentiellement l'une à l'autre et se touchent par tous les points. Le comité militaire aurait donc dû se concerter avec le comité de Constitution. Si, comme je le crois, il y a, par la suite, dans tous les départements, une certaine quantité de gardes nationales soldées, le nombre de ces troupes doit influer sur celui des indivi-
dus qui composeront l'armée. Quand on a dit qu'il fallait 40,000 hommes au midi vers les Pyrénées, je crois qu'on a trop dit, et que 30,000 hommes suffiront, si l'on y joint i 0,000 hommes de la garde nationale soldée. Je suis forcé de marcher en tâtonnant^ puisque nous avons si mal entamé la force publique. Trois des rapports qui ont été annoncés devaient surtout composer l'ensemble de nos vues et de notre discussion* C'est le troisième sur la forme des enrôlements et des dégagements jes recrutements entempsde guerre, les bases de la,discipline militaire : le cinquième sur les maréchaussées et ies invalides ; le, neuvième sur la suppression des emplois inutiles* la disposition des forces militaires dans l'intérieur du royaume, le système de défense* c'est-à-dire les places à conserver et à abandonner. Dans mon système complet de force publique, j'attache à chaque bataillon de gardes nationales de district une compagnie soldée; avec cette donnée, 30,000 hommes de troupes de iigne sur les frontières de ia Sardaigne ; 30,000 vers les Pyrénées; 60,000 pour nos côtes et nos colonies, me paraissent suffisants. C'est donc par des vues d'économie et de liberté publique qu'il me semble nécessaire de réduire à i20,000 hommes l'armée de ligne. Le comité part de l'hypothèse d'une attaque générale ; mais alors sera-ce une armée de 200,000 hommes qui nous défendra? non; ce sera la nation entière qui sauvera la nation. C'est 5 millions d'hommes libres armés pour la défense de leurs foyers* Si nous voulons assujettir les nations voisines, ayons des armées nombreuses; mais si nous voulons vivre iibres et heureux, ayons une force publique nationale. Il nous faut un noyau d'armée* un cadre propre à recevoir une augmentation proportionnée aux moyens des ennemis qui nous attaqueraient. En proposant 120,000 hommes, je crois faire tout ce qui est nécessaire» et comme toutes mes sollicitudes sont pour la liberté, le problème que j'ai dû me proposer était de trouver un nombre d'hommes assez fort pour la défendre et pas assez redoutable pour l'opprimer. Comme je vois une partie de la force publique soumise à une obéissance passivei à une discipline sévère, sous un seul homme* je dois la réduire au point que la réflexion et la prudence m'indiquent.
Je dois donner à l'autre partie toutes l'extension possible, parce que je vois en elle la sauvegarde ae la liberté publique. On cite l'exemple des armées étrangères : mais peut-on comparer,des Etats arbitraires à un État libre; où Un seul ne commande qu'au nom de tous, où celui qui commande est soumis à la volonté de chaque individu, exprimée parla loi même? Il faut une grande puissance, il faut des moyens de domination pour maintenir l'ordre dans un Etat contre nature; mais dans un Etat libre,il faut des moyens de défense. L'organisation mécanique de l'armée est d'une importance bien faible auprès de la nécessité d'établir une force puissante dans la Constitution : quant à la différence qui se trouve entre le ministre et le comité, sur le nombre des bataillons et des escadrons qui doivent composer un régiment, je suis si persuadé de l'instabilité nécessaire de toutes les dispositions de cette espèce, que j'y attache peu d'intérêt: Au reste, à j cet égard, j'adopte l'avis du comité. Les développements qu'il a donnés hier me semblent rendre tous nouveaux développements inutiles, ou même impossibles. J'adopte donc l'avis du comité sur la réunion do génie et dé l'artillerie, sur la proportion des armes ; je l'adopte en tout, excepté
sur ie nombre des individus dont il croit que l'on doit composer l'armée. Je diffère en ce point, parce que j'embrasse dans son ensemble toute la force publique, parce que je redoute Une puissance hors de la Constitution.
Autant de fois qu'un militaire parlera, autant il vous sera présenté de systèmes différents. Parlons pendant huit jours, ce sera toujours la même chose. Il faut donn se décider pour un plan, je dis pour celui du comité» ou pour celui du ministre, ou pour celui dë M, deBouthillier, que j'adopte. Le rapporteur du comité militaire a présenté Un plan artistement travaillé : il est entré dans beauooup de détails ; mais il n'a pas tout dit. Permettez à ma longue expérience quelques observations. Vous savez que toutes les puissances voisines sont prêtes à entrer en campagne; et c'est le moment que vous prenez pour proposer des incorporations. Les régiments suisses ne sont composés que de deux battaillons : pourquoi ne pas rester, commenous.sommes, jusqu'à la paix? Le ministre propose de former des régiments de cavalerie de quatre escadrons : il a raison; c'est la vraie composition française. Pourquoi toujours nous proposer du prussien? Nous sommes-nous bien trouvés d'avoir été à leur écolef Je suis persuadé qu'une armée de 200,000 hommes, ne coûterait pas plus que celle que propose le comité, et ne tourmenterait ni les soldats, ni les officiers. Le comité pense qu'il faut mettre les maréchaux de camp à la tête d'un régiment ; ces messieurs seraient inamovibles, tant qu'ils ne .seraient pas destitués en vertu d'un jugément. Et que deviendrait le pouvoir du roi? Une vingtaine de maréchaux de camp jeunes; ambitieux, peut-être intrigants, pourraient devenir dangereux* Voulez-vous que le roi, à i'entrée d'une campagne,- soit obligé de laisser lë commandement à un officier inepte? Le comité propose 124 officiers généraux : pour le coup* en voilà assez pour commander l'armée de Darius. Ces messieurs coûteraient au moins 2,180,000 livres.* J'ëspère que voùs prierez le roi d'employer peu d'Officiers généraux : une vieille expérience m'a appris qu'il étai^salutaire de n'en pas employer beaucoup. Aii îèfôtè, qlièiqUë fjlàn que VOUS àdoptiëi, je dois vous répéter de vous défier des innovations brillantes; elles seraient de la plus haute imprudence en ce moment.
Voùs avez déjà décrété que la dépense de l'armée serait de 84 millions ; on en demande aujourd'hui 88, il faut commencer par rendre un nouveau décret., On propose deux plans.: j'observerai d'abord que l'organisation détaillée de l'armée appartient uniquement au pouvoir exécutif, et que vous devez seulement décréter en masse le nombre des hommes et la somme de la dépense. Si cependant il est nécessaire de présenter des observations, je remarquerai que les changements faits au plan du ministre sont peu considérables. Les différences sont relatives :
1° Aux maréchaux de camp : si on les attache aux régiments, les colonels-commandants seront des colonels en second, et l'on a reconnu l'inconvénient des colonels en second;
2° Aux commissaires des guerres : les besoins du servicë exigent que leur nombre soit tel que le ministre le propose ;
3°. A l'infanterie légère : l'eipérience de ia guerre a démontré 1'ineonvénient de prendre des
volontaires pour aller en avant* et prouvé que toujours les troupes légères doivent être pWsës hors de la ligne ;
4° Au nombre d'escadrons dont un régimeht doit être composé : le nombre doit être rejeté pour éviter les inconvénients qu'entraîneraient avec elles les différentes opinions, l'esprit divers des corps réunis;
5° À la réunion du génie et de l'teftilWHe : cette réunion a été tentée; oh en à reconnu les inconvénients.
Je demande donc qu'on décrète dë nodVeâti la dépense, puisqu'elle est plus considérable; qu'on décide ensuite qUel plan doit être dlSctitéi ët qu'dh applique successivement à chaque article leS observations dont ils paraîtront suscëptibleS.
Il faut présenter la question nettement : Incorporerait-on> oui OU ndtt ? On passerai ensuite aux détails qiii jusqu'alors seront inutiles:
L'incorporationh'eSt pas le but; elle ëst sedlement lë moyen;
Il ëst très important de ne pas empêcher la discussion de s'étendre sur tel ou tel objet. LaqtiëStibti proposée par M. de Toulongeon ne serait pas iâpiiëmfêi,ë à discuter. Il n'est point exact dë dire lêpluii M comité, le plaît du ministre. D'aprèS lèS principes constitutionnels que vous atez étètbllë; 16 ëOifiitë n'â pas de plan sur l'organisation d$ l'âfhiée; il a Unë opinion sur le plan présenté dë là 8ârt du roi. Il me semblé cepetidatit que rattëtuidn dë l'Assemblée devrâit être fixée pârtiéttlièretiiëfit sut1 lë8 ijNtniërs articles du projet dë décret; et sur lës légères différences qui Se thmvèHt ènti-ë ces trois articles et lesparties cdfrëpotifciahtes du plan présenté.
En dëUbëraht èttr 1|§ trois premiers ahicles (in préjugerait uh objët important. Quand vbus aurez Hëtèrfbiftë lë noinbre a'hdmmeS, la quotité des ittdividûà dë chique gradej vous aurez tout fait. L'agrégatioii Individuel le* ou la formation en corps mifitâiPel. est Uh acte puremeht du pouvoir exécutif. D'âprêS le| bases que vous avez posëei, Son âctibti Boit avoir une certaine latitude; Ecartez donc l'article 3 qui porte que l'infanterie sera coaiposéë dë tarit dë régiments;
Le préopinant ne rappelle pas le décret par lequel l'ASÉmoléê ïflp conrtti qu'elle devait fixer le nombre ïieS ifadiyidiië de chaque grade : quand le comité alirà dit qu'il y aura 46 colonels dans l'ihfanteriè, ne s'erà-cfc pas absoldmërit la mêmë chOsë qlie S'il disait qu'il y-aura 46 régiihentg?
;Oui ; mais ëh disantcèlà on n'aura pas ôté ah pouvoir exécutif le drdit.de faire un régimëht dè dèttx bataillons; dë dùniiër ou dë rte pas dbnrfèr un lieutenant-colonel à, tel bataillon. J'âjûUterai fc|Uë l'Opinion du bblnite; quand il fixé à 54 iiomméS le nbmbrë dëS individus formant lës cbmpagnieS; ôtë àti potivoir eië-cutif la facilité d'établir des troupes lëgêrei;
(ci-devant t'ê yiiôfàie}
.Je désirerais qu'on fît cë qui s'èéttoiijotiris pratiqué ; qu'on laissât discuter librement, non seulement lès ba: ses du plan, mais encore tous ses détails : on se
resserrerait êhSttite danS tin ôHtfe dë Jqtiësli'ons sur lesquelles là discussion serait dètëriiiihéiiieht fixée. Deux militaires éclairés, qui joignéht à l'habitude de Réfléchir sur cës matières Une très grande ëxpéHëhëe, biit attaqué lëS plané présentés; ilfe ont trotiVé dâtié cëltii du hiiuistfe des défectuosités qu'ils se sont attachés à ëbhibattfë. Il efet §abS douté ifhpbHattt, bouf Sfclâlfêr PÀSsëiti-blëe, d'écbuter avec soin tëtiteë lëé fiqhohà de cette nature qui pdu^rdnt êtrë presentéës. Jë dë-matlde dônc qu'aujotlra hui toutes lëb opinions soiehi ëfltëtiuues aë ia thâhiêre t{ii'ii plairâ à cnà-cuti ti'étàbiif là çltéëtisâidU ; dëitiâlti, l'Assettiblée fixera leS tftiëétiUhs sui4 lesquelles elle Vôtlaf'à suëbeësiVëmënt prononcer.
Il f a des tléfaut§ dans le plàii du paibiStre ët dàns cëlui dh bomité : pour établir lës âVântagëé dë l'un sUf l'âutrfe, il faudrait ëiitetitiré lë rtiitîistfë comiilë lë cothité à été ëhteMb. Jë fie fpis jiaS ëe qu'il y atifait d'avantageux à Boni? lëâ régiments d'ittfaotërië à quatre batailldhsi, céUft dë càVâlerife à Six ëscadroni. Dâttë la derhièfë gtiét'fe, odtize régirnentS de quatre bataillons aVâiëttt été fondes. L assemblée deâ iiipëëtëUrâ, ëd 1774, vbhlut; M détrtiirë : les râisofas fttii poU^âiéni y Qëterttiihëf ëtaièrit très foHeés 6n n'avâit j|âs céllës .qtii oht été eXpdéëes jpbUr OTdllvef les dafigët^ dë l'iribOrporatioti, et on hë laissa iubsl^tër Ces rëgiqi'ëîifâ qlië pàtce qu'ils fe'kistâiëiit aitisi déj^tliâ plusieurs ânnées, qùë parce tjti'ilj âf ajêût rënail des èëi'ticëà essentiels, ët qu'a cë tiit'ë oh letit* dëVaii des mé-hâ§eméntS. On hé fbjllut pas ffbjtfë Unë ëîis-tedfc'è uottt ils dvaletit i)ris ppK et Séparei: dëé ihdividul qtii,. pendant longtëmpS, avaiëht vécu rëdHi|...,. Jë défié tbtis les comités, tous les mihiltres, âë ralrè qàn.S temUlra,]re qhelddè chose qu'on û'âit pas tëhté et qti d.h ^h'âit pds vd depuis cihquantë-aeUx ans que je sers.
L'expériënce m'à dédiontré c[ue lë Inoyén d'ih-corporâliob pOiit> adgdientëf lës rëfeidlëhtS ne valait tien ; jl mut pouvoir ies âugmënter, il faut qdë lë c^dr'ë Spit fotmë ; rhais bu doit employer d'autfës tbo^ehs. La dirbinution du nbmbrë des rëgithënti, dân| l'hltëntlon de.dihimiier feeltii dë l'état-majpr et aë fâibë afbéi ufié ^ànd^ économie, ii'ëst poirit du idUt econbffi^ue i il faudra dohrièr de^ pëhsiqâs à tin gfahçl nbtbpré d'offi-cietâ qiii Ont bien, Çfcrf l et qui, depuis très, lobg-tenitià, Sont àitâchëS a l'armée;,on prouvera, ën ce moment, ce que I déjà jfrhtivé pluSiélil-â foi^, qdë lëâ rërbïmës bonSiStëht toujours à payer des gens pour rie rien faire. Dans l'hypopèse des régiments composés de quatre bàtalilbrié; lê febnjitê tiëhf bêâUcdiip à ëë '(Jue le bàtâilldn dë gàrmédti soit, êomrhanué pàr dn Uëù-tenant-colonel; mais 'c'ësi Une çhbse absolument ijàaifférehtéi çàt: jê ^Irétbier càpitàiiië cdnitqàn-dera, et ç'eât lui c(ui, le prëîbier, doit monter au râhgjde lieiiténant-colbnel; ainsi, sadS a^oi^ le gràaë, il àurà la même anciëdbët'd. Qhaht à la réunion de l'artillerie et. du |énie, jè^l'ai vu faire d'uhë Mtflèrë Ihfi-ûbtuëUsè. J'obser^efai; pttur ce qui regarde les maréchaux de camp attachés à des régiments, qu'il y aurait beaucoup d'officiers ayant fait la guerre qui ne feraient pas .employés. Un coup de fusil eû Allemagne ne vaut pas moins qu'un coup de fusil reçu en Amérique. Il arrivera que, pour le général-colonel, te colo-hgl nè sera ygài^ënt.que co'lQnel éh êeçohd, et iqiit ce d^i .^t ëil^Secondée jâUt rien. Op vous dit qtie lé MKrecnu de càmp iiê ië inêlèrâ pas des détails de régiment; les inspecteurs mêmes
se mêlaient de commander depuis Paris. Vous ferez de mauvais colonels : c'est en forgeantqu'on devient forgeron, et on n'est bon colonel qu'en étant colonel.
Les maréchaux de camp étant placés dans l'ordre d'un tableau, ce sera suivant l'ordre du tableau qu'un général d'armée devra confier l'intérêt de rEtat et sa gloire propre ; le général d'armée est responsable des événements par la perte de sa réputation. Vous ne serez donc pas étonnés que je pense que les maréchaux de camp ne doivent pas être autrement qu'en ligne. Je passe à l'armée auxiliaire; si le plan de M. Emmery était discuté, je prouverais qu'il est impossible d'avoir 70,000 hommes de troupes auxiliaires. Si, par hasard, elles se formaient, ce ne pourrait être qu'aux dépens de l'armée, surtout d'après la manière dont on veut les instituer.
Un grand vice de votre constitution militaire, je le dirai franchement, c'est la diminution de la durée des engagements. Dans 4, 5 ou 6 ans de service, vous ne ferez pas un cavalier. Avec de bons officiers ou sous-officiers d'infanterie, vous ferez en 6 ans de bons soldats : mais ils vous quitteront lorsqu'ils pourraient vous servir. Quant aux gardes nationales, je connais leur patriotisme et je ne doute pas de leur courage. Cependant tout ce qui est juste et nécessaire dans l'état civil ne convient pas à l'état militaire. Vous aviez des milices, et vous avez détruit avec raison les enrôlements forcés qui dépeuplaient les campagnes. Ces milices s'assemblaient pendant un mois, et à peine après ce temps ces soldats savaient-ils mettre leurs guêtres. Les auxiliaires feraient une dépense considérable et inutile. Le jour où vous aurezrésolu d'augmenter vos troupes, vous n'aurez qu'à augmenter les engagements avec le projet de vos économies, et vous aurez assez de soldats. Je propose le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale décrète : 1° que l'armée sera composée de 151,899 hommes au moins, et de 154,000 au plus; que l'infanterie sera de 107,000, et la cavalerie de 29,588, l'artillerie de 12,000 hommes ; enfin que les dépenses nécessaires pour l'entretien de l'armée, y compris les dépenses accessoires, ne s'élèveront pas à moins de 88,151,143 livres, ou à plus de 88,298,737 livres au plus, et que ce sera d'après ces bases que la force de l'armée et la dépen se qu'elle nécessite seront fixées, sauf par le Corps législatif à faire au roi les observations que, sur le rapport de son comité militaire, il croira nécessaires, pour y être définitivement statué par Sa Majesté. »
(La discussion est interrompue à 2 heures et continuée à demain.)
,député de Lyon. Les décrets des 13 et 17 de ce mois sont parvenus à la ville de Lyon ; ils ne sont point encore exécutés, par le retard des dispositions du ministre. H est arrivé de nouveaux événements, et je suis chargé de vous lire des pièces qui vous sont adressées. La première est une lettre de la municipalité de Lyon ; Ja seconde, un procès-verbal.
M. Millanois fait lecturede ces pièce s, dont voici l'extrait:
Lettre des officiers municipaux de Lyon, le 27 juillet.
« C'est avec une vive douleur que nous avons à vous rendre compte des événements qui ont de nouveau troublé l'ordre et la tranquillité publi-
que dans notre ville. Nous devons rendre témoignage au courage et à la prudence de la garde nationale, du régiment de Sonnemberg, de la maréchaussée, de la compagnie du guet et des arquebusiers. »
Procès-verbal de la municipalité, du 26 juillet.
« Ce jour, étant assemblés à quatre heure après midi, nous 'entendîmes un bruit extraordinaire, et nous sûmes bientôt qu'environ deux mille ouvriers, qui s'étaient réunis sur la place de Belle-cour, se rendaient, en marche réglée, à la place des Terreaux, sur laquelle est l'hôtel commun. La démission de M. Dervieux-Duvillart, commandant de la garde nationale, excitait les regrets des ouvriers. Etant allés à la campagne de la mère de cet officier, ils avaient exigé d'elle qu'elle lui écrivît et leur fît parvenir sa réponse. Ils venaient s'adresser à l'état-major et à lamunicipalité, pour savoir si M. Dervieux avait répondu. Ne pouvant satisfaire à leur demande, ils jetèrent de grands cris et s'agitèrent avec violence. Redoutant des motifs secrets et des manœvres des ennemis du bien public, M. le maire et nous, dévoués au rétablissement du calme, nous descendîmes sans escorte sur la place.
« M. le maire fit tous ses efforts pour représenter les dangers des attroupements; il assura que nous avions écrit à M. Dervieux pour l'engager à retirer sa démission. Les exhortations et les instances furent inutiles. Pressés par le peuple, fatigués par les chocs que nous éprouvions, nous fûmes obligés de remonter à l'hôtel de ville; les ouvriers nous y suivirent en grand nombre. Enfin ilsse retirèrent pour aller forcer l'arsenal. Nous pensâmes alors que nous ne nous étions pas trompés, en supposant que cette insurrection était l'effet des instigations des ennemis de la chose publique. Nous crûmes qu'il fallait employer la force. Nous commandâmes des détachements nombreux de la garde nationale pour renforcer l'arsenal, le magasin à poudre et l'hôtel commun. Nous ordonnâmes aux officiers de l'arsenal de faire toutes les dispositions nécessaires pour repousser la force par la force. La troupe d'ouvriers ayant attaqué un corps degardeet enlevé les armes,se portasur l'arsenal, fit feu sur lagarde nationale et la compagnie du guet qui les repoussèrent parles même moyens. Il y a eu un homme tué et un autre blessé. Lesou-vriers paraissaient se retirer; mais bientôt nous fûmes menacés d'une nouvelle incursion. Pressés par l'état-major, nous avons requis le régiment ae Sonnemberg. Instruits qu'en venant au poste qui lui éiait assigné, il avait, ainsi que la garde nationale, reçu plusieurs coups de fusil, nous avons requis le commandant de l'artillerie de nous donner deux canons qui ont été placés sur le quai, en face du Bourg-rNeuf où les ouvriers s'étaient retirés et d'où ils avaient fait feu sur les troupes. Deuxobusiers ont aussi étéplacésdevant l'hôtel commun. Le drapeau rouge avait été placé à l'une des fenêtre de cet hôtel, pour annoncer la publicationde ia loi martiale. La nuit étant arrivée, nous avons cruplus convenable de remettre cette publication au lendemain. Nous avons dépêché un exprès à Vienne, pour demander tous les secours dontonpourraitdisposer, soit en gardes nationales, soiten troupes de ligne. Des patrouilles multipliées ont assuré le repos de la nuit. Nous n'avons pas désemparé de l'hôtel commun, et plusieurs personnes ay an t été arrêtées.nous avons décidé qu'elles seraient interrogées et ensuite emprisonnées, s'il y avait lieu. »
Sans doute, vous jugerez à propos de renvoyer ces pièces au comité des recherches, et de charger M. le président de témoigner la satisfaction de l'Assemblée à la municipalité, à la garde nationale, au régiment de Sonnem-herg, à la compagnie du guet et aux arquebusiers.
(L'Assemblée décrèle cette proposition.)
Je demande l'envoi au comité des recherches de l'interrogatoire des personnes arrêtées.
(L'Assemblée décrète cet envoi.)
,au nom du comité ecclésiastique. Le comité ecclésiastique a reçu un paquet du directoire du district de Strasbourg, contenant plusieurs pièces relatives à la conduite de M. le cardinal de Rohan. Je vais en faire la lecture.
La première de ces lettres est adressée par le directoire du district de Strasbourg au comité ecclésiastique. — 26 juillet. Le directoire du district a l'honneur d'instruire le comité ecclésiastique de l'Assemblée nationale, qu'aussitôt après avoir reçu le dernier décret, il l'a fait passer aux municipalités ; que, sur la lettre du maire de Strasbourg, par laquelle il demandait s'il pouvait permettre de transporter en pays étranger les meubles de M. le cardinal de Rohan, nous avons répondu que les meublesde l'évêché de Strasbourg et du grand chapitre de cette ville appartenaient à la nation, et que la municipalité devait s'opposer à leur extraction, tant de fa maison épiscopale que des maisons de plaisance de M. le cardinal de Rohan ; la municipalité a pris des mesures en conséquence ; les bâtimentsontété construits, et les meubles ont été achetés aux dépens d'une narliedes diocésains : ils sont d'une nature mixte. Nous demandons une décision à ce sujet; nous désirons en même temps que l'Assemblée nationale décide si M. l'évêque de Strasbourg doit être considéré comme évêque français ou comme évêq ue étranger.
(On fait lecture de plusieurs autres pièces.)
Il s'est présenté trois questions à votre comité :
1° Faut-il ordonner un inventaire du mobilier de l'évêché et du grand chapitre de Strasbourg?
2° Tolérera-t-on l'enlèvement des meublesde M. l'évêque de Strasbourg, et leur transport en pays étranger?
3° Quel est le caractère de M. l'évêque de Strasbourg? Doit-il être considéré comme bénéficier français, ayant des biens en France? La troisième question est susceptible de beaucoup d'étendue; le comité pense qu'elle doit être ajournée; quant à la première, le chapitre ne fait pas d'enlèvement; mais pour l'inventaire, l'évêque et le chapitre se confondent, tous les biens qui en dépendent sont nationaux. La véritable question est de savoir s'il y a une distinction à faire entre la partie française et la partie étrangère. Le comité a pensé que l'inveutaire est un acte conservatoire qui ne nuit à personne et qui conserve ies droits de tous; quant aux effets qui appartiennent personnellement à M. le cardinal deRo-han, on les distinguera, s'il est possible, et on restituera ceux qui seront revendiiués. Votre comité n'a pu s'empêcher de concevoir des alarmes sur la conduite de M. de Rohan daus cet enlè vemeut, et sur les bruits qui se répandent à son égard.
Le 19 avril, il vous demaude un congé, sa santé en est la cause; il garde le sileuce sur la durée de son absence. -Je ne crois pas qu'il y ait
d'absence d'un congé illimité ; sur la cause de ce congé il se présente une réflexion naturelle; le bruit court qu'il est actuellement en Allemagne, à la Diète ; donc ce n'est pas sa santé qui le retient; donc la cause de son absence n'existe plus; donc il doit être à son poste: l'Assemblée doit le rappeler; il déduira ses motifs, on les jugera ; on ne peut l'excuser en disant qu'il remplit des fonctions à la Diète; on ne peut pas remplir en même temps des fonctions politiques dans deux empires différents. J'oubliais d'observer qu'il a exercé en France un emploi qui le rend comptable, et qu'il est impossible de le laisser emporter en pays étranger sa fortune.
fait lecture d'un projet, dans lequel le comité propose d'ordonner l'inventaire des meubles de l'évêché de Strasbourg, en défend la distraction, et mande M. le cardinal de Rohan, pour rendre compte de sa conduite.
Le projet de décret qu'on vous propose, présente deux dispositions principales : la première, l'inventaire des meubles de l'évêché; la seconde, d'ordonner à M. le cardinal de Rohan de venir rendre compte de l'enlèvement de ses meubles. Lorsqu'on dit qu'un inventaire est un acte conservatoire, si l'on veut parler des moyens de sûreté pour les créanciers ou pour des héritiers, j'en conviens ; mais quand il s'agit de l'inventaire d'un homme vivant, ce n'est pas un acte conservatoire, mais vexatoire. On ne peut pas assimiler les meubles d'un bénéficier aux meubles d'un monastère. Le mobilier de M. l'évêque de Strasbourg lui appartient en propre, et je ne crois pas qu'ou ait pu vous proposer sérieusement de vous l'approprier. On ne ferait pas cette proposition au dernier des tribunaux. On parle de la revendication; mais vous n'avez pas sans doute adopté cette maxime des anciens employés de la ferme : ce qui est bon à prendre est bon à rendre; le comité a confondu le mobilier du chapitre avec celui d'un bénéficier qui occupe une maison dont la nation lui a assuré la possession. Vous avez observé l'étrange raisonnement qu'on vous a fait, qu'il était de l'intérêt des diocésains de connaître l'état des meublesde ce prélat; parce qu'ils ont contribué à leur acquisition. Prétendez-vous exercer ce retrait? Alors les meubles de tous les bénéticiers vous appartiennent, car ifs ne les ont achetés qu'avec i'argent qu'ils reçoivent comme prix de leurs fonctions. Je sais qu'avant la réunion de l'Alsace à la France, les diocésains de Strasbourg payaient à leur prince une contribution particulière; mais ils out été depuis affranchis de ce droit. M. le cardinal de Rohan a une partie de son diocèse en France, et l'autre partie au delà du Rhin ; c'est vouloir le forcer à meubler toutes ses maisons, que de s'opposer au transport de ses meubles d'une maison dans une autre. (Il s'élève des murmures.)
J'ai été témoin que, quand M. le cardinal de Rohan allait passer quelque temps au delà du Rhin, il emportait avec lui une partie de son mobilier et de sa vaisselle, qu'il faisait revenir lorsqu'il revenait en deçà.
Il est indigné de l'Assemblée nationale d'assujettir ce prélat à uu inventaire. Comme prince de l'Empire, il nous est impossible, lorsqu'il y passe, de le priver de ia jouissance de son mobilier, de son palais épiscopal de Strasbourg. On vous propose de le mander
pour rendre compte de l'enlèvement de ses meu-oles (On observe que c'est à son poste qu'on le rappelle) ; il est vrai qu'il a eu tort, très grand tort de ne pas savoir l'époque de sa guérison ; il aurait bien dû en prévenir l'Assemblée. Je vous observerai qu'il est de principe qu'on n® peut obliger un membre à venir vendre compte de sa conduite que lorsqu'elle présente l'apparence du reproche. Qu'y a-t-il de ténébreux dans ses démarches? N'est-il pas prince de l'Empire, et, en cette qualité, n'a-t-il pas le droit d'assister à ta Diète? La France elle-même a maintenu cette prérogative, parce qu'elle y trouvait un grand intérêt. La Diète se tient à Ratisbonne, et M. cardinal de Rohan est à une lieue de Strasbourg, au delà du Rhin. Certainement s'il veut opter entre son retour à l'Assemblée et son séjour dans son diocèse, il en est bien le maître; pourquoi s'en in* quiéter ? 11 est au milieu de son troupeau.
On ne doit pas se prévaloir des bruits publies, qu'il est facile de faire naître et d'exagérer, lorsqu'on veut être des tyrans. Son silence même prouve qu'il est sans reproche. Le comité vous propose, je ne dirai pas un acte de rigueur, mais de malveillance : elle perce à chaque mot de son rapport, et tout honnête homme a dû en être offensé. Ce n'est pas là le caractère d'impartialité qu'il aurait dû suivre, en vous présentant la conduite du cardinal de Rohan. Elle ne présente pas même le commencement d'un corps de délit ; il s'est disposé à transporter ses meubles, la municipalité s'y est opposée, et on ne les a point emportés. Si vous avez des raisons particulières pour le rappeler, alors je ne combattrai point votre vœu ; mais je m'oppose à un acte qui n'a aucun caractère de justice.
Le' diseours de M. l'abbé Maury prouve qu'il n'a pas fait attention au décret, et qu'il était absent des dernières séances; il n'a pas entendu la lecture de la pièce sur laquelle l'Assemblée est consultée de ta part du directoire de Strasbourg, pour savoir si M. le cardinal de Rohan peut enlever les meubles de l'évêché. La nation française n'a pas seule des droits sur ces meubles, parce que les habitants au delà du Rhin ont aussi contribué à leur acquisition. J'entends dire qu'il n'y a pas de meubles qui n'appartiennent à ce prélat. J'ai dans mes cahiers la preuve du con« traire, puisque je suis chargé de solliciter l'abolition d'un droit, dont leproduit est spécialement consacré à cette acquisition. Ce n'est pas moi qui parle des bruits répandus contre lui, c'est le ministre des affaires étrangères, qui dit aux mena-», bres du comité des recherches qu'il le croyait opposé à la Révolution. Il a demandé un congé pour cause de sa santé; il sait très bien qu'aux termes de vos décrets le temps est absolument limité; et qu'il doit revenir à son poste, dès qu'il est expiré.
Le préopinant se serait épargné beaucoup de peine et à l'Assemblée beaucoup d'ennui, s'il avait dit la vérité. Il est ftiux que l'on ait imposé les habitants de ce diocèse pour l'acquisition des meubles de M. le cardinal. Autrefois on a levé un impôt pour la construction et la reconstruction des bâtiments; mais il n'a pas suffi, et il a fallu faire un emprunt dont chaque évêque paye Une ptirtiè; comme c'était le grand chapitre qui autorisait cet emprunt, il a décidé qu'au moyen d'une somme de 160,000 livres, l'évêque deviendrait propriétaire de ees meubles ; de manière que si M. de Rohan
voulait donner 160,000 livres les meubles lui appartiendraient.
(On deœande à aller aux voix.)
Dès lors que Pon convient que les meubles ne sont pas payés, nous n'en demandons pas davantage.
Â-t-on articulé un seul fait contre M. le cardinal de Rohan, excepté le mot de M. de Montmorin, qui a assuré que lui et l'évêque de jSpire intriguaient dans l'Empire? Lorsqu'on a dit aussi quMl avait à ses ordres des envoyés, si c'est çie M. de Montmorin qu'on tient ce propos, Vest une preuve d'ignorance qu'il a donnée, après en avoir administré une de légèreté. Tout le monde sait que le prince-évêque de Strasbourg doit avoir des agents, l'un à Vienne et l'autre à Ratisbonne. Avez-vous rendu un décret qui le prive de cette prérogative? Vous le mandez pour rendre oompte de sa conduite; il n'a fait qqe ce qu'il a pu faire ; il y a une farte insurrection dans son dioeèse, et sa présence y est encore nécessaire. (La parti# gauche applaudij.) Je résume mon opinion, en demandant que la eause de l'évêque de Strasbourg soit réunie à celle des princes étrangers, que vous avez ajournée par votre décret du 22 septembre.
(La discussion est fermée.)
fait une nouvelle lecture du projet de décret.
Il est extraordinaire que le comité ecclésiastique confondant, sans aucune mission, des objets étrangers, vienne vous proposer de mander M. le cardinal de Rohan pouF rendre compte de sa conduite; je ne connais pas de pays où l'on puisse rapporter dans une tribune une conversation particulière. Je demande donc la question préalable sur cette partie du décret.
La question préalable est rejetée, et le décret adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport du comité écclésiastique, sur les lettres écrites le 26 de ce mois par lo directoire du district de Strasbourg à l'Assemblée nationale et au comité ecclésiastique, décrète ce qui suit:
« 11 sera incessamment procédé, par le directoire du district de Strasbourg ou par la municipalité qu'il a commise, conformément à l'article 12 du décret des 14 et 20 avril dernier, à l'inventaire des meubles et effets, titres et papiers de l'évêché et du grand chapitre de ladite ville.
« Avant la Confection de l'inventaire, il né pourra être enlevé ni distrait aucun des meubles qui sont actuellement dans la maison épiscopale et dans celles" qui dépendent de l'évêché.
« Décrète, en outre, que M. le cardinal de Rohan viendra, dans le délai de quinzaine, reprendre Sa place dans l'Assemblée nationale, et y rendre compte de sa conduite, s'il y a lieu. »
(La séance est levée vers trois heures.)
Séance du
ouvre la séance à 9 heures du matin,
,secrétaire, fait l'énoncé des adresses suivantes :
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des citoyens de la ville de Montpazier;
Adresse de la société des amis de la Constitution de Ghâlon-sur-Saône, et de celle de la ville de Rodez. Cette dernière demande que les séances des asasepfiljlées administratives soient puhlir ques;
Adresse des gardes natiopales confédérées dans le chef-lieu du département de la Creuse;
Adresse des officiers municipaux de la ville de Saint-Remy, département des Bouches-du-Rhône, contenant le procès-verbal de la prestation du serment civique par le chapitre collégial de cette ville ;
Adresse des vicaires du département du Puy-de-Dôme, qui remercient l'Assemblée de l'augmentation de leur traitement, jurent de maintenir de tout leur pouvoir l'exécution de tous ses décrets, et expriment le vœu que les chanoines et prêtres réguliers ne puissent exercer le vicariat que lorsque les vicaires actuels seront tous placés ;
Adresse des électeurs du district de Marennes, qui, après avoir organisé leur corps administratif, présentent à l'Assemblée le tribut de respect, d'admiration et de reconnaissance qu'ils doivent à seS vertus et à ses bienfaits. Ils annoncent que les habitants de ce district ont vu régner parmi eux la plus parfaite harmonie. « Des cultes diffé-« rents les distinguent, disent les électeurs, mais « ils ne les divisent jamais ; les opinions reli-« gieuses ont été respectées, et tous ont béni le a Dieu de paix et de bonté. »
Adresses des assemblées électorales du département de la Manche, du département de la Nièvre et du département des Hautes-Alpes ;
Adresses des assemblées administratives des districts de Florac, de Mayenne et de Tarascon :
Toutes ces assemblées, dès les premiers moments de leur formation, expriment avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elles sont pénétrées pour l'Assemblée nationale ; elles la supplient de poursuivre sans relâche, et jusqu'à, sa consommation, le grand ouvrage de la Constitution.
Lettre du sieur Pissand, fils d'un citoyen de Bordeaux, résidant à Amsterdam, qUi annonce que tous les Français domiciliés en cette ville ont fêté le jour mémorable du 14 juillet, én célébrant avec transport les glorieux travaux de l'Assemblée nationale.
Adressses des municipalités de Lin, département du Gers ; de Dampierre en Burly, district de
Gien ; de Villemoutiers, département du Loiret ; de Regmanwez, département desArdenhês; de
Lignon, département de la Marne ; de Haute-Rivoire, département de Rhône-et-Loirè; de La
Vernière près Grancbet, du bourg de Serrières, département del'Ardèche; des villes de
Montluçon,
Toutes ces municipalités envoient à l'Assemblée nationale le procès-verbal de la fête civique, que tous les citoyens réunis ont célébrée le 14 juillet, dans laquelle ils ont fait éclater les sentiments de l'allegresse la plus vive, de l'union la plus étroite, et ont prononcé le serment fédératif du Ghamp-de-Mars.
Adresse de M. Coste, premier médecin des armées et maire de Versailles : il demande qu'il soit statué définitivement sur le traitement annuel qu'il convient d'attacher à sa place de premier médecin des armées, ou à celle de chef du service de santé des troupes, quelle que soit la dénomination de son office, et toujours sous la condition expresse qu'il sollicite lui-même, et qu'il a déjà offerte dans un ouvrage préseqté à l'Assemblée, de la responsabilité la plus entière. L'Assemblée a envoyé cette adresse aux comités militaire et des pensions réunis.
Adresse des gardes nationales de Saint-Brice, Gravant, Vermanton, Noyers, Vezelay, Asquins, Lille-sous-Montréal et Avalon, qui annoncent la réconciliation des habitants des villes de Gravant et Vermanton,qui, depuis 200 ans, vivaient, les Uns envers les autres, dans des dispositions continuellement hostiles.
,député de Lunéville, présente une pétition de la garde nationale de cette ville, et une adresse des carabiniers qui demandent la conservation de la haute paye qui leur est allouée :
« La garde nationale de la ville de Lunéville, encore délicieusement agitée des transports d'allégresse qu'a excités parmi tous les bons citoyens l'auguste solennité du 14 de ce mois, transports que le corps des carabiniers a partagés civique-ment et fraternellement, vient d être tirée de cette douce ivresse, de la manière là plus accablante, en apprenant que l'article 5 du décret de l'Assemblée nationale, du 24 juin dernier, privait les carabiniers du sou de la haute paye dont ils ont toujours joui, même dès l'instant de leur créa- tion.
« Sera-t-il permis à la garde nationale de la ville de Lunéville, que les nœuds de la fraternité la plus tendre et de la reconnaissance la plus vive unissent à ces braves guerriers, de faire entendre sa voix aux pieds de fAssemblée nationale, pour implorer de sa justice le rétablissement de cette légère récompense, due, sans doute, et à l'ancienneté de leurs services et à leur valeur intrépide dans les combats, et plus encore à leurs vertus civiles et sociales dans la paix?
« Lui sera-t-il permis d'observer que cette haute paye, conservée au corps roVal de l'artillerie et aux compagnies de grenadiéfs, ne peut être ôtée . aux carabiniers, sans compromettre la justice de l'Assemblée nationale, qui accorderait à ces troupes d'élite dans l'infanterie ce qu'elle refuserait à 1a seule troupe d'élite dans la cavalerie?
« Que si la patrie doit reconnaître les services qUe les carabiniers lui ont rendus, en signalant toujours, de la manière la plus distinguée, leur bravoure contre les ennemis du dehors, que ne leur doit-elle pas pour les services inappréciables qu'elle en a reçUs dans les circonstances orageuses qui se sont rapidement succédé depuis plus de deux ans?
« Que devenait la ville de Lunéville dans les premières secousses de la Révolution, si les géné-
reux guerriers, s'amalgamant, pour ainsi dire, avec les citoyens et prévenant leurs vœux, n'eussent pas veillé avec un zèle aussi infatigable que désintéressé à la sûreté de la cité, et concouru au maintien et au rétablissement du bon ordre et de la tranquillité publique? Ce n'est pas à la seule ville de Lunéviile que se sont bornés leurs secours patriotiques ; dans tous les lieux de la province où il s'est élevé quelques troubles, les généreux carabiniers, désirés de toutes parts, y ont volé, et leur seule présence a rassuré les bons citoyens et rétabli le calme partout. Toute la France a retenti et retentit encore des éloges que ce corps et ses illustres et vertueux chefs ont si justement mérités.
« L'Assemblée nationale, en conservant aux carabiniers le sou de haute paye dont ils ont constamment joui, acquittera au moins en partie la dette immense de reconnaissance que leur doivent la garde nationale, les citoyens de la ville de Lunéviile et toute la province; c'est ce qu'osent espérei et qu'implorent de la vertueuse et équitable générosité des représentants de la nation,
« Leurs très humbles, très obéissants et très respectueux serviteurs,
« Les citoyens composant la garde nationale de la ville de Lunéviile. »
Lunéviile, ce
Très respectueuse pétition des officiers du corps des carabiniers.
« Dès le moment où l'Assemblée nationale a bien voulu s'occuper avec intérêt du sort de tous les individus qui composent l'armée, les officiers 4u corps des carabiniers, sensibles à ses bienfaits, avaient fait lire à la troupe assemblée l'article de son décret du 28 février dernier, qui porte, qu'à commencer du l*r mai, la paye de tous les soldats sera augmentée de trente-deux deniers par jour, en observant la progression graduelle entre les différentes armes et les différents grades. La distribution de cette somme, fixée par le décret du 6 juin, ne paraissait pas devoir changer le sort des braves vétérans qui ont l'honneur de commander.
Le corps des carabiniers, dès l'instant de sa création, a joui du sou de haute paye en sus de la solde de la cavalerie, et n'a jamais attaché d'autre importance à cette prérogative, qu'en la considérant comme une récompense de la valeur jointe à l'ancienneté de service. C'est donc avec le regret le plus vif que les officiers ont lu aux carabiniers 1 article 5 du décret du 24 juin dernier, qui les prive de cette légère rémunération.
« Ge corps, distingué à la guerre par des actions d'éclat, a donné récemment à l'armée entière le seul exemple qu'on peut offrir en temps de paix, celui de la subordination et de la plus parfaite discipline, et ce serait à cette époque qu'on frustrerait d'anciens serviteurs d'une récompense conservée au corps royal d'artiM«îrie et aux compagnies de grenadiers. C'est sous cet aspect qu on doit considérer les carabiniers relativement à la cavalerie, puisque, indépendamment de leur service habituel, ils partagent, dans les sièges, les dangers réservés à ces troupes d'élite, en combattant avec l'arme qui leur a été accordée pour prix de leur conduite héroïque à la bataille de
Guastalla (1). La haute paye fait l'espoir des cava, liers qui ont été choisis pour servir dans ce corps c'est une propriété qu'ils ont acquise par leur bonne conduite, et que la justice invite à leur conserver.
« Les officiers du corps des carabiniers recourent avec confiance à la noblesse et à la justice des représentants de la nation, pour faire rétablir à leurs compagnons d'armes l'ancien traitement d'un sou par jour, doat ils jouissaient. Ils osent espérer que l'Assemblée nationale, pénétrée des motits qu'ils ont eu l'honneur de lui exposer, voudra bien agréer l'hommage de leur pétition, I et recevoir le tribut de leur reconnaissance et de leur respect. »
« Signé : Les officiers du corps des carabiniers. »
Mémoire présenté le 29 juillet 1790, à M. le Président au comité militaire de VAssemblée nationale, par le corps des carabiniers, en réclamation aes trente-deux deniers d'augmentation de solde, au lieu de vingt deniers accordés par le décret du 24 juillet 1790.
« De tous les régiments de cavalerie, qui composent l'armée française, il en est peu dont l'origine soit aussi reculée que celle du corps des carabiniers; elle remonte à l'année 1422; mais comme ils ont été supprimés et recréés en 1679, nous ne parlerons de leur existence que depuis cette dernière époque.
En considération de la conduite qu'ils tinrent à la bataille de Nerwinde, le 19 juillet 1693, Louis XIV en forma, le premier novembre suivant, le corps qui existe aujourd'hui, et qui, depuis ce moment, n'a pas été séparé.
« Louis XIV, en formant ie corps des carabiniers, le créa à l'instar des grenadiers : en conséquence il leur affecta une paye d'un sou par jour plus forte que celle des cavaliers, distinction que les grenadiers ont également sur les fusiliers, n a toujours été regardé tel par les troupes. Le corps va en donner une nouvelle preuve, en citant son service particulier en campagne, où, indépendamment de celui qui est affectéà la cavalerie, il a généralement fait celui de l'infanterie; et les succès qu'il a obtenus, lui ont valu l'honneur d'ajouter une baïonnette à sa carabine.
« Le corps va, en conséquence, exposer à M.le Président plusieurs actions où il s'est trouvé, et où il a eu les plus grands succès :
« 1° L action du 10 mai 1694, au passage du Ther, près Gironne en Catalogne ; action iaplus -glorieuse que la cavalerie d'Europe ait à citer;
« 2e Le bombardement de Bruxelles, où il a fait le service de grenadiers ;
« 3° Bataille de Turin, en 1706; à cette affaire, cent carabiniers franchirent les retranchements, entrèrent dans Jes bataillons eunemis, et en firent un grand carnage ;
« 4° Bataille d'Oudenarde, le
« 5° Bataille de Denain, en 1712;
« 6° Bataille de Parme, en 1733; « 7° Bataille de Guastalla, en 1734, oû ils combattirent à
pied, et firent un feu si vif et si bien dirigé, qu'ils coulèrent à fond plusieurs bateaux qui
étaient sur le Pô, et qu'occupaient les impé-
« 8° L'escalade de Prague sous les murs de la basse ville, le 25 nombre 1741. D'après les ordres de M. le maréchal de Brogliè, et sous ceux de M. le comte de Saxe, cent carabiniers tirent l'escalade sans tirer un seul coup de carabine, et s'emparèrent du poste qui était sur le rempart, ouvrirent les portes de Prague, y firent entrer le corps des carabiniers, qui fut bientôt suivi de la cavalerie, et rendirent M. le comte de Saxe maître de la place ;
« 9° Combat de Sahay, du 25 mai 1742, où une partie du corps combattit deux mille cinq cents cuirassiers autrichiens, dont il ne resta pas plus de quatre cents en état de servir. Celte action décida, comme à Guastalla, du gain de la bataille ;
« 10° Aux sorties de Prague, en 1742, le corps fit le service de grenadiers ; et à la sortie du 22 août, M. le maréchal de Broglie y envoya trois cents carabiniers qu'il plaça à ia tête de l'attaque, malgré les justes représentations des grenadiers du régiment de Piémont, le plus ancien de l'infanterie, auquel cet honneur appartenait. Les carabiniers marchèrent les premiers à la tran-• chée, tombèrent dessus les Autrichiens, se prirent . corps à corps avec eux, balayèrent et comblèrent la tranchée, enclouèrent le canon, et firent prisonnier le général de l'armée autrichienne;
« 11° Bataille de Fontenoy : on se' rappelle l'éloge que fit Louis XV des carabiniers, dans salet-tre aux archevêques etévêques, lorsqu'il ordonna un Te Deum en action de grâces du gain de cette fameuse bataille; lettre dans laquelle Sa Majesté motive le service que lui avait particulièrement rendu sa maison et son régiment royal des carabiniers;
« 12° Bataille de Lawfeld, où deux escadrons de ce corps battirent huit escadrons de dragons royaux anglais qu'ils repoussèrent jusque dans Maëstricth : ils en firent, en outre, le général Li-gonnier prisonnier, qui fut arrêté par le nommé Aude, carabinier encore existant, et actuellement retiré près Nangis ;
« 13° Bataille de Grevelt, du 23 juin 1758, où le corps resta en bataille pendant quatre heures un Suart sous le feu de deux batteries de canon, et operdit plus de 700 hommes montés et soixante-neuf officiers, tant tués que blessés; M. de Gisors, leur chef, était du nombre. Les détails de cette affaire, qui a couvert le corps de gloire, seraient trop longs à exposer dans ce mémoire.
Telleest,en abrégé, une partiedes actions auxquelles s'est trouvé le corps des carabiniers, qui, dans toutes, a su mériter l'estime des généraux sous lesquels il a servi, et la confiance de l'infanterie, lorsqu'elle s'en voyait appuyée. Il observe que son double service, comme cavalerie et infanterie, le met en temps de guerre dans une constante activité.
« Le corps ose donc espérer qu'en, considération de ses services, l'Assemblée nationale
voudra bien conserver le sou de haute paye dont il a toujours joui en sus de la solde réglée
pour la cavalerie, distinction que l'Assemblée a trouvé juste d'accorder aux grenadiers, et
qui avait été annoncée aux carabiniers par M. de La Tour-du-Pin, lorsque l'Assemblée nationale
décréta, le 28 février, que tout soldat français jouirait d'une augmen- tation de trente-deux
deniers, à compter du « 1er mai dernier ».
« Aussi, quelle a été la surprise du corps en
voyant le décret du 24 juin, d'après lequel il n'est plus admis à jouir que d'une augmentation de vingt deniers.
« Le corps des carabiniers, plein de confiance dans la justice de l'Assemblée nationale, ne peut douterqu'elle voudra bien lui conserver, ainsi qu'il avait lieu de s'en flatter, son sou de haute pave en sus de la solde fixée pour la cavalerie, ayant l'honneur d'observer à l'Assemblée nationale, que cette distinction ne peut être regardée comme un privilège, les grenadiers l'ayant conservé sur les fusiliers, et qu'il existe d'ailleurs une différence de solde dans les troupes de l'armée, suivant les armes qui la composent, différence qui ne peut pas admettre une égalité dans leurs payes. C'est donc sur la justice de l'auguste Assemblée nationale que sont fondées les réclamations d'un corps qui a constamment vécu dans la plus parfaite police et discipline, ainsi qu'il a été attesté par les municipalités des villes et lieux où le corps a été détaché depuis un an, et notamment par celle' de Lunéviile, où il est en quartier depuis 21 mois. L'Assemblée nationale coanaît, eu outre, l'esprit patriotique du corps des carabiniers, d'après sa bonne conduite et les différentes adresses d'adhésion à ses décrets qu'il a eu l'honneur de lui faire passer.
« M. le Président de l'Assemblée nationale a bien voulu en accuser la réception à M. Doilliam-son qui a commandé le corps pendant l'hiver, et lui témoigner combien l'Assemblée nationale était satisfaite du compte qui lui en avait été rendu.
« Le corps des carabiniers ose encore réclamer de l'auguste Assemblée nationale, comme une grâce particulière, la conservation de son nom et de son arme. »
Signé : Pillerault, Capitaine-quartier-maître-trésorier des carabiniers, député pour le corps.
(Cette réclamation est renvoyée au comité militaire.)
annonce qu'il a reçu de M. Richard, major au corps du génie et député suppléant à l'Assemblée nationale, une adresse sur un corps d'état-major permanent et sur les dangers de la réunion de l'artillerie avec le génie.
Cette adresse est renvoyée au comité militaire.
( Voy. ce document aux annexes de la séance).
,député du département de Maine-et-Moire, demande et obtient un congé de six semaines pour le rétablissement de sa santé.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une adresse des militaires résidaot à l'hôtel des Invalides à Paris. Ils se plaignent de ce qu'on leur refuse la qualité de citoyens actifs, parce que l'Assemblée a décrété qu'on ne pourrait user de ce droit dans la ville où l'on serait en garnison.
Ce décret ne peut être appliqué aux invalides, qui doivent être considérés comme domiciliés. .
(L'Assemblée ordonne le renvoi de l'adresse au comité de Constitution pour én faire son rapport à l'Assemblée.)
fait lecture de la liste des décrets présentés a la sanction du roi le veudredi 30 juillet 1790, comme s'ensuit ;
Du
« Décret qui supprime le traitement de 100,000 li-
yres attaché à l'intendance générale des postes, pour dépenses secrètes, ainsi que les 300,000 livres pour salaire des personnes attachées au secret des posles. Supprime tous titres et traitements des intendants des postes et messageries, et autres dépenses!, toripant ensemble la somme de260,000livres,
Du 21 juillet.
« Autre gui supprime diverses parties de la dépense publique.
Du 29'juillet.
« Décret qui surseqlt à la nomination de tous emplois militaires, jqsqu'à l'organisation de l'armée.
Dudit jour.
« Décret portant que les sieurs Perrotln, dit de Barmont, Eggss et Boqne-Savardin, seront conduits à Paris ;
« Que les papiers saisis par la municipalité de Châlons, seront remis au comité des recherches;
« Que le siéur Drouart, dit de Riole, ainsi que le particulier détenu à Beurgoin, seront également conduits dans les prisons de Paris.
Dudit jour.
« Décret sur l'échange des assignats contre des billets de caisse d'escompte ou promesse d'assignats.
Du 30 juillet.
« Décret qui charge le président de prier le roi de donner des ordres aux ci-devants Etats du Gam-brésis de cesser, dès ce moment, toutes fonctions»
Dudit jour.
Décret qui autorise la municipalité de Paris à faire évacuer le couvent des capucins de la rue Saint-Honoré, pour être employé au service de l'Assemblée. »
Le comité des pensions est prêt à présenter son travail sur les articles qui lui ont été renvoyés. Je donne la parole à son président.
,président du comité des pensions. Il s'est élevé, lundi dernier, des difficultés sur la lecture du procès-verbal dans lequel se trouve inséré l'article adopté dans la séance du 20 juillet; les difficultés résultent de ce que l'on n'a point parlé du cas où ces pensionnaires auraient rendu des services à l'Etat. Voici donc la nouvelle rédaction que je propose pour cet article ;
Art. 7. «Les pensions rétablies en vertu des articles précédents, et dont le maximum n'a pas été fixé, ne pourront excéder la somme de 10,000 livres, si le pensionnaire est actuellement âgé de moins de 70 ans ; la somme de 15,000 livres, s'il est âgé de 70 à 80ans; et la somme de 20,000li-
vres, s'il est âgé de plus de 80 ans. Les pensionnaires actuels âgés qe plus de 75 ans, qui, ayant rendu des services à l'Etat, jouissaient de pensions au-dessus de 3,000 livres, conserveront une pension au moins de la somme de 3,000 livres. Ceux qui, ayant servi dans la marine et les colonies, auront atteint leur 70* année, jouiront de la même faveur que les octogénaires. Les veuves dès maréchaux de France qui ont atteint l'âge de 70 ou 80 ans, jouiront de là faveur accordée à cet âge. »
, rapporteur. Les comités réunis des pensions, militaire et de la marine, auxquels vous avez renvoyé, dans les séances précédentes, diverses propositions faites par plusieurs membres de cette Assemblée, me chargent de vous proposer les articles additionnels qui suivent :
Art. ler. «Lenombre d'années de service nécessaire dans les
troupes de ligne pour obtenir une pension, sera de trente années de service effectif» -
mais, pour déterminer le montant de la pension, il Sera ajouté à ces années de service les
années résultant des campagnes de guerre, d'embarquement, de service et garnison hors de
l'Europe, d'après les proportions suivantes :
« Chaque campagne de guerre et chaque année de service ou ae garnison hors de l'Europe seront comptées pour deux ans ;
Chaque année d'embarquement, en temps de paix, sera comptée pour dix-huit mois.
Ce calcuf aura lieu, dans quelque grade que les campagnes et les années de service ou d'embarquement aient été faites, dans le grade de soldat Comme dans tous les autres. (Adopté.)
Art. 2. « Tous officiers, soit étrangers, soit français, employés dans les troupes de ligne françaises ou étrangères, au service de l'Etat, de quelque arme et de quelque grade qu'ils soient, seront traités, pour leur pension, sur le pied de l'infanterie française. Tous les officiers d'un même grade, quoique de classe différent®, même simplement commissionnès, mais en activité, seront pensionnés également sur le pied de ceux de la première classe. (Adopté.)
Art. 3. « On n'obtiendra la pension attachée â un grade, qu'autant qu'on l'aura occupé pendant deux ans entiers, à moins que, pendant le cours desdites deux années, on n'ait reçu quelque blessure qui mette hors d'état de servir. (Adopté.)
Art. 4. « Le nombre d'années de service, nécessaire dans la marine pour obtenir une pension, sera de vingt-cinq années de service effectif; et, pour fixer le montant de la pension, il sera ajouté a ces années de service les années résultant des campagnes de guerre, embarquement, service ou garnison hors de l'Europe, dans les mêmes proportions qui ont été fixées par l'article premier pour les troupes de terre.
Ce calcul aura lieu, quelle qu'ait été la classe ou le grade dans lesquels on ait commencé à servir; mais l'on n'aura la pension attachée au grade qu'après l'avoir occupé pendant deux ans entiers, ainsi qu'il est dit dans l'article 3. »
J'ai regret de n'avoir pu me trouver à la réunion des trois comités, de la guerre, de la marine et des pensions qui a eu lieu pour vous présenter des décrets relatifs aux pensions militaires. J'aurais fait quelques observations importantes sur le service de la marine, et, puisque je n'ai pu remplir ce devoir, je vous prie de m entendre avec indulgence. Vous avez décidé qu'il faudrait avoir 50 années d'âge pour pouvoir
obtenir une pension; mais tous ayez ajouté : « sauf les exceptions qui pourraient avoir lieu pour les différents services, d'après les rapports qui vous seront faits. » Je vous prie de prendre en sérieuse considération la différence qu'il y a entre le service de terre et celui de mer : ce dernier service offre à l'homme qui s'y livre tous les dangers à la fois : lé moindre de tous est souvent celui des combats. J'appelle en témoignage de cette vérité ceux qui ont eu le feu à bord, ceux qui ont échoué et ont été au moment de périr. Je ne parle pas de ces malheureuses victimes de leur état dontlenombre est si considérable, deceux qui périssent journellement, tandis que sur terre on n'éprouve aucun de ces désastres. Je mets à part l'ennui d'une vie entière, semée sans cesse de toutes les privations possibles, et vos comités ont si bien senti qu'il devait exister une différence entre les retraites du service de mer, comparé avec celui de terre, qu'ils ont décidé que le marin serait susceptible d'une pension à 25 années de service, tandis que l'officier de terre doit avoir 30 ans de service effectif; cependant, par une contrariété évidente à ce principe reconnu, il résulte que, ne faisant pas mention de l'exception à faire pour les 30 années d'âge, le marin se trouvera traité comme l'officier de terre, puisqu'ils ne pourront se retirer qu'au même terme de la vie ; et vous avez tous senti que ce serviee vieillissait bien plus qu'un autre. Je demanda donc qu'en considération de la différence du service de mep, comparé avec celui de terre, et conformément aux principes que vous avez déjà manifestés, il soit décrété que les marins pourront obtenir une pension à 1 âge de45 ans, et ce, sous les clauses et conditions portées dans les décrets rendus et à rendre.
Je demande S'il serait prudent d'accorder une retraite à un homme de 45 ans ?
L'un, des articles précédemment décrété sur les pensions écarte tout à fait la réclamation de M. deMontcalm,parce qu'il accorde deç pensions à ceux que des blessures reçues ou des maladies contractées dans le service ont mis hors d'état de le continuer.
Je demande une exception en faveur des officiers dits de fortune à qui on fait des passe-droits. On doit compter avec eux du moment où ils devraient être capitaines.
Cette justice apparente constituerait une injustice réelle. Il faudrait examiner à quel moment ils auraient dû être capitaines et s'il n'y a pas eu de raisons pour les priver de ce grade. 11 faudrait, en un mot, faire un procès.
met aux voix l'article 4 qui est adopté sans changement.
Art. 5, « Le taux de Ja pension qu'on obtiendra après avoir servi l'Etat dans les emplois civils pendant trente années effectives, sera réglé sur le traitement qu'on avait dans le dernier emploi, pourvu qu'on l'ait occupé pendant trois années entières.
« Les années de service, qu'on aurait remplies dans des emplois civils hors de l'Europe, seront comptées poqr deux années, lorsque les trente années de service effectif seront d ailleurs complètes. » (Adopté),
, rapporteur, donne lecture de l'article 6.
M. de Montcalm a laissé quatre enfants vivants, à chacun desquels l'Etat a donné 1,000 livres de pension, pour témoigner sa reconnaissance à celui qui a soutenu l'honneur des armes françaises à Québec, et dont le tombeau eût été couvert des lauriers de la victoire, si ce grand hommes eût vécu deux heures de plus. Madame de Damas, sa fille, a reçu, au lieu de 1,000 livres, 4,000 livres. Je viens, de Ba part, remettre mille écus à la nation. (Des applaudissements interrompent Vovateur.) On propose que l'on consepve un capital de 4,000 livres pour la famille de M. de Montcalm, en énonçant, dans le nouveau brevet, que c'est par égard pour les ser. vices de leur père. Madame de Damas attend de cette énoneiation un plus grand motif d'encouragement pour ses enfants,
Les enfants de M. de Montcalm ont été plus maltraités que leur sœur ; en reconnaissant la générosité de l'action qu'elle fait aujourd'hui, je crois qu'on doit aussi laisser à la nation la faculté de reconnaître les services de leur père. Je demande donc que la proposition de M. Fréteau soit renvoyée au comité des pensions.
Je remercie l'Assemblée; au nom de meg cousins, de la bienveillance dont on veut bien les honorer; ma famille ne sert point pour l'argent, l'honneur est la seule récompense qu'elle ambitionne.
(M. de Montcalm reçoit de3 applaudissements de l'Assemblée.)
La proposition de M. Fréteau doit être prise en considération. Les services de M. de Montcalm ont fait connaître son nom dans les deux mondes, sa valeur et ses talents militaires ont honoré les armes françaises. Je ne retracerai poipt les actions de guerre qui ont distingué ce brave général ; mais je citerai un fait particulier qui touchera l'Assemblée, et qui lui montrera que les vertus civiques et guerrières ont des droits sur tous les peuples. Lorsque les troupes françaises se sont présentées dans le nouveau monde, elles ont reçu des témoignages d'attachement de plusieurs hordes de sauvages; il n'en est aucun qui n'ait donné des marques de respect pour la conduite de M. de Montcalm à la tête de nos troupes dans la guerre du Canada, et des témoignages d'admiration pour sa mémoire. Il n'en est point qui n'ait demandé des nouvelles de son nom, de sa famille, et qui n'en ait conservé un souvenir juste et touchant* S'il n'a point de service, disait-on, nous le mettrons à notre ,tête. Je vous demande si de pareilles preuves d'un mérite éclatant peuvent être douteuses, et si à l'instant où les sauvages montrent de la reconnaissance pour des actions glorieuses dont vous avez joui, je demande si vous serez au-dessous de ces peuples non policés, pour les sentiments de générosité et de reconnaissance. J'insiste sur la motion de M. Fréteau.
L'article est décrété en ces termes :
Art. 6. « Nonobstant l'article 5 du décret du 26 juillet, relatif aux enfants des officiers tués à la guerre, les enfants du général Montcalm, tué à la bataille de Québec, au lieu de la somme de 3,000 livres qu'ils devraient se partager entre eux, aux termes audit article, toucheront 1,000 livres chacun. L'Assemblée nationale autorise les commissaires, par elle nommés pour la distribution des nouvelles pensions, à exprimer dans le bre-
vet de 1,000 livres qui sera délivré à chacun desdits enfants, que cette exception a été décrétée par elle comme un témoignagne de son estime particulière pour la mémoire d'un officier aussi distingué par ses talents et son humanité, que par sa bravoure et ses services éclatants.
rapporteur, lit l'article7 ainsi conçu :
Art. 7. Les pensions accordées aux familles d'Assas, de Chambord, de Monlcalm, et au général Luckner, seront conservées en leur entier, nonobstant les dispositions des articles précédents qui pourraient y être contraires. A 1 égard des autres exceptions qui ont été ou seraient proposées, elles seront renvoyées au comité des pensions, qui en fera le rapport à l'Assemblée. »
(Cet article est adopté.)
Je demande qu'il soit ajouté à l'exception décrétée en faveur du général Luckner, ces mots: conformément aux conditions sous lesquelles il est entré à notre service, afin d'éviter la multitude de réclamations qui me parviennent de toute part, fondées sur l'exemple de ce général Luckner, dont les litres sont d'une nature toute différente de celle des réclamants.
Je réclame aussi une exception en faveur des pensionnaires du roi de Pologne qui se trouvent à la charge de l'Etat.
Les legs doivent se prendre sur la succession du testateur; ainsi il faut, avant de statuer sur le payement, savoir qui devra le faire.
(de Nemours)
. M. Lagrange, géomètre, qui n'a point de pareil en Europe, a été appelé du service de Prusse par le gouvernement français : je demande une exception en sa faveur, ainsi que pour la famille de M. Poivre, qui, après 30 années de service, a obtenu une pension de 3,000 livres pour sa femme, et une de 1,000 livres pour chacune de ses filles.
observe qu'il y a au moins deux mille réclamations de cette nature.
(Ces réclamations, notamment celles qui concernent M. Lagrange et la famile de M. Poivre, sont renvoyées au comité.)
, rapporteur, présente un article particulier concernant les pensions établies sur la caisse de l'ancienne administration du clergé.
Après une courte discussion, ce' article est décrété ainsi qu'ii suit:
« Les pensions qui étaient établies sur la caisse de l'ancienne administration du clergé seront payées sur cette même caisse, pour les six premiers mois de la présente année, sur le pied néanmoins de 600 livres au plus pour l'année entière, conformément au décret du 16 de ce mois ; et il en sera de même des pensions qui pourraient exister encore sur d'autres caisses que le Trésor public. »
On ne reçoit pas de nouvelles de la municipalité de Toulouse qui, par un décret de l'Assemblée du 27 juin, est autorisée à poursuivre 'la procédure commencée contre moi. Je demande que M. le président soit chargé de demander à cette municipalité d'accélérer l'envoi des charges qu'on peut avoir faites
contre moi, désirant convaincre l'Assemblée et le monde entier de mon innocence.
J'ai grand besoin des eaux, je souffre de douleurs abominables. Je ne veux point aller à Barèges, parce que c'est trop loin, d'ailleurs cela coûte cher; mais j'irai aux eaux de Bourbonne, qui ne sont pas loin d'ici. Cependant je ne vous ferai cette proposition que lorsque mon affaire aura été jugée.
Un membre qui s'engage à revenir auprès de l'Assemblée dès qu'il en sera requis ne peut être retenu près d'elle lorsqu'il a des motifs d'absence aussi légitimes. Je propose d'accorder à M. de Lautrec l'autorisation de partir quand il voudra.
(Cette autorisation est accordée.)
, rapporteur du comité de Constitution, propose un projet de décret, pour annexer le faubourg de Gloire à la municipalité de La Chapelle.
Ge décret est adopté, sans discussion, ainsi qu'il suit:
« L'Assemblée nationale décrète: 1° que la partie du faubourg Saint-Denis, connue sous le nom de faubourg de Gloire, avec ses dépendances, et qui se trouve hors des murs de Paris, est réunie à la municipalité de la Chapelle : 2° que les habitants de cette partie de faubourg et dépendances, réunissant les qualités prescrites par la loi, seront éligibles aux fonctions municipales et militaires de cette paroisse. »
fait un rapport sur les règles particulières à observer pour la distribution des pensions et gratifications aux gens de lettres, savants et artistes.
Avant de vous présenter les règles qui, réunies aux principes généraux que vous avez déjà décrétés, doivent établir, autant qu'il est possible, une juste répartition des grâces envers ceux qui se rendent recommandables dans les sciences et les arts, votre comité aura l'honneur de vous soumettre un court exposé des motifs qui l'ont guidé dans ce travail.
Il ne s'attachera pas à prouver que chez un peuple nombreux et civilisé depuis longtemps, on doit regarder comme bienfaiteurs du genre humain ceux qui, par leurs veilles et les fruits de leur génie, augmentent la somme de ses lumières. Cette vérité, sans doute, serait susceptible de longs développements ; mais le temps nous presse, et ce n'est pas avec vous qu'il est nécessaire de descendre dans les détails pour faire sen tir toute l'étendue d'un objet. Déjà vous êtes, ainsi que nous, convaincus que, dans l'ordre actuel des choses, il est du devoir étroit des représentants du peuple français de protéger, de toutes les manières, les savants, les artistes, les gens de lettres et les établissements qui servent essentiellement aux progrès des sciences et des arts.
Vous ne trouverez pas, dans cette partie du travail de votre comité, la précision qu'il s'est efforcé de mettre dans les autres. Il avait pour cela deux bases faciles à saisir : la durée des services et le traitement qui y est attaché ; mais ici elles lui manquent. Cependant vous jugerez, ainsi que lui, qu'il n'est pas moius nécessaire de tixer des bornes à l'espèce de latitude exigée impérieusement par la nature du sujet.
Le premier objet qui s'est préseuté à votre comité, c'est la reconnaissance que méritent ceux qui, abandonnant leur patrie et leurs plus douces
affections, vont chez des peuples éloignés et sauvages, et jusqu'au sein des déserts, étudier la nature pour éclairer le genre humain, ou chercher des productions utiles au soulagement et à la nourriture des hommes, à celle des animaux, et à la perfection des arts; vous ne refuserez pas sans doute de les mettre au rang de ceux qui exposent leur vie pour la patrie.
Il a jeté les yeux sur ces savants et artistes qui, se livrant à des travaux de longue haleine, mais dont le produit est éloigné, peuvent être forcés de l'abandonner, faute de moyens. Il a pensé qu'il était juste que l'Etat vînt à leur secours, mais avec les mesures nécessaires pour que ces secours n'entretiennent pas le désir de prolonger l'ouvrage, loin d'en accélérer la fin. Ainsi, il vous demandera de décréter que ces encouragements ne soient accordés qu'en raison des progès effectifs du travail, et que la récompense n'en soit donnée que lorsqu'il est parvenu à son terme.
Il a pensé, néanmoins, que ce principe devait souffrir quelques modifications, lorsque le progrès des sciences et des arts exige qu'on envoie un citoyen hors de sa patrie pour aller recueillir des connaissances utiles chez les nations étrangères.
Enfin, pour apporter dans cette matière toute la précision dont elle est susceptible, votre comité a cru qu'il fallait diviser les pensions à accorder aux gens de lettres, savants et artistes, en trois classes, dans chacune desquelles ils seraient placés suivant la nature de leurs occupations habituelles et l'importance des services u'ils auraient rendus. Tel est l'objet des deux erniers articles du projet de décret qui va vous être soumis.
PROJET DE DECRET.
« Art. 1er. Les artistes, les savants, les gens de lettres, ceux qui auront fait une grande découverte propre à soulager l'humanité, à éclairer les hommes, ou à perfectionner les arts utiles, auront part aux récompenses nationales, d'après les règles générales adoptées par les décrets des 10 et 16 du présent mois, et les règles particulières qui seront énoncées ci-après.
« Art. 2. Celui qui aura sacrifié ou son temps, ou sa fortune, ou sa santé à des voyages longs et périlleux, des recherches utiles à l'économie publique, ou au progrès des sciences et des arts, pourra obtenir une gratification proportionnée â l'importance de ses découvertes et à l'étendue de ses travaux ; et s'il périssait dans le cours de son entreprise, sa femme et ses enfants seront traités de la même manière que la veuve et les enfants des hommes morts au service de l'Etat.
« Art. 3. Les encouragements qui pouvaient être accordés aux personnes qui s'appliquent à des recherches, à des découvertes et à des travaux utiles, ne seront point donnés à raison d'une somme annuelle, mais seulement à raison des progrès effectifs de ces travaux, et la récompense qu'ils pourraient mériter ne leur sera délivrée que lorsque leur travail sera entièrement achevé, ou lorsqu'ils auront atteint un âge qui ne leur permettra plus de les continuer.
« Art. 4. Et il pourra néanmoins être accordé des gratifications annuelles, soit aux jeunes élèves que l'on enverra chez l'étranger pour se perfectionner dans les arts et les sciences, soit à
ceux que l'on ferait voyager pour recueillir des connaissances utiles à l'Etat.
« Art. 5. Les pensions destinées à récompenser les personnes ci-dessus désignées, seront divisées en trois classes :
« La première, celle des pensions dont le maximum sera de 3,000 livres ;
« La deuxième, celle des pensions qui excéderont 3,000 livres et dont le maximum ne pourra s'élever au-dessus de 6,000 livres.
« La troisième classe comprendra les pensions au-dessus de 6,000 livres, jusqu'au maximum de 10,000 livres fixé par les précédents décrets.
« ArL 6. Le genre du travail, les occupations habituelles de celui qui méritera d'être récompensé détermineront la classe où il convient de le placer, et la qualité de ses services fixera le montant de sa pension, de manière néanmoins qu'il ne puisse atteindre le maximun de la classe où il aura été placé que conformément aux règles d'accroissement, par les articles 19 et 20 des décrets du 16 du présent mois. »
Il est très étrange qu'on ait fixé le maximum de la pension d un lieutenant-général à 6,000 livres, tandis qu'un homme qui se sera amusé à voyager en pays étranger, et qui dira «qu'il en a apporté des simples, pourra obtenir 10,000 livres.
Cette observation n'est pas juste. L'on connaît facilement la plus grande étendue des services que l'on peut attendre d'un homme placé dans les emplois militaires, tandis que les services rendus dans ce genre sont incalculables. Les savants n'emploient point leur argent à un pompeux étalage; ils font des expériences utiles: on doit donc leur assurer un traitement digne d'une nation qui a acquis de la réputation dans les arts et les sciences.
Je demande que l'on réduise le maximum des pensions proposées à 6,000 livres, en accordant, toutefois, des indemnités aux savants qui auront fait des expériences utiles.
Je suis loin de penser, comme le préopinant, que les sommes proposées par le comité soient trop fortes, et je suis au contraire persuadé que si l'état des affaires publiques n'était pas aussi déplorable, nous devrions donner à ces sommes une bien plus grande latitude. Sans doute, les savants, ces hommes qui, dans tous les genres, ont reculé les bornes des connaissances humaines, ne travaillent pas dans l'espoir d'un peu d'argent; mais ils ont besoin, comme tous les hommes, d'avoir à la fin de leur carrière une existence aisée et honorable; ils ont besoin de l'espérance de voir leurs enfants vivre commodément. Eh ! comment voulez-vous que, sans cet espoir, uu père consacre l'enfance de ses fils à une étude pénible ? Comment voulez-vous que les hommes y dévoueut toute leur vie, qu'ils s'y livrent sans partage, qu'ils oublient leurs familles, leurs affaires, qu'ils ne vivent enfin que pour l'étude?
On parle du peuple, et qui donc mérite mieux de l'humanité, qui a autant de droits à la reconnaissance publique, que le philosophe qui éclaire le peuple sur ses droits, les princes sur leurs devoirs ? Les artistes qui perfectionnent nos manufactures et enrichissent notre commerce, les savants qui facilitent la navigation, nous lient aux autres nations de la terre, et portent dans toutes
lés branches de la physique et de. l'histoire naturelle les lumières de la raison et de l'expérience; les artistes qui immortalisent les grands hommes en s'immortaiisant eux-mêmes, qui transmettent à la postérité le souvenir des grandes actions ou des grandes vertus, et qui engageht à suivre de grands modèles, par l'espoir d'une grande récompense; les hommes qui perfectionnent l'aft de guérir, qui consacrent leurs veilles au soulage-1 ment de l'humanité souffrante? On veut que de tels nommes présentent aux départements leurs mémoires de dépenses ! La mesquinerie 8ë bette idée vops a .frappés. Peignez-vous, je vbus supplie, l'abbé Mably* l'abbé Raynal, Montesquieu* RoUs-seau, Pingré, Poivre, La Peyrouse, BuffeU* Mor-veauxj Bailly* Lalande* Petit, Louis, Le Brud* Gi-rardon, Pajouxj etc., etc., apportant leur mémoire de dépense. Par malheur, de tels hommes sdnt rares- et cela est une, preuve de plus que la proposition qu'on tous fait est une parcimonie honteuse. Encouragez les lettres et les scieriêes ; elles enrichissent l'Etat relies rendent l'Europe tributaire d'une nation industrieuse et active} elles éclairent le peuple; elles le préservent du-plus grand des dangers, l'ignorance de ses droits, le demande donc que l'on rejette l'amendement de M. Martineauj et qu'on ailleaux voix sur l'article du comité.
On parle d'une nation généreuse, et on oublie combien elle est opérée ; crai-ghez-Vôus de manquer de savants? c'èst des agriculteurs dont vous avez besoin ; réservez pour eux des récompensés.
Ce sërâit fâifê Uflë îfijùrê àfli Mbiën-Cës cjUë d'intëmifë, àUi SâVahts lë arhit d& Jïàr^ vëhir dit Mdxmiiiâ dëd phsibfis, aectéiêe par l' Assemblee nationale.
Il est absolument important d'encourager lés sciences; noué manquons de cbn-nàiéSatities élërflëHtëireé ëh hydràUlifflië, SUHbut dans l'application 0e cette SCiënC'e â lu fëhilisatibii de httë VillëS: Il n'y à pas uii Seul ëtat dû l'bft àit osé sacrifier 200,000 écus pour faire des découvertes de cë genre. Je pense que les aftlrilës pfo-pOèêé par lé comité ddiVënt étrë adoptés sàhk âu-CUn changement.
met suecessivetnëlit aux Vdix les six articles du projet de décret;
Ils sont adoptés sans mbditication;
se présente à la tribune pour proposer quelques articles Btir le traitement du clergé actuel.
L'organisation de l'armée est d'un intérêt trdp instant, pour l'abandonner aussitôt après l'afoir commencé. Je demande donc qu'on passe sur-le1Champ à la discussion sur l'organisation militaire.
Cette motidtt est adoptéé.'
En conséquence, l'Afisëiriblêe ajoUrhe â mardi soir d'autres articles additionnels stir les pensions.
, rappôHcdr du cbrhité des domaines, demandé, àU nom des CbttiliëS réunis des finances, des impositions et dès domaines* à faire un rlàppoH Sur les apanages.
L'Assëifîblëe* pour gagner du temps, ordonné PitnpreSsidn et la distribution aU rapport ët âjourhé là diSCUMbd à vëridf'èdi prochain.' (Fogr. ce rapport annexe à la séance de ce jour)
On passe à la discussion du projet de décret présenté par le comité militaire sur l'organisation de l'armée.
L'Assemblée ne peut porter dë décret, sans qu'anparavant lë ministre ait répondu aux objections qu'on a faites à soh plan.
après avoir donné quelques développements» résume ainsi son opinion Je crois que l'armée active doit être de ,152,000 hommes ; que des proportions entre les différentes armes sent convenables ; qu'il peut être très utile d'avoir des auxiliaires, mais qu'ils doivent être au moins Un mois sous les drapeaux, et désignés pbur certains régiments ; que, sans cela, leur admission est inutile ou dangereuse; que le mode de leur rassemblement doit être réglé avec celui des gardes nationales ; j'ajoute que les circonstances nous obligent d'achever le travail sur l'armée* et que* pour le rendre utile, il faut imprimer sur-le-champ le décret êur TàvàncëÉeçt,. celui .sur la discipline et sûr les ftibuhàux militaires. Jejdëiftànde que l'on décrète lès aëiïx prëmie{rs articles qui sont preséntes à l'Assemblée natidnalé, parce qu'ils n'eritfainënt aucùneSj difficultés, en se réservant de prononcer définitivement sur l'arniée auxiliaire.
, rapporteur. lit une npuvëîïè rédaction d.ës deux premiers articles. Ils sont déerëtés en cës termes :
« Art. 1er. L'armée active, pour l'arniée 1791, sera
cpmbqpéë», en officiers, sous-ofliciers et soldats, de 150 à 154,000 hommes.
* Art. 2. L'armée active sera divisée dans lés différentes armes, en comprenant les officiers et sous-officiers, savoir, pour l'infanterie, de cent dix à cent douze mille hommes ; pour la cavalerie, de trente et un mille4çinqcents hommes ; pour le gé-nieéjt l'artillerie, de dix mille cinq cents hommes.
,rapporteur. Pour ne riçn préjiigejr survies.articles. 3, 4}i 5 et 6 du projet de décret du comité» nous yous proposons ae passer immédiatement ^ l'article 9 et aux dispositions qUi concernent l'infanterie suisse.
(Cet ordre dë discussion est adopté:)
Je proposé dë dire dans l'article 9: : « ;L'infahtprië sui§sé. restant Sur j^même pied, les regimçnl^ 'serçnt de J)73 Jiommeè, formant deux bàtail]£n§j chaque régiment sëra commandé pâr un colonel, uhliedtenant-colbhël, un major. »
Le Corps législatif doit-il se mêler dé là partie purement mécanique de.l'organisation de l armée ? Je ne lç pense pas. PëBdânt Ibhgteinps lé bbmitë ne il boint pensé lUl-niêillë, et. êi j'ai ùdeldue fôft, irè'st 'a clVoir prolongé Upe erreur que j'ai d'abord tlartàgëë àVec lui, et. jë trouve mort .eib(i?ë aàhs léà décrets niêmei de rÂssëiiiBleë. natidjiâlë. Ldrèqu'àU liibis dë féV|iër îdeirhier; elle' a demandé du. roi uh plan d'organisation ..dëJ'artoée,l.})dUr mettre lë Corps législatif eh élat de dèlibêi-er ët de stâttier sur les objëts cfui êiaieht flë sa compétence, ëllë reconnaissait donc qde tous les pointé de Cette organisation fl etàlënt pas dë fea Compétence. Dans F'hypbthèse cdhtraire; il faudrait Sppposër mie l'Assëniblëè nationale a rehdu Un tleeret cOUsii-tutidhriël ëH deS térmëè loûbliës; éqUivdquëâ et susceptibles d'une interprétation arbitraire. Mais
comment admettre que l'Assemblée ait voulu se réserver toutes les parties de l'organisation de l'armée, lorsque, délibérant derniérementsur cette question, et voulant éclaircir ce que quelques membres trouvaient susceptible d'une plus ample explication dans son décret du mois de février, elle a déclaré qu'au Corps législatif appartient le droit de délibérer sur le nombre des individus de tous grades, qui doivent composer l'armée ? et puisque» dans aucun de ses décrets, elle n'a annoncé que son intention fût de s'attribuer des détails de l'agrégation matérielle, de la formation mécanique de l'armée; puisque, d'ailleurs* elle a annoncé que quelques points de l'organisation militaire n'étaient pas de son ressort, puisqu'elle a désigné nominativement ceux qu'elle regardait comme devant lui appartenir, est-il possible de ne pas conclure que ceux sur lesquels elle s'est tue, sent ceux qu'elle a considérés comme ne devant pas,être de sa compétence ? Peut-on sup-posér qu'elle a voulu réduire le pouvoir exécutif à la passive faculté de transcrire des tableaux, et l'obliger à diriger la force publique à répondre de l'action et des effets de cette terrible machine, sans lui laisser au moins le droit d'en disposer les rouages dë la manière la plus favorable aux résultats qu'elle doit produire ?
Le nombre précis des hommes qui doivent former une compagnie a'infanterje pèut.ne point paraître indifférent â cëlui ,qui, chargé de faire mouvoir cette compagnie, désire d'en qrganiser les éléments dans le sens qu'il, croit le plus avantageux aux mouvements auxquels elle doit être soumise : mais que le Gorps législatif veuille s'embarrasser de ces détails ; qu'il puisse attacher quelque importance à cette attribution; que» pour une vaine prérogative, il s'expose à violer les formes monarchiques» à confondre les fonctions des divers pouvoirs ; que» sans nécessité» sans utilité, et, je ne crains pas de le dire» avec une irréflexion impolitique, il se charge gratuitement des hasards et du blâme d'une disposition qui peut être censurée et qui ne le regarde point; qu'il dispense volontairement les agents du pouvoir exécutif d'une portion de la responsabilité à laquelle ils ne doivent jamais cesser, d'être soumis: certainement, cette démarche n'est ni sage, ni prudente, ni conforme aux principes de la Constitution. Quoi, le roi est le chef suprême de l'armée ; c'est lui qui doit veiller à l'emploi de la force publique pour la sûreté de l'Etat, et l'on ne laissera pas à 1 ouvripr la faculté d'approprier à sa main l'instrument qùil est exclusivement chargé de manier! C'est le.roi qui doit donner des ordres à l'armée; c'est lui qui doit y maintenir l'instructiori èt la discipline, et il ne pourra pas régler que, lorsqu'une compagnie d'infanterie sera formée sur trois hommes de hauteur, chaque rang sera de 16 hommes, plutôt que de 15 ou de 17! Telle, est cependant la conséquence nécessaire du décret qu'on vous propose,. Le roi» chef suprême de l'armée, va se trouver absolu-ment étranger à la formation de l'armée, si» après avoir fixé le.nombre des individus de tous grades don» elle doit être composée» .vous prétendez encore détenpiner le nombre et la force des corps
earticuiiers. dans lesquels elle sera subdivisée, n seul motif pourrait justifier la forme du décret qui vous est soumis, et Je motif sera l'intérêt du peuple qui ne, veut pas que l'armée, confiée au gouvernement, pour être entre ses mains le moyen de la sûreté publique, puisse y devenir l'instrument du despotisme et de l'oppression; mais ces inconvénients sont prévus par les àttri-
butions que leGorps législatif s'est réservées dans la formation de l'àrrfléë.
Elle he sera pas trop fàiblë pour là protéctiod de l'Etat, ni trop considérable pour sa tranquillité» puisque vous-mêmes en déterminerez là force* Elle rië Sérâ pas trop ohéreUse ah Trêsof public» puisque vous-mémës VOUS fixerez les fonds affectés à son ëntrëtien. Lës individus qui la composeront ne seront pâs dans Unë dépendance du ministre qui puisse vous causer d'ombrage, puisqUe c'est vous-mêmes qui dëVëz fêgler les lois de leUr admission, dë leur âvahcecûent, de leur solde, aë iëur discipline, et mêfflë leur nombre respectif. Que voUs rèste-t-il donc à craindre? Que l'armée ne soit mal organisée, militairement parlant? Mais qui mieUx qUë le ministre doit connaître les nomihes capables de donner deS instructions lumiheUseSSUrCet Objet? Et s'il est vrai que jamais il hé puisse avoir Un intérêt à ce que l'armée soit maUvâisë, et qu'au contraire, dans tous les cas il en àit Uh très grand à ce quelle soit excellente, quël inconvénient troUverez-voUS à lui abandonner des dispositions qui ne doivent pas plus péricliter ëtttre SeS mains qu'entre celles de la législature, et qui d'ailleUrs sont Un véritàble mode d'exécution, une attribution nécessaire de ce sëcond pouvoir politique dont la destination ést de mettre en œUVrë les matériaux que le Corps législatif à préparés? Enfin, si, dans unequëstioh constitutionnelle, on pouvait mêler quelques considérations dë circonstances,,je Vous demanderais si c'est dans l'instant où tous les rëssorts dë l'organisation sociale Sont od détendus ou brisés, qUe l'on peut ëSpë-rer de raffermir l'agrégation des diVërses pàrtiës du faisceau^ en affaiblissant le lien qui les huit ; si c'est dans le moment où l'anarchiq, qui infecte toutës les branches du corps politique, parait s'être attachée plus particulièrement à dévorer là force militaire, si lorsque les inquiétudes (Jui naissent du dehors viennent àggravër leS Sollicitudes qu'entretiennent les orages de l'iUtériëui*, si lorsque ie sentiment des malfleUrs que UOUs éprouvons et de ceux que noUs avons à redouter, commande le plus prompt rétablissement de l'ordre et de la discipline dans l'armée; si, dis-jë, c'est dans cë moment qu'il ést prudent, utile ët convenable d'atténuer fa .considération ët l'influence nécessaire du cnef suprême de l'arniëe, chargé de guérir des, maux si, grands, si invétérés, et d'en prévenir ie retour? Je me résUme» et je dis .que j'ai prouvé que, dans 1 organisation de l'armée» il se trouvait des objets qui dëvaiëht, par la nature des choses et par les décrets de l'Assemblée, appartenir exclusivement au pOU-voir exécutif; que ces objets étaient ceux qui sont relatifs à l'organisation matériëllë de l'ar-méejet, c'est, en conséquence» que je vous propose de modifier ainsi le projet de décret du comité : « L'Assemblée nationale décrète quë l'armée ac7 tiye, pour l'année 1791, sera composée aëv., et quant à l'agrégation de ces individus, ët leUr fof-mation en corps militaire, elle renvoie ces objets au pouvoir exécutif. »
Je he croyais pas qu'après ,1e décret du 22, le preopinant pût trouver occasion de donner lecture de son opinion ; il avait alors soutenu ies mêpiesi principes j il avait dit qu'au roi appartenait l'organisation de l'armée.; qu'il était impossible que l'Assëmbléë décrétât le nombre des individus de chaque gradé sans, avoir, une influença majeure.sur cette organisation. D'après le décret rendu, le préopihaUt
ne peut plus soutenir la même opinion; il est clair qu'il faut faire la supputation du nombre des régiments, pour pouvoir dire : il y aura tant de colonels; c'est donc une dispute de mots; car lorsque je dis qu'il y aura 80 capitaines, il est bien évident qu'il faut 80 compagnies. Je demande donc qu'on aille aux voix sur le décret. M. de Puzy a fait les mêmes observations au comité militaire, et il était seul de son avis.
Le décret proposé pour les Suisses ne peut rien préjuger pour les troupes françaises, puisque, l'organisation des troupes suisses au service de la France est fondée sur des capitulations expresses.
(La discussion est fermée.)
On demande que tous les articles qui concernent l'infanterie suisse soient décrétés en même temps.
M. Alexandre de Lameth en fait lecture.
Ils sont adoptés en ces termes :
Art 9. « Les régiments suisses seront de 973 hommes, formant deux bataillons. Chaque régiment sera commandé par uncolonel, un lieutenant-colonel, un major.
Art. 10. « Les deux bataillons seront chacun de 9 compagnies; une de grenadiers, huit de fusiliers, chaque compagnie de grenadiers sera de quarante grenadiers, quatre appointés, un tambour, quatre caporaux, deux sergents, un fourrier; en total, 52 hommes, commandés par un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant. Chaque compagnie de fusiliers, six appoiulés, un tambour, six caporaux,trois sergents, un fourrier; au total, 55 hommes commandés par un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant.
Art. 11. « Le nombre des officiers et soldats sera ainsi, pour onze régiments suisses : onze colonels, onze lieutenants-colonels, onze majors, vingt-deux aides-majors, vingt-deux sous-aides-majors, quarante-quatre porte-drapeaux, onze quartiers-maîtres, cent quatre-vingt-dix-huit capitaines, cent quatre-vingt-dix-huit lieutenants, cent quatre-vingt-dix-huit sous-lieutenants, onze tamhours-majors, quarante-quatre prévôts, cent quatre-vingi-dix-huitfourriers,cinq cent soixante-douze sergents, mille cent quarante-quatre caporaux, mille cent quarante-quatre appointés, six mille deux cent seize grenadiers ou fusiliers, trois cent soixante-quatorze tambours.
Art. 12. « Le colonel aura 12,000 livres d'appointements par année, le lieutenant-colonel 3,000 livres, le major 6,600 livres, les aides-majors 1,800 livres, les sous-aides-majors 1,200 livres, les porte-drapeaux 600 livres, les quartiers-maîtres 1,200 livres; les capitaines de grenadiers auront 6,802 livres, les capitaines de fusiliers de la première classe 8,400 livres, ceux de la deuxième classe 7,80)1 livres, les lieutenants de grenadiers auront 1,560 livres, les lieutenants de fusiliers, 1,440 livres, les sous-lieutenants de grenadiers Î,2u0 livres, les sous-lieutenants de fusiliers 1,440livres, les sous-lieutenants de grenadiers 1, 00 livres, les sous-lieutenants de fusiliers, 1,152 livres.
« Les tambours-majors auront 655 livres, les prévôts 775 livres, lés fourriers, sergents, caporaux, appointés, tambours et grenadiers auront 307 livres, les fourriers, sergents, caporaux, appointés, tambours et fusiliers, auront 295 livres.
Art. 13. « En conséquence, la dépense d'un régiment d'infanterie suisse sera, toute masse comprise, de 515,799 livres, et pour les onze régiments suisses, de 5,673,789 livres, et en comprenant 20,000 livres, accordées en supplément
aux régiments d'Ernest et Steiner, la dépense sera, en total, de 5,699,789 livres. »
, rapporteur. Je vous propose maintenant de mettre à la discussion l'article 7 du projet de décret concernantes appointements de l'infanterie française.
Je demande que le traitement des lieutenants-colonels ne soit fixé que lorsqu'on aura statué sur le doublement des régiments.
Il faut ajourner aussi ce qui concerne les adjudants-majors dont la création n'est pas décrétée.
Il faut augmenter de 15 livres le traitement des sergents-majors de grenadiers. Les grenadiers sont les plus exposés de toute l'armée et ont, en même temp^, une plus grande représentation.
Divers membres proposent d'autres amendements qui sont rejetés.
L'article est en partie décrété, paragraphe par paragraphe ainsi qu'il suit :
Art. 7. « Le colonel aura 6,000 livres d'appointements par année, les deux premiers lieutenants-colonels auront 4,200 livres, ies deux seconds lieutenants-colonels 3,6001ivres, les quartiers-maîtres 1,400 livres, les adjudants-majors 1,200 livres, les capitaines de la première classe 2,700 livres, ceux de la seconde 2,400 livres, ceux de la troisième 2,200 livres, ceux delà quatrième 1,700 livres, et ceux de la cinquième 1,500 livres; les lieutenants 1,000 livres, les sous-lieutenants 800 livres, les adjudants 668 livres, les tambours-majors 443 livres, les caporaux-tambours 337 livres, les musiciens 353 livres, les sergents-majors des grenadiers 480 livres. »
(La suite de la discussion de l'article est renvoyée à demain.)
invite l'Assemblée à se retirer dans ses bureaux pour l'élection d'un président et de trois secrétaires.
(La séance est levée à trois heures.)
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
l'aîné, secrétaire
, lit le procès-verbal de la séance du 30 juillet. Il est adopté.
, secrétaire, lit une adresse de la ville de Riez, département des Basses-Alpes, qui se
plaint qu'après avoir perdu son évêché, son chapitre, ses maisons religieuses, son séminaire,
elle ait été oubliée dans la distribution des nouveaux établissements, parce qu'elle n'a
aucun représentant à l'Assemblée nationale ; elle demande un tribunal de justice pour la
dédom-
Je demande que cette adresse soit renvoyée au comité de Constitution.
Ce renvoi est ordonné.
fait lecture d'une adresse de M. Armand du Couëdic, ancien membre du parlement de Bretagne, datée de Londres, du 9 juillet courant, qui demande, en attendant son retour en France, qu'il lui soit permis d'offrir son serment civique et de réclamer le titre de citoyen, comme le seul qui convienne à la noblesse de l'homme. Il ajoute : « Je viens contracter l'enga-« gement libre de participer aux devoirs publics, « et j'offre ma vie et mes services, comme l'u-« nique contribution dont je puisse disposer.
« Je viens jurer, sur la Constitution formée par « vos décrets, de défendre la souveraineté du « peuple français, de ses lois et de son roi. »
II est si rare de voir un noble de Bretagne adhérer à vos travaux et offrir son serment pour leur maintien, que je demande qu'il en soit fait mention honorable dans le procès-verbal.
(Cette motion est adoptée.)
Une dèputation de la municipalité et de la garde nationale de Montpellier est admise à la barre.
L'orateur de la dèputation s'exprime en ces termes :
« Messieurs, la municipalité et la garde nationale de Montpellier, placées à une des extrémités du royaume, n'ont pu jusqu'ici s'unir à vous, que d'esprit et de sentiment; elles saisissent avec empressement la première occasion qui se présente, de vous renouveler ensemble,et de vive-voix,leur entière adhésion aux principes que vous avez contractés pour le honneur et la gloire de tous.
« Quel hommage plus digne de vous, quel témoignage plus certain pourrions nous vous offrir de cette adhésion, que de vous rappeler, Messieurs, que les citoyens de Montpellier se sont armés, dès le. mois d'avril 1789, pour assurer la liberté; qu'ils ont constamment défendu les propriétés et les personnes ; qu'ils ont protégé avec succès la perception des impôts ; que leur contribution patriotique, outre les dons volontaires qui vous ont été envoyés, s'élève à environ 1,200,000 livres; qu'ils ont multiplié les sacrifices, pour ouvrirdes greniers d'abondance, des ateliers de travail et de secours, et établir une caisse patriotique, qui facilite aux habitants des campagnes l'échange des assignats.
« C'est par ces moyens, Messieurs, que nous sommes parvenus à nous préserver des fausses insinuations que les ennemis de l'État ont tenté de répandre parmi nous; que nous avons maintenu la paix dans nos murs, et que nous avons contribué à la ramener dans les cités voisines, qui s'étaient laissées égarer par les malveillants.
«, La ville de Gignac était divisée, nous nous y sommes rendus en force, sur la réquisition de sa municipalité, et le calme y a été rétabli.
« Les patriotes de la ville de Nîmes étaient opprimés, notre garde nationale a volé à leur secours, nombre de victimes ont été sauvées par ses soins ; nous venons déposer dans vos archives le procès-verbal de la conduite que nous avons tenue dans cette malheureuse circonstance : nous
osons espérer qu'elle méritera votre approbation.
« Notre municipalité vous présente aussi, Messieurs, une preuve particulière de son patriotisme et de son zèle pour la tranquillité publique.
« Vous avez eu connaissance de la dénonciation faite à la municipalité de Cette, par le colonel de la garde nationale, d'un prétendu projet de contre-révolution.
« Dès que cette dénonciation a été communiquée à la municipalité de Montpellier, elle a mis tous ses soins à s'assurer de la vérité des faits; nous vous remettons le procès-Verbal qu'elle a tenu à cet effet ; vous y verrez, Messieurs, que les alarmes, qui s'étaient répandues, étaient peu fondées; nous nous estimons heureux d'être des premiers à dissiper vos inquiétudes.
« En vain les ennemis de la Révolution se réuniront pour détruire un édifice que l'intérêt public a consolidé ; il n'est point de Français qui puisse en être intimidé; la nation a pu ce qu'elle a voulu; elle pourra ce qu'elle voudra.
« Pour nous, Messieurs, si jamais les ennemis du dehors venaient sur nos frontières, notre pre mier soin, comme notre premier devoir, serait de leur présenter le livre immortel que vous avez écrit; nous leur offririons le tableau de notre liberté, et peut-être parviendrions-nous à faire de nos rivaux d'armes, les rivaux de notre bonheur; peut-être contribuerions-nous à réaliser le projet que vous avez conçu, de faire un peuple de frères de tous les peuples du monde.
« Mais si nos ennemis s'obstinaient à vouloir nous attaquer, n'eu doutez pas, Messieurs, nous leur apprendrions à redouter la force d'un peuple qui combat pour sa liberté ; rien ne nous coûterait pour la défendre. Heureux de transmettre à nos neveux, par le sacrifice même de nos vies, un exemple mémorable de l'amour qu'ils devront aux principes que vous avez fait renaître. »
répond : « La municipalité et la garde nationale de Montpellier ont donné des preuves non équivoques de leur patriotisme : favoriser la perception de l'impôt, secourir son frère indigent, acquitter généreusement sa contribution, voilà des traits qui caractérisent de vrais citoyens, de bons Français : votre zèle ne s'est pas renfermé dans vos murs, et vous avez porté chez vos voisins, avec l'esprit qui vous anime, la paix et la tranquillité. Que pourrait craindre des nations étrangères celle qui trouve chez elle tant d'amis de l'ordre et de la liberté?
« L'Assemblée nationale vous permet d'assister à sa séance. »
Une dèputation de la municipalité et de la garde nationale de la ville d'Agde est admise à la barre.
L'orateur de la dèputation dit :
« Messieurs, c'est au nom de la municipalité et des gardes nationales de la ville d'Agde, que nous vous présentons l'hommage le plus respectueux et l'adhésion la plus entière à tous les décrets émanés de votre sagesse ; cette ville a le malheur d'être calomniée : il existe à votre comité des Recherches une dénonciation faite par le commandant général de la garde nationale de Celle, qui porte que les révolutionnaires se flattent d'avoir pour eux la ville d'Agde. Nous démentons cette inculpation aussi fausse qu'injurieuse; et, dans ces circonstances, il est heureux pour tous les habitants d'une ville, qui n'a cessé
de donner des preuves de son patriotisme* de vous assurer, par notre organe, qu'ils sont prêts à verser jusqu'à, la dernière goutte de leur sang pour le maintien de la Constitution, l'exécution de vos décrets et la défense de la patrie.
« Nous osons vous supplier, Messieurs,. d'pr« donner que le procès-verbal de cette séance fesse mention de notre justification. ^
répond :
« L'Assemblée nationale entend, avec une véritable satisfaction, les assurances de votre pa-triotisme, et le désaveu de sentiments que vous supposaient des ennemis de votre gloire. Sa justice ne lui permettra jamais d'adopter des inculpations sans preuve. Elle est persuadée que la muuicipalité et la garde nationale d'Agde se montreront toujours fidèles à la Constitution qu'ils ont juré de maintenir. Elle vous permet d'assister à sa séance. »
La municipalité dè Saint-Pierre de la Martinique, admise à [la barre, dénonce une assemblée illégale tenue dans cette ville. Les paroisses patriotes de oette colonie se plaignent du despotisme qui les accable et qUi leur ôte le fruit qu'elles attendaient d'une régénération à laquelle l'Assemblée nationale devait les faire participer-
répond :
« L'Assemblée nationale prêtera toujours une oreille atteptive aux pétitions des différentes municipalités dé l'Empire. Elle ne cesse de 3'oc-cuper au bonheur de tous les Français dans quelque partie du globe qu'ils résident; et elle entend, avec une satisfaction particulière, les protestations de dévouement et les adhésions à ses décrets que lui présentent les habitants de nos colonies.
« L'Assemblée nationale fera examiner vos demandes par MM. de ses comités. Elle vous permet d'assister à sa séance. »
(On se dispose à passer à l'ordre du jour,)
Beaucoup d'entre nous demandent la parole pour M. Malouet.
C'est une dénonciation importante que j'ai à faire.
Plusieurs membres de la partie gauche de la salle : Portez-la à la police.
C'est à la police de l'Assemblée qu'elle doit être portée.
(On demande l'ordre du jour.)
Il n'est pas d'ordre du jour plus pressant que de Mre connaître des projets atroces, et d'assurer le châtiment de leurs auteurs ; vous frémiriez, si l'on vous disait qu'il existe un complot formé pour arrêter le roi, emprisonner la reine, la famille royale, les principaux magistrats, et faire égorger cinq à six cents personnes. Eh bien, c'est sous vos yeux, c'est à votre porte, que des scélérals projettent et publient toutes ces atrocités; qu'ils excitent le peuple à la fureur, à l'effusion du sang; qu'ils dépravent ses mœurs et attaquent, dans ses fondements, la Constitution et la liberté. Les représentants ae la nation seraient-ils indifférents, seraient-ils étrangers à ces horreurs? Je vous dénonce le sieur Marat et j
, le sieur Camille Desmoulins. (Il fèlève beaucoup : de murmures dans la partie gauche de la salle.) Je n'ose croire que ce soit du sein de l'Assemblée nationale que s'échappent ces éclats de rire, lorsque je dénonce un crime public.....Quand j'aurais rendu une plainte contre Camille Desmou-î lins, ce n'est point une injure particulière que j'ai voulu venger. Après un an de silence et de ! mépris, j'ai dû me rendre vengeur d'un crime public. Lisez le dernier n° des Révolutions de France et du Brabant. En quoi pourrions-nous * nous y méprendre? Est-il de plus cruels ennemis de la Constitution que ceux qui veulent faire du roi et de la royauté un objet de mépris et de scandale, qui saisissent l'occasion de oette fête mémorable, où le roi a reçu de toutes les parties de l'Empire des témoignages d'amour et de fidélité/pour nous parler de l'insolence du trône, du fauteuil du pouvoir exécutif t ! $ Camille Desmoulins appelle le triomphe de ; PauUEmile une fête nationale, où un roi, les /mains liées derrière le dos, suivit dans l'humi-| liation le char du triomphateur) il fait de ce trait historique une allusion criminelle à la fête fédérale..,.. Avant de vous dénoncer ces attentats, j'ai essayé de provoquer la surveillance du ministère public; l'embarras du magistrat, qui m'annonçait presque l'impuissance des loi», a redoublé mon effroi. Quoi donc, ai-ie dit, si les lois sont impuissantes, qui nous en avertira, si cé ne sont les tribunaux? c'est à eux à annoncer à la nation le danger qui la menace; sinon, qu'ils étendent un crêpe funèbre sur le sanctuaire de la justice; qu'ils nous disent que les lois sont sans force, qu'ils nous le prouvent en périssant avec elles; car ils doivent s'offrir les premiers aux poignards de la tyrannie. Vous dénoncer le péril de la liberté, de la chose publique, c'est y remédier, c'est assurer le ohâtiment des crimes qui compromettent l'une et l'autre : ne souffrez pas que l'Europe nous fasse cet outrage, de croire que nos principes et nos mœurs sont ceux de Marat et de Camille Desmoulins; ce sont là les véritables ennemis de la chose publique, et non ceux qui souffrent de vos réformes. L'homme passionné de la liberté s'indigne d'une licence effrénée, à laquelle il préférerait les horreurs du despotisme; je demande que le procureur du roi au Cbâtelet soit mandé, séance tenante, pour recevoir l'ordre de poursuivre, comme criminels de lèse-nation, les écrivains qui provoquent le peuple à l'effusion du sang et à la désobéissance aux lois. (Il sxélève dans une partie de l'Assemblée des murmures, dans Vautre des applaudissements.)
fait lecture de quelques fragments d'une feuille de VAmi du peuple, intitulés : C'en est fait de nous.
Voici Pun des paragraphes de cet imprimé :
« Citoyens de. tout âge et de tout rang, les mesures prises par l'Assemblée ne sauraient vous empêcher de périr : c'en est fait de vous pour toujours, si vous ne courez aux armes, si vous ne retrouvez cette valeur héroïque qui, le 14 juillet et le 5 octobre, sauva deux fois la France. Volez à Saint-Cloud, s'il en est temps encore, ramenez le roi et le dauphin dans vos murs, tenea-les sous bonne garde, et qu'ils vous répondent des événements ; renfermez l'Autrichienne et son beau-frère, qu'ils ne puissent plus oonspirer; saisissez-vous de tous les ministres et de leurs commis; mettez-les aux fers; assurez-vous du chef de la municipalité et des
lieutenants de maire: gardez à vue le général ; arrêtez l'état-major ; enlevez le poste d'artillerie de la rue Verte; emparez-vous de tous les magasins et moulins à poudre; que les canons soient répartis entre tous les districts et que tous les districts se rétablissent et restent à jamais permanents, qu'ils fasseut révoquer ces funestes décrets. Courez, courez, s'il en est encore temps, ou bientôt de nombreuses légions ennemies fondront sur vous, bientôt vous verrez les ordres privilégiés se relever; le despotisme, l'affreux despotisme paraîtra plus formidable que jamais. Cinq à. six cents têtes abattues vous auraient assuré repos, liberté et bonheur; une fausse humanité a retenu vos bras et suspendu vos coups: elle va coûter la vie à des millions dè vos frères; que vos ennemis triomphent un instant, et le sang coulera à grands flots; ils vous égorgeront sans pitié; ils éventreront vos femmes, et pour éteindre à jamais parmi vous l'amour de la liberté, leurs mains sanguinaires chercheront le cœur dans les entrailles de vos enfants. »
Mon âme n'est pas moins oppressée que celle de M. Malouet des horreurs que nous venons d'entendre. Je demande qu'on joigne les Actes des apôtres et la Gazette de Paris aux auteurs qui viennent de vous être dénoncés. (On applaudit.)
Je joins ma voix à celle du préopinant, pour demander que l'auteur de V-Adresse à la véritable armée française, y soit aussi compris. (On entend ces mots du côté droit j tous, tous!). Je demande le renvoi de ces dénonciations au comité des Recherches. (Les membres de la droite disent : au Châtelet, au Châtelet!) Je demande, pour le salut de la patrie, qu'il soit nommé un tribunal particulier, où seront poursuivis ies auteurs et fauteurs des mouvements populaires, et tous ceux qui, par leurs écrits, excitent le peuple contre les citoyens ou contre les lois.
J'ai partagé, avec tous les membres de l'Assemblée, l'indignation qu'excitent les déclamations sanglantes de M. Marat; sans dpute, l'Assemblée doit chercher à réprimer un tel excès ; mais prenons garde, dans un moment d'enthousiasme, de détruire le palladium de la liberté, la liberté de la presse. (Il s'élève à droite h&QuGowp de murmures). Je suis de l'avis ;de M- Malouet et j'adopte son opinion, en la restreignant expressément aux auteurs qu'il a dénoncés; mais les Actes des apôtres, mais les autres pam* phlets de cette nature, ils ne méritent que le mépris de ceux qu'ils injurient. Je demande donc qu'il soit seulement ordonné au procureur du roi du Châtelet de poursuivre les auteurs des deux imprimés qui vous ont été dénoncés par M. Malouet.
fait lecture d'un projet de déeret, qui est adopté en ces termes (1) :
« L'Assemblée nationale, sur la dénonciation qui lui a été faite, par un de ses membres,
d'une feuille intitulée : C'en est fait de nous, et du dernier numéro des Révolutions de
France et de Brabant, a décrété que, séance tenante, le procureur du
M. de La Luzerne vient de me faire passer une adresse du club de J)undée en ÊcQsse. Un de MM- les secrétaires va vous en don nef lecture,
« Monsieur, nous, membres du Ciub-Whig du bourg royal de Dundee, dans le Nord de la Grande-Bretagne, vous priops instamment de vouloir bien présenter à l'Assemblée nationale cette humble adresse, unanimement arrêtée dans notre assemblée.
« Le triomphe de la liberté et de la raison sur le despotisme, l'ignorance et (a superstition, est un événement intéressant pour les spectateurs ies plus éloignés ; mais la régénération de votre royaume tê devient doublement pour la Grande-Bretagne. En effet, l'exemple des abus que renfermait votre ancienne forme de. gouvernement a, dans I§ dernier siècle, extrêmement nui â la nôtre. Il excita Chez nos princes et chez leurs ministres un désir de puissance qui leur fut souvent nuisible^ quelquefois fatal, et qui blessa toujours les intérêts de l'Etat.
« Acceptez, Monsieur, nos sincères félicitations sur le rétablissement de votre ancienne et libre Constitution, et nos ardents désirs pour que la liberté s étabfisse en France d'une manière inj-muahle» Wous remarquons pour l'honneur du siècle et celui de votre nation, que votre Révolution s'est faite sans guerres civiles, et que ni les domaines inutiles du prince, ni ies biens du clergé, n'ont été distribués à des mains avides ; mais qu'ils ont été employés pour l'utilité de l'État, dont ils sont la propriété. Quelques troubles, même quelques actes de violence ont pu accompagner cetté grande Révolution; mais, loin d'y rien voir de surprenant, il n'est pas de politique qui ne s'étonôe de ce qu'ils n'ont pas été plus nombreux-Nous prévoyons avec joie que votre exemple sera universellement suivi, et que la flamme que vous avez allumée consumera dans toute l'Europe les restes du despotisme et de la superstition.
« Non seulement nous espérons, mais nous croyons fermement que l'Assemblée nationale de France et.lë parlement de la Grande-Bretagne s'uniront à l'avenir d'une manière indissoluble, pour assurer la paix et la prospérité des deux Empires, et répandre ces bienfaits sur la surface entière du globe.
« Nous vous félicitons d'avoir une armée de citoyens, et un monarque sage qui, en se prêtant, avec tant dé bonté, aux vues de son peuple, donne un nouveau lustre à la maison de Bourbon, et assure la couronne de France sur la tête de $§s descendants.
« Daignez, Monsieur, faire agréer cette adresse de la part des membres obscurs d'un Club institué à dessein de célébrer le rétablissement de notre liberté, de garantir et de perfectionner notre cgnt-titution politique. Nous habitons une contrée que la nature n'a rien moins que favorisée; notre climat est froid, notri^pays montagneux; et cependant, depuis que la Révolution nous a rendu la liberté, nosjilles deviennent, de jour en jour, plus peuplées ; nos habitants plus industrieux ; nos montagnes moins stériles; notre pays enfin plus riche et plus heureux ; et nous n'ayons aucune raison I de croire que l'amour de la vertu et du bon ordre
ait dégénéré parmi nous. Notre souverain, le père de son peuple, est presque l'objet de notre adoration; notre noblesse et notre clergé sont des membres utiles et illustres d'un Etat où tout est soumis à la loi.
« Nous voulions être plus courts; mais nous n'avons pu retenir l'expression des sentiments de joie et d'admiration que nous inspire un événement aussi agréable que le rétablissement de la liberté en France.
« Nous finissons en adressant nos prières l'arbitre souverain des empires, afin qu'il dirige les efforts de votre patriotisme et le garantisse de la corruption.
« Nous avon3 l'honneur d'être, avec le plus profond respect, Monsieur, vos très humbles et très obéissants serviteurs,
« Les membres du Club-Whig de Dundée, signé:
Georges de Dempttor de Duunichen, président ;
William Stirling, Esquir of Pittendrich ;
Patrick Stirling, Esq. —
John Gutbric, Esq. Gaigie;
Alexander Thoms, Esq. Rumgalley;
Thomas Wemyss, Esq. of Lauriestonn ;
Patrick Scrymgeour, Esq. Tealine;
John Jobson, Esq. Rosemount;
Patrick Whitson, Esq. Balbrogie;
John Pilcairn, Esq. Merchunt;
James Robertson, Esq. Denork;
George Blair, Esq. Âdamston ;
The Revd. James Blinshall, û. D. Dundee;
The Revd. Robert Small, D. D. F. K. S. Edin. Dundee ;
The Revd. David Davidson, Dundee ;
The Revd. William Read, —
The Revd. James Thomson, —
The Revd. John Buick; Tannadiee;
The Revd. John Gellately, Tealine ;
The Revd. James Playfair, D. D. Histor- to the prince of Wales;
The Revd. Samuel Martin, Monymcal;
The Revd. Alexander Meldrum, Kincaple;
Robert Doig, Preacher Dundee;
John Willisson, M. D. —
James Stewart, Surgeon, —
James Johnston, — —
John Rolle, — —
The Revd. John Gilsen, Mains, James Deck, Merchant Dundee ;
James Syme, — —
John Jobson, — —
Charles Jobson, — —
William Allisson, —- —
Michael Leinke, — —
James Whright, —> —
Thomas Grichton, —
Andrew Jobson, — —
William Bissel, — —
Oliver Fairweather, —
David Wise, — —
James Fairweather, — —
David Low, —
James Ballingall, — —
George Gray, — —
George Barry, — —
Peter Kiel, — —
William Websler, — —
Archibald Neilson, — —
Gershom Gourlay, — —
William Keith, — —
James Keith, — —
James Duncan, — —
William Anderson, — —
Patrick Smith, Merchant Dundee;
Ehenser Anderson, — —
Alexander Pilcatwis, — —
James Dick, — —
David Jobson, — —
James Whright, Junior, — —
David Blair, —
Patrick Maxwell, — —
Francis Suowright, Teacher of English ;
John Walson, Rector of the Gramar Schoel ;
Robert Douglass, Mathematician, —
James Sôory, Watchmaker, —
Samuel Bell, architect, —
James Sanders, Writerto the signet, Edinbourg;
John Craign, Baker, Dundee;
David Smart, — -—
Kimiaird Brown,— —
Robert Nicoll, Slahoner, —
Alexander Walt, Dyer, —
David Syme, Glover, —
Andrew Crichton Writer, —
John Johnston ? of Manchester ;
Alexander Thomson, Writer Edinbourg;
John Me Ritchie, — —
John Kirkaleie, Shipmenter ;
Bobert Mawer, —
Thomas Brown, —
An aulhentic list, attested by George Dempster of Dunnechen Prœfes.
Dundee, june 10 1790.
L'Assemblée charge son président de répondre à cette adresse qui sera insérée au procès-verbal.
, au nom ^e plusieurs comités réunis, commence la lecture d'une instruction pour les corps administratifs. (Cette instruction avec les changements qu'elle a subis, se trouvera à la date du 12 août 1790).
interrompt cette lecture pour demander si l'Assemblée veut admettre à la barre le procureur du roi au Châtelet.
L'admission est prononcée et le procureur du roi est introduit.
lui fait lecture du décret. Le procureur du roi donne l'assurance de son empressement à obéir aux ordres de l'Assemblée.
annonce le résultat du scrutin pour l'élection du président et des secrétaires : M. d'André a réuni 318 voix ; M. Camus 140 ; M. de Cazalès 66. — M. d'André réunit la majorité absolue, et est élu président.
Les nouveaux secrétaires sont MM. de Kys-poter, Gernon (Pinteville de) et Alquier, en remplacement de MM. Dupont (de Nemours), Garat l'aîné et Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), secrétaires sortants.
(La séance est levée à 10 heures et demie du soir.)
Adresse aux représentants de la nation sur l'exis-tenced'un corps d1 état-major permanent et sur les dangers de la réunion de l'artillerie avec le génie, par M. Richard, major au corps royal du génie et suppléant à VAssemblée nationale.
De tous les corps militaires établis en France, le corps royal du génie est l'un de ceux dans lesquels l'admission dépend de la preuve non équivoque de connaissances acquises : il estincon-testablement celui que l'on a imposé à ia plus grande masse de connaissances exigées.
Que n'avait-on pas droit d'attendre d'une réunion d'individus exercés pendant leur jeunesse à l'étude des sciences abstraites et habitués, dès lors, à une application sérieuse? Aussi ce corps a-t-il acquis une réputation de supériorité dans toute l'Europe, quoiqu'il semble que l'on se soit particulièrement attaché à y enfouir les talents.
Les généraux instruits se sont servis, dans l'occasion, des officiers du génie; ils ont su tirer parti de leurs connaissances ; mais momentanément, individuellement, toutes les fois que le corps a voulu faire quelques efforts pour étendre ses fonctions ; sa sphère d'utilité, d'activité à leur juste mesure, la cabale des gens à prétentions, fondées ou non, a constamment étouffé la voix delà raison ; mais hélas I que pouvait lui opposer ci-devant une quantité plus ou moins considérable d'êtres dispersés, pauvres ou peu fortunés, modestes et dépourvus d'intrigues, parce qu'ils sont instruits et laborieux; d'êtres enfin, qui, suivant l'ancien style, n étaient pas particulièrement destinés à parvenir aux grades supérieurs réservés aux gens de la cour.
Dans le fait, les officiers du génie sont ceux de l'armée qui, avant leur admission à des fonctions utiles, ont prouvé le plus d'acquis et de dispositions : leur instruction préliminaire est même beaucoup plus étendue que celle que l'on exige des élèves de l'artillerie. Tous ceux qui connaissent le service de l'état-major des armées des géographes, conviendront que les études dont on dispense mal à propos les uns et les autres de faire preuve, ne sont, à proprement parler, que les éléments de celles auxquelles les élèves du génie sont assujettis ; en un mot, la saine raison, l'équité, l'économie, et surtout le bien du service concourent à déterminer le gouvernement à ne choisir les aides-maréchaux, généraux des armées, que dans le corps du génie, et à supprimer les géographes comme absolument inutiles.
Cependant un corps énorme d'officiers d'état-major subsiste, corps qui n'est créé par aucune ordonnance, qui n'a aucune organisation fixe, dont les dépenses ne sont autorisées par aucune loi, et dans lequel on est admis sans examen. Ce corps traîne à sa suite celui des géographes.
Que peut et que doit être un corps d'ofticiers, dont plusieurs ont sans doute des talents, mais dont aucun n'est tenu d'en faire preuve authentique, parmi lesquels les attributions de rang, d'appointements, de fonctions, ne suivent aucune loi déterminée ? C'est (pour me servir des expressions de M. d'Arçon) un puits perdu, dont l'objet est de recevoir indéfiniment tous les abus du
département de la guerre ; c'est une fausse porte ouverte aux promotions arbitraires et illimitées; 1 c'est une nouveauté dispendieuse, inutile. Enfin, j ce serait un corps de précepteurs d'officiers généraux qui, s'élevant à côté d'eux, les avilirait en humiliant d'ailleurs toutes les classes de l'armée, tandis que les officiers du génie ne demandent pour être chargés de ces fonctions, outre celles qui leur sont attribuées, que les grâces et l'avancement fixés pour les différents grades de ce corps.
Le comité militaire propose la réunion de l'ar tillerie et du génie.
L'artillerie et le génie ont des points de contact, cela est indubitable; mais les occupations des officiers du génie sont plus sérieuses, plus arides, moins brillantes que celles des officiers de l'artillerie. Est-il probable que la jeunesse, qui se destinera à l'avenir à ces corps réunis, se décidera à approfondir des sciences abstraites, à se vouer à des détails de construction arides, souvent rebutants, plutôt que de se livrer aux exercices brillants et bruyants du Polygone? Non, certainement, et l'on sait qu'à cet âge l'assiduité qui peut se payer par la présence, est toujours préférée à celle que l'application seule peut prouver.
Au moment même de la réunion les individus des deux corps seront généralement froissés, lésés, par l'incorporation. Les plus aisés de part et d'autre, obligés de renoncer à un avancement qu'ils étaient en droit de calculer, quitteront le service, et comme la masse des officiers du génie est de plus de moitié moindre que celle des officiers de l'artillerie, les premiers seront écrasés (1). L'émulation qui subsiste dans les deux corps, dégénérera en jalousie : l'humeur, le découragement s'en mêleront ; les anciens officiers attendront avec dégôut l'époque de leur retraite, les jeunes gens riront et trouveront bien plus beau de faire tirer du canon, que de surveiller des maçons, des charpentiers, des appareilleurs, etc.
La totalité des officiers généralement très instruits de l'artillerie, ne produit pas un résultat de 20 à 25 individus qui aient pris la peine de se distinguer dans les fonderies, manufactures et constructions, dont ce corps est chargé. Si, comme il est vraisemblable, la même proportion subsiste, combien le corps du génie fournira-t-il, à l'avenir, de fortificateurs pour sa part ? J'en appelle à tous les officiers généraux du génie, aux commandants des écoles, à l'examinateur, à l'académie des sciences; et s'ils ne décident pas presque unanimement que, dix ans après la réunion, il sera impossible de former un corps du génie équivalent à celui qui existe, je passe condamnation.
La réunion proposée présente, dit-on, une grande économie pour la suite, elle serait effectuée dans l'instant, en supprimant absolument le corps du géuie ; il n'y aurait d'autres inconvénients que celui de faire du premier coup ce qui s'opérera successivement.
Est-ce aussi dans ces vues d'économie que l'on se propose de consacrer l'existence d'un corps
immense d'état-major, qui trouvera bien moyen de conserver encore celui des géographes? Non, sans doute. Les véritables motifs de toutes ces innovations sont la séduction opérée par l'intrigue, la rivalité, la jalousie et les intérêts particuliers (1). Si cette opinion n'était pas celle de tous les officiers du génie que je vois, que je connais, elle n'en serait pas moins la mienne ; je me dispenserais seulement de la mettre au jour. J'ai tort peut-être de me déclarer le chevalier de ma robe, je pourrai me faire des ennemis, j'ai laissé jusqu'ici le champ libre à tous ceux qui auraient dû l'occuper; mais puisqu'on l'abandonne, je me précipite daus l'arène au moment du danger ; je m'immole à la bonté de ma cause ; et si je n'ai eu le temps, ni les talents nécessaires pour élever mon style à la hauteur de mon âme, pour lui communiquer sa chaleur, j'aurai du moins eu le courage de me faire entendre.
Pourquoi, me dira-t-on, le comité militaire a-t-il rencontré la presque unanimité dans les avis des officiers généraux, officiers d'artillerie, ofliciers du génie, qui ontété consultés? je répondrai qu'on a pu consulter beaucoup d'officiers intéressés à cette décision ; j'ajouterai que je suis cer-tainque la très grande et plus qu'absolue majorité des officiers de l'artillerie et du génie est de mon avis. Je ne me permets pas néanmoins de révoquer en doute l'assertion du comité, j'en suis au contraire pleinement convaincu ; les intérêts de l'état-major de l'armée et de l'artillerie devaient produire le résultat qu'ils ont obtenu. Ces deux corps ont consenti à être froissés pour en écraser un troisième qui leur faisait ombrage; il est d'usage que le plus modeste succombe.
Enfin je supplie les représentants de la nation de réfléchir sur les questions suivantes :
1° Est-il moins dangereux pour la liberté de mettre dans les mains du même corps tous les moyens relatifs à l'attaque et à la défense, que de séparer ceux qui les dirigent de ceux qui les exécutent ?
2° Ne doit-on pas craindre qu'au moment où
toutes les puissances étrangères ^rment, elles saisissent l'occasion d'ébranler la fidélité des officiers de l'artillerie et du génie, qui auraient lieu d'être mécontents, et qui, jusqu'à ce jour, ont résisté opiniâtrement à toutes leurs offres, ainsi qu'à la certitude de jouir ailleurs d'une considération illimitée pour leurs talents ?
Je ne puis trop inviter me3 lecteurs à réfléchir sur ces questions, Je me contenterai de les poser; j'ai fait ce que d'autres, aveG plus de temps ét de talents, auraient dû faire à ma place : j'ai fait ce que je devais à mon corps, au titre de suppléant à l'Assemblée nationale, dont je suis honoré: j'ai cherclié à rallier les amis de la justice autour de se6 étendards.. Je réclame leur secours en faveur du corps le plus constitutionnel de l'Empire, puisque (j'en appelle à sa composition) (es talents ont été la mesure prépondérante pour i'admission de ses membres. Il trouvera des défenseurs, ce corps depuis si longtemps en butte aux efforts de l'aristocratie et de l'intrigue; il trouvera des protecteurs instruits et fermes parmi les représentants de la nation ; il en trouvera de généreux et je suis loin d'en douter.
Oui, Messieurs, vous analyserez la proposition. Vous la considérerez, je 1e présume., à peu près sous ce point de vue.
Quelle économie ferait l'Etat, en attribuant au corps royal du génie les fonctions des aides maréchaux, généraux des logis de l'armée, celles des géographes, lâgardedu dépôt de la guerre, etc., qui coûtent des sommes considérables ?
Quelle est celle.que produirait la réduction du corps du génie au moindre nombre possible de constructeurs militaires ?
Vous vous apercevrez que la balance, chargée de bonne foi, départ et d'autre, conservera à très peu de chose près l'équilibre.
Après avoir ainsi dépouillé la question de ses accessoires, le bien de la chose sera la seule considération que vous aurez à exaSiner et vous ferez justice.
À LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
DÉNONCIATION de deux imprimés ayantpour titres, l'un: « C'en est fait denous; » et Vautre: « Révolutions de France et du Brctbant, » par M. Ma-LOUET, député d'Auvergne.
Messieurs, l'ordre du jour le plus pressant pour les représentants de la nation, c'est de prévenir de grands crimes, c'est d'en apprendre les causes et les auteurs. Sans doute vous frémiriez, Messieurs, si voua aviez la certitude qu'en cet instant un ou plusieurs scélérats travaillent à faire arrêter le roi, à emprisonner la famille royale, à mettre aux fers les principaux magistrats, les chefs de la milice, et demandent 'la mort de cinq ou six cents personnesHé bien, Messieurs, c'est sous vos yeux, c'est à votre porte que ces projets atroces se développent, que ces instructions sanguinaires se distribuent au peuple, qu'on appelle aux armes, qu'on l'excite à la fureur. Voici l'imprimé que je vous dénonce, il est signé : Murât.
(Ici l'orateur a cru entendre des éclats de rire.)
Je ne pense pas que ce soit du seio de l'Assemblée législative que s'élève une voix insultante aux malheurs publics ; car c'est le renversement des lois-que je vous annonce, c'est la liberté, qui périt et la Constitution avec elle, si de tels attentats restent impunis ; et c'est déjà, Messieurs, un signe trop certain de l'anarchie où nous vivons, que la triste habitude de la supporter sans effroi, et ia nécessité de solliciter avec instance votre attention sur le péril commun.
Quoi I Messieurs, tandis que l'un de ces écrivains criminels menace la tête chère et sacrée du chef suprême de l'Etat, et invite une partie de la nation à massacrer l'autre, son digne émule, Camille Desmoulins répand, de la capitale aux extrémités les plus réculéeô de l'Empire, ses perfides conseils et sa doctrine de sang. Ceiui+ci a choisi l'époque mémorable du 14 juillet, pour faire du roi et de là royauté un objet.de scandale et de mépris. h
Ce spectaole touchant d'amour et de fidélité, encore présent à nos cœurs attendris, cette union intime des Français et de leur roi ne lui rappelle que l'insolence du trône, du fauteuil eMcutif ; ët par une aliusiott barbare de la marche des fédérés au triomphe de Paul-Bmileî il félicite les Romains d'avoir enchaîné à la suite du conseil le roi de Macédoine, les mains liées derrière le dos, les mains qui avaient signé tant de lettres de cachet. Il traite d'esclaves et d'hommes corrompus Ceux qui révèrent dans la personne du monarque la majesté de là nation. Doutez-vous donc, Messieurs, que cet excès d'audace n'épouvante les hommes faibles, et ne leur fasse craindre d'être signalés comme les partisansdu despotisme s'ils défendent, s'ils chérissent l'autorité royale constitutionnelle, qui peut seule défendre, dans un Empire immense, ia liberté et la loi contre les entreprises .des factieux.
Ce n'est pas tout, Messieurs; ces prétendus amis de la liberté là veulent sans lois, et surtout sans impôts ; ils excitent le peuple à n'en pas payer ; c'est-à-dire qu'ils invitent le peuple à détruire votre ouvrage, et à le détruire avec d'effroyables déchirements. « Les Romains, dit Desmoulins, étaient fondés à se réjouir en entendant crier pendant la marche triomphale de Paul-Emile s le peuple romain ne payera plus d'impôts, plus de gabelle, plus de taille, plus de capitation-, »
Voilà lés rapprochements qu'il ose indiquer entre la fête fédérale et celle du triomphe de Paul-Emile ; Voilà leB conseils et les instructions qUe ces amis du peuple lui prodiguent. Ainsi, quand ils auront fait égorger tous ceux qu'ils lui présenteronteomme ennemis des nouvelles lois, ils lui présentent encore comme des tyrans ceux qui ; pensent comme nous, que le salut public dépend de l'obéissance aux lois ét de la perception des impôts.
Avant de venir à vous, Messieurs, je me suis adressé aux ministres des lois t js leur ai porté; ces coupables écrits, et, comme représentant de la nation, je leur ai demandé vengeance, non à raison des injures qui me sont personhèlles. Qui; pourrait croire que, pour mon propre dompte, • j'eusse distingué Camille Desmoulins de ceux de son espèce dont je dédaigne depuis longtemps les outrages? mais ils m'ont servi de texte pour provoquer le ministre public et la sévérité des lois sur ces feuilles sanglantes qui renouvellent parmi ; nous les tables de proscription.
Que vous, diraî-je, Messieurs, de l'impression" que m'ont faite la douleur et l'effroi, l'embarras; des magistrats? J'ai vu, sur lêur Visage; j'ai vu,
dans leurs discours, l'impuissance des lois ; « hâtez-vous, leur ai-je dit, de nous en donner Ja preuve, et d'avertir la nation du danger qui la menace; parlez, étendez un crêpe funèbre sur le sanctuaire de la justice : l'impuissance des lois peut seule justifier celle de vos efforts pour la défendre; vous devez périr avant elle, vous devez vous offrir les premiers aux poignards de la tyrannie»
Messieurs, vous dévoiler d'aussi grands maux c'est y remédier. Vous ne souffririez pas que des forcenés calomnient la liberté, la Constitution ; vous ne souffririez pas que cette Constitution, qui nous assure un roi et un gouvernement monarchique, ne puisse :les défendre. ,Quoi ! nous n'aurions déclaré les droits de l'homme que pour en constater parmi nous la violation! L'humanité, l'égalité, la justice seraient dans vos décrets et la férocité dans nos mœurs ! L'Europe épouvantée pourrait croire que les principes et les mœurs de Camille DesmoUlins appartiennent à des Français. Ah ! qu'ils vous soient enfin connus, les véritables ennemis du bien public : les voilà ; leur plume, leurs mains sont ensanglantées. Messieurs, que les bons citoyens se rallient contre les pervers l ceux-ci ne seront jamais les amis de la liberté, qui n'aura jamais pour enne .mis que les scélérats. Pourriez-vous donc vous y méprendre, laisser en paix ceux dont le crime est l'aliment, et diriger votre sollicitude sur ceux que des dissentiments séparent de vos opinions ; qui se plaignent, mais qui obéissent, et qui distinguent dans la loi même qu'ils improuyent, le caractère sacré qu'ils doivent respecter ? Ah 1 celui-là est criminel qui, dans quelque système, et pour quelque cause que ce soit, trouble l'ordre public, et porte une main parricide dans le sein de la patrie; mais qu'ils discutent nos lois, cénsurent nos opinions, les citoyens, les hommes libres de cet Empire, pourvu qu'ils apprécient, qu'ils chérissent et défendent la liberté, compagne inséparable de l'ordre et de la justice!
Je vais vous lire* Messieurs, le dernier paragraphe (1) de la feuille dë Marat, intitulée : C'en est fait de nous, et le mettre sur le bureau ; quant au dernier numéro des Révolutions de France et de Brabant, je déclare l'avoir remis avant-hier à M. le procureur du roi.
Voici le projet de décret que j'ai l'honneur de vous proposer ; il remplira les intentions de ceux qui veulent comprendre, dans la même condamnation tous les libelles atroces quels qu'en soient l'objet et l'auteur :
« L'Assemblée nationale, sur la dénonciation qui lui a été faite par un de ses membres, do l'imprimé ayant pour titre : C en est fait de nous, et du numéro 34 des Révolutions de France et de Brabanty a décrété que le procureur du roi au Châtelet de Paris sera mandé, séance tenante, et qu'il lui sera donné ordre de poursuivre, comme criminels de lèse-nation, les auteurs, imprimeurs et colporteurs des écrits qui excitent le peuple à l'insurrection contre les lois, à l'effusioln du sang et au renversement de la Constitution.
Séance du 2 août au soir.
Ce n'est point en sortant de cette séance ora-
geuse que je prends la plume; j'étais trop indigné et ce que j'aurais pu dire au milieu des cris et du tumulte, si tant d'agitation permettait quelque ordre dans les idées, si les passions menaçantes, en excitant le courage de l'homme de bien, lui en laissaient un libre emploi, je n'aurais pu l'écrire hier au soir. — Mais je m'arrête aujourd'hui sur cette page de notre histoire avec le même sentiment qu'éprouveront sans doute nos neveux en étudiant les faits, les caractères et les événements de ce temps-ci.
Ils ne sauraient être plus embarrassés que moi pour expliquer les causes, non des atrocités que j'ai dénoncées, mais des oppositions que rencontrent dans l'Assemblée tous les efforts, tous les moyens de retour à l'ordre, toutes les vues de justice et de raison qui peuvent seules rétablir la paix publique et assurer la Constitution. Ou la Révolution est consommée, ou elle ne l'est pas: dans le premier cas, on ne peut trop se hâter de faire jouir tous les Français des bienfaits de la liberté dont ils ne connaissent encore que les orages : toutes les mesures devraient tendre à éteindre, à calmer toutes les inimitiés, à rendre supportables toutes les réformes par la douceur et la sécurité de l'état de citoyen. — Si, au contraire, on croit encore à la Révolution de puissants ennemis, quelle insigne folie, quel étrange aveuglement que celui qui fait compter au nombre des appuis de ia bonne cause les libellistes, les insurrections, les violences de toute espèce. Qu'avez-vous à répondre aux hommes vertueux qui nous diront si ce sont là les éléments de la Révolution : J'en ai horreur; rendez-la pure, je l'aimerai. — Comment est-il possible que les véritables amis de la Constitution ne sentent pas
3u'ils ne sauraient trop la séparer des crimes ont on veut l'environner, et qu'on ne peut se reposer sur un ordre de choses qui, en promettant de bonnes lois, accrédite et protège de détestables mœurs ? — Quoi ! il suffira de se dire écrivain patriote, citoyen patriote, pour que le plus épouvantable cynisme, la plus grossière férocité, obtienne des applaudissements ou au moins des défenseurs l — De pitoyables déclamations sur la liberté, sur le despotisme, ne cessèrent d'avoir le même empire sur la multitude égarée, sur les hommes faibles, qui acceptent le joug de la tyrannie, pourvu qu'on les asservisse avec les enseignes et le langage de la liberté ; et moi qui ai la lâcheté de défendre l'autorité royale, si puissante aujourd'hui,et de dénoncer les factieux, les assassins, les incendiaires si persécutés, et si peu influents sur la chose publique, il restera démontré que je suis un courtisan, un esclave, un mauvais citoyen ! u
J'avoue que dans l'ordre des passions et des forfaits je conçois tout cela; mais dans un système législatif quelconque, je ne conçois pas que des hommes habiles, qui veulent opérer un grand changement, emploient, dans un instant donné,, tous les moyens et ne repoussent pas même les plus vils instruments du crime I L'histoire nous en fournit des exemples. Les hommes destinés à changer la face des empires choisissent, selon leur caractère, les moyens de Solon ou ceux de Cromwel; mais soit qu ils s'illustrent par de grandes vertus ou par des crimes heureux, nous ne connaissons point de législateur qui ne s'empresse à donner à ses nouvelles lois toute l'autorité qu'elles peuvent avoir par leur propre énergie, en les mettant, dans l'instant même de leur promulgation, sous la garde des moeurs.
Ici nous voyons tout le contraire. A l'appui des
préceptes et des lois de Platon, nous employons le discours de Gatilina ; c'est sa coupe galante qu'on nous présente pour le festin de l'union. Les principes constitutifs sont établis ; te forme du gouvernement est prononcée: la morale la plus pure dans ses maximes, la plus sévère contre les préjugés, la plus douce contre les erreurs et les vices de l'humanité, caractérise le nouveau code; un serment fédéral a réuni, par les liens de la fraternité, tous les Français, et avait été proféré, dès le mois de février, dans toutes les parties de l'Empire. Que nous manque-t-il donc pour vivre en paix?... ce qu'il nous manque, grand Dieu! Ah! vous l'avez vu dans la séance d'hier ; il nous manque ia pureté, la justice et les mœurs de la liberté. Quoi ! vous laissez corrompre les mœurs du peuple? vous ne punissez pas ses corrupteurs! et vous voudriez être libres ! Vous avez des lois, et vous ne regardez pas comme coupables ceux qui excitent la fureur et l'insurrection du peuple contre les personnes, les fonctions et les droits protégés par ces lois! Ce ne sont point les feuilles de Marat et de Desmoulins et de tant d'autres incendiaires qui excitent vos alarmes, c'est le décret qui les poursuit. On vous dénonce le décret comme attentatoire à la liberté! Celui qui a dénoncé Vinsolence du fauteuil exécutif; qui ne parle du roi et de la royauté qu'avec mépris; qui voudrait la reléguer sur le théâtre de l'Opéra, et entendre, pour quarante-huit sous, chanter une famille royale (n° 29 des Révolutionsj ; qui a fait un crime au roi de n'avoir pas été à l'autel prononcer son serment (n° 35) ; qui se qualifie procureur général de la lanterne ; qui n'a cessé, depuis six mois, de désigner ceux qu'il voudrait mettre à la lanterne. Gelui qui, au moment où j'allais vous retracer ses attentats, a osé paraître dans la tribune, m'in-terrompre et s'écrier : Oui, je l'ose !.. un tel homme a été applaudi, a trouvé des défenseurs, et on voudrait l'excepter du décret du 31 juillet !...
Oui, je l'ose! Ahl ces paroles seront recueillies par l'histoire comme un signe éclatant de la licence de nos jours et de l'esprit de vertige qui la favorise. Ce scandale était peut-être nécessaire pour avertir les Français qu'aux plus doux accents de la philosophie se mêlent les rugissements des tigres et des lions.
On nous parle, sans cesse, des contre-révolutions ! Et qui pourrait s'étonner qu'à force de multiplier et d'aigrir les ressentiments, de chercher, de signaler des victimes, les factieux ne parviennent à nous créer des ennemis? Des millions d'hommes, en cet instant, tourmentés de notre agitation, incertains, inquiets sur ce qu'ils doivent craindre ou espérer, ne nous demandent que la paix, la sûreté dans leurs foyers, dans leur commerce, dans leurs relations sociales, et nous les livrons, sans défense, à tous les désordres de l'anarchie; c'est aux plus séditieux écrivains que nous abandonnons le repos de ia France 1 On se dissimule que ces gens-là tendent à opérer effectivement une contre-révolution. Car il est évident qu'ils ne veulent d'autres lois et d'autre autorité que celle de la dernière classe du peuple qu'ils tiennent en mouvement, etrqu'ils entendent disposer à volonté de cette forcé oppressive contre les lois, les magistrats, le monarque et le Corps législatif. Il est évident qu'ils ne veulent ni roi ni gouvernement monarchique, et que, pour déterminer le peuple à ce changement d'opinion, ils lui dénoncent perpétuellement, comme ses ennemis, comme des hommes vendus au despotisme, ceux qui veulent un roi et un gouverne-
ment monarchique. Le sieur Desmoulins accable d injures M. de Bonnay et M. de La Fayette, pour avoir rendu trop de respects au roi le jour de la fédération.
La persécution dirigée contre les ministres, les trames odieuses qu'on leur reproche, les outrages qu'on leur prodigue n'ont pas d'autre but que celui d'annuler complètement les formes et les moyens du gouvernement monarchique et d'épouvanter quiconque voudrait,les défendre. Car il est dérisoire, dans l'impuissance où sont aujourd'hui les ministres, de faire ni bien ni mal, de les piésenter toujours au peuple comme un épouvantail, et de l'effrayer sur leur despotisme, tandis que l'exercice du pouvoir qui doit leur être confié sera toujours suffisamment garanti par leur responsabilité (1).
Qu'est-ce donc qu'une contre-révolution, si ce n'est la dissolution de tous les pouvoirs constitués? Or je demande si, dans tous les écrits qu'on ose défendre comme favorables à la liberté, il est une seule autorité respectée, et qu'on ne cherche à désorganiser?
Qu'y a-t-il de stable dans un gouvernement où les écrivains patriotes, les amis du peuple sont ceux qui vouent le chef de l'Etat au mépris et au ridicule, qui outragent ceux qui le respectent, qui traitentcl'inlâmes et dénoncent à la vengeance du peuple les membres du Corps législatif qui n'ont pas les opinions dominantes, les juges qui ne prononcent pas les jugements conformes à la volonté ou aux passions du peuple, les ministres, lesofficiers municipaux, le commandant général ; qui appellent aux armes ; demandent cinq ou six cents tètes? etc.
Je suppose que de tels écrivains arrivassent en troupes dans un pays libre et paisible, habité par des hommes passionnés pour la liberté, mais fidèles aux lois, aux bonnes mœurs, qui doutera qu'ils ne fussent exterminés comme des brigands, s'ils étaient armés, ou jugés comme des criminels, si leur armure ne consistait que dans leur audace et leurs libelles?
Nous ne sommes donc ni libres, ni fidèles aux lois et aux bonnes mœurs, puisque de tels écrivains distribuent impunément parmi nous leurs poi&ons l
L'Assemblée nationale a entendu la pétition du sieur Desmoulins, et son journal était sur le but eau I
L'Assemblée a accueilli les réclamations faites contre son décret; elle en a suspendu, l'exécution en exceptant seulement la feuille de Mural I
Ce décret attaquait, a-t-on dit, la liberté de la presse, et cependant on a dénoncé, par représailles, beaucoup d'autres écrits, parmi lesquels il en est sûrement de très répréhensibles, mais qui ne conseillent point le meurtre, l'insurrection, l'abolition de la royauté (2), et de tous les pouvoirs existants.
Les nouvelles dénonciations qui ont été faites m'obligent de rappeler ies principes d'après lesquels les écrivains peuvent être plus ou moins coupables aux yeux de la loi : je déclare d'abord n'avoir jamais douté que, dans un gouvernement libre et dans un temps de Révolution, il est iné-
vitable et peut-être nécessaire qu'il se trouve des hommes ardents qui éveillent l'attention publique sur tout ce qui peut porter atteinte à la liberté, sur les caractères et les talents qui peuvent lui nuire ou la servir; alors les exagérations, les soupçons téméraires, les faux systèmes, les principes qui forcent ou qui relâchent les ressorts du gouvernement subsistant, peuvent être considérés ou comme des erreurs à attaquer par des écrits contradictoires, ou comme des injures particulières à venger, par des poursuites juridiques. Quels que soient les principes législatifs que l'Assemblée adoptera sur la liberté de la presse, il est bien certain qu'elle ne saurait ni autoriser les outrages et les calomnies, ni les mettre au nombre des crimes de lèse-nation. Chaque particulier aura toujours la garde de son honneur, et la loi lui assurera, comme dans tous les pays policés, les moyens légitimes de le défendre. Il suftit donc à votre sollicitude que l'autorité de la loi et celle de ses ministres soient assez respectées pour qu'ils ne pui-sent être jamais inutilement invoqués par ies parties plaignantes.
Mais après avoir donné à la liberté tous les secours qui lui sont nécessaires pour sa défense, en tolérant même, dans cette fin, l'impunité des plus hardis détracteurs du mérite et de la vertu calomniés, il est un terme où l'audace devient sensiblement criminelle et funeste à la liberté par la destruction ou l'ébranlement des forces légales qui la défendent; c'est à ce terme que le coupable doit rencontrer la peine qu'il a encourue; et quels que soient les motifs et les prétextes patriotiques dont il ose s'envelopper, la loi doit lui arracher cet égide qu'il a souillé, et le présenter à la justice dans toute la nudité du crime qu'il a commis.
En s'attacbant fidèlement à ces principes, nous en verrons sortir ceux d'une législation équitable sur la liberté de la presse.
Nous verrons que tous ceux qui écrivent dans le sens de la Révolution, attaquant bien ou mal à propos ceux qu'ils lui croient contraires, dénonçant les actions, les discours, censurant les opinions, les projets, les liaisons des hommes publics, ces écrivains, naturellement soumis à tous les hasards et aux risques de leur profession, ne doivent être contenus que par l'assurance et la facilité d'une satisfaction légitime aux parties offensées. — C'est un inconvénient, sans doute, que des hommes honnêtes soient exposés à toutes sortes d'outrages ; mais, outre que les tribunaux peuvent leur en procurer la réparation, à côté de ces inconvénients se trouvent les avantages. Les hommes en place, se voyant environnés de délateurs, en sont plus circonspects, et le peuple peut recevoir quelque service, pour le maintien de sa liberté, des hommes les plus vils, qui, pour de l'argent, paraissent sur l'arène comme les gladiateurs.
Il n'en est pas de même de ces proclamations sanguinaires qui excitent le peuple au meurtre, qui l'investissent de l'exercice effectif du pouvoir absolu, l'invitent à juger et à exécuter ses jugements contre ses chefs, ses magistrats, ses représentants, ou qui outragent la majesté royale : de tels délits n'ont rien de commun avec ia liberté de la presse, ils en sont la violation; car il n'est aucun genre de liberté légitime qui puisse s'allier à un acte de tyrannie : or, ce u'e^t pas aux potentats seulement qu'est réservé l'exercice de la tyrannie; un écrivain forcené se saisit aussi de ces poignards ; — et je demande quelle espèce
de Révolution et de Constitution peuvent exiger de pareils appuis?
Considérons maintenant quels peuvent être les ouvrages et les écrivains coupables contre la Révolution.
Je ne vous proposerai pas deux mesures, et je dirai de ceux-ci comme des autres : ils sont criminels ceux qui, dans leurs écrits, excitent le peuple à l'insurrection contre les lois, à l'effusion du sang et au renversement de la Constitution.
Ces paroles sont précises et ne se prêtent à aucune équivoque. L'insurrection contre les lois n'est pas la discussion et l'improbation même des lois, — Mais si, parmi les prétendus patriotes, il se trouve des hommes mécontents d'un décret, qui invitent le peuple à s'attrouper pour le faire révoquer, ils sont coupables ; et si, dans le système contraire, ceux qui improuvent le nouvel ordre de choses, invitent le peuple à le changer par la force, ils sont coupables4, si, dans l'un ou l'autre système, on prêche le meurtre et le massacre, on commet un crime de lèse-nation; si ceux qui n'aiment pas la Constitution, en conseillent le renversement par la force, ils sont coupables, ils doivent être poursuivis,
Au delà de ces faits positifs qui, dans les écrits comme dans les actions, prennent le caractère d'un corps de délit, se trouve la tyrannie ou au moins une dangereuse inquisition.
Tout écrit qui ne présente qu'une opinion sur les personnes ou sur les choses ne peut être réputé un crime que par le despotisme. — Tout écrit qui conseille un acte coupable ne peut être toléré ou défendu que par des complices.
C'est dans cet esprit, et pour répondre à toutes les fausses interprétations du décret du 31 juillet, que je proposai les articles suivants, non comme une loi complète contre la licence de la presse, mais comme une loi provisoire pour en assurer la liberté et en réprimer les abus les plus dangereux i
Art. 1er. Nul ne pourra être poursuivi, au nom du roi ou du
Corps législatif, à raiBon de ses opinions prononcées ou imprimées sur les personnes
publiques ou privées, sauf à ceux qui seraient injuriés ou calomniés à se procurer, pur les
voies légales, la réparation qui leur serait due.
Nota. — Personne n'ignore que nous n'avons pas de bonnes lois sur les injures et calomnies ; mais en attendant la réformation du code criminel, celui qui existe est la seule sauvegarde de l'honneur et de la sûreté des citoyens.
Art. 2. Si les injures ou calomnies s'adressent à la personne sacrée du roi, la réparation et la punition en seront poursuivies au nom de la nation. — Si les injures ou calomnies s'adressent au Corps législatif, la réparation et la punition en seront poursuivies au nom du roi.
NOTA. Cette dernière disposition a excité de grands murmures, comme si j'entendais faire dépendre de la volonté du roi la punition des injures faites au Corps législatif; comme si le ministère des gens du roi n'était point un ministère obligé et provoqué, s'il en était besoin, par les ordres au pouvoir législatif. Il est évident que, dans la forme, le roi ne peut poursuivre, en sa propre cause, et que hors ce cas seulement, le ministère public agit toujours en son nom.
Art. 3. Il est libre à tout citoyen de s'expliquer verbalement, ou par voie de l'impression, sur les actes du Corps législatif et sur les actes du pouvoir exécutif, de qualifier les abus d'autorité, de les publier et de s'en plaindre; mais celui qui aura conseillé ou formellement provoqué la résis-
tance aux lois, ou toute espèce de violence, attroupement et voie de fait contre leur exécution, contre les magistrats, administrateurs et représentants de la nation, à raison de leurs fonctions, opinions ou jugements, sera poursuivi comme criminel de lèse-nation.
La loi qui nous manque, en cette partie, peut contenir beaucoup d'autres dispositions importantes, mais si elle ne contient pas celle-là, elle sera insuffisante ou tyrannique. — Si les écrivains qui excitent le peuple à exterminer, à mettre à la lanterne, lie sont pas rangés dans la classe des assassins, il n'y a plus ni liberté, ni lois, ni mœurs sociales; la Constitution décrétée n'est plus qu'une formule oratoire, et le droit du plus fort devient la véritable Constitution. — Celui qui calomnie et diffame un citoyen à raison de ses opinions politiques, peut n'être qu'un lâche et un fou ; mais tous ces patriotes exterminateurs qui ont consacré l'usage de la lanterne et des poignards dans toutes les parties du royaume, sont les véritables assassins des Beauffet, des Voisins, des Bel-sunce et deux cents autres; et s'il existait un pays dont la Constitution les protégeât, ils suffiraient pour exterminer cette Constitution.
Quant aux écrits satiriques contre les nouvelles lois, et ceux qui y ont le plus concouru, ce n'est pas pour mon compte que j'en défendrais la liberté ; j'ai toujours méprisé les libelles, ceux qui se servent de cette arme perfide pour défendre la vérité, la déshonorent ; et, lorsqu'ils l'emploient en faveur du mensonge, ils ajoutent à sa difformité. — Je pense même que tout ce que peut avoir d'utile la liberté de la presse, se concilierait parfaitement avec le respect le plus sévère pour les lois et les mœurs; car les caractères élevés, les seules redoutables à la tyrannie, ne se dégradent jamais par un langage et des formes licencieuses ; jamais un honnête homme ne s'est permis d'en diffamer un autre ; et s'il chasse devant lui les brigands, c'est sans se mesurer avec eux. Maison donne généralement plus d'extension aux droits et à l'exercice de la liberté, qui agit alors comme la police d'une grande ville, tolérant les mauvais lieux pour empêcher de plus grands crimes, —• et empêchant seulement que ces mauvais lieux ne soient aussi le théâtre des vols et des assassinats. — Tel est le seul frein qu'on doit imposer à cette espèce de prostitués qui, pour constater la liberté de la presse, ne conservent aucune pudeur dans leurs satires et dans leurs délations.
Il est un autre genre d'écrits contre lesquels la liberté de ce moment-ci voudrait fort diriger toute sa sévérité de l'ancienne inquisition ; ce sont ceux où l'on s'explique librement sur les inconvénients ou les imperfections de la Constitutions — Le patriotisme exterminateur n'entend pas que la liberté s'étende sur cette partie de notre horizon politique, mais cette démence ne peut être consacrée par une loi : nous devons tous fidélité et obéissance à celles sanctionnées et promulguées, et nous devonsensuite concourir par nos efforts et nos lumières, à faire corriger, celles qui sont défectueuses; ce qui ne permet pas seulement, mais commande à tout citoyen instruit, le plus libre examen de la nouvelle Constitution. Ceux qui professent des maximes contraires peuvent avoir sur les lèvres, mais non pas dans le cœur, le sentiment de la liberté et du patriotisme. Ah I si ces paroles tant répétées se convertissaient en effets! Patriotisme! liberté! si vous étiez au milieu de nous, qui pourrait méconnaître la majesté de vos traits ; les accents fiers, mais sensibles, de votre voix, qui ne se mêla ja-
mais à la voix des Euménides. — Montrez-nous ces vertueux citoyens que votre esprit a formés; et. que ies Français abusés rougissent de célébrer la vertu sous l'emblème des furies 1 —Quedis-je? Les Français 1 il en e8t. peu désormaisdont l'ivresse se prolonge; ils se réveillent au bruit de nos débats; le tumulte de nos séances calme les spectateurs, et bientôt, dans le sein des familles, on nous demandera compte du trouble qui les agite et des maux qui les menacent : oii confrontera les écrits odieux que j'ai dénoncés, leur funeste influence, et tout ce qui vient d'être allégué pour leur défense; et si quelque Manlius, couvert de crimes, venait nous dire ! fài sauvé le Capitole, on se souviendra de la roche tarpéïenne. Ah! qu'on ne seflatie pas de rendret toujours impuissante la voix des gens de bien ; il ne faut peut-être que quelques nouveaux outrages, quelques crimes de plus, dirigés contre eux, pour leur donner un empire irrésistible, et pour rallier à eux tous les nommes honnêtes qui veulent la liberté, mais qui détestent l'anarchie que nous assure, de plus en plus, l'impunité des scélérats. malouet.
Dénonciation par M. de Mirabeau le jeune, député du Limousin, de quelques extraits d'un ouvrage de M. Camille Desmoulins ayant pour titre : Révolutions de France et de Brabaut.
On n'entend parler que dé dénonciations ; la Commune de Paris dénonce, le comité des Recherches dénonce, on dénonce au sein de l'Assemblée nationale. Plusieurs ministres ont été l'objet de dénonciations vagues, et on n'a pas cru pouvoir donner suiteaux plaintes sur lesquelles reposaient ces mêmes dénonciations; j'avoue, en effet, que rien n'est plus encourageant que le refus constant qu'on â fait de prononcer une peine contre les dénonciateurs injustes : malgré la demande faite par plusieurs de mes collègues, renouvelée par moi dans la séance du 23 avril, et toujours repôussée, sans avoir même été discutée.
J'ai dénoncé moi-même des meurtres, des incendies, des ravages qui ont eu lieu dans plusieurs provinces, et notamment dans celle qui m'a honoré de sa confiance; j'ai déposé sur le bureau mes dénonciations et leurs preuves; je les ai remises au comité des rapports, signées de moi ; on les a accusées dè fausseté, d'exagérations; j'ai, demandé qu'on s'inscrivît en faux, j'ai demandé à être entendu et jugé, on n'a voulu ni l'un ni l'autre, et mes dénonciations n'ont pas paru dé nature à mériter un moment d'attention de la part de l'Assemblée nationale.
J'ai eu lieu même d'être douloureusement affecté lorsque j'ai entendu le rapporteur de l'affaire du parlement de .Bordeaux, répondant à M. l'abbé Maury, assurer que le comité des rapports n'avait la connaissance que d'un seul meurtre commis dans le ressort du parlement de Bordeaux, lorsqu'il avait entre les mains la preuve d'une grande quantité d'assassinats commis dans le Bas-Limousin, et notamment celui de plusieurs soldats citoyens delà milice nationale de Tulle, morts
ou blessés, en défendant les propriétés et les citoyens menacés, à l'affaire de Favars»
Quelaue peu de succès qu'aienteu mespremières dénonciations, je crois de mon devoir, de celui de tout bon Français, de dénoncer à la nation entière un écrivain audacieux qui ose apposer son nom au libelle le plus infâme qui tend à éteindre dans le cœur des Français (si la chose était possible), l'amour sacré qu'ils doivent et qu'ils ont toujours professé pour leur roi.
Cet auteur est criminel de lèse-majesté, au premier chef, et par conséquent de lèse-nation; car j'avoue que je n'ai jamais conçu qu'il pût exister une distinction entre le roi et la nation ; ce libel-liste effréné, qui ose se qualifier d'ami de la Constitution et qui assiste, dit-on, aux séances de l'association qui porte ce nom, a-t-il cru qu'il ne se trouverait pas un Français assez attaché à son roi, assez ami du peuple et de l'ordre, pour le dénoncer à la nation? non assurément, mais il a compté sur le sommeil des lois et sur l'impunité qui en est l'effet.
Peut-il se dissimuler qu'il existe un Dieu vengeur, et que tôt au tard il se trouve des ministres de ses éternels et justes décrets?
C'est donc à ses remords que je le livre, et s'il en est susceptible, son âme doit être en proie aux serpents des Euménides.
Et à qui pourrai-je dénoncer aujourd'hui le criminel usage que le sieur Desmoulins fait dé sa plume? L'Assemblée nationale interrompt difficilement son ordre du jour, et la question préalable prononcerait, sans doute, qu'il n'y a lieu à délibérer.
Le Ghâtelet est menacé d'une destruction prochaine, et son greffe est soUs les torches des incendiaires, parce qu'il poursuit les attentats des 5 et 6 octobre; il ne recevrait assurément pas ma dénonciation, ce serait même abuser de sa position que de la lui présenter.
Lés autres tribunaux sont sans activité, le pouvoir exécutif est sans moyens.
Je dénonce donc l'auteur des Révolutions de France et du Brabant à tout Français sur qui l'honneur n'a pas encore perdu l'empire qu'il exerçait impérieusement autrefois sur cette nation généreuse, ét quelle que soit son opinion sur les principes et les événements actuels, il frémira sans doute.
L'extrait que j'ai fait de quelques morceaux criminels d'un ouvrage dont l'existence seule est un crime, parleront mieux que le ne pourrais le faire en faveur de ma dénonciation.
EXTRAITS.
Ne serait-ce pas un chef-d'œuvre qu'une Constitution qui aurait concilié la reconnaissance que la nation doit personnellement à Louis XVI, avec l'obligation imposée à lui et à ses successeurs d'être des Trajan et des Marc-Aurèle, à peine de déchéance, et de se voir condamné à rentrer dans la commune, sans que cela cause le moindre trouble, sans que ces découronnements, qui out fuit couler tant de fleuves de sang Ghez les autres peuples, paraissent sensibles; sans que l'état s'aperçoive de ce déménagement du Louvre?
(Extrait d'une note de l'auteur des Révolutions de France et du Brabant; pag. 548 de son n° 12.)
Bailly dit au roi : votre peuple, comme on dit à un maître : vos gens, votre livrée. Autre temps, autre style, M. Bailly ; vous avez dû voir que l'expression de mes sujets, qui se trouve une fois dans le discours du roi, avait déplu ; que ce n'est point la nation qui appartient au roi, c'est le roi qui appartient à la nation.
(JPage 558, du n° 12 des Révolu-lutions de France et du Bra-bant.)
Que Favras, allant au supplice, ne cesse de dire qu'il aimait le roi, qu'il meurt victime de son amour pour le roi, et d'entretenir la multitude de cette passion ridicule, je ne vois plus dans cet homme que scélératesse et hypocrisie.
(Page 13, du n° 14 des Révolutions de France et du Bra-bant.)
Mais pour en revenir à notre abbé Sieyès, je crus remarquer en lui ce caractère de tête et cette pâleur qui effrayait César dans Cassius et Cimber. J'étais ravi de lui voir ces traits d'un conjuré, et je le prenais pour un romain. Aujourd'hui, je vois bien que ce n'est qu'un chanoine de Chartres. Se peut-il qu'il ait proposé une pareille loi? (1).
Quelle différence dans les siècles et dans les hommes 1 Si vous étiez né à Rome, mon cher docteur, et que vous eussiez parlé des rois avec respect, vous auriez été pour le moins noté sur les tablettes du censeur ; vous auriez passé pour un citoyen indigne du nom d'homme, pour un homme de la seconde espèce, d'une espèce inférieure et servi le. On vous aurait regardé comme les colons regardent les noirs. Puisque les temps sont changés, je n'empêche, M. l'abbé, que vous parliez du princeavec vénération, mais, du moins, vous dirai-je comme Cicéron à Antoine : Il fallait ramper tout seul, embrasser tout seul les genoux de César, mais nous ne t'avions pas donné la mission de nous jeter avec toi à ses pieds ; certainement les électeurs de Paris et le café Pro-cope, qui s'est donné tant de mouvement, qui a tant péroré pour te faire nommer député, par reconnaissance de la brochure : « Qu est-ce que le tiers? v ne t'avait pas donné ce mandat « anobis populoque romano mandatum id certe, non ha-oebas. » Penses-tu donc aussi, comme Cazalès, que la France est une Constitution monarchique, et que le peuple ne pourrait pas la changer si tel était son plaisir, s'il croyait s'en trouver mieux?
(Pag. 137 et 138 du n° 16 des Révolutions de France et du Brabant.)
Les rois n'ont pas cessé d'être antropophages depuis Homère, remarque l'auteur d'une adresse à l'Assemblée nationale, dont nous avons recommandé la lecture dans notre n° 15 ; la royauté n'a fait, depuis Agamemnon, que prendre du ventre et un appétit démesuré, et on peut appliquer aux monarques ce que Tacite dit des ministres de
Vespasien, comparés à ceux d'Othon : « Plutôt d'autres hommes que d'autres mœurs. »
On lit dans Plutarque, que le roi Eumènes, étant venu à Rome, y reçut du sénat de grands honneurs. Les premiers de la ville lui donnaient à l'envi des témoignages d'estime et d'affection. Mais Caton, le censeur, dont la haine pour les rois était aussi forte que réfléchie, méprisait ce prince, et lorsque Eumènes venait lui faire sa cour, il lui faisait dire,par son portier,que M. n'y était pas, quoique Eumènes l'eût vu par sa croisée, ou bien il faisait attendre le roi de Bithinie dans son antichambre. Quelqu'un s'en étonna, et lui dit : Pourquoi fuir ainsi Eumènes? c'est un si bon roi et si fidèle ami des Romains 1 Cela peut être, répondit le fier républicain, mais moi je ne m'y fie pas, et ce que je sais, c'est qu'un roi est un animal qui se nourrit de chair humaine.
(Pag. 149 et 150 du n° 17 des Révolutions de France et du Brabant.)
C'est donc toi, ô Louis XVI ! restaurateur de la liberté française, roi d'un peuple lidre, roi honnête homme; c'est donc toi qui, sans prétexte et sans motifs et seulement pour te donner tout autre passe-temps que celui de la chasse, as conçu le projet de faire périr 600 mille citoyens par le fer et par le feu I C'est donc toi qui as conservé dans ton cœur, depuis le 15 juin jusqu'au 12 juillet, un projet dont aurait frémi Charles IX qui n'ordonna la Saint-Barthélemy que trompé par sa mère et par la maison de Lorraine, et Néron qui ne mit le feu à Rome que dans un moment d'ivresse. C'est donc toi qui as signé de ton propre mouvement l'ordre (ramener autour de Paris des régiments étrangers, un train immense d'artillerie, « des grils à chauffer les bou-lets,»e t de faire distribuerà ces troupes 1,450 mille cartouches, etc., etc. Et le jugement du Châtelet dit tout cela ; il substitue à ta couronne civique une couronne de serpents ! il te dénonce à ton peuple, à toute la terre, à toutes les générations, comme le plus cruel, le plus extravagant oes monstres qui ont porté la couronne, et ce jugement est affiché jusques sur les portes de ton palais.
(Ce morceau est tiré de la feuille du sieur Prud'homme, et a été inséré dans le n° 17 des Révolutions de France et du Brabant, p. 152 et 153.)
Les Lillois dissertent dans leurs clubs si l'Assemblée nationale continuera encore longtemps à méconnaître sa dignité, et à user dans ses décrets de cette formule servile que le roi sera supplié de sanctionner, comme si c'était au maître à supplier le serviteur.
(Page 160 du n° 17 des Révolutions de France et du Brabant.)
Pourquoi avoir dispensé le roi de la responsabilité ? n'était-ce pas assez de l'avoir déclaré inviolable? Pourquoi avoir dépouillé le pouvoir législatif du droit qui lui appartient de faire au moins des injonctions au pouvoir exécutif? Pourquoi ne vous être pas réservé le droit de le demander à la barre quand il aurait fait une sot-
tise ? Voyez comment Duplessis-Mornay gour-mandait Henri IV ! Hertes, ce que faisait Mornay, l'Assemblée nationale peut bien le faire. Quand le congrès de Franceaurait gourmandé Louis XVI, aurait gardé le droit de donner au prince par-ci
Sir-là quelques férules méritées,où serait le mal? ais vous avez trop souvent méconnu l'autorité, la dignité, la souveraineté du Corps législatif. Nous sommes dans l'enfance de la liberté. Espérons qu'à la prochaine législature elle sera parvenue à l'âge viril. (Pag. 248 et 249 du n° 19 des Révolutions de France et du Brabant.)
Le sieur Necker n'a pas craint de déclarer au comité des pensions que le roi trouvait mauvais que l'Assemblée nationale eût fait imprimer le livre rouge. Trouvait mauvais : Oh I nous trouvons bien plus mauvais qu'un genevois parle en termes si peu mesurés à l'Assemblée nationale -, qu'il parle ainsi au souverain au nom de celui qui n'est que le « premier sujet de la nation. » Oui, je le répète, « le premier sujet de la nation. »
(Page 335 du n° 21 des Révolutions de France et du Brabant.)
Puisque la bête est dans le piège, qu'on l'assomme.
(Cette épigraphe se trouve dans un n° de l'auteur des Révolutions de France et du Brabant, qui l'a réimprimé dans son n° 21, en disant à l'auteur de la feuille du Modérateur qu'il n'avait pas entendu l'appliquer au roi; mais il n'a pas dit à qui il en faisait l'application.)
L'auteur des Révolutions de Paris, en parlant de son n° 35, pages 10 et 11 du projet de Mucius Scevola contre le roi Porsenna, tient le langage suivant :
« Voilà, citoyens, le modèle que nous avons à suivre; si des princes étrangers menacent notre liberté, formons une société dont ce vertueux romain soit le patron; formons-la des plus vertueux et des plus intrépides jeunes gens des 83 départements. Qu'ils se rassemblent dans un lieu coiivenu pour jurer de mettre à mort (avec le secours du ciel) les ennemis, princes ou généraux qui viendraient troubler nos affaires domestiques et qui tenteraient d'asservir la nation! Que la nouvelle de ce serment glace d'épouvante tous les tyrans de la terre, et les enchaîne sur leurs trônes L... alors nous n'aurons plus à craindre les scènes qui vont se jouer entre les individus couronnés qui pèsent sur l'Europe ; alors, au lieu de verser le sang des soldats qu'ils enverront pour nous égorger, nous leur apprendrons la déclaration « des droits de l'homme et du citoyen. »
11 est temps que quelque homme libre, véritablement ami de Louis XVI, s'approche de lui et lui dise : Sire, la conduite de vos ministres calomnie votre attachement aux principes de la Révolution ; vous êtes venu au milieu de l'Assemblée nationale dire « que vous défendriez, que vous maintiendriez I a liberté constitutionnelle ; » et cependant vos ministres travaillent à la renverser : comme si, imitateur de la duplicité de
Henri IV (1) vous eussiez démenti dans votre intérieur vos discours publics : ou comme si, docile à suivre le plan tracé par le secrétaire des commandements de votre épouse, vos discours n'avaient d'autre objet que « de paraître content de votre position » d'être populaire, très affable, de filer ainsi quatre à cinq mois et d'exécuter ensuite ce qui devait avoir lieu lors du départ du maréchal de Broglie.
Sire, le plus grand malheur possible, après la dissolution de l'Assemblée nationale, ce serait que le peuple retombât dans la même perplexité où il était sur vos intentions, à l'époque du I2juillet.
Daignez réfléchir à une des dernières démarches que vous a suggérée un ministre dont la gestion actuelle justitie assez la répugnance que vous avez toujours eue, dit-on, à l'employer.
Vos ministres, vos généraux, vos courtisans, vous diront, Sire, que votre personne étant « inviolable et sacrée » vous ne courez aucun risque à tout entreprendre pour atteindre au despotisme. Ah I ce n'est pas à vous, roi honnête homme} qu'un pareil sophisme en imposera ! un roi qui attaque une Constitution abdique par le fait. La personne individuelle demeure inviolable, mais la'personne publique s'anéantit. Attaquer la Constitution et cesser d'être roi, n'est qu'un seul et même acte, parce que le pouvoir executif n'est institué que pour la Constitution et par la Constitution, et qu'en se retournant contre elle, il change sa nature, et cesse d'exister; cette abdication « virtuelle est le remède que la nature et la raison montrent aux peuples lorsque celui qui devait être le gardien des lois, en devient le détracteur. »
(Pages 10, 11 et 13 du n° 38 des Révolutions de Paris.)
Ces extraits sont pris au hasard; on n'a cherché à recueillir que ceux qui attaquaient directement le roi ou l'autorité royale ; on sait que les princes du sang sont encore moins épargnés par l'auteur : quant aux particuliers insultés, ce sont des hommes qui ont le droit de se venger ou de mépriser : mais la royauté est une chose dans un état monarchique.
Je n'ajouterai aucune réflexion: il est un genre d'indignation qu'on exprime difficilement, mais qu'on sent d'autant plus vivement qu'on est réduit à une impuissance plus réelle de Ja manifester.
mon roi 1 ô ma patrie I quels malheurs sont les vôtres! Unis d'intérêts, unis de l'affection la plus réelle et la plus nécessaire, ou cherche à vous séparer, on calomnie les intentions du meilleur des rois et celles d'un peuple fidèle, quoique égaré.
Puisse l'élan de mon indignation être une preuve de deux sentiments innés en moi et qu'aucune circonstance, qu'aucun événement
n'atténueront dans mon àme, mon dévouement à mon roi, et mon amour pour ma patrie.
Mirabeau le jeune.
N. R. Il sera déposé un exemplaire de cette dénonciation, signé de moi sur les bureaux de l'Assemblée nationale et de son comité des Recherches.
Rapport des comités réunis des finances, des impositions et des domaines, sur les apanages, par M. Enjubaultxmembre du comité des domaines.
Messieurs, l'Assemblée nationale, par un décret du mois d'octobre, a fixé provisoirement la dépense de la maison des princes, frères du roi ; et votre comité des finances, en mettant sous vos yeux le tableau raisonné de toutes les parties de ïa dépense publique, vous a proposé de rendre cette fixation définitive. Vous avez ajourné la question, et vous avez voulu, avant de prononcer, entendre votre comité des domaines, qui vous a annoncé depuis longtemps son travail sur les apanages. 11 s'est empressé d'exécuter vos ordres ; et pour se mettre d'autant plus en état de vous présenter un plan digne de vous et de son objet, il a demandé à se réunir à vos comités d'impositions et de finances. Ils se sont rendus l'un et l'autre à cette invitation. Quatre commissaires, tirés de chacun de ces comités, se sont assemblés plusieurs fois pour traiter ensemble ce sujet important, et je suis chargé par l'honorable commission de vous présenter le résultat de ces conférences.
Il n'est aucune partie de notre législation qui ait éprouvé d'aussi grands changements que celle qui a réglé le sort des enfants de nos rois sous les trois dynasties. Il n'en est aucune sur qui le progrès des lumières ait obtenu une influence aussi marquée. Dans les premiers temps de la monarchie, le droit d'aînesse, étranger aux lois barbares, était absolument inconnu. L'Empire se partageait en autant de souverainetés, à peu près indépendantes, que le dernier monarque avait laissé d'enfanis. Cette première division était suivie de divisions nouvelles dans les différentes branches ; et le royaume des Francs, réduit en portions infiniment petites, se serait bientôt anéanti, si la fortune, plus sage que la loi, n'avait fait naître des événements extraordinaires, propres à détruire l'effet de ces morcellements progressifs, en réunissant à plusieurs reprises tous les droits sur la même tête.
Sous les Capétiens, la souveraineté devint indivisible. Le fils aîné du monarque régnant fut associé à la couronne du vivant de son père, et les puînés n'eurent en partage que des provinces que le régime féodal subordonnait au chef de leur maison ; mais, si l'on en excepte les droits souvent éludés de la suzeraineté et l'obligation stérile de l'hommage, ils étaient vraiment souverains dans leur territoire, et la loi salique, sans application à cet égard, ne les empêchait pas de transmettre leur patrimoine aux filles. Il n'est personne de vous, Messieurs, qui ne se rappelle,
à ce sujet, la célèbre Mahaud d'Artois; et chacun sait que le comté de Dreux, donné en apanage en 1150 à Robert de France, quatrième fils de Louis-le-Gros, n'est rentré à la couronne que par l'achat qu'en fit Charles V, des fil h s de Jeanne de Dreux, arrière-petites filles de Robert. Nous ne citons ce dernier exemple que parce qu'il prouve tout à la fois que les H Iles pouvaient succéder,et que les apanagistes pouvaient vendre.
Louis VIII sentit le premier que ces démembrements multipliés, et dont l'effet était perpétuel, affaiblissaient la monarchie et qu'ils finiraient par l'anéantir. Il donna le premier exemple de l'apanage réversible à défaut d'hoirs. Cette heureuse innovation, adoptée par Philippe-le-Bel, fut perfectionnée par Philippe-le-Long ; et Charles V, qu'avant la Révolution nous appelions Charles le-Sage, en lit une loi de l'Etat.
Cette loi, inspirée par une sage politique, fut accueillie avec transport, et elle n'a reçu jusqu'ici que de légères modifications. Sans nous attacher à la lettre de ce règlement, nous en avons pénétré l'esprit; il a servi de base à nos discussions; et pour procéder avec ordre, et obtenir un résultat complet, nous avons envisagé séparément le passé et l'avenir. Nous avons distingué les concessions possibles et purement éventuelles, des concessions déjà existantes. Par cette méthode, la question principale s'est divisée d'elle-même en deux branches. La première nous a conduits à examiner si, sous le nouveau régime, il serait encore concédé des apanages réels ; la seconde, si on laisserait subsister les anciennes concessions.
La solution de la première partie de ce grand problème n'a éprouvé aucune difficulté; nous sommes unanimement'convenus des principes, et nous sommes arrivés de front aux mêmes conséquences*;
JNous avons tous reconnu que la nation, unissant irrévocablement à son domaine le patrimoine de ses rois, contractait, par cela même, l'obligation de fournir à leurs enfants puînés une subsistance proportionnée à l'éclat de leur rang et à la splendeur de leur origine; que, comme tout autre débiteur, elle avait le droit de s'acquitter de cette dette de la manière la plus convenable à ses intérêts, en leur abandonnant des jouissances foncières, ou bien en leur assignant des rentes annuelles §ur le Trésor public.
Ces principes adoptés, nous sommes encore tombés d'accord qu'un traitement pécuniaire devait, sous tous les rapports, obtenir la préférence : une foule de motifs, également puissants, semble devoir le jui assurer. Nous ne croyons pas pouvoir nous dispenser de vous en rendre compte, parce qu'ils sont indépendants des décrets qui Ordonnent laventedes biens domaniaux, et qu'ils doivent encore influer sur la solution de la seconde partie du problème. Autrefois les principaux revenus de la nation étaient tirés de ses domaines ; c'étaient surtout avec leurs produits que le monarque fournissait à ses dépenses personnelles, à celles de sa maison, et à l'entretien de ses enfants. Il était donc naturel, il était indispensable alors d'eu détacher une partie, lorsqu'ils se mariaient, pour fournir à leur subsistance et aux frais du nouvel établissement. Aujourd'hui les domaines ne forment qu'une très mince portion du revenu public. Cette faible | branche est même menacée d'une suppression | totale. C'est avec les impôts que la maison du monarque est, depuis longtemps, défrayée; ce
sont eux qui fourniront désormais à la liste oi» vile. C'est de la même source que doivent sortir les traitements annuels qui seront accordés à ses enfants.
La concession des apanages réels présente d'ailleurs des inconvénients capables de les faire à jamais proscrire. De grandes possessions territoriales sont toujours accompagnées d'une grande uissance; elles pourraient, dans des temps mal-eureux, favoriser l'ambition et conduire à une indépendance dangereuse. Les apanages réels coûtent beaucoup à la nation, et produisent peu à l'apanagiste. Ils coûtent à la nation qu'ils privent de la totalité du fonds concédé ; ils produi-duisent peu à l'apanagiste, parce que les frais de régie et d'administration absorbent pour lui la meilleure partie du produit.
S'il subsistait quelques doutes sur la préférence due au traitement pécuniaire, l'établissement de la liste civile suffirait pour les dissiper. 11 serait contre toutes les convenances d'accorder aux princes des jouissances foncières, tandis que le monarque, chef de leur maison, serait réduit à un simple traitement annuel ; il en résulterait un contraste choquant qu'une Constitution sage peutdifficilement admettre. L'uniformité des principes d'une bonne législation doit se communiquer à toutes leurs conséquences, qui n'en sont que des développements. Nous bornerons ici nos réflexiobs, parce que vous avez d'avanoe résolu le problème, en ordonnant la vente d'une portion considérable des domaines nationaux, en affranchissant les autres de l'ancienne loi de l'inalié-nabilité.
Du reste, vos comités ont pensé que tout ce que les lois anciennes avaient sagement établi pour les apanages réels, pouvait s'appliquer à la rente qu'ils vous proposent de leur substituer; ainsi celte rente apanagère sera payée exclusivement à l'aîné, chef de ta branche, sauf ies aliments dus à ses puînés. Elle s'éteindra d'elle-même avec la postérité masculine du prince, premier concessionnaire ; elle ne sera susceptible d'aucune hypothèque en faveur des créanciers de l'apanagiste, qui ne pourront se venger que sur les arrérages échus de son temps; Cet affranchissement ne souffrira qu'une exception en faveur de la veuve, pour son douaire viager seulement ; et encore cette exception sera bornée à la moitié de la rente ; l'autre moitié sera touchée par le successeur, franche et quitte dé toute dette.
Quelques membres des comités réunis ont eru voir dans cette transmission une substitution fidéi-commissaire, difficile à concilier avec les principes de notre Constitution. Ils n'ont pas fait attention que cette rente n'est point une propriété ; qu elle ne se transmet point à titre héréditaire; que le prince, qui la touche, la reçoit des mains de la nation et ne la tient que d'elle; qu'elle ne suit pas même l'ordre des successions; qu'en un mot, cette transmission, image de celle de la couronne, n'a rien de commun avec la substitution linéale.
Vos comités réunis n'ont pas cru devoir prendre sur eux de fixer la quotité des rentes apa-nagères qui seront concédées à l'avenir. Cette fixation éloignée et éventuelle doit porter sur des bases trop incertaines et trop variables. Elle dépend du degré de prospérité qu'atteindront un jour les finances nationales, de la quantité du numéraire que l'économie, les arts et le commerce doivent attirer dans cet Empire, de sa valeur I comparée au prix des denrées, du nombre même '
des princes qui seront alimentés par le Trésor publio ; elle tient enfin à une foule de circonstances qu'il ne nous a pas été donné de prévoir. En 1630 le produit des apanages fut porté à 200,000 liv. : cette somme, peut-être suffisante alors, serait aujourd'hui bien au-dessous des besoins réels. Ces motifs nous ont détermiués à nous en reposer sur les législatures qui seront alors ea activité.
La seconde branche du problème de droit pu-, blic, que vos comités réunis ont eu à résoudre, a souffert de plus grandes difficultés. Lorsque, sous Charles V, les apanages réels furent soumis par une loi précise, à une perpétuelle réversion, cette.innovation salutaire ne parut alors devoir opérer qu'une simple substitution, une espèce de majorat qui gênait la disposition, sans altérer la propriété. Les apanagistes continuèrent d'en exercer tous les droits; ils instituèrent comme auparavant, les officiers de justice; ils prirent les titres des seigneuries dont on leur avait abandonné la jouissance; ils firent et reçurent foi et hommage.
Ces usages se sont perpétués ; ils se sont transmis jusqu'à nous. On pourrait se laisser séduire par les apparences, et en conclure que les prin» ces apanages sont vraiment propriétaires. Gardons-nous d'adopter cette opinion visiblement erronée : le chef de la maison régnante, simple administrateur des domaines nationaux, n'a pu transmettre à ses puînés des droits plus étendus que les siens. Il n'a pu leur conférer une propriété qui ne résidait pas sur sa tête.'Ils sont, comme lui, réduits à une simple jouissance essentiellement précaire; ét la nation, dont les droits nè peuvent être altérés par des actes qui ne sont pas émanés d'elle, a conservé ces droits précieux dans toute leur plénitude.
La maxime que nous avons l'honneur de vous rappeler, n'est pas nouvelle. Chopin, l'un des remiers auteurs qui aient écrit sur le domaine, hopin qui vivait dans un siècle où le régime féodal n'avait pas perdu toute son énergie, où les lumières philosophiques dont nous jouissons ne brillaient pas encore ; eh bien I cet auteur, par la seule force de son génie, avait aperçu cette grande vérité, et avait eu le courage de la publier. Il dit positivement dans son Traité du Domaine lib. 2, tit. 3, n° 9, que l'apanage des enfants de France ne consiste plus qu'en une pension annuelle et pécuniaire, pour laquelle on délivre à l apanage une certaine quantité de fonds de terre, nummaria pensio pro quâ œstimati fundi prœstantur.
Ce passage connu et souvent cité, d'un de nos plus anciens publicistes, fournit une réponse vic« torieuse à toutes les objections qu'on nous prépare. La nation, obligée de fournir aux princes une subsistance convenable, a consenti qu'ils perçussent, par leurs mains, le traitement annuel qui leur est dû. Elle leur a assigné, par l'organe de son premier mandataire, des domaines réels dont elle leur a abandonné la jouissance : c'est une simple délégation, dont l'effet doit cesser, dès l'instant qu'elle se soumet à acquitter elle-même cette dette sacrée. Si cette délégation renfermait un contrat entre la nation et le prince apanagé, ce que nous sommes bien éloignés d admettre, ce serait une espèce d'antichrèse, ou, selon l'expression usitée dans quelques provinces, un mort-gage qui, par sa nature, ne forme qu'un titre prèoaire essentiellement résoluble; et, si le corps constituant avait besoin, dans ses réformes, d'invoquer la loi civile, nous pourrions
multiplier ici des citations dont il est jusle de vous épargner l'ennui. On pourra sans doute nous opposer des faits. Nous venons de citer nous-mêmes des exemples contraires ; mais d'anciennes erreurs ne forment pas des droits; et si, dans des siècles moins éclairés que le nôtre, la chose a été envisagée sous un autre point de vue, nous devons moins nous déterminer par ce que nos pères ont fait, que par ce qu'ils auraient dû faire.
Vous n'avez pas oublié, Messieurs, les principes qui nous ont conduits à la solution de la première branche de la grande question qui nous occupe. Ils trouvent encore ici une application bien naturelle. La modicité du produit actuel des domaines, la loi que nous nous sommes faite de les aliéner; les inconvénients, les dangers même de les abandonner à des mains privées, et, plus que tout cela, l'établissement de la liste civile qui ne peut compatir avec les apanages réels, toutes ces considérations réunies nous ont commandé ; elles nous ont forcé de vous en proposer la suppression actuelle.
Nous ne devons pas vous dissimuler, Messieurs, que l'opinion que vos comités réunis ont enfin adoptée, a éprouvé, dans leur sein même, de fortes contradictions. La matière est trop importante, pour que nous puissions nous dispenser de rappeler ici les principales objections que nous avons eu à combattre.
La première a été tirée du texte même de l'ordonnance de 1566, qui, en frappant d'une inalié-nabilité "absolue les domainés nationaux, en excepte le cas de l'apanage, et ajoute que les biens ainsi donnés retourneront à la couronne, en cas de décès de i'apanagiste sans hoirs mâles. Pour donner plus de force à l'objection, on a eu soin d'observer que ce règlement pouvait être considéré comme une loi nationale, parce que la nation l'avait elle-même proposée aux Etats d'Orléans en 1560, et l'avait confirmée aux Etats^ de Blois en 1576.
Nous avons répondu qu'en vertu de ce règlement, dont la légalité ne serait cependant pas au-dessus de toute critique, les concessions d'apanage pouvaient être considérées comme des litres réguliers, dans ce sens, que bs princes ne doivent aucun compte des fruits qu'ils ont perçus, quoiqu'ils aient excédé de beaucoup la rente annuelle qui leur avait été accordée; mais que ces concessions n'en etaient pas moins révocables, parce qu'elles ne renfermaient qu'une indication du mode de payement; indication qui n'a rien de synallagmatique et qui, par sa nature, doit cesser de subsister, dès que Ja nation juge à propos de s'acquitter d'une autre manière.
Il est inutile de vous faire remarquer, Messieurs, que, pour combattre cttte objection, nous l'avons présentée dans toute sa force, et que nous avons négligé, pour ia réfuter, une partie de nos avantages. 11 nous aurait été certainement bien facile de démontrer que, malgré la sagesse de ses dispositions, l'ordonnance de 1566 n'avait pas les caractères augustes qui constituent une loi vraiment nationale. Notre silence sur cette supposition gratuite ne doit au moins pas être pris pour un aveu. Nos moyens nous restent; nous vous avons laissé, Messieurs, le soin d'y suppléer.
A cette objection tirée des expressions mêmes delà loi, en a succédé une seconde qu'on a fait résulter de la nature de l'apanage. On a dit que c'était une véritable légitime : quelle représentait la portion héréditaire que la loi civile et le droit
naturel déféraient aux enfants de nos rois, dans ces domaines immenses que leur maison a réunis à la couronne, et qu'elle leur a, en quelque sorte, apportés en dot. Pour faire valoir cette objection, on a fait une longue liste des vastes possessions qui ont appartenu à Hugues Gapet et à ses descendants, et que leur union à la couronne a convertis en domaines nationaux. De ce détail, on a conclu que l'apanage de nos princes était bien inférieur à ce qui leur serait revenu à titre purement successif.
Pour détruire cette objection, il suffirait, sans doute, de répondre que nos rois meurent toujours sans patrimoine, puisque les lois de l'Etat confondent leurs biens particuliers avec ceux de la nation. Cette maxime vous est d'autant plus familière, que vous l'avez récemment décrétée : mais quand cette union légale n'aurait pas lieu; quand la loi politique, d'accord avec la loi civile, déférerait aux princes du sang français une part héréditaire dans les biens patrimoniaux de leur maison; le plus léger examen ferait connaître que, dans cette supposition même, les droits de la branche régnante seraient infiniment au-dessous de l'opinion qu'on s'en est formée. H -nri IV,chef de ia branche de Bourbon, est parvenu au trône à l'extinction de celle de Valois; mais comme il était successeur de Henri III, en vertu de l'ancienne loi salique, sans être son héritier dans l'ordre civil, il n'aurait eu aucune part dans les biens patrimoniaux de cette branche, si la loi politique ne les avait transformés en domaines nationaux. Un orateur l'a prouvé dans cette tribune, pour la Bretagne : on en peut dire autant de la Provence, de la Guyenne, du Bourbonnais, de la Marche, etc., et, en général, de toutes ces belles et nombreuses provinces dont le royaume s'est agrandi sous les règnes des Valois. En remontant plus haut, Philippe VI, chef de cette dernière branche, n'était pas lui-même héritier de Charles IV, son prédécesseur immédiat. Ainsi les Bourbon-Vendôme, qu'une foule de branches dont il existe des représentants, devançaient dans l'ordre de primogéniture et qui sont issus d'un des derniers rameaux de la descendance de Robert de Clermont, sixième fils de Louis IX, auraient été réduits par la loi commune à une portion infiniment petite de ce vaste héritage. C'est par les maisons d'Albret, de Foix, d'Alençon, de Vendôme, etc., que leur sont échus les biens que^possédait Henri IV, lorsque, de roi titulaire de Navarre, il est, pour le bonheur de l'Empire, devenu roi des Français. Quant à cette masse imposante de possessions territoriales que les Capets ont donnée à la France, elle se serait divisée à l'infini, et réduite en parcelles, si la loi de l'union domaniale, cette loi conservatrice, à qui la France doit sa puissance et sa splendeur, ne l'avait pas soustraite aux lois des successions ordinaires ; et le plus ancien des apanages aujourd'hui existants, surpasse de beaucoup la portion que les Bourbon-Vendôme auraient pu y prétendre, en y réunissant même, si l'on veut, les propriétés qu'ils doivent à leurs alliances particulières.
J'ajouterai, Messieurs, qu'il est des provinces données en apanage, et distraites au moins passagèrement du domaine national, dont les députés sont expressément chargés de réclamer contre cette distraction, qu'ils soutiennent être contraire â leurs droits et au texte des chartes par lesquelles ces provinces ont été réunies à la France. Le Poitou est dans ce cas ; j'en fais l'observation, parce que j'en ai été personnellement requis, et que j'ai la main à l'extrait des cahiers de cette
province qui en a imposé l'obligation à ses représentants; ce sera à eux de faire valoir leurs prétentions, aprè3 que l'Assemblée nationale aura exprimé son vœu sur la question générale.
Je finirai, Messieurs, cette trop longue discussion par quelques réfiexions simples, mais décisives, tirées cPun ouvrage distribué, au nom du comité des domaines, sous le titre d'Observations sur les apanages.
On y voit avec surprise que, quoique le produit net de chacun d'eux soit fixé parles édits de concession à 200,000 livres de rente, on a trouvé le secret d'élever, par des évaluations frauduleuses, le produit effectif des trois apanages réunis à plus de 6 millions; et ils sont répartis avec tant d'inégalité, qu'il en est un dont le revenu, pris séparément, excédeseul celui des deux autres. Parmi les produits partiels, dont la somme totale est formée, on trouve pour près de 2 millions d'impôts indirects, quoiqu'il soit généralement reconnu que des droits de cette nature ne sont ni cessibles ni commupicables, qu'ils cessent même d'être légitimes, dès qu'ils sont passés dans des mains privées. Enfin, ces observations nous apprennent que la meilleure partie du revenu des princes consiste en coupes de futaies, dont les unes sont annuelles et les autres extraordinaires : mais les ordonnances de 1566 et de 1579, que lès défenseurs des apanages réels ont citées avec tant de confiance, prononcent la nullité de ces sortes, de concessions, et défendent aux apanagistes de couper les bois de haute-futaie, et de toucher aux forêts. Les deux derniers édits de concession d'apanage ont eux-mêmes expressément réservé les bois et forêts, ou du moins ils n'ont permis aux concessionnaires d'en user que pour l'entretien et réparation des édifices etehâteaux de l'apanage. On sait combien cette clause limitative a été souvent enfreinte.
L'Assemblée nationale ne peut pas laisser subsister ces extensions abusives ; et si elle se déterminait à conserver les apanages réels, ils éprouveraient une telle réduction, que les princes se verraient forcés d'en solliciter eux-mêmes la suppression totale. C'est par toutes ces considérations réunies, que vos commissaires se sont accordés à vous proposer d'y substituer un traitement annuel assigné sur Je Trésor public.
Après avoir rendu cet hommage aux droits de la nation, vos commissaires se sont occupésà fixer la quotité du traitement annuel qui, sous le nom de rente apanagère, doit remplacer les apanages réq|s existants ; ils se sont bientôt réunis pour en déterminer les bases ; et c'est dans les titres mêmes des apanagistes, qu'ils ont cherché les données qui doivent être les éléments de cette opération. Ils ont reconnu qu'en 1630, un ministre habile avait élevé à 200,000 livres la valeur annuelle de l'apanage de Gaston de France, frère de Louis XIII. Cette clause limitative a été répétée par une sorte de routine, d'abord, en 1661 dans la concession d'apanage faite à Philippe de France, chef de la branche d'Orléans, ensuite en 1710 dans tes lettres accordées au duc de Berry, et récemment enfin dans celles obtenues par les deux frères du monarque régnant. Nous avons adopté cette base; et pour la déterminer avec justesse, vos comités réunis ont pensé qu'il fallait se reporter au temps où elle avait été primitivement établie. Nous nous sommes donc instruits de la valeur numérique du marc d'argent à cette première époque, et de son rapport arithmétique avec le prix du blé. En 1630, le marc d'argent se payait aux hôtels des monnaies 20 livres 4 sols 2 deniers, et il est aujour-
d'huià531ivres9sols2deniers.Ce premier rapport élève déjà beaucoup la somme primitive, et la-fait monter à 527,983 livres. Nous aurions cependant obtenu un moindre résultat, si nous avions pris pour base les prix respectifs de l'argent monnayé mis en circulation à ces deux époques ; parce que le bénéfice sur les monnaies a beaucoup varié, et que, dans ces temps reculés, le droit de seigneu-riage était bien plus fort qu'il ne l'est aujourd'hui.
A ce premier calcul nous en avons fait succéder un second tiré du prix respectif des denrées. Nous avons supposé, d'après M. Dupré deSaint-Maur(l), que, dans le dernier siècle, le setier de blé, mesure de Paris, avait toujours valu le tiers de ce qu'aurait produit le marc d'argent fin monnayé. Nous avons ensuite observé que, depuis environ 20 ans, des circonstances particulières avaient changé ce rapport, et qu'aujourd'hui le prix de la même quantité de blé excédait un peu les deux cinquièmes de celui du marc d'argent : cette seconde proportion a presque triplé la somme primitive et l'a élevée a près de 600,000 livres monnaie actuelle. Cette dernière somme procurerait aujourd'hui à peu près ia même quantité de blé qu'on aurait obtenue en 1630, avec200,000livres; et comme, sous ce rapport, l'argent n'a de valeur que parles jouissances dont il est la mesure, nous avons regardé ces deux sommes comme formant réellement une même quantité, sous deux dénominations différentes (2).
Après cette double évaluation qui n'a rien d'arbitraire, puisqu'elle est fondée sur de simpies calculs, se présentent d'autres considérations morales et politiques, qu'il vous est réservé d'apprécier. Elles se tirent d'abord des mœurs actuelles comparées à celles du siècle précédent, et de l'accroissement rapide du luxe. Vos commissaires ont pensé que l'espèce de faste asiatique dont les grands s'ênvironnaient autrefois, était plus imposant, mais moins dispendieux que la façon de vivre plus délicate et plus recherchée qui caractérise notre siècle, ils ont cru que, lorsqu'on avait fixé à 200,000 livres de valeur numérique le revenu des princes, on avait compté sur le bénéfice des évaluations qu'on savait devoir leur être favorable, et qui n ont jamais manqué de porter bien plus haut leur revenu réel. Enfin, ils n'ont pu se dissimuler que des revenus territoriaux profitent annuellement de l'augmentation progressive du prix numérique des denrées; et que, parla raison contraire, une rente fixe perd insensiblement de sa valeur relative. On ne peut douter que toutes ces considérations, et bien d'autres encore qu'il serait inutile de rappeler ici, ne soient entrées dans la fixation du revenu dont les princes vont être privés, et qu'il ne fût injuste de les écarter, en réglant la somme qui doit le remplacer. C'est à vous, Messieurs, à juger quel doit être Je résultat de ces considérations dont nous avons été frappés, et à décider jusqu'à quel point elles doivent influer sur vos calculs.
G'est après les avoir bien pesées, après avoir évalué,, par aperçu, le degré d'opulence dont jouissent en France de simples citoyens, que votre comité a cru devoir vous proposer de fixer à un million la rente apanagère qui, après la suppres-
8ion des grandes places, des pensions et des abus, sera désormais l'unique ressource des enfants de vos rois.
Vos commissaires doivent encore vous rappeler que le Luxembourg et le Palais-Royal font partie des apanages réels de Monsieur et de la branche d'Orléans. Ils ne peuvent se persuader que vous vous déterminiez à les envelopper dans la suppression projetée, ni même à réduire, en cette considération, la rente apanagère que vous allez fixer. Philippe-Charles de France, chef de la branche d'Artois, n'a point d'habitation à titre d'apanage; mais la nation a, dans le sein même de la capitale, tant de bâtiments vastes et somptueux à sa disposition, qu'elle peuteneore faire au frère d'un roi chéri ce nouveau sacrifice.
D'après ces considérations, vos commissaires réunis vous proposent le projet de décret suivant :
Projet de décret.
L'Assemblée nationale, considérant que les décrets qui ordonnent l'aliénation des portions les plus intéressantes du domaine public, sont sur le point de recevoir leur exécution ; que, danse** nouvel ordre de choses, il ne pourra plus être concédé à l'avenir d'apanages réels; que pour donner à ces décrets une plus ample exécution, et pour établir l'uniformité qui doit régner entre toutes les parties de la même administration, il est indispensable d'ordonner la suppression des apanages anciennement concédés; que cette suppression ne peut être injuste, puisque les concessions obtenues par les apanagistes, ne leur ont trausmis aucun droit de propriétaire, ni même d'usufruit; qu'elles ne contiennent qu'une simple cessiou de fruits, dont l'effet doit cesser, dès que la nation, toujours libre de choisir entre différents modes de paiement, préfère s'acquitter d'une autre manière ; considérant enfin, que la composition respective des apanages actuels est d'ailleurs vicieuse et illégale, en ce qu'elle a eu pour base des évaluations arbitraires et évidemment frauduleuses, et qu'on y a compris plusieurs branches de. revenu que leur nature et la disposition des luis ne permettaient pas d'y faire entrer; après avoir entendu ses comités des domaines, des finances et des impositions, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. Il ne sera concédé à l'avenir aucuns apanages réels;
les fils puînés de France seront élevés et entretenus aux dépens de la liste civile, jusqu'à
ce qu'ils se marient, ou qu'i s aient atteint l'âge de vingt-cinq ans accomplis : alors il
leur sera assigné, sur le Tré.-or national, des rentes apauagères, dont la quotité sera
déterminée, à chaque époque, par la législature en activité.
Art. 2. Toutes concessions d'apanages antérieures à ce jour sont et demeurent révoquées par le présent décret. Défenses sont faites aux princes apanagistes, à leurs ofliciers, agents ou régisseurs, de se maintenir ou continuer de s'immiscer dans la 'jouissance des biens et droits compris auxdites concessions, au delà des termes qui vont être fixés par les articles suivants.
Art. 3. La présente révocation aura son effet à l'instant même de la publication du présent décret, pour tous les droits ci-devant dits régaliens, ou qui participent de la nalure de l'impôt, comme droits d'aides et autres y joints; contrôle, insinuation, centième denier, droits de nomination
et de casualité des offices, amendes, confiscations greffes et sceaux, et tous autres droits semblables dont les concessionnaires jouissent à titre d'apanage, d'engagement, d'abonnement ou de concession gratuite, sur quelques objets ou territoires qu'ils les exercent.
Art. 4. Les droits utiles mentionnés dans l'article précédent seront, à l'instant même, réunis aux finances nationales, et dès lors ils seront administrés, régis et perçus selon leur nature, par les commis, agents et préposés de compagnies établies par l'administration actuelle, dans la même forme, et à la charge de la même comptabilité que ceux dont la perception, régie et administration leur est respectivement confiée.
Art. 5. Les apanagistes continueront de jouir des domaines et droits fonciers compris dans leurs apanages, jusqu'au mois de janvier 1791 ; ils pourront même faire couper et exploiter à leur profit, dans les délais ordinaires, les portions de bois et futaies dûment aménagées, et dont les coupes étaient affectées à l'année présente par leurs lettres de concession, et par les évaluations faites en conséquence; en se conformant par eux aux procès-verbaux d'aménagement, et aux ordonnances et règlementsintervenussurle faitdes eaux etforêts.
Art. 6. Il sera payé tous les ans, à partir du 1er janvier 1791, par ie Trésor national, à chacun des trois princes dont les apanages sont supprimés, tant à titre de remplacement que d'indemnité, si aucune leur est due, une rente apanagère d'un million pour chacun d'eux. '
Art. 7. Après le décès des princes apanagistes, les rentes apanagères, créées par le présent décret, ou en vertu d'icelui, seront payées à l'aîné, chef de la branche masculine, issue du premier concessionnaire, quitte de toutes charges, dettes ou hypothèques autres que le douaire viager dû aux veuves de leurs prédécesseurs, auquel ladite rente pourra être affectée jusqu'à concurrence de la moitié d'icelle, et ainsi de suite, d'aînés en aînés, jusqu'au cas prévu par l'article suivant.
Art. 8. A l'extinction de la postérité masculine du premier concessionnaire, la rente apanagère sera éteinte au profit du Trésor national, sans autre affectation que de la moitié d'icelle audit douaire viager tant qu'il aura cours, suivant la disposition de l'article précédent.
Art. 9. Les fils puînés de France et leurs enfants et descendants ne pourront, en aucun cas, rien prétendre ni réclamer à titre héréditaire dans l> s biens meubles ou immeubles réclamés par le roi, la reine et l'héritier présomptif de la couronne (1).
Art. 10. Les baux à ferme ou à loyer des domaines, et droits réels compris aux apanages supprimés, ayant une date antérieure de six mois au moins au présent décret, seront exécutés selon leur forme et teneur; mais les fermages et loyers seront payés à l'avenir aux trésoriers des districts de la situation des objets compris en iceux, déduction faite de ce qui sera dû à l'apanagiste sur l'année courante, d'après la disposition de l'article 5.
Art. 11. Les biens et objets non affermés seront régis et administrés comme les biens nationaux retirés des mains des ecclésiastiques.
Art. 12. Les décrets relatifs à la vente des biens
nationaux s'étendront et seront appliqués à ceux compris dans les apanages supprimés.
Art. 13. Le palais d'Orléans ou du Luxembourg et le Palais-Royal sont exceptés de la révocation d'apanage prononcée par le présent décret ; les deux princes auxquels la jouissance en a été concédée, et les aînés mâles, chefs de leurs postérités respectives, continueront d'en jouir au même titre et aux mêmes conditions que jusqu'à ce jour,
Art. 14. Il sera avisé aux moyens de fournir, quand les circonstances le permettront, une habitation convenable à Charles-Philippe de France, second frère du roi, pour lui et pour les aînés chefs de sa branche, qui en auront la jouissance au même titre d'apanage, à la charge de réversion au domaine national aux cas de droit (1). ~
Art. 15. Les acquisitions faites par les princes apanagistes dans 1 étendue des domaines dont ils avaient la jouissance, par retrait féodal ou cen-suel, confiscation, déshérence ou bâtardise, ou même à titre de réunion ou de retour au domaine moyennant finance, seront réputés engagements, et seront, à ce titre, perpétuellement rachetables.
Observations du comité des domaines sur les apanages des princes•
Le comité des domaines n'entrera pas dans le détail des différentes lois relatives aux apanages des princesni dansledéveloppement des principes sur cette matière. Il croit les avoir suffisamment établis par son rapport imprimé: il se bornera, en conséquence, à quelques observations sommaires, pour passer ensuite à l'état des biens de différentes espèces, qui composent les apanages des trois princes et à celui de leur produit.
Les apanages furent fixés, jusqu'en 1630, à 100,000 livres de revenu; celui de Gaston, frère de Louis XIII, formé en 1626, fut déterminé à cette somme comme les précédents; mais, par des lettres patentes du mois de janvier 1630, Louis XIII doubla cet apanage, et le porta à 200,000 livres]en joignant, à cet effet, le duché de Valois à celui d'Orléans, qu'il avait à ce titre.
Après la mort du roi, Gaston, lieutenant général du royaume en 1645, par autres lettres patentes, se fit accorder par supplément la baronnie d'Am-boise, avec ses appartenances et dépendances; enfin, par d'autres lettres patentes, il se fit encore donner, au même titre, les droits d'aides des
élections d'Orléans, Blois, Romorantin, Pilhiviers, Montargis et Chartres.
Il paraît q"ue c'est le premier exemple d'un abus aussi intolérable, que celui de disposer ainsi de l'impôt perçu sur les peuples, et uniquement destiné aux charges de l'Etat, pour en former les apanages; mais Gaston, qui le premier l'a introduit, avait profité de l'autorité que lui donnait sa place de lieutenant général du royaume, pour le faire; et au lieu de réformer cet abus, au moins h l'extinction de la ligne masculine de Gaston, on .l'a perpétué en ajoutant ces mêmes droits à l'apanage de Monsieur, frère de LouisXIV; en sorte qu'ils font encore aujourd'hui partie de l'apanage de M. d'Orléans, qui en jouit à ce titre.
Louis XIII avait, en outre, permis à Gaston, lors des premières concessions de fonds et droits pour former son apanage, de racheter, si bon lui semblait, à son profit, tous les domaines engagés dans l'étendue de ceux qui lui étaient abandonnés à titre d'apanage, à la charge de rembourser, en un seul et parfait paiement, les engagistes du montant des finances de leurs engagements.
La première traee d'un pardi droit accordé aux puînés des rois se trouve dans la déclaration de François Ier, du 26 mars 1543, donnée en faveur de Charles, duc d'Orléans, son fils, qui profita de la circonstance de la recherche ordonnée par le roi François Ier, de tous les domaines aliénés, afin de les réunir, pour obtenir la permission de faire cette recherche à son profit particulier dans son apanage.
Par cette déclaration de 1543, le roi François Ier accorda au duc d'Orléans, son fils, la faculté de retirer les domaines engagés, dans toute l'étendue de son apanage, pour lesdits domaines, y être réunis, et en jouir par lui et ses successeurs mâles; lequel apanage éteint et révolu, lesdits biens retirés retourneraient au domaine et à la couronne, en remboursant toutefois, par le roi, les héritiers du prince, qui, par la coutume et la loi du royaume, ne pouvaient succéder a l'apanage, du juste prix qui serait prouvé avoir été payé pour le rachat desdits domaines.
Depuis l'apanage de Gaston, cette permission a toujours été insérée dans tous les édits d'apanage; elle ne peut être néanmoins regardée comme faisant partie de leur essence; en sorte que les princes apanagistes ne peuvent jouir de cette espèce de biens réunis, comme de ceux de leurs apanages, mais comme en jouissaient les précédents engagistes, aux droits desquels ils succèdent seulement.
Ils ne peuvent, en conséquence, disposer des arbres sur taillis ni des baliveaux; cependant, par un abus manifeste, et sur le faux système que les fonds engagés, une fois réunis par le rachat à ceux de l'apanage, sont de même nature et doivent être regardés comme apanages, iU se permettent de couper la futaie, arbres et baliveaux sur taillis.
Il y a même plus : ils s'attribuent les droits seigneuriaux, réservés au roi par l'édit de 1771, parce qu'ils en jouissent dans leur apanage. Ils se dispensent du paiement des rentes d'engagement, qu'ils regardent comme amorties à leur protit, par la réunion qu'ils opèrent de l'objet engagé à cet apanage au moyen du rachat.
C'est ce qu'a fait M. d'Orléans, à l'égard du domaine engagé de Montcornet, pour lequel l'en-gagiste payait une rente de 1,000 livres en vertu de l'édit de 1771 ; M. d'Orléans s'est cru dispensé
de l'acquitter, et a perçu les droits seigneuriaux de cet engagement.
Dans les premiers temps, le produit de l'apanage n'était pas fixé : les rois assignaient des terres à leurs puînés, sans spécifier le revenu qu'ils entendaient leur accorder; c'est ce qui s'est fait par Louis VIII et par saint Louis. Philippe-le-Hardi fut le premier qui détermina le revenu dont il voulut que ses puînés jouissent, et le fixa à 10,000 livres.
Philippe-le-Bel suivit cet exemple, en portant néanmoins ce revenu à 12,000 livres. Philippe de Valois et Jean ne le fixèrent point; Charles V, par son ordonnance de 1375, rappela la fixation à 12,000 livres pour ses enfants nés et à naître. Ces fixations ont occasionné des demandes et réclamations en supplément, d'après les résultats des évaluations assez ordinairement arbitraires, et toujours fort au-dessous de la véritable valeur des fonds donnés en apanage; ce qui les fait porter beaucoup au-dessus de leur fixation, et dès lors dans le cas d'être réduits.
11 existe plusieurs exemples de ces réductions d'apanages. On voit que Charles V, de l'avis des grands du royaume, réduisit celui de Philippe d'Orléans, son oncle; que Louis, due d'Orléans, frère de Charles VI, profitant de l'état de faiblesse du roi, avait fait augmenter son apanage à différentes reprises ; mais qu'à son décès, arrivé en 1407, Charles VI réunit à la couronne ce qu'il s'était fait donner par supplément et accroissement. .
Les Etats de Tours, de 1468, représentèrent à Louis XI, qu'il ne pouvait donner Ja Normandie à son frère, et qu'il suffisait de l'apanager de 12,000 livres à titre de duché, et d'une pension annueiJe de 48,000 livres, observant, en outre, que ce qui serait fait ne devait tirer à conséquence.
Mais depuis, et par le dernier état, le revenu de3 apanages a été fixé à 200,000 livres outre une somme importante qui se paye annuellement au Trésor royal, qui paraît avoir .été déterminée à 3,500,000 pour le prince apanagé, réductible à 1,800,000 livres pour son fils et à 1,500,000 pour le petit-fils (1).
La fixation du revenu des apanages en terre donne lieu à des évaluations qui exigènt des opérations aussi longues que dispendieuses.
On met toujours en déduction, des charges idéales, et jusqu'aux plus légères réparations ;on atténue ainsi le revenu qu'on réduit presque à rien : de là une foule de demandes et de réclamations en supplément d'apanage et en indemnité, toujours accueillies favorablement au préjudice du roi et de l'Etat.
L'apanage de M. d'Orléans surtout, ceux des deux frères du roi, en fournissent des exemples bien sensibles.
Nous commencerons par celui de M. d'Orléans, comme le plus ancien.
Par édit de 1661, l'apanage de Monsieur, frère de Louis XIV, fut d'abord composé des duchés d'Orléans, de Valois, de Chartres et de la seigneurie de Montargis, avec le produit des aides de ces duchés et seigneuries, qui avaient été déjà donnés en supplément d'apanage à Gaston, par lettres patentes du mois d'août 1650, et qui n'auraient jamaisdû entrer dans la composition d'aucun apanage, ces. droits payés par le peuple n'étant de leur nature ni aliénables, ni cessibles, ni dans
le cas de pouvoir être, sous aucun prétexte, détournés de leur destination d'emploi à l'acquit des charges de l'Etat.
On partit de l'évaluation faite, dès 1626, lors de la formation de l'apanage de Gaston, pour faire celle du revenu de ces domaines, et il en résulta qu'il ne se portait qu'à 85,640 livres 16 sols et celui des aides à 60,384 livres 14 sols ; en sorte que, suivant ces évaluations non contredites, il restait ençore à fournir 53,974 livres 9 sols, pour parfaire les 200,000 livres à quoi devait se monter le revenu annuel de l'apanage, toutes charges déduites.
Ce fut pour former ce supplément que, par une déclaration du 24 avril 1672, leroiLouis XIV donna, à ce titre, à Monsieur, le duché de Nemours, les comtés deDourdan et Romorantin, les marquisats de Coucy et de Follembray, dont les revenus se trouvèrent monter, d'après l'évaluation, à environ 55,000 livres.
On donna ensuite, en 1692, à M. le duc d'Orléans le Palais-Royal, par augmentation d'apanage, et depuis, par lettres patentes du 28 janvier 1751, on y a réuni les domaines de Laon, Crépy et Noyon, tenus à titre d'engagements, que le prince avait été autorisé à retirer par arrêt du 26 juin 1750, en remboursant les finances des engagistes : on y ajouta enfin la totalité du comté de Soissons, dont la moitié engagée avait été retirée par feu M. le duc d'Orléans, l'autre moitié par lui acquise des directeurs des créanciers unis du prince de Gari-gnan ; le conseil de M. d'Orléans, par un mémoire fourni au comité des domaines sur son apanage, observe à cet égard que, par arrêt du 12 août 1749, le roi permit à- M. d'Orléans de rentrer dans l'engagement de la moitié du comté de Soissons, en remboursant les finances qui furent liquidées par autre arrétdu 30 décembre suivant,à 15,711 livres.
Que, par acte du 26 janvier 1750, il acquit des créanciers de Garignan la partie patrimoniale du même comté, moyennant 284,289 livres.
Que, par un autre arrêt du conseil du 21 avril précédent, M. d'Orléans fut subrogé à l'engagement des domaines deLaon, Grépy et Noyon, en remboursant les finances qui furent liquidées à 52,000 livres ; qu'enfin, par les lettres du 28 janvier 1751, le roi a accepté l'abandon offert par M. d'Orléans, de la moitié patrimoniale du comté de Soissons, pour demeurer unie et incorporée au domaine de la couronne et faire partie de son apanage, ainsi que l'autre moitié dudit comté et les domaines de Laon, Crépy et Noyon, dont il avait effectué le rachat et payé les finances.
Mais, en voulant présenter cet abandon comme un sacrifice fait par M; d'Orléans, on a oublié d'observer que, par un arrêt du conseil du 12 janvier 1751, antérieur de quelques jours aux lettres patentes de réunion et d'abandon, le roi avait accordé à M. d'Orléans la permission de couper et de vendre 798 arpents de futaie, de la forêt de Villers-Gotterets, pour être le prix de la vente employé à le rembourser du montant de celui de' l'acquisition par lui faite de la moitié patrimoniale du comté de Soissons, et des finances d'engagement, de l'autre moitié du comté, ainsi que des domaines de Laon, Crépy et Noyon.Ces 798 arpents de futaie avaient été estimés très modérément à 554,350 livres lOsols, par procès-verbal du 10 novembre 1750 (1). Le prix de la vente a dû être
au-dessus de cette estimation : M. d'Orléans a donc retiré de cette vente bien au delà de la somme de 352,000 livres à laquelle se sont montés et les finances des engagements et le prix de l'acquisition de la moitié patrimoniale du comté deSoissons, acquis des créanciers de Garignan.
Il en résulte donc que M. d'Orléans, loin d'avoir fait le plus léger sacrifice, non seulement a assez considérablement augmenté le fonds et les revenus de son apanage, aux frais du Trésor public et de l'Etat ; mais encore qu'il a retiré, et bien au delà, de quoi payer le prix de l'acquisition de la moitié patrimoniale au comté de Sois-sons, et le montant de ia finance des engagements, tant de l'autre moitié dudit comté, que des domaines de Laon, Grépy et Noyon.
Par le mémoire fourni par le conseil de M. d'Orléans sur les différents domaines qui composent son apanage, on parle beaucoup de dépenses faites et de sommes considérables employées, tantôt à réunir des domaines engagés, tantôt à faire des canaux ou constructions utiles, soit à faire des plantations, soit en général à améliorer les biens ; mais on ne dit pas que toutes ces sommes dépensées ont toujours été fournies par l'Etat ; qu'elles ont été et bien au delà remboursées par des ventes extraordinaires de futaies, successivement accordées aux princes de la maison d'Orléans, par différents arrêts du conseil ; en sorte que malgré une des clauses expresses des lettres patentes de formation et de constitution des apanages, portant que le roi n'accorde la jouissance des bois de haute-futaie aux princes apanagés que pour en user en bons pères de famille, et à la charge de n'en faire couper que pour l'entretien et les réparations des édifices et châteaux de l'apanage, on trouve le moyen de rendre cette claruse absolument illusoire, soit en intervertissant l'ordre des coupes, soit en changeant les aménagements, soit en confondant successivement les futaies dans les coupes et ventes ordinaires des taillis, soit enfin en obtenant, par des arrêts du conseil, des permissions de vendre par extraordinaire de ces futaies, dont partie dp prix, toujours beaucoup plus que suffisant pour taire face aux objets d'emploi proposés pour servir de motifs à la grâce demandée au roi, est employée à ces améliorations et augmentations, et l'autre partie tourne au profit particulier du prince apanagé, qui profite doublement au détriment de l'Etat, soit par l'augmentation de revenu de son apanage qu'il se procure, soit par l'excédant de prix dont il profite.
C'est ainsi que l'incendie de l'Opéra et de quelques parties du Palais Royal servit de motif à feu M. d'Orléans, pour obtenir une coupe extraordinaire de futaie dans la forêt de Villers-Cotterets.
En 1766, feu M. le duc d'Orléans, sur le fondement que les domaines de la Fère, Marie, Ham et Saint-Gobin, possédés par la duchesse de Ma-zarin, à titre d'engagenients, étaient un démembrement de celui ae Laon, ajoutés à son apanage avec ceux de Crépy, Noyon, et le comté de Sois-sons, par les lettres patentes de 1751, prétendit être en droit d'exercer la faculté de rachat de ces domaines, pour être réunis et incorporés à cet apanage.
Il paraît que cette préten tion donna lieu à une
contestation qui fut portée au parlement de Paris, où iljintervint un arrêt, le 3 septembre 1766, qui condamna la duchesse de Mazarin à délaisser à M. d'Orléans, les domaines de la Fère, Marie et Saint-Gobin, pour être unis et incorporés à l'apanage, à la charge, par le prince, de payer et rembourser à Mme de Mazarin les finances d'engagements liquidées à la somme de 575,960 livres.
Il parait qu'outre cette somme, Mmô de Mazarin réclama le remboursement de prétendues impenses et améliorations, montant à 625,000 livres, qu'elle n'était pas dans le cas ni fondée à prétendre, mais que par des arrangements particuliers, M. d'Orléans lui a payées, en outre des 575,960 livres de finances liquidées.
On observe, dans le mémoire de M. d'Orléans, que par la réunion à son apanage des domaines de la Fère, Marie, Ham et Saint-Gobin, le roi se trouvant privé des baliveaux qui lui appartenaient dans les bois de ces terres engagées, dont les engagistes n'avaient pas le droit de jouir, mais qui entrent, au contraire, dans la jouissance des apanagistes, le feu duc d'Orléans, son père, offrit à Sa Majesté, par forme de compensation et d'indemnité, de renoncer à toutes répétitions et remboursements de finances d'engagements pour ses descendants, en cas d'extinction de la ligne masculine, et de consentir aussi à la réunion au domaine de la couronne, !de l'hôtel Duplessis Ghâ-tillon, sis à Paris, rue des Bons-Enfants, i et du canal d'Ourq, à condition que ces objets resteraient également unis à l'apanage! On ajoute que ces offres furent acceptées, et le tout confirmé par lettres patentes du 7 décembre 1766.
Mais lorsque les offres de M. d'Orléans furent faites, il avait demandé de quoi l'indemniser de la valeur de ce qu'il offrait, et avant que ces mêmes offres furent consolidées par leur acceptation consignée dans les lettres patentes du 7 décembre 1766, il avait obtenu, par un arrêt du conseil, du 2 du même mois de décembre, tout ce qu'il avait réclamé.
En effet, par sa requête, sur laquelle cet arrêt était intervenu, il avait exposé à Sa Majesté que les coupes extraordinaires qu'elle avait bien voulu lui accorder dans la forêt de Villers-Cotterets et le prix de la vente qu'il avait faite des futaies n'avaient pas suffi pour faire face aux dépenses des réparations et augmentations faites au Palais-Royal; qu'il avait besoin de nouveaux secours qu'il pourrait trouver dans la coupe et vente en plusieurs années, de la futaie du parc de la Fère, de celle de la forêt de Saint-Gobin, ainsi que des lisières, bordures et avenues, qu'il espérait des bontés de Sa Majesté, qu'elle voudrait bien les lui accorder.
Le prix provenu de la vente de ces futaies importantes, accordées à M. d'Orléans par l'arrêt du conseil du 2 décembre 1766, paraît lui avoir procuré des sommes considérables, qui l'ont bien amplement rempli et dédommagé : 1° des 1,200,000 livres qu'il avait payées à la duchesse de Mazarin ; 2° de la propriété de l'hôtel Du-plessis-GhâtilIon; 3°dejcelledu canal d'Ourq; et, enfin, des dépenses qui pouvaient avoir été faites au Palais-Royal, pour raison desquelles il avait déjà obtenu, comme on l'a vu ci-dessus, des coupes extraordinaires de futaies considérables de la forêt de Villers-Cotterets.
Les biens qui composent actuellement l'apanage de M. d'Orléans sont principalement en bois, tant de haute-futaie, de l'âge ae 150 ans, divisés en coupes réglées de 150 arpents chacune, qu'en taillis également aménagés.
Ils consistent, suirant l'état qui a été.fourni par le con-eil du prince: 1° dans la forêt d'Orléans, qui contient en totalité, d'après cet élat, 97,738 arp. 58 perch., qui se distinguent et se divisent ensuite en deux espèces; la première, des bois du domaine, dépendant de l'apanage, de quarante-huit mille neuf cent cinquante-six arp. quatre-vingt perch., ci. 48,956 arp. 80 pei\
Et la seconde de ceux des bois possédés par les gens de mainmorte, et par les particuliers, de 48,781 arpents 78 perches qui sont tenus et possédés par eux en gruerie ; savoir : pourles uns, à raison de moitié du prix ; et il y en a de celte classe, quarante-quatre mille neuf cent-vingt arpents soixante-quinze perches,
ci....... 44,920 a. 75 p. \
Et, pour le sur- j
plus , de trois I
mille huit cent \ _ft
soixante-un ar. ( 48>781 78
trois per. à rai- î
son de deux tiers J
du prix, ci. . . 3,861a. 3 p.
Résumé.
Bois du Roi, 48,956arp. 80 per. Bois en gruerie, 48,781 ar. 78 per. Total des bois .: 97,738 arp. 58 perc.— Coupe annuelle : Bois du roi, 1,200 arp. Bois en gruerie, 1,900 arp. Total : 3,100 arp. — Produit annuel : Bois du roi, 360,000 liv. Bois en gruerie, 180,000 liv. Total : 540,000 liv.
2° Dans la forêt de Beau-gency, de 6,833 arp.91 per.; savoir : 1,485 arpents de bois domaniaux, et 5,348 arp. 91 per. de bois tenus en gruerie, à raison du cinquième du prix des ventes que donnent les possesseurs de ces bois,ci. ..... 6,833 91
Résumé.
Les bois du roi montent à 1,485 arp. Ceux en gruerie, à .5,348 arp. 91 perch. Total des bois : 6,833 arp. 91 perch. — Coupe annuelle : Les bois du roi montent à 30 arp. — Produit annuel : les bois du roi montent à 16,000 livres. Ceux en gruerie 8,000 liv. Totaux : 24,000 livres.
3* Dans la forêt de Montargis, contenant 8,752 arp. dont 8,157 en bois du domaine, ci. 8,157 ar. \ Et 595 arp. tenus en I
gruerie, à raison de > 8,752 »
moitié du prix des 1
ventes, ci . . . . . . 595 /
Résumé.
Les bois du roi, 8,157 arp. Bois en gruerie, 595 arp. Total des bois : 8,752 arp. Coupe annuelle : les bois du roi, 217 ar. Bois en gruerie, 25 arp. Total ; 243 arp. Produit annuel : les bois du roi, 160,008 livres. Bois en gruerie, 4,400 livres. Total : 164,400 livres.
Report..... 113,324 arp. 49 per.
4° Dans la forêt de Bruadan, dépendant du domaine de Ro-morantin, de la contenance de 4,379 arp. 10 per., dont 2,405 en futaie, èt 1,126 en taillis, et 848 arp. 10 perches en landes, bruyères et étangs ; ci, en totalité.............. 4,379 10
Résumé.
Bois de futaie, 2,405arp. Bois taillis, 1,126 arp. Landes et bruyères, 848 arp. 10 per. Total des bois : 4,379 arp. 10 per. Coupes annuelles, 45 arp. Produit annuel, 12,000 livres.
5» Dans la forêt de Dourdan, contenant 2,958 arp. en demi-futaie, ci. . ......... 2,958 »
Résumé.
Total des bois, 2,958 arpents. Coupes annuelles, 80 arp. Produit annuel, 37,000 liv.
6° Dans celle de Villers-Cotte-rets, contenant 25,265 arp. 42 p., dont 21,752 arp. 10 per. en futaie aménagée à 150 arp., coupes annuelles de l'âge de 150 ans, et 3,513 arp. 32 perc., en taillis qui se coupent à 30 ans, et qui sont divisés en 30 coupes de 100 et quelques arpents chacune; ci, en totalité ......... 25,265 42
Résumé.
Futaie, 21,752 arp. 10 perch. Taillis, 3,513 arp. 32 p. Total des bois : 25,265 arp. 42 perch. Coupes annuelles : Futaie, 150 arp. Taillis, 100 arp. Total,250. Produit annuel : Futaie, 420,000 fit. Taillis, 90,000. Total, 510,000.
7° Dans Ija forêt de Laigne, de 6,479 arpents de bois taillis, en un seul massif aménagé à 300 arp. par coupe de 22 ans, ci ... . 6,476 »
Résumé.
Quantité de bois-, 6,476 arp. Coupes annuelles, 300 arp. Produit annuel, 114,000 liv.
8° Dans la forêt de Goucy, de 7,020 arp., dont 2,500 en futaie, 3,600 en taillis, et 820 en cinq parties détachées, total, ci . . . 7,020 »
Résumé.
Quantité de bois : Haute forêt en futaie, 2,500 arp. Taillis de la basse forêt, 3,600 arp. Taillis des buissons, 820. Total, 7,020 arp. Coupes annuelles : Haute foret en futaie, 21 arp. Taillis de la basse forêt, 120 arp. Taille des buissons, 41 arp. Total, 182.Produit annuel : Haute forêt en fu-
A reporter...... 113,324 arp. 49 per.
A reporter..........159,423 arp. 1 per.
Report..... 159,423 arp. 1 per.
taie, 30,000liv. Taillis de la basse Jorêt, 60,000 liv. Taillis des buissons , 9,000 livres. Total, 99,000 livres.
9° Dans les bois de la Fère, Marie et Saint-Gobain, contenant S,300arp. en plusieurs parties très divisées, et dont le massif le plus considérable est la forêt de Saint-Gobin, de 5,295 arp., tant en futaie que taillis, divisés en 25 coupes
A reporter..... 159,423 arp. 1 per.
Report..... 159,423 arp. 1 per.
et le surplus en différents cantons, ci............. 8,300 »
Quantité de bois : Forêt de Saint-Gobin, 5,295 arp. Parties détachées, 1,755 arp. Parc de la Fère, 50 arp. Bois de Marie, 1,200. Total, 8,300. Produit annuel: Forêt de Saint-Gobin, 100,000 liv. Parties détachées, 30,000 liv. Parc do laFère, 1,000. Bois de Marie, 24,000. Total, 155,000. ___
Total......... 167,723 arp, 1 per.
Récapitulation.
RECAPITULATION GENERALE.
NOMBRE D'ARPENTS. TOTAL PRODUIT ANNUEL PRODUIT DES BOIS PRODUIT DES BOIS TOTAL GÉNÉRAL du produit annuel en futaie TOTAL GÉNÉRAL du produit des bois, tant en futaie que taillis en coupes ordinaires et annuelles, d'après les renseignements pris par le comité des domaines.
NOMS DES FORÊTS. EN FUTAIE. EN TAILLIS. EN GRUERIE le droit perceptible aux deux tiers. EN GRUERIE, le droit à moitié. EN GRUERIE] le droit pour un cinquième. LANDES et RRUYÈRES. GÉNÉRAL des bois. des ventes de bois du domaine, en futaie et taillis. en Gruerie, assujettis au droit de moitié du prix. en Gruerie, assujettis au cinquième du prix. et taillis en coupes ordinaires et annuelles, suivant les états fournis au comité par l'administration des finances du prince. OBSERVATIONS.
Arp. Per. Arp. Per. Arp. Per. Arp. Per. Arp. Per. Arp, Per. Arp. Per. livres. livres. livres. livres. liv. s. d.
Orléans............ 48,956 80 1,485 » 8,157 » 1,126 » 3,861 3 44,920 75 97,788 58 6,833 91 8,752 » 4,379 10 360,000 16,000 160,000 12,000 180,000 540,000 835,413 1 2 Suivant l'état des
Beaugency......... 5,348 91 8,000 24,000 24,440 13 8 ventes de 1789. Idem.
Montargis.......... 595 » 4,400 164,400 181,959 10 6 Idem.
Forêt de Bruadan,j 2,405 » 848 10 12,000 12,000 » » Idem.
Romorantin........
2,958 » 3,513 32 6,476 » 4,420 » 2,958 » 25,265 42 6,476 » 7,000 » 37,000 510,000 114,000 99,000 37,000 43,960 » 5 Idem.
Villers-Cotterets... 21,752 10 510,000 510,975 16 6 Une année commune
114,000 114,212 10 » des dix dernières. Idem.
2,500 » 99,000 100,987 12 » Une année commune
La Fère......... des seize dernières.
8,300 » 8,300 » 155,000 155,000 155,000 » » Une année commune
des trente dernières.
26,657 10 85,392 10 3,861 3 45,515 75 5,348 91 848 10 167,703 1 1,463,000* 184,400 8,000 1.655,400 1,978,949 4 3 * Le produit de la futaie est de 450,000 livres.
t£>
II résulte des différents états ci-dessus, des bois dépendants de l'apanage de M. d'Orléans,et des renseignements particuliers que le comité des domaines s'est procurés, tant des grands maîtres, des officiers des maîtrises dans le ressort desquelles ces bois sont situés, que de l'administration, que la quantité d'arpents est, à très peu de chose près, la même que celle donnée par l'administration des finances du prince ; mais il y a de la différence, au moins dans le produit annuel, qui n'est porté, en totalité, qu'à 1,655,400 livres, tandis que d'après le relevé des procès-verbaux de ventes, tant d'une année commune des dix dernières pour une partie, que des années 1789 et 1790 pour l'autre, il paraît que ces ventes ont produit un million neuf cent soixante-dix-huit mille neuf cent quarante-neuf livres quatre sols trois deniers, ci........ 1,978,949 1. 4 s. 3 d.
Le comité des domaines croit devoir observer que, dans les états de produits qui ont été fournis par l'administration du prince, le montant annuel des ventes des chablis, particulièrement des forêts en futaie, telles que celles de Villers-Gotterets, Coucy et Saint-Gobin, ne s'y trouve pas compris.
Le comité n'a pu se procurer des renseignements bien positifs sur le produit exact et annuel des ventes de ces chablis; il a seulement vu que,dans la seule forêt de Villers-Gotterets, ce produit s'est porté, dans une seule année^ plus de80,000 livres; il a cru, d'après cela, pouvoir le tirer en recette annuelle pourune somme de cent vingt mille livres, sans qu'on pût lui faire le reproche d'avoir forcé cet article, ci..../...... 120,000 »>
Il n'a également pas été fait mention du produit des amendes, restitutions et confiscations prononcées en faveur de l'apanagiste,danslesdifférents sièges des maîtrises de l'apanage; ce produit annuel ne peut être moindre de quinze à vingt mille livres: on ne le portera ici en recette que pour la première sommedequinze mille livres, ci......... 15,000 » »
Ainsi, sans parler des ventes ex traordinaires qui ont été faites à différentes époques, en vertu d'arrêts du conseil, et dont le prix a monté à des sommes considérables, il résulte des états de produit ci-dessus, que le revenu annuel des bois de l'apanage, doit être porté à la
somme de 2,113,949 livres 4 sols 3 deniers, au lieu decelle de 1,655,4001. portée dans ceux fournis par l'administration des finances de M. d'Orléans,, ci.....................2,113,949 1. 4 s. 3 d.
Ce qui forme une différence de 478,549 livres 4 sols 3 deniers.
Le comité des domaines n'ayant pu se procurer d'états et renseignements sur le produit des autres biens fonds dépendants de l'apanage, ni sur les rentes, redevances et autres droits tant fixes que casuels, de ce même apanage, il a cru devoir s'en rapporter à l'étal qui lui a été remis par l'administration des finances du prince, dans lequel ce produit annuel est porté à la somme de 3,210,875 livres; mais comme il paraît que celui des bois de 1,655,400 livres s'y trouve compris, il est à propos de le distraire; ainsi, le revenu des autres biens sera tiré seulement pour un million cinq cent cinquante-cinq mille quatre cent soixante-quinze livres, ci, 1,555,475 livres.
Le même état de produit général, brut, remis au comité par l'administration de M. d'Orléans, ne porte le revenu annuel des droits d'aides, courtiers, jaugeurs, inspecteurs aux boissons et boucheries, droit de 4 sols pour livre sur les ventes de meubles, sols pour livres, droit de contrôle, insinuation, centième denier, et autres impôts qu'on qualifie de droits régaliens, tenus par M. d'Orléans tant à titre d'apanage, supplément d'apanage que par abonnements, tant dans ses domaines d'apanage que patrimoniaux, qu'à une somme totale de 1,654,881 livres : mais d'après les différents renseignements que le comité des domaines est venu à bout de se procurer, et par la comparaison du produit des 4 sols pour livre avec celui des droits principaux, il a reconnu qu'il y avait des erreurs ou omissions dans l'état fourni de la part du prince, et que la recette totale devait se monter à la somme de 5,755,561 livres au lieu de celle de 4,965,901 livres, pour laquelle elle se trouve seulement comprise dans cet état.
Le produit des sols pour livre des droits d'aides est, en effet, porté en recette pour 243,169 livres, ce qui donne un principal de 810,560 livres, et cependant il n'est énoncé dans l'état d'apanage, que pour 526,370 livres, il y a donc dès lors erreur ou omission sur cet article de 284,190 livres.
La perception faite pour le compte du roi, par l'administration, des 4 sols pour livre réservés sur les droits de contrôle et d'insinuation, monte, année commune, à 90,930 livres ; il en résulte que le produit des droits, en principal, doit être de 454,650 livres ; cependant ce produit n'est porté dans l'état fourni par l'administration du prince, que pour 415,879 livres, ce qui opère encore une erreur ou omission de 38,771 livres; les droits de greffe, en principaux, se trouvent omis, il résulte néanmoins de l'article de recette des 8 sols pour livres de ces droits, que le principal doit être de 123,680 livres, qu'il faut rétablir dans l'état de produit.
Tous ces différents droits, qui, comme impôts perçus sur les peuples, ne devaient jamais être, sous aucun prétexte et pour quelque cause que ce fût, distraits et divertis dé leur véritable emploi, de leur unique destination à l'acquit des charges de l'Etat, ont, par un abus manifeste d'autorité, successivement été accordés, d'abord en
principaux, soit à titre d'apanage et de supplément, soit, quant aux accessoires et droits additionnels, par des abonnements on ne peut plus modiques, surpris à la bonté et à la faiblesse du monarque, au préjudice de l'Etat, dont le cri a toujours été étouffé par le crédit et la faveur.
Nous avons observé que les lettres patentes du mois d'août 1650, rendues en faveur de Gaston, fournissent le premier exemple d'impôts donnés en supplément d'apanage; il obtint à ce titre les droits d'aides des duchés d'Orléans, de Valois, de Chartres et de la seigneurie de Montargis.
L'édit de 1661 les comprit dans l'apanage de Monsieur, frère de Louis XIV.
Le roi ayant depuis ordonné, par édit de décembre 1663, que la moitié des octrois appartenant aux villes, serait levée à son profit,et ayant, par autre édit de 1689, créé et établi les droits de jauge et courtage, tous ces droits furent accordés à la maison d'Orléans, sur le prétexte que leur perception par différents fermiers, donnait lieu a des difficultés, au moyen de la cession que fit M. d'Orléans, des droits d'aides de Montargis. Le traité fut homologué par arrêt du eonseil du 19 décembre suivant.
11 fut ensuite créé, par édit du mois de mars 1693, des offices de contrôleur des actes, avec attributions de droits. M. d'Orléans fit l'acquisition de ces offices dans la vicomté d'Auge, généralité de Rouen, et dans le, comté de Mortaing, généralité de Caen, moyennant48,333 livres, dont il lui fut expédié une quittance de finance, le 22 décembre 1696.
Par édit du mois de janvier 1698, les offices de contrôleur des actes furent supprimés, et leurs droits réunis au domaine. Il fut ordonné que les acquéreurè de ces offices seraient remboursés.
Monsieur demanda à être excepté de la réunion ; ce qui lui fut accordé par arrêt du conseil du 21 juillet 1699.
Par édit de décembre 1703 et de janvier 1704, le roi créa des offices de greffiers des insinuations, de contrôleurs et visiteurs des poids et mesures dans toute l'étendue du royaume.
M. le duc d'Orléans, par déclaration du 7 juin 1704, fut admis à acquérir tous ces offices, tant dans son apanage que dans ses terres patrimoniales et d'engagements, avec faculté de les vendre ou de les faire exercer par commission, en payant une somme de 180,000 livres entre les mains du trésorier des parties casuelies.
Les offices de contrôleur des actes, de greffiers des insinuations et autres offices, ayant été supprimés, et le roi, par sa déclaration du 19 septembre 1722, ayant révoqué toutes les aliénations des droits de contrôle des actes et des insinuations, excepta, par un arrêt du conseil, du 26 janvier 1723, celles faites à M. le duc d'Orléans, alors régent, à la charge de compter au roi des 4 suis pour livres établis en sus desdits droits.
Le roi, ayant jugé à propos, par sa déclaration du 15 mai 1772, de rétablir les droits d'inspecteurs aux boissons et aux boucheries, ainsi que ceux de courtiers, jaugeurs, voulut bien les céder à M. le duc d'Orléans, par arrêt de son conseil des 29 du même mois de mai 1722 et 26 janvier 1723, pour en faire faire la perception à son profit, avec les droits d'aides dans les élections d'Orléans et de Pithiviers, dépendant de son apanage, en payant annuellement la somme de 29,333 livres 6 s. 8 d. d'abonnement.
11 a été depuis établi successivement, par différents édits des années 1760, 1763 et 1771, des
droits additionnels en sols pour livres du produit des droits principaux d aides, d'inspecteurs aux boissons et aux boucheries, de courtiers, jaugeurs, de contrôle des actes, insinuation, centième denier, petit scel et autres.
Ces droits additionnels ont encore été cédés à M. le duc d'Orléans, à titre d'abonnement, par arrêts du conseil, des 18 mars 1760, 3 avril 1764 et 9 mai 1775.
Le dernier de ces arrêts rappelle tous les différents abonnements accordés jusqu'à sa date, à la maison d'Orléans, et en fixe le montant total à la somme de 238,135 livres 9 sols 8 deniers, en distinguant chaque espèce d'impôts sur lesquels ils doivent porter.
Le roi ayant enfin, par édit du mois d'août
1781, établi de nouveaux sols pour livres sur les droits d'aides, de courtiers, jaugeurs, d'inspecteurs aux boissons et aux boucheries,faisant tous partie de la régie générale, et sur les droits d'insinuation, de centième denier, de contrôle des actes et de petit scel, dépendant de l'administration du domaine. M. le duc d'Orléans a demandé et obtenu, par arrêt du conseil du 30 janvier
1782, la permission de faire percevoir ces nouveaux sols pour livres à son profit dans toute l'étendue de ses terres tenues par engagement, et des patrimoniales.
C'est à tous ces différents titres dont on vient de rendre compte, que M. d'Orléans jouit de tous les droits, impots ci-dessus énoncés.
Il est prouvé, par le produit annuel des sols pour livres, que les droits d'aides produisent annuellement, en principaux, plus de800,000 livres; il est également démontré, par le montant de celui des 4 sols pour livres, réservés et versés à la caisse de l'administration des domaines, que le principal de ceux tle contrôle, insinuation et centième denier, perçus au profit de M. le duc d'Orléans, se monte annuellement à plus de 450,000 livres, et la finance de l'engagement de ces droits, n'est que de 148,333 livres.
Enfin, les six sols pour livres de ces mêmes droits, produisent annuellement plus de 130,000 livres, et le prix annuel de l'abonnement n'est que de 72,242 livres. On ne peut, dès lors, se dissimuler que l'Etat éprouve une perte considérable de l'exécution de traités aussi onéreux, qui ont distrait ces parties de, l'impôt des revenus de l'Etat et de leur destination particulière et spéciale à l'acquit de ses charges.
Le comité va présenter ici, d'un côté,le tableau des produits des droits d'aides et autres impôts, tant principaux qu'accessoires, dont jouit la maison d'Orléans, tel qu'il lui a été remis par l'administration des finances du prince, et de l'autre, celui qu'il a cru devoir former d'après les différents renseignements qu'il s'est procurés sur la perception de ces mêmes droits ; la comparaison de l'un et de l'autre fera connaître les erreurs et omissions qui se sont glissées dans le tableau des produits, présenté au comité, et la différence qui existe dans ces produits.
Il résulte des différents articles des impôts détaillés dans les tableaux ci-joints, que leur produit annuel est de 1,979:,192 livres, au lieu de 1,654,881 livres, ci... 1,919,192 livres.
Voyez le Tableau ci-joinL
On porte enfin en recette, dans l'état de produit de l'apanage de M. le duc d'Orléans, le revenu casuel des offices, qui consiste d'après l'édit d'évaluation de 1771, et dans le droit de centième denier, et dans celui de mutation : on eu a formé une année commune de 94,145 livres.
Le comité des domaines croit donc devoir observer à cet égard que, dans les différents édita et lettres patentes de formation et de constitution d'apanage, qui ont eu lieu depuis deux cents ans, les rois se sont toujours réservés la création et nomination des juges, des exempts, de ceux qui connaissent des cas royaux; mais que, par d'autres lettres patentes subséquentes, le roi confère néanmoins aux princes apanages, pour sa vie seulement, la nomination à ces offices.
Sans remonter à des temps reculés, on se bornera aux trois apanages actuellement subsistants. On citera les lettres patentes de celui de la maison d'Orléans, du mois de mars 1661, et celles du 2 avril suivant, par lesquelles le roi Louis XIV confère à Monsieur la nomination des offices que Sa Majesté s'était réservée ; ensuite i'èdit de l'apanage de Monsieur, frère du roi, du mois d'avril 1771, et les lettres patentes du 21 du même mois, qui lui accordent la nomination aux offices, sa vie durant. Enfin, l'édit du mois d'octobre 1773, portant constitution de l'apanage de M. le comte d'Artois, sous les mêmes réserves, déclaration et nomination aux offices des exempts, et les lettres patentes du 31 du même mois d'octobre, qui confèrent à ce prince cette nomination, aussi sa vie durant.
On voit donc que ces grâces sont purement personnelles, et que, pour qu'elles puissent se perpétuer, il faut nécessairement qu'elles soient renouvelées en faveur du prince appelé à succéder à l'apanage; c'est ce que la maison d'Orléans a obtenu par des lettres patentes du 20 février 1692, par lesquelles, en rappelant les anciennes qui conféraient le droit de nomination aux offices, pour la vie seulement, le roi accorda alors au duc de Chartres et à ses descendants mâles le droit de nommer et présenter aux offices et commissions de juges, des exempts, et à tous autres offices.
Quoique les grâces personnelles n'aient pas entré dans l'évaluation de produit des apanages, et qu'elles aient été accordées par pur don et libéralité, au delà de la fixation du montant du revenu de ces apanages, déterminé par les lois à 200,000 livres ; quoique le roi ne pût être aucunement obligé de tenir compte, ou de suppléer à la diminution que pouvait éprouver le revenu delà casuaiité des offices, soit par leur suppression, soit autrement; néanmoins, lorsque les cir constances ont exigé cette suppression, Jes princes apanagés ont réclamé et obtenu des indemnités ; et c'est pourquoi l'on trouve dans les divers comptes rendus, qu'il est payé annuellement 33,886 livres à Monsieur, pour partie de l'indemnité des offices de finances supprimés dans son apanage ; 50,000 livres à M. le comte d'Artois, et 12,800 livres à M. d'Orléans, pour le même motif : le payement de ces sommes, pris sur les fonds du Trésor public, n'a paru au comité ni juste ni fondé ; l'état de produit fourni par l'administration de M. le duc d'Orléans ne fait pas mention de cette somme de 12,800 livres qu'il convient d'ajouter à celle de 94,145 livres de droit de casuaiité d'office, pour en former un lotal de cent six mille neuf cent quarante-cinq livres (106,945 liv.).
Récapitulation des différentes branches de revenus annuels des biens et droits qui composent l'apanage de M. le duc d'Orléans.
Prix des ventes des bois et forêts, tant en taillis, futaies, que chablis, et produits
des amendes. :...... 2,113,949 liv. 4 s. 3 d.
Revenu des fermes, rentes, redevances et autres droits, tant fixes quecasuels. . . . 1,855,475
Droits d'aides, contrôle,- insinuation , centième denier, sols pour livres et autres, tenus tant à litre d'apanage, qu'engagements et abonnements . .......... 1,979,192
Droits de casuaiité des offices, y compris les 12,800 livres, payés à titre d'indem-nite d'offices supprimés, ci., 106,945
Total ............5,755,561 liv. 4 s. 3 d.
Suivant l'état des charges annuelles, présenté par l'administration des finances du prince, elles consistent :l°dans les gages et émoluments d'officiers et gardes, deux cent trente et un mille quatre-
vingt-neuf livres. ........... 231,089 liv.
Frais de justice et d'enfants trouvés,
année commune............ 57,012
Charges foncières, domaniales, tant en
argent qu'en grains, etc., par aanée..... 150,000
Réparations, année commune..... 22,338
Frais de régie, année commune, à six deniers pour livre, pour la partie des
domaines......... 82,625 liv.]
Pour la partie des droits I „„n
régaliens . ........ 240,000 l
Et pour le canal d'Ourcq. 8,000 )
Conseil et chancellerie, par année, suivant l'état arrêté pour 1790....... 229,500
Abonnements payés au roi......302,060
Total des charges..... 1,322,624 liv.
Récapitulation.
Revenus en totalité........ . 5,755,561 liv.
Charges ....................1,322,624 '
Reste net . ..................4,432,937 liv.
M. d'Orléans tient et possède, en outre, à titre d'échange, les domaines de la vicomté d'Auge et du comté deMortain, ainsi que les droits doma-r nïaux en dépendant, la forêt de Bondy et autres objets.
Il tientaussi, à titre d'engagement, les domaines deDomfront, deGarantan et deSaint-Lô, dnChau-mont, Vassy et Saint-Dizier, du duché d'Etampes, de la Ferté-Alais, de Coutances, Valognes, Saint-Sauveur-le-Vicomte et Saint-Sauveur-Lundelin.
Le comité fera en sorte de donner incessamment l'état de ces différents domaines possédés par les princes, soit à titre d'échange, engagement, dons, inféodations, accensements et à tous autres titres.
Tableau.
TABLEAU de produit des droits d'aides, d'inspecteurs aux boissons et aux boucheries, de ceux de jauges et de courtages, de contrôle des actes, insinuation, centième ^ denier, petit scel de quatre deniers pour livre du prix des ventes mobilières et autres, ainsi que des sous pour livre desdits droits, levés et perçus au profit de la o maison d'Orléans, tant à titre d'apanage que d'engagements et abonnements, dans toutes les terres de cet apanage, dans celles tenues à titre d'engagement et patrimonialement.
Aides.
ETAT tel qu'il a été fourni par l'administration des finances du prince.
Droits régaliens tenus à titre d'apanage.
/Droits d'aides en principaux et quatre anciens sous pour livre,)
.......année commune...............................................>
(indemnité.....................................................J
Insinuations,cen-(Droits d'insinuation, centième denier et contrôle des îième denier J actes, en principaux seulement, année commune.... i 415,8791.) contrôle des ac-jGages des greffiers des insinuations laïques, année >
tes...........( fixe............................................... 2,500 J
Droits sur les ven-j Droits de quatre deniers pour livre, sur ,1e produit des ventes,) tes de meubles.) mobilières, année fixe.........................................}
Total des droits à titre d'apanage.......
Droits à titre d'abonnement.
Jau"lEn principal, année commune......................... 131,5171.
geurs. *•«.....)
Inspecteurs.
Aux boissons, idem année commune, évalué
à....................................... 48,271 1.) aaook*
(Aux boucheries, année commune, idem..... 70,681 )
[Deux sous pour livre des droits d'inspecteurs, ci.... 11,895
IDeux sous pour livre, établis
en 1760 et 1763........... 68,3211.
Deux sous pour livre, établis
en 1771................... 106,527
Denx sous pour livre, établis en 1781................... 68,321
262,3641.
Six nouveaux sous pour li- vres........
Deux sous pour livre de 1760 et 1763.. 38,782
243,169
I ro s)Deux sous pour livre
nninnn ) ûe 4771.......... 38,782
nuaiura. /d6UX sous pour jjvre
l de 4781.......... 38,782
Sur les droits(Huit sous pour livre à com-de greffes. ( mencer en 4789,....... ... 49,436
446,346 \ 408,951
526,3701,
418,379 38,817
983,566 1
Total des droits à titre d'abonnement.671,3151. ci. 671,315
Total général des droits régaliens, année commune.............. 1,654,881 1,
Différence, suivant sl'état ci à côté................. ............. 324,311
Balance.......................................................... 1,979,192
ÉTAT dressé par le comité des domaines, d'après les différents renseignements qu'il a pris.
Droits, impôts, tenus à titre d'apanage.
Droits d'aides en principaux, d'après le produit des dix sous pour livre. 810,5601. Indemnité de gros.......................................................6,000
Droits tenus, soit à titre d'apanage, soit d'engagement.
Droits d'insinuation, centième denier, contrôle des actes et autres, en
principaux seulement............................................... 460*000 j
Gages des greffiers des insinuations laïques............. .............. 2,500 f
Droits de quatre deniers pour livre sur le produit des ventes mobilières...........
816,5601.
452,500 38,817
Total des droits à titre d'apanage et engagement.......... 1,307,877 1
Droits à titre d'abonnement. COgeire".. .iaU'lEn PrinciPaI............................. 431 '517 1
Aux boissons............................ 48,271
Iinn*rtflnr« VAux b°ucheries................ • • ......
luspcu ».....)Deux sous pour livre des droits d'inspec-
teurs.... .............................
Deux sous pour livre, établi de 1760 et 1763
Sous pour hyj^Deux sous pour*iivre'des" "droits établis en
1771................................... 106,52'
Deux sous pour livre de 1781............ 68,321
sous pour livre de 1760 et 1763..... 38,782
SripV De^ sous pour livre de 1771...........
fiedinter )Deux sous P°ur livre de 1781...........
SUde S0US P°ur Uvre--............................. 4M36
70,681 11,895 68,321
sur les aides.
38 38
,782 ) ,782 j
262,3641-
243,169
116,346
Total des droits à titre d'abonnement......... 671,3151. ci. 671,315
Total général des droits impôts...................................... 1,979,1921.
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Apanage de Monsieur.
Il a été constitué, par édit du mois d'avril 1771, et composé d'abord du duché d'Anjou, des comtés du Maine, du Perche et de Senonches, à l'exception de la forêt de ce nom.
Pour parfaire les 200,000 livres de revenu net, en fonds assignés au prince pour son apanage, qu'on présuma qu'il ne retirerait des duché et comté ci-dessus cédés, le roi s'obligea à racheter les parties de domaine engagées dans toute l'étendue de ces mêmes duché et comté, jusqu'à concurrence de ce qui manquerait au complément des 200,000 livres; et, en attendant ce rachat, le roi s'engagea à remplir Monsieur, du déficit sur le produit des aides et gabelles.
Par des lettres patentes du même mois d'avril 1771, Sa Majesté a accordé à Monsieur, pendant sa vie seulement, la nomination et présentation aux abbayes, prieurés et autres bénéfices consis-toriaux, à l'exception des évêchés, aux offices et commissions des juges, des exempts, même à ceux des aides, tailles et gabelles.
Il a été nommé des commissaires de la chambre des comptes de Paris, par lettres patentes du 8 septembre 1771, pour procéder à l'évaluation du produit des biens composant l'apanage.
Par d'au très lettres patentes du mois de juin 1774, les écuries de feue Madame la Dauphiné, mère du roi, situées à Versailles, ont été accordées avec un terrain vis-à-vis, tenant aû parc de Versailles, à Monsieur, à titre de supplément d'apanage; les mêmes lettres ont dispensé de toutes évaluations à cet égard.
Il paraît que par le résultat de celles faites du duché d'Anjou, des comtés du Maine et du Perche, leur revenu net ne s'est trouvé porté qu'à 106,000 livres; que le comté de Senonches n'a pas été évalué; que Monsieur a demandé ia forêt de ce nom, à titre de supplément d'apanage, et que ces deux objets n'ont été présentés que sur un produit net de 50,000 livres; laquelle somme jointe à celle de 106,000 livres ci-dessus, ne formant qu'un total de 156,000 livres de revenu, il s'en fallait de 44,000 livres, que Monsieur fût complètement rempli des 200,000 livres, à quoi devait monter le produit net de son apanage.
Pour former ce complément, le prince a demandé le duché d'Alençon, dont le revenu net, d'au moins 200,000 livres, excédait dès lors de plus de 155,000 livres, les 44,000 livres, qui restaient à fournir; l'objet était donc trop considérable; mais il paraît que, pour parvenir à l'obtenir du roi, on a fait envisager les charges de l'apanage, beaucoup plus fortes que celles qui avaient été portées dans les états, qu'on s'est fait de plus un moyen de l'augmentation des frais de justice, depuis l edit de 1771, et qu'au surplus le résultat des évaluations ferait connaître si le produit net des différents objets cédés à Monsieur excéderait celui fixé pour son apanage, et quel serait cet excédant.
C'est sans doute d'après ces observations, que, par lettres patentes du mois de décembre 1774, le roi a donné à Monsieur, à titre de supplément d'apanage, la forêt de Senonches (1), le duché
d'Alençon, à l'exception du comté de Montgomery, que le roi venait d'acheter du sieur Clément de Barville, et du domaine utile affecté au service des haras d'Exmes.
Par des lettres patentes du mois d'avril 1776, Monsieur a été autorisé à accenser le terrain situé près le parc de Versailles, qui lui avait été donné en 1774, en supplément d'apanage, avec les écuries de Madame la Dauphiné.
D'autres lettres patentes du mois d'avril 1777 ont ensuite distrait de l'apanage les domaines de Saint-Silvain le Thuis en Contentin, faisant partie du duché d'Alençon, et, en remplacement, il a été donné à Monsieur les domaines de Falaise et d'Orbec, avec les bois et forêts en dépendant ; il a été depuis dé( laré, par les mêmes lettres patentes, que dans la cession faite du duché d'Anjou et du comté du Maine, par l'édit de 1771, élaient comprises les parties qui en avaient été démembrées pour former le duché de Vendôme, éteint en 1712.
Monsieur a été autorisé, par d'autres lettres patentes du mois de septembre suivant, à céder, à titre d'accensement, les terres vaines et vagues situées dans l'étendue de son apanage.
Par édit du mois de décembre 1778, le roi a encore cédé à Monsieur, par augmentation d'apanage, le palais du Luxembourg, avec stipulation que dans le cas où il viendrait à décéder sans enfants mâles, avant Madame, cette princesse continuerait d'en jouir pendant sa vie, pour son habitation.
Le prince a été chargé des réparations à faire au palais, jusqu'à concurrence de 1,200,000 livres, et il a été convenu qu'en cas de réunion de ce palais à la couronne, il ne serait remboursé aux héritiers, que l'excédant de ladite somme de 1,200,000 livres, en justifiant, par eux, que les formalités prescrites pour la confection des réparations auraient été remplies.
Le même édit contient une réserve faite par le roi, d'une partie du jardin du Luxembourg, pour l'accenser à son profit; mais, par lettres patentes du mois de mars 1779, Sa Majesté a inféodé à Monsieur tous les terrains qu'elle s'était réservés pour en jouir par lui en toute propriété, sous la dénomination du fief de Monsieur, à la charge de payer au domaine une redevance féodale de deux paires d'éperons d'or évalués à 5,726 liv. 10 s.
L'apanage de Monsieur se trouve, en conséquence, composé aujourd'hui : 1° du duché d'Anjou; 2° de celui d'Alençon, le comté de Montgomery excepté ; 3° du 'comté du Maine ; 4° de l'ancien duché de Vendôme; 5° du comté du Perche; 6° de celui de Senonches, la forêt comprise; 7° des écuries de feue Madame la Dauphiné, à Versailles, et terrains adjacents; 8° enfin du palais du Luxembourg et dépendances.
Il paraît que les évaluations des biens composant l'apanage ne sont pas achevées, et qu'elles sont même restées sans suite, mais on va voir, par l'état qui va être présenté de leur produit, qu'il est fort au-dessus de la somme de 200,000 livres, tixée par les lois constitutives des apanages.
Le^comité croit devoir observer que, par le contrat de mariage de Monsieur, la dot et le douaire de Madame sont hypothéqués sur les biens de l'apanage.
Outre ces biens, Monsieur possède : 1° la terre et seigneurie deBrunoy, dont il a d'abord acquis la
nue propriété de M. de Brunoy, par contrat du 6 octobre 1774, et ensuite l'usufruit par autre contrat du 21 février 1775 : le tout moyennant la somme de 1,800,000 livres;
2° Une maison sise dans la grande avenue de Versailles, acquise de Mm9 Dubarry en 1775, 224,000 livres;
3° La terre de Grosbois, acquise de M. Gilbert de Voisin, plus de 2 millions.
4° La fcrêt de Brix en Normandie, acquise de la dame de Langeac, moyennant la somme de.....
5° Enfin, les comtés de l'Ile-Jourdain en Gascogne, et de Gray en Franche-Comté, acquis de M. Dubarry, auquel ils avaient été cédés en échange de 1699 arpents 71 perches de la forêt de Senomhes, le prix de cette acquisition a été de 950,000 livres ou environ.
Les biens et revenus qui composent l'apanage de Monsieur consistent principal" ment en bois, tant de haute-futaie que de laillis; le surplus en forges, terres labourables, prés, herbages, cens, rentes et redevances seigneuriales, droits seigneuraux casuels, péages, minages, centième denier, droit de mutation d'offices et autres.
Dans l'état des bois. dépendants de l'apanage
Total du produit....... 1,177,3991.12 s. 1 d.
Au total du produit, il faut ajouter celui des ventes et chablis, arbres de routes, et des amendes prononcées au profit du prince, dans les aifférenies maîtrises de son apanage.
D'après les relevés faits sur les états et renseignements envoyés au comité des domaines, tant par les grands-maîtres, que par les officiers des maîtrises, ces différents objets se sont trouvés monter à la somme de vingt-sept mi Ile deux cent dix-huit li vres six sois six de-
A reporter..... 1,177,3991. 12s. 1 d.
de Monsieur, fourni par l'administration de ses finances, on n'a donné les quantités que d'une partie, sans distinguer la futaie, du taillis, et on s'est borné, pour l'autre partie, à désigner les maîtrises dans lesquelles ils sont situés, et à en énoncer le produit et le3 charges qui paraissent bien considérables et susceptibles de beaucoup de diminution.
Suivantcetétat le produit annuel total des boisde l'apanage monte à la somme de 851,9981. 9s.8d.
Et les charges, à.......... 160,388 15 2
En sorte que le revenu n'est que de..................... 691,6091.14 s. 6 d.
Il résulte des pièces, états et renseignements que le comité des domaines s'est procurés, tant clans l'administration des eaux et forêts, que des grands-maîtres et des officiers des maîtrises dans le ressort desquelles les bois de l'apanage sont situés, que leur quantité totale est de 92,865 arpents 96 perches, dont, en futaie, 16,374 arpents 41 perches, et le produit total de 1,177,399 liv. 12 sols, ainsi que le détail suit :
Report..... 1,177,3991.12 s. 1 d.
niers, ci................. 27,2181.6 6
Total du produit brut des bois............ 1,204,6171.18 s. 7 d.
Sur ce produit il paraît convenable de déduire les charges relatives aux bois et forêts, mais non d'après les états et relevés qui en ont été fournis par l'administration de Monsieur, parce que, par des erreurs, doubles emplois, et forcément, elles se trouvent de plus du double de celles portées par les comptes, états et renseignements adressés au comité par les officiers des eaux et forêts qui doivent les connaître, et qui sont sans intérêt pour les augmenter ou diminuer. Nous donnerons ici le tableau de comparaison des deux états des charges relatives aux bois de l'apanage, situés daus le domaine d'Aiençon et celui du Perche.
NOMS DES MAITRISES. NOMBRE d'arpents-fctaie. TOTAL des bois. PRODUIT annuel.
Bellesme,................................................ a. p. 2,785 19 955 22 2,158 » a. p. 4,803 53 5,898 77 4,979 30 41,817 85 21,311 25 3,182 30 18,344 » 10,656 15 10,443 26 1,429 55 liv. s. d. 30,000 » » 82,030 12 11 110,288 » 11 243,166 14 5 220,025 15 » 51,671 5 2 103,066 14 » 130,000 » » 197,250 9 8 9,900 » »
Château-NVuf, en Thimerals............................
Duché d'Aiençon, maîtrise de ce nom, gruerie de Moulins-la-Marche............................................. 915 60
Argentan.................. ... .............
Domfront et gruerie de Falaise......................
Veudomois............................................ 7,140 40 2,420 »
16,374 41 92,865 96 1,177,399 12 1
etat des charges
foerni pau l'administration de monsiecr.
Noms des maîtrises.
Alençon.., Argentan . Domfront, Bellesme.. Mortagne.,
Total
liv. s.
54,191 9
9,900 »
47,841 18
11,198 10
15,115 7
105,232 4 7
état des charges
fourni par les officiers des eaux et forêts.
Noms des maîtrises.
Alençon.. Argentan. Domfront. Bellesme. Mortagne.
Total.
liv. s.
13,994 6
4,090 »
13,783 11
4,309 17
4,639 18
40,817 13 9
Différence en plus de..................................... 64,434 liv. 10 s. 10 d.
Les charges pour cette partie des bois de l'apanage, situés dans le ci-devant duché d'Alençon et comté du Perche, paraissent devoir être réduites à 40,817 livres 13 sols 9 deniers, au lieu de celle de 105,252 livres 4 sols 7 deniers, ci....................... 40,8171.13 s. 9 d.
On a porté celles des au très bois situés dans les ressorts des maîtrises de Château-neuf, Château-du-Loir, Per-seign Beaugé et Vendôme à 51,420 1. 8 s. 4 d. Le comité n'a pu se procurer, des officiers de ces maîtrises, aucuns renseignements ; mais commeila aperçu par l'examen les mêmes erreurs et doubles emplois,ila pensé que ces charges étaient, comme les autres, dans le cas d'être réduites au moins à moitié ; ainsi, au lieu de 51,420 liv. 8 s. 4 d., elles seron t seulement tirées pour 25,710 1. 4 s. 2d., ci...... 25,710 4 2
Total des charges sur les bois.................
66,5271.17 s.lld.
Récapitulation.
Produit total des bois... 1,204,6171.18 s. 7d. Total des charges....... 66,527 17 11
Reste du produit net.... 1,138,0901.15 s. 8d.
Avant de passer à l'examen et vérification des
autres biens et droits domaniaux de l'apanage, le comité croit devoir observer qu'il a été distrait des bois de cet apanage la grande et petite forêt de Goussey ou d'Argentan, contenant 4,811 arpents, qui ont été cédés par Monsieur au sieur Gromot, surintendant de ses finances, par contrat d'échange du 5 juillet 1776, pour les domaines et vicomté d'Argentan, Exmes et Trun, donnés en coutra échange à Monsieur par ledit sieur Cromot, que le produit annuel de ces 4,811 arpents de bois est de 75 à 80,000 livres, tandis que celui des domaines d'Argentan ne passe pas 30,000 livres; d'où il résulte que l'échange est on ne peut plus onéreux à Monsieur.
Biens et droits domaniaux de l'apanage.
Anjou.
Suivant les états de produit et des charges de ce domaine apanage, fournis par l'administration des finances de Monsieur, le revenu annuel se mon-
te à......... 101,502 1. » s. »d.
Et les charges sont portées à.'...... 47,557 11 4
En sorte qu'il ne reste net que..... 53,944
8 8 53,9441. 8 s. 8 d.
On ne peut se dissimuler que ces charges sont considérables et que, par l'examen qui en a été fait article par article, il s'en trouve, surtout celles qualifiées extraordinaires, qui n'ont point ou très peu
A reporter.,..........53,944 1. 8 s. 8 d.
Report.....
d'objet; il a aussi paru qu'il y avait des doubles emplois relativement aux gages et attributions d'offices, avec celles portées en compte sur les bois.
Domaines du Perche et d'Alençon.
Il résulte des mêmes états remis au comité par l'administration de Monsieur : 1° que le revenu du Perche se monte, année commune, à..... 43,815 I. 15 s. lOd.
Et les charges à....... 27,879 15 5
Ce qui réduit ce revenu
à........... 17,936 1. » s. 5d.
2" Que celui d'Alençon est an-nuellementde -152,257 1. Ils. 8d.
Et celui des charges de... 135,411 18 3
En sorte qu'il ne reste
de net que.. 16,845 1. 13 s. 5d.
53,944 1. 8 s. 8 d.
Mais d'après les renseignements pris des préposés de l'administration des domaines, sur les lieux et suivant les états qui ont été adressés au comité, il paraît :
1" Que le produit annuel des terres, maisons, châteaux, moulins, étangs, forges et autres domaines fonciers et ruraux dépendants de l'apanage situés dans le Perche et le duché d'A-
lenç on se montent à...
2° Celui des droits seigneuriaux, fixes etcasuels des péages, passages,coutumes et autres à.......
(1) 3° Celui
43,066 1. » s. »d.
122,410 »
A reporter..........53,944 1. 8 s. 8d.
des rentes d'engagements 56,000
Report ... 53,944 1. 8 s. 8 d.
Total. 221,476 1. » s. »d.
Les charges se montent à....... 145,000 » »
Partant, il reste un produit net de.. 76,476 1. » s. »d. 76,476 » »
Domaine du Maine.
D'après les états de recette et de dépense, remis par l'administration de Monsieur, relativement à ces domaines, il résulte que le produit est absorbé par les charges :
ainsi cet objet sera tiré pour mé---
moire, ci..............Mémoire. 130,4201. 8 s. 8d.
Domaines du Vendomois.
Suivant les mêmes états de produit, celui de ces domaines paraît « monter annuellement, toutes charges déduites, à 10,191 1. 10 s., ci. 10,191 10 »
Casualité de différents offices de l'apanage.
Il résulte des étals de produits qui ont été remis par l'administration de Monsieur, que le revenu d'une année commune du droit de centième denier est de 136,246 1.
16 s. 5 d., ci....................
Que celui de mutation peut valoir aussi, année commune, de 60 à 80,000 livres; le terme moyen
est de 70,000 livres, ci...........
On observe, de plus, que quelques-uns des offices n'ont pas été évalués; que d'autres, n'étant pas connus, il n'a pas été possible de déterminer la quotité du droit de centième denier.
Total du revenu des domaines fonciers et ruraux, ainsi que des droits domaniaux, tant fixes que casuels, de l'apanage de Monsieur............................
136,246 16
70,000 » »
346,8581.15 s. ld.
bois.
RÉCAPITULATION DES PRODUITS ET DES CHARGES.
BOIS.
Charges.
66,527 1. 17 s. 11 d. Produit.
domaines.
domaines.
Charges.
192,557 11
Total des charges____ 259,085 1. 9 s. 3d.
Total des charges à déduire..................
Produit...........
Produit total.
Produit net des domaines et bois.........................................
Casualité des offices.
Droit de centième denier........................................................
Droit de mutation.............................................................
Plus 33,886 liv. payées à Monsieur, à titre d'indemnité de la casualité des offices de finances, supprimé dans son apanage..........................................
Total général du revenu de l'apanage de Monsieur....................
1,204,617 1. 18 s. 7 d.
333,169 10 »
1,537,787 1. 8s. 7 d.
259,085 9 3
1,278,701 1. 19 s. 4 d.
136,246 70,000
33,886
16
1,518,834 1. 15 s. 9 d.
Apanage de M. d'Artois
Cet apanage a été constitué par édit du mois d'octobre 1773, et a d'abord été composé : 1° des duché et comté d'Auvergne ; 2° du duché d'An-gouléme; 3° de celui de Mercœur, les portions qui avaient été distraites et aliénées en 1772 à M. de Lastic exceptées ; 4° enfin des comté et vicomte de Limoges, à IVxception du marquisat de Pompadour et des domaines de la Basse-Marche, dépendant de celte vicomté.
Les revenus de ces duchés, comtés et vicomtés furent jugés insuffisants pour remplir M. d'Artois des 200,000 livres qui devaient lui être assignées en fonds pour former son apanage. 11 fut, en conséquence, proposé de compléter ce revenu sur les aides et gabelles ; mais cette proposition n'ayant pas été acceptée, on y suppléa, en accordant, par des lettres patentes du 28 mars 1774, à M. le comte d'Artois : 1° le marquisat de Pompadour avec tous biens et revenus en dépendant, à l'exception seulement de ceux affectés au service du haras qui y est établi (1)*; 2° la vicomté de Tu-renne (2), à la charge de laisser jouir M. deMaus-sac des parties de cette vicomté qui lui avaient été données à vie.
Tous ces objets furent d'abord considérés comme pouvant produire annuellement 145,500 livres; mais M. d'Artois ayant représenté que les charges absorbaient et au delà le revenu, il pria le roi de vouloir bien lui accorder d'autres biens; il offrit, en conséquence, de remettre les comté et vicomté de Limoges, le marquisat de Pompadour, la vicomté de Turenne et la forêt de Braconne, faisant partie du duché d'Angoulême; il demanda, en remplacement et à titre de supplément d'apanage le duché de Berri, celui de Châteauroux, le comté d'Argentan, la seigneurie d'Enrichemont et le comté de Ponthieu.
Ces distractions et remplacements furent accordés par lettres patentes du mois de juin 1776 ; le revenu net de tous ces objets fut évalué 196,935 livres.
M. d'Artois prétendit ensui te que le duché d'Auvergne lui était plus onéreux que profitable : il proposa au roi de le remettre avec celui de Mer-cœur et le comté de Saint-Ilphise en dépendant : ce qui fut accepté, et la distraction, en conséquence, ordonnée par édit du mois de novembre 1778, qui accorda, tant en remplacement qu'à titre de supplément d'apanage, le comté de Poitou et tous les droits en dépendant, à l'exception des îles de Noirmoutier et de Bouin, et de la mouvance fur l'Ile-Dieu et sur le duché de Thouars.
L'acquisition faite par M. d'Artois des terres de Saint-Valery et de Roccayeux, donna lieu à
une question de mouvance : il prétendit qu'elles étaient de celle du comté de Ponthieu, faisant partie de son apanage. Les administrateurs des domaines contestèrent et soutinrent que ces terres relevaient du comté d'Amiens. Pour terminer la difficulté, M. d'Artois demanda et obtint cette mouvance, à titre de supplément d'apanage, par lettres patentes du mois d'août 1785.
Les domaines de Montreuil-sur-Mer et Doullens ayant été compris dans les évaluations faites par les commissaires de la chambre des comptes, comme une dépendance du comté de Ponthieu, et la jouissance en ayant été contestée par l'administration des domaines à M. d'Artois, il lui fut accordé, fur sa demande, des lettres patentes, au mois de février 1786, par lesquelles ces domaines lui furent encore cédés à titre de supplément d'apanage, qui, d'après toutes les distractions et remplacements dont il vient d'être rendu compte, se trouve aujourd'hui composé :
1° Du duché d'Angoulême, à l'exception de la vicomté de Limoges et de la forêt de Braconne;
2° Du duché de Berri;
3° Du comté de Poitou ;
4° De celui de Ponthieu auquel ont été réunis les mouvances de Saint-Valery et de RocCayeux, et les domaines de Doullens et de Montreuil-sur-Mer.
Les biens et revenus de cet apanage consistent principalement en bois tant futaie que taillis, forges et fourneaux, terres labourables, prés, rentes, redevances, droits de greffes, droits domaniaux et seigneuriaux, tant fixes que casuels, et dans les droits de centième denier et de mutation des offices et autres.
Suivant les états fournisau comité des domaines par l'administration, du produit et des charges de ces biens, il résulte que le revenu total, année commune, tant en bois qu'en domaines ruraux et fonciers, cens, rentes, redevances et autres droits tant fixes que casuels, monte à sept cent quatre-vingt-dix mille deux cent soixante-onze liv. quinze s. onze d. ci....... 790,2711.15s. 11 d.
Les charges à cinq cent ci n-quante-ciuq mille sept- cent soixante-une liv. un s. und., ci........................ £55.761 1 1
En sorte que le produit net est réduit à deux cent trente-quatre mille cinq cent dix liv. quatorze s. dix d...... 234,5101.14 s. lOd.
Mais il paraît d'abord qu'à l'égard des bois, comme ils ont successivement beaucoup augmenté de valeur dans tout le royaume, on a eu soin, pour affaiblir le produit des dernières années, de remonter jusqu'à celles antérieures à la jouissance de M. d'Artois, pour en former une commune. On a pris les mêmes précautions quant aux autres biens, et enfin ou a compris, dans les charges, des objets étrangers ; tels que les dépenses d'évaluations, de chasses, d'archive3, dépenses qualifiées extraordinaires, et autres de ce genre; en sorte qu'il n'est pas étonnant que les produits, déjà mis bien au-dessous de ce qu'ils sont réellement, se trouvent presque absorbés par des charges idéales ou étrangères.
Le comité des domaines, pour avoir des données plus sûres, a cru devoir recourir aux pièces et renseignements qu'il s'est procurés, tant de l'administration des domaines et de ses préposés, que de celle des eaux et forêts, du grand-maître
et des officiers des maîtrises dans lesquelles les après le tableau détaillé, que leur quantité totale bois dépendant de l'apanage sont situés. Il ré- est de 85,617 arpents 63 perches, dont en futaie suite du dépouillement de ces états et renseigne- 6,610 arpents 99 perches, et le produit total de ments relatifs aux. bois, dont on va donner ci- 380,340 iiv. 9 s. 11 d.
État des bois dépendant de Vapanage de Monsieur d Artois.
NOMBRE
d'arpents TOTAL PRODUIT
de OBSERVATIONS.,
des bois. annuel.
i bois-futaie.
a. P- a. P- liv. s. d.
asgoïmois, Pour éviter un double emploi, on n'a pas porté en ligne de
Maîtrise.
compte le produit des bois des
» » 3,665 18 25,559 16 7 deux maîtrises de Châteauroux
et de Vierzon, parce que ces bois sont affectés à l'approvision-
berri.
Maîtrises. nement des forges et fourneaux
de Clavières et autres, donnés à
» » 730 » 4,000 » » ferme avec ces bois; leur pro-
Vierzon.......................... 4,051 8 12,211 80 Forges, ci mém. duit se trouvera compris dans
Gruerie d'Alongny...,.............. 1,802 91 5,017 79 35,000 » » l'état de celui des domaines fon-
Forges, ci , mem. ciers : on n'a mis en recette que
337 » 22,881 » 4,500 » » le prix des ventes de quelques
Gruerie de la Châtre et du Châtelet. » » 1,018 34 4,300 » » parties de ces mêmes bois, qui ne sont pas entrés dans l'affec-
» » 3,351 25 32,141 13 4
tation, ni dans les baux, et dont
poitou. l'année commune de revenu est
Maîtrises. de 4,500 livres, ainsi qu'il est porté ci-contre.
Fontenay-le Comte...............» 42» » 5,152 96 37,000 » »
Niort............................ » » 8,180 » 15,000 5) »
5,000 S> 12,000 » n
Châtellerault..................... » 1,257 8,840 » 9,200 » »
» » 31,239 3> »
Abb-eville, Ponthieu.............. » n 8,312 31 179,400 » D
T®haux..------------ 6,610 99 85,617 63 380,340 9 11
Report . . . •.380,340 1. 9 s. 11 d.
A ce produit il convient d'ajouter celui annuel des ventes des chablis et des baliveaux sur taillis, des bois tenus à titre d'engagement ; mais comme Je comité des domaines n'a pu se procurer de renseignements bien précis sur ces produits, ils seront tirés par aperçu seulement pour doiize mille livres, ci..12,000
Plus le revenu des amendes et con fiscations prononcées pour délits commis dans les bois de l'apanage, qui peut se monter annuellement à cinq à six mille livres, ci. Total du produit brut 5,00
des bois..............397.340 1. 9 s. 11 d.
Suivant les états de produit d'uneannée commune de 15, des bois de l'apanage, fournis au comité par l'administration
A reporter------ 39o,340 1. 9 s. 11 d.
des finances de M. d'Artois, ce produit ne monte qu'à trois cent douze mille neuf cent quatre-vingt-quatorze liv. onze
sons un den.........312,994 11 1
La différence en moins
est de.............84,345 1. 18 s. 10 d.
D'après Pes mêmes états remis par l'administration de M. d'Artois, les charges et dépenses relatives aux bois de l'apanage montent à 110,515 liv. 15 s. 1 den.; mais suivant ceux adressés au comité, et d'après les renseignements qu'il a pu se procurer, il lui a paru qu'il y avait des erreurs, doubles emplois et des dépenses étrangères; en sorte que le montant de ces charges pouvait être réduit au moins à moitié, et qu'elles ne doivent entrer en compte que pour 55,000 livres, au lieu de 110,515 liv. 15 s. 1 den., à quoi elles se trouvent portées.
RECAPITULATION.
Produit total brut des
bois..................397,340 I. 9 s.Il d. »
Total des charges....55,.000
Reste net.,........342,340 L % s. ii d.
des bois............... 397,340 1. 9 s. îî d.
Biens et droits domaniaux de l'apanage.
Le comité n'a pu se proeurer d'états ni de renseignements bien postitifs de ces domaines et de leur produit» parce qu'étant sortis, au moment de la formation de l'apanage, des mains du roi, les administrateurs ont cessé d'en avoir la régie, qui a passé aux officiers de l'apanagiste. Le comité a eu recours aux états et renseignements qui lui ont été remis par l'administration des nuances de M. d'Artois, dans lesquels il a cru apercevoir qu'on avait, dans la recette, omis les produits de la pécbe et de la glandée. Il résulte au surplus de ces états, que les revenus annuels des domaines et droits domaniaux de l'apanage montent à 477,277 1. 4 s. 10 d. et les charges à 445,245 1. 6 s. 9 i.
SAVOIR :
Revenus.
L'angoumois. 26,249 1. 6 s. 8
Le Rerri . . 383,712 8 7
Le Poitou. . 38,581 47 S
Le Potthiec. 28,733 12 2
Charges.
30,617 1. 7 s% 7 d.
189,563 3 9
184,183 1 7
43,381 7 10
Total des revenus. . 477,277 I. 4 40 d..
Total des charges. . 445,245 6 9
11 ne reste net que, ., 33,03118 i
Mais par l'examen que le comité des domaines a lait des différents articles de dépense qui for-
ment la masse énorme des charges, il lui a paru que toutes celles extraordinaires devaient être distraites et retranchées, ainsi que celles des gages des officiers et augmentations, qui sont employées sur les états du roi ; qu*il y avait des erreurs ou doubles emplois à l'égard de plusieurs autres : qu'enfin ces charges, dan3 l'état actuel des choses, pouvaient être réduites au moins à moitié de ce à quoi elles ont été portées. Ainsi, les revenus étant de 477,277 1. 4 s. 10 d., et les charges paraissant devoir être réduites de 445,245 1. 6 s. 9 d. à 222,622 1., il en résulte un produit net de 254,65S 1., au Heu de 32,021 1. m s. 1 d. qu'offre le résultat de compte de l'administration de M. d'Artois, ci............... 254,655 livres.
Il résulte des états de produit, qui ont été remis au comité par l'administration des finances do M. d'Artois, que le revenu d'une année commune des droits de centième denier et de mutation des offices, peut monter à cent dix mille liv., ci............. 110,00»
Plus: cinquante mille livres payées à M. d'Artois, à titre d'indemnité de la casualité des- offi-ces de finance, supprimés dans ..... son apanage, la somme de..... 50,000
Total des revenus des do-rnaines fonciers et ruraux, ainsi que .'des droits 'domaniaux, tant fixes que casuels de l'apanage ét de 1a casualité des offices.................... 414,-655 livres.
RECAPITULATION DE TOUS LES PRODUITS ET DES CHARGES.
bois. bois.
Charges.................................... 55,000 1. Produit....,..............397,340 IV 9 S. Il d
domaines., domaines.
Charges...,..,............................. 222,622 Produit........414,636
Produit total.-----814,993 277,622 9 11
Total des charges....... ........... 277 ,,622
Totai» des charges à déduire, ci................277 ,,622
Revenir net,......534,373 9 11
Outre les biens et revenus de l'apanage, M- d'Artois possède : 1° les terres de NoyeUe, Htermoin, Couttèville et le MesniL, enclavées dans le Bon-thieu, faisant partie de son apanage.
M. d'Artois fit l'acquisition de ces terre», en 1777, du sieur Ribaud de Nointel, dont les auteurs leS tenaient, & titre d'échange, pour la terre du Pin qu'ils avaient, cédée, au roi dès 1715.
Le sieur de Kointei avait prétendu qu'il lui était dù une soulte considérable, à raison de ia plus-value de la terre du Pin sur celle de NoyeUe ; en vendant cette dernière terre à M. d'Artois, il lui céda tous ses droits relatifs à cette plus-value.
M. d'Artois a demandé, en conséquence, qu'il fut rocédé aux évaluations, et qu'elles fussent mises fin. '
Des lettres patentes du mois de septembre 1784, en homologuant ces évaluations, ont définitive-
ment fixé la vafeur des terres de Nyyelfe et dépendances & 160,876 liv. Î5 s. 8 d. et celle de la terre du Pin à 3î0,5S7 F. 18 s.
Par le$ mêmes lettres-patentes, la soulte- dire à M. d'Artois, pour la plus-value de la terre du Pin sur celte de NbyeMe, a été fixée avec les-intérêts de cette plus-value, à compter de 1715, à la somme de 500,000 livres, dont le payement a été ordonné sur le Trésor royal, et effectué au profit de M. d'Artois.
2° 12,708 arpents 75 perches de bois situés dans le ressort des maîtrises de Saint-Menehould, Vassy et Saint-Dizier, cédés par le roi à titre d'éenange à M. d'Artois, pour les forges de Ruelle et de Fosse-Neuve en Angoumois, qu'il avait acquises de M. de Montalambert, par contrat du 27 septembre 1774, moyennant la somme de 300,000 livres.
Lors de cette acquisition, ces forges étaient
exploitées pour le compte du roi. et tenues à ferme pour trois années du sieur de Montalam-bert, par bail sous-seing privé du 20 septembre 1772, moyennant 20,000 livres par an.
Le ministère crut qu'il était utile pour le service de la marine que le roi eu eût la propriété. M. d'Artois offrit, en conséquence, de les céder à Sa Majesté, à titre d'échange, et il demanda en contre-échaoge les 12,708 arpents 75 perches de bois ci-dessus; ces offres furent acceptées et le contrat d'échange passé le 27 juin 1776.
Il a été ensuite expédié sur ce contrat des lettres patentes en forme d'édit, au mois de juillet suivant; elles ont été enregistrées à la chambre des comptes de Paris, qui, par arrêt du 30 août aussi suivant, a ordonné que le roi et M. d'Artois jouiraient respectivement des biens échangés, à commencer du premier octobre 1775, par provision seulement.
Il paraît qu'il a été procédé aux évaluations qui n'ont pas été achevées.
Ces bois sont aménagés et divisés en coupes réglées ; il résulte de l'état des ventes qui ont été faites dans l'espace de 7 années, depuis et compris 1776, jusques et compris 1782: 1° que ceux situés dans le ressort ae la maîtrise de Sainte-Menehould ont
produit............... 537,117 1. 3 s. 9 d.
CeuxdecelledeVassy. 336,991 1. 19 s. 10 d.
Ceux de celle dè Saint-Dizier................ 577,988 1. 18 s. 8 d.
Total............1,452,098 1. 2 s. 3 d.
Dont le septième, pour l'année commune, est de 207,4421. 11 s. 9 d. ci. 207,442 1. 11 s. 9 d.
Il paraît à propos d'observer que lors du voyage que M. d Artois lit en Espagne, il eut besoin d'argent pour frayer aux dépenses de ce voyage; qu'il offrit de remettre au roi tous les bois des trois maîtrises,moyennant 5 millions de livres; que ses offres furent acceptées, et les 5 millions payés; que l'administrateur des domaines eut ordre de faire la régie et la recette du prix des ventes annuelles de ces bois dont le produit s'est porté pour 1783, à 201,838 liv. 11 s. 10 d. ; et, pour 1784, à 213,475 liv. 13 sols : mais que l'administration des domaines n'avait pas encore entièrement fait le recouvrement des ventes de 1783, lorsque, par arrêt du conseil du 15 février 1784, M. d'Artois fut renvoyé en possession de ces mêmes bois, et qu'il fut ordonné que l'administration des domaines lui remettrait les sommes reçues, et laisserait faire à l'avenir à ses officiers et receveurs la recette comme par le passé, en sorte que la jouissance interrompue de M. d'Artois a été rétablie comme si elle n'avait pas cessé.
2° M. d'Artois jouit, en outre, des balivaux et futaies sur taillis de 601 arpents de bois engagés, dont les dernières ventes paraissent avoir produit plus de 200,000 livres.
3°. Les domaines de Cognac et de Merpins en Angoumois.
Ces domaines avaient été cédés en 1772 à M.de la Vauguyon, à titre d'échange, pour 700 arpents de bois de la forêt de Senonches, qu'il avait acquis du roi peu de temps avant, à l'effet d'opérer cet échange.
M. d'Artois réclama contre cet échange qu'il fit considérer comme un démembrement du duché d'Angoulême, compris dans son apanage: pour prévenir toute contestation, M. de la Vauguyon subrogea M. d'Artois à tous les droits résultant de son échange ; cette subrogation fut ensuite confirmée par lettres patentes du 30 septembre 1775.
4° Les terrains de la Pépinière, du Roule et du Colisée, acquis pas M. d'Artois de la dame de Langeac et des entrepreneurs de ce Colisée. Ces terrains furent ériges en fief en [1778 et 1780, sous le nom de fief d'Artois.
5°. Les terres de Saint-Valery et de Roccayeux, acquises par M. d'Artois de M. de Rouauit en 1780.
6° Enfin le duché de la Meilleraye; vendu par licitation et adjugé à M. d'Artois par sentence du Châtelet de Paris du 28 février 1776.
En attendant que le comité des domaines puisse mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale les domaines qui sont possédés par les maisons de Gondé, de Conty, de Penthièvre, de Bouillon et autres, soit à titre d'échange, dons, engagements ou autres titres d'aliénation, il croit devoir observer que, par contrat du 4 avril 1695, les droits de contrôle des exploits et de petit scel de la généralité de Berri, ceux de marque de fers qui se fabriquaient dans trois forges de cette province, furent engagés avec d'autres objets à la maison de Condé, moyennant 195,000 livres de finance principale, et les 2 sols pour livre.
Les seuls droits de contrôle, des exploits et de petit scel faisant partie de cet engagement, dont jouit encore aujourd'hui M. de Gondé dans le Berri, montent annuellement à plus de 50,000 liv. de revenu, représentatif d'un capital d'un million; tandis qu'ils n'entraient dans la finance de 195,000 livres tout au plus que pour 150,000 liv.
M. de Bouillon possède aussi les droits d'aides du comité et de la ville d'Auxerre, au même titre d'engagement, moyennant 300,000 livres de finance; ces droits sont d'un produit annuel de 40,000 livres au moins, représentatif d'un capital de 800,000 livres.
Comme ces droits n'ont jamais pu être valablement aliénés, le comité des domaines a pensé que l'Assemblée nationale ne balancerait pas à eu prononcer la réunion aux revenus nationaux, et à ordonner que, dès à présent, les administrateurs des domaines et les régisseurs généraux feraient faire la perception de ces droits par leurs commis et préposés, pour être versés au Trésor public et en compter comme des autres droits de leur régie et administration.
Montant.
Montant de la finance des offices dépendant des apanages et des Maisons de Monsieur, frère du roi, et de M. d'Artois, suivant les états d'évaluation et fixation, qui ont été fournis au comité des domaines.
FINANCES DES OFFICES DE L'APANAGE DE MONSIEUR.
Anjou..........................................................................................................3,837,852 L 3 s. 4 d.)
Vendôme.................................................. 373,000 » » f
Maine....................................................." 3,411,774 » » > 13,624,655 L 18 s. 4 d.
Alençon.......................................................5,004,623 » » \
Perche.................................................... 997,706 15 » '
OFFICES
De la Maison de Monsieur............. ................................1,457,200 1. » » i
De celle de Madame......................................... 925,000 » » [ 7,149,200 1. » s. » d.
Chambre aux deniers des deux Maisons...................... 4,767,000 » » )
FINANCES DES OFFICES DE L'APANAGE DE M. D'ARTOIS.
Rerri.......................................................................................2,467,625 1. 10 s. » d.)
Angoumois..................................................................................................1,499,991 14 >
Poitou.....................................................................3,762,805 10 >
Ponthieu......................................................................................................1,008,627 10 3
8,739,050 1. 4 s. » d.
OFFICES
De la Maison d'artoj3...................................... 4,836,500 1. s. » d.) c ,ao Knn , e A
De celle de Madame......................................... 1,59^000 » .» \ M28,500 1. » s. » d.
FINANCES DES OFFICES DE L'APANAGE DE M. D'ORLÉANS................. 10,017,424 1. » s. » d.
Total.......................................... 45,958,830 1. 2 s. 4 d.
Séance du er août 1790
La séance est ouverte à onze heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin. Il est adopté.
(ci-devant le marquis), fils du général de ce nom : J'étais absent de la séance au moment où l'Assemblée nationale a bien voulu donner des marques de bienveillance âmes frères et à ma sœur. Je le répète ici, après mon cousin, noire famille ne servira jamais que pour l'honneur. Ces sentiments seront toujours unis au sang qui coule dans nos veines. (L'Assemblée applaudit.)
, président sortant, annonce que M. d'André ayant obtenu la majorité absolue des voix pour la présidence, il va lui céder le fauteuil. Avant de se retirer, il dit:
« Messieurs, je savais, en montant au poste dont vous m'avez honoré, que j'aurais besoin d'indulgence; mais je n'ai bien connu que dans l'exercice de mes fonctions, jusqu'à quel point cette indulgence m'était nécessaire ; elle ne vous a pas manqué pour moi, et vous avez acquis par là de nouveaux droits à ma reconnaissance.
« Je remets ma place à un successeur qui, bien-
, en montant au fauteuil, s'exprime en ces termes:
« Messieurs, je n'ai jamais si bien senti mon insuffisance, que dans le moment où vos bontés inattendues m'appellent à des fonctions aussi difficiles qu'honorables; l'espoir seul de votre indulgence peut me soutenir dans la pénible carrière que mon prédécesseur a parcourue avec tant de succès. C'est à vous, Messieurs, à justifier votre choix ; c'est à vous à suppléer à la faiblesse de mes moyens. Vous vous empresserez de marcher, au milieu du calme qui convient à une assemblée de législateurs, vers le but auquel les vœux de ia France entière vous appellent ; vous travaillerez avec une ardeur tranquille et avec un accord, s'il se peut enfin, unanime, à terminer le grand ouvrage dont tout sollicite le prompt accomplissement. Uniquement occupé de hâter vos travaux, je m'efforcerai de répondre par mon zèle à une confiance que rien encore n'a pu me mériter.
Plusieurs membres proposent de voter des remerciements à M. Treilhard.
(Des applaudissements unanimes sont l'expression du vœu de l'Assemblée.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir.
(ci-devant de Saint-Etienne), demande la parole sur ce procès-verbal.
Vous avez rendu un décret dans la séance d'hier au soir concernant les ouvrages
incendiaires. Je demande qu'il soit ajouté, a et tous écrits qui inviteraient les princes étrangers à faire des invasions dans le royaume. » (Cette addition est décrétée.)
En portant un décret contre ceux qui exciteraient le peuple à l'insurrection contre les lois, vous n'avez pas prétendu laisser aux | luges la faculté de devenir des inquisiteurs. Comme vous n'avez pas encore décrété les nou- j velles formes de la procédure criminelle, je demande qu'il soit nommé un jury pour connaître des délits de ce genre. Il faut prendre garde que la trop grande extension de notre décret puisse avoir des suites funestes; ce n'est pas du sein de cette Assemblée qu'il peut s'élever un tribunal inquisitorial. Je crois donc être dans les principes de la justice, j'ajouterai même, de tous les partis, en demandant qu'il soit nommé un
jury-
l'alné
. L'institution des jurés, en matière criminelle, a déjà été décrétée; il e6t bien évident que la connaissance de ces délits leur appartient. Mais pourquoi ne sont-ils pas encore en activité? C'est qu'il faut auparavant .une procédure au fait de laquelle ils puissent se mettre. Le comité de Constitution est chargé delà présenter, et il ne l'a point fait encore ; je demande donc qu'en attendant ce modèle on suive, pour les délits qui font Ja matière de cette délibération, la marche ordinaire des affaires. (On demande l'ordre du jour.)
La procédure par jurés, en matière criminelle, est un bienfait que la justice et l'équité ont dicté à l'Assemblée nationale; il ne faut pas en retarder l'effet et tout accusé a le droit de réclamer l'effet d'une loi qui a été portée : il ne s'agit ici que de quelques détails de forme, pour que cette procédure puisse être suivie; je demande, en conséquence, que le comité de Constitution fasse un rapport dans deux jours, parce que c'est le moyen de concilier les opinions qui viennent de se produire,. J'ajoute que cette procédure n'exige pas autant d'embarras que le préo-pinaht en annonce; il suffit de présenter un plan simple, uniforme, pour que l'accusé soit jugé par ses pairs.
Mon opinion n'a pas pour objet de retarder l'accusaiion portée contre les libellistes ; il convient, au contraire, qu'ils soient punis par la rigueur des lois, parce que ceux qui déchirent la réputation des autres par des écrits scandaleux font un mal injuste et que l'honneur est plus re-commandable que la vie.
Mais comme la procédure par jurés n'empêche pas la punition des coupables, fappuie l'amendement de M. Rafeaud.
La procédure par jurés doit être exécutée, mais je ne suis pas d'avis que Ton s'occupe si précipitamment de son exécution. Ce qui est nécessaire, ce flui exige beaucoup de célérité, c'est la punition des libellistes ^coupables. Pour le moment, nous devons nous borner à prendre en considération les motifs développés par M. Mougins et inviter le comité de Constitution à proposer bientôt la forme de la procédure „par jjirés.
(ci-devant de Crancé). Je demande >fue l'A semblée fixe un jour pour recevoir la dénonciation des écrits incendiaires*
Cette proposition est adoptée et il y aura à cet effet une séance extraordinaire lundi soir.
La proposition de M. Rabaud est rejetée.
, évêque de Laon, député de Ver-mandois, demande un congé pour aller aux eaux.
, député de Saint-Flour, demande un congé de quinze jours pour aller aux eaux.du Mont-Dore.
, député de Caux, demande un congé de cinq semaines pour des affaires.
Ces congés sont accordés.
fait lecture d'une lettre des vainqueurs de la Bastille. Ils invitent les bons patriotes, et notamment les écrivains qui se sont consacrés à la défense de la liberté, MM. Camille Desmoulins, Loustalot, Carra, etc., etc., à assister au service qui sera célébré pour le repos d« l'âme de leurs camarades décédés au siège de cette fo'rteresse.
Ils demandent si l'Assemblée nationale ne trouverait pas convenable d'envoyer une députation à cette cérémonie.
Un membre demande si Marat n'est pas sur la liste des invités.
. Il y a un nom d'effacé, mais Je ne sais pas si c'est celui de Marat.
demande la paroleet se présente à la tribune.
De tous côtés on demande l'ordre du jour.
L'Assemblée décide que M. Robespierre ne sera pas entendu.
continue et achève la lecture du projet d'instruction aux municipalités pour les corps administratifs.
L'impression est ordonnée et 1a discussion ajournée.
, secrétaire, lit la lettre suivante de M. Baillu à laquelle est joint le bulletin de la santé du roi.
« Monsieur le président, I
« J'ai l'honneur de vous envoyer copie de la lettre que M. d'Aumont, premier gentilhomme de la chambre du roi, vient de m'adresser. Je vous serai obligé d'avoir là bonté d'en faire part àfAs-semblée nationale.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Bailly. »
bulletin.
« Depuis quelques jours le roi est incommodé d'une flux'ion occasionnée par une douleur -de la dent incisive supérieure. Sa Majesté a le visage gonflé. Il s'es t joint quelque mouvement de fièvre et un peu de chaleur d'entrailles; ces symptômes continuent aujourd'hui ; la lièvre nous parait plus modérée et le dentiste juge qu'il y a un peu de fluxion autour de la gencive.
>« A Saint-Clou d le 1er août 1790. »
« Signé : LEMONNTER, VlC n'Azm. »
Lettré de M. d'Aumont.
« Saint-Cloud, le er août 1790
bulletin de l'état du roi; il parait intéressant que le public soit journellement informé de sa santé, dans le cas où elle ne lui permettrait pas d'aller à Paris jeudi, comme c'est son projet; Sa Majesté désire que vous donniez vos ordres pour faire imprimer ce bulletin dans les papiers publics.
« Quoique au commencement du voyage de Saint-Cloud, il ait été décidé que Leurs Majestés n'y recevraient que les personnes attachées à leur maison, ia reine, pensant que beaucoup rie députés et autres hommes désireraient savoir plus en détail des nouvelles du roi, a décidé hier qu'à commencer de demain, elle recevrait du monde depuis six heures jusqu'à sept heures. J'ai cru devoir vous en prévenir, afin que vous puissiez en prévenir MM. les députés et autres personnes dans le cas de profiter ae cette facilité, de savoir plus particulièrement des nouvelles du roi.
« J'ai l'honneur d'être, etc.
« Signé : Alexandre d'Auhont, ci-devant duc de Villequier. »
Je fais la motion que l'Assemblée envoie ce soir une députation de six de ses membres à Saint-Cloud, pour nous apporterà l'ouverture de la séance de demain des nouvelles de la santé du roi.
{Cette motion est acceptée par acclamation 0
désigne pour cette mission : MM. d'Ambly, Regnault (de Nancy), Lucas, Rewbell, Barrère, Démeunier.
J'ai reçu de M. Necker, un mémoire relatif aux prétendus payements faits à M. le .comte d'Artois (1).
On demande la lecture du mémoire qui est ainsi conçu : Messieurs,
Deux allégations d'un membre de l'Assemblée nationale, à la séance de dimanche dernier, exigent, tm'assure-t-on, un éclaircissement de ma part.
J'ai fait remettre, a-t-on dit, des fonds à M. le comte d'Artois, sans autorisation de la part de l'Assemblée nationale, et je dois être tenu de rembourser cette avance de mes propres deniers.
Je n'ai rien à redire au choix entendu de ce reproche ; il était bien du nombre de ceux qui peuvent faire impression; aussi l'a-t-on publié partout avec des intentions malveillantes. On a tâché de persuader que je fournissais obscurément des fonds à M. le comte d'Artois; et, malgré l'invraisemblance et la fausseté d'une pareille insi nuation, l'on a égaré pour un moment une portion du peuple, et on lui a inspiré de ia défiance sur les principes éprouvés de son ami le plus ancien et le plus fidèle.
Je ne dis rien de plus : je dois réprimer les sentiments qui pèsent sur mon cœur, atin de donner ici tranquillement les éclaircissements les plus simples.
L Assemblée a connaissance d'un engagement pris par le roi, à la fin de l'année 1783, pour
l'acquit des dettes de M. le comte d'Artois, à raison de 1,600,000 livres par an, jusque
etcompris 1791. Cette disposition, ponctuellementexécutée depuis 1784, se trouve daus les
états instructifs fournis aux notables en 1787. Elle forme, de plus, un article de dépenses
dans le compte des finances im-
Le payement de l'année 1789 avait été exécuté à l'avance en assignations sur le domaine, peu de temps avant ma rentrée dans le ministère au mois d'août 1788.
Ces assignations à un an de terme ayant été comprises dans la suspension des remboursements ordonnée vers la fin de l'administration de M. l'archevêque de Sens, on me pressa d'échanger ces assignations contre des valeurs actives, et je me défendis d'une exception à la loi générale. '
On me demanda d'autant plus tôt le payement de l'année 1790; et j'aurais pu, sans faveur nouvelle, y consentir dès l'année dernière, puisque le payement de l'année 1789 avait été fait à l'avance, au milieu de 1788:
J'opposai encore à cette sollicitation la situation des finances et l'importance du maintien, ou .plutôt, du retour aux règles.
Enfin, après m'être défendu d'aucun échange de valeur en 1788, et d'aucun pavement en 1789, arrivé en 1790, je plaçai les 1,600,000 livres destinées à l'acquittement des dettes de M. le comte d'Artois, dans l'aperçu des dépenses des huit derniers mois de cette année; et en formant ensuite l'état particulier des payements à faire pendant le cours de juillet, j'y compris un premier acompte de 200,0001ivressur la nuditésommedel,600,000 livres.
Ce dernier état a été remis au comité de finances au commencement du mois qui vient de finir : et le tableau spéculatif des dépenses des huit derniers mois de cette année, où la somme entière des 1,600,000 livres se trouve portée, je l'ai présenté moi-même au mois de mai à l'Assemblée nationale, et il a été rendu public ensuite par ia voie de l'impression.
Tous les comités de l'Assemblée nationale, celui des pensions, celui de liquidation, celui des finances, enfin, chacun des membres individuels de l'Assemblée nationale, ont doncjété instruits que les 1,600,000 livres, suite de l'engagement formel contracté par le roi envers les créanciers de M. le comte d'Artois, étaient portées sur l'état des dépenses des huit derniers mois de cette année. Nulle objection, nulle critique, nulle observation n'a été faite de la part de personne et c'est au moment où l'on croit que le payement du premier acompte doit avoir eu son exécution, qu'un memDre de l'Assemblée nationale propose d'intenter une action contre moi, pour raifcon de ce payement!Une telle marche,je l'âvoue, a de quoi me surprendre, et il doit m'être permis de faire observer que, les communications nécessaires de l'administration des finances à l'Assemblée nationale le transformeraient en occasions ou en sujets de piège pour le ministre, si, lorsque cette administration expose le tableau spéculatif des dépenses du mois, du semestre, ou de l'année, aucune observation n'était faite sur les payements projetés, et si l'on en gardait simplement note pour les censurer lorsqu'ils seraient exécutés.
Maintenant, et l'on ne s'y attend pas sans doute, maintenant je finis par dire qu'aucun acompte encore n'a été fourni, qu'aucun payement n'a eu lieu sur les 1,600,000 livres comprises dans l'état spéculatif dès dépenses des huit derniers mois de l'année, et sur lesquelles je viens de fixer l'attention de l'Assemblée nationale ; ainsi, la dénonciation dirigée contre moi se trouve encore, dans le fait, entièrement erronée.
J'alteste de plus que, non pas seulement dans ces derniers temps, mais dans tout l'intervalle qui s'est écoulé depuis mon retour à l'administration des finances, il n'a été payé au trésor de M. le comte d'Artois que les sommes fixées pour l'entretien de sa maison, et les fonds destinés aux 900,000 livres de rentes viagères que le roi, dans l'année 1783, s'est obligé d'acquitter; rentes qui font partie des intérêts à la charge de l'Etat, comme on l'a vu dans les comptes généraux des revenus et des dépenses fixes de 1787, 1788 et 1789, et dans tous ceux qui ont eu lieu postérieurement pour faire connaître les besoins de l'Etat.
Je puis ajouter que j'ai reculé d'un semestre le payement de ces rentes, parce qu'en proportion des autres engagements de ce genre, il était trop avancé. J'annonce encore que, pendant l'intervalle du mois d'avril au mois de juillet de celte année, les fonds destinés aux dépenses de la maison de M. le comte d'Artois oui été diminués de 3 à 400,000 livres pour se rapprocher des dispositions générales que vous aviez arrêtées; enfin, répétant de nouveau que rien n'a été payé, depuis mon retour au ministère, sur les 1,600,000 livres annuelles, destinées à l'acquit des dettes de M. le comte d'Artois, je ne puis m'em pêcher d'indiquer comme une circonstance remarquable, qu'après avoir encouru dès longtemps plusieurs reproches pour avoir différé ce payement, je sois exposé, par une fatalité singulière, à me justifier aujourd'hui sur le même objet, et d'une trop grande facilité et d'une facilité supposée.
Cependant je vais remplir un devoir en rappelant à l'Assemblée nationale que des particuliers prêts à se faire connaître, que d'honuêtes citoyens, comptant sur la ponctualité des engagements pris par le roi envers les créanciers de M. le comte d'Artois, ont fait des avances sur les 1,600,000 livres que le trésor de ce prince devait toucher celte année ; qu'ils ont pris des engagements pour suffire à ces avances; que ces avances, que ces engagements échoient successivement, et qu'il est digne delajustice oude l'équité de l'Assemblée nationale de prendre en considération toutes ces circonstances : elle ne peut douter que Sa Majesté n'attache un intérêt particulier à une affaire qui touche à l'honneur de son frère et à ia fortune de ceux qui lui ont fait des avances de bonne foi et qui, mettant leur principale confiance dans un engagement royal, destiné à leur servir de caution, n'ont exigé du prince aucun sacrifice extraordinaire.
Je viens au second reproche du même censeur. On en fait aussi beaucoup de bruit, et il m'est aisé d'y répondre.
L'administration s'est engagée, dit-on, à payer 120,000 livres à Mme la comtesse de la Marck, et l'on ajoute que, pour éloigner les regards de cette disposition, l'on a affecté te payement sur les fonds du garde-meuble.
Je commence par dire qu'il to'a pas été payé un denier pour un tel objet sur aucun fonds émanant du Trésor public; et au moment où M. Camus a fait mention de cette affaire à l'Assemblée nationale, je n'en avais jamais entendu parler (1).
Les informations que j'ai prises m'ont fait connaître que M. Thierry avait payé 30,000
francs à Mme de la Marck, par ordre direct de Sa Ma-
Il a été chargé par le roi d'un arrangement particulier avec Mme de la Marck, et comme cette affaire a été mal expliquée à l'Assemblée nationale, comme le public croit, en conséquence, que l'on a fait un don de 120,000 livres à une femme de qualité, et que, pour dissimuler cette largesse, on l'a fait payer sur les fonds du garde-meuble, je dois au roi de présenter les faits dans leur vérité.
Mme de la Marck occupait le principal appartement des Tuileries; elle venait d'y faire de grandes dépendes en meubles, en glaces, en boiseries, dorures, peintures, etc., et plusieurs mémoires des marchands n'étaient pas encore payés.
Sa Majesté arrivant à Paris le 6 octobre, a" eu un besoin absolu de cet appartement, puisqu'il compose aujourd'hui une partie de celui de la reine, et les petits cabinets du roi.
La justice du .monarque lui a fait une loi de rembourser une dépense faite par Mm0 de la Marck, et dont il devait profiter personnellement. Cette dépense a été estimée à dire d'experts; Sa Majesté a pris l'engagement de payer la somme totale en dix ans sur les fonds destinés au garde-meuble, et j'apprends en ce moment que le premier terme a ^té payé du produit de quelques vieux meubles vendus par l'intendant de ce département.
J'ai appris de plus que, selon le marché fait pour le roi avec Mme de la Marck, si cette dame, âgée de 70 ans, venait à mourir avant l'expiration des termes consécutifs pris pour les payements, le roi serait déchargé de tout ce qui serait encore dû. "
On voit, par les particularités dont je viens de rendre compte, que tout est simple ^dans cette affaire; il n'y a de surprenant, ce me semble, que l'obligation où je me trouve d'entrer eu autant de détails pour éclairer sur un seul fait les jugements publics, et pour Calmer les inquiétudes qu'on inspire avec des mots, et qu'on ne détruit qu'imparfaitement, même avec de longues explications.
Entraîné par ces réflexions générales, je demande instamment à l'Assemblée nationale de vouloir bien se faire rendre compte des démarches inutiles faites jusques à présent par son comité des finances pour obtenir une explication sur une prétendue réticence de 600 millions aperçue dans mes comptes ; car l'offre d'en donner la preuve, quoique faite par une personne inconnue, a fixé l'attention du public du moment où une pareille offre a été acceptée par l'Assemblée nationale. Je vous prie, encore, Messieurs, d'exiger du comité qu'il porte cette affaire à son dernier terme; car il serait disposé, je le crois, à se contenter de réponses vagues et déclinatoi-res; tant il sait bien qu'à la suite de ses travaux et de ses recherches, il est plus en état que personne de découvrir mes fautes de calcul, s'il en existe réellement 1
Que n'est-il possible de soumettre également à un examen toutes les assertions calomnieuses, répandues avec profusion dans les infâmes libelles dont, jusqu'à ces derniers temps, j'avais ignoré l'horrible puissance 1
Je me trouve, je l'avoue, et chaque jour davantage, péniblement attristé; et puisque, par le cours de vos délibérations, je. suis maintenant
inutile à la chose publique, et que mes forces s'affaiblissent sous le travail, les inquiétudes et les épreuves de tout genre, j'aspire a trouver le repos et à m'éloigner pour toujours du monde et des affaires. Je désire donc avec ardeur de connaître promptement, si d'aucune part on a quelque reproche à me faire ; si le comité des finances en particulier occupé de l'examen du compte que vous m'avez demandé, y trouve quelque chose à reprendre; et certain que je suis, de ne m'être jamais distrait un moment du bien public et de la rigide observation de mes devoirs, je ne crains point d'être appelé à toutes les preuves que les représentants de la nation jugeront nécessaires.
Je demande que le mémoire de M. Necker soit renvoyé au comité des finances pour en rendre compte et pour savoir si la nation payera celte année 1,600,000 livres pour les dettes de M. le comte d'Artois.
Je demande l'ajournement de toute discussion jusqu'au jour peu éloigné où l'Assemblée discutera la question des apanages.
(L'Assemblée, consultée, ordonne l'impression du mémoire et prononce l'ajournement.)
Je ne sais par quel motif on affecte de répandre des alarmes sur la ville de Lyon. Nous avons reçu une lettre de la municipalité, datée du 29; elle nous annonce que par les soins des gardes nationales la tranquillité est rétablie et le peuple désabusé.
M. Périsse fait lecture de cette lettre; elle atteste l'empre6sement des gardes nationales voisines de la ville de Lyon pour rétablir la paix.
, secrétaire, annonce que le résultat du scrutin, pour la formation du comité diplomatique, a donné les résultats suivants :
MM. Fréteau................217voix.
de Mirabeau l'aîné... 181 —
Du Ghâtelet.................166 —
Barnave..........................159 —
De Menou......................144 —
D'André........................120 —
'Ces six membres composeront le comité.
Les membres qui ont ensuite réuni le plus de suffrages sont :
MM. Malouet..........................116 voix.
Bégouen........................113 —
Alex, de Lameth.... 103 -h
Dupont (de Nemours). 99 —
L'abbé Maury........ 94 —
Sieyès.............. 91 —
L'ordre du jour est à la suite de la discussion sur l'organisation de l'armée.
, rapporteur, lit les art. 7 et 18 concernant les appointements de l'infanterie et de la cavalerie.
« Art. 7. Le colonel aura 6,000 livres d'appointements par année, les deux premiers lieutenants-colonels auront 4,200 livres, les deux seconds lieutenants-colonels 3,600 livres, les quartiers-maîtres 1,400 livres, lesadjudants-majors 1,200 livres ; les capitaines de première classe auront 2,700 livres, ceux de la seconde 2,400livres, ceux de la troisième 2,200 livres, ceux de la quatrième 1,700 livres, et ceux de la cinquième, 1,500 livres; les lieutenants auront 1,000 livres, les sous-
lieutenants 800 livres, les adjudants auront 668 livres, les tambours-majors 443 livres, les caporaux-tambours 335 livres, les musiciens353 livres ; les sergents-majors de grenadiers auront 461 livres, de chasseurs 452 livres, de fusiliers 443 livres ; les sergents de grenadiers auront 413 livres, de chasseurs 386 livres, de fusiliers 377 livres; les fourriers de grenadiers auront 341 livres, de chasseurs 314 livres, de fusiliers 305 livres; les tambours de grenadiers auront 305 livres, de chasseurs 296 livres, de fusiliers 287 livres; les grenadiers auront 269 livres, les chasseurs 260 livres, les fusiliers 251 livres, toute masse comprise.
« Art. 18. Le colonel aura 6,000 livres d'appointements par année, le premier lieutenant-colonel 4,400 livres, le second lieutenant-colonel 4,000 livres, le troisième lieutenant-colonel 3,600 livres, le quartier-maître 1,400 livres; les capitaines de la première classe auront 2,800 livres, ceux de la seconde classe auront 2,200 livres, ceux de la troisième 1,600 livre-! ; les lieutenants auront 1,100 livres, les sous-lieutenants 800 livres; les adjudants dans la cavalerie auront 758 livres, les maréchaux des logis en chef 551 livres, les maréchaux des logis ordinaires 515 livres, les fourriers 449 livres, les brigadiers 413 livres, les trompettes 497 livres, les cavaliers 365 livres. Dans les dragons et les chasseurs, les adjudants auront 750 livres, les maréchaux des logis en chef 543 livres, les maréchaux des logis ordinaires 507 livres, les fourriers 441 livres, les brigadiers, 405 livres, les trompettes 489 livres, les dragons et les chasseurs 351 livres.
propose un amendement en faveur des officiers de cavalerie et demande que leur traitement soit augmenté de 200 francs.
appuie l'amendement qui se justifie par les charges plus nombreuses qui pèsent sur la cavalerie.
voit, au contraire, de grands dangers à décréter cette augmentation, parce qu'elle attirerait toute la jeunesse dans la cavalerie dont le service est, d'ailleurs, plus commode.
Plusieurs membres demandent l'ajournement et le renvoi au comité.
(Cette motion est adoptée.)
Vous avez décrété qu'il sera envoyé une députation au roi, pour lui donner une marque de l'attachement de l'Assemblée. Je demande qu'en même temps une dépu ation soit nommée pour assister à la cérémonie funèbre qu'on prépare pour les citoyens morts en défendant la liberté.
Un membre de la partie droite demande la question préalable.
Quel est celui qui ose proposer la question préalable? Je demande qu'il la motive.
appuie la question préa lable.
L'Assemblée s'honorera en honorant les martyrs de la liberté.
le jeune. On dit qu'il y a des difficultés pour cette cérémonie, entre la
garde nationale et les volontaires de la Bastille. Si cela est, la démarche de l'Assemblée serait an préjugé. Si cela n'est pas, l'Assemblée ne peut se dispenser d'envoyer une dèputation.
Peu nous importe de savoir si des personnes, quelles qu'elles soient, ne sont pas d'accord sur les honneurs à rendre aux vainqueurs, de la Bastille; ce qui importe aux représentants de la nation, c'est de savoir si l'Assemblée peut refuser de concourir à cet hommage, si même elle n'aurait pas dû le décerner elle-même. Je demande qu'on mette aux voix ma proposition.
Je motive la question préalable, en demandant qu'on fasse relire le décret rendu hier soir. Les journalistes sont invités à la cérémonie. Les uns sont bons citoyens, il en est d'autres sur lesquels vous avez cru devoir appeler toute la rigueur des lois. L'Assemblée peut-elle se trouver placée à côté de gens qu'elle a ordonné de poursuivre? Plusieurs personnes ont vu enlever ce matin, par le peuple, des invitations que les vainqueurs de la Bastille avaient fait afficher. S'il y avait un conflit, il ne serait pas décent que l'Assemblée se trouvât représentée à cette cérémonie.
Quand on Invite l'Assemblée à une cérémonie* ou vient lui faire cette invitation à la barre. Nous ne connaissons l'invitation des vainqueurs de la Bastille que par des affiches ; et puisque, dans ces affiches, on désigne les membres de l'Assemblée qui doivent assister à ce service, il est inutile d'y envoyer des commissaires. Je demande qu'on lève la séance.
Je demande l'ajournement. Quand la difficulté entre la garde nationale'et les vainqueurs de la Bastille sera terminée et le service arrêté, l'Assemblée nationale ne refusera pas de s'y rendre.
11 n'y a pas d'invitations adressées directement à l'Assemblée; il existe des difficultés entre la garde nationale et les vainqueurs de la Bastille : telles sont les raisons que l'on donne pour empêcher l'Assemblée d'envoyer mie dèputation au service qui doit être fait pour les citoyens qui ont perdu la vie en défendant votre liberté. L'Assemblée tranchera les difficultés ^n ordonnant elle-même ce service. Je demande, en conséquence, qu'il soit décrété un service solennel pour ceux qui sont morts pour la liberté.
Je demande le renvoi à la municipalité.
Je demande si C'est pour l'utilité de la municipalité de Paris que la Bastille est abattue; si c'est pour l'avantage de la France entière, il est de l'honneur des représentants de la nation d'honorer ceux qui sont morts en renversant celte forteresse.
On n'annonce pas le véritable motif qui doit vous détermmèr ; indépendamment de l'hommage que nous commande la reconnaissance en -adoptant la proposition de M. Duport, vous assurez la tranquillité de la capitale, vous détruisez les difficultés qui existent entre ceux qui veulent concourir à cette cérémonie.
(La discussion est fermée.)
L'Assemblée rend le décret suivant : « L'Assemblée nationale a décrété et décrète qu'il sera fait un service solennel pour tous ceux qui sont morts pour la cause de la liberté; que la municipalité de Paris sera chargée des détails de ce service. « Il sera sursis à celui annoncé pour demain. » (La séance est levée à trois heures.)
BÉPONSE de M. Camus au mémoire adressé par M. Necker, à l'Assemblée nationale, le er août 1790
M. Necker m'a nommé dans un mémoire qu'il a adressé à l'Assemblée nationale, le 1er août; il m'a inculpé personnellement. Je dois compte de ma conduite à l'Assemblée nationale et à mes commettants; je connais mon obligation, et j'y satisfais.
Le 25 juillet, le comité des finances a présenté à l'Assemblée nationale un projet de décret annoncé comme simple projet de règlement sut l'émission des assignats, mais dans le troisième article duquel il était dit : « Les sommés qui de-« vront être fournies au Trésor public conti-« nueront à lui être délivrées, sur l'autorisation « qui en sera donnée successivement par l'Assem-« blée nationale, en billets de caisse, servant de « promesses d'assignats, jusqu'à la concurrence « ae la somme de 95 millions, laquelle, avec la
« somme de...... complétera celle de 400 mil-
« lions, montant total des assignats qui ont été « destinés au service des années 1789 et 1790. »
Lorsque j'ai entendu la lecture de ce projet, j'ai été vivement frappé de ce qu'avant l'émission d'un seul assignat dans le public, déjà il n'en restait plus un denier libre; de ce qu'après avoir successivement demandé à l'Assemblée trois fois vingt millions, une fois trente-cinq, une autre fois quarante-cinq millions, on semblait avoir pris une tournure pour emporter d'un coup ce qui restait : ces idées n'étaient pas des illusions, puisque M. Le Gouteulx est convenu, en me répondant, que les 95 millions pourraient être consommés à la fin de septembre; ét qu'il était possible d'induire de l'article troisième du décret, que l'intention de l'Assemblée était qu'on fit successivement la remise du total des 95 millions.
Pénétré du sentiment qui m'avait ému; effrayé des conséquences qui se développaient à mes yeux, j'ai dû demander à l'Assemblée la permission de lui faire part de mes observations : elle me l'a permis, et ces observations ont porté sur les poiuts que voici t
1° M. Necker est venu à l'Assemblée nationale, le 29 mai, et a dit " Il résulte du tubl-eau spéculatif, des besoins et des ressources, d'ici à ta fin 4e cette année, qu'il y aurait un excèdent de recette de ll,400y000 livres (2). Gomment se fait-il que
lesll,400,000 livres qui, le 29 mai, devaient excéder la dépense, disparaissent complètemet aujourd'hui 25 juillet?
2° La cause de l'insuffisance des fonds ordinaires et du défaut de remises par les receveurs généraux et autres, vient, dit-on, du défaut de perception dans les provinces. Celte cause ne vient-elle pas plutôt de ce que les revenus ont été consommés d'avance? Le compte envoyé à l'Assemblée nationale par M. Necker, le 27 juillet, porte 22.0,772,052 livres d'anticipations; sur le mois où nous sommes il a été mangé d'avance 8,300,000 livres.
3° L'argent qu'on reçoit s'échappe d'ailleurs en dépenses qu'on ne devrait pas faire. Pourquoi a-t-on fait des payements considérables à M. d'Artois et à ses créanciers?
4° On a accordé, en décembre 1789, 120,000 livres à Mm8 de Ja Marck, pour la dédommager de ce qu'elle perdait un appartement dont elle avait joui gratis aux Tuileries : 30,000 livres lui ont été payées comptant en janvier.
5° Les administrateurs ne sauraient se déprendre de leurs anciennes pratiques. Le 18 février, il avait été donné un arrêt du conseil pour transporter une renie viagère de .... livres, de la tête d'un particulier sur celle d'un autre; l'opération n'a pas eu lieu, parce que la Chambre des comptes a refusé d'enregistrer les lettres patentes sur l'arrêt.
6° On ne cesse de nous bercer de l'idée d'une responsabilité qui doit remédier à tout, et qui, dans le fait, n'arrête rien. Nous sommes actuellement dans le cas de l'exercer. Je demande qu'on ne mette aucun fonds à la disposition du premier ministre, qu'il n'ait rétabli au Trésor public des sommes qu'il a fait payer à M. le comte d'Artois.
Tels ont été, autant que je peux me le rappeler, les points principaux de mes observations.
Sur les deux premiers objets, M. Necker a adressé, le 25 juillet, un mémoire à l'Assemblée. La discussion de ce mémoire est entièrement liée à celle des différents comptes qu'il a présentés. G^tte discussion exige un travail particulier; elle n'entrera point dans ma présente réponse, où je ne dois m'occuper que du second mémoire envoyé à l'Assemblée Je 1er août, et où je suis nommé personnellement.
Dans ce mémoire, M. Necker se défend d'abord sur les fonds fournis à M. d'Artois, ensuite sur les 120,000 livres accordées à Mm* de Ja Marck.
Il parle, dans le même mémoire, de la prétendue rélicence d'une somme de 600 millions de livres qu'on lui impute d'avoir faite dans ses comptes; enfin, il termine par quelques phrases sur la responsabilité.
Les plaintes relatives à la prétendue réticence de 600 millions de livres me sont parfaitement étrangères : je n'ai jamais dit un mot sur cet objet; mais comme c'est bien moi qui ai parlé de l'argent fourni à M. d'Artois, et des 120,000 livres de Mme de la Marck, j'entends me défendre sur l'un et l'autre objet. Je me propose de dire quelque chose aussi sur la responsabilité des ministres; et, à ce sujet je rappellerai le cinquième objet de mes plaintes : le transport d'une rente viagère d'une tête sur une auire.
Fonds fournis à M. d'Artois.
J'ai dit plusieurs fois à la tribune, et je le répète ici, que les administrateurs de la caisse publique ont donné de l'argent à M. d'Artois
le 5 mai 1789; j'ai dit et je répète qu'ils ont donné de l'argent à ses créanciers ; j'ai ajouté et j'ajoute qu'en se conduisant ainsi, ils ont manqué à leur devoir.
M. Necker assure (page 4 de son mémoire) que depuis son retour à l'administration des finances il n'a été payé au trésor de M. d'Artois que les sommes fixées pour l'entretien de sa maison, et les fonds destinés aux 900,000 livres de rentes viagères que le roi, dans l'année 1783, s'est obligé d'acquitter; et que rien n'a été payé, depuis son retour au ministère, sur les 1,600,000 livres annuelles destinées à l'acquit des dettes de M. d'Artois. M. Necker prétend néanmoins que ces 1,600,000 livres, ayant été portées dans tous les comptes précédents, et encore dans l'état des dépenses des huit derniers mois de cette année, il n'a été fait nulle objection, nulle critique, nulle observation de la part de personne. A l'égard des 900,000 livres de rentes viagères.ces rentes, selon M. Necker, font partie des intérêts à la charge de l'Etat, comme on l'a vu, dit-il, dans les comptes généraux des revenus et des dépenses fixes de 1787, 1788, 1789, et dans tous ceux qui ont eu lieu postérieurement pour faire connaître les besoins de TEtat.
Voilà donc trois objets distincts : fonds destinés à la dépense de la maison de M. d'Artois (au delà des revenus de son apanage) ; fonds de 1,600,000 livres pour l'acquit des dettes de M. d'Artois; fonds annuel de 900,000 livres pour acquitler les créanciers de rentes viagères constituées par M. d'Artois.
Les sommes fournies à M. d'Artois pour la dépense de sa maison, de celle de Mme d'Artois, et de celle de ses enfants, ne sauraient être considérées que comme des traitements et comme des pensions. Les fonds accordés par l'Etat aux personnes de la maison royale, pour leur subsistance et entretien, sont les apanages : tout ce qui est hors de l'apanage est faveur et grâce accordée par le roi (I). C'est un fait convenu que ces pen-
sions et traitements ont été payés; que la plus grande partie l'a même été jusqu'au mois de
juillet de cette année, puisque M. Necker déclare, dans son mémoire (page 4), que dans l'intervalle
du mois d'avril au mois de juillet de cette année, ils ont été diminués de trois à quatre cent mille livres, pour se rapprocher des dispositions générales arrêtées par l'Assemblée.
Mais pour se rapprocher effectivement des dispositions ordonnées par l'Assemblée, et pour s'y conformer, ce n'est pas une simple diminution à faire sur les fonds destinés à la maison de M. et Mm* d'Artois, c'était une suspension absolue qui devait avoir lieu à compter du 14 janvier 1790.
L'article IV des décrets de l'Assemblée des 4 et 5 janvier 1790, sanctionnés par le roi ie 14, porte qu'il ne sera payé, même provisoirement, aucune pension, don, gratification, appointements et traitements accordés à quelques fonctions publiques aux Français habituellement domiciliés dans ie royaume, et actuellement absents sans mission expresse du roi antérieure à ce jour. Le roi, en sanctionnant ce décret, enjoint à tous ordonnateurs, ainsi qu'aux administrateurs du Trésor royal, de s'y conformer, voulant qu'il soit exécuté comme loi du royaume.
Les payements faits à M.- d'Artois sur ses pensions, dons et grâces depuis le 14 janvier 1790, ont été faits en contravention à la loi. Ceux qui les ont ordonnés, ou qui les ont faits, ont violé la loi ; ils sont répréhensibles, ils sont responsables.
Déjà j'entends les hommes de cour et tous les gens aux gages des princes se récrier contre les vérités que j'énonce. Gomment appliquer la loi au frère du roi? Comment le réduire aux tristes produits d'un apanage qui ne donne que534,000 livres de revenus (1)? Quelle rusticité,j?our ne pas dire quelle inhumanité, de vouloir que le frère du roietsa maisons'entretiennentavec500,000 livres?
Ma réponse peut être sévère, mais elle est simple et vraie.
Le frère du roi est un citoyen, et il n'est qu'un citoyen, sujet à la loi comme tous les autres citoyens. La loi est, ou elle n'est pas : tous y sont soumis, ou personne n'est tenu de s'y conformer. Les efforts que la nation fait depuis quatorze mois pour acquérir la liberté sont vains et inutiles, si déjà nous avons oublié cet axiome d'une vérité éternelle, retracé dans la déclaration des droits de l'homme, que la loi doit être la mêmepour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. La loi a été portée, je l'ai transcrite; quelles qu'en soient les conséquences, M. d'Artois y est soumis, et l'on n'est pas plus excusable de s en écarter pour lui que pour tout autre.
Au fond, est-il donc si malheureux pour un mortel d'être réduit à 500,00J livres de rentes? N'est-ce donc pas assez de prélever 500,000 livres de rentes sur les revenus domaniaux d'une nation que l'on abandonne, et dans le sein de laquelle on refuse de vivre? Croit-on qu'il soit fort juste qu'en outre de ces 500,000 livres, la nation donne 3,000,000 de livres par an à un citoyen dont elle ne connaît pas la prestation du serment civique, à un Français dont elle ne connaît pas la contribution patriotique? Si des revenus aussi considérables ont pu être légitimement attribués à un individu quelconque, certes ce ne fut jamais pour qu'il allât les consommer en pays étranger, et porter ainsi l'abondance et notre numéraire dans une terre où l'on n'est pas Français. L'attribution deces grands fonds, qui, dans ta main d'un particulier, n ont pour terme que de grandes dis-
sipations, ne saurait être excusée qu'autant que, par le luxe même qu'ils alimentent, ils reviennent au profit de la société sur les membres de laquelle on les prélève. 11 est rare qu'un citoyen les accumule sur sa tête, sans attenter aux droits de quelque autre citoyen; mais le3 porter en masse chez l'étranger, c'est se rendre coupable envers la nation entière.
Le décret qui existe est sage ; on n'a pu l'enfreindre sans violer les principes d'une droite raison et d'une politique prudente, aussi certainement que l'on a violé ouvertement le texte de la loi.
M. Necker affirme qu'il n'a rien payé sur les 1,600,000 livres qui restent à payer sur les secours accordés à M. d'Artois; mais, avant son assertion positive, je devais regarder le payement d'une partie de cette somme comme certain.
Une décision du roi, du 28 décembre 1783, porte qu'il sera payé à M. d'Artois 11,600,000 livres en sept années, savoir : dans chacune des années 1785 à 1790,1,600,000 livres, et dans l'année 1791, 2,000,000 de livres (1). Cette somme annuelle de 1,600,000 livres se trouve portée dans les états présentés aux notables, et dans le compte de l'archevêque de Sens (page 172). M. Necker déclare que ce n'est pas lui qui a fait le payement de l'année 1789 ; qu'il était effectué en assignations avant son entrée dans le ministère. Il ajoute qu'il s'est défendu d'aucun payement en 1789, et qu'arrivé en 1790 il plaça les 1,600,000 livres destinées à l'acquittement des dettes de M. Je comte d'Artois dans Paperçu des dépenses des huit derniers mois de cette année; que, formant ensuite ud état particulier des dépenses à faire en juillet 1790, il y a compris un premier acompte de 200,'00 livres, sur les 1,600,000 livres, et que cet état a été remis au comité des finances au mois de juillet.
M. Necker ne s'est pas rappelé un autre état, intitulé: Aperçu des dépenses, extraordinaires de
l'année 1790, signé par M. Dut'resne, le 15 décembre, signé par lui-même, comme simple aperçu (2). A la seconde page j'ai lu cet article : Avant-dernier payement sur le secours que le roi accorda, en 1784 (1783), à monseigneur comte d'Artois, pour le payement de ses créanciers, 1,600,000 livres. C'est à cette époque que j'ai été persuadé, et que j'ai dû l'être, qu'on faisait des payements à M. d'Artois pour le payement de ses dettes. On demandait alors, le 15 décembre 1789, à la suite de l'aperçu des dépenses extraordinaires, 80 millions pour y subvenir, en se défendant de celles dont il serait possible de se dispenser. Pour en acquitter le total, il aurait fallu 95,470 000 livres. Mais la nation ayant fourni, depuis le 15 décembre 1789, beaucoup plus deSOiniliionsd'extra-ordinaire, et même beaucoup plus de 95,470,000 livres, j'ai pensé et dû penser que la somme à fournir à M. d'Artois, laquelle était une de celles qui paraissaient nécessiter les dépenses extraordinaires, avait été acquittée.
L'aperçu de la siiuation des finances pendant les mois de novembre et décembre 1789, remis à l'Assemblée le 28 novembre, avait d'ailleurs porté pour 220,000 livres à payer dans ces deux mois sur les reutes viagères du'es par M. d'Artois; et dès que j'ai eu connaissance de l'un et l'autre de ces objets, il est de fait, j'en attesta mes collègues, que je n'ai cessé de me plaindre à la tri-
bunede ce qu'on faisait des payements à M. d'Artois; et je n'ai pas été le seul à m'en plaindre (1).
J'observe au surplus que iM. Necker fait en ce même lieu (page 3) d'autres plaintes qui ne me paraissent pas fondées, lorsqu'il dit que les communications nécessaires de l'administration des finances à l'Assemblée nationale se transformeraient en occasions ou en sujets de pièges pour le ministre, si, lorsque cette administration expose le tableau spéculatif du mois, du semestre ou de l'année, aucune observation n'était faite sur le payement projeté, et si l'on en gardait simplement note pour les censurer lorsqu'il seraient exécutés.
D'abord on devrait savoir qu'il n'existe personne dans l'Assemblée qui soit capable de tendre des pièges au ministre. Une marche astucieuse et obscure ne conviendrait pas à la grandeur des idées qui animent les membres de l'Assemblée. La conscience qu'ils ont de la force de l'Assemblée dont ils sont membres, leur inspire la franchise et l'ouverture ; ils sont inaccessibles à tout autre sentiment.
Ensuite, il est défait que l'Assemblée, lorsqu'elle a reçu des états de dépenses, ne les a jamais reganiés que comme des renseignements. Non seulement elle n'a jamais décrété que les dépenses nominativement comprises dans les étatiseraient acquittées, décret qui aurait été nécessaire pour vahderchaque article de dépense individ uellement, mais même, lorsqu'on a voulu proposer des réflexions contre quelques articles en particulier, l'Assemblée a généralement renvoyé aux temps où l'on compterait, et à ceux où l'on pourrait exercer la responsabilité contre les ministres. Il faudrait avoir une idée bien extraordinaire de la légèreté ou de l'insouciance des représentants de la nation, si l'on s'imaginait que, parce qu'ils reçoivent un état de dépenses à faire, ils en approuvent par cela même le contenu. Des objets de cette importance s'approuvent, quand il y a lieu, par des décrets formels, et non pas par un silence qui peut marquer l'improbation aussi bien que l'approbation. Aussi, lorsqueM. Necker, dans le mémoire adressé à l'Assemblée le21 juillet, indique les motifs qui l'engagent à vouloir que la loi de la responsabilité ait un effet rétroactif, lorsqu'il ajoute au même lieu qu'il n'est comptable en aucune chose, il ne dit pas que c'est parce qu'il a payé en vertu des ordres généraux ou particuliers de la nation, mais parce qu'il n'a jamais rien fait payer qu'en vertu des ordres généraux ou particuliers du roi.
Je termine l'article des 1,600,000 livres de M. d'Artois, en remarquant ce que, dans le fait, il
v a de plus avantageux, savoir : la déclaration de M. Nt cker que le jour où il écrivait, le leraoût, il n'y avait aucun payement fait sur les 1,600,000 livres. L'Assamblée nationale ayant prononcé, par son décret du 16 juillet dernier, que les engagements pour payement de dettes à ia charge du Trésor public étaient supprimés ainsi que tous les autres dons, il est à croire que nous ne verrons plus, dans les aperçus dqs dépenses à la charge de l'Etat, les sommes à fournir à M. d'Artois pour le payement de ses dettes.
Le troisième article concernant M. d'Artois est la somme qu'on paye à ses créanciers, et que M. Necker fixe à 900,000 livres par an. M. Necker convient que les fonds destinés au payement de ces rentes ont été fournis; il ajoute seulement que leur payement a été reculé d'un semestre ; mais il les qualifie rentes qui font partie des intérêts à la charge de l'Etat, comme on l'a vu dans les comptes généraux des revenus et des dépenses fixes de 1787, 1788, 1789, et dans tous ceux qui ont eu lieu postérieurement pour faire connaître les besoins de l'Etat.
Les renies dont il s'agit sont effectivement portées dans les différents comptes présentés par les ministres; mais le fait seul qu'une dette est portée parmi les dettes de l'Etat, la rend-elle dette de 1 Etat tant que les comptes où elle se trouve inscrite n'ont été ni examinés ni apurés? M. Necker semble ne pas imaginer que là il y ait sujet de question; etpeut-êlre effectivement n'en aurait-il pas existé dans l'ancien régime; mais depuis que, par le décret du 29 septembre 1789, la nation a déclaré que « les ministres et les autres agents du pouvoir exécutif sont responsables de l'emploi des fonds de leur département », comment n'est-ii pas venu en idée au premier ministre des finances d'examiner ce qu'il payait, et pourquoi il payait?
Ce qu'il aurait dû se demander à lui même, je le lui demande r pourquoi l'Etat paye-t-il les dettes de M. d'Artois ? pourquoi paye-t-il ses dettes plutôt que celtes ae tout autre particulier? Est-ce parce que M. d'Artois, ayant l'avantage d'approcher du trône, a eu la facilité d'obtenir une décision qu'un autre n'aurait pas obtenue? Cette position particulière de M. d'Artois n'a pas pu grever l'Etat de l'acquit de ses dettes, parce que, hors celui qui est sur le trône, tous les autres sont égaux; et parce que la dette du frère du roi n'est pas plus la dette de la nation que ne l'est celle de tout particulier.
Il faut un titre pour imposer une charge sur le Trésor public : et quand on demandera au ministre des finances te titre qui l'a autorisé à donner l'argent de la nation aux créanciers d'un des individus qui font partie delà nation, préseo-tera-t-il avec quelque confiance le bon du rot ? Que de réflexions naîtraient alors 1 Elles se présentent en si grand nombre, elles frappent avec tant de force, que je peux m'abstefiir de les développer.
Ainsi, pour conclure sur cet objet, je me suis plaint des sommes qu'on payait à M. d'Artois et à ses créanciers : j'ai dû. m'en plaindre. J'ai soutenu que c'était le cas d'exercer la responsabilité des ministres; je viens de le démontrer, et bientôt j'ajouterai quelques réflexions encore sur ce sujet. Je passe en ce moment au second article dont je me suis proposé de parier.
Affaire de Mme de la Marck.
Le comité des pensions avant été instruit qafl
avait été donné et promis différentes sommes à Mme de la Marck, à raison de ce qu'elle avait quitté le logement qu'elle occupait aux Tuileries, et que ces sommes lui avaientété assignées sur les fonds du garde-meuble, m'a chargé d'écrire à M. Thierry pour être instruit des faits. Voici littéralement la réponse de M. Thierry :
« Paris, le 18 juillet 1790.
« Le comité a été bien informé, Monsieur. Le roi « et la reine, en octobre dernier, ont eu besoin, « ponr leur service personnel, de l'appartement «. de Mme de la Marck aux Tuileries; comme elle « y avait fait beaucoup de dépenses, Leurs Ma-« jestés ont trouvé juste de l'en dédommager : « 1° en achetant ses membles, d'après l'estima-« tîon du vérificateur du garde-meuble, à la
* somme de 78,144 livres ; 2° en la remboursant r de plus de 40,000 francs de mémoires que « M. Reynard, inspecteur des bâtiments des Tui-« leries, a certifié avoir réglés et avoir été payés « par elle pour glaces, doubles châssis, persiennes, « lambris, dorures, peintures, cheminées de mar-« bre, poêles, etc.
« Le dédommagement total, approuvé de la « main du roi et accepté par Mme de la Marck, « monte à 120,000 livres, dont 30,000 francs ont « été payés comptants en janvier dernier sur les fonds du garde-meuble, et les autres 90 mille « livres le seront sur le pied de 10,000 livres en w neuf ans. Il a été stipulé que dans le cas où « cette dame viendrait à mourir avant l'expira-« tion de cette époque, la somme restant à ac-« quitter ne serait point exigible par aucun des « siens.
« J'ai l'honneur -d'être, Monsieur, votre très « humble et très obéissant serviteur,
« Thierry. »
Il n'est pas hors de propos de se rappeler ici, qu'un des usages de l'ancien régime était de donner des appartements considérables dans les maisons royales, à des ^personnes en faveur. On les sollicitait comme- une grâce utile. Lorsqu'on obtenait ces logements, à Paris surtout, on sentait bien tout l'avantage qu'il y avait de pouvoir épargner sur une dépense de première nécessité, le logement, mille ou deux mille écus. On n'ignorait pas que la concession pourrait être révoquée d'm> momeqt à l'autre, par la nécessité de laisser le logement libre pour te roi ou sa maison ; mais on était dédommagé, à l'avance, des» frais d'un déménagement même précipité, par l'avantage d'avoir été logé un temps plus ou moins long sans rien payer.
Quelques personnes cependant ne se contentaient pas de celte espèce de dédommagement, et comme si la privatiou d'un don auquel on n'avait aucun droit pouvait devenir un titre de créance, on trouve, sur la liste des: pensions, plusieurs pensions accordées pour indemnité de logement. Le duc deNivernais a une pension de 12,000 livres pour indemnité de la cession par lui laite au roi d'un appartement que son père avait fait construire aU Louvre (t. I, p. 19); la dame Bourgelat, 4,800' livres, pour indetnniiéd'un logement qu'elle avait au château d'Alfort (Ud.,. p.39); M. Lorrimier, 5,000 livres à titre d'indemnité du. logement qu'il occupait aux Tuileries (ib-, p. 77). Ges faits.présents à l'esprit, et en réfléchissant, soit suit le discrédit dans lequel les pensions se trouvaient à k tin de l'année dernière, soit sur les différentes parties, de la lettre de M.Thierry,, soit enfin à l'âge de M"1* de la Marck, et aux conditions du traile-
ment énoncé dans la lettre de M. Thierry, j'ose dire qu'il était impossible de se refuser à l'idée que les arrangements faits avec M1»? de la Marck étaient un don ou urne indemnité de 30,000 livres pour le déplacement, et une pension de 10,000 livres pour payer un autre logement. M"» de la Marck aurait fait des dépenses pour des objets qu'elle ne pouvait emporter, mais elle avait joui gratuitement pendant plusieurs années; elle avait fait faire des meubles, mais elle pouvait les enlever, et le garde-meuble, qui n'en manque pas, devait-il les acheter? Gomment croire à une vente ou à une estimation bien: rigoureuse, lorsque M0* de la Marck consent à n'être payée peut-être que de la somme de 10,000 livres, peut-être de 20, et, moyennant cette somme modique, à priver sa succession d'un mobilier de 78,000 livres ?
J'ai ajouté qu'on avait voulu que ces arrangements demeurassent inconnus, en portant leur acquit sur les fonds du garde-meuble. En effet, les autres indemnités, dont j'ai produit les exemples, out consisté en pensions sur le Trésor royal, et les dépenses pour boiseries, cheminées» etc., devaient être plutôt à la charge des bâtiments, qu'à la charge du garde-meuble. La preuve que ces dépenses n'étaient point à la charge du garde-meuble, c'est que M.Thierry, en exposant,dans le compte des recettes et dépenses du garde-meuble rendu au roi en février dernier et imprimé (p» 18), qu'il a été payé, des deniers du garde-meuble, 30,000 livres acompte à M1"® de la Marck, y a joint la note que cette somme devait rentrer quand le Trésor royal payerait le dernier semes-tre4789. Pourquoi donc, encore une fois,, porter cette dépense sur le garde-meuble, sinon pour en tenir le payement secret, ou pour qu'il fût effectué au garde-meuble plutôt qu'il ne l'aurait, été au Trésor royal ?
J'ai dû voir, dans tout ceci, une opération de l'ancien régime, une grâce assez considérable accordée à une femme qui a d'ailleurs pension de 10,000 livres sur le Trésor royal, pension de 8,000 livres sur le gouvernement de Cambrai, logement vaste à la surintendance du château de Saint-Germain. J'ai dû être persuadé qu'on avait eu dessein de voiler cette grâce, et ce que f avais découvert, j'ai dû en faire part à l'Assemblée nationale.
Il est à observer que, dans tout ce que j'ai dit à cet égard, pas une expression n'était personnelle à M. Necker ; je n'avais parlé qu'en général des admiuîstrateurs et du régime de l'administration. Cependant M. Necker,se rendant personnel de tout ce que j>i dit, prend la défense de l'opération que j'ai dénoncée. Voici les propositions qui composent son apologie.
Il n*a pas été payé pour cet objet un denier sur aucun fonds émanant du Trésor public.
Lui, M. Necker, n'avait jamais entendu parler de cette affaire avant la mention que j'en ai faite à l'Assemblée.
Mm9, de la Marck avait fait de la dépense dans l'appartement qu'elle occupait aux Tuileries. Cette dépense a été estimée à dire d'experts; lé roi a pris l'engagement de payer la somme totale en dix ans; le premier terme a été payé du produit de quelques vieux meubles vendus par Vintendant de ce département.
M. Necker conclut de ces propositions que tout est simple dans l'affaire, et qu'il n'y a de surprenant que l'obligation dè l'expliquer. J'avoue que je ne saurais être d'accord avec lui, ni sur les propositions, ni sur la conséquence.
D'abord, je ne conçois pas basset tion qu'il n'y a
pas eu ud denier payé à Mme de la Marck sur aucun fonds émanant au Trésor public. Il lui a été payé 30,(J00 livres ; le payement est antérieur à l'établissement de ia liste civile. De quels fonds l'a-t-on payé, si ce n'est de fonds appartenant à la nation ; de fonds qui sortaient plus ou moins directement du Trésor public, mais qui en émanaient nécessairement? Il ne saurait exister dans un Etat que des fonds de particuliers ou des fonds publics. Mme de la Marck n'a été payée des fonds d'aucun particulier, elle a donc été payée des fonds publics.
Suivant le texte de la lettre de M. Thierry, Mme de la Marck a été payée sur les fonds du garde-meuble. Est-ce donc que les fonds du garde-meuble n'émanent pas du Trésor public? Il peut être que le garde-meuble n'ait pas demandé au Trésor public 30,000 livres avec cette destination, pour payer Mmo de la Marck, mais je dis que les londsdu garde-meuble étant puisés dans le Trésor public, payer avec les fonds du garde-meuble, c'est payer avec les fonds du Trésor public. Peu importe, pour le moment, que le Trésor public sache que tels fonds qu'il donne au garde-meuble seront employés à tel objet ou à tel autre, le fait est que le Trésor public fournissant tout au garde-meuble, il paye tout ce qui s'acquitte au garde-meuble.
Suivant le mémoire de M. Necker, c'est le produit de quelques vieux meubles, vendus par l'intendant du département, qui a fourni les 30,000 livres payées à Mm® de la Marck. Mais la note insérée dans le compte rendu au roi par M. Thierry, et que j'ai rapportée, annonce que sous ce point de vue même ce n'est qu'un prêt, qu'une avance de garde-meuble, et ainsi le payement doit être, tôt ou tard, à la charge du Trésor public.
Ensuite M. Necker assure qu'il n'avait jamais entendu parler de cette affaire avant la mention que j'en ai faite à l'Assemblée; il paraît chercher là un moyen d'excuse, et moi j'y trouve le sujet de nouvelles plaintes contre l'administration.
Je dis contre l'administration, et non pas contre M. Necker. M. Necker se cause à lui-même une partie des maux dont il se plaint dans son mémoire, parce qu'il s'imagine toujours que c'est lui qu'on a sous les yeux, que l'on attaque, que l'on poursuit, dont on se plaint. Point du tout. La personne de M. Necker est la chose du monde ia plus indifférente dans l'affaire de Mme de la Marck. Il s'agit d'un mode d'administrer vicieux, et qu'il ne faut pas cesser d'attaquer tant qu'il ne cessera pas de subsister. Or, en considérant cette administration que j'attaque, je dis que c'est une administration défectueuse que celle où il existe un premier ministre des finances à l'insu duquel les finances de l'Etat peuvent être chargées du payement ou de l'obligation du payemént d'une somme de 120,000 livres. On me dira que la machine de l'administration était ainsi montée, je le sais, et c'est pourquoi je soutiens qu'elle était mal montée, et c'est pourquoi encore il est difficile de se fier aux déclarations des ministres ; qu'ils se réunissent à nous pour désirer que l'administration soit plus sage et plus économe à l'avenir, lorsque par provision, et au lieu de suspendre l'effet de leurs anciennes habitudes, ils procèdent toujours comme par le passé, décidant, donnant et payant sans en informer la nation, à laquelle appartiennent les fonds dont ils disposent libéralement.
Il me reste à traiter deux objets ; le transport
d'une rente viagère et la responsabilité des ministres.
Transport d'une rente viagère ; de la tête de M. Le Chamborand, sur celle ae M. Richard de La Brè-tèche.
Parmi les preuves que j'ai données, le 25 juillet, que l'administration tenait constamment à ses anciennes pratiques, j'ai dit que, le 18 février dernier, il avait été rendu un arrêt du conseil pour autoriser le transport d'une rente viagère assez considérable, d'une tête sur une autre; que ce transport aurait été consommé, si la chambre des comptes n'avait pas refusé l'enregistrement des lettres patentes dont l'arrêt était revêtu ; que de pareilles opérations étaient nuisibles à l'Etat, parce qu'il est manifeste que quelle que soit la différence de l'âge, de tels transports sont toujours déterminés par une vraisemblance plus ou moins considérable, que le nouveau rentier vivra plus longtemps que l'ancien. Les particuliers considèrent ces vraisemblances pour leurs intérêts et cherchent à tirer du Trésor public le plus qu'ils peuvent : mais l'Etat ne doit entrer pour rien dans ces spéculations ; il faut qu'il paye ce qu'il doit, ni moins, ni plus; et il ne dépend pas de ses agents de le grever d'une rente viagère, sur une autre tête que celle sur laquelle il la doit.
Après ces réflexions, je n'ai besoin, pour dé-fendre ce que j'ai dit, que de produire la preuve du fait que j'ai avancé.
Le 27 juillet, M. Mélin m'a envoyé, sur la demande que je lui ai faite, copie (l'un arrêt du conseil du 28 février dernier, dont voici l'analyse. M. Richard de La Brétèche expose qu'en qualité de légataire universel de son frère, il est propriétaire de 11,000 livres de rente viagère, constituée au profit du défunt sur sa téte et sur celle de M. de Chamborand, par contrat du 2 décembre 1762; que le défunt ayant disposé, par son testament, de la majorité de sa fortune en faveur de différents légataires particuliers, le suppliant se trouverait dans la détresse si M. de Chamborand venait à décéder avant lui. Le suppliant (M. Richard de La Brétèche) observe qu il est âgé de dix ans de plus que M. de Chamborand. Il demande le transport sur sa tête, de la rente établie sur la téte de M. de Chamborand.
« Vu la requête et les pièces y énoncées, ouï « le rapport du sieur Lambert, conseiller d'Etat « ordinaire, contrôleur général des finances, le « roi en son conseil, ayant égardà ladite requête, « a transporté et transporte sur la tête de Louis « Richard de La Brétèche, ladite rente viagère « de 11,520 livres, constituée par le contrat dudit « jour 2 décembre 1762. »
Ceux qui ont lu avec quelque attention le rapport du comité des pensions, intitulé : Faits et abus, reconnaîtront dans l'arrêt du conseil du 28 février dernier, exactement la même marche qui a donné lieu à tant de justes plaintes. C'est toujours l'abus résultant de ce que les particu-liers accommodent ies finances de l'Etat et les décisions ministérielles à leur intérêt particulier. Ils font entre eux les conventions qui leur paraissent les plus avantageuses, et le résultat de ces conventions, ils le font payer au Trésor public. Voilà à quoi les ministres complaisants se prêtent, et voilà aussi ce que les citoyens attentifs dénoncent à l'Assemblée et à la nation.
Responsabilité des ministres.
La responsabilité est le dernier objet dont j'ai parlé dans la séance du 25 juillet. J'ai dit qu'on nous endormait par les assurances d'une responsabilité qui n'aurait rien de réel, si on ne l'exerçait pas d'après les faits mêmes dont je venais de rendre compte.
11 faut distinguer ici deux choses : l'action ou la provocation à l'action contre les ministres, pour les faire déclarer responsables ; et le jugement qui, intervenant sur cette action, déclarera qu'il y a lieu ou qu'il n'y a pas lieu à la responsabilité. Le jugement est un événement dépendant de la comparaison à faire entre les moyens qui seront proposés par celui qui intentera l'action, et les défenses qui seront données par les ministres : cet événement sera dans la main de ceux qui seront constitués juges.
Par rapport à la provocation de l'action à intenter pour faire prononcer, la responsabilité, je demeurerais au-dessous de la vérité,si je me contentais de dire qu'il appartient à toute personne, persuadée qu'un ministre a donné ou exécuté un ordre contraire à la loi, de provoquer contre lui l'action de la responsabilité; je dois dire que c'est une obligation rigoureuse pour tout citoyen, une obligation infiniment plus stricte pour tout homme que ses concitoyens ont chargé de les représenter, de provoquer contre les ministres l'action de la responsabilité, lorsqu'il est convaincu, après un sérieux examen, que les ministres ont fait une opération contraire à la loi.
Sans doute, ce n'est pas légèrement qu'on doit prendre une pareille détermination. S'il y a des risques pour le ministre qui se défend, il en est également pour celui qui l'attaque; car, si son accusation porte à faux, il doit être puni. Mais il faut aussi que le citoyen, et à plus forte raison le représentant de ses concitoyens, sache qu'il a deux écueils à éviter : celui de se laisser tromper par les fausses apparences d'un délit, et celui de ne pas avertir lorsqu'il voit un défit. S'il ne doit pàs parler imprudemment, il ne doit pas se taire par indifférence ou faiblesse; et il serait coupable d'un grand crime, s'il se taisait par intérêt ou par crainte.
La responsabilité des agents publics est la base de la liberté du peuple; la liberté sera en danger dès qu'on hésitera à exercer la responsabilité, toutes les fois qu'on la croira fondée.
Pénétré intimement de ces vérités, je déclare que je suis convaincu qu'il y a lieu d'intenter l'action de la responsabilité contre le ministre quelconque qui a fait passer à M. d'Artois, en pays étranger, après le décret du 5 janvier, sanctionné le 14, des fonds, autres que ceux de son apanage; contre le ministre quelconque qui, après les déclarations faites par l'Assemblée nationale, sur l'emploi des fonds publics, a employé ces fonds à payer les dettes d'un particulier.
Je suis persuadé qu'il serait contraire au bien de la nation d'intenter, dans le moment actuel, l'action de responsabilité que je crois fondée, et dont je viens de parler. L'Assemblée nationale n'a pas encore décidé devant qui l'action de la responsabilité devait être portée; par qui elle doit être jugée ; ni même par qui elle doit être intentée. Quelque importante que soit l'exécution de la responsabilité, les questions qui occupent en ce moment l'Assemblée nationale sur l'ordre
judiciaire, le militaire et particulièrement sur l'impôt, sont tellement urgentes, que ce serait, à mon avis, un délit grave envers la patrie d'en suspendre la discussion ; mais, en même temps, je crois qu'il est indispensable d'annoncer hautement ce que l'on sedispose àfaire un jour. etde le déclarer authentiquement, afin qu'on ne vienne plus dire, comme on l'a fait dans le mémoire du premier août : J'ai tout annoncé, et tout a été approuvé; car nulle objection, nulle critique, nulle observation ri a été faite de la part de personne.
Je déclare donc que, dès que les grandes occupations de l'Assemblée nationale lui auront permis de déterminer, où, par qui et comment la responsabilité des ministres pourra être poursuivie, je provoquerai, autant qu'il sera en mcu, l'action de responsabilité pour raison des faits que j'ai dénoncés dans la séance du 25 juillet dernier. Je signe ma déclaration, et je n'oublierai pas mon engagement.
A Paris, le 6 août 1790. Signé : Camus. -
Séance du
ouvre la séance à neuf heures et demie du matin.
Quelques membres font remarquer que la salle est presque vide.
donne lecture d'une pétition des citoyensréunisdelasectionde la Croix-Rouge de la ville de Paris, tendant à ce qu'il soit ordonné que ceux qui, lors de la formation de la garde nationale, ne consultant que leur zèle, ont Fait 1a dépense, énorme pour eux, d'un équipement, et se sont livrés sans réserve au service militaire, jouissent des droits de citoyens actifs, pourvu qu'ils soient Français ou naturalisés, âgés de 25 ans, qu'ils ne soient pas en état de domesticité, et qu'on ne puisse leur reprocher aucune faillite.
L'Assemblée décrète que cette pétition sera renvoyée au comité de Constitution pourenêtre rendu, compte incessamment,
, député de Lille, demande à s'absenter pendant un mois pour des affaires de famille.
, députe d'Amont, demande un congé sans spécifier de terme.
Ces congés sont accordés.
, secrétaire, fait lecture d'une lettre de M. l'évêque de Saint-Claude, qui a pour objet de
faire tomber les imputations qu on a données à une instruction pastorale qu'il a faite pour
son diocèse, de justifier les expressions dont il s'est servi, et de manifester à l'Assemblée
le plus grand respect pour ses décrets et le zèle le plus ardent dont il est animé pour ia
tranquillité publique.
, au nom èu comité des rapports, expose que la yille de Loudun s'est partagée eu deux sections poqr procéder à la nomination de son maire. Le premier scrutin n'a donné aucun résultat. Avant de passer au second, le peuple, par une acclamation tumultéuae, a proclamé le sieur Lemaître, et les anciens officiers municipaux ont dû dresser procès-verbal de cette opération. L'élection est irrégulîêre; d'aitfeûrs, le sieur Lemaître paraît être comptable de ia commune et par conséquent inéligible.
Le comité propose un projet de décret ainsi conçu :
«X'Aseemblée nationale, après avoir ouï le compte que lui a fait rendre son comité des rap-r ports, des procès-verbauk du 11 juillet dernier, relatifs à l'élection du maire de la ville de Lou-dun, et des acclamations' tumultueuses pâr lesquelles le sieur Lemaîtj*p a été prpcjamé maire, sans avoir réuni la majorité àbèolue, a décrété et décrète :
« 1° Que le sieur Lemaître n'a pu être proclamé maire de la ville de Loudun ensuite d'un premier scrutin qui n'a pas donné une majorité absolue, et qu$ défenses sont faites audit sieur Lemaître d'en prendre le titre ët d'en faire les fonctions ;
« 2° Qu'il sera procédé, dans les formes pres-crites par les articles 16, 13 et 19 du décret concernant la constitution des 'municipalités, à un secopd scrutin, et successivement, je cas échéant, à un troisième, pour la nomination du maire de ladite ville:
« 3° Qu'il est fait défenses à foutes personnes d'apporter empêchement ni trouble à la confection et recensement desdits scrutins, à peine d'être poursuivies comme perturbateurs du repos public.
« Il est ordonné, au surplus, que toutes le$ autres dispositions des décrets concernant le choix dés officiers municipaux seront exécutées suivant leur forme pt teneur. »
Quelques membres prétendent que pette difficulté doit être renvoyée au département pour être jugée.
répond que les pouvoirs des administrations du département ne s'étèddent pas jusque-là et que, dans l'espèce, le renvoi n est
f)as possible, puisque celle du département, dans e ressort duquel se trouva la ville de Loudun, n-est pas encore organisée.
{Le projet de décret est adopté.)
, membre du comité des finances, fait un rapport sur le mémoire adressé à l'Assem- ' blée par M. Necker, le 25 juillet dernier.
Avant de passer à l'examen, dit le rapporteur, du mémoire de M. Neçker, je crois devoir présenter aù peuple, perpétueUèàent abusé sur la véritable situation de ses affaires. Un aperçu de ce qu'il payait avant que la nation fût assemblée et de ce qu'il payera, d'après le nouvel ordre dé choses. Avant la convocation des étais généraux, les HMiOsitions quideVaientrentrer'daniS le Trésor royal s'élevaient à 685 millions ; mais dans cettë somme n'étaient pas comprises eëlte nécessaire pour le logement des gens de guerre et autres dépenses de cette nature. On n'y comptait pas l'impôt occasionnel de la contrebande. Je les évalue |
à 6 millions. On n'y comptait pas non plus les frais du recouvrement auquel on emploie plus de 200,000 hommes, qui coûtaient plus que l'armée de ligne entière. Ces impositions sont incalculables ; elles ne pesaient pas poins sur 1-' peuple, que celles qui rentraient dans le Trésor public. Nonobstant cette énorme éhàrgë. il se trouvait chaque annexe auTrésor public un déficit de plus de 50 mil jons. Jrai cru cette digression nécessaire, parce qu'on affecte de répandre que les i èupies sont plus que jamais accablés sous lë faix ejes impôts. Il y aurà une diminution de 200 mimons, malgré la dette Viagère contracté^ pour le cîvrge ét le payement dés honoraires des officiers dé justice. Le peuple sera délivré de& aides, de la gabelle, de la féodalité et de la servitude. Je passe à l'examen du mémoire du ministre : il comptait recèyoir 4 millions des receveurs généraux : mais il leur à été imppèsiblè de faire ce payement; parce que les receveurs particuliers sont en arrière. Les aides et le tabac, en m^i ét éri juin, et dans les Jrois premiers mflfé dë l'année, 'pnt éprouvé jiire dipiinulipq poOsiderable. LëslQ mil-liuns pour Je ripmplacement des débits fle gabellé, et de epux sut les cuirs et " autres droits, "n'étant pas répartis/ne peuvent êij'e perç}i§. La confri-bution patriotique n'est point eiiçof| rentrée, payement des anucipat|ons a absorbé des sommes considérables, te'décret, qui ^pcbrde t mitughf pour mendipité,' hê^siie ijne rioflyelle émission dé fonds... Il n'y à rien dans la demande du piinistre qui puisse alarmer, puisqqM s'agit que de eupplger, pardesavârict^, à pq payement qui sera bientôt effepi;^. je Irais devoir rendre hauleqjent justice aux vertus djj mipistrç; c'est Un fort qu'on attaqué de tout côté, et qpi est imprepable. Le seul reproche qu'on ppissë lui faire,c'^st d'avoir voulp Substituer dès impôts à d'autres impôts ; ç'esf d'avoir présenté des idées conformes à une Jpngiie expérience, qui ne per* met guère de s^iever à la Jiauteur dés eoppëptjpns nouvelles. Ofi sait que M. Golrbar s'est engagé à prouver un déficit de jBOO millions dans lçs cp (notes clu ministre. Le cpmijé, conformément à yos décrets, a rioinmedef commissaires polir e^aroj-ner cet[e'dénpnciatioi?» et eri instruire Côfmàr par une lettre. lia répondu qu'il ne yo^lait avoir affaire qu'à qne commission externe, quoique lé comité ait consenti à examiner c^t^ àfrairé en sa présence ët en celle de telle autre ner^pn^ç qu'ii lui pliait d'aqjpuer.
Divers membre§ .demandent J'iippressloa rapport de M. Yer^ier- '
Gomme il est possible qu'il y ait plus de 550 millions d'impôts à asseoir, puisque M. Vernier ne comprend pas, dans cettje somme,20 ipillioijs nécessaires pour les corvées; comme le peijple pourrait croire également que les aidps sont supprimées, qijpiqu'il n'y ait rien de statué à çët égard et que notre pollègqe préjugé l'extinction totale 4'Wne çoptribijtio; dont l'Assemblée conservera peqj-être qpplque partie ; je demande, si le rapport est jmprfuàé, que le rapporteur se bpri^e à dire que "l'impôt sera minué de 150
Ces observations sont fort justes et j'êq jtien(|rai Cpmpte.
de . Je remarque, relativement aux anticipations, qu£, d'après les payements é^pncés, il n eq existe pfts que pour
9§ millions. Comment se fait-il qu'on ajt dè3 Jors pourlO à 15 millions'fl'jntérêts à payer"? "
La raison en est fort simple. Il est d'usage de payer aux fournisseurs de fonds les intérêts une année à l'avance, attendu l'engagement qu'ils contractent de les délivrer à la première réquisition, le crois qu'il n'y a aucun motif de faire mention des anticipations, si l'Assemblée ordonne l'impression du rapport.
Je dois déclarer que je ne tiens nullement à l'impression de mon rapport.
Si personne n'insiste sur la demande d'impression, l'Assemblée va passer à son ordre du jour.
(Cette proposition est adoptée.)
Vous avez chargé une députation d'aller à Saint-Cloud prendre des nouvelles de la sjwU du roi. Lorsque l'huissier nous a annoncé, te roi est sorti de son cabinet et nous a dit : v Vous voyez mon état. Vous direz à l'Assemblée nationale qùe je Ja remercie de çon attention. » Le roi a la lèyre supérieure enflée jusqu'au nez, mais il n'a plus dé fièvre t il nous a parlé très honnêtement.
Nous n'avons pi} voir M. le Dauphin. Mm? de Tourzel nous a dit qu'il avait pris de la casse et qu'il venait de prendre un remède.
Un de MM. les secrétaires annonce que le résultai du scrutin pour Vadjonction de six membres au comité des pensions a donné le résultat sui-
vant ;
MM. de Jessé................................20.4 voix.
Berthereau [de Paris)..... 189
l'abbé Julien........................423
de Cr^cy....................407
Pilastre.......................101
Chailion................ 93
L'ordre du jgyr est la suite de lé discussion du projet de décret sur Vorganisation de l'armée, article 4*
, qui ouvre Ja difcu|sj,9J)> trouve^ grands ip^çqy^giéi'jt^ ufipi M système dq 'dCMyifc^r muent dés régiipepts^ II'rappelle qu'un des mo^fs qui avaient détermiQé lé maréchal De Muy a se déterminer ppur les régifP^nts à de^x bataillons était la facilite de piièùx connaîtreTèfprit des injiividus et dé porter à un point d'ynité qui rendait le commandement plus facile. Il a pensé que l'opinion fle çé ministre devait ètr,£ d'un grand pOids daps cette délibération : il a dit que lè? incorporations feraient die? mécoftfejitg ae tous ceux qu,i perdraient ia^yitstbfëm^pt leurs grades, ét qui, par ceij^e opération, se verraient frustrés de l'espoir de leur prochain avancei^ent, en appelant de nouveaux concurrents à çë roulement et a cité les difficultés qui avaient eu lieu dans le doublement de la cavalerie sous le inini^tôce de M. de Choiseul.
Il n'a pas, approuvé 1$ création de guatre jieu-^paots-pu|ôçèls, prçpoaetë par çotp^e, pçtnp)jis que ia Suppression des majors dont il §ppjteou fy grande utilité.
A l'égard .des bataillçns en garnisqn, il a peq^é qu'eq n'adop.tapt pas les doublements, §ar%it feciie d'y pqprvpir, en foripant une copapugnae de garnison, qçmpos^ç de 8'Q homnqes, pris §iy chaque compagnie dy régiment, Iàtyejjg serait par un çapifoiqe, VtU lieutenant, un
spus-Jjeutenant et un sergent-major. Le capitaine aurait 3,000 livrés d'appointements; les lieutenant, sou s-lieutenant èt sergent-paajor? les mêmes qjie ceux des autres compagnies!
I/opinant conclut çpntre le doublement des régiments qu'il propose de composer de deux bataillons ; de dix compagnies, chacun de 50 pommes; il ne'veut aq'qn seul lieutenant-colonel et réclame la conservation des majors/
J'observe que, pour le moment, la seule question à dépiter est celle ae savoir si, oui ou non, il y apra uq doublement des régiments.
combat le système de l'incorporation §, cause du défaut d'emptycenjpnJ; pour recevoir grands corps, du sacrifice des habitudes prises et de l'ipopportuQité des circonstances.
Je $ois rappeler à l'^§.sem-blée quele comité militaire' a cpnsjilté des offl-r ciprg de tout gr$de, et qu'il i été jugé que le doublement était nécessaire afin d'avoir qqe gr-mée prête à entrer en campagne yh mois après sa formation. '(jè qui fait fô force d'une arnjéa ce n'est point composition des régiments par tel ou t^l nombre de battions ou d'escadrons, mais p es.t leur bonne çrg^ni^ation e$ leur ei$cte discipliné.
(1). Je ne cherche point à atténuer lps raisons que peut vous présénter votrç cpmité, par le doublement des différent^ çprps de troupes : Il est certain que les gros corps rendent un service plus efficace en temps de guerre; il est certain que, lorsque les gardes du camp» les soldats en détachement, ceux qui sont e rp-nloyés à cqpvoyer les équipais? lo^que les mar fades se trouvent prélevé?, souvent il ne reste point, dans Jes régiments composés du nombre des nêtre?, une assez grande agglomération d'horrimes, pour présenter isolèrent devant l'ennemi, et queTpn| souvent obligé d'eq réunir deu$, pour présenter uq frçqt suttisant et une forcç regpeçtablé. je sais que l'usage ftçs gros çprps jle troupes est adoptf 4ans toute l'Aller magoe, dans ce pays qui, ne puis Gustave-Adolphe jusque Frédéric èt Caution, n'a cessé d'être uqf ifltt/ne^se école de guerre, où l'on a VU les p.i,émiëres &rmée§ manœuvriers et un cté ces rç\s, inventeur d'une tactique qui eût fait l'éto^r n^ment et peut ê^re ï^amir^tiOn de la Grèce et de ' Rome. Certainement, si nous étions placés d^ns d'autres circonstances intérieures et extérieures, j'adopterais le doublement proposé; l'au-tçrilé de ces grands maîtres me detérmjnerait ; majsi, Messieurs, s'il est prouvé que tout, ae convient pas également fons tous les tçipps et qu'il j^ut souvent défendre de la dangereuse séduction du nyeux possible, je crois que nous sommes précisément dans le cas de IfU^e l'application de ce prinjcipp.
Le doublement et l'incorporation des groupes a toujours mêmp, en temps de paix et dans les
circonstances les plus tranquilles, un/3 des opérations les plus délicates à faire, sur elles.
J'ai vu ÎQpgtepaps dans riqcprpQ^tiou même des
Quelqu'un a dit que l'amitié était plus vive dans les camps parce qu'on y connaissait plus l'honneur; j ignore si c'en est le vrai ou l'unique motif; ce qui me paraît indubitable, c'est qu'il est dans le cœur de l'homme de s'attacher fortement à ceux avec lesquels il a couru des dangers; et j'en appelle à vous, Messieurs, quelle qu'ait pu être la différence de vos opinions dans le cours de la législature. Jamâis, j'en suis sûr, aucun de vous ne pourra voir, sans un véritable intérêt, un de ces patriotes qui jurèrent, àla vue du palais des rois, de ne point se séparer que ia Constitution ne fut faite, ou de se réunir partout pour la tracer. (Des applaudissements interrompent l'orateur).
Qu'on ne me réponde pas qu'incorporer deux régiments, par exemple, ce n'est point briser les habitudes, puir-que chaque corps se trouve en totalité dans cette réunion : car je dirai que c'est vraiment briser les habitudes des homn.es que de les multiplier. Vous allez d ne imposer cette peine à ces vieux compagnons d'armes, accoutumés à vivre ei à combattre ensemble, et à voir souvent daus les autres corps des rivaux, auxquels un orgueil mal calculé, mais utile, les porte à se préférer.
Indépendamment de ces considérations qui, je l'avoue, ne seraient pas surlisantes, il est facile de vous en présenter d'une tout autre impuriance ; vous n'ignorez pas, Messii urs, que nos différents corps de troupes ont, comme les autres classes de citoyens, prononcé leur opinion sur les affaires politiques que nous agitons; vous avez vu les funestes effets de leur diversité à Lille et dans d'autres lieux. A quelles commotions n'expose-riez-vous pas deux corps ainsi disposés que vous voudriez fondre ensemble ? A toutes les causes d'opposition, inévitables dans une opération semblable, vous ajouteriez l'intérêt le plus chaud, celui de l'opinion ; et cela entre des hommes les plus susceptibles et des hommes armés, ne vous ex poseriez-vous pas à faire de Français et de frères autant d'ennemis, et de la place d'armes un champ de bataille? Sans même supposer, ce qui me paraît évident, que chaque régiment ait maintenu son opinion politique, l'on De peut nier que chacun d'eux n'ait différemment employé les circonstances actuelles; les uns ont maintenu la plus sévère discipline; les autres en ont relâché ou brisé tous les liens. Qu'arrivera-t-ii si vous faites doubler ensemble deux troupes qui se trouvent dans un état si différent? Il arrivera que ceux qui seront restés fidèles à la discipline ne ramèneront pas les-autres à leurs devoirs, mais que ceux-ci désorganiseront absolument les premiers ; il n'est même point nécessaire qu'ils se trouvent à force égale ; il suffirait, pour produire cet effort, que les insubordonnés composassent le moindre nombre. Je regarde donc comme très dangereux dans ce moment-ci une incorporation quelconque et je ne suis pas plus, en cela, de 1 avis du ministre] de ia guerre que de celui de votre comité.
En laissant exister les régiments, veux-je pré-
tendre par là qu'il ne faut rien changer dans la manière d'être de l'armée? Non, certainement : Il y existait des abus intolérables, qui peuvent être détruits, sans entraîner de fâcheuses conséquences; de ce nombre étaient la multiplicité des officiers généraux, une discipline avilissante et tant d'autres choses que je ne détaillerai pas; mais je crois que ce n'est nullement le moment de faire un changement aussi majeur, aussi radical que celui qui vous est proposé : diminuez, Messieurs, les inconvénients; si vous réussissez, vous aurez perfectionné de quelque cho.-e votre système militaire. On peut dire que la terre tremble autour de nous : or, lorsque la terre tremble, l'on peut bien encore orner un édifice, réparer son faîte, faire des changements même dans la distribution intérieure, mais il est dangereux, ce me semble, de le fouiller dans les plus intimes fondements.
Je conclus donc à ce que sans adopter l'espèce de traitement proposé par le ministre de la guerre, ni le doublement proposé par le comité, les corps soient conservés dans leur forme actuelle, en les renforçant, si on le juge à propos, par la voie des recrues (ne voulant rien préjuger, par là, sur les bataillons, sur les escadrons en garnison) que je regarde comme une mesure très utile.
Si vous ju^ez, Messieurs, que ces considérations méritent une attention sérieuse, si elles vous paraissent aussi grav s, aussi majeures qu'elles me le paraissent, je m'arrêterai ici sans vous fatigU' r par des observations subsidiaires sur nos casernes, nos hôpitaux, nos autres établissements militaires, qui sont presque tous formés pour des corps de la force de nos corps actuels ; sur les changements de manœuvres qui deviennent indispensables si vous doublez le front de vos régiments, changements de manœuvre qui, faits dans les années qui précédèrent la guerre de 1756, furent une des principales causes de la perte de la bataille de Rosbacket des infortunes de toute cette guerre. Ces raisons ont certainement leur importance et il serait possible de leur donner de grands développements; mais, je crois, Messieurs, qu'il suffit de les présenter aux militaires : les précédentes que j'ai eu l'honneur de vous exposer sont de nature à éveiller le patriotisme prudent de ceux qui ne le sont pas.
C'est en pesant ces différents motifs dans toute leur importance, que je me plais à croire que quelle que soit votre juste sollicitude pour diminuer autant qu'il est possible les dépenses de l'Etat, vous ne serez pas arrêtés par l'objection qui sera peut-être faite, qu'ayant déjà décrété que les appointements seraient pour chaque colonel de 6,000 livres, cette dépense se trouverait renfermée dans des bornes plus étroites, si deux régiments étaient employés sous le même colonel. Vous en conviendrez, en y réfléchissant, il est des dépenses qui sont économiques.
Les régiments tels qu'ils sont aujourd'hui, en les renforçant simplement par la voie des recrues, satisfont, selon moi, aux vraies mesures de la prudence. Les corps dans lesquels la discipline est demeurée intacte continueront à la garder; ceux qui l'ont abandonnée, y seront ramenés par un sentiment de reconnaissance d'une organisation sage et douce et par celui de leur Dien-être que vous avez sensiblement augmenté et porté au-dessus de celui d'aucune armée de l'Europe; et, par la réflexion, le soldat indiscipliné, au lieu d'être le protecteur et l'ami de sou pays, devient à la fois et le jouet de l'ennemi et le fléau du citoyen. Vous auriez peut-être pu tenter ce dou-
blement de régiment, il y a six mois; alors ces différentes opinions politiques ne s'étaient pas encore si fortement implantées dans les corps; mais, j'ose le croire, maintenant la tentative est hasardeuse et impolitique. Est-ce, Messieurs, au momentoù vous vous prémunissez sagement contre une guerre possible et qui paraît prochaine, que vous devez essayer de fondre ensemble les esprits différents, de contrarier les habitudes les plus chéries, de mêler l'ordre et l'indiscipline, et de former, d'éléments aussi discordants, un tout qui ne saurait être trop homogène? Messieurs, il est une différence bien essentielle entre un corps fait pour la conception et un corps fait pour l'action; dans lé premier, la différence des sentiments et des intérêts, loin de nuire à la chose publique, la sert bien souvent. Les sentiments, les intérêts divers se neutralisent, pour ainsi dire, dans cette grande fermentation. Lassés d'un long conflit, les hommes sont obligés de prendre la raison pour arbitre; c'est un roi que les passions élisent dans leur anarchie ; mais dans un corps dont la nature est d'exécuter passivement, tout est perdu, lorsque ces mouvements se font sentir, parce que l'union et l'ensemble de direction constituent son essence et que, n'ayant pas de voies pour délibérer, il en appelle à"la force qui lui est familière ou du moins lui présente une scission destructive de tout emploi relatif à sa destination.
Je ne crois pas, Messieurs, que l'Assemblée nationale doive tenter un essai d'un succès aussi douteux à l'approche peut-êtie de la guerre et il serait funeste de fournir un pareil prétexte aux inculpations de ses ennemis. Le grand Frédéric sera à jamais cité en exemple à tout militaire.
Eh bien I Messieurs, Frédéric a changé très peu de chose à la formation de son armée, telle qu'elle avait été ordonnée par son père et il se plaisait à le faire remarquer. Qui cependant mieux que lui voyait les défauts qui y étaient encore ! Qui plus aisément que lui, dont la volonté despotique faisait la loi de son Empire et de son armée, aurait pu les corriger? Mais il savait combien le soldat est homme d'habitude; combien les changements le fatiguent et que les petites améliorations sont rarement compensées par les avantages qu'elles entraînent.
(ci-devant le vicomte). Je me présente, ni pour défendre le plan du comité, ni pour appuyer celui du ministre : j'éviterai toujours de changer une question d'utilité générale en discussion d'amour-propre. Je chercherai à présenter les motifs qui ont déterminé le comité et le ministre. J'inviterai l'Assemblée à considérer que la question du doublement et celle des maréchaux de camp attachés aux régiments, sont intimement liées. Si le doublement n'a pas lieu, je m'opposerai à ce que les officiers généraux soient placés à la tête des corps...
(ci-devant le duc). Répondez aux objections.
L'opinant a toujours commandé un régiment de quatre bataillons ; il était officier général : il a senti que cette qualité était liée à ce commandement. Je m'autoriserai de son exemple et de son opinion. La dépense de l'armée était de 106 millions : vous avez augmenté la paye des soldats et le traitement des officiers. L'une de ces augmentations est de 8 millions, l'autre de 2 millions 500 mille livres ; ainsi l'armée
conservée dans l'état où elle est, coûterait 10 millions 500 mille livres de plus. Vous avez cependant fixé la dépense à 84 millions. Il fallait donc réformer 30 mille soldats et officiers. Toutes les proportions étant détruites, une nouvelle organisation devenait indispensable. Le résultat de la première réduction n'étant que de 6 millions, le besoin de l'économie vous commandait une plus grande réforme. Vous avez recherché quelle armée vous était nécessaire pour vous opposer aux attaques de l'ennemi, soit en France, soit dans les colonies. Ainsi, il y avait deux dispositions à prendre : assurer les manœuvres et avoir des bataillons pour vos garnisons et pour vos vaisseaux. Le ministre a dit : II faut faire une opération indispensable,'puisque toutes les proportions sont rompues ; il faut procéder à une incorporation, élever les corps à une hauteur suffisante et nécessaire. Il avait cru, en liant à deux bataillons un bataillon de garnison, faire ce que demandait la paix, pour les manœuvres de ligne et la guerre, pour fournir aux besoins des colonies et de l'armée. Il répondait à l'objection de cet homme de guerre, le prince Henri, qui, en examinant vos bataillons et vos escadrons, disait : « Vous avez des hommes et point d'armée ; vous présentez un front et point de ma>se. » Je passe à d'autres observations.
Si le nombre des officiers est trop grand, la discipline sera pénible et difficile à étanlir. Ce n'est pas par une surveillance continuelle, mais par l'intérêt qui lie les officiers aux soldats et les soldais aux officiers, qu'on fait de bon^ soldats. Obligés d'ub"ir à des intentions, à des manières de voir, à des idées différentes, ils ne sont pas heureux. L'armée la plus parfaite serait peut-être celle où il n'y aurait qu'un chef et des subalternes qui pourraient obéir à un seul ordre, à un seul chef, à un seul coup d'œil. Ainsi la discipline et l'économie ex gent également la diminution du nombre des officiers. Quant à l'incorporation, si c'est une chose décidément bonne, le patriotisme l'adoptera ; et les officiers, quand ils verront l'intérêt général, ferout taire l'intérêt particulier. Dans le plan que propose le ministre, on ménage un intérêt bien cher, on ne sépare pas des individus qui composaient la même famille. Si l'on blesse quelque intérêt d'amour-propre ou d'argent, ne sont-ils pas, pour des Français, au nombre de ceux qu'on abandonne saus regret, quand la patrie est en danger? On sait qu'on va avec plus de courage contre l'ennemi, quand on marche avec son frère, avec son ami. Voilà le but de notre système. Il est calqué sur les idées d'un grand nombre de ministres recommandables, sur ce qu'avait fait le conseil de guerre, sur ce qu'auraient accompli les ministres, sans ces ménagements de cour qui obligaient à maintenir un grand nombre de régiments pour avoir plus de grâces à donner. Enfin, c'est ce qu'avait en vue le maréchal de Muy, qu'on a cité, et dont j'honore la mémoire. Il avait conservé des régiments de quatre bataillons; ces bataillons sacrés et grands par le souvenir de leurs actions devaient, présentés à l'ennemi, renverser tout ce qui leur ferait front. M. de Muy ne les a pas conservés pour les donner à des jeunes gens sans expérience. Le doublement réunit les corps sans déchirement ; il rassemble ceux qui doivent marcher ensemble à la guerre. Ce que j'ai dû dire, ce que j'ai dû établir et ce que j'ai établi, c'est que le plan du .ministre, appuyé par le comité, est bon. On dit que le roi de Prusse n'a rien changé dans l'organisation de
son armée, parce qu'il sentait qu'il était dangereux de rompre d'anciennes .habitudes. Mais pourquoi créez-vuus un nouveau Système? C'est parce qu'en supprimant 30 mille soldats et 10 of-fiéiërs par régiment, vous avez rompu toutes les proportions établies; vous devez donc oublier ces usages que le temps semblait avoir consacrés.
. II reste à reconnaître ûn principe incontestable : non, vous ne pènsez pas confier â de jeunes officiers, sans expérience, le succès des batailles. Donnerez-vous lë commandement de corps nombreux à des militaires inexpérimentés Comme moi, et qui n'ont que cfii zèle, plutôt riu'â des officiers généraux consommés comme M. d'Ambly ? Le régiment du roi, la gendarmerie, les carabiniers Ont dû là gloire qu'ils ont acquise, à leur n'ombré, à leur force, à leur capacité inattaquable, et aux talents des anciens militaires, qui lés commandaient. Le comité a donc dû péiisei; qu'il fallait faire une Organisation militaire nouvelle. Le ministre à senti qu'il devait diminuer les corps",,et sacrifier l'dvantage d'attacher un grand nômbre de personnes à son sort ; il a senti que l'intérêt public devait ici réimporter ^ur lès intérêts partiquliers, et sur les circonstances dont ohj tire les Seuls arguments contre ûnè organisation constitutionnelle, et sur lesquels je ne me permettrai aucbnë réflexion. Je me résumé, ét je dis qu'il est Avantageux., en cas dé guerre, comme en cas de paix, de mettre, à la tête des corps, des hommès qui soient d'un âgé entre 40 .et 60 ; qu'on donne ces corps à des capitaines", èi l'on veut, mais non à dés cpïonèis de 23 ans : bn a nommé dërnièrémént au-dessous de cet âgé. La question nette â poser, sauf, à revenir sur les détails, est celle-ci : Y aura-t-il une incorporation ? Oui, ou non. (line partie de VAssemblée applaudit.)
Plusieurs officiers généraux, qui ont blanchi sous les armes, ét qdi jouissent, a juste titre, de l'estime ae l'armée, vous ont indiqué quelques imperfections dans le plan d'organisation de l'armée arrête par le roif et qui vous est présenté par votre comité militaire. Je suis de leur avis sur. l'article 4 du projet de décret, et je pense qu'il serait iinpolitique et contraire tous les bons principes militaires de ne point laisser les régiments à deux bataillons; mais je crois, èn même temps, qu'on pourrait ajouter à chacun ae ces règimënts un bataillon de garnison, composé Comme le propose votre comité, ie ne vous répéterai pas, Messieurs, toutes les raisons qui militent popr mon opinion; les nonqrables membres qui ont pris la parole, avapt-hier, vbus les ont assez détaillées. Je demande donc qbe les régimed's restent à deux bataillons, et qu'on ajoute à chacun d'eux un bataillon de garnison.
Je n ouvre mon opinion contre l'incorporation qu'avec défiance, quand je vois qu'elle a contpe elle un ministre dont les talents sont connus* des militaires expérimentés, un .comité recommaridable pour la longue expérience, de ses, membres, et dont l'avis est unanime. ïlien de plus mauvais en général et pour les circonstances, que Je doublement qu'on vous propose : il n'y a jamais eu^en France des régi-njents de quatre bataillons. EnPrûsse,ils ne sont que de deux et trois. Toiis les militaires, quiont de l'expérience,vous diront que des régiments de de,ux bataillons sont bien plus commodes dans toutes les
occasions, pour lès colonies et pour les vaisseaux : il faudrait deux bataillons, alors les régiments ne géraient plus entiers ; on devrait les réuiiir.Il vaut bim mieux envoyer dans les colonies des corps completsquedes corps morcelés.Si vous laissez les régiments à deux bataillons, cela fera 4,000 hommes de plus et 1,200 officiers, cela ne doit pas l'emporter sur de grands avantages. Le ministre, dit-on, est d'avis de 4 bataillons, mais c'est par complaisance, ou vaincu par les raisons du comité, Peu importe qu'ils soient de la façon du comité ou du ministre. Quant à M. le maréchal de Muy,- il avait trouvé les régiments de quatre bataillons établis ; il m'a dit qu'il ne les aurait pas formés. Quant à la cavalerie, je conviens que les régiments dë trois escadrons sont trop faibles ; le nombre carré esHe meilleur;on pourrait .les mêttre à quatre, mais pointa six. Au reste, il ne faut point d'incorporation, cë seul mot fait frémir. J'en ai vu faire; elles ont occasionné, dans les corps six ans d'aigitâlion. Pouvez-vous les adopter quand la guerre est prête à éclater? Un officier incorporé se trouverait à la queue, tandis qu'il était à la tête...
Je soutiens, contre l'avis du préopinant, que, circonstances et politique â part, l'incorporation est dangereuse pour l'infanterie et inutile pour la cavalerie ; je suis d'avis des brigades propo-: sëes par M. de Bouthillier. Il faut qu elles soient commandées par un maréchal de camp non inamovible, mais en ligne. Si le régiment est bien,, le mérite en reviendra au colonel; si la brigade est bien, (ë mérite en reviendra au maréchal de camp; si la division est bien, ie mérite en reviendra au lieutenant général. Ainsi, laissant à chacun le mérite qui lui revient, je conclus à ce qu'il d'y ait aucune espèce d'incorporation.
demande que la discussion soit fermée.
Les circonstances qu'on a opposées contiennent deux objets : l'un ést relatif aux dispositions qui nous menacent, l'autre à la crainte d'ajouter un nouveau ferment à l'agitation qui existe déjà. Quant à la guerre, il faut 'opposer aux ennemis des forces égales à celles qu'il met en avant. En réformant 30,000 hommes et en ne changeant rien aux bataillons, vous serez obligés de prendre sûr les régiments, et vous les rendrez plus faibles encore qu'il ne sont. Il y a deux ans5 lorsqu'on forma un camp, les régiments étaient censés composés de 1,156 hommes; on ne demanda que 90d nommes sous les armes par régiment, les autres dévant rester dans les garnisons, et l'on eut aveG peine les 900 hommes. Douze régiments ont éié dédoublés; ainsi* par le doublement, une partie de l'armée reviendra, pour ainsi dire, à sa première famille. Par exemple, le régiment de Blaisois ne craindra pas d'être réuni àvec celui dë Picardie, Armagnac avec Navarre, etc. Les incorporations pourraient être dangereuses dans les temps ordinaires; mais quand on considère ce qu'a fait l'Assemblée nationale, et les sacrifices auxquels on s'est soumis sans résistance, on est convaincu que le patriotisme bien connu de l'armée lèvera tous les obstacles.
Je passe aux inconvénients de détail opposés à la formation des régiments de quatre bataillons. On dit que la subordination sera bien plus difficile; mais il faut considérer que les officiers qui seront à leur tète auront des talents et de longs services; que pour la manœuvre, comme en
guerre, le colonel èt le général ont à remplirdes fonctions semblables. On a objecté que beaucoup de garnisons ne pourraient pas contenir quatre bataillons; mais lorsque la comptabilité sera établie isolément pour chaque bataillon, le régiment ne souffrira pas de sa division; quant au détail d'économie, c'est encore la même chose, car un officier particulier en sera chargé pour chaque bataillon.
(On demanJe à aller aux voix.)
Ecoutez donc l'avis d'un officier général qui â servi pendant 30 ans. On à pensé que b-s circonstances repoussaient l'incorporation. Si elle est bonne, il faut toujours l'adopter. Mais elle est rnauvai-e; on à dit que les gros corps font gagner les batailles ; ce ne sont pas les corps de quatre bataillons, mais ceux què le général ionhe pour l'action ; c'est par les jambes et la célérité qu'on prévient l'ennemi et qu'on gagne les batailles. Lé comité s'appuie sur l'avis d'officiers généraux expérimentés qu'il dit avoir appelés à sés séances; mais l'opinion du comité était prisé quahd ils y ont été introduits; le ministre n'à consenti à l'incorporation que parce qu'il avait cru s'accorder avec le comité. Je demande que ces officiers généraux soient appelés, et q ^'il* de aillent tes motifs de leur opinion; quanta moi, j'ai fait.mon apprentissage.soUs les meilleur^ maîtres : leurs leçons et UÎOQ tîXD6"" riencé m'ont appris que deux bataillons suffisent pour former un régiment. (On demande à aller aux voix.)
La discussion est fèrméê à Une grande majorité. ,
On demande à entendre le rapporteur du comité.
(de Saint-jean-d' Àngély). II est très bon, sans doute, d'entendre le rapporteur d'un comité, qband là discussion n'est pas fermée ; dans lâ circonstance présente, un grand nombre de membres qui, comme moi, n'entendent rien à la matière qu'on traite, seront de l'avis du dernier qui a pàrié.
Je po§e ainsi là question : « V aura-t,-il incorporation ? »
(Il s'élève quelques débats.)
C'est ainsi que je l'ai posée pour la discussion, elle doit l'être de même pour la décision.
Il faut poser séparément la question poqT l'infanterie et la cavalerie. Jé demande la division.
Je ne chercherai jamais, par une maniqre insidieuse de poser la question, à entraîner l'Assemblée dans une décision qu'elle n'aurait pas voulu prendre; j'étais au commencement de la séance ; on a présenté cette question à la discussion. « Doit-il y avoir une incorporation dans l'armée? » Il ne peut pas y en avpir d'autre à poser.
(La division est rejetée.)
L'Assemblée décrète que l'incorporation n'aura lieu ni dans l'infanterie^ ni dans la cavalerie française^
, secrétaire, fait lecture du bulletin de la santé du roi.
Le 2 août. — L'abcès formé à la gencive s'est
désorgé hier au soir, et il s'en est suivi le dégonflement du visage; il reste encore sous la lèvre quelques duretés qui vont se dégorger insensible n'eut. L'ardeur des entrailles est aussi diminuée; cependant la bile coule encore difficilement : on Continue l'usage du petit lait et des autres remèdes, jusqu'à ce qu'il soit temps d'employer un purgâtif.
A Sairtt-CloUd, le 2 àoût 1790.
Signé : Le Monnier, Vicq-d'AZir, La Servôlle.
Je viens de recevoir des dépêches importantes de M. de Morilmoriri, ministre et secrétaire d'Etat au département des affaires étrangères. G ;s dépêches se composent ;
« 1° D'une lettre d'envoi du rriinistrè;
« 2° D'une lettre de M. le comte de Fernàn NU-rieZ, ambassadeur d'Espagne en France, à M. de Montmôrin, en date du 16 juin 1790;
« 3° D'un extrait des faits et pièces relatifs à l'objet de là négociation entamée entre l'Angle-terpe et l'Espagne, depuis la prise ét lâ restitution de deux vaisseaux anglais.sur la côte de la mer du Sud aq nord de la Californie1,
« 4° De l'extrait des lettreâ dé M. de Floridà-Blanca, ministre du roi d'Espagne, et M. Allègue-Fitzherbert, ambassadeur d'Aligletërre à Madrid ».
, secrétaire, donne lecturô deS pièces
Lettre de M. de Montmorih.
« Le roi m'a ordonné, au miijeii dû mois dernier, d'informer l'Assemblée nationale des motifs qiii nécessitaient un arrhemerit de 14 vaisseaux» cet armement est à la veille d'être complété. Le ro| me chargé de prévenir TAssemblée què les armements de l'Angleterre continuent, quoique la bonne iritelligencé subsiste toujours entre, les deux nations. Sa Majesté pense qu'il est prudeht et utile d'augmenter nos armements. Le roi d'Espagne réclame, de la manière la plus positive^ l'exécution des traités, dans le cas où la négociation de la cour de Madrid avec celle de Londres n'aurait pas l'issue qu'on en espère* Je vous envoie coi ie d'une lettre officielle de M. l'ambassadeur d'Espagne, en date du 16 juin. Cette lettre établit le dernier état des négociations entre les deux puissances; c'est dahs l'espérance qu'elles parviendraient à s'entendre, que le roi a cru de sa sagesse dé différer à provoquer la décision de l'Assemblée nationale; mais la continuation des ahnements de l'Angletelte ne lui a pas permis d'attendre davantage. Mà lettre a donc deux Objets : le premier de prévenir l'Assemblée de la nécessité d'aUgliientér lés armemèri.ts; le secohd, de provoquer la délibération de l'Assemblée siir la demande de la codr dè Madrid ; le roi ped^ë qu'il^ serait cëhvenàblè de chàigër Un comité de conférer dvëc le ministle des affairés éti'angêrëS. »
Lettre de son excellence M. le comte dè Fernan Nunez à M. de Montmorini
« J'ai l'hontléur de Voiis adressëM'èxtrâit fidèle des démarchés dë mà cour, ad SÙjet dû' différépd élevé eritf*e elle et là cour de Lotidf'es. Vo'ds verrez î 1® que, d'après le traité et les actes de souveraineté. exercés depuis Charles II, ]oute la côte du nord de la Californie est reconnue appartenir à
l'Espagne ; 2° que la cour de Russie, avertie de l'étendue de nos limites dans ces parages, a assuré le roi, mon maître, que les ordres étaient donnés pour qu'il ne fût fait aucune violation de propriété et de territoire; 3° que l'état de notre commerce exclusif sur ces côtes est reconnu et constaté par toutes les nations de l'Europe, et notamment par l'Angleterre, article III d u traité d'Utrecht ; 4° que le roi, mon maître, a approuvé la conduite du vice-roi, qui a relâché les bâtiments entrés dans le port de Nootka. C'est donc par suite de ses droits et dans l'espoir de conserver la paix, qpe Sa Majesté catholique a commencé des négociations amicales avec l'Angleterre.
« L'accomplissement prompt et exact du traité signé à Paris le 15 août 1761, sous titre de pacte de famille, devient donc un préliminaire indispensable pour pouvoir traiter avec succès. C'est d'après cette nécessité absolue, dans laquelle l'Espagne se trouve malgré elle d'avoir recours au secours de la France, que le roi, mon maître, m'ordonne de demander expressément ce que la France pourra faire dans la circonstance actuelle pour venir au secours de l'Espagne.
« D'après les engagements mutuels, Sa Majesté catholique désire que les armements, ainsi que toutes les autres mesures convenables pour remplir et réaliser en entier ces engagements sacrés, soient mis incessamment à exécution. Elle me charge d'ajouter encore que l'état actuel de cette affaire imprévue exige une détermination très prompte, et que les mesures que la cour de France prendra pour venir à son secours soient si actives, si claires et si positives, qu'elles évitent jusqu'au moindre sujet de méfiance : autrément Sa Majesté très chrétienne ne devra pas être surprise que l'Éspagne cherche d'autres amis et d'autres alliés parmi toutes les autres puissances de l'Europe, sans en excepter aucune, sur qui elle puisse compter toujours en cas de besoin. Les liens du sang et l'amitié personnelle qui unissent nos deux souverains, et surtout les intérêts réciproques qui existent entre les deux nations unies par la nature, seront toujours ménagés dans tout arrangement nouveau, autant que les circonstances pourront le permettre. »
J'ai l'honneur d'observer que les autres pièces peuvent renfermer des détails qu'il ne serait pas politique de livrer à la publicité de cette Assemblée.
En proposant le renvoi au comité diplomatique, dans le cas où ces pièces ne seraient pas lues, je désirerais que l'Assemblée demandât si le ministre a répondu au mémoire qu'on vient de lire, et qui paraît avoir -six semaines de. date ?
Il est inutile de s'élever contre la lecture des pièces envoyées pour être lues à l'Assemblée. Quant à la demande de M. de Lameth, la lettre de M. de Montmorin y répond.
— On lit une lettre de M. Fitz-Herbert à M. Florida-Blanca, et la réponse de M. Florida-Blanca; elles sont datées des premiers jours de juin ; elles contiennent les propositions de conciliation faites respectivement par Jes cours de Londres et de Madrid.
Toutes ces pièces,ainsi qu'une pièce intitulée: Extrait des traités de l'Espagne avec toutes les puissances de l'Europe, sont renvoyées au comité diplomatique.
M. de Montmorin
envoie une lettre adressée à
M. le président
de l'Assemblée nationale par M. de La Vauguyon. Le roi a chargé M. de Montmorin de dire que jamais il n'a pensé que M. de La Vauguyon ait eu quelques torts dans les négociations dont il a été chargé.
(On demande l'ajournement de la lecture de la lettre de M. de La Vauguyon.)
L'Assemblée ne peut refuser d'entendre la lecture de la pétition d'un particulier, surtout quand ce particulier veut se justifier devant elle des inculpations qui lui ont été faites dans le sein même de l'Assemblée.
(On fait lecture de cette lettre.)
Lettre de M. de La Vauguyon. — « Informé des soupçons que la calomnie a répandus contre moi, relativement à la mésintelligence de l'Espagne et de l'Angleterre, j'ai cru devoir exposer à M. de Montmorin la série des faits, pour ne laissser aucun doute sur ma conduite... Je prie l'Assemblée d'entendre la lecture de cet exposé. »
(On fait lecture de ce mémoire, dans lequel M. de La Vauguyon rapporte jour par jour les détails de sa négociation, et sa correspondance avec M. de Montmorin.) '
Je pense qu'il serait à propos de supplier le roi d'envoyer, le plus tôt possible, à l'Assemblée nationale, un nouveau plan d'organisation militaire d'après les bases décrétées.
(Cette motion est mise aux voix et adoptée.)
annonce que le roi a donné sa sanction aux décrets suivants :
« 1° Au décret de l'Assemblée nationale du 20 juillet, pour l'apport des pièces et le renvoi au comité de Constitution de l'affaire relative à la difficulté élevée à Soissons entre la municipalité et 1e bailliage;
« 2° Au décret du 23, concernant le payement des pensions dont sont chargées les administrations municipales;
« 3° Au décret du 24, qui autorise la municipalité de Paris à remplir provisoirement les fonctions du directoire de district, par rapport aux biens ecclésiastiques ;
- « 4e Au décret du même jour, sur le traitement du clergé actuel ;
« 5° Au décret du 26, qui déclare comme"non-avenue l'information commencée devant les juges de Montauban, relativement à l'événement arrivé dans cette ville, le 10 mai ; porte qu'il sera informé de cet événement devant les officiers municipaux, juges ordinaires en matière criminelle à Toulouse; que les membres du corps municipal de Montauban demeureront suspendus de leurs fonctions, et que les administrateurs du département du Lot commettront, pour les remplacer provisoirement, six personnes ;
« 6° Au décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville d'Annonay à faire un emprunt de 4,000 livres ;
« 7° Au décret du même jour, qui autorise la ville de Douzy à faire l'emprunt d'une somme de 10,000 livres.
« 8° Au décret du même jour, qui autorise les ofliciers municipaux de Saint-André-dé-Valbor-gne à imposer la somme dè 800 livres sur tous les contribuables dans leurs rôles ;
« 9° Au décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux du Vigan, département du Gard, à imposer, en une ou deux années, la somme de 600 livres;
« 10° Au décret du même jour, concernant le droit de voirie et de planter des arbres dans les chemins publics, rues et places des villages, bourgs ou villes ;
« 11° Au décret du même jour, qui fixe les traitements accordés pour la table des officiers généraux de la marine, capitaines de vaisseaux, et autres officiers commandant les bâtiments de guerre ;
« 12° Au décret ?du 28, concernant le passage des troupes étrangères sur le territoire de France;
« 13° Et, enfin, Sa Majesté a donné ses ordres en conséquence du décret du 24, pour l'envoi des troupes à Orange.
Signé : Champion de CiCÉ, archevêque de Bordeaux.
Paris, le re août 1790
(La séance est levée à trois heures.)
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
, secrétaire, donne lecture du pro-cès-verbal de la séance d'hier dimanche, 1er août. Il est adopté.
Il est fait lecture de l'extrait de différentes adresses ainsi qu'il suit :
Adresse de félicitation, remerciement et adhésion des communautés réunies de Vaux et Vil-leurbaume : elles supplient l'Assemblée de leur assurer la propriété et jouissance de leurs biens communaux.
Adresse de la confrérie des pénitents de Mar-boz, département de l'Ain, qui a statué, tant en son nom, qu'en celui des pénitents de Roanne et des Compagnies-Unies, qu'à l'avenir aucun sujet ne serait admis parmi eux, sans avoir préalablement prêté le serment civique; a arrêté
Su'il serait placé dans l'endroit le plus apparent
s leur église un tableau où l'on verrait écrits les noms des représentants de la nation, sous ce titre : Les-Amis de l'Homme et du Citoyen ; que, le 14 j aillet de chaque année, il serait fait un service solennel pour la prospérité du royaume et la conservation du roi Louis XVI, restaurateur de la liberté française : enfin, elle a arrêté d'envoyer l'extrait de celte délibération à toutes les confréries de pénitents du royaume.
Adresse des sous-officiers et cavaliers de royal-cavalerie, en garnison à Strasbourg, qui annoncent que la plus parfaite harmonie règne entre eux et leurs officiers, et qu'ils sont aussi amis de l'honneur de la liberté, que soumis aux règles de la discipline militaire.
Adresse du sieur Périchon, capitaine, commandant une compagnie d'invalides en garnison au château de Joux, qui annonce qu'il a fait prêter le serment civique à la garnison de ce château, le 14 de juillet.
Adresse des officiers municipaux et habitants
du bourg de la Haye du Puits, qui supplient l'Assemblée de fixer dans ledit bourg le chef-lieu du district provisoirement fixé à Garenlan.
Adresse des membres composant le district de Saint-Amand, département du Cher, qui, dès l'instantde leur réunion, présentent à l'Assemblée le tribut de leur admiration et de leur dévouement; ils forment les vœux les plus ardents pour le succès de ses glorieux travaux.
Adresse des municipalités de Saint-Paul et de Châtillon-Saint-Jean, département de la Drôme, de la Teste de Buch, district de Bordeaux, d'Au-reilhan, près Tarbes, de Grateloup, près Tonneins, de Couréome, au département de la Charente, des villes d'Aunay, de Navarreins, d'Artonne et de Dours, toutes ces municipalités annoncent à l'Assemblée que tous les citoyens se sont réunis le 14 juillet, pour célébrer ce jour mémorable par une fête civique, dans laquelle ils ont fait éclater les sentiments de l'allégresse la plus vive, de l'union la plus étroite, et ont prononcé avéc transport le serment fédératif du Champ-de-Mars.
Les dames citoyennes de la ville d'Artonne ont résolu, dans cette fête, à l'exemple de leurs maris, de ne se servir que d'étoffes fabriquées en France.
Adresse des administrateurs du district de Pé-ronne.
Adresse de la municipalité de la Ghapelle-des-Fougerets, qui supplie l'Assemblée, par les motifs les plus pressants, d'abolir ies duels.
Adresse du sieur Grobert, membre des académies de Florence el de Bologne, qui propose à l'Assemblée l'exécution d'une machine de son invention, qui, par un mouvement uniforme de rotation, produit par l'action de quatre hommes, tirerait 360 coups de fusil, de différents calibres, par chaque minute.
fait donner lecture d'une lettre de M. François de Môustier, ministre plénipotentiaire auprès des Etats-Unis d'Amérique, ayant pour objet d'éclairer la nation sur les séductions employées par la compagnie du Scioto pour exciter les citoyens à une émigration funeste.
L'Assemblée ordonne l'impression de cette lettre qui est ainsi conçue (lj :
Messieurs, la séduciion employée par des personnes qui se disent agents d'une compagnie de Scioto a eu un succès si effrayant, que je regarde comme un devoir particulier pour moi, en ma qualité de ministre du roi auprès des Elats-Unis, de chercher à prévenir le malheur d'une foule de mes concitoyens,, et le dommage que cause au royaume l'émigration de ceux de ses habitants que l'erreur entraîne vers un autre continent.
En respectant l'usage de la liberté dan^ sa plus grande étendue, je crois quélte est elle-même compromise, dès qu'elle peut entraîner ceux qui en abusent à leur propre perte, et devenir nuisible à la société dont ils sont membres. C'est sous ce rapport que je suis convaincu que l'Assemblée nationale daignera accueillir la dénonciation que je lui fais par votre organe, de l'espèce de complot qui existe contre le royaume et ses habitants, par l'effet d'une association déjà formée, et d'autres toutes disposées, pour faire éini-grer des citoyens, non pas isolés, mais en masse.
Si les embaucheurs sont regardés par tous ies gouvernements comme des perturbateurs
punissables, de quel œil peut-on envisager des séducteurs de familles entières ?
L'Assëmblée nationale trouvera*sans doute* les moyens les plus propres à faire cesser Un,mal aussi grand que celui que je lui dénoiicgi Si le comité, auquel elle confiera le soin de lui proposer des înësures qui remplissent ses vues sur #et objet* juge à prdpos de recevoir de moi desinfor* mations plus détaillées* je me rendrai à ses ordres dès qu'il tue les aura fait parvenir.
M rhdrinëur tt'êtfë Ôvéd rëSpëCt* Messieurs^ Votre très humblë et très obéissant sefvit^ur.
FftANÇOlg De Mousufett.
Je déflbticé auSH M. i'abbë MathiâS tjlli tt ihdbit èfl erreur Uri hblhînë SlrtinlH dë ma brdviticëjdë lé ville d'i^àolre» qtil Ibi à livfé sa fbrtUilë pou? lillér s'établir ôti Scioto. Qliàhd il à élê au port d'ëthbartjtteiflerit, il à elè IhStMit dé lâ Vérité; Alors* il est réVéilU à Pâfts rëëlâblëf Sôti argent* ruais oti Je ldi a té* ftisè.
Je dénoflcé également lëS enrôiëtriëhts dui se fbnt dans M dêpëKëittëtit de h Meurthë; dah8 tolitë Ift LoN-airie ët lë pays Mn^iH, j3ttbP I âhmée ëUtHilhlëiitië cdhtrë les fcfa-BâriçdriiL le tiéndtiëë cëu* qui në touglSsént pas d'abahddMhef lëpà^S dë la libëfté bonf âlléf ëdth-baitî'è édlii les eriseigheë dtt dëîpotismeï
Jé démande la question préalable sur tout eë (JUl h'est fias la lettre de M. de Moustier. Je crois que l'Assemblée rië jièbt fiifë dë ldl§ pdili4 fëtëhlr ,lëS Français dans leur péyë et dlië c'ëst uri bienfait pour la natibii âë vbir é'ënruir tous les fnàufais citoyens{ cëlik qtil vont sërvir en Autriche* qui vont botn-* battre titl peiiplë qui s'yst armé pour lb liberté, ne poùhrttiënt fiën àlltJUtéf* ftu bien publié.
(Gettë thotloh est adoptées)
fait donner lecture d'tihe lettre du ihinlstfë de la mariné.
« Lë bol Reçoit à ridstant dë la Mârtiflittuë les. nouvelles suivantes, dbttt il me charge de fuir© part & rASSemblëë.
« Lë 3juin, â Sâint-Plërre dë lâ Mariinitjhë, après la gfahd'mêâse ët là procession* bii a tipê toUt â coUp : Aux ârmes ! Lé toësitt à sbiitié,. Lë beUple s'est arriië, à tifë stir1 les |éris dë tibUiéUr llbrêSt Séjjt ont été tUës, sept aUtrëa bnt été pris et pëh-dds. M. de DârriaS, kdUVefriëur, relëVârît aë maladie, a ëtè ôfiligë de Se retirer. L'assemblée coloniale l'a requis dë marcher contre cëS gens Sans aVëU qui tiç. connaissaient plus dé frein. 11 â été pàrfâitëlhètit.bién âecbridë par les trbbpeS, les hiihéës ét bar M. de PofltevèS, ëblhmah'aaflt; dë la statloti. La mbùicipalitë dë Sëint-Pierrë lui â envoyé Une adresse de reiiiërcitiJëûts après lë calihe rêlâbll. »
(Cette lettré est renvoyée au comité colonial.)
dit à l'Assemblée, que* d'après les Jroubles ont éclaté dans Je territoire de Nemours, les bons citoyens pensant que sa présence y rétablirait la paix, l'ont engagé à s'y rendre ; en conséquence; it demande la permis» sion d'aller passer quelques jours à Nemours.
(Cette permission lui est âcCdrdéë.)
fait homrftage à l'Assemblée d'un plan de législation criminelle.
ordonne là lecture .d'uîié lettre, signéë G'mille OêSmbUlins, à Iadjîiellé est joint uri exemplaire du u° 35 du . Journal dès révolutions dé France et de Bràbànt. Le èiéur Des-mouiins demande respectueusement à l'Assemblée de charger un de ses comités de faire le rapport dés passages dë son joUr'rial qui ont été dénoncés sans qu on en ait donné, lecture; ët il s ppliê l'Assemblée, dans lë cas dû elle n'ordonnerait pas le rapport, de lîii përnietiré de b rendre à jsàrtié son dénonciateur, qui l'accuse dâvoi? détourné le peuple dë payer ïe§ ImpôtS. .
(Ici des applaudissements se font entenaPe a trois reprises dans uiië portion du côté gauche de la salle. — Tout le reste est troublé par des murmures ët dës réclamations.)
L'Assemblée vient de manquer à l'ordre; j'ai le devoir de l'y rappeler. Si je connaissais le membre qui a applaudi trois fois, je demanderais que son nom fut inscrit dans le procès-verbal.
(se tournant ensuite vers les tribtiiiëS); Je recommande aussi aux spectateurs de se tenir dans le plus profond silence.
demande la parole.
II est bien question de ma plainte ! dë plUs grands intérêts doiVëhttioUS bHcupër- 'ce sont desdHmeS {)Ublicé, ët fidn dës délits [îrivëg dont j'invoque le châtiment. Je vous deoldHdë dans quel gbUVerriëniéht ou da»iS quëlie société, bâr-bare on permettrait ce qùè Vdtte déchët défend. Câihille DéSiiiOuliijS ëst-il ihnb^eht? 11 së jdSti-fiérà. Ëst-ii coupable? Je serai Son accusateur ët dë tous CejiÀ qui ^reridi'odt Sà derën'së. QU il së justifie, s il l'osé, (uhë Vôix s'elêvë dës tubtihes i Ouit je l'ose ! — Une partie de l'Assemblëë Së lévë, le bfult èë répand dans l'ÀSsernblée tîtie drëst M. Camille ÛeémoUlinë qui a parlé.)
Yous tfefiëé d'être témoinS dë 1 ihdêcëqCë qui vient d'être cdihâiiâe dàiià lë sanctuaire dès lois. J'âi cru deVoir ddhher dëè ordres provisoires pour que i homme qUi a trôtt* file J'Assemblée soit arrêté,
\Pehddht un instant un silence générât semblé càrijlrfner la mesuré prise.)
Un membre à gauàhe : Je deniàhaë qitë M. le présiclent prehne les ordres, qe rAssemulé^ stir l,'arrestation de Ç Camille Ûesmbulins et que ce dernier soit admis a la barre pour së justifier.
Je crois quë .l'or âre provisoire donné par M. le président était indispensable; mais devez-vous confondre l'i/npruaencê et l'incbhsidérâtion avec le erime? il s'est ëri-tendU âccuser d'un cirinie de lèse-nation; il est difficile à un hommejsensible de se iatire. On né peut supposei* qu'il ait eii l'intëntiori.de manquer de rëspëct au Corps législatif. L'hUmahité* d'accord avëc la idsticë, réclame ëh sa faveur. Je demandé son élargissëmerit et qu'on passe à l'ordre du jour.
annonce que M; Camille Des-moulius s'étant é( happé,, il n'a pu êire .arrêté*
(L'Assemblée passe a l'ordre dii jour.)
M. HuboiS (ci-devânt de Crancé), qui aiiait demandé une séance extraordinaire pour dénoncer plusieurs libelles, a la parole et monte à la tribune (1).
L'Assemblée nationale ayant rendu, dans la soiiée du 31 juillet, un décret qui ordonne dë poursuivre, comme criminels de lèse-Dation, tous auteurs, imprimeurs et colporteurs à?écrits tendant à soulever le peuple, à I effusion du sang ët au bouleversement dë la Constitution, j'ai cru qUe l'Assemblée, justement indignée contre cëux deces libelles qui lui avaient été dénoncés, n'avait rendu qu'un décret de circonstance pour Uri délit contre lequel les lois sont éternelles; car, dans tous les temps et dans tous les lieux, celui qui prêche des assassinats est un scélérat.
Mais profiter d'un motif aussi légitime pour généraliser une loi de sang, pour inculper du plus grand des Crimes,tout citoyen qui, depuis le commencement dé la Révolution, a écrit âvec liberté sur les affaires du temps; mais lorsqu'il n'y a aUcUh principe Constitutionnel de posé sUr l'étendue que l'homme pëut donner à la pensée qu'il désire communiquer, confier à un tribunal le droit de juger, sans autre guide qiië sa conscience, ce qui tend à soulever le peuple contre les lois, c'est vouloir rétablira la fois et la Bastille et les bûchers de l'inquisition, c'est tuef la Constitution sous prétexte de la défendre.
Je mé suis donc élevé avec justice lëlendertiain, à la lecture du procès-verbal, contre la rédaction du décret rendu là veille; j'ai prOiivé que deux écrits incendiaires avaient d'abord été dénoncés; que, dahs une thés légère discussion, plusieurs membres avaient dénoncé d'autres libelles, non moins incendiairëS ; que M. dë Croix, dernier opinant, avait rétabli la nuëstiori, et obtenu de l'Assemblée que lë décret à rendreue porterait que sûr les deux feuilles dénoncées par M. Malouet. J'ai donc pu et dû. croire, en opinant èn faveur du décret rédigé par le même M. Malouet et lu dans un assez grand tumulté, qu'il n'était question et quë dés deux feuilles incendiaires indiquées, et j'ai déclaré que s'il en était autrement f avais été trompé;que j'avais alors voté contre mon opinion (jue je réclamais Contre une prétendue majorité qui nétait que l'effet d'une surprise, dont les dangers étaient évidents. L'Assemblée a Voulu passer à l'ordre du jour.
Convaincu qu'à moinsde quelques modifications importantes, le décret rendu général compromettait les droits des citoyens, la liberté ët la tranquillité publique, il ne me restait qU'Uhe ressource pour déterminer l'Assemblée à s occupper encore de cet objet ; je n'hésitai pas et je demandai à être entendu à jour fixe sur des dénonciations de libelles dont je connaissais les auteurs. Je fus ajourné au lendemain, et j'obtins une séance extraordinaire du soir. Je vis bien qu'on était dans une opinion contraire à ma penséë, ët quoique cettë erreur ne me fût pas très favorable, elle aie sembla si utile à la chose publique, que je crUs devoir garder mon secret.
Je n'ignorais pas que la plupart des membres de l'Assemblée étaient convaincus que je dénon-
« Messieurs, je viens remplir là tâche périible que mon detoir m'impose; non moins indigné que M. Maloiiet contre lëS tiiaUVais citoyens cjtii, par des écrits incett liàires, timdent â porter le peuple à la révolte et à détruire la Constitution qui, comme l'a dit cet honorable membre, n'est fondée que sur la bienfaisance^ je ne pdié envisager sans Une doUleur profonde l'excès aUqd l la iicënce s'ëst portée. CliaqUe joilt4 voit écldrë les pamphlets les plus ëëditlëux; les portliiieS ifiêmes de cette sàlleëd sont couverts ; nos villes^ nos campagnes, les casernes de nos soldats eh sont inoridéS; ihiitilettteht on imprimerait des ouvrages instructifs, ort rte verni plus qde des calomnies : deux partis âcharrtés se font uneguerre implacable, ët celui qUi ddlt succomber semble compter ses pertes pour rien, s'il peut entraîne!' l'autre dans sa ruine..; Lës pedfdes sont bleh malheureux! Tristes jouets des Cabales, leur sort, dans tous les siècles, sera donc de servir d'instrument aveugle, ou de périr victimes des passions les plus criminelles?
« Je n'ose penser, Messieurs, malgré la diffé* rence d'opinions des membres de celte Assemblée, qu'il en soit un seul qui, oubliant le caractère de législateur d'un grand Empire, ait voulu souiller sa plume et tramer des complots. Nos embarras sont assez grands, nos travaux assez pénibles, pour n'être pas encore forcés de flétrir son cœur de cette horrible pensée. Eh! que deviendrait notre dignité ? Notre fonction est de faire des lois* est-ce à nous de chercher des coupables? Eh I qui peut se dissimuler que, dans un moment où tant de caractères s'agitent en sens contraire* où tant d'inquiétudes tourmentent les esprits, le meilleur citoyen, s'il a de la chaleur dans le sang peut facilement passer le but et semble criminel? M lis l'homme juste, l'homme sans passions ne s'y méprend pas.
« Cependant, Messieurs, je conviens qu'il est des excès que, par humanité même., nous devons réprimer, et je suis étonné que M. Malouet se soit borné à développer son patriotisme aveG tant d'énergie contre une ou deux feuilles incendiaires seulement. J'attendais de son impartialité bien connue, qu'il vous dénoncerait, avec autant de justice et de raison, les Protestations des chapitres, les Actes des apôtres^ la Gazette de Paris, l'Adresse aux provinces, l'infâme lettre à l'armée, ët une foule d'autres libelles où les membres de cette Assemblée sont outragés, livrés à la fureur du peuple qu'on soulève} en le trompant sur le sens ou sUr le résultat de vos décrets.
« Je m'étonneque leChâteletde Paris, que ce tribunal plus strictement liéàla Constitution qu'aucun autre par la confiance dont vous l'avez honoré, ait gardé le silence, quand on a débité publiquement et sans pudeur la Passion de Louis XVÏ, roi des Juifs et des Français, le Veni Creator, le compte rendu de la prétendue Assemblée nationale, et d'autres productions infernales «loti t on ne peut lire aucun paragraphe, jë ne di| jiiu
sans dégoût, mais sans horreur. Je demande pourquoi ce tribunal laisse vendre, même en ce moment, le prétendu manifeste du prince de Condé, qui sonne le tocsin d'un bout de ia France à l'autre, sans au moins le flétrir de l'improbation de la loi, et en rechercher les auteurs?
« Si le Châtelet répond que la loi n'existe pas, qu'il l'attend de vous, vous avez donc, Messieurs, par votre décret d'avant-hier soir, livré à l'arbitraire le plus dangereux des hommes qui, quelque coupables qu'ils soient, n'en ont pas moins droit à votre justice.
« Si la loi existe, par quelle fatalité, parmi une foule de coupables poursuivis, ceux-ci sont-ils seuls dénoncés; et voulez-vous laisser croire que la loi peut être dans les mains des juges un instrument destiné à des vengeances personnelles?
« Votre décret est juste au fond, mais, faute de développement, il peut compromettre les citoyens qui ont le mieux mérité de la patrie. Condamnerez-vous l'abbé Sieyès pour avoir fait: Qu'est-ce que le tiers-état ? Traîneriez-vous dans les cachots M. de La Fayette pour avoir dit ce mot sublime et vrai, que l'insurrection du peuple contre le despotisme est le plus saint des devoirs ? Non, Messieurs, vous ne le souffririez pas; la nation, le monde entier vous désavouerait ; vous ferez donner une loi ferme et prudente, qui consacre la liberté en réprimant la licence : cette loi est le flambeau qui peut seul éclairer les juges des délits nationaux, et vous leur ordonnerez de l'attendre.
« Mais, Messieurs, il existe surtout un libelle qui me paraît plus particulièrement digne de votre attention, car il a semé de grandes terreurs dans le royaume. Revêtu des caractères d'authenticité, annonçant les projets les plus sanguinaires, inculpant des membres de cette Assemblée, accusant, dénonçant un des ministresdu roi comme criminel de haute trahison, telle est, Messieurs, l'horrible et sans doute ténébreuse production que je dénonce ici. Elle est signée, elle a nom d'auteur connu, elle s'intitule : Rapport fait au comité des Recherches de Paris, tendant à dénoncer MM. Maillebois, Bonne-Savardin et Guignard de Saint-Priest, suivi de pièces justificatives et de l'arrêté du comité. A Paris, chez M. Buisson, libraire,rue Haute feuille, n° 20. On trouve dans ce libelle le prétendu rapport d'un projet de contre-révolution, des prétendues pièces justificatives, enfin un arrêté pris contre MM. Maillebois, Bonne-Savardin et Guignard de Saint-Priest, ministre et secrétaire d'Etat.
« Ce libelle estol encore une trame ourdie par les ennemis du bien public? Il faut en punir les auteurs, puisqu'ils sont connus, et soulager la France d'un poids qui l'accable, en lui montrant la vérité. Ce libelle est-il une dénonciation en forme, un acte du plus pur patriotisme, fondé sur pièces authentiques? Alors, Messieurs, vous n'avez rien de plus pressé que d'arrêter, dans sa racine, le développement d'un complotdestiné à embraser la France entiere.
« Je fais donc la motion :
« 1° Que demain, à l'heure de deux heures, le comité des recherches de la ville soit mandé à la barre, pour y reconnaître ou désavouer l'écrit publié en son nom, intitulé : Rapport au comité des Recherches ;
«2° Qu'à la même heure et immédiatement après, e procureur du roi du Châlelet soit mandé à la barre, pour y recevoir l'ordre de poursuivre sans relâche soit les auteurs du libelle, s'il est désavoué, soit les personnes qui y sont dénoncées, si
ce rapport est reconnu véritable par les membres du comité des recherches de la ville de Paris.
« Et, dans ce cas seulement, l'Assemblée décrète que son président se retirera par devers le roi, pour lui remettre un exemplaire du rapport fait contre M. Guignard de Saint-Priest, et le prévenir que l'Assemblée ne peut plus avoir de relation avec un ministre aussi grièvement inculpé du crime de haute trahison. »
Si M. de Saint-Priest est coupable, j'ai fait mon devoir; s'il est innocent, comme je l'espère, il se justifiera; il ne peut s'en dispenser. Ge n'est pas moi qui le dénonce, c'est le comité des recherches de la ville de Paris; je n'ôte donc rien à sa réputation. J'ai seulement cru qu'il était important que l'Assemblée s'éveillât sur un bruit faux ou vrai, qui intéresse tout le royaume autant qu'il l'inquiète; et si M. de Mirabeau s'est cru autorisé à dénoncer le prince de Coudé, qui n'est accusé de rien, sous le prétexte d'un libelle qui court sous son nom, j'ai pu, sans injustice et sans ridicule, me croire en droit de déposer au sein de l'Assemblée mes inquiétudes sur un fonctionnaire public, dans le cas où il serait légalement accusé, quoique vraisemblablement innocent.
Plusieurs membres du côté droit demandent la question préalable.
Je ne demande point la question préalable dans la position où se trouve l'Assemblée nationale, dans un moment où il n'y a pas de moyens qu'on ne mette en u^age pour l'égarer; je rends justice à tout ce que la motion de M. Dubois a d'ingénieux. Oui, le comité a dénoncé M. Guignard : si le ministre est coupable, il doit porter sa tête sur I ecbafaud; mais il est bien extraordinaire qu'on vous propose de mander à la barre le comité des recherches, pour savoir s'il a fait la dénonciation. Oui, il l'a faite, et le préopinant le sait bien. Le comité a pu se tromper ; mais pour le prouver, il faut suivre une marche constitutionnelle. On vous propose aussi de mander Je procureur du roi du Cliâtelet, et d'ordonner que votre présidentse retirera vers le roi, pour lui déclarer que 1 Assemblée ne peut plus communiquer avec un ministre accusé de haute trahison : il est une autre marche; elle aurait dû se présenter à l'esprit ae ceux qui ont du zèle et du patriotisme. La justice et la raison demandent que. vous entendiez d'abord votre comité des recherches. Je déclare publiquement, quoique député de la ville de Paris, que l'Assemblée doit s'occuper de découvrir ceux qui veulent la perdre avec la Constitution. Je suis un des plus zélés apôtres de la Constitution ; je déclare que dans la position où se trouve le royaume, dans un moment où l'Assemblée est environnée de factieux, qui veulent la conduire je ne sais où... (Il s'élève de violents murmures.)
Je consens à être la première victime; je déclare, au risque de ce qui peut m'en arriver, que j'ai trouvé le décret rendu à la séance de samedi soir, juste et raisonnable; la molion du préopinant porte un air de représailles qu'il n'a pas voulu lui donner; je demande, je le répète, qu'on suive la marche constitutionnelle.
observe que tout cela n'est pas à l'ordre du jour, et l'Assemblée décide qu'elle passera à l'ordre du jour.
(ci-devant de Hlleneuve). Vous n'avez pas rendu un décret, samedi dernier, pour
qu'il ne puisse pas être entendu; je n'ai qu'à vous faire la lecture du décret, pour vous taire sentir la nécessité de l'expliquer. (Il s'élève des mur mur es.) Je demande si, pour être entendudans cette Assemblée, il est nécessaire de faire des dénonciations ?
Je vais remplir un devoir bien pénible à mon cœur, je dis pénible parce que je vais dénoncer un des habitants de ma ville. La municipalité de Glermont-Ferrand, connue par son patriotisme comme toutes les municipalités du royaume, a été instruite qu'il s'imprimait chez Belcrot, imprimeur à Cbrmont-Ferrand, un libelle portant pour tilre : Tableau de VAssemblée prétendue nationale. L'é iition a été saisie et condamnée à être jetée au feu, et elle l'a été en effet, et l'imprimeur décrété d'ajournement personnel. Quelque zélé que je sois pour poursuivre tous les attentats qui se commettent, je ne suis point d'avis que l'on continue cette procédure, parce qu'elle tend à renvoyer cette affaire au Châlelet. Je vous le dénonce, le Châtelet et le procureur du roi. (Il s'élève des murmures.)
Quelle que soit ia différence d'opinion des membres de cette Assemblée, nous voulons tous la justice et le bien. La juridiction en matière criminelle est un glaive qu'il ne faut pas aiguiser de manière àle rendre à deuxtranchants; M. Guignard a été dénoncé au Châtelet de Paris ; le tribunala-t-il fait son devoir ? 11 est encore à faire les premières poursuites. Je demande que le comité de Constitution propose incessamment un décret pour l'établissement n'un tribunal uestiné à juger les crimes de lèse-nation. (Le tumulte de VAssemblée augmente, des cris s'élèvent des diverses parties de la salle ; on demande que la séance soit levée.)
M. le Président, distinguez les bons citoyens, ils sont tranquilles; je fais serment de ne pas désemparer, sans que l'Assemblée ait pris une délibération; que tous les bous citoyens fassent comme moi.
M. Pétion a demandé un décret explicatif de celui rendu dans la séance de samedi soir, cette proposition me paraît de toute justice : il faut marquer la ligne de démarcation qui doit séparer la liberté de la licence, afin qu'elle n'alarme pas les bons citoyens et qu'elle arrête ies mauvais.
Avec quelques observations il sera facile de prouver que le décret rendu dans la séance de samedi soir a besoin d être expliqué. Je demande d'abord si vous avez voulu lui donner un effet rétroactif, c'est-à-dire si vous avez voulu donner lieu à toutes les proscriptions et à tous les troubles imaginables? Faut-il rechercher tous les écrits faits depuis la Révolution ?Ne sera-t-on pas réputé coupable pour avoir dit à un peuple opprimé ! Brisez vos fers 1 Regarderez-vous comme coupablesces citoyens généreux qui alors volèrent aux armes? (Plusieurs membres ae la partie droite s'écrient : Oui 1) L'Assemblée n'a point encore défini, ni caractérisé les crimes de lèse-nation, dès lors votre décret livre tous les écrits à l'arbitraire des juges, et compromet la liberté individuelle des citoyens. Je propose donc de décréter que l'exécution de ce décret sera suspendue jusqu'à ce que le comité ait présenté un projet de loi sur la procédure par jurés.
(La discussion est fermée.)
(On demande la question préalable sur le décret proposé par M. Petion.)
j'ai demandé la
parole pour combattre la question préalable proposée sur la motion de M. Pétion; j'avoue que je ne puis concevoir comment, après tout ce qu'il a dit, après la manière dont il a présenté les dangers qui pourraient résulter du décret rendu samedi dernier, on peut proposer de rejeter cette motion. Certainement la presse peut avoir des abus; elle en a eu même de très grands dans ces derniers temps, et je suis loin de vouloir en être le défenseur. L'écrit de M. Marat, qui a été dénoncé à cette Assemblée, est criminel, est extrêmement criminel; et s'il y avait des lois antérieures surcet objet, je serais le premier à solliciter vivement de vous les poursuites les plus sévères contre cet écrit. Mais quel est le but qu'on s'est proposé en vous présentant, samedi dernier, un décret dont les expressions vagues se prêteraient aux poursuites les plus arbitraires? Ce but, on ne peut se le dissimuler, c'est de fermer la bouche à tous les écrivains patriotes; c'est d'empêcher que la censure publique ne s'attache à ceux qui trahissent le devoir qui leur est imposé, de servir, de défendre les intérêts du peuple. Je ne m'étonne pas de trouver ces dispositions dans une partie de l'Assemblée. (Il s'élève des murmures du côté droit. Plusieurs voix s'élèvent : Expliquez-vous.) Mais qu'elles ne soient pas plus généralement repoussées par la majorité, je ne puis que m'en affliger. Je vous demande si la motion ae M. Petion eût trouvé, il y a quelques mois, autant de contradictions. Je le demande aux généreux membres des communes qui se sont si utilement, si glorieusement réunis au jeu de Paume, pour faire le serment de donner une constitution libre à leur pays (des murmures se font entendre dans la partie droite; ils sont étouffés par les applaudissements de la partie gauche et des tribunes), si dans ce temps, si dans le moment de notre réunion, cette motion n'eût pas été généralement accueillie... La question préalable doit être rejetée et la motion de M. Pétion adoptée; mais je demande qu'il y soit ajouté un préambule qui exprime l'indignation de l'Assemblée sur les abus de la presse, et particulièrement contre l'écrit coupable de M. Marat.
présente le projet de décret suivant : « Il est libre à tout citoyen d'énoncer sa pensée, et même de livrer à l'impression son opinion sur les actes du Corps législatif. Si des imprimés sont attentatoires à la majesté du roi, les auteurs en seront poursuivis en son nom; si ces imprimés excitent à la rebellion contre les décrets du Corps législatif, les auteurs en seront poursuivis au nom du roi. »
Ce projet de décret est écarté par la question préalable. — Plusieurs autres projets sont présentés et successivement rejetés.
fait lecture de son décret conçu en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il ne pourra être intenté aucune action, ni dirigé aucune poursuite pour les écrits qui ont été publiés jusqu'à ce jour sur les affaires puoliques, à l'égard de laquelle la dénonciation précédemment faite sera suivie, et cependant l'Assemblée nationale, justement indignée de la licence à laquelle plusieurs écrivains se sont livrés dans ces derniers temps, a chargé son comité de Constitution et celui de jurisprudence criminelle réunis, de lui présenter le mode d'exécution de son décret du 31 juillet. » (On demande à aller aux voix. Deux épreuves successives paraissent douteuses ; on réclame l'appel' nominal.)
Je demande la question préalable sur 1 ' !(/(ij«'t ;je décret de M. Pétion, parce qu'il détruit ledécreÇ qdè vous avez rendu samedi dernier et qu'il légitime l'ouvrage de Desmoulins en n'attaquant que MaraJ.
Votre décret du 31 juillet me semble parfaitement clair et les seuls mots qui puissent prêter au vague sont ceux-ci : excitant les peuples à Vinsurrection contre la loi.
Il importe de fixer un terme à votre décret et pour cela on peut dire qu'il n'aurad'ef-fet que jusqu'au 1er janvier prochain.
On ne peut nier qu'il existe un écrit excitant à l'assasinat; d'un autre côté, la motion de M. Pétion est aussi sage que politique; afin de tout concilier, voici la rédaction que je vous propose : ,.
« L'Assemblée nationale décrète qu'il ne pourra être intenté aucune action, dirigé aueune poursuite pour les écrits qui ont été publié^'jusqu'à ce jour sur les affairés publiques, à l'exception néanmoins du lib lie intitulé :'« C'en est fait de nous, à l'égard duquel la dénonciation précédemment faite sera suivie;
« Etcependant l'Assemblée, justement indignée de la li cence à la quelle plusieurs écrivains se sont livrés dans cs nerniers temps, a chargé son comité de Constitution et celui de jurisprudence criminelle réunis, delui présenter in.Cessatnnient le mode d'exécution de son décret du 31 juillet. »
(Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.)
(La séance est levée à onze heures et demie.)
RAPPORT fait au* comité des recherches de la mu* nicipalitè de Paris, par Jean Philippe Garran-Coulon, l'un de ses membres, suivi des pièces justificatives et de l'arrêté du comité tendant à dénoncer MM. Maillebois, Bonne-Savardm et Guignard Saint-Priest,
Arrêté du, comité des Recherches.
Le comité des recherches de la municipalité de Paris, convaincu qu'il (b>it compte, non seuler ment à lacomqjunede celte capitale, mais encore à la société entière, de ses opérations et des motifs qui les ont déterminées, qu'il est juste que tous les citoyens soient instruits des objets qui les intéressent tous; que c'est le seul moyen de mettre ie public eu état de pronoucer ces jugements suprêmes auxquels tout le monde est soumis, sans en excepter les tribunaux, a arrêté que ly rapport à lui fait par M. Garran, l'un de 'ses membres, dans l'araire de M. Maillebois et autres, les pièces justificatives de ce rapport et l'avis du aoyiité tendant à dénonciation, seront imprimés pour être distribués jen liés grand nombre : donne pouvoir à M- Agier de joindre aux pièces justifient! ye? |es éclaircissements nécessaires, lesquels seront présentés à l'approbation du comité.
Fai$ audit comité, le 9 juillet 1790. signé ; aâle£> pefiroff, -oudart, j. ph. garran, i. P. Brissot.
Rapport fait au comité des Recherches de la municipalité de Paris dans Vaffaire de MM. Maillebois,
Bonne-Savardin, et autres, etc.
Vous connaissez déjà si bien, Messieurs, l'affaire importante dont yoqs m'avez chargé de voqs rendre compte, vous l'avez déjà si bien examinée sou§ gp^diyers points de vue,soit danscecomité, soit dans les différentes copférences que vous avez eues ayec |p comité des recherches de l'Assemblée nationale, que ce rapport serait entiè-rpnjpnt inutile, si yous n'aviez pas cru nécessaire de rassemb er, sous uq seul coup d'oeil, tpus les objets qu'elle embrasse, ayant de prendre une déterminaiion dpljnitiye.
Pour remplir vos intentions, je yais d'abord vous remettre sous les yepjç les priucipaux renseignements qui yous ppt été donnés sur les faits, ef qui constatent le corps de délit, atin de yous mettre epsuite à portée de juger si, parmi le? pi rsonne^ qyi par^s^pj; compromises dans cette affaire, il y en a qui doivent être dénoncées nommément, et quelles sont ces personnes,
Preuves recueillies par le comité, gui constatent une nouvelle conspiration contre VEtat
CV'Sf ygrs la fin de mars dernier qu'on yous donne le? premières indications dp prpjej de ço;)tr*'-réyoluliôn formé par M. M^jllebois, et qu'on yous iipnonça les reusejgnemenis que M- Massot-Gràpd'jtyaiSQp, qui avait été sot) secrétaire jusqu'alors, vous fournirait à cet éggtrd, Pèq de temps après, un membre de l'Assemblée nationale adressa au comité des recherches de cette Assem-blee, des avis, venant de Turin, qui l'instruisaient du même projet dè conspiration, avec des détails conformes, dans les points essentiels, à ceux que nous avait donnés M. Massot-Grand'Maison. Mais vous aviez eu, bipn longtemps auparavant, des indicjitiops vogues d'un plan de cette espè.cp, et voug aviez même, dès le mois de décembre dernier, enyoyé à Turin un citoyen plein de zèle, pour açflu^rfjr de nouvelles lumières sur les Jieux.
Quoique son yoyage ne vous ait rien appris d'imporiant, et qu'il paraisse même qu'on nous eût tendu un piège, en nous promettant des instructions qu'on ne pouvait pas nous donner, il n'en est pas moins yrai que des ennemis de la Réyoiutionquenousneconnaissions pas, formaient dès lors ie projet que vous vous proposez de dénoncer.
Vous aviez invité à passer au comité, le 5 du même mois, M. Bonne-Savardin, qui, logeant à l'Arsenal, et ayant servi dans l'armée rassemblée autour de Paris, au mois de juillet précédent, sou? les oidresde M. le maréchal de Broglie, vous avait été iudiqué compie pouvant vous donner des renseignements sur l'armée de M. de Broglie, et sur les préparatifs de guerre qui s'étaient faits à la Bastille. Il déclara ne rien savoir; et, par celte raison, vous ne dressâtes aucun acte de sa comparution. Mais, avant de venir au comité, il avait cru devoir prévenir, de l'invitation que vous aviez faite, une personne considérable avec laquelle il eut une conversation très importante sur les- moyens d'opérer une contre^révolution et à qui il rendit compte, dès le lendemain, de la visite qu'il avait faite au comité.
M. Maillebois était alors à Thury, maison de campagne de Cassini. M* Bonne-Savardin lui
annonça d'abord, par une lettre, le récit de cet entretien, qu'il mit ensuite par écrit,en déguisant sous des noms convenus, cette personne considérable et toutes les autres dont il était question dans son récit.
Il finit en rendant compte, à sa manière, de ce qui s'était passé au comité, lors de la comparution qu'il y avait faite.
On voit entre autres choses, daqs ce récit qui nous a été remis en original, que Mi Bonne-Savardin, sentant la nécessité d'avoir des troupes qu'on pût opposer à lagàrde nationale, proposait, pour les commander, M. Maillebois, et qu'il aurait désiré qu'on se débarrassât de notre commandant général (1). "
Ce récit et la lettre qui l'annonce sont les seules pièces qui nous soient parvenues de la correspondance que M. Bonne-Savardin a eue avec M. Maillebois, antérieurement aux avis qui nous ont été donnés de leur projet au mois de mars dernier. Mais on voit dans le livre-journal que M. Bonne-Savardin portait avec lui, que, depuis la Révolution, il allait perpétuellement voir M. Maillebois, soit à Paris, soit à Thury. Il allait, aussi de temps à autre, chez M- l'ambassadeur de Sardaigne, où il ne paraît pas qu'il allât précédemment, suivant' ce livre-journal, qui commence âu 1er feyrier 1788; et presque jamais il he manquait de passer chez M. Maillebois, soit avant a'allèr chez M. l'ambassadeur de Sardaigne, soit eq rpyenant (2).
G est ainsi qu'on disposait le plan delà conspiration dont M. Maillebois devait diriger l'exécution, et que M. Bonne-Savardin devait négocier à là cour de Turin. Suivant ce plan, dont M. Massot-Grand'Majson a instrpij; le comité, et qu'on adressait à il. d'Artois (3), on proposait au roi de Sardaigne de fournir 25,000 hommes, une somme de 6 à 7 millions, ou tout au moins son cautionnement- On désirait que M. d'Artois engageât l'Espagne à entrer dans le projet, soit en fournissant des troupes, ou en fanant une avance de 8 millions.
Qn paraissait sûr que le duc dés Deux-Ponts, le margrave de Badén, le landgrave de Hesse appuieraient 4e toutes leurs forces le projet, parce qu'ils étaient décidés â soutenir leurs droits en Alsace.
Cette confédération flormée, on devait fabriquer un manifeste dans lé cabinet du prince, dont MM- Mounier et ]Lally-Tolendal auraient été les rédacteurs, et qui devait être fondé sur la déclaration lue à la séance royale du 23 juin 1789.
Ce manifeste, après avoir été revp ppr M. Maillebois, devait être publié avant d'entrer en campagne. On devait la commencer en marchant vers Lyon, qu'on espérait gagner par les privilèges qu'on accorderait à son commerce. On dirigerait un autre corps d'armée par le Brabant, un autre par la Lorraine. On comptait grossir ces armées, par tous les hommes dévoués au parti antipatriotique, et gagner les troupes particulières. Les trois corps de troupes devaient, en s'avariçant vers lacapitaie, désarmer les municipalités, leur faire prêter serment au roi, et les forcer à rappeler lejirs députés aux ptats généraux, s'ils tenaient encore. On devait bloquer Paris, et l'on espérait ainsi faire venir la nation à récipiscence.
On peut présumer que l'exécution de ce projet était combinée avec les troubles qui ont désolé,
dans ces derniers temps, le Languedoc, la Provence, le Dauphiné et quelques autres provinces frontières, et avec les efforts que le fanatisme faisait dans le même temps pour soulever les principales villes du royaume.
M. Bonne-Savardin était parti pour présenter le projet de contre-révolution à la cour de Turin, quand M. Massot-Grand'Maison, qui, d'après sa prjère, l'avait transcrit sur l'original, écrit de la main de M. Maillebois, dont il était alors le secrétaire, vous fit sa déclaration le 24 mars dernier. Vous n§ connaissez l'opinion de la cour de Turin et des réfugiés qui y sont, que par les lettres anonymes ntalié, que le comité des' recherches de l'Assemblée nationale vous a remisés (1). Mais Je livre-journal de M. Bonne-Savardin, une lettre qu'il écrivit à M. Maillebois, à l'adresse de M. Massot-Grand'Maison, et plusieurs autres pièces trouvées sur lui, lors de son arrestation, vous ont appris qu'il était parti peu de temps après, pour aller joindre, en passant par Pans, M. Maillebois, qui s'était réfugié en Hollande ; qu'il revint ensuite à Paris, d'où, après y être resté caehé quelques jours, il retournait en Savoie, lorsqu'il fut arrêté par là garde'nationale et la municipalité dé Pont-Beauvdisiri (2).
Vous avez applaudi, Messieurs, à la conduite pleine de patriotisme et de prudence de la garde nationale et de la municipalité de cette ville, qui se hâta de vous annoncer cet événement important, ainsi qu'au comité des recherches de l'Assemblée nationale et à M- le commandant général (3). Elle adressa à ce comité les pièces les plus importantes qu'elle avait trouvées sur M. BoOne-Savardin, tanuis qu'elle l'envoyait à Lyon, pour plus de sûreté. Quant au surplus de ses effets, elle les envoya aussi scellés et plombés à la municipalité de Lyon, qui, sur la réquisition de M. le maire et de M. le commandant général de notre garde nationale, a fait conduire M- Bonne-Savardin à Paris, sous l'escorte des ofticiers de l'état-major, que M. de La Fayette avait envoyés.
Dès le jour de l'arnyée de M. Bonne-Savardin, le comité des récherches dè l'Assemblée nationale vous l'a renvoyé avec ses effets. Il vous a remis aussi, peu de jours après, toutes les pièces relatives à çelté affaire qu'il avait entre les mains. 11 faut Seulement vous rapporter que tes efiets envoyés par la municipalité de Pon t-Beau voisin à Lyon, avaieut été rendus à M. Bonne-Savardin durant sa détention dans cette ville.
Première question.
Y a-t-il lieu de dénoncer M, Maillebois et M. Bonne-Savardin ?
Vous n'avez pas besoin, Messieurs, pour vous convaincre que la conspiration, dont vous venez d'entendre le récit, est véritablement un crjme de lèse-nation, de vous rappeler les ordonnances q.ui déclarent coupables de lèse-majesté au premier chef les conspirateurs contre la République du royaume (4), ni celles qui défendent à toutes personnes d'entrer dans aucune ligue offensive ou défensive avec les princes et les potentats étrangers; jamais, jndépendammepf, de (ouies fes Ibi^
promulguées parmi les hommes, attentat ne fut plus (riminel-que cette conjuration (1).
Une grande nation, jusqu'alors asservie, vient de briser ses fers. Foulant aux pi ds les préjugés de toute espèce qui l'avaient avilie, elle emploie les premiers instants de cette liberté, si glorieusement acquise, pour donner à l'univers l'exemple à jamais mémorable d'un peuple qui remonte aux grands principes de la raison humaine, et protite des lumières de tous les pays et de tous les siècles, pour asseoir ses institutions politiques sur l'égalité des droits, et le vœu commun. C'est au moment où elle renouvelle dans l'histoire moderne toutes les merveilles de l'antiquité, en réalisant enfin ces spéculations hardies sur la suprématie du peuple, dont tant d'écrivains avilis ou soudoyés, par les tyrans, avaient tant de fois prononcé l'exécution impossible; c'est au moment où toute la nation assemblée, par ses représentants, se concerte avec son chef pour fonder sur cette base inébranlable la félicité publique, et l'autorité qu'elle dépose en ses mains, que des âmes dégradées par l'habitude du despotisme, au point de ne pouvoir plus supporter l'éclat de la liberté, et de croire que ceux qui en ont une fois joui pourront se la laisser arracher, osent former un pian de conspiration pour nous remettre sous le joug. C'est quand les 44,000 communautés qui composent l'Empire français ont ratifié la Constitution tracée par leurs représentants, en jurant de la maintenir de tout leur pouvoir, qu'on veut l'étouffer, dès sa naissance, dans le sang des citoyens armés pour ba défense, en faisant marcher contre eux des troupes étrangères.
Ainsi, pour servir quelques mauvais citoyens, intéressés au maintien des abus les plus insupportables, on conspirait contre les droits de tous les hommes, retracés dans la déclaration de l'Assemblée nationale; contre la liberté, garantie aux Français actuels et à ceux des générations futures par la Constitution qu'elle a décrétée; contre le vœu publiquement prononcé par 24 millions d'hommes, dans toutes les parties de notre Empire; contre la volonté du roi enfin, qui l'a si fortement et si solennellement exprimée au mois de février dernier. Dans les diverses conférences que nous avons déjà eues sur cette affaire, nous n'avons jamais douté que nous ne dussions dénoncer un crime si détestable; nous n'avons jamais douté, non plus, que nous ne dussions dénoncer nommément M. Maillebois et M. Bonne-Savardin, comme prévenus d'en être ies auteurs et de l'avoir négocié.
C'est effectivement M. Bonne-Savardin qui a eu, dès le 5 décembre dernier, avec une personne considérable, cette conversation coupable, dans laquelle ils cherchaient ensemble les moyens d'emmener le roi hors de sa capitale, et loin de l'Assemblée de nos représentants, en se procurant une armée que l'on pût opposer à la garde nationale. C'est M. Maillebois, que M. Bonne-Savardin a proposé pour le général de cette armée, et les noms factices, dont ils étaient convenus d'avance, pour désigner les personnes qui seraient l'objet de cette conversation, annoncent seuls que le tout était déjà combiné entre eux deux. C'est M. Maillebois qui a conçu ensuite Je plan de conspiration, dans lequel, pour suppléer à cette armée antipatriotique qu'on ne pouvait pas trouver en France, il pfopose d'introduire
dans le royaume des troupes qui seraient fournies par le roi de Sardaigne, le roi d'Espagne et des princes d'Allemagne. C'est lui qui a entièrement écrit de sa main ce plan criminel, et qui l'a donné à copier à M. Bonne-Savardin. C'est M. B'inne-Savardin, qui, ayant trop de peine à lire l'écriture de M. Maillebois, l'a donné à son tour à copier à M. Massot-Grand'Maison, pour le recopier ensuite sur sa copie. C'est M. Maillebois enfin, qui a fourni l'argent nécessaire pour le voyage de M. Bonne-Savardin à la cour de Sardaigne (1).
Vous n'avez pas oublié, Messieurs, que les avis de Turin, qui nous ont été remis par le comité des recherches de l'Assemblée nationale, s'accordent avec la déclaration de M. Massot-Grand'Maison sur le plan de conspiration, et qu'ils assurent de plus que ce plan a été effectivement présenté par M. Bonne-Savardin à M. d'Artois, de la part de M. Maillebois. Si ces avis, tout importants qu'ils sont, ne peuvent pas faire preuve d'après leur caractère anonyme, ils ont pu du moins vous servir d'indication, et toutes les pièces qu'on a trouvées sur M. Bonne-Savardin, lorsqu'il a été arrêté au Pont-Beauvoisin, tous les éclaircissements que vous avez obtenus depuis, confirment ces indications.
M. Bonne-Savardin a reconnu lui-même qu'il avait porté à M. d'Artois, dès le jour de son arrivée, un paquet contenu dans un autre, que M. Maillebois avait adressé à M. Séran, gouverneur de ses enfants. On voit dans son livre-journal (2) et dans plusieurs pièces saisies sur lui (3), qu'il a été présenté depuis, non seulement aux princes de la maison de France, qui y étaient réfugiés, mais encore au roi de Sardaigne et à toute sa famille, quoiqu'il ne soit resté à Turin qu'une quinzaine de jours. Les cartes de ceux qui sont venus pour le voir, sans le trouver, dans ce court intervalle, constatent qu'il a reçu des visites, et même des visites réitérées des personnes les plus considérables (4). Son livre-journal et d'autres pièces prouvent encore qu'il est parti de Paris aussi précipitamment qu'il y était arrivé; qu'après avoir porté à l'ambassadeur de Sardaigne un paquet, dont on l'avait chargé pour lui (5), il s'est hâté d'aller rejoindre en Hollande, M. Maillebois, qui s'y était réfugié; qu'il est revenu tout de suite à Paris, et qu'après le refus fait par M. l'ambassadeur de Sardaigne de le recevoir, à cause du bruit que faisait la découverte de son complot, il est reparti en poste pour la Savoie.
Il est remarquable que parmi ces pièces on trouvé une lettre de M. de la Ghastre (6) pour M. Mounier, que M. Bonne-Savardin devait remettre personnellement à ce dernier; M. de la Ghastre y annonçait une conversation très détaillée, qu'ils avaient eue ensemble. M. Bonne-Savardin, convient, dans son interrogatoire, qu'il avait vu précédemment M. Mounier, lors de son premier voyage à Turin. Or, suivant la dénonciation de M. Massot-Grand'Maison, et les lettres de Turin, c'était MM. Mounier et Lally-Tollendal qu'on de-vaitchargerde faire le manifeste des révoltés. On trouve enfin, parmi ces papiers, deux lettres écrites à M. Bonne-Savardin, l'une par M. l'ambassa-
deur de Sardaigne, l'autre par M. Maillebois. Toutes deux, comme on le verra bientôt, loin de démentir les indications précé lentes, qui avaient déterminé dès lors M. Maillebois à s'enfuir, et M. Bonne-Savardin à se cacher dans son premier voyage à Paris, rend nt un nouveau témoignage à la réalité de leur projet.
Les embarras perpétuels où M. Bonne-Savardin s'est trouvé, malgré toute sa présence d'esprit, lors des interrogatoires que le comité lui a faits, et les contradictions qui lui sont échappées, ajoutent une nouvelle force à toutes ces preuves. Il dénie les principaux faits relatifs au projet de conspiration rapportés dans la déclaration de M. Massot-Grand'Maison, et dans les avis de Turin; mais il se sert des expressions les plus vagues, parce qu'il craint, sans doute, qu'on ne lui oppose ou des pièces, ou d'autres témoignages qui démentent ses assertions à cet égard (1). Il ne nie pas la conversation importante qu'il a eue, le 5 décembre dernier, avant de venir au comité, parce que le récit en est écrit de sa main ; mais il ne peut pas se rappeler avec qui il l'a eue, parce que l'interlocuteur n'est désigné, dans son récit, que sous un nom convenu, et qu'il a, dit-il, perdu la clef que M. Maillebois lui avait donnée. Et quand on lui observe que cette conversation s'est tenue avec une personne qu'il a vue le 5 et le 6 décembre, de son propre aveu, pour l'instruire de sa visite au comité; quand ou lui montre que son livre-journal n'énonce qu'une seule personne qu'il ait vue le 5 décembre au matin, et chez laquelle il soit retourné le lende-njain; quand on rappelle enfin, que, dans son interrogatoire, il n'a lui-même nommé qu'une seule personne, chez laquelle il ait été ces deux jours-là, et à qui il ait rendu compte de sa visite au comité, il déclare « qu'il paraît bien que c'est « cette personne-là, mais qu'une affirmation se-« rait hasardée en pareil cas; que la lecture de « son livre-journal marque une conformité de « noms; qu'il y a des rapprochements, mais que « l'affirmation "est encore une chose impossible, « pour ne pas compromettre la vérité (2). »
M. Bonne-Savardin n'a pas mieux expliqué l'objet de cette conversation que le nom de la personne avec qui elle avait eu lieu. Il prétend qu'il n'a proposé M. Maillebois que pour être à la tête de l'une des trois divisions de l'armée française, projetées par M. de la Tour-du-Pin, dans son plan d'organisation militaire ; et l'on voit, dans cette conversation, qu'il s'agissait d'une armée qu'on ne savait pas où trouver ; on y voit que cette armée devait être opposée à la garde-nationale et que M. Bonne-Savardin demande comment on se débarrassera de M. le commandant général. Enfin, cette armée, suivant la conversation, devait conduire le roi dans les provinces; et l'interlocuteur de M. Bonne-Savardin ne veut pas donner le commandement à un général qui paraît être M. le maréchal de Broglie, parce que la dernière fois qu'on l'a employé, « il s'est conduit de mauière à ôter « l'envie aux plus entêtés, et qu'il ne fait rien « depuis cet instant (3). »
Si on demande à M. Bonne-Savardin pourquoi c'est M. Maillebois qui a fourni mille écus pour son voyage à Turin, il répond que M. Maillebois lui devait cette somme dès le temps où il serait sous ses ordres en Hollande ; et rien ne constate, dans son livre-journal, ce qu'il allègue à cet égard.
Si on lui demande pourquoi, lors de son dernier départ pour la Savoie, il a obtenu un passeport sous le nom de Saint-Marc, en annonçant qu'il allait à Auxerre, il répond que sa voiture étant chez M. Saint-Marc, son domestique a vraisemblablement trouvé plus commode pour le postillon qui devait amener les chevaux (mais qui ne devait pas être muni de passeport) de donner l'adresse précise du lieu où était sa voiture, et que, passant par Auxerre pour aller en Savoie, il n'avait pas cru déguiser ni sa marche ni la vérité, en faisant concevoir ainsi un passeport qui n'était utile que pour sortir de Paris. Il n'explique pas mieux pourquoi il s'est donné des titres qu'il n'avait pas, dans un passeport qui lui a été donné à Grenoble : pourquoi il voyageait sous le nom de Savardin, quand toutes les autres pièces qu'on a trouvées sur lui, annoncent qu'il ne s'était fait désigner jusqu'alors que sous le nom de Bonne. Enfin, quand on lui demande pourquoi il s'est caché en passant au Pont-Beauvoisin, et pourquoi il s'est annoncé comme aide-de-camp de M. de La Fayette, il nie ces deux faits, qui sont pourtant constatés par les informations sommaires faites par la municipalité du Pont-Beauvoisin.
M. Bonne-Savardin nous déclare encore qu'il comptait faire passer à M. Mounier, par une de ces occasions qui se présentent à tout moment, la lettre dont il était chargé pour lui, quoique cette lettre dise qu'il en serait personnellement porteur, qu'elle annonce uniquement à M. Mounier une conversation très détaillée, dont M. Bonne-Savardin pourrait seul rendre compte, puisqu'elle avait eu lieu entre lui seul et M. de la Ghastre (1).
Ajoutons que, dans un premier interrogatoire, M. Bonne-Savardin déclare qu'il ne se souvient pas de qui est cette lettre pour M. Mounier, ni qui la lui a remise (2), tandis que, dans un second il avoue nettement qu'elle est de M. de la Ghastre, député à l'Assemblée nationale (3).
Interrogé quel est l'objet de cette conversation détaillée que M. de la Ghastre annonce à M. Mounier, il répond qu'elle n'a eu pour objet que son avancement à la cour de Turin, tandis que la conversation n'a rien produit de relatif à cet avancement, du propre aveu de M. Bonne-Savardin, et quoiqu'il soit évident que des détails sur ce sujet ne pouvaient pas intéresser M. Mounier (4).
M. Bonne-Savardin prétend encore que sa correspondance avec M. Maillebois, durant son séjour à Turin, ou dans la Savoie, se bornait uniquement à lui donner des nouvelles de sa santé; M. Bonne-Savardin lui a néanmoins écrit trois ou quatre lettres, de son propre aveu (5), dans le court intervalle de dix-sept jours (depuis le 7 jusqu'au 23 mars). Ge n'est pas tout : il prend la précaution de lui adresser mystérieusement ces lettres sous un nom étranger, sous celui de M. (Massot) Grand1 Maison, alors secrétaire de M. Maillebois. Il les adresse au domicile de ce secrétaire, et non pas chez M. Maillebois. L'une de ces Jettres, écrite de la Novalèse, et arrivée après la fuite de M. Maillebois, a été remise au comité par M. Massot-Grand'Maison, et il n'y est pas question de la santé de M. Bonne-Savardin (6). Un a
trouvé la note d'une autre, dans les papiers saisis sur lui. Il n'y en est pas plus question (1).
Cette lettre, écrite de la Novalêse, annonce que M. Bonne-Savardin était chargé d'en remettre une à Kl.'Maillebois, et de parier un paquet à son ami de là rué du Cherche-Midi) c'est-à-dire, comme M. Bonne-SaVilrdin en convient dans son interrogatoire, à M. l'ambassadeur de Sarilaigne, qui demeure dans la fbedu Cherche-Midi» M. Bonne-Savardin ajoute, dans i-a lettre de la Novalèse» qu'il croit qu'il sera nécessaire que cet ami communiqué le paquet à M. Maillebois. Il résulte de là qtië M. Bonne-Savardin connaissait bien le contenu de ce paquet, et qu'il était réellement pour M. l'ambassadeur de Sardaigne ; Gependant M. Bortnë-Savârdin prétend, dans ses interrogatoires, qu'il ignorait le contenu du paquet, qu'il présumait, dit-il, renfermer les pièces relatives à son êiitrée au service de Sardaigne, mais que M. l'ambassadeur ayant ouVvrt en sa présence la première enveloppe, 11 h'y troUvà rien autre chose qu'un paquet pour M. dè'Séran (2).
Ge n ést pas tout encore ; les lettrés blêmes de M. Maillebois à M. Bonne-Savardin, sont des énigmes pour ce dernier. M. Maillebois lui a écrit de Hollande, le jeudi 15 (avril dernier) « que les s nouvelles de sa famille et de ses amis parais-« Sent croire à la chute prochaine du complot ; i qu'tm aiilre avis plus entortillé semble croire « qu'on attend des lettres de Turin;..su qu'ainsi « il volt que, sans cetie lettre très inutile de la « 3Hovàlèse,el là blêchériedu Cherche-Midi à qua-« lor%èheures\ cela serait bientôt fini (3) «.Quanti on demande â M. Bonne-Savardin ce que c'est que cet avis plus entortillé, et cette blêchérie du Cherché-Midi à quatorze heures-, il répond qu'il n'en sait rien (4), quoiqu'il ait précédemment déclaré iqu'il n'avait été Voir M. Maillebois que pour lui demander des éclaircissements sur la dénonciation faite au Comité par U-. Massot-Grand'Maison (5).
Un post-scriptum de cette même lettre remercie M. Bonne-Savardin des nouvelles qu'il a données à M. Maillebois, et que celui-ci dit être assez graves, chacune dans leur genre-, M. Maillebois y Ajoute qu'il espère que M. Bonne-Savardin aura mis toute la prudence possible dans son entrevue, si elle a lièu.
Suivant M. Bonne-Savardin^ ces nouvelles assei, graves sont relatives, en partie, aux troubles du Brabant, en partie, à d'autres affaires dont il ne se rappelle pas-. L'entrevue dont il s'agit devait aVoir lieu,, pour le même objet, avec M. le général de Klenbergs et il rapporte en preuve uô passeport de ce général.
Enfin, par rapport à ces mots : la chute prochaine du complot, qui prouvent que ce. n'était pas Une chimère dans l'opinion même de M. Maillebois, M. Bonne-Savardin dit que c'est une né* gligénce de Style.
C'est encore unè négligence de style, suivant lui, qué cette expression de la lettre qui lui a été écrite par M» l'ambassadeur de Sardaigne, le 25 avril dernier : « Je sais qu'on vous a fait cher-* cher, et que vous pouviez bien encore être « arrêté^ quoique des bruits de vos projets soient « ralentis depuis quelques jours. » Quant au post-scriptum de la même lettre, où
Mi l'ambassadeur lui marque : « les choses sont « d'ailleurs comme vous les avez laissées, et je « n'ai rien appris de nouveau depuis vous », M. Bonne-Savardin n'en peut pas rendre compte, parce qu'il n'a pas vu M. l'ambassadeur depuis qu'il lui avait porté le paquet pour M. de Séran, et il parait croire que tout cela ne se rapporte qu'aux promesses d'avancement de services qui lui avaient été faites à la cour de Turin.
Ainsi, les réponses de M» Bonne-Savardin ne font qu'aggraver de plus en plus les charges qui résultent contre lui de tant de pièces,
La plupart de ces pièces chargent également M. Maillebois; et si sa fuite n'a pas permis de l'interroger personnellement, on peut dire qu'elle forme Une nouvelle présomption contre lui» La déclaration faite au comité i»ar M. Lenoir-Duclos, qui a été son valet de chambre jusqu'au moment où il 8'est réfugié en Hollande, confit me celle de M. Massot-Grand-Maison. On y lit que ce dernier lui avait annoncé, dès le commencement de mars, qu'il paraissait que M. Maillebois tramait une contre-révolution, comme il l'avait appris par un écrit de ce dernier, qu'il avait copié sur la prière de M. Bonne-Savardin. On y lit encore qu'il a vu chez M; Maillebois une lettre à l'adresse de M. Mas-sot-Grand4Iai8on, qui voulut la lui porter; mais que M. Maillebois t'en empêcha, en disant que ces lettres étaient pour lui, et qué 4ela était de convention avec M Massot. M. Lenoir-Duclos ajoute qu'après le départ de M. Massot-Grand-Maison, M. Maillebois s'était emparé tie son portefeuille; que lui (Lenoir-Duclos) « l'avait trouvé « dans une situation qui ne lui était pas ordinaire, « et paraissant agité? qu'au moment où le décla-« rattt se disposait à le raser, il se leva précipitaai-« ment sans rien dire, fctsortitde son appartement-;
* que, revenu Un instant après, il parut au dé-« clarant beaucoup plus agité; que le rouge lui « montait au visage pendant qu'on le rasait ; et « que, la toilette faite, il dit, en s'appuyant sur la
* tablette de la cheminée, et en pariant au décla-« rant : Massot m'a fait Une atrocité »v
Enfin, M. Maillebois a fait insérer dans les papiers publics, de Hollande, une lettre écrite le 19 niai à la grande Société de Breda, où, en dénonçant un article du Courrier de Leyde, il affirme qiire M. Êonne-Savardin ayant iuïttè, dès 1788, lê Service des Etats généraux, ne peut y avoir aucun grade militaire; qu'il ne lui a jamais donné la moindre mission, ni écrit aucune lettre (1).
L'interrogatoire dé M. Bonne-Savardio prouve néanmoins qu'il a porté les lettres de M^ Maillebois à Turin > qu'il lui en a rapporté les réponses ; et vous avez de plus sous les yeux la lettre écrite d'Anvers, le 15 avril dernier, a M. Bonne-Savar-din par M. Maillebois, pour lui faire part de ce qu'il a appris sur la chute du complot, et pour d'autres objets. M. Maillebois a donc senti lui-même qu'il ne pouvait se défendre des imputations qui lui étaient faiies, qu'en cachant la vérité, comme M. Bonne-Savardin. Il doit donc être dénoncé comme lui.
SECONDE QUESTION-.
Y a-t-il lieu à dénoncer la persbnrte -Uviec lûquèU'è M. Bonne-Sà'variïin a eu Véhtrefàen du S décembre l'789 ? Et comment cette dénonciation doft-elle être faite?
Vous avez, Messieurs, sous les yeux le récit de
conversation, que M. Bonne-Savardin avait écrit pour M. Maillebois, en désignautceuxqui en étaient l'objet, et sou interlocuteur même, sous des noms convenus (1).
Il est nécessaire de vous en rappeler les prin^-cipaux traits, pour vous mettre à portée de vous décider. M. Bonne-Savardin commence cet entretien en demandant à son interlocuteur, qu'il désigne SoUs le nom de Farcy : Quand cela finir a-t-il? Question qui se rapporte évidemment à l'état où les choses se trouvaient depuis la Révolution. Farcy répond : « il faudra bien qu'il y ait un « terme ; et si cette espérance ne nous soutenait, « il faudrait mettre la clef sous la porte, et y at-« tendre l'instant d'être égorgés ».
Ainsi, l'interlocuteur de M. Bonne-Savardin désirait une contre-révolution; cette espérance le soutenait : il aurait quitté sa place sans cela;et ce n'est que de cette manière qu'il prétend pouvoir éviter d'être égorgé.
L'interlocuteur ajoute : « que ce terme sera le « printemps, puisque c'est l'époque que le roi a « choisie pouraller visiter les provinces». M.Bofine-Savardin lui dit alors : « Ne craignez-vous pas « que toute cette milice n'y mette des entraves? « qu'elle ne veuille nous suivre et rendre vos pro-« jets sans effet? » L'interlocuteur avait donc des projets que la garde nationale aurait rendus sans effet, en sui vaut le roi. Il est clair que de tels projets ne pouvaient être que ceux d'une contre-révolution.
La réponse de l'interlocuteur confirme cette idée. « fié bien, dit-ii,si elle est tentée de suivre, « nous la laisserons faire; quand une fois nous « aurons le cul sur la selle, nous verrons. »
M. Bonne-Savardin sent à merveille qu'on entend par-là des mesures hostiles contre la garde nationale, et il lui dit : « Je conçois qu'alors il y « aurait desmoyens, si vous aviez des troupes, mais « où en trouverez-vous? »
On redoutait trop le patriotisme des soldats français pour compter sur eux, et l'on n'avait pas apparemment encore de promesses des puissances étrangères. L'interlocuteur garde le silence.
M. Bonne-Savardin continue *. « Comment vous « débarrasserez-vous de Betvillei Son ambition est « vaste, et il est en mesure *>. Il paraît, d'après les détails qui suivent, qu'il s'agit ici de M. le commandant général de la garde nationale. L'interlocuteur prétend que ce commandant est plus embarrassé qu'eux; que les moyens ne leur manqueront pas, quand ils n'auront que lui à craindre.
M. Bonne-Savardin propose alors pour général M. Maillebois, sous le nom A'Adrien (2), dont il vante les talents et l'esprit fécond en ressources. Mais l'interlocuteur craint qu'il ne puisse pas le faire agréer, quoiqu'il en ait la même opinion.
En tin, M. Bonne-Savardin demande si l'on prendrait M, de Cul an, nom par lequel il paraît avoir voulu désigner M. le maréchal de Sroglie.L'inter-locuteur répond que ceseraitune folie; qu'il s est conduit d'une manière à en ôter l'envie au plus entêté, qu'avec de l'énergie, une tête, il serait allé habiter les mêmes lieux qu'Ermand (3) puisqu'il y a une possession; mais que sa tête n'y
est plus. Farcy finit par prier M. de Bonne-Savardin de lui rendre compte de ce qui se passera au comité.
On ne peut pas douter, d'après le début même de cette conversation, qu'il n'y en eût eu déjà d'autres sur le même sujet entre les mêmes personnes; et il en résulte du moins de c lle-ci, que l'in terlocu teur, q u el q u'il soit, avait dès lors des pro-j^sd^contre-révolution, pour l'exécution desquels il lui fallaitune armée, qu'il opposerait aux gardes nationales; qu'il avait examiné, avec M. Bonne-Savardin, quel en serait le chef, et s'il serait nécessaire de se débarrasser du commandant général de la garde nationale.
D'après cela, il est bien constant que cet interlocuteur, quel qu'il soit, doit être dénoncé, pour avoir trempé dans le projet d'une conspiration avec M. Maillebois et M. Bonne-Savardin nominativement, si nous avons des moyens suffisants pour le connaître, et, dans le cas contraire, sous les désignations que donne le récit de la conversation.
Ces dénonciations de personnes inconnues ne sont ni contraires à la raison, ni contraires à nos formes judiciaires. Le but des dénonciations est évidemment de mettre la justice à portée d'acquérir, par les informations, de nouvelles indications du délit et des personnes qui peuvent en être coupables. Lors donc qu'on n'a que des indications incomplètes sur la personne de ceux qui paraissent y avoir participé, rien n'est plus juste que de les dénoncer dans cet état d'incertitude, afin que les magistrats puissent compléter ce qui manque aux preuves, soit du côté du délit dont elles sont prévenues, et pour les avertir elles-mêmes de venir offrir leur justification, si c'est mal à propos qu'on leur attribue cette participation au délit. Les tribunaux vont bien plus loin : lors même que les informations laissent encore de l'incertitude 6Ur la personne, ils décrètent des quidams, en les désignant par les caractères que donnent ces informations, -et l'on ne peut pas se dispenser de considérer ces sortes de décrets comme abusifs, parce qu'il ne faut pas laisser aux officiers ministériels, chargés de lesmettre à exécution, le soin de juger leur application. Ces inconvénients ne peuvent pas s'étendre aux dénonciations faites dans la même forme; car c'est évidemment aux tribunaux à juger si les dépositions des témoins ou les autres preuves qui existent au procès, désignent quelqu'un individuellement, et quel est ce quelqu'un.
Mais nous devons-nous borner à une dénonciation aussi vague? N'avons-nous pas desindications de la personne que M. Bonne-Savardin a désignée sous le nom de Farcy ? et ces indications ne suffisent-elles pas pour en autoriser la dénonciation individuelle? Vous vous rappelez, Messieurs, que l'écrit de M. Bonne-Savardin annonce qu'il a rendu visite, le cinq décembre dernier, avant de venir au comité, à ce prétendu Farcy, et qu'il y est retourné le lendemain matin. Vous vous rappelez encore, qu'en consultant le livre-journal de M. Bonne-Savardin, où il a mis soigneusement toutes les personnes chez qui il est allé chaque jour, vous y avez trouvé qu'il avait été, le cinq décembre dernier,chez M. Guignard de Saint Priest, avant d'aller au comité, et qu'il y avait retourné le lendemain matin. Ce journal n'énonce que M.Guignard de Saiul-Priest seul,chez qui M.Bonne-Savardin soit al lé consécutivement ces deux jours-là, quoiqu'il nomme plusieurs personnes chez qui il avait au ssi été l'un ou l'autre de ces deux jours seulement.
Il est impossible, d'après cela, que M. Guignard de Saint-Priest ne s'offrit pas à vous, comme l'interlocuteur avec lequel cette conversation avait eu lieu; et ses fonctions de ministre ne cadraient que trop avec la manière dont l'interlocuteur de M. Bonne-Savardin s'est exprimé dans cette conversation. Vous avez donc demandé à M. Bonne-Savardin, qui ignorait alors que vous eussiez entre les mains le récit de son entretien, « si le jour où il s'est rendu au comité de re-« cherches, sur notre invitation, il n'a pas été, « dans la matinée, voir une personne, à qui il a « fait part de cette invitation, et si le lendemain « il n'y est pas retourné, pour lui rendre compte « de ce qui s'était passé au comité. On lui demande « quelle est cette personne. »
M. Bonne-Savardin a répondu « que oui, et que cette personne est M. le comte de Saint-Priest. » Il est vrai que quand on a montré à M. Bonne-Savardin le récit, écrit de sa main, de la conversation du 5 décembre, il n'a pas voulu formellement avouer que M. Guignard de Saint-Priest en fût l'interlocuteur; mais il s'est bien gardé de dire qu'elle eût été tenue avec une autre personne ; il a seulement prétendu que, n'ayant pas la clef que lui avait donnée M. Maillebois, il ne pouvait plus reconnaître celui qu'il avait désigné sous le nom de Farcy; comme s'il pouvait être besoin de cette clef pour se rappeler l'unique interlocuteur d'une conversation si intéressante, dont M. Bonne-Savardin avait annoncé le récit à M. Maillebois, par une première lettre, et qu'il avait détaillée dans un second écrit. Aussi quand nous lui avons rappelé combien tout concourait à établir que cet interlocuteur était M. de Saint-Priest, il a été réduit à dire, comme vous l'avez déjà vu, « qu'il paraissait que c'était lui (M. Gui-« gnard de Saint-Priest) qu'il avait voulu dési-« gner; mais qu'une affirmation serait hasardée « en pareil cas; que la lecture qu'on lui a faite « de son livre de raison, aux dates annoncées, « marque une conformité des noms de M. le « comte de Saint-Priest et de Farcy; mais qu'en-« core une lois, il ne peut affirmer que ce soit la « même personne : qu'il répète qu'il y a des rap-« prociiements entre ces deux noms; mais que « l'affirmation est encore une chose impossible, « pour ne pas compromettre la vérité. »
Il n'est pas un de vous, Messieurs, qui ait pu ajouter foi à ces restes d'incertitude affectée par M. Bonne-Savardin. Il ne vous a plus été permis de douter, après cet interrogatoire, que M. Guignard de Saint-Priest ne fût l'interlocuteur de cette conversation criminelle; et les tergiversations de M. Bonne-Savardin, pour éviter de le nommer, sont, pour qui jugera bien le cœur humain, une désignation beaucoup plus irréprochable de ce ministre, que ne le serait l'aveu le plus formel. Nous avons donc le témoignage écrit deiVl. Bonne-Savardin, dans un temps non suspect pour la réalité de ia conversation et le concours de toutes les circonstances, pour l'attribuer à M. Guignard de Saint-Priest.
Gela suffit, sans doute, pour nous autoriser à la dénoncer et pour nous en faire un devoir. Mais ne doit-il pas nous être permis d'ajouter que cette dénonciation spéciale présente l'avantage précieux de mettre la justice plus à portée d'acquérir les informations nécessaires pour déterminer son jugement? C'est moins la conversation en elle-même qu'il s'agit de déférer au tribunal national, que le projet de contre-révolution qui en était le sujet. Si l'on se contente de dénoncer un quidam désigné sous le nom de Farcy, n'a-t-on pas à crain-
dre que le ministère public ne puisse appeler, et que les juges eux-mêmes ne puissent entendre, à cet égard, que les témoins qui pourraient déposer de cette conversation, ou prouver l'identité de M. Guignard de Saint-Priest avec le prétendu Farcy? Les autres témoins qui pourraient se présenter pour déposer contre ce ministre, des faits relatifs à un projet de contrer-évolution, courraient le risque d'être rejetés, parce qu'il ne serait point dénoncé au procès, mais son ombre seule, et son ombre encore inconnue aux yeux de la loi; ou plutôt ces témoins ne se présenteraient pas. D'après les préjugés que la barbarie de notre ancienne instruction criminelle a laissés dans tant d'esprits, combien la crainte de passer pour dénonciateur, en allant offrir son témoignage à la justice, ne retient-elle pas de citoyens dévoués d'ailleurs au bien public? Or, il est à peu près impossible d'acquérir de nouvelles preuves de la conversation tenue entre M. Bonne-Savardin et son interlocuteur. Ils étaient probablement seuls lorsqu'elle a eu lieu, comme l'annonce M. Bonne-Savardin dans son interrogatoire (l).
Vous avez néanmoins, contre M. Guignard de Saint-Priest, d'autres indications qui ne se rapportent que trop au projet de contre-révolution sur lequel a roulé la conversation du 6 décembre 1789. Sans parler ici des troubles de Marseille, qui ont engagé cette grande ville à dénoncer ce ministre à l'Assemblée nationale, et sur lesquels vous n'avez point encore acquis de preuves suffisantes, pour en induire la liaison avec le projet coupable d'une contre-révolution, on vous annonce plusieurs autres faits à la charge de M. Guignard de Saint-Priest. On vous assure qu'il a témoigné hautement son aversion et son mépris contre l'Assemblée nationale ; qu'il a tenu des propos scandaleux sur ses travaux et sur la beile Constitution qu'elle établissait; qu'il n'y avait pas de sarcasmes qu'il ne lâchât contre les plus estimables défenseurs de notre liberté, et contre l'Assemblée nationale elle-même et la Constitution, en annonçant qu'elle ne subsisterait pas longtemps, et que les choses retourneraient bientôt sur l'ancien pied.
Vainement prétendrait-on que la place émi-nente de M. Guignard de Saint-Priest mérite des égards particuliers; que nos lois mêmes paraissent l'exiger, puisque l'ordonnance criminelle veut, dans l'article 2 du titre 10, que « selon la « qualité des crimes, des preuves et des per-« sonnes, il soit ordonné que la partie sera « assignée pour être ouïe, ajournée à comparoir « en personne, ou prise au corps. >
Il n'est pas besoin, Messieurs, de vous rappeler que cette distinction, dans la qualité des personnes, est pour jamais abolie par les décrets de l'Assemblée nationale, et qu'au surplus, la faveur due à la qualité de la personne serait abondamment compensée par tout ce que la qualité du crime a d'odieux, si nous nous croyons permis d'invoquer ici les principes effrayants de notre jurisprudence criminelle sur les crimes de lèse-majesté royale ou nationale. Il est du moins incontestable que cet article de l'ordonnance criminelle doit être resserré dans les bornes les plus étroites, et son texte ne parle que des diverses espèces de décrets ; il ne dit rien des dénonciations ou des accusations. La loi ne fait aucune distinction à cet égard : tous ceux qui paraissent prévenus de tel ou tel crime doivent
donc, d'après cette loi même, être dénoncés, sauf à prononcer à leur égard un décret plus ou moins rigoureux, suivant les circonstances.
Si les fonctions importantes dont M. Guignard de Saint-Priest est chargé, pouvaient être ici de quelque considération, elles offriraient un motif de plus pour le dénoncer, soit qu'on examine les devoirs que sa place lui imposait, soit qu'on porte ses regards sur les grands motifs qui devaient l'engager à bien servir son pays, ou sur les circonstances honorables dans lesquelles il a été rappelé au ministère.
Les obligations qui unissent tous les hommes entre eux, qui leur inspirent la loi de se protéger mutuellement, et surtout de ne point se nuire, reçoivent une nouvelle force de l'union sociale, et l'infraction de ces devoirs est bien plus coupable encore de la part de tous ceux qui sont chargés de veiller à leur observation. Mais est-il un degré de crime au delà de celui d'un ministre qui trahit la confiance de tout un peuple, dont il a l'autorité en dépôt? Quelque parfaite, quelque prévoyante que soit une législation, quelque règle qu'on y puisse mettre, il y a toujours, beaucoup d'arbitraire dans l'exécution; et un ministre peut faire beaucoup de mal sans être à la portée du glaive de la loi. Le sort de plusieurs milliers d'hommes est à sa disposition.il estledispen-sateur des grâces; sa bienveillance seule est une faveur, que peu de personnes ont la sagesse de négliger. Armé de tant de moyens, combien nest-il pas dangereux, s'il veut faire le mal? combien n'est-il pas coupable, surtout si, à tant de moyens pour nuire, se joint, encore, la facilité que donne l'arnachie pour exciter des troubles ? Son crime ne s'aggrave-t-il pas de toutes ces circonstances combinées ?
L'administration précédente avait emporté avec soi l'exécration publique ; et c'est dans ce moment que M. Guignard de Saint-Priest fut rappelé.
L'empire des lois venait d'être solennellement proclamé sur les ruines de la tyrannie; le peuple et le roi s'étaient unis pour marcher de concert dans la voie du bien public et de la liberté. Sans doute, on doit s'attendre qu'une administration créée par le despotisme en défende la cause : alors en abhorrant les agents du pouvoir arbitraire, on peut encore, s'ils vont ouvertement à leur but, conserver quelque estime pour l'audace avec laquelle ils s'exposent aux suites dangereuses de leurs desseins pervers. Mais le patriotisme doit toute sa haine, et la justice toutes ses rigueurs, au ministre perfide qui, portant les drapeaux de la liberté, veut la livrer à ses ennemis, et qui tourne contre le peuple même le pouvoir qu'il tient de lui.
Un prince, qui savait mieux écrire sur ses devoirs que les remplir, le successeur de la reine Elisabeth, a dit, dans son premier discours au parlement d'Angleterre, que les rois étaient les premiers serviteurs de la République (1); mais, dans un pays où le chef n'est pas responsable, cette qualification convient encore mieux aux agents immédiats du pouvoir exécutif, lis sont bien plus les ministres du peuple que ceux du prince; et c'est contre eux surtout qu'on doit admettre, dans toute son emphrase, la dénonciation de haute trahison, qu'a donnée aux crimes de lèse-nation le peuple qui nous a précédés dans la carrière de la liberté. Il n'est assurément pas injuste d'exiger plus de celui à qui l'on a plus confié.
On pourrait donc dire qu'on a droit de traduire plus facilement un ministre en justice, non pour le juger sur des preuves plus légères, mais pour appeler sur lui toutes les lumières, pour dissiper tous les nuages qui peuvent obscurcir sa réputation, et pour que la nation soit sûre de le connaître.
Enfin, Messieurs, la publicité de l'instruction indiquera, comme complice, M. Guignard de Saint-Priest, soit que vous le dénonciez nominativement ou non. Mais si vous ne le dénoncez pas, vous l'inculpez, indirectement à la vérité, mais d'une manière tout aussi sûre, sans lui donner les moyens de se justifier légalement. Cette méthode d'attaquer un ministre suspect peut être la meilleure, politiquement parlant, lorsqu'on veut lui nuire ou le perdre, sans se compromettre; elle peut être la plus sûre pour ceux qui consultent plus leur tranquillité que les devoirs dont ils sont chargés; mais, par cela même, elle ne convient pas aux délégués d'un peuple libre. Ils doivent attaquer franchement, courageusement, et, si je puis le dire, dans tout l'éclat de la lumière, ceux qui leur paraissent les ennemis du bien public. Il n'est pas un de vous qui n'aimât mieux, si l'on avait des soupçons sur lui, se voir accuser hautement afin d'être à portée de les détruire, que d'être forcé de les laisser se perpétuer dans les ténèbres. Tel sera toujours le vœu des gens de bien ; tel doit être celui de M. Guignard de Saint-Priest, si nous avons le bonheur de nous tromper, en croyant voir en lui un ennemi du bien public.
Il est trop vrai, Messieurs, que les pièces dont vous venez de voir les principaux résultats, font naître nécessairement des soupçons sur quelques autres personnes, contre lesquelles nous n'avons pas des indices suffisants, pour les comprendre dans la dénonciation. Notre devoir est de les surveiller sans interruption, et nous continuerons à le remplir dans toute son exactitude. Mais vous penserez, sans doute aussi, que vous devez, dès à présent, publier les principales pièces de cette grande affaire. Cette publicité appellera, sans doute, les dépositions des bons citoyens, qui sentiront enfin qu'on se rend complice des traîtres, en cachant leur trahison; elle mettra tous les dépositaires du pouvoir exécutif à portée de prendre les mesures, que ces indications leur suggéreront.
Aucun de ceux que ces pièces peuvent compromettre n'aura droit de s'en plaindre, parce qu'elles font partie d'une instruction qui doit devenir publique; parce que la publicité de tout ce qui intéresse une nation est plus particulièrement nécessaire, quand c'est le seul moyen qu'on ait de la garantir d'un danger apparent; parce qu'enfin la même voie est ouverte, pour détruire les soupçons que des circonstances extraordinaires font naître nécessairement contre eux.
Si, comme l'espérait M. Maillebois, quelques princes de l'Europe étaient disposés à se liguer avec les mécontents, qui voudraient river les fers de tous les peuples, en asservissant de nouveau leur patrie, ils apprendront, sans doute, à connaître l'impuissance de leurs efforts contre la liberté française; ils se hâteront peut-être de prévenir les commotions qui ne tarderont pas à se propager, dans ce qu'ils appellent leurs états. L'amour inné de cette liberté, dont le germe n'attend qu'un moment favorable, pour la développer dans tout ce qui respire, donne à notre cause des surveillants chez tous les peuples. Cette
affaire vous en fournit un exemple, et ce n'est pas le seul que yous puissiez produire de l'intérêt que les étrangers p-ennent à notre Révolution. Bientôt les princes de l'Europe, qui n'auront pas la sagesse de suivre l'exemple du roi des Français, s'apercevront que les nations se liguent aussi contre eux: et les despotes, accoutumés de longue main a se méfier de tout ce qui les entoure, craindront toujours qu'il ne se trouve, autour d'etix, quelque ami de la liberté, pour détruire l'effet de leurs complots perfides, par une trahison magnanime.
Arrêté du comité des recherches.
Vu les déclarations faites au comité les 24, 27, 31 mars et 18 juin 1790; les avis reçus de Turin et de Nice, eu dates des 12,23,27 du même mois de mars et 19 avril communiqués au comité de recherches de l'Assemblée nationale ; le procès-verbal d'arrestation de M. Bonne-Savardin, fait le 31 avril par la municipalité du Pont-Beauvoisin, contenant visite et examen de ses papiers et effets; l'information sommaire faite le lendemain par la même municipalité; ia lettre par elle adressée, tant au comité des recherches de l'Assemblée nationale, qu'au présent comité et à M. le commandant général de la garde nationale parisienne, pour leur faire part de ces diverses opérations; les interrogatoires subis devant le comité, par M. Bonne-Savardin, les 21, 22, 23, 24 mai et 4 juin; la lettre par lui écrite de la Novalèse le 24 mars, son livre de raison; une lettre à lui écrite d'Anvers par M. Maillebois, le jeudi 15 (avril); plusieurs autres lettres à lui adressées par différentes personnes, ou dont il s'est trouvé porteur; et généralement toutes les pièces trouvées sur lui, ou déposées au comité; vu enfin le récit d'une conversation de M. Bonne-Savardin, écrit par lui-même, et envoyé à M. Maillebois, eu décembre dernier.
Le comité, instruit par ces pièces et déclarations, qu'un projet qui tendait à attirer sur la France des armées étrangères pour renverser l'ordre ptiblic que la Constitution établit, avait éMconçu par des personnes d'autant plus Coupables, qu'elles ont obtenu des grades et des honneurs au nom de l'Etat, pobr le mieux servir, par M. Desmarets-Maillebois, lieutenant-général des armées françaises et chevalier de l'ordre du Saint-Esprit, et *M. Bonne-Savardin, officier de cavalerie, chevalier de Saint-Loute ;
Que l'un et l'autre ont offert leur projet et leurs services à M. d'Artois et à la cou? de Turin; qu'à cet effet, M. Bonne-Savardin a été envoyé et s'est rendu à cette Cour, aux frais de M. Desmarets-Maillebois, pour y négocier l'exécution de ce projet; ce qu'il a tait autant qu'il lui a été possible ;
Que M. Bonne-Savafdin a également offert les services de M. Desmarets - Maillebois contre la patrie, à une personne désignée entre eux par le nom de Farcy, et que les pièces annoncent être M. Guignard de SainUPriest, ministre et secrétaire d'Etat; que celui-ci, loin de repousser ou même de dénoncer aux tribunaux des offres aussi criminelles, a favorablement accueilli M. Bonne-Savardin par des témoignages de bienveillance et par la communication d'autres projets nott moins contraires à la Constitution ;
Que M. Guignard de Saint-Priest n'a cessé de témoigner sa naine et son mépris pour l'Assemblée nationale et les lois décrétées par elle et acceptées par le roi, tandis que le premier devoir
d'un ministre est de les faire exécuter et res -pecter.
Le comité, après en avoir plusieurs fois conféré avec les membres du comité des recherches de l'Assemblée nationale, eBtime que M. le procureur syndic de la municipalité de Paris doit, en vertu des pouvoirs qui lui ont été donné*, dénoncer les crimes ci-dessus mentionnés, circonstances et dépendances; dénoncer aussi comme prévenus desdits crimes, M. Ives-Marie Desmarets-Maille-bois, lieutenant-général des armées françaises et chevalier de l'ordre du Saint-Esprit; M. Bertrand Bonne-Savardin, officier de cavalerie et chevalier de Saint-Louis, et M. François-Emmanuel Guignard de Saint-Priest, ministre et secrétaire d'Etat, leurs fauteurs, complices et adhérents.
Fait au comité, le 9 juillet 1790.
Signés i Agier, PërrON, oudart, J.-Ph. Garran, J.-P. Brissoî.
PIÈGES JUSTIFICATIVES
N° 1.
Déclarations faites au comité des recherches et pièces y annexées.
Note préliminaire.
Certaines personnes ne nianqueront pas de se récrier contre ces déclarations que, suivant leur usage, elles qualifieront de délations infâmes. Notre réponse est dans une autorité qu'ils ne contesteront pas. « Une délation qui tend à sau-« ver l'Etat est une action honorable, qu'on ne « saurait trop récompenser; il n'y a de délations « criminelles que Celles qui sont faites aux tyrans « contre les défenseurs de la liberté et de la vé-« rité. » (Exposé de la conduite de M. Mounier, page 40.)
Au reste ce serait bien à tort que la déclaration du sieur Massot-Grand'Maison serait mise dans la classe des délations.
En premier lieu, comme on l'observe dans le rapport, ce n'est point lui qui a donné au comité les premières indications du complot tramé par MM. de Maillebois et Bonne-Savardin; c'est un homme respectable qui, ayant appris de M. Massot-Grand'Maison le secret affreux dont il était dépositaire, est venu sur-le-champ ert faire part au comité pour s'acquitter de son devoir de citoyen.
En second lieu , M. Massot-Grand'Maison n'a quitté M. de Maillebois que malgré lui et pour sa propre conservation, lorsqu'il a vu que, par l'effet d'une complaisance déplacée, il allait nécessairement se trouver compromis dans une affaire aUssi grave, surtout depuis qu'il eut dêcodvert que son nom ne servait pas seulement de passeport aux lettres que M. Bonne-Savardin écrivait a M. de Maillebois, mais que, dans le contexte même, elles paraissaient lui être adressées, à lui Grand Maison.
Enfin, M. Massot a positivement déclaré que le patriotisme seul Vavait engagé à faire sa déclara4 lion, et qu'il n'entendait en recevoir aucune récompense, quelle qu'en pût être l'issue.
Ces circonstances paraissent suffire pour rassurer les personnes les plus difficiles.
La déclaration du siéur Lénoir-DuclOs ëst encore moins suspecte ; il n'a paru au çomité qu'^
près y avoir été mandé par nous, «t sur l'indication qu'en avait donné le sieur Massot-Grand'Maison.
Déclarations de M. Massot-Grand1 Maison'
Gejourd'hui vingt-quatre mars mil sept cent quatre-vingt-dix, est comparu par devant nous, Thomas-Jean Massot-Grand'iVlaison, ci-devant attaché à M. le comte de Maillebois, de présenta Paris, n° 3, rue du Théâtre-Français, lequel nous a déclaré que, dans le mois de février dernier, M. le chevalier de Bonne, ancien capitai +e au service de Hollande dans la lésion d-e Mail lebois, lui a remis un mémoire écrit de la main de M. le comte de Maillebois, avec prière de le copier pour lui, parce que l'écriture était difficile à lire ; qu'il consentit à le copier; qu'après l'avoir lu, il fût véritablement effrayé des idées que contenait ce mémoire ; que cependant il en fit une copie qu'il remit âM. de Bonne, sous la condition que ce dernier la copierait lui-même devant lui déclarant,et lui rendrait ensuite sa copie, ce qui fut fait; que celte copie fut ensuite jetée au l'eu ; qu-e lui déclarant remit à M. de Bonne l'original ; que M. de Bonne partit le vingt-deux février pour Turin; que, dès le soir même de son départ, le déclarant, toujours frappe de l'énormité du projet que contenait le mémoire, crut devoir mettre par écrit les principales idées que sa mémoire lui fournit ; que, dès ce moment, il forma le projet de quitter M, de Maillebois, afin de ne point être compromis dans une affaire aussi grave ; qu'en conséquence il écrivit à sa mère afin qu'elle le rappelât sous un prétexte qui ne pût donner aucun ombrage à M, de Maillebois, ou lui laisser entrevoir que le déclarant était instruit de son projet ; que M. de Maillebois prévint le déclarant qu'il arriverait des lettres du chevalier de Bonne à l'adresse suivante : A monsieur de Grand1 Maison n° 91, rue Grenelle-Saint-Germain. Et comme le déclarant connaissait l'écriture du chevalier, M. de Maillebois lui recommanda de lui remettre ces lettres sans les lire ni les ouvrir. Que M. de Maillebois le prévint, en outre, que ces letlres porteraient une indication particulière de deux étoiles; que depuis il a vu arriver deux lettres sous cette couverture, qu'il a remises à M. de Maillebois ; que ses craintes sur les suites de cette correspondance ont redoublé, lorsqu'un coup du hasard lui a fait découvrir que, dans le cours de ces lettres, M. le chevalier de Bonne avait l'air de les adresser à lui-même déclarant, en l'appelant par ces mots: mon cher Grand'Maison ; que depuis cette découverte, le déclarant chercha tous les moyens de quitter M. de Maillebois: qu'il attendri*, pour cet effet,un voyage que ce dernier devait faire à Paris, voyage qui fut retardé par une attaque de goutte qu'il essuya ; que ne prévoyant pas le terme on cette goutte finirait, le déclarant prit le parti de quitter, le samedi vingt du courant, le château de Thuri, où demeurait à cette époque M. de Maillebois; qu'arrivé à Cler-rnont, il pria les tilles de PierreBance, journalier y demeurant, de se charger des clefs de la chambre qu'il occupait au château de Thuri, et d'une armoire dans laquelle était son portefeuille, de les faire remettre secrètement au nommé Lenoir-Duclos, valet de chambre de M. de Maillebois, en lui recommandant d'avoir soin du portefeuille; dont la clef était restée au déclarant; qu'il a pris ensuite la route de Paris, où il est arrivé dimanche dernier; qu'il se proposait d'y attendre
M. de Maillebois, de lui déclarer qu'il le quittait, et ensuite de le prévenir qu'il était instruit de son projet, de l'engager à y renoncer en le menaçant detedénoneer, s'il n'y renonçait pas; qu'hier, en allant chezlma de Maillebois, il apprit de cette dame que, dimanche dernier, M. de Maillebois ne voyant pas reparaître le déclarant, et ayant su la recommandation faite pour le portefeuille, avait eu des soupçons, et en conséquence s'était fait remettre le portefeuille de lui déclarant, et en avait brisé !la serrure; que M. de Maillebois était ensuite parti le jeudi de grand matin, sans avoir indiqué l'endroit où il allait, et avait écrit à Mme de Maillebois de ne point remettre à lui déclarant, les lettres qui viendraient sous son nom; qu'il en avait vu arriver une qui était entre les mains de Mme de Maillebois. Ajoute le déclarant, que M. de Saint-Mauris, conseiller au parlement, rue Vivienne, lui avait remis l'argent nécessaire pour ce voyage; qu'il était dans le secret de cette affaire, ainsi que M. l'ambassadeur deSardaigne; que le mémoire d'instruction contenait, entre autres choses, ce que lui déclarant a consigné, d'après sa mémoire, dans la note annexée aux présentes, et qu'il a paraphée; note dans laquelle M. de Maillebois est désigné sous le nom d'un militaire, et M. le chevalier de Banne sous celui d'un courrier. Et ledit sieur Ma^sot no «e a positivement déclaré qne le p itriotisme seull'a engagé à faire la présente déclaration, et qu'il n'entend en recevoir aucane récompense, quelle qu'en puisse être l'issue, et le déclarant a signé avec nous. Ainsi signé c
Massot-Grand'Maison, Brissot de Warville, Gar-ran de Toulon et Perron.
Suit la teneur du précis annexé à la déclaration précédente,
Précis du mémoire copié par le sieur Massot-Grand'-Maison, d'après l'orignal de M. de Maillebois, qui a été remis sur-le-champ à M. le chevalier de Bonne.
Le 22 février dernier, il est parti pour Turin un courrier chargé de différentes dépêches, entre autres, d'une lettre adressée à M. le comte d'Artois, dans laquelle il est prié de donner croyance et confiance au courrier sur les objets dont il lui fera les propositions.
Voici un résumé très succinct des principaux articles contenus dans l'instruction du courrier : Un militaire éclairé offre à M. le comte d'Artois ses services pour le faire rentrer en France d'une manière convenable à sa dignité (au cas que le prince n'eût pas d'autres vues). Ge militaire, qui croit la chose possible, propose d'engager le roi de Sardaigue à prêter vingt-cinq mille hommes de troupes, et à ïaire une avance de 6 millions;
D'engager l'Espagne à entrer dans ce projet, soit en fournissant des troupes ou ep faisant une avanee de 8 millions ;
Detâter l'Empereur, pour savoir s'il serait aussi dans l'intention de fournir des secours de l'une ou de l'autre espèce.
On paraît sûr que le duc des Deux-Ponts, margrave de Baden, landgrave de Hessen, etc.f appuieront de toutes leurs forces le plan, puis-» qu'ils sont décidés à soutenir leurs droits en Alsace.
Cette confédération formée, il est question de fabriquer un manifeste dans le cabinet du prince,
rédigé par MM. Mounier et Lally-Tollendal, et fondé sur la déclaration du mois de juin (1).
Ce manifeste, après avoir été revu par le militaire, serait publié avant d'entrer en campagne.
On commencerait par marcher vers Lyon, où l'on espère n'éprouver que peu de difficultés, par les privilèges qu'on accorderait d'abord à cette ville pour son commerce.
Un autre corps d'armée serait dirigé par le Brabant.
Et le troisième marcherait par la Lorraine. On compte que ces trois corps d'armée se grossiraient inliniment par tous les gens du parti antipatriotique.
On gagnerait, par les menées d'agents adroits et à force d'argent, les troupes qui sont sur les frontières.
Les trois corps d'armée s'avanceraient jusqu'à Corbeil, Senlis et Meaux, désarmeraient sur leur passage et aux environs, toutes les municipalités, leur feraient prêter serment au roi, et les forceraient à rappeler leurs députés, au cas que les Etats généraux tinssent encore leurs séances.
Paris serait bloqué, et on espère, par ce moyen, faire venir la nation à récipiscence.
Et le 31 desdits mois et an, est comparu au comité ledit sieur Massot-Grand'Maison, lequel nous a présenté une lettre daiée de la Novalêse le 24 mars, et adressée à lui Grand'Maison, rue de Grenelle-Saint-Germain, n° 91, qu'il nous a déclaré être de la main du chevalier de Bonne, mentionné en la déclaration ci-jointe, et qu'il nous a déposée après l'avoir paragraphée avec nous.
Et a signé : Massot-Grand'-Maison, Agier.
A la Novalêse, le 24 mars.
J'ai enfin quitté Turin, mon cher Grand'Maison ; mais je suis retenu ici peut être pour plusieurs jours (2). Il est tombé une si grande quantité de neige sur le mont Cénis qu'il est impénétrable; les voyageurs s'accumulent ici ; il y en a déjà depuis deux jours. Je voudrais bien vous rencontrer à Paris, à mon retour, j'ai une lettre à vous remettre, et un paquet pour votre ami de la rue du Cherche-Midi (3); je crois qu'il sera nécessaire qu'il vous le communique (4). . Je me fais un grand plaisir de vous voir ; je serai certainement à Paris vendredi ou samedi saint; je voudrais vous y voir, et vous y trouver ' chez vous (5). De vos nouvelles, sinon je m'empresserai d'aller vous chercher, et de vous renouveler le sincère attacbement que je vous ai voué.
Au clos est écrit : À monsieur, monsieur de Grand'Maison, rue de Grenelle-Saint-Germain, N° 91, à Paris.
Ajoute le déclarant à sa précédente déclaration les faits qui suivent :
1° Que M. de Bonne lui a dit, au mois de février dernier, que M. l'ambassadeur de Sardaigne
se faisait fort de trouver 30 millions dans Paris. (Il était question alors du projet que M. de Bonne était chargé de négocier.)
2° Que M. de Bonne lui a dit pareillement que la marquise deCassini se proposait d'aller à Cham-béry, lorsque le comte de Maillebois se serait rendu àTurin; mais que lui, chevalier de Bonne, avait employé toutes le3 raisons possibles pour la dissuader d'un pareil projet, entre autres celle-ci, qu'une pareille démarche nuirait au comte de Maillebois.
3° Que le déclarant lui ayant observé que son projet ne réussirait pas, et que c'était de l'argent perdu, le chevalier de Bonne lui répondit que M. le comte d'Artois serait toujours sensible â cette marque de zèle, et ne manquerait pas de la reconnaître, lorsqu'il reviendrait en France, ce qui arriverait tôt ou tard.
4° Que le valet de chambre du comte de Maillebois a dit au déclarant, depuis qu'il est de retour à Paris, que le lundi vingt-deux du présent mois, jour où le comte de Maillebois est parti pour la Hollande, au moment où il faisait sa toilette, toute sa personne était dans la plus grande agitation, qu'il lui monta un feu qui, du cou, se répandit par gradation sur toute la tête, qu'il lui prit un tremblement général, que ses dents claquaient, ses lèvres remuaient sans cesse ; qu'il voulut parler, mais ne put rien articuler; qu'après sa toilette, il s'appuya sur sa cheminée, et dit d'un ton douloureux : Massot..... le cruel homme ! il m'a trahi !
Observe aussi le déclarant, qu'il s'est trompé dans sa première déclaration, en disant que M. de Bonne lui avait dit que M. de Saint-Mauris, conseiller au parlement, rue Vivienne, lui avait remis l'argent nécessaire pour son voyage de Turin ; que M. de Bonne lui avait dit simplement que c'était M. de Saint-Mauris qui avait fourni aux frais dudit voyage.
Lecture faite, a déclaré persister, et a signé lesdits jours et an. Signé : Massot-Grand'Maison, Agier.
Je soussigné, après avoir relu mes déclarations ci-dessus, et des autres parts, consens qu'elles soient communiquées par messieurs du comité des recherches, ainsi qu'ils le croiront convenable, et même rendues publiques par la voie de l'impression.
A PHôtel-de-Ville, ce 16 juin 1790. Signé : Massot-Grand'Maison.
Déclaration de M. Lenoir-Duclos.
Le
un écrit de M. de Maillebois, qui lui avait été communiqué par M. le chevalier de Bonne, avec prière de le copier, à cause de la difficulté (l'en lire l'écriture; ce que le lit sieur Massot avait fait. M. Lenoir ne se rappelle aucun autre détail relatif à cette conversation. Mais depuis, ayant demandé au sieur Massot, qui s'appelle aussi Grand'-Maison, s'il avait de nouveaux renseignements à ce sujet, le sieur Massot lui déclara qu'il ne savait rien de nouveau ; que seulement M. de Maillebois recevait des lettres à l'adresse de lui Massot, qui étaient distinguées par deux petites croix ; qu'effectivement le sieur Duclos ayant vu, sur le lit de M. de Maillebois, une lettre à l'adresse de M. Grand'Maison, il voulut la lui porter; mais que M. de Maillebois l'en empêcha, en disant que ces lettres étaient pour lui, et que cela était de convention avec le sieur Massot; que les choses avaient resté dans cet état jusqu'à samedi dernier, où le sieur Massot était parti pour Pans, à neuf ou dix heures du soir, sans en prévenir le déclarant, que le lendemain dimanche, à midi, le nommé Bans, journalier à Thuri, où les faits précédents se sont passés, vint annoncer au déclarant que le sœur Massot l'avait chargé de prier ledit sieur Lenoir de prendre son portefeuille; que le même jour, d'après l'indication de ce paysan, ledit sieur Lenoir alla prendre les clefs de la chambre du sieur Massot, dans la maison dudit sieur Bans, aux filles de qui le sieur Massot les avait remises; que le sieur Lenoir prit effectivement le portefeuille, et le descendit pour le porter dans sa chambre, mais que M. de Maillebois le lui demanda, ayant été instruit que le sieur Lenoir en était chargé, parce que le sieur Bans avait déclaré, dans la maison, la commission dont le sieur Massot l'avait chargé; que le sieur Lenoir remit le portefeuille à M. de Maillebois; qu'il s'enferma alors avec Mme de Cassini ; que M. de Maillebois et Mme de Cassini demandèrent au déclarant s'il avait reçu quelques communications de la part du sieur Massot, ce que le déclarant ne voulut point reconnaître; que le lundi matin, M. de Maillebois chargea le sieur Lenoir de prévenir Mm0 de Maillebois qu'il allait coucher chez un de ses amis, sur une atrocité que le sieur Massot lui faisait, sans autre explication ; que non seulement il lui demanda s'il le suivrait, et que le déclarant lui répondit que non; que s'il allait à Paris, il le suivrait jusque là, mais non pas ailleurs, que Mme de Cassiui demanda ensuite plusieurs fois au déclarant, s'il ne savait pas pourquoi le sieur Massot s'en était en allé, que M. de Cassini lui fit aussi les mêmes demandes, à quoi il répondit toujours qu'il n'en savait rien; que M. de Cassini et le déclarant sont alors partis dans le cabriolet de M. de Cassini, et qu'il lui dit seulement en le quittant : « Si vous « voyez M. Massot, et qu'il vous dise quelque « chose vous passerez chez moi pour m'en ins-« truire », et que M. de Cassini ne lui a rien dit autre chose dont il se rappelle. Ajoute le déclarant, qu'il a vu depuis le sieur Massot, qui ne lui a rien appris de nouveau, et auquel il a fait des reproches d'être parti sans l'en prévenir, mais qu'il n'a point vu M. de Cassini. Le déclarant se rappelle d'avoir vu une seule fois M. de Bonne chez M. de Maillebois, sans savoir pourquoi il y était, ni ce qu'il y a dit ou fait. Il ajoute, que M. de Maillebois est parti avec son valet de chambre chirurgien, nommé Perrier, le sieur Auguste, son laquais, et le sieur Chevalier, domestique de M. de Cassini; il n'a pas ouï dire qu'aucun d'entre eux soit revenu. Lecture faite
de ladite déclaration, ledit sieur Duclos a nersisté et signé avec nous. Signé : Marin Lenoir-Duclos et Garràn de Coulon.
Et le vingt-neuf dudit mois de mars, est de nouveau comparu au comité ledit sieur Lenoir-Duclos, ci-devant qualifié, lequel a déclaré que c'est par inadvertance qu'il a dit, dans sa précédente déclaration, que, depuis son retour à Paris, il n'avait point vu M. de Cassini; que la vérité est que, dès le lendemain mardi, ledit sieur de Cassini, chez lequel ledit sieur Lenoir-Duclos s'était transporté, lui avait dit que M. de Maillebois était parti pour la Hollande, et que, sous quinze jours, il reviendrait à Paris ; que ledit sieur Lenoir-Duclos avait eu tort d'abandonner si prompte-ment le service dudit sieur de Maillebois; que la même observation avait été faite au déclarant, au château de Thuri, par Mme dp Cassini, et que le déclarant leur avait constamment répondu qu'il ne demeurerait avec M. de Maillebois que dans le cas où il retournerait à Paris, ayant même, ledit sieur Lenoir-Duclo3, l'intention de sortir alors du service de M. de Maillebois. Ajoute le déclarant, qu'avant son départ du château de Thuri, c'est-à-dire trois semaines avant cette époque, le sieur Massot-Grand'Maison, secrétaire de M. de Maillebois, lui avait dit que l'ambassadeur de Sardaigne et M. de Saint-Mauris, seigneur d'Houdainville, château très voisin de celui de Thuri, devaient fournir de l'argent pour le succès de la contre-révolution imaginée et projetée par M. de Maillebois, dont acte.
Signé : Lenoir-Duclos et Perron.
Ce jour, dix-huitième juin mil sept cent quatre-vingt-dix, est comparu de nouveau, par-devant le comité, le sieur Lenoir-Duclos, qualifié et domicilié dans les déclarations ci-dessus, lequel, après qu'il lui a été fait lecture, tant desdites déclarations, que d'un article de la dernière déclaration dudit sieur Massot-Grand'Maison, dans lequel celui-ci rend compte d'un fait important, qu'il dit tenir dudit sieur Lenoir-Duclos, a déclaré qu'il est vrai que, le lundi vingt-deux mars dernier, étant entré, suivant l'usage, chez M. de Maillebois, entre huit et neuf heures du matin, pour lui donner son chocolat, il l'avait trouvé dans une situation qui ne lui était pas ordinaire, et paraissant aaitê ; qu'environ un quart d'heure après, il a demandé à faire sa toilette, ce qu'il n'avait coutume de faire que vers l'heure du diner, et a ordonné que l'on fit la vache pour partir sur-le-champ, sans dire où il allait; qu'au moment où le déclarant se disposait à le raser, il se leva précipitamment, sans rien dire, et sortit de son appartement (le déclarant a su qu'il avait été chez Mme de Cassini ; que, revenu un instant après, il a paru au déclarant beaucoup plus agité; que le rouge lui montait au visage pendant qu'on le rasait, et que sa toilette faite, il dit en s'appuyant sur la tablette de sa cheminée, et en parlant au déclarant : Massot m'a fait une atrocité, ce qu'il a depuis répété au déclarant, étant monté dans sa voiture, et en le chargeant de rendre ce "propos à Mm8 de Maillebois, ainsi que ledit sieur Lenoir l'a exposé dans la précédente déclaration ; que c'est là tout ce que le déclarant se rappelle et ce qu'il croit avoir dit à M. Massot-Grand'Maison. Persiste, au surplus, ledit sieur Lenoir lans ses précédentes déclarations, et n'empêche que lesdites déclaration, ainsi que la présente addition, soient rendues publiques. Signé: Lenoir Duclos, Agier et Perron.
N° 2.
Avis de Turin et de Nice, Note préliminaire.
Les letttres suivantes nous ont été communiquées par Messieurs du comité des recherches de l'Assemblée nationale. Elles sont anonymes et dès lors nous nous garderons hien de les présenter comme des preuves; mais nous rendons compte au public des motifs qui nous ont déterminés à yoter la dénonciation, et, sous ce rapport, il nous a semblé que nous pourrions compter, pour quelque chose cette circonstance remarquable, què, tandis que nous recevions ici, à !a fin de mars, les déclarations sur le projet de contre-révolution tramé par M. Maillebois, |e comité dès recherches de l'Assemblée nationale recevait de son côté des avis de Turin, presque absolument conformes, tant pour le fond que pour les détails. Peut-être, au reste, que ces avis, actuellement non probants, se convertiront en preuves pendant le cours de l'ipstruction.
Les deux premières lettres sont d'uq homme employé à la cour de Turin, et très à portée de tout sâvqjr. On lui avait écrit au sujet d'une conférence qui devait se tenir (disait-on) à Rome, entre les réfugiés français, et dont un menibre de l'Assemblée nationale, mal informé, s'était empressé de faire part £ son comité des recherches. L'auteur des lettres répond, dans la première, du \% mars, que cette qpuvejle est fausse, mais qu'il peut en attester une autre comme bjen certaine; et il parle du projet de contre-révolution de M? Maillebois, dont H expose les particularités, à pi'U près comipe l'a fait depuis M, Massot* Grand'M aison.
Dans la seconde lettre, du 27 rqars, M? Maillebois est nommément indiqué comm3 l'auteur du projet.
La troisième a été écrite dans l'intervalle des précédentes, ayec lesquelles elle s'accorde complètement; elle est du 23 mars, et a pour auteur, comme le texte même l'annonce, un Français très attaché à la Constitution, qui voyageait en Italie, On yoit, par cette lettre, qqe les démarches de M, ^ialleboiîi ou de son envoyé étaient connues en partje dans les cercles de cour de Tu^ rin, et y faisaient l'objet des conversations.
Nous ne donnons qu'un extrait de la quatrième lettre, écrite de Nice: elle est fppt longue, et contient des détajls intéressants sur la conduite de nos réfugiés; mais le fragment que l'on imprime, est tout ce qu'elle présente do relatif à l'affaire de M. Maillebois,
Première lettre de Turin.
De Turin, ce 12 mars (i), Je me hâte, mon cher ami, de répondre à votre lettre du premier du courant, en vous assurant que la conférence de Rome, dont vous me parlez est une fausse nouvelle. M. le cornte d'Artois n'a jamais quitté notre ville un instant, ce que je puis voqs certifier comme témoin oculaire, mais
ce que je puis vous as;urer de science certaine, c'est qu'il est arrivé ici, depuis quatre jours (1), une personne de Paris, chargée de présenter un projet â M. le comte d'Artois, pour opérer une contre-révolution. Ce projet ne part pas du roi de France, mais d'une autre personne distinguée dans l'ancienne armée française. Pour l'exécution dudit projet, l'on voudrait que M. le comte d'Artois tâchât d'engager le roi de Sardaigne à prendre fait et cause, en fournissant une armée de 25,000 hommes, à partager en trois divisions, dont une entrerait eu Dauphiné, par Embrun ; l'autre, par la Savoie, dans le Lyonnais; et la troisième, par Nice, dans la Provence. Pour cela, il faudrait que le roj de Sardaigne fournît les 25,000 hommes, cautionnât un emprunt de plusieurs millions; que l'on engageât le roi de Na-ples de fournir aussi de l'argent, ainsi que l'Espagne. L'auteur du projet espère que les mécontents du Dauphiné, ceux de la Proveuce et du Languedoc grossiraient l'armée. Au moment que le projet serait combiné ici, on ferait reprendre un manifeste (que l'on engagerait MM. Moupieret Lally-Tollendal à rédiger.) en Dauphiné, eh Provence, et surtout â Lyon, où l'on tâcherait, par le moyen des aristocrates annoblis, de se faire un parti, et y avoir de l'argent. Une fois assurés de Lyon, on inyiterait le roi à s'y rendre, l'auteur ayant déjà aussi son projet pour que le roi put se rendre à l'invitation, sans être exposé. En même temps, le projet est aussi d'engager ies pripces d'Allemagne, qui ont des droits en Alsace, d'y entrer ayec une armée d'une dizaine de mille hommes, et avançant ainsi, l'on espérerait le grossissement des armées combinées par les mécontents, et par l'argent que l'on répandrait pour arriver enfin à assiéger Paris.
Vfiilà l'extrait surcinGt du plan, que le busard le plus extraordinaire a mis sous mes yeux, et que j'ai eu le t«mps de lire. Je sais que M. le comte d'Artois, dans le premier entretien, a dit qu'il ne voulait point d'une guerre civile, et qu'il était bien ici, — qu'il voulait auparavant poir lef choses. Or, bien positivement, il n'a encore donné aucune réponse, et s'il la donne, je la saurai. Ce que je pujs vous dire, c'est que tput ce plan me paraît absolument en l'air, et i| y manque |es bases les plus essentielles, sayoir; l'argent qqe l'auteur demande, et d'ailleurs je ne crois pas que notre cour entre dans un pareil projet. Outre cela, ij est certain qu'il faudrait plus de trois mois pour le concerter, et en faire les préparatifs, lesquels ne pourraient être secrets qqe poqr peu de temps, et il serait bien aisé à ia nation de prendre les qiesurps nécessaires ppur opposer des forces suffisantes à toute invasion, Je me sers d'une main étrangère pour ne pas vous compromettre ; il faut que vous me mandiez si l'on est 6ûr du cours des lettres; car alors, si vous le souhaitez, et que vous le croyiez utile, je vous pommerai l'auteur du projet, je vous donnerai d'autres détails, et je vous tiendrai au courant. M- de Ç,,. est instruit du projet en question.
Seconde lettre Turin.
Tqrin, le 27 mars.
L'auteur du projet est M. de MqUlebois, général au service de Hollande, actuellement à paris.
II avait été proposé an roi, par M. d'Ar...... pour
commander l'armée au mois de juillet ; mais le roi était déjà décidé pour M. de Broglie.
Il était dit, dans le plan formé, iiue s'il était accepté, on lui aurait fourni 2,000louis; qu'il se serait retiré à Genève ; que, de là, il aurait envoyé sa démission en Hollande, sur l'assurance qu'on lui aurait donné la place de général au service de Sardaigne, en tout événement que la réussite de l'affaire eût manqué en France. Vous sentez bien que tout cela formait de grandes difficultés, soit pour l'argent, que pour décider ce gouvernement à lui donner une place de général. Les autres parties du plan n'éfaient pas non plus à la portée de ce gouvernement, soit parce qu'il n'y avait pas les 25,000 hommes de troupes, ni l'argent, c'est-à-dire 4 à 5 millions, ni ia disposition au cautionnement, Après beaucoup de pourparlers, de conférences entre les princes français et leurs conseils, l'on s'est réduit à renvoyer le porteur du plan, disant que les circonstances n'étaient pas encore assez favorables; qu'il aurait fallu commencer par s'assurer de l'insurrection de quelques provinces, pour avoir un point fixe, comme la Picardie, l'Artois, le Languedoc, la Provence (il paraît que les vues sur le Lyonnais n'étaient plus favorables); mais que les démarches pour tâcher de disposer à une insurrection exigeaient du temps et des ménagements; qu'en attendant qu'on aurait tâché de se ménager des ressources pécuniaires à Naples, en Espagne, et des secours auprès des princes mécontents d'Allemagne, il fallait, pour le présent, agir, par tous les moyens possibles à Paris, pour rapprocher le roi de M. de Maillebois, lui faire goûter ses conseils, et, s'il était possible, de le faire entrer au conseil du roi, pour qu'il pût, petit à p tit, diminuer sa confiance en M. de La Fayette et en M. de Liancourt, et même tâcher de le conduire au département de ia guerre.
Que si ce que dessus n'était pas possible, tâcher au moins de lui faire prendre le service en France, et de lui donner le commandement d'une province, où il pourrait disposer les choses à une insurrection de son gré. Ge qui est sûr, c'est que cette cour n'adoptera jamais aucun projet d'action. Un se tient dans l'inaction pour des affaires urgentes et des plus intéressantes pour le pays, jugez si l'on en sortirait pour une cause étrangère, dont l'issue serait infiniment douteuse, et qui,ne réussissant pas, serait la plus ruineuse pour ce pays. Le point essentiel est de surveiller to îtes les démarches du fromage hollandais (1) qui remuera ciel et terre; et en lâchant de connaître toutes ses allures, on pourra aisément connaître les projets qui se formeront à mesure des circonstances. Celui qui a présenté le projet est un of licier français (2), dont je pourrai vous dire le nom une autre fois. Il est reparti depuis huit jours (3). Il y a ici un M. Barthès de Montpellier, frère du médecin, qui est un grand agent; il va et vient en Provence, en
Languedoc, pour tâcher de disposer à un parti. Je ne crois pas jusqu'à présent que l'on ait rien d'assez satisfaisant. Le grand espoir est dans la banqueroute qu'ils annoncent eomme sûre, tout haut. Je vous le répète: il faut suivre de près le Hollandais dans toutes ses démarches.
Comptez sur l'exactitude de ces notions, comme je compte sur votre discrétion, pour n'être pas compromis, et pouvoir continuer à avoir peut-être des notions ultérieures, que je ne manquerai pas de vous donner.
Troisième: lettre de Turin,
A Turin, le 23 mars 1790.
Le patriotisme qui m'anime m'a donné bien des inquiétudes, depuis quinze jours que je suis en cette ville, et ce qui m'afflige, c'est d'être obligé d'en partir demain, sans pouvoir pénétrer plus avant dans les intrigues qui se machinent à la cour de Turin, contre notre chère Constitution française.
Il faut donc que vous sachiez, par moi, certaines démarches qui ont été faites, dont quelques-unes sont connues dans les cercles de cour, et d'autres sont tenues secrètes.
Au commencement de ce mois, je ne sais quel jour, un exprès, arrivé de Paris, présenta au comte d'Artois un projet de contre-révolution en France, combiné par M. de Maillebois, qui se proposait pour en diriger l'exécution. On proposait à ce prince d'engager le roi de Sardaigne à fournir 25,00J hommes, une somme de 6 à 7 millions, ou. tout au moins son cautionnement; on voulait encore que le comte d'Artois engageât les rois de Naples et d'Espagne à concourir pour un subside d'argent, et le plus tôt possible, pour commencer dans deux mois l'exécution du projet.
Ori devait former de ces 25,000 hommes, trois divisions, dont une entrerait en Dauphiné, par Embrun; la seconde, dans le Lyonnais, par la Savoie; la troisième en Provence,'par Nice. On se faisait fort d'engager MM. Mounier et Laly-Tol-lendal, qu'on disait y être tout disposés, à rédiger un manifeste propre à faire une grande impression sur les peuples, sous couleur d'exciter leur amour pour la personne du roi, et dont les moindres effets seraient de les jeter dans l'incertitude sur la légitimité et l'utilité de la nouvelle Constitution.
On y disait que l'armée se grossirait chemin faisant, par tous les mécontents du Dauphiné, du Lyonnais et de la Provence; que, pour y parvenir plus promptement, on avait un certain nombre de gens affidé.s, qui agiraient clandestinement, et distribueraient, à propos, de l'argent, soit au peuple, soit aux troupes d'ordonnance. Que les armees, ainsi grossies, s'avanceraient vers le point central qui serait la ville de Lyon, où, sans beaucoup de difficultés, un parti qui y est déjàrtrès nombreux, et qui attend le moment favorable, s'augmenterait bientôt avec de l'argent, malgré l'échec que ce parti y avait reçu au commencement de février.
Que, pour lors, on prendrait des moyens assurés d'engager le roi à se rendre à Lyon; que ce plan est formé à son insu, et qu'il est nécessaire de le lui laisser ignorer, jusqu'à l'époque où son voyage serait possible.
Ge se......de Maillebois offrait de se rendre à
Genève et d'envoyer, jde là, à |a république de Hollande, la démission de sa place et de son gouvernement de Breda; mais il voulait qu'on lui assurât pour compensation un service à Turin.
Mais les choses ici ne se décident pas si prompte-ment.
Le comte d'Artois répondit d'abord à la personne qui apportait ce plan, et qui était chargée de le négocier, qu'il ne voulait entrer dans aucun projet qui aurait sa base dans une guerre civile; qu'il était bien à Turin, et qu'il y attendait le résultat des événements; que cependant il prendrait le projet en considération.
Le plan du comte de Maillebois n'a pas été adopté pour le présent, parce que l'on n'a pas jugé les circonstances favorables : d'ailleurs, ce monstre exigeait, en outre, quelques mille louis comptant pour son déplacement, ce qui était une difficulté, et le cautionnement de plusieurs millions en était bien une plus grande encore.
On a répondu finalement à l'envoyé, qu'il aurait fallu commencer par disposer les choses dans quelques provinces aune insurrection, et la conduire à l'éclat (1); que pour lors, peut-être, on aurait pu agir; que, d'ailleurs, il faudrait beaucoup de temps pour négocier et obtenir les secours Napolitains, Espagnols ou Allemands, ce qui n'est point encore avancé, quoiqu'on y travaille, et qu'on ne désespère pas de quelque réussite. L'exprès est reparti, et voici les moyens qu'on lui a mis en avant.
C'est de trouver le moyen de faire rapprocher du roi et de la cour de France M. de Maillebois; de déterminer le roi et les Parisiens, par des cabales bin combinées, à le porter à la place de M. de La Fayette, qu'on tâcherait de rendre suspect au roi, car ici on en veut beaucoup à M. de La Fayette et on voudrait au moins lui faire ôter le commandement général. Que si on ne peut élever par cette voie M. de Maillebois, on pourrait faire en sorte de lui procurer le ministère de la guerre, ou le commandement d'une principale province, dont on formerait les garnisons avec des trou [tes que l'on pût, peuà peu, et moyennant de l'argent, attacher au parti. Qu'en attendant on prépaierait les secours du dehors, pour venir à l'appui de l'insurrection interne.
On voudrait aussi éloigner des affaires étrangères M. de Montmorin, dont on ne peut rien espérer, et qu'on ne négligeât rien pour ôter au roi la confiance qu'il paraît avoir dans M. de Liancourt. On espère aussi que le départ de M. Necker pour les eaux, avant que le public soit tranquillisé sur les finances, pourra favoriser la contre-révolution. L'on recommande de maintenir, le plus qu'il sera possible, l'inquiétude sur les finances, et la défiance sur les opérations de l'Assemblée à cet égard; car on compte beaucoup sur un discrédit prolongé.
Tout ce plan paraît bien vague, mais il prouve au moins que les projets de contre-révolution ne sont point imaginaires. Ahl qu'il serait bien important qu'on pût surveiller de près toutes les actions et démarches du comte de Maillebois !
Ce n'est pas tout ; il y a ici d'autres personnes qui vont et viennent ; entre autres un M. Barthès, frère d'un médecin, qui est, je crois, chancelier de l'université de Montpellier, et qui fit, il y a quelques années, un peu de bruit à Versailles par son adroit charlatanisme auprès des grands. C'est son frère qui va et vient d'ici en Languedoc, et du Languedoc ici. Il est à Turin en ce moment (2). On dit qu'il a apporté de Montpellier,
au prince, de grosses sommes d'argent pour l'entretien de sa maison ; mais je vous le répète, le point essentiel est de tenir les yeux ouverts sur ce Maillebois, qui est très actif, comme vous le savez, et dont la bassesse d'âme et l'avidité sont assez connues.
C'est avec regret, me trouvant à portée d'être instruit de la suite de ces mouvements, je ne puis cependant rester un jour de plus en Piémont. Si j'ai quelque séjour dans l'une ou l'autre ville d'Italie, je vous donnerai de mes nouvelles ; mais comptez sur les avis que je vous donne aujourd'hui, et qui sont bien sûrs.
Billet d'envoi au comité des recherches, de la lettre précédente.
Je communique au comité des recherches une lettre qui m'a été écrite de Turin par un de mes amis, bien digne de foi, mais qui ne veut, non plus que moi, déposer comme témoin ou comme délateur. Ce n'est donc que pour mettre le comité sur la voie, s'il en a besoin, que je lui en envoie copie.
Paris, le 31 mars 1790. Extrait d'une lettre de Nice, du 19 avril 1790.
Il y a quelque temps qu'au retour des seigneurs courriers (1) à Turin, on entendait confusément le nom de Maillebois dans leurs chuchotages ; les nouvelles d'un plan nous développent l'énigme.
N° 3.
Procès-verbaux et délibérations du conseil général de la commune du Pont-de-Beauvoisin, lors de l'arrestatton de M. Bonne-Savardin, et pièces y annexées.
Extrait des registres de la municipalité de la ville du Pont-de-Beauvoisin.
Du samedi premier mai mil sept cent quatre-vingt-dix, dans la salle de la maison commune au Pont-de-Beauvoisin, sur les sept heures du matin, le conseil général de la commune assemblé aux formes ordinaires, savoir : M. Dufraisne, maire, MM. Berlioz, Buquin. Chevalier et Pravaz cadet, officiers municipaux,^MM. Condamin père, Court, Pravaz l'aîné, Berthet cadet, Berthet, notaire, Louis Pariot, Nicolas Durand, Benoît Lanet, et Paul Monavon, notables.
Le procureur de la commune a dit: Messieurs, je m'empresse de vous dénoncer qu'hier, sur les dix heures et demie du soir, il est arrivé en poste, dans une voiture conduite par le postillon Rey du Gaz, deux étrangers, dont l'un a mis pied à terre au faubourg, et a cherché à éviter d'être vu et reconnu parla garde nationale de poste à lamaison de ville, et s'est rendu à la barrière du royaume, qui, à cette heure était fermée. Là, il a voulu se faire ouvrir la barrière au sergent d'invalides de garde, en lui disant qu'il était aide-de-camp de M. de La Fayette ; qu'il voulait passer en Savoie ; que sa voiture était au-devant de l'hôtel-de-ville
avec son passeport, et qu'elle allait passer à l'instant.
Pendant que le sergent de garde lui refusait d'ouvrir, la voiture dans laquelle était resté l'autre étranger est parvenue au poste de l'hô-tel-de-ville, où la sentinelle l'a arrêtée, en demandant le passeport qui a été exhibé; et, par sa lecture, on a connu que ce passeport était donné à M. ie chevalier de Savardin, sujet du roi de Sardaigne, allant en Savoie, sa patrie, avec son domestique, signé par le marquis de Gordon, ambassadeur de Sa Majesté sarde auprès du roi, daté à Paris le 1er avril 1790. A peine le vu a été mis sur ledit passe port, que le sieur Permezel, citoyen de garde, entendant nommer le nom de Savardin, s'est rappelé que le nom de Savardin était un surnom du chevalier de Bonne, dénoncé dans tous les papiers publics pour être des coopérateurs d'un projet de contre-révolution et de conspiration contre l'Etat, laquelle conspiration a été dénoncée au Ghâtelet par le comité des recherches de la commune de Paris (1). Sur cette observation, le dit Permezel voyant que la personne qui était dans la voiture ne s'annonçait que pour être le domestique dudit chevalier de Bonne, s'est transporté jusqu'à la barrière, où il a trouvé ledit chevalier de Bonne, qui demandait au sergent de garde du poste des Invalides de lui ouvrir la porte pour passer en Savoie.
Le chevalier de Bonne a été requis par le sieur Permezel de se rendre à l'hôtel-de-ville, où était le poste de la garde nationale. Le chevalier de Bonne s'y est rendu; alors le comparant, instruit de l'arrivée du chevalier de Bonne à l'hôtel-de-ville, s'y est rendu avec M. Berlioz, premier ofticier municipal; remplaçant M. le maire, le sieur Ghevalier, officier municipal, le sieur ûrevon, colonel de la garde nationale, s'y sont rendus pareillement, la brigade de cavaliers de maréchaussée et plusieurs autres citoyi ns ("2).
Le comparant, en sa qualité, a requis que ledit chevalier de Bonne fût arrêté provisoirement as ec son domestique ; que tous les effets qu'ils avaient sur eux, ainsi que sur la voiture et dans icelle, fussent mis sous les scellés; ce qui a été fait en présence dudit chevalier de Bonne, et qui en a signé l'état; il a été fait procès-verbal du rapport fait par :u postillon Rey, en présence dudit chevalier Bonne et de son domestique; tous les effets ont été mis dans quatre sacs cachetés du cachet du chevalier de Bonne, et ont été laissés, ainsi qu'une vache aussi cachetée, et deux pistolets à la consigne de la garde, deux pendules ont été confiées au comparant. Le chevalier de Bonne a été consigné avec son domestique dans une chambre de l'auberge des Trois-Gouronnes, à la garde et vigilance de la maréchaussée et de la garde nationale.
Les choses en cet état, le comparant considérant qu'il est très important de s'assurer de la personne dudit chevalier de Bonne, dénoncé publiquement comme coopérateur d'une conspiration contre l'Etat, venant d'être instruit actuellement que, dans la semaine d'après Pâques, deux personnes arrivèrent de Paris en cette ville avec une commission secrète pour arrêter le chevalier de Bonne avec ses papiers ;
Considérant encore que Je chevalier de Bonne
est porteur d'un passeport sous le nom de chevalier de Savardin, daté du 1er avril, délivré par l'ambassadeur d'une puissance étrangère; que, pour se faciliter son évasion en Savoie, ledit chevalier de Bonne a mis pied à terre dans le faubourg de cette ville, qu'il s'est glissé, à la faveur de la nuit, jusqu'à parvenir à la barrière du royaume, qu'il a cherché à se faire ouvrir sans ordre, se disant l'aide-de-camp de M. de La Fayette :
Par ces motifs, le comparant estime que ledit chevalier de Bonne doit être gardé à vue avec toutes les précautions nécessaires pour s'assurer de sa personne et de celle de son domestique jusqu'à ce que, sur le rapport qui sera fait immédiatement au comité des recherches de l'Assemblée nationale et à celui de la commune de Paris, il ait été statué sur leur sort ; qu'en ce moment il est instant d'entendre le rapport du sieur Morel, sergent d'invalides, à qui le chevalier de Bonne a demandé l'ouverture de la barrière sous sa prétendue qualité d'aide-de-carnp de M. le marquis de La Fayette, ainsi que la déposition de toutes autres personnes qui auront des instructions à donner, et que, de suite, il doit être procédé à la vérilication de tous les effets, papiers dudit chevalier et de son dom stique, en leur présence; du tout dresser procès-verbal. Sur quoi le comparant requiert acte, et que le conseil ait à délibérer ce qu'il appartiendra. Signé : Bossieu cadet, procureur de la commune.
Le conseil général, ouï lecture delà comparution et réquisition du procureur de la commune, la matière mise en délibération, a arrêté que ses réquisitions seront exécutées en leur entier; en conséquence, M. le chevalier de Bonne, dénoncé dans les papiers publics coin ne coopérateur d'une conspiration contre l'Etat, sera gardé à vue et consigné à la garde et diligence, tant de la maréchaussée que de ia garde nationale de cette ville, conjointement avec le domestique dudit chevalier de Bonne, jusqu'à ce qu'autrement soit pourvu; qu'il sera, sans délai, donné communication de leur arrestation au comité des recherches de l'Assemblée nationale, et celui de la commune de Paris, pour, sur leur diligence, être statué sur ie sort des prévenus ; que le sieur Morel, sergent d'invalides, et toutes autres personnes qui auraient des instructions, seront ouïs en leurs rapports, à la diligence et en présence du procureur de la commuue; qu'il sera immédiatement procédé à une visite scrupuleuse de tous les effets trouvés sur les personnes et dans la voiture dudit chevalier de Bonne et son domestique, en leur présence ; que, dans le cas où, parmi les papiers et effets qui seront visités, il se trouverait des papiers ou autre chose qui aurait trait ou rapport à une conspiration et correspondance illicite contre l'Etat, ou qui pourrait fournir quelques indices, lesdits papiers et effets suspects seront déposés sur le bureau, paraphés ne varietur, par M. le maire et son lieuteuant ; et ledit chevalier de Bonne et son domestique seront également requis de parapher, s'ils le veulent, les pièces suspectes ; et il sera délibéré ensuite sur ce qu'il conviendra de faire desdites pièces suspectes, et dressé procès-verbal de ladite visite.
Le maire a dit qu'il n'a été informé de la détention de M. le chevalier de Bonne que sur environ les six heures du matin de ce jour; dans ce moment, il a déclaré avoir vu, il y a environ un mois, un ordre il arrêter ledit sieur Bonne et les papiers qu'il pouvait avoir sur lui. Cet ordre, en
®ffet, signé de M. le marquis de La Fayette, autant qu'il peut s'en ressouvenir, lui avait été communiqué secrètement par les personnes arrivées ici expiés de Paris, le 4 du mois d'avril, et dont il ne peut se rappeler les noms ni les qualités. M. Berlioz, lieutenant de la mairie, tn eut alors connais-ance ; mais le bruit s'étant répandu aujourd'hui que ledii sieur chevalier de Bonne avait été arrêté sur les ordres qu'en avait Je maire, ce qui n'est point exact, c'est pour éclairer et pour établir les faits dans leur simple vérité, que le maire fait son présent rapport et a signé.
Signé : DUFRAINE.
De tout quoi, le conseil général de la commune a fait acte, et a signé avec le procureur de la commune et le secrétaire. Signé à l'original : Berlioz l'aîné, Buquin, officier municipal, Chevalier, officier municipal, Court, notable, Pariot, idem, Con-damin, idem, Pravaz, idem, Blanet, idem. Berthet, idem, Durand, idem, Berthet, idem, Monavon, idem, Pravaz, officier municipal, Boissieu cadet, procureur de la commune, Dufraine, maire, et Permezel, secrétaire.
Proèès-verbal de visite des papiers et effets de M. Bonne-Savardin.
Du susdit jour, 1er mai 1790, sur les deux heures de relevée, au Pont-de-Beauvoisin, le conseil général de la commune, assemble aux formes ordinaires, écrivant le secrétaire de la municipalité.
Se sont assemblés, savoir : M. Henri Dufraine, maire, M. Gbrisiophe Berlioz, lieutenant de la mairie, MM. François Buquin, Jean Chevalier et Gabriel Pravaz, officiers municipaux; M. Etienne Boissieu cadet, procureur de la commune, MM. Pierre Condamin, François Berthet, Louis Pariot, Antoine Berthet, notaire, Benoît Laoet, Paul Monavon, Nicolas Durand et Thomas Gourt, notables»
En exécution de l'arrêté du conseil général de ce jour, M. le chevalier de Bonne et Joseph Meis, son domestique, ont été mandés de comparaître, par-devant le conseil, pour assister à la visite qui va être faite de tous leurs effets, conformément à l'arrêtédece jour; et à l'instant, le sieur Bertrand de Bonne., chevalier de Saint-Louis, lieutenant-colonel d'infanterie, au service de Hollande, natif des Echelles, en Savoie, âgé d'environ quarante ans, et Joseph Meis, son domestique, natif de Blamont, en Lorraine, âgé d'environ quarante-cinq ans, sont comparus dans la salle Jlu conseil, w il leur a été à chacun déclaré qu'il va être procédé, en leur présence, à la visite et vérification tle tous leurs effets, sur lesquels les scellés furent apposés dans la nuit précédente ; et ils ont été requis de faire telles observations et réquisitions qu'ils aviseront. Interpellation faite à M. le chevalier de Bonne de reconnaître si les cachets apposés sur les deux sacs qui furent décachetés dans la chambre de l'auberge sont sains et entiers, ie sieur chevalier de Bonne a déclaré reconnaître ses cachets apposés sur les liens desdits deux sacs pour être sains et entiers.
Visite faite scrupuleusement des effets contenus dans lesdits deux sacs, il ne s'y est rien trouvé de suspect.
Interpellé le sie-tir chevalier de Bonne de reconnaître st le 'cachet apposé sur le premier des sacs contient huit paqwete déposés en l'hôtel-de-ville à l'officier de -garde, se trouve sain et entier, ledit sieur «chevalier ayant vérifié, a répondu que oui» Ouverture laite de ce sac, a été procédé à la vi-
site : 1° d'un paquet de chapeaux sous le nu aéro 8, où il ne s'y est rien trouvé de suspect;
2° Ouverture faite d'un paquet couvert de toile cirée noire, cachetée, et le sieur chevalier de Bonne a reconnu le cachet entier; il ne s'est trouvé, dans ledit paquet, que de la vaisselle jdate et autre argenterie, et rien de suspect, ladite argenterie étant marquée aux armoiries dudit sieur chevalier de Bonne, portant le champ de gueule au lion d'or, au chef cousu d'azur, chargé d'une tour et de deux roses d'argent ;
3° Ouverture faite d'une petite caisse bois de hêtre, cachetée, le cachet a été reconnu sain et entier par ledit chevalier de Bonne; il ne s'y est rien trouvé de suspect;
4° Ouverture faite d'un nécessaire fermant à clef et cacheté, le cachet reconnu sain et entier par ledit sieur chevalier de Bonne, il ne s'y est rien trouvé de suspect ;
5° Ouverture faite d'un petit paquet, enveloppé d'une chemise, ficelé et cacheté; le cachet a été reconnu sain et entier par M. le chevalier de Bonne, et il ne s'y est rien trouvé de suspect;
6° La première valise de cuir roux, sur laquelle était apposé le cachet, qui a été reconnu sain et entier par le sieur chevalier de Bonne; l'ouverture en a été faite et il ne s'y est rien trouvé de suspect;
7° La seconde valise en cuir noir, sur laquelle était aussi apposé le cachet, que ledit sieur chevalier de Bonne a reconnu sain et entier, l'ouverture en a été faite, et il ne s'y est rien trouvé de suspect ;
8° Il a élé fait la visite, pièce par pièce, d'un portefeuille cacheté, dont le cachet a été reconnu sain et entier par le sieur chevalier de Bonne, et vérification faite, il ne s'y est trouvé aucun papier suspect. Les huit articles ci-dessus formaient tout le contenu au premier sac» .
De suite, le sieur chevalier de Bonne a été interpellé de vérifier si le cachet apposé 6ur le second sac était sain et entier; a répondu que oui. Vérification faite, en sa presence, d'une caisse couverte de toile cirée, de deux coussins de voiture, et d'une selle de cheval, formant les trois premiers articles, il ne s'y est rien trouvé de suspect.
Vérification faite du quatrième article, qui est un petit portefeuille, enveloppé d'un papier ca^-cheté, et dont ledit sieur chevalier de Bonne a re oonn le cachet sain et entier, il s'y est trouvé différentes pièces relatives à la dénonciation faite par le comité des recherches, lesquelles pièces ont été mises à part, et seront ei* après désignées, numérotées et paraphées.
9° A été faite l'ouverture de la vache qui était au-dessus de la voiture, qui était fermée par une chaîne, au bout de laquelle était mi cadenas, et cachetée ; le sieur chevalier de Bon ne a reconnu le cachet sain et entier. Vérification faite de ladite vache, il n'y a rien été trouvé de suspect, qu'un livre de raison qui sera ci-après numéroté et paraphé, conjointement avec les autres papiers mis en réserve;
10° M a été ouvert un petit paquet ficelé et cacheté, contenant une petite pendule. Le sieur chevalier de Bonne ayant reconnu le cachet sain et entier, la vérification en a été faite, ainsi que d'une autre plus grande, lesquelles avaient été remises à M. Boissieu, procureur de la commune, après la rédaction du procès-verbal qui a été dressé dans la nuit dernière ; et vérification faite d'icelles, ne renfermant rien de suspect, elles orri
été placées dans la vache, et raondit sieur Bois-sieu en a été déchargé;
11° Ont été représentés deux pistolets, et d'après la vérification qui en a été faite, ne renfermant rien de suspect, ils ont été fermés dans la vache :
12° La clôture dudit sieur chevalier de Bonne, gardé à vue, depuis son arrivée jusqu'à ce moment, a été vérifiéei mais il n'y a rien été trouvé de suspect.
De suite, il a été procédé à la description, numéro et paraphe des pièces mises en réserve. Le conseil a interpellé le sieur chevalier de Bonne de parapher lesdites pièces mises en réserve; a répondu qu'il le regardait fort inutile, et a refusé de ie faire. Elles l'ont été de suite par M. Berlioz, lieutenant de la mairie, e" commençant par le livre de raison dudit sieur de Bonne (f), dans lequel livre le conseil a remarqué qu'aux folios 37,38,39 et 40, se trouvent portés, jour par jour, les différents voyages dudit sieur chevalier de Bonne à Thuri, chez M. de Maillebois, son voyage à Turin, son séjour en ladite ville, les visites qu ila faites au comte d'Artois, au prince dê Gondé et à l'ambassadeur de France, et à d'autres seigneurs, l'itinéraire de son retour en Fmnce.
Ce livre de raison se trouve composé de quatre-vingt-six feuillets. Les trente-quatre premiers sont presque tous écrits en entier ; le trente-cinquième est en blanc; les cinq suivants sont presque écrits tout entier. Depuis le n°41 jusqu'à celui 75 inclusivement, les feuillets sonten blanc; les n0S 76, 77, et commencement de 78, sont écriis; les deux suivants sont en blanc. Depuis le u° 81, jusqu'au dernier 80 inclusivement, lesdits feuillets sont écrits presque en entier. Il sont tous été cotés et paraphés, commea été dit ci-devant. Il a été trouvé dans ledit livre, cinq feuilles détachées (2), qui ontété également numérotées etparaphées, etlais-sées à la fin dudit livre.
1° De suite, il a été procédé à la description des autres pièces détachées-, mises en réserve, savoir : un passeport d*e la vide de Paris» du 8 octobre dernier, paraphé et coté de n° 6;
2° Un passeport, signé par le comte d'Haute-ville à Turin, le 22 mars dernier, accordé à M. le chevalier de Bonne, officier au service de France, paraphé et coté de n° 7;
3° Autre passeport du comte de Darfort donné à Grenoble le 28 mars dernier) accordé au susdit, paraphé et coté de n° 8;
4° Autre passeport de l'ambassadeur de Sardaigne à Paris, signé à Paris le 1er avril dernier, accordé au sieur chevalier de Savardin, paraphé et coté de n° 9 ;
5° Passeport, signé par le baron de Kleinn-herg, le 16 avril dernier, accordé au même, paraphé et coté de n° 10 ;
6° Autre passeport accordé au même par M. de Balnelrode, commandant do Malines, le 21 avril dernier, parapné et coté de n° 11 (3);
7° Lettre du baron de Kleninberg, datée de Malines le 5 avril dernier, adressée audit sieur chevalier de Bonne-Savardin, paraphée et cotée de n° 12;
8° Autre lettre, signée par le chevalier de Reve-1, datée de la Haye le 9 avril dernier, adressée au
même, au gouvernement à Breda, paraphée et cotée de n° 13 ;
9° Petit billet renfermé dans une enveloppe, sans date, adresse ni signature, paraphé et coté de n° 14, ainsi que l'enveloppe (1);
10° Une autre, datée jeudi 15, dont la signature n'a pu se déchiffrer (2) adressée à M. le chevalier Bonne, à Anvers, paraphée et cotée de n° 15 ;
11° Lettre adressée à M. Mounier, ladite lettre, cachetée avec un pain rouge, a été décachetée, elle se trouve sous la date du 27 avril. Cette lettre fut déchirée en partie la nuit dernière, par le sieur chevalier de Bonne, pendant qu'on recueillait et renfermait ses effets. Elle a été cotée et paraphée de n0 16;
12° Lettre dans une enveloppe, adressée à M. le chevalier de Bonne, cour des princes. Gette lettre est sans signature, datée du 5 avril dernier. Elle fut également commencée à déchirer par le sieur chevalier de Bonne, la nuit dernière. Elle a été paraphée, ainsi que l'enveloppe, et cotée de
nO tli
13° Lettre d'invitation (3), adressée au sieur chevalier de Bonce, à l'arsenal, par l'ambassadeur et l'ambassadrice de Sardaigne, datée du 12 janvier dernier, paraphée et cotée de n° 18s
14° Lettre adressée à M. le chevalier de Bonne, à Pans, signée Broglie, prince de Revel, datée de Luxembourg ie 3 août dernier, paraphée et cotée de n° 19 (4).
15° Ordre du roi (5), daté dê Versailles le 15 avril 1773, signé Louis, et plus bas, Phely-ptaux, concernant le sieur Bonne-Savardin, paraphé et coté de n° 20;
16° Mémoire du sieur chevalier de Bonne (6) paraphé et coté de n° 21 ;
17° Itinéraire de voyage (7), paraphé et coté de n° 22;
17 bis. Mémoire sans Signature, daté Breda, le 11 avril dernier (8) paraphé et coté de n® 23 ;
18ô Mémoire, daté du 10 mars (9) paraphé et coté de u° 24 ;
19° Six extraits baptistaires de Saint-Bertrand Bonne de Savardin {10), paraphés et cotés chacun de n6 25 ;
20° Extrait de mariage (11), paraphé et coté de n° 26;
21° Billet de présentation (12) de M. le «chevalier
de Bonne et de M. l'abbé de Bonne, son frère, chez LL. AA. RR. les ducs de Gé;.evois et comte de Morienne, pour le dimanche 14, paraphé et coté de n° 27;
22° Vingt-huit billets ou cartes de visite \), renfermés dans un billet de visite, en papier, paraphé sur ce dernier, et colé de n° 28;
23° Ordre des postes, signé Thésaie, à Grenoble, le 25 mars 1790 (2), paraphé et coté de n° 25;
24° Ordre des postes donné à Paris, le 27 avril dernier, sous le nom de M. le baron d'Ogny, pour M. le M... de Saint-Marc (3),lequel billet a été déchiré par le sieur chevalier de Bonne, en quatre pièces, ce jourd'hui, lesquelles pièces ont été chacune paraphées et cotées pareillement de n° 30.
Toutes lesquelles pièces ci-dessus, formant la totalité des papiers que le conseil a distingué avoir relation à la dénonciation du comité des recherches. Le conseil a fait renfermer tous lesdits papiers, avec le livre de raison, en un paquet, enveloppés de papiers, sur laquelle enveloppe a été apposé le sceau de la municipalité. Le sieur chevalier de Bonne a été interpellé d'apposer son cachet sur ladite enveloppe; ce qu'il a refusé de faire. Il a été remis et laissé à la disposition du sieur chevalier de Bonne, tous ses effets renfermés dans la vache, ceux dans le porte-manteau ou valises; et le conseil a retenu: 1° le paquet ci-devant scellé; le nécessaire; 3° le paquet de toile cirée, contenant ne l'argenterie; 4° une paire de pistolets : le tout quoi a été mis dans une sache, liée d'une ficelle, sur le nœud de laquelle a été apposé le sceau de la municipalité. Le sieur chevalier de Bonne, ayant été interpellé d'y apposer le sien, a refusé. Cette sache a été transportée dans la chambre de l'auberge, où couche le sieur chevalier de Bonne, a été confiée à la garde de la maréchaussée et de la garde nationale : le paquet de papiers estresté en dépôt aux archives de la municipalité. Le conseil s'est ajourné à demain pour décider et délibérer ce qu'il appartiendra; ordonne que, provisoirement, ledit chevalier sera gardé à vue, avec son domestique, par la brigade de maréchaussée et la garde nationale; de tout quoi a été fait acte. Le sieur chevalier de Bonne a été interpellé de signer et a déclaré«e le faire que pour la décharge des effets qui lui ont été rt mis, ét proteste pour tout le surplus; et ont tous les membres du conseil signé avec le secrétaire.
Je déclare avoir reçu la portion de mes effets énoncés dans le présent procès-verbal, le reste reste sous le scellé et la garde de la municipalité, protestant,au surplus,contre tout ce quia été fait, tant contre ma personne que ce qui m'appai tient, étant sous la sauvegarde du roi de Sardaigne, mon maître, puisque j'étais muni d'un passeport de son ambassadeur près Sa Majesté le roi des Français, en daté du 1er avril 1790, valable pour trois mois, resté entre les mains de messieurs de la municipalité; ledit passeport sous Je nom de chevalier de Savardin. Signé à l'original : le chevalier de Savardin.
Le conseil a signé sans entendre donner aucune approbation aux protestations ci-dessus. Signé à l'original : Berlioz l'aîné; L.-M. Buquin, officier municipal; Chevalier, Pravaz, notable; Court, idem ; Pariot, idem ; Condamin, idem ; Bla-
nef,idem ; Monavois, idem; BerlhetMem ; Durana, idem; Berthet, idem\Boissieu cadet, procureur de la commune; Dufraisne, Permezel, secrétaire.
Arrêté définitif pris par la commune de Pont-ae Beauvoisin.
Du dimanche, 2 mai 1790, en la salle de la maison commune à Pont-de-Beauvoisin, sur les deux heures de relevée, le conseil général de la communeassenibléaux formes ordinaires,en suite du renvoi de la séance du jour d'hier, convoqué dès ce moment par M. le maire à la présente heure, par devant nous Christophe Berlioz, lieutenant de la mairie, en l'absence de M. le maire pour cause d'indisposition, écrivant le secrétaire de la municipalité ;
Se sont assemblés, savoir : MM. François Buquin, Jean Chevalier, Gabriel Pravaz et Pierre Maguin, officiers municipaux; M. Etienne Bois-sieu, procureur de la commune, sieur Pierre Condamin, sieur Claude Lavigne, sieur Thomas Court, sieur François Bertel, sieur Paul Monavois, sieur Jacques Permezel, sieur Louis Pariot, M® Antoine Bertel, notaire, sieur Joseph Antoine Pravaz, sieur Joseph Bertel, sieur Benoit Lanet et sieur Nicolas Veuillet Durand, notables.
Le conseil génér al, après avoir entendu le procureur de la commune dans ses observations et réquisitions, relativement à la détention du sieur chevalier de Bonne et du nommé Joseph Meis, se disant son domestique ;
Considérant qu'il existe dans les pièces mises en réserve, des notions certaines que le sieur chevalier de Bonne a été un des coopérât, urs pour un projet de contre-révolution et conspiration contre 1 Etat, lequel projet a été dénoncé au comité des recherches de l'Assemblée nationale et à celui de la commune de Paris, contre M. de Maillebois; considérant encore qu'il est du plus grand danger de les laisser plus longtemps séjourner en cette ville, extrême frontière, où il n'y a aucune prison, ni des forces suffisantes pour opposer de la résistance, si l'on tentait d'enlever ces prisonniers, le tout vérifié et mûrement réiléchi.
Le conseil général a définitivement arrêté que ledit sieur chevalier de Bonne, et le nommé Joseph Meis, se disant son domestique, seront tra^ duits d'ici à Lyon pour être remis entre les mains de la municipalité de ladite ville, qui sera ci-après priée et requise à cet effet, avec tous les effets, y compris les objets mis en réserve le jour d'hier, et dans une sache sur le lien de laquelle il est opposé le sceau des armes de la ville, et qui sera encore emballée avec une autre toile plombée et cachetée; que le petit paquet de papiers aussi mis en réserve, où t si compris le livre de raison dudit sieur chevalier de Bonne, également scellé sous le sceau des armes de la ville, restera jusqu'à demain, pour être envoyé séparément, et par la poste, au comité des recherches de l'Assemblée nationale, avec extrait en forme des procès-verbaux du jour d'hier et de ce jour, qui seront délivrés par le secrétaire ; que ledit sieur chevalier et son domestique seront traduits par la brigade de maréchaussée, celle des employés des fermes, et accompagnés par deux officiers de la garde nationale qui seront requis à cet effet; que, de suite, il sera écrit à la municipalité de Lyon, pour la prier et requérir, aux termes des décrets de l'Assemblée nationale, de se charger desdites personnes tra-
duites et de les faire garder avec sûreté, jusqu'après les ordres de ladite Assemblée ou du Châtelet de Paris, tribunal établi pour la connaissance des crimes de lèse-nation ; que les frais de la détention et traduction jusqu'à Lyon, et autres, faits ici, seront remboursés par uu mandat qui sera tiré sur le trésorier de la ville, d'après le compte général qui en sera arrêté par le conseil. Signé à l'original : Buquin, officier municipal , /. Chevalier, idem; G. Pravas, idem; P. Ma-guin, idem; Condamm, notable; Pariot, idem; J. Berlet, idem ; Lavigne, idem ; Monavon, idem ; Berlet, idem; Pravas, idem; Permezel, idem; B. Lanet, idem; Court, idem ; Berlet, idem ; Durand, idem; Boissieu, procureur de la commune; Berlioz l'aîné, lieutenant du maire, pour le maire absent; et Permezel, secrétaire.
Extrait conforme à son original, pour être envoyé et servir au comité des Recherches de l'Assemblée nationale. Signé : Permezel, secrétaire.
Information sommaire faite par la municipalité du Pont-de-Beauvoisin, sur les circonstances qui ont précédé Varrestation de M. Bonne-Savardin.
Du samedi, 1er mai 1790, à un quart d'heure du matin, dans la
salle de l'hôtel de ville de Pont-Beauvoisin, par-devant nous Ghristophe-Désiré Berlioz,
premier officier municipal, en présence du sieur Boissieu, procureur de la commune, et de
plusieurs autres personnes, écrivant M. Flandrin, greffier, par nous pris d'office et dûment
assermenté par le moyen du serment qu'il a présentement prêté, levant la main à la manière
accoutumée, dont acte, ayant signé avec nous, Flandrin, greffier; Berlioz l'aîné, lieutenant
du maire.
Premier témoin. Est comparu, sieur Antoine Rey, postillon, frère du maître de poste au Gastz, poste la plus prochaine de cette ville, sur la route de Lyon, lequel a dit qu'hier, sur environ les neuf heures du soir, il est arrivé à sa poste un étranger en cabriolet, accompagné d'un domestique, conduit par le nommé Jean, postillon de la Tour-du-Pin. Cet étranger a demandé, en arrivant, des chevaux : ils ont été attelés, et le comparaissant s'est mis à conduire la voiture. A peine parti du lieu du Gastz, et à la montée appelée de ce nom, sur la route,du Pont-de-Beauvoisin, l'étranger qui était dans la voiture, a dit au comparaissant, qu'il voulait aller loger au Pont-de-Beauvoisin, dans la partie de Savoie, qu'on l'y attendait. Sur quoi le comparaissant a observé audit étranger c[ue cela le retarderait trop, à cause de la vérification de l'hôtel de ville, et de celle de la barrière de Pont-de-Beauvoisin; à quoi i'étranger a répondu au comparaissant qu'il lui donnerait pour boire. Le comparaissant lui a répondu :« Monsieur, nous 11e nous battrons pas.» L'étranger lui répondit: « Non,non,mon enfant.» Chemin faisant, et quelque temps après, l'étranger a dit au comparaissant qu'il voulait descendre de voiture à l'entrée du Pont-de-Beauvoisin. Le comparaissant lui a répondu : «Monsieur, où bon vous semblera. » Parvenus au faubourg du Pont-de-Beauvoisin, et à peu près vers le milieu, l'étranger, ou sou domestique, qui était aussi dans la voiture, ont appelé le comparaissant, en lui disant d'arrêter. Le comparaissant a arrêté; l'étranger à mis pied à terre; son domestique est resté dans la voiture, et a dit au comparaissant : Allez tout doucement. » Le comparaissant n'a point vu passer devant la voiture l'étranger, qui a suivi
derrière, à ce que le comparaissant imagine. Le comparaissant est ainsi parvenu jusqu'au-devant de cet hôtel de ville, où les sentinelles de la garde nationale lui ont ordonné de s'arrêter, et ont demandé le passeport au domestique qui était dans la voiture ; celui-ci l'a donné à la sentinelle , un instant après on a rapporté et rendu le passeport au domestique. Le comparaissant a demandé à la sentinelle si la voiture pourrait passer en Savoie ; on a répondu que oui : alors le comparaissant a fouetté les chevaux en avant; à peine la voiture a avancé de soixante pas, qu'un fusilier de la garde nationale est venu ordonner d'arrêter et de retourner à l'hôtel de ville, ce que le comparaissant a exécuté. Tel est le rapport que fait ledit sieur Rey, relativement aux deux étrangers qu'il a conduits au poste hier au soir eu cette ville, sur les interrogats qui lui ont été faits à la réquisition du procureur de la commune, en présence de M. le chevalier de Bonne et de son domestique, qui sont les mêmes étrangers dont s'agit au présent rapport, duquel nous avons fait faire lecture en entier audit sieur Rey, et avons interpellé M. le chevalier de Bonne et son domestique, de faire telle observation qu'ils aviseront, ou déclarer s'ils ont ou n'ont pas d'observations à faire sur le rapport dudit sieur Rey, et ce avons aussi interpellé de signer le présent procès-verbal. Le sieur Rey, qui, lecture de son dit rapport, a dit qu'il contient vérité et qu'il y persiste, sans vouloir y changer, ajouter ni diminuer, et a déclaré ne savoir signer, de ce en-quis et interpellé. Le sieur chevalier de Bonne déclare qu'il ne blâme ni approuve le contenu au présent, se réserve de faire ses observations, s'il y a lieu, et déclare ne vouloir signer. Le domestique, qui a déclaré se nommer Joseph Meis, a dit n'avoir aucune observation à faire, et ne vouloir signer, ayant été, ainsi que le sieur chevalier de Bonne, requiset interpellé de le faire, de tout quoi avons donné acte et signé avec le procureur de la commune, le greffier, l'officier de garde, et autres personnes ici présentes, postillon, frère du maître de poste. Dix mots ont été rayés comme nuls. Boissieu cadet, procureur de la commune; Durand, notable; Gillot, brigadier; Drevon, colonel; Permezel, (ils aîné; Ollier, officier ; Berlioz, l'aîné, lieutenant du maire ; Flandrin, greffier.
Suite de l'information.
Du dit jour, sur les neuf heures du matin, en la salle de la maison commune, au Pont-de-Beauvoisin, par-devant nous, premier officier municipal susdit, eu l'absence du maire, présent ie procureur de la commune, écrivant le secrétaire de la municipalité.
Deuxième témoin. Est comparu François Morel, sergent d'invalides, de garde depuis le jour d'hier à ia barrière de ce lieu qui sépare la France d'avec la Savoie, lequel a rapporté que, hier au soir,trente avril, sur environ dix heures et demie, un étranger s'est présenté à son poste, a demandé l'officier de garde ; le comparaissant s'est approché pour savoir ce qu'il voulait. Cet étranger a dit : « Ouvrez-moi la barrière, je veux passer en Savoie ; je suis l'aide-de-camp de M. de La Fayette ; mon passeport et ma voiture sont à la maison de ville.» Le comparaissant lui a répondu qu'il ne pouvait lui ouvrïf sans un ordre du commandant. Cet étranger insiste à le faire ouvrir, et le comparaissant a persisté dans son refus. Alors le sieur
Permezel, soldat citoyen» est survenu et a ordonné à cet étranger de se rendre au corps de garde de î'nÔtei de ville» pour y parler à l'officier, et ils y sont allés ensemble; lecture faite au comparaissant de son rapport, -a dit qu'il contient 4a vérité, et persiste; et a signé avec nouss le procureur de la commune et le secrétaire. Morel, sergent de la garde; Berlioz l'aîné; L. M. Boissier cadet» procureur dé la commune; Permezel, secrétaire.
Silitè dè Ûiiifdl'Màtioii.
t)u dimanche deux mai mil sept cent quatre-vingt-dix, au lieu du Pont-de-Beauvolsin, dans la maison commune du.elit lieu, par-devant nous premier officier municipal susdit, en l'absence du maire, présent le procureur de te commune, écrivant le secrétaire de la municipalité!
Troisième témoin. Ëst comparue Dlle Thé-rèze . Prépaz, épouse du sieur flenri Maguin-Postillon, marchand, habitant de oette ville, laquelle a rapporté que vendredi dernier, trente, sur environ dix heures et demie du soir* se retirant àe chez lé sieur Thomas Boissieu, bourgeois de ce lieu, et étant parvenue dans ia grande rue» elle vit un cabriolet conduit en poste, venant du côté âu faubourg; elle s'arrêta et remarqua que le cabriolet fût arrêté par ia sentinelle de la garde nationale du pont de l'hôtel de ville ; elle remarqua aussi un étranger à pied du côté de l'église qui marchait doucement et en observant, en s'arrêtant de temps en temps. Quand cet étranger eut dépassé la comparaissante» elle le suivit quelques pas, et vit qu'il se retourna* puis il s'avança vers l'hôtel de ville, se plaça au milieu de la rue, examinant ce qui se passait devant le oorps de garde. Il aperçut une lumière qui sortait du corps de garde; aussitôt il se recula en se cachant contre une boutique : un moment après il traversa la rue, et se glissa rapidement le long des boutiques, du côté opposé à l'hôtel de ville, au-devant duquel était le cabriolet. La comparaissante le perdit alors de vue, et soupçonnant sa démarche, elle en avertit un fusilier de la garde* La comparaissante avait remarqué que cet étranger était vêtu d'un surtout ou frac de couleur obscure, avec un chapeau rond» d'Une taillé moyenne. Tel est le rapport, et la comparaissante, qui en a ouï lecture et répétition, a déclaré qu'il contient vérité, et qu'elle y persiste ; ayant signé avec nous, et nous secrétaire. Thérèse 'Postillon-Prépaz, Berlioz i'ainé, le maire absent» Permeael, secrétaire} Soissieu^cadet» .
Quatrième et dernier témoins, De suite est comparu sieur Aimé, Permezel fils, marchand, résidant en cette ville, qui a rapporté que le ven-^ dredi trente avril dernier, sur les dix heures et demie du soir, étant au-devant du corps de garde de l'hôtel de-ville, il est arrivé un cabriolet en poste» qui fut arrêté : il n'y avait qu'une per* sonne dedans, à qui on demanda le passeport qui fut exhibé» Pendant que l'officier de garde visitait ledit passeport» la nommée Thérèse Prépaz, femme Maguin-Postillon, s'apprbchant du corps de gardée dit au secrétaire. Flandrin* fils cadet, qu'elle avait vu un étranger suivre la voiture; marcher en se cachant lorsqu'il avait aperçu une lumière » se recachant et s'esquivant ensuite du côté de. la Savoie. Alors le comparaissant s'approcha de la Voiture et entendit que l'officier de garde nomma le nom de M. de Savardin} en rôn-' dant le passeport. A ce nom de Savardin, le
comparaissant observa à l'officier que celui de Savardin était le surnom du cheyalier. de Bonne-, du lieu des Echelles, dénommé dans les papiers publics pour être de. la conspiration de Maillebois; il avertit aussi l'offiçier de ce que la femme Maguin avait dit au sieur Flandrin; le procureur de la commune ayant paru à nnatapt, le comparaissant lui rendit compte de ces circonstances; Le procureur de la commune l'invita de courir jusqu'à la barrière» pour tâcher dé l'arrêter. Déjà le cabriolet était en marche du côté de la Savbie i le postillon ayant demandé s'il pouvait passer de suite en Savoie, et ayant reçu réponse que ouiv de l'officier de garde, dans le moment le,comparaissant, qui était de garde, sur l'ordre de son officier et du procureur de la commune-, .courut jusqu'à la barrière du royaume* qui était fermée» où il, trouva le sieur chevalier de Bonne qui sollicitait le sergent de garde des invalides de lui ouvrir la barrière. Le comparaissant ordonna au sieur chevalier de Bonne de se rendre au corps de garde de l'hôtel de ville, où le cabriolet et la personne qhi y était, étaient déjà retôhfttês Sur rordré què té comparaissant âVàit donné tnéihin faisant; Obsétve le co&f&ràiïtâ&ht, qtit^ê'A approchant ie chevalier de Bonne, il lui dit :« Monsieur, on vous demande au corps degarde.» il répondit : Que me veut-on? On Veut vous parler.» Le chevalier répondit î « Mon domestiqué .y est avec le passeport.» Le comparaissant répartit : Gela ne suffit pas, il faut y venir également. » Il s'y rendit en disant qu'il n'était pas bien étranger.
Lecture faite au comparaissant de son rapport, a dit qu'il contient vérité, qu'il y persiste» et ont signé à l'original : Permezel fils aîné; Boissieu çadet» procureur de la commune; Berlioz l'aîné; L.-M. Permezel, secrétaire;
Pour extrait conforme à son original» Signé : PERMEZEL;
topié dè là lettré écrite par Af. Dèvàulx, comfnan-davt provisionnel dè la province dû Dauphiné, à M. de Chambourg, cômmcihdant au Pont-de-Èeauvoisin, en date de Grenoble lè premier mai 1790.
Je viens d'apprendre, Monsieur que M. lëChë-valier de Bonne, officier, èttlblbyë ah éét'Viee de France-, et originaire de Savoie-, a été arrêté ad Ponf-de^-Beauvoisid par là taillée batiOnale-. Jé vous ai déjà fait part des plaintes {Mrtéës pal* lë commandant de Savoie» contre les habitants dé Saint-Christophe, qui ont insulté M; de Bohne-Savardln des Echelles, et M. l'abbé, Sën frère-. Jé vous prie de voué informer des fflbtifs qui ont engagé la municijjallté dii Pont-de-Beâùvoisin à faire arrêter et détenir M; le chevalier de Bdhhe> dans le cas où il n'aurait pas déjà été rélâché.
Rien ne Serait plus contraire à la liberté individuelle qui nouB est assurée par la nouvelle Constitution, que de saisir et dë mettre ën prisbrt des citoyens ou des étrangers qui voyagent eh France.
Je vous prie de représenter à MM; de là municipalité, qu'ils doivent lire avec défiance lës pà-piers publics» lorsqu'ils sont reMplisde complots et de projetB de ëontre-révolfltîon ; que jhsqli'â présent ces Complots ont été les enfants de l'imagination dës gazëtiers et des fol titulaires:
Que ces conjurations imaginaires poiirraiëftt leur attirer une guerre réelle avec les Savoyards; que leurs voisins ne manqueraient pas d'uéèr de représailles, si dh les maltraite. M. Du tarer le
fait pressentir dans la lettre qu'il m'a adressée concernant ce qui s'est passé à Saint-Christophe. Vous sentez aussi bien que moi, Monsieur, combien une rupture entre les deuît nations serait fâcheuse, dans les circonstances critiques où nous nous trouvons.
Je ne doute pas que vous n'employiez tous Vos soins pour engager MM. les officiers de la municipalité à se conduire avec l'équité et la circonspection que l'on doit attendre d'une assemblée aussi bien composée, ét je vous prié d'être persuadé des sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être, Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur, Signé : Devaulx. — Pour ampliation^ Signé : Chambourg. — Pour copie sur l'ampliation, Signé : Permezel, secrétaire.
Observation sur la lettre précédente.
M. le président Devaulx commande pour le roi par intérim à Grenoble. On reconnaît parfaitement dans cette lettre le langage des ennemis de la Révolution, dont un trop grand nombre occupe des places importantes, soit à la cour, eoit dans les provinces ou près des puissances étrangères. Arrêter une personne prévenue du crime de lèse-nation, c'est, selon eux, un attentat à la liberté individuelle et à la Constitution même, qui nous garantit cette liberté. — Tous ces complots et ces projets de contre-révolution (tels que ceux de Favras et autres), n'ont été que les enfants de V imagination des gaze tiers et des folliculaires. — Ces précautions déplacées pour des conjurations imaginaires peuvent nous attirer des guerres réelles, des ruptures avec les puissances... Heureusement ces insinuations n'ont pas fait fortuné auprès de la municipalité du Pont-de-Beauvoisin.
N° IV.
Lettre instructive écrite par la municipalité du Pont-de-Beauvoisin, et dans laquelle elle fait part au comité dé ses opérations.
Nota. Pareilles lettres ont été écrites à MM. du comité des Recherches de l'Assemblée nationale, et à M. le commandant général de la garde nationale parisienne.
Messieurs, nous avonB Fhonneur de vous faire part que vendredi, 30 avril, sur le3 dix heures et demie du soir, arriva en poste, en cette ville, le sieur Bertrand Bonne, natif de» Echelles, en Savoie, connu sous le nom de chevaîiier de Bonne, surnommé Savardin, chevalier de Saint-Louis, ci-devant gendarme, puis aide-de-camp de M. de Broglie, capitaine d'artillerie au service de Hollande, légion Maillebois, actuellement breveté de lieutenant-colonel au même service, et qui a été dénoncé dans plusieurs papiers publics comme coopérateur de la conspiration Maillebois. Il était accompagné de Joseph Meis, se disant son domestique, dans un cabrioleft bargé de plusieurs effets.
, Il a été constaté qu'en arrivant au faubourg de cette ville il mit pied à terre, laissa avancer sa voiture jusqu'au poste de la garde nationale, placé à l'hôtel d-e ville, suivit^ loin sa voiture, observant, se cachant lorsque la lumière paraissait,, et pendant que fofticier de garde visait le passeport, il se -glissa le long des boutiques, échappa
à la vigilance de la sentinelle, par Vintermédiaire de sa voiture, et se rendit à la barrière du royaume, fermée alors, et qu'il chercha à sé faire ouvrir. Son passeport était de M. de Cordon, ambassadeur de Sardaigne, daté du 1er avril dernier, sous le nom de chevalier Savardin.
Malgré son adresse â vouloir passer en Savoie, le hasard a fait qu'au prononcé du nom de chevalier de Savardin, que fit l'officier, un soldat reconnut ce nom, et par un autre avis donné par une femme, de ses démarches obliques dans les rues, il fut arrêté à la barrière et reconduit au corps de garde de l'hôtel de ville, où il fut consigné par le procureur de la commune qui survint avec d'autres officiers municipaux. On fit poser son cachet sur ses effets. Il se mit à déchirer quelques papiers qu'il avait sur lui, Le procureur de la commune le pria de ne plus sç donner cette peine. On le lit fouiller ; tout fut soigneusement recueilli, il fut gardé à vue par la garde nationale et la maréchaussée, dans Une chambre de l'auberge* où il fut consigné.
Le conseil général, assemblé le lendemain samedi, dans la màison commune, en présence du chevalier de Bonne et de son domestique, on a procédé à la visite et reconnaissance de leurs effets et papiers. On a trouvé, parmi ces papiers, plusieurs pièces relatives à ses démarches, c'est-à-dire à la conspiration Maillebois. Toutes ces pièces ont été indiquées dans le procès-verbal par numéros; elles ont été paraphéeset cotées au refus du chevalier de Bonne de le faire pareillement. On a remarqué, surtout, différentes petites lettres, billets et avis, qui ne seront point des énigmes pour le comité des recherches. On trouvera aussi un livre de raison, écrit de la main du chevalier; et l'on verra aux folios 38, 39 et 40, l'itinéraire et le journal sommaire dudit chevalier, depuis février 1790. On remarquera ses deux voyages à Thuri, avec les chevaux de M. de Maillebois; une somme dé 1,600 livres en billets, reçu de mademoiselle de Bissy. (1) ; des dîners chez l'ambassadeur de Sardaigne; son départ et son itinéraire depuis Thuri à Turin; son arrivée à Turin le 17; sa présentation chez l'ambassadeur de France; le lendemain chez une dame; les 9, 10 et 11 mars, chez M. ie comte d'Artois; les jours suivants chez le prince de Gondé, chez Leurs Altesses le prince et la princesse de Piémont, chez les autres princes de la même famille; ses dîners chez l'ambassadeur de France; ses billets de visite qu'il a reçus de différents personnages, puis son retour de Turin en France, son arrivée aux Echelles, sa patrie; son voyage à Grenoble avec M. Gagnon, son ami. On verra, dans le même livre, ses habitudes chez dfférentes personnes; ses articles de dépenses, etc.
Les papiers qu'il avait déchirés la nuit précédente étaient : 1° une letireà l'adresse de M. Mon-nier> écrite par une personne qui soupire pour l'air de Suisse, du 27 avril : .il en était le porteur etl'explicateur; 2° une autre lettre contenant un avis important (2). Tous ces papiers essentiels ont été mis en sa présence, sous enveloppe, au cachet de notre ville; il a refusé d'y mettre le sien, en ayant été requis.
On a laissé à sa disposition deux valises, une
vache et des paquets contenant des effets où l'on n'a rien découvert de suspect. On a fait, sous le même cachet de la ville et sous un plomb de douane, un ballot composé d'un paquet d'argenterie, d'une caisse appelée nécessaire, de deux pistolets et d'un gros portefeuille rempli de papiers, mémoires, cartes topographiques, et de diverses lettres, dont une visite bien rapide, pressée sur le temps, n'a pas permis de faire un triage bien exact. Il y a; surtout, une correspondance ancienne et suivie de lettres à lui écrites de la main de M. de La Luzerne, ambassadeur (1). Ce ballot est consigné avec les personnes arrêtées. Hier, dimanche, le conseil général assemblé, considérant que, placé sur une extrême frontière, craignant un enlèvement de la personne du chevalier de Bonne, n'ayant point de prison ni maison gûres, avec une garde nationale trop peu nombreuse, et point assez d'armes pour opposer résistance à dés tentatives ; entouré des parents du chevalier de Bonne, qui habitent aux Echelles, en Savoie, à deux lieues de cette ville, qui déjà nous obsèdent, a arrêté que le chevalier de Bonne, son domestique et leurs effets, seraient transférés à Lyon, et remis et consignés à la municipalité de cette grande ville, à qui nous avons écrit pour la requérir de vouloir s'en charger, et de les faire garder avec sûreté, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale et le Ghàtelet en aient autrement ordonné, annonçant que nous allions avoir l'hon-neùr de vous écrire.
En exécution de l'arrêté, le chevalier de Bonne, son domestique et ses effets sont partis hier au soir sous bonne escorte ; il doivent arriver aujourd'hui à Lyon.
Avant de partir, le chevalier de Bonne a fait des protestations par-devant notaire; il y regrette surtout son nécessaire qui est sous le sceau ; il paraît y mettre beaucoup d'attachement : peut-être, renferme-t-il quèlque chose d'important échappé à nos recherches (2)?
Pendant que le conseil délibérait, M. le maire a reçu une lettre de M. le chevalier de Ghambourg, commandant pour le roi en cette ville, par laquelle il lui annonce que M. le président Devaulx, commandant pour le roi par intérim, à Grenoble, demande les motifs de son arrestation; qu'il dit pouvoir occasionner la guerre avec la Savoie. Le conseil a fait demande de ia lettre de M. De-vaulx, et en a pris lecture; et s'en est fait remettre une ampliation siguée par M. de Ghambourg.
Nous adressons au comité des recherches de l'Assemblée nationale extrait du procès-verbal fait à cette occasion, et le paquet contenant le livre de raison et les papiers découverts suspects parmi ceux du chevalier de Bonne. Vous pouvez, Messieurs, prendre communication de ces pièces à ce comité. Nous vous prions de nous honorer d'une réponse, en indiquant, dans votre sagesse, si les opérations de notre zèle pra trio tique méritent votre approbation.
Nous avons l'honneur d'être avec respect, Messieurs, vos très-humbles et très-obéissants serviteurs.
Les membres du conseil municipal et du con-
seil général de la commune du Pont-de-Béau-voisin :
Berlioz l'aîné, lieutenant du maire; — le maire absent; — J. Chevalier, officier municipal; Buquin, officier municipal ; Boissieu cadet, procureur de la commune; —Condamin, notable; — Pravaz, notable; ~ Hanet, notable; — Durand, notable ; -- J. Berthet, notable ; — La-vigne, notable: Permezel, notable; — Court, notable ; Berthet, notable; Permezel, secrétaire.
A Messieurs du comité des recherches de la commune de Paris.
N° 5.
Interrogatoire de M. le chevalier de Bbnne-Sa-vardin, subi devant le comité.
Première séance,
L'an mil sept cent quatre-vingt-dix, lé 21 mai, nous soussignés, membres du comité des recherches de la municipalité de Paris, nous sommes transportés aux prisons de l'abbaye Saint-Germain, où après avoir mandé M. le chevalier de Bonne, détenu par notre ordre dans lesdites prisons, nous l'avons interrogé ainsi qu'il suit :
1. Interrogé sur ses noms, âge, qualités et demeure, a dit se nommer Bertrand de Bonne-Savardin, âgé de quarante-deux ans ou environ, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancien gendarme de la garde, réformé,, demeurant à Paris, cour de l'Orme, à l'Arsenal.
2. Interrogé si, aux barrières du royaume, il ne s'est pas dit aide-de-camp de M. le marquis de La Fayette, il a dit qu'il n'a jamais pris cette qualité.
3. A lui observé que ce fait se trouve consigné dans l'information sommaire, faite au Pont-de-Beauvoisin ; a persisté à. dire que cette allégation est de toute fausseté.
4. interrogé pourquoi il a mis pied à terre tea arrivant au Pont-de-Beauvoisin : a répondu qu'il se proposait d'aller coucher chez M. François, de la connaissance de ses frères, demeurant clans la partie de Pont-de-Beauvoisin, qui est de. la dépendance de Savoie; qu'étant fatigué, ayant la poitrine échauffée, et besoin de repos, sachant qu'on était toujours fort longtemps à Pont-de-Beauvoisin pour visiter les voitures et faire viser les passeports, et commençant à se faire tard, il avait cru devoir descendre pendant qu'on se livrerait à ces opérations, afin d'arriver plus tôt, ne doutant pas qu'il ne pût passer, comme cela arrive ordinairement, sans être obligé d'attendre sa voiture.
5. Interrogé comment il a présumé qu'on le laisserait passer sans passeport: a répondu qu'on n'en demandait point aux personnes à pied, au moins à ce qu'il croit.
6. Interrogé, si, pendant le cours du voyage, son domestique était avec lui dans la voiture, a répondu : toujours, excepté quelques postes qu'il a courues devant la voiture pendant la première nuit.
7. Interrogé s'il savait, à cette époque, que le comité fût instruit de son voyage à Turin, et du but que l'on assignait à ce voyage dans les papiers publics : a répondu que oui.
8. Interrogé pourquoi, après avoir mis pied à terre à Pont-de-Beauvoisin, et en marchant dou-
cernent derrière sa voiture, il s'arrêtait de temps en temps, puis s'étant avancé'vers l'hôtel-de-ville; il se plaça au milieu de la rue; examinant ce qui se passait devant Je corps de garde; pourquoi, én apercevant une lumière qui sortait au corps de garde, il se recula en se cachant contre une boutique, et glissa rapidement le long des boutiques opposées à l'hôtel de ville, au-devant duquel était le cabriolet: a répondu que sa marche a été toute simple; qu'il a suivi la rue qui est le chemin le plus direct pour arriver à sa destination.
9. A lui observé que les circonstances, dont on vient de lui parler, se trouvent énoncéeset attestées dans l'information sommaire faite à Pont-de-Beauvoisin: a répondu qu'on y a mis ce que l'on a voulu, mais qu'il vient de nous dire la vérité.
10. Interrogé pourquoi il quittait le royaume à une époque où il savait être compromis auprès du comité des recherches de l'hôtel de ville: a répondu que sa santé extrêmement dérangée, exigeait qu'il allât changer d'air ; que sa fortune, qui avait également souffert quelque atteinte, le déterminait à retourner dans son pays, où il comptait faire venir Mme de Bonne.
11. A lui représenté qu'étant en Savoie au mois de mars, il paraît extraordinaire qu'avant l'intention d'y fixer son séjour, il soit revenu en France, soit parti de là pour aller en Flandre, puis en Hollande, et soit encore revenu en France pour retourner dans les Etats de Savoie : a dit qu'il était en mai à la cour de Turin pour y demander du service, n'ayant pour le moment en France ni emploi, ni pension, ni traitement d'aucune espèce; que sa demande à la cour de Turin n'a été ni acceptée ni rejetée ; qu'il tfavait pas laissé néanmoins de concevoir l'espérance de la voir agréée; que n'ayant pas assez de fortune pour attendre ce moment désiré, il était revenu en France, présumant bien que l'on ferait prendre des renseignements sur le peu de talents qu'il peut avoir; qu'arrivé à Paris, il avait appris la dénonciation faite contre M. le comte de Maillebois, dans laquelle il se trouvait impliqué; qu'il avait cédé aux instances de ses amis qui avaient exigé de lui qu'il se rendît près M. le comte de Maillebois, pour être informé de ce qui avait donné lieu à cette dénonciation; qu'ensuite, après les éclarcissements donnés par M. le comte de Maillebois, il était revenu en France, était arrivé à Paris, où il demanda un rendez-vous à M. l'ambassadeur de Sardaigne, qui s'y refusa, et lui conseilla d'aller dans sa famille, en lui observant, par son post-criptum, à ce que croit le répondant, que, depuis son départ, il n'avait appris rien de nouveau sur son affaire; que le répondant a suivi Ce conseil, et^est parti pour se rendre chez lui.
12. Interrogé pourquoi il voyageait sous le nom de Saint-Marc: a répondu qu'il voyageait sous le nom de Savardin.
13. A lui représenté une permission de poste donnée le 27 avril, jour de son départ, par le baron d'Ogny, sous le nom de marquis de Saint-Marc, pour aller à Auxerre, et qu'il a déchirée lorsqu'on l'a arrêté au Pont-de-Beauvoisin : a répondu que, n'ayant point de remise chez lui, il avait laissé en arrivant son cabriolet chez le marquis de Saint-Marc, boulevard Saint-Denis, pour y être remisé; que c'est de là qu'il a envoyé chercher des chevaux pour son départ, et que son domestique a trouvé vraisemblablement plus commode pour le postillon qui devait amener les chevaux, de donner l'adresse précise du lieu où était la voiture. Quant au reproche qu'on lui fait
, d'avoir déchiré le passeport, lors de son arrestation à Pont-de-Beauvoisin : a dit que le fait n'était pas vrai; que ce passeport avait été déchiré par lui le lendemain, en présence de la municipalité assemblée, qui avait regardé d'abord , ce papier comme inutile, ainsi que le répondaut, et que ce n'est qu'après coup qu'un des membres ae la municipalité a cru devoir en ramasser les morceaux et les réunir avec les autres; que plusieurs autres papiers avaient été ainsi déchirés précédemment comme inutiles, tant par lui que par les autres membres de la municipalité.
14. A lui représenté que ce même passeport, donné sous un nom qui n'est pas le sien, a été donné pour aller à Auxerre, tandis qu'il allait à Auxerre, à la vérité, dans un autre endroit beaucoup plus éloigné de Paris, et hors du royaume:-a dit que, passant réellement par Auxerre, et regardant que ce passeport n'était utile que pour sortir de Paris, il n'avait cru déguiser ni sa marche, ni la vérité, et n'y avait attaché aucune importance.
15. Interrogé si c'était aussi son domestique qui avait fait mettre de lui-même cette indication de la ville d'Auxerre :a répondu qu'il ne s'en souvient pas, que )e domestique savait positivement que le répondant allait chez lui, mais que peut-êtré ne s'est-il pas rappelé du nom du lieu, appelé les Echelles.
16. Interrogé pourquoi il a pris à Turin la qualité d'officier au service de France, et en France la qualité de sujet de Savoie, et d'officier au service de Hollande: a répondu, quant à la première partie, qu'il a été réellemeut au service ae France,' puisqu'il avait été réformé des gendarme^ de la garde du roi, avec la compagnie, à qui Sa Majesté avait laissé une activité de dix années, si toutefois on n'obtenait un remplacement avant cette époque; que,d'ailleurs, comme chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, il est bien réellement officier au service de France. Quant à la seconde partie, ayant commandé l'artillerie attachée à la légion de M. le comte de Maillebois, au service des Provinces-Unies, ayant été dans cette République fait lieutenant colonel, il a pu se regarder, et se regarde en effet comme officier hollandais; qualité qui ne déroge point à la première, puisque ayant passé à ce service avec permission, on a, dans l'état de ses services, compté celui-ci, comme un service actif de guerre.
17. Interrogé quelles sont ses relations avec M. Mou nier, ci-devant député à l'Assemblée nationale: a répondu qu'il le connaît peu, et ne l'a vu qu'en revenant de Turin, à son passage à Grenoble, chez un monsieur qui a épousé la nièce de lui répondant, et chez lequel le répondant a soupé et couché; M. Mounier y vint pendant qu'on était à table, avec deux ou trois personnes et y passa la soirée au milieu d'un cercle nombreux.
18. Interrogé pourquoi, arrivé au Pont-de-Beauvoisin, à l'extrémité du royaume, et se trouvant arrêté, il a déchiré une lettre adressée à ' M. Mounier : a répondu qu'il ne s'était aperçu que cette lettre pouvait tirer à quelque conséquence, qu'au moment où lui-même avait été arrêté; que, dans le moment du tumulte, la ré^ flexion n'étant pas bien établie, il avait cherché
à déchirer cette lettre.
19. Interrogé quel est le nom du monsieur dont il nous parle, demeurant à Grenoble, qui a épousé sa nièce: a répondu qu'il s'appelle Gagnon, avocat du parlement de Grenoble.
20. Interrogé comment il comptait faire parvenir à M. Mounier, domicilié &Grenoble, cette lettre qui a été saisie sur lui, au moment où il allait sortir du royaume : a répondu qu'il compr? tait la lui faire passer par une de ces occasions qui se présentent à tout moment.
21. A lui représenté que, dépositaire d'une lettre écrite à M. Mounier, il n'a pas dû se croire le droit de la déchirer : a déjà répondu que la réflexion n'était pas encore bien établie dans ce premier moment de trouble, ce qui l'a empêché de sentir pour l'instant l'irrégularité d'un tel pro?? cédé.
22. Interrogé par qui cette était écrite à M. Mounier: a répondu qu'il n'en sait rien (1), et que la signature doit l'indiquer.
23. Interrogé qui la lui a remise : a répondu qu'il ne s'en souvient pas.
24. Interrogé s'il était chez lui lorsque la lettre a été apportée Va répondu qu'il ne s'en souvient pas davantage.
25.Interrogé pourquoi, en ce cas, il a déchiré la lettre dont il s'agit, s'il ne savait ni qui l'avait écrite, ni qui l'avait apportée, ni quel était son contenu : a répondu que M. Mounier, ayant quitté l'Assemblée nationale, et, à ce titre, pouvant être suspect dans la province, lui répondant avait cru, dans le premier moment, devoir déchirer cette lettre, de peur de le compromettre.
26. Interrogé quelles spnt ses liaisons avec M. Pison du Galand: a répondu qu'il a connu M. Pison du Galand dans son enfance, et que, toutes les fois que l'occasion s'est présentée, ils se sont donné réciproquement des marques d'attachement; qu'il lui a écrit une fois un billet, dépits qu'il est Paris comme député à l'Assemblée nationale, sans se rappeler le contenq de ce billet, et qu'il lui a encore écrit du château de Pierre-Scise, relativement à sa situation.
27.' A lui demandé s'il n'a pas rendu quelques visites à M. Pison du Galand, tant à Versailles qu'à Paris: a répondu qu'il a pu lui fendre deux ou trois visites, tant à Versailles qu'à Paris.
28. Interrogé pourquoi il a déchiré, au moment de son arrestation à Pont-de-Beauvoisin, la lettre en réponse que lui avait écrite, le 23 avril, M. de Gordon, ambassadeur du roi de Sardaigne à la cour de France, a répondu : parce que cette lettre, annonçant que l'on cherchait à arrêter le répondant à Paris, pouvait engager les habitants du Pont-de-Beauvoisin à l'arrêter eux-mêmes, ainsi qu'ils l'ont fait.
29. Interrogé s'il a des relation s avec le comte et la comtesse de La Fare, et M. de Bellegarde, colonel du régiment de la Fère, artillerie : a ré-r pondu qu'il ne les connaît pas et n'a jamais eu avec eux aucune espèce de relations.
30. Interrogé s'il n'a pas eu des relations avec M. le vicomte de Voisin, commandant d'artillerie à Valence : a répondu qu'il n'en a jamais eu et ne l'a jamais connu.
31. A lui demandé s'il a passé à Valence dans ses deux voyages : a répondu que non.
32. Interrogé s'il connaît quelqu'un à Valence : a répondu qu'il croit n'y connaître personne.
33. Interrogé s'il a eu quelques relations avec M. de Narbonne-Fritslar : a répondu qu'il l'a vu à Versailles, mais ne le connaît pas et ne lui a jamais parlé.
;M yqyez ci-après l'article 58, où M. Rpnne-Savarr diû reconnaît que cette lettre a été écritè et lui a été remise par'M. le ci-devant eomte de La Châtre, membre de l'Assemblé* nationale. "
34. Interrogé pareillement s'il a eu des relation^ avec M. Imbert, colonel commandant de la garde nationale de Lyon: a répondu qu'il ne le connaît pas. -
35. Interrogé s'il a des relations à Lyop : a répondu aucune.
36. Interrogé pourquoi il 8 pris & Grenoble pp passeport de M. de Durfort: a répondu qu'ayant besoin d'une permission pour prendre des chevaux de poste, il avait demandé un passepprt en même temps.
37. Interrogé s'il connut M. de Durfort : a répondu qu'il ne le connaît pas piêpae de vue,
38. Interrogé pourquoi U a refusé, à Pont-de-r Beauvoisin, de parapher les piècps sosies sur lui et de signer les propès-ryerbau* : 3 répondu que tout ce qu'on y faisait lui paraissant fort irrégulier, il n'oyait pas cru deyoir l'gu^oriser. ni de sa signature, ni de ses paraphes,
Lecture dtt préseqt interrogatoire, a déclarp qu'il contient Vérité, et a signé. Signé : le cfa valier de Perron, àudart, Gqr-t
ran de Coulon, Agier.
Seconde séance,
Le vingt-deux mai mil sept cent quatre-vingt-dix, nous soussignés, membres du eopiité des recherches de l'hôtel de ville de Paris, nous sommes transportés à la prison de l'Abbaye Saint? Germain', où nous avons interrogé M. le chevalier de BonnpT&avardin, ainsi qu'il suit :
39. Interrogé sur ses nom âge, qualité et deipeure : a dit se nommer Bertrand de Bonne^ Savardin, âgé de quarante-deux ans ou environ, chevalier de l'ordre royal et militairedeSainfcLouis, ancien gendarme de la garde réformée, demeurant à Paris, cour de l'Orme, à l'Arsenal,
40. Interrogé si c'est par ses ordres, qu'après qu'il eu t mit pied à terre dans le faubourg du Poni-de Beauvoisin, son domestique, resté dans la voiture, a dit d'aller tout doucement : a répondu qu'il ne s'en souvient pas; qu'au surplus, sa voiture ayant été brisée à Villefranche, et y ayant passé quatre heures ou quatre et c^mie à la raccommoder, ce qui avait retardé son arrivée au Pont-rde? Beauvoisin ; de tout ce tempsrlà, la voiture étant encore en mauvais étal, puisqu'elle s'est recassée de nouveau lorsqu'on l'a ramenée à Lyon, après l'arrestation dudit sieur répondant, cette recoin? mandation avait été généralement faite toutes les fois qu'elle était sud le pavé.
41. Interrogé pourquoi lui répondant, qui avait dit précédemment qu'il était pressé d'arriver en Savoie, a néanmoins suivi derrière la voiture, au lieu de prendre les devants : a répondu que c'est parce que sa voiture étant traînée par des chevaux de poste, quelque doucement qu'elle allât, allait toujours plus vite que Je répondant, qui, étant fatigué de la poitrine, ne pouvait aller que trè3 lentement; qu'il avait d'ailleurs satisfait un besoin en descendant de sa voiture, ce qui avait donné une avance sur lui d'environ quatre minutes; qu'enfin, s'il avait voulu mettre du mystère dans sa marche, il aurait fait rester sa voiture en arrière, auraitjaassé sans bruit, celui de la voiture ne pouvant qu'avertir qu'il passait quelqu'un,
42. Interrogé pourquoi, ayant dit d'abord qu'il allait en Savoie, lors de son dernier yoyage (qu'il n'a pas fini, parce qu'il a été arrêté), par des raisons de santé et de fortune, il a dit ensuite qu'il y allait par le conseil de l'ambassadeur de
Sardaigne, qui jugeait convenable qu'il s'éloignât à cause des bruits qui couraient sur son compte; a répondu qu'il y est allé pour, l'un ét pour l'autre motif; que si les bruits qui avaient couru lui avaient laissé l'espérance d'être détruits, il y aurait travaillé; que M. l'ambassadeur lui ayant mandé, dans son billet, qu'il conseillait de se tenir caché encore quelque temps, cette espérance était évanouie, et qu'alors sa santé et sa fortune ont réellement commandé le parti qu'il prenait,
43. Interrogé quels étaient les éclaircissements qu'il avait demandés à M.de Maillebois, et obtenus de lui lorsde son voyage en Hollande : a répondu qeu c'était la négociation formelle, de la part de ce général, que l'on eût déposé au comité de$ recherchas un plan de sa main, comme quelque^ papiers l'avaient dit, puisqu'il n'y en avait jamais existé.
44. Interrogé quel jour il est arrivé à Paris, lors de son retour de Hollande: a répondu, le 24, avril.
45. Interrogé pourquoi il est retourné à Paris, s'il croyais y courir des risques: a répondu que son intention était et de détruire les bruits qui avaient couru, et de s'y procurer l'argent nécessaire à son voyagé; qu'il était venu néanmoins, avec quelques précautions, pour éviter d'y être arrêté, si ces bruits n'etâ\ent pas tout à fa,it détruits.
46. interrogé quels étaient les. moyens j.ont il copiptait se seryir pour éch'ircir ou détruire ces bruits : a répondu que c'était en allant au comité des recherches.
47. A lui observé que cette réponse paraît en contradiction avec ce qu'il a dit dansla précédente, « qu'il était venu néanmoins avec quelques pr£-« cautions, pour éviter d'y être arrêté, si ces « bruits n'étaient pas tout à fait détruits » :. a répondu que sa conduite, à cet égard, devait être déterminée d'après le plus ou moins d'activité qu'auraient conservé ces bruits, que s'ils l'eussent conservée telle qu'elle avait été au commencement, il aurait garde l'incognito, comme il t'a fait; qqe s'ils eussent été affaiblis, jusqu'à un certain point, il se serait présenté au comité, toujours en prenant d'abord, dans l'un et l'autre cas, l'avis de M. l'ambassadeur de Sardaigne, à raison des demandes de service qu'il avait faite§ à la cour de Turin, lors de son précédent voyagé ; qu'enfin s'il eût eu seulement l'intention de cacher le voyage q u'il se p ro posait de fai re bien tô t e n Sa voie, il lui eût été facile d'y aller paf l'Allemagne, sang passer par la France.
48. Interrogé pourqqpi il n'a pas couché chez lui, lors de son arrivée de la Hollande: 4 répondu que c'était une suite des précautions qu'il ayait cru devoir preqdre.
49, Interrogé où il pst descendu en arrivant à Paris; a répondu qu'il comptait trouver l'appartement de M. le marquis de Saint-Marc tout meublé, et y loger ; que le cocher qui eu avait ja garefe étant parti ce jour-là même, avec une partie des meubles, pour se reqdre à Bordeaux auprès de son maître, à ce qu'on a dit au répondant, il y avait laissé son cabriolet, et s'était rendu à l'Arsenal, cour des Princes, à l'hôtel d'Amblimont, d'où jl avait fait prévenir Mm? de Bonne et les personnes auxquelles il avait à faire.
5Q. interrogé dans quel endroit sa voiture a .été plfargée, lors de son dernier départ de Paris : a répondu qu'elle n'avait pas été déchargée.
51. A lui observé que, lors de la visite par nous faite, pn Sà présence, des effets qui étaiept dans Sa vache et dans ses porte-manteaux, il poiis avait déclaré que si nous y voyions une si grande quan-
tité d'effets, c'était parce qu'il comptait se retirer dans sa famille, et que ce voyage était une espèce de dédommagement; que cependant sa vache n'ayant pas été déchargée, il paraît naturel de conclure que çe projet n'a pa,s eu lieu, ou avait existé dès son premier voyage: a répondu qu'il avait, en effet, existé dès le premier voyage, et qu'il aurait eu lieu, s'il avait obtenu de suite le service qu'il demandait à la cour de Sardaigne ; que la preuve en est que, lors de ce premier voyage, il avait encore plus d'effets, ayant, outre la même vache, une malle attachée derrière sa voiture, qu'il aurait eue encore, s'il avait été seul; mais qu'ayant un domestique, il n'avait pas voulu la surcharger.
52! Interrogé si, avant son départ de Paris pour son dernier voyage, il a dit à quelqu'un qu'il allait en Savoie ou eu Dauphiné: a répondu que ne suspectant personne de ceux qu'il avait pu voir, pendant son court séjour, il n'avait pas cru devoir dissimuler.
53. interrogé quelles sont les personnes qu'il a vues à Paris pendant çe dernier séjour : a répondu, celles qui lui tenaient de près, quelques amies et peu d'autres.
54. A lui observé que c'est le nom et la qualité de ce3 personnes que nous lui demandons; a répondu que sa mémoire n'est pas très locale, et qu'il n'ayatt un jpuroal que pour suppléer à l infidélité de cette même mémoire,
55- A lui demandé s'il n'a pas une réponse plus précise et plus satisfaisante, à nous faire: a répondu qu'il n'en yqit la nécessité ni le but.
56. A lui représenté que cette dernière réponse détruit la première, puisqu'il suppose qu'il pourrait indiquer- les personnes qu'il a vues durant sou dernier séjour à Paris, s'il voyait la nécessité et le but de la question qui lui a été faite à cet égard; que la nécessité et le but sont évidents, puisqu'ils ne tendent qu'à connaître la vérité, qui ne peut que lui être favorable, s'il est véritablement innocent; que des réponses si vagues, outre qu'elles paraissent contradictoires, ne peuvent être prises que pour un refus de s'expliquer sur cet objet: a répondu que sa mémoire est réellement peu sûre, que cependant il ne se refusera jamais à chercher de se la rappeler toutes les fois qu'on le croira nécessaire; que, pour nous donner uqe satisfaction complète, il nous dira qu'il a vu plusieurs personnes dans la maison où il était logé, sa femme, M. Mugdet de Champallier, un homme d'affaires pour avoir de l'argent, qui s appelle Moulin, demeurant rue Guénégaud : que ce sont à peu près les seules personnes qu'il a vues dans ce temps-là, ajoutant aussi qu'il a vu plusieurs domestiques qui se sont présentés pour son service, parce qu'il en cherchait un.
51. A lui demandé s'il n'a pas vu aussi un membre 4e l'Assemblée nationale : a répondu que ouj, que c'est M. le comte de La Châtre.
58- 4 lui demandé si la lettre qu'il ava,it pour M. Mounier, était de M. le comte de La Châtre ; a répondu que oui '.
5$. Interrogé s'il a fait prévenir M. le comte de La Châtre de sop arrivée, avec prière de passer chez lui : a répopdu que c'était lui-même qui était allé che?M- le comte 4e ^a Châtre, quoiqu'il n'e&t point l'honneur de le connaître.
60. À lui demandé pourquoi il est alléchez M. le comte de La Châtre, puisqu'il ne le connaît point du tout : a répondu que sachant M. le comte de La Châtre attaché à Monsieur, désirant de se faire de nouveaux appuis à la cour de Turin, au sujet de la demande qu'il y avait faite
il avait espéré, à raison de l'intérêt que pouvait inspirer sa position, que M. le comte de La Châtre interposerait ses bons offices pour lui obtenir des recommandations.
61. Interrogé, s'il avait effectivement obtenu ces recommandations par le canal de M. le comte de la Châtre. : a répondu qu'ayant expliqué sa demande au comte de La Châtre, il n'en avait obtenu que des espérances vagues.
62. Interrogé s'il était porteur de quelque lettre de M. le comte de Maillebois, ou des autres personnes que le répondant avait vues en Hollande, pour M. le comte de La Châtre, ou pour quelques autres de ces personnes : a répondu que non.
63. A lui demandé si M. le comte de Maillebois lui avait remis quelques paquets, lors de son précédent voyage à Turin : a répondu qu'il en avait eu une seule de recommandation pour M. le marquis de Sérah, gouverneur des enfants de M. Je comte d'Artois.
64. Interrogé quel jour il est parti pour son dernier voyage : a répondu qu'il croit que c'est le vingt-sept avril à huit heures du soir.
65. Interrogé si M. Gagnon, mari de sa nièce, connaît particulièrement M. Mounier : a répondu qu'il n'en sait rien, et qu'il connaît lui-même fort peu M. Gagnon.
66. Interrogé si, avant les deux voyages dont il s'agit, il n'a pas fait quelques visites avec M. Pison du Galand : a dit qu'il l'a conduit une seule fois chez M. le comte de Maillebois, où était un monsieur qui a détaillé quelques idées sur la finance, et a demandé à M. Pison du Galand, la permission de les lui présenter plus ensemble ; le répondant ignore s'il l'a fait.
67. A lui fait lecture de plusieurs passages d'une lettre datée de Turin, le 12 mars de cette année, par laquelle on annonce l'arrivée à Turin, depuis quatre jours, d'une personne chargée de présenter à M. le comte d'Artois un projet pour opérer une contre-Févolution, projet qui a été dressé par une personne distinguée dans l'ancienne armée française, et qu'on offre denommer dans une lettre subséquente. A lui ajouté que M. de Cordon est instruit du projet en question, suivant la même lettre : a répondu qu'il ne croit pas à la possibilité d'une contre-révolution ; qu'au reste, ces détails ne peuvent pas avoir trait à lui répondant.
68. A lai demandé quels papiers il avait remis à M. le comte d'Artois : a répondu que c'était une lettre qui se trouvait incluse dans celle qu'il avait remise à M. le marquis de Sêran, et que M. le marquis de Séran a remise au répondant, pour lui donner une occasion plus prompte de faire sa cour à Son Altesse.
69. A lui demandé s'il sait le contenu de l'une ou de l'autre de ces lettres : a répondu qu'il regardait la première comme une recommandation de M. le comte de Maillebois pour sa personne ; quant à l'autre, qu'il n'en connaît ni le «contenu,
l'auteur.
70. A lui observé qu'une autre lettre, du 23 du mois de mars, annonce que M. le comte d'Artois répondit à la personne qui apportait le plan, et qui était chargée de le négocier, qu'il rie voulait entrer dans aucun projet qui aurait sa base dans la guerre civile; qu'il était bien à Turin, et qu'il v attendait le résultat des événements ; que d'après cette lettre, il paraît constant que M. le chevalier de Bonne, porteur du plan de M. de Maillebois, était chargé effectivement de le négocier; a répondu qu'il ne doute point que si quelqu'un avait été assez hardi pour faire à Monseigneur
de pareilles propositions, il n'eût répondu, comme il est dit,5ue, quant au répondant, son but, dans cè voyage, avait été d'avoir du service dans les troupes de Sardaigne.
71. A lui demandé s'il entend avouer ou nier qu'il avait été porteur du plan et chargé de le négocier: a répondu qu'il n'a été chargé que de la lettre dont il a fait mention, qu'il a suivi cette affaire, autant qu'il l'a pu, et qu'à cela s'est borné toute sa négociation.
72. A lui demandé si cette lettre contenait le plan, si c'est cela qu'il a négocié, et à quoi il s'est borné: a répondu que M. le comte de Maillebois a bien voulu lui faire lecture de la lettre de recommandation, pleine d'intérêt et de force, et qu'à cela s'est réduit la connaissance qu'il avait de la lettre.
73. A lui demandé de laquelle des deux lettres il entend parler: a répondu que c'était de celle pour M. le marquis de Séran.
74. A lui demandé s'il sait le contenu de la lettre de M. le comte de Maillebois à M. le comte d'Artois: a répondu qu'il ignore si la lettre incluse dans celle de M. le marquis de Séran est de M. de Maillebois, et ce qu'elle contient.
75. Interrogé s'il était présent lors de la lecture faite par M. le marquis de Séran de la lettre à lui adressée, qui renfermait celle pour M. le comte d'Artois: a répondu que oui.
76. Interrogé si la lettre pour M. le comte d'Artois, renfermée dans la première, était ouverte ou cachetée, soit avec un cachet volant, soit autrement: a répondu qu'il l'ignore, qu'il n'a pas porté sa curiosité jusqu'à le regarder; que M. le marquis de Séran lui ayant demandé s'il désirait faire sa cour à Monseigneur, il lui a répondu que c'était une faveur dont il serait très reconnaissant ; et, pour en accélérer le moment, M. le marquis de Séran lui a dit qu'il le chargeait d'aller lui porter la lettre qu'il lui remettait.
77. Observé au répondant que la lettre pour M. le marquis de Séran devait amener celle pour M. le comte d'Artois, et demandé ce que la lettre pour M. le marquis de Séran disait de cette dernière : a répondu que le comte de Maillebois lui avait lu la lettré de recommandation et qu'il ne paraissait pas que cette même lettre contînt rien de plus.
78. Interrogé s'il était présent lors de la lecture, faite par M. le comte d'Artois, de la lettre que le répondant lui avait portée : a répondu que non, qu'il n'avait été qu'une minute avec M. le comte d'Artois qui avait pris la lettre et l'avait mise dans sa poche.
79. Interrogé si M. le comte d'Artois a parlé au répondant, dans quelques autres entrevues, du contenu de celte lettre : a répondu que non.
80. A lui demandé s'il a su à Turin, ce qu'un grand nombre de personnes, surtout à la cour, savaiedt sur le plan offert à M. le comte d'Artois : a répondu que non.
81. Interrogé si la lettre qu'il a remise à M. le comte d'Artois, était une simple lettre, ou un paquet plus ou moins considérable : a répondu, qu'autant qu'il peut s'en souvenir, c'était une lettre en papier ordinaire, et une seule feuille, à ce qu'il croit, sous enveloppe.
82. A lui demandé pourquoi il dit qu'il ne connaissait pas le complot de M. de Maillebois, puisque M. de Maillebois lui-même lui en parle dans ses lettres : a répondu que, depuis -cette époque, il croit n'avoir reçu de M. le comte de Maillebois qu'une seule lettre, dans laquelle il l'informe que les bruits répandus dans Paris
tombent; que telles sont les nouvelles qu'il reçoit de ses parents et amis. Le répondant observe que e'est à peu près là ce à quoi se réduit cette lettre sur cet objet.
83. A lui demandé où il a reçu cette lettre, et quand; a répondu que c'est à Anvers qu'elle lui est parvenue; qu'il ne s'en rappelle pas précisément le jour.
84. A lui fait lecture 'de cette lettre datée du jeudi 15, et du post-scriptum daté de huit heures; à lui observé que M. de Maillebois, dit dans cette lettre, que les nouvelles de sa famille et de ses amis paraissent croire à une chute prochaine du complot, etc., ce qui annonce que le complot était très réel * a répondu que c'est une négli*-gence de style de la part de M. le comte de Maillebois, et non certainement une affirmation.
85. A lui demandé s'il avait vu M. le comte de Maillebois avant de recevoir cette lettre, s'il la revu aussi depuis, toujours en Hollande, lors de son dernier voyage : a répondu qu'il l'a vu en Hollande auparavant et depuis dans son dernier voyage.
86. A lui demandé quel avait été le but de ce retour auprès de M. de Maillebois: a répondu que c'était pour lui faire ses adieux, au moment où M. de Maillebois quittait Breda pour s'en retourner à la Haye, et lui répondant repartant aussi pour revenir en France.
87. A lui représenté qu'il était surprenant qu'il ne lui eût pas fait ses adieux dès la première fois : a répondu que M. le comte de Maillebois, comptant se [reposer une demi-journée à Gor-cum, pendant sa route, il avait désiré avoir auprès de lui le répondant, pour dominer sa solitude; et que c'est de là qu'il l'a quitté pour revenir à Paris.
88. A lui observé, de nouveau, qu'ayant passé tant de temps avec le comte de Maillebois, il a dû avoir sur le complot qui leur était attribué en commun des conversations très détaillées, et qu'une des réponses du précédent interrogatoire, paraît effectivement annoncer qu'il avait eu des éclaircissements à ce sujet avec lui; ce qui semble indiquer plus qu'une simple dénégation du complot: a répondu que M. le comte de Maillebois sait toujours s'arrêter au point juste où il veut porter sa confidence et ses épanchements.
Lecture faite du présent interrogatoire, M. le chevalier de Bonne a déclaré y persister, et a signé avec nous. Signé : le chevalier de Bonne-Savardin, Oudart, Perron, Garran de Coulon, Agier.
Trosième séance,
Le vingt-trois mai mil sept cent quatre-vingt-dix, nous, soussignés, membres du comité des * recherches, nous sommes transportés à la prison de l'Abbaye, où nous avons continué àUnterroger M. le chevalier de Bonne ainsi qu'il suit :
89. Interrogé sur ses noms, âge, qualités et demeure : a dit se nommer Bertrand Bonne-Savardin, âgé de quarante-deux ans ou environ, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancién gendarme de la garde, réformé, demeurant à Paris, cour de l'Orme, à l'Arsenal.
90. Interrogé pourquoi des raisons de santé et de fortune l'ayant déterminé, ainsi qu'il nous l'a dit, lors de son premier voyage, à aller demeurer en Savoie, au sein de sa famille, il n'y est pas resté, au lieu de revenir en France comme il l'a fait: a répondu qu'il croit avoir déjà satisfait à cette question; qu'au surplus, il répète que, présumant qu'on prendrait en France des ren-
seignements sur le peu de talents militaires qu'il pouvait avoir, il s'était déterminé à venir à Paris ; qu'il a été fortifié dans cette idée, lorsque M. le marquis de Séran lui a remis une lettre pour M. le comte de Maillebois et un paquet à l'adresse de M. l'ambassadeur de Sardaigne.
91. Interrogé s'il sait pour qui était le paquet à l'adresse de l'ambassadeur de Sardaigne : a répondu que, le croyant relatif à lui, il ne fut pas peu surpris lorsque M. l'ambassadeur ayant ôté la première enveloppe, M. l'ambassadeur lui fit voir que l'enveloppe seule était à son adresse, et le paquet pour Mme la marquise de Séran.
92. Interrogé s'il sait ce' que contenait le paquet, et pourquoi M. de Séran l'adressa à M. l'ambassadeur sans aucune lettre, au lieu de l'adresser directement à sa femme, que ces deux faits paraissent peu croyables: a répondu que ces faits sont exacts et qu il n'en Sait pas davantage.
93. Interrogé s'il sait ce que contenait la lettre pour M. de Maillebois : a répondu qu'il ne l'a pas vue, mais que M. le comte de Maillebois lui a dit qu'elle contenait des dispositions favorables aux vues que le répondant avait d'entrer au service de la cour de Turin.
94. Interrogé si, au retour de son premier voyage, il n'a pas remis à M. le comte de La Châtre, une lettre de M. Mounier, que ce dernier lui aurait remise à Grenoble, où le répondant nous a dit l'avoir vu : a répondu n'avoir jamais vu M. le comte de La Châtre qu'une seule fois, et ne lui a remis ni fait remettre aucune lettre quelconque.
95. Interrogé quelle est la conversation détaillée qu'il a eue avec M. le comte de La Châtre, suivant la lettre de ce dernier : a répondu que la conversation qu'il a eue avec M. le comte de la Châtre s'est passée presque tout entière en présence du fils de ce dernier, et qu'elle a porté sur l'intérêt que lui, répondant, désirait lui inspirer pour le déterminer à interposer ses bons offices, pour le succès de la demande de service qu'il avait faite antérieurement à la cour de Turin.
96. Après avoir fait lecture au répondant de ladite lettre, nous lui avons demandé pourquoi M. le comte de La Châtre annonce dans sa lettre cette conversation à. M. Mounier, que le répondant ne connaît point particulièrement, ainsi qu'il nous l'a dit, et qui ne l'avait point recommandé à M. de La Châtre ; pourquoi ce dernier observe même dans sa lettre que la conversation dont il s'agit a été aussi détaillée qu'il est possible: a répondu qu'il saurait rendre compte des ftiotifs ét des expressions de M. le comte de La Châtre, qui, ayant su du répondant qu'il avait passé par Grenoble, lui a demandé s'il avait entendu parler de M. Mounier; à quoi il a répondu qu'il l'avait vu quelques moments en société ; M. de La Châtre a repris : Savez-vous s'il est à son aise ? le répondant lui a dit qu'il l'ignorait absolument. M. le comte de La Châtre alors a fait l'éloge de ses talents et de son honnêteté.
97. A lui observé qu'il résulte de la première phrase de la lettre, combinée avec la seconde, que le répondant avait été chargé de rendre compte à M. Mounier d'une conversation que M. de La Châtre n'avait pas eu le temps de mettre par écrit : a répondu qu'il se réfère à sa dernière réponse.
98. Interrogé si cette conversation n'avait pas pour objet de charger le répondant d'engager M. Mounier à prendre part au projet de M. de Maillebois, et notamment a rédiger le manifeste qui devait être un des premiers actes de l'exécution
du projet, ainsi que l'annonce la partie desleltres de Turin qui a été lue au répondant, dans ta séance précédente et qu'on lui a relue dans l'instant : a répondu qu'il a rendu compte du motif qui l'a conduit chez M. de La Châtre et de cç qui avait fait le sujet de leur conversation.
99. Interrogé s'il était instruit du contenu de la lettre de M. de La Châtre à M. Mounier, lorsqu'il en a été chargé : a répondu que non.
100. Interrogé si M. de La Châtre ne Pavait pas chargé de la mettre en mains propres à M. Mounier : a répondu que non.
101. À lui observé que cette lettre semble néanmoins s'en référer au répondant, pour rendre compte de la conversation détaillée dont elle parle et qu'il n'est pas possible que M. de La Châtre n'ait pas chargé le répondant d'en rendre compte à M. Mounier : a répondu que non, comme aux deux répoùses précédentes.
102. A lui représenté que le projet de faire rédiger par M. Mounier, conjointement avec M.deLal-ly-Tollendal, un manifeste, n'est pas seulement assuré par les lettres de Turin, mais encore dans le précii laissé au comité par M. Massot-Grand'Maison, qui a déclaré avoir transcrit lui-même le projet dont il nous a remis le précis, sur l'original de la main de M. de Maillebois, sur la communication qui lui en avait été faite, avec prière.de le transcrire, par le répondant, à l'appui de laquelle représentation, nous lui avons fait lecture, tant de la déclaration faite au comité par M. Massot-Grand'Maison, le vingt-quatre mars dernier, que du précis du projet que ce dernier y a joint :
103. A répondu que, de quelque manière, èt par qui que ce soit, qu'ait été assuré que le projet ae faire rédiger par M. MounieretparM.deLally-Tollendal, un manifeste, ait eu lieu? il n'en résulte rien qui ait trait au répondant ; que tout ce qu'a pu dire M. Masso-Grand'Maison,' tant dans sa déclaration que dans son. précis, est loin de ce caractère d'évidence qui peut seul faire ajouter foi au dire d'un secrétaire, qui se porte à dénoncer son bienfaiteur et à impliquer un homme qui ne lui a donné que des marques d'amitié.
104. A lui représenté que'cette réponse n'est point du tout précise, qu'elle ne contient ni aveu ni dénégation des faits sur lesquels le répondant vient d'être interrogé : a répondu qu'il n'a entendu, dans sa réponse, mettre autre ohose qu'une dénégation formelle.
105. A lui demandé si, par cette réponse, il entend nier avoir communiqué à M. Massot le projet de contre-révolution qui avait été confié au répondapt, par M. de Maillebois : a répondu que oui.
106. A lui demandé si, à l'époque du mois de février, il n'a pas remis à M. Massot quelque écrit de M. de Maillebois, pour le copier, attendu la pejne que lui, répondant, avait à èn lire l'écriture : a repondu que non.
107. Interrogé s'il n'était pas convenu, entre M. de Maillebois et ie répondant, que les lettres qui seraient écrites de Turin par ce dernier à M? de Maillebois, seraient adressées â M.Grand-Maison, avec l'indication particulière de deux étoiles pour les remettre, sans les ouvrir, à M. de Maillebois : a répondu qu'en effet M. lé comte de Maillebois ayant demandé au répondant de lui donner de sès nouvelles, il lui avait observé qu'on ne manquerait pas, si on voyait venir à son adresse des lettrés de l'étranger, de les ouvrir et de les commenter d'une manière quelconque ; que dans la plupart des affaires de Hollande, il s'était
servi de l'adresse de M. Grand'Maison, et qu'il croyait que le répondant ferait bien d'employer le môme moyes ; que, cependant le nom de Grand'M^aison étant compromis dans une affaire de contrefaçon dte billets de ta «tisse dVscorw-pte, iî n'en craignaii pas les inconvénients, les.détails de sa santé, que te répondant pouvait lui donner, n'intéressant que son amitié ; ajouté que par rapport à la prétendue indication des deux étoiles, le fait notait pas vrai ; ce- qui est prouvé par la lettre écrite par le répondant de la Novalèse, et que M. Grand'Maison a remise au comité des rerbwbes.
108. A lui observé que, puisque les lettres du répondant ne devaient rentenir que des nouvelles de sa santé, M. de Maillebois n'avait point à craindre qu'elles fussent commentées en aucune manière, et que, dès lors, la précaution ckdessus Fappelée est inutile. Observé encore au répondant que sa lettre* écrite de la Novalèse, et dépensée au comité, ne parle point de santé: a répondu qu'il a pu mal rendre l'intention de M le comte de Maillebois, mais que cette manière de s'expliquer ne détruit pas la vérité; que, quant à la seconde observation, c'est pour ne pas toujours parler de lui, surtout au moment où il se portait bien, qu'il n'a pas fait mention de sa santé.
109. A lui demandé s'il a écrit d*autres lettres à M. de Maillebois, depuis son arrivée à Turin: a répondu que oui, qu'il en a écrit deux ou trois.
110. A lui observé que ce sont des nouvelles bien suivies dans un si court délai, surtout quand il n'est pas question de santé dans la dernière lettre qui est de la Novalèse; quMi paraît constant qu'il y en a eu quatre en dix-sept jours, en y comprenant celle de la Novalèse: A répondu qu'il est peu sûr du nombre positif des lettres; qu'il était dans son usage d'écrire à M. de Maillebois presque à tous les courriers, depuis plusieurs années.
111. A lui observé que, par sa lettre de la Novalèse, il écrit à M. de Maillehois qu'il a une lettre à lui remettre et un paquet pour son ami de la rue du Cherche-Midi, ajoutant qu'il croit qu'il sera nécessaire que cet ami le communique à M. le comte de Maillebois; qu'il résulte, ce semble, de là, que ce paquet, dont il était porteur pour M. de Gordon, était bien pour ce dernier, et non pour Mma la marquise de Séran, comme le répondant l'a déclaré dans une de ses réponses précédentes : A répondu qu'en effet, présumant que le paquet contenait les pièces relatives à l'entrée au service de la S^rd^igne, qu'il sollicitait, il avait cru que le marquis de Cordon devait les remettre à M. le comte de Maillebois, comme étant celui qui avait mis le plus d'intérêt à ce qu'il obtînt la faveur qu'il était allé demander; qu'il a été déçu dans cette espérance, lorsque M. l'ambassadeur en a ôté la première enveloppe.
112. A lui représenté qu'il paraît bien extraordinaire que M. le marquis de Séran ait donné de pareilles, espérances au répondant, comme on doit le conclure de cela seul que le répondant lès avait eues, et que cependant il ne se spitrien trouvé de relatif au répondant daqs le paquet adressé à M. le comte de Gordon : A répondu qu'il est de toute vérité qu'au moment où le marquis de Séran lui a remis le paquet, le répondant a demandé s'il pouvait compter sur l'obtention de la grâce qu'il avait sollicitée, à quoi M. de Séran a répondu qu'j} crovait que cela était contenu dans le paquet qu'il lui remettait.
Lecture faite dudit interrogatoire, M. Jé Gheva-lier de Bonne y a persisté et a signé avec nous. Signé ! le chevalier de Bonne-Sapardin, Garrfin de Çoulçn, Perronf Agier} Quiarf,
Quatrième séance,
L'an flail sept eept quatre-vingt-dix, le 24 mai, nous, soussignés, membres du comité des recherches, nous sommes transportés à la prison de l'Abbaye, où nous avons continué à interroger M. Je chevalier de Bonne, ainsi qu'il suit ;
113. Interrogé sur ses noms, âge, qualités et demeure, a dit se nommer Bertrand Bonne-Savardin, âgé de quarante-six ans et demi* chevalier de i ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancipn gendarme dp la garde, réformé» demeurant à Paris, ppurs de l'Orme, à l'Arsep^l; obserpe que, dans sef précédents \r\.terrpga(pires, il s'ept trompé sur pont âge. étant né tp fi décembre 1743, ainsi qu'il vient dptve constaté pqr §çn trait 4e baptême.
)\A, Interrogé pourquoi il pe s'était pas conn tenté de prendre f adresse du sjaur Grand'Maison, pour écrire à M. de Maillebois, mais que, dans le corps même d@ la lettre, il appelle celui a qui il écrit » mop cher Grand'Maison i; a répondu que ces lettres étaient si peu importants qu'il n'avait point de raison pour que M- jGrand'-Maison n'en .pût pas popuaissaupe, lequel sieur ijrand'MftisQ1? n'aurait pas manqué d'en 4oà ner connaissance à M. de Maillebois.
J15. A lui présenté qu'il présente comme faux le remis ppr M. Graud'Maison au eo-
mité dps recherches, dans lequel il est dit, entrç autres .choses, que les frais du voyage de Thur| à Turin qpt été faits par M. Boupgevin de Saint? Mpris, et que cependant ces faits sont constatés parle journal du répétant lui-même ; a répondu que pe n'est ppipt avec l'argent fie $f le comte jde Maillebois qu'il a fait les frais de ce voyage ; qu'il est vrai cependant que c'ast M. le comte de Maillebois qui lui en a fourni les moyens alors, gpais M. de Maillebois n'a fait qu'acquitter vis-à-vis de lui une anqjenqe dette qu'il avait contractée, lorg même de la rpfprrpe de sa |ég|pn. M. Massot-Grand'Maison doit se rappeler très bipq qu'à cette époque, Ips Etats généraux de Hollande ontapcordéa Chaque capitaine proprié-; taire l'armement et équipements de leur Gf:/mpa gnie, que chacun de ces capitaines a vendus à son profit. Les gens d'affaires dp M- de M^ilepois ont non seulement vendu les armes et équipements des 4éux compagnies de cavalerie et des deux autres d'infanterie qui appartenaient 4 M. de Maillebois, mais encore les armes et équii pements de la Gqiippagnie d'ariii^riq qui appirr tenaient au répondant. Cet argent est resté eqtre jas ruaips des gens d'affaires de M. le comte ue Mailiebpis, qui avait toujours gffljpjg au rérçpnr dant de lui en ipmr compte, et qui l'a faU » fr l'épqque de son yoyagp, pu Jtti epvpyaRt UU epetI de M. Bpurgpvin ne Saipt-Mqris» sur lequel effet Je répondant a reçu dix-îpiit cpnts francs par leg
mains dé M- Moulin, demeurant rue Guénégaud, somme quj n'équivaut pas aux répétitions qu'il a à faire si^r M. de Maillebois, relativement à l'Objet dont il vient de nous parler-
116, Interrogé si c est Ipi qui, étant à. Tburi»
a tait part à M- Massot-Gran4'Maisou m remisa entre ses mains de Teffet souscrit par M. gqurgeyin de Saipt-Moris, au profit qe M. Maiilepois, a répondu qu'il ne erpit pas en ayoïf parlé à M. Massot, qui, d'ailleurs, n'a pag eu bpr
soin de ce que pouvait lui dire le répondant pour être informé de ce fait, puisque M. le comte de Maillebois ayant remis à M. Massot une lettre non cachetée, qui traitait de cette affaire avec M, Moulin, M. Massot l'a gardée plusieurs jours et a fiai par l'envoyer sous enveloppe au répondant, avec prière de ne pas parler a M. le pomte de Maillebois du retard qu'il a apporté à faire partir cette lettre, d'y mettre l'adresse et do l'envoyer à sa destination, ce que le répondant a fait*
117. A lui obseryé qu'il paraît tellement certain que la somme procurée par M. de Maillebois avait pour objet les frais du ypyage à Turin; que le calcul des frais de poste a été fait entra la répondant et M. de Maillebois, à l'époque de son départ : a répondu que, dans l'intention où il était de faira ce voyage, il a sou veut provoqué M. de Maillebois pour lui en fpuruir les moyens, en acquittant l'ancienne dette cirtlegsus énoncée j que le calcul des postes, fait avec M. de Mailletypis, est vrai, et est une suite des connaissances locales et exactes qu'a M. de Maillebois, non seulement dans lps provinces de France, mais epppre dans presque tous les pays étrangers.
11S. A lui demandé si, lors de la remise de l'eft fet dont il s1 agit, M. de Maillebois a dû au répon-r dant qtiHl s'acquittait d'autant envers lui de SPU ancienne dette : A répondu que M- de Maillebois n'est entré dans aucun détail à cet égard, et que lui, répondant, a consigné dans SQn registre la somme reçue, non seulement pour s'en rendre compte, mais encore pour en décharger M, de Maillebois. .
119. A lui représenté que cette imputation n'est pas faite sur le registre du répandant: a répondu que la dette de M. de Maillebois vis^vis de lui était plus ancienne que son registre, et que, dans un moment de loisir, il l'aurait portée en 4épJ}avg§ dans le lieu où la même date était consigné?.
120. A lui demandé qui sont M, et HW» VinaU habitants à Turin : a répondu qu'i} les arpit négociants, et qu'il leur a été présente par M, (H* raud, un de leurs amis, que ie répondant ue cqn? naissait point particulièrement alors, tuais qu'il connaissait beaucoup sa famille*
121. AluidemandéquiestM.Pacayla^aréRQUdi} que c'est un maréchal dp camp, gontilbPm«UP attaché à M. le prince de Gondé, chargé, eu Petfô qualité, de présenter à §ph Altesse?
122. A lui ietpandé opp^ment le marQU.is de Sèran l'a changé, ainsi qui} nous l'a dit dans un de ses précédents interrogatoire, 4§ prejenferà Mi if eomte d'Artois une lettre gui lui étpù adressée à lui-même, marquis de $éran-> POU? la TGfyûtP'ê aù prince ; a répondu qu'il peut facilement f endre compte de ses motifs, de ses démavehhi ma?* Qu'il ne lui est pas également facile de rendre compte de ceux des autres,
123. Interrogé si M• le mafÇUifs de i$érqn ne l'y chargé de présenter cette lettre, parce gu'elfô çotir tenait l'annonce d'un projet ou affaire Quelconque dont lè répondant devait ùonnev l'e^plipaHon ; a répondu que lorsqu'il a eu Vhown6Uv '4e- VQW monr seigneur le comté d'Artois $ cette époque, Sqn 4k tesse a mis Ifh lettre daris sa paçfre sans la $ref ainsi qu'il nous l'a ôbseryé tfvéfmûfrirtynt,
124. Interrogé quel jour ii a remis a M. le marT quis de Sgran la lettre dopt il était chargé p6qf lui, et ensuite à M- lë comte d'4rtois celle incluse dans la précédente : a répondu que p'fst le joqp même de son arrivée $ Turip,
125. Interrogé s'il a ensuite éfé pfésafltë
les formes à Mf le ponjfe ii'Àrtpis, et par qui: a répond^ que n'y ayauH pQiul dg pntifcflurê
la chambre auprès de Son Altesse, il a été présenté par le valet de chambre de service, peu de /ours après.
126. Interrogé pourquoi M. Vambassadeur de Sardaigne, dans la lettre qu'il lui a écrite le vingt-cinq avril, lui dit : Je sais qu'on vous a fait chercher, et que vous pourriez bien encore être arrêté, quoique les bruits de vos projets soient ralentis depuis quelques jours ; terme qui parait annoncer que le- répondant avait réellement des projets qui étaient à la connaissance de M. Vambassaaeur, et dont les bruits couraient dans le public ; a répondu que cette négligence de style n'est pas rare dans un billet mal soigné ; que M. l'ambassadeur, comme tout le monde, a dû être informé des bruits qui auraient couru, et qu'en instruisant le. répondant qu'on l'avait fait chercher, et qu'il pourrait encore être arrêté, il a voulu le mettre sur la voie, et lui rappeler les bruits qui avaient eu lieu et qui se ralentissaient à l'époque du billet; M. l'ambassadeur n'a certainement pu avoir une autre intention.
127. Interrogésurcequesignifielepost-scriptum conçu en ces termes: « les choses sont d'ailleurs comme vous les avez laissées, et je n'ai rien appris de nouveau depuis vous » : a répondu qu'il n'avait pas eu l'honneur de voir M. l'ambassadeur depuis l'époque où il lui avait remis le paquet, qu'il croyait contenir les assurances positives de l'obtention de la grâce que le répondant sollicitait à la cour de Turin; qu'il avait manifesté sa surprise, lorsqu'il a été déçu, et avoir prié M. l'ambassadeur de vouloir bien l'informer, lorsque l'occasion s'en présenterait, s'il n'avait rien appris de nouveau à cet égard.
128. Interrogé pourquoi M. de Maillebois, à qui, suivant qu'il nous l'a dit précédemment, il n'écrivait que des choses indifférentes, lui dit, dans la réponse du jeudi quinze : Je vous remercie de -vos nouvelles ; elles sont assez graves, chacune dans leur genre : a répondu que la lettre de M. de Maillebois dont il s'agit, est une réponse à une que lui, chevalier de Bonne, avait écrite à M.de Maillebois, d'Anvers, et dans laquelle il lui faisait part que le général Vander-Mersch avait étéarrêté et conduit à la citadelle d'Anvers, objet dont il se souvient positivement ; l'autre nouvelle avait apparemment trait aux affaires du Brabant, ce dont fi ne se souvient pas.
129. A lui observé que sa réponse paraît peu d'accord avec le commencement du post-scrip-tum, où M. de Maillebois dit : « Je reçois dans le moment votre lettre, monsieur le chevalier; j'espère que vous aurez mis toute la prudence possible dans votre entrevue, si elle a lieu»; à lui demandé si toutes ces précautions de prudence et ces nouvelles assez graves, chacune dans leur genre, n'ont pas trait plutôt au complot dont il est parlé dans le commencement de la lettre : a répondu qu'elles n'ont trait qu'aux nouvelles que lui répondant avait mandées à M. de Maillebois, et que la prudence que M. de Maillebois lui recommande porte sur ce qu'il devait se rendre près du général de Klemberg, attesterait, s'il en était besoin, la vérité de ce qu'il vient de dire.
130. A lui demandé qui est M. de Grassier dont il est parlé dans la même lettre de M. de Maillebois : a répondu que c'est un député à l'Assemblée nationale, qui était lieutenant-colonel de la légion dé M. de Maillebois, et que le répondant a connu à cette occasion, mais sans avoir jamais eu de liaisons avec lui.
131. Interrogé ce que signifie cette autre phrase de M. de Maillebois : « un troisième avis plus en-
tortillé semble croire qu'on attend des réponses de T...» : a répondu qu'il n'en sait rien.
132. A lui demandé ce que c'est que la blêche-rie du cherche-midi à quatorze heures, dont il est encore parlé dans la même lettre : a répondu qu'il n'avait point entendu cette expression, et n'y a attaché aucune importance.
133. A lui observé qu'il vient de déclarer qu'il n'avait pas entendu les deux phrases de la lettre de M. ae Maillebois, rappelées dans les deux questions précédentes; qu'il a vu très peu de temps après M. de Maillebois; qu'il est impossible qu'ils n'aient pas parlé ensemble du sujet de cette lettre, qui intéressait essentiellement leur honneur, leur liberté et leur vie à tous deux; qu'en effet, c'est, à ce qu'il paraît, le seul sujet dont il soit question, tant dans cette lettre, que dans d'autres adressées au répondant, et dont- il a été trouvé nanti; que d'après cela M. de Maillebois a dû nécessairement interpréter au répondaut ces deux phrases, dans l'entrevue qu'ils ont eue ensemble, par les détails où il a dû entrer à ce sujet ; et qu'en tout cas le répondant n'a pu oublier de lui en demander l'interprétation : a répondu que toutes les fois que M. le comte de Maillebois ne s'expliquait pas clairement et positivement vis-à-vis du répondant, il croyait devoir respecter ses motifs, et n'en demander jamais compte.
134. A lui représenté que M. de Maillebois, en lui écrivant, a bien pu vouloir employer des expressions inintelligibles pour des tiers, mais qu'il serait absolument déraisonnable de supposer qu'il eût voulu n'être pas entendu de celui-là même auquel il écrivait, et que, dès lors, le répondant n'ayant pas entendu une partie aussi intéressante de cette lettre, il a dû nécessairement en demander l'explication, en supposant qu'elle ne lui eût pas été donnée sans la demander: a répondu que la lettre est généralement intéressante, et a été entendue par lui répondant, comme elle peut l'être par tout le monde; ce qui ne l'est pas également pour lui répondant, comme pour ceux qui l'interrogent, est le mot blêcherie du cherche-midi à quatorze heures. Car, quant à l'autre phrase qui parle d'un troisième avis plus entortillé, elle annonce que M. le comte de Maillebois a reçu deux avis antérieurs j et il paraît ne vouloir pas dire d'où part le troisième avis,qu'il dit entortillé. Sur tout cela, il n'en est pas moins vrai que le répondant n'a fait nulle espèce de question, et ne peut, par conséquent, donner de solution plus précise.
135. Interrogé pourquoi, dans le billet de présentation aux duc de Génevois et comte de Mau-rienne, le répondant est qualifié de lieutenant-colonel au service de France, quoiqu'il ne le soit pas : a répondu que, servant la France, il a, sans quitter ce service, servi en Hollande, où il a obtenu le grade de lieutenant-colonel; ce qui a vraisemblablement occasionné un quiproquo qui n'est point du tout de son fait.
136. Interrogé pourquoi, daqs un passeport du 28 mars dernier, signé de M.deDurfort, commandant à Grenoble, le répondant se trouve qualifié de lieutenant-colonel dans l'état-major de l'armée: a répondu qu'ayant réellement le brevet de lieutenant-colonel, ayant servi dans l'état-major de l'armée, fait connu de sa famille, c'est un de ses parents qui, pendant le court espace qu'il resta à Grenoble, à répoque de ce passeport, fut le demander à M.deDurfort, etqui a commis de son chef cette erreur; que ce parent est M. Gagnon, mari de la nièce du répondant, qu'au reste cette erreur est moins grave qu'on ne semble le pré-
sumer, puisque, lorsque l'année dernière, il servait dans l'état-major de l'armée, il a porté, de l'aveu du général, la marque distincte de ce grade, et est allé faire part, dans les bureaux de la guerre, de la permission que le général lui avait donnée.
137. A lui observé que son livre-journal prouve qu'il a rendu des visites fréquentes à M. de Maillebois et à M. de Gordon, et pour ainsi dire, au même instant, à l'un et à l'autre, peu de temps avant son voyage de Turin, au mois de février. A lui demandé l'objet de ses visités: a répondu qu'il allait, en effet, souvent chez M. le comte de Maillebois, beaucoup plus rarement chez M. le marquis de Cordon ; et que, s'il est allé de chez le premier chez le dernier, c'est qu'aimant à rendre, par devoir et par attachement, ce qu'il doit à ces messieurs, logeant à une grande distance de l'un et de l'autre, il profitait, soit de la voiture qui l'avait amené, lorsqu'il en prenait, soit de la proximité où il se trouvait alors. . 138. Interrogé pourquoi n'allant à Turin que recevoir de M. de Maillebois des lettres de recommandation à la cour de Turin, ce dernier a porté la prévenance jusqu'à envoyer ses chevaux prendre le répondant à Paris, et le porter jusqu'à Beaumont : a répondu que ce n'est pas seulement pour obtenir des recommandations de M. de Maillebois, non pour la cour de Turin, pour laquelle M. de Maillebois ne lui en a point donné, mais encore par attachement pour M. de Maillebois, pour Mm* la marquise et M. le marquis de Cassini, qu'il connaissait depuis longtemps, et à l'invitation desquels il ne s'est pas toujours rendu ; que les chevaux que M. le comte Maillebois a bien voulu lui prêter pour faire une partie de la route, dans les différents voyages et dans les différentes années où il y a été, étaient pour diminuer les frais qu'entraînaient ces voyages; qu'au reste, le dernier qu'il y a fait a été avec des chevaux de poste.
139. A lui observé que, suivant son livre-journal, à l'époque du mois de février dernier, ses relations avec M. de Maillebois deviennent beaucoup plus fréquentes, quoique M. de Maillebois fût à la campagne; qu'on le voit arriver à Thuri le 9, conduit par les chevaux de M. de Maillebois, qui étaient venus le chercher la veille, y rester les 10, 11 et 12, et en partir le 13 à quatre heures du matin, pour y retourner le 21, et en partir le 22; a répondu que l'activité qu'on observe est motivée par le séjour de M. de Maillebois à la campagne, après un long séjour à Paris, ou la gontle l'avait retenu; que M. de Maillebois était parti peu de jours auparavant, pour se rendre lui-même à la campagne, et ne s'était point servi de ses chevaux, trop peu nombreux pour conduire sa voiture chargée comme elle l'était; que c'est ce qui a donné au répondant la facilité d'en faire usage; que s'il est reparti de Thuri quatre jours après, et de si grand matin, c'est qu'il s'était chargé d'amener à Paris MUe Saint-Hilaire de Force ville, nièce de M. le marquis de Cassini, qui venait pour affaires, et qui a logé à l'Observatoire, chez Mm° de Cassini, sa tante, à ce que croit le répondant ; qu'il est retourné, en
venu à Paris, où ses affaires l'appelaient.
140. Interrogé pourquoi, pendant le court séjour du répondant à Turin, il s'est fait présenter, non seulement à M. le comte d'Artois, mais au roi de Sardaigne et à toute sa famille,
ainsi que ,M. le prince de Condé :a répondu qu'ayant obtenu cette faveur, il a cru, comme sujet du roi de Sardaigne, et officier au service de France, devoir porter à Leurs Altesses le tribut de son hommage et de ses respects.
141. Interrogé pourquoi, son journal contenant exactement ce qu'il a fait à Turin, même les jours où il a simplement dîné à son hôtel, les 15 et 20 mars sont absolument en blanc dans ce même journal : a répondu qu'on trouvèra plus d'une fois, dans ce même journal, des dates en blanc; ce qui annonce, ou qu'il n'a pu se rendre compte de ce qu'il inscrit ordinairement sur" ce journal, à l'époque où il a voulu soulager sa mémoire, ou qu'il n'y a rien eu dans ces jours qui nécessitât un mémento.
142. Interrogé pourquoi, ce journal finit au 11 avril: a répondu qu'ayant toujours été en course depuis ce moment-là, il lui a été impossible de se rendre compte en détail de ses dépenses, objet particulier de ce journal.
Lecture faite dudit interrogatoire, M. le chevalier de Bonne-Savardin a persisté dans ses réponses, et a signé avec nous. Signé; le chevalier de Bonne-Savardin, ~Garran de Coulon, Agier, Perron, Oudart.
Cinquième et dernière séance,
L'an mil sept cent quatre-vingt-dix, le quatre juin, nous soussignés, membres du comité des recherches, nous sommes transportés à la prison de l'Abbaye-Saint-Germain où le chevalier de Bonne a été par nous interrogé ainsi qu'il suit :
Interrogé sur ses noms, âge, qualités et demeure; a dit se nommer Bertrand Bonne-Savardin, âgé de 46 ans et demi, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancien gendarme de la garde, réformé, demeurant à Paris cour de l'Orme, à l'Arsenal.
Interrogé à qui les trois lettres de Turin, suivant une note de sa main (1), trouvée dans ses papiers, étaient adressées et ce qu'elles contenaient : a répondu qu'il ne croit avoir écrit de Turin que deux lettres; qu'il en a écrit une troisième, mais seulement lorsqu'il était, à la Nova-lèse; que toutes trois étaient adressées à M. Grand'Maison ; que les deux premières ne contenaient que des nouvelles de gazette, et que quant à celle de la Novalèse, nous en avons roriginal entre les mains; qu'au surplus, la note que nous venons de lui présenter indique le contenu de la première lettre de Turin.
Interrogé pourquoi sa lettre écrite de la Novalèse, le 24 mars, commence par ces mots : « J'ai enfin quitté Turin,» lorsqu'il n'y est resté que 17 jours; à lui observé que cette expression semble indiquer, qu'il était allé à Turin pour une affaire qui requérait beaucoup de célérité, et dont il lui tardait de rendre compte : a répondu que croyant être chargé d'un paquet, qui, s'il n'annonçait son admission précise dans les troupes du roi de Sardaigne, lui en donnait au moins l'espérance, il était assez naturel qu'il eût de l'empressement d'être éclairci du fait; qu'on en a d'ailleurs toujours à quitter uo pays où l'on connaît peu de monde, où l'on dépense au delà de ses moyens.
In terrogé si le jour où il s'est rendu au comité des recherches, sur notre invitation, il n'a pas été dans la matinée voir une personne à qui il a fait part de Cette invitation, et si le lendemain il
n'y est pas retourné pour lui rendre compte de ce qui s'était passé au comité; à lui demandé qu'elle est cette personne : a répondu que oui, et que cette personne est le comte de Saint-Priest.
Interrogé si-, à l'occasion (je ces. deux visites, il «'a pas eu avec M. le comte de Saint-Priest une conversation très détaillée sur ia Révolution-, conversation qu'il a même trouvée si intéressante* qu'il l'a couchée par écrit et en a fait passer la narration à j\l. le comte de Maillebois : a répondu qu'il n'a jamais pu avoir de conversation très détaillée, sur un objet de cette nature avee M. de Saint-Priest, qui n'avait vraisemblablement pas de moments à perdre pour entrer dans tous ces détails avec lui répondant; qu'il lui a parlé à la vérité-, soit dans cette conversa-tionj soit dans d'autres, ce dont il ne se souvient pas, de M. le, comte de .Maillebois, et que ce peut être ià les détails dont il. a entretenu M> le comte de Maillebois ; mais qu'il n'a point d'idées précises que ce soit à cette époque plutôt qu'à une autre.
. Interrogé quelles personnes étaient présentes | à ces visites : a répondu qu'il ne s'en souvient pas, mais qu'il nëfcroit pas qu'il n'y eût personne de présente.
A lui représenté qu'il est étonnant qu'il ne se i souvienne pas de -eeMe conversation . qu'il parait ! annoncer dans une lettre à M. de Maillebois, du j B 'décembre 'dernier, dont nous avons fait lecture, ïeî'trè Où il parle de cette conversation, Comme 'àtytfnï été très longu'è, et 'dont il se propose de faire part perSonnèllemeni à M. dë Maillebois. Interrogé si M. lè comte dê Sàint-Pries't n'est pas celui qu'il 'désigne â'ùns cette lettre sous le nom de FàRcY: à répondu què nous ne lui avons fait la lèb'tMfà de sa lettré qïie dans l'instant, par con- I séqiient après sa réponSê; que cette lettre lui rap- j "pelle bien qu'il a causé avec M. de Saint-Priest ; j mais dire précisément la nàturé 'dè celte conver- \ icàion tbï "une chose à lui impossible: qu'à l'égard dii nûfti dé Fa'RcY 'âlihoncè dans sa lettre, il dé-sîgïièr eri elTet quelqu'un, qu'il ne pourrait pas annoncer que ce fût M. le comte de Saint-Priest ; "que M. le 'comté de Maillebois lui avait alors donné j des homs à ïâ placé dés véri tables ; que ne les ayant pas conservés, il lui est impossible d'en j laite aujourd'hui l'application.
À lui observé qu'il se trouve en contradiction i Wec lui-Ynême, puisque d'une part il convient que \ 'la phYàse qui Vient dé lui être relue, lui rappelle \ la conversation qu'il a eue avec M. de Saint-Priest: ] et que, de l'autre, il dit ne pas savoir si le mot j Fa'RcY, rappelé dans cette même phrase, pour in- \ 'dUljuër la personne âv'ec taqueXle il a eu conversa- j ti&h, dêsig'ne ou non M. le comte de Saint-Priest; à répondu que ce qtfon vient de lui dire lui a j rappelé, en effet, qu'il avait causé avec M. le comte de Saint-Priest, mais n'a pu lui rappeler positivement cette conversation ; que quant au nom de Farcy, que ï'on veut appliquer à M. de Saint-Priest, il a déjà répondu que M. de Maillebois lui a donné des mots dont il pas conservé la I ciel, et dont l'application lui est actuellement impossible.
En Ce moment nous lui avons représenté un êtrififfèsâ ifcaîn sur trois feuilles de papier à lettre, dont nous lui avons lu le premier alinéa j de la prèïnière page, la première ligne de la qua- j "trierne, et ces premiers mots du dernier alinéa ; *&e cet éctit : « Je'fus, dimanche matin, faire part j à 'Fa^ detoÛt ce quis^etait passé. » A lui demandé j si, d'après "ces passages, Il ne reconnaît pas que ce nom de Farcy désigne réellement -M. le'comte '
de Saint-Priest: a répondu qu'ilparaissaitque c'était lui qu'il avait voulu désigner, mais qu'une affirmation serait hasardée en pareil cas.
A lui donné lecture de son livre de raison, journées des 5 et 6 décembre, où nous lui avons fait remarquer que M. le comte de Saint-Priest était véritablement le seul chez lequel il fût allé le matin du 5 décembre (jour où il est venu au comité), et chez lequel il fut retourné le lendemain 6, ainsi qu'il annonce l'avoir fait à l'égard de Farcy dont nous lui avons lu quelques phrases •: a répondu que la lecture qu'on lui a faite de son livre de raison, aux dates annoncées, marque une conformité des noms de M. le comte de Saint-Priest et de Farcy ; mais qu'encore une fois, il ne peut affirmer que ce Soit la même personne.
A lui donné lecture des premières pages de l'écrit dont il vient d'être parle, et qui contiennent la relation de la première visite faite à Farcy, avant d'aller au comité, lu ensuite le dernier alinéa du même écrit, qui parle de la seconde visite ; à lui demandé si, d'après Cette lecture, il est enfin pleinement convaincu que Farcy désigne M. le comte de Saint-Priest : a répondu qu'il a déjà dit, et qu'il le répète, qu'il y a des rapprochements dans ces deux noms ,4 mais que l'affirmation est encore une chose impossible, pour ne pm compromettre la vérité.
A lui observé qu'il est inconcevable que non seulement d'après tous les renseignements qui viennent de lui être'donnés, mais d'après la lecture de la conversation entière, tel qu'il l'a écrite, il ne se rappelle pas d'une manière certaine quelle est la personne avec qui il a eu cette conversation : a répondu qu'en effet il y a de grands rapprochements entre les noms; mais qu'il ne peut pas hasarder une affirmation dcms un fait dont il n'est pas physiquement sûi\
Interrogé quelle est la personne qu'il a désignée dans la conversation dont il s'agit par le nom de Betville: a répondu que n'ayant plus la clef des noms en remplacement, il n'osera jamais affirmer à qui ils doivent précisément s'appliquer.
À lui observé que son récit paraît néanmoins lui fournir un assez grand nombre de données pour le remettre sur la voie, et puisque Betville paraît être un homme qui a de grands rapports avec la milice ou garde nationale de Paris, auquel le répondant suppose une ambition vaste, qui est (selon lui) en mesure, et auquel on a imputé le désir 'd'être connétable : a répondu que, dans le temps qu'il écrivait à M. le comte de Maillebois, qui était à la campagne, il lui parlait de ce qu'il entendait dire'çà et là; queues noms se plaçaient alors sous sa plume, d'après le tableau de ceux qu'il représentait et qu'il avait sous les yeux, et qu'aujourd'hui, à une grande distance de cette époque, les ayant infiniment varié, il lui est, comme il l'a déjà dit, d'une impossibilité physique de dire précisément à quels noms s'applique tel ou tel autre.
A lui demandé s'il sait ce que signifie le nom d'Adrien , a répondu qu'il désignait M. le comte de Maillebois que tous ceux dont il sera positivement sûr, il n'hésitera point de les nommer, mais qu'on ne peut lui savoir mauvais gré de ne pas hasarder ce dont il n'est pas certain.
A lui demandé s'il sait aussi ce que c'est que M. de Culan, et en même temps nous lui avons donné lecture de l'endroit de la conversation où •il-en est parlé : a répondu que n'étant par sûr de la personne désignée par ce nom là, il ne hasarde pas davantage d'en faire d'application.
Interrogé s'il ne se rappelle pas du moins avec vraisemblance, quoique nonpas> suivant lui, avec une entière certitude, ce que signifie lé nom de Culan, d'après les indications précises et multipliées que présente à cet égard la conversation: a répondu qui si on lui eût présenté tous ces détails à l'époque où ils ont été donnés ou à peu près, ces rapprochements, qui paraissent n'être pas une énigme pour les membres du comité, n'en seraient certainement pas une pour lui non plus; mais qu'à une grande distance du temps, cette conversation, qui lui a paru intéressante, au moins pour alimenter lèS entretiens de la campagne, ne lui a pas paru cëpëti'daht asséfc importante pour y avoir réfléchi depuis, et s'en être meublé la mé-, moire.
Interrogé s'il se rappelle *è'è què signifie le nom d'Ermand, qui se trouve dans la même partie de l'écrit en question : a répondu que ce mot-là est dans la classe dé tous les autres.
Interrogé s'il sait ce que signifie le nom d'Hardiment, qui se trouve à la fin dè l'ë'erït ; a répondu comme à la question précëdéhte:
A lui démandé pourquoi il avait eu recours-, de concert âvec M. dé Maillebois, dans Sa correspondance àvec lui, à un travestissement de nonls, pour l'explication desquels il était besoin dé re-cotirir à une clef : â répondu qu'à cette époque cé n'était point une chose nouvelle entre M. le Comte dé Maillebois et lui ; qu'elle avait pris tiais-sânete à l'ittstartt où M. lé comté de Maillebois l'Avait prié dé traiter dé sés affaires en Hollande, et lorsque le répondant était allé traiter 'celles qu'il aVâit avéc ia République personnellement.
A lui demandé iqtiéliês étaient les personnes ou le genre dé personnes qu'avait pour objet ce travestissement de noms : a répondu celles qui avaient trait tant à ses affaires personnelles, ses connaissances "mêmes, que celles qui étaient de la connaissance de M. le comte de Maillebois, où qui avaient des rapports avec lui-.
A lui demandé s'il se rappelle quand cette clef âété faite j à répondu : d'iabordà l'époque où il est allé en HbHartde pour y traiter SéS affaires personnelles, 'ét où M; lé comte dé Màîliebôis le pria de donner quelques soins aux siennes propres-, en Octobre tttil sept 'cent qUatre-vingt-sept; puis, suivant les circonstances, les noms ont été changés ou ajoutés.
A lui demandé cè qu'est devenue cette cléf : a répondu qu'elle aurait dû Sè trouver dans ses papiers, ainsi qu'un passeport de M. de Montmorin, qui lui avait été donné à l'époque désignée ci-dessus.
A lui observé que non seulement cette clef et j passeport ûé se trôûvent point dans les papiers qui nous ont été remis, maïs encore 'que, par ses réponses précédentes, il n'a point supposé que nous eussions cette clef ; que cés réponses supposent même que noùs ne l'avons point, puisqu'il n'a point demandé qu'on la lui représentât : a répondu que nous ne lui avons d'abord fait lecture que d'une très petite partie du contenu dans l'écrit sur lequel porté l'ihierrOgàtoire actuel; qu'il ignorait nos motifs et les formes usuelles en pareils cas, et si nous ne voulions pas obtenir de lui répondant l'aveu de ce que nous lui demandions avant que de lui montrer la clef dont il est question.
A lui observé qu'il résulte de sa conversation écrite, et des explications qu'il vient de nous donner, que Farcy, qu'il convient lui-même être probablement M. de Saint-Priest, lui a fait ouverture d'un projet de contre-révolution, et epré le répon- j
daut, de son côté, a proposé à M. de Saint-Priest, M. le comte de Maillebois pour être à ia tête dé l'entreprise .: a répondu qu'il né croit pas qU'il puisse jamais résulter dë la conversation dont il s'agit, et des aveux faits par le répondant, qu'il ait été question d'ouverture de projet de contre-révolution par M; le comte de Saint-Priest, que lé répondant ne péutencore assurer être celui désigné par le nom Farcy ; qu'il ne croit pas, par la connaissance qu'il a du personnél de M; le comte de Saint-Priest^ qu'il fût jamais l'apôtre d'une contre-révolution ; que très certainement lui répondant n'aurait pas hasardé, en pareil casi, de lui nommer M. le comte de Maillebois, pour être, comme général-, à la tête de l'entreprise ; que lorsqu'il lui a parlé de M. le comte de Maillebois (ce qui lui est arrivé souvent et longtemps avant ia Révolution), c'est d'aprefc la cOnvietibb de sés talents politiques et militaires, et l'avantage dont il est encore très persuadé qu'un pareil homme pourrait être dans son pays, pour lequel, malgré son éloiguëmentul a conservé tous les sentiments d'un bon citoyen ; que c'est ainsi au moins qu'il l'a toujours entendu sans s'expliquer.
Interrogé quelle devait être-, suivant ini>, 1a destination de l'armée à laquelle il Voulait qu'on donnât pour chef M. de Maillebois: a répondu qu'ë M. le comte de la Tour-du-Pin, dans le plan qu'il avait donné dé l'armée française, l'avait divisée en plusieurs parties ; -que c'est une décès parties à la tête de laquelle il aurait désiré voir M. lë comte de Maillebois*.
A lui Observé que, suivant l'écrit dont il s'agit, il n'est point question dé trois armées-, oà de trois parties d'armées, dirigées par dés chefs différents, mais d'une armée unique pour laquelle on proposait M. de Maillebois, sous le nom d'4-drien, en examinant pourquoi elle ne Serait pas commandée par celui qu'on désignait par le nom de Culan; qu'il s'agissait de s'en servir poûr conduire te roi dans les p rovinces, 'rtfâtgré les efforts et la poUrsûite dè la milice nationale; que tel était si évidemment l'objet unique de cettè armée», que lë répondant objecterait à cette Occasion!, qu'on n'avait pas de moyens-, parce qu'on n'âVàït pas dë trèupés; qu'il demandait où On en trouverait, objection et demandé q*ui n'auraient pas été pwpôs&bles, s'il eût été question 'dés troupes de ligne ordinaires; qtie l'écrit ajoute que, suivant lé répondant,» paraissait nécessaire et préalable de së débarrasser de Éetville, par lëqùel on paraît avoir entendu 'le commandant de la garde nationale : a Répondu qu'il n'avait pas entendu, en parlant de M. te comte de M'aillèbois, le désigner pour commander les troupes du royaume-, mais p'Oîur avoir un commandement particulier, suivant le plan de M. le comte de la Tour-du-Pin, présenté à l'Assemblée nationale, et qui a été connu de tout lô monde ; que ce plan ne contenant qu'un petit nombre de divisions, il lui paraissait difficile que l'oft ne donnât pas un commandement à quelques autres officiers connus dans l'armée par leurs talents, et dont les idées pourraient être en contrariété'avec celles de-M. le comte de Maillebois', et qu'alors les prétendants pouvaient être assez nombreux, pour qu'il ne restât pas de places pour un offieier dont le mérite ne le cèdfe sûrement à aucun autre, maïs qui se trouve dans Un service étranger; qà'au rêste les troupes du roi sont identifiées aveclës milices nationales, les unes et le3 autres étant composées de citoyens; qu'il serait, en effet, embarrassant si toutes marchaient à la fois; que dë là'estvëntfè l'idée de séparer ces corps respectifs, 'et de (ce
grand nombre naîtrait nécessairement une confusion nuisible au pays dans lequel on serait; qu en disant que l'on n'avait pas de troupes, il avait entendu qu'en effet, ces mêmes troupes n'ayant point encore prêté serment entre les mains des municipalités, on pourrait peu compter sur elles ; qu'il n'a jamais entendu qu'on dût se débarrasser du commandant de la garde nationale, dont les talents lui sont plus connus qu'à beaucoup d'autres, et auquel il a, depuis longtem ps, voué attachement et reconnaissance ; non qu'il reconnaisse non plus que le mot Betville soit applicable au commandant dont il s'agit.
Interrogé pourquoi, s'il n'était pas question d'une contre-révolution pour le printemps alors prochain, dans cette conversation, il a parlé d'un voyage du roi dans les provinces durant la tenue de l'Assemblée nationale, et des poursuites de la garde ou milice nationale qui s'y opposerait : a répondu que ce n'est pas lui qui a parlé du projet d'un voyage dans les provinces ; qu'il croit, au reste, que Sa Majesté avait elle-même donné cette espérance à ses peuples; que, dans cette supposition, Sa Majesté avait pu croire que les travaux de l'Assemblée nationale seraient terminés; et que l'opposition, s'il pouvait y en avoir à un acte de bienfaisance, ne pourrait certainement partir que de l'amour extrême ,de son peuple de Paris, qui, se regardantcomme les fils aînés d'une famille, dont le roi est le père, craindra toujours de le voir éloigner, malgré la certitude d'un retour aussi prochain que nécessaire.
À lui observé que toute la teneur de l'écrit, et particulièrement ces mots : « Ne craignez-vous « pas que toute cette milice n'y mette des en-« traves, qu'elle ne veuille vous suivre et rendre « vos projets sans effet? » indiquent plutôt un enlèvement du roi à main armée, contre son gré et contre sort peuple, qu'un voyage volontaire dans les provinces : A répondu qu'il est impossible qu'il existe des hommes assez audacieux pour oser porter la main sur Voint du Seigneur, et que l'opposition dont est question, n'aurait pu partir que d'un amour extrême de la milice de Paris, qui ne pourrait voir sans peine une absence de Sa Majesté, et sans former le plan de la suivre, ce qui deviendrait réellement embarrassant, tant par le nombre de bouches que par la quantité de logements que cela entraînerait, ce qui nécessiterait alors le désistement, de la part de Sa Majesté, d'un projet qu'elle n'aurait conçu que dans son amour pour son royaume en général.
A lui fait lecture des autres parties de l'écrit dont il s'agit, où il est question de la comparution que le répondant venait de faire au comité le 5 décembre dernier, et observé que le compte qu'il rend est extrêmement inexact et même infidèle; que jamais les membres du comité n'ont manqué d'égards à ceux qu'ils y ont reçus, et qu'ils ies ont encore moins menacés ; qu'au surplus, cette comparution fut si courte et si peu importante (parce que le répondant ne fit aucune déclaration), qu'on ne jugea pas convenable d'en dresser aucun procès-verbal, ajoutant qu'on ne peut se dispenser de faire ici cette réclamation, uniquement parce que le compte de cette comparution se trouve dans une pièce qui est importante pour l'objet de cet interrogatoire. A répondu qu'il est impossible qu'il n'ait pas rendu un compte exact de ce qui s'est passé, mais que dans ce moment-ci, comme dans tous les temps, il est bien luin d'avoir eu l'intention de rien dire qui puisse blesser qui que ce soit, et moins encore des membres d'un comité qu'il a avoué lui-même avoir mis beaucoup d'hon-
nêteté dans leurs procédés, témoignage qu'il se plaît à rendre comme un hommage à la vérité. Lecture faite du présent interrogatoire, mondit sieur le chevalier de Bonne a déclaré persister dans ses réponses, et a signé.
Signé : le chevalier de Bonne-Savardin; Garran de Goulon; Agier et Perron.
N° VI.
Trois lettres trouvées dans le portefeuille de M. Bonne-Savardin.
Observations sur ces lettres.
La première est de M. de Maillebois à M. Bonne-Savardin. La signature, qui est abrégée et formée de lettres entrelacées les unes dans les autres, n'a pas pu être déchiffrée par messieurs de la municipalité de Pont-de-Beauvoisin (voyez ci-des-sus leur procès-verbal) ; avec de l'attention, néanmoins, on y reconnaît fort distinctement les lettres initiales du nom de M. le ci-devant comte de Maillebois.
D'ailleurs l'écriture, aussi bien que le cachet, sont constamment ceux de M. de Maillebois. M. le maire de Paris a fait remettre au comité u ne lettre que M. de Maillebois lui a écrite d'Anvers le 1er avril, et qui peut servir de pièce de comparaison.
Enfin M. Bonne-Savardin est convenu, dans son interrogatoire, que cette lettre lui avait été écrite par M. de Maillebois. (Voyez ci-après l'interrogatoire, art. 82, 83 et suiv.)
La seconde lettre est de M. le marquis de Cordon, ambassadeur du roi de Sardaigne ; elle est sans signature; mais le cachet, le même que celui d'un passeport de M. l'ambassadeur, trouvé sur M. Boune-Savardin, nous ont tout d'un coup mis sur la voie, et M. Bonne-Savardin est effectivement convenu, dans son interrogatoire, que cette lettre était de M. de Gordon. Toyez l'art. 28 et plusieurs autres.)
Cette lettre est une de celles que M. Bonne-Savardin a voulu déchirer lors de son arrestation.
La troisième est de M. de La Châtre (ci-devant comte de La Châtre), membre de l'Assemblée nationale, à M. Mounier.
C'est l'autre lettre que M. Bonne-Savardin avait commencé de déchirer au moment de son arrestation.
M. Bonne-Savardin a refusé longtemps d'en dire l'auteur; il a prétendu ne pas savoir par qui cette lettre avait été écrite, ni même qui la lui avait remise (voyez interrogatoires, art. 22, 23 et 24); mais enfin il a avoué (art. 58) que cette lettre était de M. le comte de La Châtre.
Première lettre.
Jeudi, 15 (1). Les nouvelles de ma famille et de mes amis paraissent croire à une chute prochaine du com-
plot(1). D'autres, et surtout une, de M. de Crassier (2), annonce que ie plus fort argument est une lettre de la Novalèse (3). Un troisième avis, plus entortillé, semble croire qu'on attend des réponses de T... (4); ainsi je vois que sans cette lettre très inutile de la Novalèse, et la blêeherie du cherche-midi à quatorze heures (5), cela serait bientôt fini. Il n'y a rien de changé pour le rendez-vous de dimanche. Je vous renouvelle, Monsieur le chevalier, mes fidèles sentiments.
A 8 heures. Je reçois (6), dans le moment, votre lettre, Monsieur le chevalier ; j'espère que vous aurez mis toute la prudence possible dans votre entrevue, si el le a eue lieu. Vous allongeriez en effet de beaucoup en passant par Bois-le-Duc; informez-vous du chemin droit, que l'on dit être par Silberg, maison ne le saitpasaujuste.Je vous remercie de vos nouvelles ; elles sont assez graves, chacune dans leur genre. Je vous souhaite le bonsoir ; n'oubliez pas le banquier Werbrones.
Au dos est écrit : à monsieur le chevalier de Bonne, à l'hôtel de l'Ours, place du Maire, à Anvers.
Seconde lettre.
Je suis fâché de vous savoir à Paris, Monsieur, quelque caché que vous puissiez y être, je ne vous y crois pas en sûreté; je sais "qu'on vous a fait chercher, et que vous pourriez bien encore être arrêté, quoique les bruits de vos projets (7) soient ralentis depuis quelques jours. Vous sentez que, dans ces circonstances, ce serait me compromettre que de vous recevoir chez moi, et je n'en veux pas courir le risque ; vous m'obligerez donc de n'y pas paraître et de vous tenir caché, si vous ne préférez de vous éloigner encore quelque temps: ce qui me paraît le plus sage.
Ce 25 avril 1790. P. S. Les choses sont d'ailleurs comme vous les avez laissées, et je n'ai rien appris de nouveau depuis vous (8).
Sur l'enveloppe est écrit: à monsieur, monsieur le chevalier de Bonne, à l'Arsenal, Cour des princes.
Troisième lettre.
Je n'ai pas le loisir, mon cher ami, de causer avec vous ; la personne qui vous remettra ce billet a eu avec moi une conversation aussi détaillée qu'il lui a été possible. J'aurais bien désiré que l'Assemblée nationale me rendît la liberté pour aller prendre l'air de Suisse, el vous embrasser en passant. Donnez-moi de vos nouvelles, et comptez sur moi en tout et partout (1).
Ce 25 avril.
Au dos est écrit: à monsieur, monsieur Mon-nier, et cachetée avec un pain rouge.
N° 7.
Lettre de M. Bonne-Savardin à M. de Maillebois, par laquelle il lui annonce une conversation importante qu'il a eue avec un personnage désigné entre eux sous le nom de Farcy, et récit détaillé de cette conversation, écrit par M. Bonne-Savardin lui-même.
Observations.
Jusqu'ici l'on n'a aperçu dans cette affaire que deux personnages, MM. de Maillebois et Bonne-Savardin. Les pièces suivantes vont en découvrir un autre, d'autant plus digne de fixer l'attention, qu'il occupe une place plus éminente; c'est M. Guignard (ci-devant comte de Saint-Priest), ministre et secrétaire d'Etat, désigné, par convention entre MM. de Maillebois et Bonne-Savardin, sous le nom de Farcy.
Pour l'intelligence de ces pièces, il faut se rappeler que M. Bonne-Savardin, demeurant à l'Arsenal, fut indiqué aucomité, alors occupé de l'affaire de MM. Besenval et autres, comme pouvant donner des renseignements sur la prise de la Bastille et les circonstances qui l'ont précédée. Il avait d'ailleurs été aide de camp du maréchal de Broglie, lors de la Révolution (fait inconnu au comité, qui l'a appris de lui-même); et, à ce titre, il devait être informé de beaucoup de choses. M. Bonne-Savardin fut donc mandé au comité le 11 décembre dernier, pour le 5 au soir, et il y parut. La conférence fut courte; M. Bonne-Savardin prétendit ne rien savoir. Mais l'invitation, qu'il avait reçue du comité, lui parut assez importante pour aller en faire part, dès le 5 au matin, à M. de Saint-Priest; et,le lendemain,il retourna lui rendre comple de ce qui s'était passé au comité. C'est dans la première de ces visites qu'a eu lieu la conversation dont il s'agit ici.
Nous avons à établir que M. de Saint-Priest est réellement le personnage désigné par M. Bonne-Savardin, sous le nom de Farcy; et la démonstration est complète.
Le récit même, écrit par M. Bonne-Savardin, nous donne une indication sûre pour découvrir
ce personnage. C'est, suivant ce récit, un individu chez lequel il a été le 5 décembre, avantiie paraître aûéomité,* pour lui faire part de ^invitation qu'il avait reçue la veille, et chez lequel il est retourné le lendemain matin, pour lui rendre compte de ce qui tétait passé.
ôr, en premierlieu, M. Bonne-Savardin, suivant son livre-journal (1) a réellement été chez M. de Saint-Priest dans la matinée du 5 décembre, jour où il fait nôte, dans ce même livre, de sa comparution au comité. Il y est retourné, suivant le même journal, le lendemain 6; ét C'est latente personne, toujours d'après le journal, qui ait été Visitée par lui consécutivement à ces deux époques.
En second lieu, nous avoirs dèmandé à M. Bonne-Savardin, arlicle'145 de son interrogatoire, « si le jour où il s'est rendu au comité des recherches, sur notre invitation, il'n'a pas été, dans la matinée, voir une personne à qui il a fait part de cette invitation, et si, le lendemain, il n'y est pas retourné, pour lui rendre compte de ce qui s est passé au comité. » A Mi demandé quelle est cette personne, voici le réponse de M. Bonne-Savarc|in, elle es|.précise: a répondu que oui, s et que-cette personne est le oomte de Saint-Priest. Il a voulu ensuite prétendre qu'il n'était pas sûr que ee fût avec M. de Saint-Priest qu'il eût eu la conversation par lui rapportée ; mais, sur le premier point, il n'y a pas eu d'équivoque; c'est M. de Saint-Priest, et nul autre, à qui il a rendu les deux visites du 5 et du 6, l'une avant de venir au comité, pour lui faire part de l'invitation qu'il avait reçue, l'autre après y être venu, pour 1 instruire de ce qui s'était passé.
Enfin, M. Bonne-Savardin, malgré ses réponses évasives, n'a pu s'empêcher de faire des confessions qui diffèren t peu 'd'un aveu formel. Il convient que son livre de raison, aux dates énoncées, marque une conformité des noms de M. le comte de Saint-Priest et de Farcy (2.) : qu'il y a des rapprochements entre ces noms {3), de grands rapprochements (4); qu'il parait que c'est M. de Saint-Priest qu'il a voulu désigner (5).
La vérité lui a même échappé sur un point important, dès les premiers pas de son interrogatoire.
A lui demandé (6) si, à l'occasion de ces deux visites par lui avouées, il n'a pas eu, avec ML le comte de Saint-Priest, i une conversation très dé-taillée sur la Révolution, conversation qu'il a même trouvée si intéressante, qu'il; l'a couchée par écrit, et en a fait passer la narration à M. le comte de Maillebois.
Il répond d'abord (ne sachant pas qu'on eut pièces en mains pour le convaincre) qu'il n'a jamais pu avoir de conversation très détaillée, sur un objet de cette nature, avec M. de Saint-Priest, qui n'avait vraisemblablement pas de moments à perdre pour entrer dans tous les détails avec lui.
On lui représente (7) qu'il est étonnant qu'il ne se souvienne pas de cette conversation, qu'il paraît annoncer dans une lettre à M. de Maillebois, du 6 décembre dernier; et on lui fait lecture de cette lettre, dans laquelle il parle de la conversation, comme ayant été très longue. Il répond
alors que la lettre qu'on vient de lui lire, fui rappelle Bien qu'il a causé avec M. de Saint-Priest.; et l'interlocuteur avec lequel il a eu la conversation, n'est désigné dans cette lettre, que par le nom dë Farcy.
On lui relit.la phrase (1) ét il répond de nouveau que cegû'on vient de lui lire lui a rappelé en effet qu'il avait causé avec M. le comte de Saint-Priest.
Comment contester actuellement que M. de Saint-Priest soit le personnage désigné /par M. Bonne-Savardin soUs le nom de Farçy?
Tous les signes caractéristiques qu'offre le détail de-la conversation s'adaptent parfaitement à M. de Saint-Priest. Farcy est évidemment un homme en place, un homme considérable, qui peut influer dans le choix des généraux, et est a la tête ide l'administration.
Le livre-journal de M. Bonne-Savardin constate ses relations fréquentes avec M. de Saint-Priest, et il n'en disconvient pas ; il avoue même lui avoir souvent parlé de M« de Maillebois (2).
Les àutres personnages énigmatiquement désignés dans le récit de la conversation, ne sont pas plus difficiles à reconnaître.
Betville, qui a de grands rapports avec la milice ou la garde nationale de Paris, à qui M. Bonne-Savardin prête, dans son récit, une ambition vaste, qui est (suivant lui) çn mesure, auquèl les ennemis de la Révolution ont osé imputer des projetsj celui, entre autres, d'être connétable, mais qui à été . justifié sur ce .point-là même, "par tous ceux qù'u ne extrême passion n'a pas aveuglés ; cet homme est, à h*en point douter, M. de'La Fayette.
Adtien e&l M. de Maillebois; M."Bonne-Savardin l'a reconnu dans son interrogatoire (3).
M. de Culan, auquel M. Bonne-Savardin appréhende de voir confier le commandement des troupes destinées à opérer une contre-révolution, qui a été précédemment chargé d'une entreprise à peu près pareille, mais qui s'est Conduit de manière à en ôter l'envie "aux, plus entêtés, {qui "ne fait plus rien depuis cet instant, qui aurait dû, selon Farcy, aller habiter les mêmes lieux qu'Ermand, où il a.d'ailleurs des possessions; ce persenuage est visiblement M. de Broglie, chargé, l'année dernière, du commandement des troupe& eontre Versailles et Paris,mais duiamal réussi dans son expédition; M. de Broglie,OETgi-ginaire des Etats de Savoie, Où il conserve des possessions, et qu'habite actuellement M. Charles Philippe, frère du roi (ci-devant comte d'Artois) désigné, dans la conversation, sous le nom à'Ermand.
On pourrait désigner quelle étaitprobablement la personne désignée sous le nom de Hardimen t ; mais la conjecture sur ce nom étant étrangère au complot indiqué dans cette pièce, on l'omettra.
II resterait à répondre à une dernière question que Ton pourra faire ; d'où le comité tient-il ces pièces? Mais le comité ne croit pas être obligé de-s'expiiq&er là-dessus. Il suffit que ces pièces soient authentiquer, écrites en entier de la main de Bonne-Savardin; et il n'en disconvient pas.
Observons seulement que cette, preuve n'est pas la seule qu'administrera le comité contre M. de Saint-Priest; il est des témoins quîil.produira en temps et lieu.
Lettre de M. Bonne-Savardin d M. de Maillebois.
Mon général, je ne me doutais guère que l'on s'occupât de moi à l'hôtel de ville de Pans, lorsque j'ai reçu avant-hier au soir une lettre du comité des recherches, pour me rendre hier, avant midi, ou après six heures du soir. J'y suis allé en effet, et par la quantité, la minutie des questions que l'on m'a faites, il m'a été facile de juger que je leur avais été dénoncé pour avoir été aide de camp de M. le ** (1). Il ne m'a pas fallu un conseil pour me tirer de là. Ces Messieurs m'ont rendu la lâche si facile, que je n'ai eu que des remerciements à leur faire de m'avoir mis en mesure de les désabuser de l'opinion qu'on avait pu leur donner.
J'avais passé toute la matinée au palais où j'ai gagné mon affaire. La célérité du jugement me vient sans doute de la démarche que vous avez bien voulu faire, et je vous renouvelle, mon général, mes remerciements.
J'ai vu, TRES LONGUEMENT, hier, Farcy, dont la conversation exige des détails peu pressés (2), et que je vous ferai personnellement (3).
La dénonciation dont on pariait tant, on dit que c'est parce qu'il y a un très grand nombre de personnes qui devaient y être comprises ; j'ai ouï nommer M. le duc d'Aiguillon et M. de La Clos.
M. de La Fayette a été averti que les ennemis du projet de M. Necker, et surtout de la caisse d'escompte, toujours pour empêcher l'utile établissement de la banque nationale, avaient fait le projet d'enlever les fonds qui sont à la caisse d'escompte et de mettre le feu dans tout le quartier. Mais les gardes renforcées, les patrouilles successives et nombreuses, des échelles, des crocs, des paniers, des pompiers, un attirail immense a été déposé dans des magasins environnants, et il est impossible que ces malfaiteurs puissent suivre leur affreux complot. Vous sentez que c'est au ministre des finances qu'on en voulait ; et la chose, si elle avait eu lieu, n'allait à rien moins qu'à culbuter la caisse projetée, voler la caisse existante, décevoir le ministre dans ses sages moyens, et même renverser sa personne du gradin honorable où l'ont placé ses talents et l'amour de la nation. La sagesse du général a tout prévu et tout prévenu.
Quant au voyage dont vous me parlez, vous savez, mon général, qu'il me sera toujours agréable de rendre mes hommages à Mme de G**, et que je suis bien, lorsque je suis à portée, de vous assurer à tous moments du respectueux attachement avec lequel j'ai l'honneur d'être,
mon général, votre très humble et très obéissant serviteur.
Le chevalier de Bonnb.
Du 6 décembre.
Récit fait par M. Bonne-Savardin de sa conversation avec Farcy.
Incertain du motif ou des soupçons que l'on avait conçus contre moi, puisque l'on me mandait au comité des recherches, je crus qu'il était prudent d'en prévenir Farcy. J'y fus et eus avec lui une conversation que je crois intéressante à mettre sous vos yeux.
Quand, lui dis-je, cela finira-t-il? — Il faudra bien qu'il y ait un terme, me dit-il; et si cette espérance ne nous soutenait, il faudrait mettre la clef sous les portes, et attendre l'instant d'être égorgés. — Mais prévoyez-vous ce terme? — Le printemps, puisque c'est cette époque que le roi a choisie pour aller visiter les provinces. — Mais ne craignez-vous pas que toute cette milice n'y mette des entraves? qu'elle ne veuille vous suivre et rendre vos projets sans effets? — Eh bien, si elle est tentée ae suivre* nous la laisserons faire; et quand une fois nous aurons le cul sur la selle, nous verrons. — Oui, lui dis-je, je conçois qu'alors il y aurait des moyens si vous aviez des troupes, mais où en trouverez-vous? — Il nf répondit pas. — Gomment vous débarrasserez-vous de Betville? Son ambition est vaste et il est en mesure. — Eh ! le pauvre diable, a-t-il repris, est plus embarrassé que nous. — On parle de ses projets ; qu'il veut être connétable. — Et moi, dit-il, je crois qu'il veut être ce qu'il pourra, jusqu'à ce que la Constitution soit faite, et qu'alors il plantera là toute cette multitude. — Mais, Monsieur, il ne la plantera là que pour mettre quelque chose à la place; son activité et son ambition ne lui permettront ni d'être sans rien faire, ni dé ne plus faire quelque chose d'utile. — Quand nous n'aurons que lui, les moyens ne nous manqueront pas. — Oui, lui dis-je, ils ne vous manqueront pas; mais vous Manquerez de général, si vous ne vous attachez Adrien. — Ah! je suis en ce moment bien en mesure d'une pareille besogne,et sûr de triompher des obstacles. — Des obstacles, Monsieur, il n'y en a point ; il ne peut y en avoir. Personne en France ne lui disputera en talents, en fertilité de ressources, en moyens de conciliation ; et je crois qu'il y a longtemps qu'on aurait dû faire les sacrifices les plus considérables, si sa position les eût exigés. — Yous prêchez un converti, je le connais; mais cela n'est pas dans ma mesure. Au reste, je ne dis pas que cela ne soit pas. — Mais si malheureusement il en était autrement, prendriez-vous M. de Culan? — Quelle folie, me répondit-il ! Il s'est conduit de manière à en ôter l'envie aux plus entêtés. J'ai voulu prendre son parti, et nous nous sommes longtemps débattus. Enfin, a-t-il repris, que fait-il depuis cet instant? Pourquoi est-il où il s'est porté ? Qu'en espère-t-il? Avec de l'énergie, une tête, il serait allé habiter les mêmes lieux que Ermand; là, il aurait été convenablement, puisqu'il y a des possessions. Mais la tête n'y est plus. Adieu. Quand vous aurez été à la ville, venez me dire ce qui se sera passé.
(Suit l'exposé de l'entrevue à l'hôtel de ville; après quoi le narrateur continue ainsi) :
Je fus le dimanche matin faire part à Farcy de tout ce qui s'était passé; il en fut indigné! Har-
diment était chez lui ; on dit que, prévoyant sa chute prochaine, il s'arrange pour avoir la bibliothèque du rot en retraite.
N° 8.
Livre de raison de M. Bonne-Savardin.
Observation préliminaire.
Il n'est pas ordinaire que les conspirateurs tiennent registre de leur conduite; mais cela arrive quelquefois, et l'on en voit ici la preuve. On a trouvé dans la vache de M. Bonne-Savardin, en la visitant, lors de son arrestation, un livre de raison, in-folio, écrit en entier de sa main, qui commence au 1er janvier 1788, et continue jusqu'au 11 avril dernier inclusivement. Ce livre contient, jour par jour, un détail exact, non seulement des affaires pécuniaires de M. Bonne-Savardin, c'est-à-dire de ses recettes et dépenses, mais généralement de toutes ses démarches, même les plus indifférentes, de toutes ses visites actives ou passives, de toutes les personnes qu'il a vues, de tous les endroits où il a dîné, où il a couché, etc.; en sorte que, pendant cet espace, nous avons, pour ainsi dire, le tableau fidèle et complet de sa vie, tracé par lui-même. On sent de quel usagé peut être un pareil registre, pour éclairer la conduite de celui qui en est l'objet, et déjà l'on en a fait l'épreuve, lorsqu'il a fallu reconnaître quel était l'individu désigné par M. Bonne-Savardin sous le nom de Farcy.
}l n'est pas question d'imprimer ce registre entier ; le volume serait immense;: il suffit d'en extraire ce qui a un trait plus direct à ia dénonciation.
Déjeuné au palais avec M. Hocquet (1). ' Allé çhez M. le comte de Saint-Priest. Allé le. matin au palais, où M. l'abbé de Constances m'a appris qu'il venait de juger mon procès, et que je l'avais gagné. Pour une cocarde.
Fiacre pour aller chez Mme Delorme, où j'ai dîné.
Allé au comité de recherches où j'avais été appelé. On m'y a fait plusieurs questions sur s travaux que l'on avait faits, m'ont dit ces messieurs, à la Bastille, et sur le projet qu'on avait d'incendier Paris, sur la quantité de canons que l'on avait. Mes réponses n'ont point été difficiles, etc.
6. — Déjeuné chez moi avec,;M,n8 Arnault, M. Delorme,. son frèré, et M. Muguet, qui est venu déjeuner ensuite.
Fiacre pour aller chez M. de Puiségur, M. de Saint-Priest, etc. Venir chez Mme Muguet. Dîné et soupé chez Mm* Muguet.
Parti pour Thuri avec les chevaux de M. le comte de Maillebois, qui m'ont conduit jusqu'à
Beaumont; le cocher les avait amenés la veille à l'écurie de M. Thiboudot; et Blaquais et lui ont cOucbê chez moi.
Pris la poste à Beaumont et arrivé pour dîner à Thuri. 10. Besté à Thuri. Acheté un petit chevreuil (1). Donué au laquais de M. Cassini, qui m'a coiffé.
14. Parti à quatre heures du matin avec MUa de Saint-Hilaire. Les chevaux de M. de Maillebois nous ont conduit jusqu'à Noailles. Donné au cocher.
Arrivé à Paris pour dîner chez Mme Arnault. Entrée du petit chevreuil. Fiacre pour aller chez Mme l'ambassadrice de Sardaigne, chez laquelle j'ai fait remettre un chevreuil
Déjeuné chez Mme de Cordon.
15. Fiacre pour aller chez l'ambassadeur de Sardaigne, MM. de Chaucourt, Tavernier, Moulin et Mme de Saint-Priest.
16. Fiacre pour aller chez M. Moulin, agent de Monsieur.
17. Fiacre pour aller chpz le marquis de Cordon, chez MM. Grand et Gauthier, banquiers.
Pour un livre de poste.
19. Donné à la cuisinière de M. de Bussy, qui m'a apporté, pour des billets, 1,600 livres.
20. Dîné chez M. l'ambassadeur de Sardaigne.
21. Payé pour les chevaux de poste. Dîné à Thuri.
Frais de route jusqu'à Thuri, depuis Paris.
22. Besté à Thuri.
Donné à Gabriel.
A François.
Dîné à Thuri.
23. Parti de Thuri avec les chevaux de
M. de Maillebois.
Donné à Ferdinand, cocher. Frais de route jusqu'à Fontenay.
24. Guuché à Fontenay.
De Fontenay jusqu'à Bar-sur-Seine. Boutejusquà Baune.
25. Gouché à Baune. De Baune à Lyon.
26. Couché à Lyon et autres frais. De Lyon au Pont.
Raccommodage de voiture, cordes, etc., au Pont.
Du Pont aux Echelles. Excédent dont je ne puis me rendre compte. Dépense de Thuri aux Echelles, dont partie des détails est ci-dessus. Plus, de Paris à Thuri.
27. Arrivé aux Echelles le soir.
28." Resté aux Echelles.
er mars 1790
Resté aux Echelles.
2. Couché à Chambéry chez Mlle Perrin.
3. Couché à Aiguebeile.
4. Dîné à Saint-Jean-de-Maurienne.
5. Gouché à Lans-le-Boutg.
6. Passé le Mont-Genis par le plus beau temps possible.
Dîné à la Novalèse. Gouché à Saint-Michel.
7. Dîné à Turin, à l'hôtel de la Bonne-Femme.
8. Dîné chez M. de Choiseul, ambassadeur de France.
9. Dîné à l'hôtel et présenté chez Mme Vinay.
10. Présenté à M. le comte d'Artois.
12. Présenté à Sa Majesté.
13. Présenté à S. A. S. M*p le prince de Gondé, par M. le marquis de Gayla.
14. Présenté au prince, à ia princesse de Piémont, à M«r le duc d'Aoste, M*rt les ducs de Montferrat, duc de Genevois et comte de Mau-rienne; après-midi à M*r le duc de Chablais.
15. Le soir, présenté au Casin (1) par M. le chevalier Frésia, major des dragons du roi, sur la letire ministérielle de M. le comte d'Haute-ville(2), dîné à l'hôtel avec le docteur Giraud et le chevalier Vinay.
16. Présenté à Mme la duchesse d'Aoste et à Mme la dpchesse de Chablais.
17. Préseuté à Mme la comtesse d'Artois.
18. Allé au Casin.
19. Dîné chez Mme Vinay.
20......
21. Dîné chez M. le baron de Choiseul, ambassadeur de France.
22. Dîné chez Mme Vinay.
23. Parti de Turin, dîné à la Novalèse.
24. Passé le Mont-Cenis, qui n'avait pas été praticable depuis trois jours, par la quantité de neige qui était tombée.
Soupé à Lans-le-Bourg.
25. Soupé à la chambre.
26. Soupé et couché àGhambéry chezMllePerrin.
27. Dîné et couché aux Echelles.
28. Couché à Grenoble chez M. Gagnon.
Mangé du lait à la campagne • chez M. Gagnon.
J'y ai trouvé M. Drevon et son beau-frère, M. Didier, avocat.
Parti à dix heures de Grenoble ; mangé du lait à la campagne de M. Gagnon.
Couche à Lyon à l'hôtel du Palais-Royal.
30. Vu, en passant à Mâcon, M. et Mme Demure.
Couché à Ghald'n-sur-Saônè.
31. Couché à Auxerre.
1er Avril.
Cbuché à Paris.
2. Dîné chez Mmo Muguet, et couché.
3. Parti à cinq heures du matin.
Couché à Bon-Avis.
4. Arrivé à Bruxelles, à l'hôtel Rouge, chez Tévenard.
5-6. Donné à dîner à M. de Beauvoir et venu coucher à Malines.
7. Couché à Breda.
8. Allé à la Haie coucher chez M. de M. (3); allé avec lui chez M. ie chevalier de Revel, auquel j'écrit un billet.
9. Revenu à Breda avec M. le comte de M. (4).
10......
11. Ecrit à M. de Revel, et envoi d'un mémoire (5).
. Autre relevé, pris à différentes époques.
Août 1789.
19. Allé chez M. l'ambassdeur de Sardaigne, et causé sur les circonstances.
23. Dîné Chez M. le marquis de Cordon, ambassadeur de Sardaigne.
24. Dîné chez M. le comte de Saint-Priest, ministre de la maison du roi.
Octobre.
13. Fiacre pour aller chez l'ambassadeur de Sardaigne.
15. Dîné chez M. le comte de Maillebois.
17. Pris du chocolat avec le marquis de Gordon, ambassadeur de Sardaigne.
Novembre.
7. Fiacres pour aller chez M. l'ambassadeur de Sardaigne et revenir de chez Mme de Saint-Priest.
Dîné chez M. le comte de Maillebois.
13. Fiacre pour aller chez M. le comte de Maillebois.
14. Fiacres pour le matin aller deux fois chez M. lé marquis de Gordon.
15. Dîné chez M. le comte de Maillebois.
Soupé chez Mme la marquise de Cassini.
20. Fiacre pour aller M. chez le comte de Maillebois.
Dîné chez Mm8 la marquise de Cassini.
21. Fiacre pour aller chez M. le comte Pison du,Galand, M. l'ambassadeur de Sardaigne et revenir de chez Mme de Saint-Priest.
s 22. Dîné chez M. le comte de Maillebois.
23. Allé chez M. le comte de Maillebois avec M. Pison du Galand.
Janvier 1790.
8. Fiacre pour aller chez M. le comte de Maillebois.
9. Dîné chez M. le comte de Maillebois.
Fiacre pour revenir de chez M. l'ambassadeur de
Sardaigne.
10. Fiacre pour aller et revenir de chez M. le comte de Maillebois.
14. Fiacre pour aller chez M. le comte de Maillebois.
Dîné chez M. l'ambassadeur de Sardaigne.
20. Fiacre pour aller de chez Mm" l'ambassadricé de Sardaigne chez Mme de Champalier.
21. Fiacre pour revenir de chez M. le comte de Maillebois.
29. Fiacre pour aller chez M. le comte de Maillebois et dîner chez Mme Delorme.
30. Fiacres divers, pour aller chez M. le comte de Maillebois, M. l'ambassadeur de Sardaigne, etc.
31. Fiacres pour aller chez M. le comte de Maillebois, etc.
Février.
4. Fiacres pour aller et revenir de chez M. le comte de Maillebois.
6. Allé chez Mme l'ambassadrice de Sardaigne.
8. Fiacre pour aller chez l'ambassadeur de Sardaigne, le comte de Saint-Priest, etc.
Extrait du chapitre intitulé : affaires . particulières.
Le 18 février. J'ai endossé un billet à ordre de M. de Saint-Maurice, passé à M. le comte de Maillebois, au profit de M. Moulin, payable le 5 juillet, et ai reçu 1,800 livres (1). L'effet est de 2,600 livres.
9.
Six passeports délivrés à M. Bonne-Swardin.
Le premier, par les représentants de la commune de Paris à M. le chevalier de Bonne, accompagné de son domestique, pour aller à Glermont-en-Beauvoisis, daté du 8 octobre 1789, et rafraîchi le 28 dudit mois.
Le second, par le comte de Hauteville, ministre du roi de Sardaigne au département des affaires étrangères, à M. le chevalier de Bonne, sujet de Sa Majesté (sarde), êt officier au service de France, qui y retourne : ledit passeport donné à Turin le 22 mars 1790.
Le troisième, par M. le comté de Durfort, commandant en second dans la province du Dauphiné, à M. le chevalier de Bonne, lieutenant dans Vétat-major deVarmée(2), chevalier de Saint-Louis, allant à Paris : ce passeport donné à Grenoble le 28 dudit mois de mars 1790.
Le quatrième, par M. le marquis de Gordon, ambassadeur du roi de Sardaigne, donné en son hôtel, à Paris, lë Ie* avril 1760, à M. le chevalier de Savardin, sujet du roi de Sardaigne, allant dans sa patrie, avec son domestique. Au bas est le vu passer de l'officier de la garde nationale du Pont-de-Beauvoisin, daté du 30 avril 1790, et signé OUien, qui n'a point servi, M. Bonne-Savardin ayant été arrêté le moment d'après.
Le cinquième, à Malines, le 16 avril 1790, par le général major, baron de Kleioenberg, à M. le chevalier de Bonne-Savardin, lieutenant-colonel (3), et chevalier de Saint-Louis, le connaissant particulièrement ; bon pour jusqu'à nouvel ordre.
Le sixième, donné aussi à Malines, le 21 du même mois, par M. Barnebrodes, commandant de la place, à M. Savardin, venant de Brabant, allant en France, bon pour quinze jours.
Deux permissions pour courir la poste.
La première, donnée à M. le chevalier de Bonne, à Grenoble, le 29 mars 1790, par ordre du commandant, signé : Teysseyre-Rochesteix.
La seconde, donnée au même, sous le nom de marquis de Saint-Marc, datée de Paris 27 avril 1790, et signée d'Ogny, pour la route de Paris à Âuxerre; c'est celle déchirée par M. Bonne-Savardin, lors de la visite de ses papiers(Voyez ci-dessus le procèS'verbal de Pont-de-Beauvoisin, voyez aussi l'interrogatoire, art. 12, 13, 14 et 15).
N° 10.
Deux routes.
L'une de Paris à Lyon, l'autre de Paris aux Echelles, avec le calcul du nombre et des frais de Ja poste; elles sont écrites de la main de M. Massot, alors secrétaire de M. de Maillebois, et M. Bonne-Savardin reconnaît que c*est avec M. de Maillebois qu'elles ont été calculées (Voyez interrogatoire, art. 117).
Note gardée par M. Bonne-Savardin, des lettres par lui éctites à M. de Maillebois, pendant son séjour à Turin.
Turin, courrier du 12 mars.
Annonce que deux courriers venant dé Cobs-tantinople, passant à Venise polir aller en Espagne, ont annoncé l'alliance entrela Prusse, la Pologne, la Suède, l'Angleterre, la Hollande et la Porte, contre la Russie et Vienne ; ces deux puissances garantissent à la Porte la restitution de toutes les conquêtes, mêmê de la Grimée. On craint que là Russie n'entraîne le grand-duc à résister à la confédération. Ecrit le 17.
Ecrit lé 24 ou 25 de la Novalêse.
Cartes des personnes qui se sont présentées chez M. Bonne-Savardin, pour lui rendre visite pendant son séjour à Turin.
Elles sont en assez grand nombre, et en voici le relevé:
Le commandant de Turin, deux cartes. Le comte Solar de Monastérols. M. de la Bastide. Le comte d'Euvie.
Le chevalier de Frésia, quatre cartes.
Le marquis d'Anticbamp.
Le marquis de Gôudréet, deux cartes.
Le comte de Balbian, quatre cartes.
Le chevalier de Perron et son fils} deux captes
. Le comte de Bonport.
Le comte de Broglie, trois cartes.
Le chevalier Obert Balbian, deux cartes.
Le prince d'Hénin, pour
M. l'abbé de Boune.
Le même, pour
M. le chevalier de Bonne.
H. P, D. Gaëtano Guisana, ex-générale Dei Pi P.
Teatini.
M. de Belleville, pour MM. de Bonne.
L'abbé Trotté de Bosse, pour MM. de Bonne frères.
Pi'isentation.
A. LL. AA. RR. messeigneurs les ducs de genevois et comte de Maurienne.
De M. le chevalier de Bonne, lieutenant-colonel au service de France (1), et M. l'abbé de Bonne, son frère, grand-vicaire au diocèse de Saint-Flour, sujet du roi.
Par eux-mêmes (2).
Pour dimanche, 14 du courant.
(CPest la copie d'un billet en partie imprimé, trouvé dans les papiers de M. Bonne-Savardin.)
Mémoire à consulter et consultation pour M. Guignard Sainl-Priest, ministre et secrétaire. d'Etat.
Au mois de juillet de l'année dernière, j'ai été compris par l'Assemblée nationale, dans le nombre de ces ministres dont elle a déclaré solennellement qu'ils emportaient avec eux dans leur retraite, l'estime ae la nation et ses regrets.
Au mois de juillet de cette année, je me vois dénoncé au Châtelet par le comité des recherches de la ville de Paris, comme l'ennemi de l'Assemblée nationale et un conspirateur contre ia liberté du peuple.
D'où peut venir un contraste si frappant! et qui offre un exemple si frappant des vicissitudes humaines!
Est-ce que je n'aurais pas été digne l'année dernière des sentiments si glorieux pour moi qui m'ont été témoignés par l'Assemblée nationale ou est-ce que j'aurais mérité aujourd'hui les inculpations si odieuses dont le comité des recherches m'a rendu l'objet ?
Est-ce que j'aurais eu le courage de me montrer citoyen à une époque où il pouvait y avoir peut-être quelque danger à paraître tel, et que j'aurais cessé d'avoir ce courage dans un moment où ce titre est devenu si satisfaisant el si honorable?
Ën un mot, est-ce moi qui ai changé, ou serais-je aujourd'huien butte à des ennemis, qui, l'année dernière, n'avaient pas encore osé manifester les projets qu'ils avaient formés contre moi?
Je cherche à m'expliquer cet étrange problème et je ne puis pas y parvenir.
Je croyais que ma vie publique et même ma vie privée étaient assez connues pour qu'elles eussent pu, seules, me garantir des odieuses imputations qu on se permet de me faire.
Depuis quarante années que je me suis dévoué au service de mon pays, je pourrais demander quel est donc le délit dont je me suis rendu coupable, ou dans quelle occasion j'ai pu mériter de faire naître des soupçons sur ma fidélité ou sur mon zèle?
J'ai occupé, dans le cours de ces quarante années de ma carrière politique, les emplois les plus importants : j'ai eu l'honneur de représenter le gouvernement français dans plusieurs ambassades ; j'ai eu quelquefois à exercer les fonctions les plus difficiles, je pourrais même dire les plus périlleuses ; partout je crois avoir toujours rempli mes devoirs en homme digne, peut-être, de la confiance honorable dont j'étais chargé, en dépositaire fidèle des intérêts publics, et en véritable citoyen français.
Je n'ai jamais surtout séparé l'estime du roi de
l'estime du peuple; je n'ai point pensé qu'il dût y avoir entre le monarque et la nation une opposition d'intérêts, ou une différence de vues; je les ai toujours regardés, au contraire, comme ne pouvant avoir l'un et l'autre que le même but ; et la Révolution qui est venue rapprocher encore de plus près le roi d'un peuple pour lequel il a une si véritable affection, n'a point rencontré d'obstacles dans mes idées, et encore moins dans mes sentiments.
Cependant il n'est que trop vrai que je suis devenu depuis quelques mois l'objet d'une persécution à laquelle il m'était aussi impossible de m'attendre, qu'il me l'est de pénétrer les motifs qui l'ont excitée.
Gette persécution a commencé au mois de septembre dernier.
On se rappelle qu'à cette époque, je fusdénon cé au district de Saint-Philippe-du-Roule, auprès duquel on avait cherché à rendre mes opinions suspectes.
Je me présentai à mon district, je demandai à y être entendu ; je n'eus pas de peine à m'y justifier, et il m'est permis de publier aujourd'hui avec reconnaissance que j'y reçus les marques d'estime les plus houorables et les plus touchantes.
Ce premier échec ne déconcerta pas ceux qui en voulaient à ma place où à ma personne.
Bientôt après, et au mois d'octobre, c'est devant l'Assemblée nationale elle-même que je fus traduit pour une prétendue réponse offensante pour elle, qu'on supposait que j'avais faite à des femmes du peuple de Paris alors àVersailles.
Je n'eus encore besoin, dans cette occasion, que d'éclaircir les faits pour faire tomber cette inculpation.
J'eus l'honneur d'écrire sur-le-champ au Président de l'Assemble nationale ; j'offris de prouver que ia réponse qu'on me prêtait, n'était pas celle que j'avais faite ; je protestai de mon dévouement pour l'Assemblée nationale et pour ses décrets sanctionnés par le roi; et ceux qui méconnaissent, savent bien que je ne suis pas capable de professer des sentiments qui ne seraient pas gravés dans mon cœur. Sur ma lettre, la dénonciation fût renvoyée au comité des, rapports, et elle a paru si dénuée de fondements à ce comité, qu'il n'a pas cru devoir y donner de suite.
A l'affaire de Versailles a succédé ensuite celle de Marseille.
J'ai été dénoncé de nouveau à l'Assemblée nationale, à l'occasion des troubles qui s'étaient élevés dans cette ville au mois de mai dernier, et j'ai élê dénoncé comme réfractaire aux décrets de cette Assemblée.
Ma réponse encore a été bien simple.
J'ai écrit le 2 juin au Président de l'Assemblée nationale et j'ai établi, dans ma défense, que non seulement dans tes mesures que j'avais prises pour Marseille, d'après les ordres qui m'avaient été donnés par le roi, je n'avais pas enfreint les décrets rendus par cette Assemblée, mais que je m'étais, au contraire, conformé littéralement aux dispositions qu'elle avait prescrites.
Cette défense a paru.sansdoute, satisfaisante au comité des rapports où cette dénonciation particulière a été également renvoyée, puisque ce comité n'en a fait depuis aucune mention.
Ce n'était pas là apparemment ce qu'avaient es péré les ennemis qui me poursuivaient.
Quand on a vu le mauvais succès de ces dénonciations qu'on se permettait contre moi à l'Assemblée nationale, on a senti qu'il fallait encore
quelque chose de plus imposant, et on a pensé sans doute que le moment était venu de me traduire dans les tribunaux comme crime de lèse-nation, et de me présenter au peuple français comme l'ennemi de sa liberté.
On m'a donc accusé, en effet, devant le Châtelet, comme un conspirateur contre la nation, et voici quel est l'événement qui a servi de prétexte à cette accusation si étrange tout à la fois et si odieuse.
- Le 30 avril dernier, M. Bonne-Savardin, capitaine d'artillerie au service de Hollande, et chevalier de l'ordre de Saint-Louis, a été arrêté au Pont-de-Beauvoisin, au moment où il se disposait à passer sur le territoire de la Savoie.
En l'arrêtant, les officiers municipaux de Beau-voisin se sont saisis de ses effets et y ont fait apposer leur cachet.
M. Bonne-Savardin a été conduit ensuite à Lyon et transféré de là à Paris, dans l'Abbaye-de-Saint-Germain où il a été enfermé.
Cet officier a été interrogé sur-le-champ par le comité des recherches de la commune.
Son interrogatoire a été extrêmement long et a duré plusieurs séances.
Il paraît qu'on impute à M. Bonne-Savardin d'avoir formé avec M. de Maillebois, un projet de contre-révolution en France, et d'avoir cherché à favoriser l'exécution de ce projet par l'introduction de quelques troupes étrangères dans le royaume.
Il paraît encore que la base de cette imputation est dans une déclaration faite au mois de mars, au comité des recherches, par le secrétaire de M. de Maillebois, dans une autre déclaration d'un Valet de chambre de M. de Maillebois, faite à peu près à la même date, et dans quelques lettres anonymes écrites aussi à la même époque.
Je ne me permetterai point d'apprécier ces cé-clarations ni ces lettres ; ce n'est point à moi à rechercher le degré de confiance qu'on doit y ajouter, ou quels sont les preuves ou les soupçons seulement qui en résultent : je n'ai point d'intérêt à ce que l'accusation intentée contre MM. de Maillebois et Bonne-Savardin soit établie ou ne le soit pas; je désire que ces officiers soient innocents ; mais si, par malheur, ils étaient coupables, je serais le premier à convenir que les poursuites dont ils sont l'objet sont aussi légitimes que nécessaires.*
Voici, au reste, dans cette accusation, ce qui me regarde ;
Parmi les pièces recueillies ou découvertes par le comité des recherches relativement à M.Bonne-Savardin, il ' s'en trouvait deux écrites, dit-on, en entier, de la main même de cet officier.
L'une de ces pièces est un livre de raison où on voit que M. Bonne-Savardin était dans l'usage de se rendre compte à lui-même de ce qu'il pouvait avoir fait chaque jour.
L'autre est le récit d'une conversation que cet officier dit avoir eu avec un particulier qu'il appelle du nom de Farcy, et qu'il avait mise par écrit apparemment pour la conserver ou pour la transmettre.
La conversation ne paraît pas avoir de date dans lè récit.
Seulement, on voit, dans ce récit, que cette conversation a été tenue un jour où M. Bohne-Savardin a été mandé au comité dés recherches de l'hôtel de ville.
D'un autre côté, on voit, dans le livre de raison, que le jour où M. Bonne-Savardin a été mandé au
comité des recherches de l'hôtel de ville, est le 5 décembre dernier.
Une lettre de M. Bonne-Savardin à M. de Maillebois, trouvée dans les papiers de M. Bonne-Savardin, donne aussi à la conversation la même date.
En même temps, il résulte du livre de raison de M. Bonne-Savardin, que précisément le 5 décembre dernier, cet officier est venu me faire une visite et qu'il m'en a fait même une autre le lendemain .
C'est ce rapprochement qui a été sur-le-champ saisi par le comité des recherches et qui est devenu le fondement de la dénonciation que le le comité s'est permise contre moi.
Le comité des recherches a dit : Ilparaîtque de la conversation que M. Bonne-Savardin a eue avec le nommé Farcy, que ce,Farcy n'était pas plus éloigné du projet d'une conire-révolution que M. Bonne-Savardin lui-même.
Or, Farcy est certainement M. de Saint-Priest.
Car d'une part, on voit, pàr le récit de la conversation, que cette conversation a été tenue entre M. Bonne-Savardin et Farcy, le 5 décembre.
On voit aussi, par la lettre de M. Savardin à M. Maillebois, que le 5 décembre cet officier a vu le nommé Farcy. -
D'autre part, le livre de raison atteste, que le 5 décembre M. Bonne-Savardin est allé faire une visite à M. de Saint-Priest, et qu'il lui en fit une autre le lendemain..
Donc, M. de Saint-Priest et Farcy sont la même personne.
Donc, M. de Saint-Priest est coupable ou complice du projet de contre-révolution qui a été formé.
Il est évident que c'est ainsi, qu'a raisonné le comité des recherches.
C'est là-dessus qu'il a pressé vivement M. Bonne-Savardin dans ses différents interrogatoires ; et quoique cet officier, non seulement ne soit pas convenu dans Ces interrogatoires que j'étais celui qu'il avait désigné du nom de Farcy, mais qu'encore il ait attesté hautement que « d'après les « sentiments qu'il me connaissait, j'étais si éloigné « d'être l'apôtre d'une contre-révolution, que « jamais il n'aurait osé me nommer M. de Maille-« bois pour général de cette entreprise », cependant le comité des recherches n'en a pas moins persévéré à prétendre que c'était moi qui étais ou qui devais être ce Farcy avec lequel M. Bonne-Savardin avait dit être entretenu, et ne m'en a pas moins dénoncé au Châtelet sur ce fondement.
Avant d'aller plus loin, je prie qu'on remarque dans quelles circonstances cette dénonciation a été portée. '
C'est le4 juin que l'interrogatoire de M. Bonne-Savardin a été clos.
A cette époque, toutes les pièces que le comité des recherches a publiées depuis, lui étaient connues, et, par l'interrogatoire, il savait qu'elle opinion il était autorisé à prendre de ces pièces.
Ce comité pouvait donc, puisqu'il pensait, d'après ces pièces, qu'il y avait lieu à dénonciation, faire cette dénonciation bientôt après l'interrogatoire achevé, ou, en supposont qu'il fallut encore quelques jours à celui de ses membres qu'il avait chargé de lui rendre compte de cette affaire, pour la rédaction de son rapport, ce rapport ne pouvait jamais retarder la dénonciation tout au plus que d'une Semaine. _
Mais ce n'a pas été la marche du comité des recherches; et comme si ce comité avait voulu
lier la dénonciation qu'il avait le projet de faire à une époque plus remarquable; comme si, dans cet objet il avait cru devoir choisir celle qui s'approchait de la Fédération du 14 juillet, moment où les députés de toutes les provinces du royaume devaient se trouver à Paris pour la circonstance la plus solennelle et la plus auguste, et où l'explosion de sa dénonciation devait par conséquent être la plus violente, il se trouve que que c'est précisément au moment de cette Fédération qu'il m'a dénoncé.
En effet, c'est le 9 juillet que le comité a autorisé, par un arrêté, le procureur syndic de la Commune à me dénoncer au Châtelet.
C'est le même jour que le même comité a pris un autre arrêté pour ordonner l'impression du rapport de son commissaire avec les pièces justificatives et la distribution de ce rapport et de ces pièces en très grand nombre (1).
Le lendemain, les pièces ont été envoyées au procureur-'syndic de la Commune.
Le 12, elles ont été déposées au greffe du Châtelet.
Et déjà, dans le cours de la journée du mardi 13, une multitude de libelles atroces se répandaient dans Paris contre moi : j'étais représenté dans ces libelles comme un conspirateur et un traître à la patrie; on allait même jusqu'à demander le renvoi de tous les ministres; on proposait des motions à faire pour ce renvoi, au champ de Mars., par tous les bons citoyens; en un mot, j'étais à peine dénoncé, et je n'étais encore que dénoncé, que la fermentation était à son comble.
Je veux croire que le comité des recherches n'avait pas prévu cette fermentation, qui pouvait si facilement avoir des suites si funestes, mais il faut avouer que si je ne suis pas devenu, à cette époque, la victime d'une multitude abusée, si la tranquillité générale n'a pas été un seul moment interrompue, si la plus imposante fête, dont jamais aucune nation ait donné l'exemple à l'univers, n'a pas été souillée par quelque attentat capable d'en ternir la gloire, ce n'est pas la faute de ce comité ; il n'a pas tenu à lui de m'exposer, moi en particulier qui ai eu l'honneur d'accompagner partout le roi, au plus grand danger; et je ne dois peut-être qu'à la réputation seule dont je jouis, à l'autorité de mon caractère qui en impose à mes ennemis mêmes, à la connaissance qu'on a du courage avec lequel je remplis courageusement mes devoirs malgré les obstacles que pourrait rencontrer mon zèle; enfin, j'oserai le dire, à l'irréprochabilité de ma vie tout entière, d'avoir échappé à la violence des préventions qu'il était parvenu à exciter contre moi par la dénonciation qu'il s'était permise.
Quoi qu'il en soit, je reviens à cette dénonciation.
Elle a à mon égard deux objets.
Je suis accusé par le comité des recherches : 1° « de n'avoir pas repoussé ni dénoncé aux tri-« bunaux des offres criminelles qui m'avaient « été faites par M. Bonne-Savardin, et de les « avoir, au contraire, favorablement accueillies « par des témoignages de bienveillance et par la « communication d'autres projets non moins con-« traires à la Constitution. »
2° De n'avoir cessé de témoigner ma haine et mon mépris pour l'Assemblée nationale et les lois
décrétées par elle et acceptées par le roi, tandis que le premier devoir d'un ministre est de les faire exécuter et respecter.
Je ne crois pas qu'il est nécessaire que je parle ici de l'espèce de précaution, pour ainsi dire, oratoire que prend l'auteur du rapport fait au comité des recherches, pour faire entendre que, quoique ministre du roi, ce comité n'en devait pas moins au salut public de me dénoncer aux tribunaux comme tout autre particulier.
Certes, il me semble que c'était là une précaution bien superflue.
Avant même que la responsabilité fût devenue une loi de l'Etat, rien n'aurait empêché qu'un ministre, coupable de projets séditieux contre son pays, n'eût pu être dénoncé aux tribunaux.
Depuis ia responsabilité, la liberté de ces dénonciations ne peut pas seulement être mise en doute.
Ce n'était donc pas la peine d'écrire plusieurs pages pour démontrer une vérité aussi simple, et l'auteur aurait pu se les épargner.
Il aurait pu s'épargner aussi ce qu'il dit dans un autre endroit de son rapport, qu'il était nécessaire que le comité me dénonçât précisément, pour me donner les moyens de faire éclater mon innocence "fclus facilement.
Je sens tous les prix d'une attention aussi délicate de la part du comité des recherches, mais je ne crois pas que j'eusse besoin qu'on me mît dans le cas de me défendre de la prétendue bienveillance avec laquelle on suppose que j'aie accueilli un projet atroce, pour paraître innocent de ce projet même.
D'ailleurs, si la considération dont il est important que les ministres soient environnés par intérêt pour leurs fonctions mêmes, n'est pas un obstacle à ce qu'ils puissent être dénoncés aux tribunaux, lorsqu'on présume qu'ils peuvent être coupables, il faut convenir aussi qu'un homme n'est pas suspect, par cela seul qu'il est ministre, et qu'on lui doit, au moins, dans les poursuites qu'on veut exercer contre lui, la même justice qu'on aurait pour les citoyens ordinaires, c'est-à-dire celle de ne pas compromettre son honneur sans fondement ou même sans vraisemblance.
Or. cette justice, le eomité des recherches en a évidemment manqué vis-à-vis de moi.
D'abord il m'accuse de n'avoir cessé de témoigner ma haine et mon mépris pour l'Assemblée nationale et les lois décrétées par elle et sanctionnées par le roi.
J'aurais, sansdoute, le droitde relever ces expressions de haine et de mépris qu'on a affecté de choisir pour rendre cette inculpation encore plus grave, comme s'il n'était pas absurde de supposer qu'un Français, quel qu'il fût, et même quelles que puissent être ses opinions particulières, eût au mépris et de la haine pour l'Assemblée nationale et les lois qu'elle a décrétées et qui ont reçu la sanction du roi.
Je pourrais encore faire remarquer que, dans toutes les occasions publiques où j'ai agi comme ministre du roi, ou écrit en cette qualité, j'ai donné les preuves les moins équivoques de mon véritable respect pour l'Assemblée nationale, et de ma profonde soumission aux décrets qui sont émanés d'elle et que le roi a sanctionnés.
Mais je ne m'arrête pas même à ces observations: je demande de quel droit le comité des recherches s'est permis contre moi l'inculpation particulière dont je suis l'objet?
Ce comité est composé, dit-on, de jurisconsultes.
Ces jurisconsultes doivent savoir qu'on fi'ëiM pas libre de dénoncer àlix tribtihaux, contre I'hon* neur d'un citoyen, des allégations seulement où des conjectures, qu'oh ne f)eut leur dénoncer que des faits.
Or ici, le comité ne cité àuciiti fait à l'apipui de cettë inculpation.
ïl m'accuse formellement de h'àvd^ cesdê de témoigner1 ma haibe ét mon mépris pour l'Asèem-blée nationale et il ne dit pas en quelle occasioh, en quelles circonstance^, dans qdel moment, en quel lieu j'ai témoigné cette haiîie ou ce mépris; il d'articulé rien, il n'expliqué rien : il se borne à me faite uti reproche absolument Vague.
Èt Ihl qui Se vante de ffi'avbir dénoncé Uhic|Uë-ment pdur me donner les moyens de falfe éclater mon innocence avec pliis de fabilité, s'y est àu contfàirfe pHs, cdmme oh voit, de maniéré, eti m'accusant, qu'il m'ôte le moyen de la faire éclater dd tout.
Je prie qu'on me dise ëi oh se serait permis de traiter le plus simple citoyeh avec ùhè injustice plué révoltante !
La mèmë injustice se manifeste encore dàtis la secondé inculpation cfue le comité des techëtehes a chu pouvoir hasardér bonite moi.
Je suis accusé de.n'avoir pas repoussé des offres criminelles qui m'olit été faites par M. Bonne-Savârdin, à l'occasion deë projets qtl'on impute à cet ofliciéh ét à M. dé Maillebois, èt même d'avoir accueilli Ceë offfe§ aVec biebVèillàbce.
Je cbmbiëhce d'abord par ptetëstefr, comme je l'ài fait dans la lettre que mdti premier mouvement m'a porté à adresser le 13 juillet àu Président dë l'Assemblée nationale, que je n'ai eu de ma fië àùdUd rapport de confiance avec MM. de MàillëboiS ët dé Savarditi, et que, çfuoique j'aië été à portée de les cotinaltre tbils deui, je le^ ai ce-jietidant trop pieu Vus l'iin et l'autre poUrqùecèS relatidhs aiëtit laissé deS tràces.
Je protesté érisuilë qUe, dans le bètit riombte dè Visite^ que M. Bonnë-Savdrdin a eu occasion dë me faire il y a tjUelques mois, il ne m'a jamais parlé ed âuciiné manière, ni directement ni indirectement, d'dn projet de contrë-révolution, et qu'il n6 m'a jamais entretenu cjue du désir qu'il àùràit qiie le gouvernement pût pàyer les dettes de M. dé Maillebois, od ddhttër âce général dii SerVicë en France.
Voilà Ma dédlâfatidH SOlennellë relativement à l'imputation qUi bi'ë^t faite dë n atoir pas rë-poussé, ou plutôt d'avoir accueilli ies prdjèts du on âdpposé m'avbif été cbmtfiUnic|Ué^ bar M. Botihe-SaVardiù; et cette déclaration publiqlië d Un homme qu'on n'accuséra pelit-être pas dë s'être hjontfé jusqu'ici Sanâ quelques vertUs, doit me suffire sâfiâ doute poUt ma défense, jusqu'à ce tjU'on m'oppoSe des pteûvès qUi paraissent la faire iomber du la contraKent.
Je dëmdtide donc où sont ces preuves sur ia foi desquelles le comité des tefchétchëS a cru pouvait Së liVtef â la dénonciation que je lui re-pteéhë? ,
Il pâfàît quë toutes ces preuves Se réduisent à iitië cOnvefsâtion tenue ëhtrè] M. Bondë-Savar-din ët Un sieur Farcy, qii'dh a troiivéé éctite dè la rhâiri (lë M. Êddne-Savdrdin, et à laquelle on prête un sëhs qui suppose, ehtfe les deux intfer-IbbUtëtii's, les Iniëhtionslës plUâ coupables et les plus ën demies.
J'ai lh lë récit dé Cette bonVël-sâtioh qUi â été imprimé par le comité dés rëchëtehes .
Je n'âl point d'intérêt à examiner si,'en effet, le dialogue qui fait l'objet de cette converëâtibn
renferme ou non le sens odieux qu'on lui prête.
Peut-être ne serait-fl pas difficile de faire voir qu'il y a au moins, delà part du comité des recherches, rfnê interprétation bien forcée dans les conséquéncês si alarmantes qu'il a cru pouvoir en tirer; mais encore,une fois, une telle discussion m'est absolument étrangère, parce que la conversation elle-même me fést. t
Je cherche seulement pourquoi le comité des recherches s'ésf permis dé supposer que c'était moi qui étais le personnage que M. Bonne-Savardin avait désigné sous le nom de Farcy, et quels ont pu être lés motifs d'une application si étrange?
Il n'y avait, à Ce qu'il me semble, que deux manières de me compliquer dans l'accusation qu'on se'proposait d'intenter contre M. Bonne-Savardin.
C'était d'abord, si M. Bonne-Savardin m'avait nommé dans la conversation qu'il a mise sur le' papier à la placé du personnage qu'il appelle du nom de Farcy ;
Et ensuite si, quoiqu'il ne m'eût pas nommé daus la conversation, il m'eût nommé au moins dâùs son interrogatoire.
J'obserVe que dans ces deux cas là-même, j'aurais eu le droit de repousser le témoignage de M. Bofirie-Savardin par le mien propre, et qu'alors il n'aurait pas existé de preuves contre moi; mais enfin on aurait eu âù moins une sorte de prétexte peur me dénoncer. , Je demande donc au comité des recherches, Si M. Bonnè-Savardih m'a nommé dans la conversation qu'il a tënU'e a^ec Faréy?
je lui demande s'il m'a nommé au moins dans son interrogatoire?
Le Comité des recherches est forcé dé répondre que bon; mais il bbserve, comme jè lë disais tout! à l'heure :
A l'égard de la conversation, que c'est le 5 décembre qu'elle a été tenUe, et que précisément, le 5 dêcèmbrei M. de Savardin a écrit, sur son livre de raison m'avoir fait une visite, ainsi que le 6.
Il observe encore que, d'après le récit de cette conversation, il parait que cet officier a vu aussi le nommé Farcy, le 5 et le 6 décembre.
A l'égard de l'interrogatoire, qu'en effet M. de Savàrdin në m'a pas nommé ; qu'il a évité de me nommer; qu'il à refusé de me nommer, mais qu'il n'a pas non plus nié formellement que le nom de FàHy ne fût pas le mien et que, pour qtii connaissait le cœur humain, les tergiversations de M. Bonne-Savardin étaient une désimation beaucoup plus irréprochable tfaè Vaveti le plus formel lui-même ne pourrait l'être (1).
J'ai de la peine à croire qu'on ait jamais eu le courage de p'drtè'r de pareils principes dans les tribunaux.
D'abord qu'est-ce que c'est que le livre de M.Bonne-Savardin à mon égard? Est-ce là une preuve qu'on puisse m'opposér? Est-ce une preuve surtout qu'on puisse m'opposér dans les tribunaux? je dois sans dotite répondre de ce qûe j'écris, mais dois-je répondre aussi de ce que les autres éctivept sians ma Connaissance ou sans mon Concours?1
Ensuite de ce que M. de Savarditi a écrit, Sur son livre de raison, m'avoir fait iiiie Visite le 5 décembre, il ne s'en suit pâs, je penSe, qu'il m'ait trouvé chez moi ces deux jours-là quand il y est venu; il est même très possible que ce soit précisément parce qu'il ne m'aura pas trouvé chez
moi, le 5 décembre, qu'il y sera revenu le 6. Mais en supposant qu'en effet il m'eût trouvé chez moi, il s'ensuit encore moins que je doive être de toute nécessité le Farcy avec lequel il a eu, le 5 décembre, la conversation dont on parle.
Né peut-il pas arriver d'ailleurs que M. Bonne-Savardin ait omis d'écrire dans son livre de raison, à la date ou du 5 ou du è décembre, le nom de quelqu'un qu'il aurait vu cependant un de ces jours-là, etqui nesè trouve dans son journal que pour l'un des deux ?
Une telle omission aurait-elle quelque chose d'extraordinaire ?
A-t-on toujours son livre avec soi ? peut-on y écrire à chaque minute? n'a-t-on pas des moments d'oubli ou d'inexactitude?
Ne peut-il pas arriver encore que cet officier eût eu des motifs personnels pour ne pas insérer dans son livre de raison le nom dé Farcy, et que * ces motifs soient les mêmes que ceux qui l'ont déterminé à emprunter le nom de Farcy, pour en déguiser ou couvrir quelqu'autre 9
Enfin, personne n'ignore que les ministres son obligés, par état, de voir tout le moridë, ils ne peuvent pas même s'y refuser ; leur porte est toujours ouverte, leurs audiences toujours remplies; chaquê citoyen a le droit de leUr présenter à chaque moment ses réclamations; et pour écouter les réclamations, il faut bien qu'ils reçoivent ceux qui les présentent.
M. Bonne-Savardin a donc pu venir me voir comme tout autre particulier, sans qu'on âit le droit d'en conclure que jë suis coupable parce que je l'ai vu : il n'y a point dë relation nécessaire entre la visite que m'a faite Cet officier, et la conversation qu'on suppose que nous avons eue : et il faut convenir que la condition des ministres serait bien malheureusë, si l'exercice non Seulement le plus innocent, mais le plus forcé des fonctions auxquelles ils sont appelés parleur place même, pouvait jamais devenir contre eux ou un titre d'accusation ou uh objet seulement de reproche.
Ensuite, quant aux prétendues tergiversations qu'on impute à M. Bonne-Savard'ih dans son interrogatoire à l'égard de l'application du hom de Farcy, je ne m'arrête pas à examiner le principe si nouveau toùt à la fois, et si étonnant, posé par le comité des recherches, que le refus même que fait cet officier que c'était moi qui était ce prétendu Farcy dont il avait entendu parler, était la preuve la plus forte qu'on pût administrer de l'identité des deux noms ; j'observe au Contraire que c'était précisément parce que M. de Savardin n'avait déclaré nulle part dans Son interrogatoire que c'était moi qui était le nommé Farcy, que le comité, des recherches n'avait pas le droit de m'appliquer lui-même ce nom, et encore moins celui de me donner, en conséquence, cette application qu'il se permettait ainsi sans aucun prétexte pour se justifier.
11 y a plus, non seulement M. Savardin n'a déclaré nulle.part dans son interrogatoire que c'était moi qui était 1 etfarcy avec lequel il a èu, le 5 décembre dernier, la conversation qui se trouve aujourd'hui imprimée, seul indicé qui eût pu autoriser, avec une sorte d'apparence, la dénonciation du comité des recherches contre moi, mais il a déclaré le contraire.
On voit, en effet, dans le derrtiér interrogatoire, le comité des recherches poursuivant vivement M. Savardin, et lui tendant même un piège, en 8'exprimant ainsi avec lui ;
A lui Observé qu'il résulte dé sii conversation
« écrite et des explications qu'il vient de nous « dOntter, que Farcy qu'il convient lui-même être « troôablement M. de Saint-Priest, lui a fait ou-« veftûre d'un projet de contre-réVolution, quelë « répondant de son côté a proposé à M. de Sainte « Priest, M. le comte dé Maillebois pour être à la « tête de l'entreprise. »
Cet officier a répondu : qu'il tiecroit pas qu'il « puisse jamais résulter de la conversation dont « il s'agit, et des aveux faits par le répondant, « qu'il ait été question d'ouverturé de projet de « contre-révolution par M. le comté de Saittt-« Priest, que le répondant ne peut ertCôrë assurer « être celui déàigné par le nom Farcijt qu'il ne « croit pas, par la connaissance qu'il a du personnel « de M. de Saint-Priest, qu'il fut jamais l'apôtre « d'une contre-révolution ; que très certainement « lui, répondant, n'aurait pas hasardé, en pareil « cas, de lui nommer M. le comte de Maillêboi3, « pour êtrë général à là tête de l'entreprise que « lorsqu'il luiaétéparlédeM.lecomtëdëMailleboiS, « cé qui lui est arrivé souvent, et longtemps avant '« la Révolution, c'est d'après lacoUvictlott de ses « talents politiques et militaires, et i'ûtfatitagé, « dont il est persuadé, qu'un pareil homme pour-« râit être dans Son l)ayâ, etc. »
Voilà, à cé qu'il më" semble, une déclaration bien positi'Ve.
Voilà qUi éloigne bien l'idée dë rappliôàtiôh qu'on veut thé faire dU nom de Farcy, et surtout de la conformité de mes Sentiments avëë ceux qu'on suppose à ce personnage.
Voilà qui aurait bleh dû Suffire pour ôter tdute inqui.ètuaé sur mon Compté au COrtilté des recherches ët arrêter, dte sa part, toute espèce dè dénonciation entre moi.
te ile parle pas, au reste, dé l'absurdité tiU projet dans lequel on suppose que j'ai été capable d'en-trë'r.
Je iië fais pàs remàrquer quë dans là multitude de pièces qui ont été imprimées pàr lé Comité des recherches, ët qui eWbràssent l'interviàllôduôtfé-cembre au 30 avril dernier, il n'y én a pâs Une seule ou il Soit fait la moindre mëntioh de mol, ni où mou ûom sè trouve, et pas même celui de Farcy.
Je Ue fais pas remarquer, Uott plus, qUë dans le moment où l'ori parle dans ces pièces, de M. de Montmorin, comme d'un ministre qu'il Serait nécessaire d'élôignôr, et de M. Necker, comme d'un ministre dont le départ pour les eaux pourrait favoriser la contre-révolution qu'on avait en vue, on n'ajoute pas, comme c'était si naturel, qu'à côté de ces ministres, il y en avait un. sur lequel on pouvait compter, ët que C'était itlôi.
Je vois plus loin, il me semblé que je SUlS dâtis unë position bien plus favoràble qde MM. Môii-nieï et tally-îoltëndal, dë c[Ui on dit, dahs les pièces imprimées, qu'ils étaient chargés de la Composition dU manifëste qu*bn së proposait de rédiger, ët que, quoiqu'il nê paraisse pàg.ûe côh-Sëntëmeflt de lëur jpaft à l'iritetition qu'on leur suppose, Sont toujours nommés comme désigtiês pour l'eXécUter.
GependaUt MM, Mobilier et Lally-Tollefidâl ïfdht pâs été dértônCéà pâr ie coftiité des recherches (1).
Et moi, que certainement rien n'accuse, qui ne suis nommé nulle part, qui suis justifié, au contraire d'avance, par celui même dont on voudrait me présenter comme le complice, c'est moi que le comité des recherches dénonce.
Est-ce prévention, est-ceanimosité? je l'ignore; mais je demande aux conseils pour lesquels j'écris ce mémoire, et dont j'interroge les lumières, si en effet la loi pourrait avouer une dénonciation que la raison proscrit avec tant de force?
J'observe qu'au défaut de preuves actuelles, le comité prétend qu'il en administrera d'autres en temps et lieux; mais je ne redoute pas ces autres preuves, je les attends, et la confianceque montre le comité des recherches ne m'ôte rien de la mienne.
J'ajouterai ici, puisque l'occasion s'en présente, que quoique les accusations qu'on se permet contre moi ne soient pas heureuses, on n en renouvelle pas moins souvent les efforts qui tendent à me compromettre.
Depuis même que j'ai été dénoncé au Châtelet, j'ai été encore comme dénoncé de nouveau à l'Assemblée nationale.
Du moins, dans l'affaire de Montauban, le rapporteur qui, dans son opinion, blâmait fortement la conduite de la municipalité de cette ville, a assuré que j'avais écrit à cette municipalité une lettre d'approbation, et je n'ai pas besoin de dire ce que cette observation seule pouvait inspirer de défaveur sur mon compte, dans un moment comme celui-ci.
Sur-le-champ, j'ai demandé au roi la permission de faire imprimer les lettres que j'avais eu occasion d'écrire à ia municipalité de Montauban ; le roi a bien voulu me l'accorder, et on a été à portée de se convaincre, à la lecture de ces lettres, que non seulement je n'avais approuvé dans aucune la conduite de la municipalité, mais qu'elles étaient toutes remplies des preuves les plus éclatantes de ma soumission aux décrets de l'Assemblée nationale, et de mon zèle à en provoquer l'exécution.
Un philosophe fut accusé chez les Anciens de ne pas croire à la divinité ; le peuple se porte en foule dans sa maison ; on lui arrache avec violence un écrit qu'il tenait dans les mains. Que
contenait cet écrit?.....un hymne à l'honneur de
la diviuité.
Signé : GuiGNARD.
CONSULTATION.
Le conseil soussigné, qui a pris connaissance du mémoire ci-dessus de M. de Saint-Priest, ensemble du rapport du comité des recherches, du 9 juillet dernier, et de toutes les pièces qui y sont annexées :
Estime que le zèle que tous les citoyens peuvent mettre dans la recherche des délits qui intéressent le salut public, est bien digne de reconnaissance, que ce zèle a dû naturellement naître de la liberté dont jouit aujourd'hui la nation française ; qu'il est un des fruits les plus salutaires de cette liberté ; qu'il peut servir à la conserver et à la défendre ; mais que cependant, si on veut rendre ce zèle aussi utile qu'il est susceptible de l'être, il ne faut l'exercer qu'avec Une circonspection extrêmement sage, et le renfermer rigoureusement dans les bornes que la prudence elle-même indique.
Le plus grand danger, en effet, que la liberté publique pourrait courir, serait de sacrifier sans
cesse la liberté individuelle à des craintes qui n'auraient aucun fondement, et que la plus simple réflexion souvent ferait évanouir. Il est nécessaire sans doute d'être vigilant, mais il ne faut pas l'être jusqu'à l'inquiétude ; il ne faut pas que des alarmes, souvent chimériques, qu'on pourrait concevoir sur la sécurité générale, dégénèrent en persécutions pour lescitoyens.il faut prendre garde que, sous prétexte de la vengeance de la République,on n'établisse,comme dit Montesquieu, ' la tyrannie des vengeurs (1) ; il ne faut pas surtout attenter trop légèrement à l'honneur des hommes publics, par des accusations téméraires; il faut encore moins se permettre de prodiguer ces accusations effrayantes qui ont pour objet de livrer un seul individu à la haine de tout un peuple, et qui font tout à coup des ravages si rapides et si meurtriers; en un mot, il ne faut pas faire redouter ou haïr la liberté par ces injustices ou par ces rigueurs dont on se plaignait avant de l'avoir acquise : il faut forcer de l'aimer par ses bienfaits mêmes.
Ces réflexions se présentent naturellement à l'occasion de la dénonciation dont M. de Saint-Priest est devenu l'objet de la part du comité des recherches.
Nous n'envisageons point ici M. de Saint-Priest comme un homme qui occupe une place éminen te, nous ne l'envisagerons point comme un ministre du roi, nous écarterons l'idée de 1a considération imposante dont il a besoin pour l'intérêt même des fonctions dont il est chargé, et qui exigent qu'il jouisse non seulement de tout son honneur mais encore de l'opinion même de son honneur; nous ne voulons le juger que comme un simple citoyen, et d'après les principes de la Constitution nouvelle, qui rend aujourd'hui tous les Français égaux aux yeux de la loi.
Dénoncer à la justice un citoyen, quel qu'il soit, -comme coupable d'avoir formé le projet d'attenter à la liberté de la nation, c'est lui faire la blessure la plus mortelle qu'on puisse faire à un homme. Cette blessure peut même avoir pour lui les suites les plus funestes : elle compromet non seulement son repos, mais encore sa vie : elle arme d'ailleurs sur-le-champ l'opinion de ses concitoyens contre lui, elle leur inspire la haine, elle les excite à la vengeance, et on conçoit, sans peine, combien de malheurs peuvent naître de la fermentation que peut produire tout à coup la seule rumeur d'un pareil délit au milieu d'un peuple encore en alarmes.
Une telle dénonciation ne peut donc être faite par des hommes qui ont pris, en quelque sorte, dans l'opinion publique, le caractère de magistrats du peuple, qu'avec cette espèce de réserve profonde qui doit nécessairement accompagner une fonction aussi redoutable.
Elle doit porter sur des faits graves tout à la fois et précis.
Elle doit être surtout appuyée sur des preuves positives.
Est-là l'opinion qu'on doit prendre de la dénonciation de M. de Saint-Priest, de la part du comité des recherches? Cette dénonciation a deux parties. Dans la première, M. de Saint-Priest est accusé de « n'avoir pas repoussé et même d'avoir ac-« cueilli avec bienveillance des offres criminelles « qui lui ont été faites par M. Bonne-Savardin, « à l'occasion d'uue contre-révolution projetée
« en France, et de lui avoir donné lui-même t communication d'autres projets non moins con-« traires à la Constitution. »
Dans la seconde, il est accusé de « n'avoir a pas cessé de témoigner sa haine et son mépris « pour l'Assemblée nationale et les lois décrétées « par elle et acceptées par le roi. »
Nous allons examiner un moment ces deux objets de dénonciation.
D'abord, nous n'avons pas besoin de nous arrêter sur le reproche fait à M. de Saint-Priest d'avoir témoigné du mépris pour l'Assemblée nationale et pour ses décrets.
M. de Saint-Priest a fort sagement observé, dans son mémoire, que cette inculpation ne contenait l'articulation d'aucun fait, et que, dès lors, on n'avait pas eu le droit d'en faire matière à dénonciation dans les tribunaux.
Nous ajouterons, à cette observation de M. de Saint-Priest, que le principe en esl dans les lois.
Les lois romaines, pour donner elles-mêmes un exemple de la précision rigoureuse avec laquelle une accusation devait être intentée, avaient cru devoir tracer la forme littérale qu'on devait y suivre.
Elles avaient dit que tout accusateur serait tenu d'exprimer dans quelle ville, dans quelle maison, dans quel mois, sous quels conseils le crime avait été commis : Dicat in civitate illâ, domo illius, mense illo, consulibus illis, commi-sisse (1).
Cette précaution si sage n'a point échappé non plus à la loi française.
L'ordonnance de 1670 n'est pas précisément entrée dans le même détail que la loi romaine; mais elle dit formellement que toute dénonciation doit être circonstanciée, c'est-à-dire exprimer au moins le temps et le lieu.
« Nos procureurs et ceux des seigneurs, porte « l'article 6 du titre III, auront un registre pour « recevoir et faire écrire les dénonciations qui « seront circonstanciées et signées par les dénon-« dateurs. »
On sent, d'ailleurs, et la raison elle-même l'indique, que ce n'est qu'autant qu'une dénonciation est circonstanciée, c'est-à-dire qu'elle articule nettement les faits dont on prétend faire sortir les inculpations avec leurs détails, que celui qui en est l'ojet a la faculté de s'en défendre ou de la combattre, par la discussion dans laquelle il peut entrer sur ces faits ou ces détails mêmes qui la composent.
Or, si la dénonciation du comité des recherches n'énonce aucune circonstance, elle n'exprime point de temps, elle n'exprime point de iieu, elle ne contient qu'un reproche vague, et même si vôgue, qu'il est impossible à M. de Saint-Priest de s'en justifier autrement que par l'assertion contraire, puisqu'on n'articule ni en quoi consiste le prétendu mépris qu'on suppose qu'il a témoigné à l'Assemblee nationale, ui en quelle occasion il l'a témoigné.
Cette dénonciation est donc contraire à la loi, elle est irrégulière, elle est nulle.
Et cependant, quand on songe que c'est au moment où tous nos principes sont adoucis, où toutes nos idées ont changé, où notre ancien Code criminel nous paraît barbare (2), que le co-
mité des recherches se permet de violer ainsi, au préjudice d'un citoyen, des formes que l'ordonnance de 1670 elle-même a regardées comme tu-télaires, on est tout étonné de se trouver, pour ainsi dire, encore plus exposé qu'on ne l'était auparavant, et on ne sait plus ce que c'est que cette liberté dont on a l'art de nous dépouiller par des accusations illégales, quand la Constitution nous la donne.
La même observation peut s'appliquer à l'autre objet de la dénonciation portée contre M. de Saint-Priest.
M. de Saint-Priest est accusé de n'avoir pas repoussé et même d'avoir accueilli avec bienveillance des offres criminelles qui lui ont été faites par M. Bonne-Savardin, et d'avoir communiqué iui-même à M. de Savardin des projets contraires à notre Constitution. Mais sur quoi cette accusation est-elle fondée ? Il paraît que c'est sur le récit d'une conversation que M. de Savardin a dit avoir eue avec un nommé Farcy, et qu'on a trouvée écrite de sa main : conversation à laquelle les accusateurs de M. de Saint-Priest prêtent un sens qui, suivant eux, le rendent coupable.
Mais d'abord, nous pourrions demander si une simple conversation, quelle qu'elle soit, et de quelque interprétation qu'elle soit susceptible, a pu devenir la matière d'une dénonciation dans les tribunaux ?
On sait que le peuple romain, tout sévère qu'il était devenu sous les empereurs pour les crimes de lèse-majesté, n'avait pas cru devoir punir les simples paroles à l'occasion même de ces crimes.
Nec lubricum linguce ad pœnam facile trahen-dum est, disait ce peuple célèbre (1). Parmi nous, Montesquieu a dit aussi : « Les paroles ne forment point un corps de « délit, elles ne restent que dans l'idée; la plu-« part du temps, elles ne signifient point par « elles-mêmes, mais par le ton dont on les dit; « souvent, en disant les mêmes paroles, on nè « rend pas le même sens. Ce sens dépeud de la « liaison qu'elles ont avec d'autres choses ; quel-« quefois le silence exprime plus que tous les « discours : il n'y a rien de si équivoque que tout « cela; comment donc en faire un crime de lèse-« majesté? Partout où cette loi est établie, non « seulement la liberté n'est plus, mais son ombre « même (2). »
Nous pourrions demander ensuite, si, en supposant même qu'une simple conversation puisse devenir légalement l'objet d'une dénonciation juridique, on aurait eu le droit de se permettre cette dénonciation à l'égard d'une conversation qu'on avoue n'avoir point eu de témoin, qui n'a été entendue de personne, qui ne se trouve racontée que par l'interlocuteur seul qui prétend l'avoir tenue, dont les accusateurs de M. de Saint-Priest eux-mêmes sont forcés de convenir qu'il est à peuprés impossible d'en acquérir d'autre preuve (3) que le récit qui en existe et qui lui est manifestement étranger, et que M. de Saint-Priest peut faire tomber d'un seul mot, avec un déni.
Nous pourrions encore demander si la dénonciation fournit quelque preuve que cette prétendue conversation ait été transcrite d'une manière fidèle; si, au contraire, le sens ne peut pas en avoir été altéré; s'il n'est pas d'ailleurs bien facile de
corrdrrtftte, pâr de simples inexactitudes de mémoire, le sens d'une conversation fugitive?
Ënfitl UbUS pourrions rechercher en êffet, il est vrai qu'on pui^e justement attribuer à, la conversation tenue entre M. de Savardin et Farcy leséns tout entier cjiie lui prête l'auteur du rapport du Comité des recherches; si c'était bien d'Utï projet de COtïtre-révolUtioO qu'il s'agissait entre ces deux interlocuteurs; si Farcy surtout, qui, tantôt se tait et tantôt he dit que des choses extrêmement simples, laisse percer dans ses réponses qu'il fût occupé d'un projet semblable; et peut-être tie serait-il pas difficile de faire voir que l'auteur du rapport a mis dans l'explication qu'il â en treprise dé cette conversation une préoccupation bien étrange.
Mais, sans irisister sur cès observations qui n'intéressent pas M. de Saint-Priest êt qu'il lui serâ toujours fyien facile de 'développer Vient devant le tribunal auquel il est dénoncé, il est évident qu'il n'y a ici qu'une qUêStioft .à examiner, c'est celle de savoir si M. dé Saint-PrieSt est véritablement le nommé Farcy dônt il est question dans la Conversation qui a Servi db titre a la dé--nonciation faite contre lui.
Nous disons qu'il n'y a que cette question à examiner, parce qU'eh effet celle-là tranche toutes les autreB, et que s'il n'y a dans l'accusatipu aucune espèce de preuve que M. de Saint-Priest soit le Farcy interlocuteur de M. de Savardin, et qu'on ait pu lui attribuer cé nom C[U'il n'â jamais ni porté pi empruhté à aucune époque, ûôfct Seulement alors le fond de ladéhonciàtioh tombe, mais il devient certain qu'il n'y avait pâs même matière à dénonciation et que, dans là forme, celle qu'on s'est permise est absolument nulle.
Trois sortes de preuves différentes pouvaient être admiiïietrées contre M. de SaintrPriest, qui, à la vérité, ne l'auraient jamais convaincu d'être le Fafcy auquel on en veut, mais qui auraient pu au moins justifier, ën quelque aorte, le zèle excessif qui â porté ses accusateur* à le dénoncer :
C'était le récit de- la conversation tenue entre M. de Savardin et Farcy;
Le témoignage de M. de Savardin ; :
Lés pièces trouvées dans les papiers de cet officier.
D'abord, 3âhs lê fèclt de ïa conversation, il n'y arien qui accuse M. de Saint-Priest, ni même qui Findique; M. de Saint-Priest n'y est point nommé; il n'y a d'interlocuteur nommé que Fwrcç, et Farcy est nécessairement ou un individu réel portant en effet le nom de Farey, ou uù aom imaginaire qui en déguise un autre:
Si c4est Uh individu réel portant le nom de Farcy, ce n'est pas M. dé Saint-Priest.
Si c'est un nom imaginaire, comme il paraît que M. de Savardin én Convient lui-même, rien ne prouve que, dans la conversation dont il s'agit, ce nom puisse s'appliquer â M. de Saiût-Prîest, et qu'il déguise eu effet lé sien.
Il faut donc mettre ce récit à l'écart.
En second lieu, le témoignage de M. de Savardin ne s'est point élevé contre M. de Saint-Priest.
M. Bonne-Savardin a subi jusqu'à cinq interrogatoires.
Dans tous ces interrogatoires, il a été pressé de la manière la plus prolongée et la plus vive par le comité des recherches, et jamais if n'a déclaré que le Farcy avec lequel il s'était entretenu le cinq dècëriïbïe dernier rat M. de Saint-Priest.
Le comité des recherches convient lui-même,
dans une note de son rapport (1), que le seul nom de cette conversation que M. Bonne-Savardin ait interprété, c'est celui à Adrien.
Cet Officier, à la vérité, n'a pas dénié formellement que le nom de Farcy ne pût pas être appliqué à M. de Saint-Priest, ce qui peut venir ou de l'intervalle des six mois qui se sont écoulés depuis la conversation dénoncée, ou de l'hésitation naturelle de sa mémoire, ou du trouble même dans lequel avaient pu le jeter et la nature de l'accusation dont il était l'objet, et la longueur et la multiplicité des interrogatoires qu'on lui faisait subir, ou de tout autre,motif à lui personnel ; mais enfin c'est là une circonstance absolument indifférente pour les tribunaux; il suffit aux tribunaux que M. Bonne-Savardin n'ait point déclaré que M. de Saint-Priest était celui avec lequel il s'était entretenu le cinq décembre, pour qu'on n'ait pas le droit de le présumer ou le juger teL
Et à cet égard, nous avouerons que nous n'avons pas été peu surpris de trouver dans le rapport du comité des recherches, que c'était précisément parce que M. Bonne-Savardin avait évité denommerM. de Saint-Priest, qu'il fallait regarder ce refus de sa part comme une désignation beaucoup plus irréprochable que l'aveu te plus formel (2).
Certes, il est bien extraordinaire qu'on professe aujourd'hui de pareils principes, et que ce soient des jurisconsultes qui les professent.
Avec quelle force on se serait élevé eontre celui qui, sous l'ancien, régime, aurait osé porter ces principes dans les tribunaux !
Quoi! il serait vrai que ie refus que ferait un accusé de nommer un prétendu : complice, pût équivaloir pour la loi à l'aveu qu'il pourrait eu faire ! il serait vrai que l'incertitude d'un fait pût devenir une preuve plus positive que la déclaration même de ce fait 1 il serait vrai qu'on pût être jugé coupable d'un délit quelconque, sans être seulement connu commel'auteurde cedélit même 1
Et où en sommes-nous? quelle est donc cette logique nouvelle que nous devons à nos nouvelles mœurs? où eet ce prétendu adoucissement que nous nous vantons d'avoir apporté dans cette ju-risprudencecriminellequenôusregardionscomme si barbare^ et qui était pourtant bien éloignée d'autoriser de pareils écarts?
Et c'est dans la plus terrible des accusations* dans une accusation dont tout citoyen peut eà peine soutenir l'idée, dans une accusation dônt le nom seul annonce une calamité effrayante, que nous nous permettons de porter une latitude aussi dangereuse! et c'est là l'Uommage que nous prétendons rendre à la liberté J
Mais, d'ailleurs, il résulte de l'interrogatoire de M. Bonne-Savardin, que non seulement cet officier ne déclare nulle part que M. de Saint-Priest fût ce Farcy avec lequel il s'était entretenu, mais qu'il a, au contraire, rendu la justice la plus éclatante à M. de Saint-Priest; qu'il a attesté que ia connaissance qu'il avait de son personnel ne permettait pas de supposer qu'il pût jamais être l'apôtre d'une contre-révolution; qu'il a même dit nettement qu'il n'aurait jamais osé lui parler d'un général pour une telle entreprise. •
Ainsi donc, deux choses sont évidemment prouvées par cet interrogatoire ;
La première, que M- de Saint-Priest n'est point
accusé, par M. Bonne-Savardin, d'être le Farcy de la conversation dénoncée, puisqu'il n'est pas nommé par lui comme tel;
La seconde, que non seulement ce ministre n'est pas accusé, mais qu'il est encore justifié au contraire par cet officier sur les sentiments qu'on pourrait avoir la malignité de lui supposer, et justifié de la manière même la plus solennelle.
L'interrogatoire, qui d'ailleurs n'est point un acte légal, qui n'a point été pris par des hommes qui eussent un caractère avoué, qui ne peut faire aucune espèce de preuve aux yeux de la loi, ne fournissait donc pas encore matière à dénonciation.
Enfin, les pièces trouvées parmi les papiers de M. Bonne-Savardin, ou plutôt parvenues au comité des recherches, par une voie que ce comité lui-même n'a pas voulu dire, n'en fournissaient pas non plus.
Qu'est-ce que c'est, en effet, que ces pièces, et qu'en résulte-t-il?
Une seule a rapport à M. de Saint-Priest.
C'est un livre de raison écrit de la main de M. Bonne-Savardin et où il paraît que cet officier était dans l'usage de consigner ce qu'il faisait chaque jour.
Il est ait, dans ce livre de raison, que M. Bonne-Savardin est allé, le 5 et le 6 décembre, chez M. de Saint-Priest; et comme c'est aussi le 5 décembre que M. Bonne-Savardin s'est entretenu avec le nommé Farcy, et qu'il paraît, par le récit de cette conversation, que cet officier a vu également le nommé Farcy, le 5 et le 6 décembre^ on en conclut que le nommé Farcy est nécessairement M. de Saint-Priest et ne peut pas même être autre que lui.
Mais premièrement, quand on voudrait regarder le livre de raison de M. Bonne-Savardin comme capable de faire preuve contre M. de Saint-Priest, ce qui est impossible, et ce qui résiste à tous les principes, résulte-t-il nécessairement de ces mots écrits dans ce livre, à la date du 5 et du 6 décembre : allé chez M. le comte de Saint-Priest ; que cet officier ait trouvé ces deux jours-là M. de Saint-Priest chez lui et lui ait parlé ?
Secondement, résulte-tri! nécessairement Ae ces mots que M. Bonne-Savardin ne soit allé ces deux jours-là que chez M- de Saint-Priest?
Ne peut-il pas être allé chez quelque autre personne que ce ministre, et ne l'avoir pas écrit dans son livre?
Ne peut-il pas, parmi les autres personnes qui se trouvent écrites dans ce livre pour le 5 ou pour le 6, avoir oublié d'en écrire quelques-unes pour la veille ou pour le lendemain, quoiqu'il les ait vues ?
Ne peut-il pas surtout avoir eu des motifs personnels pour ne pas y écrire l'individu appelé Farcy?
Troisièmement enfin, résulte-t-il nécessairement de ces mots, que parce que M. Bonne-Savardin a fait, le 5 ei le 6 décembre, une visite à M. de Saint-Priest, ce ministre soit le Farcy avec qui cet officier dit s'être entretenu le premier de ces deux jours-là?
Est-ce à M. de Saint-Priest à rendre raison de cette circonstance bizarre qui fait que M. de Savardin a écrit dans un récit avoir vu Farey le 5 et le 6 décembre, et qu'il a écrit dans son livre de raison être allé aussi ces deux jours-là chez M. de Saint-Priest?
Où est la relation évidente, nous né disons pas seulement aux yeux de la loi, mais aux yeux de
la raison, entre ces deux visites et la conséquence qu'on veut en tirer?
Où estia preuve de l'identité des deux noms?
Il n'est pas question ici de conjectures ; il faut un fait.
, Une conjecture ne suffit pas pour accuser ; elle suffit encore bien moins pour accuser du plus effrayant des crimes que puisse concevoir la pensée ; il faut pouvoir désigner à la justice l'individu qui a commis ce crime.
Toute accusation, disait l'immortel oratettf roumain, demande non seulement un crime fléces* saire, mais un coupable même nécessaire.
Accusatio crimen desiderat, rem ut desiniat, ho-minem ut notet, argumento probet, teste confir-met
M. d'Aguesseau, dont l'autorité méritera bien de survivre aux lois mêmes qu'il a si souvent développées ou défendues, disait aussi :
« Toute accusation demande d'abord un crime « dont elle détermine la qualité} elle demande « ensuite un Coupable sur qui l'évidence desprêû-« ves puisse faire tomber le poids des condamna-« tions (2). »
Or, en supposant qu'on puisse regarder ici la conversation du 5 décembre comme crime, ndUs demanderons avec Gicéron et d'Aguesseau oû est donc le coupable ?
Comment le comité des recherches a-t-il pu se permettre de prendre sur lui d'interpréter ce nom de Farcy, que l'auteur même de la conversation n'interprétait pas ?
Comment a-k-il pu affirmer, jusqu'à en faire l'objet d'Uoe dénonciation juridique, que le nom de Farcy était celui de M» ae Saint-Priest ?
Quelle est donc la lumière révélatrice qui l'a éclairé ainsi tout à coup, et qui lui en appris sur cet objet plus que n'en savait ou que n'en disait celui de qui, seul, cette lumière pouvait lui venir?
Le comité des recherches observera-t-il que l'accusation qu'il avait à dénoncer était si importante pour le salut public, qu'elle devait avoir une si grande influence sur la tranquillité générale, qu'il devenait nécessaire dé la poursuivre avec toute la rigueur due au délit atroce qui en était l'objet, qu'il s'est cru obligé de désigner à la justice M. de Saint-Priest pour en rendre la preuve encore plus facile 1
Nous pourrions peut-être répondre, que c'est précisément parce que cette accusation était de la plus haute importance, que le comité des recherches n'aurait pas dù donner aux pièces destinées à son instruction une publicité si prématurée; qu'il était de son devoir rigoureux de couvrir cette instruction d'un secret utile, jusqu'à ce qu'il en eût recueilli ies preuves ; qu'il a manqué peut-être à ce devoir, en lui donnant ainsi, dès les premiers pas, une manifestation si notoire.
Mais, en raisonnant même dans les idées du comité des recherches, nous lui dirons que quelque grave que puisse être la nature de l'accusation, il n'en était pas plus autorisé à livrer M. de Saint-Priest aux tribunaux, sans aucune preuve acquise d'avance.
La marche qu'il avait à suivre lui était, au contraire, tracée par la loi.
L'ordonnance de 1670 permet de dénoncer des personnes non connues.
Elle permet même de les décréter.
Elle permet même de les condamner.
On en a la preuve, entre autres, dans le fameux arrêt de Damiens, où un quidam avait été décrété de [irise de corps et où la contumace fut déclarée bien instruite contre lui.
L'article de l'ordonnance qui donne cette faculté, est l'article 18 du titre X.
Cet article s'exprime ainsi :
« Pourra, si le cas le requiert, être rendu dé-
cret de prise de corps contre les personnes non « connues, sous les désignations de l'babit de la
* personne et autres suffisantes, comme aussi de « l'indication qui en sera faite. »
Il paraît, par le procès-verbal de l'ordonnance, que la loi a eu, dans cet article, deux motifs également sages :
D'abord, celui d'ôter à des parties civiles qui, souvenl, comme le disait M. Puffort, ne cherchaient qu'à satisfaire leur passion, et n'avaient pas de quoi répondre des dommages et intérêts, la liberté de faire insulte à qui bon leur semble ;
Et, ensuite, de mettre la justice sur la trace des coupables qui ont commis le crime dont la recherche lui est confiée et dont elle doit découvrir l'auteur. *
On voit même, par le procès-verbal, que M. Talon portait, quoique dans le siècle dernier, les égards dus à la liberté individuelle, et pour ainsi dire la pudeur de la'justice, jusqu'à soutenir que quand « les accusés n'étaient pas nommés par les « témoins dans les informations, le juge ne devait « pas les nommer dans son décret, quand même « ils l'auraient été dans la plainte, qu'il ne pou-« vait que les désigner. »
Voilà donc le parti que devait nécessairement prendre le comité des recherches.
Il devait se conformer à la loi.
Il devait, puisqu'il croyait pouvoir dénoncer aux tribunaux la conversation du 5 décembre, leur dénoncer une personne inconnue, un quidam, ou même le nommé Farcy.
Alors de deux choses l'une :
Ou la procédure aurait apporté la preuve que ce Farcy, dont la véritable existence était ignorée, était M. de Saint-Priest, et, dans ce cas, M. de Saint-Priest aurait été poursuivi;
Ou, au contraire, elle eut laissé le nom de Farcy dans l'obscurité qui le couvre, et ce serait Farcy, alors, qu'on aurait décrété et même condamné s'il y avait eu lieu à décret et à condamnation.
Quoiqu'il eût pu arriver, jamais le comité des recherches n'avait le droit d'appliquer lui-même un nom dont l'identité n'existait pas pour lui aux yeux de la loi; ce droit n'appar tenait qu'aux tribunaux seuls.
Appliquer d'ailleurs ce nom, n'était pas ici une chose indifférente ni peu dangereuse.
C'était livrer d'avance M. de Saint-Priest à la diffamation d'opinion la plus effrayante; c'était le présenter à toute la France comme l'ennemi de sa liberté nouvelle, c'était le vouer à la haine de tous les défenseurs de cette liberté devenue aujourd'hui si chère, c'était l'exposer même à la vengeance de la multitude (1).
Et comment le comité des recherches pouvait-il se permettre de prendre sur lui une interprétation aussi importante contre le vœu de la loi, et lorsque la loi lui prescrivait elle-même la forme
qu'il devait observer dans la situation où il se trouvait, et la prudence dont il devait entourer son zèle?
Ce comité dit dans son rapport que, s'il n'avait pas désigné M. de Saint-Priest nominativement, les -témoins qui auraient pu déposer contre ce ministre des faits relatifs à un projet de contre-révolution, auraient couru le risque d'être rejetés (1).
Mais c'est là une bien étrange erreur.
Le tribuna'f, à qui la dénonciation était faite, n'aurait pas pu ignorer que le comité des recherches prétendait trouver, dans la conversation du 5 décembre, des choses relatives à un projet de contre révolution.
Il n'aurait pu ignorer, non plus, que l'objet de ce comité, en lui dénonçant cette conversation, était de découvrir quel était l'interlocuteur appelé Farcy, qui l'avait tenue.
Il aurait donc été impossible que ce tribunal, à qui on ne peut pas reprocher d'ailleurs de ne pas connaître les lois et de ne pas leur être fidèle, se permit de rejeter des témoins qui seraient venus ou l'éclairer sur l'identité des noms de M. de Saint-Priest et de celui de Farcy, ou lui apporter des révélations sur les projets de contre-révolution quelconque, dont on suppose que la conversation du 5 décembre renferme la preuve.
Le rapport du comité des recherches dit encore que si on n'avait pas dénoncé nominativement M. de Saint-Priest, il se serait trouvé qu'on l'aurait inculpé indirectement à la vérité, mais d'une manière tout aussi sûre, sans lui donner les moyens de se justifier légalement (2).
Ceci est encore une erreur bien inconcevable.
L'inculpation de M. de Saint-Priest, en effet, ne pouvait naître que de sa dénonciation.
Si ce ministre n'avait pas été dénoncé, il n'aurait pas été inculpé.
S'il n'avait pas été inculpé, il n'aurait pas eu besoin de se justifier ; car, certes, personne n'aurait cru d'avance à une application de nom que le comité des recherches n'aurait pas indiquée lui-même.
Le besoin de se justifier ne serait donc venu, pour M. de Saint-Priest, que dans le cas où il eût été compromis par l'instruction de la procédure sous le nom de Farcy ; et alors c'eût été et son droit et son devoir de démontrer à ia justice les preuves de son innocence.
Mais jusque-là, M. de Saint-Priest aurait été fondé à attendre comme tout autre citoyen, et aussi tranquillement que tout autre citoyen, que la justice eût percé le voile qui couvre le nom de Farcy, et l'eût appliqué à un individu quelconque.
Enfin, le comité des recherches ajoute encore, qu'il valait bien mieux pour M. de Saint-Priest qu'on le mît à portée de détruire tous les soupçons, que d'être forcé de les laisser se perpétuer dans les ténèbres (3).
C'est aussi se jouer avec trop de légèreté de l'honneur des hommes.
C'est compromettre surtout celui d'un homme public avec une facilité bien alarmante pour ia société.
Accuser un citoyen, uniquement pour lui donner les moyens de se justifier, dénoncer à toute l'Europe un ministre comme coupable d'a^
voir attenté à la liberté de son* pays, pour qu'il jouisse de la satisfaction de prouver qu'il est innocent, il faut convenir que ce sont là des principes un peu bizarres, et une morale un peu nouvelle.
Et c'est au moment où les représentants de la nation ont décrété, comme une de nos lois constitutionnelles et fondamentales, que « nul homme ne pourrait être accusé, arrêté et détenu que dans « les cas déterminés par la loi et dans les formes « qu'elle a prescrites. »
C'est dans ce moment, disons-nous, que le comité des recherches, violant tous les égards et toutes les formes, au préjudice d'un citoyen distingué, peut-être par ses vertus, mais au moins par la place à laquelle le vœu de l'Assemblée nationale elle-même l'a porté, se permet de le dénoncer sans droit, sans preuves, contre la disposition de la loi, comme coupable du plus atroce de tous les délits, appelle sur lui la haine du peuple, voue son nom à l'indignation publique, le livre lui-même à la fureur d'une multitude égarée, et paraît croire encore le traiter avec loyauté, sous prétexte qu'il aide ainsi à la manifestation de son innocence I
On sent combien de réflexions se présentent ici à l'esprit, et combien de mouvements même naissent dans l'âme ; mais Ces mouvements doivent être contenus, et ces réflexions seraient surabondantes.
La dénonciation faite de M. de Saint-Priest est évidemment nulle sous tous les rapports.
Elle n'est appuyée sur aucune preuve;
Elle ne porte même sur aucune base ;
Elle est contraire à la loi ; ^ En un mot, M. de Saint-Priest n'a rien à craindre d'une telle dénonciation et il ne peut pas manquer en se présentant au Châtelet, d'obtenir de ce tribunal la justice qu'il doit en attendre.
Délibéré à Paris, ce trente et un juillet mille sept cent quatre-vingt-dix.
De Sèze, Laget-Bardelin, Ferrey.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Réponse au mémoire de M. Guignard Saint-Priest, ministre et secrétaire d'Etat, lue au comité des recherches de la municipalité de Paris, par Jean-Philippe Garran-Goulon, l'un de ses membres. (Imprimée par ordre du comité).
Parmi les grands objets sur lesquels l'intérêt commun appelle l'attention publique dans un pays libre, il n'en est guère de plus libre d'arrêter les regards des citoyens, que les dénonciations faites à la justice contre les ministres prévaricateurs, qui, chargés de veiller à l'observation des lois et de l'ordre social établi par le peuple veulent employer, pour les détruire, l'autorité dont ils ont été revêtus pour les maintenir. Prévenu d'un crime si grave, par la dénonciation du procureur de la première commune du royaume, M. Guignard Saint-Priest, au lieu de réfuter directement les inculpations faites contre lui, s'est perpétuellement efforcé de donner ie change
à ses lecteurs et à ses juges, en détournant les yeux des preuves les plus décisives qu'on lui a opposées, en jetant sur tous les points des doutes sans fondement, en déguisant la vérité sur les faits les plus essentiels, en supposant enfin que cette dénonciation est la suite d'un système de persécution formé contre lui par ses ennemis, et en faisant au comité des recherches des reproches vains sur la publicité donnée à son travail sur cet objet. Ce genre de défense qui peut séduire au premier coup d'œil, mais qu'il est en même temps si facile de réfuter, a été adopté dans toutes ses parties par les conseils auxquels M. Guignard Saint-Priest s'est adressé. Quelque favorable que soit la défense des accusés, la justice et la vérité ont aussi leurs droits et elles font un devoir au comité de rétablir la question sous son vrai point de vue. II doit enfin répondre aux reproches personnels qu'on lui a faits et montrer qu'il n'a été ni déterminé par des impressions étrangères, ni inconsidéré dans la manière dont il a provoqué la dénonciation du procureur de la commune.
On aura complètement réfuté tous les moyens de M. Guignard Saint-Priest si l'on prouve :
1° Que le comité a dû provoquer la dénonciation des projets de contre-'révolution contenus dans la conversation dont M. Bonne-Savardin a tracé le récit ;
2° Qu'on devait dénoncer nommément M. Guignard Saint-Priest, comme interlocuteur de M. Bonne-Savardin dans cette conversation ;
3° Qu'on a dû aussi dénoncer les témoignages de haine et de mépris que M. Guignard Saint-Priest n'a cessé de donner contre l'Assemblée nationale et les lois qui en sont émanées ;
4° Qu'il n'y a aucun reproche à faire au comité sur la manière dont la dénonciation a été faite et sur la publicité du rapport.
Cette manière de diviser la question, dans ses différentes branches, diminue nécessairement un peu la force des preuves, puisqu'elles se tiennent toutes et que les trois premiers points surtout ont la plus grande liaison les uns avec les autres. Il est bien plus évident, par exemple, que la conversation du 5 décembre dernier avait des projets de contre-révolution pour objet, si' l'interlocuteur avec qui elle a été tenue, est ce même ministre qui n'a cessé de témoigner sa haine et sou mépris contre l'Assemblée nationale et les lois qui en sont émanées. Mais l'ordre qn'on vient de tracer ne laisse aucune place aux faux-fuyants qui font la principale ressource de M. Guignard Saint-Priest. Il facilite la recherche de la vérité pour les juges et pour le public; et les moyens qui s'élèvent contre le ministre ont encore une force suffisante en les isolant.
§ 1er. — Le comité a dû provoquer la dénonciation des projets
de contre-révolution contenus dans la conversation dont M. Bonne-Savardin a tracé le récit.
M. Guignard Saint-Priest n'a point fait de dénégation précise à cet égard ; il s'est contenté d'annoncer des doutes sur le but criminel de cette conversation ; il paraît même vouloir les étendre jusqu'au projet de contre-révolution, malgré les preuves multipliées que le comité eu a offert à la justice. Il élève des doutes semblables sur l'exactitude du récit fait par M. Bonne-Savardin ; il soutient que la conversation n'étant attestée que par l'auteur du récit seulement, il
èuïfit pour détrùîre une prëUve qui n'à pas d'autre appui d'affirmer le contraire. Les conseils de M. Guignard fàint-Priest adoptent à cet égard, comme s'ilt toùt le resté, sës mbyetts de défense. | fie tbbfces ces Objections, là dernière se'ule pebt àVbirqueltibé poids ëb j.O'stiëë. Elle 'é'st àsfrez forte, sans doute, ptoùr empêcher qu'on hé frût condamner M.GUigtiàrd Sàint-Priest, daffs l'état ac-tùel des 'choses-, ctottime crïtinhél de iè&è-hàtioh, é'il n'y aVàit pàs tontrë lui dés prfeuvéS Sdditiôh-nellés, ét s'il nè pëhVàit pas en sùïvènVr d'autres dàns la suite. C'est à ceux qui auront à prononcer sur cette gravé àcëùsation, à juger jusqu'à quel point lé récit et c'ès preiiVës àdditionnéiles peuvent déterminer une Condamnation. Le comité n'a eu, pour ce qui lé concernait, qu'à examiner s'il y àVàït màtière à tiëhônciàtiôtt. pr, certainement, il ne peut y àvbiï- 'dé doutes ïàvdëssus, én îsëlahtmème la convèrsa'tïttà.
Lés déèlàrâtions fei'tëfe au comité plàV MM. M'as-&ô'fr-tMn1à'Maison et L'ehbïr-D'udOSj Vés lettrés troùVéeS sur M. Bbnhe-SaVàrdih, lôrèdé à'ôiï àr-féStâttbb ; sbfr li vrësjoùrnàl, fcëè iiliflfôlréntlft Voyages et ses ibtërrogatoireé tiretnes, bnt trb^ bien constaté là réàlité db frôjbplôt qti'il ètàlt 'Changé par M. Milîëbëfe'Aë négocier à la feoUr db Turin, pbùr iju'il sôit nécês'sâire de revenir s'ur éet objet. (1) Le récitde la conversation, qui a eu Hê"ù,le 5dé-ceïûDré dernier-, entre M. Bonne-Savarain et le prétendu Fàrcy-, en è^t Une hoUvellë preuve. Toutes lefe personnes qui en sont l'objet sbhtdé-éighëes abus dèfc tiôrtis fictifs* ëtëe h'ë&t ftértai-nethe'nt pas âihsi qii'bû entretient des Correspondances dàns lin pàyàlibré, qUahdbhhë ibr'mé pas des projets qu'on peut réaliser.
Lé "préambule méfiie dù récit fait par M. B'orihe-Sàvaraih annoncé Ihi Seul leà àlàrmfeé tfbn coupable, et l'on voit qu'elles s*éiendfàtëht sui* son interlocuteur, lé pretebdu farcy. « Incertain du « motif, y est -il dit. où fle$ soupçons tyhé l'on avait «* cotiétt contre moi-, je thié qu'il était prudent i d'en prévenir Fafwf*. »
Il y a deux choses également remarquables : lô M. Bottne-feaVàrdin craîgMit qiife le cômité ù'eùt contù ébbtï'e lui: 2° il jugea
'pi'ùdieni d^n prévenir Fàrcy. Âésurêmëtit rien ne "Convient IbifeUx à ùh èon&pirâtëur et à sbfi complice, qne des alarmes •si légèrement conçues, et et le beèôin fjù'i'ls àvàiént de tbnférer sùr une ibvitàtioA àbssi simple tfûe JcëMë du ëbmité de iieichërchës. Eçbutôns, pour tin moment ; si l'On veut, les preuves qui ètablî&èëht l'identité de M. Gbignàïd Saint-Priest ét dù pïétendd Farcy. Il Suffit de lire le récit de M. iBohàé'-Sàvàrdin pour 'se bonvàihcre dù molhs *juë tedh ititértocu-teur était un perstthil&ge très important dâns l'Etat et que M. Bonne-Savardin ne pouvait point vivre en intimité îivec lui. . Il ne pouvait donc y avoir d'autre motif pour lui communiquer ces soupçons qu un grand intérêt qui les leur rendait commun et alarmant pour tous deux. .
La conversation change en preuves décisives, toutes ces indications, et ce n'est que par l'expression d'Un doute vagtte (2) que M. Guignard
Saiiït-Priest et ses côhsefls obt-essayé d'affaiblir toutes cellés qu'on y a trouvées des projets de çbntre-révôlution. Le désir et l'espoir de ce changement se manifestent d'abord dans ceité démande de M. Bonne-Savardin : Quand, céîà fihira-t-il? Ët bien plus èn'çbçe fenè cette Réponse de sob interlôcutéiir : Il faudrà bien que cela ail un terme, 'et si cette espérance ne nous sôéieïïàit. iljâùdrait mettre là clef s'ous la porte ét attendre llùstànt d'être égorgé. » on aurait le droit de dirè que le désir ét l'espoir d'unè Côntre-révolUtion Sont însébarableâ de la participation aux mtesiirês convenables pbùr la faire réussir de la |fa§ !d'un ministre ou, si l'Oti vêtit, d'un homme en place, tél que. le supposent ceé mots du prétendu Farty : & Il faudrait mettre là clef sous la porte i ; mais la suite, dè la conyerèàlioh prouve bien 'directement qu'il s'occupait, dès lors-, dés mbyett s d'exécution.
M. liottne-SaVardin dé'mânde Si Farcy prévoit ce terme, ét voici la ré^bhse : « le printemps, Risque t'est cette ëpbqhe que le roi a choisi pour aller visiter lës provinces. » Lé printémps 'était aUssi l'épdque où les troupes étrangères devaient être introduites dans le royàttme, suivant lé projet de M. Maillebolà;
Farcy nê s'en tient paé là: On lui dèmâbde s'il ne cràmt pas d'être suivi par là gardé nationale ét qu'ellé ne rende ses fcftojets Sans effet; s'il â des moyens et des troupes; où il eh trouvera; comment il Bé débarràssérà du chef de là gàrde nationale.
On lui ajoute enfin qu'il manquera dé général, s'il ne s'attache Adrien, c^st4-dire M-. Màillebois, comme M. Bonne-Savardib l'a retbnnù lui-même dàns soh interrogatoire. Farcy répond que si ia garde nationàle est tentée dë suiVftà-, on la laissera faire et qnànd une fois on utihi letul sur la selle on verra. H ne dit rien sUr là difficulté d'avoir des troupes ; mais il assure que le commandant généràl est plus embarrassé qu'eux ; que quand ils n'auront que lui, les moyens ne man-querOùt f>as ç que lui Farcy n'eét point, en ce moment, en mesure de prendre M. Maillebois et de triompher des obstacles, quoiqu'il désire que cela soit. Enfin, sur la question de substituer à M. Maillebois M. de Culan, qui paraît être le maréchal Broglie, il trouve cette idée folle. Il lui reproche de s'être conduit "d'uné manière à en ôter l'envie aux plus entêtés;, il le blâme d'être resté où il est, au lieu d'àllêr habiter leà mêmes lieux que Ërmand, l'un de HbS rënigiés en Piémont, où il a des possessions.
Si l'on ne veut paé reconnaître qu'il s'agissait dàns toRt cet entretiettj Û'un pian de contré-révo-lbtiOn, qu'en faoUs dise donc ee que signifient ce terme et cette espérances &ans lesquels lé prétendu Farcy mettrait 1a clef sous la porte ? Que signifiaient ces projets qu'il devait exécuter dans le temps où, suivant le plan de conspiration, les troupes étrangères doivent entrer dans le royaume ? Pourquoi prévoyait-on des obstacles de ïa part dè la garde nationale ? Pourquoi avait-on besoin de troupes pour effectuer ces projets? pouftruoi ne savait-dn où trouver ces troupes, quand il y en a tant dans le royaume? Pourquoi vouloir mettréà leur têfte M. Maillebois, auteur de la cohé^irâtion, depuis négociée par M; Bonnet Savardin ? Pourquoi excluait-on un général (M. BFoglie) qu'on accusait de s'être «al comporté précédemment ? Pourquoi lui reprochait-on surtout de ne pas aller habiter les mêmes lieux que Ermand* où il a une possession, c'est-à-dire les Etats du roi de Sardaigne; où sont M. d'Artois
et d'autres réfugiés, auxquels M. Maillebois a ensuite adressé son plan de conlre-révolution? Pourquoi en fin fallait-il se défaire de Betville, dont le nom désignait évidemment M. le commandant général?
S'il est possible de trouver, à cette conversation, un sens qui ne soit pas antipatriotique et contre-révolutionnaire, que ne nous le donne-t-on, au lieu d'énoncer vaguement des doutes que rien ne justifie, que toutes les personnes de bonne foi rejetteront nécessairement à la simple lecture du récit ?
Sans doute, il est possible, rigoureusement parlant,que ce récit ne soit pas exact, comme il est possible que les témoins plus ou moins nombreux, sur les dépositions desquels la justice criminelle asseoit presque tous ses jugements, soient ou dans l'erreur ou corrompus; mais comme la nature de l'homme et des institutions sociales ne permet presque jamais d'administrer d'autres preuves en matière criminelle, que des témoignages humains, la simple possibilité de l'inexactitude ou de l'infidélité d'une déposition ne suffit pas pour en détruire l'effet. Elle doit seulement engager les juges à ne se déterminer qu'après l'examen le plus scrupuleux.
Jamais peut-être aucun témoignage n'a été offert à la justice dans des circonstances plus propres à mériter sa confiance, que ce récit. M. îfionne-Savardm n'est ni un témoin ordinaire, ni un accusateur, ni un dénonciateur ; il est lui-même prévenu du crime de contre-révolution avec M.Maillebois, et l'on ad ministre contre eux les preuves lesplus fortes. C'est plusieurs mois avant la découverte de^ette conspiration, qu'ii annonce, dans une lettre à M. Maillebois, une conversation importante qu'il a eue avec un homme en place sur cet objet, et qu'il la met par écrit pour lui en rendre compte, il ne,pouvait pas avoir dessein de tromper M. Mai-Hebois, puisqu'il se serait, par là, trompé lui-même, en l'engageant dans des mesures fausses. Il ne pouvait pas l'espérer puisque M. Maillebois, en voyant le prétendu Farcy, d'un moment à l'autne, aurait -reconnu l'imposture de M. Bonne-Savardin. Il ne prétend pas l'avoir fait, puisqu'il n'a point réclamé, dans son interrogatoire, contre l'exactitude de ce récit, quelque Intérêt qu'il pût y avoir. (Enfin, il ne l'a pas fait puisque M. Maillebois lui.a conservé sa confiance, l'a chargé, quatre mois après, de négocier le plan de conspiration à la-cour de Turin.
On pourrait se dispenser, après cela, de répondre aux autorités citées par les conseils de M. Guignard Sain t^Prieït, pour établir qu' une conversation ne peut pas faire la matière d'une accusation de lèse-majesté. Ûne loi romaine porte que iintempérance de -la langue doit rarement être punie dans ce cas t'(d). Montesquieu, après avoir dit «que la loi ne peut « guère soumettre « les paroles à une peine capitale, à moins qu'elle « ne déclare expressément celles qu'elle y soumet (2) « ajoute que « les paroles ne forment point un corps de délit. »
On abuse ici de ces deux autorités. Sans doute, des paroles indiscrètes, qui sont le fruit d'une inconséquence momentanée, ne doivent pas être soumises à une peine capitale ; et c'est trop encore que de les soumettre à une punition correction-
nelle, comme le propose Montesquieu, pour modérer le despotisme, Mais quand il ne s'agit pas de quelques paroles échappées à l'étourderié, mais d'une conversation entière qu'on a ténue avec un conspirateur, sur les moyens d'opérer une contre-révolution; quand cette conversation indique elle-même que ce n'est pas la seule qu'on ait eue sur cet objet ; quand l'interlocuteur est un ministre, ou, si l'on veut, un homme en place, qui concerte ainsi les moyens de détruire la Constitution de son pays, qu'il était particulièrement chargé de maintenir ; certes un tel entretien est infiniment coupable ; et s'il ne pouvait pas faire la matière d'une accusation il faudrait presque toujours attendre l'exécution du crime, dans ce cas, pour pouvoir le poursuivre, puisqu'il n'y a souvent d'autres preuves, contre les conspirateurs, que les conversations dans lesquelles ils ont arrêté leur plan.
Cette distinction n'a poiut échappé à Montesquieu; elle se trouve dans la même page que ie texte cité dans la consultation pour M, Guignard Saint-Priest, qui semble n'ayoir eu d'a,utre ressource, pour sa défense, que de donner le change sur les principes (1) comme sur les faits. « Les « paroles qui sont jointes à une action, y est-il « dit, prennent la natnr.fi de cette action. Ainsi « un homme qui va dans la place publique « exhorter lès sujéts à la révolte devient coupable « de lèse-majesté, parce quetes paroles sont jointes « à d'action et y participent. Ce ne sont point « les paroles que l'on punit,. mais une action « commise dans laquelle on emploie les paroles. « Elfes ne deviennent des crimes que lorsqu'elles « préparent, qu'elles accompagnent ou' qu'elles « iSuivBUt une action criminelle. »
L'entnetien de M. Bonne-Savardin et du prétendu Farcy avait pour objet de concentrer des moyens les plus propres à opérer une contre-révolution. Il préparait donc une action criminelle, il participait à sa nature et on a dû en poursuivre l'interlocuteur comme M. Bonne-Savardin. La loi romaine, qui ne parle que d'une intempérance de langue, suppose évidemment la même distinction ; et l'on sait assez, d'ailleurs, qu'on trouve dans le corps de droit tout ce qu'on veut y chercher; c'est un véritable chaos; où -la irait -et la lumière, le juste et l'injuste, la barbarie et l'humanité sont perpétuellement .entremêlés dans le plus grand désordre. La loi même que citent les conseils de M. Guignard Saint-Priest admet à l'accusation du crime de lèse-majesté des -personnes infâmes qu'on rejette dans toute autre matiièce; elle l'admet sans aucune restriction (2). •C'est bien-assez que de pareilles ipis règlent en-
core l'Etat et les propriétés des citoyens dans une grande partie de la France, sans qu'on veuille y chercher les principes de notre droit public hors de ces provinces.
§II. — On a dû dénoncer nommément M. Guignard Saint-Priest comme interlocuteur de M. Bonne-Savardin, dans l'entretien du 5 décembre.
Sans doute, on aurait dû se contenter de dénoncer un quidam, désigné sous le nom dQFarcy dans le récit de M. Bonne-Savardin, si rien n'eut indiqué la personne cachée sous le nom conventionnel. Nos lois autorisent ces dénonciations vagues: le comité l'a reconnu. L'ordonnance de 1670 permet même de décréter des inconnus (1) ; mais il ne pouvait pas y avoir ici de difficulté sur l'individu caché sous le nom de Farcy.
M. Guignard Saint-Priest et ses conseils l'ont si bien senti, qu'ils n'ont pu présenter des doutes à ce sujet, qu'en omettant ies preuves les plus décisives fournies par le comité. On voit, dans le livre journal de M. Bonne-Savardin, qu'il avait été chez ce ministre le 5 et le 6 décembre, et l'on voit aussi, dans le récit de la conversation, qu'il avait été les mêmes jours chez Farcy. Le mémoire à consulter et la ronsultalion (2) sont partis de là pour supposer qu'il n'y avait pas d'autre indication de l'identité de M. Guignard Saint-Priest avec Farcy, que ce rapport du livre-joornal avec le récit. Ils ont soutenu que M. Bonne-Savardin, pressé dans cinq interrogatoires de la manière la plus prolongée et la plus vive, par le comité des recherches, « non seul»meut ne déclarait nulle « part que M. de Suint-Priest lût ce Farov avec « lequel il s'était entretenu, mais qu'il avait, au « contraire, rendu la justice la plus éclatante à « M. de Saint Priest » (3).
On a conclu, de là, que le livre-journal de M. Bonne-Savardin est étranger à M. Guignard Saint-Priest; que M. Bonne-Savardin a pu ne pas trouver M. Guignard Saint-Priest lorsqu'il s'y est présenté le 5 et le 6 décembre; qu'il a pu aller
chez d'autres personnes, ces deux jours-là, sans l'écrire sur son livre, et qu'il a pu,en particulier, avoir des raisons pour ne pas y écrire l'individu appelé Farcy ; qu'enfin il ne résulte point nécessairement de ce que M. Bonne-Savardin c a fait, le « 5 et le 6 décembre, une visite à M. de Saint-« Priest, que ce ministre soit le Farcy avec qui « cet officier dit s'être entretenu le premier de « ces deux jours-là » (1).
Tel est l'aperçu de M. Guignard Saint-Priest. 11 faut y substituer la vérité, et, d'abord, le récit de la conversation n'annonce pas seulement que M. Bonne-Savardin a été voir Farcy le 5 et le 6 décembre, mais qu'il y est allé le 5 décembre, avant d'aller au comité des recherches (2), et qu'il y retourna le lendemain matin (3). Or, le livre-journal de M. Bonne-Savardin indique au-^si qu'il est allé le 5 décembre au matin chez M. Guignard Saint-Priest; qu'il n'est allé que le soir au comité (4), et qu'il est retourné ie lendemain malin chez ce ministre (5).
Le récit annonce encore que M. Bonne-Savardin a vu Farcy aux deux fois; qu'à la première,il l'a prévenu de l'invitation qu'il avait reçue du comité, et qu'à la seconde, il lui avait fait part de tout ce qui s'y ét >it passé. Voilà des circonstances très remarquables, qui oni mi3 le comité sur la voie, et dont M. Guignard Saint-Priest ne parle pas plus que du résultat qu'elles ont amené dans i'interrogatoire de M. Bonne-Savardin. On v a demandé, à cet officier, « si le jour où il s est « rendu au comité de recherches, sur notre invi-« talion, il n'a pas été dans la matinée voir une « personnes, qui il a fait part de cette invitation, « et si le lendemain il n'y est pas retourné pour « lui rendre compte de ce qui s'était passé au « comité? A lui demandé quelle est cette per-« sonne? » M. Bonne-Savardin a repondu que « oui, et que cette personne est le comte de Saint-Priest. » 11 n'est assurément plus permis, d'après cela, de douter que M. Guignard Saint-Priest ne soit le prétendu Farcy, puisque, de l'aveu même de M. Bonne-Savardin, M. Guignard Saint-Priest est la personne à qui il ait fait part, le 5 décembre au matin, de son invitation au comité, et chez qui il est retourné le lendemain lui rendre compte de ce qui s'y était passé. Farcy, qui e?t un nom suppo.-é, est cette personne, suivant le récit écrit, et M. Guignard Saint-Priest l'est aussi, suivant l'interrogatoire.
Ge n'est qu'en omettant cet aveu si décisif et dont le comité a tant argumenté (6), que le mé-
moire à consulter et la consultation ont prétendu qu'il n'y avait aucune preuve de lidentité des deux noms, non pa3 seulement aux yeux de la loi, mais aux yeux de la raison. G tte omission bien étrange, sans doute, et de la part de M. Gui-gnard Sain:-Priest, et de la part de ses conseils, qui déclarèrent pourtant avoir lu elle rapport du comité de recherches et toutes les pièces qui y sont annexées, prouve assez combien cet aveu leur a paru redoutable.
Que deviennent maintenant les raisonnements de M. Guignard Saint-Priest, sur la nécessiié d'avoir des preuves au lieu de simples présomptions, pour dénoncer quelqu'un nommément, et les autorités que ses conseils citent à cet égard (1)? Que deviennent les inductions qu'ils tirent du refus fait par M. Bonne-Savardin d'avouer nettement que M. Guignard Saint-Priest fût la même personne qu'il avait désignée sous le nom de Farcy, et de la prétendue justice qu'il lui a rendue, en déclarant « qu'il ne croit pas, par la * connaissance qu'il a du personnel de M. le « comte de Saint-Priest, qu'il fût jamais l'apôtre « d'une contre-révolution? » (2) Que deviennent ces allégations de M. Guignard de Saint-Priest, qu'il n'a jamais porté le nom de Farcy; que, daus la multitude des pièces publiées par le comité, il n'y en a pas une seule où son nom se trouve, pas même celui de Farcy, et que dans les lettres anonymes de Turin, où l'on annonce le vœu des conspirateurs pour le renvoi de M. Montmorin et leurs espérances sur le départ de M. Necker, « on « n'ajoute pas, comme c'était si naturel, qu'à côté « de ces ministres, il y en avait un sur lequel on « pouvait compter, et que c'était M. Guignard do « Saint-Priest » (3) ?
S'il était permis de tirer ces inductions de lettres anonymes, ne pourrait-on pas dire qu'en désirant le renvoi d'un ministre dont on ne pouvait rien espérer, en espérant aussi que le départ de M. Neker, pour les eaux, pouvait favoriser la contre-révolution, c'était dire assez clairement qu'on espérait quelque chose des autres et par conséquent de M. Guignard de Saint-Priest? Quant au nom de Farcy, comment a-t-on le courage de se prévaloir de ce que le ministre n'a jamais porté ce nom, quand le récit de M. Bonne-Savardin annonce, dans tout son contenu, qu'il a substitué des noms fictifs aux noms véritables; quand il l'a formellement reconnu dans son interrogatoire? Comment M. Guignard ose-t-il dire surtout, « que « dans la multitude des pièces qui ont été impri-« mées, par le comité de recherches et qui em-« brassent l'intervalle du 5 décembre au 30 avril « dernier, il n'y en a pas une seule où il soit fait « la moindre mention de lui ni où son nom se « trouve et pas même celui de Farcy »(4). Le nom de M. le comte de Saint-Priest ou M. de Saint-Priest se trouve tout au long dans plusieurs endroits dans l'extrait du livre journal de M. Bonne-Savardin, que le comité a fait imprimer parmi les pièces justificatives du rapport. C'est ainsi qu'on lit au mois d'août 1789 :
« 19. Allé chez l'ambassadeur de Sardaigne et « causé sur les circonstances. »
« Dîné chez M. le marquis de Gordon, ambas-« sadeur de Sardaigne. »
« 24. Dîné chez M. le comte de Saint-Priest, mi-« nistre de la maison du roi (1). »
Au 5 au 6 décembre. » Allé chez M. le comte de « Saint'Priest. »
« Fiacre pour aller chez ..... M. de Saint-
« Priest (2). »
Au 8 février. « Fiacres divers pour aller chez « l'ambassadeur de Sardaigne, le comte de Saint-« Priest etc. (3).»
On voit que de ces quatre visites, la première et la dernière ont été immédiatement précédées d'une autre visite à l'ambassadeur de Sardaigne, à qui ces projets de contre-révolution n'étaient pas inconnus, etque M. Bonne-Savardin a rendu compte de celles du 5 et du 6 décembre, dans le récit qu'il a adressé à M. Maillebois. M. Guignard Saint-Priest est désigné sous le nom de Farcy, et dans le récit et dans la lettre qui l'a précédée, Ce récit et cette lettre, sont encore -imprimés parmi les pièces justificatives, pages 133 et suivantes. M. Guignard Saint-Priest, qui parle du récit dans sa défense, manque donc de bonne foi au plus haut degré, quand il dit que, dans ces pièces imprimées, il riy a en pas une seule où son nom se trouve, pas même celui de Farcy.
C'est, au surplus, faire une confusion bien étrange que d'exiger aussi nécessairement des preuves décisives pour dénoncer que pour condamner et de vouloir exclure, dans ce cas, les présomptions. La raison indique manifestement le contraire, et la pratique bien constante des tribunaux, qu'il faut bien citer ici, parce que nos lois criminelles ont gardé le silence sur cet objet et que « lorsque le crime est capital, et qu'il y a « un commencement de preuves suffisantes pour « l'information, par exemple, un témoin formel « et sans reproche, ou plusieurs indices prouvés « par deux témoins, le juge doit décréter de prise « de corps, et quelquefois même sur la simple « notoriété publique » (4).
Ce n'est que lorsque M. Bonne-Savardin a vu combien ce récit ajoutait aux autres preuves de conspiration qu'on avait déjà contre lui ; quand il a songé qu'une telle conversation était bien plus grave lorsqu'elle avait eu lieu avec un ministre à qui sa place donnait tant de moyens pour favoriser des projets de contre-révolution, c'est alors seulement qu'il a fait tous ses efforts pour se sousiraire à des conséquences si décisives. Il a soutenu que la conversation n'avait pas d'objet criminel; que M. Guignard Saint-Priest et M. Maillebois étaient incapables de se prêter à des projets de contre-révolution. Il fallait bien qu'il défendît la cause et les opinions de ses complices, pour se justifier lui-même; mais il n'a rien dit de raisonnable à cet égard. Il n'a point voulu non plus avouer nommément que Farcy et M. Guignard Saint-Priest fussent le même individu ; mais il n'a pas rétracté l'aveu qu'il avait fait précédemment, que M. Guignard Saint-Priest était (de même que le prétendu Farcy) cette personne qu'il avait prévenue, le 5 décembre au matin, de son invitation au comité, et qu'il était retourné rendre compte le lendemain de ce qui s'y était passé; et lui, qui s'était si bien rappelé toutes ces circonstances dès la première question qu'on lui avait faite, n'a pu, dans la suite de l'interroga-
toire, trouver aucune personne à qui ce masque de Farcy pût s'appliquer. Il n'a pu donner aucun motif de Cet oubli incontestable du véritable interlocuteur d'une conversation si importante, qu'il avait mise par écrit pour se la mieux rappeler. Il a même avoué que la lettre où il annonce à M. Maillebois ie récit de sa conversation avec le prétendu Farcy, lui rappelait bien qu'il avait causé avec M. de Saint-Priest (1), quoique cela n'eût pu être, si Farcy eût été étranger à M. Saint-Priest. Et sur les instances qu'on lui a fait à cet égard, il répète, jusqu'à trois fois, « que la lecture « qu'on lui a faite de son livre de raison, aux « dates énoncées, marque une conformitédes noms « de M. le comte de Saint-Priest et de Farcy....; « qu'il a déjà et qu'il le répète, qu'il y a des « rapprochements entre ces deux noms....; qu'en «' effet, il y a de grands rapprochements entre les « noms (2). »
On veut, bien inutilement, sans doute, après cela, se prévaloir de ce que M. Bonne-Savardin ajoute : « qu'il ne peut pas affirmer que ce soit
« la même personne....., que l'affirmation est
« encore une chose impossible pour ne pas com-
« promettre la vérité.....; qu'il ne peut pas ha-
« sarder une affirmation-dans un fait dont il n'est « pas physiquement sûr. » Dès qu'il résulte évidemment des faits avoués par M. Bonne-Savardin que M. Farcy et M. Guignard Saint-Priest sont une seule personne sous ces deux noms, il est fort indifférent que M. Bonne-Savardin reconnaisse la justesse de ce résultat, ou qu'il paraisse la révoquer en doute, quand il voit les conséquences fâcheuse qui en dérivent pour lui. C'est à la justice à raisonner sur les aveux qu'elle a sous les yeux, sans qu'on puisse l'astreindre à adopter les raisonnements d'une personne intéressée ; et l'on a eu Je droit de dire que : « les » tergiversations de M, Bonne-Savardin, pour « éviter de nommer M. Guignard Saint-Priest « comme l'interlocuteur de sa conversation, « étaient, pour qui jugera bien le cœur humain, « une désignation beaucoup plus irréprochable « de ce ministre, que ne le serait l'aveu le plus « formel. »
M. Guignard Saint-Priest et ses conseils se sont beaucoup récrié contre ce principe. Ils ont trouvé extraordinaire qu'il fût professé par des jurisconsultes. « Quelle est donc, disent-ils, cette logique « nouvelle que nous devons à nos nouvelles « mœurs? Où est ce prétendu adoucissement que « nous nous vantons d'avoir apporté dans cette « jurisprudence criminelle, que nous regardons « comme si barbare, et qui était pourtant bien éloignée d'autoriser de pareil écarts (3)? » ^a manière dont on s'était expliqué dans le rapport, et surtout ces mots : pour qui jugera bien le cœur humain, annonçaient assez qu'il n'était point question ici de jurisprudence, si l'on entend, par là, cet art conventionnel de juger du juste et de l'injuste par des règles arbitraires, qui "est enseigné dans nos livres. Ceux du comité qui sont jurisconsultes de profession ont souvent été obligés d'écarter ces règles fictives, pour remonter aux principes éternels de la raison et de la morale. Ce sont ces principes qu'ils ont consultés, quand ils ont dit que « les tergiversations de "« M. Bonne-Savardin étaient, pour qui jugera -« bien le eœur humain, une désignation beaucoup
« plus irréprochable que ne le serait l'aveu le « plus formel. »
Cette remarque est d'une vérité frappante. La déclaration pure et simple d'un témoin peut être altérée par la crainte, la séduction ou la corruption. Mais Ces aveux qui lui échappent malgré lui, ces hommages involontaires qu'il rend à la vérité quand elle le presse par une multitude de circonstances dont il ne peut se débarrasser, sont l'expression intime de la conscience. Ils ne peuvent jamais être suspects. Si cette observation morale paraît étrangère aux procédés de notre jurisprudence, c'est une raison de plus pour en hâter la réforme. Il est temps d'y substituer, aux prétendues règles d'un droit factice et conventionnel, la seule autorité delà conscience dans les points de fait : c'est là l'objet de l'établissement des jurés; qui ne seront pas des avocats versés dans la jurisprudence criminelle, entravés par les préjugés des anciens praticiens, mais des citoyens d'un sens droit, qui se détermineront, sur "leur propre conviction, pour trouver les caractères du crime ou de l'innocence. (1) Il est fâcheux que les conseils de M. Guignard Saint-Priest prennent de là occasion de calomnier nos nouvelles mœurs et les adoucissements si vrais qu'à déjà subis la barbarie de notre jurisprudence criminelle, où l'humanité trouve encore tant de réformes à faire. Il n'est pas un ami de la liberté qui, s'il se met au-dessus des préjugés de l'habitude, ne voie l'innocence plus à l'abri dans un pareil ordre de choses, qu'avec toutes les règles de droit qui statuent sur le genre de preuves nécessaires pour absoudre ou pour condamner.
Aussi, en Angleterre, où les avantages de cette belle institution sont si bien connus, et par une longue expérience, et par les efforts mêmes que les ministres font pour les restreindre, tous les jurisconsultes reconnaissent-ils que les jurés ne sont point astreints aux règles du droit civil sur les preuves; que, suivant leur serment même, c'est à leur conscience seule à les apprécier (2) ; qu'ils ne sont pas obligés d'avoir deux témoins pour établir chaque fait, ou de croire deux témoins uniformes, quand ils ont des motifs suffisants pour croire autrement ; que c'est pour que les jurés puissent mieux apprécier les témoignages qui leur sont offerts, qu'on les choisit toujours dans le voisinage du lieu du délit ; enfin qu'ils ne peuvent pas être punis sous prétexte qu'ils ont prononcé d'une manière contraire aux preuves qu'ils avaient sous les yeux (3). C'est
ainsi qu'on l'observe journellement dans les. jugements. si importants rendus sur la. liberté de la presse. C'est ainsi qu'on le jugea, dès i,l y a plus de cent ans, après une longue discussion en îaveu.r de Bushel et des autres jurés, qui acquittèrent le fameux Pepb et un autre quaker, aux assises de Londres, en 1690, comme on peut le voir dans l'ouvrage du chevalier Vaughan qui fut alors approuvé par le chancelier, le chef-justice North, et tous les juges d'Angleterre. (1),
§.III. — On a dû dénoncer les témoignages de haine et de mépris que M. Guignard Saint-Priest ri a cessé de donner contre VAssemblée nationale ritles lois qui en sont émanées.
Quoique rien de ce qui concerne la chose publique ne doive être regardé comme indifférent dans un pays libre et qu'on soit véritablement coupable envers la nation, en s'efforçant de diminuer, par des témoignages constants de peine et de mépris, la confiance due à l'Assemblée de s "S représentants et aux lois qui en sont émanées, il n'en est pas moins vrai qu'il y aurait de grands inconvénients à rechercher ainsi les citoyens, pour les sentiments qu'ils ont manifestés sur l'état politique de leur pays et les révolutions qu'il peut éprouver. Il est non, il est nécessaire même, que le Corps législatif et les décrets qui en émanent soient soumis à l'examen du peuple dont la censure ne pourrait pas s'exercer utilement, si on la voulait enfermer dans des bornes rigoureuses, Les véritables amis de la liberté seront les premiers â demander, pour les mauvais citoyens même, une grande latitude dans le droit de manifester leurs idées et leurs sentiments. Ils savent qu'un système opposé tendrait à substituer au côurage et à la franchise de la liberté la lâcheté et l'hypocrisie de la servitude qui sont d'un exemple plus dangereux que le crime lui-même. Mais ces principes, si vrais pour les simples citoyens, ne peuvent pas s'appliquer aux administrateurs qui tiennent le titnonde l'Etat, surtout dans les temps où la conquête de la liberté amène une nouvelle Constitution', et dans un gouvernement monarchique. Dans un tel gouvernement les ministres du prince remplissent les fonctions les plus relevées auxquelles les citoyens puissent prétendre. 11 les remplissent sans y avoir été porté, par les vœux du peuple ; et si, dans un temps ordinaire, une administration antipatriotique produit inévitablement la dissension et les troubles au dedans, et le manque de considération au dehors, que doit-ce donc être dans les temps de Révolution? Le pouvoir dont les ministres ont l'exercice, leur donne une telle influence, qu'il est impossible que leurs sentiments personnels n'avancent pas ou né retardent pas beaucoup les progrès de .constitution, et qpje,' lorsqu'ils en sont les éppgptys, ils ne Multiplient jp$s lés obstacles qui s'y opposent, ét n'éfrranjfent les fondements du nouvel ordre, dans le moment où on l'établit.
Dans cette saison orageuse qui marque nécessairement le passage de l'esclavage à la liberté, l'on a .besoin plus ^uë jamais d'Un concert Interrompu entre jLa puissance iegisïatiye .et lë po.pVoir exécutif, dont les minjiUresOnt la direction: L'on-a surtout besoin dès liens d'amour et de confiance qui doivent unir le prince et les citoyens, pour que, leur accord mutuel remplace la forcé qui
manque, aux lois. On a besoin pour le priçc$, àjtin que çéux qui seraient ses ennemis niaient pas de, prétexte pour déprimer s où caractère, en confondant ses sentiments avec ceux de ses ministres, afin; qu'un airipur sans borne de l,a liberté ne produise pas le çlé.sir de no.uvpaux changements dans la Constitution, en faisant désespérer de celle qç|i paraîtrait se lier aux anciens abus, et perpétuer la division d'intérêts entre le monarque et le peuple. On a besoin pour les citoyens, afin que les ennemis de la Révolution ne se prévalent pas de la faiblesse mon^eptanée du pouvoir exécutif, pour plonger l'Etat dans l'anarchie, et Ta faire servir é.nsujtçi.de prétexte au rp(àblissement du gouvernement arbitraire.
Il n'est d'ailleurs pas possible qu'un honnête homme, si Un en nemi de la liberté peut être un honnête homme, accepte le ministère dans de telles circonstance, à moins qu'il n'espère de contrarier les inesqrps qu'o;£ prend pour établir (a nquvpj}e Constitution;' puisque, par cela seul qtiil est ennemi de la liberté, il ne peut pas croire que lé vœu général tjpive faire loi. Ët si ce n est pas un honnête homme, il les contrariera pjpn plus fortement ppcOre. Dans toqs les pas, il ne devra rieq négliger pqur là fiétr.a|re. Il pgàrera perpétuellement le princp par ses conseil^ perfidps. Il ne donnera sa confiance 'qu'aux " ennemis du nouvej br4re: Il écqrtera tous bo.q? citoyens c|e§ placps'dont il pourra disposer; il PP Ips appellera a aucune fonction, èt lai causé publique, dans tout ce Mui dépendra de lui, sera à la merci 'jè tops sps "vnqeiqjsi jifavpnïsera sourdgrqent tous les excès qui fpndraippt à le renverser. {îipq iojti de profiter dqs rapports qu'il pppt ayqfr avpc {es cours étrangères, poqr instruire leCprps législatif et Ips autres dépositaires 4u pouvoir publjc, de ce qu'ils ont à redouter dp part pe quelques-unes 4'ePtrp 'e}ies, il concourra, par tous les moyens secrets qqiî lui 4onhe sa place, aux projets de celles qfii se déspspèrppt de |a magnifique persppcfjvp qu'qr/ gpuyprnement libre promet à la nation et du grup4 exemple qu'elle viénj; de donner à |pus les peuplps. La lettre dp Tqrin que Guignar^ Saint:Priest a citée lui-même, cette lettre, qui contient un témpignage si honorai/; ppur M- Mqntmorin, ppouye assez combien ï'ppipion seulp que l'on a 'd'un ministre, peut encourager les ennemis de la Révolution, ou les j^rjrêter. "
' lis np peuvept pas, surtout, /papquer de se ^yrpr £ des projets coupables, qu^n)! un ministre ftp cr^ir^'pas dé .leur j^anifpstpr 'fa pairie et sa passion' cpflire le pou,m ordre ; quand il leiir témoigné pt ses' :d(éslrs ét ses espérances d'unp coptre-revplutiQfl. Certes', n'est pas bp'sp£n d^au-tres preuves poiir s'assurer qu'il est coup^tblei celui qui, s'étânt offert pour pijôle à ja jçrluné publique et pour ep répondre sur sa tête, annonce aux pirates qui veulent s'en emparer, qu il n'est pas plus porté qu'eux à la défendre et .que rie'jp ne peut lui être plus agréable que de lâ voir enlever.
Tel est le second chef de dénonciation que le comité a proposé contre M. Guignard Saint-Priest. U a déféré cè ministre au prOcureùr-syndic comme « n'ayant cessé de témoigner ia Haine et son mé-« pris pour l'Assemblée-nationale,et les lois décr'é-« tées par elle et acceptées ou sanctionnées'' par « le roi, tandis que ie premier devoir 'd'un mi-« nistre est de les faire exécuter et respecter. » Ce chef de dénonciation ne s'accordait que trop avec le précédent.
Est-il vrai, comme le prétend la consultation de
M. Guignard Saint-Priest, que cette dénonciation soit nulle, faute d'exprimer Je temps et le lieu où il a témoigné des sentiments si coupables?
On cite en preuve une loi romaine qui assujettit l'accusateur à exprimer dans quelle ville, dans quelle maison, dans quel mois, et sous quels consuls le crime a été commis. On rappelle la disposition de l'ordonnance de 1670 qui veut, dans l'article 6 du titre V, que les dénonciations soient circonstanciées; on en conclut que le comité n'a pas dû faire une dénonciation si vague, qu'il a été impossible à M. Guignard Saint-Priest de s'en justifier autrement que par l'assertion contraire, puisqu'on n'a articulé ni en quoi consiste le prétendu mépris qu'on l'accuse d'avoir témoigné contre l'Assemblée nationale, ni en quelle occasion il l'a témoigné (1).
On n'invoquera point ici contre cette objection ni la plainte du procureur du roi rendue sur la dénonciation, ni le jugement du tribunal qui, en recevant la plainte a permis d'informer. De telles fins de non-recevoir ne peuvent pas convenir au comité. 11 lui suffit de dire que la dénonciation pour laquelle il a provoqué le ministère de M. le procureur-syndic était tout autant circonstanciée qu'elle pouvait l'être, et que les autorités citées par M. Guignard Saint-Priest n'ont aucun rapport à la question. S'il faut encore, dans une question de droit public, nous traîner dans la route qu'ont tracée arbitrairement les princes et les jurisconsultes d'un des empires les plus despotiques qui aient jamais existé, quoique leurs lois ne soient admises parmi nous, pour les matières même privées, que dans quelques-unes de nos provinces les plus éloignées, la loi qu'on invoque pour M. Guignard Saint-Priest'(2) n'a point le sens qu'on lui prête; et elle a si peu d'autorité, qu'elle est formellement contraire à l'un des textes de l'ordonnance qu'il invoque également, lorsqu'elle exige que le mois et le lieu où ie crime est commis soient exprimés dans l'accusation, elle a si peu pour objet de faciliter la défense de l'accusé que d'autres lois ont formellement prohibé de lui communiquer la date du temps, comme les commentateurs l'ont remarqué sur cette loi même (3).
Sa déposition ne doit donc pas être plus obligatoire en ce point que dans celui où elle exige qu'on déclare nettement le nom de l'accusé et de ses complices dans l'accusation. M. Guignard Saint-Priest convient, avec le comité, qu'on peut dénoncer des inconnus; il voulait effectivement qu'on se bornât ici à dénoncer un quidam. Il faut donc écarter pour jamais ces citations des lois romaines, où l'on trouvera toujours tout ce que l'on voudra, parce que c'est un recueil confus des opinions les plus discordantes, et souventles plus déraisonnables.
Quant à l'ordonnance de 1670, elle veut seule-mentque les dénonciations soient circonstanciées, c'est-à-dire qu'elles soient particularisées de ma-
nière qu'on puisse bien en saisir l'objet. Il est sans doute conforme à son vœu, d'énoncer le lieu, le mois et le jour même du délit, quand il s'agit d'un fait unique et consommé dans un instant, tel qu'un vol, un assassinat ; mais cela n'est ni nécessaire, ni possible, lorsqu'il s'agit d'une série de faits qui se sont passés dans divers lieux et dans divers temps. Gela est surtout véritable pour les plaintes rendues contre les* administrateurs qu'on accuse de concussion, d'abus d'autorité ou de manœuvres criminelles contre l'Etat. Ge serait écarter d'avance les témoins qui pourraient survenir dans la suite, que de borner la plainte aux circonstances particulières qu'on a déjà découvertes quoiqu'elles en indiquent d'autres. Aussi, les plaintes, dans ces sortes de cas, ont-elles toujours éié générales, sauf à chaque témoin à détailler ce qu'il sait dans sa déposition. On en a un exemple dans le procès célèbre du duc d'Aiguillon. La plainte du ministère public à laquelle les défenseurs de ce commandant n'ont pas même fait d'objection, était tout aussi vague que l'avis du comité de recherches (1).
Il est particulièrement évident, ici, qu'on n'a dû dénoncer ni le temps ni ie lieu où M. Saint-Priest a témoigné sa haine et son mépris contre l'Assemblée nationale et ses décrets, quand la dénonciation même porte qu'il n'a cessé de donner ces témoignages de haine et de mépris ; ce qui indique une suite de témoignages qui ont eu lieu dans une multitude de jours et dans divers endroits. C'est aux témoins, assignés pour déposer, à circonstancier les faits particuliers dont ils ont personnellement connaissance. M. Guignard Saint-Priest et ses conseils ont si bien vu cette vérité, qu'ils se sont bien gardés de parler, dans sa défense, de cette expression n'a cessé, qui détruisait, d'avance, tant de vaines objections.
Il n'y a donc pas d'irrégularités dans la forme de la dénonciation; et rien n'est plus aisé, que d'en établir les fondements et la justice. M. Pio (2), connu de tout Paris par son attachement à notre Constitution, qu'il a montré d'une manière si marquée, en abandonnant sa place de secrétaire d'ambassade de Naples, pour devenir citoyen Français, a dû déposer « qu'étant logé « avec l'ambassadeur de Naples, en sa qualité de « chargé d'affaires de la même cour, il a eu occa-« sion de connaître plusieurs fois les sentiments « de plusieurs personnes en place, soit étrangers, « comme les ambassadeurs de Vienne, d'Espagne « et Sardaigne, soit de ce pays-ci, comme parti-« culièrement Je ministre de la maison du roi,
« dit Guignard de Saint-Priest, au sujet de notre « Révolution, lequel Guignard est lié depuis long-« temps, delà plus étroite amitié, avec l'ambassa-« deur napolitain. Que ce Guignard est celui qui « l'a le plus scandalisé, parce qu'il se permettait « toute sorte de quolibets et de sarcasmes contre « les députés de l'Assemblée nationale qui sont « les meilleurs patriotes, et disait que laRévolu-« tion n'aurait pas subsisté; mais que tôt ou tard, « tout serait retourné sur l'ancien pied ; qu'il n'y « avait pas de fois qu'il le vît chez l'ambassa-« deur, et c'était souvent, toujours avec d'autres * ennemis les plus acharnés de notre Révolution, « comme les deux frères Falksand, l'abbé Bon neval « et autres députés, surtout de l'Assemblée na-« tionale; qu'il n'entendit des propos outrageants « contre nos législateurs, et les ridicules qu'il « versait à pleines mains sur le peuple; que ce « Guignard a osé dire un jour, en pleine table, c qu'il avait apporté de Gonstantinople un sabre « de Damas, avec lequel il espérait pouvoir s'a-« muser à couper qûelques têtes dans Paris; que « tous ces Messieurs ne se gênaient pas dans leurs « propos vis-à-vis de lui (déposant), parce « qu'ils ignoraient, dans ces premiers temps, son « dévouement aux principes de l'Assemblée na-« tionale; mais que s'en étant aperçu par la suite, « ils ne se sont plus parié qu'à l'oreille; que « Guignard entrait avec l'ambassadeur dans un « cabinet, pour être en tête à tête, tout seuls ; que « Je déposant a lieu de croire que, dans leurs con-« férences secrètes, le premier instruisait l'autre « de ses complols, parce qu'il voyait toutes les « semaines les dépêches officielles que l'ambassa-« deur envoyait à Naples, dans lesquelles il était c question de quelque projet d'insurrection dans « telle ou telle autre partie du royaume, qui amè-« nerait infailliblement une guerre civile, de « bouleversement de toutes les lois, de la captivité « du roi, etc., etc.; que, dans les derniers jours « de septembre, l'ambassadrice de Naples a dit « en confidence à un nommé Dominelli, napoli-« tain, élève de l'école vétérinaire d'Alfort, mais « qui est actuellement à Naples, qu'elle quittait « à regret son bel hôtel, et tous ses meubles frais, « puisqu'ils étaient obligés, eux ambassadeurs de « famille, de suivre le roi de France; qu'après « l'époque du 6 octobre, lui déposant se trouvant « à souper chez M. ef Mma de Bellemare, à la porte « Saint-Honoré, maison qu'il fréquentait tous les « jours dans ce temps-là, il a rencontré, comme « il lui était arrivé bien des fois, un nommé « Bourgeois, fils du concierge du»château de Ram-« bouillet, qui leur a dit très positivement qu'étant « le quatre et lé cinq octobre à Rambouillet, il a « vu Mme de Saint-Priest qui s'y était rendue pour « préparer les lits du roi, de la reine et de la « famille royale; qu'il a ajouté qu'on avait posté « dans le même endroit le régiment des chasseurs « de Lorraine; mais que la cour étant passée à « Paris, au lieu de se rendre dans ce pays-là, les « officiers de ce même régiment se transportèrent « tous à Paris pour y recevoir les ordres du mi-« nistre de la guerre, M. de la Tour du Pin. »
M. Pio ajoute, « pour preuve de l'intimité qui « règne entre le sieur Guignard et l'ambassadeur « de Naples, que, dans le moisde juillet de l'année « dernière, le premier avait fait transporter tous « ses effets les plus précieux, enfermés en plu-« sieurs caisses, chez l'ambassadeur, chose qu'il « a apprise dans Je temps par les domestiques de « la maison. »
M. Pio, instruisit de tout cela, dans le temps, M. le commandant général.
Un autre citoyen d'un caractère irréprochable M. Roux (ci-devant de Brièréï, doit pareillement avoir déposé, « que le 5 octobre dernier, étant « dans l'Œil-de-bœuf, entre quatre ou cinq heures « du soir, neuf à dix femmes environ s'y présen-« tèrent; que M. Guignard, ci-devant de Saint-« Priest, ministre de la maison du roi, vint au-r devant d'elles; que le déclarant se trouvant près « de lui et de M. Liancourt, autant qu'il peut se « rappeler, entendit M. Guignard demander à ces « femmes ce qu'elles voulaient; qu'une d'elles « lui répondit : du pain ; que, sur cette réponse, « M. Guignard leur dit: Quand vous n'aviez qu'un « maître vous n'en manquiez pas, à présent que « vous en avez douze cents, vous voyez où vous en « êtes : si la ville de Paris eut voulu des troupes « pour escorter vos convois, ils n'auraient pas « manqué. Je m'en vais rendre au roi compte de « votre demande. »
M. Roux a dû ajouter, « qu'il vit plusieurs of-« ficiers des gardes et d'autres particuliers, s'em-« presser d'offrir de l'argent à ces femmes, en « leur disant qu'on les trompait sur leur compte; « qu'elles n'avaient pas de meilleurs amis qu'eux, « et qu'ils partageraient toujours leur fortune « avec elles ; que ces femmes refusèrent cet ar-« gent, en disant qu'elles ne voulaient que du « pain. »>
Ce témoin a déposé de ces faits, dès l'année dernière, au comité de recherches de l'Assemblée nationale. On nous a annoncé d'autres dépositions sur ces discours de M. Guignard Saint-Priest, qui justifient si bien ce second chef de dénonciation. Le comité, en le provoquant, n'a donc pas manqué à cet article de la déclaration des droits (1), qui veut que« nul homme ne puisse « être accusé que dans les cas déterminés par la a lui et dans les formes qu'elle a prescrites. »
§ IV.—Il n'y a aucun reproche à faire au comité sur la manière dont la dénonciation a été faite, et sur la publicité du rapport.
Si l'on en croit M. Guignard Saint-Priest la dénonciation, provoquée par le comité, est la suite d'un système de persécution dont il est l'objet depuis quelques mois. Il cite, en preuve de cette allégation, une dénonciation qui a été faite, contre lui, à son district de 'S iint-Ptiilippe-du-Roule, dès le mois de septembre 1789, et celles qui ont pareillement eu lieu depuis contre ui à l'Assemblée nationale, à l'occasion de sa réponse à des femmes du peuple le 5 octobre suivant, et de l'affaire de Marseille. « Ces deux affaires ont, « dit-il, été renvoyées au comité des rapports, qui « n'y a donné aucune suite et c'est, quand on en « a vu le mauvais succès, qu'on a senti qu'il « fallait quelque chose de plus imposant en-« core, et qu'on l'a traduit au Ghâtelet comme « criminel de lèse-nation (2); on a attendu, « pour cela, l'époque de la fédération, quoique « l'interrogatoire de M. Bonne-Savardin, ayant été
« clos le 4 juin, il eût été bien facile de faire le « rapport et la dénonciation dans la huitaine. » Au lieu de couvrir cette instruction d'un secret utile, dont tout faisait au comité le devoir le plus rigoureux, il a ordonné l'impression et la distribution du rapport en très grand nombre, et bientôt M. Guignard Saint-Priest s'est vu assailli de libelles ; on a été jusqu'à proposer des motions à faire au Ghamp-de-Mars pour Je renvoi des ministres, et c'est ainsi qu'on a produit une fermentation qui pouvait souiller la fête de la fédération, par quelque attentat capable d'en ternir la gloire (1). »
Dans le même temps, le rapporteur de l'affaire de Montauban, qui blâmait fortement la municipalité de cette ville, assurait que M. Guignard Saint-Priest avait écrit à cette municipalité une lettre d'approbation. Mais ce ministre a fait imprimer ses lettres à cette municipalité, qui sont, dit-il, toutes remplies des preuves les plus éclatantes de sa soumission aux décrets de l'Assemblée nationale, et de son zèle à en provoquer l'exécution. M. Guignard de Saint-Priest prend de là occasion de se comparer à un ancien philosophe qu'on trouva lisant une hymne à l'honneur de la Divinité, au moment même où on l'accusait de n'y pas croire.
Si des questions de cette importance pouvaient se juger par de semblables exemples, on pourrait opposer, au philosophe de l'antiquité, le philosophe moderne qui, entendant proposer, par le pilote d'une barque vénitienne, de le jeter à la mer, parce qu'on le jugeait hérétique, en sa qualité d'Allemand, tira de sa poche un chapelet et le tourna d'un air assez dévot. Ce philosophe était le luthérien Leibnitz. (2).
Au reste, M. Vieillard, rapporteur de l'affaire de Montauban, a répondu (3) à M. Guignard Saint-Priest, que l'imputation qu'il lui avait faite était constatée dans le rapport ; envoyée à l'Assemblée nationale par le détachement bordelais, « nous vîmes, y est-il dit, avec une surprise dont « nous ne sommes pas revenus, par une copie de « Ja lettre de M. de Saint-Priest à la municipalité « de Montauban, que le ministre témoigne aux « municipaux la satisfaction du roi sur leur « conduite. Sans doute, il était mal informé des « événements même qu'avaient occasionné sa « lettre; mais nous espérions qu'en s'instruisant « mieux et en éclairant la religion du monarque, « il aurait retiré ces témoignages hasardés de « contentement, qui semblaient contredire l'opi-« nion publique et même les dispositions de vos « décrets. » Ce n'est point au comité de recherches de la municipalité à prononcer dans cette affaire.
On peut ajouter ici, qu'à l'exception de celle du district de Saint-Philippe-du-Roule, sur laquelle M. Guignard de Saint-Priest n'entre dans aucun détail, il n'est pas une des affaires dont il parle, où il ait obtenu sa justification. La dénonciation, pour sa réponse du 5 octobre, a été renvoyée au comité des rapports, qui, sans doute, n'a pas eu le temps de ia suivre ; et la déclaration de M. Roux, dont on a rendu compte à la fin du paragraphe III, prouve que le propos imputé à M. Guignard de Saint-Priest, avait été rapporté bien exactement.
Quant à l'affaire de Marseille, la dénonciation existe toujours et M. Guignard Saint-Priest ne
dit pas même avoir fait aucunes, démarches pour obtenir qu'on y statuât. Il est, sans doute, bien étrange qu'un ministre d'Etat, au lieu d'offrir des décisions sur des dénonciations si graves, qu'un simple particulier ne négligerait pas, se croie suffisamment justifié, parce qu'il n'y a pas eu encore jugement. Il est bien téméraire, surtout, d'attribuer tant de dénonciations à un système de persécution formé contre lui, par des personnes qui en veulent à sa place ou à sa personne.
Certes, le comité de recherches de la municipalité de Paris n'a pas besoin de rappeler qu'il ne tient à aucun parti, s'il est d'autres partis en France que celui dont il a surtout encouru la haine et dont M. Guignard Saint-Priest adopte si bien les principes sur les inconvénients de la publicité. Il est bien manifeste que la marche du comité a été déterminée par le cours naturel de ses recherches dans l'affaire de M. Bonne-Savardin et qu'il n'a pa9 pu avoir une auïre conduite que celle qu'il a tenue.
Ce n'est point une personne qui en voulait à la place ou à la personne de M, Guignard Saint-Priest qui a imaginé de trouver un rapport si frappant entre lui et ce prétendu Farcy, que M- Bonne-Savardin avait été prévenir le 5 décembre de son invitation au comité, et chez qui il était retourné le lendemain rendre compte de ce qui s'y était passé. C'est le livre-journal de M. Bonne-Savardm, écrit dans un temps non suspect. Le comité ne pouvait pas, sans manquer à ses devoirs, négliger cette indication ; et ce n'est assurément pas lui qui a dicté à M. Bonne-Savardin cette réponse si décisive qui n'a point été rétractée et qui identifie si bien M. Guignard Saint-Priest et le prétendu Farcy. Ce n'est pas non plus par des impressions étrangères que le comité a été déterminé à recevoir les déclarations de M. Pio et de M. Roux, que tous deux avaient faites clés l'année dernière, le premier verbalement, à M- le commandant général, et le second, par écrit, au comité de recherches de l'Assemblée nationale. M. Guignard Saint-Priest a donc, ici, bien gratuitement imputé au comité de céder à des impressions étrangères. Il n'est pas plus juste dans ce qu'il dit sur le temps où la dénonciation a eu lieu, et sur la publicité qu'on y a donnée.
Le 9 juillet dernier, le comité a autorisé, par un arrêté, M. le procureur-syndic de la commune de Paris à dénoncer MM. Maillebois, Bonne-Savardin et Guignard Saint-Priest. Les pièces ont été remises, dès le lendemain, à M.le procureur-syndic, qui a lait immédiatement la dénonciation et déposé les pièces au greffe.
Le rapport était, dès lors, imprimé en entier. L'impression des pièces justificatives était aussi presque achevée. Mais pour respecter la joie publique, dans la fête du 14 Juillet, on a attendu à répandre ces imprimés, jusqu'au milieu de la semaine suivante : M. le procureur-syndic, dont tout Paris connaît l'intégrité, peut attester que ce motif seul a retardé la publication.
Comment donc M. Guignard Saint-Priest a-t-il pu se plaindre qu'on ait voulu lier la dénonciation à l'époque de Ja fédération, pour produire une plus grande explosion contre lui? Comment n'a-t-il pas vu que si l'interrogatoire de M. Bonne-Savardin a été clos le 4 juin, cet interrogatoire même a dû engager le comité à prendre, surcette affaire et sur la personne de M. Guignard Saint-Priest, des renseignements ultérieurs? Si l'on songe d'ailleurs qu'avant de faire la dénonciation au Châtelet, il fallait pouvoir y produire les principales pièces; que ie comité qui n'a pas de
commis, n'a dû faire cette production qu'en gardant des copies des originaux; si l'on se rappelle qu'il a eu pour cette affaire un grand nombre de conférences avec le comité de recherches de l'Assemblée nationale, et que ni ce comité, ni celui de la ville ne pouvaient être libres tous les jours pour elle seule; si l'on fait attention, enfin, qu'il a fallu du temps pour imprimer un travail de plus de 200 pages, on concevra comment la dénonciation a dû tout naturellement être retardée jusqu'après le commencement du mois de juillet.
Il est surtout bien remarquable que le comité n'a donné aucune espèce de publicité à sa dénonciation, jusqu'au moment où il a fait distribuer le rapport et les pièces, dans la semaine qui a suivi la fête de la fédération, M. Guignard Saint-Priest en a néanmoins été instruit aussitôt ; et c'est lui qui y a donné cette publicité, par sa lettre du 12 juillet à l'Assemblée nationale, où il eite, avec des guillemets, la plainte même de M. le procureur du roi, dont, par conséquent, il avait eu une connaissance exacte, soit en voyant la minute, soit en ayant une copie, contre le vœu du décret des 8 et'9 octobre.
Est-ce donc la faute du comité si l'on était alors si mécontent de tous les ministres, qu'on a proposé des motions pour leur renvoi à faire au Ghamp-de-Mars ? Le comité n'a point dénoncé tous les ministres, mais un seul d'entre eux; et il est notoire que la fête du 14 juillet, en offrant d'autres aliments à l'imagination et au cœur des Français, a rendu cette dénonciation bien moins éclatante qu'elle ne l'eût été sans cela.
Qu'importent donc les prétendus libelles qu'on a pu répandre alors sur M. Guignard-Saint-Priest. Il se plaint tout à la fois de ce qu'on a imprimé contre lui avant la publication faite par le comité et de cette publication qui était le seul moyen d'apprécier les libelles. Cependant il a commencé lui-même par publier sa lettre apologétique à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire que j M. Guignard Saint-Priest voudrait avoir les avantages de la publicité pour sa défense, sans avoir à redouter les armes qu'on peut y trouver contre lui pour la dénonciation.
C'est une chose bien étrange que cette affectation de quelques ministres à se plaindre de la publicité qu'on donne aux inculpations dont ils sont l'objet, lorsqu'ils ont tant de moyens de les repousser. Quand ils n'auraient pas de "feuilles publiques qui leur sont dévouées, combien l'autorité qui leur reste, les places et les grâces dont ils ont la dispensation et l'habitude même de l'ancienne considération attachée à leur titre, ne leur donne-t-elle pas d'avantages sur leurs antagonistes? Aimeraient-ils donc mieux qu'on fît circuler, dans les ténèbres, des accusations perfides dont il serait impossible de connaître la source et de suivre le cours? Ah ! si nous ne jouissions pas des avantages inestimables que nous procure l'imprimerie; si les lumières que cette belle invention jette de toutes parts sur les arts, sur les sciences, sur l'administration en particulier et sur les droits des peuples, ne nous éclairaient pas habituellement, combien les honnêtes gens se réjouiraient en voyant annoncer un moyen si facile de repousser les accusations injustes et les calomnies 1 Combien les bons administrateurs se féliciteraient d'avoir cet appel au peuple contre les intrigues des cours et les menées des ennemis du bien public! Avec quels transports surtout, les amis de ia liberté n'em-brasseraient-iis pas ce nouveau palladium descendu du ciel pour en assurer la conservation
dans les pays où elle est établie, et pour en étendre l'empire partout à mesure que l'imprimerie fera du progrès I
Qu'ils ont l'âme étroite et peu faite pour le grand théâtre sur lequel ils sont placés, ceux qui, appelés à l'administration d'un des plus puissants Etats de l'univers, croient que la calomnie peut les atteindre dans une situation si élevée et que des feuilles jetées dans le public peuvent noircir leur réputation, s'ils se conduisent de manière à mériter l'estime du peuple. Qu'on nous cite donc l'administrateur intègre et éclairé que de pareils écrits aient fait priver, nous ne dirons pas de sa vie ou de sa liberté, mais de sa place même. La presse était-elle libre, quand Turgot a été renvoyé? Mais quand cela serait, quelle idée ne devrait-on pas se faire de la pusillanimité et de l'égoïsme de celui qui, dans un temps de révolution et de crise tel que l'instant où nous nous trouvons, qui même dans les temps plus calmes qui suivront bientôt, . pourrait préférer sou repos, sa vie, et, s'il le faut aussi, sa réputation au bien de son pays si essentiellement lié à la discussion publique, de toutes ses actions et à la responsabilité de son administration ? Cette responsabilité ne peut plus exister efficacement, si lejugement du peuple, si l'opinion générale n'est pas le tribunal qui reçoit et détermine tous les appels en dernier ressort.
Cette faculté si nécessaire dans tous les pays libres, l'est mille fois plus encore dans les gou: vernements représentatifs. Gomme le peuple n'y exerce aucun pouvoir par lui-même, comme il délègue toute son autorité et le droit de faire des lois et celui de les faire exécuter et celui de les appliquer en jugement, la liberté n'y serait comme que de nom; si la discussion publique ne restait pas au peuple, pour le dédommager de la renonciation à l'exercice de tous ses droits;si la censure que chaque citoyen peut porter soit en écrivant, soit en lisant; si le contrôle que les différents pouvoirs peuvent ainsi exercer les uns avec les autres, ne servaient pas de frein à tous ceux qui seraient tentés de s'écarter de leurs devoirs ; s'ils ne servaient pas de guide au peuple dans le choix de ses représentants et si la considération publique, que les manèges et les artifices pourraient si souvent usurper, sans cette censure redoutable, n'étaient pas un prix dont il s'est réservé la dispensation sans la déléguer.
Les militaires qui marchent sous nos drapeaux pour repousser les ennemis de la patrie ; ceux qui, renfermés dans nos forteresses, défendent nos frontières contre les invasions; les marins qui vont protéger notre commerce et nos colonies dans toutes les parties du globe; les gardes nationales qui veillent à la police et à la tranquillité publique, n'exposent-ils pas aussi leur vie et leur repos pour le.salut commun? Pourquoi donc les ministres, seuls placés au faite du pouvoir, se plaindraient-ils des risques qu'ils peuvent courir et qui sont une suite nécessaire de leurs fonctions? Qu'ils descendent de leur situation élevée, s'ils n'ont pas la tête assez forle pour s'y soutenir. Les hommes ne manquent jamais dans un pays libre. La fortune publique n'est point attachée à ce que tel administrateur reste en place ; mais elle tient à ce qu'elle ne puisse y rester, sans détruire les soupçons qui s'élèvent sur son compte, et sans qu'il soit permis de les publier.
Qui, plus que ie comité des recherches a été en butte aux calomnies des faux amis de ia liberté,
aux outrages des partisans de l'ancien régime, aux erreurs même des citoyens tièdes et des esprits non éclairés? Qui moins que lui avait des moyens pour s'en défendre? Il ne s'est pas néanmoins laissé arrêter par ces vaines terreurs. Il n'a point redouté surtout cette publicité, pour laquelle M. Guignard Saint-Priest témoigne tant d'effroi ; il y a, au contraire, recouru, toutes les fois qu'il a pu faire. Il a méprisé les injures , en se contentant de rétablir les faits , quand on les altérait; bien sûr que sa réputation surnagerait aux vaines inculpations qu'on lui a faites ; et, qu'en tout cas cette réputation n'était qu'une considération secondaire qui ne pouvait jamais être mise en balance avec ses devoirs. Il s'en est remis au public, avec le seul appui de son zèle et sa probité, seuls moyens que ses commettants pouvaient exiger de lui ; c'était à eux à juger du reste.
s Au fond, quels sont donc les dangers que M. Guignard Saint-Priest a courus dans celte occasion, et qui ont pensé le rendre la victime d'une multitude abusée, en souillant la fête de la fédération de quelque attentat capable d'en ternir la gloire? A-t-il couru ce risque de la vie, que les meilleurs citoyens ont couru sans seplaiudre depuis la Révolution ? Non. « J'étais, dit-il, re-« présenté dans ces libelles comme un conspira-» teur et un traître à la patrie; on allait même « jusqu'à demander le renvoi de tous les ministres. « On proposait des motions à faire, pour ce ren-« voi, au Champ-de-Mars, _por tous les bons ci-« toyens. »
Ou laisse au public à juger du civisme de celui qui se plaît ainsi à dénigrer, autant qu'il est en lui, cette expression si sainte de bons citoyens. G'est elle que nos législateurs ont consacrée dans la formule par laquelle les magistrats municipaux doivent invitera la retraite les personnes qui se trouvent dans les attroupements lors de la publication de la loi martiale. Mais il résulte des expressions mêmes de M. Guignard Saint-Priest, que les risques qu'il a courus se sont réduits à la crainte de perdre sa place. On allait même jusqu'à demander son renvoi. Ne voilà-t-il pas un projet bien alarmant, et un peuple bien redoutable ! Les plusincendiaires demandent qu'on fasse des motions pour le renvoi des ministres, et ces motions ont été rejetées. Où voit-on donc là des attentats capables de souiller la gloire de la fédération ?Dans les pays despotiques, dans le gouvernement de l'Orient, où la servitude universelle enchaîne habituellement les opinions, la langue et la plume des écrivains, ce n'est point par des motions pour le renvoi des ministres que Je peuple manifeste ses volontés quand il se réveille. Il demande avoir leurs têtes suspendues aux murs du sérail ; et si on les lui refuse, celle du tyran leur en répond bientôt.
G'est la facilité de dénoncer les ministres et de les accuser publiquement, qui est la meilleure sauvegarde des administrateurs. Ils n'auront point à craindre qu'on se porte à des excès contre eux quand ils seront traduits en jugement comme les autres citoyens. Le peuple se reposera du soin de les poui suivre sur les accusateurs publics, sur ces nouveaux ministres de la justice nationale, que le Corps législatif vient enfin de décréter, et qui, sans doute, appelleront aussi le peuple à prononcer entre eux, accusés, et leurs juges.
Si le comité s'était grossièrement mépris dans le jugement qu'il a porté sur M. Guignard Saint-Priest, comme on le prétend, il se serait nui à lui-même et non pas au ministre. Il a soumis à
tout le monde son opinion, les motifs qui l'ont déterminée et les pièces où il l'a puisée. Où peut donc être le sujet d'effroi pour M. Guignard Saint-Priest, s'il est innocent? S'il est coupable, ou seulement s'il y a des présomptions graves contre lui, n'était-il pas du devoir du comité de le mettre à portée de les détruire, par une discussion publique, qui ne pût pas laisser de nuages sur la vérité de sa justification? L'impression du rapport et des pièces ne change pas leur contenu : elle le divulgue seulement. Elle met tout le monde à portée d'apprécier et les motifs et la personne de M. Guignard Saint-Priest. On a donc eu raison de dire que c'était lui rendre un vrai service, s'il était innocent, que de provoquer ainsi sa justification publique. Malheur à celui qui craint de voir sa conduite soumise à l'examen universel! Lhonuéte homme et le patriote désireraient que leurs sentiments pussent être aussi manifestés que leurs actions. Quelle opinion doit-on avoir de ceux qui voudraient soustraire l'un et l'autre à l'examen du peuple, lors même qu'il s'agit de leur administration publique.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures un quart du matin.
L'Assemblée est fort peu nombreuse. En attendant qu'elle soit en nombre, on propose de lire diverses adresses.
demande à donner lecture des divers décrets sur les pensions, mis dans leur ordre rationnel pour être présentés à la sanction.
Cette propositiou est adoptée et la lecture a lieu ainsi qu'il suit :
Décret sur les pensions, gratifications et autres récompenses nationales, prononcé dans les séances des 10, 16, 23 et 26 juillet :
L'Assemblée nationale, considérant que, chez un peuple libre, servir l'Etat est un devoir que tout citoyen est tenu de remplir, et qu'il ne peut prétendre de récompense, que la durée, l'émi-nence et la nature de ses services lui donnent des droits à une reconnaissance particulière de nation; que s'il est juste que, dans l'âge des infirmités, la patrie vienne au secours de celui qui lui a consacré ses talents et ses forces, lorsque sa fortune lui permet de se contenter des grâces honorifiques, elles doivent lui tenir lieu de toute autre récompense, décrète ce qui suit :
TITRE PREMIER.
Règles générales sur les pensions et autres récompenses pour l'avenir.
Art. 1er. L'Etat doit récompenser les services
Art. 2. Les seuls services qu'il convient à l'Etat de récompenser sont ceux qui intéressent la société entière. Les services qu'un individu rend à un autre individu ne peuvent être rangés dans cette classe, qu'autant qu'ils sont accompagnés de circonstances qui en font réfléchir l'effet sur tout le corps social.
Art. 3. Les sacrifices dont la nation doit payer le prix sont ceux qui naissent des pertes qu'on éprouve en défendant la patrie, ou des dépenses qu'on a faites pour lui procurer un avantage réel et constaté.
Art. 4. Tout citoyen qui a servi, défendu, illustré, éclairé sa patrie, ou qui adonné un grand exemple de dévouement à la chose publique, a des droits à la reconnaissance de la nation, et peut, suivant la nature et la durée de ses services, prétendre aux récompenses.
Art. 5. Les marques d'honneur décernées par la nation seront personnelles et mises au premier rang des récompenses publiques.
Art. 6. Il y aura deux espèces de récompenses pécuniaires : les pensions et les gratifications. Les premières sont destinées au soutien du citoyen qui les aura méritées. Les secondes à payer le prix des pertes souffertes, des sacrifices faits à l'utilité publique.
Art. 7. Aucune pension ne sera accordée à qui que ce soit avec clause de réversibilité ; mais, dans le cas de défaut de patrimoine, la veuve d'un homme mort dans le cours de son service public pourra obtenir une pension alimentaire, et les enfanis être élevés aux dépens de la nation, jusqu'à ce qu'elle les ait mis en état de pourvoir eux-mêmes à leur subsistance.
Art. 8. Il ne sera compris dans l'état des pensions que ce qui sera accordé pour récompense de services : tout ce qui sera prétendu à titre d'indemnité, de dédommagement, comme prix d'aliénation, ou autres causes semblables, sera placé dans la classe des dettes de l'Etat, et soumis aux règles qui seront décrétées pour la liquidation des créanciers de la nation.
Art. 9. Ou ne pourra jamais être employé, sur l'état des pensions, qu'en un seul et même article. Ceux qui auraient usurpé, de quelque manière que ce soit, plusieurs pensions, seront rayés de la liste des pensionnaires et .privés des grâces qui leur auraient été accordées.
Art. 10. Nul ne pourra recevoir en même temps une pension et un traitement : aucune pension ne pourra être accordée sous le nom de traitement conservé et de retraite.
Art. 11, 11 ne pourra être concédé de pension à ceux qui jouissent d'appointements, gages ou honoraires, sauf à leur accorder des gratifications s'il y a lieu.
Art. 12. Un pensionnaire de l'Etat ne pourra recevoir de pension, ni sur la liste civile ni d'aucune puissance étrangère.
Art. 13. La liste civile étant destinée au payement des personnes attachées au service particulier du roi, et à sa maison, tant domestique que militaire, le Trésor public demeure déchargé de toutes pensions et gratifications qui peuvent avoir été accordées, ou qui le seraient par la suite aux personnes qui auraient été, sont, ou seront employées à l'un ou l'autre de ces services. Art. 14. Il sera destiné, à l'avenir, une somme de
12 millions de livres, à laquelle demeurent fixés les fonds des pensions, dons et gratifications ; savoir: 10 millions pour les pensions, et 2 millions pour les dons et gratifications. Dans le cas où le rem placement des pensionnaires décédés ne laisserait pas une somme suffisante pour accorder des pensions à tous ceux qui pourraient y prétendre, les plus anciens d'âge et de services auront la préférence; les autres l'expectative, avec l'assurance d'être les premiers employés successivement.
Art. 15. Au delà de cette somme, il ne pourra être payé ni accordé pour quelque cause, sous quelque prétexte ou dénomination que ce puisse être, aucunes pensions, dons et gratifications, à peine, "contre ceux qui les auraient accordées ou payées, d'en répondre en leur propre et privé nom.
Art. 16. Ne sont compris dans la somme de ces 10 millions atfectés aux pensions, les fonds destinés aux invalides, aux soldes et demi-soldes tant de terre que de mer, sur la fixation et distribution desquels fonds l'Assemblée se réserve de statuer, ni les pensions des ecclésiastiques qui continueront d'être payées sur ^les fonds qui y seront affectés.
Art. 17. Aucun citoyen, hors le cas de blessures reçues, ou d'infirmités contractées dans l'exercice de fonctions publiques, et qui le mettent hors d'état de les continuer, ne pourra obtenir de pension qu'il n'ait trente ans de service effectif et ne soit âgé de cinquante ans : le tout sans préjudice à ce qui sera statué par les décrets particuliers relatifs aux pensions de la marine et de la guerre.
Art. 18. Il ne sera jamais accordé de pension au delà de cedonton jouissaità titre de traitement ou appointement dans le grade que l'on occupait. Pour obtenir la retraite d'un grade, il faudra y avoir passé le temps qui sera déterminé par les décrets relatifs à chaque nature de service; mais quel que fût le montant de ces traitements et appointements, la pension, dans aucun cas, sous aucun prétexte et quels que puissent être le grade ou les fonctions du pensionné, ne pourra jamais excéder la somme de 10,000 livres.
Art. 19. La pension accordée à trente ans de service sera du quart du traitement, sans toutefois qu'elle puisse être moindre de 150 livres.
Art. 20. Chaque année de service, ajoutée à ces trente ans, produira une augmentation progressive du vingtième des trois quarts restants de ces appointements et traitements; de manière qu'après cinquante ans de service, le montant de la pension sera de la totalité des appointements et traitements, sans que, néanmoins, comme on l'a dit ci-devant, celte pension puisse jamais excéder la somme de 10,000 livres.
Art. 21. Le fonctionnaire public, ou tout autre citoyen au service de l'Etat, que ses blessures ou infirmités obligeront de quitter son service ou ses fonctions avant les trente années expliquées ci-dessus, recevra une pension déterminée par la nature et la durée de ses services, le genre de ses blessures et l'état de ses infirmités.
Art. 22. Les pensions ne seront accordées que d'après les instructions fournies par les directoires de départements et de districts, et sur l'attestation des officiers généraux et autres agents du pouvoir exécutif et judiciaire, chacun dans la partie qui les concerne.
Art. 23. A chaque session du Corps législatif, le roi lui fera remettre la liste des pensions à accorder aux différentes personnes qui, d'après les règles ci-dessus, seront dans le cas d'y pré-
tendre. A cette liste sera jointe celle des pensionnaires décédés et des pensionnaires existants. Sur ces deux listes envoyées par le roi à la législature, elle rendra un décret approbatif des nouvelles pensions qu'elle croira devoir être accordées; et lorsque le roi aura sanctionné le décret, les pensions accordées dans cette forme seront seules exigibles et les seules payées parle Trésor public.
Art. 24. Les gratifications seront accordées d'après les mêmes instructions et attestations portées dans l'article 22. Chaque gratification ne sera donnée que pour une fois seulement; et s'il en est accordé une seconde à la même personne, elle ne pourra l'être que par une nouvelle décision, et pour cause de nouveaux services. Dans tous les cas, les gratifications seront déterminées par la nature des services rendus, des pertes souffertes, et d'après les besoins de ceux auxquels elles seront accordées.
Art. 25. A chaque session, il sera présenté un état des gratifications à accorder et des motifs qui doivent en déterminer la concession et le montant. L'état de celles qui seront jugées devoir être accordées sera pareillemen t décrété par l'Assemblée législative. Après que le roi aura sanctionné le décret, lés gratifications accordées dans cette forme seront aussi les seules payables par le Trésor public.
Art. 26. Néanmoins, dans les cas urgents, le roi pourra accorder provisoirement des gratifications; elles seront comprises dans l'état qui sera présenté à la législature, -et s'il les juge accordées sans motif, ou contre les principes décrétés, le ministre, qui a-ura contresigné les décisions, sera tenu d'en verser le montant au Trésor public.
Art. 27. L'état des pensions, tel qu'il aura été arrêté par l'Assemblée nationale, sera rendu public. Il sera imprimé en entier tons les dix ans; et, tous les ans, dans le mois de janvier, l'état des changements survenus dans le cours des années précédentes, ou des concessions des nouvelles pensions et gratifications, sera pareillement livré à l'impression.
TITRE II.
Règles particulières concernant les récompenses pécuniaires qui peuvent être accordées à ceux qui ont 'servi V'Etiit dans la guerre, dans la marine, dans les emplois civils, les sciences, les lettres et les arts.
Art. 1er. Le nombre d'années de sërvice nécessaire dans les
troupes de'ligne, pour obtenir une pension, sera de'trente années deservice effectif; mais
pour déterminer le montant de la pension, il sera ajouté à ces années de service les années
résultant des campagnes de guerre, d'embarquement, de service en garnison hors de l'Europe,
d'après les proportions suivantes :
Chaque "année de guerre, et chaque année de service ou de garnison hors de l'Europe, sera comptée pour deux ans.
Chaque année d'embarquement, en temps de paix, sera comptée pour dix-huit mois.
Ce calcul aura lieu dans quelque grade que les campagnes et les années de service ou d'embarquement aient été faites, dans le grade de soldat comme dans tous les autres.
Art. 2. Tous officiers,-soit étrangers, soit Français, employés dans les troupes lie ligne fran-
çaises ou étrangères au service de l'Etat, de quelque arme et de quelque grade qu'ils soient, seront traités, pour leur pension, sur le pied de l'infanterie française. Tous les officiers d'un même grade, quoique de classe différente, même simplement commissionnés, mais en activité, seront pensionnés également sur le pied de ceux de la première classe.
Art. 3. On n'obtiendra la pension attachée à un grade qu'autant qu'on l'aura occupé pendant deux ans entiers, à moins que, pendant le cours desdites deux années, on n'ait reçu quelque blessure qui mette hors d'état de servir.
Art. 4. Le nombre d'années de service nécessaire dans la marine pour obtenir une pension, sera de vingt-cinq années de service effectif ; et, pour fixer ie montant de la pension, il sera ajouté à ces années de service les années résultant des campagnes de guerre, embarquement, service ou garnison hors de l'Europe, dans les mêmes proportions qui ont été fixées par l'article 1er du présent titre, pour les troupes de terre.
Ce calcul aura lieu quel qu'ait été la classe ou le grade dans lesquels on ait commencé à servir; mais l'on n'aura la pension attachée au grade qu'après l'avoir'occupé pen dant deux ans entiers, ainsi qu'il est dit dans l'article 3.
Art. 5. Le taux de la pension qu'on obtiendra, après avoir servi l'Etat dans les emplois civils, pendant trente années effectives, sera réglé sur le traitement qu'on avait dans le dernier emploi, pourvu qu'on l'ait occupé pendant deux années entières.
Les années de service qu'on aurait remplies dans des emplois civils, hors de l'Europe, seront comptées pour deux années, lorsque les trente années de service effectif seront d'ailleurs complètes.
Art. 6. Les artistes, les savants, les gens de lettres, ceux qui auront fait une grande découverte propre à soulager l'humanité, à éclairer les hommes ou à perfectionner les arts utiles, auront part aux récompenses nationales, d'après les règles générales établies dans le titre 1er du présent décret £t les règles particulières qui seront énoncées €i-après.
Art. 7. Celui qui aura sacrifié, nu son temps, ou sa fortune, ou sa santé à des voyages'longs et périlleux, pour des recherches utiles à l'économie publique ou aux progrès des sciences et des arts, pourra obtenir une gratification proportionnée à l'importance de ses découvertes ét à l'étendue de ses travaux; et s'il périssait dans le cours de son entreprise, sa femme et ses enfants seront traités de la même manière que la veuve et les enfants des hommes morts au service de l'Etat.
Art. 8. Les encouragements qui pourraient être accordés aux personnes qui s'appliquent à des recherches, à des découvertes et à des travaux Utiles, ne seront point donnés à raison d?une somme annuelle, mais seulement à raison des progrès dffectifs de ces travaux ; et la récompense qu'ils pourraient mériter ne leur sera délivrée que lorsque leur travail sera complètement achevé, ou qu'ils auront atteint un âge qui ne'leur permettra plus de continuer.
Art. 9. Il pourra néanmoins être aceordé des gratifications annuelles, soit aux jeunes élèves que l'on enverra chez l'étranger pour se perfectionner dans les arts et les scienees, soit à ceux qu'on ferait voyager pour recueillir des connaissances utiles à l'Etat.
Art. 10. Les pensions destinées àTécompenser
les personnes ici-dessus défcignéés Seront divisées en trois classes.
La première, celle des pensions dont lé maximum sera de 3,000 livres.
La secondé, 'celle dés pensions qui excéderbnt 3,000 livrés et dont le maximum, n'é pourra pas s'élever aù dessus de 6,000 livrés.
La troisième côniprendra les pënsiorVs au-djes: sus de 6,000 livrés jusqu'au maximum de 10,000 livres fixé par lès précédents décrets.
Art. il. Le genre de travail, lës 'qfcctopâtiôns habituelles de Celui qui méritera n'être récôftt-pensé détermineront la classe où il Convient dè les placer, et la qualité de ses services fixera lé montant de lâ pension, de manière, néanmoins, qu'il hë puisse atteindre le maxîrhltm de lâ'classe Où il aurâ été plâcé que conforméhiént aux règles d'accroissement déterminées par les articles 19 et 20 du titre 1er du présent décret.
TITRE III.
Suppression des pensions et autres .grâces pécuniaires existant au 1er janvier 1790; règles générales pour leur rétablissement; exceptions.
Art. 1er. Les pensions, dons, traitements où appointements
conservés, récompenses, gratifications annuelles, engagements contractés pour payements de
dettes, assurances de dots et dé doùâirés,.concessions 'gratuites de domaines existant au 1er
janvier 1790 ou âccôrdés depuis cette époque, sont supprimés. Il sera procédé à uné création
nouvelle de pensions, suivant le mode qui sera établi par lés articles suivants.
Et cependant, par provision, tous les ci-devant pensionnaires seront payés des arrérages dë ïà présente année de leurs pensions. Si elles ne sont que de la somme de 600 livrés ou au-dessous, soit eb un, sôit en plusieurs articles; et, dâns Je cas où les péhsiottS et les gratificàtions dont on jouissait excéderaient la somme de 600 livrés, soit en Un article, soit en plusieurs , il sera payé la sommé de 600 livrés, âcohiptê sur les arrérages de la présente année desdites pensions et gratifications.
Art. 2. Il né sera payé? par lès administrations municipales et au très, âucunë pehsïôn ou gratification au delà de là somme dé 600 livres, conformément à l'article Ie* du présent titre, jusqu'à ce que, par l'Assemblée nàtiônalè, il eh ait été autrement oMonné ; lesdites administrations municipales et autres "seront tenues d'envoyer sans déï âî, au comité dès pensions, l'état certifié dés pensions ét gratificàtions dont elles sont chargées. :
Art. 3. |iës pensions qui étaient établies sur lâ caisse de l'ancienne administration du clérgé Seront payées sur cette même caisse^ pour les six premiers mois de la présente année, sur le pied, néanmoins, de 600 livres aU plus pour l'année entière, conformément à l'article 1er du présent titre, et il en sera de même des pensions qui pourraient exister encore sur d'àut'rès caisses que le Trésor public. ^ u ...
Art. 4. Les, personnes qui, ayant servi l'Etat, se trouveront dans lés cas détermitfes pat les deux premiers titrés du présent décret, obtiendront uné pension de la valeur réglée par lesdits décrets. S'ils avaient déjà uné pension, mais de moindre valeur que cèlle aïïè lèsdîts décilqts leur assurent, là pension dont ils jouissaient demeu-
rera supprimée, et ëlle sera remplacée pâr là pension plus Considérable qu'ils obtiendront.
Art. 5. Il sera rétabli urië pension en faveur des officiers généraux qui, ayant fait deux cam-pàghës dé gûërrë, én quelque gràdè ét en quéi-qUe lieu que cë feôit, avaient précédemment obtenu une pension; mais elle cëssërâ d'être payée s'ils rentrent en acti vité ; en Sorte que, confort mémertt à l'article 10 dii titrë 1er du présent de-i cret, il hé soit jamais payé, au même officier-, pension et traitement.
La pension rétâblié ne sera jamais plus forte que belle dont on jouissait.
Si la pension dont on jOûissait était dé 2,000 livres ou plus, la nouvelle pension sera de 2,000 liVreis pôur l'Officier général qui aurà fàit deux campagnes dë gùërre; 'elle croîtra de 500 livres à raison dè chaque 'campagne de guélrre aU delà des déUx prémièrës ; mais cet accroissement ne pourra porter lé total au delà de la somme dë 6,000 livrés, qùi est le maximurti fiicé pour les pehsiôttS mentionnées au présënt article.
Art. 6. Lës o'fficiërs des troupes 'de ligne et les ôffi'cieré de mer qui àvaïënt servi pendant Vingt années dahs rèS trobpes de ligné oU sur mer, qui afaié,ttt fait deux campàghës de guetté, *ou deux expèditiôns de mer, dans quelque grade que cë soit, et auxquels leur retraite avait été accordée avec uné pension, Soit par suite des réformes faites dans là guerre, ou dans là màrihe, soit à une époque antérieure aUk règlements qui seront mentionnés en l'article suivant, jouiront d'une nôûvelié pension créée ën leur faveur, laquelle né poùr'ra excéder'celle dont ilà jouissaient, mais pourra lui être inférieure, ainsi qti'il sera dit én l'article 10.
Art. 7. Les personnes qui, n'étant ni datas l'un, ni dâns l'autre des cas prévus pâr les deux articles précédents, auront ôbtenù, àvânt lé janvier 1790, uùe pension pouf services rendus à rE'tat» dâns quelque département que Ce soit, 'ën conformité déS Ordonnances et règlements faits pâr lesdits dé pâr temen Cs, Jouiront d'une nbùVelte pension rétablie en leur faveur, laquelle iïé sèfrâ jamais à'ù-dëssus de celle dont è'ifés Jouissaient précédemment, mais pourra être 'au-dessous, dàtis les càs prévuS par 1 article 7.
Art. 8. Les veuves et enfants qui ont obtenu des pensions, en conformité des ordonnances et règlements faits pour lës départements dans lesquels leurs maris ou leurs pères 'étaient attachés à un service public, et notamment les vè"uves et enfants d'officiers tués au service de l'Etat, jouiront de nouvelles pensions rétablies en leur faveur, .et pour la mêmë somme à laquelle elles étaient portées, sous la condition néanmoins qttè lés pensions desdités veuves, ët celles dè toftè jeurs enfants réunies n'excéderont;pas la somttrè de 3,000 livres, qui sera lè 'tinâiïirtiufh deMites pensions.
Les veuves des maréchaux dë France, ifni' avaient Obtenu des pensions, jouiront d'une pension de 6,000 livres, qui. sera rétablie ëh leur faveur.
Art. 9. Les ancien s règlements ayant, àdi'fférëntes époques, soumis des pensions à des réductions ; converti en rentes viagères, des arrérages échus et non payés ; suspendu jusqù'à la mort des pensionnaires, d'autrés arrérages écibus ét noh payés, il est déclaré : 1° que la disposition des articles précédents, qui porte que }lës pensidtts rétablies n'excédëroot pas lë 'montant des pensions anciennes supprimées, s'^ntetid Jdu :mbh-tant desdités penSiofîs, dêdubtiûn lïfrtô dè tcrrffës
les retenues qui ont eu ou dû avoir lieu pendant le cours de l'année 1789, toute exception aux règlements qui établissaient lesdites réductions étant anéanties ;
2° Que les rentes viagères créées pour arrérages échus, et non payés, continueront à être services aux personnes mêmes dont les pensions se trouveraient supprimées sans espérance de rétablissement, et hors la nouvelle pension aux personnes en faveur desquelles une nouvelle pension serait rétablie;
3° Que les arrérages échus, non payés, et portés en décompte sur les brevets, seront compris dans les dettes de l'Etat, et payés comme telles, tant à ceux dont les pensions sont supprimées, qu'à ceux qui obtiendront une nouvelle pension.
Art. 10. Les pensions rétablies en vertu des articles précédents, et dont le maximum n'apasété fixé, ne pourront excéder la somme de 10,000 livres, si le pensionnaire est actuellement âgé de moins de 70 ans; la somme de 15,000 livres, s'il est âgé de 70 à 80 ans; et la somme de 20,000 livres, s'il est âgé déplus de80ans. Les pensionnaires actuels, âgés de plus de 75 ans, qui, ayant rendu des services à l'Etat, jouissaient de pensions au-dessus de 3,000 livres, conserveront une pension au moins de ladite somme de 3,000 livres.
Ceux qui, ayant servi dans la marine et les colonies, auront atteint leur soixante-dixième année, jouiront de la même faveur que les octogénaires.
Les veuves des maréchaux de France, qui ont atteint l'âge de 70 ou 80 ans, jouiront delà faveur accordée à cet âge.
Art. 11. Il ne sera jamais rétabli qu'une seule pension en faveur d'une u.ême personne, quand elle aurait servi dans plusieurs départements, et quand ce dont elle jouit en pension lui aurait été accordé originairement en plusieurs articles; mais la fixation de la nouvelle pension sera réglée d'après le total des pensions réunies.
Art. 12. Ceux qui, ayant fait quelque action d'éclat, ou ayant rendu des services distingués dignes d'une gratification, d'après les dispositions des articles 4 et 6 du titre 1er du présent décret, n'en auraient pas été récompensés, ou ne l'auraient été que par une pension qui se trouverait supprimée, sans espérance de rétablissement, seront récompensés sur le fonds de deux millions destinés aux^gratifications.
Art. 13. Les personnes qui, ayant droit à une pension, ou à une gratification, préféreraient aux récompenses pécuniaires les récompenses énoncées dans l'article 4 du titre 1er du présent décret, en feront la déclaration, et l'adresseront au comité des pensions, qui en rendra compte au Corps législatif.
Art. 14. L'Assemblée nationale se réserve de prendre en considération ce qui regarde les secours accordés aux Hollandais retirés en France ; et jusqu'à ce qu'elle ait prononcé sur cet objet, ces secours continueront d'être distribués comme par le passé.
Art. 15. Pour subvenir aux besoins pressants des personnes qui, se trouvant privées des pensions qu'elles avaient précédemment obtenues, n'auraient pas de titres suffisants pour en obtenir de nouvelles, et ne seraient pas dans le cas d'être renvoyées, soit à la liste civile, à cause de la nature de Jeurs services, soit au comité de liquidation, à cause des indemnités duiit elles prétendraient que leur pension est le remboursement, il sera fait un fonds de deux millions, ré-
parti et distribué d'après les règles suivantes : 500 portions de 1,000 livres; 1,000 portions de 500 livres; 4000 portions de 200 livres ; 1,33? de 150 livres. Les secours de la première classe ne seront donnés qu'à des personnes mariées ; ou ayant des enfants ; ceux de la seconde classe pourront être donnés à des personnes mariées, ou ayant des enfants, ou sexagénaires ; les secours de la troisième et quatrième classe se,ront distribués à toutes personnes qui y auront droit.
Art. 16. Les mémoires présentés dans les différents départements par les personnes qui ont obtenu des pensions, les décisions originales intervenues sur lesdits mémoires, les registres et notes qui constatent les services rendus à l'Etat, ensemble les mémoires que toutes personnes qui prétendent avoir droit aux récompenses pécuniaires jugeront à propos de présenter, seront remis au comité des pensions qui les examinera et vérifiera, ainsi que les mémoires qui lui ont déjà été remis.
Art. 17. Après l'examen et la vérification des états et pièces énoncés en l'article précédent, le comité dressera quatre listes : la première comprendra les pensions à payer sur le fonds de 10 millions ordonné par l'article 14 du titre lor du présent décret ; lasecondecomprendra les pensions rétablies par les articles 5, 6, 7 et 8 du présent décret; la troisième listecomprendra les secours établis par l'article 15 ; la quatrième liste comprendra les personnes dignes des récompenses établies par l'article 5 du titre 1er du présent décret, et qui les auront préférées aux récompenses pécuniaires. Ces listes seront présentées au Corps législatif, à l'effet d'être approuvées ou réformées par lui ; et ie décret, qui interviendra, sera ensuite présenté à la sanction du roi.
Art. 18. Lorsque le décret, rendu par le Corps législatif, aura été sanctionné par le roi, les pensions comprises dans la première liste seront payées sur le fonds qui y est destiné par l'article 4 du titre 1er du présent décret : à l'égard des pensions et secours compris dans les seconde et troisième listes, il sera fait fonds par addition, entre les mains des personnes chargées du payement des pensions, du montant desdites listes.
Chacune des années suivantes, le fonds de ces deux listes ne sera fourni que déduction faite des portions dont jouissaient les personnes qui seront décédees dans le cours de l'année précédente, de manière que lesdits fonds diminuent chaque année graduellement, sans que, sous aucun prétexte, il y ait lieu au remplacement d'aucune des personnes qui auront été employées dans les seconde et troisième listes.
Les quatre listes seront rendues publiques par la voie de l'impression, avec l'exposé sommaire des motifs pour lesquels chacun de ceux qui s'y trouveront dénommés, y aura été compris.
Les pensions accordées commenceront à courir du lor janvier 1790; mais, sur les arrérages qui reviendront à chacun pour l'année 1790, il sera fait imputation de ce qu'on aurait reçu pour ladite année, en exécution des articles 1, 2 et 3 du présent titre.
Art. 19. Nonobstant l'article 3 du présent titre, relatif aux enfants des officiers tués à la guerre, les enfants du général Montcalm tué à la bataille de Québec, au lieu de la somme de trois mille livres qu'ils devraient se partager entre eux, aux termes dudit article, toucheront mille livres chacun. L'Assemblée nationale autorise les commissaires par elle nommés pour la distribution des nouvelles pensions, à exprimer dans le brevet de
mille livres qui sera délivré à chacun desdits enfants, que cette exception a été décrétée par elle, comme un témoignage de son estime particulière pour la mémoire d'un officier aussi distingué par ses talents et son humanité, que par sa bravoure et ses services éclatants. La même mention sera faite dans les brevets à expédier à la famille d'As-sas, dont il sera parlé en l'article suivant.
Art. 20. Les pensions accordées aux familles d'Assas, de Ghambors et au général Luckner, seront conservées en leur entier, nonobstant les dispositions des articles précédents qui pourraient y être contraires. A l'égard des autres exceptions qui ont été, ou seraient proposées, elles sont renvoyées au comité des pensions, qui en fera ie rapport à l'Assemblée.
(Les membres présents à la séance applaudissent I comme témoignage de leur agrément à l'ensemble du décret qui vient d'être lu.)
(de Nemours). Je propose un article additionnel au décret des pensions, pour que les veuves des ministres morts en activité de service soient traitées comme les veuve3 des maréchaux de France. Cette addition ne peut tirer à conséquence. Il n'y a actuellement que trois veuves dans ce cas : dont Mmede Maurepas, âgée de 80 ans, et Mme de Fourqueux, dont le mari a donné des preuves d'attachement à la bonne cause; car il est mort, pour avoir voulu se rendre au conseil, pour y défendre la double dépu-tation du tiers, quoiqu'il eût un accès de goutte. Les services civils méritent la même considération que les services militaires. Il faut encourager les bons ministres, vous en aurez toujours moins que de bonâ généraux. La place est peu enviable et si peu tenable.
(Cette proposition n'est pas appuyée.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin.
, autre secrétaire, lit le procès-ver-bal de ia séance d'hier au soir.
Je demande qu'on retranche du procès-verbal l'apostrophe faite par l'un des orateurs à ceux qui ont prêté le serment du jeu de paume. Il n'est pas d'usage d'insérer ces mouvements oratoires.
efface la phrase.
Hier, on a passé beaucoup de temps dans une malheureuse contestation. Je demande qu'on ne renouvelle pas une semblable controverse à propos du procès-verbal.
(MM. Dupont et Malouet demandent la parole.)
L'Assemblée n'a-t-elle voulu entendre sévir que coutre un seul écrit sanguinaire, ou contre tous? Si elle n'a voulu statuer que sur l'écrit de M. Marat, elle autorise tous les écrits qui prêchent la sédition et l'effusion du sang. Il faut craindre une fausse interprétation d'un décret qui n'a pas été délibéré hier soir, car la séance a été levée avant qu'on l'eût mis aux voix...
Plusieurs membres : Gela est faux I
Vous avez entendu hier une de ces voix qui osent tout, qui vous a dit qu'elle
oserait : attendrez-vous que l'effet suive la me. nace?
Que l'opinant aille plaider au Ghàtelet, ce n est pas ici un tribunal où l'on puisse se livrer aux mouvements de l'intérêt personnel.
(L'Assemblée délibère, et l'on passe à l'ordre du jour.)
paraît à la tribune. — On refuse de l'entendre.Il insiste. —L'Assemblée décide qu'il ne sera pas entendu. — Il parle. — Des cris répétés : A Vordre, à Vordre ! étouffent sa voix.
, député de Colmar, demande la permission de s'absenter pour six semaines pour raisons de santé et d'affaires.
Ce congé est accordé.
, secrétaire, lit une note énoncia-tive de? expéditions en parchemin envoyées par le garde des sceaux à l'Assemblée nationale, pour être déposées dans ses archives, et dont la teneur suit :
Expéditions en parchemin pour être déposées dans les ai'chives de VAssemblée nationale.
« 1° De lettres patentes sur le décret du 26 juin, qui approuve une délibération prise par le conseil d'administration du département de la Haute-Saône, relativement à la disette des grains;
« 2° De lettres patentes sur le décret du 29, relatif à la navigation du canal de Picardie ;
« 3° De lettres patentes sur le décret du 4 juillet, relatif à la fourniture de sel à l'étranger;
« 4° D'une proclamation sur le décret du 10, portant que les biens des non-catholiques, qui se trouvent encore entre les mains des fermiers de la régie, seront rendus aux héritiers desdits fugitifs;
« 5° De lettres patentes sur le décret du 13, concernant les dispositions que doivent faire les directoires de département et ceux des districts, pour constater la situation actuelle des recouvrements des impositions des exercices 1788, 1789 et 1790, et accélérer la perception et rentrée des sommes arriérées;
« 6° De lettres patentes sur le décret du 19, qui abolit le retrait lignager, le retrait demi-denier, les droits d'écart, et autres de pareille nature ;
« 7° De lettres patentes sur le décret dù même jour, qui ordonne la continuation de la levée et perception de toutes les contributions publiques, a moins que l'extinction et suppression n'en ait été expressément prononcée, et notamment des droits perçus sur les ventes de poisson dans plusieurs villes du royaume;
« 8° De lettres patentes sur le décret du 20, concernant la régie de tous les droits qui formaient l'objet des baux passés par les ci-devant États d'Artois, à l'exception de ceux des eaux-de-vie ;
« 9° De lettres patentes sur les décrets des 9 et 21, qui suppriment les offices de jurés-priseurs ; ordonnent que le droit de 4 deniers pour livre du prix des ventes continuera d'être perçu, et autorisant les notaires, greffiers, huissiers et sergents à procéder auxdites ventes ;
10° Et, enfin, d'une proclamation sur le décret du 26, concernant la procédure commencée
à 1'ocçasion des événements arrivés dans ville de Montaubao, le 10 mai.
Pans, le 2 août 1790.
L'ordre du jour appelle un rapport du eomitè des recherches, relatif aux obstacles qu'éprouve, dans différentes paroisses du département du Loiret, le payement des droits de champçrt et aucuns droits féodaux qui rie sont pas supprimés sans rachat ou indemnité.
, rapporteur r Messieurs, le directoire du district du département du Loiret pous a envoyé un libelle intitulé '. Réponse des officiers - municipaux des campagnes du Gâtinais aux administrateurs du département du Loiret, Ce libelle est une réponse a l'envoi du dernier, décret sur les droits de champart. 11 a pour objet d'exciter le peuple à ne payer ni ces droits ni les droits féodaux supprimés- avec indemnité. Il y est dit que l'Assemblée a conservé ces droits par vue d'intérêt personnel; qu'il faut élever des potences pour y attacher ceux qui les demanderont ou voudraient les payer. (Je libelle avait été remis par le curé d'Ecnileuse prés Pithiviers, à une femme chargée d'en distribuer à toutes les municipalités.
La spciétç des de la Constitution de Mon-targis a épriï à la société du même nom à Paris, que le 14 juillet, a Jouy, un nommé Pradier avait élevé une potence fabriquée dans la grange d'un officier municipal, et que le sieur Pradier avait dit l'avoir faite de l'ordre de la municipalité. Deux particuliers ont failli être pendus. Le comité des recherches propose dé décréter que le président se retirera sans délai par devers le roi, pour supplier Sa Majesté d'ordonner aux officiers du tribunal de Nemours d'informer contre les auteurs d'un écrit intitulé î Réponse des officiers municipaux des paroisses des campagnes du Gâtinais aux administrateurs du département du Loiret, et même de se transporter hors de leur territoire, si le cas l'exige.
Voici notre projet de décret :
« L'Assemblée nationale, sur la dénonciation, faite par son comité des recherches, d'un imprimé intitulé : Réponse.des officiers municipaux des paroisses des campagnes du Gâtinais, à messieurs lès administrateurs du département du Loiretf concernant les droits féodaux, imprimé qui jerçd à empêcher le payement des champarts et à exciter des insurrections dangereuses, a décrété que son président se retirera sans délai par devers le roi, pour supplier 6a Majesté de donner lés ordres les plus pressants,aux officiers du bailliage (Jè Nemours, d'informer contre les auteurs de cet écrit, circonstances et dépendances, même de se transporter hors de leur ressort, si le cas le requiert.»
(Plusieurs membres demandent la question préalable sur ce projet de décret.)
Je vous propose, Messieurs, de décider simplement que le roi sera prié de veiller à ce que le droit de champart soit payé dans tout le royaume. J'ajoute que, dans plusieurs départements, les officiers municipaux des campagnes sont les premiers à engager le peuple à ne pas payer ces droits.
{de Saint-Jean-d'Angéhf). Il ne s'agit pas uniquement d'un écrit incendiaire, mais de faits criminels qu'il faut arrêter et punir. Je demande que ie décret soit dirigé contre tous
ceux qui se refusent par des moyens quelconques à payer le droit de champart.
{de Nemours). Messieurs, le décret que le comité vous propose a deux objets très distincts, entre lesquels je vous demande la division : d'gmprd il porte sur pn écrit incendiaire,, ensuite il parie 4e violences commises et de potences plantées suivant les conseils de cet écrit. Quant ap premier point, les préopinants ont eu raison de dire qu'on pouvait interpréter votre décret d'hier, de manière que la poursuite de l'écrit incendiaire serait interdite, puisque l'ouvrage de M. Marat est le seul pour lequel vous n'ayez pas sursis aux procédures, jusqu'au rapport dont vous avez chargé vçs comités dp Constitution et de législation criminelle. C'est une raisoi) dç plus que j'allègue pour que vous ne donniez pas Indeterminément cette mission à vos comités, par l'expression vague : dans le plus court délai possible, " comme "vous l'avez déerétè hier, et moins encore sans indiquer même aucun désir de célérité, compie on doit l'inférer du décret, tel qu'il se trouve dans Votre procès-verbal, oïl l'expression du plus court délai possible est supprimée, ce dont Je me plaignais amèrement lorsque vous avez refusé de m'écouter. C'est pourquoi j'insiste pour que vous fixiez un délai dans lequel vos deux comités deyront vous faire ce rapport, et pour que vous fassiez cesser 1 état d'impuissance où se trouve la société de réprimer les écrits qui invitent le peuple à la violation des lois, au cjime, au renversement de la Constitution.
Vous n'ayez pas. Messieurs, un devoir plus impérieux que celui qui vous prescrit de hâter Cette mesure. Vous ne pouvez ypus dissimuler que Part horrible des séditions né §oit infiniment perfectiopné, et ne se perfectionne chaque jour. Je vous eusse hier exposé lés progrès effrayants et honteux de pet art infernal, si ^'eusge pu obtenir la parole. Je l'aurais faifce matin, si l'on ne me l'eût point ôtée. Vous me l'accordez à présent, je remplirai mon devoir. Je ne serai ni moins honnête, ni moins* intrépide que ie vertueux Démeuniers, et puisqu'on affectait hier de ne le point entendre, par cette raison même qu'on l'entendait fort bien, je serai beaucoup plus Clair.
Vous avez vu eroître, Messieurs, l'habileté à répandre des motions d'assassinat : vous avez vu comment six hommes, qui s'entendent, forment d'abord un petit groupe, dans Jequej. un d'entre eux pérore avec véhémence ; comment soixante autres s'amassent au bruit : comment ensuite les six premiers moteurs se dispersent, et vont reformer de place en place d'autres groupes, au milieu des personnes qui, moins serrées, environnent le premier ; vous avez yu cpmment, de temps en temps, on ranime l'attention par le passage, l'apparition, de quelques mots de harangqe des plus grands personnages.
Vops avez eu, il y $ peu dp jours, un exemple de l'excès du désordre que peuvent causer, ét que causent ainsi quelques scélérats audacieux et payés ; vous avez entendu les cris forcenés par lesquels on vous demandait la proscription de plusieurs hommes publics chargés'de l'exécution de vos lois,' avant même qu'on vous eût rendu compte de leur conduite avant qu'ils eussent pu se défendre, avant que vous les eussiez jugés. On vous disait, dans cette salle, que c'étaient seulement quarante citoyens qui exprimaient leur pensée ; ex il est possible qu on n'eût eit effet depensé
que quarante ficus. Cependant vos huissiers, chargés de vos orf/res pour faire cesser ce tumulte, ont entendu menace répétée de vous apporter les têtes qu'on voulait proscrire. J'ai entendu le soir un des chefs subalternes de ces factieux se vanter, au Palais-Royal, d'avoir enjoint à vos huissiers de vous porter cette réponse, et ajouter que les bons citoyens étaient encore à temps de suivre son conseil. Tant d'efforts ont été impuissants contre votre sagesse, et contre l'activité et la valeur de ]a garde nationale parisienne.
Un nouveau degré d'adresse, de scélératesse et de noirceur a été déployé. On a porté l'animo-sité populaire sur des objets qui touchent le peuple de plus près; on l'a.tournée contre ceux qui échangent de l'argent pour des billets. G'éiait une chose que vou3 aviez prévue, Messieurs, et qui avait été annoncée plusieurs fois dans cette tribune, que lorsqu'il y aurait une grande quantité de papier-monnaie,i\ s'établirait une différence de prix entre l'argent et le papier. Elle existe dans tous les pays où l'argent et le panier concourent à la circulation : elle y varie selon l'abondance de l'un et de l'autre. A Amsterdam, on cote tous-les jours ce cours à la bourse avec celui des changes et des effets publics. Il est simple que les gens qui ont des billets, et qui ne peuvent avec eux payer ni leurs ouvriers, ni toutes les menues dépenses courantes, demandent au petit nombre de ceux qui ont encore de l'argent de vouloir bien leur en donner pour leurs billets ; il est tout simple que ceux mêmes qui ont de l'argent n'en aient guère dans un temps où les propriétaires ni l'Etat ne touchent leurs revenus, et où le commerce est privé d'activité, de débit et de rentrées; il est tout simple que les porteurs de billets offrent une prime à ceux qui leur en donnent la monnaie en argent ; il est tout simple encore qu'ils regrettent cette prime. Pour la hausser, pour rendre l'argent plus rare eo le repoussant du marché par les menaces ; pour décréditer ainsi 1 ^assignats qui sont un de vos principaux moyens de salut ; mais surtout pour exciter la terreur chez les citoyens honnêtes, et pour mettre réellement dans la main des factieux la vie de qui l'on voudrait, on a soulevé, contre les jeunes garçons qui échangeaient l'argent, des personnes sans intérêt à la chose, qui ne sont pas assez riches pour avoir des billets, qui peut-être n'ont jamais possédé 200 francs en leur vie. Ou Jeur a dit : Pendez les marchands d'argent; et la lanterne, dont les avocats généraux défendent avec tant d'ardeur l'homme qui a eu l'odieuse impudence de s'en déclarer procureur général, la lanterne a été descendue. Mais een'esjt là, Messieurs, que l'écorce du mal : voici la profondeur de la spéculation, de l'horreur et de la bassesse.
On a dit ; Non, il ne faut pas pendre tous ceux qui vendent l'argent ; il ne fa/ut pendre que ceux qui ne voudront pas dire où ils te prennent. Cette opinion une fois établie, lès chefs des séditieux, sans les efforts de la garde nationale, seraient devenus les maîtres de faire périr l'homme qu'ils auraient voulu. Ils avaient combiné de manière à se réserver dans Paris» le choix des citoyens qu'ils immoleraient pour six francs. Oui, Messieurs, il en a coûté au moins cent écuspour faire assassiner le malheureux boulanger François, choisi lors de votre arrivée dans cetteville, à la porte de votre salle, pour vous montrer de nouveautouteré-lenduedelapuissan.ee de ceux qui savaieai remuer le peuple. Avec ia nouvelle mécanique, sans lebfaye la Fayette et ses dignes soldats, il n'en coûterait plus que six francs pour faire pendre et déchirer
l'homme le plus illustré, le citoyen le plus irré" procoable, le patriote le plus vertueux. II suffirait d'aposterun jeune homme qui offrirait de l'argent contre des billets, qu' on menacerait du fatal réverbère, et qui, demandant grâce, diraitqu'iZpre«2 de l'argent chez M. un tel, en tel lieu. Sur cette dénonciation dirtée et payée d'avance, le feu serait dans les maisons et les têtes joncheraient les rues. On a saisi, pour exciter cette fermentation, le temps des élections municipales, parce qu'on espérait, ou trouver alors une moindre résistance, si le maire et le commandant, tenant plus à leur place qu'à leur devoir, s'en laissaient imposer, ou les dépopulariser et leur en substituer de moins vertueux, si, pressés par la circonstance, ils ordonnaient à l'armée nationale de repousser le crime par la force. La bonté du peuple de Paris a résisté aux insinuations des factieux du premier ordre et aux exemples de ceux du dernier rang. La vigilance et le courage delagardé citoyenne ont contenu les excès de ceux-ci; mais le feu couve, brûle encore, ët il ne faudrait qu'un léger instant de négligence, pour que, sans cesse attisé par les écrits séditieux, il produisît d'affreux ravages.
Ce que l'on vous a dit hier, à ce sujet, était totalement dénué de raison. On a cherchéà brouiller vos idées, en argumentant, sous votre Constitution, comme on aurait pu taire sous belle que vous avez anéantie, en supposant qu'il était encore des cas qui rendraient l'insurrection to-lérable, et cherchant à cet effet des exemples dans les temps passés. Quelles sont les lois aujourd'hui, Messieurs ? celles que vous avez faites ou maintenues, Quelle est la Constitution ? celle que vous avez décrétée, que le roi a acceptée, que tous ies braves, et tous les patriotes de fa France ont jurée avec vous. Comment pouvez-vous laisser dire qu'il pourrait être bon qu'on excitât les insurrections contre elles? Vous êtes les lé* gislateurs assemblés, ét vous avez décrété que ia France aurait une législature permanente. Quelle est la chose permise vis-à-vis du pouvoir législatif en plein et perpétuel exercice des pétitions? Vous deye? les admettre toutes, et vous n'en avez repoussé aucune. Mais nulle pétition ne doit être faite par forme d'insurrection, ni à main armée, car alors elle est sédition, rébellion, révolte ; ét si vous les tolériez, ce serait alors que vous ne pourriez maintenir votre Constitution, ét que Vous auriez une contre-révolution tous les quinze jours. C'est contre les insurrections, contre les pétitions à main armée que voua avez fait vingt décrets, et que vous avez établi la cour martiale. Que veulent doubles gens qui protègent les écrits incendiaires? Ils violent vos lois en excitant à les violer. Ils ne sont pas les amis ae la Constitution ; ils blasphèment ce nom, s'ils l'usurpent. Ce sont des despotes qui, s'étant créé par séduction et par argent, une armée indisciplinée, mais redoutable, veulent conserver leur empire ; et au rtsque ae perdre votre Constitution, votre liberté, notre commune patrie, veulent prolonger entre leurs mains le pouvoir de faire trembler tous les hommes de Jaien qui résisteront à leurs complots.
J'en connais cependant un grand nombre, dont l'estime et l'amitié ni'eucourageut ici» et qui ne trembleront jamais. Q'est en leur nom, comme au mien, que je vous demande de décréter que, dans un délai que vous fixerez, vos deux comités vous présentent le projet dé loi par lequel vous enlèverez aux factions l'arme des libelles. Un membre du comité de Constitution nous a dit dimanche, à la tribune, qu'il ne fallait que deux
jours pour ce travail. Ces deux jours sont écoulés : donnez-en quatre encore; indiquez le jour où le projet si nécessaire dont vous avez ordonné la rédaction, vo'u3 sera proposé. Voilà, Messieurs, les vérités et les idées que j'avais à soumettre à votre considération, pour la partie du décret qui concerne les écrits séditieux. Quant aux actes de violence, aux rébellions effectives, aux gibets élevés contre ceux qui obéiraient à vos décrets, vous avez déjà décidé que ces crimes seraient poursuivis par les juges ordinaires : référez-vous à votre décret; c'est le cours d'une justice que vous avez établie. Mais je reviens à vous dire que celle qui n'est pas encore établie, est, s'il est possible, encore plus importante; et je termine par la motion expresse que vos deux comités soient chargés, conformément à votre décret d'hier, de vous offrir, samedi, les moyens d'exécuter votre décret du 31 juillet. Il faut enfin mettre un terme à ce chaos d'horreurs et d'anarchie : il est temps que le bruit scandaleux et funeste des libelles, qu'on peut regarder comme les tambours du meurtre et de l'incendie, soit couvert par la voix puissante de votre raison et de votre patriotisme.
Dans le Périgord, ma province, les mai qui avaient été plantés, ces signes d'insurrection dont on voulait faire des potences, existent toujours.
En Lorraine, on brûle de nouveau les châteaux.
, rapporteur du comité des recherches. J'oubliais de vous dire que des hommes courent les campagnes en criant : Voici ce grand décret qui défend de payer les dîmes et champarts. Il faut que L s dîmes soient mentionnées dans le décret que vous rendrez.
(de Saint-Jean-d'Angély). L'intention de l'Assemblée de généraliser la mesure qui lui est proposée par son comité, me semble manifeste. Voici le projet de décret que je lui soumets :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des recherches, décrète que son président se retirera, dans le jour, vers le roi, pour prier Sa Majesté de donner les ordres les plus précis et les plus prompts, pour que, dans toute l'étendue du royaume, et, en particulier, dans le département du Loiret, les tribunaux poursuivent et punissent, avec toute la sévérité des lois, tous ceux qui, au mépris des décrets de l'Assemblée nationale et des droits sacrés de la propriété, s'opposent, de quelque manière que ce soit, et par violences, voies de fait, menaces ou autrement, au payement des dîmes de cette année, et des droits "de champart ou agriers, et autres droits ci-devant seigneuriaux qui n'ont pas été supprimés sans indemnité, ainsi que des rentes ou censives en nature ou en argent jusqu'au rachat;
« Que Sa Majesté sera également priée de donner des ordres pour que les municipalités fassent détruire toutes les marques extérieures d'insurrection et de sédition, de quelquè nature qu'elles soient. »
(Ce décret est mis aux voix et adopté.)
(de Nemours). Dans le cours de la discussion, j'ai fait une motion incidente. Je la reprends et voici le projet de décret que je propose.
« L'Assemblée nationale décrète que ses comités
réunis de Constitution et de jurisprudence criminelle lui feront, à la séance de samedi soir, et conformément à son décret d'hier, leur rapport sur les moyens d'exécuter son décret du 31 juillet dernier, concernant les délits qui peuvent être commis par la voie de l'impression. »
(Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.)
M. de Miremont, député du bailliage de Vermandois, a donné sa démission le 26 mai dernier. M. Jean-Victor de Novyon, son suppléant, a produit ses pouvoirs qui ont été vérifiés et trouvés en règle. Le comité de vérification vous propose de l'admettre en remplacement de M. de Miremont.
(L'Assemblée prononce l'admission.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation judiciaire. Titre IV des juges d'appel. Je rappelle à l'Assemblée qu'elle a adopté les articles 1 et 2 de ce titre, dans sa séance du 2V juillet.
M. Chabroud â la parole.
A la séance du 27 du mois de juillet, on a présenté un article additionnel qui avait pour objet d'autoriser tout intervenant ou appelé en garantie en cause d'appel, à décliner le tribunal choisi par les parties. Vous avez ajourné cet article. Le comité a pensé que l'adopter ce serait anéantir celui par lequel vous avez laissé aux parties le choix du tribunal d'appel, ce serait donner le moyen d'éloigner le jugement de l'affaire, en faisant intervenir une partie tierce qui n'aurait aucun intérêt dans la contestation, ou d'enlever la cause de l'appel à un tribunal qui aurait obtenu la confiance des parties intéressées. Autrefois la partie tierce était obligée de suivre le tribunal saisi, pari e que la loi avait désigné ce tribunal : quand deux parties, en vertu de la loi, auront choisi un tribunal, la partie tierce sera obligée de suivre le tribunal également indiqué par la loi. Ainsi, dans le nouvel ordre de choses, on ne change rien aux usages concernant les tierces parties. Nous connaissons deux sortes de parties tierces: celles qui interviennent et celles qui sont évoquées ou appelées en garantie. A l'égard des parties qui interviennent, tout dépend d'elles; leur sort est dans leurs mains.
Si elles ne sont pas intervenues en première instance, elles avaient droit de se présenter : si le tribunal en dernier ressort ne leur convient pas, elles sont maîtresses de s'en abstenir. Je dis maîtresses, parce que le jugement, même rendu sans elles, conserve encore leurs droits; car si deux parties se disputaient la propriété d'un tiers, les droits de ce tiers ne seraient pas périmés par ce jugement. Quant aux parties appelées en garantie, l'oPjet est de faire cesser l'éviction ou de dédommager de l'éviction, si elle a eu lieu. Le-garanti doit agir dès le principe, et dénoncer au garant la première demande qui tend à l'éviction ; sinon il a pris sur lui tous les événements. Un jugement étant intervenu et ayant prononcé l'éviction, il ne doit plus lui être permis d'appeler au garant. En effet, si en instance d'appel, on peut exercer la garantie, il est certain qu'on prive ie garant des deux degrés de juridiction que vous avez institués. D'ailleurs, quand un jugement est intervenu, l'action en garantie n'est pas périmée, elle peut faire l'objet d'une instance particulière. Ainsi, l'utilité de l'article additionnel est absolument nulle; en le rejetant, vous consacrerez d'avance un principe sage, qu'en cause d'appel les garanties doivent être défendues.
L'ordonnance de 1667indique précisément que sur l'appel il ne doit pas yavoird'ins-tance en garantie. Il me semble important d'établir ce principe par un décret particulier que je propose en ces termes : « Il ne pourra être fait sur l'appel, pour raison de garantie, assistance en cause, on déclaration de jugement commun, aucune évocation d'une personne qui n'était pas en cause en première instance. » .
On fait lecture du 3e des articles proposés par le comité de Constitution, ensuite du décret du 23 juillet dernier.
Je vais présenter un article qui rendra inutiles l'article 3 et tous les autres. Par le premier de ceux qui ont été décrétés, vous avez fait participer tous les tribunaux à la puissance réformatrice; par le seçond, vous avez donné une grande latitude au choix des pa> lies. Il me semble qu'ainsi vous avez fait tout le bi^n que vous pouviez attendre du système de M. Chabroud. L'article 4 et l'article 5 portent que les parties, quand elles ne s'accorderont pas, choisiront entre sept tribunaux, dont l'un au moins sera hors du département. Ainsi, quoique vous ayez voulu rapprocher les tribunaux des justiciables, il arrivera souvent que ces derniers seront obligés d'aller chercher très loin la justice, car il y a beaucoup de départements qui ne sont composés que de quatre districts.
L'article 7 présenteunerécusation de tribunaux ; mais je ne vois pas de récusation de juges. Les articles 8, 9 et 10 donneront lieu à beaucoup de procès intermédiaires, pour savoir dans quel tribunal l'appel doit être porté. Dans l'un, il est dit que s'il y a plusieurs appelants ou intimés consorts qui ont eu les mêmes défenseurs, ils s'accorderont pour proposer leur récusation. L'article suivant statue sur la manière dont les parties, qui auront des intérêts divers, présenteront leur récusation. L'autre article établit les délais dans lesquels se feront les exclusions et les significations de l'appel : on préviendrait une guerre de sommations et d'écrits, qui serait tout entière au profit des praticiens et au désavantage des parties, en adoptant un article conçu en ces termes : « Faute par les parties de s'accorder sur le Choix du tribunal, sous quinzaine après la signification de l'appel, ledit appel sera porté circulairement à l'un des tribunaux du département, suivant le tableau qui sera dressé et annexé sous le contre-scel de la présente. »
Ce n'est point ainsi qu'on peut écarter des articles dans lesquels il existe une sagesse de vues qui ne saurait être contestée.
Un des grands avantages. du système que vous avez adopté, c'est d'établir, de district à district, de département à département, des liens, des rapports, un esprit général qui unit d'une manière salutaire toutes les parties de l'Empire, et qu'on ne saurait trop maintenir. Cette grande vue de M. Chabroud doit être suivie. Quant aux (tas où les parties ne pourraient pas s'accorder sur le choix d'un tribunal, les articles suivants les ont prévus avec sagesse.
Les localités de l'Empire s'opposent à l'exécution de l'article qui présente au choix des parties sept tribunaux ies plus voisins du tribunal de première instance. Le district du Haut-Rhin n'est qu'une langue de terre qui se trouve entre le Rnin et les Vosges : il n'y a que
trois districts voisins. Pour en trouver quatre autres, il faudra parcourir en longueur une étendue de 40 lieues. Je propose en amendement de fixer à trois ou à sept au plus le nombre des tribunaux parmi lesquels on pourra choisir.
D'après l'organisation nouvelle, toutes les personnes employées à l'administration de la justice seront animées d'une émulation qui tend ra au bien général. Sous ce point de vue, M.Chabroud remplittousles désirs de l'Assemblée. Je demande qu'on aille aux voix.
(Cette demande est fortement appuyée.)
Suivant le projet de ceux qui combattent M. Chabroud, les parties seraient obligées de s'en tenir à un tribunal déterminé. Ce projet s'oppose absolument à ce que ce soit la confiance des parties qui désigne le tribunal. Celui de M. Chabroud se concilie avec la liberté, avec l'intérêt des parties, et avec le décret que vous avez rendu. Il n'y a donc pas à délibérer sur les amendements qui sont proposés.
(La discussion est fermée.)
Les amendements sont écartés par la question préalable, et les articles suivants sont décrétés sans autre discussion :
« Art. 3. Si les parties ne peuvent s'accorder pour le choix d'un tribunal, il sera déterminé selon les formes ci-après prescrites.
« Art. 4. Le directoire de chaque district proposera un tableau des sept tribunaux les plus voisins du district, lequel tableau sera rapporté à l'Assemblée nationale, revu par elle, arrêté, et ensuite déposé au greffe et affiché dans l'auditoire.
« Art.5 L'un des sept tribunaux au moins sera choisi hors du département.
« Art. 6. Lorsqu'il n'y aura que deux parties, l'appelant pourra exclure péremptoirement, et sans en donner aucun motif, trois des sept tribunaux composant le tableau.
« Art. 7. Il sera libre à l'intimé de proposer une semblable exclusion de trois tribunaux composant le tableau.
« Art. 8. S'il y a plusieurs appelants ou plusieurs intimés consorts, ou qui aient eu en première instance les mêmes défenseurs, ils seront respectivement tenus de se réunir et de s'accorder, ainsi qu'ils aviseront, pour proposer leur exclusion. »
fait lecture de l'article 9, conçu en ces termes :
« Art. 9. Lorsqu'il y aura en première instance trois parties ayant des intérêts divers, et défendues séparément, chacune d'elles pourra exclure seulement deux des sept tribunaux du tableau ; et s'il y a plus de trois parties divisées d'intérêt et de défense, chacune d'elle exclura seulement l'un des sept tribunaux. »
Je demande ce qui arrivera quand il y aura plus de sept parties?
L'expérience démontre que c'est par extraordinaire qu'il y a trois ou quatre parties dans la même cause, et qu'il est presque impossible qu'il y en ait davantage. On cite autour de moi les'instances d'ordre et de distribution; elles sont jeu effet les plus susceptibles de la multiplicité des parties ; mais il est facile d'apercevoir que quand il y aura appel, la divir sioti des intérêts sera peu étendue. Dans l'appel du jugement, il y a un intérêt commun de la
part de ceux qui prétendent devoir être placés dans un ordre antérieur à ceux qui l'ont été avant eux.
,député du Êerry. DansTordré naturel des choses, quand les sept tribunaux sont récusés, à qui s'adressçra-t-on ?
Les successions, les hypothèques, les distributions et nantissements de deniers, présenteront un grand nombre de petites chicanes, pourront avoir un intérêt direct à la réformation du jugement ; il en sera de même des faillites et banqueroutes, des divisions de sociétés, des successions, etc. Quelle marcbe tiendront les parties quand leur nombre excédera le nombre sept ?
Il se présente trois moyens ; 1° dire que le tribunal qui aura éprouvé le moins de récusation sur sept, sera choisi; 2° que le sort en décidera; Z° que les parties réunies au greffe, soit rçar elles, soit par leurs procureurs fondés, choisiront à la pluralité le tribunal qui leur conviendra.
Je demande le renvoi au comité de Constitution,
Nous avons bien pensé aux difficultés qui s'èlèvent, et un moyen s'était présenté, Il consistait à faire un tableau de supplément au-dessus de sept, de mapière qui! y aurait to.ujourB eu un tribunal qui eût survécu aux récusations des parties. Par exemple, clans le cas où il se trouverait sept parties, le directoire de distric); indiquerait un huitième tribunal; s'il y en avait huit, il lui en indiquerait un neuvième, etc., ainsi de suite : au reste, j'assure que le cas prévu n'arrivera, jamais.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de l'article 9 au comité de Constitution,)
Je prie l'Assemblée de ne . pas regarder le renvoi au coquté comme irrévocable: il ne. servirait qu'à retarder un travail qu'il est important d'accélérer. Il y a deux parties dans l'article : la première ne peut faire aucune difficulté, la seconde est contestée: il y a un moyen très simple de trancher la difficulté. Lorsqu'il y aura plus de parties que de tribunaux, l'appelant ou la partie qui voudra aller en avant, présentera sa requête au directoire, auquel vous donnerez le droit d'augmenter le nombre dé sept tribunaux, d'un nombre de tribunaux égal à celui des parties excédant six; ainsi, chaque partie exercera son exclusion, et l'on a un tribunal pour juger.
Il me paraît plus convenable de former un tableau de supplément, pour ne pas laisser aux directoires la liberté de désigner à leur gré un tribunal.
lit un article qui est décrété en ces termes :
« Art. 9. Lorsqu'il y aura eu en première instance trois parties ayant des intérêts divers, et défendues séparément, chacune d'elles pourra exclure seulement deux des sept tribunaux du tableau. Si le nombre des parties est au-dessus de 3 jusqu'à 6, chacune d'elles exclura seulement l'un des 7 tribunaux; et lorsqu'il y aura plus de six parties, l'appelant s'adressera au directoire du district, qui fera un tableau de supplément d au-
tant de nouveaux tribunaux des districts les plus voisins, qu'il y aura de parties au-dessus du nombre six. »
Les articles suivants sont décrétés presque sans discussion :
_ « Art. 10. L'appelant proposera, dans son acte d'appel, l'exclusion qui lui est permise, et les autres parties seront tenues de proposer les leurs par acte au greffe, signé d'elles ou de leurs procureurs spécialement fondés, dans la huitaine franche, après la signification qui leur aura été faite de l'appel ; et à l'égard de celles dont le domicile sera à la distance de plus de vingt lieues, le délai sera augmenté d'un jour pour dix lieues.
« Art. 11. Aucunes exclusions ne seront reçues de 1a part de l'appelant après l'acte d'appel, ni de la part des autres parties, après le délai prescrit dans l'acte précédent.
c Art. f2. Lorsque les parties auront proposé leurs exclusions, si des sept tribunaux du tableau il n'en reste qu'un qui n'ait pas été récusé, la connaissance de l'appel lui sera dévolue.
« Art, 13. Si les parties négligent d'user de leur faculté d'exclure en tout ou en partie, ou si, eu égard au nombre des parties, les exclusions n'atteignent pas six des sept tribunaux du tableau, le choix de l'un des tribunaux non exclus appartiendra à celle des parties qui ajournera la pre^ mière au tribunal d'appel ; et en cas de concours de date, l'ajournement de l'appelant prévaudra, »
, un de MM. les secré« taires, fait lecture du bulletin du la santé du roi.
« La fluxion du roi se dissipe à vue d'œil ; il est sorti ce matin Un peu de matière louable du fond de l'abcès ; il subsiste encore un boutelet qui se dissipera bientôt. Le roi a eu hier, vers le milieu du jour, un saignement de nez assez fort. L'état des entrailles est aussi meilleur : le petit lait a opéré avec succès, et nous en continuons l'usage. S. M. prendra incessamment une première médecine « »
A Saint-Cloud, le 3 août 1790* Signé : Le Mounier, Vicq-d'A2ir, Lasërvolle.
lit ensuite une lettré dé M. de Montmorin à M. le président, En voici l'extrait :
Paris, 3 août. S. M. m'a ordonné d'instruire l'Assemblée qu'un courrier, venant de Madrid et allant à Londres, a apporté copie d'une déclaration de l'Espagne et de la signature de l'Angleterre. Il y a lieu de croire que ces dispositions pacifiques apporteront du Changement aux armements que fait l'Angleterre, et dont j'ai entretenu hier l'Assemblée, (Il s'élève beaucoup d'applaudis-sètiients.)
A cette lettre sont jointes deux pièces dont voici la substance ;
Déclaration de la cour de Madrid, du
Sa Majesté britannique s'étant plainte de la capture de certains vaisseaux appartenant à ses sujets, faite dans la baie de Nootka, le soussigné conseiller, premier secrétaire d'Etat et ministre de Sa Majesté catholique, déclare, au nom et par ordre de son maître, que Sa Majesté catholique, est disposée à donner satisfaction de l'injure dont se plaint Sa. Majesté britannique, bien assurée qu'il en serait fait de même en pareil cas, et à
la restitution entière des bâtiments arrêtés : s'engage en outre à indemniser les parties lésées. Bien entendu que la présente déclaration ne pourra rien préjuger sur les établissements que les sujets de Sa Majesté britannique pourraient prétendre former dans ladite baie de Nootka. Signé : le comte de Florida-Blanca.
Contre-déclaration,
Sa Majesté catholique ayant déclaré qu'elle était prête, etc.....le soussigné, ambassadeur de. Sa Majesté britannique, accepte ladite déclaration au nom et par ordre du roi son maître : déclare que Sa Majesté britannique regardera cette déclaration avec l'exécution de la restitution et des indemnités qui y sont mentionnées, comme une suffisante satisfaction ; bien entendu qu'il n'en résultera ni exclusion, ni préjudice à tout établissement que ses sujets voudront faire dans ladite baie de Nootka. Signé : Fitz-Herrert.
dit que ces pièces seront renvoyées au comité diplomatique;
(de Nemours) annonce qu'il avait à présenter deB observations sur le traité avec VEspagne, connu sous le nom de pacte de famille, mais que pour ne pas faire perdre un temps précieux à l'Assemblée, il les portera à sa connaissance par la voie de l'impression. (Voy. ce document annexé à la séance de ce jour, p". 586.)
annonce également qu'il fera imprimer oe qu'il aurait dit à la tribune si la discussion sur cette question avait été ouverte. (Voy. ce document annexé à la séance de ce jour, p. 599.)
fait donner lecture d'une lettre de M. Bailly, ainsi conçue :
Monsieur le président,
La ville de Paris vient de me nommer définitivement chef de la municipalité. (Une grande partie de VAssemblée applaudit à plusieurs reprises.) Je sais que ce sont les bontés dont l'Assemblée nationale a bien voulu m'honorer, qui ont déterminé ces marques de l'estime et de la confiance de mes concitoyens. Si vous croyez à propos de faire part à l'Assemblée de ma nomination, j'espère qu'elle voudra bien permettre que je lui tasse hommage de cette nouvelle promotion, et que je reporte ainsi à sa source l'honneur que je reçois. (On applaudit de nouveau.)
(La séanee est levée à trois heures.)
Séanee du
, ex-président. Occupe le fauteuil et ouvre la séance à six heures du soir*
, secrétaire, fait lecture de l'entrait des adresses suivantes :
Adresse des élèves du collège national de Ve-soul ; ils font le don patriotique de la somme de 150 livres, laquelle était destinée aux prix qui se distribuent à la fin de chaque année.
Adresse des citoyens formant la société patriotique de la ville de Brignolle, département du Var.
Adressesdes électeurs, des gardes nationales du district de Saint-Palais enNavarre, qui expriment leurs regrets de ce que leur trop grand éloigne-ment de la capitale ne leur ait pas permis d envoyer des représentants à la fédération du 14 juillet ; ils prêtent le serment fédératif entre les mains de l'Assemblée.
Adresses de l'Assemblée électorale du district de Ruffec, de celle du département du Gers, et de l'Assemblée administrative du département des Hautes-Pyrénées, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l'Assemblée nationale l'hommage d'une adhésion absolue à tous ses décrets, et d'un dévouement sans bornes pour en assurer l'exécution.
Adresses des municipalités de Saint-Sauveur, Baudoncourt, Eboz-Brest et la Chapelle, au district de Luxeul, département de la Haute-Saône; de Betbisy-Saint-Pierre, de Saint-Gatien-des-Bois, département du Calvados ; de Saint-Barthélemy-Melisey, de Peune de Pie, près d'Honfleur, de Gongy, de Cardesse, district d'Oléron ; de Médis en Saintonge, de BeTval, d'Escot, de Saint-An-caye, de la côte de l'Hérault, de Lalaigne Gérard» district de Rochefort; de Saint-Gilles et Croix de Vie, Bas-Poitou, de Saint-Maurice-des-Lions, près Confolens, de Saint-Pierre en l'Isle d'Oléron, de Limas, Beligny, Chervinge, Glezé et Oully, district de Villefrauche ; de Mauléon, des villes de Chabanois, de Maubec, de Bagnères, département des Hautes-Pyrénées; du Pont-Saint-Esprit, du Bourg-Argental, de Saint-Jean de Gardonneuque, de Cherbourg, et de la communauté de Loune près Ruffèc.
- Toutes ces municipalités envolent à l'Assemblée le procès-verbal de la fête civique que tous les citoyens armés ou non armés se sont empressés de célébrer le 14 juillet, dans laquelle ils ont manifesté lés sentiments du patriotisme le plus vrai, de l'union la plus étroite, et ont prononcé avec transport le serment fédératif clu Champ-de-Mars.
Adresse de féllcitation et dévouement des citoyens assistant aux tribunes de l'Assemblée nationale.
Adresse des administrateurs du district d'Aix, département des Bouches-dù-Rhône, qui annoncent qu'ils prêteront leur serment le 14 juillet, et qu ils vivront et mourront pour maintenir la Constitution,
Adresse des écoliers de la pension de M. d'Er-bigny, en la ville de Laon, qui offrent en don patriotique la somme de 76. livres 4 sols.
, député du bailliage de Vermandois, prête â la tribune le serr ment civique, et est admis au nombre des représentants de la nation.
fait lire à l'Assemblée une lettre de M. Bertrand de Puiraimond, receveur des finances à Poitiers, par laquelle ce citoyen, jaloux de concourir aux travaux de l'Assemblée, et de seconder ses vues, lui fait hommage d'un plan d'imposition territoriale. L'Assemblée agrée cet hommage et renvoie le plan au comité de l'imposition.
lit une lettre de plusieurs officiers du corps de l'artillerie des île3 de France et de Bourbon par laquelle ils demandent à être admis à la barre pour y présenter une pétition relative à des injustices dont ils auraient été victimes sous l'ancien régime.
(Cette pétition est renvoyée au comité militaire.)
, député de Besançon, annonce qu'il est chargé, par la municipalité de cette ville, de lire une lettre portant dénonciation d'un écrit incendiaire répandu dans l'armée, ayant pour titre : Lettre écrite par M. Al... de L..., à ses correspondants, dans les différentes garnisons du royaume, et trouvée parmi les indices recueillis à Perpignan, par M. le Y... de M.., sur les auteurs de l'itii-urrection du régiment de T.. avec cette épigraphe :
Soldats ! voici la main qui mettait Rome en cendres !
, fait lecture de cette lettre.
« Nous déférons, par votre organe, à l'Assemblée nationale, l'écrit incendiaire dont vous trouverez ci-joint le seul exemplaire qui nous soit parvenu. Nous avons été informés néanmoins qu'il a été adressé un grand nombre d'exemplaires de cet écrit à Besançon, particulièrement au corps d'officiers du régiment de Metz, artillerie. Les officiers de mérite, si improprement qualifiés de fortune, les officiers de mérite de ce corps, indignement injuriés et calomniés par cet écrit, sont venus, à notre séance de ce matin, en porter les plaintes les plus amères.Ils ont reitéré, avec tout ie pathétique de la vérité, les assurances de leur attachement à leurs devoirs et aux règl s de la subordination, de leur amour pour notre bon roi, de leur fidélité à la Constitution; la protestation également ferme et touchante qu'ils ont faite entre nos mains n'a rien ajouté aux sentiments de vénération dont nous sommes pénétrés pour ces dignes et respectables citoyens, qui ne doivent l'état honorable dont ils jouissent qu'à eux- : mêmes, c'est-à-dire à la conduite sage et incorruptible que toujours ils ont tenue. Ils se proposent, par le courrier de lundi prochain, de faire à l'Assemblée nationale une adresse expressive des sentiments dont ils sont pénétrés, ainsi que de leur mépris et de leur indignation pour un écrit éphémère et scandaleux faux dans ses principes et dans ses conséquences, méchamment et maladroitement attribué à un citoyen justement révéré par son patriotisme et son amour pour le bien. » Les maire et officiers municipaux de Besançon. Signé : BâMI, secrétaire greffier.
J'avais déjà eu connaissance de l'écrit qui vous est dénoncé, par l'envoi qui m'en a été fait par plusieurs régiments, lesquels m'ont assuré qu ils étaient loin de m'en croire l'auteur. Il y a longtemps que par mon silence absolu sur les lâches calomnies dont on inonde chaque jour la capitale et les provinces, j'ai prouvé mon profond mépris pour ces libelles, pour ceux qui les font et pour ceux qui les font faire. Je ne ferai qu'une réponse à celui-ci, qui a
été répandu avec profusion dans l'armée. Ces1 en faisant imprimer les lettres que j'ai été dans le cas de répondre, soit aux sous-ofticiers de la garnison de Lille, soit aux adjudants de l'armée, soit à quelques régiments qui m'ont témoigné de Ja bienveillance sur mon opinion relative à Ja constitution militaire. On verra dans ces lettres l'expression de mes sentiments ; elles sont les seules que j'aie écrites à l'armée, et je délie qui que ce soit d'en produire d'autres. (Voyez ces pièces annexées à la séance de ce jour, p. 602.)
Un membre demande que cet écrit condamnable soit renvoyé au comité des recherches.
Je ne provoquais que votre mépris sur cette lettre, mais comme les hommes à qui elle a été envoyée pourraient être induits en erreur, et qu'il est important de connaître ceux qui cherchent à égarer l'armée, je me joins à la demande qui est faite que cette lettre soit renvoyée au comité des recherches.
(La motion est adoptée.)
La minorité du district d'Uzès s'est réunie; elle a envoyé une députation à l'Assemblée nationale, et c'est cette députation qui, en ce moment, demande à être admise à la barre.
Vous avez décidé par un décret que les députations partielles ne seraient plus admises à l'avenir; je dois faire respecter vos décrets tant qu'ils n'ont pas été modifiés.
Ce décret était tout de circonstance ; il a été rendu pendant la fédération afin d'éviter toutes les pertes de temps qu'aurait entraîné la réception d'une multitude de députations partielles. Comme nous n'avons jamais eu l'intention de priver les citoyens de nous présenter leur adhésion, je demande que la députation d'Uzès soit reçue.
consulte l'Assemblée. Elle décide que la députation sera admise à la barre, parce qu'au moment de son départ elle ne connaissait pas le décret.
(La députation est introduite.)
, portant la parole, dit :
Messieurs, avant de parcourir la carrière qui leur est tracée, les électeurs de la minorité du district d'Uzès, département du Gard, s'empressent de déposer dans votre sein les sentiments de véuération et d'amour dont ils sont pénétrés pour vous.
Remplissez enfin, Messieurs, le serment solennel que vous prêtâtes, le front calme, au milieu de tant de périls, et s'il fallait à vos grandes âmes un motif plus puissant encore, voyez dans un brillant lointain le bonheur du peuple français venir à la hâte couronner vos hautes entreprises.
Agréez, Messieurs, l'adhésion la plus universelle, la plus respectueuse à tous vos décrets acceptés ou sanctionnés par un monarque, l'objet de notre amour plus encore que de nos respects. Et dussions-nous réunir sur nos têtes tous les malheurs que le hideux fanatisme vient de rassembler dans notre contrée, recevez, Messieurs, notre serment collectif et individuel, de maintenir de tout notre pouvoir et de toutes nos forces la Constitution du royaume, d'être fidèles à la
nation, à la loi, au roi, et de combattre jusqu'à notre dernier soupir les perfides appuis de l'ancien despotisme et leurs lâches adhérents.
Une autre députation des étudiants de l'Université de Toulouse est également admise à la barre par le même motif que la députation d'Uzès. Cette députation exprime avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elle est pénétrée envers l'Assemblée.
témoigne aux deux députa-tions la satisfaction de l'Assemblée, et les admet à l'honneur de la séance.
, au nom du comité des recherches. Un agent d'une petite ville, ayant acheté au marché du village de Pannautier, le 16 juillet dernier, une quantité peu considérable de blé, a été arrêté par le peuple, et aurait perdu la vie sans le secours de la garde nationale de Carcassonne et les sages mesures prises par la municipalité de cette ville. Plusieurs paysans sont détenus comme coupables d'avoir excité cette émeute.
Le comité des recherches propose un décret qui est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, décrète que le présidial de Carcassonne suivra, sur les derniers errements, la procédure instruite par le prévôt de ladite ville contre les auteurs, fauteurs et complices de l'émeute arrivée au village de Pannautier, le 16 juillet dernier, contre la libre circulation des grains, et sera ie jugement rendu et mis à exécution en dernier ressort par ledit présidial. Décrète, en outre, l'Assemblée, que son Président écrira à la municipalité de Carcassonne une lettre de satisfaction de la conduite qu'elle a tenue dans cette circonstance, et que ladite municipalité communiquera cette lettre au régiment de Noailles, à la maréchaussée et à la garde nationale. »
Le comité des recherches demande l'autorisation de se concerter avec le ministre, pour la translation à Paris du sieur Trouard de Riolles.
Le comité des recherches demande à faire acte de pouvoir exécutif. Je propose l'ordre du jour.
(L'ordre du jour est adopté.)
l. Je suis encore chargé de vous de-mandrr deux choses. La première, c'est d'autoriser votre comité à aller recevoir les déclarations de M. l'abbé de Barmond, au moment où il arrivera à Paris; la seconde est d'inviter votre comité de Cinstitution à présenter incessamment un projet de loi pour la haute cour nationale.
Ce que demande le comité est inadmissible. En ce qui concerne l'abbé de Barmond, ce serait un acte extra-judiciaire; en ce qui concerne la haute cour nationale, son institution n'est nullement décidée, et votre décret sur les jurés la rendra probablement inutile.
Je demande l'ordre du jour.
(L'Assemblée décide qu'elle passera à l'ordre du jour.)
donne lecture, ainsi qu'il suit, au nom du comité ecclésiastique, d'articles addition-
nels et explicatifs du décret du 24 juillet demie sur le traitement du clergé actuel.
L'Assemblée nationale, expliquant différents articles de son décret du 24 juillet dernier, sur le traitement du clergé actuel, décrète ce qui suit :
Art. 1er. Le traitement des vicaires des villes, pour la
présente année, sera, outre leur casuel, de la même somme qu'ils sont en usage de recevoir,
et dans le cas où cette somme, réunie à leur casuel, ne leur produirait pas celle de 700
livres, ce qui s'en manquera leur sera payé dans les six premiers mois de l'année 1791.
Art. 2. La diminution des revenus attachés aux bénéfices, qui proviendra de l'augmentation faite en faveur des curés jusqu'à concurrence de 500 livres, et en faveur des vicaires jusqu'à concurrence de 250 livres, ainsi que la diminution qui résultera des droits supprimés saris indemnité, seront l'une et l'autre supportées, tant par le pensionnaire sur un bénéfice non tombé aux économats, que par le titulaire de ce môme bénéfice, proportionnellement à la quotité de ce que chacun retirait de ce bénéfice.
Art. 3. La réduction qui sera faite par le retran chement des droits supprimés sans indemnité ne pourra, de même que celle résultant de l'augmentation ci-dessus des portions congrues, opérer la diminution du traitement des titulaires actuels, ni des pensions, au-dessous du minimum fixé pour chaque espèce de bénéfice.
Art. 4. Les évêques et les curés qui auront été pourvus et qui auront pris possession de leurs bénéfices, à compter du 1er janvier 1790, n'auront d'autre traitement que celui attribué à chaque espèce d'office par le décret général sur la constitution nouvelle du clergé.
Art. 5. A l'égard de tous les autres titulaires, qui auront été pourvus et qui auront pris possession, à compter de la même époque, ils n'auront d'autre traitement que celui accordé par l'art. 10 dudit décret, sans qu'il puisse excéder ia somme de'1,000 livres.
Art. 6. Les bénéficiers, dont les revenus anciens auraient pu augmenter en conséquence d'unions légitimes et consommées, mais dont l'effet est suspendu en tout ou en partie par la jouissance viagère des titulaires dont les bénéfices ont été supprimés et unis, recevront, au décès desdits titulaires, une augmentation de traitement proportionnée à ladite jouissance, sans que celte augmentation puisse porter le maximum déterminé pour chaque espèce de bénéfice.
Plusieurs membres demandent à aller aux voix.
D'autres membres demandent la parole.
J'observe que l'article 1er semble revenir sur l'article constitutionnel relatif au traitement du clergé; c'est une conduite versatile très préjudiciable à la chose publique: en effet, c'est en pleine connaissance de cause que le traitement des vicaires de ville a été fixé différemment de celui des vicaires de campagne; en prétendant se faire représenter un tableau du casuel des vicaires de ville, c'est enchevêtrer la machine, ia compliquer de manière à en rendre le jeu impossible;, on saura bien combien il y a eu de mariages, de baptêmes et d'enterrements, mais on ne saura pas le quantum des assistances. On ne doit point faire de lois locales; s'il y a quelques endroits où les vicaires de ville n'aient pas de casuel, la perte que feront momentanémeut ces
individus n'est point à comparer au tort qui résulte de revenir sur un décret prononcé.
Je suis étonné de voir le préopinant confondre la justice de l'Assemblée avec des considérations particulières. La vérité m'oblige à déclarer que les vicaires des provinces du Midi p'ont point ou presque point de part au casuel. Si donc vous adoptiez l'opinion du préopinant, il en résulterait que les vicaires des campagnes seraient infiniment mieux traités que Ceux des villes; cette bizarrerie serait choquante, et vous savez d'ailleurs que les derniers sont obligés de se tenir plus proprement et d'une manière plus décente que les premiers : ils servent tous le même Dieu, ils remplissent les mêmes fonctions, ils ont le même caractère; je demande qu'ils soient traités également.
Je maintiens mon opposition à l'article 1er, et je trouve également fortextraor-dinaire que les dispositions des articles 3 et 4 soient telles que le traitement des titulaires actuels reste le même, quoiqu'il fût grevé de l'augmentation des portions congrues. Qui aurait supporté cette charge, dans l'hypothèse que les revenus des bénéfices simples, les dîmes, fussent restés entre les mains du clergé? Le bénéficier! Pourquoi ne pas la lui faire supporter? Mais, dira-t-on, il ne pourra point vivre. Quoil un père de famille, dans l'abolition des droits féodaux aura perdu une partie de sa fortune, on nè parlera pas même de l'indemniser; et le bénéficier, qui n'a aucune suite, ne fera aucun sacrifice ! Je demande la question préalable.
Sans entrer dans de longs développements, je ferai remarquer à M. Martineau que toutes ces questions ont été résolues par l'Assemblée nationale, dans un esprit de justice qu'elle entend certainement maintenir, et que les articles que nous vous proposons aujourd'hui ne sont que la conséquence de vos décrets antérieurs.
(Qn demande de nouveau à aller aux voix.)
Divers membres présentent encore quelques observations de rédaction.
, rapporteur, modifie la rédaction, et les articles, mis successivement aux voix par M. le président, sont adoptés ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, expliquant différents articles de son décret du 24 juillet dernier, sur le traitement du clergé actuel, décrète ce qui suit :
« Art, ler. Le traitement des vicaires des villps^ pour la
présente année, sera, suivant l'article 9, au décret du 24 juillet dernier, outre leur
casuel, de la même somme qu'ils sont en usage de recevoir ; et dans le cas où cette somme
réunie ne leur produirait pas celle de 700 livres, ce qui en manquera leur sera payé dans les
six premiers mois de l'année 1791.
« Art. 2. Si les titulaires de bénéfices éprouvent dans leur traitement une diminution résultant de celle qui proviendra de l'augmentation des por-? tions congrues des curés jusqu'à concurrence de 500 livres et des vicaires jusqu'à concurrence de 35Q livres, et du retranchement des droits supprimés tans indemnité, les pensionnaires supporte* ront une diminution proportionnelle à celle de? titulaires sur leurs revenus des bénéfices sujets à pension.
« Art. 3. La réduction qui sera faite par le re-
tranchement des droits supprimés sans indemnité, ne pourra, de même que celle mentionnée dans l'article 25 dudit décret, et résultant de ladite augmentation des portions congrues, opérer la diminution des traitements des titulaires, ni des pensions, au-dessous du minimum fixé pour chaque espèce de bénéfices et pour les pensions.
« Art. 4. Les évêques et les curés qui auraient été pourvus, à compter du 1er janvier 1790 jusqu'au jour de la publication du décret du 12 juillet suivant, sur l'organisation nouvelle du clergé, n'auront d'autre traitement que celui attribué à chaque espèce d'office par le même décret,
» Art. 5. A l'égard des titulaires des autres espèces de bénéfices en patronage laïc, ou de collation laïcale qui auraient été pourvus, dans le même intervalle de temps, autrement que par voie de permutation de bénéfices qu'ils possédaient avant le 1er. janvier 1790, ils n'auront d'autre traitement que celui accordé par l'article 10 dudit décret du 24 juillet, sans que le maximum puisse s'élever au delà de 1000 livres.
« Quant à ceux qui auraient été pourvus pendant ledit temps par voie de permutation de bénéfices du genre ci-dessus, qu'ils possédaient avant le 1er janvier 1790. le maximum ae teur traitement pourra, suivant redit article 10, s'élever à la somme de 6,000 livres,
« Art. 6. Les bénéficiers dont les revenus anciens auraient pu augmenter, en conséquence d'unions légitimes et consommées, mais dont l'effet se trouverait suspendu en tout ou en partie, par la jouissance réservée aux titulaires dout les bénéfices avaient été supprimés et unis, recevront au décès desdits titulaires une augmentation de traitement proportionnelle à ladite jouissance, sans que cette augmentation puisse porter leur traitement au delà du maximum déterminé pour chaque espèce de bénéfice. »
Je fais la motion d'auto» riser les titulaires des bénéfices supprimés à résilier les baux passés par eux pour loyers de maisons dans les lieux de leurs bénéfices,
Cette motion a déjà été pro* duite et elle a été écartée par la question préalable,
Je suis chargé, par le comité ecclésiastique, de vous demander d'entendre un dernier rapport sur la manière d'effectuer le traitement du clergé.
(Ce rapport est ajourné à la séance de samedi prochain, au soir.)
(La séance est levée à neuf heures et demie du soir,)
Le pacte de famille entre la France et l'Espagne ; avec des observations sur chaque article,, par M. Dupont, député de Nemours.
Observations préliminaires,
Lorsqu'on est obligé de discuter les intérêts
des nations, il faut tâcher de s'élever à la hauteur d'un si noble devoir, écarter tout ce qui est minutieux, repousser tout ce qui serait passionné, mépriser tout ce qui pourrait tenir à des intérêts particuliers, résister à l'entraînement des circonstances, ne pas se déterminer par des considérations d'un jour, ne chercher ses opinions que dans la nature, et les exprimer sans art, avec la simplicité, la clarté, la grandeur qui appartiennent â la vérité.
J'avoue que, dans la plupart des discussions que j'ai vu commencer, relativement à l'alliance de la Francet et de l'Espagne, cet esprit vraiment philosophique et vraiment patriotique ne m'a pas paru suffisamment déployé.
Il m'a semblé qu'on incidentait sur les mots, qu'on n'approfondissait pas les choses, qu'on cédait aux préventions a un autre temps, qu'on ne jugeait ni ce qui convient aux nations en général, ni ce qui importe à la nôtre en particulier.
Il s'agit de savoir s'il est utile aux Français et aux Espagnols d'être alliés, de se garantir mutuellement leurs possessions, de jouir les uns chez les autres de tous les avantages civils et commerciaux qu'il est possible d'accorder dans son propre pays, à ses propres concitoyens.
Ces conventions réciproques sont la base d'un traité solennel, fidèlement exécuté depuis trente ans.
Ce traité a été conclu dans un temps où la philosophie politique n'avait fait presque aucun progrès ; ses formes sont surannées, son langage est devenu vieux, son style est, en plusieurs endroits, impropre ou mal sonnant. 11 renferme même quelques stipulations dérogatoires à son esprit général, et qui pourraient devenir fort nuisibles à la sûreté commune, qu'on a voulu établir.
Mais tous ces défauts de l'écorce de ce traité, dont il est très facile de le dépouiller, n'empê^ chent pas que le fonds n'en soit équitable et salutaire.
Que font en France les amis de l'Angleterre et du trouble, ceux qui veulent nous précipiter dans l'isolement au dehors, ceux qui veulent entretenir i'anarchie au dedans, ceux qui veulent nous conduire, comme la Pologne, au démembrement de l'Etat ? ils s'attachent aux expressions, ils négligent l'essentiel, ils nous crient : « Rom-« pez le traité; abandonnez vos alliés; engagez-« vous dans une discussion très embrouillée ; en « attendant qu'elle soit éclaircie, laissez accabler a la seule puissance qui vous ait jamais effica-« cernent prêté son secours, ou laissez-lâ s'unir « avec la seule puissance qui ait constamment « montré l'intention de vous nuire, et qui croit « avoir des intérêts opposés aux vôtres : vous ver-» rez ensuite ce que vous aurez à faire. »
La raison, le bon sens, l'honneur, ne diraiént-ils pas, au contraire : « Confirmons de nos traités « ce qui est évidemment honnête et utile, re-« voyons ce qui peut être injuste ou dangereux ; « et comme cet examen doit être fait avec le « sang-froid, le temps et la maturité convenables, « déclarons que nous ne souffrirons pas qu'on « nous donne là-dessus des conseils les armes à « la main. »
C'est ce que j'avais proposé à l'Assemblée nationale, le 19 mai, dans l'article 2 du projet de décret que j'ai soumis à ses lumières, et qui était ainsi conçu :
« La nation française maintient et maintiendra, « eu toutes leurs dispositions défensives, les
« traités qui ont été conclus en son nom ; mai « ils seront successivement soumis à l'examen « des représentants de la nation, pour aviser aux « changements, modifications ou améliorations « qui pourraient être nécessaires dans les autres « dispositions de ces traités. »
Des dispositions défensives ne sauraient être nuisibles à personne.
Des dispositions réciproques, pour favoriser et faciliter le commerce entre deux nations, ue sauraient faire tort à qui que ce soit.
Ces conventions protectrices et commerciales sont évidemment licites ; car elles sont évidemment bienfaisantes : elles sont donc évidemment obligatoires.
Qu'est-ce qui peut n'être pas obligatoire dans les traités? C'est ce qui peut s'y êtré glissé d'injuste, de malhonnête ou de criminel; car nul ne saurait être obligé à faire un crime, quelque engagement qu'il ait pu contracter par imprudence ou par erreur; mais nul aussi ne peut être dispensé de faire une action bonne, raisonnable et bienfaisante, lorsqu'il a promis de la faire : il y serait même encore oblige, quoique moins stricte-ment, quand il n'aurait rien promis.
U faut se former une idée de la position où sont entre elles les diverses nations. Elles font une société générale, mais encore peu réglée, qui n'obéit à aucune autorité supérieure, et où chaque nation, ne formant qu'un seul corps, se trouve vis-à-vis des autres, comme serait un simple individu 4ans un assemblage peu nombreux de voisins indépendants.
Ghacun d'eux y aurait intérêt à ce qu'aucun d'eux nTen opprimât un autre ; et lorsqu'il s'élèverait des querelles, ceux mêmes qui n'y seraient pas compromis, auraient intérêt à ce qu'elles se terminassent à l'amiable et sans effusion de sang ; chacun, en conséquence, pourrait et devrait s'opposer à toute violence, et demander à s'entremettre pour faire droit, par raison et justice, aux prétentions respectives.
Si quelques-uns avaient, par eux-mêmes ou par confédération, une puissance prédominante, on pourrait et l'on devrait les balancer par d'autres confédérations.
Celles qui n'auraient pour objet que la sûreté commune devraient être respectées par tout le monde, et ieurs engagements défensifs devraient être religieusement observés par les contractants.
Les confédérations, au contraire, quipourraient s'étendre à nuire aux droits d'un tiers, devraient inspirer de la sollicitude et appeler des résistances. L'intérêt général serait ae montrer que rien ne peut en garantir l'exécution entre des associés honnêtes, et que tout y doit mettre obstacle de la part de ceux qui les voient se former.
C'est d'après ces principes extrêmement simples, que l'on doit juger tous les traités, et que nous allons examiner le Pacte de famille, et les conventions explicatives auxquelles il a donné lieu*
Lorsque nous aurons discuté chacune des parties et des dépendances de ce traité, nous tâcherons de fixer, par quelques observations très claires, le résultat pratique que les bons Français, que les amis de l'humanité, que les hommes doués de probité, de courage, de raison, de prudence en doivent tirer.
PACTE DE FAMILLE. — Préambule.
« Les liens du sang qui unissent les deux mo-
« nargues qui régnent en France et en Espagne, « et les sentiments particuliers dont ils sont « animés l'un pour l'autre, et dont ils ont donné « tant de preuves, ont engagé Sa Majesté très « chrétienne et Sa Majesté catholique à arrêter et " conclureentre elles un traité d'amitiéet d'union, « sous la dénomination de Pacte de famille, et « dont l'objet principal est de rendre permanents « et indissolubles, tant pour leurs dites Majestés, « que pour leurs descendants et successeurs, les « devoirs qui sont une suite naturelle de parenté « et de l'amitié. L'intention de Sa Majesté très « chrétienne et de Sa Majesté catholique, en con-« tractant les engagements qu'elles prennent par « ce traité, est de perpétuer dans leur postérité les « sentiments de Louis XIVde glorieuse mémoire, « leur commun et auguste bisaïeul, et de faire «subsistera jamais un monument solennel de « l'intérêt réciproque, qui doit être la base des « désirs de leurs cœurs et de la prospérité de leurs « familles royales.
« Dans cette vue, et pour parvenir à un but « si convenable et si salutaire, Leurs Majestés très «chrétienne et catholique ont donné leurs pleins « pouvoirs, savoir : Sa Majesté très chrétienne au « duc de Ghoiseul, pair de France, chevalier de « ses ordres, lieutenant général des armées de « Sa Majesté, gouverneur de Touraine, grand « maître et surintendant général des courriers, « postes et relais de France, ministre et secrétaire « d'Etat, ayant le département des affaires étran-« gères de la guerre; et Sa Majesté catholique au « marquis de Grimaldi, gentilhomme de sa cham-« bre avec exercice, et son ambassadeur extraor-« dinaire auprès du roi très chrétien, lesquels, « informés des dispositions de leurs souverains « respectifs, et après s'être communiqué leurs « pleins pouvoirs, sont convenus des articles sui-« vants :
Observations sur le préambule.
Pour juger ce préambule, il faut se porter au temps où le traité a été conclu. Toutes les négociations politiques entre les nations qui ont un roi, se faisaient alors et se sont faites, jusqu'à ce jour, entre les princes et en leur nom. Les Français et quelques Républiques sont les seuls qui aient songé qu'il serait plus noble, plus philosophique et plus utile, de parler et d'agir au nom de la société.
Nous ne pouvons blâmer les rois de France et d'Espagne d'avoir fait, il y a trente ans, ce qui s'était toujours fait et ce que font encore les rois môme d'Angleterre.
Ils ont pu être déterminés par des raisons de parenté et d'amitié qui nous paraissent aujourd'hui n'avoir aucune importance, lorsqu'il s'agit de l'intérêt des peuples, et qui influaient autrefois beaucoup sur les mariages de tou tes les têtes couronnées.
Nous avons vu encore, il y a deux ans, le roi de Prusse renverser, par la force, une République indépendante; nous le voyons chaque jour opprimer, avec la plus odieuse tyrannie, tous les citoyens vertueux de cette République, pour obliger sa sœur, son beau-frère, ses neveux. Et, parce qu'il est l'ami des Anglais, les autres amis que les Anglais savent se procurer, semblent craindre de verser sur ce despote et sur ses alliés le mépris et l'indignation que leur conduite en Hollande doit exciter dans tous les cœurs, où vit quelque respect pour la liberté et pour l'humanité.
Mais ce n'est pas à cause que le roi de Prusse agit pour 3a sœur en Hollande, qu'il est blâmable ; c'est à cause qu'il agit contre la justice, contre la raison, contre le droit naturel, contre la liberté politique et civile d'une nation, contre les droits de toutes. Les Anglais, qui payent les frais de ces expéditions, ne sont pas moins repréhensibles, quoiqu'elles ne tiennent, de leur part, à a un pacte de famille.
La question relative à la France et à l'Espagne n'est donc pas de savoir si le motif énoncé dans le préambule de leur alliance, est ou non puérile ; mais si cette alliance est, en soi, utile et honnête, si ses principales stipulations sont licites, si elles sont avantageuses aux deux peuples, si elles ne sont pas nuisibles aux autres, et ce qu'il y faut ajouter, ce qu'on en peut retrancher, pour en faire un modèle d'alliance, vertueuse et profitable.
Art. 1er.
« Le roi très chrétien et le roi catholique dé-« clarent qu'en vertu de leurs intimes liaisons de « parenté et d'amitié, et par l'union qu'ils con-« tractent par le présent traité, ils regarderont à « l'avenir comme leur ennemie toute puissance « qui le deviendra de l'une ou de l'autre des deux « couronnes. »
Observations sur Varticle premier.
Le motif tiré de la parenté et de l'amitié des deux rois, quoiqu'il ait été l'occasion de ce traité avantageux des deux parts, est certainement au-dessous de la dignité des deux nations, et peu conforme à leurs droits.
Mais qu'on dise: « La nation et le roi des Fran-« çais, et le.roi catholique, en possession de sti-« puler pour sa nation, déclarent qu'en vertu des « intimes liaisons de commerce, d'intérêt, d'es-« time, d'amitié et de reconnaissance réciproques « qui existent entre les deux nations, ils regar-« deront à l'avenir comme ennemie toute puis-« sance qui le deviendra de l'une ou de l'autre « nation » , l'article n'aura plus rien que de raisonnable; si les articles subséquents expliquent bien le casus fœderis, et la manière de devenir ennemie. Or, cette manière est très nettement expliquée dans l'article 4: qui attaque l'une attaque l'autre. Il en résulte qu'on sera beaucoup plus réservé à attaquer l'une et l'autre, et que, par conséquent, toutes deux seront beaucoup plus assurées de vivre en paix.
Art. 2.
« Les deux rois contractants se garantissent « réciproquement, de la manière la plus absolue « et la plus authentique, tous les Etats, terres, « îles et places qu'ils possèdent, dans quelque « partie du monde que ce soit, sans aucune ré-« serve ni exception ; et possessions, objet de « leur garantie, seront contractées suivant l'état « actuel où elles seront au premier moment où « l'une et l'auire couronne se trouveront en paix « avec toutes les autres puissances. »
Observations sur l'article 2.
Les deux nations contractantes par leurs deux
rois (et il faut répéter que ni l'une ni l'autre n'avaient en 1761 ; que l'une d'elle n'a encore aucune autre manière de contracter), les deux nations se sont garanties mutuellement toutes leurs possessions en l'état où elles se trouveraient à la paix qui devait suivre le traité, et qui s'est faite en 1763.
Cette stipulation est à la fois prudente et raisonnable. Elle est accompagnée, ainsi que le traité qui la renferme, d'une circonstance propre à toucher une nation comme la nôtre. G'est au milieu d'une guerre malheureuse que nous avions à soutenir, que les Anglais avaient commencée en pirates avec la dernière injustice, et dans laquelle nous avions déjà fait de grandes pertes, que l'Espagne est venue à notre secours, sur notre demande, avec beaucoup de péril et de générosité.
La morale française ne sera jamais assez dépravée par ceux qui voudraient la corrompre, pour que de telles considérations soient sans pouvoir. Elle saura toujours opposer à leurs insinuations l'invincible égide du mépris.
Art. 3.
« Sa Majesté très chrétienne et Sa Majesté ca-« tholique accordent la même garantie absolue et « authentique au roi des Ûeux-Siciles et à l'infant « Dom Philippe, duc de Parme, pour tous les « Etats, places et pays qu'ils possèdent actuelle-« ment: bien entendu que Sa Majesté sicilienne « et ledit infant, duc de Parme, garantiront « aussi de leur part tous les Etats et domaines « de Sa Majesté très chrétienne et de Sa Majesté « catholique. »
Observations sur Varticle 3.
Si la confédération est purement défensive, comme elle doit l'être, l'extension de confédération est, en général, une augmentation de sûreté. Les Etats de Parme, il est vrai, ne sont pas une puissance; mais les Deux-Siciles en sont une très importante dans la Méditerranée.
Au reste, les cnoses à cet égard sont entières ; l'adhésion réservée aux Etats des Deux-Siciles et de Parme n'a pas eu lieu.
Art. 4.
« Quoique la garantie inviolable et mutuelle « à laquelle Leurs Majestés très chrétienne et ca-« tholique s'engagent, doive être soutenue de « toute leur puissance, et que Leurs Majestés « l'entendent ainsi, d'après le principe qui est le fondement de ce traité que, qui attaque une « couronne attaque Vautre ; cependant les deux « parties contractantes ont jugé à propos detixer « les premiers secours que la puissance requise « sera tenue de fournir à la puissance requé-« rante. »
Observations sur T article 4.
Remarquons que les deux puissances déclarent que cet article est le fondement du traité, qu'il en pose le véritable principe et la condition essentielle : qui attaque l'une attaque Vautre : le mot nation substitué comme il est toujours entendu au mot couronne.
L'obligation de se soutenir de toutes ses forces s'il est nécessaire, celle de commencer par un secours dont l'étendue est déterminée, n'ont rien que d'utile et de sage.
L'objet qui est de réprimer la puissance qui attaquerait l'une ou l'autre nation, est parfaitement conforme aux droits de toutes les nations et à ceux de l'humanité ; car nul ne doit attaquer.
Art. 5.
« Il est convenu entre les deux rois, que la « couronne qui, sera requise de fournir le secours, « aura dans un ou plusieurs de ses ports, trois « mois après la réquisition, douze vaisseaux de « ligne et six frégates armés, à la disposition « entière de la couronne requérante. »
Art. 6.
« La puissance tiendra dans le même espace de « trois mois, à la disposition de la puissance « requérante, dix-huit mille hommes d'infante-« rie et six mille hommes de cavalerie, si la France « est la puissance requise; et l'Espagne, dans le « cas où elle serait la puissance requise, dixmille « hommes d'infanterie et deux mille hommes de « cavalerie. Dans cette différence de nombre on « a eu égard à celle qui se trouve entre les trou-« pes que la France a actuellement sur pied et « celles qui sont entretenues par l'Espagne ; mais « s'il arrivait, dans la suite, que le nombre des « troupes sur pied fût égal de part et d'autre, « l'obligation serait dès lors pareillement égale « de se fournir réciproquement le même nombre. « La puissance requise s'engage à assembler ce-« lui qu'elle doit fournir, et à le mettre à portée « de sa destination, sans cependant le faire d'a-« bord sortir de ses Etats ; mais de le placer dans « la partie requérante, afin qu'il y soit plus à « portée de l'entreprise, ou l'objet pour lequel « elle demande lesdites troupes; et comme cet « emplacement devra être précédé de quelque « embarquement, navigation, ou marche de trou-« pes par terre, le tout s'exécutera aux frais de « la puissance requise, à laquelle ledit secours « appartiendra en propriété. »
Observations sur les articles 5 et 6.
Les stipulations de ces deux articles ne sont que réglementaires; ce sont de simples moyens d'exécution.
Si la garantie réciproque est bonne, on a pu et dù régler les mesures à prendre pour la faire respecter par les usurpateurs.
Art. 7.
« Quant à ce qui regarde la différence dudit « nombre de troupes à fournir, Sa Majesté catho-« lique excepte les cas où elles seraient néces-«saires pour défendre les domaines du roi des « Deux-Siciles, sort fils, ou ceux de l'infant, duc « de Parme, son frère; de sorte que recounais-« sant l'obligation de préférence, quoique volon-« taire, que les liens du sang et de la proche paie renté lui imposeraient alors, le roi catholique, « dans ces deux cas, promet de fournir un se-
« cours d' dix-huit mille hommes d'infanterie ut « de six mille de cavalerie, et même toutes ses « forpes, sans rien exiger de Sa Majesté très « chrétienne que le nombre de troupes ci-dessus « stipulé, et les efforts que sa tendre amitié pour « les princes de son sang pourra lui inspirer de « faire en leur faveur.
Art. 8.
« Sa Majesté très chrétienne excepte aussi de son côté les guerres dans lesquelles elle pourrait entrer ou prendre part en conséquence des engagements qu'elle a contractés par le traité dp Westphalie et autres alliances avec les puis* sances d'Allemagne et du Nord ; et considérant qpe lesdites guerres ne peuvent intéresser eu rien la couronne d'Espagne, Sa Majesté très chrétienne promet de ne point exiger aucun secours du roi catholique, a moins cependant que quelque puissance maritime ne prît part auxdites guerres, ou que les événements en fussent si contraires à la France, qu'elle se vît attaquée, dans son propre pays, par terre t et, dans ce dernier cas, Sa Majesté catholique pro* met au roi très chrétien de lui fournir, sans au^ cune exception, non seulement les dix mille hommes d'infanterie et deux mille hommes de cavalerie, niais aussi de porter, en cas de besoin, ce secours jusqu'à dix-huit mille hommes d'infanterie et six mille de cavaleriet ainsi qu'il a été stipulé par rapport au nombre à fournir au roi catholique par Sa Majesté très chrétienne, Sa Majesté catholique s'engagent, si le pas ar* rive, ae n'avpir aucun égard à la disproporr tion qui se trouve entre Ips forces de terre de la mubp'ét celles de l'Espagne* «
Observations sur les articles 7 et 8.
Les deux nations stipulant, par les deux rois, (et il ne faut pas cesser de remarquer qu'en 1761 elles n'avaient, que même l'une d'elles n'a encore aucune autre manière de stipuler), ont pu faire les exceptions que leurs engagements antérieurs ou leur intérêt particulier ont rendu convena» blés dans leur confédération,
Ces exceptions sont encore dans la classe des dispositions réglementaires auxquelles les intérêts réciproques peuvent faire apporter en tout temps toutes les modifications qui pourraient sembler utiles.
Au reste, on voit que ces exceptions ne s'éten? dent pas aux guerres maritimes qui. sont celles où les deux nations op( essentiellement besoin d'être unies pour résister à la grande puissance maritime de l'Angleterre*
On voit, déplus, que toute exception cesse dans le cas où la France serait attaquée par terre dans son propre pays, même pour une guerre germanique, et qu'alors l'obligation du secours reprend toute sa force.
Que l'Espagne soit tenue à de plus grands efforts ; que la France, lorsqu'il s'agira du royaume de Naples, que la France soit seule chargée des guerres d'Allemagne si elles n'arrivent pas sur le territoire français ; qu'elle soit néanmoins secourue par l'Espagne toutes les lois qu'elle sera attaquée sur son territoire, même au sujet des guerres d'Espagne : il n'y a rien eu tout cela qui soit désavantageux à la France.
Art, 9,
« Il sera libre à la puissance requérante d'en-« voyer un ou plusieurs commissaires choisis parmi ses sujets, pour s'assurer par eux-mêmes « que la puissance requise a rassemblé dans les « trois mois, à compter de la réquisition, et tient « dans un ou plusieurs de ses ports les douze « vaisseaux de ligne et les six frégates armés en « guerre, ainsi que lq nombre Btipulé de troupes « de terre, le tout prêt à marcher. »
Observations sur l'article 9*
Nul inconvénient aux mesures que les deux nations se prescrivent pour assurer, de part et d'autre, l'exécutiou de leurs engagements.
Art. 10.
« Lesdits vaisseaux, frégates et troupes agi-« ront selon la volonté de la puissance qui en « aura besoin, et qui les aura demandés, sans « que, sur les motifs ou sur les objets indiqués « pour l'emploi desdites forces de terre et de « mer, la puissance requise puisse faire plus « d'une seule et unique représentation. »
Observations sur l'article 10.
Cet article peut avoir quelques inconvénients. La nation qui fournira lés sécours peut craindre que son allié n'expose les auxiliaires pour ménager ses propres sujets; et quoique le danger soit réciproque, il semblerait à la fois plus noble et plus utile de convenir que les expéditions seront combinées pour l'avantage eommun entre les deux puissances.
Au reste, lorsqu'une petite force est incorporée dans une grande, elle est bien obligée d'en suivre l'impulsion.
Art, 11.
« Ce qui vient d'être convenu aura lieu toutes « les fois que la puissance requérante deman-« derait le secours pour quelque entreprise offen-« sive ou défensive de. terre ou de mer, d'une « exécution immédiate, et ne doit pas s'entendre « pour les cas où les vaisseaux et frégates de la « puissance requise iraient s'établir dans quelque « port de ses Etats ; puisqu'il suffira alors qu'elle « tienne ses forces de terre et de mer prêtes dans « les endroits de ses domaines qui seront indi-« qués par la puissance requérante, comme plus « utiles à ses vues. »
Observations sur l'article 11.
Cet article demande explication. II parle d'entreprises offensives, et Içs guerres offensives doivent être proscrites ; elles he doivent jamais être l'objet des confédérations politiques.
Si l'on s'en rapportait à l'article 4 qui renferme la base du traité,' et l'exprime par ces mots sans équivoque: qui attaque l'une attaque Foutre; et à la teneur même du présent article qui déclare
qu'il est question d'entreprises offensives, ou défensives d'une exécution immédiate, on pourrait dire que la stipulation porte sur les entreprises offensives auxquelles une guerre défensive donnera lieu.
L'artiple, restreint à ce sens, n'aurait rien que de juste, de prudent et de sensg. Il est reconnu à la guerre qu'aucune défensive ne peut être bonne, si elle laisse échapper une occasion d'agir offensivement. Il faut dans la guerre défensive très souvent attaquer, c'est la défensive du courage et du génie- Mithridate, poursuivi dans ses Etats par Lucuilûs et Pompée, voulait aller se défendre à Rome, Si nous étions attaqpçis en Amérique ou aux Indes, if pourrait noug convenir dg nous défendre à Piymoutb, Châtain et à Londres,
Mais il faut déclarer nettement que tels sont l'esprit et le sens de l'article, Il faut Y eu ajouter un qui expose, pie manière à bannir toute incertitude : « que le traité n'a pour objet que la sû-« reté réciproque, et ne peut être invoqué lors- qu'une des nations voudrait porter atteinte â « celle d'autrui. »
Il faut pour cela supprimer ou plutôt changer les articles 12 et 13, et un mot de l'article 15 qui présentent un sens tout différent,
Art. 12.
« La demande que l'un des deux souverains « fera à l'autre des secours stipulés par le présent « traité, suffira pour constater le besoin, d'une « part, et l'obligation, de l'autre, de fournir ledit « secours, sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans « aucune explication de quelque espèce qu'elle « puisse être, ni sous quelque prétexte que ce « soit, pour éluder la plus prompte et la plus « parfaite exécution de cet engagement. »
Observations sur l'article 12.
Cet article est absolument insoutenable.
L'objet de la confédération étant ia défense respective, il est indispensable que le danger soit constaté, soit par une attaque réelle, soit par des préparatifs indubitables d'attaque. Mais la simple réquisition d'un des deux monarques ne saurait engager aucune des deux nations à fournir les secours stipulés, lorsqu'il n'y aurait aucun besoin de secours.
Nous sommes justement indignés de voir aujourd'hui le stathoudêr, roi de Hollande, et les malheureux sujets que lui soumettent les baïonnettes prussiennes et les guinées anglaises, armer contre nos alliés et contre nous, qui leur avons sauvé le cap de Bonne-Espérance et tous leurs établissements de l'onde dans la dernière guerre, armer sur la seule réquisition des alliés du prince d'Orange, usurpateur et destructeur de la liberté hollandaise, armer sur la seule réquisition d'une puissance qui fit, il y a dix ans, à la Hollande, la guerre la plus injuste, la plus imprévue, et qui, sans nous, eût été la plusGFuelle; armer, lorsque le nouvel allié du despote hollandais n'a même aucun risque à courir, lorsque c'est lui qui engage 1? guerre pour un sujet dénué de toute importance,
Tels sont toujours les effets des alliances qui ne seraient pas purement défensives.
Nous devons apprendre à J'Angleterre, à la Hollande, à l'Espagne, au monde, à rougir de telles alliacés, Nous devons dire qu'elles ne soient
plus, eteilps cesseront d'être dans l'Europe entière. Le cri ne la France pt celui de la raison, énergi-quement prononcés, suffiront pour empêcher Tes princes de compter sur les alliances offensives et les peuples de s'y prêter; ils suffiront pour y suppléer partout cfes alliances uniquement défensives.
La paix deviendra solide et générale, si nul ne peut être aidé pour attaque? et si chacun l'est pour se défendre.
Art. 13.
« En conséquence de l'article précédent, la dis-« cussion du cas offensif et défensif ne pourra « point avoir lieu par rapport aux douze vaisseaux, « aux six frégates el aux troupes de terre à four-« nir; ces forces devant être regardées, dans tous « les cas, et trois mois après la réquisition, comme « appartenant en propriété à 1a puissance qui les « aura requises. »
Observations sur l'article 13.
L'esprit de cet article est d'assurer à chaque puissance, au-dessus de ses forces naturelles, celle du premier secours stipulé dont elle ferait arbitrairement l'usage qu'elle voudrait, ne réservant à la puissance qui donnerait le secours, le droit d'en juger le motif, la convenance ou l'utilité, que lorsqu'il serait question d'engager toutes les forces ; encore l'article 16 semble-t-il éluder ce droit naturel que l'article 13 réconnaît.
Le duc de Choiseul avait de l'fyabileté, et, comme tous les hommes d'un caractère brillant et facile^ il se croyait encore plus d'habileté qu'il n'en avait. Pressé par une guerre très funeste, dans laquelle l'Angleterre s'était assuré la supériorité par une attaque imprévue, voulant en sortir le moins mal possible, et désireux de se venger à la première occasion, il crut ne pouvoir donner dans le traité trop d'avantage à la puissance requérante, ni trop engager ia puissauce requise : c'était lui qui comptait requérir.
Mais cette politique individuelle, astucieuse et temporaire, est une politique pitoyable ; les nations sont de si grands corps environnés d'autres corps si grands et si indépendants les uns des autres, qu'il leur est impossible de subsister sans être justes et sans manifester perpétuellement qu'elles ne veulent pas cesser de l'être, et que nulle d'elles ne veut opprimer ses augustes sœurs.
Les conventions de tous les traités d'alliance doivent donc être : « Je vous défendrai si l'on « vous attaque; je me tiendrai en mesure de « vous défendre si l'on vous menace ; je frapperai « même pour vous si je vois le péril imminent, « et si c'èst le seul moyen de le prévenir.
« Mais, dans les cas douteUx, n'attendez de moi « que la préservation des hostilités, la média-« tion, l'arbitrage, et enfin, un jugement contre « vous, si vous avez tort. »
Art. 14.
« La puissance qui fournira le secours, soit en « vaisseaux et frégates, soit en troupes, les * payera partout où son allié les fera agir, comme « si ces forces épient employées directement « pour elle-même, et la puissance requérante
« sera obligée, soit que lesdits vaisseaux, frégates « ou troupes restent peu ou longtemps dans ses « ports, de les faire pourvoir de tout ce dont elles « auront besoin, au même prix que si elles lui « appartenaient en propriété, et à les faire jouir « des mêmes prérogatives et privilèges dontjouis-« sent ses propres troupes. Il a été convenu que, « dans aucun cas, lesdites troupes ou vaisseaux « ne pourront être à la charge de la puissance à « qui ils seront envoyés, et qu'ils subsisteront à « sa disposition pendant toute la durée de la « guerre dans laquelle elle se trouvera en -« gagée.»
Art. 15.
« Le roi très chrétien et le roi catholique s'obli-« gent à tenir complets et bien armés les vais-« seaux, frégates et troupes que Leurs Majestés se « fourniront réciproquement, de sorte qu'aussitôt « que ia puissance requise aura fourni les secours « stipulés par les articles 5 et 6 du présent traité, « elle fera armer dans ses ports un nombre sufti-« sant de vaisseaux pour remplacer sur-le-champ « ceux qui pourraient être perdus par les événe» « ments de la guerre ou de la mer. Cette même « puissance tiendra également prêtes les recrues et « les réparations nécessaires pour les troupes « de terre qu'elle aura fournies. »
Observations sur les articles 14 et 15.
Ces deux articles sont purement réglementaires, et appliqués, au cas défensif, parfaitement raisonnables.
Art. 16.
« Les secours stipulés dans les articles précé-« dents, selon le temps et Ja manière qui a été « expliquée, doivent être considérés comme une « obligation inséparable des liens de parenté « et d'amitié, et de l'union intime que les deux « monarques contractants désirent de perpétuer « entre leurs descendants ; et ces secours stipulés « seront ce que la puissance requise pourra « faire de moins pour la puissance qui en aura a besoin; mais comme l'intention des deux rois « est que la guerre commençant pour ou contre « l'une des deux couronnes, doit devmir propre « et personnelle à l'autre, il est convenu que, « dès que les deux se trouveront en guerre « déclarée contre le même ou les mêmes enne-« mis, l'obligation desdits secours stipulés ces-« sera, et à sa place succédera, pour les deux « couronnes, l'obligation de faire la guerre con-« jointemeiit, en y employant toutes leurs forces; « et, pour cet effet, les deux hautes parties con-« tractantes feront alors entre elles des couven-« tions particulières relatives aux circonstances « de ia guerre dans laquelle elles se trouveront « engagees, concerteront et détermineront leurs « efforts et leurs avantages respectifs et réci-« proques, comme aussi leurs plans et opérations « militaires et politiques; et ces conventions « étant faites, les deux rois les exécuteront « ensemble et d'un commun et parfait accord. »
Observations sur Varticle 16.
Rien n'est confus et inconciliable comme cet article rapproché de l'article 13.
Le premier secours stipulé est, dit—il,ce que les deux puissances pourront faire de moins l'une pour Vautre. Il semble donc qu'elles pourraient se tenir à ce moins, pour lequel sentiment la discussion du cas offensif ou défensif est interdite par l'article 13, s'être autorisée pour tout emploi de force supérieure, àce moins, que la nation requise puisse faire.
Cependant, dit-on ensuite, si la guerre est déclarée pour ou contre l'une des deux nations, elles seront obligées toutes deux de la faire de toutes leurs forces, et en commun. Il s'ensuivrait qu'après n'avoir pu discuter le cas offensifs le cas défensif pour fournir le premier secours, lprs-qu'ensuite ce premier secours aurait conduit à une guerre déclarée pour la nation reguérante, la nation requise ne serait plus admise à discuter ces cas ; ce serait à dire qu'elle ne pourrait jamais discuter, quoique l'article 13 lui en réserve le droit pour tous secours à donner au delà du premier, et que la nature des choses et les règles de la morale le lui donnent même pour ce premier.
Les deux articles 13 et 16 se détruisent donc l'un l'autre : la raison et la justice les détruisent encore plus; ce qui n'est ni raisonnable ni juste n'a pas pu devenir une loi entre les nations. Ces deux articles 13 et 16 sont donc essentiellement nuls et comme non avenus. Il faut l'avouer, et il faut convenir, pour la suite, que « les deux nations « s'aideront de toutes leurs forces en toute guerre «défensive et non dans aucune autre; et que, « pour commencer cette assistance, elles devront, « trois mois après la réquisition, se fournir le « premier secours stipulé, lequel devra être suivi « de tous ceux qui seront nécessaires et possi-« bies. »
Art. 17.
« Leurs Majestés très chrétienne et catholique « s'engagent et se promettent, pour le cas où elles « se trouveraient en guerre, de n'écouter ni faire « aucune proposition de paix, de ne traiter ni « conclure avec l'ennemi ou les ennemis qu'elles « auront, que d'un accord et consentement mu-« tuel et commun, et de se communiquer réci-« proquement tout ce qui pourrait venir à leur « connaissance qui intéresserait les deux cou-« ronnes, et en particulier sur l'objet de la paci-« lication : de sorte qu'en guerre comme en paix, « chacune des deux couronnes regardera comme « ses propres intérêts ceux delà couronne de son « allié. »
Observations sur l'article 17.
Cet article est d'une évidente justice, conforme aux premiers principes de l'honneur et de la probité. Il est une condition essentielle, obligatoire et sacrée de toute alliance.
Art. 18.
« En conformité de ce principe et de l'engage-« ment contracté en conséquence, Leurs Majestés « très chrétienne et catholique sont convenues « que lorsqu'il s'agira de terminer, par la paix, « la guerre qu'elles autont soutenue en commun, « elles compenseront les avantages que l'une des « deux puissances pourrait avoir eus, avec les « pertes que l'autre aurait pu faire; de manière
« que sur les conditions de la paix, ainsi que sur « les opérations de la guerre, les deux rnonar-« chies de France et d Espagne, dans toute l'é-« tendue de leur domination, seront regardées et « agiront comme si elles ne formaient qu'une « seule et même puissance. »
Observations sur Varticle 18.
Cet article est extrêmement fraternel; il tend à prévenir encore plus les paix particulières, à mieux réunir les intérêts et les forces des nations confédérées, à rendre leur puissance plus une, et leur protection réciproque; plus efficace, à conserver mieux par conséquent les droits et les possessions de l'une et de l'autre. Il a de la morale et de la dignité ; c'est un modèle d'article pour les alliances.
Art. 19.
« S. M. le roi des Deux-Siciles ayant les mêmes « liaisons de parenté et d'amitié et les mêmes « intérêts qui unissent intimement Leurs Majestés « très chrétienne et catholique, Sa Majesté catho-« lique stipule pour le roi des Deux-Siciles, son « fils, et s'oblige à lui faire ratifier, tant pour lui « que pour ses descendants à perpétuité, tous les « articles du présent traité, bien entendu que pour « ce qui regarde la proportion des secours A « fournir par Sa Majesté sicilienne ils seront dé-« terminés dans son acte d'accession audit traité « suivant l'étendue dé sa puissance. »
Observations sur Varticle 19.
Cet article n'a pas eu son exécution. 11 serait dangereux, si l'alliance devait être offensive; car, en multipliant le nombre de ceux qui peuvent offenser, on pourrait multiplier les cas de guerre. Mais toute alliance offensive étant nulle par sa nature, l'article borné au cas défensif devient bon et utile; car plus de confédérés pour se détendre, et plus il y a d'espoir d'en imposer à ceux qui voudraient attaquer.
Les Deux-Siciles forment une puissance à peu près égale à celle du roi de Sardaigne par terre, et qui par mer n'est pas loin du niveau de la république de Venise. La nation napolitaine et sicilienne est, après l'espagnole, celle dont le Commerce est le plus utile à la France.
L'accession de cette puissance à un pacte défensif et commercial, ne peut donc avoir que des avantages. :
Les principes de la politique extérieure sont d'une extrême simplicité ; Les alliances offensives sont nulles ; Les alliances défensives^sont utiles et sacrées; Les alliances commerciales sont avantageuses en raison de ce qu'elles se rapprochent de la liberté.
Art. 20.
« Leurs Majestés très chrétienne, catholique « et sicilienne s'engagent non seulement àcon-« courir au maintien et à la splendeur de leurs « royaumes dans l'Etat où ils se trouvent actuellement, mais encore à soutenir, sur tous « les objets sans exception, la .dignité et les « droits de leurs maisons; de sorte que chaque
« prince, qui aura l'honneur d'être issu du même « sang, pourra être assuré en toute occasion de « la protection et de l'assistance des trois cou-« ronnes. »
Observations sur Varticle 20.
Que les nations liées d'affection à leur chef ne voient pas, avec indifférence, ce qui peut intéresser la dignité et les droits des princes, liés avec lui de parenté : c'est un sentiment naturel et qui aura lieu, sans qu'il soit besoin d'en faire mention dans un traité.
Ces princes doivent donc s'attendre constamment à toute espèce de bons offices ; et, s'ils étaient opprimés, à toute espèce de protection, et bien plus encore de la part de la nation française que de toute autre; mais les nations ne peuvent faire d'alliance formelle qu'avec les nations, et, lorsqu'elles en font avec les princes, c'est, autant que le droit public de leur pays autorise ceux-ci, à stipuler pour leurs nations.
Alors le cas d'alliance défensive- rentre dans celui de toute autre alliance défensive ; et, si la nation qui a pour chef un prince^ de la même nation, est opprimée par'une troisième nation, ce ne doit pas être à cause de son chef qu'elle doit être défendue, mais à cause de ses droits et de l'intérêt commun.
Art. 21.
« Le présent traité devant être regardé, ainsi qu'il a été annoncé dans le préambule comme un pacte de famille entre toutes les branches de l'auguste maison de Bourbon, nulle autre puissance que celles qui seront de cette maison ne pourra être invitée ni admise à y accéder. »
Observations [sur l'article 21.
Rien n'est plus étrange que cet article. Le traité fait pour établir la paix et pour conserver à chacun, ses possessions, toute puissance qui voudra s'unir dans les mêmes vues de conservation et de protection réciproque, et qui pourrait faire entrer dans la confédération des forces proportionnées, aux risques que sa position peut y apporter, doit pouvoir être admise à y accéder de l'avis des puissances déjà eotjfédérées, qui ne peuvent ni ne doivent s'interdire d'avance cette liberté de recevoir dans leur confédération les puissances dont le concours peut ensuite leur paraître utile à la sûreté commune.
La seule stipulation raisonnable est « qu'il « faudra l'aveu de toutes les nations considérées « pour en admettre une nouvelle dans leur con-« fédération. »
Art. 22.
« L'amitié étroite qui unit les monarques con-«, tractants, et les engagements qu'ils prennent - « par ce traité, les déterminent aussi à stipuler v que leurs Etats et sujets respectifs partici-« perontaux avantages et à la liaison établisentre « les souverains; et Leurs Majestés se promet-,t tent de ne pas souffrir qu'en aucun cas, ni « sous quelque prétexte que ce soit, leurs ^ dits
" Ktatg ou sujets puissent rien faire ou entre- prendre de contraire à la parfaite correspon-« dance qui doit subsister inviolablement entre • les trois couronnes. »
Observations sur l'article 22 »
Depuis que les progrès des lumières nous ont appris que tout entre les nations se doit faire pour elles, que leur intérêt et leur bonheur doivent être la base de tous les engagements que prennent leurs chefs, nous ne pouvons qu'être scandalisés de la rédaction de cet article, dans lequel nous voyons les monarques déclarer que c'est à raison de leur amitié personnelle qu'ils vont stipuler quelque chose sur les avantages civils et commerciaux que leurs nations peuvent se procurer.
Mais si Ton se rapporte au temps où le traité a été conclu, on verra que les rédacteurs ont pu être conduits à cette forme d'expression par un mouvement louable.
Ge que Ton avait encore pu imaginer de plus avantageux au genre humain dans les monarchies avait été d'inspirer aux rois un sentiment paternel pour leur peuple. Les bons rois se complaisaient dans cette idée que leurs sujets étaient leurs enfants, et la philosophie se reposait sur elle.
Il y avait donc quelque chose de bon et d'honnête a étendre cet esprit de famille des monarques aux nations qu'ils commandaient, et par les monarques d'une nation à l'autre. Les princes, il est vrai, se voyaient en première ligne, mais jamais ceux qui les avaient approchés ne leur avaient appris à se regarder, ni à se montrer autrement. Ils se disaient : Nous sommes unis, et nous voulons que nos enfurvts le soient ; -c'est précisément le langage que tiendraient deux bons pères de famille, etil n'estdonepas douteux que lesministres-rédacteurs du traité ne s'en soient applaudis.
C'est si bien dans ce sens que l'article 22 et les suivants ontétéconçus,que les dispositions qui se sont présentées les premières à l'esprit des négociateurs sont qu'un • ne souffrira pas que les su-« jets respectifs se fassent aucun mal, et qu'en « aucun cas, ni sous aucun prétexte, ils entre-« prennent rien de ©outraire a la parfaite corres-« .pou dan ce qu'on veut établir. » On a songé à prévenir le désordre dans la grande famille qu'on voulait forma: de plusieurs nations, même avant de régler les avantages ultérieurs de leurs relations commerciales.
Art. 23.
m Pour cimenter d'autant plus cette intelligence et ces avantages réciproques entre les sujets i des deux couronnes,il a été convenu que lesEs-« pagnols ne seront plus réputés aubaine en fVance, « et,en conséquence,Sa Majesté très chrétienne s'en-« gage à abolir en leur faveur le droit d'aubaine, c eu sorte qu'ils pourront disposer, par testament, c donation ou autrement, de tous leurs biens sans « exception, de quelque nature qu'ils soient, qu'ils
• posséderont dans son royaume, et que leurs hé-• ritiers sujets de Sa Majesté catholique, demeurant tant en France qu'ailleurs, pourront recueillir leurs successions même ab intestat, soit« par eux-mêmes, soit par leurs procureurs eu « mandataires, quoiqu'ils n'aient point obtenu de « lettres de *aturahté, et les transporter hers desi Etats de Sa Majesté très chrétienne, nonobstant i tontes lois, édits, statuts, coutumes ou droits à ce contraires, auxquels Sa Majesté très chrétienne déroge autant que besoin serait. Sa Majesté ca-1 tolique s'engage, de son côté, à faire jouir des
' mêmes privilèges et de la même manière dans i tous les Etats et pays de sa domination, tous les t Français et sujets de Sa Majesté très chrétienne, par rapport à là libre disposition des biens qu'ils posséderont dans toute l'étendue de la manarchie espagnole. De sorte que les sujets des deux couronnes seront également traités en tout et pour tout ce qui regarde fcet article dans les pays des deux dominations, comme les propres et naturels sujets de la puissance dans les Etats de laquelle ils résideront : tout ce qui est dit ci-dessus, par rapport au droit d'aubaine et aux avantages dont les Français doivent jouir dans les Etats du roi d'Espagne, en Europe, et les Espagnols en France, est accordé aux sujets du roi des Deux-Siciles, qui sont compris aux mêmes conditions dans cet article, et récipro-quementlessujetsdeSa Majesté très chrétienne et catholique jouiront des mêmes exemptions et avantages dans les Etats de Sa Majesté sicilienne. »
Art. 24.
« Les sujets des hautes parties contractantes seront traités relativement au commerce et aux impositions dans chacun des deux royaumes en Europe, comme les propres sujets du pays où ils aborderont ou résideront; de sorte que le pavillon espagnol jouira en France des mêmes droits que le pavillon français, et pareillement que ie pavillon français sera traité en Espagne avec ia même faveur que le pavillon espagnol. Les sujets des deux monarchies, en déclarant leurs marchandises, payeront les mêmes droits qui seront payés par les nationaux. L'importation et l'exportation leur seront également libres comme sujets naturels, et il n'y aura de droits à payerde part et d'autre, que ceux qui seront perçus sur les propres sujets du souverain, ni de matières sujettes à confiscation, que celles qui seront prohibéesaux nationaux eux-mêmes; et pour ce qui regarde ces objets, tous traités, conventions ou engagements antérieurs entre les deux monarchies, resteront abolis ; bien entendu que nulle puissance étrangère ne jouira en Espagne, non plus qu'en France, d'à ucun privilège plus avantageux que celui des deux nations* On observera les mêmes règles en France et en Èspagne, à l'égard du pavillon et du roi des Ûeux-Siciles, et Sa Majesté sicilienne les fera réciproquement observer à l'égard du pavillon et des sujets des couronnes de France et d'Espagne. *
Observations sur les articles 23 ét 24.
Les dispositions des deux articles pour abolir le droit d'aubaine, )50Ur rendre les individus de chaque nation habiles à succéder chez l'autre, pour leur donner réciproquement tous tes droits de ia naturalité, la paméabsotae quant aux dispositions, et tous les privilèges commerciaux réservés chez chaque nation, à ses propres concitoyens, sont à davantage évident et mutuel des «teust peuples.
On répète à Paris, d'apris Vekbé de Maèly, et
l'on a imprimé deux fois, depuis quelques jours, que les dispositions si raisonnables, si utiles, si bienfaisantes de ces deux articles, sont révoquées, et n'ont plus lieu. On répète une erreur de fait, et rien n'est plus naturel, ni plus commun, lorsqu'on. est obligé de se hâter de parler sur des matières dont on n'a pas été à portée d'ac iuérir une connaissance approfondie : l'erreur d'un homme célèbre occasionne encore mille erreurs après qu'elle a été relevée et refutée.
L'abbé de Mably, homme vertueux, penseur profond, écrivain patriote, mais d'un commerce difficile, avait étudié la diplomatie dans les livres : son caractère chagrin l'avait rendu peu propre à en acquérir l'expérience, et son ambition désappointée à cet égard, ayant rendu son caractère encore plus chagrin, lui avait également ôté la faculté d'interroger et ce'le d'écouter.
Il a trouvé, dans le traité de Paris, article 2, que les parties contractantes déclarent « qu'elles « ne permettront pas qu'il subsiste aucun privi-« lège, grâce ou iudulgence contraires aux traités t confirmés. »
Il en a conclu très mal à propos que les stipulations des articles 23 et 24 du Pacte de famille étaient annulées. Cette conclusion n'était pas même fondée sur l'article cité, qui ne confirme que les traités simplement politiques qui ont eu lieu depuis 1648 jusqu'au 12 février 1761, dont sont exceptés les articles commerciaux du traité d'Utrecht, qui sont comme non-avenus, ayant été rejetés dans le temps par le parlement d'Angleterre.
Les conventions qui subsistent de ces traités purement politiques ne peuvent interdire et n'interdiront à aucune puissance le droit de régler chez elle, comme elle le juge convenable, les lois relatives aux successions et celles qui concernent ses finances et son commerce.
M. Y abbé de Mably pouvait donc, avec plus de ré-„ flexion et par la simple connaissance qu'il avait des traités, savoir que les articles 23 et 24 du Pacte de famille ne sont pas révoqués par le traité de Paris ; et si M. l'abbé de Mably eût consulté les personnes attachées par état ou par goût à la diplomatie, il aurait su qu'aucune des puissances contractantes, dans le traité de 1763, n'a jamais regardé ce traité comme révocutoire des conventions civiles et commerciales du Pacte de famille.
Il aurait même pu savoir, sans consulter personne, que ces articles, qui ne sont pas les moins intéressants de notre alliance avec la nation espagnole, ont été confirmés et développés par plusieurs conventions subséquentes.
Les écrivains estimables, qui ont répété l'assertion de M,, l'abbé de Mably, auraient pu avoir connaissance de ces conventions explicatives et confirmatives des articles 23 et 24 du Pacte de famille : elles sont imprimées et servent de règle au commerce réciproque de la France et de l'Espagne.
Les deux nations ont, en plusieurs occasions, contracté, non seulemènt entre elles, mais vis-à-vis des autres nations, l'exisieuce de ces deux articles que l'on annonce à Pans comme ayant été révoqués. Elles opt constamment opposé aux puissances qui ont désiré, en France et eu Espagne, Un traitement pareil à celui de l'une et de l'autre des deux nations confédérées, l'article 25 du Pacte de famille, qui dit queia manière dont elles se traiteront réciproquement ne fera titre pour aucune autre des nations, même les plus favorisées*
Enfin, ces deux articles importants du Pacte de famille ont tout dernièrement été allégués à l'Angleterre et à la Russie lors de leurs traités de commerce avec la France, et reconnus par elles comme une raison de ne pouvoir prétendre en France aux mêmes privilèges que la nation espagnole.
11 faut donc cesser d'argumenter sur ce point, d'après Ja parole de l'abbé de Mably. Mais je ne serais pas surpris que les mêmes personnes qui, dans notre alliance avec l'Espagne, blâmaient la révocation qu'elles supposaient des articles commerciaux, ne demandassent, en apprenant que cette révocation n'a pas eu lieu, si c'est un avantage d'accorder ainsi des préférences à quelques nations ? et je suis convaincu qu'elles établiraient, par des principes généraux très philosophiques et très sages, que la liberté et l'égalité sont l'âme du commerce.
En supposant l'observation qui ne peut guère manquer d'être faite, je répondrai que si les nations étaient suffisamment éclairées pour ne donner elles-mêmes aucun privilège, pas même à leurs propres sujets, et pour établir une complété fraternité entre elles toutes, il est manifeste que ce serait à la fois une folie et un délit que d'établir des privilèges exclusifs, même réciproques entre quelques nations. Mais quand elles ont différentes manières d'agir, soit envers les diverses nations, soit à l'égard de leurs sujets et des étrangers, il est clair qu'on trouve un grand avantage à s'assurer réciproquement le traitement le plus favorable; et nous aurions d'autant plus de tort de renoncer à cet avantage essentiel en Espagne, que les principes de cette puissance sur le commerce sont beaucoup moins libres que les nôtres, et, par conséquent, que les exceptions y sont beaucoup plus nécessaires pour ceux qui veulent faire un commerce profitable.
Nous aurions grand tort de donner au commerce anglais, en Frauce, les mêmes privilèges dont y jouissent Je commerce français et le commerce espagnol, tant que les Anglais réserveront chez eux, par leur acte de navigation, des privilèges particuliers au commerce britannique. Les Anglais nous traitant beaucoup moins favorablement que ne Je font les Espagnols, il serait injuste de ne pas traiter les Espagnols en France plus favorablement que les AngJais, La parfaite réciprocité, vis-à-vis de chaque nation, est la seule loi qu'elles puissent invoquer, et peut-être le seul moyen de ramener à une meilleure conduite celles qui ont des principes peu favorables à la liberté des communications respectives.
Il faut remarquer que les articles commerciaux du Pacte de famille font loi entre les Deux-Siciles et la France, quoique l'accession des Deux-Siciles n'ait pas eu lieu.
Art» 25»
« Si les hautes parties contractantes font dans « la suite quelque traité de commerce avec d'au-« très puissances, et leur accordât ou leur ont « déjà accordé dans leurs ports ou Etats le trajte-.« meut des Espagnols en France et dans les Deux-« Siciles, et des Napolitains et Siciliens en France « et en Espagne, sur le même objet, est excepté « à cet égard, et ne doit point être cité ni servir « d'exemple, Leurs Majestés très chrétienne, ca-« thoiiqué et sicilienne, ne voulant pas faire par-« ticiper aucune autre nationaux privilèges dont
« elles jugent convenable de faire jouir leurs su-« jets respectifs. »
Observations sur Varticle 25.
On vient de remarquer que cet article renferme la réponse à ia méprise dans laquelle sont tombés M. l'abbé de Mably et les écrivains qui ont transcrit ses expressions.
11 avait cru l'article même révoqué et l'a dit dans son ouvrage sur le droit public; mais, loin qu'il ait été révoqué, c'est cet article qui a été le conservateur des deux autres.
Ces deux autres articles ne sont point d'une petite importance.
C'est en Espagne que nous avons le principal débouché de nos toiles, objet immense de notre commerce, qui n'attend pour doubler encore qu'une bonne administration. C'est en Espagne et par elle dans ses colonies, que passe la meilleure partie de,nos draps superlins, de nos petits lainages, de nos galons, de notre passementerie, de nos taffetas légers, de nos bas de soie, de nos fleurs artificielles, et des quantités considérables de bijouterie.
Notre commerce avec l'Espagne se monte, année commune, entre quarante et cinquante millions, selon les estimations très fautives de la balance du commerce : ce qui suppose que réellement il doit être de soixante millions au moins. G'est après le commerce des colonies, celui qui emploie le plus notre navigation nationale, de cent vingt-sept ou cent trente mille tonneaux de fret qu'il exige annuellement; il y en a soixante-onze à soixante-quatorze mille tonneaux qui sont portés par navires français, trente-six à trente-sept mille par bâtiments espagnols, vingt à vingt-et-un mille seulement par navigation étrangère aux deux nations ; c'est d'Espagne que nous tirons l'argent nécessaire à notre circulation et à la solde des achats que nous avons à faire aux autres nations.
Déranger, pour l'attrait d'une nouvelle politique, ces grandes relations commerciales, ce serait ruiner nos manufactures, et réduire à la mendicité plusieurs millions de Français industrieux.
Les déranger par faiblesse, par crainte, se laisser entraîner par de si vils motifs à Commencer par un acte de mauvaise foi notre carrière de politique étrangère, à montrer à nos autres alliés qu'ils doivent, d'avance, regarder tous nos traités comme rompus ; ce serait à la fois une honte et une imprudence, dont l'honneur et le patriotisme sont également effrayés.
C'est une horrible injure que nous font les Anglais et leurs amis, que de nous croire capables de cette lâcheté et de cette démence.
Art. 26.
« Les hautes parties contractantes se confieront « réciproquement toutes les alliances qu'elles « pourront former dans la suite, et les négociations « qu'elles pourront suivre, surtout lorsqu'elles « auront quelque rapport avec leurs intérêts com-« muns. En conséquence, Leurs Majestés très « chrétienne, catholique et sicilienne ordonneront « à tous les ministres respectifs qu'elles entretien-« nent dans les autres cours de l'Europe, de vivre « entre eux dans l'intelligence la plus parfaite et « avec la plus entière confiance, afin que toutes « les demandes faites au nom de quelqu'une des a trois couronnes, tendant à leur gloire et à leur « avantage commun, soient un gage constant de
« l'intimité que Leursdites Majestés veulent établir « et perpétuer entre elles. »
Observations sur l'article 26.
Quoi de plus noble, de plus fraternel et déplus utile que cet article, que cette obligation de se communiquer réciproquement toutes les alliances projetées, toutes les négociations, des'entr'avertir, de s'entr'aider dans toutes les affaires et de se mettre en société, non seulement de puissance, mais de lumières, et d'une officieuse, constante, mutuelle et perpétuelle bienveillance!
Multipliez ces rapports entre les nations, et vous les rendrez nécessairement meilleures et plus respectables.
Art. 27.
« L'objet délicat de la préséance dans les actes, « fonctions et cérémonies publiques, est souvent « un obstacle à la bonne harmonie et à l'intime « confiance qu'il convient d'entretenir entre les « ministres respectifs de France et d'Espagne; « parce que^ ces sortes de discussions, quelque « tournure qu'on prenne pour les faire cesser, « indisposent les esprits. Elles étaient naturelles « quand les deux couronnes appartenaient à des « princes de deux différentes nations ; mais actuel-« lement et pour tout le temps pendant lequel la « providence a déterminé de maintenir, sur les « deux trônes, des souverains de 1a même mai-« son, il n'est pas convenable qu'il subsiste entre « eux une occasion continuelle d'altercation et de « mécontentement. Leurs Majestés très chrétienne « et catholique sont convenues, en conséquence, « de faire entièrement cesser cette occasion, en « fixant pour règle invariable à leurs ministres, t revêtus du même caractère, tant dans des cours « étrangères.que dans les cours de famille, comme « sont présentement celles deNaplesetde Parme, « que les ministres du monarque, chef de la « maison, auront toujours la préséance, dans tel « acte, fonction ou cérémônieque cesoit; laquelle « préséance sera regardée comme une suite de « l'avantage de la naissance, et que, dans toutes « les autres cours, le ministre, soit de France, « soit d'Espagne, qui sera arrivé le dernier, ou « dont la résidence sera plus récente, ce sera au « ministre de l'autre couronne, et de même « caractère, qui sera arrivé le premier, ou dont « la résidence sera plus ancienne; de façon qu'il « y aura désormais à cet égard, une alternative « constante et une fraternité à laquelle aucune « autre puissance ne devra ni ne pourra être « admise, attendu que cet arrangement, qui est « uniquement une suite du présent Pacte de fait mille, cesserait, si des princes de la mêmemai-« son n'occupaient plus les trônes des deux « monarchies, et qu'alors chaque couronne ren-« trerait dans ses droits ou présentations à la pré-« séance.
« Il a été convenu aussi que, si par quelque « cas fortuit^ des ministres des deux couronnes « arrivaient précisément en même temps dans « une cour autre que celle de famille, le mi-« nistre du souverain, chef de la maison, précé-« dera à ce titre le ministre du souverain, cadet de la même maison. »
Observations sur l'article 27.
G'était, dans le principe et dans l'intention, avoir
marché vers un meilleur ordre de choses, que d'avoir fait cesser une des querelles de préséance. Mais nous aurions grand tort de nous borner à cette convention qui, d'ailleurs, n'a fait que multiplier les difficultés:car plusieurs puissances,qui avaient, jusqu'alors, cédé le pas à la France, ont contesté pour le faire, lorsqu'elles ont vu la France l'abandonner en quelques occasions à l'Espagne, à qui elles le disputaient.
Il y a de quoi rougir et frémir quand on songe que les nations ont été tellement avilies, que la morale a été si dépravée, que la raison et les véritables droits des hommes ont été mis en oubli au point que l'on a, pendant plusieurs siècles, regardé, comme un sujet légitime de guerre, une place dans une cérémonie, une révérence, ou un fauteuil.
De longues dépêches ont été écrites, des conseils multipliés se sont tenus, des négociations importantes ont échoué, le sang des peuples a coulé quelquefois pour ces frivolités orgueilleuses.
L'impératrice de Russie est la seule tête couronnée qui se soit conduite, à cet égard, avec une véritable raison et une véritable dignité. « Je « ne demande, a-t-elle dit, la préséance sur per-« sonne et je ne l'accorderai à personne. »
G'est la maxime que la France devrait adopter, et dont il convient de donner l'exemple.
Rien n'est plus conforme aux principes de la raison et à ceux de l'égalité, qui deviennent la base de notre Constitution, que de regarder, comme revêtus de la même dignité, tous les corps politiques qui jouissent des droits de la souveraineté. Il ne nous siérait pas d'avoir une règle de conduite au dedans, et une autre au dehors.
Nous devons donc établir, en Europe, qu'aucune autre préséance ne soit ni exigée ni reconnue, que celle des grades entre les ministres respectifs et celle de la date de leur arrivée dans la cour où ils se trouveront.
Proposons une convention en vertu de laquelle nos ministres de même grade céderont sans difficulté le pas à celui de Raguse ou de Saint-Marin, lorsqu'il sera le plus ancien, et jamais à celui de l'empereur, s'il ne l'est pas.
Nous sommes sûrs qu'une telle convention ne sera pas rejetée venant de nous qui avons toujours joui de la seconde place; car elle aura pour elle tous les autres souverains, et l'empereur seul, contre. Il dépend donc de nous de tarir une source, la plus honteuse et la plus ridicule source d'inimitiés et de contestations politiques. Plût au ciel que les autres pussent être détruites aussi aisément !
Art. 28.
« Le présent traité au Pacte de famille sera « ratifié, et les ratifications seront échangées dans « le terme d'un mois, ou plus tôt si faire se peut, « à compter du jour de la signature dudit traité.
« En foi de quoi, nous ministres plénipoten-« tiaires de Sa Majesté très chrétienne et de Sa « Majesté catholique, soussignés; en vertu des « pleins pouvoirs qui sont transcrits littérale-« ment et fidèlement au bas de ce présent traité, « nous l'avons signé et nous y avons apposé les c cachets de nos armes. »
Fait à Paris, le
Signés : (L. S.) Le duc de choiseul.
(L. S.) Le marquis dè Grimaldi.
Observations générales
Nous venons de voir en quoi consiste le Pacte de famille.
Une convention réciproque, dans laquelle on stipule pour les deux nations que qui attaque iSme attaque Vautre (art. 1er et art. 4), et toutes deux se trouvent obligées de se garantir toutes leurs possessions en l'état où elles se sont trouvées à la paix de 1763 (art. 2).
Un engagement d'exercer cette garantie d'abord par un secours déterminé, ensuite par l'emploi de toutes les forces de chacune d'elles, s'il est nécessaire (art. 5, 6, 8 et 16).
Plusieurs mesures particulières pour l'exécution de cet engagement (art. 9, 11, 14 et 15).
Deux réserves; l'une relative au royaume des Deux-Siciles, pour lequel l'Espagne promet de contribuer dans une plus forte proportion (art. 7); l'autre au traité de Westphalie, pour lequel l'Espagne ne veut pas faire la guerre à moins que la France, qui en est garante, ne se trouve attaquée à ce sujet par une puissance maritime ou sur son propre territoire : réserve que l'Espagne, sollicitée, a été en droit de faire et qui n'est pas nuisible à la France, car ce n'est que dans les guerres maritimes, que le secours mutuel est indispensable aux deux puissances (art. 8).
Une promesse de l'accession des Deux-Siciles, qui n'a eu lieu que pour les articles commerciaux (art. 3, 19).
L'obligation très juste de ne jamais faire de paix particulière (art. 17).
L'obligation très noble de compenser, dans le cas de guerre occasionnée par la garantie, tous lès avantages et toutes les pertes (art. 18).
L'obligation très fraternelle de se communiquer, en paix comme en guerre, toutes les négociations et de s'entr'aider de tous les bons offices politiques (art. 16).
Les privilèges de naturalité, assûrés chez chaque nation aux individus de l'autre, et la participation entière et mutuelle à tous les mêmes avantages civils et commerciaux (art. 23 et 24).
La défense expresse, à tout membre d'une des deux nations, de rien entreprendre qui puisse troubler la bonne correspondance entre elles (art. 22).
La renonciation respective à la vanité de la préséance (art. 27).
Un article réglementaire (10) qui demande explication sur l'emploi des secours.
Un autre où l'intérêt des peuples est trop subordonné à celui des maisons (art. 20).
Deux articles (12 et 13) et un mot dans un troisième (16) dont on peut inférer, quoique leur énonciation ne soit pas formelle, que l'alliance embrasse les guerres offensives. Articles qui, par conséquent, sont nuls ; puisqu'aucune nation n'a le droit de faire une guerre offensive, et que l'on ne peut s'engager à ce qu'on n'a pas droit de faire.
Un préambule, un style, des formes qui ne conviennent plus à nos principes actuels, mais qui étaient ceux du temps, et qu'il est facile de corriger, d'après le progrès des lumières.
Or qu'est-ce qui constitue les traités? ne sont-ce pas les choses qu'ils contiennent, les stipulations qu'ils renferment, non les mots plus ou moins bien choisis pour les exprimer?
Quand on aura corrigé ces mots et ces forme peu convenables, quand les articles offensifs se
ront supprimés, ne restera-t-il pas tout un traité de vingt-et-un articles, raisonnable en soi, juste, sage, utile, avantageux, salutaire aux deux peuples, inviolable par conséquent ?
Si ce traité est inviolable aux yeux de la raison dans toutes ses dispositions défensives, pacificatrices, civiles et commerciales, qu'est-il aux yeux de l'honneur?
Il a été conclu, à la demande de la France, dans la cinquième année de la guerre la plus malheureuse que nous ayons jamais eue à soutenir; après que nous avions perdu presque tous nos matelots, partie par la piraterie des Anglais contre la foi des traités, partie depuis par les événements de cette guerre inégale r lorsque nos colonies étaient tombées entre les mains de l'ennemi, que nos armées de terre étaient battues, que nos finances se trouvaient épuisées sans ressource et sans espérance.
L'Espagne alors vint partager nos malheurs pour les diminuer et nous procurer la paix. Nos pertes étaient considérables et notre puissance affaiblie, ses domaines et sa puissance étaient dans leur entier, lorsqu'elle fit cette généreuse stipulation, que les avantages et les pertes seraient compensés entre les deux nations quand il faudrait finir la guerre.
Depuis ce temps, nous n'avons encore eu qu'une occasion dé reconnaître par un service réel un aussi grand service; ce fut lors de la contestation élevée relativement aux îles Falkland, où une négociation appuyée d'un armement respectable de notre part, une négociation telle qu'il convient à la France d'en faire pour ses alliés, eut l'efficacité qu'elle aura toujours en pareil cas et empêcha la guerre.
L'Espagne a été obligée à un plus grand effort; elle a fait sérieusement la guerre pour nous appuyer dans celle qui a eu lieu relativement à la liberté des Etats-Unis de l'Amérique ; pendant un moment elle nous a rendu maîtres de prendre Plimouth.
Et lorsque la faiblesse incroyable et honteuse de l'archevêque de Sens, a, contre notre plus évident intérêt, sacrifié trente vaisseaux de guerre, trente mille hommes de troupes, cent millions d'argent comptant, que l'habileté du précédent ministre avait mis à notre disposition, par le droit des bienfaits ; lorsqu'il a, contre nos engagements formels, contre toute bonne foi, contre les droits naturels de l'humanité, livré la Hollande à la despotique tyrannie de la Prusse, de l'Angleterre et du stathouder ; c'est encore l'Espagne qui, par un armement imposant, a prévenu la guerre dont l'Angleterre nous menaçait, et qu'appelaient sur nous l'impuissance et la lâcheté que montrait notre ministère.
Et nous nous croirions déliés de l'obligation de la défendre à notre tour, sous le seul prétexte ^ue le-traité que nous l'avons priée de conclure, qui a suspendu notre ruine dans la guerre de 1756, que deux fois depuis nous avons encore invoqué dans la guerre, et cent fois pour le commerce, est conçu dans un style qui ne nous convient plus, et renferme deux stipulations qui n'y sont pas essentielles, qui excèdent les droits des nations, et qui, par conséquent, ne peuvent avoir de valeur !
Nous avons Cru devoir mettre, sous la garde de l'honneur et de la loyauté française, les engagements pris par nos rois et par nos ministres envers pos créanciers, même usuraires, et pour contracter lea dettes qui ont fourni aux prodigalités dont ûoùè gémissons, Nous l'avons Fait d'après
un sentiment noble et juste, c'est qu'il n'y avait, lorsque ces dettes ont été contractées, aucune autre manière de stipuler avec la nation française, et que c'est sur la foi de l'estime qu'on lui portait, que les prêteurs ont livré leurs fonds. Mais y avait-il donc quelque autre manière de négocier et de contracter les traités politiques, que celle qui a été employée dans le Pacte de famille1?1 N'est-ce pas sur la foi du nom français qu'il a été conclu ? Et nous croirions pouvoir rompre entièrement ce traité, et toutes les stipulations louables qu'il renferme et qui sont très nombreuses, au lieu de nous borner à réformer les deux seules conventions qui ne soient pas raisonnables ! nous le romprions au lieu de le corriger 1 Personne ne s'y tromperait, chacun verrait que nous le romprions par la seule raison que le traité qui nous a trois fois été utile, nous paraîtrait aujourd'hui n'être pas sans péril.
Les représentants de la nation française se sauveraient à travers les nuages d'une "subtile philosophie, au moment du danger S Les Français seraient si peu représentés ! On nous ferait déroger à ce point à notre caractère national! Non.
Mais quelle que fut la lâcheté de cette conduite, l'imprudence serait plus grande. Nous ne pouvons manquer à notre traité avec l'Espagne, qu'en révélant le sentiment de terreur qu'on cherche à nous inspirer, sous le prétexte que nous croyons notre nation liée par aucun des traités défensifs et commerciaux qui ont été signés en son nom; que nous ne croyons pas qu'elle doive aux nations étrangères, considérées comme corps politiques, la même bonne foi qu'elle s'est honorée de montrer à ses créanciers, de toutes les nations, dont plusieurs ont fait avec elle des contrats moins égaux et moins loyaux, que ceux qui ont fixé les conditions réciproques de nos relations extérieures. Ainsi, ce n'est pas seulement envers l'Espagne qu'on nous propose de trahir nos plus légitimes engagements; on veut nous conduire à déclarer, par un même acte, à tous nos alliés, qu'ils auraient tort de compter en aucune façon sur nous et sur la probité française, du moins quant à nos conditions passées; que tous nos traités sont résiliés.
L'insidieux conseil que l'Angleterre a fait répandre parmi nous, d'abandonner tous nos alliés, pour que tous nos alliés nous abandonnent : cet étrange conseil, sur lequel l'apparence même du doute est déjà un grand mal, deviendrait notre loi I Si nous devons craindre nos ennemis jusque dans leurs présents (1) à combien plus farte raison dans leurs conseils? L'isolement effrayant dans lequel l'Angleterre a voulu nous précipiter, parce qu'elle en a naguère éprouvé Je malheur, serait décrété dans un seul mot.
Quand nous est-il donné ce conseil perfide ? Au moment où nous voyons la puissance qui cherche à nous priver de nos alliés se renforcer elle-même d'alliances et d'alliances offensives, que nos orateurs n'osent blâmer, qu'ils affectent de passer sous silence : au moment où sans guerre existante, au sujet d'une négociation, qui même, dit-on, laisse encore des espérances de paix, la Hollande a fait, avec une célérité sans exemple dans cette République, un armement considérable, et l'a mis en mer aux ordres de l'Angleterre.
Ainsi, tout ce qui se fait ou se ferait en Europe, contre nous et nos amis, Jes ligues évi-
dentes qui nous menacent aujourd'hui ne paraîtraient mériter aucune attention de notre part; et tout ce que nous voudrions faire, ou conserver pour nos alliés de propre à maintenir notre sûreté mutuelle, serait représenté comme incompatible avec noire Constitution.
Ceux qui diffèrent à ce point, dans l'application de leurs principes politiques, s'ils sont amis de notre Constitution, n en sont pas amis éclairés, ni logiciens; et certes, ils ne sont pas amis de notre sûreté extérieure, et de la conservation intégrale de notre Empire.
Ils disent, il est vrai, qu'en rompantnos traités, nous pourrons en conclure d'autres beaucoup plus raisonnables et qui seront plus solides, parce qu'ils seront complètement et uniquement nationaux. Mais voudraient ils que l'on fît un traité dans un jour? Ne conçoivent-ils pas que tout traité demande une discussion et une négociation préalables? N'est-ce pas même pour que cette discussion et cette négociation aient lieu de nouveau et à loisir, qu'ils désireraient que l'on commençât par rompre nos traités? Si notre sûreté, si celle que nous devons à nos alliés en échange, tiennent à nos conventions réciproquement défensives, ne voient-ils pas qu'un temps considérable s'écoulerait nécessairement, pendant lequel n'ayant plus notre ancienne garantie, n'ayant pas encore établi la nouvelle, nous serions dénués de toute sûreté politique; et ce temps suffirait peut-être pour que les puissances confédérées contre nous et qui paraissent l'être si intimement chez nous-mêmes avec les fauteurs de l'anarchie, parvinssent à nous rayer de la liste des nations?
Que dirait-on de ceux qui croiraient les systèmes de fortification de M. de Montalembert ou de M. de la Clos, supérieurs à celui de Vauban, et qui proposeraient, en conséquence, de faire sauter, en un jour, toutes nos places fortes pour les reconstruire à neuf et à loisir dans l'un ou dans l'autre système; qui nous conseilleraient de laisser nos frontières ouvertes en attendant?
% L'expérience montre que la passion, l'ambition, les intérêts particuliers, la démence peuvent hasarder ces sortes de conseils. Mais la raison et le patriotisme crient qu'il ne faut pas détruire l'édifice du salut public, avant d'en avoir construit un autre; que notre plus pressant besoin, quant à nos traités politiques, est de tranquilliser nps alliés qu'on alarme et de déclarer authenti-quement que, dignes de leur amitié et de leur estime, nous sommes sérieusement résolus de remplir, avec la plus sévère exactitude, nos engagements défensifs ; enfin que l'examen que nous réservons des autres conditions de nos traités, ne portera aucune atteinte à la parfaite et puissante garantie que nous avons promise aux nations qui garantissent elles-mêmes nos possessions et nos droits.
Tout ce que peuvent désirer les citoyens vraiment bons, qui veulent avec raison perfectionner toutes nos conventions politiques, et y porter à la fois la prudence, l'équité, la loyauté qui conviennent à une grande nation rentrée dans ses droits, est cette résolution, cette déclaration si nobles :
Toutes les dispositions défensives, prises par les traités faits au nom de la France, sont sacrées.
Toutes leurs dispositions offensives sont nulles.
Toutes leurs dispositions commerciales seront
examinées, mais subsisteront jusqu'au résultat de l'examen.
Observations sur la réclamation faite au roi d'Espagne, par son ambassadeur à la cour de France, M. le comte de Fernan-Nunez, et communiquée à l'Assemblée ni tionale, le 3 août 1790, par M. Le Couteulx de Canteleu, député de Rouen.
I
L'Assemblée nationale ne peut différer de donner la plus sérieuse attention à ses relations extérieures. Si dans tout ce qu'elle a fait pour la régénération de la France, il lui eût été si utile de bien distinguer les vrais amis de la patrie, il ne lui est pa^ moins important de bien connaître quelle est la nation qui est sincèrernent et essentiellement unie aux Français par la nature, ainsi que par ses intérêts réciproques. L'Assemblée nationale ^ déclaré que la nation française renonçait à toute espèce de conquête, et qu'elle n'emploierait jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. Cette déclaration, si honorable pour les représentants d'une nation qui, depuis tant de siècles, jouit d'une si grande prépondérance dans les intérêts politiques de l'Europe, peut contribuer à affermir l'équilibre établi depuis plusieurs années entre les puissances qui nous environnent; mais l'Assemblée nationale a paru en même temps se persuader que la nation française ne pourrait être entraînée dans une guerre que dans le cas des hostilités imminentes ou commencées, d'un allié à soutenir, d'un droit à conserver par la force des armes. Lorsque son comité diplomatique lui rendra compte des traités qui vont être soumis à son examen, elle reconnaîtra que ce ne sont plus les conquêtes ni les violences à mains armées qui divisent aujourd'hui les nations ; qu'au moment même où on entame les négociations de la paix entre deux puissances épuisées par la guerre, commencent des entreprises d'un autre genre qui sont de la plus grande conséquence, et dont les effets sont d'autant plus dangereux, qu'ils sont déguisés sous des paroles de paix, et par une prétendue réciprocité d'intérêts à laquelle la nation la plus fatiguée de la guerre ou la moins éclairée dans son administration, donne toujours une aveugle confiance. Ces entreprises sont celles qui s'exercent par des conventions commerciales, Il n'est pas sans exemple que, par le seul article d'un traité, une puissance ait anéanti une branche de comiperce et d'industrie de celle avec laquelle elle paraissait s'allier. La France en a fait une cruelle expérience ; mais ce n'est pas seulement daps les traités directs de là France, que ses intérêts peuvent être compromis : ils peuvent souffrir sensiblement dans un traité ou dans des conventions auxquelles elle n'aurait aucune part. On peut adroitement la supplanter dans les marchés étrangers, où les productions de son industrie obtenaient le débouché le plus
étendu et le plus utile. Sous ce point de vue, on sait combien notre alliance avec l'Espagne nous est précieuse. Ne nous dissimulons pas que l'Angleterre ne déploie ses forces maritimes que pour en affaiblir les liens, pour nous faire perdre les avantages que les liens du sang et l'amitié personnelle, qui unit les deux souverains, ont ajouté à ceux auxquels nous sommes appelés par la nature et notre position. G'est dans ce sentiment que je m'empresse de publier les observations suivantes. Je pourrais avoir la prétention de les produire à la tribune ; mais ce n'est point dans des questions d'une si haute importance, que je me hasarderai d'y monter. 11 est du devoir d'un bon citoyen de laisser,dans ces grandes occasion?, le champ libre aux orateurs, qui, par leurs talents et leur génie, peuvent donner à l'Assemblée les impressions et les mouvements les plus salutaires. Je me permettrai seulement un aveu, c'est que le comité diplomatique, qui ne compte parmi S£S membres aucun négociant, imite cependant I exemple des Anglais qui ne s'occupent essen tiellement d'un traité que sous les rapports qui peuvent être utiles à leur commerce, à leur industrie et à leur navigation et qui, par cette conduite encore plus qwe par le succès de leurs armes, se sont élevés depuis un demi-siècle au plus haut degré de prospérité, lorsque notre ancienne administration, même dans un traité de commerce, a dédaigné les lumières et les réclamations des négociants.
II
Tout annonce que la querelle qui vient de s'élever entre l'Espagne et l'Angleterre, minutieuse en apparence dans ses causes, est cependant profondément combinée pour devenir d'une grande conséquence dans ses résultats.
Sans examiner de quel côté sont les prétentions exagérées, ce qui serait prématuré pour le moment, parce que nous manquons de données suffisantes et qu'il faut que nous ayons acquis le droit de faire cet examen : je me bornerai à dire mon avis sur la manière dont nous devons accueillir la démarche de la cour de Madrid.
Nous sommes les alliés de l'Espagne ; quels qu'aient été, dans l'origine, les motifs qui on fait resserrer nos liens avec elle, le traité subsiste, et plusieurs fois déjà il a eu son application. On n'a pas oublié qu'en 1761, l'Espagne, malgré le besoin senfi qu'elle avait de la paix, s'associa à un désastre_ft partagea les douloureux sacrifices que nous imposa le traité de 1763. En 1779, après avoir épuisé tous les moyens de nous rapprocher de l'Angleterre, elle fit taire mille arrangements qui militaient contre le vœu des colonies américaines, pour n'obéir qu'à ses engagements. Ce n'est pas ici le lieu de discuter si ses secours ont eu pour nous toute l'efficacité que nous pouvions en attendre; il suffit de savoir qu'en cette occasion elle nous immola ses intérêts les plus chers; et, qu'après tout, elle fit au moins, aux forces navales de l'Angleterre, une diversion utile à notre cause. Enfin, nous l'avons vue, en 1787, au moment où les troubles de la Hollande nous menaçaient d'un nouvel orage, se mettre en mesure de remplir les devoirs d'une alliée fidèle.
Si la reconnaissance n'est absolument qu'un J vain nom pour les nations dans leurs relations, comme corps politique, couvenons, du moins, qu'une conduite aussi franche, aussi désintéres-
sée, nous commande la réciprocité, sous peine d'entacher l'époque de notre régénération. Mais ce n'est pas au tribunal du sentiment que je cite mes concitoyens, c'est à celui de la raison et de leur intérêt, bien entendu. J'aime ma patrie, j'aime la paix, tant dedans qu'au dehors, et c'est précisément à cause de cela que j'oserai parler de la guerre.
Le pacte de famille existe ; ne soyez pas effarouchés de ce mot, Messieurs; n'en concluez pas que la nation française soit vendue à de vains intérêts de famille, et que le moment est venu de la racheter; quelle affection personnelle pouvait-on supposer entre deux souverains qui ne s'étaient jamais vus? Dira-t-on qu'un attachement puéril à la gloire de leur nom ait été un des mobiles qui les ont rapprochés? Mais quelle alliance aurait pu poser depuis si longtemps sur d'au3si frêles fondements? La maison de Holstein occupe les trois trônes du Nord ; l'Europe sait si un parfait accord règne entre ses branches 1 Notre alliance avec l'Espagne est donc fondée sur des rapports plus durables que les relations du sang : elle repose sur la conviction de l'identité des intérêts des deux nations, et de la force imposante qui doit résulter de leur concert, non qu'elles veulent effrayer le reste de l'Europe pâr leurs vues ambitieuses. (Loin de nous désormais ces vues, aussi contraires à notre prospérité qu'aux principes sages qu'a consacrés l'Assemblée.) L'unique but de leur association ne peut être que de contenir l'ambition de leurs voisins, et offrir à l'Europe une masse redoutable, contre laquelle doivent se briser désormais les projets de conquêtes; les causes de fraternité sont durables; l'expérience a même, dans l'ancien système, prouvé leur solidité. Il n'est rien dans le nouvel ordre de choses qui puisse, je ne dis pas nous conseiller, mais même nous permettre de nous écarter de ces principes; sans doute, et j'aime à m'en flatter, lorsque notre régénération sera consolidée, lorsque la liberté aura ajouté à noire force, lorsque tous les genres d'industrie, tous les moyens de vivification encouragés par elle nous auront mis en pleine possession des avantages que nous promettent notre sol, notre climat, notre population, notre activité naturelle, sans doute alors les alliances pourront être moins utiles, quoique jamais superflues et capables, peut-être, de donner des lois à l'Europe ; nous l ornérons notre gloire à n'en recevoir de personne, si alors, dis-je, il pouvait nous être permis de nous isoler dans le monde politique, qui oserait dire aujourd'hui que nous sommes déjà assez puissants pour nous passer d'amis et pour provoquer impunément tous lês ressentiments ! La carrière est ouverte, mais nous n'y avons encore fait que quelques pas. Craignons qu'une présomption prématurée ne nous arrête au milieu de notre course glorieuse et n'éloigne de nous ce but vers lequel tendent nos généreux efforts.
Le traité de 1761, qui désormais ne sera plus un pacte de famille, mais un pacte de nations, ce traité nous offre deux sortes d'avanlages : les uns regardent notre commerce; nous en jouissons pendant la paix, nous en jouissons depuis nombre d'années. Ici, Messieurs, je ne pourrais vous faire connaître ces avantages et vous donner le développement de notre commerce avec l'Europe; mais la question qui vous occupe aujourd'hui, amènera naturellement la discussion sur le pacte de famille, et les conventions subséquentes, relativement à nos relations commerciales ; nous aurons alors, sous ce point de vue, quelques griefs
à énoncer contre l'Espagne; mais aujourd'hui il l qui semble vouloir abuser de notre position, en-me suffit de dire que, dans l'état actuel des choses, I couragée par ce premier succès, ne s'en tiendrait l'Espagne est encore pour la France un des dé- pas là ; aorès avoir divisé deux nations dont la bouchés les plus avantageux et le plus considé- 1 réunion fait la force, croyons qu'elle serait bien rable de ses manufactures ; qu'elle alimente notre tentée de les opprimer l'une après l'autre, et numéraire, que plusieurs villes en France, qu'un qu'elle n'attendrait pas, pour consommer ce chef-nombre intini de familles dans le royaume, que d'oeuvre de son ambition impérieuse, que nous des millions d'ouvriers, cette classe pbur laquelle nous fussions mis en état de la réprimer. Loin de vous devez avoir dans la circonstance actuelle moi ces haines nationales qui ont fait assez une si pressante sollicitude, doivent leur prospé- longtemps le malheur du monde, et que la phi-rité, leurs richesses et leur entretien à la consom- losophie moderne, l'application de nos principes mation annuelle que fait l'Espagne et ses colonies constitutionnels, le soin même de notre prospérité, des produits de notre industrie. doivent nous faire abjurer pour jamais. Mais en
Les autres se rapportent à notre défense exté- nous dépouillant de ces sentiments odieux, ne rieure, et deux fois, dans cet espace, de temps nous nous flattons pas de les étouffer de sitôt chez les les avons recueillis. Les uns sont réciproques autres ; et sans vouloir les réveiller dans aucune entre l'Espagne et la France, et, sous ce rapport, nation, conduisons-nous comme devant y être l'une n'a rien à reprocher à l'autre. exposés encore longtemps.
Mais observons qu'en vertu de ce traité que On m'objectera, sans doute, qu'il serait souve-j'invoque, nous en avons profité en deux circons- rainement imprudent d'épouser une querelle dont tances majeures, et qu'une seule fois, en 1770, nous ne connaissons pas la nature ; que l'Espagne lors de la querelle pour les îles de Falkland, nous sans être ambitieuse ni injuste, peut former des nous sommes trouvés dans le cas de faire, en prétentions exagérées, et que même au sein de faveurde l'Espagne, les démonstrations qui, à la la force et de la prospérité, ce serait le comble de vérité, ont eu leur effet, puisqu'elles ont concouru la déraison que de soutenir celles de son allié à opérer une conciliation, mais qui ne peuvent I le plus intime, sans les avoir examinées, sans être assimilées qu'aux pareilles démonstrations avoir employé l'ascendant de l'amitié et de la qui ont eu lieu en 1787, et nullement à ces se- raison, pour les renfermer dans des bornes rai-cours effectifs et très dispendieux que l'Espagne sonnables.
nous a prêtés en 1771 et 1778. Ne croyez pas que j'aie l'idée de combattre ces
Et lorsque cette puissance paraît menacée par principes, qui faisaient partie du code universel l'ambition inquiète de nos rivaux communs, et des nations avant que nous les eussions consignés qu'elle invoque à son tour notre assistance, sera- dans le nôtre. Non, sans doute, fùssions-nous au ce uniquement par un armement modique et par faîte de la puissance, eussions-nous déjà atteint l'intervention stérile des négociations que nous ac- ce but vers lequel nous tendons, nous ne devrions quitterons notre dette envers elle ? L'Europe re- pas nous précipiter aveuglément dans une guerre, connaîtrait-elle à cette marche ambiguë et im- sans être convaincus de la légitimité de ses mo-puissante, la nation généreuse et fière qui, malgré tifs. Il faut donc l'écarter, s'il est possible, ce l'embarras de ses finances, a signalé ses premiers fléau redoutable, et de nous et de nos alliés. Mais pas dans le chemin de la liberté, par la recon- quel accès pouvons-nous trouver auprès d'eux, naissance solennelle d'une dette publique, im- si nous ne les aidons que de nos conseils et de mense? Sera-ce à l'époque où les principes les nos exhortations? Quelle énergie peut avoir notre plus nobles et les plus saints prévalent parmi nous, intervention auprès de la puissance qui paraît que nous nous rendrons coupables d'inconsé- vouloir la braver, si nous ne nous présentons quence et deperfidie?Nous avons pris tous les cré- armés que de vœux et de menaces impuissantes? anciers de l'État sous notre sauvegarde, eh bien, Que nous reste-t-il donc à faire dans cette c'est à ce titre que l'Espagne se présente à nous; crise, l'une des plus pressantes où se soit jamais sera-t-elle seule exceptée de cetle fidélitéuniver- trouvée la France? Je n'hésite pas à le dire; il selle qui nous rend respectables à toute l'Europe? faut poursuivre nos armements maritimes et La dette qu'elle réclame est plus pressante encore confier au roi tous les moyens de leur donner et que toutes celles que nous avons sanctionnées et l'étendue et l'énergie propre à en imposer àl'An-n'est pas moins sacrée, c'est celle de l'honneur et gleterre.
de notre intérêt ; mais si elle les invoquaiten vain, L'embarras de nos finances, auquel une pareille ces titres, sur la validité desquels elle a dû résolution semble devoir mettre le comble, ne compter, n'en doutons pas, et ne nous dissimu- saurait être une objection valable. Une pusilla-lons pas les conséquences: nos liens avec elle mme économie n'écarterait pas le danger, il seraient rompus pour longtemps ; son juste res- l'éloignerait tout au plus pour quelque temps, et sentiment l'aveuglerait sur les suites fatales cet acte de faiblesse, cet aveu solennel de notre qu'aurait pour elle-même une pareille résolution ; impuissance en provoquerait bientôt un autre et lorsque la raison et l'expérience viendraient plus direct encore et plus redoutable ; jamais enfin l'éclairer, le mal serait peut-être sans re- épargne n'aurait été plus mal calculée. Nos dé-mède. crets sur les biens nationaux nous ont créé une
Je sens mieux que personne tout ce qu'une ressource abondante; leur produit, il est vrai, a guerre, dans les circonstances où nous sommes, déjà sa destination. Mais à quoi pouvons-nous aurait pour nous de pénible et de hasardeux : mieux en employer une portion, même considé-occupés à nous guérir d'une maladie presque rable, qu'à sauver notre honneur et la patrie? mortelle, nousparaissons peu propres à une lutte Déployons donc, s'il est nécessaire, toute3 nos pour laquelle nous n'aurions pas trop de toute la forces maritimes et toutes nos ressources pécu-vigueur de la santé. Oui, sans doute, il faut niaires, et disons à l'Espagne : elles sont pour l'éviter cette guerre, qui ajouterait encore à vous, si vos prétentions sont justes ; et à l'Aa-notre embarras; mais devons-nous l'éviter au gleterre, elles vont être employées contre vous, prix de l'honneur? Il y a plus, croyons-nous si vos réclamations ne sont pas fondées, l'éviter en abandonnant notre alliée dans la crise Cette audace, au sein d'une détresse que les où elle se trouve ? N'en doutons pas, la puissance [ ennemis du bien public se plaisent à exagérer ;
cette audace, croyez-moi, Messieurs, conjurera plus mûrement l'orage qui nous menace, que les timides conseils d'une fausse prudence. L'Angleterre osera-t-elle braver deux nations fortes par leur union? Ira-t-elle livrer aux hasards d'une guerre douteuse les avantages qu'elle tire du dernier traité de commerce; renoncer au plan de la restauration de ses finances, plus délabrées encore que les nôtres; accroître la masse de ses impôts, dont le fardeau paraît déjà si lourd à sa nation ?
Avec un pareil langage, avec de telles démonstrations , nous pourrons encore remplir avec honneur, et peut-être avec succès, le rôle d'arbitres et de médiateurs.
Mais si notre allié, abandonné par nous, est obligé de subir les lois impérieuses de l'Angleterre, qui osera répondre que le sacrifice de nos intérêts les plus chers ne sera pas le prix d'un accommodement qui s'opérerait sans notre concours?
Sa Majesté Britannique vient d'annoncer le vœu de conclure un accommodement à des conditions justes et honorables.L'E-pagne partage,sans doute, ce vœu de la raison et de l'humanité. Mais acquérons le droit de le présenter et de le faire valoir et osons croire qu'aussi longtemps il ne sera pas repoussé.
Je mets toutefois, Messieurs, les choses au pis ; je veux que l'Angleterre, malgré tant de raisons qui lui doivent, comme à nou6, faire désirer la paix, affronte les forces réunies des deux nations. Eh! Messieurs, c'est dans un moment comme celui-ci où tous les esprits sont enflammés par le développement que la nouvelle Constitution a donné aux talents de tous les individus, qu'une guerre, la première que la nation a entreprise, une guerre fondée, non sur l'esprit de conquête, mais uniquement sur le noble but de réprimer une ambition démesurée et des demandes insidieuses ; cette guerre, dis-je, ne peut manquer d'être courte, animée et glorieuse. Les guerres précédentes n'ont pas donné à la nation l'énergie ni la volonté de développer ses moyens. Ici chaque Français voudra concourir à une cause nationale, et on verra alors l'effet de la puissance do l'Empire français sur sa rivale. C'est par la ruine de son commerce, qui seul fait son existence, qu'on cherchera à l'humilier.
Je me résume: quelles que soient nos résolutions intérieures, le pacte de famille qui ne doit plus désormais être connu que sous le nom de pacte national, ce pacte subsiste encore ; nous en avons profité en trois occasions; notre allié l'invoque à son tour. Déjà, sans être provoqué, nous en avons rempli la première stipulation. Mais il en est une aussi qui exige le déploiement de toutes nos forces, quand nous en sommes requis; c'est elle que l'Espagne réclame en ce moment. Tromperons-nous ses justes espérances? Perdrons-nous le fruit de notre généreuse démarche et les dépenses d'un premier armement? La nation, en l'approuvant, a pris tacitement l'engagement de lui donner toute l'étendue qu'exigeraient les circonstances.
Si telles n'étaient pas nos dispositions, Messieurs, il ne nous resterait plus qu'un parti à prendre, ce serait de dire à l'Espagne : Nous vous abandonnons, cequiseraitdireà l'Angleterre en d'autres termes : nous nous livrons à vous; donnez le signal de notre perte, et prononcez l'arrêt de notre honte.
Mais non , nous n'obéirons pas aux calculs d'une fausse économie, ni aux conseils d'une lâche prudence. C'est dans notre généreuse con-
duite, dans notre loyauté, dans nos intérêts bien entendus, que nous puiserons nos résolutions.
Lettres de m. Alexandre de Lameth. (Extrait du Moniteur.)
Réponse à une lettre des bas-officiers de la garnison de Lille, le.....mars 1790.
J'ai reçu, mes camarades, la lettre obligeante que vous m'avez fait l'amitié de m'écrire; je vous dois des remercîmenls pour les témoignages de bienveillance que vous m'accordez, et auxquels je n'avais droit que par zèle, puisque je n'ai fait que remplir un devoir et de citoyen et de militaire, en faisant valoir dans l'Assemblée nationale les droits et les intérêts de l'armée; votre causé, mes camarades, a été facile à plaider devant les représentants de la nation, qui rendent à votre patriotisme toute la justice qui lui est due, et qui sentent combien l'équité exige que le sort des militaires devienne aussi avantageux que leurs services sont utiles et leur profession honorable. L'Assemblée nationale a regardé comme un des droits du roi, celui de prononcer sur l'organisation intérieure de l'armée. C'est donc de Sa Majesté que les bas-officiers tiendront une partie des avantagesqui résulteront nécessairement pour eux de la nouvelle formation, et que leur assurent, d'une manière particulière, les intentions paternelles du roi; quant aux objets qui sont restés de la compétence de l'Assemblée nationale, les bas-officiers peuvent attendre d'elle avec toute confiance la justice et l'intérêt que méritent, à tant d'égards, et l'activité de leur zèle et l'importance de leurs services.
Recevez de nouveau, mes camarades, tous mes remerciments et l'assurance des sentiments d'attachement et que je vous ai voués, et dont je serai heureux de vous donner des preuves dans toutes les occasions.
Signé : Alexandre de Lameth.
Réponse -aux régiments de Beauce et de Normandie.
Paris, ce
J'ai reçu, mes camarades, la lettre obligeante que vous m'avez fait l'amitié de m'écrire, et les exemplaires de votre pacte fédératif; c'est avec un plaisir extrême que j'ai vu les sentiments qui vous animent; Votre respect pour la Constitution et votre attachement pour le roi doivent faire votre bonheur en assurant celui de la nation. Continuez, mes camarades ; réunissez le respect pour la discipline à l'amour de la liberté, et vous aurez bien mérité de votre patrie, et vous aurez des droits à la reconnaissance de vos concitoyens.
Quant aux témoignages de bienveillance que vous me donnez pour la manière dont j'ai défendu vos intérêts, je n'y ai droit, je vous assure, que par mon zèle, tant l'Assemblée natio?
nale était disposée à traiter favorablement les militaires dont les services sont aussi importants qu'ils sont honorables : déjà elle s'est occupée d'améliorer leur sort, et sa sollicitude ne se bornera pas à cet acte de justice ; dans toutes les occasions qui se présenteront, vous trouverez en moi, mes camarades, un ardent défenseur des intérêts de l'armée.
Recevez l'assurance des sentiments, etc., etc.
Signé: Alexandre de Lameth.
Réponse à MM. les adjudants de l'armée.
Paris, ce
J'ai reçu, mes camarades, la lettre que vous m'avez fait l'amitié de m'écrire et le mémoire qui y était joint. Je vous dois des remercîments pour les témoignages de bienveillance qu'elle renferme, et auxquels je n'avais droit que par mou zèle pour vos intérêts ; quant aux demandes consignées dans votre mémoire, je ne doute pas qu'elles ne soient prises en considération, et que vos importants services ne soient appréciés et récompensés, ainsi qu'ils le méritent; l'Assemblée nationale et le roi, en ce qui les concerne respectivement, ne désirent que ce qui peut faire le bonheur de tous les individus qui composent l'armée, et j'espère que la nouvelle Constitution les fera parvenir à ce but.
Quant à moi, mes camarades, vous pouvez être sûrs que je ferai, soit au comité militaire, soit dans l Assemblée nationale, tout ce que réclamera votre cause, et que vous ne trouverez jamais un plus ardent défenseur de vos intérêts et de tous ceux de l'armée.
Recevez, mes camarades, l'assurance des sentiments d'estime et de considération, avec lesquels j'ai l'honneur d'être votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : Alexandre de lameth.
Réponse au régiment de Strasbourg, artillerie,
Paris, ce 4 juin.
Vous devez être instruits, mes camarades, par une lettre de M. le Président de l'Assemblée nationale, que votre adresse y a été reçue avec toute la satisfaction qu'elle devait obtenir; c'est plus pour m'acquitter de la commission que vous m'aviez donnée, qu'en croyant qu'elle eût besoin d'être appuyée, que j'ai pris ia parole; aussi est-ce moi qui vous dois des remercîments pour la préférence que votre confiance m'a donnée. Continuez, mes camarades, à unir le respect pour la discipline èl l'amour de la liberté; signalez, dans toutes les occasions, votre attachement à la Constitution et au roi, et vous aurez bien mérité de vos concitoyens.
Recevez, mes camarades, l'assurance des sentiments de l'attachement que je vous ai voué et dont je serai heureux de vous donner des preuves dans toutes les occasions.
Signé : Alexandre de Lameth.
Copie du libelle dénoncé à la même séance par un membre de l'Assemblée, intitulé : Lettre écrite par M. Al... de L... th à ses correspondants, dans les différentes garnisons du royaume, et trouvée parmi les indices recueillis à Perpignan par M. le V,.. de M... sur les auteurs de Vinsurrection du régiment de T.., avec cette épigraphe ;
Soldats I voici la main qui mettait Rome en cendres.
(Catitina, act. iv.)
Paris, ce
Plusieurs de nos corresponiants, mon cher...., m'ont mandé que leurs fonds com nençaient à s'épuiser, et en dernier lieu, à Perpignan, notre ami... m'a instruit qu'il ne s'en était pas trouvé assez pour achever l'insurrection du régiment de T..., et qu'il a été obligé d'emprunter à un intérêt considérable. Il est de mon devoir de vous rassurer tous sur cet objet. Vous devez me connaître; je n'entreprends rien avec légèreté, et mes moyens sont toujours calculés. Avant d'avoir été instruit par aucun de vous, je savais l'époque à laquelle vos fonds devaient être renouvelés, et j'avais tout prévu. En conséquence, je vous apprends que je viens derecevoir d'Angleterre plus de trois millions et que le duc d'O..., qui arrive pour la fédération du mois prochain, m'apporte encore à peu près pareille somme. N'allez pas perdre votre temps à chercher les causes de la fertilité de ces ressources: vous savez les amis qu'il a à la cour d'Angleterre et vous connaissez l'intérét que ce peuple prend à la situation politique de la France... Il est inutile de m'expliquer davantage. Je vous préviens donc qu'à commencer du 15 de ce mois, vous pouvez tirer à vue pour tout l'argent qui vous sera nécessaire, à la concurrence 200,000 livres, sur M. de La B..., rue d'Artois, à Paris; vous pouvez aussi donner des traites sur Londres, jusqu'au 1er juillet prochain, si vous trouvez des occasions où cela puisse vous arranger, et M... est chargé par M. le prince de G... de les recevoir.
Ces bases importantes posées, il convient de vous donner quelques aperçus sur la marche que nous avons à suivre dans ce moment; vos succès, il est vrai, ont passé notre espoir; la licence a atteint l'armée qui s'avance rapidement vers sa décadence. Nous avons beaucoup fait sans doute; cependant il nous reste beaucoup à effectuer; et nous ne recueillerons jamais le fruit de nos travaux, si la constitution militaire vient à paraître avant la dissolution totale de l'armée. Déjà, l'Assemblée nationale a reçu des réclamations; déjà, vous le savez, mon frère a été obligé de repousser deux décrets qu'on proposait en faveur delà discipline : l'ordre est peut-être sur le point de se rétablir; tout serait fini pour nous ; nos efforts ont été prodigieux, il faut les redoubler.
Jusqu'à present vous ne vous êtes attachés qu'aux soldats, et vous avez cru qu'il suffisait d'égarer le plus grand nombre, pour consommer la perte des troupes; je n'approuve point cette manière de voir. Tant que le corps des bas-officiers ne sera point ébranlé, nous ne pouvons nous flatter de rien : c'est dans ce corps, dont la composition est excellente, que réside la principale force de l'armée; c'est contre lui que vous devez diriger aujourd'hui toutes vos attaques; si une fois il est corrompu, le soldat n'a plus b 'soin de l'être, et l'édifice militaire, en s'écroulant, assurera l'élévation de l'homme à qui nous nous sommes dévoués, et qui sait récompenser aussi bien que nous savons servir.
En voyant tous les avantages de cette entreprise, je ne me dissimule point ses difficultés : dan-! une cl-isse d'hommes choisis comme celle des bas-officiers, dont la plupart, blanchis sous leurs drapeaux, ne connaissent que les vieux préjugés de l'honneur militaire, il est peut-être moins facile d'éveiller la cupidité que l'ambition : il faut donc remuer ces deux passions à la fois. Versez de l'or sur ceux que l'or pourra éblouir, mais si
ce moyen puissant manque son effet, alors montrez-vous à leurs yeux comme le dispensateur des grades et de toutes les faveurs militaires; offrez-leur le rang de leurs officiers; engagez-les à s'y porter d'eux-mêmes et à s'élire entre eux, en les assurant que nous les y maintiendrons : vous pouvez même leur nommer le prince, et
leur donner sa parole. Le Y. de N..... a dû vous
écrire déjà sur cet objet, et vous pourrez vous en rapporter à ce qu'il vous mande.
Mais, me direz-vous, un pareil ordre de choses ne peut avoir lieu : comment faire acceptera des hommes qui jouissent d'un état honorable dans leurs classes, d'un état fondé sur leurs devoirs, et dont les fonctions ne leur laissent aucun remords; comment, direz-vous, leur faire accepter un état qui naîtrait du bouleversement total de la discipline, et qu'il serait d'ailleurs impossible de leur conserver ? Je sais toutes les objections que l'on peut faire à cet égard ; mais pensez-vous qu'ils y réfléchissent comme nous, qui sommes obligés de tout prévoir? Pensez-vous que quand vous leur peindrez les avantages de la position brillante que vous leur offrez, en écartant avec adresse toutes les réflexions sur Ïps suites qu'elle peut entraîner ; quand vous les ferez paraître les égaux de leur capitaine, de leur colonel, de leur général, ils puissent résister à l'idée attrayante de franchir l'intervalle qui les en sépare? Ce coup décisif étant frappé, la ruine de l'armée est consommée, et alors que nous importent les instruments dontnousnous serons servis? Il nous est fort indifférent que l'ordre des choses que nous aurons établi pour un moment à leur égard persiste ou se détruise.
L'artillerie surtout doit être l'objet de vos attentions; c'est dans ce corps que la classe d'officiers, connus sous le nom d'officiers de fortune, est plus généralement répandue; cette classe, tirée de celle des bas-officiers, ne fait qu'une avec elle, et les hommes qui la composent sont d'autant plus aisés à se laisser séduire par l'ambition, qu'ils en ont déjà franchi les premiers échelons.
M. de la F..., depuis quelque temps, nous donne beaucoup d'embarras; il a vu que notre parti gagnait prodigieusement, et il a spnti la nécessité de s'appuyer sur l'armée, où il travaille autant à remetire l'ordre que nous à le détruire. Chose étonnante 1 malgré tous nos efforts, les municipalités des grandes garnisons et la plupart des gardes nationales le secondent aujourd'hui, et un des principaux chefs militaires paraît agir de concert avec lui, et s'y être réuni entièrement.
Mais si vous ne vous découragez pas, si vous agissez toujours avec la même ardeur que vous avez témoignée, nous maîtriserons encore tous les obstacles : vous savez que je ne me les suis jamais dissimulés; vous savez aussi que je vous ai prédit des succès auxquels vous n'auriez osé croire il y a un an, et que mon attente n'a pas été trompée. Achevez votre ouvrage, mon cher..., le moment décisif est arrivé; l'époque de la confédération approche : j'ai fait retarder la constitution militaire jusqu'à cette époque, je la retarderai encore, s'il le faut; mais si nous perdons du temps, nous nous sommes perdus nous-mêmes, et tout le fruit de nos soins nous est enlevé. Vous travaillez pour un prince dont la générosité a souvent été indignement calomniée; mais vous avez éprouvé par vous-même qu'il ne met pas de bornes à sa reconnaissance, quand on o su la mériter. Il arrive le mois prochain; qu'il trouve vos travaux avancés ; comptez sur lui : vous savez ce que je vous ai dit, je le répète encore, il
n'a jamais varié dans ses promesses, il les tiendra, j'ensuis garant; mais il faut lui donner les moyens de les effectuer : il les attend de vous.
Séance du
ouvre la séance à 9 heures précises du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 3 août au matin. Il est adopté.
annonce qu'il a présenté à la sanction du roi les décrets suivants :
« Décret qui fixe définitivement à Arras le chef-lieu du département du Pas-de-Calais.
« Décret qui ordonne l'inventaire, par le directoire du district de Strasbourg, des meubles et effets, titres et papiers de l'évêché du grand chapitre de ladite ville ; enjoint au cardinal de Ro-han de revenir, sous quinze jours, reprendre sa place dans l'Assemblée, et rendre compte de sa conduite, s'il y a lieu.
« Décret qui réunit à la municipalité de la Chapelle la partie du faubourg Saint-Denis, connue sous le nom du faubourg de Gloire.
« Décret sur les pensions, gratifications et autres récompenses nationales.
« Décret qui annulle la nomination du sieur Lemaître aux fonctions de maire de la ville de Loudun, et lui défend d'en prendre le titre et d'en faire les fonctions; et ordonue qu'il sera procédé à une nouvelle nomination.
« Décret portant qu'il sera ordonné aux tribunaux du royaume, et particulièrement dans le département du Loiret, de punir avec sévérité ceux qui s'opposent au payement des dîmes de cette année, des droits et champarts non supprimés, et aux municipalités de détruire toutes les marques extérieures d'insurrrection et de sédition.
ajoute : le roi m'a répondu qu'il prendrait ces objets en considération.
demande la parole pour faire un rapport très court, au nom du comité de vérification, sur la députation de Tartas.
, rapporteur. Les sièges de Dax, Saint-Sever, Mont-de-Marsan et Tartas composent le
département des Landes. Lors de la formation de l'Assemblée nationale, Dax, Saint-Sever et
Bayonne nommèrent quatre députés et un suppléant; Tartas nomma seulement quatre députés, dont
un est mort. Aujourd'hui M. Laffitte, suppléant cle Dax, Saint-Sever et Bayonne, demande à
être reçu à la place du décédé." Le motif qu'il allègue est pris de ce qu'il se trouve
suppléant du département des Landes, dans lequel Tartas est entré par la nouvelle formation
et division de la France. Le comité a pensé qu'il devait faire
(L'Assemblée décide que M. Laffitte ne sera pas admis.)
donne lecture du bulletin de la santé du roi, ainsi conçu :
« Saint-Cloud, ce
« Le roi s'étaut très bien trouvé hier toute la journée et ayant très bien passé la nuit, Sa Majesté a pris ce matin une première médecine. Il n'y aura plus de bulletin.
« Signé : Le Monnier, Vic-d'Azir, Laservolle. »
(L'Assemblée témoigne sa joie par des applaudissements.)
, rapporteur du comité des finances, propose d'autoriser les officiers municipaux de la ville de Montmédy à emprunter une somme de 12,000 livres.
La proposition est mise aux voix et décrétée dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport du comité des finances, autorise les officiers municipaux de la ville de Montmédy à emprunter la somme de 12,000 livres, à l'effet d'acquitter celles énoncées dans la délibération prise en conseil général, du 25 avril dernier, conformément aux différentes ordonnances rendues par l'ancien intendant de Metz, à charge de rembourser ladite somme sur les coupes de leurs bois communaux qui devaient avoir lieu les années 1788, 1789 et 1790, lorsqu'ils auront obtenu la permission de faire lesdites coupes, et, au surplus, à charge de rendre compte. »
fait un second rapport relatif au refus des cabaretiers, aubergistes, bouchers et autres contribuables de Noyon, Ham, Chauny et paroisses circonvoisines, de payer les droits dont la perception a été continuée.
Je dénonce comme inconstitutionnel le moyen qu'emploieen ce moment le pouvoir exécutif pour parvenir à la perception des impôts; c'est de donner à des particuliers la commission de parcourir les départements pour veiller aux recouvrements, avec la faculté de requérir les troupes de lignes et gardes nationales s'ils en ont besoin. (Il lit une commission de cette espèce, datée du 18 juillet, et donnée à un commissaire des guerres.)
Le gouvernement a prévenu le comité des finances de ses mesures afin d'en obtenir une espèce d'adhésion. Nous avons pensé qu'il agissait dans la limite de ses attributions, mais nous nous sommes bien gardés de donner aucun avis en cette affaire, de peur que les commissaires n'excédassent leur mission.
Il est bien singulier que le comité nous donne une semblable raison. La question est de savoir si les commissions sont légitimes, ce qui est indépendant de la manière dont ies commissaires se conduiront. Je demande le renvoi au comité de Constitution.
(Le renvoi est prononcé.)
Le projet de décret du comité des finances est ensuite adopté en ces termes :
« Sur le rapport fait à l'Assemblée nationale des refus, et même de la coalition des cabaretiers, aubergistes, bouchers et autres contribuables de la ville de Noyon, Ham, Chauny et paroisses circonvoisines, à l'effet de ne point payer ies droits dont la perception avait été continuée, refus constaté par la proclamation faite à ce sujet de l'autorité des. officiers municipaux le 21 juin, par les procès-verbaux des 1er et 2 juillet, l'Assemblée nationale ordonne, conformément à ses précédents décrets, que les octrois de la ville continueront d'être perçus tels et de la même manière qu'ils l'étaient en l'année dernière, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné ; enjoint spécialement aux bouchers, cabaretiers et autres, d'acquitter les droits dont il s'agit, même pour les arriérés, à peine d'être poursuivis, non seulement comme contribuables, mais encore comme réfractaires aux décrets de l'Assemblée nationale.
« Déclare le présent décret commun à tous les lieux où il se trouve des octrois établis. »
Le comité de Constitution et le comité des finances devaient présenter un projet de décret pour l'institution des trésoriers de districts, je ne sais pourquoi cet objet est retardé, il est cependant très urgent. On a déjà dénoncé de grands abus au comité des finances : les perceptions ne se font pas, la négligence des receveurs généraux et particulieis est telle, que de riches particuliers de ma connaissance sont en arrière de trois années, pour Je payement de leurs impositions; quand ils se sont présentés pour les acquitter, on leur a dit qu'i£ n'y avait rien de pressé. Il ne faut passe dissimuler que les personnes employées dans l'ancien régime veulent faire manquer la Constitution. Je demande donc qu'il soit incessamment présenté un projet de décret, par lequel les districts seront autorisés à nommer un trésorier chargé de la perception de toutes les impositions.
Les décrets rendus sur l'organisation des corps administratifs renferment des dispositions en vertu desquelles les districts doivent nommer des trésoriers. Le mode, de cette nomination et des fonctions de ces officiers étant contenu dans les instructions à envoyer à ces corps, et ces instructions devant être imprimées et distribuées demain, l'objet de la proposition de M. Martineau est rempli.
Ce serait revenir sur vos décrets que d'adopter la proposition de M. Martineau, car vous avez décrété que le mode des impôts et la comptabilité resteront encore pour cette année sur l'ancien pied. Vous devez avoir confiance dans les administrateurs actuels. Je demande donc l'ordre du jour et surtout la continuation de l'ordre judiciaire ; car si nous divergeons continuellement de matière en matière, comme nous le faisons depuis six semaines, il est impossible que nous puissions jamais obtenir de l'ensemble dans notre travail.
t met celte motion aux voix : elle est adoptée à l'unanimité.
, député de Charolles, demande un congé de six semaines pour affaires de famille importantes.
Le congé est accordé.
demande à faire un rapport sur la monuaie de billon, ou petite monnaie.
Ge rapport est ajourné.
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation judiciaire. Titre IV: des aels.
, rapporteur. Messieurs, dans votre séance du 3 août, vous avez adopté les articles 3 à 13 du titre IV. Ces articles règlent le mouvement par lequel les causes d'appel seront portées d'un tribunal de district à un autre. Il s'agit maintenant de revenir à l'article 8, titre IV du nouveau projet d'organisation judiciaire (1) pour déterminer les délaid d'appel.
Tout le monde sait que le sang bouillonne dans les veines de celui qui a perdu son procès. On sait aussi que les avocats cherchent à rejeter sur fimpéritie des juges la perte d'une cause qu'ils ont mal défendue, alors le plaideur veut appeler. Nous avons donc cru qu'il était important de lui rappeler, à chaque pas, combien lui était funeste cette faculté.
L'ancien article 8 que votre comité propose deviendrait le 14 du décret. Il est ainsi conçu:
« Aucun appel ne pourra être signifié ni avant le délai de huitaine, à dater du jour du jugement, ni après l'expiration du mois, a dater au jour de la signification du jugement: ces deux termes sont de rigueur, et leur inobservation emportera la déchéance de l'appel ; en conséquence, l'exécution des jugements, qui ne sont pas exécutoires, par provision, demeurera suspendue pendant le délai de huitaine. »
J.e fats observer que la substance de cet article appartient à M. l'abbé Sieyès.
Cet article me paraît injuste. Les personnes qui seront à l'extrémité du royaume pourront bien ne pas connaître les jugements rendus contre elles, que sera-ce pour les personnes qui en seront sorties? Que sera-ce, quand cet éloignementaura pour motif un service public?
Je demande qu'on ajoute après ces mots : de la signification du jugement, ceux-ci : faite à personne ou à domicile.
L'ordonnauee de 1667 a fixé ît trois ans ie terme définitif de l'appel ; mais l'expérience a prouvé qu'il était injuste de fixer les limites à ceux qui veulent .se pourvoir, par la voie de l'appel, contre des jugements rendus.
Je demande que te terme fixé par te comité ne soit adopté que pour ceux qui nabiteront le même département; que l'on accorde un délai de trois mois pour ceux qui, quoique absents de leur département, se trouveront dans le royaume, et qu'on prenne des précautions pour ceux qui habiteront les colonies.
Il y a le plus grand danger à fixer une epoque pour in ter jeter aj-pel; il faùi garantir ceux qui ont perdu leur procès de la terrible pratique de souffler les significations du jugement. Je demande que l'afticle soit rejeté.
appuie la proposition de M. Martineau.
L'afticle a un aperçu défavorable, car ii diminue les appels,, et surtout les mauvais; mus aussi il a un jour très favorable, et Cest encore la diminution des appels. Les ordonnances et Ja jurisprudence ont dooné de là latitude aux appels ; mais c'est que l'une et l'autre ont été faites par des magistrats de cour souveraine, ou inspirées par des suggestions ministérielles. 11 est juste que le citoyen, qui se trouve lésé par un jugement, puisse en appeler ; mais il ne faut pas pour cela ouvrir Ja porte aux abus : l'article est fait pour les jugements contradictoires ; il ne contient pas cette expression, parce qu'il est de moi, et qu'en Normandie ces jugements n'ont pas lieu. Afin de concilier toutes les opinions, je crois qu'on peut porter le délai à deux ou à trois mois.
La priorité est accordée au délai de trbls mois ; l'article est ainsi décrété ;
Art. 14. « Aucun appel d'un jugement contradictoire ne pourra être signifié ni avant le délai ae huitaine, à dater du jour du jugement, ni après l'expiration de trois mois, à dater du jdur de la signification du jugement: ces deux termes sont de rigueur, et leur inobservation emportera la déchéance de l'appel ; en conséquence, l'exécution des jugements, qui ne sont pas exécutoires par provision, demeurera suspendue pendant le délai de huitaine. »
L'ancien article 9 de notre pro* jet, qui deviendrait le 15e du décret, trouve ici sa place. Personne n'ignore que la source des mauvais jugements est presque toujours dans le vice de lenr rédaction. Les juges, n'étant pas obligés d'exprimer le vrai motif de la décision, ne s'attachent point fr le découvrir. De là cette continuelle confusion du droit et du fait. L'article suivant a pour but de remédier à cet inconvénient» Il est ainsi conçu : -
« La rédaction des jugements, tant sur l'appel qu'en première, instance, contiendra quatre parties distinctes.
« Dans la première, les noms et qualités des parties seront énoncés;
« Dans la seconde, les questions de fait et de droit, qui constituent le procès, seront posées avec précision ;
« Dans la troisième, le résultat des faits reconnus ou constatés par l'instruction sera exprimé ; et le texte de la loi, qui aura déterminé ie jugement, sera copié ;
« La quatrième, enfin, contiendra le dispositif du jugement. »
Nous n'avons pas de loi assez précise pour assujettir, dans un jugement, le juge à copier le texte d'une loi. Je demande que l'on dise simplement : et les motifs qui auront déterminé le jugement seront exprimés.
L'article est adopté, avec cet amendement, ainsi qu'il suit :
Art. 15. « La rédaction des jugements, tant sur l'appel qu'en première instance, contiendra quatre parties distii-ctes.
« Dans ia première, les noms et qualités des parties seront euoocés ;
« Dans la seconde, les questions de fait et de droit, qui constituent le procès, seront posées avec précision.
« Daus ia troisième, le résultat des faits reconnus ou constatés par l'instruction, et les motifs
qui «urout déterminé le jugement, seront exprimés,
« La quatrième, enfin, contiendra le dispositif du jugement. »
Nous allons entrer dans la discussion du titre V, intitulé : De la forme des élections. Trois questions se présentent d'abord : l'ies juges seront-ils nommés en chaque district par les électeurs du district, ou seront-ils nommés par les électeurs de tous les districts du département réunis? 2° Les électeurs procéderont-ils seuls aux élections, ou pourront-ils s'adjoindre ar élections six administrateurs et six gens de oi ? 3° Les électeurs, qui auront été nommés administrateurs, pourront-ils, en cette première qualité, participer i l'élection des juges ? La nomination faite par tous leB électeurs du département, présente cet avantage, que les justiciables ne seront jamais jugés que par des juges nommés par eux ; l'intrigue et la cabale ne présideront jamais à des élections faites par ia totalité des électeurs du département. On ne peut pas m'op-poser la difficulté de réunir les électeurs, ni la dépense que ce rassemblement pourrait Occasionner, puisque les élections n'auront lieu que tons les six ans ; je demande qu'on discute la première des trois questions que j'ai soumises.
(de Saint-Jean-d' Angely). Les élections seront nécessairement mieux faites par les seuls électeurs du district. Il est impos-eible que, dans un département, tous les citoyens se connaissent, el il arriverait qu'on serait obligé de donner sa voix à des gens dont on ne connaîtrait à peine les noms, mais qui seraient désignés partelle ou telle personne de sa connaissance: un autre inconvénient est celui de faire attendre les électeurs dans le chef-lieu de département, jusqu'au moment où les citoyens appelés à la redoutable fonction de juger leurs semblables, auraient envoyé leur acceptation ; je demande, en conséquence, que l'Assemblée décrète que les juges de chaque district seront nommés par les électeurs de chaque département.
met successivement aux voix les trois questions posées par le rapporteur du comité de Constitution.
Première question. Les juges de district seront-ils élus par les électeurs du district, ou par les électeurs du département?
(L'Assemblée décide que les juges de district seront élus par les électeurs de district.)
Voici la seconde question : Adjoindra-t-on six hommes de loi aux électeurs ?
(Cette seconde question est écartée par ia question préalable.)
Nous passons à la troisième question: Les électeurs, devenus administrateurs, resteront-ils électeurs ?
(L'Assemblée décide que les électeurs, devenus administrateurs,pourront, en leur qualité d'électeurs, concourir à l'élection des juges.)
, rapporteur. Messieurs, nous arrivons maintenant au titre v du nouveau projet Bur l'ordre judiciaire, intitulé: de la forme des élections. Ce titre se composait de cinq articles mais comme les articles i et t concernaient le mode d'élection des juges d'appel, ils tombent naturellement et il ne reste à délibérer que Bur
les aritcles 1, 4 et 5. Pour mettre les dispositions qu'ils reufermént en concordance avec les décrets que vous venez de rendre, voici les articles nouveaux que nous vous proposons:
Art. 1er « Pour procéder à la nomination des juges du district,
les électeurs du district, convoqués par le procureur-syndic, se réuniront au jour et au lieu
qui auront été indiqués par la convocation ; et après avoir formé l'assemblée électorale dans
les formes prescrites par l'article de la première section du décret du 22 décembre dernier,
ils éliront tes juges au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages. »
Art. 2. « Les électeurs de tous les districts convoqués par les procureurs-syndics se réuniront au jour et au lieu qui auront été fixés par le directoire de département, et indiqués par la convocation des procureurs-syndics, et éliront tous ensemble cinq juges par chacun des districts du département. »
Art. 3. « Lorsqu'il s'agira de renouveler les juges après te terme de six ans, les électeurs seront convoqués quatre mois avant l'expiration de la sixième année ; de manière que toutes les élections puissent être faites, et les procès-verbaux présentés au roi deux mois avant la tin de cette sixième année. »
Art. 4. « Si, par quelque événement quecé puisse être, le renouvellement des juges d'un tribunal se trouvait retardé au delà des six ans, les juges en exercice seront tenus de continuer leurs fonctions jusqu'à ce que leurs successeurs puissent entrer en activité. *
(Ges articles sont mis aux voix et adoptés.)
, président, quitte la présidence pour se retirer par devers le roi.
, ex-président, occupe le fauteuil.
, rapporteur, donne lecture des articles du titre VI qui sont adoptés, sans discussion, ainsi qu'il suit :
TITRE VU De Vinstallation des juges.
Art. 1er. « Lorsque les juges élus auront reçu les lettres
patentes du roi, ils seront installés en la forme suivante.
Art. 2. « Les membres du conseil général de la commune du lieu où le tribunal sera établi, se rendront en la salle d'audience, et y occuperont le siège.
Art. 3. « Les juges introduits dans l'intérieur du parquet prêteront à ia nation et au roi, devant les membres du conseil général dé la commune, pour ce délégués par la Constitution, et en présence de la commune assistante, le serment de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution du royaume, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de remplir, avec exactitude et impartialité, les fonctions de leurs offices.
Art. 4. « Après ce serment prêté, les membres du conseil général de la commune, descendus dans le parquet, installeront les juges^ et au nom du peuple prononceront pour lui l'engagement de porter au tribunal et à ses jugements le respect et l'obéissance que tout citoyen doit à la loi et à ses organes. Art. 5. « Les officiers du ministère ptfblic se-
roui reçus, et prêteront serment devant les juges, avant d'être admis à l'exercice de leurs fonctions.
Art. 6. Additionnel. « Les juges de paix seront tenus, avant de commencer leurs fonctions, de prêter le même serment que les juges de district, devant le conseil général de la commune, et en présence de la commune assistante du lieu de son domicile. »
M. Thouret, rapporteur, a la parole pour développer les principes qui ont dirigé le comité de Constitution dans la rédaction des articles du titre VII, intitulé : DU MINISTÈRE PUBLIC. .
(Un profond silence s'établit.)
, rapporteur (1). Messieurs, depuis que vous avez décrété, d'une part, que c'est au peuple de nommer les juges, et qu'ils doivent être temporaires ; et, d'autre part, que c'est au roi de nommer les officiers du ministère public, et qu'ils doivent être à vie, le comité s'est vu forcé à méditer plus attentivement sur la constitution particulière qu'il convient, d'après ces nouvelles bases, de donner au ministère public.
Voun n'avez pas, sans doute, entendu déroger au principe fondamental sur lequel la Constitution générale du royaume est établie. Ce principe est que le peuple élise les fonctionnaires publics, auxquels il confie tous les pouvoirs qu'il peut déléguer directement : il n'y a d'exception qu'à l'égard de la magistrature suprême de l'Etat, que la nation a conférée héréditairement. A côté de ce principe, vous en avez consacré un autre, qui est que toutes les fois que le peuple délègue par élection, sa délégation n'est que temporaire. Quant aux diverses agences dans l'ordre du pouvoir exécutif, c'est le roi qui y nomme, et qui peut le faire à vie.
La conséquence indubitable qui sort de là, est que les officiers du ministère public étant nommés à vie par le roi, sont ainsi constitués agents du pouvoir exécutif dans l'ordre judiciaire; car c'est à ce titre seul qu'ils peuvent avoir été soustraits à l'élection populaire et à la mission .temporaire. En remettant leur nomination au roi, vous avez marqué l'influence dont il jouira dans l'administration de la justice.
Ces agents de la couronne ne doivent point porter le nom de procureurs du roi; car le roi, considéré comme chef du pouvoir exécutif, ne doit point paraître devant les tribunaux d'ans l'état d'une partie qui plaide; mais en qualité de premier magistrat il doit avoir auprès des tribunaux des commissaires pour veiller, en son nom, à l'observation des lois, et assurer l'exécution des jugements.
Analysons maintenant les fonctions du ministère public, qui, d'après sa constitution actuelle, ne peuvent plus être que celles qui dépendent essentiellement du pouvoir exécutif. Le comité en a remarqué trois qu'il lui a paru nécessaire de définir, et de fixer avec exactitude.
Premièrement, le roi, comme chef du pouvoir exécutif, doit maintenir, dans l'exercice de la
justice, toutes les lois qui intéressent l'ordre général ; et, comme il vaut* mieux prévenir
les infractions qui pourraient être faites à ces lois, que de les réprimer par la cassation
des jugements, après qu'elles sont commises, il est sage que toutes les fois que les
tribunaux ont à prononcer
Secondement, le roi, comme chef du pouvoir exécutif, doit faire exécuter les jugements, parce que c'est de cette exécution que dépend celle des lois mêmes sur lesquelles les jugements sont fondés. Ses commissaires doivent poursuivre, per-sonnellementet d'office, l'exécution des jugements qui intéressent directement l'ordre public. Quant aux jugements qui ne touchent qu'à l'intérêt privé des parties, les commissaires du roi, lorsqu'ils seront requis, devront en assurer aussi 1 exécution par toutes les voies de droit, et même en provoquant ie secours de la force armée, si son intervention devient nécessaire. Cette fonction de faire exécuter les jugements convient mieux aux commissaires du roi, comme agents du pouvoir exécutif, qu'aux juges; car ceux-ci ont rempli leur office lorsqu'ils ont jugé. Le jugement, une fois rendu, est remis sous Ja protection de la force publique, dont il est bon que les juges ne soient pas les ministres ni les promoteurs : on conserve mieux ainsi la démarcation des pouvoirs; on prévient aussi la partialité dont les juges ne se défendent pas toujours, lorsqu'il s'agit des intérêts de leur autorité méconnue. t
Troisièmement, le roi, comme chef du pouvoir exécutif et de la police générale, doit veiller sur la conduite des juges, et réprimer, par voie d'avertissement et de talutaires réprimandes, des écarts qui, n'ayant pas encore le caractère de la prévarication ou de la forfaiture, pourraient y conduire par la suite, ou du moins altérer, dans l'opinion publique, la confiance et le respect pour la justice. Cette surveillance indispensable ne peut pius être exercée que par l'entremise et sur les instructions des commissaires du roi, puisqu'il n'existe plus ni hiérarchie, ni supériorité déterminée entre les tribunaux.
Il est une autre fonction, celle d'accusateur public, que les procureurs du roi exerçaient, que l'habitude pourrait faire regarder comme essentielle au ministère public, et dont la délégation mérite l'attention la plus sérieuse depuis que le ministère public, au lieu d'être un ministère populaire, est devenu une agence du pouvoir exécutif.
Je m'arrête ici pour répondre au sophisme qui m'attend. On pourra dire que l'Assemblée a dèr légué au roi le ministère public, que ïaccusation en a toujours fait partie, et a été exercée par des officiers appeles gens du roi, ou ses procureurs; qu'ainsi la question n'est plus entière.
Je réponds: 1° que quand l'Assemblée a décidé que le peuple élirait les juges, elle n'entendit alors décider que cela, et non la latitude des fonctions et de l'autorité qui seraient ( Onfiées aux juges : elle s'en est occupée depuis. De même quand elle a décidé que le roi nommei ait le ministère public, elle n'a pas entendu décider quelle serait la latitude des fonctions et de l'autorité du ministère public. Tous les détails d'une Constitution ne se font pas à ia fois; il faut donc réduire strictement chaque décret partiel à son objet spécial, et ne pas supposer décidé ou préjugé ce qui n'a été ni éclairci, ni médité, ni même soumis au débat. Or, je demande si, en accordant au roi la nomination du ministère public, on a discuté ce qu'il convenait que ce ministère fût dans la Constitution actuelle, ce qu'il doit être, étant établi ministériel et à vie, auprès des juges électifs et temporaires ; si, enfin, on a entendu que cette importante partie des pouvoirs publics échapperait seule àla ré vision
et à la reconstitution dont l'organisation générale a subi la loi. Disons donc que le ministère public a été délégué, mais qu'il n'a pas encore été constitué, et que sa délégation au roi ne fait que rendre l'intérêt de sa constitution plus pressant.
Je réponds : 2° que si la fonction d'accuser a fait, dans ces derniers temps, partie du ministère public, et a été exercée par les gens du roi, cette écorce ne doit pas nous dérober Ja substance de notre objet, et qu'il est facile de reconnaître l'illusion de cette fausse apparence. Les rois ont établi le ministère public que nous avons reconnu ; ce sont eux qui ont déterminé ses fonctions, et qui en ont qualifié les officiers à leur gré, puisqu'ils les créaient par leurs édits,etles instituaient par leurs provisions. Les rois alors, seuls représentants de la nation, exerçaient tous les droits et tous les pouvoirs nationaux confusément avec ceux délégués à la royauté; mais ils étaient peu soigneux de rechercher la source et de conserver la "distinction de ces pouvoirs. Voilà pourquoi, dans la précédente constitution du ministère public, comme dans tant d'autres établissements de l'ancien régime, il se trouve un mélange de fonctions vraiment nationales avec celles qui dérivent du pouvoir exécutif. D'un autre côté, tout étant réputé procéder du roi, ces officiers qu'il créait, et qu'il instituait, étaient appelés officiers du roi. La chancellerie donnait l'épithète de royal à tout ce qui était obligé de prendre son attache ; et les juges eux-mêmes étaient qualifiés officiers royaux, juges royaux. Maintenant que le jour de Ja séparation des pouvoirs est arrivé, vous remontez aux principes pour départir les fonctions suivant leur nature, et pour le plus grand bien public; parce que ni la confusion qui en a été faite, ni les styles de la chancellerie, ni'les qualifications qui en sont résultées par habitude, n'ont pas pu changer l'essence invariable des choses.
Je recueille ici les résultais qui me paraissent dès à présent constants : 1° vous avez délégué au roi le ministère public, mais sous la réserve nécessaire de l'approprier à la Constitution ; 2° vous l'avez délégué comme agence du pouvoir exécutif; il ne doit donc rester composé dans le partage constitutionnel des fonctions, que de celles qui appartiennent exclusivement au pouvoir exécutif; 3° de ce que l'accusation a fait partie de l'ancien ministère public, la conséquence n'est pas nécessairement qu'elle doive devenir, dans notre organisation nouvelle, une attribution du pouvoir exécutif.
J'entre maintenant sans obstacle au fond de la discussion;j'examine ce que l'accusation publique est par sa nature, et je n'hésite pas à prononcer qu'elle est une fonction populaire.
G'est le corps social qui est principalement blessé par l'impunité des crimes; c'est lui que leur poursuite et leur punition intéressent; cest pour sa sûreté, plus que pour la satisfaction des individus lésés, que les peines afflictives sont établies : car que fait aux malheureuses victimes de l'assassinat ou du vol, le supplice de l'assassin ou du voleur insolvable? G'est par cette raison, c'est encore parce que les plus grands crimes sont ceux qui attaquent l'existence du corps politique, que la nation doit se charger d'office du châtiment des coupables. G'est enfin par ce pressant intérêt que tous les peuples, qui n'ont pas connu la sublime institution d'un accusateur public, ont rangé l'accusation criminelle au nombre des actions populaires. L'accusation publique, sauvegarde de la liberté contre l'abus des magistratures, et contre les complots des factieux, était chez les
anciens peuples libres, un droit de chaque citoyen' Voyez les lois grecques, romaines, et ce qu'a dit un republieain, à la fois magistrat, orateur, pu-bliciste et philosophe, Gicéroii : Accusatores multos esse in civitate utile est.
Cependant, l'accusation populaire a de grands inconvénients. Quand tout le monde est chargé de veiller, il arrive un moment où personne ne veille; et quand chacun peut accuser, l'esprit de parti, les préventions vulgaires, les préjugés et les ressentiments individuels peuvent trop aisément troubler la tranquillité publique, sous le prétexte de l'assurer. Conservons donc le sage établissement d'un officier publie chargé d'accuser. Mais si l'accusation publique, au lieu de rester une action populaire, devient la commission d'un officier, peut-il rester douteux que cet officier est l'homme du peuple, préposé pour l'intérêt de la nation à l'exercice de ses droits? Il doit donc être un des fonctionnaires élus et nommés par le peuple; car sa fonction est une de celles que le peuple a spécialement intérêt de ne confier qu'à des hommes dont il soit sûr, et qu'aucun intérêt différent du sien ne puisse écarter de l'exacte observation de leur devoir.
Je sais qu'on pourra dire que le pouvoir exécutif est dans sa source le pouvoir de la nation, que c'est elle qui Va délégué pour son avantage, qu'elle ne doit pas se défier de sa propre institution, et que le roi peut aussi bien exercer l'accusation publique à l'avantage du peuple, que les autres fonctions de la royauté.
Je répouds qu'il est vrai que tous les pouvoirs publics sont ceux de la nation, que tous lui sont avantageux dans l'esprit et dans l'objet de leur institution, et que cependant il existe, par la nature même des choses, une distinction très essentielle à maintenir entre les attributions que la nation peut utilement faire au pouvoir exécutif, et celles qu'elle a spécialement intérêt de se réserver pour les exercer plus directement par ses délégués électifs. Si le premier principe est que le peuple ne doit confier que les fonctions qu'il ne peut pas remplir lui-même, la seconde maxime est que, dans l'exercice de ses délégations, il ne doit pas abandonner à son représentant héréditaire, ce qu'il peut confier aux représentants de son choix. Le premier n'agit qu'en subdéléguant; et le pouvoir national subdélégué par le roi devient aisément, dans l'opinion trompée par ce circuit, pouvoir royal. D'ailleurs, dans une monarchie, le pouvoir exécutif résidant aux mains d'un seul a toujours un intérêt, une tendance et des moyens qui peuvent devenir funestes aux droits et à la liberté de tous. Tenons-nous donc attachés au principe de la démarcation sévère des fonctions entre le pouvoir exécutif et les représentants électifs du peuple : en l'appliquant à l'accusation publique, nous reconnaîtrons d'abord, par la nature de cette fonction, qu'elle ne peut pas être une attribution constitutionnelle de la couronne.
• Cette vérité acquiert une nouvelle force par l'inconvenance et le danger de confier au gouvernement la verge de l'accusation publique. Ceux qui n'y apercevraient pas un des ressorts les plus énergiques pour le maintien ou le renversement de la Constitution, s'en feraient une fausse idée : c'est par elle que les lois pénales reçoivent leur activité, et sans elle la force publique des tribunaux demeure paralysée.
Cette arme est d'autant plus redoutable que par elle on peut nuire doublement; c'est-à-dire autant en ne s'en servant pas, qu'en l'employant
à mauvais dessein. Son inaction contre les complots antipatriotiques serait le plus sûr moyen de les favoriser, de les encourager et de les amener jusqu'à la possibilité du succès, comme son activité dirigée contre les bons citoyens pourrait, en beaucoup d'occasions, inquiéter leur patriotisme, attiédir leur zèle et déconcerter leurs plus utiles démarches. Rien n'est à négliger, soit pour sauver dans les circonstances actuelles, la Constitution, soit pour rendre, dans l'avenir, sa stabilité imperturbable. C'est donc pour le présent, et c'est encore pour tous les temps, qu'il faut nous assurer du bon usage de l'accusation publique.
Si, de son importance dans l'ordre politique, nous passons à ses effets moraux, l'intérêt redouble. C'est principalement par l'influence de l'accusation publique, que le pouvoir judiciaire agit si profondément sur le caractère et sur les mœurs des peuples. Rien ne dégrade, n'avilit et ne dispose à la servitude comme la crainte: vous cherchez en vain à fonder une Constitution libérale, si vous y laissez subsister un seul élément qui puisse alarmer et décourager les citoyens. Veillez donc à ne déposer le terrible pouvoir d'accuser, que dans des mains qui ne puissent jamais devenir suspectes. Aussitôt que le peuple en pourra craindre l'abus, il perdra, avec la confiance et la sécurité) cette énergie sans laquelle il ne peut ni aimer ni défendre la liberté.
Me dira-t-on que j'exagère l'influence politique et morale de l'accusateur public, puisque le juge-ment ne dépendra pas de lui, mais des jurés et des juges qui vont être nommés par le peuple ? Je réponds qu'il reste toujours à l'accusateur public un pouvoir indépendant des tribunaux, qui suffit pour exciter toute votre sollicitude. Ge pouvoir est celui de dissimuler les connaissances qui lui parviennent, de ne pas accuser, ou d'accuser trop tard, et de favoriser par là le succès du crime, ou du moins l'évasion et l'impunité des coupables. Ge pouvoir est encore, mais dans le sens contraire, celui de multiplier les accusations contre les défenseurs de la liberté» Je sais qu'en ce cas son influence est moindre, parce qu'il n'est pas le maître de la condamnation ; mais il l'est toujours de l'accusation et de ses premières suites. Or, ces premiers coups qu'il porte sont déjà tellement fâcheux pour ceux qui en sont atteints, que la crâinte de s'y exposer détruira, dans le plus grand nombre, les progrès du civisme et la Conscience de la liberté. Ce serait donc voir trop superficiellement dans une matière aussi grave, que de traiter avec indifférence ia délégation très importante de l'accusation publique.
Que pouvez-vous attendre, et que n'avez-vous pas à craindre, si vous la remettez aux commissaires du roi? Vous consentiriez donc à en abandonner l'exercice au gouvernement; car le peuple ne sera rien, et le gouvernement sera tout pour les commissaires royaux. Exclus rigoureusement de toutes les fonctions nationales des municipalités et des corps administratifs, n'ayant rien reçu • et ne pouvant rien recevoir du peuple, la reconnaissance et l'intérêt les attacheront exclusivement au ministre qui les aura placés, et au gouvernement dont ils attendront des récompenses et de l'avancement. Ces places d'ailleurs seules à la disposition du ministre, doutez-vous qu'elles deviendront successivement la proie de ses favoris, et des protégés de ses parents, de ses amis et des courtisans en crédit? Ne prévoyez pas ainsi une épocjie à laquelle l'accusation publique se trouverait, dans tout le royaume, livrée à la
merci de ces créatures de la faveur ministérielle, qui n'obéiront qu'à l'impulsion du gouvernement, et le serviront également, soit en accusant, soit en n'accusant pas, selon ses vues? Supposez maintenant, à quelque temps que ce soit; un ministère mal disposé pour la liberté publique, et aidé par des circonstances favorables aux entreprises antipatriotiques : croyez-vous j que des accusateurs publics, dévoués à ce ministère, inclineraient, veilleraient, influeraient, agiraient pour le maintien de la Constitution? Les complots qui leur seraient dénoncés seraient-ils poursuivis, ou le seraient-ils à temps? Les Savardin d'alors qui s'évaderaient, seraient-ils repris parleurs soins? Les mouvements populaires, qu'autoriserait la résistance à l'oppression, ne seraient-ils pas traversés?
Votre comité, dout la fonction est de veiller à la concordance des principes et des vues dans toutes les parties de la Constitution, vous devait, Messieurs, ces observations sur la nature et les effets de l'accusation publique : il en a conclu qu'il serait d'abord inconstitutionnel par la nature de cette fonction, et, de plus, dangereux par la gravité de son influence politique et morale de la confier au pouvoir exécutif. Cherchant ensuite dans le nombre des fonctionaires nommés par le peuple à qui elle peut être plus convenablement déléguée, il s'est arrêté, par l'analogie des fonctions, par l'exemple de notre droit français ancien, et par celui de la pratique d'un peuple voisin, à vous proposer un des juges de chaque tribunal.
G'est par-là que, fidèles au principe, vous éviterez d'engouffrer dans le pouvoir exécutif une fonction toute populaire par sa nature.
Vous éviterez aussi de mettre à la disposition du gouvernement un des plus puissants moyens par lesquels la liberté peut être défendue ou opprimée.
Vous décréterez un mode dont l'exécution est facile; car chaque tribunal étant composé de cinq juges, et pouvant toujours juger à quatre, il est sans inconvénient d'en occuper un à l'exercice de l'accusation publique; ce qui ne l'exclura pas encore de prendre part aux jugements civils.
Il n'y a aucun inconvénient à ce que l'un des juges soit accusateur : les deux fonctions se rapprochent, soit par la conformité des connaissances qu'elles exigent, soit par l'identité de l'objet auquel elles correspondent, qui est le maintien de la sûreté publique par l'exécution des lois pénales.
Ge que le comité propose n'est point sans exemple. Lorsque la justice, par les pairs, avait lieu en France, les baillis royaux étaient chargés de l'accusation et de la poursuite. En Angleterre, où les jurés prononcent sur le crime, un juge peut accuser et poursuivre : nous avons aussi les jurés, et notre position devient la même. Enfin, dans nos usages plus récents, quand les procureurs du roi ne voulaient pas accuser, les tribunaux pratiquaient, ou de nommer un des juges pour le suppléer, ou d'informer et de diriger eux-mêmes l'instruction sous le nom des procureurs du roi, quoiqu'ils n'y donnassent pas d'adhésion. Le principe était donc que le juge, au défaut du procureur du roi, trouvait, dans sa qualité de juge, le caractère et l'aptitude nécessaires pour accuser. Il faudrait maintenir encore cet usage, si le ministère public restait accusateur, puisqu'il fournit le seul moyen praticable de remédier à son inaction. Mais pourquoi n'arriverions-nous pas tout de suite au véritable but ,
plutôt que de conserver ce circuit dangereux pendant lequel les complots peuvent réussir, les preuves être soustraites, ou les coupables s'évader?
Il n'y a qu'une seule objection spécieuse d'abord, mais qui ne soutient pas l'examen : on pourra dire que les juges, étant temporaires, ri auront pas, autant que les commissaires du roi permanents, l'indépendance et la fermeté nécessaires à l'accusateur public. Prenez garde, Messieurs, que vous vous trouviez ici entre deux écueils. D'une part, les commissaires du roi ont pour eux d'être à vie, mais ils ont contre eux d'etre des instruments ministériels. D'autre part, les juges ont contre eux au premier coup d'oeil de n'être qu'à temps; mais ils ont pour eux d'être les élus et les délégués directs du peuple. Ainsi, si ces derniers manquent d'une des qualités désirables, les premiers manquent de l'autre, qui est la plus essentielle. Balancez maintenant les résultats des deux partis qui s'offrent : l'un, celui d'investir les commissaires royaux de l'accusation, est contre le principe; il est d'ailleurs dangereux pour la Constitution : l'autre est dans le principe, et entièrement favorable à la Constitution. Or, le principe et la Constitution sont des avantages publics si précieux, qu'aucune autre considération ne peut être mise en balance.
Quand, d'ailleurs, pourriez-vous craindre que les juges constitués accusateurs manquassent de fermeté et d'énergie pour accuser? Ce ne sera pas, sans doute, quand il s'agira de la cause populaire et des intérêts de la liberté; ils auront alors pour aiguillon et pour appui l'opinion et la protection publique, la faveur, la reconnaissance et le secours de tous les bons citoyens. Croyez donc qu'ils seront très actifs, précisément où il est à craindre que des agents ministériels ne le fussent pas.
Est-ce dans la poursuite des crimes privés que vous soupçonnez leur fermeté, lorsque les coupables seront des hommes en crédit? Vous n'êtes pas à l'abri de la même inquiétude dans l'autre hypothèse ; et n'avez-vous pas de plus le dang6r dès recommandations ministérielles?
Quel serait le remède enfin contre les commissaires du roi, qui, par quelque raison que ce soit, refuseraient d'accuser? Celui, sans doute, de se plaindre aux tribunaux, soit pour leur faire enjoindre d'agir, soit pour les faire suppléer d'office? Ce moyen est le même contre celui des juges, chargé de la fonction d'accuser, qui refuserait à tort de la remplir. On pourrait même acquérir une plus grande sûreté; car les dénonciations faites à l'officier du ministère publie seul peuvent être celées ; au lieu qu'en établissant un des juges accusateur, on peut faire faire les dénonciations dans un registre du tribunal; registre secret pour ie public, et commun pour les juges seulement : tous alors connaîtraient les crimes dénoncés et veilleraient à l'exactitude de leur poursuite.
Pesez, Messieurs, les considérations très graves que cette matière, qui jusqu'à présent n'avait pas été approfondie, offre à vos méditations ; et il me paraît impossible que vous n'adoptiez pas la proposition du comité.
(Ce discours est vivement applaudi par une "partie de la salle. On en demande l'impression. Elle est ordonnée.)
Je ne veux pas entrer aujourd'hui dans la discussion du fond du discours peut-être insidieux que vous venez d'en-
tendre ; mais comme il blesse directement les principes de la monarchie, je demande l'ajournement.
Avant de savoir ce que l'on fera des fonctions d'accusateur public, il faut d'abord discuter s'il y a lieu ou non à délibérer sur ce qui est proposé par M. Thouret. Vous avez déjà décrété que les officiers du ministère public seront nommes par le roi. Le comité de Constitution ne ratifie pas votre décret. Il semble même qu'il allonge, aujourd'hui, dans l'éclaircissement qui vient d'être présenté, les fonctions des officiers publics, afin que votre attention détournée ne se porte pas sur ce qui vous intéresse réellement dans ce moment.
Je suis étonné que l'on vienne ouvrir une discussion rétrograde lorsqu'un décret déjà rendu devrait être une loi sacrée pour le comité. Si l'on ôtait aujourd'hui aux officiers nommés par le roi les fonctions d'accusateurs publics, ils ne retiendraient plus que le nom, la chose leur ayant échappée. Je crois donc la question préalable nécessaire. Cependant, je me réserve, pour le cas où elle ne serait point admise, de démontrer que le projet du comité est contraire aux principes constitutionnels du royaume et qu'il ne tendrait qu'à peupler cet empire de malfaiteurs impunis, auxquels on ne pourrait opposer aucune borne.
Le ministère public n'est point en France une institution nouvelle : elle était autrefois exercée par des procureurs auprès des cours que l'on nommait souveraines, par leurs substituts dans les cours- inférieures et par les procureurs des seigneurs dans les juridictions seigneuriales. Les fonctions de ces officiers publics consistaient à poursuivre les crimes après les avoir dénoncés ; sous ce rapport, il serait infiniment dangereux de laisser ce droit à tous les citoyens. Je pourrais vous citer Montesquieu qui, parlant de la faculté qu'avait chaque citoyen romain d'en accuser un autre qui avait commis un crime, dit que nous ayons à cet égard une loi admirable.
L'action du ministère public s'est successivemen' étendue à toutes les causes qui intéressent l'ordre public, à la défense des communautés, à celle des mineurs, parce qu'il importait que les communautés ne fussent pas dépouillées et que les mineurs ne restassent pas sans défense : tout cela est un complément de l'institution du ministère public.
Si je me reporte maintenant à la date du 8 mai, où le décret qui attribue au roi la nomination des officiers publics, a été rendu, je remarque que ces officiers, soit qu'ils dussent être nommés par le roi ou par le peuple, avaient toujours les même3 fonctions et qu'on ne demanda point quelles seraient ces fonctions. Il est si vrai que telle était votre idée, que vous auriez sans doute aboli ces fonctions, si vous aviez pensé alors comme le comité pense maintenant, puisqu'il ne vous propose pas autre chose que l'abolition.
Le projet du comité est une contravention au décret du 8 mai; aussi je conclus à ce que lés officiers nommés parle roi remplissent les fonctions du ministère public, ou bien à ce que le procès-verbal du 8 mai soit apporté ici, afin d'en effacer le décret qu'il contient.
L'unique moyen, du préopinant consiste à dire que tout ce qui concerne le ministère public sé trouve dans le décret du 8 mai, tandis que ce décret neiecontient pas précisément. Ce serait, en effet, un grand viee, si des décrets
partiels pouvaient influer sur des objets généraux. Quand l'Assemblée décidaque les justiciables nommeraient leurs juges, elle n'entra point dans le détail de savoir quelles en seraient les fonctions. Il en fut de même quand elle décréta que les officiers publics seraient nommés par le roi, et sûrement elle n'a pas entendu s'interdire de revenir sur l'organisation du ministère public puisqu'elle est revenue sur toutes les parties de l'administration.
Je n'ai nul besoin d'user du style offensif de M. Chabroud pour lui répondre que le comité n'est point dans un état d'insurrection. Le préopinant ne peut pas conclure, de ce qu'il a fait passer presque sans discussion ce qui lui appartient en propre concernant les appels, que le reste du travail du comité n'est pas bon. Lorsqu'il n'y a pas de décret précis, le comité a pour devoir d'ex a miner la matière et de la disposer selon qu'elle peut servir davantage au maintien de la Constitution.
Je demande la discussion successive des articles proposés par le comité.
Il me semble qu'un peu plus de méditation sur cet objet serait nécessaire ; j'ai d'abord deux remarques à faire : 1° 11 doit y avoir incompatibilité entre les fonctions d'accusateur public et celles de juge : les juges doivent s'armer de défiance contre toute espèce d'accusation; or, si fes deux fonctions se trouvaient réunies, cette défiance n'existerait plus parce que personne n'ignore que les hommes emportent mutuellement les opinions les uns des autres, lorsqu'ils tendent ensemble vers le même but; 2° une conséquence du système proposé est que l'accusateur public serait pris parmi les juges ; or, cet accusateur est un fonctionnaire de rigueur, il s'exposera à des inimitiés personnelles ; et comment croire que, ne devant remplir son devoir que pendant un an, il n'aime pas mieux laisser ie crime impuni ou n'ait pas assez d'énergie pour le poursuivre ?
Il me semble que la question doit être ainsi posée : y a-t-il lieu à délibérer sur la délégation proposée par le comité, oui ou non?
Je m'oppose à ce mode de délibération parce que la question préalable ne peut porter que sur l'article 4, puisque c'est le seul qui traite la question sur laquelle a parlé M. Chabroud. Si l'articie 4 était la base du titre entier, alors il faudrait évidemment mettre aux voix la question préalable sur le titre entier ; si, au contraire, cet article peut-être détaché du titre, il faut suivre la marche naturelle et délibérer d'abord sur les trois premiers articles.
l'aîné. L'article 4 tient tellement aux autres que si les trois premiers étaient adoptés, on ne pourrait se dispenser de l'adopter aussi.
En Angleterre, une des deux classes de jurés décide si l'accusation d'un crime doit être admise. Si l'on admettait un établissement pareil en France les fonctions du ministère public se trouveraient confondues avec celles des jurés; d'où je conclus à l'ajournement de la question proposée jusqu'au moment où l'on traitera de celle des jurés.
met aux voix l'ajournement proposé par M. Garat. Il est rejeté.
l'aîné. Je propose un ajourne-
ment plus juste. C'est celui qui aura pour terme le moment ou i'Assemblée.sera instruite, car elle ne l'est pas.
, Je demande que la question soit ainsi posée : L'accusation publique sera-t-elle déléguée aux officiers nommés par le roi, oui ou non?
Cette question est très importante; elle doit être traitée avec la plus grande solennité. Je reconnais, comme le préopinant, qu'elle n'est pas instruite, et qu'elle mérite de l'être. J'appuie donc l'ajournement jusqu'au moment où l'on établira les jurés. (Il s'élève des murmures.) Vous pouvez ajournera demain, si vous voulez, car la question n'est pas nouvelle. C'est saint Louis qui a institué le ministère public pour poursuivre les crimes publics. Dans mon opinion, il est certain que le juge ne peut être accusateur. En effet, si un juge ouvre son avis avant le jugement, il est récusé. Ge n'est pas le cas d'appliquer les distinctions d'officier national. Les officiers, exerçant le ministère public, sont vraiment des officiers nationaux. Le roi n'est point étranger à la Constitution. L'exécution de la loi est un ministère vraiment national. Quand l'officier public refuserait d'exercer son ministère, on en nommerait un d'office; il ne pourrait pas en être de même du juge : la moindre connivence entre lui et les criminels assurerait l'impunité du crime. Ges premières vues subsistent pour faire sentir quelle peut être la question, et combien il est important de l'ajourner. Je demande donc l'ajournement à lundi.
met aux voix la motion de M. l'abbé Maury : Elle est adoptée et l'ajournement à lundi prononcé.
, député de Nantes, demande et obtient un congé d'un mois, pour affaires importantes et urgentes résultant de la mort de son épouse.
L'Assemblée reprend la suite de la division du nouveau projet de décret présenté par le comité de Constitution sur l'ordre judiciaire. Titre VIII, DES GREFFIERS.
, rapporteur, lit l'article l8r ainsi conçu.
« Art. 1er. Les greffiers seront nommés par les juges qui leur
délivreront une commission, et recevront leur serment. »
M. Lanjuinais. Les juges regarderaient les offices de greffiers comme des bénéfices à leur nomination : s'ils pouvaient les donnerais pourraient les vendre. G'est au corps électoral qu'il appartient de les nommer; autrement il faudrait attribuer aux juges le droit de nommer celui d'entre eux qui viendrait à quitter avant l'expiration de six années.
Les greffiers ne doivent pas être dans la dépendance des juges; ils doivent être leurs surveillants, et pour ainsi dire leurs juges. S'ils ne sont pas à la nomination des électeurs, vous aurez pour greffiers les secrétaires des juges.
Les greffiers sont les officiers ministériels du tribunal ; ils n'exercent pas un
véritable pouvoir public. Les électeurs ne mettraient pas autant de soin à cette nomination. Il a paru que c'était le cas de confier cette élection aux tribunaux plutôt qu'au corps électoral. Il faudra nécessairement, à chaque greffier, un commis pour lequel il ne sera sûrement pas nécessaire d'une élection nationale.
(On demande la priorité pour l'avis du comité.)
Si l'article du comité est adopté, je demande qu'alors le greffier soit inamovible.
La priorité doit appartenir à l'élection parle peuple.
Taîné
. Si vous consultez l'utilité des juges, il faut que les greffiers soient nommés par eux; si vous consultez l'utilité de la justice, il faut qu'ils soient nommés par le peuple. On dit que leurs fonctions ne sont pas des fonctions publiques : c'est, sans doute,une fonction publique, que le pouvoir de relever un juge prévaricateur dans ses fonction s. Naurait-on pas à craindre qu'un greffier qui ne serait point nommé par le peuple, n'eût pas Ja force nécessaire pour réprimer la conduite du juge auquel il devrait son état?
(L'avis du comité est mis aux voix. — La première épreuve paraît douteuse; à la seconde, le décret est prononcé en faveur du comité. — On réclame le doute. —On demande l'appel nominal.)
(L'Assemblée, consultée, décide qu'il n'y a pas de doute.)
On ne fixe pas la manière dont les juges feront cette élection. Je pense qu'elle doit être faite au scrutin et à la majorité absolue des voix.
(Cette disposition est adoptée.)
Je propose de décider que le corps électoral présentera trois sujets, parmi lesquels les juges choisiront.
(On demande la question préalable.)
Pour exclure le corps électoral de la nomination des juges, il faudrait dire que le département n'est point intéressé à cette élection. Les greffiers des municipalités sont nommés par les municipalités, parce qu'ils n'existent que pour les affaires de la municipalité : les greffiers des tribunaux ont, au contraire, en leur garde des actes, des papiers, qui intéressent l'universalité des citoyens. Ils doivent avoir assez de force, pour empêcher les falsifications de pièces et les autres prévarications qu'un juge pourrait se permettre ou exiger d'eux, s'il avait droit d'en attendre d'aussi funestes complaisances. Le corps électoral doit donc contribuer à l'élection d'officiers dont l'intégrité importe aussi essentiellement à l'universalité du peuple.
Je demande que, préalablement, on décide quelle sera la durée des fonctions des greffiers.
(La proposition de M. Coroller est adoptée.)
L'article 5 est ainsi conçu : «Les greffiers seront nommés à vie; ils ne pourront être destitués que pour cause de prévarications jugées. » Il résulte de cet article une réponse à l'objection tirée de la dépendance dans laquelle les greffiers se trouveraient des juges. Etant ina-
movibles, il est certain qu'ils n'auraient nul motif de complaisance pour les juges qui, après six ans, succéderont à ceux par lesquels ils auront été nommés. On demande pourquoi ils sont à vie, quand les juges sont amovibles. Il faut faire une distinction très simple. Les pouvoirs publics ne doivent être un état pour personne. Mais les offices ministériels sont des états sur lesquels des citoyens fonderont la subsistance de leurs familles. Il serait impossible d'avoir de bons greffiers, s'ils n'étaient pas à vie. (L'avis du comité est adopté.)
propose et l'Assemblée décrète « que les greffiers ne pourront être choisis parmi les parents ou alliés de l'un des juges au troisième degré. »
(L'amendement de M. Rewbell est écarté par la question préalable.)
réunit, en un seul article, les propositions décrétées. L'article est mis aux voix et décrété en ces termes :
Art. 1er. « Les greffiers seront nommés à vie au scrutin, à la
pluralité absolue des voix, par les juges, qui leur délivreront une commission et recevront
leur serment ; mais les juges, qui auront droit de nommer, ne pourront choisir de parent ou
allié d'aucun d'eux, jusqu'au troisième degré inclusivement. » (La séance est levée à quatre
heures du soir.)
Séance du
ouvre la séance à neuf heures précises.
Il y a à peine quelques membres dans la salle.
Il y a, chez un grand nombre de membres, un relâchement fâcheux dans leur exactitude aux séauces. Je crois qu'il serait utile de supprimer la lecture des adresses et de nommer six commissaires chargés de présenter nécessairement des moyens de ramener tous les députés à l'exactitude ancienne.
Je crois que ia lecture des adresses n'emporte pas assez de temps pour qu'on la supprime, mais on pourrait annoncer la séance à sept heures pour neuf et décider que l'Assemblée décrétera, quand bien même il n'y aurait que trois membres.
Je fais une autre proposition : c'est qu'on ne paye que ceux qui viendront de bonne heure.
Vraisemblablement, il est très facile à M. Gérard de se coucher de bonne heure, tandis
que la moitié des membres de l'Assemblée, occupés dans les comités, travaillent
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance du mardi soir B août. Il est adopté.
, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier. Il est également adopté.
Messieurs, à l'exemple de la villa de Boulogne^en-Comminges, à la muni-palité de laquelle vous ayez réuni celle du hameau de Liilette, qui se trouvait dans l'enclave de la paroisse, ia ville de Mauléon vient solliciter de vous une justice semblable. Cette ville du district de la Nelte, département des Hautes-Pyrénées, n'avait autrefois qu'une seule et même municipalité; mais une chapelle de dévotion s'étant établie dans un des hameaux et les chapelains étant bientôt devenus riches et puissants par la munificence des fidèles, ils aspirèrent à s'affranchir de la surveillance des officiers municipaux de Mauléon ; ils obtinrent bientôt, non de l'autorité légitime, mais du pape, un administrateur particulier, sous le.nom de prud'homme.
Un autre hameau de la même force, c'est à dire composé de dix à douze maisons, ne tarda pas à obtenir la même faveur, en sorte qu'il n'y eut pas moins de trois municipalités dans une paroisse d'une étendue très bornée.
La ville de Mauléon s'attendait, lors de la formation des nouvelles municipalités, de voir se réunir à elle les deux hameaux de Garaison et du Gona qui n'avaient point assez de citoyens actifs pour former Je corps municipal, tel qu'il est organisé par yos décrets, mais le premier en a été détourné par les chapelains qui possèdent des richesses immenses* dont ils disposent comme ils veulent, sous l'inspection d line municipalité qui leur est dévouée; le second, qui suit l'exemple du premier, s'est également formé en municipalité particulière. Dans ces circonstances, la ville de Mauléon, qui voit qu'il est de l'intérêt national que l'administration des chapelains de Garaison soit surveillée de près et qu'il est dans vos principes que les municipalités aient une consistance capable d'en imposer aux ennemis de la Constitution et d'effectuer tout le bien que vous vous eu êtes promis, a recours à votre autorité pour que les municipalités des deux hameaux susdits soient tenues d'adhérer et de se réunir à celle du lieu de la situation du clocher.
Le comité de Constitution a trouvé la demande fondée et c'est en son nom que je vous propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète, d'après l'avis de son comité de Constitution, qu'à la* diligence des anciens officiers municipaux de la ville de Mauléon et de ceux des hameaux de Garaison et du Gona, les citoyens actifs des trois endroits seront convoqués dans ladite ville de Mauléon, à l'effet d'y élire, dans une assemblée générale qui sera présidée par le plus ancien d'âge desdits officiers municipaux, une municipalité, en la forme prescrite par le décret du 18 décembre dernier, dont les assemblées se tiendront audit Mauléon, lieu de la situation du clocher, et ladite élection consommée, les municipalités actuelles cesseront d'exister. »
Je demande le renvoi au
comité de Constitution, afin d'avoir un avis motivé.
Je propose le renvoi au département qui sera mieux instruit que l'Assemblée nationale.
met aux voix le projet de décret. Il est adopté.
, secrétaire, lit un mémoire de M. Pillerault, capitaine-quartier-maître- des carabiniers, député du corps.
Ce mémoire, qui est ainsi conçu, est renvoyé au comité militaire : ,
« Le corps des carabiniers, par sa primitive institution, ne faisait point de recrues; il était entretenu d!un fonds d'hommes tirés de tous les régiments de cavalerie. Cette disposition, depuis 1693 jusqu'en 1756, a été constamment en vigueur, et ce ne fut qu'à cette dernière époque qu'on apporta des réductions dans le nombre d'hommes à fournir pour alimenter ce corps. Sa Majesté alors dérogea au règlement de 1751, et prescrivit qu'il ne serait fourni désormais qu'un homme par escadron de cavalerie; ce qui a été ainsi maintenu jusqu'en 1776 : c'est à cette époque que l'on profita des nouvelles opinions de M. le comte de Saint-Germain sur le militaire, pour détruire une aussi belle institution, et réduire la fourniture d'hommes aux carabiniers, qui ne s'élève aujourd'hui qu'à un homme par régiment de cavalerie ; c'est de ce faible recrutement qu'on s'étaie pour refuser aux carabiniers le droit qu'ils ont acquis d'être grenadiers de la cavalerie. H n'en est pas moins vrai que leur solde et leur arme démontrent cette distinction, et qu'il serait affligeant pour eux que, de l'effet d'une situation dont ils n'ont pas été les maîtres, on voulût tirer la conséquence qu'ils ne doivent plus être regardés comme les grenadiers de la cavalerie ; ils le seront néanmoins daus l'opinion générale, jusqu'à ce qu'on la détruise, et la preuve en est acquise, puisque les régiments de cavalerie incorporent annuellement vingt-quatre hommes dans le çorps des carabiniers,
« t,ps vrais militaires sont toujours occupés de cp qui tend à la gloire et aux succès des armes de là nation; et, sous ce rapport, il n'en est aucun qui ne rende foncièrement justice au corps des carabiniers. Les actions heureuses qu'il a faites militent trop eq sa faveur pour l'humilier et lui donner le germe du dégoût qui serait inévitable et opérerait ie plus mauvais effet, si on se déci* dait à une nouvelle institution, et si on le privait du sqI de haute paye.dont ,il a toujours joui, et dont il espère jouir d'après ses représentations à l'auguste Assemblée nationale.
« Dans cet état de choses, ne paraîtrait-il pas juste, militairement parlant, de ramener les carabiniers à leur primitive institution, que de sacrifier un corps, j'ose dire dans le meilleur, état possible, tant sous le rapport du physique que sous celui du bon esprit de corps? car il en existe un, quoique quelques personnes se soieqt efforcées de vouloir prouver qu'il n'y en ayait point dans l'armée. Ge corps n'a jamais été mieux monté et n'a jamais fait preuve d'une obéissance plus passive."Toutes les assertions à cet égard seraient au-dessous de ce qu'on pourrait juger, si ou était sur les lieux; les témoignages d'ailleurs de la municipalité et de la garde nationale de Lunéviile sont un appui non suspect à cette assertion. La pétition de cette
ville prouve que les carabiniers allipnt tout à la fois le devoir de citoyens et ce qu'ils doivent à leur état. Contents des habitants de cette cité, les citoyens le sont également d'eux ; et ils font., en même temps, le Donheur des officiers qui les commandent.
« D'après ces observations, on pense que, pour conserver à la nation un corps qui peut, dans l'avenir, lui être utile plus qu'il ne l'a jamais été, il serait de la sagesse et de la bienveillance de l'Assemblée nationale de ramener le corps des carabiniers au principe indiqué ci-dessus, en le faisant entretenir par toutes les troupes à cheval d'un fonds d'hommes de choix par les bonnes mœurs et le physique. Il serait à désirer que le déeret à rendre à cet égard présentât aux troupes à cheval leur incorporation dans les carabiniers, comme une récompense ; elle deviendrait alors un titre d'honneur. Messieurs les officiers généraux et les chefs de corps seraient certainement portés à ne faire qu'un bon choix. On ne pense pas qu'il dût porter absolument sur la taille, mais de préférence sur la valeur et les bonnes mœurs, lorsque l'un et l'autre se rencontreraient. C'est alors seulement que les carabiniers doubleraient leurs avantages. On pense qu'un homme de cinq pieds cinq pouces, bien constitué, et surtout taillé en force, est véritablement l'homme qui convient pour le genre de service des carabiniers. On pourra dire que çe corps s'est plus attaché à la taille qu'aux autres considérations ; si e'est un reproche, les autres troupes le partagent avec lui. Il n'est aucun régiment de l'armée qui ne se soit efforcé de recruter de cette manière depuis la paix de 1763; et quoique les carabiniers soient d'une taille plus élevée que le Je reste de l'armée, on croit pouvoir avancer, sans être contredit, qu'ils n'en sont pas moins bons et valeureux.
« Il a été proposé plus haut de faire recruter les carabiniers par toutes les troupes à cheval, pour deux motifs également puissants.
« Le premier et le plus valable,"celui d'admettre ses frères d'armes qui auraient l'amour du bien et le désir de servir dans ce corps.
« Le second, de ne point surcharger la cavalerie qui pourrait dire qu'on énerve sa composition; de cette manière, elle ne s'en apercevrait pas; deux hommes annuellement par régiment, sur les soixante, suffirait pour entretenir ce corps par l'effet des engagements; et les troupes achevai (les carabiniers n'engageant plus) retrouveraient, dans les provinces, les belles recrues que lui enlève ce corps, Si on trouvait encore que deux hommes par régiment fussent une charge, on pourrait faire, comme le pratiqua l'empereur pour les carabiniers qu'il forma à son retour de France en 1777 : les tirer sur toute l'armée, en prenant annuellement un grenadier dans chaque régiment, ce qui n'aurait pas plus d'inconvénient que ce qui se pratiquait pour les grenadiers à cheval lors de Jeur existence, Il serait nécessaire seulement, pour l'infanterie, d'indiquer l'âge où le grenadier pourrait être admis dans les carabiniers, un homme trop ancien de service n'étant pas toujours propre à se plier aux principes d'é-quitation.
« A toutes ces considérations, il s'en réunit encore une des plus puissantes i celle de conserver à la nation un corps solide, susceptible de toute espèce de service à la guerre, de former une réserve pour les Goups de main et pour les actions d'éclat. Tontes, les puissances de l'Europe ont de pareilles réserves. Les carabiniers, dans
les batailles, en ont toujours fait partie; et l'infanterie a souvent dû son salut à ce corps, dont elle aime beaucoup à être appuyée.
« Dans le cas où l'on s'éloignerait d'adopter cette proposition pour ramener les carabiniers au principe de leur eréati.on,on pourrait y parvenir, également, en n'admettant dans ce corps que des hommes qui auraient servi dans l'armée, et qui seraient porteurs d'un congé en bonne forme; alors les individus qui y entreraient ne pourraient être regardés comme recrues, et le corps des carabiniers, en ne recevant que des hommes faits, trouverait un avantage et ne dérogerait point à sa primitive institution. »
Il est donné lecture d'une adresse de la ville de Montcenis, qui porte don patriotique de la contribution des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du procureur du roi au Châtelet de Paris.
L'Assemblée en ordonne l'insertion au procès-verbal, ainsi qu'il suit :
« Monsieur le Président, dans la séance de l'Assemblée nationale du lundi 2 de ce mois, j'ai été personnellement inculpé comme ayant négligé de procéder sur la dénonciation qui m'avait été faite par M. le procureur-syndic de la commune, en conformité d'un arrêté du comité des recherches de l'Hôtel de Ville de Paris, de MM. Des-marest de Maillebois, Bonne-Savardin et Guignard de Saint-Priest. J'attache une trop grande importance à ce que aucun des membres de l'Assemblée nationale ne puisse conserver l'idée que j'aie négligé mon devoir, pour que^e n'aie pas l'honneur de vous supplier, Monsieur le Président, de vouloir bien permettre que je prenne la liberté de vous exposer ma conduite.
« Sur la dénonciation qui m'avait été faite par M. le procureur-syndic de la commune, il y a plus de quinze jours que j'ai rendu plainte, et cette plainte relate tous les faits qui étaient compris dans l'arrêté du comité des recherches de l'Hôtel de Ville, et est dirigée contre toutes les personnes qui y étaient dénommées. Il y a dix jours que l'information ordonnée sur cette plainte est commencée; plusieurs témoins ont été entendus. Hier, M. le procureur-syndic de la commune m'a remis,, de la part de MM. du comité des recherches, une liste de témoins qui vont être successivement assignés à rna requête, pour déposer. Il m'a en même temps dénoncé hier, en vertu d'un arrêté du comité des recherches, l'évasion de M. Bonne-Savardin des prisons de l'Àb baye, et j'ai rendu plainte ce matin des faits contenus dans cette nouvelle dénonciation.
« Tel est, Monsieur le Président, l'état exact de la procédure; j'ose espérer que vous n'y verreà aucune négligence de ma part. Daignez, je vous en conjure, prendre la peine de donner connaissance de cet exposé à l'Assemblée nationale. L'inculpation publique qui m'a été faite dans une de ses dernières Séances, et qui m'affecte d'autant plus, qu'elle paraît également dirigée contre tout lé tribunal du Châtelet, se trouve déjà con* signée dans un grand nombre de feuilles périodiques qui circulent tous les jours dans Paris, et se répandent dans toute la France; je ne peux pas sans doute me flatter que ma justification acquierre le même degré de publicité ; mais je n'aurai rien à désirer, si l'Assemblée nationale veut bien l'accueillir avec bonté, et ne pas douter du zèle constant d'un tribunal qui, dans tous
les temps, s'est distingué par l'attachement le plus inviolable à ses devoirs.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur, « De Flandre,
« Procureur du roi au Châtelet. »
Paris, ce
Je propose de donner à M. de Flandre, procureur du roi au Châtelet, connaissance du décret du 2 août qui restreint ses poursuites à la feuille de M. Marat, intitulée : « C'en est fait de nous, » et déclare que le décret du 31 juillet n'a pas d'effet rétroactif.
(L'Assemblée charge M. le Président d'écrire dans ce sens à M. de Flandre.)
Les habitants de la partie du département de la Meuse, connue sous le nom de Glermontois, refusent d'acquitter les impositions qui ont été perçues jusqu'à présent au profit du prince de Gondé, en vertu d'un acte de donation à lui faite.
L'animosité est devenue tellement grande, que le peuple ne veut plus souffrir aucun des agents ou des gardes qui portent la livrée de ce ci-devant prince.
Je demande que le comité des domaines soit chargé d'examiner : 1° la validité de la donation, et 2° si un particulier peut légitimement lever des impôts sur une partie de la nation.
(L'Assemblée renvoie cette affaire au comité des domaines.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation judiciaire.
, rapporteur. L'Assemblée, dans sa dernière séance, a adopté l'artiele premier du titre VIII, intitulé: des Greffiers. Je donne lecture de l'article 2 :
« Art. 2. Il y aura un greffier pour chaque tribunal de première instance; chacun de ces greffiers pourra présenter aux juges, et faire admettre au serment, un commis qui le remplacera, en cas d'empêchement légitime. »
Je présente trois amendements à cet article, et je demande : 1° que le greffier demeure garant des faits du commis qu'il nommera; 2° que le commis du greffier soit âgé de 25 ans; 3° que le greffier présente un nombre de commis suffisant.
Les garanties demandées par M. Lanjuinais sont trop naturelles pour qu'il y ait lieu de les exprimer dans la loi ; en effet, j'observe que souvent les praticiens argumentent d'une clause exprimée dans une loi pour prouver que telle autre qui est naturelle, mais qui n'est pas exprimée, ne doit pas être exécutée .
(On demande à aller aux voix.)
Les amendements de M. Lanjuinais sont adoptés.
L'article 2 est ensuite décrété en ces termes : Art. 2. Il y aura en chaque tribunal un greffier âgé au moins de 25 ans, lequel sera tenu de présenter aux juges et de faire admettre au serment un ou plusieurs commis également âgés au moins de 25 ans, en nombre suffisant, pour le remplacer en cas d'empêchement légitime, desquels il sera responsable. »
, rapporteur. Voici les dispositions de l'article 3 :
« Art. 3. Les greffiers seront tenus de fournir un cautionnement de 10,000 livres. »
Je propose de décider que le cautionnement sera fourni en immeubles.
Un cautionnement de 10,000 livres est tout à fait insuffisant; je propose de le porter au moins à 12,000 livres.
Ces amendements sont adoptés et l'article est décrété ainsi qu'il suit :
« Art. 3. Les greffiers seront tenus de fournir un cautionnement de 12,000 livres en immeubles, qui sera reçu par les juges. »
, rapporteur, lit les articles 4 et 5. Ils sont décrétés, sans discussion, en ces termes :
-« Art. 4. Us seront nommés à vie, et ne pourront être destitués que pour cause de prévarication jugée.
« Art. 5. Le secrétaire-greffier, que le juge de paix pourra commettre, prêtera serment devant lui et sera dispensé de tout cautionnement ; il sera de même inamovible. »
, rapporteur. Nous arrivons maintenant au titre IX, intitulé : des bureaux de paix et du tribunal de famille.
Avant de lire les articles, j'ai à vous présenter quelques courtes observations.
Ce titre présente deux institutions très intéressantes par leur objet. La première est annoncée par le titre même: bureaux de paix lie tend à calmer les passions de ceux qui s'engagent trop inconsidérément dans les procès. Il existe beaucoup de causes qui provoquent les plaideurs : il faut balancer cette maligne influence par une institution salutaire. G'est une vérité démontrée que tel plaideur qui pourrait aisément se désister de ses prétentions, avant que le premier exploit ait été délivré, continue ensuite, uniquement parce qu'il a commencé : les deux plaideurs ne peuvent plus se rapprocher, dès qu'il y a pour six francs de frais. 11 faut que les bureaux de paix soient en même temps bureaux de jurisprudence charitable, afin de procurer aux pauvres, qui auraient de véritables objets de litige, des lumières et des défenseurs gratuits, et de les faire ainsi participer à la protection des lois. La seconde institution est celle du tribunal de famille : elle est nécessaire pour étouffer sans éclat les contestations de deux époux ou proches parents, qui, sans cela, après avoir scandalisé la société, finissent quelquefois par opérer la ruine d'une famille entière. L'autre objet de cette institution est de parvenir à corriger, par des voies légales, les jeunes gens qui, encore sous l'autorité de leurs pères ou de leurs tuteurs, méconnaissent cette autorité et donnent les plus justes sujets d'alarmes sur l'abus qu'ils peuvent faire de leur liberté. Les six premiers articles sont relatifs aux bureaux de conciliation ; le septième jusqu'au douzième, à la jurisprudence charitable, et les autres présentent l'institution du tribunal de famille.
Je vous demande la permission de vous soumettre une motion sur ie titre IX. : Je serai très court (1).
Messieurs, la série des articles du nouvel ordre judiciaire vous a conduits à une question
du plus
Cet article peut s'envisager sous plusieurs points de vue très intéressants; je n'examinerai ici que les rapports entre les époux.
Le tribunal de famille qui vous est proposé, Messieurs, va détruire pour jamais ces procès en séparation decorps, inconnus aux ancienspeuples, et dont quelques nations modernes ont eu si longtemps à rougir. Un cri de proscription s'était élevé contre ces procédures si favorables au vice adroit, si peu utiles à l'innocence timide, et dont la scandaleuse publicité perpétuait les haines entre les familles et alimentait la dépravation des mœurs. Cet abus, dont la France a si longtemps gémi, va suivre enfin les autres dans leur chute; et c'est une belle et sage prévoyance que celle d'épargner à vos tribunaux naissants le malheur et la honte d'admettre encore cette espèce de congrès moral.
Mais lorsque vous détruisez, Messieurs, l'un des inconvénients de cet usage gothique nommé la séparation de corps, pourquoi ne feriez-vous qu'une œuvre imparfaite? pourquoi ne proscri-riez-vous pas aussi un autre inconvénient de cette même séparation plus absurde, plus tyran-nique, plus contraire au bonheur el à la liberté de l'homme, plus funeste aux mœurs et à la société?
En effet, bizarre et immorale dans les procédés, la séparation de corps était en outre injuste et inpolitique dans ses effets: après avoir à demi séparé des époux, elle laissait les deux parties, sans acception de l'innocent et du coupable, dans une situation cruelle pour eux, dangereuse pour la société. Souffrez ici un développement très rapide.
Oui, Messieurs, je soutiens que c'est un attentat à la liberté de l'homme que de lui dire : Je te défends de vivre avec la femme que tu as épousée, et je te défends d'en épouser une autre. Un tel arrêt serait encore rigoureux pour un époux très coupable; commenta-t-on pu le prononcer contre tant d'époux irréprochables? Ah! pour admettre une telle loi, il faudrait anéantir la déclaration des droits de l'homme ; mais que dis-je ? non, pour la gloire de l'humanité, cette loi n'exista jamais dans le code civil d'aucun peuple.
Aussi est-ce dans des temps de barbarie et d'ignorance et près du berceau de la féodalité, qu'est né, non la loi, car encore une fois il n'y en a pas, mais l'usage de ce célibat forcé, usage qui a contraint ie juge de prononcer la séparation sans nouveau mariage, quand le code civil, ouvert devant lui, prononçait la séparation avec faculté de former de nouveaux nœuds; usage tacitement détruit, aujourd'hui, que le juge n'est plus que l'organe de la loi.
Et quoi ! Messieurs, partout où vous aurez trouvé des fers, vous les aurez brisés ! partout où vous aurez vu des larmes, vous les aurez taries! les diverses victimes des anciens abus sont libres et heureuses, et les victimes de l'abus conjugal
n'ont pas encore fixé vos regards! Quand la philosophie vous les montre depuis si longtemps ; quand la voix publique appelle sur elle votre pitié; quand cinquante ouvrages, tous les journaux, tous les cercles réclament pour elles votre justice! Ces victimes, Messieurs, elles existent, elles souffrent, il n'est pas un de vous qui n'en connaisse quelques-unes, et la masse effrayante de désespoir que j'ai soulevée un instant, vous la laisseriez retomber pour jamais sur elles, et sur celles qu'amèneront les générations suivantes!
Je suis loin de penser que le malheur des individus puisse vous trouver insensibles ; mais, à coup sûr, le malheur général ne peut vous être indifférent. Eh bien ! Messieurs, la séparation de corps est encore plus redoutable pour la société que pour les individus.
Il est une affection innée dans tous les êtres, le penchant d'un sexe vers l'autre: la société est heureuse quand ce penchant tourne à l'avantage commun ; la société a des mœurs, quand un homme et une femme s'unissent et respectent tous les autres. Ainsi, l'Etat le plus heureux, le mieux réglé, serait celui où tous les hommes seraient, non pas seulement mariés, mais véritablement époux. Les célibataires sont, dès lors, les plus grands fléaux des mœurs. Gomment donc, au célibat des gens qui fuient le mariage, a-t-on pu ajouter le célibat de ceux à qui l'on refuse le mariage? n'étail-ce pas assez d'un célibat volontaire? fallait-il introduire un célibat forcé? quand ce dernier est surtout bien plus dangereux, puisque, ne pouvant, comme l'autre, cessera son gré, il est plus excusable d'être criminel, et qj'on peut bien moins reprocher des jouissances illicites à celui à qui les jouissances permises sont pourtant défendues.
Telle est encore la fatale influence de ce nouveau célibat, qu'il augmente et encourage l'autre. G'est une véritée trop reconnue pour la développer. Interrogez ces jeunes libertins; qui leséloigne de la plus sainte des unions? l'aspect effrayant de tant de ménages mal unis, les faciles conquêtes que ces ménages leur présentent. Interrogez ces malheureuses victimes de la dissolution publique : élevées souvent par des parents que la haine divisait, elles ont appris tous les vices à leur école, elles ont perdu leur patriotisme par les désordres de leurs pères. Un mari mécontent ou séparé de sa femme les asé luites, etdepuis... maisje m'arrête, ces tristes tableaux n'ont que trop attristé vos regards; et vous êtes sans doute convaincus de cette grande et éternelle maxime, que le célibat conjugal est un joug insupportable pour les individus qu'il opprime, et un fléau terrible pour les nations où il existe.
Je sais que l'on voudra ici, comme on l'a déjà fait si souvent, opposer la religion à la raison; mais ce point de controverse, soumis depuis longtemps au tribunal du public, est jugé en faveur de ma cause par l'opinion la plus générale. Il est demeuré constant que la religion est ici d'accord avec la raison, lorsqu'abandonnant les querelles ascétiques, on remonte aux sources sacrées du christianisme, où vous avez souvent aimé â vous reporter.
Je vous en conjure donc, Messieurs, assurez à jamais la liberté individuelle de l'homme, eu ajoutant à l'article que vous discutez celui que je vais avoir l'honneur de vous soumettre. Voyez que d'avantages en résulteront: un grand point de morale consacré, un grand préjugé détruit; tant de haines, de scandales, de désordres, de
crimes même, épargnés à la société ; tant d'individus des deux sexes rendus à la liberté, au bonheur et à la vertu, tant d'enfants soustraits à une mauvaise éducation, à la perte de leur patrimoine; les mariages plus nombreux,plus féconds; les bonnes mœurs rétablies et surtout les droits de l'homme respectés, dans un état auquel sont appelés tous les hommes.
Voici ma motion :
L'Assemblée nationale décrète :
Article 1er. Les époux séparés actuellement de corps en
justice, ou qui seront séparés à l'avenir d'après les dispositions de l'article ci-dessus,
seront libres de former de nouveaux nœuds.
Art. 2. En attendant que la réfprme du code civil amène les législatures suivantes à décréter de nouvelles lois de détails, les effets de cette séparation, avec mariage subséquent, seront les mêmes à l'égard des époux, que ceux de l'ancienne séparation de corps.
Art. 3. A l'égard des enfants des époux séparés et remariés, on suivra, de même provisoirement, l'édit des secondes noces, relatives aux enfants des veufs.
Le titre IX nous est présenté sous deux aspects : celui de tribunal de conciliation et celui de jurisprudence charitable. Je ce l'envisagerai que sous le rapport de bureau de conciliation. Si les bureaux de paix avaient effectivement tous les avantages qu'a présentés M. le rapporteur, il faudrait s'empresser de les admettre; mais s'ils étaient inconstitutionnels et dangereux, il faudrait les rejeter. Ce n'est pas sans raison que vous avez ôté aux juges de paix la connaissance de certaines affaires : vous avez jugé que la plupart n'ayant pas l'expérience suffisante, leur compétence ne pouvait s'étendre jusqu'à des affaires d'une importance majeure. Eh bien, si vous adoptiez les articles qu'on vous propose, vous leur donneriez, parle fait, le jugement de toutes les affaires que vous avez reconuu ne devoir pas être de leur compétence. Dans les questions de droit, le bureau de conciliation devient absolument inutile ; dans celles de fait, quand je serais venu au bureau de conciliation, et que j'aurais été bien ou mal entendu, le jugé de district s'en rapporterait très probablement à cette unique information. Cet établissement né serait bon que pour les praticiens, car on aurait grand soin de faire préparer tous les détails par des avocats. L'exposition des faits est la propriété de la partie, et le jugement le devoir du juge. Je demande donc la question préalable sur les trois premiers articles. ™
Je trouve que ies avantages surpassent les inconvénients; mais comme il pourrait y en avoir qu'on n'aperçoit pas, je demande que les articles soient seulement réglementaires. : _
L'idée d'un tribunal de conciliation m'a d'abord paru séduisante ; mais je crains que nous ne donnions au jugé de paix une attribution bien supérieure aux forces d'un seul homme. Ce preipier point de yue mis de côté, il s'en présente un non moins important. Ce ne sont point lès établissements qu'il faut perfectionner, mais l'espèce humaine. Il est certain que rien ne favoriserait davantage un débiteur négligent ou de mauvaise foi. G'est surtout dans l'article 12 que je trouve des inconvénients. « Aucune femme »,
y est-il dit... (On observe que l'article 12 ne fait pas l'objet de la discussion.)
On a dit que l'établissement d'un tribunal de conciliation est anticonstitutionnel, dangereux, et que les juges de paix ne pourront suffire à tout le travail dont ils seront chargés. Je répondrai d'abord que cet établissement, loin dé s'ecarter de la Constitution, s'en rapproche et l'accomplit. Dès vos premiers pas, vous avez témoigné le désir d'éteindre l'ardeur des procès; et c'est là le but principal de cette institution. Je demande si l'accomplissement de ce vœu vous paraît dangereux. On a dit que le juge de paix dicterait le jugement du tribnnal de district. S'il y a des débats relatifs aux faits, ils seront simplement consignés dans le procès-verbal; si, au contraire, la contestation est sur un point de droit, elle restera tout entière au tribunal de district. On a dit aussi que vous introduiriez des délais, et que, par là, vous favoriseriez les débiteurs négligents ; mais dan6 l'ancien ordre de choses nous connaissons aussi des délais, et cependant nous avions des ressources; il y avait des saisies provisoires, et elles ne sont pas abolies. Enfin, je ne vois, dans les articles qui vous sont proposes, que des idées très justes et très simples. Je demande que le premier soit adopté.
Le véritable rapport sous lequel il faut envisager la question, c'est que la plupart des affaires qui excéderont la compétence du juge de paix présenteraient à des juristes la matière d'une procédure longue et épineuse, tandisqu'elles auraient été facilement jugées, dans leur origine, par un homme sage et probe, qui aurait eu un bon jugement. Ne désespérons pas des effets do la Révolution sur les esprits. Il faut semer les bonnes institutions, Dès qu'un homme de bien ne peut dire qu'elles feront du mal, et qu'il est certain, au contraire, qu'elles présentent de grands avantages, il est impossible que le Corps législatif ne les adopte pas.
Voici l'article 1er tel que nous vous le proposons:
Art. 1er. « Dans toutes les matières qui excéderont la
compétence des juges de paix, ce juge et ses assesseurs formeront un bureau de paix et de
conciliation. »
(Cet article est mis aux voix et adopté.)
, rapporteur, lit l'article 2.
Art. 2. « Aucune action principale ne sera reçue au civil devant les juges de district entre parties qui seront toutes domiciliées dans le ressort du même juge de paix, soit à la ville, soit à la campagne, si le demandeur n'a pas donné, en tête de son exploit, copie du certificat du bureau de paix, constatant que sa partie a été inutilement appelée à ce bureau, ou qu'il a employé sans fruit sa médiation. »
(Cet article est adopté sans discussion.)
propose un amendement cpnçu ep ces termes : « L'avertissement de se trouver deyant le juge de paix aura l'effet d'interrompre l'a prescription et d'autoriser les poursuites conservatoires, lors qu'elles seront d'ailleurs légitimes. •»
(Cet amendement est adopté cornme article à reporter dans les articles réglernentames qui seront décrétés par l'adoption de toutes les bases de l'ordre judiciaire.)
lit l'article 3 en ces termes :
Art. 3. « Dans le cas où les deux parties comparaîtront devant le bureau, il dressera un procès-verbal sommaire de leurs dires, aveux et dénégations sur les points de fait. »
Cet article contient un des principaux avantages des bureaux de paix. Quand, une partie ne s'est pas consultée près des praticiens, ou des gens de loi, elle s'explique franchement et sincèrement sur les faits. Il faut rechercher avec soin ces explications naïves. Quand, au contraire, la partie a passé par l'épreuve d'une consultation, elle a appris à présenter les faits, non dans leur ordre naturel, non avec leur vérité tout entière, mais dans le sens Je plus favorable à sa prétention. L'objet principal de l'instruction des juges de paix est donc de recevoir les aveux et ies dénégations.
Il est possible qu'une partie traduite au bureau de paix soit absente ou empêchée d'une manière quelconque. Il faut aussi que les dires soient signés, ou que ies procès-verbaux fassent mention du refus ou de rira-possibilité de signer. Les parties ne sont pas liées par des actes non revêtus de leurs signatures.
En autorisant les parties à être représentées, elles prétexteront des maladies pour faire comparaître des praticiens.
Ge serait perdre l'utilité et la pureté de cette institution, que de permettre la représentation des parties. Il est certain qu'il peut se trouver des cas où la comparution de l'une ou de l'autre, en personne, serait impossible. L'exception nécessaire, pour cette circonstance, est un objet de règlement : il ne faut pas perdre de vue que, dans ce moment, nous posons uniquement les principes.
G'est se faire illusion que d'imaginer que les parties ne se seront pas consultées avant de venir au bureau de paix ; c'est se faire illusion qne de croire qu'elles auront toutes la même facilité pour exposer ies faits et pour se défendre. Un homme naïf se trouvera en opposition avec un praticien consommé, ou avec un homme qui, pour n'être pas praticien, n'en sera pas moins rusé. On mettrait d'ailleurs les parties à la merci du juge de paix, qui, le plus souvent, serait un praticien. Yous lui confieriez les titres qui assurent les droits et les propriétés des contendants. Il faut réduire l'article à ceci : « Le procès-verbal du bureau de paix ne contiendra que la comparution des parties, ou la non comparution de l'une d'elles. »
Les praticiens existaient avec les justices seigneuriales; ces justices sont supprimées. Les parties pourront désormais paraître en personne; il n'y aura plus de praticiens, puisqu'il n'y aura plus rien à gagner pour eux. Ainsi, il est inutile de stipuler pour les parties la faculté de se faire représenter.
Quelque faveur que semble prendre l'article proposé, je le crois inutile: ou les parties seront d'une capacité égale, ou elles seront d'une capacité inégale. Dans ce dernier cas, l'homme rusé aura trop d'avantages sur l'homme simple. Dans le premier, si les parties sont toutes deux de bonne foi, elles seront accordées avant de venir devant le juge de paix.
Si le demandeur est de mauvaise foi, il s'armera avant de comparaître, et le défendeur sera sacrifié. Si celui-ci est également rusé, s'il prévoit la ruse de son adversaire, ils ne se présenteront ni l'un ni l'autre : la conciliation sera impossible. L'article est donc inutile; il doit être rayé.
Il n'y a lieu à aucune espèce d'amendement. Si vous admettez la comparution par procureur, vous ressuscitez les praticiens. Les consuls appelaient les parties pour comparaître en personne, lors même qu'elles étaient éloignées, et les jugements rendus après les avoir entendues étaient toujours équitables.
Il n'est point de jurisconsulte qui ne sache que très souvent on a beaucoup de peine à entendre les plaideurs, quand ils viennent exposer leurs affaires. La partie la plus instruite embarrassera l'autre, et les aveux arrachés seront en sens contraire de la vérité; il ne faut pas donner une ressource aux gens de mauvaise foi.
(J'appuie la proposition de M. Brillat-Savarin.)
Il n'y aura plus d'inconvénients à permettre aux parties de se faire représenter, si l'on exige en même temps qu'elles ne soient jamais représentées par des praticiens.
Si vous admettez les patriciens, vous allez contre vos décrets; si vous n'en admettez pas, l'homme honnête et simple devient la victime de sa probité et de sa naïveté; mais surtout craignez que le juge de paix, disposé plus favorablement pour celui qui, dans son opinion, paraîtra avoir raison, ne mette dans le procès-verbal sa propre opinion à la place de la vérité. Cette dernière considération me paraît très forte et doit déterminer à adopter la proposition de M. Brillat-Savarin.
L'article est excellent sans procès-verbal; un procès-verbal est un procès; au lieu d'un bureau de paix vous aurez un bureau de guerre.
En décrétant les deux premiers articles, vous avez posé des principes dont il faut suivre les conséquences. La comparution en personne est le plus sûr moyen pour amener à la conciliation, et la conciliation est la base fondamentale de l'institution qu'on vous propose : il y aura une exception pour les impossibilités absolues de comparaître; mais il faudra que cette exception soit resserrée en entendant les parties en personne, à l'expression simple des faits; quand il ne s'agit que des faits on ne peut craindre la ruse ou le défaut de capacité. L'homme borné connaît parfaitement les faits qui lui sont personnels : il ne se passe rien de péremptoire devant le juge de paix, puisque tout est extrajudiciaire. Les parties s'étant expliquées dans la position la plus avantageuse pour la vérité, elles ne pourront pas, dans l'instruction, varier sur les faits, sous la direction des praticiens. Le procès^verbal a pour objet d'éviter cette variation.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.
MM. Biauzat et Thévenot demandent la question préalable sur l'article.
Cette demande est rejetée.
propose d'ajouter;
« Lequel procès-verbal sera signé des parties, où, à leur requête, il sera fait mention de leur refus de signer. »
Cette addition est adoptée et l'article est décrété ainsi qu'il suit :
Art. 3. « Dans le cas où les deux parties comparaîtront devant le bureau de paix, il dressera un procès-verbal sommaire de leurs dires, aveux ou dénégations sur les points de fait. Ce procès-verbal sera signé des parties, où, à leur requête, il sera fait mention de refus. »
L'article 4 est mis à la discussion.
Art. 4. « En chaque ville où il y aura des juges de district, le corps municipal formera un bureau de paix, composé de six membres choisis pour deux ans parmi les citoyens recomman-dables par leur patriotisme et leur probité, dont trois au moins seront hommes de loi. »
Il ne faut admettre dans ce tribunal aucun homme de loi.
J'observerai sur cette demande : l°que le bureau de paix ne pourra remplir utilement ses fonctions, s'il ne renferme des hommes de loi. Lorsqu'il s'agira de l'appel, il faudra bien être homme de loi pour éclairer les parties sur les réformes du jugement, ou sur les principes sur lesquels il aura été rendu; 2° le bureau de paix sera aussi bureau de jurisprudence charitable ; il doit fournir aux pauvres ie conseil sur les droits contentieux et la défense ministérielle dans les tribunaux.
(L'Assemblée décide qu'il n'y a point lieu à délibérer sur la proposition de M. de Biauzat.)
Il est dit, dans l'article, que le corps municipal formera le bureau de paix ; il serait plus convenable d'exiger que cette formation fût faite par le conseil général de la commune.
Ce qui nécessite le concours des hommes de loi dans le bureau de paix, c'est parce que ce bureau servira en même temps à défendre les pauvres ; mais, au lieu de trois, on peut fort bien n'en admettre que deux.
(Cet amendement est adopté.)
L'article 4, amendé, est ensuite mis aux voix et décrété dans la tenenr suivante :
Art. 4. « En chaque ville où il y aura un tribunal de district, le conseil général de la commune formera un bureau de paix, composé de six membres choisis pour deux ans, parmi les citoyens recommandables par leur patriotisme et leur probité, dont deux au moins seront hommes de loi. »
lit une lettre de M. Guignard Saint-Priest, ministre d'Etat, qui envoie à l'Assemblée son mémoire justificatif sur la dénonciation dont il a été l'objet au Châtelet de Paris (Voy. plus haut ce document annexé à la séance du 2 août 1190). Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président, j'ai eu l'honneur de prévenir l'Assemblée nationale, le 13 du mois dernier, d'une dénonciation faite contre moi au Châtelet de Paris par le comité des recherches de cette ville ; je prends aussi la liberté de vous adresser un mémoire à consulter, et la consultation de trois jurisconsultes sur cette même affaire, dont il a été récemment question à l'Assemblée nationale. Je joins ici des exemplaires de ce mémoire pour tous les membres qui la
composent, et je me livre avec confiance et sécurité à l'opinion qu'elle prendra de mon innocence, en attendant que ce tribunal équitable, auquel je suis dénoncé, puisse la prononcer.
Signé : guignard. »
, député d'Artois, demande un congé de quinze jours.
demande l'autorisation de s'absenter également pour quinze jours.
Ces congés sont accordés.
On revient à la discussion du titre IX du projet sur Vorganisation judiciaire.
, rapporteur, donne lecture des articles 5, 6, 7, 8, 9,10 et 11.
Ces articles sont successivement adoptés, sans discussion, ainsi qu'il suit :
Art. 5. « Aucune action principale ne sera reçue au civil dans le tribunal de district, entre parties domiciliées dans les ressorts de différents juges de paix, si le demandeur n'a pas donné copie du certificat du bureau de paix du district, ainsi qu'il est dit dans l'article 2 ci-dessus; et si les partiés comparaissent, il sera de même dressé procès-verbal sommaire, par le bureau, de leurs dires, aveux ou dénégations sur les points de fait; lequel procès-verbal sera également signé d'elles, où mention sera faite de leur refus.
Art. 6. « L'appel des jugements des tribunaux de district ne sera pas reçu, si l'appelant n'a pas signifié copie du certificat du bureau de paix du district où l'affaire a été jugée, constatant que sa partie adverse a été inutilement appelée.
Art. 7. « Le bureau de paix du district sera en même temps bureau de juriprudence charitable, chargé d'examiner les affaires des pauvres qui s'y présenteront, de leur donner des conseils, et de défendre ou faire défendre leurs causes.
Art. 8. « Le service qui sera fait par les hommes de loi dans les bureaux de paix et de juriprudence charitable, leur vaudra d'exercice public des fonctions de leur état auprès des tribunaux et le temps en sera compté pour l'éligibilité aux places de juges.
Art. ,9. « Tout appelant, dont l'appel sera jugé mal fondé, sera condamné 'à une amende de 9 livres pour un appel du jugement du tribunal de district, sans que cette amende puisse être remise ni modérée sous aucun prétexte.
Art. 10. « Elle aura également lieu contre les intimés qui n'auront pas comparu devant le bureau de paix lorsque le jugement sera réformé, et elle sera double contre ceux qui, ayant été appelés sans s'être présen tés au bureau de paix et en avoir obtenu le certificat, seront, par cette raison, jugés non-recevables.
Art. 11. « Le produit de ces amendes, versé dans la caisse d'administration de chaque district, sera employé au service des bureaux de juriprudence charitable. »
, rapporteur, lit l'artice 12 ainsi conçu :
Art. 12. «Aucune femme ne pourra se pourvoir en justice contre son mari, aucun mari contre sa femme, aucun fils ou petit-fils contre son père ou son aïeul, aucun frère contre son
frère, aucun neveu contre son oncle, aucun pupille contre son tuteur, pendant trois ans, depuis ia tutelle finie et réciproquement, qu'après avoir nommé des parents pour arbitres, devant lesquels ils éclairciront leur différend, et qui, après les avoir entendus, et avoir pris les connaissances nécessaires, rendront une décision motivée. »
Le délai fixé à trois ans pour le pupille tend à établir qu'il ne sera majeur qu'à 27 ans.
Il paraît qu'il y a plu' sieurs additions à faire à l'article. Il faut que l'obligation de nommer des parents pour arbitres soit commune au demandeur et au défendeur ; que la nomination des arbitres soit contrainte entre les deux parties, et (jue la décision équivale à un jugement en première insiance, et soit portée, par appel et en dernier ressort, au tribunal de district. Il me semble, au contraire, convenable d'ajouter à ces mots : aucun pupille contre son tuteur, ceux-ci : à raison de la tutelle.
C'est parce que j'honore infiniment l'institution qui vous est proposée, que je demande des moyens d'xécution. On pourrait dire que, dans le cas où les parties ne s'accorderaient pas sur le choix des arbitres, elles s'adresseraient aux juges qui en nommeraient d'office parmi les parents.
Il serait possible que l'une des parties, ou que toutes les deux, n'eussent pas un nombre suffisant de parents ; il faut alors lais er la liberté de choisir parmi les voisins et les amis communs.
Le nombre des arbitres n'est point fixé par l'article ; on pourrait décréter que les parties conviendront d'un nombre égal de parents, et que, dans le cas de partage, le sur-ar-bitre sera un ami commun, nommé par les parents arbitres et non par les parties.
Je demande la question préalable sur les amendements et sur l'article. La disposition qui en résulterait serait : 1° évidemment contraire à tous les principes; 2° impraticable. 1° Vous voulez que le frère, plaidant contre son frère, soit jugé comme les autres citoyens ; vous voulez que le jugement soit également impartial. L'institution qu'on vous propose renferme tous les germes de la partialité; les jugements ne seraient plus rendus suivant la justice, mais suivant l'affection des juges pour les parties ; 2° comment espérez-vous que toutes les familles seront assez nombreuses pour fournir des juges?
L'Assemblée décide, à une très grande majorité, qu'il y a lieu à délibérer sur les amendements et sur l'article.
Le comité adopte tous les amendements.
Ils sont décrétés, sauf rédaction, ainsi que l'article qui est le suivant :
Art. 12. « S'il s'élève quelque contestation entre mari et femme, père et fils, frères et sœurs, neveux et oncles, ou entre alliés aux degrés ci-dessus, comme aussi entre les pupilles et leurs tuteurs, pour choses relatives à la tutelle, les parties seront tenues de nommer des parents, ou, à leur défaut, des amis ou voisins pour arbitres, devant lesquels ils éclairciront leurs différends, et qui, après les avoir entendues, et pris les
connaissances nécessaires, rendront une décision motivée. »
, rapporteur, lit l'article 13 qui est adopté, sans changement, ainsi qu'il suit :
Art. 13 « Si un père, ou une mère, ou un aïeul, ou un tuteur a des sujets de mécontentement très-graves sur la conduite d'un enfant, ou d'un pupille, dont il ne puisse plus réprimer les écarts, il pourra porter sa plainte au tribunal domestique de la famille assemblée au nombre de huit parents les plus proches, ou de six au moins, s'il n'est pas possible d'en réunir un plus grand nombre, et, à défaut de parents, il y sera suppléé par des amis ou des voisins. »
Art. 14 « Le tribunal de famille, après avoir vérifié les sujets de plainte, pourra arrêter que l'enfant ou pupille, s'il est âgé de moins de 20 ans, sera renfermé pendant un temps qui ne pourra excéder celui d'une année, dans les cas les plus graves. »
Plusieurs membres demandent que l'âge soit étendu jusqu'à vingt-cinq ans.
(On demande la question préalable sur cet amendement.)
(L'Assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer.)
Le tribunal de famille ne doit prononcer que sur le jeune homme que la loi n'aperçoit pas encore; mais, à 20 ans, l'homme est déjà capable de connaître la loi, d'être connu par elle ; il paraîtrait extraordinaire que celui que vous admettez à la prestation du serment civique, à ce premier pas vers la dignité du citoyen, ne fût pas affranchi des liens qui retiennent l'enfance.
Pour le bien de l'Etat, pour celui des familles, pour celui de l'individu même, l'amendement doit être adopté.
En faisant une Constitution libre, vous voulez créér des hommes capables de sentir cette Constitution; or, je ne connais rien qui avilisse plus les hommes que delesasservir dans un âge où la raison se développe, où le caractère se forme, à une autre puissance que celle de la loi. Vous avez retardé la majorité politique plus que les autres peuples qui ont une Constitution : dans l'Amérique Septentrionale, où la nature du climat rend plus tardives les facultés physiques et morales, les hommes sont appelés à l'âge de vingt-un ans à l'exercice des fonctions politiques. Vous avez bien fait, sans doute, en ne suivant pas cet exempfe; mats peut-être ferez-vous sagement encore en fixant à vingt ans Je terme du pouvoir du tribunal de famille sur la liberté d'un citoyen; se trouvant soumis à la responsabilité personnelle pour ses propres actions, l'homme de vingt ans se préparera à la responsabilité de ia chose publique; hauituéà voir la loi dominer sur ses actions, il apprendra à la respecter; il apprendra à en réclamer un jour l'exécution. Si vous étendez à vingt-cinq ans le terme fixé par l'article, le jeune citoyen passera immédiatement de l'état d'enfance à la gestion des affaires publiques ; il représentera, sans caractère, dans cette importante carrière : le caractère ne se forme pas par le temps, mais par la responsabilité de sa propre chose, de ses propres intérêts. Je demande donc, soit pour la gloire de l'espèce humaine, soit pour l'intérêt de la Constitution, que l'article du comité soit adopté. (Une partie de VAssemblée applaudit.)
Ge n'est pas de 20 à 25 ans que la jeunesse est la moins impétueuse; c'est alors qu'elle est sujette aux mouvements, aux agitations les plus déplorables. L'autorité du tribunal de famille ne peut dégrader l'homme, puisque c'est l'autorité de la nature. Dans un siècle de dépravation, les législateurs ne sauraient rechercher .avec trop de soin les moyens de rappeler les mœurs, ou de s'opposer à leur perte totale; l'amendement de 25 ans est un de ces moyens; il ne peut être dédaigné.
Je regrette que la disposition où je me trouve ne me permette pas de vous présenter le développement du projet de votre comité ; je dirai seulement que quand un homme a 20 ans, il est temps qu'il réponde à la loi.
Vous avez fixé à 21 ans le premier acte politique; je demande qu'on fixe à 21 ans la cessation du pouvoir du tribunal de famille.
(Ce sous-amendement est mis aux voix. — La première épreuve est douteuse. — A la seconde, M. le Président pense que le sous-amendeinen^est admis; trois de MM. ies secrétaires sont du même avis; deux croient qu'il y a du doute ; un autre, qu'il est rejeté. — Le côté droit réclame l'appel nominal. — On y procède. — -Le résultat donne 313 voix pour rejeter le sous-amendement, et 338 pour l'admettre.)
met aux voix l'article 14. 11 est adopté dans les termes suivants :
Art. 14. « Le tribunal de famille, après avoir vérifié les sujets de plainte, pourra arrêter que l'enfant, s'il est âgé de moins de 21 ans accomplis, sera renfermé pendant un temps qui ne pourra excéder celui d'une année, dans les cas les plus graves.
(La séance est levée à trois heures du soir.)
Séance du
, ex-président, occupe le fauteuil; Il ouvre la séance à six heures du soir.
Des députés de la commune et de la ^ard-e nationale de la ville de Remiremoot, admis à la barre, font lecture d'une adresse qui exprime la plus vive indignation, contre l'auteur du journal intitulé : Patriote françaisr lequel, dans le n° 332, a .osécalomnier de la manière la plus atroce leur pairiotisnieet leur dévouement à la chosepublique. Tous les citoyens s'empressent de renouveler leur serment civique entre les mains de l'Assemblée, et sollicitent sa justice contre le feuilliste, leur vil calomniateur.
(Cette adresse est renvoyée au comité des rapports.)
accorde aux députés l'honneur de la séance.
n est également fait lecture des adresses suivantes :
Adresse des administrateurs du district de Lille, département du Nord, qui présentent à l'Assemblée le tribut de leur admiration et de leur dévouement.
Procès-'Verbal de ce qui s'est passé à Estissac, le 14 juillet dernier, à la célébration de la fête de la confédération générale dé France.
La motion est faite et décrétée qu'il sera fait mention de ces deux pièces au procès-verbal.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance de ce jour, au matin. Il est adopté.
Les comités des rapports et de Constitution réunis présentent un projet de décret sur la formation du corps administratif du département des Landes.
Ce décret est adopté, sans discussion, ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, d'après l'avis de ses comités de Constitution et des rapports réunis,
« Décrète : 1° que l'assemblée du département des Landes se tiendra, conformément à son décret du 15 février dernier, en la ville de Mont-de-Marsan ;
« 2° Que les électeurs, après avoir formé le corps administratif, se retireront en la ville de Tartas, pour y délibérer sur la faculté qui leur a été laissée de proposer un alternat, s'ils le jugeaient convenable aux intérêts du département;
« 3° Que, dans le cas où les électeurs jugeraient convenable de proposer un alternat, cet alternat ne pourrait avoir lieu qu'entre la ville de Mont-de-Marsan et une autre ville de ce département :
« Ordonne que son Président se retirera incessamment par devers Sa Majesté, pour la prier de faire exécuter le présent décret. »
,, appuyé par tous les députés de la ci-devant province de Bretagne, réclame contre une procédure qui s'instruit dans les départements d llle-et-Vilaine et de la Loire-Inférieure, sur les désordres que les paysans ont commis, il y a six mois. Ges désordres, assurément très condamnables, n'out pas été portés en Bretagne aux mêmes excès que dans plusieurs provinces de la France. Nul nomme n'en a été la victime; deux maisons ont été brûlées. Sous prétexte d'informer aujourd'hui, après un silencè de six mois, ou arrache aux travaux pressants de la moisson, on traîne dans les cachots de malheureux paysans dont quelques scélérats égaraient la crédulité, en leur disant que ces désordres étaient commandés par Je roi et l'Assemblée nationale.
M. Le Chapelier demande que ces poursuites soient discontinuées au criminel, mais
qu'elles soient reprises au civil, pour laisser le recours aux parties lésées.
demande qu'on rende un décret général, puisque plusieurs départements sont dans une situation semblable à la ci-devant province de Bretagne.
s'oppose à ce qu'on s'écarte de la motion de M. Le Chapelier et représente que les circonstances particulières à la Bretagne ne sont pas communes aux départements de la Corrèze et du Loiret.
On demande à aller aux voix.
La motion de M. Le Chapelier ëst décrétée ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, informée par un de ses membres, des procédures criminelles qui s'instruisent dans les départements de l'llle-et-Vilaine, de la Loire-Inférieure, du Morbihan et autres de la ci-devant province de Bretagne, à l'occasion des troublés, dégâts et voles de fait qui ont eu lieu il y a quelques mois dans les campagnes situées dans ces départements;
« Considérant que ces insurrections et voies de fait très condamnables ont été partout le fruit d'un égarement momentané, et même, dans quelques endroits, l'effet de la supposition coupable de prétendus décrets de KAssemblée nationale et d'ordres du roi, auxquels la simplicité des habitants des campagnes leur a fait ajouter foi, quelque incroyables qu'ils fussent ;
« Considérant, en outre, que le zèle des municipalités et des administrations de département et de district, leur attention à instruire les habitants des campagnes des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, et à les leur expliquer, empêcheront ces insurrections et voies de fait de se reproduire, lesquelles ne pourraient renaître qu'au grand péril de ceux qui s'en rendraient coupables, parce qu'ils seraient punis avec toute la sévérité des lois ;
« Décrète que le Président se retirera vers le roi, pour le prier de donner des ordres afin que les procédures criminelles qui s'instruisent dans les départements de l'IUe-et-Vilaine, delà Loire-Inférieure et du Morbihan, à l'occasion des dégâts et voles de fait Commis dans quelques paroisses desdits départements, soient regardées comme non-avenues; et que les personnes emprisonnées à raison de ces procédures soient mises en liberté, réservant à ceux qui ont pu souffrir quelques dommages de ces insurrections et voies de fait, la faculté de se pourvoir par une procédure civile, pour obtenir des dédommagements et réparations qui leur seraient dus, et à se servir comme d'enquêtes des informations faites sur leurs plaintes ou sur celles des officiers exerçant le ministère public dans ces paroisses. »
Des citoyens de la ville de Saint-Maixent, département des Deux-Sèvres, font lecture d'une adresse de félicitation, remerclment et adhésion : Dans un moment où tout paraît s'armer contre la liberté, ils déclarent renouveler, entre les mains de l'Assemblée, le serment civique qu'ils ont déjà fait au pied des autels*
Le sieur Aliard, maire et député de la ville et du district de Parthenay, même département, présente à l'Assemblée l'hommage des électeurs du district, et une pétition relative à la fixation du chef-lieu du département. Cette pétition est renvoyée au comité de Constitution.
répond :
« Le nouveau régime ne peut être utile à la nation, elle ne peut reprendre sa première splendeur, qu'autant que les administrateurs des départements et districts feront tous leurs efforts pour seconder ses travaux, en faisant respecter les lois, payer les impôts, et maintiendront partout le bon ordre et la paix qui en est la suite.
« L'Assemblée reçoit avec satisfaction l'expression de vos sentiments et votre adhésion à ses décrets. »
Une dèputation des naturalistes est admise à la barre et présente l'adresse suivante :
«Messieurs, une association de presque tous les naturalistes qui se trouvent actuellement à Paris a formé le projet d'élever, par une souscription volontaire, des monuments aux savants, qui, par leurs travaux et leurs succès, ont. accéléré les progrès de l'histoire naturelle, en ont répandu le goût et fait connaître le véritable prix. Si ce projet se bornait à cette sorte d'apothéose, ceux qui l'ont formé seraient sûrs d'obtenir votre approbation, Messieurs, non à titre de législateurs, mais comme amis des hommes, et conséquemment de l'instruction; mais ils viennent de plus vous demander la permission de placer les bustes des grands hommes, dont ils veulent honorer la mémoire, au jardin puhlic des plantes, établissement que nous désirons tous voir devenir national ; c'est-à-dire à l'abri de toute influence étrangère à la vôtre. Ils se concerteront, d'ailleurs, pour tout ce qu'ils se proposeraient de faire, avec les personnes chargées d'administrer ce lieu d'enseignement public.
a Notre association s'est restreinte à donner un témoignage authentique de son admiration aux seuls grands hommes qui ont illustré la science, objet des recherches de se» membres ; science dont le nom de Buffon, en France, comme celui de Linnœus, chez toutes les autre» nations de l'Europe, ferait sentir le prix, si elle n'en recevait un plus grand encore de ses rapports avec l'agriculture et tous les arts utiles. Le naturaliste le plus digne de nos hommages, et conséquemment celui en l'honneur de qui le premier buste sera élevé, est ce même Linnœus, à qui le roi de Suède avait donné le nom de Linné, pour l'anoblir, et à qui nous, Français, libres, avons rendu celui de Linnœus, pour l'honorer davantage.
« Qu'on'ne s'étonne point de nous voir décerner les premiers honneurs de ce genre, à ce grand homme; il a créé une nouvelle langue pour l'histoire naturelle, il a jeté un nouveau jour sur toutes les parties decette science, et a déchiré ainsi un coin dii voile dont la nature qui aime à se montrer, a toujours été, malgré elle, "couverte par l'ignorance. Aucun titre n'a manqué à sa gloire; il a éprouvé des obstacles, des persécu-cutions de tout genre ; mais tel est le sort de tous ceux qui cherchent à répandre l'instruction : tel est aussi le sort de ceux qui s'occupent des grands objets de la chose publique ; car vous le savez mieux que personne, Messieurs, on ne travaille pas impunément au bonheur de l'humanité.
« Il est temps que les savants paisibles, qui ont contribué si efficacement à l'amélioration de l'espèce humaine, soient offerts, par leurs disciples, a la vénération des siècles à venir et que notre postérité, à l'aspect des monuments que la génération présente lui aura transmis, puisse dire de nous : « ils connurent la vraie félicité; ils
eurent peu de héros, beaucoup de philosophes, et furent encore plus heureux en législateurs.
«Arrêté au Jardin des plantes, le 30 juillet 1790.
« Louis Bosc, ci-devant d'Antic, président ; Ser-villiers; Buisson ; Broussonet; Cely; Pelletier; Jacquin ; Alexandre Miché; Lenoir ; Bayen ; Marin; Donadei ; d'Andrada ; Daca-mara; Lamarck; Fagozo; Faujay; Lacepède; A.-F. Gouin; Jean-Claude Vincent ; Giroud ; Dujonquau; Gruvel; Codon ; Laurent; du Picrv, Michaut, Chr. Girtanner; L. Richard; Riche ; Beaurain ; Hédouin; Bevot; Redouté; Thuillier ; Mallet, hls ; Fourcroy ; Boutteron; René Geoffroy; Boutellon ; Boureau; Bou-reau père; Defrousseanx ; Guillot; Jean-Gabriel Gai lot, D. M.; Guilbert fils ; L. Rey-nier ; Noë-Gabriel Gai lot ; Deschamps hls; Robin ; Jupuis ; Hapenfratz ; Sumonneau fils; Guérin; Duhamel; Trousse! des Grouse, maire de Mantes: E. Reynier ; E. Delessert; Vilmorin; Jean Thouin; Desfontaines; Louis Mil lin ; secrétaire; Mallet père; Guillot; Duhamel; J.-C. Delametherie; Lefebvre; Gigot; J.-P. Saurine, député à l'Assemblée nationale ; Groteste; Barrois; F. Lanthenas, D. M.; J. Forster; Vallant ; Sage; Bayen; Desève; Léré; Parmentier; Lelièvre; Bulliard ; A. Richard, de l'Académie royale d'Orléans; Damand; Olivier; Dauphinot, avocat auPar-lement; J.-B. Taillaud; B. Manuel; Otcher; Grégoire, député ; G. Romme. »
répond :
« Messieurs, la science que vous cultivez réunit tous les genres d'intérêt, : le philosophe et ie laboureur, le savant et l'artiste s'y livrent avec la même ardeur comme avec la même utilité. Ceux qui, par la constance de leurs travaux et la force de leur esprit, ont surpris le secret de la nature, et nous ont fait connaître ses procédés, ont des droits éternels à la reconnaissance des nations, et le monde entier est leur patrie. L'hommage que vous vous proposez de rendre à leur mémoire, illustrera ceux qui en conçurent l'idée comme ceux qui en seront l'objet.
« Les noms de Buffon et Linnœus survivront aux monuments que vous leur destinez ; mais ceux qui ont tant aimé leurs ouvrages aimeront à se retracer leurs traits, et nul emplacement, sans doute, ne peut mieux convenir à leurs bustes, que le théâtre de leur gloire.
« L'Assemblée nationale n'a rien statué encore sur l'administration du Jardin royal des plantes; elle voit avec intérêt parmi vous"ceux à qui cet établissement doit l'ordre que l'on y admire : le libre hommage que vous venez lui rendre, est digne de lui plaire et de l'intéresser; elle vous permet, Messieurs, d'assister à sa séance. »
, député d'Artois, demande et obtient un congé de quinze jours pour affaires de famille.
L'ordre du jour est un rapport du comité militaire sur la réclamation de M. Moreton-Chabrillan.
, rapporteur. Jacques-Henri More-ton-Cliabi illan fut fait colonel du régiment d'infanterie de laFère en 1785. II étaità cette époque capitaine des gardes de Monsieur, frère du roi ; il avait fait deux campagnes de guerre et le siège de Gibraltar. Le 24 juin 1788, M. de Moreton fut
destitué du commandement de son régiment par une simple lettre de M. de Brienne, alors ministre de la guerre. M. de Moreton réclama aussitôt contre cette destitution arbitraire : il écrivit à M. de Brienne, à M. le cardinal de Brienne, son frère, enlin il se détermina à présenter au roi un mémoire justificatif, à la tin duquel il suppliait Sa Majesté de lui rendre son régiment, ou de ie faire juger par un tribunal légal, et punir selon la rigueur des lois, s'il était coupable de quelque délit. Cette démarche n'eut pas de succès. Monsieur, frère du roi, s'intéressa à la réclamation de son capitaine des gardes ; cette bonté de sa part fut infructueuse.
Au mois d'octobre 1788, M. de Moreton, espérant toujours que la justice qu'il réclamait lui serait rendue, ht le dépôt de toutes les pièces ci-dessus à l'étude de M® Broron, procureur au parlement, ainsi que de la protestation contre sa destitution arbitraire.
Enfin, M. de Moreton se détermina à présenter ses réclamations à tous les bailliages du royaume assemblés pour faire leurs cahiers et nommer leurs députés aux Etats généraux, ainsi qu'aux assemblées d'élections de Paris. Il écrivit en même temps à Monsieur, frère du roi, auquel, par respect, il crut devoir soumettre sa conduite, et déposa ces nouvelles pièces chez le même officier public, en renouvelant ses protestations. Une grande partie des cahiers des bailliages contient des articles sur les d stitutions, et plusieurs, notamment celui de Paris, font une mention expresse de M. de Moreton.
D'après les faits énoncés ci-dessus et les pièces à l'appui, il résulte: 1° que la destitution deM.de Moreton a été entièrement arbitraire ; 2° qu'il n'a cessé de réclamer contre cette injustice , 3° que l'opinion de presque tous les officiers supérieurs de l'armée, que celle des Etats du Dauphiné, que celle d'une grande partie des bailiiagesdn royaume a été en sa faveur ; 4° que M. de Boyer n'a accepté le régiment de la Fère, que comme un dépôt qu'il était prêt à rendre ; 5° que M. de Moreton n'a ïamais donné sa démission, et n'a pas reçu 50,000 écns de la finance de son régiment, qui auraient dû lui rentrer, si sa destitution avait été légale et consentie par lui. Votre opinion, Messieurs, sur la destitution, est et a été consacrée de 1a manière la plus solennelle ; ainsi, je n'entrerai pas dans l'examen du principe dont la vérité est incontestable et fondée sur la raison. Je me donnerai bien de garde aussi de faire aucun reproche au roi ; les principes d'équité qui animent notre monarque sont bien connus ; il nous en donne les preuves les plus convaincantes; mais le malheur des rois est d'être souvent trompés ; ils ne peuvent voir que parlesyeux des autres, et cette glace est le plus souvent infidèle.
Mais Louis XVI, le restaurateur de la liberté française, sait trop combien il est glorieux de réparer des injustices que des agents infidèles et passionnés lui ont fait commettre, et que les rois ne sont jamais plus grands, que lorsque éclairés par ceux qui n'ont aucun intérêt à les ti'omper, ils reconnaissent leurs erreurs.
La conduite de M. de Brienne, ministre de la guerre, qui a fait destituer M. de Moreton, est d'autant plus repréhensible, qu'il n'existe ni accusateur, ni accusation, et, par conséquent, point de corps de délit ; que les lois, tant anciennes que nouvelles du royaume, s'expliquaient formellement contre les destitutions arbitraires, daus quelque état que ce soit. Je ne remonterai pas
jusqu'aux capitui aires de dos rois ; mais Louis XI, ce roi despote, avait fait une ordonnance, eu date du 21 septembre 1568, contre les destitutions arbitraires; elle est rapportée dans les Observations sur Vhistoii'e de France, par M. l'abbé de Mably, t. V, page 269, édition en 6_vol. iu-12, et jamais cette loi n'a été abrogée. Hiput, Code militaire, t. Ier, titre IV, rapporte à ce sujet toutes les ordonnances et règlements contre les destitutions arbitraires; dans tous les temps, elles ont été proscrites.
J'observerai encore à l'Assemblée nationale que M. de Brienne lui-même croyait M. de Moreton si peu coupable, qu'il lui faisait conserver, quoique destitué, son rang pour être maréchal de camp, et lui faisait même espérer un autre régiment; mais que devaient penser tous les militaires, que devaient croire tous ceux qui entendaient parler de l'affaire de M. de Moreton? C'est qu'il est extrêmement coupable, et que sa destitution sans jugement n'était qu'une grâce qu'on lui faisait, et à sa famille qu'on ne voulait pas déshonorer.
Tout le monde devait penser que ce n'était qu'à raison des liaisons de M. de Moreton à ia cour, que ce n'était que par faveur qu'il était ainsi traité ; mais son déshonneur n'en était que plus complet dans l'esprit du plus grand nombre, qui ne connaissaient ni M. de Moreton, ni son affaire; car, pour tous les autres, sa conduite pleine de courage et d'énergie, son refus constant de donner sa démission; et ses réclamations, sans cesse réitérées, sont une preuve non équivoque de son innocence. J'ai demandé à l'Assemblée nationale, sans plus amples réflexions, si l'honneur d'un seul citoyen peut et doit dépendre de la volonté et de la fantaisie d'un ministre?
D'après toutes ces considérations, le comité militaire a l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, déclare que M. Jacques-Henri Moreton-Ghabrillan ayant été privé de l'exercice de la charge de colonel du régiment de la Fère, sans accusation, instruction, ni jugement préalable, et d'une manière entièrement contraire aux principes consacrés par les ordonnances, ledit Jacques-Henri Moreton doit être remis en possession des fonctions de son emploi, et que le roi sera supplié de donner ses ordres à cet effet. »
Le Corps législatif ne peut prononcer un jugement sur la demande d'un particulier. Tout ce que l'Assemblée nationale pourrait faire, ce serait de supplier le roi de prendre en considération la réclamation de M. Moreton.
Il ne s'agit point de donner un effet rétroactif aux décrets de l'Assemblée nationale, mais de réparer une injustice contraire même aux principes de l'ancien régime. M. Moreton ne demande qu'une chose, et l'Assemblée ne peut la lui refuser: c'est d'être jugé.
C'est une triste condition pour un représentant de Ja nation, que d'élever la voix contre un de ses concitoyens. C'est pour la première fois que je remplis un aussi déplorable ministère. Quand vous forcerez un de vos collègues à descendre du faite de la législation
{>our s'occuper de l'affaire d'un particulier, c'est e comité militaire qu'il en faut accuser. Le Corps législatif est dans l'ordre de ses fonctions quand il s'occupe des intérêts de la France entière; il
en sort chaque fois qu'il donne à des intérêts privés une attention que le salut public exige tout entière.
Je répondrai cependant aux sophismes qui composent ie discours du rapporteur du comité. On vous a cité une loi de Louis XI, qui défend les destitutions arbitraires, et vos propres décrets. A-t-on pu se jouer de notre ignorance au point d'imaginer que nous serions dupes d'une pareille loi que M. le rapporteur n'a jamais lue? (R s'élève des murmures.) Je crois que M. le rapporteur ne l'a pas lue, parce que je l'ai lue, et qu'a coup sûr sa sagacité en aurait saisi l'esprit. Louis XI était fils de Charles VII, qui le premier avait institué les troupes réglées. Les gentilshommes avaient acheté les compagnies, et Louis XI était trop bon politique pour arrêter leur bonne volonté, en les exposant à des destitutions arbitraires. Ce trait d'érudition honore infiniment les études de M. le rapporteur, mais ne fait rien à l'affaire.,Je me souviendrai toute ma vie d'avoir entendu citer une loi de Louis XI, par un membre du côté gauche. Vous savez que l'organisation de l'armée et des finances ne date que de fleuri III ; jusqu'à cet instant on n'a pas mis en doute si le roi avait le droit ou non de nommer des colonels. On vous a cité l'ordonnance du conseil de guerre qui fut malheureusement institué par M. de Brienne lui-même : cette ordonnance n'a point été mise à exécution, parce que la pratique en a été reconnue impossible. D'ailleurs, il n'y est parlé que de la destitution des officiers et des capitaines ; les colonels y sont formellement exceptés. — Le despotisme ministériel avait couvert toutes les parties ae l'empire, et disposait arbitrairement de la fortune, de la liberté, et même de la vie des citoyens. Mais nous avions du moins conservé l'honneur comme un débris précieux ; vingt-cinq années de cachots ne répandaient aucun nuage sur l'honneur d'un citoyen qui restait pur aux yeux de la nation. Non, jamais les Français n'ont mis leur honneur à la merci des rois, des ministres : un militaire renvoyé, un ambassadeur révoqué, n'en jouissaient pas moins de toute la considération qu'ils méritaient d'ailleurs. Ces principes sont tellement vrais, qu'un militaire renvoyé ne s'appelait pas un citoyen déshonoré, mais un citoyen disgracié. Ces commissions n'étaient regardées que comme des preuves de confiance, et plus souvent des marques de crédit. Que M. de Moreton soit rassuré, son honneur n'a pas plus été compromis par sa destitution, que sa gloire n'a été assurée par sa nomination. Ses réclamations ne peuvent être dictées que par l'ambition. Je conclus qu'en accordant à M. de Moreton toutes les marques d'intérêt qu'il mérite, l'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet présenté par le comité.
Le décret proposé ne porte pas que le régiment de La Fère sera rendu à M. de Moreton, mais qu'il n'a pu être destitué sans un jugement.
Je demande qu'on établisse un tribunal chargé d'instruire contre les abus d'autorité.
propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que son président se retirera devers le ror pour le prier de faire prononcer par un conseil de guerre, composé conformément aux ordonnances, sur laréclà-
mation de M. de Moreton, contre sa destitution du 24 juin 1788. »
Gomme il ne se présente aucun accusateur, je demande que l'Assemblée déclare queM.de Moreton n'a pu être destitué de son emploi sans un jugement préalable; qu'en conséquence, il doit être rétabli dans les fonctions qn il exerçait au moment où il en a été privé par une ordonnance arbitraire, sauf à être jugé par un conseil de guerre.
Je demande que, si l'on prononce sur la réclamation de M. de Moreton, le décret soit rendu général pour tous les officiers victimes des ordres arbitraires.
(de Nemours). Ce n'est pas un principe que l'Assemblée doit prononcer, c'est une demande qu'elle doit juger : je demande donc qu'il soit dit que M. de Moreton sera jugé par un conseil de guerre sur sa demande.
Vaîné Le préopinant a commencé son opinion par ces mots : Ce n'est pas un principe que l'Assemblée doit prononcer, c'est une demande qu'elle doit juger; je commencerai la mienne par le sens inverse. L'Assemblée n'a pas à prononcer sur une demande, mais à établir la maxime par laquelle cette demande doit être jugée. Dès qu'il n'y a ni accusation, ni instruction, ni jugement, il n'y a pas lieu à accusation; en déclarant ce principe, vous ne sortez pas de vos fonctions ; vous ne tombez pas dans l'inconvénient de donner l'effet d'une destitution à une destitution que vous ne connaissez pas. Il n'est pas de votre compétence de renvoyer un chef à la tête de son régiment, mais de proscrire un régime arbitraire. Il n'y a pas.eu d'accusation; il n'y a pas eu d'instruction ; il n'y a pas eu de jugement : je n'étais point à la séance lorsque le Comité a présenté sou décret. S'il n'est que la déclaration de ce principe, je m'y joins, et je demande la question préalable sur tous les autres décrets proposés.
Puisque M. de Mirabeau est entré dans la discussion de la question, il doit être permis à un autre membre de parler aussi dans la question : je demande la parole.
(On demande vivement à aller aux voix.)
donne une nouvelle lecture de son projet de décret, qui est adopté ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, décrète que son Président se retirera devers le roi, pour le prier de faire prononcer par un conseil de guerre, composé conformément aux ordonnances, sur la réclamation du sieur Jacques-Henri More-ton de Ghabrillan contre sa destitution, en date du 24 juin 1788. ».
(La séance est levée à neuf heures et demie du soir.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier au soir ; il est adopté sans réclamation.
Il est fait lecture d'une lettre et d'une adresse de la commune de Versailles. L'adresse a pour objet de demander, pour la ville de Versailles, des établissements qui assurent la subsistance de ce grand nombre de citoyens, que le départ de la cour réduit à l'indigence.
(Cette pétition est renvoyée au comité de mendicité.)
présente une adresse de la société des amis des noirs. Elle est renvoyée au comité des colonies. (Voyez ce document annexé à la séance de ce jour.)
J'ai reçu de M. de La Luzerne, ministre de la marine, une lettre qui appelle l'attention deCAssemblée sur des actes a'inswrec' tion qui se produisent dans nos escadres. Un de MM. les secrétaires va en donner lecture.
« Paris, le
« Monsieur le Président.
« J'ai instruit l'Assemblée nationale, dans la lettre que j'ai eu l'honneur d'écrire à votre prédécesseur, le 25 juillet dernier, de l'esprit d'insubordination et d'indiscipline qui s'est manifesté dans les troupes de presque toutes nos colonies et du parti (utile peut-être dans le premier moment, mais bien dangereux par ses conséquences), du parti, dis-je, que prenaient dans ces possessions éloignées, les chefs militaires, de renvoyer en France les sujets suspects*
J'ai rendu compte au roi, et il m'ordonne de faire part à l'Assemblée nationale, d'une fermentation à peu près semblable qui s'est dénotée, en même temps, dans nos forces navales, quoique stationnées dans des mers très, différentes et à des points de l'univers fort distants l'un de l'autre.
Il importe, soit pour la protection de notre commerce, soit pour la sûreté de dos possessions éloignées, et il est d'ailleurs rigoureusement prescrit que les bâtiments ne quittent les Btations qu'après avoir été relevés : il est d'usage qu'ils le soient dans l'automne, en sorte qu'ils rentrent dans les ports de l'Europe vers la fin du mois de novembre.
Des considérations importantes avaient engagé le roi à ne point faire armer encore les escadres qu'on destinera à remplacer les stations occidentales et celles de la Méditerranée. Il suffisait, en effet qu'elles le fussent, les unes dans les premiers jours de septembre, les autres au commencement d'octobre, et il convenait de connaître quelles suites auraient les grands préparatifs que font les autres puissances maritimes, pour déterminer ce que nous devions faire nous-mêmes.
Mais des lettres de M. de Thy, chef de division}
Cet officier, après avoir fait la plus grande résistance, a été obligé de souscrire à la condition qu'on lui a imposée.
D'un autre côté, M. Pontevès-Gien me mande, de la Martinique, que le même esprit règne dans la station des lies du Vent dont il est chef, qu'il se verra obligé d'appareiller pour revenir en France dans le mois de juillet, et qu'une inspection générale serait l'effet certain du moindre retard contraire au vœu et à la demande des équipages.
Il est de mon devoir, non seulement d'exposer à l'Assemblée nationale les faits qui me sont connus, mais de ne point lui dissimuler l'unanimité, pour ainsi dire, de volonté qui 6'est manifestée, parmi les matelots, dans deux parties aussi différentes du globe, et qui leur a fait exiger impérieusement de quitter leurs postes à la même époque.
Le retour des deux stations est d'autant plus fâcheux, qu'à cette même époque, trente cinq vaisseaux de guerre espagnols à peu près, et plus de cinquante vaisseaux de ligne anglais, sans compter les hollandais, se trouvent complètement armés ou en commission.
Le ministre des affaires étrangères vous a fait pressentir les précautions et les armements ultérieurs que les efforts des autres nations nécessiteront peut-être de notre part. Il est aisé de discerner qu'au milieu des préparatifs considérables qui se font de tous côtés, le seul moyen efficace d'assurer la paix au royaume, est de se mettre et de se conserver en état de ne point craindre la guerre ; mais la protection seule de notre commerce dans le Levant, contre beaucoup de corsaires qui, portant le pavillon turc ou russe, ne respectent pas néanmoins notre neutralité, la conservation et la surveillance des riches possessions que nous avons dans le golfe du Mexique requièrent évidemment, dès aujourd'hui, qu'on remplace promptement les stations occidentales et celles du Levant.
Il a paru, d'ailleurs, nécessaire au roi que les bâtiments qu'on y destinera ne soient pas inférieurs par le nombre de leurs équipages aux bâtiments de même force qu'ils rencontreront et que notre faiblesse n'invite pas les nations, maintenant armées, à manquer d'égard pour notre pavillon. Sa Majesté a, par cette raison, ordonné que les bâtiments affectés à nos stations fussent mis sur le pied de guerre, comme le sont, en ce moment, les vaisseaux de toutes les puissances maritimes de l'Europe. Je rends compte à l'Assemblée nationale de l'augmentation annuelle de dépense qui résultera de cette mesure.
D'autres actes d'insubordination, ou même des commencements d'insurrection, ont eu lieu dans divers ports du royaume. Instruit que le comité de marine s'occupait de la rédaction de lois tendant à réprimer les délits, je lui ai fait part de plusieurs faits récents qui en démontraient la nécessité urgente : Je ne connais point son travail; mais il m'a mandé, depuis quelque jours, qu'il était fini, livré à la presse et qu'il serait bientôt soumis à l'Assemblée nationale.
Qu'il me soi'; permis de saisir l'occasion naturelle qui se présente pour l'inviter à s'en occuper aussitôt qu'il lui sera communiqué. Il n'est point de département où il importe plus de rétablir
promptement la discipline et l'ordre. En ce mo-mont où les forces navales de toutes les puissances européennes sont déployées, nos ports, nos vaisseaux rassemblent sans cesse, dans un petit espace, une multitude d'hommes précédemment épars et qui se connaissent à peine; le seul frein des lois peut les y contenir et prévenir des délits nombreux, que cette réunion même occasionnerait sans cesse. Nos arsenaux maritimes, ces dépôts les plus précieux de tous pour l'Etat, et en même temps les plus susceptibles d'être rapidement détruits, requièrent une surveillance constante pour leur conservation; et, en cas de dangers imprévus et imminents, la plus grande célérité, le plus grand ordre dans les secours qui y sont portés. Comment espérer l'un ou l'autre si l'on ne maintient une subordination habituelle et exacte? Au milieu des mers, l'obéissance instantanée est encore plus indispensable. Quel navigateur n'attestera pas que, sur un vaisseau, l'esprit d'indiscipline et l'insurrection, que la désuétude d'obéir, que dis-je? que ia négligence seule de quelques individus, ou même leur inattention au commandement peuvent souvent compromettre le salut de tous! C'est donc pour assurer celui de l'Etat, mais c'est aussi par d'autres motifs peut-être non moins puissants, c'est par des principes et des vues d'humanité que j'ose invoquer l'attention de l'Assemblée nationale, la presser d'avance de considérer le projet qui lui sera incessamment soumis par son comité et de substituer sans délai un régime nouveau (ne fût-il pas même exempt de quelques imperfections) à celui qui se trouve, par le fait, anéanti. Car la police salutaire qui contenait les hommes de mer réunis est énervée; les lois militaires qui la constituaient sont devenues absolument inefficaces, parce que les conseils de guerre, destinés à en maintenir l'exécution, ne peuvent plus être convoqués. Il faut cependant, contre la licence, des règles qui ne soient pas impunément éludées. Le laps de temps qui s'écoulera sans qu'une législation, sans que des tribunaux quelconques fassent cesser le désordre qui s'accroît tous les jours dans le département qui m'est confié peut engendrer des malheurs irréparables pour la France et je crois qu'il est de mon devoir de ne le point dissimuler.
Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre, etc.
Je demande l'impression de cette lettre.
J'en demande le renvoi, en original, au comité de la marine, et pour cause*
On ne peut ordonner l'impression d'une lettre que contredisent les nouvelles parvenues à tous les négociants.
Il est inutile d'imprimer cette lettre ; mais il est nécessaire d'en faire une secondé lecture dans un moment où l'Assemblée sera plus nombreuse.
(La lettre est ren voyée au comité de la mariné qui est, en même temps, autorisé à se faire remettre les lettres originales des gouverneurs et commandants de la Martinique et des forts du Levant.)
, député de Caux, demande et obtient la permission de s'absenter, pour ses affaires, pendant quinze jours ou trois semaines.
, au nom du comité des rapports. Vous vous rappelez, sans doute, que le 24 avril dernier vous ordonnâtes que les pièces relatives à la dénonciation faite par M. de Gouy, au nom de la députation et de la colonie de Saint-Domingue contre M. de La Luzerne, fussent déposées au comité des rapports. Plusieurs délais ont été successivement demandés par M. de Gouy; il les motivait sur la difficulté de mettre en ordre des pièces aussi importantes et aussi multipliées. En-lin, après plusieurs invitations faites par le comité des rapports, vivement pressés par le ministre accusé, MM. les députés de Saint-Domingue se rendirent, le 1er juillet, au comité. M. de Gouy déposa sur le bureau plusieurs portefeuilles qu'il déclara renfermer les pièces de la dénonciation, au nombre d'environ 150. M. le Président instruisit les députés de Saint-Domingue de la demande, faite par M. de La Luzerne, de prendre, soit par lui-même, soit par son conseil, communication des pièces fournies contre lui. M. de Gouy répondit que cette communication ne pouvait être donnée au ministre de la marine que par extrait, attendu que, parmi les pièces déposées, il se trouvait un assez grand nombre de lettres adressées aux députés de Saint-Domingue par leurs commettants; que ces lettres confidentielles contenaient des articles absolument étrangers à M. de La Luzerne ; qu'il était essentiel que ces articles demeurassent secrets, et particulièrement du ministre de la marine : enfin, que les députés de Saint-Domingue ne pouvaient consentir à une communication intégrale des pièces fournies par eux. M. le président du comité représenta alors qu'en principe comme en justice, la proposition de M. de Gouy était inadmissible; que jamais on n'avait vu produire des pièces par extrait, et que si MM. les députés de Saint-Domingue persistaient, il était beaucoup plus simple qu'ils retirassent, des pièces déposées, les lettres dont il s'agissait ; que les députés seraient toujours à temps, si les circonstances les y forçaient, de produire de nouveau des pièces de cette nature, et que, dans ce moment, il fallait ou les retirer, ou s'attendre que la communication intégrale ne pourrait, en aucune manière, être refusée par le comité des rapports. M. de Gouy, en se retirant avec ses collègues, dit qu'il viendrait le lendemain faire, avec le secrétaire-commis du comité, l'inventaire de toutes les pièces déposées, et qu'il demandait, au nom de la députation, que la communication n'en pût être donnée à M. de La Luzerne qu'en présence des députés de Saint-Domingue.
Le 25 du mois dernier, le comité reçut de M. de La Luzerne une lettre très pressante, pour demander à être enfin admis à prendre connaissance des pièces relatives à la dénonciation. L'inventaire de ces pièces n'était pas . encore achevé; il fallait accord>r à MM. les députés de Saint-Domingue un nouveau délai. Enfin, le président du comité des rapports indiqua à M. de La Luzerne, ainsi qu'à la députation de Saint-Domingue, le jour de mercredi 4 de ce mois, à neuf heures du matin. En conséquence, M. de Bonnières, représentant de M. de La Luzerne, se rendit au comité, le mercredi 4, à neuf heures du matin, et y attendit MM. les députés de Saint-Domingue et notamment M. de Gouy, jusqu'à plus de midi. Ce dernier arrivé, exposa de nouveau que les pièces ne pouvaient être communiquées que par extrait. M. de Bonnières établit :
1° Qu'y ayant un inventaire de fait, et les pièces étant déposées au secrétariat du comité
des rapports, qu'on pouvait considérer comme un véritable greffe, ce droit était acquis à M. de La Luzerne accusé, d'avoir communication intégrale et copie de toutes les pièces ;
2° Que des expéditions par extraits étaient illégales, et que l'offre même faite en dernier lieu, par les députés de Saint-Domingue, de laisser lire toutes les pièces, dans leur intégrité, soit à M. de La Luzerne, soit à son commis, en présence de ses dénonciateurs, et à la charge de ne prendre copie que des articles qui, au dire de M. de Gouy, ne concernaient pas le ministre, que cette offre était inadmissible en droit comme en principe, et même en convenance. La réplique de M. de Gouy n'avait été qu'une répétition de ses premières propositions ; M. le président lui rappela que l'avis du comité avait toujours été conforme à la demande de M. de Bonnières ; que l'inventaire des pièces étant arrêté, elles appartenaient à M. de La Luzerne autant qu'à ses dénonciateurs, et que la communication allait être donnée sans retard à M. de Bonnières. Cette décision de M. le président ayant excité, delà part de M. de Gouy et de ses collègues, des réclamations vives, le comité a remis la communication au vendredi 6 de ce mois, afin de prendre les ordres de l'Assemblée; il m'a chargé de vous présenter le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, ordonne que la communication intégrale de toutes les pièces contenues dans l'inventaire fourni par les députés de Saint-Domingue sera donnée à M. de La Luzerne ou à son commis, même en l'absence des députés de Saint-Domingue, et que copies en forme lui en seront délivrées (1). »
(Ce décret est adopté à l'unanimité.)
fait part à l'Assemblée que M. de La Tour-du-Pin, ministre de la guerre, lui a écrit pour lui annoncer qu'il était chargé de porter aujourd'hui à l'Assemblée un message du roi, et pour demander à quelle heure l'Assemblée voudrait le recevoir.
est autorisé à répondre au ministre qu'il sera admis à deux heures.
L'ordre du jour est un rapport sur Vabolition du droit d'aubaine.
rapporteur du comité des domaines (2). Messieurs, le droit d'aubaine, existant dans les plus anciennes républiques, prit son urigine dans un temps où il n'y avait ni communication, ni commerce des peuples avec leurs voisins. La philosophie n'avait pas encore révélé à l'espèce humaine cette grande maxime que Ja liberté proclame: Les hommes formentuue même famille répandue sur ia surface de la terre... Des lois barbares, sous le nom de droit civil, avaient insulté chez tous les peuples au droit naturel et au droit des gens.
C'est au temps des Yisigoths, dit Montesquieu, que s'établirent les droits insensés
d'aubaine et de naufrage ; les hommes pensèrent que les étrangers ne leur étant unis par
aucune communication du droit civil, ils ne leur devaient, d'un côté,
L'étranger qui mourait sur la terre d'un baron sans avoir ordonné, par testament, qu'il lui fût payé une certaine somme, ne pouvait disposer d'aucuns meubles; ils étaient saisis au profit du baron. Quelquefois, même, tous ses biens étaient confisqués, s'il n'avait point d'enfant; et, s'il en avait, on se contentait d'en prendre la moitié.
Cet usage féodal, aussi contraire à l'humanité qu'au droit des gens, disparut quand les rois reprirent quelque autorité; et les sages établissements de saint Louis portent que les étrangers ne pourront se faire d'autre seigneur que le roi. Dès lors, le droit d'aubaine fut regardé comme domanial et incommunicable. La législation vint légitimer ce qui n'avait été, chez les anciens, qu'une preuve d'ignorance; chez les seigneurs féodaux,qu'un acte d'usurpation ; et chez nous, qu'une police fiscale qui a subi depuis quelques vicissitudes et quelques adoucissements à la voix du commerce, des sciences et des arts.
Voici les principes observés jusqu'à ce moment en cette matière :
Tout étranger est capable, dans un royaume, du droit des gens; il peut librement vendre, échanger et, en général, passer toutes sortes de contrats que ce droit autorise; il peut donner et recevoir entre-vifs, mais il ne peut recevoir ni disposer par testament, ni pour cause de mort.
Il vit libre, mais il meurt serf : telle est la maxime atroce que les représentants d'un peuple libre doivent s'empresser d'effacer de ses lois. La France doit ouvrir aujourd'hui son sein à tous les peuples de la terre.
Quels motifs pourraient s'y opposer, la politique? mais ce droit a paru si barbare etcontraire meme aux intérêts de l'Etat, que nos anciennes lois en ont adouci ou suspendu l'exercice.
Que l'étranger vienne donc chercher en France une patrie; qu'il puisse y séjourner, sans crainte de voir des héritiers légitimes, frustrés d'un bien qui doit naturellement leur appartenir ; qu'il y jouisse de la liberté pendant sa vie, et ses enfants de sa bienfaisance après sa mort.
Déjà vos décrets ont changé les lois et les formes de la naturalisation. Epouser une Française, acquérir des immeubles, former un établissement de commerce et habiter cinq ans le royaume, c'est acquérir les droits de citoyen actif : que devient le droit d'aubaine devant le décret constitutionnel?
Les étrangers étaient incapables de posséder des offices et des bénéfices ; mais, aujourd'hui, il n'en existe plus. 11 n'y a que des fonctions publiques données par la voie de l'élection ; tout citoyen français ou devenu français peut être élu ; vous avez donc aboli le droit d'aubaine, sous le rapport de la législation.
Quant à ce que ce droit rend à la fiscalité, le calcul en est simple.
Le droit d'aubaine produit annuellement environ quarante mille livres, en comprenant le droit de détraction ; et nous courrions après ce mince produit, tandis que, d'un autre côté, (a vente des biens nationaux peut donner à la France des acquéreurs opulents, etdes propriétaires nouveaux qui augmenteront la masse des richesses publiques, en rassurant nos tributs, qui augmenteront notre industrie, animeront notre agriculture, notre
commerce et finiront par adopter la France libre comme leur patrie.
Mais que pouvez-vous attendre de l'étranger tant qu'il verra dans vos lois cette menace barbare de voir enlever à sa mort, ses richesses, ses propriétés, à sa postérité chérie, et la honte de vivre comme esclaves incapables d'une partie des actes de la société civile ?
Quel contraste dans nos mœurs 1 Attiré par la douceur du climat, par de belles possessions territoriales à acquérir, par la position favorable d'un commerce de terre et de mer, les bienfaits de la Constitution et l'influence de la liberté, l'étranger vient en France avec sa fortune, le citoyen l'accueille, laloi le prolège tant qu'il existe; vient-il à mourir, une sorte d'exhédération sociale frappe sa mémoire; une avide confiscation frappe tous ses biens; sa volonté dernière est anéantie; il n'emporte pas même en mourant l'espérance que ceux qui ont fermé sa paupière soient récompensés.
termine en donnant lecture d'un projet de décret.
Il faut mettre des bornes à la loi proposée, car, sans cela, les étrangers accourront en foule pour acquérir, dans notre patrie, des biens nationaux dont ils consommeront les revenus dans la leur, en sorte que la nation française se trouvera ainsi frustrée de l'avantage qu'elle attend de la vente de ces biens. Je vote pour la destruction du droit d'aubaine, mais je demande en même temps qu'on n'accorde aux étrangers la faculté de disposer par testament de leurs propriétés en France que lorsqu'ils seront devenus citoyens de l'empire.
Je ne crois pas qu'aucune considération puisse retarder le salutaire et désiré décret dont vous venez d'entendre la lecture. On sera toujours à temps de faire une loi sur les réserves formulées par le préopinant, si l'on s'aperçoit qu'elle est nécessaire.
Le décret est humain, il est conforme aux principes de la justice. En le rendant, l'Assemblée nationale réalisera la prédiction de l'immortel auteur de l'histoire philosophique et politique. Heureuse la nation qui, la première, donnera l'exemple de la destruction du droit d'aubaine ! Je voudrais que l'on ajoutât que l'Assemblée invite toutes les nations.....
(Des murmures considérables interrompent l'orateur qui n'achève pas sa phrase.)
met aux voix le projet de décret. Il est adopté, à l'unanimité, dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des domaines,
« Considérant que le droit d'aubaine est contraire aux principes de fraternité qui doivent lier tous les hommes, quel que soit leur pays et leur gouvernement ; quece droit, établi dans des temps barbares, doit être proscrit chez un peuple qui a fondé sa Constitution sur les droits de l'Homme et du Citoyen, et que la France libre doit ouvrir son sein à tous les peuples de la terre, en les invitant à jouir, sous un gouvernement libre, des droits sacrés et inaliénables de l'humanité ;
« A décrété et décrète ce qui suit :
« 1° Le droit d'aubaine et celui de détraction sont abolis pour toujours;
« 2° Toutes procédures, poursuites et recherches qui auraient ces droits pour objet sont éteintes. »
, aufnom des comités réunis des domaines, des finances, de l'aliénation des biens nationaux, de la marine, du commerce et d'agriculture, fait 1 & rapport suivant sur les bois et forêts nationales (1).
Messieurs, par un décret du 14 mai sur la vente des biens nationaux, titre premier, article 3, vous avez déclaré que la quatrième classe des biens à vendre sera formée de toutes les autres espèces de biens, à Vexception des bois non compris dans la première classe sur lesquels il sera statué par une loi particulière.
Par un second décret du mois de juin, vous avez pensé, que pour ne négliger aucune vue et pour rassembler autant de lumières qu'il était possible sur une question aussi importante, le comité des domaines se réunirait aux comités des finances, d'aliénation, de marine, de commerce et d'agriculture, comme ayant des intérêts plus directs dans la discussion de cette question d'administration et d'économie politique.
Elle a été agitée pendant deux longues séances.
Jè vais, Messieurs, avoir l'honneur de vous exposer succinctement le6 principaux motifs d'un projet de décret que les cinq comités m'ont chargé de vous proposer.
Les forêts immenses, dont la nature avait couvert la France, semblaient devoir concourir toujours à l'accroissement de sa richesse, de son industrie et de sa grandeur.
Puissance territoriale, elle avait tout ce qu'il faut à l'agriculture, au commerce, aux manufactures, aux forges et aux usines de tout genre.
Puissance maritime, elle trouvait dans les bois sa marine marchande et militaire et toutes les constructions.
Nous sommes au moment de perdre une grande partie de ces avantages, si vous ne prenez un parti sage et éclairé pour la conservation et la régénération des bois dans toute l'étendue du royaume.
Sous les premières races de nos rois, la France couverte de forêts ne sentit pas la nécessité d'une administration en ce genre; aussi les besoins de l'agriculture naissante et le défaut de règlements couvrirent d'usages les différents bois, ou plutôt en détruisirent une partie ; on ne songea à leur gouvernement que sous le rapport des chasses et des capitaineries. Une ordonnance de Philippe-le-Hardi chargea des officiers d'y pourvoir.
Bientôt on s'aperçut qu'on pouvait retirer des bois de très grands avantages, soit pour l'augmentation des revenus de la couronne, soit pour l'utilité de la nation. Aussitôt Philippe-le-Bel en contia l'administration à des maîtres créés à cet effet.
Les bois furent assez mal régis pendant longtemps; car on ne cessait de les défricher, L'abondance de cette matière première fit dédaigner une économie devenue nécessaire dans le dernier siècle. Cependant François Ier appelait les bois la chose la plus utile et la plus requise dans le royaume.
La découverte du nouveau monde change tout à coup les idées politiques, présente la
nécessité d'un commerce maritime, et fait sentir combien
Henri IV, possesseur paisible du trône, porta. ses vues sur l'administration des eaux et forêts, que, de concert avec Sully,il chercha à vivifier. Ce fut l'objet de l'édit de réformation de 1597, rendu, dit-il, après avoir pacifié son royaume ; les forêts étant la principale partie d'icelùi et de son domaine.
Cette loi respire la sagesse et l'amour du bien public qui animaient Henri IV et son ministre. On ordonna des plantations d'arbres dans chaque village et près des édifices publics. Il se trouve encore de ces arbres antiques et utiles, qui, comme par droit de naissance, ont été nommés des Sully : et, en les voyant, il est difficile de ne pas éprouver uue sorte de respect pour les seuls témoins vivants qui nous restent de l'admiration sage de ce grand homme.
Louis XIV crée subitement une marine formidable. G'est alors que Colbert porte.ses regards sur les forêts domaniales. Ge n'est que dans les massifs de futaie qu'il trouve ces grands arbres propres à la construction des vaisseaux. Ge n'est que dans les antiques forêts qu'il espère conserver les précieuses ressources d'une grande nation qui allait devenir commerçante et maritime. Dès lors, l'exploitation et l'aménagement commence à faire sensiblement partie du droit public; des règles calquées sur les anciennes lois pour fixer les temps et la manière de couper les bois, sont rappelées dans une ordonnance générale. Ge genre de bien est regardé comme si précieux pour l'Etat, qu'on gêne même le droit des particuliers, et qu'on croit pouvoir restreindre, dans cette partie, l'exercice le plus naturel, le plus légitime, celui de la propriété; tant les bois sont un objet essentiel à la conservation de la vie et aux besoins perpétuels des sociétés; c'est ce qui faisait dire à l'auteur de l'ordonnance de 1669, que les forêts étaient la plus noble et la plus précieuse partie des domaines de la couronne (1).
En descendant des idées générales à des vues moins étendues, les cinq comités réunis ont pensé qu'il était nécessaire de conserver les grandes masses de bois dans les mains de la nation. Les motifs qui doivent porter ses représentants à les conserver se présentent en foule : l'intérêt national, l'intérêt de l'agriculture et du commerce, le soutien delà marine; la conservation et la régénération des forêts; les constructions les plus importantes, l'augmentation assurée du revenu public et l'intérêt du peuple.
Et d'abord, Messieurs, aliéner les forêts, en livrer la propriété à des particuliers, c'est
les vouer à un usage destructeur ; c'est exposer le royaume à voir augmenter
considérablement, et dans peu
Car enfin, Messieurs, à qui la nation aliénera-t-elle ces grandes masses? Sera-ce à des particuliers? Mais, en supposant qu'il y en eût d'assez riches pour en acquérir de grandes parties, le seraient-ils assez pour attendre plusieurs années le révenu si lent des bois, et pour s'astreindre à n'y toucher que d'une manière réglée par les lois générales? D'ailleurs, pouvez-vousgêner les citoyens dans les jouissances de leurs biens? Et que serviraient vos simples lois de police? L'in-têrêt personnel deviendra bientôt le seul conseil, l'unique agent de leurs opérations; et vous savez si l'i itérêt personnel régénère ; si l'égoïsme et les besoins peuvent attendre! Non, Messieurs, vos riches acquéreurs moissonneront en peu d'années et avec une indiscrétion perfide, les fruits des siècles qui seraient l'aisance de plusieurs générations.
Sera-ce à des compagnies que vous vendrez ? Mais quelle forme de bien public pouvez-vous
espérer de ces associations mercantiles qui ne calculent que les profits (1) ? Quelles vues
de prospérité et de régénération attendez-vous de ces capitalistes qui ne connaissent que le
présent,
Des capitalistes associés, des possesseurs d'effets publics réunis, accoutuniés à tirer de gros intérêts de leurs fonds, voudi o it porter leurs spéculations sur les bois. Le même esprit qui travaillait les papiers sur la place, travaillera les bois dans nos départements. Ainsi, soit que, créanciers de l'Etat, ou possesseurs de numéraire, ils achètent ; soit que, acquéreurs, ils veuillent exploiter, vous les verrez toujours faire la loi à tous les habitants du royaume.
S'agit-il d'acquérir? Ils tireront parti des circonstances. Une grande1 masse de biens nationaux sera mise en vente ; ils auront à vil prix les propriétés les plus impor antes et les plus productives, pour lesquelles d'ailleurs vous n'a-vz pas de bases solides pour l'appréciation.
Ils auront moins de concurrents pour les grandes acquisitions, et dès lors un prix moindre : Voilà une perte réelle pour la nation.
Il n'en est pas des bois comme des autres propriétés, et surtout à l egard des futaies.
Les compagnies de grands capiialistes ne spéculeront que sur la superficie. Ils compteront pour rien ou pour peu de chose la valeur du fonds qui, échappant à l'impôt, sera bientôt abandonné, voué à l'inculture et à la stérilité (1).
Croyez-vous que des capitalistes, que dès compagnies replantent des arbres, repeuplent les bois et réparent les dégradations? S'assujettiront-ils aux lenteurs des opérations de la nature? Des sociétaires que la mort, les contestations, les intérêts divers sépareront bientôt ne peuvent avoir cet accord de vues, cet ensemble d'idées qui, s'élançant dans l'avenir, conservent les propriétés en les améliorant. Non, Messieurs, l'intérêt personnel ne connaît pas ces spéculations lointaines du bonheur public. Une nation seule peut avoir de grandes forêts, peut seule les régénérer, peut seule s'occuper de leur économie et de leur rétablissement. Voyez l'intérêt personnel armé d'une hache, abattaut vos forêts, calculant les profits, moissonnaut en un instant des siècles de végétation, et ruinant, par les spéculations d'un jour, toutes les esperances de la postérité. L'intérêt national est armé d'une bêche ; il repeuple, il régénère, il prépare une succession de jouissances graduées sur les besoins publics. L'intérêt personnel, même bien entendu, n'est qu'un usufruitier égoïste et avide. L'intérêt national est un père de famille prévoyant et industrieux.
C'est devant cet intérêt national que se présentent, en traitant cette matière, les besoins de la marine, ceux des villes et des campagnes, et surtout les besoins du peuple, la subsistance journalière qui ne peut être assurée que par une pro vision suffisante de bois dans toutes les parties du royaume.
Des'aperçus suffiront, les voici :
Pendant la paix, on peut estimer à 2 millions de pieds cubes de bois la consommation annuelle des arsenaux.
Il faut la compter double pendant la guerre.
La marine marchande doit consommer de 4 à 5 millions de pieds cubes ; vous consommerez
encore plus de bois quand les canaux de navigation seront ouverts ; mais dans l'état actuel,
sur cette quantité donnée, l'Italie, l'Albanie tur-
Ainsi, en favorisant l'importation des bois étrangers pendant la paix, nous avons le plus grand intérêt à faire en sorte que nos ressources intérieures puissent nous suffire pendant la guerre.
Or, comment parviendrez-vous à vous suffire à vous-mêmes dans le temps où les calamités de la guerre rompront vos communications avec l'étranger, si ce n'est par une bonne administration des forêts; en empêchant le démembrement des grandes masses, le défrichement des terres boisées dans ies montagnes; en favorisant,par des encouragements, les semis de glands, et par des aménagements, la conservation des massifs; en excitant les plantations dans les grandes propriétés; en provoquant la recherche et l'exploitation des mines de charbon de terre, et la consommation de ce combustible (1)?
Si des besoins impérieux de la marine marchande et militaire, vous passez aux besoins plus urgents et plus usuels des constructions des villes et des campagnes; aux consommations des usines à feu et des salines, des pays de vignobles et des pays de minots: vous sentirez encore plus la nécessité de conserver dans les mains de la nation une grande masse de bois.
Que sera-ce encore, si l'on ajoute à ces consommations déjà excessives, celle plus excessive encore que le luxe moderne fait dans les grandes cités, où l'on accapare tous les bois qui peuvent y arriver : ce qui influe de proche en proche sur leur prix dans les provinces, et plus encore sur la pénurie prochaine des bois dans le royaume?
Et c'est ici, Messieurs, que se présente l'intérêt du peuple : car sans bois, point de pain; le prix du bois est déjà au-dessus des facultés des habitants des campagnes et du peuple des villes (2). De ce mal proviennent les privations du nécessaire pour les artisans des villes et la multitude des délits, les procédures, les condamnations qui surpassent quelquefois pour les habitants des campagnes, la somme des impôts, et qui les plongent dans la misère.
D'après ces diverses considérations, les cinq comités réunis ont pensé qu'il importait aux besoins du royaume de conserver les grandes masses de forêts, de n'excepter de cette loi générale que les parties de bois éparses contenant 150 arpents et au-dessous, et cette partie de bois à vendre' peut se porter à environ 400,000 arpents.
Personne n'ignore que les bocquetaux exposés trop souvent aux dégâts des bestiaux et aux
délits de tout genre, par leur voisinage des héritages des particuliers, ne peuvent produire
un
Mais les grandes masses, il faut le répéter, ne peuvent appartenir qu'à une nation, parce qu'elle seule,étant immortelle, améliorera, repeuplera et vivifiera cette belle propriété par des aménagements bien entendus; en augmentera les revenus, empêchera l'accaparement des bois, conservera les futaies, et assurera ainsi à tous les habitants du royaume une plus grande abondance de cette matière de premier besoin.
Ici se présente la grande objection de ceux qui sollicitent l'aliénation totale des bois et forêts. C'est une bonne opération, dit-on, d'éviter les « frais de régie: c'est encore une meilleure opé-« ration d'échapper à l'administration ancienne « qui a ruiné les forêts, et qui achèvera bientôt « de les perdre; une administration nouvelle « aura toujours de grands inconvénients; et re-« peuplera moins facilement que l'intérêt actif « des particuliers, devenus propriétaires de ces « biens divisés. »
Que d'erreurs dans ce peu de motsl Vendre les biens pour éviter les frais de culture et de régie, est un acte qui, dans un particulier, serait caractérisé de démence. Serait-il un acte de sagesse pour une nation ? Nous ne le pensons pas ; car c'est une grande erreur de croire que l'administration des bois ne puisse pas s'améliorer.
Ce ne sont plus, il est vrai, ces forêts antiques dont les ressources étaient immenses ; des landes stériles, des arbres épars et dégradés, des baliveaux languissants ont remplacé, dans une partie de nos forêts, ces massifs et ces belles tiges qui permettaient à la marine et aux constructions de tout genre des secours abondants ; dans quelques lieux, on dirait que la nature, trop longtemps contrariée par les abus, se refuse à la reproduction.
Aux causes de dépérissement, qui proviennent de l'intempérie des saisons et du cours naturel des choses, se joignent des causes artificielles plus funestes encore; telles que l'habitude de trop laisser vieillir les arbres et d'en faire une consommation trop considérable : la cause des dégradations commises dans les forêts, par des riverains et par ies gardes même, est encore plus sensible.
Il y a quelques années que M. de Galonné, voulant faire ressource des bois, chargea des commissaires de visiter les principales forêts du royaume, et de rassembler les instructions propres à en faire connaître le véritable état.
Que résulta-t-il de leurs travaux, exagérés sans doute, parce que M. de Galonné proposait alors aux notables de vendre tous les bois de la contenance de 400 arpents et au-dessous ?
Les forêts du domaine sont dans un état de dégradation manifeste (1). On ne trouve presque
plus de futaie dans un grand nombre. Dans d'autres, on n'a pas même suivi l'ordonnance, un
seul arbre sur le taillis n'a pas été conservé. Ailleurs, on ne voit plus que des terres
vaines et vagues, à la place des bois précieux qui couvraient ces terrains immenses. Ici, le
sol des forêts a été défriché par des usurpateurs, ou donné à cens par des officiers chargés
de les conserver (et ce qui a été conservé de forêts précieuses est entré dans les apanages
et dans les échanges). Là, ies
Quoi qu'il en soit, de l'exactitude ou de l'insuffisance de ces recherches, que nous savons n'avoir pas été portées, à beaucoup près, dans tous les lieux où elles devaient s'étendre, et qui semblent avoir été bornées aux forêts qui pouvaient présenter un état de dégradations, il n'est pas moins vrai, et nous le répétons, que quand la nature a été épuisée par une suite d'abus trop réels, elle ne peut se régénérer elle-même, si elle n'est secourue par les moyens de la culture. Personne n'ignore que, dans les sols les plus fertiles, les bois se dépeuplent à la longue, si l'on ne veille à leur régénération. Dans les mauvais terrains, le dépeuplement est plus prompt et la régénération plus lente et plus difficile.
Ajoutez à ces inconvénients ceux des coupes mal faites, des bois mal abattus, des droits d'usage devenus si abusifs, et le prétexte de mille dévastations partielles qui épuisent la belle futaie, et rongent à la première sève les jeunes recrues.
Ajoutez encore Je défaut de clôture, d'ouverture des fossés et de dessèchement, la négligence et les délits des gardes, occasionnés par la parcimonie mise dans leur nombre et leurs salaires, eu égard à l'étendue des terrains confiés à leur garde
Qui peut entreprendre de faire disparaître de pareils abus?*Qui peut tenter une régénération aussi dispendieuse, aussi longue, aussi pénible que celle des forêts du royaume, si ce n'est une nation, d'après des bases d'administration fondées sur l'utilité publique, et, sur l'expérience la plus éclairée ? De pareilles entreprises sont au-dessus du courage, des ressources et des principes des particuliers comme des compagnies.
Vous en seriez convaincus bientôt, si je vous présentais un simple aperçu des moyens de régénération de cette branche importante du domaine public.
Faire faire la levée exacte des plans (1) tant généraux que particuliers des bois et
forêts, distinguer les nouveaux aménagements, en marquer les divisions, ordonner ie
rétablissement des
Ordonner de nouvelles clôtures de haies ou de fossés, pour les garantir des invasions de tout genre;
Repeupler les terrains dévastés en affectant à ce repeuplement le produit des amendes, ou une somme du produit des bois;
Cantonner les usagers, et reporter les usages sur des parties isolées ou séparées, pour interdire l'entrée des forêts aux usagers, ou plutôt à ceux qui sont toujours tentés d'abuser;
S'occuper du sort des gardes, de manière à ne pas les engager à se payer, par leurs mains, de l'avarice que l'ancien régime avait mise dans leur attribution pécuniaire;
Enfin, régler les coupes de manière à ne pas laisser substituer des futaies au delà du terme que la nature du sol paraît le comporter, et faire de nouveaux aménagements dans les forêts, de manière à laisser des massifs de futaies, et régler le surplus depuis un âge jusqu'à un autre âge déterminé, selon la qualité des terrains, des essences d'arbres et les consommations locales...
Qui remplira toutes ces vues de bi^n public? Nous vous l'avons déjà dit ; des particuliers même très opulents et des compagnies de spéculateurs et des capitalistes ne pourront y parvenir. Jetez un coup d'oeil sur les bois des particuliers et sur ceux des communautés : voyez leur manière de jouir ; voyez les coupes que i'égoïsme, inséparable de l'administration particulière, a mise dans ces exploitations : vous y apercevrez bien moins les moyens de perpétuer leurs revenus, que ceux de l'augmenter momentanément.
Qui est-ce qui pourra ou qui voudra, si ce n'est une nation, assigner les fonds considérables qui sont nécessaires à l'entretien, à la garde des forêts et surtout à leur repeuplement, et reculer les jouissances que les futaies promettent pour l'aveuir?
N'imitez pas ce ministre insouciant et égoïste, comme l'ancien régime, qui, étant averti du dépérissement prochain des bois, répondit qu'il était sans inquiétude sur cet objet ; que, dès l'instant que cette production deviendrait encore plus rare et à plus haut prix, tous les propriétaires s'occuperaient de plantations,, et que, par ce moyen, l'abondance surcéderait bientôt à la disette.
C'est bien là la réponse aveugle du despotisme qui dévorait toujours, comptant sur des reproductions aussi promptes que ses volontés; comme si ia nature reproduisait des bois en aussi peu de temps que des moissons; comme si la révolution d'un siècle était aussi subite que celle de chaque année. Rappelez plutôt cette prédiction de Colbert, qu'il répétait si souvent à la fin du dernier siècle: la France périra tôt ou tard par la disette des bois.
Non, Messieurs, cette crainte d'un grand ministre ne se réalisera point, si vous décrétez que les grandes masses des bois serout conservées sous un régime que vous établirez sur de nouveaux principes.
Comment pouvez-vous craindre la disette des bois, si vous faites rentrer dans le domaine national les bois en engagement en échange, ou aux apanagistes, et si vous réunissez les bois ecclésiastiques à ces grandes propriétés?
Les comiiés réunis ont été frappés de la nécessité d'établir une adminisiration centrale, et une surveillance universelle qui assure le meilleur ordre possible dans l'administration des forêts, et
qui prépare, par leur amélioration, des ressources devenues malheureusement trop nécessaires à la France : ils n'ont pas cru qu'il fût difficile de tracer des moyens efficaces, soit pour faire aux anciennes lois les changements que le temps a rendu nécessaires, soit pour ranimer la vigilance des districts et des départements sur la régénération et l'exploitation des forêts ; soit enfin pour concentrer l'administration économique dans un petit nombre de personnes bien choisies.
Bientôt un rapport des mêmes comités réunis vous présentera les moyens propres à remédier aux différents abus et délits commis dans les forêts, la réformation des dispositions de l'ordonnance de 1669, qui peuvent ou n'être pas susceptibles de s'appliquer à l'état actuel de i'ad-ministration des bois, ou avoir fait naître des inconvénients reconnus par l'expérience.
Est-il donc si difficile d'apercevoir les bases d'une bonne administration forestière?
L'ordonnance de 1669 avait, au milieu des dispositions propres à réprimer une partie des désordres existants alors, d'autres dispositions funestes; elles sont connues: des abus sont nés de la succession des temps, on vous les a dénoncés; l'expérience nous a montré de nouveaux abus dans l'emploi même des précautions prises pour les prévenir : eh bien ! vous réformerez cette ordonnance facilement.
Les fonctions d'administrateurs étaient réunies à celles de juges. Vous faites disparaître par le nouvel ordre judiciaire le danger de la cumula-tion des pouvoirs.
Le défaut de responsabilité des administrateurs amenait, favorisait des négligences coupables. Vous avez fait disparaître ce vice de l'ancienne administration.
L'insuffisance des traitements attachés à des fonctions sans relief ni profit introduisait des voies illicites pour les rendre lucratives. La surveillance des citoyens est ouverte utilement sur les administrateurs el les juges temporaires.
La suppression totale des maîtrises est un des moyens de rétablir un meilleur ordre, d'après le vœu de vos commettants; votre comité de Constitution les abolit par son projet d'ordre judiciaire.
L'instruction des procès, la poursuite des grands délits, les questions de propriété étant
renvoyées aux juges ordinaires, une administration centrale s'occupera, sous l'inspection des
districts et des départements (1), de l'assiette des ventes, des récollements, des visites,
des repeuplements, des nouveaux aménagements, et surtout de cette police journalière plus
exacte, plus locale et plus assidue que celle des tribunaux.
Avant de vous présenter le projet de décret, je dois vous faire part de l'objection arithmétique qu'on a fait beaucoup valoir dans les séances des comités réums.
« On a besoin de vendre les bois, dit-on, dans l'intérêt de nus finances. Il est indispensable pour une nation, comme pour les particuliers, de payer ses dettes; un déficit à combler, des finances'de charges et d'offices supprimés à rembourser; enfin, vos dettes exigibles se portent à 19 cent millions. Les bois sont donc un objet nécessaire à aliéner. D'ailleurs, en aliénant les bois, vous augmentez la matière imposable, »
Cette objection a paru trop faible pour arrêter l'opinion des comités réunis, mais assez forte pour devoir être réfutée.
1° Il y a dans les maisons, bâtiments, métairies, propriétés et biens cultivés du domaine et du clergé une plus forte valeur que celle de nos dettes. Si cela n'était pas, la nation serait bien à plaindre pour la dette publique; mais un simple aperçu du comité de l'aliénation présente beaucoup plus de deux milliards de valeurs, dans les biens corporels nationaux à vendre, en exceptant les bois.
Il y a, de plus, une somme assez, considérable à retirer de quatre cent mille arpents de bois disponibles. Le besoin d'aliéner tous les bois est donc chimérique,
2° En principe d'économie publique ou particulière, il faut d'abord aliéner les biens les moins précieux, les propriétés les plus onéreuses et celles qui dépérissent nécessairement. Les bois sont les propriétés les plus précieuses et ne font qu'augmenter. Les maisons, les bâtiments, les usines et les terres cultivées, susceptibles d'une dégradation, nécessitent des dépenses d'entretien.
Dans aucun cas, quelque urgent qu'on le suppose, la nation ne doit s'exproprier des bois et forêts qui forment le vrai domaine public.
3° Vendre les bois n'est pas augmenter la matière imposable.
Une légère réflexion peut convaincre de cette vérité.
Si les bois sonteoupéset non défrichés, comment le propriétaire payerâ-t-ilun impôt ne recueillant aucun fruit ?
Au fond, vous penserez peut-être que l'impôt annuel sur les bois est difficile, pour ne pas
dire impossible à établir, parce qu'il n'y a pas de base solide pour l'asseoir, les bois ne
donnant des revenus qu'après une certaine période de temps. L'impôt établi par année
engagerait d'ailleurs le propriétaire à couper, â détériorer, pour payer l'impôt par le
produit même dubois. Il n'y a peut-être sur ce point d'autre moyen que d'imposer sur les
coupes et faire diminuer cette disposition à mesure que les coupes seront retardées, parce
que, dans ce retard, on trouvera toujours, et bien aU delà (1), la valeur de l'impôt qu'on
aurait prématurément perçu.
En cinquième lieu, vous pouvez faire une source de revenus pour la nation par l'administration nationale des bois. Où sont donc les bcms citoyens qui voudraient conseiller à Ja nation d'aliéner un fonds de première nécessité qui peut porter,dans peu d'années,environ trente millions de revenu, avec un système assuré de régénération et de repeuplement des bois ?
C'està vous, Messieurs, à calculer,dans ce moment, les dangers résultant du projet de livrer aux particuliers Ja propriété de toutes vos forêts. Dans quel état avez-vous trouvé ia nation ? Ne l'avez-vous pas vue dans un enthousiasme funeste pour les jouissances viagères, dans l'immoralité des tontines et des loteries? Attendez donc que l'esprit public soit formé, que les idées de propriété s'améliorent, que les vues d'administration. économiques s'élèvent, et laissez à la nation, en attendant cette heureuse époque, de grandes propriétés publiques et indivises. Il est certain qu'on peut perdre un Etat par les bois, l'affamer pendant la paix, et l'empêcher de se défendre pendant la guerre.
Vous serez donc, Messieurs, aussi économes qu'un bon père de famille ; vous serez aussi sages que la nature qui ne dissipe jamais ses trésors, et qui en tient toujours une partie en réserve, pour les événements qui sont dans le cours ordinaire qu'elle a établi.....
Je termine ce rapport par un mot connu, avec lequel l'anteurimmortel de J'Espn'/des lois peignait les opérations insensées du despotisme : quand les sauvages de la Louisiane veulent avoir du fruit, ils coupent Varbre à la racine. Voilà l'image d'une nation qui, pour payer ses dettes, livrerait ses forêts à des compagnies ou à des capitalistes.
Voici le projet de décret que j'ai l'honneur de vous proposer :
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis des domaines, de la marine, des finances, de l'aliénation des biens nationaux et de commerce et d'agriculture ;
Considérant que la conservation des bois et forêts est un des objets les plus essentiels aux besoins et à la sûreté du royaume, et que la nation seule peut, par un nouveau régime et une administration active et éclairé*, s'occuper de leur conservation, amélioration et repeuplement, pour en former, en même temps, une source de revenu public ;
A décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. Les grandes masses de bois et forêts
Art. 2. Tous les bocquetaux, toutes les parties de bois natiooaux éparses, absolument isolées, et éloignées de mille toises des autres bois, qui ne sont pas nécessaires pour garantir les bords des fleuves et des rivières ^contre les débordements, qui n'excé leront pas la contenance de cent cinquante arpents, mesure d'ordonnance, seront vendus et aliénés suivant les formes et conditions prescrites par lesdits décrets .
Art. 3. L'Assemblée charge son comité de3 domaines, réuni à ceux de marine, d'agriculture et du commerce, de lui présenter de nouveaux moyens de pourvoir à l'administration des forêts et une nouvelle législation sur cette partie dont elle reconnaît l'urgente nécessité.
Je demande l'impression du rapport et l'ajournement de la discussion à huitaine. (Il s'élève de nombreuses protestations.)
Il y a une nécessité tellement manifeste à conserver à l'état de grandes masses de bois, que j'appuie la discussion immédiate; Je suis d'autant plus libre d'émettre cette opinion qu'étant négociant en bois, j'auraisunintérêt personnel à la vente.
Je conviens de l'importance qui s'attache à la conservation des forêts; malgré cela, je persiste à demander l'ajournement. Par qui seront-elles mieux conservées, par la nation ou par des particuliers? Je crois que dans une grande administration le gaspillage est inévitable : on a cherché à vous persuader que vous ne trouveriez point des bois de construction chez des particuliers; j'affirme, au contraire, que leurs bois sont mieux tenus que les bois publics. (Des protestations répétées interrompent l'orateur).
reprenant: La manière dont on m'attaque, annonce chez mes contradicteurs ou un parti pris, ou une grande indifférence du sujet qui nous occupe.
L'intérêt public est le seul guide de l'Assemblée dans cette délibération, comme dans toutes les autres.
Je termine en demandant de nouveau l'ajournement de la discussion et l'impression du rapport afin d'en peser les moyens.
Si vous mettiez en vente les forêts, tous les acquéreurs se porteraient sur cette partie des domaines nationaux et vous ne trouveriez pas à aliéner les autres,
Je ne veux faire en ce moment qu'une simple remarque : c'est qu'on ne trouve de bois de construction que dans les vieilles forêts et que les particuliers ne peuvent laisser vieillir les leurs.
(de Saint-Jean-d' Angély). J'appuie l'ajournement à quelques jours, par ce motif que les comités deviendraient les despotes do
l'Assemblée si l'on adoptait, ainsi sans examen, les projets de décrets qu'ils nous présentent.
Vous avez rendu un décret qui exige que tous les rapports soient imprimés ; je réclame son exécution, afin que désormais rien ne soit mis à l'ordre du jour avant l'impression et la distribution.
met aux voix la demande de l'ajournement. Elle est rejetée.
demande qu'il soit fait, dans l'article2, une exception en faveur des usines établies dans le voisinage des forêts.
Si cet amendement était adopté il tendrait précisément à la destruction des forêts.
Je demande qu'on limite à 60 le nombre des arpents qui pourront être vendus.
(Cette,proposition est rejetée.)
Je demande que les forêts qui, par leur position et la nature du sol, seront en état de produire des bois propres à la marine, ne soient aliénées qu'après avis de l'administration du district où elles sont situées.
(Cet amendement est adopté.)
Je demande qu'on substitue le chiffre de 100 arpents à celui de 150.
^Cette proposition est adoptée.)
Je prie l'Assemblée d'ajouter à son article 2 : « Pourront cependant être vendues les portions de bois au-dessous de 60 arpents: mais les ventes ne pourront être faites que sous la surveillance des directoires de département et de district, auxquels les municipalités donneront leurs observations sur les dites ventes. »
(Cet amendement est adopté et fondu dans le décret.)
, rapporteur, réunit les divers amendements dans une nouvelle rédaction et le décret passe ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis des domaines, de marine, des finances, de l'aliénation des biens nationaux, de commerce et d'agriculture;
« Considérant que la conservation des bois et forêts est un des objets les plus importants etles plus essentiels aux besoins et à la sûreté du royaume, et que la nation peut seule, par un nouveau régime et une administration active et éclairée, s'occuper de leur conservation, amélioration et repeuplement, pour en former, en même temps, une source de revenu public, a décrété et "décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les grandes masses de bois et forêts nationales
sont et demeurent exceptées de la vente et aliénation des biens nationaux, ordonnées par les
décrets des 14 mai, 25 et 26 juin derniers.
« Art. 2. Tous les bocquetaux, toutes Jes parties de bois nationaux éparses, absolument isolées, et éloignées de mille toises des autres bois d'une grande étendue, qui ne pourraient pas supporter les frais de garde, et qui ne seront pas nécessaires pour garantir les bords des fleuves, torrents et rivières, pourront être vendus et aliénés suivant les formes prescrites par lesdits décrets, pourvu qu'elles n'excèdent point la contenance de cent arpents, mesure d'ordonnance du royaume, sauf
à prendre l'avis des assemblées de département, pour la vente des parties de bois dont la contenance excéderait celle de cent arpents. Quant aux bois et forêts de ladite contenance, qui, par leur position et la nature dû sol, peuvent produire des bois propres à la marine, ils né pourront être aliénés qu'après avoir eu l'avis des administrations des départements, qui prendront celui des districts dans lesquels ils sont situés.
« Art. 3. L'Assemblée nationale charge les cinq comités réunis de lui présenter incessamment le plan d'un nouveau régime et administration des bois, etde réforme de la législation des forêts, dont elle reconnaît l'urgente et indispensable nécessité. »
(deNemours) annonce que le travail sur le remplacement de la gabelle, ajourné à cette séance, est terminé; qu'il doit encore être soumis au comité des finances, pour en vérifier les calculs, et qu'il sera incessamment présenté à l'Assemblée.
Je viens rendre compte, au nom du comité d'aliénation des domaines nationaux, que les experts nommés pour l'estimation de ces biens dans l'étendue du département de Paris, sont à leur travail depuis quinze jours et que le comité pense qu'il convient dé proposer à l'Assemblée d'autoriser les ventes. C'est là l'objet du décret que nous vous proposons.
Avant d'aller aux voix, je demande que le comité donne connaissance de l'état des objets à vendre et des détails de cette estimation.
commence la lecture de cet état.
Cette lecture entraînerait une grande perte de temps. Je crois que l'Assemblée peut s'en rapporter aux précautions prises par son comité.
Le détail de toutes ces ventes est du domaine du pouvoir exécutif et doit lui être renvoyé. Je conclus à ce que le roi nomme des commissaires qui se concerteront avec votre comité pour tous les détails relatifs à l'aliénation des biens nationaux.
Il faut tenir pour maxime de ne jamais laisser faire par les administrations ministérielles ce qui peut et doit être fait par les administrations populaires.
Il suffira, Messieurs, de quelques explications fort simples, pour vous faire sentir que le décret qui vous est proposé ne peut souffrir ni de difficultés, ni de retard.
Vos décrets précédents établissent une distinction très importante entre les 400 millions dont vous avez décrété la vente aux municipalités et les domaines qui, au delà de cette somme, seront directement vendus aux particuliers.
Vos décrets, Messieurs, déterminent très préci; sèment les formes suivant lesquelles seront faites les ventes aux municipalités et les ventes et reventes aux particuliers.
Votre instruction du 31 mai'porte, en termes formels, que les actes translatifs de propriété en faveur des municipalités, seront des décrets de l'Assemblée nationale en faveur decbacune d'elles.
Quant aux ventes et reventes directes aux par-
ticuliers, elles seront toutes faites devant le directoire de district du département.
Ainsi, vous le voyez, Messieurs, plus de difficulté sur les formes à suivre sur ces deux espèces de ventes ; elles sont arrêtées, formellement décrétées; c'est chose absolument consommée.
L'un des préopinants reconnaît que l'Assemblée nationale ne doit pas entrer dans le détail des estimations ; qu'il faut nécessairement qu'elle doune sa confiance à des commissaires.
Et ceci, Messieurs, est une vérité. Mais quels commissaires cet opinant propose-t-il? Des-, commissaires nommés par le roi. Mais, Messieurs, vous n'avez pas besoin de demander des commissaires ministériels, vos vrais commissaires, vos. commissaires naturels, sont les corps administratifs, ce sont ceux auxquels vous devez toute confiance.
Et remarquez, Messieurs, que les ventes et les reventes aux particuliers seront toutes faites devant le directoire de district.
Les inquiétudes qu'on veut vous donner sur les estimations nécessaires pour les ventes aux municipalités ne sont pas fondées.
Lés municipalités ne sont, Messieurs, que vos agents ; leurs avantages,; leurs profits ne seront nullement déterminés par les estimations. Ces profits dépendent absolument des prix des reventes aux particuliers ; or, ces reventes seront toutes faites
devant le directoire de district. Elles le seront à la chaleur des enchères avec la plus grande publicité. Ces formes assurent, Messieurs, la régularité, la fidélité des ventes et des reventes directes aux particuliers.
Il n'y a donc nulle difficulté à admettre le décret et vous savez, Messieurs, combien il peut être important pour le rétablissement du crédit.
met aux voix le projet de décret. Il est adopté, sans changement, ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite par les commissaires de la commune de Paris, le 26 juin dernier, pour, en conséquence de son décret du 17 mars précédent, acquérir entre autres domaines nationaux ceux dont l'état est ci-annexé, ensemble des estimations faites desdits biens, les 23, 24, 26, 27, 28, 29, 30 et 31 juillet dernier, 1er, 2, 3, 4 et 5 de ce mois, en conformité de l'instruction décrétée le 31 mai dernier;
« A déclaré et déclare vendre à la commune de Paris "lés biens ci-dessus mentionnés, aux charges,; clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour ie prix de 1,849,303 liv. 17 sols, payable de la manière déterminée par le même décret. »
État.
ÉTAT de ceux des domaines nationaux compris dans la soumission de la Commune de Paris, du 26 juin 1790,
dont Vestimation se trouve faite.
C0 OD
NOMS NATURE
des des
EXPERTS. BIENS.
' . 1 Pavillon et terrain.............. Petite maison et jardin.......... Terrain clos....................
g premier lot. MM. Vavasseur Desperrier et Lemil. iMaison et dépendance...........
i
Troisième lot.
MM. André et Bayon.
i /
!
Treizième lot. MM* Frepsat et Delarbre.
. ' . ' ; 1
Seizième lot. MM. Mouton et Villetard fils, j
SITUATIONS.
Rue des Boulets...............
Rue de Montreuil..............
Rue des Boulets, 17............
Rue de la Mortellerie, 13......
Rue de la Mortellerie, 13........
Rue des Blancs-Manteaux, 62... Rue des Blancs-Manteaux, 63... Rue des Blancs-Manteaux, 64...
Rue des Billettes, 4 et 5.......
Rue Jean-Pain-Mollet, 14.......
Rue de la Mortellerie, 2 et 175.
Rue du Martroy, 6..............
Rue de la Mortellerie, 4..............
Rue de la Mortellerie, 5...............
Rue du Regard (faub. Saint-Germain)..
Rue du Regard.......................
Rue du Regard.......................
Rue du Regard Quai des Augustins. Quai des Augustins , Quai des Augustins. Quai desvAugustins,
Da»phine, 1.......
Rue Dauphine, 112., Rue Dauphine, 113., Rue Dauphine, 114..
au coin de la rue
Rue Dauphine, 115...................
Rue Dauphine, 116...................
Rue Dauphine, 117...................
Rue Dauphine, 118...................
Rue Dauphine, 119...................
Rue Dauphine, 120, coin du quai Conti.. Petite rue de Ne vers.................
NOMS des LOCATAIRES.
Veuve Callard ... Sieur Vacaussin.., Sieur Marcés .
Sieur Vatry.....
Veuve Poulain Veuve Séguin.....
Sieur Viaiot......
Sieur Lambert
Sieur Picard......
Veuve Bombardier Sieur Gilbert......
Sieur Pimpaneau........
Sieur Ratry............
Sieur Ratry...........
Sieur de Robecq .....f., Archevêque de Cambrai, Sieur Bourdon.........
M. de Macmahon, Veuve Lennel... Sieur Couturier.. Sieur Royez.....
Sieur le Feuve... Sieur Blenet..... Sieur Rousseau.. Sieur Dapesteguy
Sieur Pacquet....
Sieur Didot......
Sieur Nollet..... Sieur Pacquet Sieur Renard...• Sieur Fragerolles Sieur Carmiole...
ORIGINE.
Relig. de Traînel..........
R4ig. de Saint-Bernard...,
Relig. de Traînel..........
R lig. de l'Assomption...., Relig. de l'Assomption.».., Relig». de Blancs-Manteaux. Religf. de Blancs-Manteaux, Relig. de Blancs Manteaux,
Carmes Billets.............
Assomption Saint-Honoré.., Idem......................
Idem...................
Idem..................
Idem..................
Carmes du Luxembourg
Idem..................
Idem.................*
Idem.............
Grands Augustins,
I'iem. ...........
Idem.............
Idem Idem, Idem, Idem.
Idem, Idem. Idem. Idem. Idem, Idem. Idem,
ESTIMATION.
liv. S. d.
15,000 » »
7,500 » »
5,600 » »
29,000 9 »
15,000 » »
15,000 » M
15,000 » *
14,500 » »
20,000 X> *
15,730 » 9
33,000 » »
34,800 21,000 23,000 127,900 147,270 39,260
48,630 26,381 25,270 17,200
21,700 27,000 29,000 28,400
28,300 27,800
2r>,800
27,100 24,200 38,750 17,000
» V
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CD O
Dix-septième lot. MM. Veraiquet et Moachelet.
Dix-huitième loi. MM. Feuillet et Chabouillé.
Dix-neuvième tôt. MM. Pasquier, Siguy.
Vingtième lot. MM. Piron et Jonquet,
Vingt-unième lot. mm« Petit Radel et Bénard.
Idem, Idem, Idem. Idem.
idem.
Idem. Idem, Idem, ildem, Idem, Idem
Idem. Idem 'Idem.
'idem. Idem,
[ Idem, Udem, ïïdem. udem, /Idem. Idem.
Terrain.........................
Maison et dépendance...........
Idem...........................
Idem et grand terrain servant de chantier, dit la Grande-Forêt...
|ldem, chantier des Armes-de-
France........................
Maison et terrain faisant partie du chantier des Armes-de-France..
Petite rue de Nevers. Petite rue de Nevers. Petite rue de Nevers. Rue de Bussi........
Rue de la Bourbe
Place Saint-Michel, 93..............
Rue du Foin-Saint-Jacques, 31.....
Rue d'Enfer, 154.....,............
Rue d'Enfer, 159...................
Rue d'Enfer, hôtel de la Michaudière Rue Saint-Jacques, 145 et 146.......
Rue Saint-Jacques, 143 et 144.........
Rue Saint-Jacques, 141 et 142.........
Rue Saint-Jacques, 137, 138, 139, 140..
Rue Saint-Jacques, 135 et 136. Rue de Vaugirard, 141,.»....
Rue de Vaugirard, 141.......
Rue de Vaugirard, 144.......
Rue Cassette, 23-............
Cloître et rue des Bernardins. Cloître et rue des Bernardins. Cloître et rue des Bernardins.
Cloître et rue des Bernardins. Cloître et rue des Bernardins. Cloître et rue des Bernardins.
Quai Saint-Bernard, au coin de la rue de Seine.......................».......
Quai Saint-Bernard. Quai Saint-Bernard.
Sieur Pasquier..................
Sieur NolLet..................
Sieur Longuet..............
Sieurs Villard et Charité, et dame
Hervieux ..,..•.................
Dame Riffardeau................
Phelipon et Trumeau,
Sieur Baudoin.......
Sieur Dubois........
M. de Razé.........
M. de Mirbeck......,
Sieur Girard.....
Sieurs Besançon et Birau........
Dame Leguier et sieur Bellevaux. Veuve Desguimard, sieur Blanche-fort et District de Sorbonne... Sieur Causet et veuve Desguimard. Mme Saint-Germain..............
M. de Vauglan.......
Evêque de Périgueux. Sieur de Boise.......
Mme Lambert, etc.....
Sieur Liedot.».......
Sieur Fumé..........
Sieur Fumé, en partie.
Sieur Thetion.........
Sieur Liedot..........
M. Sergent.. M. Lemire... Mm* Blanchet.
18,200 9 9
10,600 » 9
9,400 » 9
Abbaye Saint-Germain-des-Prés... 86,600 » 9
25,647 9 9
42,879 19 »
32,226 7 4
27,039 )> 9
35,410 9 9
104,215 9 9
22,667 9 9
25,334 » 9
28,667 9 9
49,544 » 9
28,100 » 9
Relig. du Petit-Calvaire......... 17,100 J) 9
14,675 9 9
47,500 9 9
66,583 9 9
15,500 9 9
14,500 7> 9
22,000 T> 9
1,725 » 9
26,000 » »
10,500 9 9
45,000 9 9
divisé en 6 lots.
27,000 « 9
2,600 » 9
Fait à la mairie, ce 5 août 1790, Signé : BAILLY (Nangis),
Approuvé par le Comité chargé de l'aliénation des domaines nationaux, à la déduction de trois articles rayés page première et renvoyé à un plus ample examen; au moyen de quoi le total des objets ci-dessus estimés se trouve monter à la somme de dix-huit cent quarante-neuf mille trois cent-trois livres dix sols.
Fait au Comité le 6 août 1790. Signé : Là ROCHEFOUCAULD, président; Delley d'Agier, secrétaire.
co CD
, au nom du même comité d'aliénation , propose un décret pour charger, conformément à ceux des 8 juin et 24 juillet derniers, la municipalité de Paris, de toutes les ventes et reventes des domaines nationaux situés sur l'étendue du département de Paris, jusqu'à l'époque où les administrations de département et de district seront en activité.
Ce décret est adopté, sans discussion, en ces termes :
« L'Assemblée nationale ayant, par ses décrets des 8 juin et 24 juillet.derniers, attribué provisoirement à la municipalité de Paris, relativement aux biens ecclésiastiques, les fonctions de directoire de districi, pour la ville et le département de Paris, jusqu'à ce que l'administration dudit département et de ses districts, ainsi que leurs directoires soient en activité ;
« Décrète que ladite municipalité sera chargée, jusqu'à ladite époque, de toutes les ventes et reventes des domaines nationaux situés dans la ville et le département de Paris, dans les formes prescrites par le décret du 14 mai, l'instruction du 31 du même mois, et le décret des 25, 26 et 29 juin de la présente année. »
, député du département des Deux-Sèvres, demande et obtient la permission de s'absenter pour un mois.
, au nom du comité ecclésiastique, demande un ajournement fixe pour faire un rapport, afin d'accélérer la liquidation et le payement du clergé actuel.
L'Assemblée décide qu'il y aura une séance extraordinaire pour cet objet.
monte à la tribune pour continuer son rapport sur toutes les dépenses publiques.
On annonce l'arrivée de M. de La Tour-du-Pin, ministre de la guerre, que l'Assemblée nationale doit recevoir à deux heures.
(M. Lebrun descend de la tribune.)
, ministre de la guerre, est introduit et lit, au nom du roi, le mémoire suivant, relatif à l'insubordination qui se manifeste dans plusieurs corps de l'armée (1).
Messieurs, je me préparais à mettre sous vos yeux le nouveau travail que le roi m'a com-; mandé de faire sur l'armée; mais Sa Majesté, convaincue que le retour de l'ordre et de la disci-" pline dans les différents corps qui s'en sont écartés, doit indispensablement précéder, ou même préparer tous les changements militaires qu'elle pourrait tenter, m'envoie, avant tout, vous informer de la licence effrénée, où je ne . sais: quel génie ennemi de la France ne cesse d'entraîner une partie de nos troupes. Le nombre des régiments séditieux et mutins s'accroît journellement; chaque courrier annonce de nouveaux désordres, et la succession des jours n'est plus, pour le meilleur des rois, qu'une suite continue et rapide de chagrins accablants et de nouvelles désastreuses.
Dans le dernier message que j'eus l'honneur de faire auprès de vous, je vous exposai tous
les inconvénients que devaient entraîner ces comités illégaux, établis dans plusieurs corps
par les sous-officiera et soldats. Chaque jour voit multi-
Il n'est plus de pouvoir qui ne soit méconnu; une partie de l'armée négocie tous les jours par ses envoyés avec le ministère, et mon cabinet est fréquemment rempli de soldats députés, qui viennent m'intimer fièrement les intentions de leurs commettants ; ce. sont leurs expressions. Tant que le mal est resté concentré dans chaque régiment, tant que nul concert entre différents corps n'a menacé l'Etat de ligues dangereuses, Sa Majesté, qui déjà vous avait confié ses inquiétudes sur l'indiscipline dont elle voyait dès lors éclater d'alarmants symptômes, n'a pas cru vous devoir affliger chaque jour par les récits de nouveaux désastres. Elle espérait toujours le retour de l'ordre, du temps, du zèle des officiers, de la vigilance de l'administration, el surtout de l'efficacité de votre intervention; mais le mal empire et se propage à chaque instant; ce n'est plus un corps particulier qui délibère et prononce sur ses intérêts; ce sont sept régiments où chacun fournit trois députés, je n'accompagnerai d'aucune réflexion le récit de ce fait ; mais les plaies profondes que firent à l'Empire romain de semblables excès; mais les maux occasionnés chez un peuple voisin, dans le siècle dernier, par de pareilles associations de soldats enthousiastes et factieux, sont autant d'effrayants avis que vous donne l'histoire. Représentants des Français, hâtez-vous d'opposer la massede leurs volontés à ce torrent d'insurrections militaires; n'attendez pas que de nouveaux orages viennent le grossir : peut-être alors lés plus fortes digues seraient insuffisantes pour arrêter sa furie. Je ne me lasserai, point dé le répéter ; la nature des choses exige impérieusement que le corps militaire jamais n'agisse que comme instrument uniquement fait pour exécuter la^volonté générale, tant au dedans qu'au dehors de l'Etat, il doit lui-même être sans volonté. Il faut qu'indifférent comme les corps physiques, soit ail répos,'soit au mouvement, il attende toujours que la loi vienne le mouvoir dans le temps, dans le sens et avec le degré de force qu'elle jugera convenable; sans cette froide et tranquille obéissance, vous n'aurez point d'armée, on^lutôt vous en aurez une inutile au dehors et funeste au dedans.
Des réclamations pécuniaires font l'objet Je plus générai et le plus important de ces irrégulières assemblées. Le roi, sans doute, est loiu de se refuser aux répétitions légitimes que pourront faire ses soldats, toutes les fois qu'ils les lui feront parvenir par les voies légales de ieurs commandants et de l'administration supérieure.
Mais Sa Majesté n'a vu qu'avec indignation plusieurs d'entre eux, au sortir de ieurs tumultueux
conciliabules, contraindre les chefs à leur remettre les registres de comptabilité, s'ériger en juges de leurs droits, prononcer sur leurs propres demandes, rendre leurs officiers responsables de leurs prétentions exagérées, et les forcer d'y satisfaire de leur bourse ou de leur crédit. Elle n'a pu croire qu'on lui parlait de régiments français, en apprenant que ia garnison de Metz, oubliant jusqu'à la gloire qu'une partie des corps qui la composent acquit ailleurs sous le général qui la commande, osait également braver tous les officiers et lui-même, et se livrait à tous les désordres où peut entraîner l'esprit de révolte excité par la cupidité. Les masses générales, cet argent de l'Etat dont l'ordonnance fit de tous temps un dépôt inviolable et sacré, vont, si l'on n'y met ordre, devenir dans chaque régiment la proie de l'avarice et le prix de la sédition. Dans quelques corps, les soldats les ont déjà pillées ; dans d'autres, ils demandent à se les partager. Si des décrets sévères ne se hâtent de mettre un frein à leur avidité, comment, en ces jours dë détresse, remplacer les millions qu'ils auront enlevés des caisses militaires?
Ces dilapidations des masses ne sont pas, au reste, ia seule perte que le corps militaire ait depuis quelque temps fait éprouver au Trésor public.*
Lors des fédérations, diverses garnisons ont consommé, en fêtes, des sommes considérables que Sa Majesté croirait peu juste de faire payer au soldat. Entraîné par l'exemple, emporté par l'enthousiasme du moment, la générosité de ses concitoyens a provoqué lasienne. Dans les transports de sa sensibilité, il n'a consulté que son cœur, et d'indiscrètes dépenses ne lui ont paru qu'un juste retour de politesse et d'amitié fraternelle. Le roi voit avec trop de plaisir ses troupes unies d'esprit et de cœur au reste de sa nombreuse famille, pour jamais pouvoir se résoudre à leur rendre moins doux, par de fâcheuses retenues, le souvenir de ces jours de concorde et de patriotisme. Mais tout en excusant ces imprudentes magnificences, vous penserez sans doute, avec Sa Majesté, qu'il est de la plus haute importance d'en prévenir pour jamais ie retour. Quoique bien moins condamnable que les désordres dont je vous ai plus haut rendu compte, celui-ci n'entraînerait pas de suites moins fâcheuses: tous ces divers excès finiraient par mettre le Trésor public à la merci de l'armée, et réduiraient bientôt la France à ce point funeste où, ne pouvant exister sans soldats, elle ne pourrait non plus exister avec çax.
Je'viens, Messieurs, de vous indiquer le mal et croyez que je suis loin d'en avoir exagéré la grandeur et l'urgence; daignez jeter les yeux sur les extraits joints à ce mémoire, et vous sentirez combien le péril est pressant. Hâtez-vous d'accourir au secours de la patrie; c'est désormais de vous seuls qu'elle attend son salut: l'autorité du trône devient insuffisante en ce moment critique ; les lois l'ont sans doute armé de tout le pouvoir nécessaire pour maintenir au dedans l'ordre et la tranquillité; mais il ne s'agit plus de les y maintenir, il les y faut établir, ou plutôt il les y faut créer. Unissez toute votre force à celle du roi, pour arrêter la dangereuse fougue du corps militaire. La lenteur des délibérations, toujours inséparable de la sagesse dans tout corps politique et nombreux, ne vous a pas permis encore d'achever la rédaction du code pénal militaire que vous avez annoncé: qu'en l'attendant, l'ancien reprenne tout son empire. Dans l'ordre civil, les
lois peuvent quelquefois dormir sans péril imminent pour l'Etat ; mais sa sûreté exige qu'elles veillent sans relâche sur le corps militaire. Si son activité cesse un moment d'être enchaînée par les liens de la discipline, elle va s'exercer sur tout ce qui l'entoure avec d'autant plus de force qu'elle fut ci-devant plus comprimée.
Le soldat aujourd'hui n'a ni juges, ni lois; rendez-lui l'un et l'autre; que les séditieux recommencent à trembler devant ce3 mêmes conseils de guerre qui les ont si longtemps contenus. Le mal sans doute est grand, mais non pas sans remède ; il reste encore à la patrie des corps fidèles, et l'instant du retour de8 lois verra, n'en doutez point, renaître dans nos troupes la paix, l'obéissance et l'amour du devoir.
répond en ces termes : « L'Assemblée nationale ne peut entendre, sans douleur, les nouvelles affligeantes que vous lui apportez. Elle allait, sur le rapport de son comité militaire, s'occuper des moyens de ramener cette subordination, sans laquelle il n'est point d'armée; l'assurance que vous lui donnez, que le plus grand nombre des régiments est demeuré fidèle à la discipline, lui prouve que l'on peut compter sur le patriotisme du soldat français, quand il ne sera pas égaré par les ennemis du bien public. Elle ne doute pas du zèle qu'un ministre, toujours le père, l'ami du soldat, mettra à seconder ses efforts. L'Assemblée nationale délibérera incessamment sur le message que vous faites de la part du roi. » (Le ministre de la guerre se retire.) (Le mémoire de M. de La Tour-Du-Pin est renvoyé au comité militaire.)
Je suis chargé par le comité militaire de vous présenter deux projets de décrets qui sont relatifs, l'un à Vinsubordination des régiments de royal-Champagne et de Poitou; l'autre qui concerne les troubles qui régnent dans plur-sieurs corps de troupes.
Messieurs, nous étions prêts hier à faire notre rapport, mais l'Assemblée n'a pas pu nous entendre ; notre sollicitude n'a dont point été dé-vancée par celle du ministre de la guerre.
Messieurs, il n'y a plus de subordination, plus de discipline, je dirai presque qu'il n'y a plus d'armée : car qu'est-ce qu'une armée sans discipline? Les soldats, sous prétexte d'injustices qui n'ont pas été commises et qui, à coup sûr, n'ont pas été vérifiées, attaquent leurs officiers et les forcent à se reconnaître leurs débiteurs ; ils leur font souscrire des engagements.
Empressés de jouir d'un meilleur sort, ils ont pensé que la promesse de nouvelles lois abrogeait déjà les anciennes. Il faut que l'Assemblée appuie de son autorité les lois existantes.
Nous avons cru devoir remonter à toutes les causes particulières de l'état de désordre où est l'armée. Chacune des causes que nous avons trou^ vées motive le décret que nous avons l'honneur de vous proposer.
L'esprit d'imitation à fait adopter des usages tout à fait incompatibles avec la discipline militaire. Dans presque tous les régiments se sont formés, comme on vous l'a dit, des clubs, des comités. Les soldats ne doivent jamais se réunir que sous un chef. Quelles seraient les suites funestes de délibérations prises les armes à la main? La suppression des clubs est l'objet d'un article 1 particulier.
I Les soldats se plaignent, comme de concert, de
la mauvaise administration des régiments. Cette plainte est trop générale pour qu'elle soit sans rondement, ou du moins sans prétexte : il est important que les comptes soient vérifiés avec le plus grand soin et la plus graqde authenticité. Se montrer rigoureusement juste est le meilleur et le plus infaillible moyen de tout calmer. Cet objet forme encore un article du projet de décret.
Ce qui agite beaucoup les soldats et répand parmi eux la plus vive fermentation, c'est la distribution arbitraire qui s'est faite de cartouches jaunes, qui portent toujours avec elles le déshonneur. L'hopneur d'un citoyen demande de plus grands ménagements : Nul ne peut être attaqué en cette partie, ou dépouillé de ses biens, sans un jugement préalable : Le soldat a, plus que tout autre, à raison de ses grands travaux, ce droit commun de la société.
Je ne vous dirai pas combien, dans ces derniers temps, on s'est permis ces actes atroces : Je rends justice au ministre qui a donné, à cet égard, des instructions très utiles aux commandants des régiments ; mais il ne faut pas, Messieurs, que vous vous en teniez là : il faut que vous abolissiez cet infâme usage qui fait avoir au soldat le déshonneur popr prix d'une longue carrière.
La conduite des officiers envers les soldats peut être encore un sujet de mécontentement pour ceux-ci. Ji faut qu'ils apprennent qu'on n'a jamais plus de droits à la soumission de ses inférieurs, que quand on a pour eux les égards qu'ils sont en droit d'attendre ; c'est encore un des objets du décret proposé.
Les officiers verront qu'on s'est occupé également de leurs droits et ae leurs devoirs.
On ne peut se dissimuler que plusieurs des insurrections qui, dans l'origine, auraient pu facilement être étouffées, se sont développées parce que le soldat a trop peu de moyens de se faire entendre. Il faut qu'il passe, pour obtenir justice, par des intermédiaires qui souvent sont intéressés à étouffer sa plainte.
Vous le savez, Messieurs, l'injustice produit toujours l'indépendance.
Les soldats, choqués de ces difficultés, ont tenté, quelquefois avec succès, de faire triompher leurs plaintes.
Votre comité, guidé par les plus pures vues du bien public, a adopté a l'unanimité le projet de décret qu'il vous présente aujourd'hui-
(Ces développements sont ttès applaudis).
poursuit et rend compte de l'affaire du régiment de royal-Champagne, d'après les procès-verbaux qui ont été envoyés au comité. Les officiers du régiment de Champagne ont donné le 1er août un bal aux gardes nationales. Quelques cavaliers mécontents, ayant à leur tête un sieur Point, adjudant-major, ont profité de cette occasion pour s'attrouper et faire des menaces au sieur Odille qui venait d'être nommé officier dans le régiment. Le lendemain, ils se sont encore attroupés et le sieur Point leur a fait prêter serment de pe pas reconnaître le sieur Odille dans son grade.
lit deux projets de décrets. Le décret concernant les régiments de royal-Champagne et de Poitou est ajourné à demain.
L'Assemblée décide qu'elle discutera immédiatement le décret concernant les troubles qui régnent dans plusieurs corps de l'armée.
lit l'article 1er et prévient l'Assemblée qu'il'ne s'agit en ce moment que d'une loi de circonstance.
L'article lep est adopté sans discussion.
Je demande qu'on ajoute à l'article 2 Une disposition par laquelle les arrêtés pris par les comités formés dans les régiments seront déclarés illégaux.
Il faudrait prévoir également le cas où les soldats seraient en butte à des jeunes gens comme officiers. C'est un sujet sur lequel j'ai toujours gémi depuis que je suis au sprVice. Il faudrait que quiconque aura infligé une peine fût tenu d'en rendre compte dans les vingt-quatre heures, dès les huit heures du matin.
Je ne puis que rendre bom-jpage au mobile qui a fait parler le préopin^nt; qqais je dois lui faire remarquer, de nouveau, que ce que nous décrétons aujpurd'bui n'est qu'une loi provisoire^ et qp'ily a unp extrême urgence à ce que le décret soit rendu sans retard.
(L'article 2 est adopté.)
donne lecture de l'article 3.
Cet article relatif à la reddition des comptes dit que les vérifications seront faites sur une période qui comprendra les six dernières années. Je propose qu'on remonte jusqu'à 1776. Cette époque me paraît particulièrement favorable, parce qu'elle répond à une nouvelle organisation, et que c'est de ce moment que commencent les craintes du soldat,
On ne parviendrait certainement pas à trouver des pièces authentiques si l'on devait remonter jusqu'à l'année 1776, ce qui permettrait de supposer des erreurs là où jl n'y en aurait pas. En conséquence, je demande que les inspecteurs reçoivent la mission de revoir tous les comptes qu'ils" trouveront, sans exception. quelle que soit leur date, sans avoir à reconstituer ceux qui n'existeront pas. Quant au nombre des soldats qui doivent assister à la vérification, il n'est pas nécessaire qu'il y en ait quatre; il suffit d'en admettre trois de chaque régiment, un de la tête, un du centre, un de la queue.
présente une nouvelle rédaction de l'article 3. Elle est adoptée.
demande l'ajournement de l'article 4 ainsi que celui de l'article 5, jusqu'au moment où l'Assemblée décrétera un code pénal sur les délits militaires. Toutefois, si l'Assemblée croit deyoir décréter les deux articles, il propose d'ajouter au cinquième, dont les dispositions sont trop vagues, après les mots : les car touches jaunes, ceux-ci : expédiées depuis le 1er mai 1789.
Cet amendement est adopté.
L'article 6 est adopté sans discussion.
L'article 7 est égalepient adopté sans changement.
Vous venez de décréter dans l'article 7 qu'on informera contre les auteurs et participes des troubles qui auront lieu dans Jes porps, et qu'ils seront punis suivant la .rigueur ides ordonnances. C'est le moment de vous faire remarquer combien sont vicieuses la forme et
'organisation des conseils de guerre ; un changement très prompt est indispensable à cet égard. Je demande que le comité nous présente un projet de décret sur la matière.
Cette motion est adoptée et ajoutée à l'article 7.
L'article 8 et dernier est adopté sans réclamation.
, rapporteur, donne lecture des articles tels qu'ils résultent des votes de l'Assemblée.
Le décret est rendu ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, duquel il ré? suite que plusieurs corps dë l'armée, égarés par les insinuations des ennemis du bien public, et perdant de vue les premiers devoirs de leur état, ont porté si loin l'infraction et le mépris de la discipline, que» si l'on ne s'empressait d'adopter des mesures imposantes pour le rétablissement de la subordination et le maiutien de l'ordre, l'honneur des corps militaires et la sûreté nationale se trouveraient également compromis avant peu, a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. ler. Les lois et ordonnances militaires, actuellement
existantes, seront exactement observées et suivies, jusqu'à la promulgation très prochaine de
celles qui doivent être le résultat des travaux de l'Assemblée nationale sur cette partie.
« Art. 2. Excepté le conseil d'administration, toutes autres associations délibérantes établies dans les régiments, sous quelque forme et dénomination que ce soit, cesseront immédiatement après la publication du présent décret.
« Art. 3. Le roi sera supplié de nommer des inspecteurs extraordinaires, choisis parmi les officiers généraux, pour, eu présence du commandant de chaque corps, du dernier capitaine, du premier lieutenant, du premier sous-lieutenant, du premier et du dernier sergent ou maréchal-des-logis, du premier et du dernier caporal ou brigadier, et de quatre soldats du régiment, nommés ainsi qu'il va être dit, procéder à la vérification des comptes de chaque régiment depuis six ans, et faire droit sur toutes plaintes qui pourront être portées relativement à l'administration des deniers et à la comptabilité, à l'effet de quoi il sera tiré au sort, dans chaque compagnie, un soldat entre ceux sachant lire et écrire, et ayant au moins deux ans de service, et parmi ceux que le premier sort aura désignés, il en sera ensuite tiré quatre pour assister à cette vérification, de laquelle sera dressé procès-verbal, dont copie sera envoyée au ministre de la guerre.
« Art. 4. Il ne pourra désormais être expédié de cartouche jaune et infâmante à aucun soldat,qu'après une procédure instruite, et en vertu d'un jugament prononcé selon les formes usitées dans l'armée, pour l'instruction des procédures criminelles et la punition des crimes militaires.
« Art. 5. Les cartouches jaunes expédiées depuis le 1er mai 1789, sans l'observation de ces formes rigoureuses, n'emportent aucune note ni flétrissure au préjudice de ceux qui ont été congédiés avec 4e semblables cartouches.
« Art. 6. Les officiers doivent traiter les soldats avec justice et avoir pour eux lès égards qui leur sont expressément recommandés par les ordonnances, à peine de punition ; les soldats de leur côté doivent à leurs officiers et sous-officiers respect dans tous les cas, et obéissance dans tout
ce qui concerne le service; et ceux qui s'en écarteront seront punis suivant la rigueur des ordonnances.
« Art. 7. A compter du jour de la publication du présent décret, il sera informé de toute sédition, de toqt mouvement concerté qui auront lieu dans les garnisons ou dans les corps, contre l'ordre et au préjudice de la discipline militaire; le procès sera fait et parfait aux instigateurs, auteurs, fauteurs et participes de ces séditions et mouvements; et,parle jugement à intervenir, ils seront déclarés déchus pour jamais du titre de citoyen actif, traîtres à la patrie, infâmes, indignes de porter les armes, chassés de leurs corps. Ils pourront même être condamnés, suivant l'exigence des cas, à des peines afflictives et corporelles, conformément aux ordonnances. A l'effet de quoi, le comité militaire présentera dimanche prochain un projet de décret, pour mettre l'Assemblée nationale en état de statuer sur l'organisation du conseil de guerre, et la forme d'y procéder.
c Art. 8. Il est libre à tout officier, sous-officier et soldat, après avoir obéi, de faire parvenir directement ses plaiqtes aux supérieurs, au ministre, à l'Assemblée nationale, sans avoir besoin de. l'attache ou permission d'aucune autorité intermédiaire; mais il n'est permis, sous aucun prétexte, dans les affaires qui n'intéressent que, la police intérieure des corps, la discipline militaire et l'ordre du service, d'appeler l'intervention, soit des municipalités, soit des autres corps administratifs, lesquels n'ont d'action sur les troupes de ligne que par les réquisitions qu'ils peuvent faire a leurs cnéfs ou commandants.
« Enfin, le Président se retirera dans le jour vers Sa Majesté, pour la supplier de sanctionner le présent décret et de donner ses ordres pour qûil soit incessamment envoyé à tous les régiments de l'armée, lu et publié à la tête de chacun d'eux, et strictement exécuté dans tout son contenu, pareillement envoyé aux corps administratifs et municipaux, pour qu'ils aient à s'y conformer en ce qui. les concerne. »
(La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, donne lecture d'un e adresse des officiers municipaux d e Gampb in-en-Pevèle, district de Lille, département, du Nord, par laquelle ils expriment leur attachement aux principes de la Constitution, jurant de la maintenir de tout leur pouvoir, et de faire observer tous les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés ou acceptés par le roi.
L'ordre du jour est la discussion du projet de décret présenté par le comité ecclésiastique et ayant pour objet d'accélérer la liquidation et le payement du traitement du clergé actuel.
, rapporteur. 11 est instaut de prendre, sans délai, des dispositions propres à accélérer la liquidation et le payement du traitement du clergé actuel. Le comité ecclésiastique, pour remplir cet objet, m'a chargé de vous présenter un projet de décret en 43 articles.
L'article l8r est lu et adopté sans discussion, ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité ecclésiastique, voulant accélérer la fixation des traitements accordés aux ecclésiastiques par ses précédents décrets; désirant aussi en faciliter l'acquittement pour la présente année et celles à venir, et connaître la dépense de l'année 1791, tant pour ces traitements, que pour les pensions des ordres religieux, décrète ce qui suit :
« Art. ler. Dans le mois, à compter de la publication du présent
décret, tous ceux à qui il a été accordé des traitements ou pensions, seront tenus, pour
satisfaire à l'article 12 du décret du 24 juillet dernier, de se conformer à ce qui est réglé
ci-après; à défaut de quoi, ils ne seront point compris dans les états dont il sera parlé dans
les articles suivants. »
Voici les termes de l'article 2 : « Art. 2. Les évêques et les curés, conservés dans leurs fonctions, adresseront l'état prescrit par l'article 22 au directoire du district de leur lésidence, pour tous les revenus dont ils jouissaient. »
, évêque de Clermont. Le secrétaire du district devrait être tenu de donner aux ecclésiastiques un récépissé de l'état qu'ils doivent remettre; sans cela, les membres du clergé ne seront jamais à l'abri de poursuites.
, rapporteur, adopte l'amendement et l'article 2 est adopté en ces termes :
« Art. 2. Les évêques et les curés, conservés dans leurs fonctions, adresseront au directoire du district de leur résidence l'état de tous les revenus et pensions dont ils jouissaient, duquel état le secrétaire du district leur donnera son récépissé. »
, rapporteur, lit les articles 3 à 12 qui sont successivement adoptés, sans discussion, dans les termes du projet, ainsi qu'il suit : « Art. 3. Les membres des chapitres et tous autres corps, ainsi que les ecclésiastiques et les personnes qui leur sont attachées, et qui sont autorisés, par l'article 13 du décret du 24 juillet dernier, à présenter des mémoires pour obtenir des traitements, pensions ou gratifications, s'adresseront au directoire du district desdits établissements, dans quelques endroits que soient leurs revenus, tant en pensions, qu'autrement.
« Art. 4. Les titulaires qui n'avaient qu'un bénéfice sans pensions, ou avec des pensions, s'adresseront au directoire du district du chef-lieu de ce bénéfice.
« Art. 5. Ceux qui en avaient plusieurs, également sans pensions, ou avec des pensions, s'adresseront au directoire du district dans lequel se trouvera le chef-lieu du bénéfice du plus grand produit.
« Art. 6. Les ecclésiastiques, qui n'ont que des pensions et qui n'en ont que sur un bénéfice, s'adresseront, pour les faire régler, au directoire du district auquel le titulaire doit présenter l'état I de ses revenus ecclésiastiques. •
« Art. 7. Quant à ceux qui en ont sur plusieurs bénéfices, ils s'adresseront au directoire du district dans lequel se trouvera le chef-lieu du bénéfice sur lequel sera assignée la plus forte pension, à la charge de rappeler la nature et la quotité des autres.
« Art. 8. Par rapport à ceux qui en ont sur des bénéfices tombés aux économats, encore qu'ils en eussent sur d'autres bénéfices, ils s'adresseront à la municipalité de Paris.
« Art 9. Les directoires de district auxquels on se sera adressé, prendront avant de donner leur avis, des directoires des districts de la situation des biens, les éclaircissements qu'ils jugeront nécessaires, et ces directoires seront tenus de les leur donner sans délai à la première réquisition.
« Art. 10. Au moyen des dispositions contenues en l'article 9 ci-dessus, et pour une plus grande accélération, les titulaires et les pensionnaires sont dispensés de communiquer eux-mêmes leur état aux municipalités.
« Art. 11. Les directoires de district, chargés de donner leur avis, y procéderont sans délai; ils l'inscriront sur un registre qu'ils tiendront à cet effet, et ils feront mention du nom, du titre et du domicile du réclamant, ainsi que du montant des traitements, pensions ou gratifications, tant de ce qui aura été demandé, que de ce qu'ils estimeront devoir être réglé.
« Art. 12. Néanmoins, s'il se trouvait des traitements, pensions ou gratifications, sur lesquels ils ne pourraient donner promptement leur avis définitif, ils le donneront provisoirement sur ce qui sera, sans difficulté; et, daus six mois, à compter de ce jour,' ils s'expliqueront définitivement. » '
, rapporteur, lit l'article 13 qui porte :
« Art. 13. Dans trois semaines après l'expiration du délai d'un mois accordé aux titulaires par l'article 1er du présent décret, les directoires de district enverront aux directoires de département un extrait des avis qu'ils auront donnés, avec un exposé succinct de leurs motifs. »
Je propose, par amendement, que les ecclésiastiques soient autorisés à demander une copie de l'avis du directoire du district, afin qu'ils puissent le réfuter devant le directoire de départemeut, s'ils les jugent utile à leurs intérêts.
, rapporteur, adopte l'amendement qui est décrété avec l'article ainsi qu'il suit :
« Art. 13. Dans trois semaines, après l'expiration du délai d'un mois accordé aux titulaires par l'article premier du présent décret, les directoires de district enverront à ceux de département un extrait des avis qu'ils auront donnés, avec un exposé succinct de leurs motifs, et il sera donné aux ecclésiastiques qui le requerrout une copie de l'avis du directoire du district. »
L'article 14 est lu par le rapporteur et décrété dans les termes suivants :
« Art. 14. Ils joindront audit extrait un tableau conforme au modèle qui leur sera envoyé de la dépense, tant de la présente année que de l'année 1791, pour les traitements, pensions ou gratifications sur lesquels ils auront donné leur avis. »
, rapporteur. L'article 15 s'exprime ainsi :
« Art. 15. Ils placeront sur le même tableau le nombre des religieux, des religieuses et des cha-noinesses de leur ressort, en distinguant dans trois colonnes ceux qui sont âgés de moins de 50 ans et plus et ceux de 70 ans et au delà. »
Je demande qu'il soit fait une distinction de ceux mendiants et de ceux non-mendiants.
Après quelques courtes observations, l'amendement est adopté et l'article se trouve ainsi rédigé :
t « Art. 15. Ils placeront sur le même tableau le nombre des religieux, des religieuses et chanoi-nesses de leur ressort, en distinguant les religieux seulement qui sont âgés de moins de cinquante ans, ceux de cinquante ans et plus, ceux de soixante-dix ans et au delà, et enfin ceux qui sont mendiants et ceux qui ne le sont pas, sous autant de colonnes que ces différentes distinctions pourront l'exiger. »
, rapporteur, lit les articles suivants qui sont décrétés, sans modification jusques et y compris le 25e, ainsi qu'il suit :
« Art. 16. Dans trois semaines après l'expiration du délai fixé pour les directoires de district, les directoires de département arrêteront et fixeront définitivement les traitements ou pensions dont le tableau leur aura été adressé; et, dans le même délai, ils enverront à l'Assemblee nationale un tableau général formé de ceux des districts.
« Art. 17. A l'égard des traitements ou pensions qu'ils ne pourraient régler définitivement, ils les arrêteront provisoirement jusqu'à concurrence du minimum de chaque espèce de bénéfices, ou jusqu'à concurrence de ce qui ne fera point de difficulté; et, dans neuf mois, à compter de ce jour, ils régleront définitivement ce qui se trouvera en arrière.
« Art. 18. Ils inscriront leurs décisions dans la forme prescrite pour les directoires de district, sur un registre qu'ils tiendront à cet effet; et ils auront soin de ne donner, de même que les directoires de district, qu'un simple avis sur les demandes qui seront faites par les personnes mentionnées dans l'article 13 du décret du 24 juillet dernier, dont ils renverront la décision à l'Assemblée nationale, avec les motifs de leur avis.
« Art. 19. Pour la plus prompte expédition, tant des travaux ci-devant expliqués, que de ceux dont ils sont ou seront chargés, les directoires de district et ceux de département pourront s'adjoindre pendant six mois ; savoir : les premiers, deux membres, et les seconds, quatre membres des ces administrations, lesquels auront voix délibérative : les directoires de district pourront, en outre, déléguer aux municipalités qu'ils désigneront, telle partie de leurs travaux qu'ils jugeront à propos.
« Art. 20- Tous les ecclésiastiques séculiers et réguliers qui ont dû continuer la gestion de leurs biens, en rendront compte dans le courant de janvier 1791.
« Art. 21. Les comptes seront présentés aux directoires de district qui, pour les débattre, prendront des municipalités les éclaircissements nécessaires, et ils seront arrêtés par les directoires de département.
« Art. 22. Les directoires de district et de département, où seront portés ces comptes, seront les mêmes que ceux déterminés par les arti-
cles, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du présent décret, concernant les opérations relatives à la fixation des traitements, pensions ou gratifications.
« Art. 23. Les comptables pourront porter dans la dépense de leur compte le montant de leurs traitements, pensions ou gratifications de la présente année, même les curés, ce qu'ils auront payé à leurs vicaires.
« Art. 24. Si, par la recette que les comptables auront faite, ils ne sont pas remplis de leurs avances, ou de leurs traitements, pensions ou gratifications, ce qui s'en manquera leur sera payé incessamment, sans cependant avancer le payement des augmentations accordées aux curés et aux vicaires qui ne doivent leur être comptées que dans les six premiers mois de 1791 ; et si les comptables sont reliquataires, ils pourront retenir sur leur reliquat le premier quartier de leurs traitements ou pensions de l'année 1791 ; quant au restant, ils seront tenus de le verser dans la caisse du district, au directoire duquel ils auront rendu compte.
« Art. 25. A l'égard de ceux dont les revenus étaient affermés, ils recevront sur les premiers deniers qui entreront en caisse, leurs traitements, pensions ou gratifications de la présente ann-e des mains des receveurs des districts, aux directoires desquels ils auront adressé leurs états ou mémoires pour les faire liquider. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 26 en ces termes :
« Art. 26. 11 en sera de même pour tous les pensionnai s sur bénéfices non tombés aux économats; quant à ceux qui ont des pensions sur des bénéfices aux économats, ils les recevront, tant pour la présente année que pour celles à venir, d'abord des mains du receveur de cette administration, et ensuite du trésorier de la municipalité de Paris. »
Je demande que le mode adopté par cet article, pour la part de ceux qui ont des pensionssur des bénéfices aux économats, soit borné à l'année 1790.
Divers membres appuient cet amendement.
Après quelques courtes observations, l'amendement est adopté par le rapporteur et l'Assemblée décrète l'article, ainsi qu'il suit :
« Art. 26. Il en sera de même pendant la présente année 1790, pour tous les pensionnaires sur bénéfices non tombés aux économats ; quant à ceux qui ont des pensions sur des bénéfices aux économats, ils les recevront, la présente année, des mains du receveur de cette administration, ou du trésorier de la municipalité de Paris. »
, rapporteur, lit l'article 27 :
« Art. 27. Les receveurs de district sont et demeurent chargés, à peine de responsabilité, de faire toutes diligences pour faire rentrer tous les fermages, loyers, arrérages et toutes autres dettes actives, de quelque nature qu'elles soient, qui se trouveront échues au moment de leur établissement, même avant le 1er janvier 1790 et qui écherront par la suite. »
Plusieurs membres du côté droit demandent à combattre l'article.
s'écrie : Yous avez contracté des engagements ; avec quoi les remplirez-vous ?
(Ces mots occasionnent une grande rumeur.)
Pour agir prudemment, il faut que la nation s'empare de tous les biens ecclésiastiques ; c'est une disposition générale, mais il se présente une exception naturelle, c'est que l'on restituera à ceux qui auront payé leur dette,
, évêque de Clermont. Votre loi ne peut avoir d'effet rétroactif : il faut donc en retrancher les mots : même avant le 1 "janvier 1790.
Je demande la question préalable sur cet amendement.
Je prie M. de Saint-Martin de motiver la question préalable. 11 ne produira pas une raison.
(La question préalable est mise aux voix et rejetée.)
Je propose, par sous-amendement, de dire que les titulaires ne pourront recevoir leur revenu après vérification portant acquit de toutes leurs charges.
Un membre y ajoute la quittance de la contribution patriotique.
Après une discussion longue et confuse, l'article est décrété dans la teneur suivante :
« ÀrL 27; Les receveurs de district sont et demeurent chargés, à peine de responsabilité, de faire toutes diligences pour faire rentrer tous les fermages, loyers, arrérages et toutes autres dettes actives, de quelque nature qu'elles soient, qui se trouveront actuellement écnùeSj même avant le premier janvier 1790, et qui écherront par la suite; et néanmoins les titulaires particuliers dont les revenus forment nne mense individuelle, et les membres des corps qui avaient une bourse particulière, ou qui en partageaient les fruits, pourront toucher directement des fermiers et débiteurs les fermages et arrérages échus avant le premier janvier 1790* même ceux représentatifs des fruits crus en l'année 1789, et les précédentes à quelque époque qu'ils soient dus, en justifiant qu'ils ont acquitté le premier tiers de leur Contribution patriotique, ensemble toutes les charges bénéficiâtes, autres due les réparations à faire pour l'acquit desquelles ils n'ont reçu aucunes sommes de leurs prédécesseurs ; pourquoi ils seront tenus de déclarer dans quinzaine, à compter dii présent décret, attx directoire^ de district, qu'ils entendent user de la faculté qui leur est présentement accordée, de requérir dans le mois et d'obtehir ensuite une ordonnancé de vérification de l'acquit des obligations ci-dessus, du directoire du département dans le ressort duquel se trouve le chef-lieu du bénéfice, laquelle ordonnance sera rendue sur l'avis du directoire du district, »
(La séance est levée à 10 heures et demie.)
Réflexions sur le code noir et dénonciation d'u crime affreux, commis à Saint-Domingue, adressées à l'Assemblée nationale, par Pétion, au nom
de la Société des amis des noirs.
Messieurs, vous ne le croirez pas, le crime affreux que nous venons vous dénoncer; il appartient aux siècles les plus barbares; il appartient à des cannibales ; et cependant c'est par un homme libre, civilisé, par un Français, qu'il a été commis 1 G'est l'aurore de la liberté, de la plus brillante révolution qu'il a déshonorée. — Mais à quel degré d'excès ne porte pas l'habitude du despotisme 1
Nous n'avons cessé de le répéter dans les divers ouvrages que la Société a publiés, l'esclavage a deux terribles conséquences : il avilit l'esclave, il rend le maître barbare. Mais la barbarie du maître surpasse encore la bassesse de l'opprimé ; elle ne connaît point de frein, point de loi. L'affreux événement qu'il est si douloureux pour nous d'être obligés de vous retracer* vous en offre la preuve.
Il s'est trouvé un homme assez inhumain, assez atroce, non pas pour excéder simplement de coups, non pas pour mutiler simplement ses esclaves, mais pour les rôtir à petit feu, mais pour porter lui-même et faire porter des fers rouges et des brandons sur les membres de ces malheureux! Mais pour les déchirer avec ses dentsi... Vous frémissezl Vous repoussez la lumière 1 Il vous semble qu'elle n'a pas éclairé un pareil forfait 1 Peut-être est-ce un récit faux, altéré ; peut-être nos renseignements sont-ils incertains l >— Plût à Diu qu'ils le fussent, nous n'aurions pas un monstre à vous dénoncer 1 — Mais, voici la sentence; elle constate elle-même tous ces crimes; elle déclare le nommé Mainguy, dûment atteint et convaincu d'avoir frappé ses esclaves à coups de bâton, de les avoir blessés avec des ciseaux et avec une arme vulgairement appelée manchette; de les avoir déchirés avec ses dents, et de leur avoir faitappliquer sur différentes parties de leurs corps soit des fers rouges, soit des charbons ardents.
Un de ces esclaves n'a pu résister à ces tourments; la mort l'a délivré de son maître; cinq autres sont mutilés, et leurs mutilations sont irréparables.
Peut-être jugerez-vous, Messieurs, qu'il n'y a pas eu de supplice assez cruel pour punir cet excès de barbarie. Vous croyez peut-être que la mort a délivré la terre de ce monstre? — Non ; il vit, il est libre, il respire peut-être l'air pur de la France 1 — On lui a défendu de posséder desesclaves ; on l'a banni du lieu de son crime, comme s'il ne valait pas mieux le clouer aux lieux où les remords sont plus déchirants, plus pénétrants, parce que tous les objets en acèrent la pointe, comme s'il était permis d'emporter dans un autre pays un tigre aussi dangereux; enfin on le condamne à 10,000 livres d'amende envers le roi. — Et les martyrs de ces cruautés, et la famille infortunée de celui qu'il a immolé n'ont pas même une indemnité 1
Ohl qui peut Considérer paisiblement cette iniquité monstrueuse, ce concert euitre la justicç
et les tyrans?— Eh! comment ne voit-on pas que les atrocités se multiplient lorsque la justice, loin de les punir, a fermé complaisamment les yeux, ou ne les punit que légèrement?
On nous dit que les juges sont fondés, qu'ils ont jugé conformément au code : hé bien, le code est barbare, il faut le réformer, se hâter de le réformer.
Ehl quoil une assemblée qui a témoigné un si grand respect pour les droits de l'homme, peut-elle laisser subsister dans une partie de l'Empire français one loi qui autorise, qui encourage les cruautés les plus révoltâmes ? — Peut-elle tolérer encore cette loi, qui porte (1) que l'esclave qui aura frappé au visage l'enfant de son maître, sera puni de mort? et cette autre loi qui accorde (2) au maître la faculté de les faire battre à sa fantaisie avec des verges ou des cordes, et qui ne le condamne qu'à la confiscation, s'il les mutile et les fait torturer? et cette autre loi qui fixe pour tous les prétendus délits d'esclaves les peines les plus atroces, tandis qu'elle n'eu pronom e aucune contre les délits des maîtres, tandis qu'elle laisse, à ce dernier égard, la plus grande latitude au juge qui, blanc, ami des blancs, est presque toujours ju^e et partie? et cette autre loi qui (3) rejette le témoignage des esclaves dans to^s les cas, qui défend d'en tirer aucune présomption ni conjecture, ni adminicule. — Gomme si l'on avait juré de ne pas vouloir punir les délits dont les seuls esclaves pouvaient être témoins! Gomme si l'on disait aux maîtres barbares : Soyez cruels; mais cachez vos cruautés ; n'en rendez témoins que ces vils esclaves dont la voix ne sera jamais écoutée. — Eh ! l'on s'étonne encore une fois que ces noirs, avilis, torturés, de tant de manières, soient abjects et que leurs maîires soient souvent inhumains!
La loi ne favorise-t-elle pas évidemment leur inhumanité? Ne la favorise-t-elle pas quand elle ordonne de leur faire couper le jarret lorsqu'ils cherchent à recouvrer leur liberté par la fuite? Ne la favorise-t-elle pas, quand elle les déclare des meubles, c'est-à-dire des objets inanimés, au-dessous des bestiaux, qu'on peut briser ou mutiler à volonté?
Non, Messieurs, de pareilles horreurs ne peuvent être longtemps revêtues du sceau de la loi lorsque ce sceau est entre les mains des représentants d'un peuple libre. Elles forment un contraste trop violent avec vos principes. Il faut que l'abus, que la tyrannie cède à vos principes, ou que vos principes cèdent, et, dès lors, votre Constitution s'écroule.
Quand donc vos travaux sur la Constitution toucheront à leur terme, quand les principaux abus réformés vous permettront de vous occuper des abus extérieurs, quand, fixant vos regards sur les colonies, vous en réformerez la police, les lois, les tribunaux, nous vous conjurons de déchirer alors les pages de ce code noir, si souvent teintes de sang, d'en remplacer les dispositions atroces par des lois douces et modérées, qui concilient les intérêts des maîtres avec les principes de la justice et de l'équité; par des lois qui attachent les esclaves à votre Empire, qui les préparent à remonter insensiblement au niveau de leurs frères les blancs.
Fasse le ciel que ces lois soient alors plus respectées par les maîtres, que toutes celles dont l'objet a été d'enchaîner jusqu'à présent leurdes-
potisme! Fasse le ciel que leur intérêt ne les porte pas sans cesse à violer ces lois! Peut-être l'esprit de liberté qui se répand da is les îles, occasionnera en eux cette métamorphose; peut-être les portera-t-elle à admettre d'autres calculs que ceux qui les dirigeaient dans la conduite des esclaves.
Mais la meilleure des lois pour prévenir le retour de ces barbaries, nous ne cessons de le répéter, sera l'abolition de la traite; car le maître n'excède ou oe tue les esclaves que par la facilité qn'il a de les remplacer. Otez cette facilite, et son intérêt le force à bien nourrir, à bien traiter ses esclaves, à favoriser leur population.
G est donc vers cette loi que nous devons tourner sans cesse les yeux de nos législateurs. L'abolition de la traite rendra heureux tout à la fois, et les africains libres, et les noirs esclaves.
Si des considérations politiques vous empêchent de porter ce coup à la traite, du moins hâtez-vous, par quelques règlements, d adoucir ces lois de sang; hâtez-vous d'effrayer les monstres qui se-raie >t tentés d'imiter Mainguy.
G'est une affligeante réflexion; mais l'histoire de ce qui se passe maintenant dans ces îles, n'en offre que trop le preuves; l'esprit de liberté qui s'y déploie, n'a servi qu'à serrer plus fortement les fers des esclaves, qu'à exercer des cruautés arbitraires au nom de la loi.
Peut-être nos prières, nos instances seront encore une fois impuissantes. Les esprits ne sont pas peut-être ouverts à la conviction; la terreur n'est peut-être pas bannie des âmes; on craint peut-être encore d'être humain!
Notre conscience* n'a point écouté ces calculs ; un forfait affreux nous a été révélé; notre devoir est de vous le dénoncer, de déposer cette sentence à vos yeux, de la déposer au tribunal du public. II. viendra, sans doute, un moment où la voix de l'humanité se fera entendre, et ce monument de sang alors déposera contre le code noir.
Imprimé par ordre de la Société des amis des noirs le 6 août 1790.
Signé: PÉTION, président ;
J.-P. Brissot, secrétaire.
Akrêt du conseil supérieur de Saint-Domingue qui bannit Mainguy pour neuf ans de la colonie, le déclare incapable de jamais posséder aucun esclave et le condamne en dix mille livres d'amende envers le roi.
Du
Vu par la cour au procès extraordinairement instruit en la sénéchaussée du Petit-Goave, à la requête du substitut du procureur général du roi en ladite sénéchaussée, demandeur, accusa teur et plaignant.
Contre le sieur Jean-Honoré Mainguy, habitan t à la Rivière-Salée, quartier des Baradaires, défendeur et accusé, ledit sieur Mainguy appelant de sentence de la chambre criminelle de ladite sénéchaussée du Petit-Goave, du premier août 1789, laquelle aurait déclaré la procédure bien et valablement instruite en ce qui touche la forme; aurait déclarés pertinents etadmissibles les repro chesfo irnis parMairiguy, accusé, contre la nommée Marie Thérèse dite Pajeot, négresse libre, troisième témoin ouïe dans l'information. En congé-
querice aurait sa déposition rejetée du procès, aurait déclaré non pertinents et inadmissibles les reproches contre le nommé Michel Saltin, mulâtre libre,septième témoin ouï en ia dite information; le nommé Julien Forget, troisième témoin, Jean-Pierre Bouquet, griff libre, deuxième témoin ; au fond, vu ce qui résulte des charges, et ayant tel égard que de raison aux dépositions des" quatre témoins ouïs en l'addition d'information du 16 juin dernier, aurait déclaré Mainguy, accusé, dûment atteint et convaincu d'avoir exercé diverses cruautés sur plusieurs de ses nègres esclaves; pour réparation de quoi, l'aurait déclaré incaoable de régir à l'avenir aucune habitation, et d'exercer directement son autorité sur aucun esclave; lui aurait fait défense de résider dans aucun lieu du ressort de la sénéchaussée, pendant l'espace de neuf années, et ce, à peine de punition corporelle; l'aurait condamné à trois mille livres d'amende applicable à la maison de Providence du Port-au-Prince,-et en tous les frais du procès qui seraient taxés par M. le Commissaire rapporteur, et dans lesquels seraient compris les frais de maréchaussée, et les amendes et frais ci-dessus payés ; serait ledit Mainguy relaxé des prisons, son écrou rayé et biffé sur les registres d'icelles, à quoi faire le golier contraint ; quoi faisant, décharge! Vu aussi toutes les pièces de la procédure énoncées en ladite sentence; l'arrêt obtenu en la cour par ledit sieur Mainguy, qui lui aurait donné acte de son appel de ladite sentence, ledit arrêt en date du 5 août dernier, signifié au procureur général du roi le 16 de ce mois; la requête dudit sieur Mainguy, par laquelle il aurait conclu à ce qu'il plût à la cour, mettre l'appellation et sentence dont est appel, au néant ; émendant, le décharger des accusations contre lui intentées, ordonner qu'il serait élargi des prisons de la cour, sur le vu de la minute de l'arrêt à intervenir, à quoi faire le golier contraint; quoi faisant, déchargé; que les écrous de sa personne seraient rayés et biffés sur tous registres où ils avaient été inscrits, ei que mention serait faite de l'arrêt en marge d'iceux; ordonner que l'amende consignée serait remise; donner acte au sieur Mainguy de ses réserves de se pourvoir contre ses dénonciateurs, en la forme de droit, sauf au procureur général à requérir ce qu'il aviserait pour l'intérêt public, et notamment la suppression, tant des minutes que des expéditions de la plainte et de tous les actes du procès, ladite recette signée-: Groizier, répondue d'ordonnance de soit signifié et joint, du conseiller rapporteur, en date du 15 de ce mois et signifiée au procureur du roi, ce lendemain 16 dudit mois. Ouï et interrogé ledit Mainguy sur la sellette, sur la cause d'appel et cas à lui imposés, conclusions par écrit du procureur général du roi, ouï le rapport de M. de Piémont, conseiller, et tout considéré:
La Cour a mis et met l'appellation et sentence dont est appel au néant, émendant, déclare pertinents et admissibles les reproches fournis par Mainguy, contre Julien Forget, et Thérèse Pajeot, mulâtresse libre, troisième et treizième témoins ouïs en l'information; en conséquence, rejette du procès tant leurs dépositions que celle de Deschamps Dupuy, dénonciateur et premier témoin de ladite information ; rejette également les dépositions des témoins ouïs en l'addition d'informations, attendu qu'ils sont esclaves dudit Mainguy, et sans avoir égard aux reproches fournis contre plusieurs autres témoins entendus, déclare Mainguy dûment atteint et convaincu
d'avoir frappé ses esclaves à coups de bâton, de les avoir blessés avec des ciseaux, et avec une arme vulgairement appelée manchette; de les avoir déchirés avec ses dents et de leur avoir fait appliquer sur différentes parties de leur corps, soit des fers rouges, soit des charbons ardents; pour réparation de quoi, bannit ledit Mainguy de la colonie pour neuf années, lui enjoint de garder son ban, aux peines portées par la déclaration du roi, dont lecture lui sera faite par le greffier; le déclare, en outre, incapable de posséder jamais aucun esclave, et le condamne en l'amende de son appel, et en dix mille livres d'amende envers le roi, jusqu'au payement de laquelle il gardera la prison.
Faisant droit sur les plus amples conclusions du procureur général du roi, fait défense au lieutenant de juge, de ne plus à l'avenir entendre les esclaves en déposition contre leurs maîtres, et lui enjoint de se conformer à ce qui est prescrit sur ia matière par l'arrêt du Conseil d'Etat du quinze juillet mil sept cent trente-huit.
Enjoint également aux juges qui ont rendu la sentence de prononcer soigneusement sur tous les reproches qui seront proposés par les accusés contre les témoins; leur fait en outre défense de condamner les accusés poursuivis à la requête du ministère public, aux frais des procédures, et d'ordonner que lesdits accusés ne seront élargis des prisons qu'après l'acquittement desdits frais.
Ordonne au procureur du roi de se rendre incessamment aux pieds de la Cour.
Ordonne enfin que le présent arrêt sera imprimé, lu, publié et affiché ès carrefours et lieux accoutumés de cette ville, et que copies dûment collationnées d'icelui seront envoyées à la diligence du procureur général, dans la sénéchaussée du ressort.
Donné au Port-au-Prince, en conseil, le vingt-un octobre mil sept cent quatre-vingt-neuf.
Signé : Piémont et Fougeron.
Collationnè, Duvernon, greffier-commis.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Lettre et déclaration des députés de Saint-Domingue à l'Assemblée nationale, adressées à leurs commettants.
Paris,
Messieurs et chers compatriotes, victime d'un malheureux événement qui va, sans doute, entraîner bien des vengeances, contre lesquelles vous devez vous prémunir, et piut-être bien des calamités publiques, funestes à vos propriétés, à votre existence, à la colonie et à la métropole, nous devons à la vérité, à nos commettants, à notre délicatesse et à la nation, la déclaration suivante :
Le 2 juillet, la députation entière de Saint-Domingue a présenté au comité des rapports, environ 150 pièces originales à l'appui de la dénonciation du ministre de la marine ; ce dépôt a été fait de notre part, sous la clause, bien expresse, de ne donner copie à M. de La Luzerne que des articles qui le concernaient en bien
ou en mal, et non des autres passages qui pouvaient compromettre des colons, des citoyens, le salut de la colonfe, en un mot, le secret de nos commettante, dont nous ne sommes que les dé-po-itjires, et non les maîtres absolus.
Le comité s'est réservé de délibérer sur notre demande.
Le 4 août, le comité nous a appelés pour donner, en notre présence, communication à l'avocat du ministre.
Ge dernier a exigé la remise de l'intégralité des pièces.
MM. de Gouy et de Revnaud ont répété notre déclaration du 2 juillet, et en ont développé les motifs honnêtes et patriotiques.
Pour prouver que des vues civiques et la bonne foi étaient les seules bases de nos restrictions, et que nous ne prétendions pas dérober à l'accusé des moyens favorables à sa défense, ces mêmes commissaires ont consenti, en notre nom, à ce que la totalité et l'intégralité des pièces fussent communiquées, sans déplacer :
1° Au rapporteur de l'affaire, et à six commissaires nommés ad hoc pour l'assister ;
2° A tous les membres du comité des rapports ensemble ou séparément;
3° Au conseil de M. de La Luzerne ;
4° A M. de La Luzerne lui-même ;
5° A ce qu'après cette communication complète il fut délivré copie collationnée de tous les articles qui le concernaient, à charge et à décharge, pour en faire tel usage qu'il lui plairait.
Nos réserves, comme on le voit, ne portaient donc uniquement que sur la communication écrite du secret de nos commettants, sur celles des objets absolument étrangers à la dénonciation, et sur quelques articles qui, nous osons le dire, ne sont propres qu'à élever des questions infiniment dangereuses, dont la publicité, au milieu des troubles qui agitent Saint-Domingue, peut devenir un prétexte pour provoquer l'indépendance, et nous faire perdre cette magnifique possession et toutes les autres colonies.
Ces raisons politiques auraient paru de quelque poids à tout autre qu'à un ministre qui n'aurait voulu que se justifier, et qui n'aurait pas cherché, ou à frapper d'inertie toutes les pièces destinées à la convaincre, ou à y découvrir le nom de ses accusateurs, dont il est encore à même de se venger, ou enfin à punir la colonie entière de l'exécration qu'elle lui témoigne, en la livrant par des manifestations indiscrètes à tous les malheurs d'une guerre intestine et cruelle.
M. de Bonnières, son défenseur, a donc insisté pour la remise et la libre disposition de l'intégralité des pièces, même pour qu'aucune d'elles ne pût être restituée aux députés de Saint-Domingue, qui, assez forts delà multiplicité de leurs moyens, auraient préféré, pour lever toute difficulté, d'en retirer quelques-unes, dont alors ils n'eussent fait aucun usage contre l'accusé.
Le comité des rapports a arrêté qu'il en référerait le lendemain 5 août, à ia séance du soir, à l'Assemblée nationale.
Les députés de Saint-Domingue ne manquèrent pas de s'y rendre; l'affaire ne fut point traitée.
Mais le lendemain 6, à l'ouverture de la séance du matin, et avant l'arrivée d'aucun de vos représentants qui, retenus dans leurs comités respectifs, ne doivent pas supposer qu'une affaire de cette nature mise à l'ordre du soir pût être traitée dans une séance du matin sans avoir été indiqués la veille; en notre absence, dis-je, le comité des rapports a provoqué une décision sur laquelle
l'Assemblée nationale non instruite, et sans aucune discussion, a prononcé le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu « son comité des rapports, ordonne que la com-« munication intégrale de toutes les pièces conte-« nues dans l inventaire fourni par les députés de « Saint-Domingue, sera donnée à M. de La Lu-« zeme ou à son conseil, même en l'absence de « MM. les députés de Saint-Domingue, et que « copies en forme lui en seront délivrées. »
A peine ce décret était-il rendu, que le rapporteur s'en était déjà fait délivrer expédition et l'avait envoyé, sur l'heure même, au comité des rapnorts, pour le mettre à exécution.
C'était nous enlever le seul moyen, qui nous était ouvert, de revenir le lendemain contre cette disposition, en nous mettant à même d'en exposer les dangers, lors de la lecture du procès-ver-bil, époque destinée à la rectification de plusieurs prononcés semblables, que l'Assemblée nationale, toujours juste, ne refuse jamais de changer, quand elle est éclairée par des parties qui n'ont pas été entendues la veille.
Le dépôt de notre confiance et de la vôtre a donc été enlevé, contre notre intention expressément manifestée, au mépris de la déclaration des droits de l'homme et du respect dû au sceau des lettres, car nous avions apposé le sceau de nos réserves sur tous les articles qui pouvaient nuire à la chose publique, et aux réfutations privées, et il nous semble que la plus grande rigueur à notre égard et la faveur la plus marquée vis-à-vis du ministre auraient dû nous laisser au moins l'option suivante :
Ou la communication intégrale des pièces à l'accusé ou la remise absolue du dépôt aux dénonciateurs.
Nous n'aurions pas hésité à adopter ce dernier parti, et à attendre vos ordres dans une conjoncture aussi délicate.
Il n'est plus temps, Messieurs, lecoup est porté mais nous sommes innocents de tous les malheurs publics qui peuvent en résulter. Nous le déclarons à la nation, au commerce et à la colonie.
Nous ne serons pas non plus coupables de toutes les infortunes particulières que pourront éprouver ceux de nos compatriotes qui ont eu le courage de nous dévoiler les abus odieux que vous nous avez chargés de dénoncer. Le ministre inculpé, qui tient maintenant la liste de leurs noms, n'a encore rien perdu de sa toute puissance;... mais vous êtes prévenus et courageux.
Quant à vos représentants, sensibles à cet échec, ils n'ont point oublié qu'ils vous doivent toute l'énergie de leurs efforts pour obtenir la destitution du ministre, objet d^ tous vos voeux, et sans laquelle, comme vous nous le mandiez, par vos dernières dépêches, la colonie ne peut espérer le retour de l'ordre et de la tranquillité, après laquelle elle aspire.
Nous sommes avec les sentiments les plus respectueux et les plus fraternels, Messieurs et ch^rs compatriotes, vos très zélés et très dévoués représentants,
Signé : de Gouy, de Reynaud, de Chabanon,
de vllleblanche, etc.
Séance du
ouvre la séance à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une pétition des marchands de vin, traiteurs et autres, ci-devantextra-muros, actuellement intra-muros de Paris, tendant à faire décréter par l'Assemblée la cessation des baux passés par eux pour loyers de maisons. Cette pétition est renvoyée au comité de Constitution.
, ci-devant comte de Montbrun, fait à la nation un don patriotique de la somme de 1,020 livres. L'Assemblée applaudit au patriotisme de M; de Bertelin.
Il est fait lecture du procès-verbal de la séance du jeudi soir 5 du présent mois. Il est adopté.
demande à faire une motion relative à des poursuites dirigées contre les habitants de Cabris.
L'Assemblée lui accorde la parole.
Les habitants de Cabris, district de Grasse, département du Var, s'étaient portés, dans le mois de janvier dernier, dans un moment d'oubli et d'ivresse, à quelques voies de fait, en détruisant la meulière des moulins du ci-devant seigneur. Revenus à eux-mêmes, ils ont réparé les dégâts qu'ils avaient faits. La commune a même offert toutes les indemnités convenables. Malgré ces offres, l'on a attaqué ces malheureux habitants; une procédure criminelle s'instruisait à la requête du lieutenant de prévôt. Cette procédure aurait occasionné des insurrections sans la vigilance et le zèle du maire et les officiers municipaux de la ville de Grasse qui l'ont arrêtée, en la faisant déposer au greffe delà municipalité. D'après toutes ces circonstances réunies, je pense que les habitants de Cabris doivent jouir du bienfait et de la même faveur que ceux de la Bretagne. Je proposé, en conséquence, le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoi r ouï le rapport fait par l'un de ses membres, décrète que son Président se retirera vers le roi, pour le prier de donner ses ordres, à l'effet que les procédures criminelles qui s'instruisent à la requête du lieutenant de prévôt dans le département du Var, district de la ville de Grasse, à l'occasion des dé-gaiset voies de fait commis le b ou 7 du mois de janvier dernier, par plusieurs habitants du lieu de Cabris au canal des moulins, de leur ci-devant seigneur, et ailleurs, seront regardées comme non-avenues, en indemnisant, si fait n'a été par eux ou par Ja commune dudit lieu, suivant les offres par elle consignées dans la délibération du 12 du même mois, leur ci-devant seigneur, des dommages qu'il peut avoir soufferts. »
(Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.)
fait faire lecture d'une lettre à lui adressée par le sieur de La Cour, ensemble d'une quittance dudit sieur, de la somme de
jâ) Ce|le séance est incomplète au Moniteur.
120 livres de pension sur la cassette du roi, et d'un certificat de vie.
Ces pièces sont renvoyées au comité des pensions.
, au nom du comité des pensions, propose le décret suivant, qui est adopté sans discussion :
« L'Assemblée nationale décrète que les pensionnaires qui se présenteront au Trésor public pour être payés, en exécution du décret du27 juin dernier, des arrérages de leurs pensions, échos au 31 décembre 1789, continueront à être payés sans interruption, mais successivement et par ordre, selon les mois dont leurs brevets seront timbrés, et de manière que le total desdits arrérages se trouve payé au 31 décembre prochain. »
, membre du comité de Constitution, représente à l'Assemblée que, dans les élections qui viennent d'être faites par les différentes sections de la ville de Paris, il est survenu un incident capable de jeter du doute sur la légitimité des élections à faire. Pour parer à ces inconvénients, il propose un décret que l'Assemblée adopte en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète que, durant le cours des assemblées de citoyens qui procèdent à l'élection des membres d'un corps administratif ou municipal, il ne sera donné aucun effet aux décrets qui établissent des conditions nouvelles pour l'exercice des droits de citoyen actif; et qu'en conséquence, jusqu'à l'entière formation de la municipalité et du département de la ville de Paris, il sera sursis à son égard à l'exécution du décret du 12 juin dernier, relatif à l'inscription pour la garde nationale, sans que le présent décret puisse avoir aucune influence sur les élections déjà faites. »
, rapporteur du comité militaire, donne lecture du projet de décret, ajourné dans la séance de la veille, sur les actes d'insubordination du régiment de royal-Champagne.
demande qu'on substitue le mot « blâme » à celui de * improuve » dont s'est servi le rapporteur.
Cet amendement est rejeté par la question préalable et le décret est rendu en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire,concernant l'affaire du régiment de royal-Champagne,im prouve la conduite de ceux des sous-officiers et cavaliers de ce régiment, en garnison à Hesdin, qui, depuis longtemps, et notamment le 2 de ce mois, se sont permis les actes d'insubordination les plus répréhensibles ; décrète que le roi sera supplié, dans le cas où ils ne rentreraient pas immédiatement dans le devoir, d'employer les moyens les plus efficaces pour arrêter le désordre, et en faire punir sévèrement les instigateurs, auteurs, fauteurs et participes ; décrète, en outre, que son Président se retirera dans le jour vers le roi, pour le prier de sanctionner le présent décret, et de donner ses ordres pour qu'il soit exécuté et envoyé à tous les régiments de l'armée. »
, au nom de la section du comité des finances, chargée de conférer avec M. Necker, sur le mode d'émission des assignats, propose un projet de décret qui ne soulève aucune objection et qui est adopté ainsi qu'il suit :
« Art. 1er L'Assemblée nationale décrète qu'elle nommera huit
commissaires pour surveiller l'émission des assignats, et l'extinction des billets de caisse
d'escompte, ou promesse d'assignats.
« Art. 2. Les commissaires constateront, par un procès-verbal, le nombre d'assignats non signés, successivement retirés de l'imprimerie royale.
« Art. 3. Les assignats non signés seront déposés dans une caisse fermant à trois clefs, dont deux seront gardées par les commissaires de l'Assemblée nationale, et la troisième par le trésorier de la caisse de l'extraordinaire.
« Art. 4. Il sera tous les jours délivré audit trésorier autant de billets non signés qu'il en pourra faire signer, jusqu'à la concurrence de douze mille assignats. Les commissaires de l'Assemblée nationale vérifieront la quantité des billets signés, jour par jour, les recevront des mains du trésorier de la caisse de l'extraordinaire, et ies déposeront dans la même caisse jusqu'au moment de leur émission.
« Art. 5. A compter du 10 août, les commissaires de l'Assemblée nationale remettront au trésorier de l'extraordinaire les dix mille assignats signés et timbrés qu'il doit échanger, conformément au décret du 29 juillet dernier, contre des billets de la caisse d'escompte.
« Les assignats seront échangés dans la proportion de leur création, savoir :
1,250 de 1,000 livres.
3,334 de 300 —
5,416 de 200 —
Total.».. 10,000 assignats par jour.
« Art. 6. Les administrateurs de la caisse d'escompte nommeront trois commissaires, au moins, pour être présents à l'échange journalier et à toutes les opérations relatives à l'extinction des billets de la caisse d'escompte, ou promesses d'assignats, et pour constater la vérité dèsdits billets et desdites promesses.
« Art. 7. Aussitôt qu'un billet de la caisse d'escompte ou une promesse d'assignats sera échangée contre-un assignat, il sera sur-le-champ, et en présence de celui qui l'échangera, estampé dans le milieu du billet d'un timbre portant les mots : « échangé et nul. »
« Art. 8. Cette formalité remplie, les dix mille billets seront remis chaque jour, en présence des commissaires de l'Assemblée nationale et de la caisse d'escompte, dans un coffre fermant à trois clefs; il en sera dressé procès-verbal qui sera signé des commissaires présents. Une des clefs restera entre les mains d'un des commissaires de l'Assemblée nationale ; une autre entre celles du trésorier de la caisse de l'extraordinaire; et la troisième entre celles des commissaires de la caisse d'escompte.
« Art. 9. Le procès-verbal sera continué tous les jours de la semaine, et il sera clos le lundi de chaque semaine, en brûlant, en présence des commissaires et du trésorier de la caisse de l'extraordinaire, les billets de caisse d'escompte ou promesse d'assignats échangés dans la semaine précédente : les uns et les autres commissaires, ainsi que le trésorier de la caisse de l'extraordinaire, signeront ledit procès-verbal, qui sera remis au fur et à mesure au comité des finances de l'Assemblée nationale, et imprimé tous les mois. Tous les procès-verbaux seront, à la fin de l'opération, déposés aux archives de l'Assemblée. »
Des six commissaires nommés pour examiner l'affaire d'Avignon, trois seulement, MM. Bouche, Démeunier et moi se sont rendus au comité; notre travail est déjà avancé, mais il est survenu un accident à M. Démeunier, qui le retiendra peut être longtemps et nous privera de son concours ; or, la ville d'Orange sollicite vivement une décision ; je demande donc que l'Assemblée nous adjoigne quatre nouveaux commissaires.
On pourrait, pour gagner du temps et dans l'intérêt des prisonniers retenus à Orange, contre toute raison, se borner à adjoindre deux des commissaires du comité diplomatique.
Le comité diplomatique ne -se composa que de six membres et il a plus d'affaires qu'il n'en peut examiner.
L'Assemblée décide qu'immédiatement après la séance, elle se retirera dans ses bureaux pour procéder, par la voie du scrutin, à l'élection de quatre nouveaux membres à adjoindre au comité de l'affaire d'Avignon et de celle des prisonniers détenus à Orange.
annonce, au nom du comité des finances, la nécessité de mettre à la disposition du ministre des finances, une somme de 40 millions pour le service du mois d'août.
Il n'y a qu'un moyen d'assurer le salut de l'État, c'est de payer les impôts ; je sais que les receveurs particuliers ne les perçoivent pas ; les anciens administrateurs des fonds publics refusent de faire le service, ou le font d'une manière scandaleuse, dans l'espoir de plonger le royaume dans l'anarchie et renverser l'édifice de la Constitution.
Il est un désordre bien funeste à la chose publique, auquel se livrent toutes les personnes qui ont seulement pour 100 pistoles de numéraire ; le marchand, le négociant, tous ont pris l'habitude de vendre de l'argent ; un receveur de province n'a pas eu honte de m'avouer qu'il était venu à Paris avec de l'or qu'il y avait vendu ; je crois qu'il est absolument important de décréter la demande, précédemment faite par le ministre des finances, d'ordonner aux receveurs particuliers de verser en espèces dans le Trésor public les fonds qu'ils reçoivent en espèces.
Le comité s'est occupé de cet objet; et son intention est de vous proposer de décréter que les receveurs particuliers seront tenus de garder en mains les fonds qu'ils auront reçus, pour les distribuer dans les départements, pour l'acquittement des dettes publiques qui devront y être payées.
, au nom du comité des finances, soumet à la discussion un projet de décret ajourné sur les payeurs des rentes.
présente un projet de décret sur le remplacement de ces payeurs de rentes.
explique la manière dont se fait le service dans les bureaux qui sont au nombre de six seulement. Dans chacun des bureaux on place uu commis, et les payeurs de rentes s'arrangent entre eux pour faire le service, de manière que six payeurs de
rentes suffisent. Pourquoi donc en conserver quarante ?
(de Saint-Jean-dAngély). Je demande 1 ajournement dit projet de décret et je propose de charger le comité des finances de nous présenter incessamment un travail sur le service additionnel à faire pour le pavement des rentes sur le clergé et sur les pays d'Etat.
(Cette motion est décretee.)
fait lecture d'une lettre par laquelle le Châtelet de Paris demande qu'une députation de ses membres soit admise à la barre.
L'Assemblée décide que la députation sera admise à deux heures.
, rapporteur du comité des finances, propose un projet de décret sur les réductions à opérer dans les différents départements ministériels.
Le décret est rendu, sans discussion, ainsi qu'il suit :
« Art. Ie* Les dépenses de la chancellerie sont fixées à la somme de 48,000 livres.
« Art. 2. Celles du secrétariat et des bureaux du département de l'intérieur, autrefois dit de la maison du roi, en ce qui sera à la charge du Trésor public, sont fixées à la somme 90,000 livres.
« Art. 3. Celles des bureaux de l'administration générale des finances, en ce non compris l'intendance du Trésor public et ses bureaux, sont fixées à la somme de 650,000 livres.
« Art. 4. La distribution des sommes déterminées par les articles ci-dessus sera faite par les ministres, chacun dans son département; les ministres remettront au comité des finances chacun l'état motivé de sa distribution, et le comité en rendra compte à l'Assemblée. »
propose un article 5 portant que le sort des commis supprimés sera pris en considération par l'Assemblée.
(Cet article est ajourné.)
Le comité des finances propose ensuite un projet de décret sur les différents dépôts de papiers et Utres qui existent dans la ville de Paris.
Je demande que pour Ja conservation des chartriers et autres objets précieux que renferment ces dépôts et tous autres de cette nature dans la ville de Paris, l'Assemblée charge deux de ses membres de veiller au transport de ces objets et à leur versement dans le dépôt unique.
Je demande que la municipalité de Paris nomme ou deux ou quatre personnes qui seront chargées de la surveillance de ces précieux objets et qui rendront compte à l'Assemblée des mesures qu'elles auront prises.
Après une courte discussion le décret suivant est rendu :
« Art. 1er Le dépôt des minutes et expéditions extraordinaires du conseil; le dépôt des minutes du conseil privé, quand il cessera d'être en activité; le dépôt existant au Louvre sous la garde du sieur Farcy; le dépôt existant aux Augustins sous la garde du sieur Lemaire; le dépôt des minutes du conseil de Lorraine, seront réunis dans un seul et même lieu.
« Art. 2. Il sera établi un seul garde de ce dépôt avec 3,000 livres d'appointements, lequel donnera et signera des expéditions.
« Art. 3. Il sera donné au garde de ce dépôt un premier commis, qui, en cas d'absence ou empêchement du garde, sera autorisé à signer des expéditions, et aura 1,200 livres d'appointements.
« Art. 4. Il sera également donné au garde du dépôt un second commis à 1,000 livres d'appointements.
« Art. 5. Les frais de bureau du garde du dépôt sont fixés à 800 livres.
« Art. 6. L'inspection de la réunion des dépôts et chartriers ci-dessus spécifiés, et existants dans la ville de Paris, est confiée à la muuicipalité de cette ville.»
La députation du Châtelet est annoncée et admise à la barre. Elle apporte un paquet cacheté contenant la procédure instruite contre les auteurs des attentats commis à Versailles dans la journée du 6 octobre 1789.
, au nom de la députation, prononce le discours suivant:
« Nous venons enfin déchirer le voile qui couvrait une procédure .malheureusement trop célèbre. Ils vont être connus ces secrets pleins d'horreurs. Devions-nous prévoir que nous serions les objet* de calomnies atroces ? Sans don te nous avons pu en être affligés, notre courage n'en a jamais été ébranlé. Nous continuerons à remplir, sans être atteints par la crainte, des devoirs sacrés dont la licence a rendu l'observation dangereuse; nous continuerons jusqu'à, ce que nous remettions le glaive et la balance dans les mains de nos successeurs. Pourquoi craindrions-nous? Nous devons le dire, les ennemis du bien public ont voulu nous forcer à la faiblesse par la terreur, mais ils ne savaient pas qu'ainsi que Mars, Thémis a ses héros, et que des magistrats, qui sous l'ancien régime ont i)ravé la puissance arbitraire, feraient sans regret le sacrifice de leur vie pour l'exécution des lois sous l'empire de la liberté. Dans cette procédure à laquelle nous avons été provoqués par le comité des recherches de la commune de Paris, nous n'avons jamais oublié qu'il fallait distinguer les citoyens armés pour la liberté par le patriotisme le plus pur, de ces hommes coupables qui n'ont pris ie masque du civisme que pour tromper la multitude et Ja rendre complice de leurs forfaits. Mais quelle a été notre douleur, quand nous avons vu des dépositions impliquer deux membres de l'Assemblée nationale dans cette procédure I Sans doute, ils s'empresseraient de descendre dans l'arène pour faire triompher leur innocence ; mais vous nous avez mis dans l'impossibilité de les citer en jugement.
« Vous allez devenir les garants de la vengeance publique; vous cesserez d'être législateurs pour être juges; vous réglerez l'influence des circonstances sur nos devoirs; vous nous direz quels forfaits le glaive des lois doit venger, quel coupable il doit punir. Puissiez-vous organiser bientôt la procédure par jurés ; puissent ces jurés, en exerçant leurs fonctions, être exempts des peines dont nous sommes envirounés ! Pour nous, qui désormais ne tiendrons à la chose publique que par les liens du citoyen, que par le souvenir de l avoir bien servie, nous bénirons les sages qui ont posé les bases de notre Constitution; nous apprendrons à nos enfants à prononcer avec res-
pect leurs noms, qui ne doivent plus être séparés de celui du restaurateur de la liberté française. Si nous leur parlons de nos travaux et de nos peines, ce sera pour les engager à marcher sur nos traces, à tout sacrifier à la patrie. Nous venons de poser sur le bureau toute la procédure instruite dans l'affaire de la matinée du 6 octobre 1789 ; ensemble les pièces jointes, dont nous sommes redevables au comité des recherches de l'Assemblée nationale. Nous n'avons pas obtenu la même justice du comité des recherches de la ville de Pans, quoique nous avons observé qu'il résultait des délibérations du comité de l'Assemblée nationale et de l'instruction, qu'un graud nombre de pièces y avaient été portées. C'est l'objet d'un arrêté que nous avons l'honneur de mettre sous vos yeux. Le paquet scellé renferme des décrets sur des personnes étrangères à l'Assemblée, et que vous jugerez peut-être convenable de ne pas rendre publics. »
Extrait de la délibération de la compagnie, du
« Ce jour, la compagnie a arrêté qu'il sera fait une députation à l'Assemblée nationale, à l'effet de lui exposer que le comité des recherches de la municipalité de la ville de Paris s'est refusé, jusqu'à présent, à communiquer au procureur du roi les pièces relatives à la plainte concernant les forfaits commis à Versailles dans la matinée du 6 octobre dernier; qu'il résulte cependant, tant des pièces remises par le comité des recherches de l'Assemblée nationale, que de l'information, que le comité des recherchas de la vibe de Paris, a nombre de pièces en ses mains qui seraient utiles à l'instruction, s'en rapportant, la compa-gnieaux mesuresque l'Assemblée nationale voudra bien prendre dans sa sagesse, pour que le comité des recherches de la ville de Paris soit tenu de communiquer au procureur du roi toutes les pièces et renseignements qu'il peut avoir à ce sujet.
« Pour copie conforme à la minute collationnée par nous soussigné.
« Signé : Cellier, greffier. »
répond : L'Assemblée va prendre en considération vos demandes. (La députation du Chàtelet se retire.)
Je fais la motion de mander sur-le-champ à la barre le comité des recherches de la commune de Paris, pour lui ordonner de communiquer au Chàtelet toutes les pièces relatives aux attentats du 6 octobre, qu'il peut avoir entre les mains.
(La partie droite de l'Assemblée appuie cette motion.)
se prépare à la mettre aux voix.
iainé. Ce n'est pas là l'ordre de la délibération.
La motion qui vient d'être faite doit être la suite de Ja discussion qui va s'ouvrir sur un objet beaucoup plus intéressant : nous n'avons jamais eu de question plus délicate à examiner, jamais affaire plus importante ne nous a été soumise. De la décision que nous allons porter, dépend la confiance de ia nation
pour nos travaux futurs et même passés : l'honneur de l'Assemblée exige que si quelques-uns de nos collègues sont coupables, la justice ait son cours. Vouloir les soustraire à la loi, ce serait vouloir nous perdre; les condamner saus les entendre, ce serait manquer à la justice Je demande qu'il soit nommé un comité (La partie droite s'agite et murmure avec violence) pour examiner cette malheureuse affaire, qui continuera d'être poursuivie, et qui sera jugée, afin que les membres de cette Assemblée ne restent pas sous une accusation aussi solennelle.
Vainé. Je suis très éloigné de penser, avec le préopinant, que l'Assemblée nationale éprouve le moindre embarras dans ia détermination qu'elle doit prendre. Notre marche est déjà tracée, les principes sur cette matière sont déjà consacrés; l'Assemblée nationale ne peut être ni accusateur, ni juge : une seule chose la concerne, c'est de connaître les charges qui, après
10 mois, conduisent à inculper deux de ses membres. Tel est l'esprit de la loi de notre inviolabilité : l'Assemblée nationale a voulu qu'aucun de ses membres ne fût mis en cause sans qu'elle eût elle-même jugé s'il y a lieu à action, à accusation. Je ne sais sous quel rapport on parle de décrets qu'il faut tenir secrets. On insinue la proposition d'un renvoi à unautre tribunal. Certes,
11 serait commode qu'après dix mois d'une procédure secrète, qu'après avoir employé dix moi3 à multiplier, à répandre les soupçons, les inquiétudes, les alarmes, les terreurs contre de bons ou de mauvais citoyens, le tribunal dont l'histoire sera peut être nécessaire à la parfaite instruction de cette affaire, cessât d être en cause, et rentrât dans une modeste obscurité, où chacun de ses membres bornerait ses fonctions à instruire leurs neveux dans les principes de la liberté, et à les encourager par l'exemple de leur zèle et de leurs efforts pour la Révolution. Le droit et le désir des membres qui sont inculpés, est sans doute que tout soit connu. Notre droit, notre désir est que l'Assemblée connaisse tout ce qui concerne ses membres. Je propose de décréter que le comité des recherches de l'Assemblée nationale lui fera rapport des charges qui concernent quelques-uns des représentants delà nation, s'il en existe, dans la procédure prise par le Chàtelet de Paris sur les événements des 5 et 6 octobre 1789, à l'effet qu'il soit décrété, sur ledit rapport, s'il y a lieu à accusation. Voilà le seul décret qui soit réellement dans vos principes.
Au moment où la main de la justice commence enfin à soulever devant nous le voile qui couvrait les déplorables événements des 5 et 6 octobre, nous devons imiter ie secret religieux que se sont imposé les ministres de la justice. Je me bornerai à discuter devant vous les principes du préopinant; ils tiennent à l'ordre public; il s'agit de déterminer la manière de concilier les intérêts de la liberté et de la justice. Il s'agit d'établir en quoi consiste l'inviolabilité des représentants de la nation.
C'est donc sur ce seul objet que je vais fixer toutes mes pensées. J'observerai avec regret que, dans deux de vos décrets, l'Assemblée a paru s'écarter des premiers principes de l'ordre public. Vous avez décrété, au sujet du défaut de payement d'une dette en matière civile, que les députés n'étaient pas inviolables. C'est surtout en matière civile qu'il serait vrai que pendant
toute la durée de leur mission, aucune action civile ne devait autoriser à porter atteinte à leur liberté. Par un second décret, rendu au sujet de M. de Lautrec, vous avez dit que les membres du Corps législatif ne pouvaient être décrétés, avant qu'il eût été décidé par le Corps législatif s'il y a lieu à accusation. Vous vous êtes écartés des véritables principes; en voici la preuve. Jamais la mission honorable que le peuple vous a confiée n'a mis ses représentants à l'abri des poursuites légitimes; pourquoi voudrions-nous être hors de l'atteinte des lois dont le glaive est suspendu sur la tête de tous les citoyens? Celui qui veut que la loi le protège doit être soumis à la loi. Quelle face présenterait la France, si 1,200 citoyens pouvaient refuser de répondre à la loi ? Nous deviendrions la terreur de nos concitoyens, dont nous devons être l'espérance et la lumière. Nul homme, dans la société, ne doit pouvoir se soustraire à la justice. La justice est instituée pour sévir, non seulement contre le faible, contre Je pauvre, mais encore contre le puissant. Le décret relatif à M. de Lautrec ne saurait être regardé comme un décret constitutionnel, mais comme rendu dans une circonstance donnée. Tout le monde sait qu'en ce moment il s'agit d'un crime de lèse-nation, de haute trahison.
Le décret rendu au sujet de M. de Lautrec ne parle pas de crime de haute trahison. Ces crimes ne peuvent donc être jugés parce décret. L'accord et l'harmonie régnent entre tous les décrets de cette Assemblée : je demande comment on pourrait concilier, dans le système que l'on annonce, l'usage et l'application du décret relatif à M. de Lautrec, avec les décrets constitutionnels sur la jurisprudence criminelle. Vous avez décrété que la procéuure serait secrète jusqu'à la comparution de l'accusé; si le paquet remis par le Cnàtelet est ouvert dans l'Assemblée ou au comité, vous renversez cette base constitutionnelle : le tribunal institué par vous, pour juger les crimes de lèse-nation, ne serait plus qu'un tribunal chargé d'une commission rogatoire. Que deviendrait la justice, si les juges que vous avez recounus mériter votre confiance en étaient privés au moment où il faut lancer les décrets? Deux de nos collègues sont accusés ; ce serait compromettre étrangement l'honneur de cette Assemblée, que de vouloir lui faire prendre, pour deux de ses membres, des précautions qui ne sont point accordées aux autres citoyens, dont l'innocence est aussi précieuse aux yeux de la loi. Nous avons parlé d'égalité. C'est devant la loi que cette égalité existe. Toute précaution est injurieuse au Corps législatif, à tous les citoyens accusés, qui doivent désirer que les motifs de l'accusation paraissent au grand jour, et qu'un torrent de lumières se répande sur cette affaire, afin que, rentrés dans la classe ordinaire de la société, ils sortent de l'épreuve qui leur est préparée, dignes de l'estime. Cette vie, morale du citoyen, tant qu'une procédure n'est pas reconnue, tant que les témoins ne sont pas ré-colés, doit être considérée comme un dépôt de calomnies : si votre comité divulguait une procédure suspecte, il pourrait déshonorer quelques-uns de vos concitoyens.
hvitez ce danger, en honorant l'autorité ordinaire de la loi : c'est elle que je réclame en ce moment. Les Anglais, qui se connaissent en constitution et en liberté, n'ont jamais demandé de sauf-conduits pour leurs représentants. Tout citoyen a droit de se plaindre contre un lord, le juge de paix délivre un warrant, expédie un
mittimus et lance un décret que le parlement approuve, car il aime les lois et la liberté. L'Assemblée nationale doit exprimer la satisfaction avec laquelle elle a vu la délicatesse du Châtelet, qui n'a pas voulu décerner, sans la con-ulter, les décrets que ce tribunal a rendus contre deux de vos collègues; que l'Assemblée nationale renvoie donc la procédure, qu'elle en ordonne la poursuite, en déclarant qu'aux yeux de la loi tous les hommes sont égaux, que la loi ne connaît que des citoyens; enfin, je demande subsi-diairement que l'Assemblée ordonne au comité des recherches de la commune de Paris de remettre au Châtelet tous les documents qui seront jugés nécessaires.
Je n'examinerai pas dans quelle Circonstance le Châtelet vient donner le plus grand éclat à une alfaire que l'Assemblée, que le public pouvaient croire entièrement assoupie ; mais enfin, puisqu'il vient vous en occuper aujourd'hui, puisqu'il demande le parti qu'il doit prendre, c'est à vous à lui tracer la route que vous avez déjà indiquée par un décret, non de circonstance, non particulier à l'affaire de M. de Lautrec, mais constitutionnel, mais rendu après une première discussion et aprè& un renvoi au comité chargé de vous présenter des dispositions générales à cet égard.
Vous avez senti combien il était dangereux de remettre l'Assemblée nationale entre les mains des tribunaux : vous avez senti combien on pourrait susciter de persécutions à ses membres pour les arracher successivement à leurs fonctions ; vous avez senti combien il était contraire à votre dignité de vous soumettre à ces inquisitions secrètes. Lorsqu'après avoir examiné la procédure, l'Assemblée déclare qu'il y a lieu à accusation, ce ne sont pas des fonctions de juge qu'elle fait, mais des fonctions de grand-jure vis-à-vis de ses membres. Les grands jurés existent dans tout Etat libre, et sans grand juré il n'existe ni liberté politique, ni liberté individuelle. En vous parlant de l'Angleterre, on a oublié de vous dire que le grand juré y existait. Vous devez à vos collègues ce que vous êtes sur le point d'accorder à vos concitoyens ; vous ne prétendez point les soustraire aux tribunaux, ils seraient jugés par vous plus sévèrement que par les tribunaux mêmes ; je demande si l'on peut seulement mettre en question la motion de M. de Mirabeau l'aîné, sans revenir sur ies décrets que vous avez déjà rendus ? On dit qu'il y a de la différence entre le délit dont il s'agit aujourd'hui et celui dont M. de Lautrec était accusé: il s'agit aujourd'hui du crime de lèse-nation ; il s'agistait alors du crime d'avoir voulu tenter une contre-révolution à main armée : sans doute, M. de Lautrec était innocent, vous l'avez déclaré; mais c'était d'un crime de lèse-nation qu'il était question, et c'est à ce sujet que vous avez rendu un décret vraiment constitutionnel : vous en jugerez ; il sera remis sous vos yeux. Quant à la proposition de demander le comité des recherches, vous ignorez s'il a des torts et vous prendriez à son égard une résolution flétrissante. J'adopte simplement l'opinion de M. de Mirabeau l'aîné.
Je ne répondrai pas aux principes du préopinant, à ses réflexions sur les jurés, à la proposition d'établir aujourd'hui un régime particulier pour un délit antérieur à 1a création de ce régime. On a dit que le décret
rendu au sujet de M. de Lautrec est constitutionnel ; tout annonce, au contraire, qu'il est de circonstance. 11 porte que le comité présentera incessamment un projet de loi sur la grande question de l'inviolabilité des représentants de la nation; il n'est pas un membre de cette Assemblée qui, gémissant sur un de ses collègues, victime d'une accusation évidemment injuste, ait pensé s'autoriser du décret auquel il a concouru avec empressement, pour soustraire aux lois les auteurs et les complices d'un attentat déplorable, qui a souillé la Révolution, qui pèse sur la nation française, qui sera son éternel déshonneur. (Il s'élève ae grands murmures dans la partie gauche de l'Assemblée, la partie droite applaudit.) Oui, je le répète, qui pèse sur ia nation tout entière, qui sera à jamais son éternel déshonneur !
Si les auteurs d'un forfait abominable, dont il n'est pas au pouvoir des hommes d'accorder le pardon, ne sont découverts et punis, que dira la France, que dira l'Europe entière? L'asile des rois a été violé, les marches du trône ensanglantées, ses défenseurs égorgés, d'infâmes assassins ont mis en péril les jours de la fille de Marie-Thérèse (il. s'élève des murmures), de la reinë des Français (les murmures augmentent), de la fille de Marie-Thérèse, de cette femme dont le nom célèbre surnagera sur l'oubli auquel vous avez dévoué les noms obscurs des victimes et des agents de la Révolution. Ils étaient députés, ils étaient Français,ils étaient hommes,et ils se sont souillés de ces attentats odieux. Si vous adoptiez la motion qu'on vous propose, si vous déballiez publiquement la procédure, vous verriez disparaître les coupables ou les preuves; le crime seul resterait; il resterait toujours plus odieux, car il serait sans vengeance. Quel étrange privilège s'arrogeraient donc les représentants de la nation? La loi frapperait sur toutes les têtes, et ils s'élèveraient au-dessus de la loi, le seul point par lequel l'égalité rapproche insensiblement tous les membres d'une société. C'est donc au nom de la justice, votre premier devoir, de l'honneur, votre premier intérêt, de la liberté qui ne peut exister si un seul citoyen n'est pas soumis à la loi, que je vous engage, que je vous presse, que je vous conjure de décréter la motion de M. l'abbé Maury, de déclarer que les membres de cette Assemblée n'ont aucun privilège devant la justice; que le crime, quel que soit le criminel, doit être jugé et puni; que ie coupable ne sera pas dérobé à l'équité, à la sévérité d'un tribunal qui a mérité votre confiance, qui est votre ouvrage, que vous avez créé pour les crimes de celte nature. Je demande donc le renvoi de cette procédure au Châtelet; je demande qu'il lui soit enjoint de la poursuivre, en lui prescrivant d'y mettre ce courage, cette activité qui doivent l'honorer et le rendre à jamais célèbre daus l'histoire.
Chacun des membres de cette Assemblée doit être étonné de voir mettre en problème si le décret qui concerne M. de Lautrec est général ou de circonstance. On vous a rappelé une partie des faits qui l'ont précédé et suivi : on vous a dit que quand l'affaire vous fut rapportée, vous en ordonnâtes le renvoi au comité de Constitution, sans doute pour avoir une disposition générale. En effet, ce décret porte, en termes généraux, que, jusqu'à l'établissement de la loi sur les jurés en matière criminelle, les députés ne peuvent être décrétés par aucun juge, avant que le Corps législatif, ayant sous les yeux les informations et les pièces de
conviction, ait décrété qu'il y a lieu à accusa-tiun. En conséquence, l'Assemblée déclare non-avenu le décret prononcé contre M. de Lautrec.
Je demande si l'Assemblée, par ce décret, ne porte pas une disposition générale. Aucun de ses membres ne peut être décrété avant qu'elle ait décidé s'il y a lieu à accusation ; après cela, res-te-t-il une question à examiner dans la discussion qui nous occupe? Car, sans doute, vous ne vous permettrez pas de revenir sur une disposition aussi formelle, aussi sage, et tellement indispensable. Que deviendraient les droits de la nation, s'il était possible, dans des moments de trouble et de désordre, où chacun de nous est en butte aux haines, aux vengeances, aux factions, de nous arracher de nos fonctions, de nous obliger à répondre devant un tribunal ? La précaution nécessaire que vous avez décrétée ne l'a point été pour nous, mais pour la nation. Nous avons fait ce que vous allez faire pour tous nos concitoyens ; nous avons décidé que nous serions le grand jury de nos collègues. Combien n'importe-t-il pas à la nation entière que nous ne soyons point le jouet d'accusations et d'informations légèrement faites ! Tels sont les motifs de votre décret du 26 juin. La sagesse, qui a dicté cette loi, en dictera l'application dans une circonstance qui est absolument de même nature. Je n'ai plus qu'une observation à faire ; elle concerne le comité des recherches de la commune de Paris. Vous aviez enjoint au comité des recherches de remettre au Châtelet toutes les pièces nécessaires à l'instruction de l'affaire de la matinée du 6 octobre ; je doute que la même injonction ait été faite à celui de la commune; mais, quoi qu'il en soit, nous ne devons pas présumer ce dernier comité coupable : nous devons penser qu'il a fait ce qu'il a dû, jusqu'à ce que nous soyons certains qu'il a manqué à ses devoirs. Nous ne devons donc pas lui donner le désagrément d'être mandé pour rendre compte de sa conduite. Yous pouvez charger le comité des recherches de prendre des informations sur cet objet. Je conclus à. ce que la motion de M. de Mirabeau soit adoptée, parce qu'elle est seule conforme au décret que vous avez déjà reudu sur cette matière, et que la prudence vous a dicté.
paraît à la tribune.
On demande Ja lecture du décret du 26 juin.
Décret du 26 juin. — « L'Assemblée nationale se réserve de statuer, en détail, sur les moyens constitutionnels d'assurer l'indépendance et la liberté des membres du Corps législatif ; déclare que, jusqu'à l'établissement de la loi sur les jurés en matière criminelle, les députés à l'Assemblée nationalepeuvent,dansles cas de flagrant délit, être arrêtés conformément aux ordonnances ; qu'on peut même, excepté les cas indiqués par le décret du 23 juin 1789, recevoir des plaintes et faire des informations contre eux, mais qu'ils ne peuvent être décrétés par aucunsjuges, avant que le Corps législatif, sur le vu des informations et des pièces de conviction, ait décidé qu'il y a lieu à l'accusation : en conséquence, regardant comme non-avenu ie décret prononcé le 17 de ce mois contre M. de Lautrec, l'un de ses membres, lui enjoint de venir rendre compte de sa conduite à l'Assemblée nationale, qui, après l'avoir entendu et avoir examiné l'instruction commencée, laquelle pourra être continuée nonobstant la liberté rendue à M. de Lautrec, décidera s'il y a lieu à l'accusation; et, dans le cas où l'accusation.devrait être suivie, désignera le tribunal. »
(On demande à aller aux voix. — La discussion est fermée.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture de la motion de M. l'abbé Gouttes. — « Le Chàtelet, auquel on enverra, sans le décacheter, le paquet qui a été déposé sur le bureau, remettra au comité des rapports l'extrait des pièces de la procédure instruite au sujet des événements de la matinée du 6 octobre, qui peuvent concerner des membres de l'Assemblée nationale. Le comité des recherches de la commune de Paris remettra toutes les pièces qu'il a entre les mains, relativement à cette affaire, ou fera connaître les motifs de son refus. »
Le même secrétaire lit les motions de MM. l'abbé Maury et de Mirabeau l'aîné.
La priorité est demandée pour cette dernière.
Vaïné. Il y a, dans la motion de M. l'ahbé Gouttes, une chose que j'adopte. Il parle du comité des rapports; il est,en effet, plus simple de renvoyer celte affaire à ce comité. J'établis la demande de la priorité pour cette motion sur ce qu'elle a le mérite, très peu recomman-dable quant à moi, mais très recommandable par rapport à l'Assemblée, de n'être autre chose que l'application réitérée du décret du 26 juin. Il est inconcevable que, dans Ci tte discussion, ce soit moi et ceux qui adoptent mon opinion que l'on accuse d'invoquer les ténèbres, tandis que ceux qui demandent que le secret soit conservé jusqu'à telle époque, prétendent qu'ils invoquent la lumière.
La motion de M. l'abbé Gouttes est contraire aux règles de la justice; tout le monde sait qu'une procédure ne peut jamais être délivrée par extrait, tout le monde sait qu'elle ne peut être divisée, que le premier principe est son indivisibilité; qu'il est toujours nécessaire de l'aider de toutes les lumières qui peuvent naître de la piocédure considérée dans son ensemble: ainsi, non seulement la motion de M. l'abbé Gouttes est contraire à la forme toujours suivie de ne donner jamais à des officiers de judicature le droit de faire des extraits, mais encore elle détruit le principe rigoureux de l'indivisibilité des procédures. Je demande la question prealable sur cette motion, et j'appuie la priorité réclamée pour celle de M. de Mirabeau l'aîné.
Pour couper court à toutes les difficultés, il n'y a qu'à Ouvrir le. paquet.
(On demande'à aller aux voix sur la priorité.)
Vous avez rendu hier matin un décret contraire à la motion de M. Gouttes, en ordonnant qu'il serait donné à M. de La Luzerne communication intégrale de touies les pièces, sur lesquelles la dénonciation de Saim-Domingue contre ce ministre est établie. Vous avez ainsi consacré le principe de l'indivisibilité, et vous le méconnaîtriez en adoptant la motion de M. l'abbé Gouttes.
(On aemande à aller aux voix.)
En ordonnant qu'il sera remis une expédition de la procédure, on évite toutes les objections.
Il est impossible d'accorder la priorité soit à la motion de M. de Mirabeau, soit à celle de M. l'abbé Gouttes. Dans l'une et
dansi'autre, on renvoie à un comité ; on rend, pour ainsi dire, ce comité juge de l'accusation; on lui confie les pièces de la procédure, et ce comité peut renfermer les membres accusés : il faut demander au Chàtelet de nommer ces ihem-bres.
Ou il faut que la procédure soit examinée par l'Assemblée entière, et alors les deux membres inculpés ne délibéreront pas, ou il faut qu'elle le soit dans le comité, et si ces membres en font partie ils se récuseront encore. Ainsi l'objection ne mérite aucune considéiation, ou bien il faudrait aller contre vos décrets et dire que l'Assemblée n'a pas le droit d'examiner s'il y a lieu à accusation. On propose de demander au Chàtelet de nommer les deux membres accusés. Cette proposition est le renversement des principes, puisque seuls vous devez juger s'il y a lieu à inculpation. Si le Chàtelet faisait connaître ces accusés, l'inculpation serait faite dans l'opinion publique; on aurait peine à la détruire, si l'on ne connaissait en même temps et l'accusation et la nature des charges sur lesquelles elle est fondée. Mais pourquoi demander la priorité pour la motion de M. de Mirabeau? C'est que celle de M. Gouttes contient une chose qu'il n'est pas possible de décréter, c'est-à-dire l'injonciion au comité des recherches de remettre toutes les pièces, etc. Il serait bien extraordinaire que l'Assemblée portât cette disposition d'après un fait qui n'a pas été dit ici.
Si le Chàtelet a rendu des décrets, c'est que le comité des recherches de la commune a provoqué la plainte, qui n'a été rendue que sur les mémoires et documents qu'il avait fournis. S'il faut le dire, j'avais cru, comme bon citoyen, devoir communiquer moi-même à ce comité un document qui, peut-être, a fait la base de la plainte. (Il sèleve des murmures dans la partie droite.) On me dit que je veux étouffer l'instruction, et c'est quand je cite un fait de cette nature que l'on m'inculpe ainsi, et c'est à un orateur de l'Assemblée nationale que l'on fait ce reproche, lorsque l'Assemblée nationale demande la plus grande publicité. (La discussion est fermée.)
demande la priorité pour la motion de M. l'abbé Maury.
La priorité est refusée à la motion de M. l'abbé Gouttes et accordée à celle de M. de Mirabeau l'aîné.
Vaïné. J'ajoute à ma30tion que le paquet cacheté, contenant la procédure, sera ouvert en présence de deux commissaires du Chàtelet; que toutes les pièces seront cotées et paraphées, et qu'il en sera fait inventaire.
Le Chàtelet a représenté la nécessité de prendre des précautions pour que la procédure ne soit pas connue, avant que les décrets prononcés contre des personnes étrangères à l'Assemblee fussent exécutés. Vous n'avez nulle vérification à faire sur ces décrets, et vous devez ordonner qu'il leur soit donné suite.
Il faut changer dans la motion le mot événement en celui d'attentat : il faut que la lecture des charges soit faite dans l'Assemblée, que les séances du soir y soient uniquement consacrées, et que l'on ferme les portes des tribunes (Il s'élève beaucoup de murmures) : on ne doit pas renvoyer à un comité; l'Assemblée entière a le droit de connaître les charges que contient la procédure ; et
attendu que j'ai la certitude que plusieurs membres ont été entendus comme témoins, je demande qu'ils assistent seulement comme spectateurs. Tels sont les amendements que j'ai à proposer.
(On demande la question préalable sur tous ces amendements.)
Qu'on mette sous bonne et sûre garde les membres accusés, comme on a fait pour M. l'abbé de Barmont, et l'on prendra ensuite le parti qu'on voudra.
Je propose d'ordonner que l'original des pièces demeurera déposé au greffe du Châtelet, afin que le comité puisse prendre communication des minutes.
Attendu le grand intérêt que toute la France a dans cette affaire, je demande que le comité des rapports ne puisse connaître les pièces avant que les individus étrangers à l'Assemblée soient décrétés ; autrement ils prendraient la fuite, vous manqueriez aux droits les plus saints de la société, vous vous rendriez coupables d'un abus de confiance : vous trahiriez la justice.
Je demande la question préalable sur tous les amendements.
Il serait à désirer, quand l'honneur de tous les membres de cette Assemblée est compromis, que tous les membres de cette Assemblée concourussent à l'examen que vous voulez qui soit fait. Je demande donc qu on institue un comité de circonstance, comme vous rendez des décrets de circonstances. Ce comité serait composé d'un membre pris dans chaque département.
(On demande la question préalable.)
(Une grande partie de l'Assemblée insiste pour qu'on aille aux voix.)
Dépositaires de l'honneur de la nation, celui de nos commettants étant évidemment compromis... (Il s élève des murmures.) Si l'un ne veut pas me laisser développer mon amendement, je me condamnerai au silence.
L'honneur de nos commettants exige impérieusement qu'il ne reste aucun louche sur cette exécrable affaire. Quand le Châtelet, en corps, déclare qu'on lui refuse des pièces dont l'existence est certaine, on nous dit que c'est blesser la délicatesse des membres du comité des recherches de la ville que de mander ce comité pour lui ordonner de délivrer ces pièces. Depuis quand y a-t-il de la délicatesse à refuser à la loi les moyens de punir le crime ou de proclamer l'innocence? Pourquoi, si, depuis la dénonciation faite par ce comité même, il est survenu de nouveaux documents, ne pas exiger qu'ils soient remis au Châtelet ? J'appuie fortement l'amendement qui a été présenté à cet égard.
Je propose la question préalable sur tous les amendements, excepté sur celui que M. de Mirabeau a lui-même présenté. D'abord la formation d'un nouveau comité est au moins inutile...
(Une partie considérable de l'Assemblée demande à aller aux voix.)
On ne peut se dispenser d'excepter l'amendement qui a pour objet d'ordonner,
avant l'ouverture du paquet, l'exécution des décrets lancés contre des personnes étrangères à l'Assemblée.
Si vous n'adoptez cet amendement, vous prouverez que vous ne voulez pas la vengeance des crimes.
Vous vous rendez coupables d'une atrocité.
La division de la question préalable e^t demandée.
Elle est décrétée à une très grande majorité.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements, excepté sur ceux qui ont été séparés de la question préalable par la division. Ils sont au nombre de deux.
0» fait lecture du premier amendement : « L'k*-semblée nationale ne prendra pas connaissance^ de la procédure et des charges, avant que les décrets relatifs à des personnes étrangères à l'Assemblée nationale soient exécutés. »
, (de Saint-Jean d'Angêly.) Cet amendement avait été entendu d'une autre manière; voici comment je crois qu'il doit être rédigé : « L'Assemblée nationale déclare qu'elle n'entend point arrêter le cours de la procédure vis-à-vis les autres accusés ou décrétés. »
(L'amendement ainsi rédigé est adopté à une grande majorité.)
fait lecture de l'autre amendement : « Le comité des recherches de la ville de Paris sera tenu de remettre, sans délai, entre les mains du procureur du roi du Châtelet, pour servir autant que de besoin à la poursuite de la procédure, tous les documents et pièces qui peuvent y être relatifs. »
Je demande l'ajournement de cet amendement. Je me fonde, d'un côté, sur les preuves que lé comité des recherches de la ville a données dans cette circonstance ; de l'autre, sur ce qu'il peut avoir des pièces intéressantes sur les événements qui ont précédé le 5 octobre, qu'il serait obligé de les remettre au Châtelet, si elles avaient quelque connexité avec l'affaire sur laquelle ce tribunal a informé.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement.
L'amendement est adopté à une très grande majorité.
La motion de M. de Mirabeau l'aîné, amendée, est ensuite mise aux voix et décrétée en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète, conformément à son décret du 26 juin dernier, que son comité des rapports lui rendra compte des charges qui concernent des représentants de la nation, s'il en existe dans la procédure faite par le Châtelet sur les événements du 6 octobre dernier, à l'effet qu'il soit déclaré sur ledit rapport s'il y a lieu à accusation ; décrète, en outre, que deux commissaires du Châtelet seront appelés pour assister à l'ouverture du paquet déposé par les officiers de ce tribunal, et à l'inventaire des pièces qui y sont contenues ; décrète encore que le comité des re cherches dé ia ville de Paris sera tenu de remettre, sans délai, entre les mains du procureur du roi du Châtelet, pour servir en tant que de besoin à la poursuite de la procédure, tous les documents et pièces qu'il peut avoir y relatifs ; dé-
clare, au surplus, l'Assemblée, qu'elle n'entend par lé présent décret, arrêter le cours de là procédure vis-à-vis les autres accusés et décrétés. »
Je prévus l'Asgembl^e nue l'heure est trop avanCéè pour q d'elle pplsse tenir sa séance du éoir. Celle de demain dimaçche s'ouvrira à onze heures.
(La séance est levée à cinq heures du awr.)
Séance du
La séance est ouverte à onze heures et demie du matiq.
, secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi soir, 6 août.
, autre secrétaire, lit le procès-verbal dé là séanpe d'hier, samedi, 7 août.
Ces procès-verbaux sont adoptés sans réclamation.
Dans votre décret du 6 août, sur les troublés des régiments, vous avez établi un mode de comptabilité qui est inexécutable, dans les' termes où fous l'avez rëndu ; podr en rendre l'exécution possible, il su'ffîr d?un 'léger changement que je vais ^ôiis proposer'. '
11 a été spécifié que nous avons rendu un décret provisoire ; il est inutile de rouvrir la discussion sur cet objet, en ce moment; aussi je demandé l'ordre dd jour."" (L'orare dû jour est adopté.)" "
Vous n'avez pas encore prënôrïcé¥ur la condùité du régiment de Poitou, qui "tfôufe â lété 'dénoncée en tpême Temps què cèlle dê roVat-Ghatopagne ; p'ùurtaïit vtiïtedétei-Siô'tf îè 'saurait être longtemps ajournée,"1 car on dit partout què ce régiment fâ proclamé, par là force, la justice de ses propres réclamations et qtiè' si l'Assëthbléè' ùe 8%st'bà^ pronqpëéë','c'est qu'elle approuve sa conduite/""
demande à M. de Grill^a, memlffë TJucomitè'Mliïàlrè', qui se ttfôuyè dans la sallè, éll^'fà^pbrt'sërâ bientôt prêt.^ , : 11
(ci-devant le cqmte). Le comité devait se' rëurrif hier soir," mài^ Pàbseûce des ûièmbrës à "rendu ta 'èfrfivocatiëri huilé. Là'lofn-gueur de fa séance irablfqùëestàss\frémêiït unë eicus,e ; nèarimôîfi^ jijirie'pl^s grapdè vé!xa)ctitude serait désirable.
(de Saint-Jean-d'Ajiqélu).- Les nquverrès cfê£'divers" jfortjTifÔus ànnoncènt défi iiïàùrrécfiûhé' shiet'dè là5 ' com ijtab'lli te~ lié1 la mariné \ je pëhie qu'Un décret pareil àc'élui'qiii a' ëtë rendu ftdur lës'tfdfipés dje^terjre èsï îsbsti-lument nécës&ire jîoiir litrméë dé îngr.pl
Le comité de la marine s'est préoccupé de cette question et voijs présentera probablement demain un projet de décret.
M. de Noailles demande la permission de donner quelques détails sur la situation du district de Nemours.
(L'Assemblée décide qu'il aura lç, parole.)
, député de Nemours. Vous avez été informés des troubles qui ont agité le Gâli* nais ; îé's désordres dbht on vous a rendu compte sont exagérés, et le district de Nemours àpu mal interpréter vos décrets ; mais jl fn'a jamais voulu s y spqstrairè; le peuple a menacé de'se porter à qejs yiplëncès, niais ir n'a jamais connu l'idée du crime.' Toutcë qui concerne lés impôts, les aides exceptés, est payé avec là plus grande exactitude ; }1| sonj fardés copjme le qomajne national, pt aujqup soft DFse refusëli les acqiiit-iiçf.' Ce quj a donné liety a la ïef-inéntàtidn dont on ypiis à fellah .cqmpté, c'ësftfà faussé intèrpré-t^.tjon"$pun$$ pfosjëyrs ' décrejts. Je Me suif Përîe flaps le^muriici^alitês des çàm'pàgnes, fy iji penni de| coi^^ijnaûtes entières ;'j'ai chèr-gpf 'çéllés qui parais-
saient ié'plus échauffées Via division qui régnait avait lieu pour l'acquittement du droit de Cnam-p^arl. Ce igpjî est Çfttff^flJ dans cette Partie ; non seùj^ment f}paye depuis m qjualt^mêiië gerbç jusqù à' la seizième, mais il faut 'enc&re attendre daps les champs Je cha/pp§rtejjr pp.yr faire la moig§op dans les granges, le c.hàmparteli^ choisit l'instar qu'il convient jiu rjéc$ytéijr pour ijç déposer, gjt ^bandpopep, 'oç'^e^bs, Mi
mojsson déjà c&mipêppèfl, ,ét /pêflae |a' yoiture seule, quand il p'y aupaû à "re^dr^ qj^e quatre gerbes- Votre décret pu "paars àppoqce BSœ )e droit de champar-t sera rachetaî^le en montrant des titres. Les habitants des campagjfô? sçsqj^i fondés sur cette décision ; ij^ ont pen^ qjfe p^s-qu'if était pécegfair^ de varies tjtr.é^'pour nàyer le fonds, il était indispensab^e 'd'gn aybir Connaissance pour acquitter la rente; car1 lés habitants des campagnes croient que .vpjtre dépret du 25 mars a été rendu de votre propre ipo^.yjçment, et que ce n'est qu'à des sollicit^tiofjs répétées que vous avez jtiioppé celui dù j3 juiilef. j'^ cru devoir représenter aux communautés qu'elles n'avaient pas bien senti Je premier déc^t'» puisqu'il annonçait qu'une jouissance aflténeure suffisait popr continuer à percevoir, tant qjj. jJ n?éîj'i| pas prouVé qu'on ne 4eyait pa?' CQntipuef ? Pfyç'r > j'ai insisté sur .ce que le décret du'l^ p^tajlflu-ù^ application des premiers principes que y^û^'^yè^ établis. Enfin, Messieurs, je sius pjarvçuii^g. persuader aux habitants qu'ils devaient payer, hop seulement 1e champart de cette année, mai s même qu'ils ne pouvaient se refuser à donner cejtte indemnité aux différents fermiers- Il y a eu, danjs tous les districts, des transactions de faites et'.(Résignées, d'après les principes que ie viens $'ex-poser, entre les proprimaires du droit et ceux qui l'acquittent,, ainsi quienvers les fermiers. La crainte de voir les travaux de l'Assemblée'uatio-naie arrêtés ou suspendus est une dés grandes mesuVeS 'que j'ar employées pour obtenir l'effet qtfë'je m'étàisv proposé. Enfin, j?ai vu parlpUt le dévouement le plus complet pour la Constitution, et l'amour le plus pur pour la liberté.' 'H mèVeste u'vous rendre compte de la conduite qu'ont tenue les'gardes nationales parisiennes qui se sont portées dans cette partie, et lèV troupes de lighë. Les gardes nati'ohalés 'ont
fait plusieurs détachements; partout elles ont teçu flel*'dé fràfèrïVité1 : dans ùii V1ll8gétè pluTs anMë' côilCrè là pëi'cëptiori1 ëxîièéèi on tësf 'Vênîf taire' 'dès offres et dçs prévenances aux gardés" nàtîonajek; ëlles"r oût' rëpbndù Tïu'eTlëy'^né'^récbndàipsaiént pour amis que les citoyens sôunifs';àu| dêWëté de rAsseiftbTèe riaîiônalé gjTfldêjësâ là loi': due lës antres''étaient 'des ennemi^ dé1 l'Etàfj que lorsqu'ils auraient prouvé'Të refepéçt dû âû àer-thëïrt' fèdératif,' ils Ré sonneraient des'marque,s de confratërnitéV ffiaië' qbé'^ jusquê-là. ilp' les fraitéràièùt';,cômrae dès bèriufbatrars au'repos public. Les i)abi£arifs"du yi'lIa^è d'Egrëviiré, ainsi ïûëtiafcés; b?0ùt Vôulu VàissèV a'utfu'n' fchotif d?ëfloi-gnement entre eux et la garde nationale'^aVi-sienne; ils ont consenti à tous Voà'xfècrets. 1 ^
Je dois de justes éloges aux détachements des régiments de' Bourgôgnë"etrt de L'o^faîUé',1 chas-feeùrà1.' Ils :6ë Sont•montrèfe plutôt comme des frélréS qliî veUleïït • ràlhfehçr' des' frètes égarés, que comnhe dés ^bldâ'ts qiii 'veulent'chercher dés ënnémrà'à cbbïbattî'e.' M', 'de Moûtalbârîî notamment, commandant le premier dëtactiëmenï,4 k'ëét J)brtè dans qûèiqiies mdrtici^alités où il a re-pfrëêënté'ïtbx' ÏÏàmtants combien la Révofutiôti lëur é^ a^âhtageùse/ él cottlbiéii lé mofédi'e bb-itaclè'péiit' hùftë à'soti établissement i c'est àicfsi îpi'iï â çheréhê' à fà'p'nrôclTe^v, ét'à râmënëMes
r Lé;eèjme ef la tranquillité régnent daps tout le distneCPour"l'àsSuf er,'f 1Î ésrë^èntSer'âe'rè(-tiréinà plus gràrfdé "partie dêé ' tlrôupés' 'qu'on'a ctétâçhées (fans ^Éf'môibëbt.- La ùiilrchè tfjî&'dé* parteibents et des diréétpïfes'esriëntê ; je fcrôfs qu'il fadt, lorsqu'il slaait' ûë sbulagè¥le peuplé, prëîidrë deâTifibyénà pfôrnptéy eà ■ côn'sëduëiicé; je démé.n'dë quévles dépûtés aé^hptré département traitent dfe ''Cet ôbjét le plus promptemènt possible et directement avec le comité des rapports. Je désïftj, én bdtre^ que rA|sèliiKlé.é se pénétre 'biéfà dè; Fidéé qu?i1 "ny iâ, dàns'a'ûcuBe partie de laFraïîcé* d'Mbitàritg'plbs Attachés à la Constitution, et plus heureux par elle que ceux du diëîfië^der NëitibùYsr^Uadt|,'9u'ï'efiéf^ied' de cë district, Tîl â àiontré une soumi&sion'com-plètë à 'yoS décretèeth.' cherché à inspirer lës ïnêîlleùrë'briâëipés darfs toW les lieux qul l'en-Virônu'ènt.-
propose d'ajouter au dépret sur l'émission deè assignats ùne disposition additionnelle ainsi conçue :
« Les huit commissaires de l'Assemblée nationale se concerteront avec l'administration de la caisse d'escompte pour faire ' constater ia vérité des billets et promesses d'assignats àvant leur échange, et pour en assurer 'l'annihilation, après que la décharge eh aura été faite sur les registres de création et contrôle de la caisse d'es-ctimpfe. » r
,;(Cët article est renvoyé au comité des finances.)
, député de Puy-en-Velay, ayant eu le malheur de perdre son père, demande un congé d'un mois.
demande pu congé de gpyizé joçf^,' en qosejryant que q'^sfla brelmëjfe qg^îinqë dçTçg genrp qu'il adresse à l'Assemblée.
, député de Dijon, sofficuê ' À'un mois.
, député du Maine, demande un
congé parce qu'il vient d'apprendre que son épouse est malade et que sa présence devient indispensable pour d'une manufacture importante ; il ne* nxe aucun délai pour son congé ; mais, si son absence devait se prolonger;4 il avertirait son tfùpplj&ant ef prierait l'Assemblée1 nationale d'agiles sa démissionv'
(Ges congés sont accordés.)
, secrétaire, donne lecture du procès-vefbaP'dfelâ séance du vendredi 6 août au matin. Il est adopté.
annonce qty'jj a porté à la s^pptiqp gu roi les qépr(jt§'p}y|i|u3 f
Du 2 août.
« Décret portant qu'il ne sera intenté aucune action pour les écrits pHbliçflj jusqu'à ce jour, sur les affaires publiques, excepté pour le libelle intitulé : j C'en es t fait de no,u$. »
Du 3 août.
« Décret qui enjgigf aij présidial de Garcas-sonne de suivre, sur lès derniers errements de la procédure instruite par le prévôt de ladite ville, Contre les auteU'rg'deTémeute arrivée au village de' Penriautîfr'/'le 16 juillet dernier; charge le îtfé&dëhf d'écrire à la municipalité dg Çarcag1-sonne. f 1 9 'r
Dudit jqyr.
« Décret contenant six articles additionnels au traitement du clerg®âctueL: '
pu 4 août.
« Décret qui ordonne que les optrpjs continueront à être përçûs tels et de la q^ê^e'giamèpe qu'ils l'étaient l'année précèdent^ daP§ le? yi.He? de J^pyoUi Ham, Ghaby et paroisses circonvoi-sines ; enjoint spécialement aux bqqpber§, caba-retiers et autres, d'acquitter lei droits qont il s'agit.
Dudit jour.
qui autorise offidgfs municipaux dp la mie ae' J^lo^tflaepy | émpfûmefm somme fg ijvfeg, à pjjargè de' rembpùr^èr ladite
somi^e stic l§f c^p^ de Jeùrg J^fs; -
Du 5 août.
« P^Cfet portant que les pitqyens actifs de la ville' de' Monléon',' des baîheàûx^ clé Qâfaisott et du ijorti éféronf coù^ôquëfe dfiâhfe lsfdffê " ville ae Monléon poqr y élire une municipalité. r
Dudit joui.
« Décret par lequel le roi est prié de faire pro-noncer par tM conSëil de guerrè"9ûr la 'réclamation du siéûr Jafcqttes-Hënpf Moreton-Ghabril-rarit ' ""rtyi W 'H ■--■'T) ziSÈfêtt
Dudit jour
Décret portant que l'assemblée du département des Laudes se tiendra eu la ville de Mont-de-Marsan.
Dudit jour.
« Décret qui déclare non avenues les procédures criminelles qui s'instruisent dans le département de l'Ille-et-Vilaine, de la Loire-Inférieure et du Morbihan, à l'égard des dégâis et voies de fait commis dans quelques paroisses desdits départements.
Du 6 août.
« Décret contenant des mesures pour le rétablissement de la subordination et de la discipline militaire dans les troupes de ligne.
Du 7 août.
« Décret qui improuve la conduite de ceux des sous-officiers et cavaliers du régiment de royal-Champagne à Hesdin, qui se sont permis les actes d'insubordination les plus déplacés. »
donne ensuite lecture de la note des décrets sanctionnés et de ceux dont 1e roi a ordonné l'exécution.
Suit la teneur de celte note:
« Le roi a donné sa sanction :
« 1° Au décret de l'Assemblée nationale du 28 juillet, qui fixe définitivement à Arras le chef-lieu du département du Pas-de-Calais ;
« 2° Au décret du 29, concernant M. l'abbé Perrotin, dit de Barmont, et les sieurs Eggs, Bonne-Savardin, Trouard, dit de Rioiles, et un autre particulier détenu à Bourgoin ;
« 3° Au décret du même jour, sur l'échange des assignats contre des billets de la caisse d'escompte ou promesses d'assignats;
« 4° Au Décret du 30, qui autorise la municipalité de Paris à faire évacuer le couvent des Capucins de la rue Saint-Honoré,pourêtreemployé aux divers usages relatifs au service de l'Assemblée nationale ;
» 6° Au décret du même jour, portant qu'il sera procédé à l'inventaire des meubles et effets, titres et papiers de l'évèché et du grand chapitre de Strasbourg, et que M. le cardinal de Rohan viendra, dans le délai de quinze jours, prendre sa place dans l'Assemblée, et y rendra compte de sa conduite, s'il y a lieu ;
« 6° Au décret du 31, qui réunit à la municipalité de La Chapelle la partie du faubourg Saint-Denis, connu sous le nom de Faubourg de Gloire ;
« 7° Au décret du 2 de ce mois, qui défend au sieur Le Maître, proclamé maire de la ville de Loudun, d'en prendre le titre et d'en faire les fonctions, et porte qu'il sera procédé à une nouvelle nomination;
« 8° Au décret du 3, pour la poursuite et la punition de tous ceux qui s'opposent, de quelque manière que ce soit, et particulièrement dans le département du Loiret, au payement des dîmes
et des droits de cbamparts ou agriers, et autres droits qui n'ont pas été supprimés sans indemnité, et pour la destruction des marquesd insurrection et ue sédition. »
Sa Majesté a en même temps donné ses ordres pour l'exécutiou :
« 1° Du décret du 21 juillet, concernant les appointements des officiers du régiment des ci-devant gardes-françaises ;
« 2° Du décret du 29, portant qu'il sera sursis à la nomination des emplois militaires;
« 3° Et enfin du décret du 31, concernant les ci-devant états de Cambraisis. »
Signé : Champion de Cicé, Archevêque de Bordeaux. Paris, le 6 août 1790.
, rapporteur du comité des finances, dit : L'Assemblée nationale est tellement préparée à la demande faite par le premier ministre des finances, d'une somme de 40 millions, que je me borne à lui donner lecture du projet de décret, dont voici les termes :
« L'Assemblée nationale, d'après le rapport qui lui a été fait par son comité des finances, tant à la séance du 2 août courant, que le présent jour, du mémoire présenté par le premier ministre des finances, sur les causes qui ont apporté du changement à ses spéculations et à son compte par aperçu, du premier mai, a décrété et décrète que, sur les 95 millions de billets de caisse servant de promesses d'assignats, dont la fabrication a été ordonnée à la séance des 16 et 17 avril, il en sera délivré 40 millions au Trésor public, lesquels seront échangés contre des assignats effectifs, après qu'il aura été pourvu aux échanges ordonnés envers les particuliers. >
(Ce projet de décret est adopté.)
M. Naurissart, rapporteur du comité des finances, a la parole pour un rap port sur la contribution patriotique.
, rapporteur. Messieurs, par son décret du 18 juillet, l'Assemblée nationale charge son comité des finances de lui présenter un projet de décret sur les moyens coactifs qui doivent être mis entre les mains des municipalités pour procurer les déclarations exactes et l'acquittement régulier de la contribution patrioque, et sur ceux qui doivent être indiqués aux directoires de district et de département, pour obliger les municipalités à remplir cette partie de leurs fonctions avec toute la diligence que l'intérêt public exige.
Lorsqu'au mois d'octobre dernier vous avez décrété la contribution patriotique, vous espériez qu'elle pourrait s'effectuer d'une manière purement volontaire; vous ne croyiez pas avoir besoin de recourir à des moyens coactifs pour.décider les citoyens à faire leurs déclarations. Il eût été à désirer pour l'Assemblée nationale que cette con tribution eût toujours conservé ce précieux caractère de liberté, que l'amour de la Révolution et le zèle du bien public eussent également animé le cœur de tous les Français; mais la lenteur avec laquelle se faisaient les déclarations, et les besoins devenant impérieux, l'Assemblée nationale s'est vue forcée de rendre, le 27 mars, sur l'avis de son comité, un décret qui enjoint aux officiers municipaux d'imposer ceux qui, après un certain délai, n'auraient pas fait leurs déclarations.
Votre comité des finances vous avait proposé de décréter que les corps municipaux seraient
tenus de vérifier toutes les déclarations, et de rectifier celles qui leur paraîtraient évidemment infidèles,en indiquant aux contribuables, q i se croiraient surchargés par ce redressement, les moyens de se pourvoir contre ces taxations.
Cet article, Messieurs, vous parut ou trop sévère, ou prématuré ; vous pensiez alors que le patriotisme devait être aiguillonné avant d'employer des voies de rigueur; et, en conséquence, vous donnâtes, à ceux qui avaient fait des déclarations trop faibles, la liberté d'en faire de nouvelles.
Ce sentiment a effectivement agi sur quelques individus ; maiscen'est pas le plus grand nombre : l'intérêt personnel a parlé avec plus de force que les besoins de la patrie; l'égoïsme a déçu votre attente, et contrarié la modération de votre décret.
Dans cette position alarmante, quels moyens peut encore vous proposer votre comité?
L'expérience a prouvé que vous ne devez rien espérer de la générosité des mauvais citoyens.
La classe la plus riche est, en partie, celte qui s'est le plus ménagée, quoiqu'elle n'eût besoin, pour secourir l'Etat, que de prendre sur son superflu ou sur ses réserves; tandis que la classe la moins aisée, consultant moins ses forces que son patriotisme, a épuisé toutes ses ressources et s'est privée même au nécessaire.
Mais écartons de n>us ces réfféxions affligeantes et revenons aux moyens de donner de l'activité aux déclarations et à.la perception de la con'ribution patriotique.
Votre comité pense que, pour élever les déclarations à leur juste valeur, il doit encore vous représenter les articles qui, au 27 mars dernier, vous avaient paru prématurés.
Il vous présentera, en même temps, quelques articles pour obliger les officiers municipaux à surveiller les déclarations et la confection des rôles.
Projet du décret.
L'Assemblée nationale, de l'avis de son comité des finances, décrète ce qui suit :
Art. 1er Les officiers municipaux vérifieront toutes les déclarations qui auront été faites pour la contribution patriotique, à l'effet d'approuver celles qui leur paraîtront conformes à la vérité et de rectifier celles qui leur paraîtront notoirement infidèles : dans le cas où les contribuables auront négligé de faire leur déclaration, les officiers municipaux seront chargés, d'y suppléer par une taxe d'office, qu'ils feront en leur âme et conscience.
Art. 2. Le corps municipal fera signifier, dans le plus court délaipossible, aux parties intéressés, la nouvelle taxation à laquelle elles auront été assujetties.
Art. 3. Tout citoyen qui, dans quinzaine du jour de la signification faite par le corps municipal, ne se sera pas présenté à la municipalité pour y opposer ses moyens de défense, sera censé avoir accepté, sans réclamation, la nouvelle cotisation faite par les officiers municipaux, et cette cotisation sera- mise en recouvrement sur le rôle de la contribution patriotique.
Art. 4. Dans le cas de réclamation, Le directoire du dictrict prendra connaissance de l'affaire, et la renverra dans la huitaine, avec son avis, au directoire du département, qui statuera définitivement.
Art. 5. Les officiers municipaux autorisés, par le décret du 27 mars, à imposer ceux qui, domi-
cilias ou absents du royaume, et jouissant de plus de 400 livres de rente, n'auront pas fait la déclaration prescrite par le décret du 6 octobre, concernant la contribution patriotique, seront tenus de procéder de suite à ladite imnosition, de rectifier les déclarations qui leur paraîtront évidemment infidèles, et >*e terminer l'une et l'autre opération dans le délai de quinze jours, à compter de la publication du présent décret; faute de quoi, les officiers municipaux demeureront responsables du retard qui résulterait dans le recouvrement de ladite contribution, d'après les rôles qui en seront faits d'office par les directoires de district; et à cet effet, les départements veilleront à ee que, dans chaque district, il soit nommé deux commissaires pour achever ladite imposition dans Ie3 municipalités en retard.
Art. 6. Les héritiers de ceux décédés après avoir fait leur déclaration seront tenus de payer aux échéances le montant desdites déclarations, sauf à obtenir décharge ou modération sur la contribution qui était due sur le montant des emplois, places ou pensions dont jouissaient les déclarants, conformément à l'article 2 du décret du 27 mars dernier.
Art. 7. En cas de concurrencé entre les créanciers d'un débiteur et receveur de la contribution patriotique, elle sera payée par suite et avec même privilège que les autres impositions.
Approuvé au comité. vern1er, président; dupont (de btgorre), gauthier, l'abbé de Longpré, secrétaires.
La contribution est intitulée : volontaire et patriotique.
Par ce décret vous livrez les citoyens à la plus déplorable inquisition, et vous augmentez encore ia fermentation.
Ce projet me paraît renfermer une vice radical ; je vous l'ai déjà dit, et mes réflexions ont paru faire quelque impression. Il est impossible de fixer la contribution des particuliers; je vous demande comment vous pourrez savoir qu'un particulier, qui va faire sa déclaration dans les Pyrénées, a du bien dans le département du Pas-de-Calais ou dans la province de Normandie. La contribution patriotique sera payée; aucun bon citoyen ne peut s'y soustraire; mais il ne faut pas employer de moyen vexatoire pour les contraindre; il vaudrait encore mieux que l'Etat fût privé de ce secours. Je demande la question préalable sur le projet de décret, parce qu'il est attentatoire à la liberté.
Il y a des municipalités qui, de concert avec les communautés, ont reçu de fausses déclarations. Je demande donc qu'elles puissent être vérifiées par les directoires de district.
Je connais des particuliers qui, avec 100,000 livres de revenu, ont eu l'effronterie de porter leur déclaration à 5,000 francs.
(ci-devant de Saint-Méry). Pour empêcher qu'il ne se glisse quelquè chose d'arbitraire, je propose (rajouter à la fin de _ l'article 1er : à la charge de motiver cette augmentation.
propose la rédaction suivante du premier article :
« LteS bfficiëfS tiïtfflîipaux' et te conseil gSné-rSN rdèlfefôbtéê, fbràûl un irôle. dé tous les ti-tbyens flHftoggttRrë,1 ffftfff le morftaht de Mrs im-p'craltitln^ tèlStitaffe^.'
^ « fê li^fèift fu^fêj ffé' Jff
â^ÎDarapâ; fêt qtîèiHS il lëur jbai^aît^ïî ë^iaëW-menïlnfi^'re-ifs f fèro'nt' tmë auffflèhtâtfàri, ê'fl y jô1|n$inr îés ÔlraèHâtiofll flti'fï aurit tofû'tiVèé^ lé$ roTès luM bf-éûârëk 'àfe'HJnt jffldSeS, feoSSm ËtiitàineV | la. mjnroâ côffimù'nê, çm baiqm zfsé Bodfra en pf^tfafë conndrsssmce et rdéfii-ë en marge sèf bbsè'mtîdn^.',
tLe éçijsèj^ général mùni^p|Ii^ merf
rpnt, ïè|. rg$est etJÈêJj ^MtlIWjrfe^^F^liR^lK nouve^ii,sijir;tijlijtgue^àri^Gl^,(ecç. rôle sera ypyé.àu jjirpctpjre ae (jhsthct pour servir 4 jïï§er toufes ^ refilâmti^qsP » . n ,,.... . tLfl^jfeÏPlÈ est .açcoraéâ a l'avis au èômifê. Quelques amendements sont adoptés.)
Je, cherche véhément dans ïç çécç^Ujhe d^psijjqn iPftjiÇ tejir les officiers municipaux. Vous savez que plusieurs ont fait.des poursuije^.aveç,bucoqp( de v\gi-l4flce».mâi^ qjie lë^ç^i^s'^t évanoui lorsqu'ils ont eu aie taxer eux-mêmes.
consulté l'À^ëmbfée, qui fercpe la discussion et décrets î'âRicWi® ën ces tëf-mtes.:
« Art. 1**: fië cBftééîl gèriêfal dè la btithmune vérifiera toutes les déclarations qui auront été faites pbiir là cdrttTiButidn prçtfMiqfle,. â. l'effet d'approuver celles ijdi set'odt notoirémnt liïfidèles,
n Dans^ le cas où. les contribuables auront négligé de faire leur déclaration^ le eonseil général de la commune serachargé d'y suppléer nar une taxe d'dfttcë; ëfl'il fèfi et! Sod ftttfê 6t cbBscietice, ét 11 Sërâ tenu de dpbUëf sommairement les motifs des augmentations qu'il prùrioncëra.
« Lës dirëttdlrfeèdë district Vérifieront lës déclarations dës membres 3(1 Conseil général de la cbtlitiiUilë^ét sërotit ëttdftflt dë vérifier ët fëfc-tifiër lëâ déclarations d'Uûe Commune entièrë, s'il y a iiëtt. (La diScliésiOti est dUfeftë shi* l'article 2.)
Je crois qtt'SU lieu dë ftUW signifier ia tà&atibd au* pahiës intéressée^ il S'éralt préférable dë fairé dëpeâërj pendant iikltaitië; le rôlb dë la contribution ad greffé dë 18 mlinlbipantë:
(On demande et l'Assemblée prononce là question préalable sur cet amendement.)
(ci^aé^ant ae fanl-itéry) propose de .subât|tiiër l'avértissement a la signification de la taxation.
Cet amendement est adopté; en conséquence, l'article 2. est décrété en Ces termes : j . « Art. 2; Le corps municipal fera, donner, un avertissement; dans le plus court délai possible, aux parties intéressées, de la nouvelle taxation 3 laquelle ëllés aùrorit été assujetties. «
, rAppor'tèur, relit l'Article 3.
Je demande que les absents soient exceptés des dispositions de cet ar-tléiet
(de Bigorre). Ce serait renoncer à
une partie importante de la ressource que doit produire le décret.
- L'amendement est rèjeté par la àueStion préalable, et l'article 3 passe comme il suit : j . « Art. 3: Tout citoyen qui,' dans quinzaine du jour de l'avertissetaent envoyé par le corps mu-r nicipal, rië se sera pas présenté à 1a municipalité pour y opposer ses moyens de défensë) sera censé avoir accepté, Sans réclamation, la nouvelle cotisation faite par le conseil général, ët eètte cotisation sera mise èn recouvrement sur le rôle de la cotisation patriotique. »
L'article 4 est décrété ën ces termes :
« Art; 4. Dans le câfe dè réclamation^ le directoire du district prendra connaissance de l'affaire et la renverra, dans huitaine, avec 3on avis; au directoire du département, qui stat&era définitivement: »
, rapporteur; lit l'article 5.
Je vous propose d'accorder à toutes lés muriicipalités un délai d'un mois pour tettllinéf les opérations prescrites par l'article 5: Ën matière d'impôts, ld précipitation ne vaut ried ët fl'ëflgéfldre quë dës mécomptes.
(Cet amendement est rejeté:)
Je propose un nouvel amendement: c'est d'acëdfdefr le délai d'an.moid adx manici-palitésdes villes dont la population est au-dessus de 20;000 âmes.
Oet atflèfldetilënt èst adopté; il est fbndu dans l'articlë 9 qui ést décrété en cës terdies :
« Art. 5. Les officiers municipaux autorisés par le décret du 2T mai-^ a imposer ceux quu domi-ciliés oU absents dû royaume; et jouissant de plus 400 livrés dè feténil nëty n'auront paé fait la déclaration prescrite par le décret du 6 octdbhèj concernant la contribution patriotique, seront tenus de procède!? de Suitë à ladite imposition; et le conseil général de la commune sera tenu de rectifier les dêclaf-atibns notdirement infidèles dans le délai de quinze jours dans les villes et lieux dont la population n'excédé pas 20,000 âmes, et; dans lë thdis. dans, les villefe dont la population est dë plus de 20,000 ârnes, à compter dë la publication du présent décret*, faute de quoi ils demeurerdht responsables dil retard qui résulterait dans le recouvrement dë ladite cohtribu-Bution, d'après les rôleé qui Ôn seront faits d'office par le^ directoirës de district; ët, à cet effeti les départements veillefôiit à cë que, dads chaque district, il soit nommé deux commissaires pour achever ladite imposition dans les municipalités en retard: »
L'article 6 est lu> mis aux voix et décrété danâ les termes suivants :
« Art. 6; Les hëritlëfs des persbnnes décédéfes, après avoir fait leur dëclarètibn; sërdht tenuè de payer; aux échéances, lé ttiontànt desdites déclaration^ sauf à obtenir déchargé ou modération sur la contribution qdi était due sur le montant des emplois» places ou pensions dbnt jouissaiëut les déclarants, conformément a l'articlë 2 du décret du 27 mars dernier; s
L'artlfeië 7 et dërnlëf' ëët Sbumis à la discussion:
prUpeSë tlë rëStrteittdre lëê dlr-positions de cet article aux dettes contractées après 1k dëclftratfôtt xié 1& cttdtHbultoil patriotique. Htt iriipôt né peut être privilégié qu'à partit' dît jour où il a été légalement créé.
Cet amendement n'est pas adopté, et l'article 7 est admis ainsi qu'il suit :
«l Art.- 7. Etï eâtfdefedffcirrrencè enfrelef fcréân-ciérS d'Un débiteur et le receveur dé lafcôntrrbu-trôri pdtridtrqiïé, elle sëra payée par suite et avec mêrilë prfvilègë que fésf- autres impositions. * (La sëàncë èst levée à trois Heures et demiëv)
Séance du
Là sëafteë est Ouverte â 9 heures du matin:
, sëbré faite, donne lecture du procès-vëffral éë lâ séàncë d'hier. Il est atddptê:
, (de Sttint-Jedft d'AngéhS:) Vous âVéz ehfeudff parler des1 troubles sUrveiïiïS dans pltisiéBfs tïMageS sitUês àu± environs de" FOU-teriây-le-COfùlë, danâ Un moment de disette de gHtins; je demande que la sëirtenéë rendue & la , requête du grand prévôt par le tribethal dë cette ville,1 goit regaf-dée comme non avenue; l'affaire n'étant pas dë sbu Ressort, et tja'ëlle soit renvoyée' pstf-dèiairt les j n gels dë Saint-Jean-d'Ahgély.
(de Toilrs). L'Assëffltrléé hé peut dessaisir légèrement dës jugea qui ont com-mëncé l'inStrufcêidn d'tiflë affaire.' Je demande le renvoi. au comité des rapports, afin! qu'il en rende ebmpte à là première séance du soir.
(Cette motion est adoptée.)
Dans un des procês-vétàaux remis au feomitê des rapports, rëlativemefli à l'in-surrection qui. a eu lieu dans lë Clermontais, il est dit qu'uu officier du rêgiineut dë Gondë avait anflohcé â Steuai que les Adtriehrëns étaient prêts à entrer en France ; ce qui a fait rassembler autodr de dette ville près de 30,000 gardes nationaux des environs; J'ai appris hier,= par un coUrHer èxtrabrdinairè, que les Cataiief-s en garnison dans cette ville, ayahè interrogé un offi-cierichasseur sur ces hruits; il leur répondit que celaétait vrai; qu'ils entreraient et puniraient tous ceux qui ne seraiënt pas [four le roi. Oettë nouvelle répandit de 1& fermentation, et roflîcièr a été obligé de prendre la fuite; Le courrier atteud la décision de l'Assemblée i
Il est d'autant plus in?tant de S'occuper de cette affaire^ qu'il paraît qfet'on travaille dë toute part l'arthée; et qu'oft iasihue aux soldats dë renvoyer lëHrs officiels. La garnison de Bitche est sortie, de la ville tambour battëflt, a déposé ses officiers et est rentrée dans la iiiie le siibrè à là main. Je persiste â demander Ç|tlë . rAssethbléë s'occupe inçëssauitnèrit de ces bbjëté.
(Cette affaire est renvoyée au cbmité ëes recherches:)
, Il a été remis au comité des rapports un paquet,venant d'Allemagne,.et,-arrêté par la
municipalité de Saint-Aubin, qui l'a dé-
Un des iùembi'es du comité des recherches m'a instruit que deux commissaires nnt été chargés de remettre cette lettre à M. de Montmorin ; ils en rendront compte à l'Assemblée.
, secrétaire,lit-une lettre des habitants, de l'île Bourbon qui demandent une représentation particulière et des représentants à l'Assemblée nationale.
(Cette lettre est renvoyée au comité colonial.)
Les Habitants des provinces qtii composent aujourd'hui le département du. Nord, ont fait creuser à grands frais des canaux dé communication^ pour se procurer une navigation intérieure libre et facile. Cependant les intendants, qui on.t successivement administré ces provinces, ont rçit acfcb'rdef, par dès ârféftè du Conseil, aux bàtèliërs dé Condëjè priviiégë ëiclusif dë' transporter le charbon tiré dë toutes tes mineS quelconques dii Hainâut, ët aux bêlândrier's de Ddn-kerqùë, qelùi d'èxp'bHër aé bette ville toutes les marë^u,dises tyui ârHtférit dart^ son port : àirt^i les bateliers des deuxextfémitês du départetiieift ont ji çùx seulâ la joiiissâ^c^ ëlcfiisiVè dë toutes les ri^ièrës.ef canaux,, dont 1'eritrétieu est cependant Jt là cliai'gje de tous les habitants. Vous de souffrirez pas p'tùs longtemps uri abus aussi révoltant ët aussi bontrâire âui intérêts dii ëtiiû-mèrée. Déjà vous avez prpnb'ïiCé qiiè lés ritièrès et canàux étaient âiissi licres lés grahdà ënë-mins. Je demande donc que celte affaire soit red-voyêë i votre cbthité d'agriculture et de commence, poiif être itiise ioUs Vos ^ëtlx datiS huitaine. ** (Cyttë pf-opositidii est âddptée.)
, ministre de ld gUerrë,-écrit tjtfë, d'après de M. Néfckër, la délivrance des fondâ aëê intâlidëS ^ëètés âu Tfêsbr royal tiè' pëht sfe fàke dttë d'âprës l'oplnién du dOtnitê de liquidation. Lé ministre demande ^ùtë le comité veuille bièri s'bdëUtlër tfë l'exartien dè l'arrière appartenant aux invalides et des moyens de pourvoir aux besoins actdels de cet établissement. VJ . (Cette lettre est renvoyée au Gomité de liquidation.)
, député de la Moselle, demande un congé de 15 jours pour vaquer à des atfàires très importantes qui l'appellent à Sarrelouis.
(Le Congé est accordée)
Dans la séance du M juillet, j'ai euj'honneur de vous donner, lecture d'un projet d'instruction pour, les-corps administratifs. Le projet vient de vous être distribué et je prie les membres de l'Assemblée qui auraient des observations à présenter, de vouloir bien les adres-
ser au comité, afin qu'il en soit tenu compte dans la rédaction définitive que nous vous soumettrons avant peu. (Voyez ce projet d'instruction annexé à la séance de cejour, p. 675.)
L'ordre du jour est maintenant la suite de la discussion du projet de décret sur Vorganisation du pouvoir judiciaire.
L'Assemblée avait ajourné le titre VII, concernant le ministère public. La discussion va s'ouvrir de nouveau sur cet objet.
Je propose de poser ainsi la question : Comment seront exercées les accusations publiques?
11 vaudrait mieux poser la question en ces termes : Par qui les poursuites des délits publics seront-elles intentées et dirigées ?
Il me semble qu'il faut laisser aux orateurs Ja faculté de traiter la question d'une manière plus générale.
Messieurs, je commence d'abord par m'élever contre la qualification odieuse du commissaire du roi, donnée aux procureurs du roi. Pourquoi ne pas leur conserver une appellation, qui de tout temps, a été ia leur et qu'ils continueront certainement à honorer, comme l'ont fait leurs devanciers ?
Les partisans des actions populaires conviennent que Je corps social étant blessé seul dans les crimes publics, c'est à lui seul qu'en appartient la poursuite et la vengeance. Cette objection aurait une grande force si l'on pouvait concevoir le roi existant hors du corps social et étranger en quelque sorte à ce qui intéresse sa sûreté. Je conviens cependant qu'un des grands inconvénients pour la liberté serait de laisser, à la seule volonté des officiers du ministère public, le fond de l'accusation publique, si l'on conservait une ordonnance criminelle aussi barbare que celle de 1670; mais l'institution des jurés nous rassure sur le danger de donner ce pouvoir aux ofliciers du roi.
Quant à la négligence de la poursuite des crimes, qui compromettrait la tranquillité des citoyens, vous pouvez rendre ce danger moins grand en ordonnant que, si le procureur du roi retardait ou négligeait ia poursuite des crimes, chaque citoyen aura ie droit de dénoncer et de stimuler les officiers du ministère public.
(L'orateur, après avoir examiné ia question sous divers points de vue, termine en proposant les dispositions suivantes)':
Art. 1er. Il y aura en chaque tribunal de district un procureur du roi chargé des fonctions du ministère public.
Art. 2. Le procureur du roi sera entendu dans toutes les causes des mineurs, des interdits, des femmes mariées et dans celles où les propriétés et droits, soit de la nation, soit d'une commune, seront intéressés; il sera, en outre, chargé de veiller pour les absents indéfendus.
Art. 3. Il pourra intenter de son chef toutes accusations pour crimes auxquels il écherra peine capitlae ou afflictive, ou qui auront troublé directement l'ordre public; mais il sera pourvu, par les lois qui seront rédigées sur la procédure criminelle, à ce que, par la négligence ou l'inaction du procureur du roi, aucun crime dont l'ordre
public exigera la punition, ne demeure sans poursuites.
(ci-devant de Roquefort). Le corps social, blessé par l'impunité des crimes, vous demande un homme chargé d'en poursuivre la vengeance et d'en découvrir les preuves. Cet homme doit-il être l'homme du peuple ou l'homme du roi ? Ge doit être l'homme du peuple, parce que l'accusation publique est le droit le plus sacré, et que, d'après tous les principes, il émane des droits du peuple, qui dès lors a incontestablement le pouvoir d'en déléguer l'exercice. Pour démontrer cette vérité, il suffit d'invoquer les maximes consacrées à la nature, dictées par l'humanité et adoptées par les lois de tous les peuples. Le droit naturel investit de la poursuite des crimes l'offensé ou la famille de l'offensé... Cependant, si l'offensé néglige de poursuivre son injure, le crime ne doit pas pour cela rester impuni; c'est cette considération importante qui a fait créer le magistrat chargé de veiller à la punition des méchants. Il le fut d'abord par le peuple; c'est donc le peuple qui doit l'instituer encore aujourd'hui ; c'est donc au nom du peuple, et non à celui du roi, qu'il doit exercer son ministère... Le mode que votre comité de Constitution vous propose, n'est donc qu'un retour à cette institution première que la Constitution que vous donnez à l'E m-pire français ne vous permet pas d'abandonner Il est clair que ce n'était que par la confusion de tous les pouvoirs et de tous les droits nationaux, que le roi exerçait autrefois, que f'accusation publique lui était dévolue. Aujourd'hui que l'on connaît la source et la distinction des pouvoirs, il m'est démontré que l'accusation publique appartient au peuple, et qu'il a seul le droit d'en déléguer l'exercice... Je conclus à l'adoption des articles proposés par votre comité de Constitution.
, député de Maine-et-Loire (1). Messieurs, la question qui vous occupe a cela de commun avec toutes les grandes questions que vous avez agitées jusqu'à cejour, qu'elle renferme un assez grand nombre de questions secondaires, qui d'abord semblent devoir compliquer et embarrasser la discussion.
Si cependant on réfléchissait qu'il s'agit uniquement de porter ici une loi générale, et que presque tout le reste appartient à des détails et à des formes de procédure criminelle, également applicables à tous les systèmes, et dont il est possible de différer l'examen, peut-être simplifierait-on beaucoup l'objet actuel de notre travail. C'est du moins la marche que je me suis prescrite à moi-même, convaincu, d'ailleurs, que ia question, ainsi limitée, ouvrait encore un assez vaste champ à nos méditations.
Une autre pensée, Messieurs, m'a dirigé dans mes recherches. J'ai cru que cette cause, qui
est véritablement la cause de l'honneur, de la vie et de tous les droits du citoyen, devait
être discutée devant vous, non d'après des lois mobiles et de gothiques usages, mais d'après
Jes règles immuables et de la nature et de la raison; et qu'enfin, ce n'était pas surtout dans
cette circonstance solennelle qu'il convenait de faire revivre, au milieu de l'Assemblée
nationale, ces jurisconsultes des temps passés, qui, ne voyant et ne
Je me propose donc d'examiner avec vous, Messieurs, à qui il convient de déléguer chez nous le droit d'accusation, c'est-à-dire, dans le sens le plus étendu, le droit d'imputer publiquement un crime à un citoyen, pour que la société en poursuive contre lui la vengeance d'après les lois établies.
Or, pour obtenir la solution de ce problème, il me semble qu'il convient de rechercher, avant toutes choses, quelle est l'origine de ce droit, quel en est l'objet, quels en doivent être les caractères, et à qui l'exercice en a été primitivement conféré, d'après les principes naturels de toute association politique.
Si nous parvenons à répandre quelque jour sur ces points préliminaires et fondamentaux, il me semble que nous avons, dès lors, d'assez grandes facilités, pour trouver le principe que nous cherchons à consacrer aujourd'hui.
L'oriïine du droit d'accusation se trouve dans le contrat social même, dont il forme une des bases les plus essentielles. En vertu de ce contrat, des hommes ont mis en commun leurs forces et leurs volontés, pour garantir à chacun la plus grande aisance, les plus grandes sûretés, le plus grand bonheur possible.
Mais, comme toute infraction à la loi jurée, blesse à la fois chaque individu, et met en péril la société entière, chacun de ses membres a un intérêt égal à ce que l'ordre public soit constamment maintenu, à ce que la loi soit religieusement respectée, et à ce qu'une terreur salutaire et sans cesse menaçante rende les délits presque impossibles. Ainsi, tous les citoyens sont nécessairement des surveillants respectifs, les uns à l'égard des autres, et la liberté des accusatious est, dans son origine, un véritable droit de cité, qui appartient également à chacun des individus qu'elle renferme.
Mais par une conséquence toute aussi évidente du pacte social, il ne faut pas que l'exercice de ce droit puisse contrarier jamais le but de son institution ; il ne faut pas que, sous prétexte de protéger-les sûretés individuelle et publique, il serve à les ruiner toutes deux; il ne faut pas que, sur de frivoles indices, un citoyen puisse traîner impunément un citoyen dans ies fers. Les hommes, en se réunissant, n'ont pas entendu que leur repos pût être troublé à si peu de frais. La combinaison de l'usage de ce droit doit donc être telle qu il épouvante a la fois et le calomniateur et l'accusé coupable, en sorte que, d'une part, la liberté des accusations rende difficiles le secret et l'impunité du crime, etque,de l'autre, la peine soit toujours prête à fondre sur celui qui aurait hasardé une accusation calomnieuse.
Et ne pensez pas, Messieurs, que je vous entretienne ici d'une vaine théorie. Je la vois pratiquée avec succès chez ces peuples antiques, qui, plus près que nous du berceau des sociétés, conservaient encore, dans leurs institutions, les premiers errements de la nature. Tous considéraient la liberté des accusations comme une prérogative, ou plutôt comme un droit inhérent à la qualité de citoyen.
Il serait trop fastidieux de vous étaler ici ce qui se pratiquait à cet égard chez les Hébreux, en Egypte et dans la Grèce. Mais je dois tixer un instant vos regards sur la jurisprudence des ac-
cusations publiques chez un peuple sage, de toute la sagesse réunie des nations les plus éclairées, et je m'appuierai principalement, dans ce rapide examen, des recherches d'un auteur très récent, d'un de ces hommes rares qui ont écrit sur la législation avec sens et philosophie. Je parle de l'illustre cavaliere Filangieri (1).
A Rome, et dans les beaux jours de la République, tout citoyen avait la liberté d'intenter une accusation contre un autre citoyen ; et l'exercice de ce droit y fut si heureusement conçu, que l'innocence n'eut jamais à s'en effrayer. Outre que l'accusation était publique et connue de l'accusé dans ses moindres détails, l'accusateur ne pouvait plus la retirer avant l'intervention du jugement. C'était à lui seul de prouver le délit, et de l'insuffisance de sa preuve résultait la justification de l'accusé. L'absolution de celui-ci entraînait donc ordinairement la perte de l'autre; et lorsque le préteur avait prononcé la formule terrible qui déclarait l'accusation calomnieuse, l'accusateur, par cela seul, était frappé d'infamie, et subissait la même peine qui attendait l'accusé, s'il avait été reconnu coupable.
Ces précautions ne satisfirent pas les législateurs romains, et ils s'avisèrent d'un dernier expédient qui rendit presque impossibles les succès de la mauvaise foi. La loi autorisa l'accusé à placer un gardien auprès de son accusateur. Ce gardien devait épier toutes ses démarches, et tous les moyens dont il se servait pour soutenir son accusation. Soit qu'il conférât avec les juges, soit qu'il entretînt les témoins, le gardien voyait tout, entendait tout. Telle était, dit Plutarque, l'assiduité de cette infatigable sentinelle, que l'accusateur ne pouvait avoir de pensée si secrète qu'elle ne fût saisie et dévoilée.
L'objet de ces lois était de punir la calomnie ; mais un grand nombre d'autres étaient destinées à la prévenir.
Les unes étaient à une certaine classe de gens le droit d'accusation, et plaçaient, hors de ses atteintes, une autre classe de personnes. D'autres déconcertaient les collusions frauduleuses entre les accusés et les accusateurs; celles-ci prescrivaient des formules courtes, précises et rigoureusement invariables dans ces sortes d'actions.
Enfin, Messieurs, il est impossible d'étudier cette belle partie de la législation romaine, sans admirer avec quel respect ce peuple sut conserver à chaque citoyen son droit naturel d'accuser, et avec quelle prudence consommée il en sut diriger l'exercice vers le plus grand bien de la chose publique.
Et qui le croirait, Messieurs? les barbares du huitième siècle étaient moins étrangers que nous à ces sublimes instnutions. En feuilletint leurs codes de lois et nos Gapitulaires, on rencontre de nombreux vestiges qui attestent et que la liberté des accusations publiques était le droit et le devoir de chaque citoyen, et que les précautions avaient été multipliées contre les manœuvres de la calomnié.
Je ne m'arrêterai point à soulever ce voile de ténèbres, qui couvre les temps postérieurs à
Charlemagne, pour rechercher comment et par quel triste concours de superstitions et de
despotisme les Français ont perdu l'exercice de ce droit, et comment il se trouve aujourd'hui
exclusivement concentré dans notre ministère public.
Or, trois questions se présentent ici qu'il faut rapidement discuter.
La liberté des accusations est-elle compatible avec la forme d'un gouvernement monarchique?
Première question. . i; c ,,Si cette liberté est compatible avec l,a forme d'un gouvernement monarchique peUt-eile s'allier à nos mœurs actuelles?
Deuxième question ,
Si nos moeurs,actuelles .répugnent à çette alliance, à qui de l'homme du roi, ou de l'homme du peuple, l'exercice de ce droit doit-il être confié?
Troisième question. t,
La liberté des accusations est-elle compatible avec la forme d'un gouvernement monarchique?
Dès ,1e premier pas, je me, vo.is arrêté p^r une autorité bien imposante, celle de Montesquieu.
Vous savez qu'il enseigne (i\ que, la liberté des accusations est utile dans, une République et pernicieuse dans une monarchie, parce,que* dit-il* dans la première* chaque citoyen doit avoir pour.le bien public un zèle sans bornes, et est censé tenir tous les droits de la, patrie dans ses mains, et que* .dans la monà^hie* on pourrait abuser dë ce droit popr favoriser les projets et les caprices du prinçe. Ët c'est pour avoir suivi sous jes empereurs,les,.maximes 4e la République, que Rome, selon lui* sp. vjt infestée d'une troupe de dél^teur,s,. Il part de là pour faire un grand éloge de.la loi qui,,confie la poursuije des crimes à un officier public, et c'est par cette loi qu'il trouve que les fonctions des délateurs sont anéanties parmi nous.
, Messieurs* pour apprécier les principès de Montesquieu sur cette matière, souffrez que, je traduise ici. quelques .passages remarquables de l'auteur italien ,que j'ai déjà cité.
Si la liberté d'accuser emportait la facilité de calomnier, la loi ne pourrait, ni dans une monarchie, ni dans une République, donner ce droit barbare à un citoyen. Les conséquences en seraient également mortelles pour tous les gouvernements : Rome libre et Rome èsclave auraient été également victimes d'un abus destructif de tout repos et de toiite liberté. ...
Lors donc que l'on pairie de la liberté d'accuser, on la suppose toujours combinée avec là plus grande difficulté de calomnier impunément; et, dans ce cas, je ne vois plus comment elle pourrait être utile dans une République et pernicieuse dans une mbnarchie. Il ne faut pas confondre la monarchie et le despotisme. Dans une monarchie, la loi existe, la loi est connue, la loi s'exécute. Si donc la liberté d'accuser y est réglée d'après des lois sages et précises, le juge doit les suivre, ou il prévarique ; le prince doit en protéger i'exécution, ou il renverse la constitution de l'Etat et met son trône ,en péril.
Èt l'histoire de Rome même dépose contre les principes de Montesquieu! Quand Sylla, Auguste,
Tibère* Çaligula et les autres, tyrans voulurent trouver des délateurs dans Rome, il fallut
suspendre la rigueur des lois contre les accusateurs
Mais, dë bonne foi; peut-on valablement argumenter d'un si féroce despotisme à une monarchie régulière ? Et si, sous le gouvernement d'un seul, la liberté d'accuser tlèvait èntraîner de Si funestes conséquences* pourquoi ne les produisit-elle pas dans les temps postérieurs, sous cette même forme de goUverhement et dans Rortieelle-mêfne? Après que Titus et Nerva eurent tiré de leur sommeil les lois contre les calomniaieurs, et sous la monarchie terifpérée des Trâjân* des Adrien; des Ahtbnins, la liberté d'accuser,1 combinée derechef avéfc le danger de càlomtfier, në Cès?a-t-ellé pas d'être pernicieuse ? Ne devint-elle pas plutôt aussi salutaire et aussi protectrice cftf'elle l'avait été jadis dans les beaux jours de la vertu républicaine?
Non, tant qu'il y aura une loi au-dessus du princëj là libëfté de§ actiuàdtlons tfê sera d'aucun danger pdlii1 l'ihno'berfcë.
En supposant tpdtefb'iê que. fce dâriger éxiàtât, çë serait peut-être je m'oinent d'elâminer si cette partie publique, tëïle que Mohtës'qttieu ta voyait, et si vantée par lui,,n'offre pas etl effet ut| remède pire qUë lë ibàl. Mais comihp. Cet objet rentre dans le dëvëlbppëqîièrit de la troisième question, je différéJusque-la de. voùÊS ëiï èritretë'nir, ët je doiè aupairaVâHt votls ëxplitjueï, en pë(i dè mots, ma pênséësdr la lioërté des âcëusàtiotts considérées relativement à nos mœurs actuelles.
Pour quiconque aime a réfléchir sur les ^gouvernements des anciens peuples, il pst difficile qu'il ne se sente pas transporté souvent du vif désir de voir,naturaliser dans sa patrie quelques-unes de ces belles institutions qui les honoraient. Mais presque toujours aussi, lorsqu'à ce premier mouvement si naiurel et si louable, on iait succéder une plus sérieuse attention, l'on découvre avec chagrin que la plupart de ces lois célèbres sont devenues impraticables et .dangereuses clans leur application. En général* l'état de vénalité, de corruption et de servitude infeste trop profondément, presque toutes les nations de l'Europe, pour qu'elles ne restent pas accablées sous le poids de ces institutions chastes, et vigoureuses que porta si fièrement la virilité des anciens peuples dé la Grèce et de l'Italie. Et pour ne pas perdre de vue notre objet, qui est la liberté des accusations, j'avoue avec douleur que n,ousi sommes indignes d'exercer ce premier droit du citoyen. Nous touchons de trop près encore à, ces déplorables jouri, auxquels l'égoïsme avàit changé la société dans une solitude affreuse, où chacun ne voyait que sa famille, dans l'État, et que soi dans sa famille, pour qu'il puisse être sage de confier â chacun cette inspection mutuelle, cette censure active et inflexible, qui exige tout le, désintéressement, toute l'énergie, toute l'intrépidité de la vertu. Car, l'austère Romain qui traduisait un accueé âù forum, n'y déployait pas contre lui inoins de cou-?
rage qu'il n'en avait montré sur, le champ de bataille* contre les ennemis, de,la République.
Et d'ailleurs, le peuple, toujours si avide des nouveautés, et que les nouveautés fatiguent si promptement, serait incapable encore d'apprécier l'importance et les charges du droit que vous lui auriez rendu; L'exercice seul de ce droit l'épouvanterait, et vous le verriez presque nul entre ses mains. Que dis-je? Douteriez-vous que trop souvent les coupables ne marchandassent le silence de ceux qui pourraient se rendre leurs accusateurs, et que ceux-ci ne le leur vendissent à vil prix? Tant nos cœurs peuvent dégénérer, je ne dis pas; de la liberté, mais de la servitude même! Enfin, Messieurs, mon premier et mon dernier mot sur cet article, est que nos ,mœurs actuelles sont trop mauvaises pour une si bonne loi.
Mais; si le peuple ne peut exercer aujourd'hui par lui-même le droit d'accusation publique, à qui donc le déléguerez-vous en son nom ?
J'àUrais bien mal rempli la tâche que je m'étais* imposée, Messieurs; si tobt be que j'ai dit jusqu'à ce moment n'avait pas concouru à résoudre cette dernière question.
Mais en établlssaht qnë là libeRë d'âcbuàer ëët l'inaliénable propriété dë ëhâdiie citoten qui à droit, et qili itiêràé, darià.iln bon Ordre de Cndsë. ët dané toiitë ëspèce dë gbiivefnemènt, à intérêt dé l'exercer par lui-même, j'ai prouvé, cë me semblé, que le droit d'açcuâatioU publique ne fait, pas, ët rte petit pas faire partie des fonctions de la fiuissahce exécutriCë.
En établissant ensuite que les circonstance! particulières de nos mœurs rte permettaient pas à chaque citoyen de retenir sans péril l'exercice de ce droit, j'ai encore prouvé, ce me semble, qu'il est du moins poUr lui d'une souvëràinè importance ae déléguer cet exercice, en telle sorte qu'il opère ie plus grand bien de tous et de chacun.
Si donc vous entendez que tes. commissaires du roi continueront de remplir cette grande fonction, il faut, dans un moment où vous divisez et reconstituez tous les pouvoirs, que vous commenciez par porter une loi équivalente à celle-ci :
« Nous, Français, après nops être dessaisis dè notre droit naturel d'accuser, le déléguons au roi, pour qd'il le fasse exercer en son nom; »
Et voyez que d'inconséquences et de dangers dans ce peu de mots!
D'abord, vous violez ce principe si bien saisi par M. Thouret, et d'où résulte, dans une grande monarfchié; le véritable contre-poids du pouvoir exécutif, et la sauvegarde de toutes les libertés. Ge principe qui veut que, dans l'exercice de ses délégations, le peuple n'abandonne pas à son reT présehtant héréditaire ce qu'il peut confier à des représentais de son choix.
Voyez ensuite sortir de là cè qui nàîtra toujours d'une violation de principes, de graves inconvénients et des maux réels. Non seulement le citoyen aura peMu sort droit naturel d'accuser; mais quelquefois il ne connaîtra pas même celui qui l'exerce en son nom, mais pfrésque toujours son choix serait tombé sur un autre, mais sou-veht; peut-être, cet irrégulier représentant n'inspirera pas cette confiance sans bornes, laquelle est pourtant le premier besoin d'une si haute fonction. Je ne veux point, à ce sujet, recueillir les divers reproches adressés jusqu'à ce jour à notre ministère public. Ge tableau, peu ttatteurj a été tracé par un docte jurisconsulte alle-
mand (1), qui a considéré les gens du roi principalement sous le point de vue d'accusateurs publics. Et si quelques partisans de l'ancienne robe me contestaient les assertions.de cet écrivain, je les renverrais à une autorité qui leur fut longtemps chère, respectable et utile, à l'auteur des Maximes du droit public français (2), qui a extrait et fortifié de ses remarques le livre dont je parle.
Quant à moi, Messieurs, je me bornerai à dire qu'il y a toute raison d'appréhender qu'un homme, nommé par le prince, qui tient son état du prineei qui attend du prince seul l'amélioration de son existence, qui a des relations habituelles avec ses agents, qui, à raison de ce contagieux concours, sera plus facilement animé que tout autre par ces deux grands mobiles des actions humaines, l'ambition et l'intérêt; il y a, vous dis-je, toute ràison d'appréhender qu'un tel personnage ne soit plutôt l'homme de la. cour et du ministre que l'homme du peuple et du citoyen.
Si ces conjectures ne sont pas de vaines terreurs, que deviendraient cependant et la liberté de chacun, et la sûreté de tous; et ia vengeance des crimes, et le maintien de l'ordre, et toutes les lois constitutionnelles? Encore une fois, Messieurs, lions-nous étroitement aux principes, et ne quittons jamais cette planche, qui seule peut nous faire entrer dans le port.
Tout citoyen, parla force de l'acte qui l'ainvesti de ce titre* jouit du droit d'accuser.
Donc, qnand il ne veut pas exercer par lui-même cette fonction, il importe à son repos de connaître celui qui l'exerce pour lui.
Donc, lui seul peut et doit nommer son représentant pour cette partie.
Donc, il faut apporter une modification à l'article même de votre comité.
En effet, qu'il me soit permis de le dire en pas-santi je ne vois pas pourquoi le comité place des intermédiaires électeurs, entre lé citoyen et lé juge qui doit faire pour le citoyen la charge d'accusateur public. Tous les jugeSj.il est Vrai; seront également le choix du peuple. Mais, il n'est pas moins évident que* par ce mode d'élection, ceilë de l'accusateur public ne sera plus le fruit immédiat de la confiance du peuple, et qu'il est possible que les juges ne choisissent pas toujours entre eux celui que ses suffrages auraient préféré. Je croirai donc utile et conforme à vos maximes de vous proposer de décréter que dans les tribunaux où il n'y aura qu'un prési-dent, et dans ceux où il y aura deux chambres, lë second ët lé troisième jUgés élus par le pëuble êehoiit, par cela sëtfl, aëëigdës [jour Vaqlier aui accusations criminelles.
Alors, MessiëuhS, vous! avefc fait; pdûr chaque citoyëh, ce qu'il était en droit d'exiger de vous.
VoUs aVez rëspècté ensemble, et son droit naturel, et le libre exercice de sa confiancë.
Vous 1U1 avez prësëntë un délégué qui sentira bien qu'on peut usurper pour quelque^ jours là cbriflàtibë cfli pëdpie ; mais tjii'il u'éét qu'iine §eule voie pour se la conserver longtemps, savoir, de faire sa charge avec zèle, courage et impartialité.
Enfin, et c'est un des plus singuliers avantages dé la loi qu'on vous propose ; par là, vous
fer-
Après cela, Messieurs, essaiera-t-on encore de jeter l'épouvante dans les esprits par d'impétueuses déclamations, et en vous criant que tous les rapports entre les choses sont détruits, que par vos lois Je pouvoir exécutif se trouvera sans nerf et sans action, que la monarchie est renversée ?...
Messieurs, je relisais naguère un petit ouvrage qui parut dans le feu des dernières querelles royales et parlementaires. Ce livre, qui était fort du goût des patriotes d'alors, a pour titre : Catéchisme du Citoyen (1). Or, l'auteur demande, au chapitre III, si la forme de la puissance exécutive en France est simple ou composée ?
Voici sa réponse :
« Elle est composée, puisqu'elle se trouve, par « la Constitution légale du royaume, partagée « entre le roi et un sénat, que l'on nomme cour » de France, ou cour des pairs, par où il est « évident que c'est une monarchie aristocra-« tique. »
Une monarchie aristocratique ! Quelles étranges idées 1 et comme aux yeux de celui qui
compte pour quelque chose ies droits des hommes, ces deux mois doivent être étonnés de leur
rapprochement 1 Oui, vous avez dissous cet alliage monstrueux d'une autorité légitime et d'une
autorité usurpatrice. Oui, vous avez heureusement développé l'idée grande et simple que
d'Argenson mit en fermentation il y a vingt-cinq années, l'alliance de la démocratie (2) et de
la royauté. Le peuple et le trône ! conçoit-on dans la nature deux moyens dont la réunion peut
opérer, à la fois, plus de véritable force, plus de gloire et de bonheur? Le peuple et le
trône 1 C'est avec eux que Lycurgue est parvenu à faire la plus belle Constitution qui puisse
gouverner une petite famille: c'est uniquement avec le peuple et le trône que vous ferez la
meilleure Constitution qui
Dans le premier plan que vous présenta votre comité de Constitution, au mois de décembre dernier, il confirmait, aux officiers chargés du mini-tère public, la dénomination de procureurs du roi, mais il en confiait le choix au peuple. D'après votre décret, ce choix appartient au roi ; faul-il en conclure que ces fonctionnaires publics ne doivent plus porter le nom de procureurs du roi ? N'est-ce pas une raison de plus de leur conserver cette qualification qui ne dut jamais inspirer d'eifroi qu'aux méchants, au lieu que celle de commissaires du roi, qu'on veut y substituer, a été si souvent la terreur de l'innocence!.... Comme chef suprême de la justice, votre comité a pensé que le roi ne devait pas paraître en nom devant les tribunaux dans l'état d'une Dartie qui plaide ; mais si ce motif est constitutionnel, il ne pare pas à tous les inconvénients ; car pour opérer la régénération complète de l'administration de la justice, votre comité vous exposait la nécessité de créer ce qu'il appelait lui-même des procureurs du roi. D'où je conclus qu'il ne considérait pas cette dénomination comme abusive..... Ce n'est point
comme partie devant les tribunaux que le roi parle, lorsqu'il s'agit de mandement de justice qu'un procureur général ne pourrait donner; ce n'est plus le roi qui parle, mais son procureur général qui paraît comme partie publique, lorsqu'il s'agit d'exercer le ministère que le roi lui a confié, que le roi ne pourrait exercer lui-même et qu'il est dans l'obligation de faire exercer. L'officier, chargé par le roi de requérir l'observation des lois dans les tribunaux, et de procurer en son nom, par l'intervention des magistrats, le maintien de l'ordre, doit donc, parla nature même de ses fonctions, s'appeler procureur du roi.....Il est constant que le droit d'accuser a fait jusqu'ici partie du ministère public; il est certain que, par votre décretciu 8 mai dernier, vous avez statué que les officiers chargés du ministère public seront nommés par le roi. On vous propose aujourd'hui, non seulement de décomposer le ministère public et de lui enlever sa principale prérogative, mais de le priver de toute action, en ne lui attribuant que la voie de réquisition dans les procès dont les juges auront été saisis ; il ne pourra donc agir ni taire aucune réquisition contre les réfractaires à la loi, que le roi est cependant chargé par la Constitution de faire exécuter, et sera forcé de la voir violer impunément: c'est donc en connaissance de cause, puisque le décret a été discuté, que l'Assemblée a attribué à l'officier, qui sera nommé par le roi, les fonctions du ministère public; elle a pu se réserver facilement le droit de modifier ies fonctions, mais les modifier ce n'est point les anéantir. — La qualité d'accusateur publie appartient essentiellement à l'officier chargé du ministère public, et c'est ce qui le constitue partie publique. Modifiez ce droit, assujettissez-le à des règles dictées par votre sagesse ; mais vous ne pouvez l'anéantir, puisque vous ne pouvez détruire les articles constitutionnels que vous avez décrétés.
propose de donner l'accusation publique aux procureurs du roi. (Voyez aux an-
nexes de la séance, p. 673, l'opinion de M. Pe-zous sur l'ensemble du projet présenté par le comité de Constitution).
Je viens de recevoir de M. de Montmorin une lettre qui est relative à Vouverture de dépêches, pratiquée par la municipalité de Saint-Aubin. Je vais en donner connaissance à l'Assemblée.
Paris, le
Monsieur le Président.
« Je crois devoir mettre sous les yeux de l'Assemblée un fait qui me paraît mériter la plus sérieuse attention de sa part.
« L'ambassadeur de France à Vienne, pour me faire parvenir une nouvelle, dout il lui paraissait intéressant que je fusse informé plus prompte-ment que par la poste ordinaire, dépêcha le 31 du mois dernier, une estafette à Strasbourg, en recommandant au directeur de la poste à cette frontière, de me faire parvenir par la voie la plus prompte, le paquet qu'il lui adressait pour moi. Celui-ci dépêcha, en conséquence, un postillon de la poste àM. d'Ogny, intendant général des postes en lui adressant ie paquet qui m'était destiné, et en prenant la précaution de mettre sur l'adresse : service national très pressé. La municipalité de Saint-Aubin, jugeant apparemment que le postillon pouvait être suspect, s'est emparée d'uu paquet dont il était porteur ét l'a ouvert. El'e a également ouvert celui qu'il renfermait, qui était à mon adresse et d'autres lettres, dout l'une était à M. le comte de Fernan-Nunez, ambassadeur d'Espagne en France; une à M.FIorida-Bianca, minisire des affaires étrangères de Sa Majesté catholique; et enfin, une adressée à un commis des affaires étrangères de France.
«"Après avoir pris lecture de tout ce qui, dans ces lettres, n'était pas en chiffre, la municipalité de Saint-Aubin les a adressées au comité des recherches de l'Assemblée nationale, dont deux membres ont bien voulu me les apporter.
« Gomme le paquet était adresse à M. d'Ogny, j'ai prié ces messieurs de vouloir bien le lui faire parvenir, cet intendant général des postes m'a ensuite envoyé celui qui était à mon adresse. Je suppose qu'il a en même temps envoyé à M. l'ambassadeur d'Espagne, la lettre qui lui était adressée et qui avait également été ouverte par la municipalitédeSaint-Aubin, ainsi que celle qu'elle contenait pour M. le comte de Florida-Blanca.
c Je me bornerai à ce simple exposé des faits et je croirai superflu d'ariêter les yeux de l'As-sembléesur le danger et l'indécence de la conduite d'uue municipalité qui s'est permise de retarder une expédition pour le miuistre des affaires étrangères, d'ouvrir les paquets qui lui étaient adressés, d'ouvrir également ceux qui étaient à l'ambassadeur ei au ministre d'une cour étrangère; enfiu les lettres d'un particulier.
« L'Assemblée sentira sûrement les conséquences que peut avoir, pour le service de l'Etat, une pareille conduite de ia part d'une municipalité, et la nécessité de les prévenir. J'ai cru devoir m'empresser de la mettre sous ses yeux, avant d'avoir reçu les plaintes auxquelles elle doit donner lieu.
« J'ai l'honneur d'être avec respect, monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : MONTMORIN. »
demande la parole sur cette lettre.
Divers membres demandent que la lettre soit renvoyée, sans discussion, au comité des recherches pour qu'il en soit fait rapport demain à deux heures.
(Cette motion est adoptée.)
J'ai reçu de MM. du Châtelet de Paris la lettre suivante :
« Monsieur le Président,
« La compagnie a vu avec la plus grande peine que l'on a inséré dans le Journal de Paris du 8 de ce mois, à l'article Châtelet de Paris, un arrêté sur les événements des 5 et 6 octobre dernier, pour être émané de ce tribunal.
« La compagnie mecharge, Monsieur le Président, de vous marquer qu'elle n'a, en aucune manière, participé à cette publicité et que le procureur du roi est chargé d'informer à cette occasion (1).
« Nous avons l'honneur d'être, etc.
« Paris, le 9 août 1790.
annonce que la commune de Paris et le comité des recherches de cette ville demandent à être entendus à la barre à la séance de mardi soir.
L'Assemblée décide qu'ils seront admis.
L'Assemblée reprend la suite de la discussion sur le décret de Vorganisation judiciaire.
Pour traiter avec plus de métnode l'importante question qui vous est soumise, je
commencerai par vous exposer mon opinion ; j'y joindrai les motifs qui doivent l'appuyer, et
je finirai par un projet de décret. Je pense que tout citoyen doit avoir, par lui-même, le
droit d'exercer toute accusation publique, qu'il doitêtresoumis à la responsabilité des
accusations calomnieuses; qu'il doit y avoir un ministère public, et que cette commissiou
peut être confiée saus danger aux commissaires du roi. Je dis d'abord que tout citoyen a
droit d'exercer l'accusation publique. Jj n'entrerai pas dans une discussion théorique, corn
ue un des préopinants l'a fait avec tant d'éloquence, pour prouver que c'est là un des droits
les plus précieux du citoyen, et que c'est sous les auspices de ce droit que repose la
liberté: nous en avons une fausse idée, si nous croyons que la loi est insuffisante pour la
conserver; il faut que le cœur en soit le dépôt.
' Pôurquoi désespérer d'un peuple qui, au pre-mfer fcighàï délifcferté, à mbntrè 't'ârit 'd'énergie1? Pbuhfiïoi tlèsësp'érèr -d^h^ pçtiplë dù^'1^' yji s'arnter'jjoiâFMtf déjfépdrèV'et wer\qù wiïe|a llii ravirait jamàis? ïîbh',' Jàm'tîpu française tf'égt pas indigne de la liberté, elle'ëst frtè'te â'boh&dmraer ce qui lui rpste encore de sacrifices ^ faire: je flèriià'àd'é dbtaé qué'PhaqUe iBito^éb"'ait re dt'oi^ d êijtçVè'éi' f?acC'usdîibn ^Ublliqûé',' (fèst lé rheilïeur ïho^èn de detftîfrë lés accusations sourd es. Phiil* prévenir les effets de la calomnie, iY'fâut que 1è dénonciateur ^Ôî't soumis'1 à la plu$ rîgôtrrfeuse responsabilité. Il y a douze siècles, Jesj Germains bos àïétfx ibui^safetit'dè ce drôtt': il appartenait à leurs dësèéhdàîité'tiëîe1 recouvrer p6urjaûiàiê.; Jp ponc|u$ à ce au§ ce jjpojj; soij acpof^ p tqut pltdyén actif ; Il narm? ]paisppqsamg ppnommp^ pn' oificîer'qui sbij éljarg^ de r£xe£cic§ dé^'cg arbit| en pas gug les particuliers dépoppent pbint ms qëlifs ; jl faut (qué cet officjër s.pit incessible â ' l'espérapce pt à la cràinle, ra pour fcemilfahf fe nofntnpr'à vie- |îë Magistrat'né pe%pri anPiro c^is*,1 j§trp jiapgppeux ppùf la' liber^ pUÏ?fi£[up, c^f* toutes içs p'àuses M, toutes Jjçs âcçn-sàtiôh|'^èfpqj; a^btyrd épuisés ,àr rex^amep des jflhes/'
' Jamais pe magistrat ne porter?, tr$p loin ges accusations, par cette heqppi^e ipstîtufiqii Seraj^ ïà ppùr l'errêtpr; jafnais, non p.lns, itp'àcçusera irpp pèu; cbàque pî^yën pourrait suppléer aj|
pegli^jençé. fè propose' dp décrétée qjue'phaqqp pifôyen aura drotjt d âcpufpp', pb §e sputppffa'nt à là Jr(espoq^abil^é; qu'i^y aura', auprès dé çb^gq)? tfjbjqipal aë tffsfjWt,' un 'com|pjssaîre çpî, chargé ^p pbùrsùjy'rp ies délits qui Vauj-aienJ point été dénoncé par lès citoyens. Jé demande quëi'Àssèmbîéë nationale charge son comité de Constitution et dë"jurisprudence criminelle de lui présenter les }ojs relajiyps à cet objet.
Voici mon prôief de décret "
Art. 1er. Le droit d'accuser publiquement tout ciioyen d'un crime qui troublé l'ordré public pourrà êtrë exercê'pafr tout' citoyen actif , en se conformant, par lui, aux fordiefe dtii ifèrônt pyët-crites, 'et ci£,J|, "cjiargé' de filÉlM1 îtèdu-8a%j|,'My]$ùt' le jft'ôde 'qui gçjSf'jK^fl par la loi.
ApV. Z^Lé çommissairç 4ù roi, auprès chaque tribunal de district, sera spécialement tenu de déférer à la justice, suivant les formes qui seront établies à cet égard , les délits publics et les auteurs dë'Cetf délits qui àuronf été Coinmis et qui seïbnt baryenUS â ^a èdnnàfSsahcèl"6
Art! 3^'Assetobiéé nationale cbargg §pn coçait^ dp CqpgtilptipQ e| 4e jgrisprudebçê criminelle de lui présènter incessamment les lois relatives à ces principes et rétablissement de la procédure parjurés. '
C'est ugg gygfi^e ^ggtip^»
unp question neuyp, que cellp quj vous agite en pé ptnénft!,(|^efl^ serà'la pl^é que tous tjsôp gnerè'z aans la ïîonstirtftiop à' r4ccus§tlpcr publique, à cette redoutable' censhrè?'ïïaris queTiès TO^iQg déposer.ez-vous lp pQHïpjr de Rpunguiyre la ypRgpaqpp 4es crimeç, au nom 4- la société tppt epiière? 0n ypus propose de .désignée ce droit aux officiers du ministère public', à des ofliciers nommés par le rpL C'est' cette opinion que j'ai à combattre, c'esf dans cette seule question •qïïe'jè'ttië reôferàëïje la considérerai sous trois rapports : 1° 11 p'y a ppipt d'ayantagfis politiques à coq lier, en France, l'accusation publique à t|ps pffip|pi;g nofpqaés par Le roi ; cette délégation serait dangereuse; plie serait entière-ippn[ ppntraire aux principes de notre Gppîtitu-tipg. - miction du pouvoir exécuiif consiste dans unq relation immédiate dp ses agents, dans une pqrrpspopdance d'prdrs pt d?obéi§sappp, dans la promptitude, la sûreté, la force de ses mouvements. Aussitôt que le phef suprême a parlé au nom de la loi, ses ordres doivent se transmettre, sans retard et sanj? obstacles, par les divers au~ peaux de la chaîne immense de ses agents, jusqu'aux extrémités dp l'Empire, et leur obéissancp assure ppUp de tous, par les moyens de la force publique dont la- direction leur e§t confiée. L'b-béifsapee prompte, fidèlp, passive et le devoir dp ses agpqts; elle serait coupable dans Jlapcusatiop. Le magistrat qui accuse, comme le magistral; qui juge, ne doit ressentir auqune irhpulsiop étrad-gèrp. Le monarque et se^ agents ne peuyeut point lui prescrire la plainte ni le silepee; ils ne peuvent ni le forcer1 à accuser, ni i'objiger à suspendre une accusation commencée ; ils n'ont droij ni de précipiter^ ni de diriger, ni.de ralentit sa marche.-Confine tous les autres citoyens, ils peuvent 'lui dénoncer des faits, lui fournir des témoignages, provoquer son zèle et sa vigilance. Mais ensuite, descendu dans lui-même, l'accusateur public n'a d'ordres à suivre quë ceux de la loi et de sa conscience; ainsi les fonctions de l'accusateur spptent tout à fait de la nature de cellp des agents du pouvoir ^exécutif ; les devoirs ën sont opposés. L'obéissance prescrite aux uns serait dans l'autre une prévarication ; et il mé semble démontré que lp pouvoir exécutif ne pouvant influer par des ordres légitimes spr les accusations, ce ne Serait rien ajouter à sà force et à son action, que de déposer le droit d'accuser entre lesrmains d'un de ses agents. — Gptte délégation gérait dangereuse. Autant le développe-meùt plein et entiër du pouvoir exécutif est un bienfait pour la nation, lorsqu'il agit visiblement, et qu'il emploie les moyens qpi lui sont confiés, autant je redoute son infliieûce cachée et son action mapërçutf. Je craindrais que trop peuvent il ne dirigeât secrètement les accusations, si des agents choisis par lui, et dépendants jde lui dans le surplus dë leurs fonctions', étaient encore dépositaires du terrible droit d'accusôr.Ge' serait se faire une idée bien imparfaite de ce redoutable pouvoir^ que de penser que la nouvelle forme de nôs procédures en écartera suffisamment les dangers. Je sais que le grand jury, qui prononcera s'il y a lieu ou non à poursuivre 1 accusation, est un premier frein contre les accusatiqns injustes; je sais que le petit jury qui, à la tin de 1a procédure, prononcera si l'accusé est ou non coupable, est un second rempart pour l'innocent. Je ne nie point ces avantages de notre Constitution nouvelle. ' ' ' ' : i
entièrement opprimer la liberté publique, ell(es péuvënT'du nabins' l'fnàmètër et là tqSrmenW, semer dès terreurs, agiter lep psprits, ' étoMer l'opïniQn/jet, dans le cno.c' des partis, 'préparer, pat1 le trouble, des miïfetjjf sûrs dë dOm^Bf... Secret j^tal révélé au'k tyrans' de" l'Italie,",et si fidè^em|ént 'conservé' par tous cepx qui put succédé ? leurs 'fupfistes Rriuçîpësl Si son action peut êtrë'aàugerèuse, son'si'lencë peut n'être pas moins rëdButamè. M. Thouret l'a insuffisamment démontré. On ne saurait se dissimuler' toute l'importance du rôle de l'accusateur, m,êrpe avec le doublé jury dont vous avez' décrété" .l'institution. L'exemple du passé ne saurait nous rassurer sur l'avenir. Je sais que d'és officiers'n'om-meà parie roi ont jusqùlci 'exércé^'en France le droit d'accuser, et que cependant l'histoire des tribunaux në no.i/s présente pdiht les àbûs de scandale ën'.ces accusations.' La'vei'tu des magistrats dépositaires dë ce ministère important, 'repousse ces fio'nteusés suggestions'.' La mémoire ët ' les exemples des' Mole, defe d'Agu'ësseau, des La Ghalotais vivront toujours au milieu de leurs successeurs; et sur cettç longue liste d'hommes recommandables, 'yôu^ ne trouyé'reà pas un vil agent du despotisme,"' mais Vôus en compteriez pTjijtôt d'ilïustres yictim^i. ^p^iqùôù's'Tpa| èeà faits à l^éfàt1 actuel' de ÏÏotrç goàvéVnèn^enï^ Quel besoin l'autorité arSbitràire 'ayaït-elle'alors déplacer dans Sis postes importants, au lieu d'hommes purs^des sqjets dévoilés ët des créatures' àffideés? Tô'ut à ëté'con q uisV tous les! pouvoirs étaient' dans sà main'; lui réstait-if même eriCofe unusouliaità 'former1 ' pouf 's'accroîtré' d'ainéiirs? £>ës moyens pj'qs "''fjliscrêis ' luj'dppàrtetiàientj 'e't quel ministre eût été assez àveugle pour courir les hasards du scandaleux et dangereux ê^lat des" accUsàtipns judiciairës? Au contraire, dans un gouvernëmèbt où il V' a deux pbilyoirs, Où deux autorités Sè ^àlaincenît,' lés forcés sont iriiëttx calculées, lés côtés faibles sont mutùellëniënt obèërvês'. If doit être dangereux de cônfier'lfàveu redoutable dé l'aècusàtion à 'déà agëbt's'choisis par lé pou'vôïr exécutif, et Héiëssàirëmënt dans sa dépendance. J'irai' psqu'a aïi% Qâe c'ét aveu perdrait dè sa ^drce aàns un èïàt bien constitué. Un é aUtre considération mérite d'être pëkéev il faut qtfe l'accu-sàleiir soit'étayé 'dài1 l'opinion publique, là ri-gtièiir inêhie' de seS fôùcti'ohs a bè'^oih dë cet âbpul; le respect du aux accusations ne pourrait-il pas leur être refusé, lpifsqiïè/d'hn côté, Ie péùpie considérerait, daris ses jugés, des hommès plus p^r la"'confiance, et ne verrait peut-être aâns le magistrat accusatbu.r qde l'homme vde là Wmfà l'àgent 8| ^autorité'"?1— Il méf rës'të'à établir q.ùe la' délégàtiofi dë cè pouvoir à un officier 'pomme'par le M serait cpmr^wà' la'nature de niotrë Goàstifjiitîôii; kctàelië'I' ' parcourons leà différentes forïïiëë de go.rivërnement^ Dans le gouvernement pui-ëment " pôbulairé^ 'èhaqne ci-tovéïi a'ie dr'bit'dàéëusër. A R'ôtfiejà Athènes, Où léfeèlë tbut'ènUei^ faisait les lois, où lui:mêirie il lés appliquait'et jugeait les àÇCUsatiohs^Uous Voyons1 qu'ayant 'cbnservé' dans sa'main tous lèê pouvoirs, ïl n'àvait ^àà délégué'celui d'àcëuser; iri'èxër'£aft individuellement; c'était 'lé dèvoir et l'iioùheùr ;Vd.é' chaque citoyen de dénoncer ët de •ppdrsmyte jfes cbupablësl Dans une' monarchie absofbè"; Tèlfe qu'était dçpu'iS longtemps' le gou-yérnëinent françàîâ; tptfs lës pouvbirs së'trouvaient ràssefelilés' dariè iès niains du;monarque, lë droit dë faire les'lois, çèlûi'de lés faire'Exécuter, ë'éluj dfe'jùgei',' Cëjlûi d'accuser.
L'^ut^rixë .était'le $oint central
où tous ]es pqavoirs venaient se réunir, et ils sortaient ensuitë de:la main du prince pour être disperses dané:lës "difPéreqll^ points de l?Empiré; mais pbservéiz ' tfUé'^ihfèiifariïé'VemargÉtàMèi'lé moiiafqùé, sëul repréSpdtàhï &è la'ùatrô'ri, dèlë-gbait tous 'les autres pouvoirs. 'Quant à èëux d'accuser et de juger, il ne lek' déléguait pas : il le.s aliénait vëritablemèrit par une m àximè monarchique, par' ub usage dntid'dë. Actuellement j'établis1 que" le^princè'^ne pouvait retenir 'Cës pouvoirs, if ne pouvait le^ 'exérèer par 1 ùi-même, il në pouvait' pas'les confier aux â'^eirts immé-diàtemènt Soumiâ â ses ordres; if fallait qu'il les déposât; et à perpétuité; dans des tribunaux composés de juges'à vie, indép|ëhdàrits,' irià'tiiovi-blës .-tafit riûàpi'éssion del'^ûtorite et le^àppa-rencés 'de là!l contrainte''étaient" rëpoussées par l'opinion, loin de fonctions aussi saintes et aq^sï tèdôûtables. Dàhs la troisième fôrifië de gduvër-ii.ement que vous avefc adoptée, le pëuple ne Coti-sèrv'eia pàs lë "droit individuel d'accuser,' parée qu'il n'exerce pas non plus par Jpi-mêm'e leé autres pouvoirs; il ne les déléguera" pas Su roi, puisque'dans la mbnarchiè même la plus absolue, lë m'ônà^que sëtait" cbntrâlnt dé'ràliè'ûër èn d'autres'mains"; mais le 'peuple exérc'erà' lé droit d'accuser par ses représentants, comme iî se gouverne par ses représentants; il élifà des censeurs p'Ublics/côdime* il 'élit les juges,' les l.êgià-latëurs','' les membres de sës administrations de département ' alors tout sera d'accord dans l'a formé dë notre gouvernement, et lë système de représentation et d'élection qui en est l'âme, sé 'troUvér'a aussi conservé'pour l'un de§ pouvoirs les plus iijdportants'à là tranquillité' indivïdu'ôiic ët à la liberté ^blitiquè. Jë n'éx'amih'è 'pdinV' eii ce moment l'execution, je ne discute que'îé principe : sera:cë ujl officier spécialement nonimé par lë pëUfifè ; serà-ce un dés jUgeâ dë ch'âquë tribunal qUi exërcèra, pendant'un temps déterminé, les fbnctibnst d'accusateur publie? Les détails 'seront fâcileà à tégler': il «st certain que l'acbnsatëjiir né p'our'râ être juge à la1 fêté; àccU-sà'teUr 'eï partie, èt'par conséquent rie"pourra së jûger lui-'mëffië; "mais il êeriV'aisé d'échàpper â cette difficulté. ' Lë seul point dont je m'occupe; là' première 'question qui,' dans mon ôpînioiiA, doive être présentée seule et isolée à votre déli-bérâtiop', et celle de savoir si les Offi'diers' du ministère public;'nommés par le roi,' eïërcëronl aussi les fonctibns' d'accùs'àteUrs; ët à'cet égard je résùmë en deux'mots tôttt 'ce qUe j'ai dit; — Oji ' ïè pouvoir exécutif ne doit pas avoir d'influencer sur lës accusation^, et alorè il'ekHnùtile Qu'elles soient intéhtêës par les' agents qU'il a choisis'. —'Ou' ^'"pouvoir ékéfcUtif 'dbit* e'n'fàir'è mouvoir les ressortsj'et. 'en ce èas\ ïl faudra décréter cét article' d'ans v'otrë 'GbnstitUtiôn. En France, C'est aux miûistres que là nation' délègue le pouvoir de dénoncer les crimës'ët delës poursuivre.
(l). Messieurs, l'Assemblée riafionalë, en divisant les pouvoirs, a délégué àu roi la fonction suprême dé faire exécuter la loi ; mais elle s'est réservée l'application de ces mêmes'lois poûr la départir à d'autres foribtion-naires, choisis par le peuplé : "ce sont les juges.
Pour rèndre la chose "ftlus sensible, s'il était possible' que le roî exercât par ïuï-mêthé
*fés
Mais comme le pou voir exécutif ne peut s'exercer que par des agents, le roi a toujours eu, il faut toujours que le roi ait des préposés pour faire, dans le cas d'un crime commis, ce que le roi ferait lui-même, c'est-à-dire dénoncer le crime et en pousuivre la vengeance, et comme il est évident que celte poursuite n'est autre chose que maintenir l'exécution de la loi, il est bien démontré qu'elle appartient à celui que la nation a immédiatement chargé du maintien du pacte social.
Cet ordre est tellement nécessaire pour le bien public, qu'il n'a pas même été enfreint sous l'ancien régime, lorsque le roi concentrait en lui la totalité des pouvoirs.
Le ministère public ne tenait, à la vérité, son autorité que du roi, mais il ne faisait pas partie du tribunal, et, borné aux simples réquisitions, il ne pouvait jamais devenir juge en matière criminelle.
Et pourquoi cela, Messieurs ? c'est qu'il est d'une vérité éternelle que le pouvoir instigateur ne peut pas être confondu avec le pouvoir judiciaire et qu'il est aussi inconstitutionnel de faire le juge accusateur, qu'il répugue de faire l'accusateur juge.
Votre comité vous a fait dire que l'accusation publique était d'un intérêt vraiment national et c'est ce qui paraît l'avoir déterminé à la livrer aux jugements choisis par le peuple.
Le principe est vrai et la conséquence absolument fausse; car la nation n'est pas plus directement intéressée à diriger l'accusation publique que les autres parties du pouvoir exécutif délégué au roi. Le même raisonnement conduirait à le dépouiller de toutes les fonctions que la Constitution lui attribue, et s'il est vrai que l'exécution de la loi lui appartient, et privativement à tous autres, c'est à son agent à requérir cette exécution toutes les fois que l'ordre public est interverti.
Craindrions-nous, Messieurs, que le ministère public ne devînt trop redoutable, et servît, dans la suite, à persécuter les bons citoyens?
Loin de nous, Messieurs, une pareille crainte : l'accusation publique, tempérée par les jurés, ne peut désormais être redoutable qu'aux méchants; et au lieu de la regarder sous cet aspect effrayant, que le préjugé lui donne, elle ne doit plus être pour les bons citoyens que le rempart de la liberté, qu'un crime isolé attaque plus ou moins et que l'impunité de plusieurs crimes renverserait infailliblement.
On ne saurait trop vous rappeler que désormais l'instruction criminelle ne sera plus la même et que l'institution salutaire des jurés, écartant l'arbitraire des jugements à venir, les peiues ne seront redoutables que pour ceux qui les auront méritées. El à qui propose-t-on, Messieurs, de remettre le pouvoir instigateur? A un juge choisi annuellement dans le tribunal.
Comme si 1e nombre de cinq que vous avez adopté, et qui suffit à peine, pouvait encore éprouver une diminution 1
Comme si ies mêmes fonctionnaires pouvaient être à ia fois accusateurs et parties.
Et pouvez-vous jamais attendre d'un juge choisi par le peuple, d'un juge dépendant du peuple,
cette impartiale énergie qui ne peut exister au moins communément que par l'absence de l'intérêt personnel ? Pouvez-vous l'attendre dans le courant de la sixième année, à l'approche des élections, lorsque la continuation de ce juge pourra dépendre d'un intrigant ; et ne craignez-vous pas que l'homme puissant, qui redoutera son ministère ne lui dise : « Tu es le maître de m'accuser, mais souviens-toi que tu es amovible » ?
L'accusation individuelle est un acte public: tout délit qui attaque la société attaque la nation; c'est donc à la nation à en poursuivre seule la vengeance, ou à Ja poursuivre concurremment avec la partie lésée; le pouvoir exécutif qe peut agir que quand les deux autres pouvoirs ont déterminé son action; songez d'ailleurs au danger, qui n'est pas imaginaire, de confier aux ministres ou à leurs agents une arme terrible qui frapperait, sans cesse, sur les vrais amis de la liberté.
Partout où il y a une patrie et des citoyens, il faut que chacun puisse réprimer, par la liberté des accusations, ceux qui violent les lois ou troublent l'ordre établi. Ainsi l'accusation publique doit être placée dans le domaine du citoyen ; elle est une propriété de l'homme libre : "ne nous dissimulons pas cependant ses dangers, quand chaque ci oyen l'exerce; elle perdit Athènes et Rome ; elle d vint l'arme la plus terrible du despotisme, et la terreur des bons citoyens. La vertu deCaton n'éloigna pas les calomniateurs ; il eut besoin de comparaître 36 fois dans le temple de la justice, pour repousser les plus vils accusateurs. Athènes et Rome avaient cependant multiplié, par des lois, les plus violents, contrepoisons des dangers de l'accusation publique. Il est donc certain que l'exercice de ce pouvoir ne peut, sans compromettre le bonheur de la société, appartenir à chaque citoyen. Mais à qui le déléguerez-vous ? Selon le comité, c'est à un des juges, pour un an. Suivant M. Chabroud, c'est à i'olficier chargé du ministère public. Ces deux seules vues ont jusqu'à ce moment partagé les opinions. On a d'abord envisagé, dans le ministère public, des hommes attachés par la reconnaissance et l'intérêt au pouvoir qui les créa, et qui seul peut les récompenser ; et l'on a cherché 1 accusateur public parmi les juges nommés par le peuple. Mais un juge ne doit que juger; s'il juge en même temps qu'il accuse dans des causes différentes; s'il ne juge qu'avant ou après avoir été accusateur, il n'eu est pas moins redoutable, car vous mettez deux instruments dans ses mains. Le comité propose de borner à un au les fonctions du juge accusateur public. Espére-t-il uue grande énergie, comme accusateur annal?...
On a aussi considéré l'accusation publique comme line dépendance du pouvoir exécutif, comme une fonction sans laquelle le ministère publie manquerait de force pour l'exécution des lois. Mais ce droit appartient au peuple, mais aucune loi, en France, n'a donné au roi la faculté de faire accuser par ses officiers. L'histoire ne prouve pas que l'accusation publique fasse partie du pouvoir exécutif, la raison et la saine politique démontrent que cela ne doit pas être. Le peuple nomme ses administrateurs et ses juges, et vous délégueriez ce terrible pouvoir de l'accusation publique a un homme qui n'aurait pointéte nommé par lui ! Pour l'intérêt même du ministère public, instrument de protection légale, il ne doit jamais
'e l'instrument forcé d'accusations téméraires, icousation e^t le bien du peuple; la poursuite, fonction du ministère public : dans la poursuite, ministère public dispose à son gré de la marche 5 la procédure. Intéressé à la vérité de l'accu-ition, il peut se tromper lui-même sur les xé-onses des lémoins. G'est lui qui sollicite le décret, l donne son opinion écrite, il prévient celle des uges, ilest à lui seul juge et partie, accusateuret jpinant. S'il vient dénoncer des crimes de lèse-nation, serez-vous dans une pleine sécurité, dans une entière confiance? G'est la Constitution qui est intéressée à ce crime; c'est l'homme du roi et du ministre nui dénonce, c'est l'homme d'un pouvoir toujours ambitieux, dont l'action perpétuelle et dévorante a toujours tini par renverser les Constitutions les plus solides. L'accusé sera peut être coupable aux yeux du ministre, par ses efforts pour le maintien de la liberté, tandis que l'officier du roi gardera un coupable silence sur les délits qui porteraient véritablement atteinte à la Constitution.
Voyez si c'est le roi qui peut nommer cet officier-, voyez s'il existe pour le roi ou pour le peuple, il restera encore au ministère public de sublimes fonctions. 11 recevra le premier la communication de tous lesactes de la législation et du gouvernement, c'est par lui qu'ils seront transmis à tous les tribunaux; il sera le conservateur des lois; il eu maintiendra l'exécution journalière; il en rappellera les dispositions; il provoquera le chàtimemdes prévaricateurs; il défendra les établissements publics; il assurera l'exécution des jugements; il sera le protecteur des mineurs, des absents, des interdits, des femmes, des citoyens les plus exposés à l'oppression; il sera partout où le roi doit être représenté, parce que c'est le roi qui Y a choisi; par l'accusation publique, il représenterait la société qui ne l'a pas nommé. Après avoir démontré que ni le juge, ni l'officier du roi ne doivent exer» er l'accusation publique, il faut chercher uu autre sujet à qui cette délégation puisse être confiée. Les procureurs des communes sont plus naturellement investis du pouvoir de chaque citoyen, mais ils sont temporaires. L'accusateur public doit être perpétuel; mais beaucoup d'entre eux ne réunissent pas toutes les connaissances; enfin ils sont au nombre de
quarante-quatre mille..... Je viens vous proposer
une importation aussi morale que politique, qui, en ôtant la poursuite des crimes aux passious particulières, aux erreurs individuelles, rendra l'accusation publique aussi utile qu'honorable, aussi claire qu'imposante. — Un censeur public sera établi dans chaque tribunal de district. Effaçons le nom affligeant d'accusateur. Il sera nommé par le peuple au scrutin individuel, et à la majorité absolue des suffrages; il sera perpétuel. Ainsi, par sa nomination populaire et son institution durable, il existera pour le peuple et contre le peuple; il sera desiituable pour forfaiture, ce qui est l'unique remède à la perpétuité de ses fonctions; il sera gratuit, car c'est un grand honneur d'être nommé le censeur public de sa patrie. La concurrence pour cet emploi sera peu nombreuse, et il sera rare que la vertu ne l'obtienne. Il provoquera la poursuite et ne la fera point; il administrera les preuves et ne les jugera point; il affirmera le fait et ne citera pas la loi ; il préparera lout et ne consommera rien : l'officier du roi poursuivra le délit, jugera les preuves, indiquera les lois. Ainsi, le censeur public ne pourra pas faire le mal et ne trouvera pas de danger à faire le bien. Craindrait-on sou autorité? l'appellerait-
on un despotisme? Ge serait le despotisme de la vertu, puisque le peuple le choisira; le despotisme d'un homme désintéressé, puisque l'honneur sera sa seule récompense. Supposez la censure dans des mains peu dignes de cet emploi; elle sera tempérée par l'opinion publique, arrêtée par la peine de la forfaiture, éclairée par les jurés et par les juges actifs et temporaires. Craignez-vous l'inactivité de sa puissance? Mais l'opinion publique et l'intérêt des particuliers en sont le remède. Voyez, au contraire, l'avantage de cette institution. Le censeur, averti par l'opinion publique, cherche, épure les preuves; il les perfectionne, au lieu de les corrompre ; il rassure les juges, au lieu de les séduire, il devient l'œil de la Constitution dans toutes les parties de l'Empire.
A ce grand avantage politique se joint celui de pouvoir exercer à la fois les accusations dans les crimes ordinaires et dans ceux de lèse-nation. Vous avez vu s'élever à la fois à Châlons, à Perpignan, à Marseille, des troubles qui intéressaient la Constitution nationale. Vos censeurs, répandus dans toutes les parties du royaume, avertissent à la fois le tribunal de la nation, les législateurs et non les ministres seuls, car c'est à la nation qu'ils appartiennent. J'ajoute à ces avantages qu'un jour vous réunirez dans leurs mains la censure des mœurs publiques, car il est des excès dans la corruption même que le magistrat doit poursuivre comme des délits sociaux, et vos censeurs rempliront ce beau ministère au milieu des orages inséparables de la liberté. Quel calme vous allez répandre par cette institution ! Le méchant, le scélérat ne verra autour de lui que des témoins prêts à le dénoncer. Ses desseins criminels seront comprimés dans la profondeur de son âme, encore craindra-t-il que l'œil du censeur public ne vienne les y découvrir : il est bien plus beau, il est lien plus doux de prévenir les crimes que de les punir ; il est digne de l'Assemblée nationale de 1789 de balancer la politique par la morale, et de lever au milieu de la société, entre le trône et la nation, entre les peuples et les lois, entre les législatures et les administrations de tout genre, une autorité paternelle qui veillera sans cesse au maintien de l'ordre public et de la plus belle Constitution de l'univers.
(La suite de la discussion est renvoyée à demain.)
(La séance est levée à trois heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Opinion de M. Pczous, député du Tarn, sur le pouvoir judiciaire.
Messieurs, le comité delà Constitution vient de publier un nouveau projet sur l'ordre judiciaire, conforme aux bases décrétées par l'Assemblée nationale. Après que l'Assemblée a employé plus d'un mois à préparer les éléments de cette matière, et que la discussion a été distinguée par cel te hauteur d'idées et par cette sévérité de principes que notre siècle pouvait seul produire, j'avoue que je m'attendais à un travail plus parfait. Je ne puis m'empêcher de combattre, et cette multiplicité
de juges, et ces tribunaux d'exception, et cette altération des fonctions du ministère public, et ces corps électoraux mêlés d'hommes de loi et d'administrateurs : vices qui nous retracent nos anciennes institutions, ou qui introduisent des abus nouveaux. Suivons les divers titres durapport.
Je reuds hommage aux principes posés avec tant de précision et d'énergie dans le titre premier; non seulement à ceux que vous aviez déjà décrétés, mais à ceux que le comité y a ajoutés. 11 demande la confection d'un code général et uniforme, approprié à la Constitution; et certes, après les grandes et salutaires innovations que votre courage a exécutées, les anciennes lois ne peuvent plus subsister. Cette bizarrerie de coutumes; ces principes du droit romain, si opposés aux vôtres; l'unité d'un royaume, d'où vous avez effacé toutes les distinctions des provinces; l'égalité si précieuse entre tous les enfants d'un même père; l'abolition des ordres et de la féodalité : toutes ces considérations exigent une législation nouvelle pour un peuple nouveau.
La liberté laissée aux parties de choisir entre les chambres de la cour d'appel, et d'attribuer le dernier ressort aux tribunaux de districts ; la distinction du fait et de la loi dans le préambule des jugements, sont des idées parfaitement conformes aux principes de la raison et de la morale.
Sur le titre 5, concernant les Elections, je demande, de nouveau, que les élections soient pures et immédiates : je veux dire, qu'elles soient faites par ceux que le peuple a honorés de la fonction d'électeurs pour les législatures, pour les corps administratifs et pour les offices ecclésiastiques, sans aucune adjonction des hommes de loi, qui ne représentent pas le peupie, ou des administrateurs qui sont élus pour un objet différent. Les élections ne sont jamais plus intriguées que quand les électeurs sont éligibles; les hommes de loi brigueront trop aisément les suffrages; et les administrateurs, déjà chargés d'un emploi important, auront une influence dangereuse sur la nomination d'autres fonctionnaires publics. Une question semblable s'est présentée lors de la constitution du clergé. On vous a demandé que des ecclésiastiques lussent adjoints aux électeurs des districts et départements ; et vous avez rejeté cette agrégation si propre à altérer le vœu populaire. Cependànt le clergé citait des autorités antiques et respectables qui lui attribuaient la nomination des pasteurs. Mais les administrateurs, les gens de loi ont-ils jamais nommé les juges? Et quel prétexte peut-on alléguer en leur faveur? Vous serez semblables à vous-mêmes, Messieurs, et vous n'accorderez pas aux administrateurs et aux juges un privilège que vous avez justement refusé au clergé.
Sur le titre vil, concernant le ministère public, je ne demanderai pas au comité pourquoi il a supprimé l'ancien nom de procureur du roi, qui était clair et juste, pour y substituer le nom vague de commissaire qui est même impropre ; car il exprime plutôt une fonction spéciale et passagère, qu'un office à vie, et d'une compétence très étendue. Je m'attacherai à des discussions plus utiles que des discussions de noms. Examinons les fonctions des procureurs du roi, et ne croyons pas que le comité ait voulu les rétrécir, parce que ces officiers sont à la nomination royale. Ce serai t éluder le décret qui a reconnu que les gens du roi, nommés par Sa Majesté, doivent remplir lés fonctions de ministère public.
Au civil, je pense que le comité conserve à ces officiers tous les pouvoirs dont ils doivent jouir ;
car toutes les actions qu'ils intentaient, à raison de l'administration publique ou de la police, ont passé aux corps administratifs ou municipaux qui ont des procureurs syndics, et l'ordre judiciaire est devenu étranger à ces matières.
Mais au criminel, je ne puis approuver que le comité réduise les procureurs du roi à de simples réquisitions, et que les jugés nomment, chaque année, l'un d'entre eux pour accusateur public. Il valâit mieux appeler ce juge procureur du roi etsupprimer le réquisiteur inutile. Revenons aux vrais principes.
Le roi est le chef de la nation ; il est chargé de veiller à l'exécution des lois: il est armé du glaive; Ja justice est rendue en son nom; les procureurs du roi sont les agents du pouvoir exécutif auprès des tribunaux. Quand les lois sont violées, quand la société est offensée, quand l'ordre public est troublé, c'est au pouvoir exécutif à poursuivre la vengeance et Ja réparation du crime : mais comme il ne peut pas punir arbitrairement, il doit citer les coupables devant les juges nommés par le peuple. Une des fonctions de la puissance exécutive au dedans est, sans contredit, de veiller sans cesse pour protéger la liberté, la vie des citoyens, et de réprimer les attentats, soit par la force publique, soit par les voies judiciaires : c'est pour cela que vous avez reconnu que ie roi est le chef de toutes les forces publiques et des tribunaux.
Craindriez-vous, Messieurs>que les procureurs du roi se rendissent trop redoutables et que la prérogative d'accuser ne devînt un moyen d'étendre l'autorité royale? Mais que peut faire un procureur du roi, accusateur? Les juges ne sont-ils pas nommés par le peuple? N'est-ce pas aux juges à décider de toutes les questions? Le procureur du roi peut-il faire un pas sans eux? Peut-il même informer s'ils ne le permettent point? Ne peut-il pas être tenu de nommer le dénonciateur? Ne peut-il pas être pu ni lui-môme si son accusation est évidemment calomnieuse?
Le procureur du roi est plus propre, par son institution, à remplir les fonctions fâcheuses d'accusateur, parce que, nommé par le roi, il est inamovible; au lieu que les juges ne doivent leur état qu'à Ja faveur du peuple, et ne peuvent Je conserver que par elle. Rentrant bientôt dans la vie privée, ils seraient exposés à la haine dé ceux dont ils auraient dévoilé les crimes; la première qualité d'un accusateur public est d'avoir un état perpétuel et indépendant:
Vous sentez auâsi, Messieurs, qu'une accusation demande une suite de travail et de surveillance, et qu'un juge nommé pour une année ne pourrait pas réunir ces avantages.
Enfin c'est multiplier les. instruments de la justice que d'avoir, dans un même procès, un magistrat accusateur et un autre magistrat réquisiteur. Ces deux opérations ne peuvent pas être séparées; alors il faudrait, dans chaque tribunal, un magistrat de plus ; car le comité ne veut pas sans doute que l'accusateur soit juge : il ne restera donc, dans le tribunal de district, que deux juges, et il n'en restera que trois dans chaque chambre de la cour d'appel.
Je crois donc que l'Assemblée, qui a déjà décidé que le ministère public sera rempli par des nominations royales, mais qui a réservé au peuple le droit d'élire ses juges, doit se montrer supérieure aux craintes dont on assiège continuellement son amour pour le peuple; qu'elle doit faire sentir combien est utile au peuple l'autorité tutélaire d'un monarque dans une Constitu-
tion libre; qu'elle ne doit pas douter de cette Constitution contre toutes les usurpations du régime arbitraire, et qu'elle doit laisser aux agents du pouvoir exécutif la fonction d'accuser, qu'ils peuvent seuls remplir utilement, et dont ils ne peuvent pas abuser sous des juges que le choix du peuple aura placés dans les tribunaux.
Sur le titre 10, concernant le tribunal de cassation, je ne dissimule pas que j'avais été d'avis que ce tribunal tint des assises dans les sept ou huit principales villes du royaume. Mais cette opinion ayant été rejetée, je ne pense pas qu'il faille admettre les diverses chambres proposées par le comité et qui compliqueraient encore singulièrement votre système judiciaire. Ou ces chambres sédentaires jugeraient, ou non; car leur compétence n'est pas clairement définie : Si elles ne jugent pas, elles seront inutiles, et, pour instruire des procès, il ne faut pas six ou sept tribunaux. Si elles jugent, voilà encore la diversité de la jurisprudence introduite, et le régulateur unique que vous cherchez échappe de vos mains.
Je crois donc qu'il faut un tribunal unique pour la révision, ainsi que pour les autres fonctions que le comité lui attribue, comme les jugements des compétences, récusations, prises à partie, et la surveillance sur tous les tribunaux.
Je vais plus loin encore; et il me paraît que le même tribunal pourrait connaître des accusations de forfaiture,-de la responsabilité des ministres, et de tous les autres crimes de lèse-nature.
Puur donner à ce tribunal un si grand pouvoir, il devrait être organisé d'une manière différente de celle qui vous est proposée, et porter un autre nom : Cette cour nationale devrait être composée de quatre-vingt-trois juges, nommés par les quatre-vingt-trois départements, et de deux ou trois procureurs du roi. Elle devrait être divisée en plusieurs chambres sédentaires auprès des législatures ; Jes crimes de haute trahison seraient poursuivis par des formes particulières, et notamment en vertu des décrets du Corps législatif et sur les réquisitions de ses commissaires. Cette cour ne pourrait pas devenir dangereuse, parce qu'elle serait exactement subordonnée au Corps législatif et au roi, et que ses membres seraient élus par le peuple et pour un intervalle de six années.
Dans le titre 13, concernant les tribunaux d'administration et d impôt, le comité vous propose l'établis ement de qua re-vingt-trois cours des aides. C'est couvrir la France de juges, accabler les peuples de frais et les tourmenter encore par des questions de compétence.
Vous avez sagement établi, dans chaque département, un directoire de huit membres, et dans chaque district, un directoire de quatre membres. Ces directoires, composés d'hommes choisis par le peuple, pour un temps court, et toujours en activité, doivent conduire toutes les affaires de l'administration. Pourquoi ne videraient-ils pas les affaires contentieuses qui en dépendent? Auront-ils moins de lumière, moins d'équité que les anciennes assemblées d'Etats ou leurs commissions, que les intendants, que les cours des aids? Le comité veut que les affaires soient jugées sans frais et sur simples mémoires. Les administrateurs, sont sans doute, plus propres que des juges à vider les différends avec ce dégagement de tout l'appareil de la chicane.
Il n'y a point d'inconvénient à accorder aux directoires cette compétence pour les affaires où
les particuliers seront seuls directement intéressés, comme les plaintes sur le taux des cotisations ou la perception des impôts indirects.
A l'égard des contestations relatives aux travaux publics, et où les corps administratifs seront intéressés, l'entière administration du département en prendrait connaissance. Le procureur-syndic plaiderait devant elle contre les particuliers, et vous ne devez pas craindre la partialité des administrateurs.
Dans l'ancien régime, les tribunaux, le conseil du roi, condamnaient souvent le ministère public ou l'administration ; et vous n'espérez pas moins d'équité sous une Constitution libre.
Réalisez donc, Messieurs, le bienfait promis au peuple, dès l'année 1788, qui est déjà si éloignée de nous; abolissez tous les tribunaux d'exception, que toutes les affaires qui dérivent de l'administration soient terminées par ces corps administratifs, dont la création est approuvée, même par vos détracteurs.
Permettez, Messieurs, que je vous retrace ici le tableau de votre système judiciaire, tel qu'il résulte du projet de votre comité, avec les changements que je propose :
Un juge de paix dans chaque canton* décidant les matières sommaires ;
Un tribunal, dans chaque district, jugeant eu dernier ressort pour certaines causes, et encore toutes les fois que les parties y consentiront;
Une cour d'appel par trois ou quatre départements où toutes les affaires seront terminées ;
Au-dessus de ces tribunaux, une cour nationale, cassant ou renvoyant leurs jugements, décidant de leur compétence, réprimant les juges pris à partie, punissant leurs forfaitures, rendant compte aux législatures des trangressions faites ax lois, et leur demandant l'interprétation de celles qui paraîtraient obscures; cette même cour chargée, dans des circonstances heureusement rares, de poursuivre les délits des ministres ou des autres hommes coupables envers la nation entière.
Voilà, Messieurs, l'organisation de tout le genre judiciel; mais pour le genre administratif il n'y a plus rien à faire.
J'ose dire qu'un plan aussi simple, aussi régulier, où il n'y a pas un seul tribunal inutile, pas un juge oisif, qui n'expose les plaideurs à aucune incertitude de compétence, qui distingue et sépare parfaitement l'ordre administratif d'avec l'ordre judiciaire, qu'un tel plan ést seul digne de vous, qu'il mérite seul votre approbation, et les suffrages des peuples; qu'il est seul digne de figurer à côté des autres parties de votre Constitution, de cette Constitution qui va être cimentée par l'alliance de plusieurs millions d'hommes, aussi soumis devant la loi, qu'intrépides pour la défendre.
Projet d'instruction pour les corps administratifs«
L'Assemblée nationale connaît toute l'imporP tance et l'étendue des devoirs des assemblées administratives. Elle sait que c'est d'elles qu'il dépend beaucoup de faire respecter et chérir, par un régime sage et paternel, la Constitution qui
doit assurer à jamais la liberté de tons les citoyens. Placées entre le peuple et le roi, entre le Corps législatif et la nation, elles sont le nœud qui doit les lier sans cesse l'un à l'autre et, par elles, doit s'établir et se conserver cette unité d'action sans laquelle il n'y a pas de monarchie.
Le vœu public, auquel les nouveaux administrateurs doivent leur caractère, garantit suffisamment qu'ils sauront justifier les espérances qu'on a conçues de leur patriotisme et de leurs talents. Mais les premiers pas dans une carrière difficile sont toujours incertains ; il était donc du devoir de l'Assemblée nationale de diriger ceux des corps administratifs, par une instruction qui retraçât leurs principales fonctions et qui rappelât spécialement les premiers travaux auxquels ils doivent se livrer.
Pour donner à cette instruction le plus de clarté possible, on la divisera en sept chapitres.
Le premier chapitre traitera des objets constitutionnels. Le second des finances. Le troisième, des droits féodaux. Le quatrième, des domaines et bois. Le cinquième, de l'aliénation des domaines nationaux.
Le sixième, de l'agriculture et du commerce. Le septième, de la mendicité, des hôpitaux et des prisons.
Chapitre Ier. — Objets constitutionnels.
§ I. — Observations générales sur les fonctions des assemblées administratives.
Les assemblées administratives considéreront attentivement ce qu'elles sont dans l'ordre de la Constitution, pour ne jamais sortir des bornes de leurs fonctions et pour les remplir toutes avec exactitude.
Elles observeront d'abord qu'elles ne sont chargées que de l'administration ; qu'aucune fonction législative ou judiciaire ne leur appartient, et que toute entreprise de leur part, sur l'une ou l'autre de ces fonctions, introduirait la confusion des pouvoirsqui poil rait l'atteinte la plus funeste aux principes de la Constitution.
Des fonctions délégué» s aux assemblées législatives, les unes doivent être exercées sous l'inspection du Corps législatif; celles-là sont relatives à la détermination des qualités civiques, au maintien des règles des élections, et de celles qui seront établies pour la répartition et le recouvrement de l'impôt; les autres qui comprennent toutes les parties de l'administration générale du royaume doivent être exercées sous la direction et l'autorité immédiate du roi, chef de la nation et dépositaire suprême du pouvoir exécutif. Toute résistance à ces deux autorités serait le plus grand des délits politiques, puisqu'elle briserait les liens de l'unité monarchique.
Les administrations de département ne peuvent faire ni décrets, ni ordonnances, ni règlements; elles ne .peuvent agir que par îes voies ou de simples délibérations sur les matières générales, ou d'arrêtés sur les affaires particulières, ou de correspondance avec les administrations de district, et, par elles, avec les municipalités. Leurs délibérations, prises en assemblée générale ou de conseil, sur les objets particuliers qui concerneront leur département, mais qui intéresseront le régime de l'administration générale du royaume, ne pourront être exécutées qu'après qu'elles au-
ront été présentées au roi et qu'elles auront reçu son approbation.
L'-s départements formant des arrondissements administratifs parfaitement distincts, chaque administration bornée à son territoire est étrangère aux autres administrations. Ces conseils ou directoires de département ne pourront, dans aucun cas, adresser leurs délibérations particulières aux autres conseils ou directoires, solliciter leur adhésion, requérir leur assistance, soit pour poursuivre de concert les mêmes entreprises, soit pour embrasser et défendre ies mêmes opinions. Ces coalitions qui tendraient à introduire, au sein de la monarchie, un régime fédératif, seraient anticonstitutionnelles, et, à ce titre, sévèrement punissables.
Les administrations de district sont entièrement subordonnées à celle de département ; elles ne peuvent prendre aucune délibération en matière d'administration générale, et si quelques circonstances estraordinaires les avait portées à s'écarter de cette règle essentielle, leurs délibérations ne pourraient être mises à exécution, même par leurs directoires, qu'après avoir été présentées à I administration de département et autorisées par elle.
Les fonctions des administrations de district se bornent à recueillir toutes les connaissances et à former toutes les demandes qui intéressent le district, à exécuter, sous la direction et l'autorité de l'administration de département, toutes les dispositions arrêtées par celles-ci, à faire (outes les vérifications et à donner tous les avis qui leur seront demandés sur les affaires relatives à leur district ; enfin, à recevoir les pétitions des municipalités et à les faire parvenir avec leurs propres observations à l'administration de département.
Les fonctions des conseils de département sont de délibérer sur tout ce qui intéresse l'ensemble du département; de fixer, d'une manière générale, tant les règles de l'administration que les moyens d'exécution; enfin, d'ordonner les travaux et la dépense de chaque aunée et d'en recevoir les comptes.
Les fonctions des directoires sont d'exécuter tout ce qui a été prescrit par les conseils et d'expédier toutes les affaires particulières.
Après la séparation des assemblées d-s conseils, les directoires seuls restent en activité; seuls ils représentent l'administration qui les a commis et ont un caractère public à cet effet. La correspondance, soit ministérielle, soit dans l'intérieur du département, ne peut être tenue qu'avec et par eux.
Le président de chaque administration est aussi le président de son directoire et y a voix délibé-rative, comme dans l'assemblée du conseil. Il doit toujours être compté en dehors et ne peut pas être compté dans le nombre des membres fixé pour la composition du directoire.
Ces règles s'appliquent également aux directoires de district. Ceux-ci sont chargés de l'exécution, non seulement dè ce qui leur aura été prescrit par le conseil, mais encore de tout ce qui leur sera ordonné par le directoire de département. Ils doivent attendre ies ordres de ce directoire pour agir dans tout ce qui intéresse l'administration générale, et s'y conformer exactement, afin que l'unité des principes, des formes et des méthodes puisse être maintenue. Toutes les fois cependant qu'ils agiront conformément aux principes établis et dans l'esprit des ordres qu'ils auront reçus, ils n'auront pas besoin, pour
chaque acte de détail, ni pour l'expédition de chaque affaire particulière, d'une autorisation péciale.
Les municipalités, dans les fonctions qui sont propres au pouvoir municipal, sont soumises à l'inspection et à la surveillance des corps administratifs, et elles sont entièrement dépendantes de leur autorité, dans les fonctions propres à l'administration générale qu'elles n'exercent que par délégation.
Telle est l'organisation des corps administratifs, ainsi qu'elle résulte des articles 50 et 51 du décret du 14 décembre dernier, des articles 28, 29, 30 et 31 de la seconde section, et de l'article 3 de la troisième section du décret du 22 décembre. Chacun de ces corps doit donc être attentif à se tenir au rang que la Constitution lui assigne, la liberté ne pouvant être garantie que par la graduation régulière des oflices publics.
Il serait inutile d'avertir ici, si le doute n'en avait été manifesté, que lorsque les corps administratifs se trouvent ensemble et avec les municipalités aux cérémonies publiques, la préséance appartient à l'administration du département sur celle du district, et à celle-ci sur la municipalité.
§ II. — Correspondance.
Le premier soin des corps administras de chaque département doit être d'établir une correspondance tant entre eux qu'avec les municipalités de leur territoire.
Les moyens les plus prompts et les plus économiques doivent être préférés.
Les administrations de département sont le lieu de la correspondance, entre le roi chef de l'administration générale et les administrations de district ; celles-ci le sont de même entre les administrations de département et les municipalités.
Ainsi, la correspondance du roi ne sera tenue par ses ministres qu'avec les administrations ou les directeurs de département, et les dispositions qu'elle contiendra seront transmises par le département aux administrations ou directoires des districts.
Les municipalités ne pourront s'adresser à l'adminisiration ou au directoire du département que par l'intermédiaire de l'administration ou du directoire du district; et,en général, il ne pourra rien être prescrit ou fait aucune disposition par l'administration ou le directoire du département, à l'égard d'aucune municipalité, ou d'aucun membre d'une commune, soit d'office, soit sur réquisition, que par la voie de l'administration du district, et après qu'elle aura été préalablement entendue.
Le direcioire du département et ceux des districts de son ressort correspondront ensemble. Le procureur général syndic correspondra avec les procureurs-syndics, et pourra correspondre aussi avec les directoires de district. Ceux-ci correspondront avec les officiers muuicipaux ; et les procureurs syndics pourront correspondre, tant avec ces officiers que particulièrement avec les procureurs des communes.
Le directoire du département et ceux des districts de son ressort correspondront ensemble. Le proctieur général syndiccorrespondra avec les procureurs-syutlics, et pourra correspondre aussi avec les directoires de district. Ceux-ci corres-
[6 août 1790.] 677
pondront avec les officiers municipaux ; et les procureurs-syndics pourront correspondre tant avec ces officiers que particulièrement avec les procureurs des communes.
Après le protocole d'usage pour les différentes personnes auxquelles les directoires écriront, ils termineront ainsi leurs lettres :
Vos......................serviteurs.
Les administrateurs composant le directoire du
département de...................................
ou du district de.........................
Ensuite, tous les membres présents signeront. Les adjudications, les mandats de payement et généralement tous les actes émanés des directoires seront signés dans Ja même forme, c'est-à-dire qu'il sera mis au bas : •
Par les administrateurs composant le directoire
du département de........................
ou du district de.........................
Ensuite, tous les membres présents signeront. Les corps municipaux emploieront, dans leurs lettres et dans leurs autres actes, cette formule avant leur signature : Les officiers municipaux
de la commune de.......... et lorsqu'ils écriront
ou délibéreront avec les notables en conseil général, ils se serviront de celle-ci : Les membres composant le conseil général de la commune de..........
Ensuite, tous ceux qui seront présents signeront.
Les lettres et les pétitions adressées p?r les municipalités, soit aux administrations de district, soit à celles de département, par la voie des districts, et celles des administrations ou directoires de district à l'administration ou directoire de département, doivent être rédigées avec la réserve et le respect dus à la supériorité politique que chacun de ces corps doit reconnaître à celui qui le prime daus l'ordre et la distribution des pouvoirs.
La correspondance des administrations supérieures doit, en conservant le caractère de l'autorité qui leur est gradu llement départie, en tempérer l'expression par l'observation de tous les égards qui font aimer le pouvoir établi pour faire le bien commun, et dirigé sans cesse vers cet objet. Le seul cas où le style impératif pourrait être employé par les administrations serait celui où l'insubordination des administrations qui leur sont soumises forcerait de rappeler à ces dernières la dépendance où elles sont placées par la Constituiion. ? ;
Il est bien désirable que les directoires de département, au lieu de faire passer à ceux de district des ordres trop concis, et, en quelque sorte, absolus, les intéressent, au contraire, à l'exécution de toutes les dispositions qui leur seront confiées, en leur en développant l'esprit et les motifs, et en facilitant leur travail par des instructions claires et méthodiques.
Les directoires de district, principalement, doivent prendre ce soin à l'égard des municipalités qu'ils sont chargés de former à l'esprit public, et dont ils doivent, dans ces premiers temps surtout, soit aider l'inexpérience, soit encourager les efforts.
En ce moment où tous les yeux sont ouverts sur les premiers mouvements des corps administratifs, ils peuvent produire le plus grand bien, en développant leurs sentiments civiques, leur attachement aux principes ue la Constitution, et leur désir pour l'entierîéiablissemeni de l'ordre, dans une instruction aux municipalités, qu'ils chargeront celles-ci de faire publier et distribuer
dans les villes et de faire lire à l'issue de la messe paroissiale dans les campagnes.
Cette instruction, dont les directoires de département doivent s'occuper sans délai, retracera aux municipalités leurs devoirs principaux, l'intérêt public et particulier qui les presse de les bien remplir et l'obligation qu'elles en ont prise par leur serment. Elle exposera ensuite, avec énergie et simplicité, ces grands principes :
Que la liberté, sans un profond respect pour les lois, pour les personnes et pour les propriétés, n'est plus que la licence, c'est-à-dire une source intarissable de calamité publique et individuelle;
Que toute violence particulière, lorsque l'oppression publique a cessé, n'est elle-même qu'une oppression;
Que si c'est le devoir, c'est aussi l'intérêt de chaque citoyen de payer fidèlement les contributions publiques, parCe que le gouvernement ne peut pas subsister sans contributions et parce que, sans gouvernement, les particuliers n'ont plus aucune garantie de leur liberté, de leur sûreté ni de leurs propriétés;
Que les subsistances ne peuvent être entretenues que par la liberté de £la circulation intérieure, et que les obstacles mis à cette circulation ne manquent jamais, sinon de les faire disparaître entièrement, du moins d'en occasionner l'extrême rareté et le renchérissement;
Qu'enfin il n'y a de bonheur pour tous que dans la jouissance d'une Constitution libre, et de sûreté pour chacun que dans ie calme de la subordination et de la concorde.
Telles sont les vérités que les corps administratifs ne peuvent trop s'empresser de répandre, et dont leurs pressantes exhortations doivent porter Ja conviction dans tous les esprits.
§ III. — Rectification des limites des départements, des districts et des cantons.
L'Assemblée nationale a annoncé, par son instruction sur le décret du 22 décembre dernier, qu'il peut être fait des changements aux limites, soit des départements, soit des districts, si les convenances locales et l'intérêt des administrés exigent que quelque partie de territoire soit transportée d'un département ou d'un district à un autre.
Les directoires de département et de district peuvent maintenant examiner leurs limites respectives, et se proposer mutuellement les change-mentsqu'ils jugeront nécessaires. Ils devront aussi recevoir et examiner les pétitions des municipalités qui demanderont à changer soit de département, soit de district.
Lorsqu'il s'agira d'une transposition de territoire d'un district à l'autre dans le ressort du même département, si les directoires des districts intéressés en sont d'accord, ils feront parvenir leur vœu commun au directoire de département qui, après avoir vérifié l'utilité du changement proposé, et avoir entendu le procureur général syndic, pourra approuver ce changement et le taire exécuter, à la charge d'en rendre compte au Corps législatif.
Si malgré le refus d'adhésion d'un des directoires de district, l'autre directoire, soit d'office, soit sur la réquisition d'une municipalité, soutient que la limite doit être changée, le directoire du département recevra les mémoires respectifs, vérifiera les faits et les motifs d'utilité,
et enverra les mémoires, avec son avis, au Corps législatif qui prononcera.
Lorsqu'il s'agira d'un chargement de limites entre deux départements, si les directoires en sont d'accord, ils feront parvenir leur vœu commun au Corps législatif, et, s'ils ne sont pas d'accord,ils lui adresseront leurs mémoires. Dans l'un ou l'autre cas, ils enverront, avec leurs mémoires, les avis des directoires des districts intéressés qu'ils auront préalablement entendus; et aucun changement ne pourra être fait aux limites des départements qu'en vertu d'un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi.
Un objet très important, sur lequel les directoires de département sont invités à porter la plus prompte et la plus sérieuse attention, est i'étendun et par conséquent Je nombre des districts qui forment la division de leur département; l'utilité publique et celle des administrés exigent que cette division reçoive incessamment toute la perfection dont elle est susceptible. Elle consiste à ce que le ressort de chaque district ne soit ni trop grand, ni trop petit. La mesure en doit être réglée, non seulement à raison de la population, mais encore à raison de l'étendue territoriale, parce qu'il faut, d'une part, que le nombre des affaires puisse y occuper suffisamment le corps administratif, et le tribunal de justice que l'Assemblée nationale vient d'établir dans chaque district, et, d'autre part, que les citoyens ne soient pas assujettis à de trop grands déplacements. Les ressorts des districts doivent être plus resserrés quand la population y est nombreuse, et plus étendue quand la population est faible. Il est possible que les règles n'aient pas été observées assez exactement dans la composition de tous les districts. Les directoires de département doivent donc s'occuper, sans délai, des rectifications qu'ils croiront nécessaires dans l'étendue et le nombre des districts de leur département et les proposer au Corps législatif avec les considérations d'utilité et d'économie qui les auront déterminées.
A l'égard des cantons qui forment la subdivision des districts, l'Assemblée nationale n'en a adopté la composition actuelle que provisoirement et seulement pour faciliter la tenue des premières assemblées primaires. Non seulement cette composition peut être revue et changée, mais elle doit nécessairement l'être dans plusieurs districts où l'étendue démesurée de ces cantons les met hors d'état d'être appliqués à plusieurs de leur destination.
Non seuli ment les cantons doivent servir à la formation des assemblées primaires, rapport sous lequel on pourrait n'avoir égard qu'à leur population, mais ils sont encore destinés à plusieurs autres parties du service public, pour lesquelles il faut avoir égard à leur étendue territoriale. Chaque canton, par exemple, est devenu, dans l'ordre judiciaire, le ressort juridictionnel d'un juge de paix.
Les directoires de district doivent donc s'occuper incessamment de revoir la composition provisoire de leurs cantons, et de la rectifier, non seulement quant aux limites, mais encore quant à l'étendue et au nombre des cantons. La mesure la plus convenable à adopter généralement est que les cantons n'aient pas moins de quatre lieues carrées et ne s'étendent pas au delà de six.
Lorsque les directoires de district auront préparé le plan de la rectification de leurs cantons, ils le présenteront au directoire de département, avec l'exposition de leurs motifs, et le directoire
de département prononcera, après avoir entendu le procureur général syndic-
Il peut être à la convenance de plusieurs communes de se réunir en une seule municipalité; il est dans l'esprit de l'Assemblée nationale de favoriser ces réunions; et les corps administratifs doivent tendre à les provoquer et à les multiplier par tous les moyens qui sont en leur pouvoir. C'est par elles qu un plus grand nombre ae citoyens se trouvera lié sous un même régime, que l'administration municipale prendra un caractère plus imposant, et qu'on obtiendra deux grands avantages toujours essentiels à acquérir la simplicité et l'économie.
§ IV. — Formation et envoi des états de population et de contribution directe, pour déterminer la réprésentation de "chaque département dans le Çorps législatif,.
Suivant le déeret du 22 décembre dernier, tous les départements députeront également au Corps législatif trois représentants, à raison de leur territoire, excepté le département de Paris, qui, étant beaucoup moindre que les autres, en étendue territoriale, n'a qu'un seul député de cette espèce. 11 n'en est pas de même de la représentation attachée à la population et à la contribution directe : celle-là doit se trouver fort inégale, numériquement entre les divers départements, puisqu'elle est proportionnelle au nombre des habitants de chaque département, et à la masse des contributions directes qu'il supporte.
11 faut donc, pour établir la représentation dont chaque département doit jouir, relativement à ces deux dernières bases, que le montant de sa population active et celui de sa contribution directe soient connus,
Pour y parvenir, les directoires de département doivent, conformément à l'article 5 du décret du 28 juin dernier, s'empresser, de former l'état du tableau de toutes les municipalités de leur ressort, portant indication, tant du montant de la population active* que de celui des impositions directes de chaque municipalité.
Les directoires de département ont, dès à présent, deux bases dont ils peuvent se servir pour former l'état de la population active ; savoir, d'une part, les listes des citoyens actifs qui ont été faites en chaque commune, pour la formation des municipalités, et pour celles des assemblées primaires, et, d'autre part, le nombre des électeurs qui viennent d'être nommés par les assemblées primaires pour convoquer les corps administratifs ; le nombre de ces électeurs, multiplié par cent* donne celui des citoyens actifs du département, puisque ces électeurs ont été nommés à raison d'un par cent citoyens actifs.
Les directoires puiseront les connaissances nécessaires pour former l'état indicatif de la contribution directe payée par chaque département, dans les rôles de répartition faits par les municipalités et,dans les minutes du dernier réparte-ment des impositions qui se trouvent soit aux intendances, soit aux archives des anciennes commissions intermédiaires, soit aux bureaux des receveurs particuliers des finances. Il est nécessaire de distinguer soigneusement, dans cet état, les différentes contributions directes qui se paient en chaque département.
La confection de ces deux tableaux de la population active et de la contribution directe est le travail le plus pressant dont les directoires de
département aient maintenant à s'occuper ; puisque c'est de leurs résultats connus et combinés, que dépend la possibilité de former constitution-nellement la prochaine législature. Les directoires doivent donc s'y livrer sans retard, et cumuler tous les moyens d'accélération.
Aussitôt que ces tableaux seront faits, ils en adresseront un double à l'Assemblée nationale. Il est indispensable que cet envoi soit fait avant le 15 de septembre prochain.
§ V. — Vérification de la composition des municipalités.
Les directoires de département chargeront ceux des districts de se faire remettre par chaque municipalité, dans le plus court délai possible, une copie du procès-verbal de ia formation du corps municipal.
Les directoires de district examineront ces procès-verbaux et les adresses ou mémoires de ceux qui se plaindront soit des vices de la formation de quelques municipalités, soit des injustices personnelles qu'ils auraient éprouvées dans le cours des élections.
Après avoir vérifié les faits, chaque directoire de district fera un état ou tableau de toutes les municipalités de son ressort, en désignant, dans une colonne marginale, celles qui n'ont donné lieu à aucune réclamation, et celles dont la validité est contestée : il donnera, relativement à celles-ci ses observations et son avis sur la. régularité ou les défectuosités de leur formation.
Le directoire de district pourra, s'il en est besoin, nommer un commissaire de son sein, ou pris parmi les huit autres administrateurs du district, pour faire, sur le lieu, la vérification des faits.
A mesure que le directoire de département recevra de ceux des districts les états ou tableaux des municipalités, il les communiquera au procureur générai syndic; et, après l'avoir entendu, il décidera définitivement quelles munici palités doivent subsister et quelles doivent être annulées. Il nommera, pour procéder à la nouvelle formation de ces dernières, un commissaire qui convoquera l'assemblée des citoyens actifs, qui nommera le citoyen chargé d'expliquer l'objet de la convocation, qui présidera au recensement du scrutin en la maison commune et qui proclamera les nouveaux officiers municipaux.
Le directoire de département prononcera de même, définitivement, d'après les observations et les avis des directoires de district, sur les réclamations des citoyens dont Y activité ou Y éligibilité aura été constatée dans les assemblées primaires ou électorales et qui auront été exclus par les jugements provisoires de ces assemblées. Il observera que ces décisions soient toujours rigoureusement conformes à la disposition des décrets constitutionnels. Le procureur général syndic les notifiera aux officiers municipaux de la commune, dont les personnes, sur l'état desquelles il aura été prononcé, sont membres, et c'est d'après ces décisions que le tableau des citoyens actifs et de3 citoyens éligibles, prescrit par l'article 8 de la section première du décret du 22 décembre dernier, sera définitivement arrêté dans chaque municipalité.
Les directoires de département chargeront ceux de district de se faire remettre, par chaque municipalité de leur ressort, deux doubles de ce
tibleau, doDt un sera déposé aux archives du district et l'autre sera envoyé par le directoire de district au directoire de département. Cet envoi sera répété tous les ans, après que le tableau aura été revu en chaque municipalité et aura reçu les changements dont il sera trouvé susceptible.
11 en sera de même pour les listes civiques des jeunes citoyens de vingt-un ans qui se seront présentés aux assemblées primaires et y auront prêté le serment prescrit par l'article 4 de la section première du décret du 22 décembre dernier.
§ VI. — Règles principales pour décider les contestations relatives à Vactivité et à Végibilité des citoyens.
Les principes constitutionnels sur cette matière se trouvent dans le décret constitutif du corps administratif du 22 décembre dernier, et dans l'instruction de l'Assemblée nationale, publiée à la suite de ce décret. Les difficultés survenues dans l'application de ces principes ont donné lieu à plusieurs décisions interprétatives qui sont réunies dans ce paragraphe, pour faciliter et diriger le travail des directoires :
1° Il n'y a aucune distinction à faire à raison des opinions religieuses. En conséquence, les non catholiques jouissent des mêmes droits que les catholiques, aux termes du décret du 24 décembre 1789. Cependant, parmi les juifs, il n'y a encore que ceux connus sous la dénomination de juifs portugais, espagnols et avignonnais qui soient citoyens actifs et éligibles, suivant le décret du 28 janvier 1790 ;
2° Les étrangers qui demeurent depuis cinq ans dans le royaume, et qui, en outre, ont épousé une Française, ou acquis un immeuble, ou formé un établissement de commerce, ou obtenu dans quelque ville des titres de bourgeoisie, sont réputés Français (Décret du 30 avril 1790);
3° La condition du domicile de fait n'emporte que l'obligation d'avoir dans le lieu une habitation depuis un an et de déclarer qu'on n'exerce les droits de citoyen dans aucun autre endroit (Décret des 20, 23 mars et 19 avril, art. 6);
4° Toute personne attachée au service civil ou militaire de la marine conserve son domicile, nonobstant les obstacles nécessités par son service, et peut exercer les fonctions de citoyen actif, s'il a d'ailleurs les qualités exigées par les décrets de l'Assemblée nationale (Décret du 26 juin 1790). Il en est de même des personnes attachées au service militaire de terre;
5° Les intendants ou régisseurs, les ci-devant féodistes, les secrétaires, les charretiers et maîtres-valets de labour, employés par les propriétaires, fermiers ou métayers, ne sont pas réputés domestiques ou serviteurs à gages et sont actifs et éligibles, s'ils réunissent les conditions prescrites (Même décret, article 7). Il en est de même des bibliothécaires, des instituteurs, des compagnons ouvriers, des garçons marchands et des commis aux écritures;
6° Les religieux, qui n'ont pas usé du droit de sortir du cloître, ne sont point actifs, tant qu'ils vivent sous le régime monastique;
7° Les évêques et les curés sont citoyens actifs, quoiqu'ils n'aient pas une année de domicile dans leurs évêchés ou leurs cures ; ils n'en est pas de même des vicaires ;
8° Les fonctions des évêques, des curés et des vicaires sont incompatibles avec celles des membres des directoires de district et de départe-
ment, et de maire, officier municipal et procureur de la commune; et s'ils étaient nomn és à ces places, ils sont tenus de faire leur option, mais cette incompatibilité n'a lieu que pour les nominations qui restent à faire;
9° Les curés, vicaires et desservants qui se refuseraient à faire au prône, à haute et intelligible voix, la publication des décrets de l'Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés parle roi, sont incapables de remplir aucune fonction de citoyen actif : mais il faut que la réquisition et le refus soient constatés par un procès-verbal dressé à la diligence du procureur de la commune (Décret du 2 juin 1790) ;
10° Les percepteurs d'impôts indirects, quoiqu'ils puissent être citoyens actifs, sont cependant inéligibles aux fonctions municipales ou administratives, tant qu'ils n'ont pas abandonné leur premier état ;
11° Les contrôleurs des actes, directeurs des domaines, entreposeurs de tabac, les regratiers et les directeurs des postes ne sont point inéligibles, non plus que les cautions des adjudicataires des octrois, lorsqu'ils ne sont pas associés;
12° Les fils de débiteurs insolvables ne sont point exclus de la qualité de citoyens actifs et éligibles, s'ils ne possèdent rien à titre gratuit de la fortune de leur père;
13° L'exclusion fondée sur faillite, banqueroute ou insolvabilité ne peut être prononcée qu'autant que les actes ou jugements qui ia prouvent sont rapportés;
14° La qualité de citoyen actif subsiste, mais l'exercice en est suspendu, tant que le citoyen n'a pas prêté le serment civique, soit dans une assemblée commune ou primaire, soit un directoire de district. Il en sera de même à l'avenir pour ceux qui ne se feront pas inscrire sur ie registre du service de la garde nationale;
15° Les citoyens qui sont exclus des assemblées aux termes du décret du 28 mai 1790, pour refus de prêter soit le serment civique, soit le serment prescrit par ce décret, ou à cause des menaces et violences qu'ils se seraient permises, sont privés pour cette fois des droits de citoyen actif;
16° Les condamnations définitives à une peine infamante font perdre la qualité de citoyen actif.
17° Pour être citoyen actif, il suffit "de payer la contribution exigée, dans un lieu quelconque du royaume (Décret du 2 février, art. 3) ;
18°. Dans les lieux où l'on ne perçoit aucune contribution directe, et dans ceux où ia contribution territoriale est seule connue, ceux-là sont citoyens actifs qui exercent un métier ou une profession dans les villes, et qui ont, dans les campagnes, une propriété foncière quelconque, ou, par bail, une exploitation de 30 livres de loyer ;
19° Les militaires, qui ont servi seize ans sans interruption et sans reproches, sont dispensés de la condition de payer une contribution directe, et de celle d'avoir une propriété. Ils sont actifs et éligibles dans tous les degrés d'administration et de représentation, s'ils réunissent ies autres conditions exigées et s'ils ne sont point en garnison dans le canton (Décret du 28 février, art. 7). 11 en est de même de tout militaire ou homme de mer qui, depuis l'âge de dix-huit ans, a servi sans reproches pendant soixante-douze mois sur les vaisseaux de guerre, ou, dans les grands ports, l'espace de seize ans ;
20° La contribution directe payée par un chef d'entreprise, un aîné communier,"un père vivant avec ses fils, qui ont des propriétés, est censée
payée par les associés, les frères puînés et les enfants, chacun à proportion de son intérêt ou de sa propriété dans la maison commune;
21° Les impositions retenues par le débiteur d'une rente sont une contribution directe de la part du créancier ; il en est de même du centième denier payé jusqu'à présent par le titulaire d'of-iice;
22° La valeur de la journée de travail, dans la fixation de la contribution requise pour être citoyen actif, ne peut être portée à plus de vingt fois, même dans les lieux où elle se paye plus chèrement; et elle peut être fixée plus bas dans Jes lieux où elle se paye effectivement moins.
§ VII. — Règles pour prononcer sur la validité des élections municipales.
Il ne s'agit point, dans ce paragraphe, des questions de simple intérêt privé, et dont l'objet se réduirait à fixer l'état particulier d'un citoyen; il s'agit des réclamations d'une plus haute "importance, par lesquelles on dénoncerait des vices graves qui affecteraient une élection entière; et seraient de nature à faire annuler un corps municipal.
Les élections des officiers municipaux et des notables sont nulles :
1° Lorsque l'assemblée des électeurs s'est formée sans convocation régulière, et s'est soustraite à la surveillance de l'autorité préposée à l'ouverture de la séance et au recensement des scrutins ;
2° Lorsque les suffrages ont été donnés tumultueusement par acclamation, et non par la voie du scrutin, qui est la seule forme constitutionnelle de les constater ;
3° Lorsqu'en recueillant les suffrages au scrutin, ceux des votants qui ne savent point lire ont apporté des bulletins tout faits, ou ne les ont pas fait écrire ostensiblement sur le bureau, par l'un des scrutateurs ;
4° Lorsqu'il s'est trouvé, au recensement du scrutin, un plus grand nombre de billets qu'il n'y avait de votants, et que ce scrutin vicieux a cependant servi pour déterminer l'élection des officiers municipaux ou des notables;
5° Lorsque des citoyens inactifs ont été admis à voter sans que l'Ass-mblée ait voulu entendre les réclamations faites contre leuradmissibifité, ni les juger régulièrement;
6e Lorsque des citoyens actifs ont été exclus sans que l'Assemblée ait voulu entendre leurs représentations, ni les juger régulièrement.
7° Lorsque la violence d'un parti a dominé l'Assemblée, en a expulsé une partie des votants, ou a gêné et forcé les suffrages.
8° Lorsqu'il sera constaté qu'il y a eu supposition de suffrages ou qu'ils ont été captés par des voies illicites.
Les directoires de département doivent prononcer d'après l'avis des directoires de district sur tous ces points, dont dépend la validité ou la nullité des élections municipales; mais on ne peut leur recommander, ni trop de vigilance dans la vérification des faits, ni trop de prudence et ne circonspection dans leurs décidions. Une rigueur inflexible produirait les plusgrandsinconvénients; il est préférable, pour cette fois, de tolérer les fautes et les erreurs legè es et de ne porter même un jugement rigoureux sur les vices les plus essentiels, qu'autant qu'ils auront fait la matière d'une réclamation formelle et soutenue.
11 y a cependant un cas dans lequel les directoires doivent interposer leur autorité d'office, quoi qu'i lie ne fut pas provoquée; c'est celui où deux municipalités, créées par deux partis opposés, subsisteraient à la fois dans la même commune. Il est évident que ce co iflit d'autorités et de fonctions, destructeur de l'ordre et de l'activité du service, ne peut pas disparaître trop promptement; mais aussi les directoires sentiront que leurs décisions ne peuvent pas être préparées par un examen trop scrupuleux des faits, ni déterminées par une impartialité trop sévère.
A l'avenir, les corps administratifs préviendront beaucoup de désordres dans les assemblées et d'irrégularités dans les élections, en tenant la main exactement à l'exécution du décret du 28 mai dernier. Ils veilleront, dans cet esprit, à ce que les seuls citoyens, ayant le droit de suffrage, soient . admis aux assemblées de com nunes primaires ou électorales; à ce que les votants n'y portent aucune espèce de bâtons ou d'armes ; à ce qu'aucune garde ni force armée n'y soit introduite que sur la réquisition formelle de l'assemblée elle-même, ou par 1 ordre exprès du président; enfin à ce que toutes les formalités prescrite*, pour assurer la liberté et la sécurité des suffrages, soient observées.
VIII. — Règles à observer par les corps administratifs dans l'exercice de la surveillance et de l'autorité qui leur est attribuée sur les municipalités.
Les corps administratifs doivent également protéger les officiers municipaux, dans l'exercice de leurs fonctions, et réprimer les abus que ces ofliciers pourraient être tentés de faire de leur autorité.
I. Les directoires doivent veiller, premièrement, à ce que les ofliciers municipaux ne s'arrogent aucunes autres fonctions que celles qui sont propres au pouvoir municipal, ou celles dépendant de l'aaministration générale, qui leur sont spécialement déléguées.
Si les corps municipaux entreprenaient sur la puissance législative, en faisant des decrets ou des règlements; s'ils usurpaient les fonctions judiciaires daus les matières civiles ordinaires ou dans les matières criminelles; s'ils étendaient leurs fonctions administratives, soit en outrepassant les bornes qui leur sont assignées, soit en essayant de se soustraire à la surveillance et à l'autorité des corps administratifs, ceux-ci doivent être attentifs à les réprimer en annulant leurs actes inconstitutionnels et défendant de les mettre à exécution.
III. Les directoires doivent, en second lieu, maintenir soigneusement la division des fonctions assignées au corps municipal et au conseil général de la commune.
Lorsque le corps municipal aura négligé de convoquer les notables, pour délibérer eu conseil général dans les cas énoncés eu l'article 54 du décret du 14 décembre dernier, non seulement le directoire de département fera droit sur la représentation que les notables pouriont lui faire parvenir, par l'entremise du directoire du district, mais il ne pourra autoriser, par son approbation, l'exécution de la délibération du corps municipal ; il sera tenu, au contraire, de l'annuler et d'ordonner la convocation du conseil général pour être délibéré de nouveau. Le directoire de département veillera de même
à ce que les notables se renferment dans les limites des fonctions qui leur sont confiées, et soient bien convaincus que tant que le conseil général n'est pas convoqué, ils ne sont que simples citoyens. Il tiendra la main à ce qu'ils ne puissent pas impunément s'introduire, par violence ou par autorité, dans une délibération à laquelle ils n'auront pas été appelés, et à ce que, dans les cas même où ils prétendront que le conseil général doit être convoqué, leur réclamation ne soit entendue et admise,que par la voie de pétition présentée à l'administration supérieure.
III. Un troisième objet de l'attention des directoires est de maintenir, d'une part, l'autorité des corps municipaux et des conseils généraux des communes contre les communes elles-mêmes et contre les particuliers; et, d'autre part, les droits et les intérêts légitimes, soit des communes, soit des particuliers, contre les corps municipaux et les conseils généraux des communes.
Sous le premier rapport, les directoires tiendront la main à ce que les citoyens des communes, assemblés pour élire, ne restent pas assemblés, après ies élections finies, et ne transforment pas les assemblées électorales en assemblées délibérantes; à ce qu'aucune section de l'assemblée générale d'une commune ne puisse se dire permanente, ou se perpétuer parle fait; et à ce que, dans toute autre occasion, les communes ne puissent s'assembler pour une convocation expresse du conseil général. Si quelque entreprise de ce genre est dénoncée au directoire de département, il ordonne à l'assemblée inconstitutionnelle de se dissoudre, et annulera tous les actes délibératifs qu'elle aura faits.
Sous le second rapport, les directoires maintiendront les citoyens actifs dans le droit de requérir, par une pétition présentée au conseil gérai, la convocation de l'assemblée de la commune, aux termes de l'article 24 du décret du 14 décembre dernier. Si le conseil général méprise cette réquisition, lorsqu'elle aura été faite par le sixième des citoyens actifs dans les communes au-dessous de 4,000 âmes, ou par 150 citoyens actifs dans ies communes plus nombreuses, le directoire de département à qui cette inf action aura été déférée par l'intermédiaire du directoire de district, enjoindra au conseil général de faire la convocation, et, dans le cas de refus réitéré, ou de retardement sans motifs, il pourra nommer un commissaire qui convoquera l'assemblée de la commune.
Les directoires veilleront de même à ce que les citoyens ne soient pas troublés dans la faculté de se réunir paisiblement et sans armes, en assemblées particulières, pour rédiger des adresses et pétitions, lorsque ceux qui voudront s'assembler ainsi, auront instruit les officiers municipaux du temps, du lieu et du sujet de ces assemblées, et à la charge de ne pouvoir députer que dix citoyens pour présenter ces adresses et pétitions.
Dans aucun cas, les adresses et pétitions, faites au nom de plusieurs citoyens réunis, ne seront reçues, si elles ne sont "pas le résultat d'une assemblée de ces citoyens qui aient délibéré ensemble de les présenter, et si elles ne sont souscrites que de signatures recueillies dans les domiciles, sans assemblée ni délibération antérieure.
Les directoires de département donneront encore la plus grande attention aux plaintes des citoyens qui se prétendront personnellement lésés par quelque acte du pouvoir municipal; et après avoir fait vérifier les faits par les directoires de district et avoit reçu leur avis ils redresseront
équitablement les griefs qui se trouvent fondés.
Ils se comporteront de même à l'égard des dénonciations qui leur seront faites des délits d'adminitration imputés aux officiers municipaux. Quand les fautes seront légères ils se contenteront de rappeler à leur devoir les officiers qui s'en seront écartés, par des instructions, des avertissements, ou même par des réprimandes salutaires qui ont, tout à la fois, la dignité de la loi et la force de la raison, quand elles sont motivées impartialement sur la raison et sur ia loi. S'il s'agissait de vexations très grandes ou d'autres prévarications criminelles, susceptibles d'une peine af-flictiveou infamante, les directoires renverraient l'affaire aux tribunaux. Si, enfin, la circonstance était telle qu'elle exigeât un remède plus actif, tel, par exemple, que Ja suspension actuelle des fonctions d'un officier dont l'activité ne pourrait être maintenue sans danger, les directoires pourraient, en renvoyant l'affaire aux tribunaux, ordonner provisoirement cette suspension.
En général, les directoires doivent s'appliquer dans ces sortes d'affaires, à les terminer dans leur sein, et à pourvoir administrâtivemerit, tant au rétablissement de l'ordre public qu'à la satisfaction des individus lésés, à moins qu'il ne s'agisse de délits assez graves pour mériter d'être poursuivis pas la voie criminelle.
IV. Les corps administratifs sont chargés de soutenir l'exécution des actes émanés légitimement du pouvoir municipal, et de punir l'irrévérence et le manque de respect envers les officiers municipaux.
S'il s'élevait quelque résistance à l'exécution des délibérations prises, ou des ordres donnés par une municipalité, les directoires seraient tenus d'employer, pour la faire cesser, toute la force de l'autorité supérieure dont ils sont revêtus, et même le recours de la force armée s'il devenait nécessaire :
Dans le cas où il y aurait eu des excès graves, commis envers les officiers municipaux, le directoire de département pourrait, après avoir fait vérifier les faits par le directoire du district et après avoir pris son avis, prononcer contre les coupables la radiation de leurs noms du tableau civique, et les déclarer incapables et privés de tout exercice des droits de citoyen actif, conformément au décret de 2 juin dernier.
Les directoires considéreront, dans l'exercice de cette partie de leurs fonctions, que si, d'une part, l'administration municipale est toute fraternelle, si elle a besoin d'être éclairée dès qu'elle tend à l'arbitraire, et si elle doit être contenue lorsqu'elle devient oppressive; d'autre part, l'insubordination aux officiers municipaux et le mépris de l'autorité constitutionnelle qui leur est confiée sont des délits très graves qqi, s'ils n'étaient pas sévèrement réprimés, pourraient entraîner les suites les plus funestes.
Ils ne perdront pas de vue, cependant, lorsque le maintien de l'ordre public leur imposera l'affligeante nécessité de s'élever contre les officiers municipaux que, dans une circonstance aussi fâcheuse, la rigueur ne doit être déployée, qu'après avoir épuisé tous les ménagements ; et qu'autant la prudence doit en diriger l'usage, autant la dignité et les égards doivent en adoucir l'amertume.
Ils réfléchiront aussi que,lorsque dans des temps de trouble, le peuple se livrant à la licence oublie le respect dû aux dépositaires de l'autorité, ces excès sont le plus souvent inspirés ou encouragés par les ennemis du bien public ; que ce
sont eux qui, abusant de l'ignorance du peuple, le remplissent d'illusions et l'égarent par de fausses idées de liberté; et qu'eux seuls sont les vrais coupables qu'il serait principalement important de découvrir et de dénoncer aux tribunaux, pour obtenir, aux prix de quelque châtiment mémorable, le retour absolu de la tranquillité publique.
V. Les directoires doivent enfin veiller à ce que les municipalités rem plissent avec exactitude, mais avec discernement, le devoir important qui leur est imposé de réprimer les attroupements séditieux.
Si quelques municipalités usaient indiscrètement de la loi martiale, lesdirectoiresseraienttenus de les avertir que cette loi est un remède extrême que la patrie n emploie qu'à regret contre ses enfants même coupables, et qu'il faut, pour en autoriser la publication, que le péril de la tranquillité publique soit très grave et très urgent.
Dans le cas contraire, si les officiers municipaux avaient négligé de proclamer la loi martiale, lorsque la sûreté publique l'exigeait, et si cette négligenôe avait eu des suites funestes, ce serait au directoire du département à prononcer, d'après l'avis du directoire de district, sur la responsabilité encourue par les officiers municipaux ; et ils renverraient aux tribunaux, si la conduite de ces officiers était assez répréhensible pour mériter d'être poursuivie par la voie criminelle. Les directoires doivent montrer une fermeté imposante dans cette partie de leurs fonctions ; car ce serait une indulgence bien cruelle que celle qui encouragerait la collision et la pusillanimité d'officiers municipaux trahissant la confiance dont ils ont été honorés, et livrant leur commune à tous les dangers des effervescences séditieuses.
Les directoires de district seront attentifs à poursuivre devant les tribunaux la responsabilité des dommages occasionnés par des attroupements, qui, requises de dissiper l'attroupement, et ayant pu empêcher le dommage, ne l'auraient pas fait. Si les directoires de district négligeaient de remplir cette obligation qui leur est prescrite par l'article 5 du décret du 23 février dernier, le directoire de département aurait soin de les rappeler à son exécution.
§ IX. — Gardes nationales.
Lorsque l'Assemblée nationale décrétera con-Stilutiounellement l'organisation des gardes nationales, la nature et les règles de leur service, elle déterminera leurs rapports avec les corps administratifs, et l'autorité que ceux-ci exerceront sur cette partie de la force publique. Mais, en attendant, il est nécessaire de rappeler ici quelques règles qui ont été posées provisoirement et dont les corps administratifs doivent surveiller l'observation :
1° Nul changement ne peut être fait dans le régime actuel des gardes nationales, que de concert entre elles et la municipalité, ou par la décision des corps administratifs ;
2° Toutes compagnies de milice bourgeoise, formant des corporations différentes, sont tenues de se réunir en un seul corp-, de servir sous le même uniforme et de suivre le même régime. Les vieux drapeaux doivent être déposés dans les églises;
3° Tous les citoyens qui veulent jouir du droit d'activité et leurs fils âgés de 18 ans doivent
s'inscrire sur la liste de la garde nationale ;
4° Ceux qui, à cause de leur âge, de leur état ou profession, ou par quelque autre empêchement ne pourront servir en personne, se feront remplacer mais seulement par des citoyens actifs, ou par des fils de citoyens actifs inscrits sur la liste de la garde nationale ;
5° Les membres des corps municipaux et ceux des directoires ne peuvent, pendant leur administration, exercer en même temps les fonctions de la garde nationale ;
6° Lés gardes nationales ont, dans leur territoire, le pas sur les troupes de ligne ;
7° Elles doivent déférer à la réquisition des municipalités et des corps administratifs ; mais leur zèle ne doit jamais la prévenir;
8° Elles ne peuvent, ni se mêler directement ou indirectement de l'administration municipale, ni délibérer sur les objets relatifs à l'administration générale.
Toutes les difficultés qui pourront naître encore entre les municipalités et les gardes nationales, jusqu'à l'organisation définitive de ces dernières,seront soumises auxcorps administratifs et terminées parle directoire de département, sur les observations et l'avis des directoires de district.
Les corps administratifs remontant aux causes de ces difficultés, examineront si les municipalités, abusant du zèle des citoyens, n'exigent point de la garde nationale au delà du service nécessaire, ou si, jalouses d'étendre leur autorité, elles né troublent point la discipline intérieure. Elles examineront aussi si la garde nationale se tient dans la subordination quelle doit auxcorps municipaux; si, dans le cas où elle est requise, elle se montre fidèle au serment qu'elle a prêté, de protéger les personnes, les propriétés, la perception des impôts et la circulation des subsistances; si, eqfin, elle n'entreprend point sur les affaires civiles dont la connaissance lui est interdite. Les corps administratifs opposeront partout le langage de la loi à celui des passions, et l'autorité des règles aux entreprises arbitraires. Ils s'appliqueront spécialement à apaiser les troubles naissants, parce qu'il est beaucoup plus lacile de rémedier par la prudence aux commencements du désordre, que de le réprimer par ia force, lorsqu'il a fait des progrès.
Chapitre II. Finances.
Il serait superflu d'entrer dans de longs détails sur les mesures à prendre par les directoires pour accélérer la confection et la vérification des rôles ; pour assurer et presser le recouvrement des impositions, pour constater et corriger, dans le ré-partement prochain, les vices de celui de 1790; pour pourvoir aux réclamationsdes contribuables ; et pour commuer et surveiller i'exé ution des travaux publics et notamment des grandes routes. Le service de cette année se faisant d'après les règles anciennes, il appartenait au roi d'indiquer la marche qu'elles prescrivent, à cet égard, aux nouvelles administrations. C'est dans cette vue qu'a été rédigée l'instruction adressée, par son ordre, aux départements, à mesure qu'il sont organisés, et sur laquelle quelques observations seulement ont paru indispensables.
I. Il est dit, au paragraphe huitième de cette instruction, que les directoires de district et de département ne peuvent se permettre de nommer, pour le recouvrement des impositions de 1790 et des années antérieures, d'autres receveurs ou
trésoriers, que ceux maintenus dans leurs fonctions par le décret du 30 janvier 1790; et que toute nomination qui aurait été faite par eux, ne pouvant être relative qu'au recouvrement de 1791, serait prématurée et inconstitutionnelle.
Rien n'est plus vrai, si les nominations des directoires n'avaient pour objet que le recouvrement des impositions ordinaires ; mais comme il est un autre genre de perception à faire, dès à présent, dans les départements et districts, celle notamment des revenus des biens ci-devant ecclésiastiques, et du prix de la vente des domaines nationaux, on conclurait, niai à propos, des termes de l'instruction du roi, qu'il n'y doit être établi encore aucune autre caisse que celle des receveurs des impositions ordinaires. Il est certain, au contraire, qu'il y faut, maintenant, des caisses distinctes dans lesquelles puissent être versées les perceptions qui ne doivent pas être faites par ces revenus.
L'Assemblée nationale n'a pu statuer encore définitivement sur le régime des caisses dans les départements et districts, parce que ce régime est évidemment subordonné au système général d'impôt qu'elle adoptera, et dont le plan va être incessamment mis sous s s yeux : ainsi, ce qui va être réglé, à cet égard, n'est que provisoire.
Dans les départements où il a été nommé, soit par les conseils, soit par les directoires, un receveur pour chaque district et un trésorier de département, ces nominations subsisteront.
Dans les déparlements et les districts où il n'a encore été fait aucune nomination, et où la première session des conseils est terminée, ies directoires des districts nommeront sur-le-champ un receveur.
Duns les départements où la première tenue des conseils de district ne sera pas encore finie à la réception de la présente instruction, la nomination du receveur de district sera faite par le conseil de district.
Les conseils et les directoires de district auront attention de ne choisir que des personnes d'une probité et d'une solvabilité connues. Les anciens receveurs ordinaires des impositions sont éligibles.
Les conseils et les directoires des départements, f où il n'a pas encore été établi de trésorier, n'en [ éliront pas ; mais le receveur du district du chef-lieu du département fera provisoirement les fonctions de ce tré:-orier et sera chargé de la recette générale du département.
Les fonctions du receveur du district du chef-lieu de chaque département devenant plus importantes à raison de cette recette générale, le directoire de département recommandera au conseil ou directoire de district, à qui la nomination en appartient, de ne choisir que dans une classe d'hommes capables d'une responsabilité plus étendue. La nomination du conseil ou directoire de district devra d'ailleurs être approuvée par le directoire de département, et Je receveur, dont celui-ci aura approuvé la nomination, sera sous sa surveillance immédiate relativement à la recette générale du département.
Toutes les nominations faites où à faire, dont il vient d'être parlé, seront purement provisoires, et dans leur prochaine session, qui aur lieu en septembre et octobre, les conseils procéderont à une autre nomination définitive, suivant les règles qui seront prescrites par l'Assemblée nationale, pour l'éligibilité et le cautionnement des trésoriers et receveurs.
Les trésoriers de département et les receveurs
de district ne sont chargés, quant à présent, que de recevoir les revenus des biens ci-devant ecclésiastiques, les deniers qui proviendront de la vente de tous les domaines nationaux, le prix du rachat des différents droits féodaux, dont il sera parlé ci-après, et les autres objets dont la recette leur est spécialement attribuée par les décrets de l'Assemblée nationale. Ils ne doivent s'immiscer en aucune manière dans le recouvrement, soit des impositions de 1790 et des années antérieures, soit du montant de la contribution patriotique, qui sera payé en 1790 et qui est affecté au service de la présente année. Le recouvrement doit être fait par les anciens receveurs ordinaires des impositions, lesquels sont maintenus à cet égard dans leurs fonctions par le décret du 30 janvier dernier, à l'exécution duquel les directoires veilleront avec la plus grande attention.
Les trésoriers de département et les receveurs de district ne pourront aussi entreprendre sur aucune des fonctions attribuées, quant à présent, ou qui pourraient être attribuées, par la suite, aux trésoriers de la guerre et d ■ la marine ou à d'autres trésoriers particuliers. Les deniers ver-és dans les caisses de ces trésoriers ne doivent jamais être détournés de leur destination spéciale, même sous prétexte de les appliquer aux besoins des districts ou des départements, et les directoires doivent s'opposer à toute entreprise de cette nature.
A la fin de chaque quinzaine, les receveurs de district verseront dans la caisse du tré-orier du département ou du receveur principal de district qui en tiendra lieu, le montant de toutes les recettes, déduction faite seulement des sommes qui doivent être payées à leur caisse. Les directoires de district veilleront à l'exactitude de ce versement, et ils vérifieront, à cet effet, l'état de la caisse du district, tous les quinze jours, à peine, par les membres des directoires, d'eu répondre en leur nom.
Le trésorier du département ou le receveur principal de district qui en tiendra lieu versera, tous les mois, dans la caisse de l'extraordinaire, les fonds qui doivent y être portés ; le directoire de déparlement veillera, de son côié, à ce que ce versement n'éprouve aucun retard, et il vérifiera, le dernier jour de chaque mois, l'état de la caisse, sous la même peine de responsabilité personnelle.
Le traitement des trésoriers de départements et des receveurs de districts doit être fixé d'après des règles générales dont la détermination ne peut appartenir qu'au Corps législatif. Les directoires s'abstiendront donc de prendre aucune espèce de délibération à cet égard.
Il en doit être de même du traitement des membres des directoires, procureurs généraux, procureurs syndics et secrétaires. Au surplus, i'Assemblée nationale est convaincue qu'elle ne peut statuer trop promptement sur l'indemnité due aux citoyens qui consacrent leurs veilles à la chose publique; elle ne tardera pas à prendre en considération cet objet, ainsi que les autres dépenses d'administration, et notamment l'allégement des frais de correspondance; elle ne perdra point de vue, alors, que si la plus douce récompense de l'administrateur est la certiiude d'avoir bien mérité de la patrie, il est nécessaire aussi qu'il puisse compter sur un juste dédommagement de ses travaux.
II. Le paragraphe huitième de l'instruction, rédigée par orure du roi, indique les mesures par lesquelles les corps administratifs doivent sur-
veiller et assurer l'accélération du recouvrement des impositions ordinaires. Mais un deciet lu 13 juillet 1790 contient, à ce sujet, plusieurs dispositions essentielles dont il sera utile de retrouver ici I indication :
1° Les directions de département doivent charger ceux de district de se transnorter, sans délai, chez les receveurs particuliers des impositions et de se l'aire représenter par eux, sans déplacement, les registres de leur recouvrem nt dont ils constateront le montant pour 1790, et même pour les années antérieures, aliu d'établir la situation actuelle des collecteurs de chaque municipalité;
2° Us se feront aussi représenter les quittances d'acompte ou les quittances fiscales données aux receveurs particuliers, sur l'exercice 1790 et des années antérieures, par les receveurs au trésoriers généraux, afin de constater également la situation actuelle des premiers vis-à-vis des seconds;
3° Ils dresseront aussi un procès-verbal sommaire de ces opérations; ils l'enverront avec leur avis aux directoires de département, qui en rendront compte, sans délai, à l'Assemblée nationale et au ministre des tiuances ;
4° Les collecteurs et les municipalités qui sont en retard seront avertis, sans délai, par le directoire de district ou par les receveurs particuliers, de payer les termes échus ; et si la quinzaine après cet avertissement, iis n'y ont pas encore satisfait, les receveurs particuliers présenteront au visa du directoire de district les contraintes nécessaires et ils les mettront sur-le-champ à exécution;
5° Les directoires de district se feront remetire à l'avenir, tous les quinze jours, l'état de recouvrement fait pendant la quinzaine, certifié par les receveurs particuliers; ils l'enverront sur-le-champ au directoire de département, avec leur avis sur les causes du retard du recouvrement, et sur les moyens de l'accélérer;
6° Les directoires de département feront former pareillement, à la fin de chaque mois, l'état général certifié d'eux du recouvrement de leur territoire; et ils l'enverront, avec leurs observations, au ministre des finances qui doit être toujours à portée de faire connaître au Corps législatif la véritable situation de recouvrement des impo-itions et les causes qui ont pu ea retarder le progrès.
111. Le paragraphe 9 de l'instruction du roi indique, d'après l'article 2 du décret du 25 mai 1790, les moyens de corriger les vices qui se sont glissés dans le réparlement des impositions de 1790. Quelques éclaircissements ont paru convenables pour fixer ie véritable sens de ce décret.
Les directoires de déparlement doivent charger ceuxdedistnct de nommer des commissaires à l'effet de constater les erreurs, inégalités et doubles emplois dout se plaignent nombre de communautés. Les commissaires dresseront procès-verbal de leur travail et en feront le rapport au directoire de district qui le p endra en considération, ors du repariemeut prochain, et nui s'appliquera en conséquence à rétablir alors l'égalité entre les communautés de son territoire.
Le directoire de district enverra ce même rapport, avec ses observations, au directeur du déparlement, afin de mettre celui-ci en état d'établir une juste proportion entre les différents districts de son arrondissement, lors de la répartition
3u'i' fera entre eux de la masse des impositions u département.
Enfin, le directoire de département rendra
comote au Corps législatif du résultat des vérifications qui auront été faites dans les différents districts de son arrondissement, et il y joindra les renseignements qu'il jugera con enables pour éclairer le Corps législatif sur la ju-te distribution de l'impôt entre les divers départements du royaume.
IV. Il est dit au paragraphe 2 de l'instruction, rédigée par ordre du roi, que lorsque le directoire de département aura approuvé et délibéré une imposition extraordinaire pour réparations d'églises ou presbytères, ou pour d'autres dépenses locales, d'après le vœu d'une commune, l'imposition ne pourra être ordonnée et répartie qu'après avoir été soumise à l'autorisation du roi. Cependant, comme il ne s'agii point la d'un fait dépendant de l'administration générale du royaume, mais d'une affaire particulière et d'un acte propre au pouvoir municipal, I approbation du directoire de déparlement suffit seule, aux termes des articles 54 et 56 du décret concernant ia constitution des municipalités.
On ne quittera point l'article des finances sans rappeler aux corps administratifs une venté qu'ils doivent avoir sans cesse sous les yeux. L'exacte perception des revenus publics peut seule procurer au gouvernement les moyens de remplir les devoirs qui lui sont imposés, et, pour tout dire, en un mot, c'est du recouvrement ne l'impôt que dépend le salut de l'Etat. Quels reproches n'auraient donc pas à se faire les corps administratifs, si, préposés par la Constitution à la surveillance et à la protection de ce recouvrement, ils ne réunissaient tous leurs efforts pour prévenir les calamités sans nombre qui prennent leur source dans le vide du Trésor public.
Chapitre III. — Droits féodaux.
Parmi les différentes dispositions de l'Assemblée nationale sur la féodalité et sur les droits qui eu dépendent plus ou moins directement, il en est plusieurs que les assemblées administratives sont chargées d'exécuter ou faire exécuter et que, par cette raison, elles doivent avoir constamment sous les yeux.
1. L'article 13 du titre II du décret du 15 mars dernier supprime, sans indemnité, les droits de péage, de long et de travers, de passage, de bâlage, de pontonnage, de chômage, de grande et de petite coutume, e tous autres de ce genre, ou qui en seraient représentatifs, quand même ils seraient émanés d'une autre source que du régime féodal. 11 décharge, en conséquence, ceux qui les percevaient des obligations attachées à cette perception, c'est-à-dire de l'entretien des chemins, ponts et autres objets semblables. Il faut donc qu'a l'avenir, ces charges soient supportées parles départements, et qu'il y soit pourvu, désormais, par ies assemblées administratives, sauf au Corps législatif à déterminer, d'après leurs renseignements, quelles sont, dans ce genre, les dépenses de construction ou de reconstruction qui, utiles à tout le royaume, doivent être acquittées par ie Trésor public.
La suppression des droits dont il vient d'être parié admet quatre exceptions établies par l'article 15 et qui formeront, pour les assemblées administratives ou leurs directoires, un autre objet de travail et de surveillance.
Le premier est ea faveur des octrois autorisés, qui se perçoivent sous quelqu'une des dénominations mentionnées en l'article 13, soit au profit
du Trésor public, soit au profit des ci-devant provinces, villes, communautés d'habitants ou hôpitaux.
Cette première exception n'a pas pour but, comme quelques-uns ont paru le penser, la conservation indéfinie des droits énoncés en l'article 13, lesquels se perçoivent au profit du Trésor public, ou des ci-devant provinces, villes, communautés d'habitants et hôpitaux. Son seul objet est de soustraire, quant à présent, à la suppression, ceux de ces droits qui sont des octrois proprement dits, c'est-à-dire ceux qui, originairement concédés par le gouvernement à des corps ou à des individus, se lèvent aujourd'hui au profit du Trésor public, qui en a repris la possession par quelque cause que ce soit, ou au profit des ci-devant provinces, villes, communautés d'habitants ou hôpitaux.
La deuxième exception concerne les droits de bac et de voiture d'eau, c'est-à-dire le droit de tenir, sur certaines rivières, des bacs ou des voitures d'eau et de percevoir, pour l'usage qu'en fait le public, des loyers ou rétributions fixées par des tarifs.
La troisième exception comprend ceux des droits, énoncés en l'article 13, qui ont été concédés pour dédommagement de frais, non pas d'entretien, mais de construction de ponts, canaux, travaux ou ouvrages d'art construits ou reconstruits sous cette condition.
Et la quatrième embrasse tous les péages accordés à titre d'indemnité à des propriétaires légitimes de moulins, d'usines, de bâtiments ou établissements quelconques, supprimés pourcause d'uti ité publique.
Ce sont ces q aire exceptions provisoires qui doivent fixer, d'une manière spéciale, Patti n-tion des directo.res de département. Suivant l'article 16, ceux ci doivent vérifier les tit/es et les tarifs de la création des droits, qui se rapportent à l'une des quatre classes; ils doivent, d'après cette opération, former un avis et l'adresser au Corps législatif, qui prononcera ensuite définitivement sur le sort de ces droits. En conséquence, les possesseurs sont tenus de représenter aux directoires de département leurs titres, dans l'année de la publication du décret du 15 mars; et s'ils ne satisfaisaient pas à cette obligation, la perception des droits demeurerait suspendue.
II. La suppression des droits de huv.ige, de coutume, de cohue, et de cèux de hallage (qu'il ne faut pas confondre avec les droits de hâlage mentionnés en l'article 13) est devenue l'occasion d'une attribution particulière pour les assemblées administratives. Ce sont les directoires de département qui, aux termes de l'article 19, doivent terminer, par voie d'arbitrage, toutes les difficultés qui pourraient s'élever entre les municipalités et les ci-devant possesseurs des droits dont on vient de parler, à raison des bâtiments, halles, étaux, bancs et autres objets qui ont servi, jusqu'à présent au dépôt, à 1 étalage ou au débit des marchandises et denrées, au sujet desquelles les droits étaient perçus. Les bâtiments, halles, étaux et bancs continuent d'appartenir à leurs propriétaires, mais ceux-ci peuvent obliger les municipalités de les acheter ou de les prendre à loyer, et réciproquement, ils peuvent être contraints par les municipalités de les vendre, à moins qu'ils n'en préfèrent le louage. Cette faculté réciproque est le principe qui dirigera les directoires de département dans les difficultés qui leur sont soumises.
Si les municipalités et les propriétaires s'ac-
cordaient, les unes à ne vouloir pas acheter, les autres à ne vouloir ni louer ni vendre, alors le directoire de département, après avoir consulté celui de district, proposerait au .Corps législatif son avis sur la rétribution qu'il conviendrait d'établir à titre de loyer, au profit des propriétaires sur les marchands, pour le dépôt, l'étalage et le débit de leurs denrées et marchandises.
Si les municipalités ont acheté ou pris â loyer les bâtiments, halles, bancs et étaux, elles dresseront un projet d'un tarif des rétributions qui devront être pérçues à leur profit sur les marchands, et ce tarif ne sera exécutoire que qiiand, sur la proposition du directoire de département, il aura été approuvé par un décret de l'Assemblée nationale, sanctionné par lé roi.
A l'égard dessalairés des personnes employées, dans les places et marchés publics, au pesage et mesurage des marchandises et denrées, les municipalités les fixeront par un tarif qui ne sera cependant exécutoire qu'autant qu'il aura été approuvé par le Directoire de département, d'après l'avis de celui de district.
Enfin, les assemblées administratives et leurs directoires ne doivent jamais perdre de vue cette disposition de l'article 5 du titre III du décret du 15 mars, qiii, leur rappelant que tout ce qui dépend du pouvoir judiciaire, excède les bornes de leur autorité, leur fait défense de prohiber la perception d'aucun des droits seigneuriaux qui se trouveraient implicitement ou explicitement supprimes sans indemnités, sauf aux parties intéressées à se pourvoir, nar les voies de droit, devant les juges qui eu doivent connalire. L s a>semblées administratives et leurs directoires m' doivent pas se borner à respecter cette défense; elles doivent veiller encore, avec la plus grande attention, à ce que les municipalités n'entreprennent pas de la violer.
111. On va maintenant rappeler quelles sont, dans les décrets des 3 mai et 3 juillet derniers, les dispositions qui intéressent la vigilance des assemblées législatives.
L'article 8 du décret du 3 mai concerne les droits qui dépendent des fiefs appartenant à des communautés d'habitants; et s'il permet aux municipalités d'en liquider et recevoir le rachat, c'est à condition, néanmoins, de n'y procéder que sous l'autorité et de l'avis du directeur du département, et celui-ci est expressément chargé de veiller au remploi du prix.
li en est de même, suivant l'article 9 du décret, pour la liquidation du rachat des droits dépendant des fiefs qui appartiennent à des mainmortes et qui sont administrés par des municipalités à quelque titre que ce soit; mais le prix doit eu être versé dans la caisse du district, pour être porté dans celle de l'extraordinaire, par la même voie qui a été spécifiée ci-dessus au chapitre II.
Ce sont les directoires de département qui, sur l'avis de ceux de district, doivent liquider le rachat des-droits dépendant des biens ci-devant ecclésiastiques, quels qu'en soient les administrateurs actuels, et le prix du rachat doit être ver?é successivement dans les caisses dont il vient d'être parlé.
Il est une seule exception pour les biens de l'ordre de Malte. Les titulaires sont provisoirement autorisés à faire eux-mêmes la liquidation des droits dus aux commanderies, dignités et grands prieurés de cet ordre, mais ils doivent faire approuver leur liquidation par les directoires de département ; ceux-ci doivent veiller,
de leur côté, à ce que cette liquidation soit faite suivant les règles prescrites par le décret du 3 mai, et à ce que le prix en soit versé dans les mêmes caisses que les objets précédents.
La forme suivant laquelle doivent se faire la liquidation et le rachat des droits dépendant des fiefs domaniaux est déterminée par les articles 4, 5, 6 et 7 du décret du 3 juillet.
Ce sont les administrateurs des domaines ou leurs préposés qui doivent liquider le rachat :
1° Du droit appartenant aux biens domaniaux, dont la régie leur est confiée, soit en totalité, soit pour la perception des droits casuels;
2° Des droits de redevances fixes et annuelles des biens actuellement possédés à titre d'euga-geruent ou concédés à vie ou à temps ;
3° Des droits,tant fixes que casuels, dépendant des domaines possédés à titre d'échange, mais dont les échanges ne sont pas encore consommés;
4° Des sommes dues à la nation par les propriétaires de biens mouvants des biens nationaux, même par les apanagistes et les échangistes, dont les échanges ne sont point eucore consommés, à raison des rachats par eux reçus pour les droits dépendant de leurs fiefs.
Mais les directoires des départements, dans le ressort desquels sont situés les biens dont dépendent les droits rachetables, doivent vérifier la liquidation des administrateurs des domaines ou de leurs préposés, et ne l'approuver qu'autant qu'elle se trouvera conforme aux taux et au mode prescrits par les décrets du 3 mai; ils doivent veiller, d'ailleurs, à ce que le prix des rachats soit exactement, et à mesure qu'ils auront été effectué, versé, de la caisse de l'administration des domaines, dans ia caisse de l'extraordinaire.
Les mêmes directoires doivent également vérifier et approuver, s'il y a lieu, la liquidation faite par les apanagistes de3 droits dépendant des biens possédés à titre d'apanage, et surveiller le versement successif du prix dans les caisses de district et de l'extrordinaire.
Le décret du 3 juillet, en ne rangeant point dans la classe des droits domaniaux ceux qui dépendent des biens possédés à titre d'échanges consommés, n'approuve pas néanmoins, indistinctement, tous les échanges consommés. Il fait, au contraire, une réserve expresse d'attaquer ceux dont Je titre serait reconnu susceptible de révision. Il autorise même, dans ce cas, les oppositions, au nom de la nation, dans la forme prescrite par les articles 47, 48 et 49 du décret du 3 mai, aux rachats des droits dépendant de ces sortes d'échanges. Les directoires de département doivent veiller, sur ce point, aux intérêts de la nation, et charger le procureur général syndic de faire les oppositions qui seront jugées nécessaires.
IV. Les articles 15 et 16 du décret du 3 mai chargent particulièrement les directoires de district d'un travail qui exige de l'exactitude et de l'attention : c'est la formation de deux,tableaux dont l'un contiendra l'appréciation commune des redevances en volailles, agneaux, cochons, beurre, fromage, cire et autres denrées, dans les lieux où il n'est pas d'usage de tenir registre du prix des ventes qui s'en font, et dont l'autre comprendra l'évaluation du prix ordinaire des journées d'hommes, de chevaux, de bêtes de somme et de travail et de voitures. Les directoires de département veilleront à la confection de ces deux tableaux, dont un double leur sera adressé.
V. Le décret du 26 juillet 1790 autorise les
communautés d'habitants à racheter les arbres existant sur les places publiques des villes, bourgs et villages; mais il leur défend, à peine de responsabilité, de rien entreprendre que d'après l'autorisation expresse du directoire de département, qui sera donnée, d'après l'avis de celui du district, sur une simple requête et après communication aux parties intéressées, s'il y en a.
Les délibérations sur ce rachat seront prises par le conseil général de Ja commune, et elles indiqueront les moyens d'en acquitter le prix.
Le même décret du 26 juillet charge les a Imi-nistrations de département de proposer au Corps législatif les mesures qu'elles jugeront les plus convenables, d'api ès les-localités et sur l'avis des districts, pour empêcher toute dégradation des arbres dont la conservation intéresse le public, et pour remplacer, s'il y a lieu, par une replan-tation ceux qui ont été ou pourront être abattus.
VI. Dans le décret des 21 et 22 avril dernier, concernant la chasse, les corps administratifs se verront autorisés à déterminer, pour l'avenir, l'époque à laquelle, dans leurs arrondissements respectifs, la chasse doit être permise aux propriétaires et possesseurs, sur leurs terres non closes. C'est le directoire de département qui doit faire, chaque année, cette détermination, d'après l'avis des directoires de district lesquels pourront consulter, à ce sujet, les municipalités, afin de concilier, autant qu'il sera possible, l'intérêt général avec le droit du propriétaire.
Le directoire de département examinera si l'époque de l'ouverture de la chasse doit être la même dans toute l'étendue de son territoire, ou si elle doit varier dans tous ou dans quelques districts. L'arrêté qu'il aura pris, sur cette matière, sera adressé à toutes les municipalités par l'entremise du district et publié par les municipalités, quinze jours avant celui où la chasse sera libre.
VIII. Les administrateurs doivent veiller eufin à ce que, conformément à l'article 2 du décret du 4 août 1789, les municipalités fassent fermer les colombiers au temps où les dégâts des pigeons peuvent être à craindre pour les campagnes. La délibération par laquelle chaque municipalité aura fixé l'époque de cette clôture sera publié quinze jours avant cette époque, et la publication en sera renouvelée tous les ans. S'il survient quelques réclamations contre les dispositions que pourront faire à ce sujet les municipalités, elles seront portées devant les assemblées administratives, et le directoire de département y pourvoira sur l'avis du directoire de district.
En cas de négligence de ia part des municipalités, les directoires de district pourront faire eux-mêmes la fixation de l'époque de ia clôture des colombiers.
Chapitre IV. — Domaines et oois.
I. L'Assemblée nationale n'a pas pu s'occuper encore des réformes que peut exiger l'administration des domaines et bois; elle a décrété seulement la vente des biens domaniaux : ainsi, par rapport à la régie de ces biens et à la perception de leurs revenus, les choses doivent rester, quant à présent, sur l'ancien pied, et les municipalités, ainsi que les administrations, ne peuvent y prendre part.
Il eu est de même de la juridiction des eaux et forêts qui subsiste toujours et qui, n'ayant encore perdu que la seule attribution des délits de chasse, doit continuer de connaître, comme parle passé,
de toutes les autres matières que les anciennes lois ont soumises à sa compétence, jusqu'à ce qu'un décret formel de l'Assemblée nationale ait prononcé sa suppression.
Nombre de municipalités cependant, égarées par une fausse interprétation des décrets des 11 décembre et 18 mars derniers, se sont permis des tntieprises dont la durée et la multiplicité auraient les suites les plus funestes. L'Assemblée nationale a mis, sous la sauvegarde des assemblées administratives et municipale?, les forêts, les bois et les arbres ; et elle leur en a recommandé la conservation. De là, plusieurs municipalités ont conclu que l'administration des bois leur était attribuée et qu'elle était ôtée aux officiers des maîirises; erreur palpable et qui trouve sa condamnation dans ies ariêls mêmes dont on a cherche à l'appuyer, puisqu'ils réservent expressément les dispositions des ordonnances sur ie fait des eaux et forêts ; puisque les officiers d« s maîtrises et autres juges compétents sont chargés littéralement de maintenir les règles, et d'en punir la violation, puisqu'enfin le devoir des municipalités est restreint à un simple droit de surveillance, et à la charge de dénoncer les contraventions aux tribunaux qui doivent en connaître.
Cette erreur a déjà commis beaucoup de mal. Les gardes de maîtrises ont, daus plusieurs endroits, été expulsés des forêts et exposés à des violences. Les officiers des maîtrises, eux-mêmes, n'ont pas été respectés! Ils sont, dans certaines provinces, réduits à l'impuissance de faire leurs fonctions, qui ne doivent cependant pas être interrompues, tant qu'un nouvel ordre de choses n'aura point été établi : des dégâts considérables ont été commis dans les bois, suus les yeux des municipalités, qui doivent les empêcher ei les prévenir, et qui n'ont pas eu la force de s'y opposer. Il n'est même que trop certain que quelques-unes les ont autorisés formellement, tandis que d'autres, renversant l'ordre juridictionnel, érigent, dans leur sein, un tribunal auquel elles citent, et où elles condamnent elles-mêmes, les contrevenants.
C'est aux assemblées administratives et spécialement à leurs directoires qu'il appariient d'ariêter le cours d'un désordre véritablement effrayant; c'est à elle qu'il est réservé de surveiller la conduite des municipalités, de les contenir dans les bornes précises de leurs pouvoirs, et particulièrement de les éclairer sur la fausse interprétation des décrets de l'Assemblée nationale : elles-mêmes sont chargées de veiller à la conservation des bois, et ce n'est pas seulement contre les délits des particuliers, c'est aussi contre les erreurs et les entreprises des municipalités, qu'elles doivent défendre cette propriété précieuse.
II. Il est un autre point sur lequel un zèle louable a entraîné les municipalités au delà des bornes de leurs fonctions. Des communautés ecclésiastiques et des béneiiciers se sont permis des coupes de bois qui n'étaient pas autorisées; c'était un des délits dont la surveillance était conliée aux officiers municipaux, et que les pro-cuieuis des communes étaient chaigés de dénoncer aux tribunaux. Des municipalités ont été p us loin : au lieu de se contenter d'une simple dénonciation, elles ont fait saisir elles-mêmes, et à leur propre requête, soit les bois coupés en contravention, soit les deuiers provenant de leur vente : et ces saisies ont donné lieu à des ins-
tances, à des jugements, et même à des appels où ces municipalités figurent comme parties.
Il faut que l'ordre légitime suit rétabli à cet égard, et qu'elles cessent d'exercer ou d'essuyer des poursuites pour lesquelles elles sont sans qualité suffisante, sans néanmoins que le fruit de leur sollicitude soit perdu.
L'étendue de pouvoir qui manque à cet égard aux municipalités se trouve dans la main des assemblées administratives. Chargées par un décret spécial de l'administration des biens ci-devant ecclésiastiques, point de doute qu'elles n'aient le droit de diriger en justice, par l'entremise des procureurs-syndics, les actions relatives à la conservation des biens qu'elles doivent administrer.
Ainsi, l'un des premiers soins des directoires de département doit être, d'une part, de veiller à ce que de semblables poursuiies ne soient plus faites par les municipalités, et, d'autre part, de se faire rendre compte dessaisies et des instances subsistantes. Ils pèseront ensuite, dans leur sagesse, s'il est convenable de prendre le fait et cause des municipalités qui sont actuellement en procès, ou si la prudence et la justice doivent dicter un autre parti.
111. Les changements survenus dans l'administration des biens ci-devant ecclésiastiques ne doivent pas empêcher la vente et l'exploitation des coupes ordinaires des bois qui en lont partie. Le sursis, prononcé par ie décret du 18 mars dernier, ne concerne que les coupes extraordinaires, et il y aurait de grands inconvénients à donner à ce sursis un effet plus étendu, puisqu'il en résulterait une grande difficulté, et vraisemblablement, dans nombre d'endroits, l'impossibilité de compléter les approvisionnements nécessaires.
Ainsi, les diiectoires des assemblées administratives doivent veiller à ce que les opérations et délivrances qui se faisaient annuellement dans les bois ci-uevant ecclésiastiques aient lieu cette année comme dans les précédentes,et à ce qu'elles se fassent aux époques usitées.
Quant aux adjudications, il est également essentiel qu'elles n'éprouvent aucun retard ; et que, pour en assurer le succès, les directoires des districts, dans Je territoire desquels elles doivent être faites, se concerteut avec les officiers de maîtrises.
Les formalités ci-devant observées pour les ventes et adjudications des bois continueront d'avoir lieu jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné*
L adjudication se fera par le directoire de district, uelégué à cet effet par le directoire de département, eu présence de deux officiers au moins du nombre de ceux qui auront fait le martelage et la délivrance, ou eux dûment appelés. Les directoires de département veilleront, au surplus, à ce que les différentes adjudications à l'aire dans leur territoire soient tixéesà des jours différents, et de manière à entretenir fa concurrence entre les adjudicataires.
IV. Une dernière observation concerne l'exécution du décret du 6 juin 1790; il autorise les directoires de département à faire verser, dans les caisses des districts, les sommes provenues des ventes des bois des communautés ecclésiastiques ou laïques, soit que ces sommes aient été portées dans ia caisse de l'administration des domaines, ou dans celle des anciens receveurs généraux des domaines et bois, soit enlin qu'elles aient été déposées par autorité de justice, ou autrement entie les mains de toute autre personne publique ou particulière. En cas de refus ou de retarde-
ment de la part des dépositaires, le directoire de département pourra, sur la demande du directoire de district, décerner contre eux une contrainte qui sera mise à exécution par le trésorier du district.
Le même décret du 6 juin autorise les directoires de département à déterminer l'emploi des deniers provenant de la vente des bois des communautés laïques, sur la demande des conseils généraux des communes et de l'avis des directoires des districts.
Il est inutile d'avertir les directoires que des règles d'utilité et d'économie doivent en diriger l'emploi.
Il faut, au surplus, assurer avant tout l'acquit des charges imposées aux adjudicataires des bois des communautés ecclésiastiques ou laïques, et ie payement des ouvrages auxquels le prix des ventes et des adjudications a principalement été destiné.
Chapitre V. — Aliénation des domaines nationaux.
Par domaines nationaux l'on entend deux espèces de biens; les biens du domaine proprement dits et les biens ci-devant ecclésiastiques.
L'aliénation des domaines nationaux est une des opérations les plus importantes de l'Assemblée nationale. Sa prompte exécution influera essentiellement sur le rétablissement des finances, sur l'affermissement de ia Constitution et sur la prospérité de l'Empire. Mais son succès dépend beaucoup du zèle, de l'activité et de l'intelligence des assemblées administratives.
Pour connaître la mesure de leurs devoirs, pour apprécier l'étendue de leurs fonctions et pour en saisir l'ensemble et les détails, elles devront d'abord méditer les décrets de l'Assemblée nationale, en rapprocher les différentes dispositions et se pénétier de l'esprit qui les a dictés.
Ces décrets sont :
1° Celui des 19 et 21 décembre 1789, qui a statué qu'il serait aliéné des domaines nationaux pour une somme de 400 millions, et qu'il serait créé des assignats sur le nroduit des ventes, jusqu'à concurrence de pareille somme;
2° Celui du 17 mars, qui ordonne que les 400 millions de domaines nationaux seront aliénés au profit des municipalités du royaume, et qu'il en serait vendu à la municipalité de Pans pour 200 millions; mais sur la clause de céder aux mêmes conditions, aux autres municipalités qui ie désireront, les biens situés dans leurs territoires;
3° Celui du 14, mai qui détermine les formes, les règles et les avantages des ventes à faire, soit aux municipalités qui acquerront directement, soit à celles qui se feront subroger, soit enfin aux particuliers qui acquerront des muuicipaliiés ;
4° L'instruction décrétée le 31 mai, laquelle a pour but de faciliter aux municipalités et aux corps administratifs l'intelligence du décret du 14, et de prévenir, par des détails et des interprétations, les doutes et les obstacles par lesquels son exécution pourrait être arrêtée. Cette instruction embrasse, en grande partie, le système de l'opération et laisse peu à ajouter aux réflexions et aux développements qu'elle contient;
5° Le décret des 25, 26 et 29 juin, qui permet l'aliénation de tous les domaines nationaux autres que ceux dont il fait une exception spéciale, et qui détermine les formes, les règles et les
avantages des ventes qui seront faites soit directement aux particuliers, soit aux municipalités;
6° Enfin, le décret du 16 juillet, qui fixe, au 15 septembre prochain, le délai dans lequel les municipalités doivent faire leurs soumissions, pour jouir des avantages qui leur sont assurés par le décretdu 14 mai.
§ 1. — Observations générales.
L'administration de département et son directoire peuvent seuls correspondre directement avec l'Assemblée nationale et son comité, pour tout ce qui a rapport à la vente des domaines nationaux, comme pour tous les objets d'administration.
Les directoires de département et de district sont autorisés à recevoir directement les soumissions de ceux qui veulent acquérir des domaines nationaux. Ils doivent tenir un registre de ces soumissions, dans la forme prescrite par l'article 3 du décret du mois de juin ; et le directoire de district doit adresser, tous les quinze jours, à celui de département, l'état de celles qu'il aura reçues dans la quinzaine.
Le comité d'aliénation des domaines nationaux fait maintenant parvenir deux tableaux aux directoires de département. Par le premier, le comité leur donne connaissance de toutes les soumissions qu'il a reçues des municipalités ou des particuliers, pour des biens situés dans leur territoire. Le second doit leur servir à faire connaître au comité les soumissions reçues, tant par eux que par les directoires des districts de leur arrondissement.
Les directoires de département doivent, aux termes de l'article 4 du décret du mois de juin, former un état de tous les domaines nationaux situés dans leur territoire. Ils s'occuperont, sans délai de la formation de cet état, dans lequel seront distinguées soigneusement les différentes natures de biens, et où il sera fait un chapitre séparé des bois et forêts sur l'aliénation desquels il n'a pas encore été statué. Ils chargeront, en conséquence, chaque directoire de district de leur procurer, avec le secours des municipalités, l'indication détaillée des biens de leur arrondissement. Le tableau général des domaines nationaux de chaque département, divisé par district et subdivisé par municipalité, sera adressé à l'Assemblée nationale.
Les règles suivant lesquelles doit se faire l'estimation des domaines nationaux sont indiquées, avec beaucoup de détail, dans les décrets du mois de mai et juin et dans l'instruction du 31 mai. Les dispositions en sont en général assez claires pour n'avoir pas besoin de plus amples explications.
On se contente d'ajouter les observations suivantes d'après le dernier de ces décrets :
1° Quand un domaine, affermé par un bail général, se trouve ensuite divisé par des sous-baux, c'est le prix de ces sous-baux qui doit servir de base à l'estimation du domaine, comme se rapprochant davantage de la véritable valeur du revenu. Ainsi, les directoires doivent s'occuper de la recherche de ces sous-baux et s'en procurer la représentation, en usant au besoin des moyens indiqués par l'article 20 du décret du mois de juin ;
2° Si un domaine est affermé par bail emphytéotique, il est notoire que le plus souvent, dans ce cas, le prix du bail est fort éloigné de la véri-
table valeur des revenus, surtout si le bail est déjà ancien, et si le preneur a fait des dépenses pour l'amélioration du domaine. Ainsi, nul autre moyen alors de connaître la valeur du revenu, qu'une estimation par experts ; et c'est aussi ce qui est prescrit.
Au surplus, comme les baux emphytéotiques renferment une véritable aliénation, ils ne sont réputés avoir été faits légitimement, et par conséquent les acquéreurs ne seront tenus de leur entretien, qu'autant qu'ils auront été précédés et revêtus de toutes les solennités requises par la loi, du lieu de la situation, pour la validité de l'aliénation des objets compris dans ces baux ;
3P Si tout ou partie du fermage consiste en grains ou autres denrées, il sera formé une année commune de leur valeur, d'après le prix des grains et denrées de même nature, relevés sur les registres du marché du lieu ou du marché le
Elus prochain, s'il n'y en a pas dans le lieu, 'année commune sera formée sur les dix dernières années ;
4° Si les fermiers refusaient de certifier par serment ia vérité de leurs baux et sous-baux, le défaut de prestation de ce serment n'empêchera pas, après leur refus constaté, de prendre les Baux et sous-baux pour base de l'estimation; mais les fermiers refusant seraient déclarés déchus de ieurs baux et sous-baux, par le juge ordinaire, sur la demande du procureur général syndic, poursuite et diligence du procureur-syndic du district ;
5° Si les détenteurs des biens nationaux soutenaient n'avoir point de bail, et qu'il fût impossible d'en avoir connaissance, il faudrait en user en ce cas comme si véritablement il n'existait pas de bail, sauf néanmoins à recourir au bail, s'il venait à être représenté avant les premières enchères.
Dans les lieux où les administrations de district ou ieurs directoires ne seraient pas encore en activité, leurs fonctions seront provisoirement remplies par les municipalités des chefs-lieux de district ; et s'il s'agissait d'acquisition à faire par une de ces municipalités, dans le district même dont elle est le chef-lieu, elle serait suppléée, à cet égard seulement, par la municipalité du chef-lieu du district le plus voisin, qui n'aurait pas fait de soumission pour acquérir les mêmesobjets: et, à cet effet, le directoire de département pourra correspondre directement avec la municipalité du chef-lieu de district, comme tenant lieiu, en cette partie, du directoire de district, tant qu'il ne sera pas formé.
Le directoire de département fera afficher le 25 de-chaque mois, dans tous les lieux accoutumés de son territoire, et notamment dans ceux de la situation des biens et dans les chefs-lieux de district, l'état des biens qui auront été estimés dans le mois précédent, avecénonciation du prix de l'estimation de chaque objet. Un exemplaire de cet état sera, en outre, déposé au secrétariat de l'hôtel commun de chacun des lieux où il sera permis à chacun d'en prendre communication ou copie sans frais.
Le directoire de département adressera aussi, le 15 de chaque mois au Corps législatif, l'état des estimations qui auront été faites et des ventes qui auront été commencées ou consommées dans le mois précédent.
Le travail des administrations, relativement, aux ventes des domaines nationaux, peut se considérer sous deux points de vue ; par rapport à j celles qui seront faites aux municipalités, ou par f
leur médiation ; et par rapport à celles qui seront faites aux particuliers directement et sans intermédiaire.
Avant defaire aucune espèce de remarque sur ces deux modes d'aliénation, il n'est pas inutile d'observer que leur distinction n'intéresse en rien les particuliers.
Il fallait imprimer un premier mouvement à une opération qui relèvera 'le crédit national et assurera au Trésor public les ressources les plus fécondes. Il fallait aussi adoucir les maux qui avaient été, pour plusieurs municipalités, les suites inévitables de la Révolution. De là, l'idée de se servir de leur entremise pour la vente de 400 millions de domaines nationaux ; mais soit que cette médiation doive avoir lieu, soit que la vente se fasse directement aux particuliers, la condition de ceux-ci ne varie point. Dans l'un comme dans l'autre cas, les clauses et la forme de l'adjudication sont parfaitement semblables ; les facilités sont les mêmes pour enchérir, et la libération de l'adjudjpatipn doit s'opérer de la même manière.
§ II. — Des ventes aux municipalités, ou parleur entremise.
On se bornera à indiquer sommairement les principaux objets de la surveillance et des fonctions des diréctoires.
Ils doiyent yeiltèr à ce que les municipalités se conforment avec exactitude aux formes et aux conditions prescrites par }es différents décrets ét par l'instruction ci-devant énoncée-
Il est essentiel surtout dé faire en sorte que lés municipalités pe puissent apporter aucun retard à l'adjudication des baux pour lesquels il aura été fait des pffres suffisantes. Sur le refus/ou en cas de négligence d'une municipalité, lp Soumissionnaire aura droit dé s'adresser au direc: toire de district, qui se fera rendre compte, par la municipalité, des motifs de sa conduite. Si les motifs sopt jugés insuffisants, lé directoire de district pressera ia municipalité de poursuivre l'adjudication*. En cas de refus persévérant, le directoire de district pourra charger le procureur-syndic dé la requérir lui-même.
Les directoires surveilleront l'administration et la jouissance que doivent exercer les municipalités jusqu'à l'époque des reventes ; cette surveillance s?exercera même sur la jouissance des adjudicataires particuliers jusqu'à ce qu'ils aient entièrep^nt acquitté le prix de leur adjudication. Elle doit s'exercer avec une attention particulière sur les objets les plus susceptibles d'être dégradés. Le directoire de département chargera le procureur général syndic de poursuivre, devant les tribunaux compétents, les municipalités ou les particuliers qui abuseraient de leur jouissance, au point de diminuer les sûretés de la nation. Tous les administrateurs des départements et districts et toutes les municipalités doivent se regarder eomme obligés à aider les directoires dans la surveillance dont il vient d'être parlé, et à leur donner une prompte connaissance des dégradations qui seront commises. Ils seront invités, par les directoires de district, à remplir ce devoir avec zèle.
Le directoire de département aura soin que les adjudications auxquelles il sera procédé devant les ;directoires de district soient faites avec toute la promptitude, la publicité et la fidélité possibles.
Les directoires veilleront à ce que le montant des obligations souscrites par les municipalités soit exactement acquitté et à ce que le prix des reventes faites aux particuliers soit versé ponctuellement, soit dans la caisse du receveur du district, soit dans celle de l'extraordinaire i ils chargeront le procureur général syndic de poursuivre les débiteurs en retard.
§111. — Des ventes qui seront faites directement aux particuliers,
La vente des domaines nationaux, décrétée d'abord jusqu'à concurrence de 400 millions seulement, n'est plus circonscrite dans les bornes de cette somme; de puissants motifs d'utilité publique ont déterminé le Corps législatif à autoriser la vente de tous les domaines nationaux par le décret des 25, 26 et 29 juin. Il n'a prononcé que deux exception?» : l'une définitive pour les domaines dont la jouissance a été réservée au roi, l'autre prgyisoirp poqr )es fprêfs sur lesquelles l'Assemblée nationale statuera ultérieurement.
On l'a dit plus haut, les formes et les conditions des ventes directes aux particuliers sont les mêmes que celles des ventes qui se feront par l'entremise des municipalités; ainsi ce qui a été dit de celles-ci s'appliquera naturellement à celles-là.
Mais on ne peut trop recommander aux direc, tQires île faiiliter les petites acquisitions. Gommé c'est ici une des \u> s principales de l'opération, c'est aussi vers sou accomplissement que les moyens d'exéc ijqn doivent surtout, être dirigés, Il en est deux principaux qui ne doivent pas être perdus de vue : le premier, prescrit par i'artiqieQ du décret des 25, 2fj et 29 juin, consiste à diviser, dans les estimations, les objets autant que leur nature le permettra; ie second, indiqué par l'ar^ ticle 6 du décret du 14 mai, consiste à ouvrir ep même temps les enchères sur l'ensemble et sur les parties de l'objet compris en une seule et même estimation ; et dans le cas où, au moment de l'adjudication définitive, la forme des enchères partielles égalerait l'enchère faite sur la masse, à préférer l'adjudication par parties.
11 faut observer que le soumissionnaire qui. ne deviendra pas acquéreur ne doit pas supporter les frais de l'estimation. Ces frais doivent se prendre sur le prix de la vepte e|t ils seront rér glés par le directoire de département sur l'avis de celui de district.
Ou ne dit rien, dans ce moment, sur l'administration ues biens ci-devant ecclésiastiques. L'Assem-^ blée nationale se propose d'en fixer les règles d'une manière précise par un décret qui sera rendu sous peu de jours, et qui sera suivi immédiatement d'une instruction où tout ce qui a rapport à cette partie sera rassemblé et traité avec des développements convenables.
chapitre VI- — Agriculture et commerce.
Les nombreux détails qui réclament les premiers travaux des assemblées administratives ne leur permettront guère de donner, sur-le-champ, à tous les objets qui tienuent à l'agriculture et au commerce une application proportionnée à leur grande importance. Il est néanmoins de leur devoir de ne négliger rien de ce qui peut être instant, et 4e se procurer de bonne beure les
instrqctions et les renseignements d'après lesquels d'utiles améliorations puissent être proposées et exécutées. Il n'est aucun département qui n'offre, en ce genre, une vaste carrière à la sollicitude de ses administrateurs. Il en est même plusieurs qui attendent une nouvelle création d'un régime vigilant et paternel.
L'Assemblée nationale a considéré les dessèchements comme une des opérations les plus urgentes et les plus essentielles à entreprendre. Par eux seront restitués à la culture de vastes terrains qui sollicitent de toutes parts l'industrie des propriétaires et l'intérêt du gouvernement. Par eux sera détruite une des causes qui nuit le plus à la santé des hommes et à la prospérité des végétaux. Par eux, des miljiers de bras qui manquent d'ouvrage, et que la misère et l'intrigue peuvent tourner contre la société, seront occupés utilement. Déjà, il se médite, sur ce point, dans le sein de l'Assemblée nationale, une loi importante dont quelques articles sont même décrétés. C'est aux administrations à seconder ses vues et à prendre d'avance des mesures assez sages pour que l'exécution de cette loi n'éprouve aucun retard et ne rencontre aucun obstacle dans leur arrondissement.
Elles s'occuperont d'ailleurs des lois qui peuvent gêner les progrès de l'agriculture et de celles qui peuvent les favoriser; elles jetteront aussi un regard attentif sur la police des campagnes et sur les encouragements qui peuvent exc ter l'émulation des cultivateurs.
Sans débouché pour le tr insport des productions, point de commerce. Un des premiers besoins du commerce, un des principaux objets de la surveillance des administrations est donc l'entretien et la construction des chemins et des canaux navigables.
Elles devrqnt proposer l'établissement des foires et marchés dans les endroits où il leur paraîtrait nécessajrp.
Elles surveilleront sans perquisition les manufactures et les ateliers. L'industrie naît de la liberté 1 Elle veut être encouragée; mais si on l'inquiète, elle disparaît.
Elles se recueilleront des notions sur les mines, sur les usiii£3 et les bouches à feu.
Elles proposeront des lois de police; elles veilleront sur l'exécution de eelles qui existent tant qu'elles n'auront point été abrogées : elles s'occuperont particulièrement de maintenir les rap^ ports de subordination et de bienfaisance qui doivent lier sans cesse le maître et le compa^ gnon.
Enfin, elles transmettront au Corps législatif tons les renseignements de la localité qui peuvent servir à lui faire connaître la culture et le commerce de leur territoire.
Chapitre VIIf — Mendicité, hôpitaux, prisons.
Parmi les objets importants qui se disputent, de toutes parts, l'attention de l'Assemblée nationale, il en est un qui devait intéresser spécialement sa sollicitude : c'est l'assistance du malheureux dans les différentes positions où l'infortune peut le plonger, il faut que l'indigent soit secouru, non seulement dans les faiblesses de l'enfance et dans Jes infirmités de la vieillesse, mais même lorsque, dans l'âge de la force, le défaut de travail l'expose à manquer de subsistance. Il faut aussi que l'accusé, dont l'ordre public exige la détention, n'éprouve d'autre peine que la pri-
? Ce n'est passeulementàlasensibilitéde l'homme, c'est à la prévoyance du moraliste, c'est à la sagesse du législateur que ces devoirs se recommandent. Pénétrée de cette vérité l'Assemblée nationale veut adopter un système de secours que la raison, la morale et la politique ne puissent désavouer, et dont les bases soient irrévocablement liées à la Constitution. Un comité est spécialement chargé de lui proposer un plan qui puisse réaliser ses vues bienfaisantes ; mais ce travail, qui doit être mûri par des combinaisons profondes, doit encore être préparé par la connaissance de quelques faits sur lesquels les , administrations peuvent seules fournir de3 renseignements dignes de confiance.
C'est pour les obtenir au plus tôt qu'il vient d'être envoyé aux départements un tableau où sont énoncées différentes questions essentielles relatives à la mendicité, et qu'il y a été joint une instruction propre à faciliter les réponses : on attend du zèle des directoires de département qu'ils ne négligeront rien pour que ces réponses parviennent promptement à l'Assemblée nationale.
Il est plusieurs autres points dont la connaissance devra être procurée, par la suite, au Corps législatif et qu'il est utile d indiquer dès à présent à ces administrations, afin qu'elles soient en état d'en préparer de bonne heure les r« nsei-gnrments, et qu'elles puissent les transmettre au Corps législatif à mesure qu'elles se les seront procurés.
L's directoires de département s'occuperont donc de former l'état des hôpitaux et hôtels-Di u situés dans leur territoire ; de la destination de ces hôpitaux et hôtels-Dieu; du nombre des malheureux qui y sont assistés et des officiers et employés qui les desservent ; de la masse et de la nature de leurs revenus, ainsi que de leur administration.
Les directoires en useront de même pour tous les fonds affectés dans chaque département aux charités, distributions et secours de toute espèce, fondés ou non fondés. Ils feront connaître les diverses natures de ces fondations, si elles portent ou non des clauses particulières, et à quelles charges elles sont soumises. Us instruiront le Corps législatif, s'il se trouve dans leur ressort des biens appartenant à des maladreries, aux ordres hospitaliers et à des pèlerins ; ils en indiqueront la nature et la valeur.
Us rendront compte de l'état des maisons de mlndicité, de celui des prisons, de leur grandeur, de leur solidité, de leur salubrité et des moyens par lesquels elles pourraient être rendues saines et commodes si elles ne le sont pas ; enfin, ils recueilleront soigneusement toutes les notions qui pourront conduire à des améliorations utiles dans le régime de la mendicité, des hôpitaux et des prisons.
Au surplus, l'instruction adressée par ordre du roi aux départements indique, pour l'état actuel des choses, des vues sages et des règles de conduite auxquelles l'Assemblée nationale ne peut qu'applaudir et dont elle s'empresse de recommander l'observation.
En terminant cette instruction, l'Assemblée nationale doit prévenir les assemblées administratives qu'elle n'a point entendu tracer un tableau complet de leurs devoirs. II.est une foule d'autres détails que leur sagacité suppléera facilement et'
dont, par conséquent, l'énumération et le développement étaient superflus.
C'est sur le zèle des corps administratifs, c'est sur leurs lumières et leur patriotisme que l'Assemblée nationale fonde ses plus grandes .espérances. Une vaste carrière s'ouvre devant eux. Que leur courage s'anime à la vue des importantes fonctions qui leur sont confiées; que la sagesse guide toutes leurs démarches; qu'une vaine jalousie de pouvoirs ne leur fasse jamais méconnaître les aeux autorités suprêmes auxquelles elles sont subordonnées; qu'enfin, leur régime bienfaisant prouve au peuple que le règne de la liberté est celui du bonheur; et ia Constitution, déjà victorieuse des ennemis du bien public, saura triompher aussi dés outrages du temps.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier. Il est ado té. , Il est donné lecture d'une lettre de l Assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue.
Cette assemblée, après avoir témoigné la satisfaction avec laquelle le décret du 8 mars, sur la Constitution des colonies, a été reçu à Saint-Domingue, charge ses députés dans la métropole de faire ratifier, par l'Assemblée nationale, et ne faire ensuite accepter par le roi, les bases qu'elle a cru nécessaire d'arrêter, conformément à la liberté laissée à chaque colonie, suivant que l'exigeront les localités.
Cette pièce est renvoyée, avec les pièces qui y sont jointes, aux comités réunis des colonies et de Constitution.
, rapporteur du comité des finances, rend compte :
« 1° D'une délibération prise par le conseil général de la ville de Gannat, relativement à un emprunt de 2,400 livres ;
« 2° D'une pareille délibération des officiers municipaux de la ville de Pout-de-l'Arche, tendant à être autorisés à emprunter une somme de 4,000 livres;
« 3° D'une autre délibération prise en conseil général de la ville de Mamers, qui a pour objet un emprunt de 3,000 livres;
« 4° Et finalement des différentes délibérations, du conseil général de la vile et municipalité de Gaillac, relativement à plusieurs empruuts faits et à faire, montant ensemble à la somme de 24,000 livres.
Les quatre décrets proposés sont successivement adoptés sans discussion, ainsi qu'il suit :
PREMIER DÉCRET.
« Sur le rapport du comité des finances, l'As-
DEUXIÈME DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, autorise lesjofficiers municipaux de la ville de Popt-de-1'Arche, en conformité des délibérations des 12 juin et 22 juillet, à emprunter la somme de 4,000 livres, pour être employée à l'acquit de dettes urgentes contractées par la commune; à change de rembourser ledit emprunt, tant en principal qu'iuiéiéts, dans le délai de six années, et par portions égales, soit sur les revenus ordinaires, soit sur les créances de la commune, sous peine, àce défaut, par les officiers municipaux d'en demeurer personnellement responsables, et de faire l'avance des termes au remboursement desquels ils n'auraient pas pourvu. »
TROISIÈME DÉCRET.
« Sur le rapport du comité des finances, l'Assemblée nationale autorise la délibération prise en conseil général de la ville de Mamers, département de la Sarthe, et les officiers municipaux à emprunter de l'hôpital dudit lieu la somme de 3,000 livres, aux intérêts de 5 0/0; et, en tant que de besoin, autorise les administrateurs du-lit hôpital à faire ledit prêt, à charge, par les officiers municipaux, d'acquitter et rembourser ladite somme en trois ans, soit sur les revenus de ladite ville, soit, à ce défaut, par la voie d'imposition sur tous les contribuables dans leurs rôles, à peine d'y être personnellement contraints, laquelle somme sera employée au remboursement de celles empruntées pour faire subsister leurs ouvriers et leurs pauvres, dès le 29 juillet 1789; et, au surplus, sous l'obligation de rendre compte de l'emploi. »
QUATRIÈME DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, et sur le compte qui lui a été rendu des délibérations prises en conseil générai de la ville et municipalité de Gaillac, chef-lieu de district, département du Tarn, les 25 octobre 1789, 18 avril et 9 mai 1790, autorise les emprunts ci-devant faits de 1,2,000 livres et 6.000 livres, pour approvisionnements de la ville, et, en outre, celui à faire de 6,000 livres, montant le tout à 24,000 livres, pour être employée à entretenir le grenier d'aboudance et d'approvisionnements de ladite ville, à charge de faire reudre compte à la municipalité, chaque année, du prix des ventes, et d'imposer le déficit qui
pourra se trouver, ainsi que les intérêts de l'emprunt; en outre, à charge de rembourser les 24,000 livres dans quatre ans, à raison de 6,000 livres par chaque année, en sorte qu'après les quatre ans, il ne reste à imposer annuellement que le déficit du prix des ventes. »
,rapporteur du comité de la marine. Messieurs, vous avez chargé votre comité de ia marine de vous présenter un projet de décret sur le décompte de la masse des gens de mer, pareil au décret que vous avez rendu le 6 août pour les troupes de terre. Ce décret a paru unanimement à votre comité devoir être également utile pour la marine et je suis chargé de vous le proposer à très peu de changements près.
(M. Malouet donne lecture des articles.)
Le décret pour l'armée de terre met un terme à l'abus descartouches jaunes; je ne vois pas qu'il en soit fait mention dans le projet qui nous est soumis pour l'armée de mer.
Le comité n'a pas cru devoir en faire mention, parce qu'il n'a eu connaissance d'aucune cartouche jaune distribuée arbitrairement.
Il y a un moyen de tout concilier, c'est d'adopter ies articles, puisqu'ils n'auront d'effet que tout autant qu'il y aura une cause.
accepte cet amendement. Les articles sont ensuite mis aux voix et décrétés ainsi qu'il su t :
« L'Assemblée nationale, ouï son comité de la marine, et voulant prévenir les justes réclamations que pourraient avoir à faire les canonniers, matelois, soldats et gens de mer, relativement aux comptes de solde et des armements, petite masse et parts de prise, a décrété :
« Art. 1er. Que le roi sera prié de commettre deux inspecteurs dans chaque département, pour procéder à la revision et apurement desdits comptes, dans la forme qui sera ci-après déterminée; ladite revision devant avoir lieu à comnterdu l'rjauvier 1778.
« Art. 2. Les comptes relatifs aux désarmements et parts de prise, faisant partie de l'administration civile des ports, seront examinés par un inspecteur choisi parmi les officiers militaires, en présence d'un capitaine de vaisseau,d'un lieutenant et d'un sous-lieutenant, de deux officiers mariniers et de deux matelots sachant lire et écrire.
« Art. 3. Les officiers mariniers et matelots, qui seront appelés à l'examen, seront choisis parmi ceux qui auront fait partie des équipages des escadres ou vaisseaux intéressés à chaque compte, autant qu'il s en trouvera sur les lieux, et à défaut ils seront choisis parmi les plus anciens actuellement de service dans les ports.
« Art. 4. Les comptes relatifs aux soldes, masses et retenues des cunonniers-mateiots du corps royal de la marine, faisant partie de l'administration militaire, seront examinés par un inspecteur choisi parmi les administrateurs civils des ports, en présence d'un officier-major, d'un chef de compagnie, d'un sous-lieutenant de division, du premier et du dernier maître canou-nier, du premier et du dernier aide-canonnier, et des deux premiers et deux derniers ca-nonniers de chaque division, et le résultat des-
dits comptes Sera rendu public par la voie de l'impression.
« Art. 5. Excepté les conseils d'administration établis dans les divisions du corps royal de la marine, tous autres comités, associations et délibérations d'individus tenant au service de la marine, cesseront sous quelque forme et dénomination que ce puisse être, après ia publicatibn du présent décret.
« Art. 6. Les officiers doivent traiter les canonniers et gens de mer avec justice et avoir pour eux les égards qui leur sont expressément recommandés par les ordonnances^ à peine de punition. Les canonniers et matelots, de leur côté* doivent respect et obéissance absolue dans les choses concernant le service aux officiers et officiers-mariniers; et ceux qui s'en écarteront seront punis selon la rigueur des ordonnances.
« Art. 7. Il ne pourra désormais être expédié de cartouches jaunes et infamantes à aucun soldat, qu'après une procédure instruite, et en vertu d'un jugement prononcé selon les formes usitées dans l'armée pour l'instruction des procédures criminelles et la punition des crimes ïûi-litaires
« Art. 8. Les cartouches jaunes expédiées depuis le 1er mai
1789, sans l'observation de ces formes rigoureuses, n'emportent aucune note ni flétrissure,
au préjudice dé ceux qui ont été congédiés avec de semblables Cartouches.
« Art. 9. A compter de la publication du présent décret, il sera informé de toute nouvelle sédition, de tout mouvement concerté entre les canonniers-màtelots du corps royal de la marine, les gens composant les équipages des vaisseaux en armement, les ouvriers et employés au service des arsenaux contre l'Ordre et au préjudice de la discipline militaire. Le procès sera fait et parlait aux instigateurs, fauteurs et participes de ces séditions et mouvements; et par le jugement à intervenir, ils seront déclarés déchus pour jamais du titre de citoyen actif, traîtres à la patrie, infâmes, indignes de porter les armes, chassés de leur corps et des arsenaux ; ils pourront même être condamnés à des peines alflic-tives, conformément aux ordonnances.
Art. 10. Il est libre à tous ofticiers, officiers-mariniers, canonni. rs , matelots, après avoir obéij de faire parvenir directement ses plaintes aux stlpérieurs, au ministre, à l'Assemblée nationale, sans avoir besoin de l'attache ou permission d'aucune autorité intermédiaire; niais il n'est permis, sous aucun prétexte, dans les affaires qui n'intéressent que la police intérieure du Corps royal de la ttlaridé, la discipline militaire ou le service des arsenaux, d'appeler l'intervention^ soit des municipalités, soit des autres curps administratifs, lesquels n'ont d'action sur les troupes et gens de mer, que par les réquisitions qu'ils peuvent faire à leurs chefs ou commandants. »
Je dois informer l'Assemblée que la tiille de Schelestadt est aujourd'hui le théâtre de grands troubles fomentes par les officiers municipaux eux-mêmes; que le commissaire du roi, pohr la formation du département, a été obligé de prendre la fuite* après avoir fait publier ia loi martiale, déployé le drapeau rouge ce qdi n'a produit aucun effet, attendu que le nombre des mutins soulevés par les municipaux était trop considérable ; le commissaire du roi a requis la troupe de ligne et la garde natiohale de Strasbourg; les municipaux ont été
décrétés de prise de corps. Le sieur Grimberg, maire, a fait signer une capitulation aux révoltée ; il a fait mettre une table sur la placé publique, elle était environnée de potences; il fallait signer ou être pendu.
Je demande que le comité des rapports, qui est muni de toutes les pièces relatives à cette affaire, la rapporte jeudi soir.
J'insiste sur la motion qui vient d'être faitéj parce que, dès qu'une municipalité don lie des marques d'insubordination, elle doit être punie si l'on veut éviter que son exemple devienne contagieux.
J'ajoute que presque toutes les municipalités d'Alsace ressemblent à celle de Schelestadt et que des assassinats ont même été commis dans quelques villes.
(L'Assemblée ajourne le rapport de cette affaire à la séance de jeudi soir.)
, député de Careassonne, demande que le comité de l'imposition rende compte de son travail.
Plusieurs membres appuient cette motion et l'Assemblée décide que le comité sera entendu lundi 16 août.
, membre du comité des finances, propose deux projets de décrets qui sont adoptés sans discussion eu ces termes :
PREMIER nÉCRET.
« L'Assemblée nationale, instruite par son comité des finances que les redevables des droits d'aides, d'Octrois et autres conservés, entre autres les bouchers, aubergistes et eabaretiers des villes de Noyon, Ham, Gbauny ét autres paroisses cir-convoisiues, affectent d'éluder le payement desdits droits ordonnés spécialemeiit par son décret du 5 août présent mois, sous prétexte que ce décret n'ordonne que le payement des octrois; déclare que, conformément à ses précédents décrets, les droits d'aides, octrois el autres conservés continueront d'être perçus tels et de la même manière qu'ils l'étaient l'année dernière, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné; enjoint spécialement aux bouchers, eabaretiers, aubergistes et autres, d'acquitter lesdits droits, nlëme pour les arriérés, et de se soumettre aux exercices que leur perception rend nécessaires, à peine d'être poursuivis non seulement comme contribuables, mais encore comme réfractaires aux décrets les plus positifs de l'Assemblée nationale; déclare lë préseht décret commun à tous les lieux où il se trouve des octrois et droits d'aides établis. »
DEUXIÈME DÉCRET.
« L'Assembléë nationale, ouï le rapport de son comité des finances, sur la pétition de la commune de Villéfranehe, département de Rhône-et-Loire, présentée à l'Assemblée par les officiers municipaux de ladite ville, ensuite d'une délibération prise les 4 et 6 juillet dernier, par le conseil général de ladite commune, décrète ce qui suit :
« Les officiers municipaux de Villefranche, du
département de Rhône-et-Loire, sont autorisés à i imposer et à répartir tant sur lés habitants de ladite ville, que sur ceux de ses faubourgs, provisoirement, et jusqu'à ^e qu'il y ait été autrement pourvu, la somme de 2,400 livres par année, pour fournir à la dépense connue sous le nom de « frais de ville », et, en sus, 6 deniers par livre pour les frais de rôle et de collecte, ainsi et de la même manière que par le passé, à la charge de rendre compte de l'emploi à l'ad-ministration de département, le directoire duquel est autorisé à en vérifier le rôle, et à le rendre exécutoire sur l'avis du directoire du district. »
L'ordre du jour est le rapport du comité des recherches sur Vaffaire de la municipalité de Saint-Aubin.
(ci-devant de Sillery), rapporteur (1). Messieurs, la municipalité de Saint-Aubin, près de Bar-le-Duc, vient d'arrêter un courrier venant de Strasbourg et porteur d'un paquet à l'adresse de M. d'Ogny, intendant général des postes.
Ce courrier n'avait aucun.passeport de la municipalité de Strasbourg et n'était muni que d'un simple ordre du sieur Mouilleseaux, directeur des postes de cette ville, qui lui ordonnait de se rendre à Paris, en toute diligence, pour y remettre à M. d'Ogny le paquet en question.
La municipalité de Saint-Aubin, probablement peu instruite des formes usitées pour la prompte expédiiion des paquets ministériels, et le courrier n'étant muni d'aucun passeport de la municipalité de Strasbourg, a eu l'imprudence d'ouvrir le paquet adressé à M. d'Ogny, intendant des postes, portant sur le coin de l'adresse, service national très pressé.
Cette municipalité a trouvé dans le paquet adressé à M. d'Ogny, plusieurs lettres, dont elle s'est permis également l'ouverture. Dans le nombre de ces lettres, l'une était à l'adresse de M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères; une seconde à celle de M. le comte de Florida-Blanca, _ ministre d'Espagne; une troisième à celle de M. le comte de Fernan-Nunez, ambassadeur d'Espagne; une quatrième à l'adresse de M. Tessier, commis des affaires étrangères; enfin, une ga-zetie allemande.
Cette municipalité, après avoir lu, dans ces dépêches, tout ce qui n'était pas en chiffre, a renfermé ces différents paquets dans l'enveloppe, à l'adresse de M. d'Ogny, et elle est venue en rendre compte à la municipalité de Bar-le-Duc. MM. les officiers municipaux de cette ville en ont référé au directoire de cette ville, qui, sentant les conséquences de cette arrestation, ont sur-le-champ envoyé un de leurs officiers pour apporter le paquet à l'Assemblée nationale, en ordonnant que le courrier restât à Bar-le-Duc jusqu'à la réception des ordres du roi. A la lecture du procès-verbal de la municipalité de Saint-Aubin, votre comité a, sur-le-champ, nommé deux de sés membres pour porter à M. de Montmorin le paquet qu'il venait de recevoir.
M. de Montmorin, auquel nous avons lu le procès-verbal de l'arrestation du courrier, nous a
dit qu'il ne pouvait se dispenser d'en porter plainte à l'Assemblée nationale et il a refusé
le paquet qui était à l'adresse de, M. d'Ogny.
Nous lui avons laissé le paquet, et il en a donné une reconnaissance sur le procès-verbal qui constatait les différentes pièces qui y étaient renfermées.
Vous avez reçu hier, Messieurs, une lettre de M. de Montmorin qui se plaint, avec raison, de l'ouverture des paquets que la municipalité de Saint-Aubin s'est permis de faire.
Vo^tre comité des recherches a pensé qu'il était absolument indispensable que l'Assemblee nationale prononçât un décret, pour instruire toutes les municipalités du royaume, qu'ayant (décrété que le secret des lettres entre particuliers était inviolable, ce principe constitutionnel acquerrait, s'il était possible, un plus grand degré d'importance, lorsqu'il s'agissait de la correspondance des ministres des cours étrangères et de ceux de France.
Il a également perisê que la conduite de la municipalité de Saint-Aubih ne pouvait être éxcu-sable que par le motif qui l'avait déterminée ; que le courrier, n'étant muni d'aucun passeport de la municipalité de Strasbourg et n'ayant qu'un simpfe ordre du directeur de la poste de cette ville, avait pu lui paraître suspect dans la circonstance critique où ce pays vient de se trouver.
Vous n'ignorez pas, Messieurs, que les bruits qui s'étaient répandus du passage des Autrichiens, ont alarmé tous les jhabitants des campagnes de ces cantons; que les gardes nationales se sont portées en foule du côté de Stenay, au nombre de trente mille hommes.
Que dans ce moment d'effervescence leur zèle les a entraînés à ouvrir des paquets qu'ils croyaient avoir quelques rapports aux alarmes des habitants ; que, par une suite de la terreur où ils étaient, ils n'ont pas senti les conséquences qui pourraient résulter dé l'ouverture des paquets du ministre des finances et des ministres espagnols.
Votre comité a pensé que les ministres espagnols seraient en droit de se plaindre de la violation du droit des gens si l'Assemblée nationale ne désapprouvait pas hautemënt là conduite de cette municipalité.
Eu conséquence, Messieurs, votre comité a l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant :
(Le rapporteur donne lecture de son projet de décret.)
Le 4 de ce mois, quelques particuliers ont porté la terreur dans le département de la Meuse, en annonçant que des troupes ennemies s'étaient répandues sur les frontières, que l'on ravageait les moissons et qu'on pillait les villes. Le lendemain, il y eut plus de trente mille gardes nationales sur pied qui se portèrent vers Stenay et qui furent bientôt convaincdés que Ce n'était qu'une fausse alarme. C'est dans ces moments qu'une municipalité de campagne, effrayée pour la sûreté des habitants, a suspecté hn homme qui n'avait pas de pasâèport et qui portait un paquet adressé à M. d'Ogny. Persuadée que c'était une correspondance avec les ministres, cette municipalité a cru que le salut de la patrie dépendait de l'ouverture du paquet. Sa conduite est excusable par son motif et je demande que le sage décret proposé par le comité s.oit adopté,,
Je crois qu'il est dangereux de s'en tenir à une simple improbation et qu'il faut nécessairement donner une réparation aux ministres étrangers. La municipalité aurait dû au moins consulter son district, avant de commettre cette imprudence, avant de violer le secret de la poste. Je conclus à ce que la municipalité soit ou blâmée, ou suspendue, ou mandée à la barre.
Il faut, en tous cas, rappeler aux municipalités le principe de l'inviolabilité des lettres et de Ja liberté des courriers.
Ces divers amendements sont fondus dans Je décret qui est rendu en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, considérant que le secret des lettres est inviolable, et que, sous aucun prétexte, il ne peut y être porté atteinte, ni par les individus, ni par les corps, décrète :
« Qu'elle improuve la conduite de Ja municipalité de Saint-Aubin, pour avoir ouvert un paquet adressé à M. d'Ogny, intendant général des postes, et plus encore, pour avoir ouvert ceux adressés au ministre des affaires étrangères et aux ministres de la cour de Madrid.
« EUe charge son Président de se retirer devers le roi, pour le prier de donner les ordres nécessaires, afin que Je courrier porteur de ces paquets soit mis en liberté, et pour que le ministre du roi soit chargé de témoigner à M. l'ambassadeur d'Espagne les regrets de l'Assemblée de l'ouverture de ses paquets. »
annonce que le comité des rapports s'est occupé de l'affaire de Saint-Lau-trulet et qu'il est prêt à en rendre compte.
L'Assemblée décide qu'il sera entendu ce soir.
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'ordre judiciaire. Titre VII. Du ministère public.
L'intérêt public doit seul décider la question qui vous est soumise, et tout le monde sait que l'intérêt public est composé de l'intérêt particulier. Comment concilier les fonctions de juge et celles d'accusateur, et conserver l'impartialité du juge? Le coupable doit toujours penser que le juge ne cherche point à aggraver la peine; mais s'il devient une fois son accusateur, il peut avoir des craintes, et je conçois qu'elles sont légitimes. Un pareil usage était effectivement consacré chez les Romains. Mais dans quel temps, je vous le demande? c'était lorsque des despotes insolents leur dictaient des lois. Le crime est la violation de la loi. Celui qui est chargé du pouvoir exécutif doit avoir ie droit de se plaindre, lorsqu'elle est violée, sans quoi il lui manquerait une partie essentielle de ses fonctions; mais s'il est obligé de poursuivre la loi'violée, la société a encore un droit bien plus indispensable; elle doit exercer ce droit, et c'est là le motif du décret que je vais vous proposer. — Les commissaires du roi doivent intenter les accusations publiques; la société a aussi le droit de nommer des accusateurs particuliers, les plaintes seront faites à la requête du commissaire national et du commissaire royal; celles qui seront communiquées à l'un devront aussi l'être à l'autre. — Le commissaire du roi ne pourra se désister que de l'avis du commissaire national.
L'homme du roi, dépouillé de
l'accusation publique, ne serait plus le ministère public. La société entière repose sur sa vigilance. L'accusation publique doit reposer dans les mains du dépositaire de la force publique, ce serait l'annihiler que de la lui refuser. Ce sont là des conventions éternelles qui ont leur racine dans l'essence même des choses. Pour être accusateur, il faut être imposant : quelle consistance pourrait avoir un juge qui ne serait pas sûr du lendemain? Quelle confiance pourrait-on avoir en un homme qui descendrait de son siège pour accuser, et qui y remonterait pour juger? Je ne crois pas qu'il y ait des têtes où ces deux idées puissent se concilier. On nous a répété jusqu'à satiété les dangers de l'accusation publique confiée à l'officier du roi; mais l'institution des jurés remédie à tous les inconvénients. Dans les grandes occasions ce sera le peuple qui jug ra, ce sera lui qui forcera les mains au tribunal dénonciateur. N'a-t-on pas vu le peuple forcer un tribunal à condamner l'homme le plus juste? N'est-ce pas lui qui a étendu Calas sur ia roue? Je ne veux pas de despotisme, pas même de celui de la beauté. En resserrant mes idées, je dis que si l'on ne délègue pas au roi l'accusation publique, ce sera une sentinelle désarmée. Je demande donc qu'elle lui soit attribuée.
Mon opinion ne diffère pas de celle que vous a exposée hier M. de Beaumetz. Je pense, comme lui, que tout citoyen actif a le droit de se rendre accusateur, tout citoyen l'avait dans l'ancien régime; ce n'est pas à cet égard que l'on doit innover; mais alors on était réduit à l'exercer dans l'obscurité. A l'avenir,il n'y aura de suspect que l'obscurité; l'esclave délateur se cachait, l'homme libre accusera le front levé. Voilà le premier bien qui résultera du décret proposé par M. de Beaumetz. Mais tous les délits ne provoqueront pas un accusateur privé. Il faut donc qu'il existe un ministère chargé de la poursuite, et la question est toujours de savoir à qui l'on doit le confier. Je ne connais qu'un guide dans la discussion de cette question, c'est l'intérêt du peuple : l'intérêt du peuple est qu'une grande action soit établie, pour prévenir ou réprimer la violation des lois et de l'ordre général. Je dis qu'on ne peut attendre cette grande action que du roi, et je conclus que la poursuite des accusations doit être confiée au roi. Voici l'ordre de mes idées : 1° le système du comité, et en général tout autre moyeu que la délégation du roi, est contraire aux principes et insuffisant; 2° la délégation au roi n'a aucune espèce de danger. Le comité propose que la poursuite des accusations publiques soit confiée aux juges; que, dans chaque tribunal, l'un d'eux, désigné par ses collègues, en soit annuellement chargé. Il me seu ble que le comité nous jette bien loin des idées naturelles; ainsi donc l'homme dans lequel le peuple a mis sa confiance pour les jugements sera détourné vers d'autres fonctions; ainsi le juge descendra du tribunal pour devenir partie; ainsi, dans ce tour de rôle de fonctions réciproques, on devra craindre que la volonté des juges ne crée l'accusation, ou que la volonté de la partie ne dicte l'instruction sur le jugement qui en est la suite.
Je dis que ie comité vous propose une confusion monstrueuse de ministres. Je n'aurais pas vu, sans peine, dans l'ancien régime, les juges et les officiers du ministère public réunis dans les mêmes compagnies. J'avais eu des occasions d'observer, dans le rapport étroit qui liait ces officiers, l'influence inquiétante des juges sur
l'accusation, et des accusateurs sur le jugement. Il existait toutefois une li^ne de séparation entre ces divers ministères ; elle n'existera plus dans l'ordre nouveau que vous propose le comité : on a cité l'exemple de nos anciens baillis royaux ; je n'entreprendrai pas de rechercher quelle était précisément leur mission, mais je dirai qu'en dépit de tout exemple il faut les séparer des fonctions incompatibles. On a cité les juges anglais; mais la procédure anglaise n'admet point ce mélange; elle admet tout ce que propose M. de Beau-metz. Il me semble que ces réflexions doivent vous faire renoncer à l'avis du comité et aux juges accusateurs, mais cela ne prouve point encore que la poursuite des accusations publiques doive être confiée au roi. Je me bâte de chercher les principes. Je vous disais, le 8 mai, que les lois étaient les règles convenues pour assurer l'ordre général et protéger les intérêts particuliers; que les actions qui out pour objet l'ordre général appartiennent à l'universalité du peuple et ne peuvent pourtant être exercées par cette universalité. Ajoutez que ces actions de l'universalité ne peuvent pas être abandonnées à la poursuite des particuliers, sans une surveillance publique, et que la loi ne peut s'en reposer uniquement sur les citoyens qui peuvent accuser, mais qui n'y sont pas obligés.
En partant de ces dernières observations, je vais exposer à l'Assemblée la série de principes ou d'idées qui me conduit à penser que la poursuite des accusations publiques doit être déléguée au roi. Lorsqu'un citoyen est accusé, il arrive, à son égard, une révolution dans le corps politique; il est aussitôt comme séparé de la masse du peuple; car, ne pouvant s'accuser lui-même, il cesse d'être partie de l'universalité qui l'accuse. Le corps politique, qui n'était qu'un, se multiplie et se partage, pour produire, comme hors de soi, l'accusateur qui est partie, l'accusé qui est partie, et les juges qui ne doivent point l'être. La poursuite des accusations publiques, laissée à la masse du peuple, dégénérerait dans l'exercice de la force. En vain on aurait soigneusement séparé la fonction du juge, les juges ne pourraieut résister à la volonté du peuple accusateur. Aussitôt le monde convient que cette poursuite doit êlre dé-légùée, et si cette délégation a pour objet de remédier au danger de la confusion et d'une force coactive, il est donc important de trouver un mode de délégation qui fasse taire Je plus tôt possible l'influence du peuple. Ainsi, plus vous aurez, d'abstractions en abstractions, placé hors du peuple l'agent qui vous est nécessaire, plus vous aurez approché de votre but ; plus, en effet, vous pourrez compter sur la poursuite quand il y aura motif d'accuser, et sur le silence quand il n'y aura pas motif d'accuser.
Je ne sais que deux moyens qui répondent parfaitement à l'intérêt qu'il s'agit de mettre à couvert. — Ou créer exprès une puissante magistrature à laquelle on attribue, avec cette fonction délicate, une autorité qui puisse se faire respecter; ou associer cette même fonction à celles d'une magistrature déjà subsistante, jouissant dès longtemps des respects du peuple, et que l'on soit accoutumé à voir exercer une grande autorité. Hors de cette alternative, vous ne trouverez que faiblesse, qu'iusufti.-ance dans les moyens que vous emploierez; supposez une de ces insurrections dans lesquelles le peuple est entr.inê par ses ennemis. Eh bien, les coupables sont nombreux... Us seront impunis. Cet officier obscur, auquel vous avez confié un ministère important,
n'entrera point en lice seul contre tant d'adversaires. Les accusations publiques sont abolies, si elles rie sont pas confiées à un^ grande et puissante magistrature. Déjà une telle magistrature existe dans votre Constitution. Vous ne pouvez en ériger une seconde, sans donner une rivale à la première; vous n'y avez jamais pensé; rien n'est plus éloigné de vos vues; car ainsi serait dénaturé le gouvernement monarchique qui vous est cher. Si j'ai mis quelque logique dans la suite de mes réflexions, la conséquent est claire et naturelle. Le roi seul exeice une magistrature suprême, rendue indépendante par la loi, consacrée par les habitudes et les vœux du peuple. Lui seul peut donner à la poursuite des accusations publiques, dans tout le royaume, un mouvement uniforme et imposant; c'est donc au roi qu'il faut déléguer cette poursuite. Je crains plus que personne les extensions du pouvoir exécutif. Je ne balaucerai pas à dire que la mesure des pouvoirs et des fonctions qui lui sont délégués, est la nécessité. Eh bien ! c'est au nom de la nécessité que je voudrais lui déléguer les poursuites des accusations publiques.
Il n'est rien qui soit plus étroitement dans l'ordre du pouvoir exécutif suprême, que le soin de veiller à l'exécution des lois. Or, telle est la fin des accusations publiques: la délégation au roi est donc une conséquence naturelle de la Constitution. Le comité s'en est éluigné, il la combat... Mais remarquez la contradiction. Je lis l'article 1er du titre 7 de son projet : « Les olficiers du ministère public sont agents du pouvoir exécutif auprès des juges. » G'est donc le pouvoir exécutif qui est chargé d'agir pour le public. Je poursuis ma lecture : « Leurs fonctions consistent a faire observer, dans les jugements à rendre, les lois qui intéressent l'ordre général. » Ges expressions énoncent un principe et une restriction de ce principe. Le principe, c'est que les fonctions du ministère public consistent à faire observer les lois qui intéressent l'ordre général : or, ce principe étant adopté par le comité, il ne reste vis-à-vis de lui qu'à examiner la restriction. Elle n'a point de fondement, celte restriction : en effet, il appartient ou il n'appartient pas au pouvoir exécutif de faire observer les lois qui intéressent l'ordre général. Dans le premier cas, il n'y a point de difficulté ; dans le second, le comité a tort d'assigner au pouvoir exécutif le soin ne remplir à l'audience des tribunaux une mission qui ne la regarde pasN. Vous aviez jeté les yeux sur le vaste étendue de la France; vous aviez considéré les principes de désordre qui agiraient sans cesse dans cette immense société qu'il habile, et vous aviez reconnu qu'un grand effort devait être le préservatif d'un grand mal. Le comité apporte, au danger le plus terrible, le plus imminent, des secours dont l'action sera toujours inégale, irrégulière, insuffisante, je pourrais dire nulle. Et où seraient, dans ce système incohérent, daus cette anarchie du ministère public, si je puis ainsi parler, où seraient les garants de l'ordre général? Le peuple connaîtrait-il le frein de la loi, quand les rênes seraient tenues par l'homme impuissant qu'il pourrait faire et défaire.
Je n'arrêterai pas plus longtemps votre attention sur la première proposition que j'ai dù développer. J'ai, en grande partie,quoiqu'en abrégé, retracé ce qui détermina, ce qui justitie votre décret du 8 mai. Ici je me rapproche du comité. On vous a exposé, de sa part, et je reconnais avec lui, qu'en attribuant au roi la nomination des officiers du ministère public, vous n'avez pas re-
noncé au droit de statuer sur le mode des accusations publiques et de leur poursuite. Ce mode sera déterminé par la loi que vous ferez pour régler la procédure criminelle; mais sous le prétexte du mode, le fond d'une résolution constitutionnelle ne devait pas être remis en doute Je reviens à l'objection prise du danger que fera courir à la Constitution la délégation au roi, qbe je défends. Et d'abord, j'observe que le plus grand danger que puisse courir la Constitution viendra du désordre et de l'inobservation des lois; Or, je suis intimement convaincu, et j'ai peut-être démontré qu'il serait la suite immédiate, infaillible de la délégation retirée des mains du roi. En second îieu, n'est-il pas étrange que, pour empêcher que la Constitution ne soit blessée, on commence par vouloir l'intervertir? Et je dis que l'on tend à son ihterversion, lorsqu'on demande que le pouvoir exécutif soit, par une évidente contradiction, chargé de faire observer les lois, et dépouillé deB actions qui sont lés moyens de les faire observer. On dit que les agents du pouvoir exécutif pourraient inquiéter et décourager le patriotisme, ou favoriser, par leur inaction, les délits ou les complots dirigés contre la liberté : on dit qu'ils seraient les instruments, comme les créatures des ministres du pouvoir exécutif. L'imagination a vu des géants, et l'on s'est armé pour les attaquer; abordons, et les géants vont disparaître, ici rappelons-nous ce qu'a dit le comité et ce due j'adopte moi-même, que l'Assemblée, en décidant que le roi nommerait le ministère public, n'a pas statué sur la latitude des fonctions et de l'autorité du ministère public.
Voilà votre feauvegarde. Réglez tellement cette latitude, que vous puissiez recueillir les avantages et ne pas craindre les risques. Vous avez voulu que l'examen par jurés eût lieu en matière criminelle: je dis que, par cela seul, vous avez élevé, pour la défense de la liberté, un rempart que le ministère public ne pourra franchir. Vous avez des juges de paix, vous avez des municipalités, voils avez des gardes nationales, vous perfectionnerez l'établissement des maréchaussées, vous avez ensuite tous les citoyens,-voilà les gens sur lesquels vous devez compter, pour que les malfaiteurs soient recherchés, quand même ils auraient la faveur du ministère public. Si ces premiers moyens manquent, c'est alors seulement que je fais intervenir le commissaire du roi; mais alors je lui assigne un devoir sans autorité, et je veux qu'il ne puisse aller jusqu'au citoyen prévenu, qu'avec l'ordonnance du juge. Le citoyen prévenu doit être déféré, dans le plus bref délai que les circonstances comportent, à un corps de jurés. Là, un premier examen aboutit en résultat à la déclaration qu'il y a lieu, ou qu'il n'y a pas lieu de poursuivre. Dans le cas négatif, le citoyen est libre, et il n'a nullement à redouter l'influence du commissaire du roi; dans le cas affirmatif, c'est le résultat des jurés qui donne le mouvement au commissaire du roi. C'est alors vraiment que cet officier entre dans ses fonctions, et elles consistent à poursuivre l'accusation déclarée par les jurés, à provoquer les formes qui doivent précéder ét accompagner le jugement; à procurer la composition du nouveau corps de jurés, qui décidera si l'accusé est ou non coupable, et à demander, s'il est juge coupable, l'infliction de la peine déterminée par la loi.
Voilà l'idée générale qu'on doit se faire de la nouvelle procédure. Maintenant je demande que l'on m'indique ie point dans lequel des craintes
justes peuvent avoir le commissaire du roi pour objet? Vous supposez une action dangereuse à la liberté. Le commissaire du roi ne pourra rien en aucun cas par lui-même. Le première impulsion ne sera son fait que subsidiairementet il faudra qu'il obtienne le concours des juges.Ensuite l'accusé ne dépendra que des jurés successifs qui seront appelés pour prendre connaissance ae son affaire, et les juges seront entièrement indépendants du commissaire du roi. Vous supposez une inaction dommageable à la chose publique, il faudra donc qu'il ait pour complices les juges de paix, les municipalités, les gardes nationales, les juges, tous les citoyens ? Mais alors je serais tenté de dire, comme à la comédie: Qui est-ce donc que l'on trompe, si tout le monde est d'accord?
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
M. Duport et M. l'abbé Maury réclament la parole.
M. Thouret dit qu'il doit être entendu en sa qualité de rapporteur.
L'ASS' mblée décide que la discussion sera fermée après que ces trois orateurs auront été entendus.
Le ministère public sera-t-il ou non chargé de l'accusation publique? Qu'entend-on par accusation publique? c'est le pouvoir de forcer le juge sur une plainte à rendre un décret. En rendant à chaque citoyen le droit qu il a reçu des premières conventions sociales, vous évitez tous les inconvénients qui résultent de concentrer dans une seule main le terrible pouvoir de l'accusation publique.
C'est à tort que l'on tire de ce principe la conséquence que c'est aux commissaires du roi à être les organes de toutes les accusations particulières. Cette conséquence détruirait absolument le principe. Elle ôterait aux citoyens ce zèle et cette activité qu'ils doivent apporter à la sûreté publique, elle ôterait à la nation un droit dont elle ne peut se dépouiller.
Je conviens qu'il y a des crimes qui ne laissent point après eux de vengeurs. Il faut alors que ce soit un vengeur public, un vengeur nommé par la nation qui en poursuive la réparation. Il faut bien distinguer entre le jugement et l'accusation. L'accusation se fait devant les jurés qui prononcent le renvoi devant les tribunaux. Les jurés ne sont, dans ce cas, que le passage de la police à la justice. L'accusation ne peut donc être considérée que comme un acte de police.
On prétend que les commissaires du roi n'auront plus de fonctions près des tribunaux. Ils auront la plus importante de toutes, cel-le de veiller à fa're exécuter la loi universelle dans toutes les parties du royaume. On vous a dit que cette fonction même n était qu'illusoire; et moi je dis qu'il n'y a plus d'unité sociale, plus de principe monarchique, si cette fonction est illusoire. Rien n'est plus incompatible que les deux emplois que réunissaient les anciens procureurs du roi et qu'on propose de leur attribuer encore. Ils étaient chargés de plaider contre l'accusé au pied des tribunaux et de surveiller ces mêmes tribunaux.
A-t-on donc réfléchi au danger qu'il y a de faire de l'accusation publique une accusation du populaire? quand le peuple accuse, il juge ; et cependant le crime d'un accusateur devient ie crime de tous. C'est ainsi que
l'ostracisme, qui fit proscrire Aristide, fut le crime de tous les Athéniens; l'assassinat juridique, commis en Hollande contre Barnweldt, fut l'opprobre de tous les Hollandais... Cessons d'envi-sager le pouvoir exécutif contre lequel nous aurons à lutter perpétuellement. David Hume a dit qu'une méfiance outrée contre le chef de la nation était toujours une source de trouble, et conduisait quelquefois au plus affreux esclavage. Ainsi parlait un Anglais d'après l'expérience de tous les siècles. Vous avez décrété que lesofficiers du ministère public seraient nommés parle roi, et pour leur donner plus d'énergie, vous avez décidé qu'ils seraient nommés à vie;, vous avez jugé la question. Ne les regardons pbirit comme les ennemis de la Constitution; il va un grand danger à supposer des maux chiméfiqdes* pour s'assujettir à des maux réels. Le roi doit appartenir à la Constitution... La Constitution, qui excite dans ce moment de si Vifs débats, finira par être le patrimoine commun de tous les Français, de tous les peuples. Ce sera un titre de famille; et celui-là l'outragerait, qui pourrait penser qu'elle aura d'éternels ennemis; Si cela était, vous pourriez dire d'avance qu'elle est anéantie. N'aurez-vous pas toujours la surveillance nationale?... Qu'était le procureur du roi ? Il recevait des dénonciations, et s'il refusait de requérir, le tribunal y suppléait en nommant un subsistut; il n'était pas uu juge, il ne disposait pas de la fortune des citoyens. Vous savez tous qu'un procureur général, qui avait calomnié un citoyen, était obligé de nommer le dénonciateur, et de présenter à l'accusé le registre des accusations, sinon, on prenait le substitut, on pouvait le prendre lui-même à partie. Donc il ne pouvait jamais être un calomniateur ; donc l'intérêt du peuple était assuré. La cause publique n'est-elle pas en danger, l'intérêt particulier n'est-il pas compromis par ce luxe de nouveautés, par ces expériences dangereuses?
Il est manifeste que si le juge est dénonciateur, il est en même temps juge et partie. On verrait eucoie des tribunaux qui, comme les comités des recherches, prolongeraient les terreurs du peuple. Et certes il ne faut pas de comités des recherches à un peuple libre. Repoussons loin de nous les moyens d'inquisition. Le riche payerait le juge, soudoierait d s agents, et ie pauvre, qui n'oserait, qui ne pourrait se plaindre, resterait sans réparation et sans vengeance. G'est compromettre la sûreté publique, l'intérêt du pauvre, et confondre toutes les notions judiciaires, que de renfermer l'accusation dans le tribunal.
Mais combien n'est-il pas plus surprenant encore que le comité présente un décret isolé 1 Vous avez changé l'ordre judiciaire et vous ne l'avez pas encore organisé ,: vous avez décrété les jurys en matière criminelle, ét très peu de personnes ont une idée nette des jurés. Ce n'est qu'au moment où vus vues seront fixées à cet égard, que vous pourrez décréter l'accusation publique. Au-rez-vous un ou deux jurys, ou trois, comme en Angleterre? Si vous adopbz le grand jury, comment sera-t-il institué? Vous voulez deux sessions non interrompues; en Angleterre le jury ne s'assemble que deux fois par année. Pourquoi a-t-on établi uu grand jury en Angleterre? G'est que le royaume n'est divisé qu'en 52 comtés. Mais en France ou vous avez 500 districts, où tous doivent être indépendants les uns des autres, est-il possible de trouver dans chacun un nombre de citoyens éclairés pour former le grand jury? Pourra-t-il donc exister? S'il existe, quelle autorité lui donnerez-vous? Vous ne pouvez 1e dire.
Ainsi, la question qui vous occupe e?t prématurée : c'est vouloir décréter la forme avant le fond, et se vouer à de grandes erreurs. On a voulu vous faire craindre qu'aux approches des élections les ministres* par le moyen de leurs agents, ne fissent accuser un citoyen vertueux, pour l'éloigner des fonctions où sa vertu serait redoutable; mais en Angleterre une accusation, une incarcération même ne prive pas du droit d'être élu : un jugement par contumace ne peut déshériter un Anglais du droit acquis par sa naissance, dé représenter le peuple au parlement. M. Wilkes, représentant de Middlesex, s'est trouvé dans cette position : on a jugé qu'un décret de prise de corps ne pouvait empêcher de remplir les fonctions de représentant, que lor^qu il y avait capture d'exécution. On nous effraie donc inutilement du concert du procureur du roi avec le grand jury.
Que conclure de ces observations? que la question est prématurée ; que le pouvoir judiciaire, n'étant pas organi-é, on ne peut décréter le mode de l'accusation publique. Je ne Cherche pas des échappatoires et je n'ai d'autre intérêt que celui de votre gloire. Le pouvoir exécutif reçoit lâ loi des mains du pouvoir législatif; comment le pouvoir exécutif pourra-t-il faire exécuter la loi, si un officier du roi ne peut en dénoncer l'inexécution ? On peut cependant présumer que vous donnerez aU roi, pour ne vous écarter ni de la nécessité, ni de la prudehce, ni des principes, le droit de choisir les accusateurs publics. Je conclus et je propose de retrancher du projet du comité les quatre premiers articles, et de commencer par celui-ci : « Une des fonctions du procureur du roi sera d'intenter les accusations publiques et de poursuivre les crimes et Ie8 délits suivant les règles et la concurrence qui seront établies par l'organisation judiciaire. »
, rapporteur (I). Messieurs, il est devenu nécessaire de rédu re la question à ses termes les plus simples : L'accusation publique sera-t-elle déléguée au roi et exercée par des officiers qu'il nommera ? C'est à ce point unique qu'il faut arrêter la discussion. • La question, ainsi posée, offre un principë à fixera Si le principe est que l'accusation publique ne soit pas déléguée au roi, rien ne doit vous déterminer et rien ne pourrait vous excuser de lui en faire la délégation : car il n'y a point d'équivalent qui puisse réparer la perte d'un principe constitutionnel, ou justifier sa violation!
Cessons de chercher^ en ce moment, comment l'accusation publique pourra être autrement exercée. L'examen de cet accessoire est prématuré; il nuit à la précision des idées sur l'objet principal. Ge qu'il y a de certain est que, si le principe exclut la délégation au roi, une autre devient forcée, et que toute autre sera moins vicieuse que celle qui violerait le principe. Le comité n'a proposé un des juges pour accusateur, que comme indication d'un des modes par lequel l'accusation pourrait être exercée; mais ce moyen-là n'est pas le seul qui reste : et je suis convaincu, comme un des préopinants, que c'est à l'organisation des jurés qu'il faut renvoyer celle de l'accusation publique.
J'avais dit que, par rapport au roi, la question est eucore entière, et que le précédent
decret qui
Je réponds : 1° que, quelle que soit l'attribution des commissaires du roi, l'accusation non comprise, il est choquant que cette considération soit proposée comme une raison de les rendre accusateurs, si d'ailleurs il n'est pas bon qu'ils le soient. Puisqu'en décrétant que le roi aurait des officiers auprès des tribunaux, vous n'avez pas entendu décréter par là que ces officiers auraient l'accusation, leur prétendue utilité, comme accusateurs, n'est donc pas entrée dans les motifs du décret.
Je réponds : 2° qu'il reste aux commissaires du roi assez de fonctions sans celle d'accuser, pour qu'ils soient encore des officiers utiles. Placés auprès des tribunaux, comme régulateurs de tous leurs mouvements pour le maintien des principes et des formes, et pour prévenir, en rappelant toujours la loi, les erreurs judiciaires qui multiplieraient les appels et les demandes eu cas-ation; préposés exclusivement à l'exécution des jugements, afin d'établir ainsi la juste démarcation entre les fonctions judiciaires et le pouvoir exécutif; chargés enfin de veiller sur la discipline des tribunaux et sur la régularité de leur service, il est impossible ne ne pas compter ces officiers comme des fonctionnaires précieux dans l'administration de la justice.
Je finis par ce mot, seul digne du patriotisme et des lumières de cette Assemblée : c'est qu'en général, et en toute hypothèse, quelque resserrée que puisse être la fonctiou d'un agent du pouvoir exécutif, ce ne peut jamais être une raison de déléguer au roi une fonction populaire, pour qu'il eu accroisse le pouvoir et l'influence de son agent.
Ramenés ainsi au centre de la question, prenons garde qu'elle s'élève au sujet de la délégation d'une fonction publique. Déterminer cette délégation est faire un acte de la Constitution. C'est donc aux principes et à l'esprit de la Constitution qu'il faut ici remonter, puisqu'il s'agit d'assortir cette nouvelle partie à celles qui sont déjà posées. J'écarte par là toutes les considérations tirées, soit de notie ancienne pratique, lorsqu'elle contraste avec les principes actuellement reconnus, soit des usages des autres peuples qui ont des Constitutions différentes. L'Assemblée constituauie de France n'a plus d'autres règles à suivre aujourd'hui que celles qui résultent immuablement de la uature des choses, et celles qu'elle a posées elle-même comme fondements de l'édifice qu'elle élève.
J'ajoute que r accusation tient à l'ordre judiciaire, ef que l'ordre judiciaire tout entier n'est lui-même qu'une partie dans la Conslitution. Son organisation partielle doit donc être soumise aux principes antérieurs, adop'és pour l'organisation généra e; autrement il introduirait une incohérence fâcheuse dans la Constitution.
Le principe fondamental de cotre Constitution, qui la distingue si avantageusement de toutes celles qui sont connues, est celui d'uue distribution sage et régulière des pouvoirs, et cette
attention soutenue tend à ne mettre dans le pouvoir exécutif que ce qui lui appartient essentiellement, et à réserver au peuple toutes les fonctions vraiment populaires, qu'il peut faire exercer par des fonctionnaires électifs.
C'est bien là l'esprit de cette Constitution qui est votre ouvrage : émané de vous, jusqu'ici fidèlement suivi par vous, adopté, confirmé par la nation, il fait maintenant votre loi, il vous oblige, il vous presse, vous n'êtes plus maîtres de le changer : et ces principes sur lesquels vous avez commencé à édifier, votre honneur, votre devoir sont de les suivre constamment dans tout ce qui reste à faire. Vous ne pouvez pas vouloir vicier et fausser la Constitution.
Loin de nous sans doute le dessein de dépouiller ou d'énerver le pouvoir exécutif, de décréditer ou d'avilir ses agents. Les fonctions que la Constitution a déléguées jusqu'à présent au pouvoir exécutif, sont sur la même ligoequeles fonctions nationales : et quand la Conslitution sera achevée, tous les pouvoirs également légitimes, favorables el concourant au même but ne devront plus être distingués dans la confiance ni dans le respect du peuple. Mais pendant le travail mêm^ de la Constitution, et tant qu'il s'agit d'examiner sur chaque fonction non encore déléguée à qui il convient d'en faire la délégation, le pouvoir exécutif est, dans le règlement de ce partage, une partie très distincte de la nation; il faut toujours prévoir et l'abus qu'il pourrait faire un jour des moyens qu'on lui confie, et l'intérêt à p.irt de celui de la nation, ou même opposé, qui peut le rendre redoutable.
C'est par là que vous avez résisté jusqu'ici à toutes les extensions abusives du pouvoir exécutif, qui vous ont été proposées et qu'on a tour à tour appuyées sur une sophistique induction de cette propositionvraie en elle-même, que le pouvoir exécutif est dans sa source le pouvoir de la nation, institué et délégué par elle. Fermement convaincus du danger de cette confusion, lorsqu'il s'agit de distribuer les fonctions, vous venez encore de constituer le pouvoir judiciaire, comme distinct du pouvoir exécutif; et vous avez assuré à la nation le droit de nommer ses juges, comme ses administrateurs.
Peut-il être maintenant douteux dans l'esprit de cetteConstitution,et d'un tel système judiciaire, à qui l'accusation publique doit être déléguée?
C'est au pouvoir exécutif, disent quelques opinants. Craignez cette suggestion fatale sous tous les rapports. Quoi 1 vous avez reconnu le droit du peuple de nommer ses juges, parce que le pouvoir de juger émaue de lui, parce qu'il était inutile et dangereux de le déléguer au roi pour qu'il le déléguât aux juges; parce que l'autorité judiciaire influe journellement sur les citoyens, ce sont eux qui ont plus d'intérêt et plus d'aptitude à bien choisir les juges ; parce qu'eufin le pouvoir de juger cumulé avec le pouvoir exécutif, et influencé par lui, aurait établi une espèce intolérable de despotisme! Toutes ces raisons se réunissent ici. Est-ce que la fonction d'accuser n'est pas de même une fonction nationale, et par son principe, et par son objet? Est-ce que ce n'est pas un circuit également inutile et vicieux, de la déléguer au roi pour qu'il la subdélègue à ses ageuts?Est-ce qu'elle n'intéresse pasla liberté, la sûreté, le bonheur des citoyens? Est-ce qu'un ministre connaîtra aussi bien qu'eux ies sujets propies à la b en exercer? Enfin, est-ce que le pouvoir d'accuser, cumulé avec le pouvoir exécutif, et influencé par lui, n'établirait pas ia possi-
bilité d'une tyrannie judiciaire? Vous sentez toutes ces vérités, èt vous ne glisserez pas sur leur importance; vous ne les sacrifierez pas à des considérations bien peu dignes d'être mises eu parallèle. C'est un nouveau chapitre que vous allez ajouter à la Constitution, et vous le ferez en hommes d'Etat qui organisez pour les siècles un des plus beaux Empires du monde.
On a soutenu que l'accusation publique est une fonction naturelle du pouvoir exécutif. Si cela est est vrai, il n'y a pas de matière au débat : mais voyons la preuve. Cest, a-t-on dit, que l'accusation publique est un des moyens nécessaires au maintien de l'ordre public et des lois. Il n'y a là qu'un sophisme; car, si nous y regardons bien, toutes les parties de l'organisation politique ont de même pour objet le maintien de l'ordre public ètdes lois. Cependant toutes les institutions, dont cette organisation générale est composée, ne sont pas pour cela dans le domaine ni à la disposition du pouvoir exécutif. Sans aller plus loin, la fonction de juger aurait certainement plus d'analogie avec le pouvoir exécu if, dans le sens de l'objection que je réfute, que la fonction d'accuser; car le jugement est encore plus essentiel et plus nécessaire pour l'exécution de la loi, que ia simple accusation. Cependant Je pouvoir de juger n'est ni une émanation, ni uue attribution du pouvoir exécutif. Pourquoi cela ? C'est que, dans une Constitution libre, le pouvoir exécutil, qui n'est que celui de la force et de la contrainte, ne doit atttindre les citoyens que de l'une de ces deux manières, ou collectivement par des dispositions générales conformes aux lois publiées, ou individuellement ; mais en ce cas par des intermédiaires, et seulement lorsqu'il a été prononcé que telle loi doit être exécutée contre tel individu. Or, par le système général de notre Constitution, tous les intermédiaires entre le pju-voir exécutif et les citoyens, soit dans l'ordre administratif, soit dans l'ordre judiciaire, sont des délégués électifs du peuple.
Le pouvoir exécutif ne doit donc pas plus atteindre immédiatement les citoyens par l'accusation que par le jugement; car il ne lui appartient pas mieux de rechercher si tel individu est coupable, que de prononcer qu'il est ou n'est pas coupable. Ge qui lui appartient, est de faire exécuter la loi appliquée à tel individu. Quant à la recherche, à la plainte et aux poursuites, elles intéressent le corps social et chacun de ses membres. Il a été bien établi, dans le cours des débats, que l'accusation est un droit personnel des citoyens, dérivant du pacte social; que s'ils sont obligés, pour leur propre intérêt, de s'en dessaisir, ce ne peut être qu'aux mains d'un représentant de leur choix, ayant leur confiance; qu'enfiii les rois ne l'ont jamais fait exercer comme une attribution naturelle de la couronne, mais comme uue fouet on nationale de la même nature que celle de juger, qu'ils étaient, par cette raison, forcés d'aliéner de même à titre inamovible. L'évidence est acquise sur ce poiut.
Il a été facile de reconnaître que beaucoup d'opinants ont été entraînés dans celte discussion par leur préoccupation pour la prérogative royale; mais leur zèle est-il ici bien éclairé? Ils assignent au chef du pouvoir exécutif suprême le rôle d'un plaideur occupé à intenter et à poursuivre des accusations, à gagner et à perdre d es procès sur ces accusations. S'ils s'occupent de la dignité de la couronne, je suis bien éloigné de voir rien là qui la relève. S'ils veulent lui obtenir une extension de pouvoir et d'influence, ce n'est
pas là le moyen de crédit que la politique et la morale pui-sent permettre d'accorder au gouvernement. S'ils réclament pour elle un droit rigoureux, il est démontré qu'elle n'en a aucun. Je leur fais enfin cette observation : bientôt l'organisation du tribunal de cassation donnera lieu d'examiner si c'est le pouvoir exécutif qui agit dans la cassation : ceux à qui je réponds ici soutiendront sans doute l'affirmative. Ainsi, dans leur système, le pouvoir exécutif accuserait, poursuivrait, et reviserait les jugements rendus sur ses accusations et ses poursuites; c'est-à-dire qu'en dernière analyse, il serait juge et partie. Quant à ceux qui ne penseraient pas que le pouvoir exé-, cutif aiiit dans la cassation, ce dernier argument n'est pas fait pour eux ; mais ils n'en ont pas besoin pour prendre une opiuion saine sur la question actuelle.
Je reviens quelques instants sur les dangers, bien expliqués pn cédemment, de déléguer l'accusation au roi, c'est-à-dire de la livrer à l'influence du gouvernement, et de la faire bientôt dégénérer en fonction ministérielle.
Par là, les nombreux préposés du pouvoir exécutif de toutes les classes et de tous les grades seraient rassurés contre l'activité de l'accusation ; et leur responsabilité deviendrait illusoire, tant dans l'opinion publique, que dans leur propre opinion.
Par là, l'oppression individuelle se trouverait constituiionuellement établie; car si le pouvoir ministériel peut atteindre le citoyen dans ses foyers, troubler sa tranquillité, mettre son honneur et sa vie en péril, il n'y a plus, sous un tel gouvernement, de sécurité domestique ni de vraie liberté.
Par là, le gouvernement tiendrait à sa disposition le plus puissant moyen de rendre la force publique des tribunaux plus ou moins utile au soutien de la Constitution; car les tribunaux ont, outre leurs fonctions relatives aux intérêts individuels, la destination plus importante de servir, comme ressorts politiques, au maintien du corps social, et de la forme établie pour le gouvernement. C'est surtout sous ce dernier rapport, qu'en faisant la Constitution, il faut instituer l'accusa-sation publique, dont l'influence est si forte d'ailleurs sur les mœurs et sur ie caractère du peuple.
On n'a pas nié que tant d'effets désastreux ne puissent être les conséquences de l'accusation publique devenue ministérielle par sa délégation au roi : on a dit seulement que tous ces inconvénients théorétiques seront affaiblis dans la pratique, parce que les jurés et les juges rectifieront, par de bons jugements, le mauvais exercice de l'accusation. Je réponds queles jurés et les juges n'assurent qu'une seule chose, c'est qu'on sera jugé impartialement, et que si on n'est pas convaincu, on ne sera pas condamné : mais prenons garde qu'il y a ici deux choses différentes, et deux institutions distinctes, accuser d'abord, puis juger. Vous avez institué le jugement, et maintenant vous instituez l'accusation. Or, puisque l'accusation a assez d'importance pour mériter une institution à part, il faut la faire bonne et sûre pour son objet spécial, et ne pas s'excuser, s'autoriser même, en la faisant mauvaise, sur ce que de bons jugements pourront en empêcher les dangereux effets.
Il y a dans l'exercice de l'accusation publique deux abus possibles : le premier, qu'elle n'agisse pas, quand l'intérêt public l'exige; le second,
qu'elle agisse en sens contraire à l'intérêt public et à la justice particulière.
Dans le premier cas, celui de l'inaction de l'accusateur, ni les jurés, ni les juges ne peuvent empêcher l'abus; car, avant que l'office des jurés et des juges commence, il faut qu'il y ait déjà accusation. — On a dit qu'au défaut de l'accusation, on aurait au moins les dénonciations ; mais la dénonciation ne supplée point à l'accusation, elle ne saisit point la justice, elle n'est remise qu'à l'accusateur public, qui reste le maître d'en faire l'usage qui lui plaît. — On a dit ensuite que si l'accusateur public n'agit pas, les particuliers rendront plainte; cela ne peut être que pour les crimes privés, et de la part des individus lésés personnellement; mais il s'agit principalement ici de l'ordre public, et de l'accusation considérée comme ressort politique. — On a dit enfin que les juges pourront suppléer l'accusateur refusant; mais, pour cela, il faut que lu refus ait assegduré, pour que le dénonciateur, perdant patience, se détermine à frapper l'oreille du tribunal, et à lui déférer la prévarication de l'officier accusateur; combien ne s'écoule-t-il pas de temps qui peut être mis à profit, soit pour le succès des complots, soit pour la soustraction des preuves, goit pour l'évasion des coupables?-r— J| est doqc impossible de remédier efficacement à l'inaction de l'accusateur.
Dans le second cas, celui où l'accusateur agit contre l'intérêt public et la justice particulière, les jurés et les juges p uveni empêcher que les accusations dirigées conlrelp patriotisme et l'in— noc nce ne produisent d'injustes condamnations ; mais l'atrocité de l'inju-te condamnation à part, combien li s maux de la fausse accusation ne spnt-ils pas eucorei graves et alarmants? 1° Jille fait courir, au péril de l'honneur et de la vie, les chances si dangereuses dts témoignages, et les méprises possibles, même de bonne foi, dans les jugt meqis; 2° Pour autoriser l'instruction, et par conséquent |è décret de prise de corps, il pe faut qu'un commencement de preuves; et l'accusateur, lorsqu'il n'est pas impartial» peut aussi n'être pas scrupuleux dans le phoix et la production de ces premières preuves : la détention, pendant la durée de l'instruction, en est la suite.
Il y a donc, pour chaque citoyen tranquille dans ses foyers, occupé de ses affaires au sein de sa famille, une véritable oppression dans les premiers effets de l'accusation. Vous laisseriez dans la Constitution un germe destructif de la sécurité domestique, de l'énergie individuelle, et par conséquent du civisme, du sentiment et de l'amour de la liberté, de la confiance et du courage nécessaires pour la défendre, si vous exposiez les citoyens aux cpups directs du gouvernement, armé contre eux de la verge de l'accusation. Ne nous y trompons pas, après les lettres de cachet, c'est là le second degré du despotisme; et, dans un système gradué de tyrannie, je ne vois que la décapitation sans forme de procès au-dessus de l'accusation ministérielle.
Je conclus à ce qu'il soit décrété que les commissaires du roi auprès des tribunaux ne seront pas accusateurs publics, et à ce que les comités de Constitution et de législation criminelle reunis soient chargés de présenter à l'As>emblée nationale la forme d'intenter et de poursuivre les accusations.
(On demande la priorité pour cette rédaction.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture des diffgr
rents projets de décrets. Il pe dispose à lire la motion de M. Goupil.
D'après les preuyes données par M. Thouret, j'obéis à la Yojx de ma conscience et je retire ma motion. [On applaudit.)
(La priorité est accordée à U motion de M- Dq-port, appuyée par M. Thouret.)
Parlarédacfioq de cette motion, on lie l'Assemblée nationale; il faut supprimer ces mots : à un officier. L'Assemblée peut vouloir confier cette accusation à un directoire ou à qn corps.
J'appuie cette observation, parce qu'elle est fondée sur la raison des choses, sur la vérité éternelle. Quand le peuple est représenté, il ne doit pas avoir un représentant unique.
Je crois qu'en effet cette rédaction doit être modifiée, et qu'il faut laisser une plus grande latitude aux délibérations, et dire t par un ou plusieurs officiers nommés par les citoyens .
- Il ne faut pas prér juger une grande question en prjvant le peuple d'accuser par lui-rmême, L'Assemblée np peut lui enlever un droit qu'il a exercé pendant huit siècles, et que les Anglais nos voisins exercent encore. Si chacun ne peut accuser pour le délii dont il a été le témoin, il n'y a plus d'amour de l'ordre ni d'espiit public.
Vojlà le principe qu'il faut uniquement décréter ; « Le commissaire du roi ne géra pas chargé des accusations publiques. » Alors l'Assemblé' c«^seryera toute la liberté, toute la latitude possible,
Il serait très dangereux de ne pas décréter que l'accusation publique, appartenant au peuple, sera déléguée par le peuple : c'est un principe essentiel du gouvernement représentatif.'
(L'amendement est adopté, et l'Assemblée décide qu'il sera retranché de la motion de M. Duport ces mots ; à un officier public.)
Je propose de dire, « ne sera pas exclusivement confiée aux commissaires du roi ».
(On demande ia question préalable.)
Il n'y aura plus que le roi dans le royaume qui ne pourra pas rendre une plainte, si vous rejetez cet amendement,
L'amendement proposé a évidemment pour objet de faire perdre Jp fjrpit de ta discussion. On le présente sans prétention, pi sa suite nécessaire serait la perte de la liberté- J'insiste sur la question préalable. — On demande à aller aux voix.
On ne veut cesser de délibérer que pour empêcher l'effet de l'excellente observation de M. Fréteau.
La question préalable est mise aux voix.
La première épreuve paraît douteuse ; à la seconde, M. le président annonce qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
La partie droite réclame l'appel nominal.
Quelque membres de cette partie proposent d'où-
vrir la discussion sur la question de savoir s'il y a du doute.
L'Assemblée, consultée, décide qu'on ne parlera pas sur cette question.
MM. de Menonville, Dufraisse, Digoine, Bruges et une partie du côté droit s'élèvent tumultueusement contre cette décision et demandent l'appel nominal.
M. de Menonville m'accuse de prévarication : l'Assemblée ne doit pas l'ignorer.
(Toute la partie gauche se lève en criant : A l'ordre, à Vordre!)
se dispose à parler — On lui crie de 6e rendre à la barre.
Sortons d'abord de la question qui nous occupe ; nous passerons ensuite à ce qui me concerne. J'ai prononcé qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Pinson. On élève du doute; il faut que l'Assemblée juge s'il y en a.
Une partie du côté droit s'oppose à ce que cette question soit mise aux voix.
MM. de Menonville, Bruge, Dufraisse, Di-goine, etc., s'élèvent de nouveau contre celte décision et demandent l'appel nominal.
Le bureau est composé de six secrétaires, qui suivent la marche de l'Assemblée, qui surveillent l'exactitude de ses opérations; ils pensent qu'il n'y a pas de doute. Votre président, qui aurait à lui seul le droit de prononcer, le pense comme eux. Plusieurs personnes, qui étaient d'avis qu'il y avait lieu à délibérer sur l'amendement, ont manifesté la même opinion.
Il y a eu une majorité évidente contre l'amendement que j'avais appuyé.
Cependant plusieurs membres demandent l'appel nominal. L'As.-emblée a décidé qu'elle serait consultée, pour savoir s'il y a du doute : je vais me conformer à sa décision.
L'Assemblée décide, à une très grande majorité, qu'il n'y a pas de doute.
La question préalable est mise aux voix et l'Assemblée décrète ce qui suit :
« L'accusation publique ne sera pas confiée aux commissaires du roi : ies comités réunis de Gons-tition et de jurisprudence criminelle sont chargés de présenter les formes de l'accusation publique. »
Un grand nombre de membres demandent que M. de Menonville se justifie de l'inculpation qu'il a faite à M. le président.
lève la séance : il est trois heures et demie.
Séance du mardi
La séance est ouverte à six heures du soir..
, ex-président, occupe le fauteuil.
Un de MM. les secrétaires fait la lecture des adresses dont l'extrait suit :
Adresse de renouvellement de félicitation, adhé-siou et dévouement des officiers municipaux et habitants de la ville de Moulins-la-Marche; ils supplient l'Assemblée de leur procurer des armes.
Adresse des curés et vicaires de la ville de Sault en Provence, qui s'engagent d'employer toute l'influence de leur ministère à assurer l'exécution des décrets rendus par l'Assemblée nationale.
Adresse de la commune 4e la ville de Saint-Puy, canton de Gondom, qui fait le don patriotique d'un contrat de constitution de rente de 2,396 livres 16 sols, dont elle est créancière sur l'Etat, ainsi que des arrérages dus depuis 1771 ; elle offre encore la somme de 291 liv. 6 sols, provenant de la contribution des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de l'année dernière.
Adresse des dames citoyennes du district Sainte Martin de Marseille, et des citoyennes de (a ville de Vie en Bigorre, qui présentent à l'Assemblée nationale le tiibut de leur admiration et de leqr dévouement; elles ont solennellement prêté le serment civique.
Les citoyennes de la ville de Vie, sur l'avis de la municipalité, soumettent à l'Assemblée natjo-tional le projet de leur corporation, sous le titre de légion des Amazones de Vie. avec le règlement auquel elles désirent s'assujettir,
Adresse des amis de la Constitution de la ville de Bar-le-Duc, de la garde nationale de la communauté de Mejias, près Aubenas, et de la municipalité de Nesle-la-Repaste, au département delà Marne.
Cette municipalité fait part à l'Assemblée d'une contestation majeure qui s'est élevée entre elle et le décimateur de Nesle, laquelle a été renvoyée au comité des rapports.
Adresses des électeurs et membres du district de Cosnexsur-Loire, des administrateurs du district de Castelnaudary, du district de Rochefort et du district de Lille.
Adresses des administrateurs du département de l'Orne, du département du Cantal, du département d'Indre-et-Loire, du département de 1a Moselle et du département du Gers.
Tous cesadministrateursconsacrentles premiers moments de leur réunion à présenter à l'Assemblée nationale l'hommage d'une adhésion absolue à ses décrets, et d'un dévouement sans bornes pour en assurer l'exécution; ils supplient l'Assemblée de poursuivre sans relâche, el jusqu'à sa consommation, le grand ouvrage de la Constitution qu'elle a si glorieusement commencé.
Adresses des municipalités et gardes nationales de Monflanquin, département de
Lot-et-Garonne, de Bazas, de Clussay, de Germigny, département de l'Yonne, du Houga en
Armagnac, des Éparres,
Toutes ces municipalités et gardes nationales annoncent que tous les ciiovens se sont réunis, ie 14 juillet, pour célébrer ce jour mémorable par une fête civique dans laquelle ils ont fait éclater les sentiment» du patriotii-me le plus vrai, de l'union la plus étroite, et ont prononcé avec transport le serment fédératif du Champ-de-Mars.
Adresses de félicitation, adhésion et dévouement du canton de Saint-B rirand.
Adresses des gardes nationales des districts de Castelnaudarv, le Revel,et de plusieurs villes des districts voisins, qui se sont réunies, le 2 juillet dernier, pour former entre elles un pacte d'union et de fraternité.
Adresse des officiers municipaux et habitants de la Rtche-Millay et Saint-Gengolout, département de la Nièvre, qui ont prête le 25 juillet le serment fédératif au pied de l'autel de l'église paroissiale.
Adresses des habitants de la communauté d'In-zinzac et Penqm sien, département du Morbihan, qui font une pétition relative à la perception du fouage.
Adresse des administrateurs du district de Josselin, des électeurs du département de ia Haute-Loire, des administrateurs du département de la Gironde et du département du Morbihan, qui tous expriment avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement i oui ils sont pénétrés pour l'Assemblée nationale.
Les administrateurs du département du Morbihan sollicitent la prompte suppression du domaine congéable.
Adresses des municipalités et gardes nationales de Thouarcé, département de Mine-et-Loire, de Roscoff.de Morlanne enBéarn, deChitry-les-Mines, de Chaumi zy, déparlement de la Marne, de Leon-cel près Romans, et de Saint-Martial, déparlement de la Cbareute-Inféri» ure.
TO'tes ces municipalités et gardes nationales instruisent l'Assemblée de la fêle civique que tous les cituyens oni célébrée le 14 juillet, dans laquelle ils oni manifesté le patriotisme le [dus vrai, et ont prêté le serment fédératif du Champ-de-Mars.
Adiesse de la commune de Sabres, district de Tat-lat, au déparlement des Landes, contenant respect, adhésion et soumission à tous les décrets de l'Assemblce, et don patriotique des impositions des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789.
présente à l'Assemblée une thèse soutenue à l'Université d'Angers, dans laquelle les iègles de l'in-iitution canonique sont établies d'après les principes constitutionnels.
L'Assemblee ordonne le dépôt de cette thèse aux archives.
J'ai reçu de M. le contrôleur général des finances une lettre et un mémoire qui ont pour
objet d'informer l'Assemblée du refus que font quelques municipalités de surveiller et de
favoriser ta perception des impôts. Voici la ttneur de ces deux pièces (l) r-
Monsieur le Président, j'ignore si 1 Assemblée nationaleest instruite d une manière exacte des atteintes qu'éprouvent, de toutes parts et dans tous les genres, les perceptions publiques. J'ai eu l'honneur de vous adresser, le 28 juin et le 12 juillet derniers, deux lettres qui ont mis sous les yeux de l'Assemblée un grand nombre d'actes d'insurrections, dont la continuité et l'universalité rendent à peu près nuls les produits des impositions iudirectes dans une grande partie du nord de la France. Il importe que l'Assemblée connaisse que les impositions directes ne sont pas à l'abri de l'attaque que l'esprit de licence semble avoir résolu de livrer à tous les revenus de l'Etat.
J'ai l'honneur de vous envoyer copie d'un pro cès-verbal dressé, le 21 juillet dernier, par un préposé au recouvrement des impositions directes, envoyé pour cet objet à Argenteuil, près Paris, par le receveur particulier des finances, de l'élec tion de Paris. L'Assemblée trouvera dans ce pro cès-verbal uu refus absolu du collecteur de travailler avec ce préposé au recouvrement des impositions dues pour l'année 1789; meis ce qui frappera sans doute encore plus l'Assemblée, c'est l'obstacle apporté à ce recouvrement par le maire d'Argenteuil, et le ton irrespectueux avec lequel ce maire décline l'autorité des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, auxquels il contrevient. Il est impossible que le Trésor public compte sur aucun recouvrement, tel qu'il soii, si les perceptions sont sujettes à recevoir ou à perdre leur cours au gré des contribuables, à la discrétion des municipalités mêmes, dont le nombre immense ne peut pas présenter, à beaucoup près, un concours unanime soit de lumières, soit de désintéressement, soit de zèle pour le bien public, et peut, dans toutes celles qui n'auront pas ces dispositions, susciter de grandes difficultés à surmonter, quelquefois de grands risques pour les percepteurs, du moins de grands retards à éprouver.
Je joins encore à ma letire copie d'un mémoire qui établit une autre entreprise du même genre, de la municipalité de Poissy. Celte ville, très allégée sur l'imposition de la taille, parce qu'elle acquitte sur le produit d'octrois, appelés le tarif, l'imposition principale, qui est de 11,000 livres, n'est imposable par rôles que pour les impositions accessuiies de la taille et quelques menues taxes, momant ensemble à 14.180 livres 10 sous, et enfin pour l'imposition représentative de la corvée, montant à 1,498 livres 6 sous 3 deniers, somme comprise, comme les autres, dans le mandement, des impositions de celte ville, pour 1790; mais il n'a pas plu à la municipalité d employer dans le rôle l'imposition représentative de la corvée, et elle a envoyé à la vérification de f'élection ce rôle différant du mandement. Les officiers de l'élection ne peuvent le vérifier dans cet état : il en résulte uu relard infiniment fâcheux de lout le recouvrement.
Je ne néglige pas, Monsieur le Président, d'écrire au sujet de ces deux désordres au directoire du département, et de le charger de ramener à leur devoir les deux municipalités, et de prévenir le danger de leur exemple.
Mais il est bon que l'Assemblée nationale connaisse quel est l'esprit qui anime actuellement beaucoup de contribuables, et même de municipalités; quelles entraves, quelles contradictions, quels retards éprouvent, dans beaucoup de parties du royaume, les recouvrements; quelles difficul-
tés, sur toutes les parties successivement, j'ai chaque jour à combattre; contrarié par les intermédiaires mêmes qui, revêtu s des pouvoirs publics devraient être les défenseurs de l'ordre public et des revenus de l'Etat. Puissent les départements, animés de vues plus dignes d'administrateurs patriotes, avoir d'ailleurs les forces etleg moyens nécessaires 1 Mais comment ne concevrais-je pas déjà des alarmes à cet égard, lorsque, dans ce moment même, je reçois une lettre d'un directoire, qui me témoigne en même temps, et ses excellentes intentions, et ses inquiétudes sur l'inefficacité de ses forces? Nous sommes portés, me marque ce directoire, à convaincre, par tous les moyens qui sont entre nos mains, Sa Majesté et VAssemblée nationale, ainsi que vous, Monsieur, de tout notre zèle pour Vintèrêt de l'Etat et Vexécution des décrets sanctionnés. C'est le plus cher de nos devoirs, et l'objet auquel nous nous sommes dévoués sans réserve. Mais, nous ne vous le dissimulerons pas : pour le remplir, nous avons besoin d'une confiance qui ne soit pas divisée, et de moyens d'autorité qui sont encore aouteux. La séduction et la licence ont ma lheureusement fait beaucoup de progrès dans notre province. Plusieurs municipalités, qui doivent concourir à l'exécution des mesures que nous pourrions prendre pour les arrêter, sont elles-mêmes auteurs ou fauteurs de troubles. Lorsque le concours, pour ce qui exige le rétablissement de l'ordre, sera unanime, comptez, Monsieur, sur toute lapartquenous serons dansle cas d'y prendre et sur la fermeté que nous mettrons dans l'exécution des décrets sanctionnés par Sa Majesté.
Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre, etc.
Signé : LAMBERT.
Pièces adressées à l'Assemblée nationale avec la lettre du
L'an mil sept cent quatre-vingt-dix, le vingt-un juillet, en vertu de la contrainte décernée par M. Clouet, receveur particulier des finances de l'élection de Paris,, visée de M. Garaudeau, conseiller du roi en ladite élection, et étant en forme exécutoire et à la requête de mondit sieur Glouet demeurant à Paris, paroisse Saint-Paul, faisant élection de domicile en son bureau de recette particulière des finances, sis cour des Salpêtres, à Paris: Je, Jean-Baptiste Avices des Fontaines, brigadier au recouvrement des impositions royaies, demeurant à Franconville-la-Garenne, reçu en justice à ladite élection de Paris, soussigné, certifie m'être aujourd'hui transporté sur les sept heures du matin en la paroisse d'Argenteuil, chez le sieur Pernelle, collecteur porte-rôle des tailles et autres impositions accessoires d'Argen-teuil, pour l'année 1789, auquel parlant, j'aidédaré que je me présentais pour vaquer, conjointement avec lui et son confort, au recouvrement de la somme de 10,000 livres à compte sur celle de 23,535 livres restant due suivant ma contrainte à lut sur-le-champ représentée, lequel m'a répondu net qu'il ne travaillerait pas, qu'il n'était pas le maître; pourquoi et sur-le-cnamp nous nous sommes rendus ensemble chez M. Golas, maire de la paroisse; j'ai de même représenté ma contrainte à M. le maire, je lui ai repété la déclaration de travail'que je venais de faire au sieur Pernelle, ainsi que la réponse négative qu'il venait de me faire ch z lui; sur ce, M. le maire m'a dit d'un ton sévère que d après toutes les observations qu'il m'avait faites la dernière fois (c'était
le 11 juin dernier époque du second refus de travail et de mon premier procès-verbal), d'après la lettre qu'il avait adressée au receveur, qui n'avait pas daigné lui faire réponse, pendant que des personnes de considération lui répondaient aussitôtavec honnêteté, et de même que la commission intermédiaire qui ne lui a non plus fait réponse; il ne concevait ce que j'osais venir demander, et comment on pouvait ainsi m'envoyer à propos de botte : d'ailleurs, que, danstous les cas, je ne devais me présenter qu'après en avoir averti trois ou quatre jours auparavant.
A l'égard du prétendu avertissement, ainsi exigé par M. le maire, je lui ai répondu que jusqu'ici, je ne connaissais point de loi qui m'y oblige: d'ailleurs, qu'avec toute la complaisance et la meilleure volonté du monde, je ne pouvais le faire que très dispendieusement dans toutes mes paroisses, au nombre de dix-huit, mon état ne me permettant pas d'avoir un domestique ; qu'à l'égard du prétendu défaut de réponse de M. le receveur particulier, dont il se plaignait avec un peu de durelé, j'opinais qu'il aurait dû ou pu prendre de bon gré, pour une réponse assez positive, le3 ordres de ma contrainte ; qu'à l'égard de Messieurs de la commission intermédiaire, j'opinais encore que ces messieurs n'auraient plus sujet de se plaindre de la résistance de M. le maire, que lui du défaut de réponse de leur part, puisque sa lettre n'est qu'une pure réponse à la leur; qu'enfin ces messiems n'auraient pu répondre à sa lettre de pure réponse, sans initier une correspondance pénible et sans fin.
Qu'au surplus, M. le maire aurait pu me recevoir et me traiter avec un peu plus de douceur et d'humanité; que n'étant qu'un chargé d'ordres supérieurs, les bornes de ma mission ne me permettaient pas de rendre une justice à son gré, à ses anciennes et nouvelles plaintes et observations; que de mon côté je lui avais référé mes ordres, ou plutôt les ordres dont j'étais chargé, avec.douceur et honnêteté; que je ne m'étais point présenté, tant devant lui que devant le sieur Pernelle, comme un inquisiteur; qu'enfin la question et le tout, dont il s'agissait, pouvait se réduire aux deux mots, l'aflirmative ou négative.
L'affirmative, que je me présentais pour être admis à vaquer, comme je l'ai annoncé, au recouvrement, et de là tout terminé.
La négative, que sur le refus d'être admis à ce travail, j'allais sur-le-champ paisiblement me retirer, et en faire mon rapport par un nouveau et second procès-Verbal, conformément à l'ordre particulier que j'en ai reçu lors de la remise de ma contrainte, et delà rien de plus.
Sur .ce, M. le maire m'a répliqué que je pouvais faire tout ce que je voudrais, qu'il en avait fait plus qu'il n'aurait dû faire, jusqu'à faire assembler la commune pour l'engager à payer, outre les invitations et proclamations qu'il avait faites à ce sujet; qu'il était du devoir de sa place de s'opposer à tous ces frais de garnison, toutes ces vexations qui ne sort qu'une suite odieusede l'ancieu régime..... Eii !..... qu'on prennegarde, et vous aussi, que ies habitants trop irrités.....ne m'écrasent peut-être.....ai-je Irop vit répondu, en l'interrompant I
Cependant, ai-je doucement répliqué à M. le maire (dont la vivacité ne perdait pas courage), cependant tout ceci ne s'accorde pas avec les décrets de l'Assemblée nationale, et avec la circulaire de l'assemblée administrative, du 4 de ce mois, concernant le payement des impositions
directes, droits d'aides et tous autres dont la perception ëst autorisée dans le plus bref délai, concernant l'obligation indispensable des municipalités d'y surveiller et même donner assistance et mainforte aux collecteurs, préposés et employés, sans se borner, Monsieur le maire, à de simples invitations.
L'Assemblée nationale (a indiscrètement répondu M. le maire) ne sait ce qu'elle fait, parce qu'elle ne connaît pas toutes les circonstances présentes et le local comme nous ; au reste (a-t-il ajouté), comme je ne veux rien prendre sur mon compte, je vais faire tenir assemblée, vous n'avez qu à vous y trouver, et vous y plaiderez votre cause.
Je n'ai point de procès, ai-je dit à M. le maire,, conséquemment point de cause à plaider, je consens volontiers à rester chez M. Pernelle, en attendant le résultat de vos opérations, que M. Pernelle, qui va se trouver à cette assemblée, voudra bien me rapporter, et lui ai répété que, dans le cas négatif, je me retirerais et en dresserais procès-verbal; et, à l'instant, j'ai pris congé de M. le maire, et me suis d'abord retiré et resté jusque sur les dix heures chez un de mes amis, e brigadier de maréchaussée, de là je me suis rendu chez le sieur Pernelle, qui, de retour de l'assemblée, sur les onze heures et demie, m'a dit qu'il n'y avait rien eu de décidé pour le travail ; je lui ai demandé de nouveau s'il était absolument décidé à refuser de travailler avec moi ; le sieur Pernelle m'a répondu de nouveau qu'il ne voulait point travailler, qu'il m'avait déjà dit qu'il n'était pas le maître.
Pour dernière observation, j'ai expliqué au sieur Pernelle qu'il était particulièrement coupable du refus de travail, que son erreur était volontiers, qu'il savait bien tout à la fois, et que la municipalité avait droit de surveillance sur lui, et de le forcer aux fonctions de sa qualité de collecteur, et qu'elle ne pouvait l'empêcher ni lui faire un crime de se rendre aux ordres des contraintes, en un mot, de faire son devoir. Pourquoi je lui aj déclaré, eq me retirant, que de son refus opiniâtre j'allais en dresser procès-verbal tant contre lui que contre M. le maire, ainsi qu'il en a été prévenu, et, de suite, je me suis retiré et rendu à ma résidence, où, arrivé, j'ai de fait et sur-le-champ dressé et rédigé le présent procès-verbal de tout ce que dessus, tant contre le sieur Pernelle que contre le sieur Colas, maire. Clos et arrêté l'an et jour susdits, pour servir et valoir ce qu'il appartiendra dont acte. Signé ; AviCES DES FONTAINES, chef de garnison.
Mémoire sur l'obstacle qu'éprouve, de la part de la municipalité de Poissy, l'assiette de l'imposition représentative de la corvée.
Le mandement des impositions ordinaires de 1790, pour la ville de Poissy, signé par les députés de la commission intermédiaire de Saint-Germain, porte au vingt-cinquième article : plus, il sera imposé au marc la livre de la totalité des impositions ci-dessus fixées, la somme de 1,495 liv. 6 s. 3 d. pour la prestation représentative des travaux gratuits des routes, pour l'année 1790.
Le mandement porte en tête que la somme de 11,000 livres pour la taille principale sera acquittée par le tarif.
Il n'est à imposer, en outre, dans le rôle que 5,590 livres pour les accessoires avec les quatre deniers, et 8,230 livres pour la capitation, avec
pareils quatre deniers. Ces deux différents articles montant à 14,050 livres, avec 68 liv. 11 s. pour la confection des rôles, et 15 livres pour l'enlèvement des boues;plus, avec 46 liv. 11 s. du deuxième denier pour livre du deuxième brevet, et les 40 sous de quittance, forment un total de 14,180 liv. 10 s.
Ce total de 14,180 liv. 10 s. est tout ce qui a été imposé par le rôle.
De sorte qu'il n'y a rien d'imposé pour la corvée.
Cependant on a présenté ce rôle aux officiers de l'élection pour le vérifier.
A l'époque actuelle, il est bien fâcheux d'occasionner des retards au recouvrement ; ils désirent donc que l'on oblige la municipalité de Poissy à comprendre dans le rôle cette somme de 1,495 liv. 6 s. 3 den. portée, dans Je mandement qui lui a été adressé par la commission intermédiaire, sans quoi ils ne pourront procéder à la vérification.
(La Jettre et Je mémoire de M.Lambert, contrôleur général des finances, sont renvoyés au comité des finances.)
, député d'Artois, demande et obtient ia permission de s'absenter.
, député du département de Maine-et-Loire, présente au nom de M. Dubois, curé de la Pommeraye, un ouvrage intitulé : Code français, ou Recueil des décrets de l'Assemblée nationale, avec des notes et réflexions propres à, les mettre à la portée des habitants des campagnes.
, député de Rrest, offre au nom des citoyens de cette ville, la somme de 15,213 livres 16 sols 7 deniers, en deux lettres de change sur M. Garat, caissier du Trésor royal. M. Le-gendre rappelle à l'Assemblée qu'à la séance du premier mars de cette année, il a déjà offert, au nom des habitants de Brest, plusieurs effets d'or et d'argent, de la valeur d'environ 22,000 livres, et il demande qu'il en soit fait mention au procès-verbal. Cette motion est adoptée.
Le sieur Chatelain-Duplessis, négociant à Saint-Quentin, remet une somme de 1,200 livres dont M. Lefèvre, négociant français, établi à Lisbonne, fait offre à Ja patrie.
La municipalité d'Aix fait soumission d'acheter pour deux millions de domaines nationaux dans l'étendue de son territoire.
La délibération de la municipalité d?Aix est accompagnée d'un mémoire intitulé : Développement.
L'Assemblée renvoie le tout à son comité d'aliénation.
Une dèputation ae la Société royale d'agriculture est introduite à la barre.
, secrétaire perpétuel, lit un mémoire, ainsi conçu, sur les encouragements à donner à la régénération des troupeaux et à l'amélioration des laines : (1)
Messieurs, augmenter par toutes sortes de moyens les richesses nationales, tel est le projet
Assez longtemps la France a été tributaire des nations voisines pour cette matière précieuse : on sait qu'elle en retire de l'étranger pour près de 20 millions chaque année. L'industrie nationale doit tout oser, et peut actuellement tout embrasser sans mal étrejndre. Un. mal nouveau rend le danger plus pressant et le réinède indispensable." Un rôyaume voisin, où l'industrie a éié jusqu'à ce moment peu encouragée, ouvrant les Veux sur ses véritables intérêts, s'ocjcupe d'établir dans son sein des manufactures. Le peuple commence àiravailler lui-même ses laines ; il lie voudra bientôt plus vous les vendre que fabriquées, p.t la France se trouvera ainsi priyée d'une malièrepiemière qui alimente l'industrie ci fournit actuellement à la subsistance de plus de 800,000 ouvriers. Dans un autre pays, une loi qui empêche l'exportation des laineé, commence à produire, danK nos manufactures 'des départements du Nord,une stagnation malhepreusènjent trop sensible."'
Les Anglais, qui ont été nos maîtres en JTa.it de liberté, jusgu'ciu moment où vou^ nous avez appris à surpasser nos modèles, méritent de l'être encore en aigriculture. Jamais cet art n'obtint ailleurs plus d'encourageménts. La perfection des laines en particulier y reçoit depuis longtemps la protection la plus spéciale du gouvernement; les membres du Parlement, qui siègent dans la Chambre haute, sont assis sur des balles de laine, pour qu'ils n'oublient jamais qué cette denrée est l'une des sources les plus abondantes de la richesse nationale. Les brebis, disent les Suédois, ont les pieds d'or, et partout où elles les mettent elles changent la terre en or.
Il e»td,t s choses sans doute, et il en est bien plus qu'on ne le pensecommunément, qui sont portées plus sûrernént à leur état de perfection par une liberté absolue, que par les meilleures lois. L'amélioration des laines n'offrirait pas elle-même une exception à cette règle, si la conduite des nations voisines, en nQUS avertissant de mieux faire, ne nous avertissait aussi de faire prompte-ment. Les époques où 1 s Espagnols et les Anglais ont commencé'à améliorer leurs laines, ne sont pas fort éloignées, et leurs succès en ce genre ont été très rapides. Pourquoi ce qui eut lieu chez ces peuplesn'aurait-il pas lieu parmi nous? Ils eurent des souverains qui confondirent leurs intérêts avec ceux de la nation ;nous jouissongdu même avantage, et nous avons, de plus, celui de vous avoir pour législateurs.
Ou l'a dit souvent, et cela n'en est pas moins vrai:jamais un concours plus heureux de circonstances ne s'est présenté pour nous rendre ce
que plusieurs siècles d'esclavage nous avaient ôté. Située entre deux pays où, malgré la différence du climat, la qualité des laines est portée au plus au haut point de perfection, la France, où régnent ces de^x climats,' çjpït participer aui avantages qpe lui offre à cet égard son heureuse position. Plusieurs membres de la! Société, pàr'mi lesquels i| suffit de citer M. c^'Aubçnton, ont èleVé avec un succès complet, les 'unis d'ans le Nord du royaume, des brebis à laine longue d'Angleterre et de Hollande; lès autres, dans les départenaents du Midi, des brebis à laine fine d'Espagne ët d'Afrique.
Le nombre des propriétaires va augmenter par la vente des biens nationaux ; les laboureurs débarrassés, par vos soins, des entraves que l'an* cienqe administration avait misés à leur industrie, se livrent déjà à l'espérance de voir leurs tentatives secondées par toutes sortes d'èncourà-gemepts. Le voeu relatif à la perfection de cette branché d'industrie est exprime dans les cahiers de plusieurs bailliages ; la Société d'agriculture vient, au nom des Cultivateurs, vous transmettre ce même vœu et "vous supplipr de vouloir bien porter vos regards sur cet objet importànt pour lequel les secours les plus insfants seront les plus efficacesill dépènd de' vo'uà, "Messieurs, et il ne dépend que de vous de faire fructifier le§ essais en ce genre j II suffit, qous le répétons que ypus daigniez prendre cpt objet en cpnsijiëratïpn. La Société sè propose de rnettrè'sôus 'les yeux de votre comité d'agriculture ret de cô limvrcé des renseignements propre^'à jeter q'uel îue jojir sur cette matière ;' ils lui' ont été fournis, et pur sa correspondance avec les cultivateur^ dès 'divers cantons du royaume, et | àr les ex >éri'ënces'particulières de plusieurs de ses membres. 'Elle'ose tout espérer dé vous, Messieurs^ que là natjoh a fait les dépositaires de ses intérêts, et qui vbus êtes faits vous-mêmes les bienfaiteurs (Je Ja pa-tion.
Signé: Parmentier, directeur; Abeille, vice-directeur; Lefebvre, agent-général ; Marquâtes (de La Noue); Béthune (i/eChàrbstj'; Bon-cerf; Cretté (de Palluel) ; Thoûin ; Chabert ; Brousson n e t, secrétaire perpétuel.
répond :
L'assemblée nationale s'entourçra toujours avec empressement des lumières dev Vôtre Société;'elle vous invile à communiquer à son comité d'agriculture et de commerce le résultat de vos réflexions sur l'objet de votre adressé. Le moment approche, nous osons du' moins nous en flatter, où les gouvernements né connaîtront entre eux d'autre rivalité que celle de faire iouir les peuples d'une grahdê aisance ètd'uri bonheur plus confiant.'G'eët alors surtout qu'on connaîtra tout le prix ëe vos travaux. '
L'assemblée nationale vous permet d'assister à sa séance.
(L'Assemblée ordonne .que le mémoire lu par M. Broussonnet sera impr'iiné et anrièié à son procès-verbal. Elle ordonne ènsùite le Renvoi au comité d'agriculture et de commercé.)
Une députation du régiment de Languedoc demande à être admise à la barre.
L'Assemblée décide qu'elle sera introduite.
Un officier de ce corps supplie l'Assemblée de vouloir bien révoquer le décret par lequel elle a ordonné que son Président se retirerait par-de-vers le roi pour ie prier de rappeler, de Montauban, ie régiment de Languedoc, et le faire rem-
place par deux autres. Il expose les services qu'a rendus ce régiment dans l'affaire de Montauban, le zèle qu'il a apporté pour empêcher les citoyens de se porter à de plus grandes extrémités, et proteste de son patriotisme et de son respect pour les décrets de l'Assemblée.
répond à la députation en ces termes :
« Le jour où l'Assemblée nationale reçoit de nouvelles assurances de dévouement et de patriotisme est pour elle un jour d'allégresse. Elle est persuadée que le régiment île Languedoc, partageant les sentiments des différents corps qui composent l'armée française, montrera toujours un attachement inviolable à la Constitution, et une soumission profonde aux décrets du Corps législatif, sanctionnés par le roi.
« L'Assemb ée nationale prendra votre demande en considération et vous permet d'assister à sa séance. »
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette pétition au comité des rapports, pour en rendre compte jeudi prochain.)
demande l'impression de ce discours.
La partie gauche réclame l'ordre du jour.
L'Assemblée décide qu'elle passera immédiatement à l'ordre du jour. — Aussitôt M. de Foucault s'élance à la tribune. — La partie droite, en désordre, pousse des cris tumultueux et menace le Président. — Une demi-heure se passe au milieu de ces débatsscandaleux.— La partie gauche reste calme. — Ou observe que le comité des recherches de la ville de Paris va paraître à la barre, et crue ce tumulte n'a d'autre but que d'empêcher qu il soit euteudu.
Monsieur le Président, nous ne demandons qu'un décret de refus.
Je ne quitterai pas la tribune que ma motion n'ait été mise aux voix.
Le comité des recherches de la ville de Paris demande à être reçu.
donne l'ordre de l'introduire à la barre.
, l'un des membres de ce comité, portant la parole, dit :
« Messieurs, tous les journaux publient, depuis trois jours, que l'un des membres du Châtelet, admis à la barre samedi dernier, a déféré le comité des recherches, comme ayant refusé de remettre les documents et les pièces relatives à une procédure dont on est veuu vous entretenir; et que, sur son exposé, vous avez aussitôt décrété que ce comité serait tenu de les remettre sans délai. L'Assemblée nationale a été induite en erreur. Il est de notre devoir de vous dire la vérité, et il vous importe de la connaître. Au mois de novembre dernier, le comité des recherches de la municipalité crut devoir inviter le procureur-syndic de la commune à dénoncer les délits commis, le 6 octobre précédent, dans l'intérieur du château de Versailles. Le Châtelet ayant été saisi de cette dénonciation, le comité lui fit remettre les noms des personnes qui pouvaient avoir connaissance de ces délits. Quelques mois après, M. le procureur du roi et trois autres 'membres du Châtelet nous proposèrent d'ajouter,
à la dénonciation des délits commis le 6 octobre, celle de plusieurs autres faits, vrais ou faux, qui nous parurent étrangersàla poursuite provoquée par le procureur-syndic de la commune, et dont quelques-uns nous semblent plutôt dignes de la reconnaissance publique, que d une procédure criminelle. Nous atte.-tons l'Assemblée que nou^ nous en expliquâmes ainsi avec ces quatre juges, et que nous refusâmes constamment d'adopter cette série de faits additionnels, quoiqu'ils offrissent d'y faire quelques corrections. Bientôt le bruit se répandit que le Châtelet informait sans base et sans mesure, et que, sous prétexte de venger les délits du 6 octobre, il faisait le procès à la Révolution et au peuple de Paris, que cette Révolution honore. Le Châtelet fut même dénoncé à l'Assemblée nationale par la très grande majori:é des districts de la capitale; ces dénonciations ont été remises au comité des rapports, et sont restées sans suite. Nous nous crûmes obligés de repousser les reproches que nous partagions avec le Chât"let; et nous déclarâmes à l'assemblée des représentants de la commune, que nous étions entièrement étrangers à toute information qui n'aurait pas pour base unique les délits qui ont été commis au château de Versailles, dans la matinée du 6 octobre; dès lors, on sut que nous différions, le Châtelet et nous, de conduite et d'opinions dans des points bien importants. Dans ces circonstances, le, procureur du roi nous écrivit, au mois de juin dernier, qu'il résnltaitde l'instruction commencée à sa requête, que nous avions duns les mains différents renseignements et pièces qui pouvaient servir à compléter son instruction. Nous lui répondîmes que nous croyions avoir satisfait à ce que notre devoir exigeait de nous, en produisant les témoins des délits du 6 octobre, que cependant si ces témoins s'en étaient référés à leurs déclarations faites devant nous, elles seraient incessamment remises.
« A l'égard des pièces, nous déclarâmes au procureur du roi que nous n'eu avions aucune qui pût se rapporter aux délits dénoncés. Nous le priâmes de s'expliquer davantage, et de dire positivement ce qu'il désirait de nous. M. le procureur du roi n'a point déféré à notre prière, et ne nous a donné aucune espèce d'explication : il n'a point spécifié les pièces qu'il désirait que nous lui remissions. Cette conduite ne doit point surprendre, si, comme on le dit depuis quatre mois, le procureur de la commune a provoqué une instruction, et que le Châtelet en poursuive une autre. On vient de rendre public un jugement de ce tribunal, dans lequel toute cette procédure est appelée l'affaire des 5 et 6 octobre. Plusieurs membres du Châtelet nous ont adressé, dans le courant du mois dernier, des écrits dont nous ne relèverons pas les inexactitudes, et dans lesquels on nous opp jse notre dénonciation des 5 et 6 octobre. Nous nous croirions grandement coupables, si nous avions dénoncé la journée du 5 octobre; nous n'avons pas plus dénoncé la journée du 6. Le procure.ir-syndic a dénoncé uniquement les délits commis dans la matinée du 6 au château de Versailles. Nous venons protester dans celte Assemblée des représentants de la nation, que nous n'avons pas d'autres documents sur les délits du 6 octobre. Les témqins ont dû déposer avec exactitude; s'ils ne l'ont pas fait, le Châtelet a pu el a dû les y contraindre. Nous prolestons de plus que nous n'avons aucune pièce que nous puissions remettre à M. le procureur du roi, comme étant relative aux délits du 6 octobre. Nous supplions l'Assemblée nationale,
qui vient d'entendre nos déclarations, de prendre en considération la perplexité où nous met son décret du 7 de ce mois, qui ordonne que nous communiquerons, sans cMai, à M. le procureur du roi, et les pièces et les documents qui peuvent être relatifs aux événements du 6 octobre; nous la supplions d'ordonner que son comité des rapports, à qui nous nous empresserons de donner toutes les explications qu'il pourra nous demander, vérifie les faits que nous venons d'exposer, et les motifs de notre conduite. Quels que soient vos décrets, Messieurs, nous nous y conformerons avec le respect et l'obéissance que vous devez attendre d'un comité de citoyens appelés par la commune de Paris à surveiller nuit et jour les ennemis de vos lois, à les contenir avec fermeté et à les poursuivre avec courage. »
( Voyez aux Annexes de la séance, p. 712 les pièces jointes au discours de M. Oudart).
répond :
L'Assemblée nationale a entendu vos explications avec plaisir; elle sera toujours lente à adopter des inculpations, surtout, quand elles frapperont sur des personnes qui, comme vous, ont déjà donné des preuves de leur patriotisme et de leur dévouement à la chose publique.
L'Asssemblée vous permet d'assister à sa séance.
(On demande le renvoi de cette pétition au comité des rapports et on réclame l'ordre du jour.)
J'ai déjà parlé sur les malheurs du 6 octobre avec une modération qui doit inspirer quelque confiance en mes principes : ce que je vais dire en sera la confirmation. Il n'appartient ni à mon caractère de ministre des autels... (Quelques éclats de rire partent de la partie gauche.)
(M. l'abbé Maury descend de la tribune. — Le tumulte recommence; on crie à l'impiété.— Plusieurs ecclésiastiques, parmi lesquels M. l'évêque de Nîmes se fait distinguer par ses cris, menaçant du geste M. le Président. — Une voix s'élève dans la p irtie gauche : Nous respectons le ministère; c'est du ministre que l'on rit. — M. le Président invite M. l'abbé Maury à remonter à la tribune.)
J'exécute les ordres de l'Assemblée: le caractère d'un représentant de la nation est si respectable, que je ne dois pas le compromettre davantage dans cette Assemblée. (Les éclats de rire recommencent.) M. le Président, c'est à vous que je m'adresse, on ne peut ici parler que des principes et des personnes. Mes principes sont mal interprétés; les personnes sont sacrifiées par le zèle même que je mets à les défendre. Je ne sais d'où vient cette malveillance; si elle vient de l'Assemblée, je dois me taire ; si elle vient des spectateurs, je ne dois point parler devant une Assemblée qui n'a point assez d'empire pour imprimer du respect à ceux qui l'écou-tent.
Je demande qu'on improuve ceux qui out interrompu M. l'abbéMaury.
Je demande qu'on improuve ceux qui, par une marche combinée, troublent toutes nos délibérations.
Quelques députés de la commune de Paris sont
admis à la barre, ayant à leur tête, M. Chapon, médecin.
prend la parole. — La capitale est surchargée d'impôts.....
(de Saint- jean-d'Angély). Je demande de qui tiennent leur mission les personnes qui sont à la barre? Pourquoi M. le maire ne paraît-il pas à leur tête ?
, Vainé. Si un membre a le droit d'interpeller ainsi quelqu'un qui paraît à la barre, je demande qu'on décide le principe, et je ne vois pas pourquoi il faut que la commune de Paris ait toujours son maire à sa tête.
Des citoyens ne sont pas la commune; ils n'apportent pas le vœu de la commune, à moins qu'il n'y ait une délibération qui les autorise.
reprend la parole. Nous avons la majorité des sections, et quand nous ne l'aurions pas, l'Assemblée a décidé que tout citoyen avait droit de présenter des pétitions.
Je ne sais pourquoi les personnes qui sont à la barre se disent représentants des habitants de Paris.
Il est un usage constamment suivi dans cette Assemblée, c'est qu'on ne doit jamais faire aucun discours à la barre, qu'il n'ait été auparavant communiqué à M. le Président.
observe que le discours ne lui a point été communiqué.
continue la lecture de son discours dont voici le texte :
Monsieur le Président et Messieurs fl), les représentants de la commune de Paris viennent avec confiance vous exposer que la capitale est surchargée d'impôts indirects, et que son état actuel paraît ne pas permettre que cette masse énorme continue à se percevoir, de la même manière, sur les habitants.
Vous le savez, Messieurs, la capitale était arrivée à un degré de splendeur qui surpassait ce que l'histoire nous rapporte des villes les plus renommées. Les richesses s'étaient naturellement concentrées dans son enceinte; et tout avait concouru à la porter à ce haut degré d'élévation où vous l'avez vue.
Au moment où la France n'avait reconnu d'autre souverain que son monarque, Paris, la
capitale, séjour habituel de ses rois, a dû prenlre et a pris successivement un degré
d'accroissement considérable. Le souverain, seul dispensateur des grâces et des emplois, a
naturellement dû être environné des grands du royaume, des courtisans et de ceux qui pouvaient
prétendre à ses faveurs; collateurdes principaux bénéfices, ceux qui aspirai nt à les obtenir,
ont dù chercher à s'approcher de la cour et à se faire connaître. Les intendants des provinces
et tomes les classes tenant à la haute finance habitaient la capitale; de grands tribunaux y
ont été créés d'une mauière
Il rie faut cepéHdant pas se le dislîmùie'r. Me,S; sieurs; par la nouvelle organisation, la capitale perd la plus grande partie des richesses qui abondaient dauS son Sein; elle se trouvé, feh bë moment, au niveau de toutes les autres villes 'd'il royauihe; elle sera, 'de plus, surchargée dé P'éh-tretSfen de sa garde riationàlë soldée; qui lui bc-càsi'ôiihérâ une dépense d'environ six millions par an ; elle pâraît bîêmè avôlr moins de ressources que les villës maritimes. Son état actuel est inquiétant-, uné grande bartié dë séà rès-sources est tarie; les beltes-lëttres ét les ahs, l'industrie et le boniibertilé iorniërdnt à l'àvëriir ses principales espéi;âncés; les àmateUrs serônt plus râreS et lës prôfits jlluâ tiornéis ; il faut be-pendatit que l'hommé trouvé dans àOn travail lifté subsistance assurée'^êdiiirë et ihddêrër lës impôts iiidirëcts (qiii se pe'rçbivëbt, ce Serâ Uri moyen dë diminuer le prix des denrées,, d'ëhcoUrager lë commel-cë, dé ranimer l'industrie, de rappël'er les étràngéré, todjbbré jaloux dé visiter ou dé së fixer Uàns une des plus belles Villes du ni'Ondé ; ce ser'à ëbëbrë un mbyeri de donhër dë là faVeùr aux biens ecbléâiàsti'quëà qui sbnt dans son eti-ceitite; fet de eonsërVer les droits et intérêts dë la natibti. Voilà, Messiëurs, leé prèmierà motifs qhi doivent vbUS faire, pl-èndré en Corisidéràtiqn i â-dressfe due nous avons l'hôhrteur de vous présenter; il y eh a d'autres qui Sont plus particuliers, mais qui ne âoht pas Inoidî frappants.
Les Impôts indirects qui se perçoivent sfir toutes les denrées et marchandises qui entrent dans là fcapitalë sont èxbeâsifS; lës uns bnt été usurpés, d'autres ont été créés pour un temps, enfin, d'autres ont été ajoutés, et tous se sont perpétués; ils sont actuellement si innombrables, que la mémoire la mieux organisée ne permettrait
pas au financier le plus exercé d'en détailler la vingtième partie. jti, i
Nous ne chercherons donc pas, Messieurs và vous retracer, d'une maniéré sombre ét fatigante, cette nomenclature infinie d'impôts que l'esprit fiscal à su imaginer; nous nous contenterons de vous exposer, d'une manière raoide, quelques-u ns de ceux qui sont faits pour fixer votre attention, en vous assurant que, sur toutes les deurées, ils sont portés â un taux immodéré. fil
Par ex'emple, un muïa de vin, qui arrive par eau,.paye environ 66 livres d'entrée, non compris les frais (Jé voiture et les droits de route; nous voyons que cette somme exorbitante est composée d'anciens octrois que là ville avait créés pour ses besoins, d'un droit de ceinture de la reine, qui se payait, dans l'origine, pour frayer à l'entretien dé sa, maison; d'un droit de canal qui n'aurait dû subsister qu'autant qu'a duré sà construction; d'un droit de bâtardeau qui vient de la même source, d'anciens drôità àukqûels la ville s'était imposée, pour le soutien de ses paUvrës'et de ses hôpitaux; d'un droit de barrage, |ioqr frayer âûx dépenses du pavé de la capitale, droit qui ne doit plus se payer au Trésor public, [JiHs-que, par le nouveau plah de municipalité, la ville est chargée de l'entretien de son pavé ; d'un droit de rivière, qui n'est qu'un droit de péage, Supprimé par vos décrets; d'un droit appelé Parisis, qui n'e3t qu'une addition du quart en sus de ceux que nous venons de détailler; d'tïn impôt particulier mis sur les boissons, pour tenir lieu de l'imposition directe que les habitants de Paris auraient dû payer pour lëurs maisons dé caVnfiâ-gne, droit qui se trouve naturellement supnrimé, puisque les habitants sont maintenant assujettis à ia tiiille personnelle; de plusieurs droits qui n'avaient été mis que pour un temps; mais qui se sont perpétués; ënfih des4 sols pour livré; puis des 10 sols pour livre, etc., etc.
Il faut convenir que, dans la masse totale des 66 livres; la ville perçoit, pour son compte et pour celui des hôpitaux, une somme d'environ 14 livres; mais l'abus a été porté, si loin, que même on percevait, au profit du trésor public, les 10 sols pour livre de cette portion.
Ge >iue nous venons, Messieurs, de vous détailler pour le v.in, s'applique avec plus de force à l'eau-de-vie, dont les droits excessifs sont de 165 liv. 10sols6den. pour un muid d'eau-de-vie simple, et de 170 liv. 10 sols, pour un muid d'eau-de-vie double..
Il y a, néanmoins, cette différence qu'il est possible, au moyen de l'aréomètre, de distinguer les degrés de l'eau-de-vie;, ce qui,ne peut pa.S.sé fâirq à i'égarçl dti vin, et l'avidité fiscale .a pprté; à cet égard, lés choses à un tel point d'iniquité, qu'dn muid de vin de Brie paye les mêmes droits qu'un m.Mid de vin de Beaune.
Ne pensez pas,, Messieurs, que les boisSons soient les seules denrées qui payent d'une manière exorbitante;. toutes j sans distinction, sont surchargées; les toiles, les mousselines, les épi-ceriesi lqs viandes, les pierres, les plâtres, les bois, tout est grevé, vous apprendrez, sans doute, avec surprise, qu'un cent de planches d* sapin, que le marchand de Paris achète 56 ou 60 livres, paye 46 liv. 10 sols de droits d'entrée, et que les autres bois, appelés carrés, payent dans une proportion aussi forte,,
(jù'est-ii arrivé, Messieurs, de cette surcharge? Gliose essentielle à remarquer, le produit ji'a pas pris d'accroissement pour le Trésor .public, La contrebàlide s'est faite d'une nianière inquiétante.
Tant que l'impôt est modéré, le peuple le paye . sans réclamation; s'élève-t-il ? on cherche à s'y soustraire; devient-t-il exorbitant? alors la fraude se montre à découvert. Toutes les ressources de l'imagination sont mises en mouvement pour ne pas payer; et, si l'on vous rapportait quelques exemples des inventions qui ont été pratiquées pour éviter le passage des barrières, vous seriez étonnés des moyens imaginés pour les exécuter.
La position de la capitale est telle, aujourd'hui, qu'Une multitude de particuliers commettent la fraude à découvert ; ils s'attrounent, ils s'arment, ils en imposent aux commis. La municipalité a établi des compagnies de chasseurs pour les soutenir. Mais, pour le malheur de l'humanité, il s'engage, presque toutes les nuits, des combats, entre les fraudeurs, d'une part, les commis et les chasseurs, de l'autre ; souvent il y a des blessés de part et d'autre. Il est, même arrivé que quelques-uns d'eux eu perdant la vie, ont été les victimes ou de leur devoir ou de leur cupidité ; et néanmoins , la fraude ne s'arrête pas ; l'excès est poussé si loin, qu'il y a, dans la capitale et ses environs, des compagnies d'assurances qui, moyennant une rétribution propo-tionnée à la valeur des droits, se chargent dé rendre les marchandises franches et exemptes, au détriment du Trésor public.
Il résulte, Meissieurs, de cette surcharge, une autre espèce d'inconvénient qui n'intéresse pas moins le bon ordre, c'est que le négociant qui fait son état avec franchise et loyauté n'a pas les ressources de celui qui fait la contrebande ; il est impossible d'établir entre eux une concurrence; celui qui a éludé les droits donnera à meilleur màrché et Vendra davantage. L'hoh-nêté homme reste dans l'indigénce, tandis que celui qui a été moins délicat acquiert l'opulence.
Il est de l'équité des législateurs, de réparer les abus qui troublent aussi fortement la société; nous ne craignons pas de dire qu'en retranchant les droits déjà supprimés par vos décrets, ou mal à propos continués, la capitale éprouverait une dirhinutioft de plus de moitié de ses impôts indirects. Sans doute, Messieurs, en établissant uhe égalité entre tous les citoyens, entre tous les départements, en distribuant ainsi tous les avantages, vous suivrez le même mode pour les charges. Vous vous déterihitierez d'autant plus facilement à suivré ces principes par rapport à" la capitale, qu'il vous a été démontré que ses ressources étaieftt considérablement diminuées, que son comnieh;e était ljftiguissant, son industrie paralysée ét lé peuplé dans lé besoin.
Si cependant, contre votre désir, les circonstances du mornént ne vous permettaient pas de statuer sur la totalité de nos demandes, la commune de Paris espère de votre justice que vous vous porterez volontiers à supprimer, lorsque vous décréterez le nouveau mode d'imposition, les droits qui se perçoivent sur le beurre, sur les œufs et, en général, sur les denrées de première nécessité, lesquelles donnent un faible produit et pèsent sur la classe la plus indigente ; elle espère aussi que vous modérerez, au moins à la moitié, les impôts indirects,que le lise est accoutumé à percevoir sur tes antres denrées. Il nous semble que le Trésor public ne souffrirait pas de celte réduction: eh effet, si la capitale a le bonheur de reprendre son ancienne splendeur, les denrées étant à mëilleur compte, la consommation sera plus considérable ; l'appât
du bénéfice n'étant plus le même, la fraude disparaîtra insensiblement; par une suite naturelle, le Trésor regagnera d'un côté ce que, de l'autre, il paraîtrait perdre, et le peuple sera soulagé.
Il nous reste, Messieurs, une respectueuse remontrance à vous faire : par le nouveau plan de municipalité les habitants de Paris se trouvent chargés de subvenir aux frais de l'illumination et de ceux nécessaires pour conserver la propreté des rues. Mais les propriétaires des maisons avaient racheté et payé au Trésor public cet impôt, qui forme un capital de plus de 15 à 20 millions ; par ce moyen, les frais connus sous le nom de boues et lanternes étaient à la charge du Trésor, il ne serait point juste de les faire supporter aujourd'hui aux habitants ; on ne pourrait raisonnablement les en grever, qu'en restituant à la ville les sommes qu'ils ont payées, et, jusqu'à ce remboursement, il paraît de toute justice de laisser ces dépenses au nombre de celles qui se prennent sur le Trésor public.
Nous venons, Messieurs, vous exposer avec franchise, l'objet de nos réclamations ; nous ne cherchons point à faire valoir les sacrifices que la capitale a faits pour la Révolution ; elle s en honore ; elle n'en sollicite point la récompense. Nous venons vous montrer notre position et réclamer votre justice ; nous y avons été engagés par la vigilance du district de Saint-hitiemie-du-Mont, qui, dans tous les temps, a donné des preuves de sagesse et de patriotisme ; uous y avons été engagés par notre propre- conscience, qui nous impose de veiller aux intérêts de la capitale. L'esprit d'éqbité qui a toujours dirigé les travaux de votre auguste assemblée, nous fait espérer que vous Voudrez bien prendre notre adresse en considération ; nous pouvons vous assurer, au nom de la commune, d'une entière résignation au décret que votre sagesse dictera-.
ne répond point à la dèputation.
L'Assemblée a dû être surprise de Ja pétition qu'elle vient d'entendre. La commune de Paris n'en a point été instruite, Samedi dernier lès députés aè Paris, réunis à M. le maire et à plusieurs .membres de la commune, ont passé la nuit à délibérer, et nous n'avoqs point été instruits des demandes qu'on vient de vous faire. J'ose le dire, cette démarche ne tend qu'à égarer le peuple, ^on seulement il n'est pas chargé de plus d'impôts qu'auparavant, mais vous allez être convaincus qu'il en supportait dont il n'est plus chargé. On vous a parlé d'entrées sur le beurre, les œufs, etc. Il semble qu'on àit choisi celte cir- % constance pour reproduire une motion que vous avez déjà écartée. Qn dit que Paris est surchargé d'entrées, et on a la malaaresse de dire ensuite qu'on fraude tous les droits. Si on les fraude, on n'en est donc pas surchargé. Tandis qu'on envoie à Lyon dels troupes [Jour maintenir les barrières, il ëst bien ét'odhànt qu'oh Veuille les détruire à Paris. On dit que là ville est chargée de la garde natio nale: le fait est faux, et j'ai vu l'état de cette dépense payé par le Trésor public. 11 y a des précautions à prendre pour que le peuplé de Paris ne paye pas trop. Il n'y a que de mauvais citoyéiis qui puissent rapprocher des époques si distinctes, et entre lesquelles on né peut établir de comparaison. On a dit que Paris âvait racheté deux fois les droits sur les boues et lanternes. Je suis pro; priétaire; je les ai rachetés comme les autres; mais je ne dois pas pour cela m'exempter de les
payer, parce que jamais le remboursement n'en a été fait que sur le pied du capital de l'emploi actuel. Aurait-on doue eu l'idée de flatter lé peuple, en lui présentant des idées chimériques? Les membres de la commune qui vous présentent cette pétition ont fui, pour délibérer, la pré-rehee du maire, élu à la majorité de 12,000 voix dés députés de Paris et des sections. Paris n'a point tout perdu à la Révolution : il était privé du séjour de son roi, et il le possède. Que dirai-je du bonheur d'avoir dans son sein les représentants de la nation? On est, à Ja vérité, privé de quelques gens frivoles qui venaient fréquenter les spectacles; d'autres viennent admirer la sagesse de vos décrets. Cette fête, dont l'histoire ne nous fournit pas d'exemple, qui a amené tant de milliers d'hommes dans la capitale, n'a-t-elle donc pas versé d'argent dans le commerce? Je déclare, au nom des députés de Paris et de tous les Parisiens qui m'entendent, que la pétition indécente qu'on vous propose n'est pas ie vœu de la capitale. Pleine de confiance dans votre sagesse, elle sera toujours soumise à vos décrets; les esprits ne seront points séduits par la pétition ae quelques citoyens isolés, qui viennent ici reproduire une motion faite, je le dirai, par M. l'abbé Maury.
(Plusieurs fois ce discours est interrompu par les plus vifs applaudissements.)
La séance est levée à dix heures.
Pièces justificatives jointes au discours de M. Ou-dart (voy. plus haut, page 708)prononcé devant VAssemblée nationale, au nom du comité des recherches de la municipalité de Paris.
N° 1.
ARRÊTÉ du comité des recherches de la municipalité de Paris, du 23 novembre 1789, tendant à dénonciation des délits commis, le 6 octobre précédent, dans l'intérieur du château de Versailles.
Le comité s'est attaché, depuis sa création, a rechercher, avec un zèle infatigable, les auteurs de la conspiration formée, au mois de juillet dernier, contre l'Assemblée nationale et contre la * ville de Paris ; conspiration dans laquelle, sous prétexte de conciliation et de précautions pour la tranquillité publique, on a si cruellement surpris la religion d'un roi protecteur de la liberté, et le premier ami de son peuple.
Le comité s'est également empressé de rechercher les auteurs d'une autre conspiration, dont le but paraît avoir été de lever clandestinement des troupes, d'exciter des troubles et d'en profiter pour entraîner le roi loin de son séjour, et rompre la communication entre lui et l'Assemblée nationale.
Le comité se propose aujourd'hui de dénoncer un autre crime, dont la recherche ne l'a pas moins occupé depuis son origine; crime qui paraît appartenir à une source différente, et qui a excité l'indignation et la douleur de tous les bons citoyens; crime déjà constaté par la noto-
riété publique, et qui serait déféré depuis longtemps, si le comité n'avait pas cru devoir employer d'abord tons les moyens qui sont en son pouvoir, pour en r chercher tes auteurs.
Le forfait exécrable qui a souillé le château de Versailles, dans la matinée du mardi 6 octobre, n'a eu pour instruments que des bandits, qui, poussés par des manœuvres clandestines, se sont mêlés et confondus parmi les citoyens. Le comité ne rappellera point tous les excès auxquels ces brigands se sont livrés, et qu'ils auraient multipliés, sans doute, s'ils n'avaient été arrêtés par les troupes nationales, destinées à réprimer les désordres et à assurer la tranquillité lu roi et de l'Assemblée nationale. Elles remplirent, à leur arrivée, cet objet sacré dont elles s'étaient fait la loi, par le serment de fidélité et de respect pour le roi, qu'elles avaient renouvelé à leur entrée à Versailles. Placées à l'extérieur du château, dans les postes que le roi avait ordonné de leur confier, elles s'occupèrent à y maintenir le bon ordre. Tout paraissait calme, grâees à leur zèle et aux dispositions sages de leur commandant; la confiance et l'harmonie régnaient partout ; on ne parLiit que de reconnaissance, d'amour de fraternité : lorsqu'entre cinq et six heures de la matinée du mardi, une troupe de ces bandits armés, accompagnés de quelques femmes et d'hommes^ déguisés en femmes, fit, par des passages intérieurs du jardin, une irruption soudaine dans le château, força les gardes du corps en sentinelle dans l'intérieur, enfonça les portes, se précipita vers l'appartement de la reine,, massacra quelques-uns des gardes qui veillaient à sa sûreté, et pénétra dans cet appartement que Sa Majesté avait eu à peine le temps de quitter pour se retirer près du roi.
La fureur de ces assassins ne fut réprimée que par les gardes nationales, qui, averties de ce carnage, accoururent de leurs postes extérieurs pour les repousser et arrachèrent de leurs mains d'autres gardes du corps qu'ils allaient immoler.
Le comité, considérant que des attentats aussi atroces, s'ils restaient sans poursuite, imprimeraient à l'honneur de la capitale et au nom Français une tache ineffaçable,
Estime que M, le procureur-syndic doit, en vttrtu de la mission qui lui a été donnée par les représentants de la commune, et en continuant les dénonciations précédemment faites d'après les mêmes pouvoirs, dénoncer les attentais ci-dessus mentionnés, ainsi que leurs auteurs, fauteurs ou complices, et tous ceux qui, par des promesses ou dons d'argent, ou par d'autres manœuvres, les ont excités et provoqués. Fait audit comité, ce 23 novembre 1789.
Signé : Agier, Perron, Oudart, Garran de Coulon et Brissot de Warvilie.
N° II
Déclaration du comité des recherches de la municipalité de Paris, du 24 avril 1790, sur la dénonciation des délits du 6 octobre.
Le comité de recherches de la ville de Paris, instruit que l'on dénature la dénonciation qu'il a estimé devoir être faite de l'attentat commis au château de Versailles dans la matinée du 6 octobre dernier; qu'on étend cette dénonciation sur des faits qui se sont passés la veille, et même à
des époques antérieures, tant à Paris qu'à Versailles:
Considérant que, s'il continuait à garder le silence, on pourrait jeler des doutes sur son patriotisme, en lui imputant de vouloir poursuivre ceux qui ont eu part aux événements les plus importants de la Révolution;
Le comité se croit obligé de déclarer qu'il n'a désigné, dans son Avis imprimé, du 23 novembre dernier, que l'attentat commis dans la matinée du 6 octobre, c'est-à-dire l'irruption violente et soudaine, faite dans les appartements du château de Versailles, sur les six heures du matin, par des gens inconnus et armés, et le massacre de quelques gardes du corps, qui a suivi cette irruption; que ce sont là les seuls faits dénoncés au Châtelet par le procureur-syndic de la commune, et que toute poursuite, toute information, au delà de ces faits et de ce point unique, sont étrangères au comité des recherches.
Fait au comité, ce 24 avril 1790.
Signé : Agier, Perron, Oudart, Garran de Coulon et Brissot de Warville.
N° III
Arrêté du Châtelet de Paris, du 14 mai 1790, sur l'affaire du 6 octobre.
Extrait des registres de la chambre du conseil du Châtelet de Paris.
Ce jourd'hui, quatorze mai mil sept cent quatre-vingt-dix,
La compagnie assemblée, ouï sur ce, le procureur du roi, considérant que le procureur-syndic de la commune de Paris, d'après l'arrêté du comité des recherches de la municipalité de Paris, a dénoncé, le trente novembre dernier, les forfaits qui ont souillé le château de Versailles dans la matinée du 6 octobre dernier, ainsi que. les auteurs, fauteurs et complices de ces attentats, et tous ceux qui, par des promesses ou dons d'argent, ou par d'autres manœuvres, les ont excités et provoqués ; que celte dénonciation a servi de base à la seule et unique plainte rendue contre le procureur du roi, le premier décembre suivant; que, depuis cette plainte, l'instruction, commencée le 11 du même mois, a été suivie, sans interruption,jusqu'à ce moment;
Que, si l'intérêt public exige la lin d'un procès aussi important, et dont les détails sont attendus avec le plus juste impatience; si la gravité du délit exige, de sa part, toute la sévérité de son ministère qu'aucune considération ne peut ni ne doit arrêter, il est néanmoins de son devoir, avant de décréter l'information, de ne négliger aucun des moyens que la loi lui commande, pour compléter une instruction dont le but est de venger, tout à la fois, l'honneur de la nation, celui des citoyens de la capitale, de la garde nationale, et d'assurer la tranquillité de notre auguste monarque :
A arrêté qu'il sera fait une dèputation à l'Assemblée nationale, à l'effet de la supplier d'autoriser son comité de recherches à communiquer, au procureur du roi, les renseignements qu'il peut avoir relativement à cette affaire ;
Et que le procureur du roi sera chargé de se pourvoir, vis-à-vis du comité des recheches de l'Hôtel de Ville de Paris, pour se faire remettre les différents renseignements qu'il peut avoir sur un crime dont, lors de la dénonciation par lui faite,
il a annoncé avoir déjà recherché les auteurs par tous les moyens qui sont en son pouvoir ; comme aussi les différentes pièces, qu'il résulte, de l'instruction commencée, être en ses mains.
Fait audit Châtelet, la compagnie assemblée, le? jour et an que dessus.— Signé : Talon, et plus bas : Morel, greffier.
Certifié conforme à l'original :
deflandre de brunville.
N° IV.
Lettre de M. le procureur du roi du Châtelet au comité des recherches de la municipalité de Paris, du il juin 1790.
Messieurs, M. le procureur syndic de la commune de Paris m'a dénoncé, le "trente novembre dernier, d'après l'arrêté, que vous aviez pris à ce sujet, les forfaits qui ont souillé le château de Versailles, dans la matinée du six octobre précédent, ainsi que les auteurs et complices de cet attentat, et tous ceux qui, par des promesses ou dons d'argent, ou par d'autres manœuvres, les ont excités ou provoqués. Sur cette dénonciation et la plainte que j'ai rendue, en conséquence, il a été commencé une instruction, de laquelle il résulte que vous avez, Messieurs, différents renseignements et différentes pièces qui peuventêtre utiles pour compléter cette instruction. J'ai été chargé, par un arrêté du Châtelet fait, la compagnie assemblée, de me pourvoir, p.ir devers vous, Messieurs, pour me procurer la remise de ces différentes pièces et renseignements.
J'ai l'honneur de vous adresser un exemplaire imprimé de cet arrêté, certitié par moi conforme à l'original, et je vous prie de vouloir bien m'in-diquer la forme dans laquelle vous préferez que cette remise s'effectue. MM. du comité des recherches de l'Assemblée nationale ont eu la complaisance de me donner connaissance, en présence de deux de leurs membres, de toutes 1'Spièces qui existent au comité, et de me donner, sur mon récépissé, celles que j'ai estimé être relatives à cette affaire. Si vous adoptiez, Messieurs, cette voie, j'aurais l'honneur de me rendre à votre comité le jour qui vous serait le plus commode, et je chercherais à ménager votre temps, le plus qu'il me serait possible. Si une autre forme vous paraît préférable, j'adopterai, avec grand plaisir, celle qui pourra vous convenir. Je n'ai d'autre but que de me procurer tout ce qui peut tendre à découvrir les auteurs, fauteurs et complices d'un crime infiniment grave ; et je suis convaincu que vous êtes également animés du désir de faciliter, à la justice, les moyens de parvenir à celle découverte importante.
J'ai l'honneur d'être, très respectueusement, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : deflandre de brunyille.
Paris, ce 17 juin 1790.
N° V.
Réponse du comité à la lettre de M. le procureur du roi.
Monsieur, le comité a reçu votre lettre du 17 de ce mois, où vous lui annoncez que, sur la plainte que vous avez rendue, en conséquence de la dénonciation faite d'après notre arrêté, par
M. le procureur-syndic delà commune de Paris, le 30 novembre dernier, des forfaits qUi ontsouillé le château de Versailles, dans la matinée du 6 octobre précédent* ainsi que des auteurs et complices de ces attentats et de tous ceux qui, par des promesses ou dons d'argent] ou par d'autres manœuvres, les ont excités ou provoqués, il a été commencé une instruction, de laquelle il résulte que le comité a différents r nseignements et différentes pièces qui peuvent être utiles pour compléter cette instruction. Vous lui demandez communication de ces différentes pièces et renseignements; vous lui proposez de vous donner connaissance de toutes les pièces qui existent chez lui, et de vous donner; sous votre récépissé, celles que vous estimerez relatives à cette affaire.
Le comité a reçu, sous la même enveloppe, un exemplaire imprimé, d'un arrêté du Châtelet, du 14 mai dernier, certifié par vous conforme à l'original, par lequel vous êtes chargé de vous pourvoir, vis-à-vis du comité, pour vous faire remettre les différents renseignements qu'il peut avoir sur un crime dont, lors de la dénonciation par lui laite; il a annoncé avoir recherché les auteurs, par tous les moyens qui sont en son pouvoir, comme aussi les différentes pièces qu'il résulte, de l'instruction commencee, être en ses mains.
Le comité croit devoir vous répondre que ses fonctions luilmposent la plus grande circonspection dans les communications qu'il est obligé de donner. C'est ce que nous avons eu plus d'une fois l'occasion de faire observer à plusieurs magistrats du Ghâtriet, et singulièrement dans une conférence ménagée, par M. Talon, lieutenant civil, et chez lui entre les cinq membres du comité, M. Tulon, vous Monsieur* et MM. Olive et Olivier, lorsque vous nous lûtes et nous proposées d'adopter une suite d'articles qui ne tendaient à rien moins qu'à dénoncer, par addition au procès que vous poursuiviez sur les attentats du 6 octobre dernier, un projet de conseil de régence, différentes manœuvres pratiquées, auprès du corps des gardes françaises, dès l'origine de la Révojution, etc., etc. Vous vous rappelez, sans doute, Monsieur, la surprise où nous jeta votre proposition, que nous désapprouvâmes, unanimement et les réponses que nous vous fîmes, sur-le-champ, ni sans préparation.
Pour motiver la proposition que vous faisiez d'adopter vos arti les additionnels, vous nous dîtes, et, les autres membres du Châtelet noùs dirent également, que plusieurs témoins avaient déposé sans difficulté sur les faits exposés dans votre projet d'addition, mais que beaucoup d'autres s'y étaient reruses, parce que ces laits n'étaient pas consignés dans notre arrêté, dans la dénonciation dé M. le procureur-syndic et dans voire plainte qui sont les seules bases'de l'instruction. Vous dites encore, les uns et lés autres, que, si bous adoptions ce projetdé dénonciation, M. le lieutenant civil pourrait seul, sur la plainte que vous rendriez en conséquence, vous accorder permission de faire informer; au lieu que si nous nous refusions au parti que vous nous proposiez, il n'y aurait plus d'autre moyen pour avoir cette permission d'informer, et pour acquérir légalement la preuve des fa ts q .e vous veniez de nous communiquer, que de rapporter les informations à tous les membres du Châtelet assembles, et de confier ainsi un secret important à un trop grand nombre de personnes. Vous vous rappelez que rien ne put nous déterminer à
adopter votre série d'articles, quoique vous offrîtes d'y faire quelques corrections.
C'e-t-cette rigueur de nos devoirs et de nos fonctions qui nous a déterminés, le 24 avril dernier, à déclarer à l'Assemblée générale des représentants de la commune, dans les termes les plus modérés, et surtout en supprimant les détails que noils croyons devoir vous rappeler ici, gué nous sommes entièrement étrangers à toute information qui n'aurait pas pour base unique les crimes qui ont été commis au château de Versailles, dans la matinée du 6 octobre dernier.
Le comité vous déclare, Monsieur, qu'il croit avoir satisfait à ce que son devoir exigeait de lui, en priant M. le procureur-syndic de vous remettre les noms et qualités et les demeures des personnes qui nous ont paru avoir connaissance des délits commis le 6 octobre dernier; et M. Talon a fort approuvé cette résolution, lorsque nous lui en avons fait part; il nous a même assuré plusieurs fois (nous, nous le rappelons tous), qu'au moyen d'urte addition de plainte que vous aviez rendue, et qui avait été reçue sans assembler les services, la nouvelle dénonciation qui nous avait été demandée devenait parfaitement inutile.
Cependant, Monsieur, si vous voulez bien nous justifier par des extraits en forme, ou de toute autre manière, quels sont les témoins qui se sont référés, dans leurs dépositions, aux notes et aux renseignements qu'il nous put procurés, nous nous regarderons dès lors suffisamment autorisés par eux à vous les remettre.
A l'égard des pièces que vous dites être entre nos mains, nous vous déclarons, Monsieur, que nous n'avun? aucune pièce qui nous paraisse sè rapporter à l'affaire du 6 octobre dernier : cependant, comme l'arrêté du Châtelet et votre lettre distinguent les pièces des renseignements, et que vous avez eu sans doute des motifs pour faire cette distinction, nous vous prions instamment de vous expliquer davantage, et de dire positivement ce que vous désirez de nous.
Nous sommes, etc.
Signé : Agier, Perron, J.-ph. Garran, Brissot de WarVille.
N° VI.
Seconde lettre de M. le procureur au roi au comité (1).
Messieurs, j'ai lu, avec le plus grand étonne-ment, la lettre que vous avez pris la peine de répondre à celle que j'avais eu l'honneur, de vous écrire. J'ai communiqué votre lettre à MM. Talon, Olivier et Olive de la Gatine, et ces Messieurs ont tous été également surpris de ne pas pouvoir reconnaître, dans l'expôsé que vous' faitès a'uné conversation qui a éu lieu ohez M. Talon, ce que nous y avons dit réellement. Il faut, Messieurs, que nous nous soyions tous les quatre bien mal expliqués, puisqu'il y a une si grande différencé entre ce que nods avons dit et ce qui paraît avoir été entendu par vous; j'espère que quelques ré
flexions poqfront yqng convaincre que vpus n'avez., ju^e ni intentions, ni nos discours, comme pous^uriùns pu nous flatter qu'ils auraient dû l'être.
La lettre que vous m'àv z fait l'honneur de m'écrire donnerait à,entendre que, dans la conT férence qui a eu lieu chez M. talon, nous avons lu et proposé d'adopter une suite d'articles qui ne tendaient à rien moins r qu'à dénoncer, par addition au procès, différentes:manoeuvres pratiquées dès l'origine de la Révolution.
J'ai sous les yeux, Messieurs; les articles dont j'ai eu l'honneur de Vous faire lecture chez M. Talon (1); et je petix assUrër qu'il est impossible d'y troùVer rien qui ne soit relatif à la connaissance des auteurs; fauteurs et complices des forfaits qui Ont souillé le Château de Versailles dans la matidée du 6 octobre dernier; ou de ceux qui, par des promesses,; dons d'argent od autres mânœuvres, les ont excités et provoqué^.
L'ârriét'é qùë Vdlls avibi pris, M -ssiedré, £t là dédop'ciâtion qui ni'àvéit ëi'é Faile par Al. le procurer syiidiç déjà Commune, [M'imposait l'obii-gatibh de në rtén négliger pour parvenir à la découvërte des cdupàmes; après ën dvoir Conféré, MM. lès rapporteurs et moi, nous avbns perisë que pldsîeUrs des témoins, ëntendds dans l'information, irouvdht les. termes de la dénonciation trop vagues (2), il pourrait êthè avantà-geux pour l'instruction dti |)rodè^ iqué vous fissiez Unë àaditldo dë déribnciàti'dri pluS bir-côHistiiticiée, et p'drtarit sur des faite plus précis (3).
Nçu^s vous^yoni^ ën.conséqiietice, fjiit part de celle idée, dans la conférence qui a eu lièji chez Mv Talon,, eç, proposé quelque,s-uns des points principaux, qù'il nous, paraissait utile d'arliçljier, mais nue tout n'avait d^ irait qu'à 'épo^edu 6 octobre. Cette prôpositiqn, àtmanpus le ^appelons très bien, n'excita pas eu vous de siiprise. cofritne votre, lettrp paraît l'annoncer; ^ÏÏe fut discutée, pesée,, examinée, sous, les différents aspects-, elle avait mêm'é paru d'abord èi.rt> accueillie parl'oii de vods,, Messieurs (4); inais ensuite vous y trouvâtes ides inconvénients (5) qiii voqs décérininèrêlil à ne pas l'accepter (6),
Je ne peux m'empêcher de relever une autre partie de la lettre que votis av^z pris, la peine de m'écrire, par laquelle il paraît encore que noUs n'avons pas eu le Bonhénr de nous faire entendre. Quelques raisonnements bien simples dé-
montreront que nous ,n'avons pas dit ni pu dire ce qui nous, y ëst attribué.
Votre lettre,,M jijsiëui^,. annonce que, pour motiver là, proposition que nous vous faisions d'à [opter des articles additionnels à votre dénonciation, nous vous .dîmes que plusieurs témoins avaient déposé sans difficulté sur les faits exposés dans ce projet d'addition, mais que beaucoup d'autres s'y étaient refusés parce que ces faits n'avaient pas, (été consignés dans votre arrêté, etc. La lettre porte encore que nou3 y ajoutâmes que, si vous, adoptiez cé projet de dénonciation, M. le lieutenant civil pourrait seul, sur |a plainte que je rendrais en conséquence, me donner permission d'informer; _au lieu que, si vous vous y refusiez, il n'y aurait .plus, d'adtre moyeij, pour avoir cette;.permission d'informer, que de rapporter l'information à la compagnie assemblée.
N mis n'ayons pas ,pu dire que plusieurs témoins avaient déposé sans difficulté sur l s faits exposés dans le projet d'addition de dénonciation, et que d'autres s'y étaient refusés, puisque ce projet n'a jamais, été lu ni pu l'êirë à aucun témoin; que nous ne,sommes pas assez ignorants ,des formes, pour donner lecture aux témoin^ d'autres choses que des pièces, qui sont au procès, .et qu'un simple projet,, ainsi que vous le qualifiez vous-mêmes, ;h'.e§t point, une pièce de procédure (l)u Ro'jUS avpn^ dit, et je le répètç, parce què.(i|çjèst: une vérité, que plusieurs témoins avaient dépose des faits qui faisaient partie de ceux que n.bus vousM propos ion s t d'insérer dans une addition de dénonciation, mais que plusieurs autres qui auraient pu én déposer ne l'avaient pas j#it,.parce que,la dénonciation étant faite en termes vagues, les uns avaient cru ne pas, devoir, d'outrés ne pas pduvoir particulai'iser les faits d'une manière aussi précise que s'ils y eussent été conduits par une dénonciation plus détaillée, et çe sont, cette incertituile, cet embarras, cette variété dans la manière dont les teipoins croyaient devoir déposer, qui nous fit nat re l'idée de vous proposer une addition de dénon: dation qui aurait levé Routes ,les difficultés et fait disparaître toutes les incertitudes; mais certainement rien, dans ce que nous .vous disions, Messieurs, à ce sujet, ne pouvait faire supposer que nous eussions donne connaissance, aux témoins de ce projet d'addition dç, dénonciation.
Nous p'avoijs paàM pu davantage dire que M. le lieutenant civil permettrait seul d'informer, sur la plainte qpé je rendrais en conséquence de l'addition de dénonciation, si vous vous déterminiez à la faire; il faudrait, pour cela, que ni M. Talon, ni M. Olive de la (lutine, ni moi,, n'eussions su que, lorsque la compagnie était.saisie delà; cori naissance d'une àf£ai,rép lorsqu'une plainte avait été reçue par un jugement du tribunal entier, le, chef seul ne pouvait pas receyoir une addition dé plainte; que cette addition devait être présentée à la compagnie, comme la prélnière plainte l'avait été, et, çn vérité, j'ai l'amOur-propre de croire qu'on rie peut pas nous soupçonner dé cettç impéritie. Aussi n'ést-ce pâs ce que nous avons fait; mais nous nous souvenons très bien de vous avoir présenté, comme une considération qui pouvait avoir quelqu'influence sur votre déter-
mination, que, si vous donniez une addition de dénonciation, je n'aurais besoin, pour avoir la permission de faire informer, que de présenter une nouveJle plainte à la compagnie, sans qu'il y eût lieu à rapporter l'information; qu'au contraire, si vous ne donniez pas de supplément de dénonciation, il serait peut-être indispensable de faire le rapport de l'informaiion, pour faire entendre à la compagnie la nécessité d'une addition de plainte, dans le cas où je croirais devoir me porter à la rendre; et nous avons ajouté que nous estimions qu'il n'était pas encore temps de faire ce rapport, l'information n'étant pas alors assez avancée (1).
Vous voyez, Messieurs, combien est différente l'interprétation que vous avez donnée à une partie de ce que nous avons dit; nous avons sans doute été assez malheureux pour ne pas nous exprimer clairement.
La lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire contient encore une autre inculpation qui est personnelle à M. Talon, c'est d'avoir dit qu'au moyen d'une addition de plainte que j'avais rendue, sans assembler les services, la nouvelle dénonciation qui vous avait été demandée devenait inutile.
Nous n'avons plus le bonheur d'avoir M. Talon parmi nous; mais je lui ai communiqué votre lettre, et il nie formellement avoir jamais tenu un pareil propos. Je crois même être assuré qu'il doit vous écrire pour le désavouer absolument. Et vous me permettrez, M ssieurs, d'avoir l'honneur de vous observer combien peu il serait possible que M. Talon eût dit que j'avais rendu uneadditionde plainte,sansassembler les services, tandis qu'il n'existe, au procès, qu'une seule et uniq ie plainte, qui est celle qui a été lue à tous les témoins, et qui a été rendue au moment même de la dénonciation qui m'a été faite par M. le procureur-syndic de la commune, en v rtu de votre arrêté (2). Cette vérité, vous rie pouvez pas l'ignorer, Messieurs, a été attestée par M. Talon, lorsqu'il s'est, présenté à l'As-emblée nationale, à la tête de la députation du Chàielet.
J'ai cru devoir entrer dans ce long détail pour vous rappeler, daus toute leur intégrité, des faits dont le laps de temps paraît vous avoir fait oublier des circonstances essentielles.
Trouvez bon que j'insiste de nouveau auprès de vous, pour me procurer, conformément à 1 arrêté du Chàtelet, les différents renseignements et les différentes pièces que vous avez entre les mains, ainsi qu'il résulte de l'instruction commencée.
Je n'ai pas prétendu, comme votre lettre le donne à entendre, vous demander de prendre connaissance de toutes les pièces qui existent à votre comité, j'ai eu l'honneur de vous exposer que Messieurs du comité des recherches de l'Assemblée nationale avaient eu la complaisance de me faire donner, en présence de deux de leurs membres, la communication la^plus entière, et de me laisser prendre, sous mon récépissé, les pièces que j'avais cru être utiles à Vinstruction. Je vous ai demandé si cette forme pouvait vous
convenir, ou je vous ai prié de vouloir bien indiquer celle que vous paraîtrait préférable.
Je reconnais combien vous devez apporter de circonspection dans les communications que vous êtes obligés de donner, et je suis bien éloigné de vouloir porter un œil curieux sur des affaires qui seraient étrangères à mon ministère. Mais je dois avoir l'honneur de vous observer, et je ne crains pas d'être démenti par aucune personne honnête et instruite, que, si votre devoir vous astreint à faire les recherches les plus étendues pour découvrir les délits qui troublent l'ordre public et en connaître les auteurs; si la prudence exige de vous la plus grande réserve pour ne pas divulguer les secrets importants, il entre également dans l'exercice des fonctions que vous remplissez, de donner, sans aucune restriction, la plus entière communication au ministère public, de tous les renseignements, de toutes les pièces dans les affaires dont la poursuite lui est confiée. Comment, en effet, le ministère public pourrait-il parvenir à faire punir les coupables, si on lui cache ce qui peut les faire découvrir?
Quel pourrait donc être, dans un délit, l'objet des recherches dont on croirait devoir lui dérober la connaissance? Ces recherches ne peuvent avoir d'autre but que la découverte du crime, de ses circonstances, de ses auteurs; elles sont nécessaires au ministère public, il a droit de les connaître toutes, pour en faire usage, s'il y a lieu, dans l'instruction (1
C'est d'après ces principes incontestables que j'ai l'honneur de vous renouveler la demande consignée dans mes deux précédentes lettres.
Je suis très respectueusement, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : Deflandre.
Nous soussignés, chargés de l'instruction du procès poursuivi à la requête de M. le procureur du roi, contre les auteurs, fauteurs et complices des attentats commis au châieau de Versailles, après avoir pris lecture de la lettre de M. le procureur du roi à Messieurs ducomitédes recherches de la ville, certifions que les faits y relatifs sont conformes à la vérité, et que les articles dont M. le procureur du roi a fait lecture à Messieurs du comité, chez M. le lieutenant civil, en notre présence, et qu'il leur a proposés pour base d'une addition de dénonciation, servaient de développement à cette dénonciation et étaient relatifs aux faits du6 octobre. Signé: Olivier et Olive.
N° VII. Lettre de M. Talon, ci-devant lieutenant civil, au comité des recherches, sur le même sujet.
Messieurs, M. le procureur du roi nous communique une lettre qu'il a reçue de vous et qui
contient un fait qui m'est personnel et dont je crois ne pouvoir me dispenser de relever l'inexactitude. Je ne vous ai jamais dit, ni chez moi, lorsque vous m'avez fait l'honneur d'y venir, ni chez vous, lorsque j'ai été à votre comité, à l'Hôtel de Ville, que M. le procureur du roi tût rendu une plainte par addition à votre dénonciation des journées du 5 ou du 6 octobre dernier (I). J'ajouterai même que c'aurait été de ma part une inculpation déraisonnable contre un magistrat aux lumières et à l'honnêteté de qui je n'ai cessé de rendre justice. Si une pareille plainte eût été rendue, il aurait été nécessaire qu'elle fût répondue par la compagnie entière; et elle existerait aujourd'hui. D'ailleurs, l'instruction, l'honnêteté et le patriotisme de la compagnie la rendaient autant imapable de recevoir une pareille plainte, que l'est M. le procureur du roi de l'avoir rendue.Je n'ai donc jamais tenu le propos que vous me supposez, par erreur, dans votre lettre. L'hommage que je dois, d'une part, à la vérité, et, de l'autre, aux vertus et au patriotisme de M. le procureur du roi, m'a mis dans la nécessité de rappeler ce l'ait à votre souvenir, et de relever? pour ce qui me concerne, l'erreur qui s'est glissée dans votre lettre.
J'ai l'honneur d'être, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : Talon.
Paris, ce 15 juillet 1790.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance de mardi matin 10 août.
Le procès-verbal est adopté.
Le comité des recherches demande à présenter un court rapport sur les subsistances du duché de Bouillon. Je donne la parole au rapporteur.
, rapporteur du comité des recherches. Messieurs, depuis 18 moi3, le duché de Bouillon est
tourmenté de la plus affreuse disette. De temps immémorial, la principauté de Sédan lui
fournit des subsistances ; mais vos décrets prohibitifs de l'exportation des grains ont mis
des entraves à ce qu'il en obtînt. Ses moissons suffisent à peine pour le nourrir pendant six
mois, tandis nu'il vous fournit pendant l'année entière de nombreux troupeaux de bœufs,
veaux, moutons et porcs; des laines, des bois, des charbons, des écorces et mille autres
denrées. Et votre comité des recherches, d'accord avec les députés du département des
Ardennes, pense qu'il est de votre justice et de votre humanité, d'ordonner
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des recherches, décrète que les décrets prohibitifs de l'exportation des grains ne seront point applicables au duché de Bouillon; en conséquence, autorise ses habitants àextraire en nature et à importer chez eux les produiis de leurs fermes, comme aussi à continuer de s'approvisionner, ainsi et comme par le passé, sur les marchés de la ville de Sedan, où ils se pourvoiront de tontes sortes de grains nécessaires à leurs besoins, ainsi qu'elles seront fixées pour haque année par le directoire du département des Ardennes, s'il y échet, en temps de non exportation; et dans le cas d'insuffisance reconnue sur les marchés de ladite ville de Sedan, par la municipalité, pour subvenir à l'approvisionnement des-diis habitants.
« L'Assemblée nationale autorise le directoire dudit département, sur la réquisition de la municipalité, à tixer, pour les a hats du duché de Bouillon, tels cantons de son territoire qu'il juge convenir, et encore à prescrire les formalités de l'exportation, d'après l'avis du directoire du districts de Sedan, lui donnant tout pouvoir à cet effet. Au surplus, ordonne que son Président se retirera par-devers Je roi, à l'effet de supplier Sa Majesté de donner tous ordres nécessaires pour l'exécution du présent décret. »
met aux voix ce projet de décret.
Il est adopté sans discussion.
La parole est immédiatement donnée à un aulre membre du même comité,sur l1 arrestation, par la municipalité de Longwy, d'un officier porteur d'un libelle.
, au nom du comité des recherches. Lesinquiétudesqui régnent dans ledépartementde la M' use, relativement aux projets combinés des puissances voisines contre la France, redoublent en ce moment l'activité et le patriotisme des municipalités ei des gardes nationales de ce déparlement. Un détachement de la garde nationale de la municipalité de Longwy, faisant ses patrouilles ordinaires, rencontra le 5 de ce mois, sur les 6 heures du soir, M. de Mellet, capitaine au régiment des chasseurs de Flandre, suivi de M. Leblanc, chasseurau même régiment, qui voyageaient de compagnie. Sur la demande qui leur fut faite d'exhiber leurs passeports ou leurs cartouches, ils repondirent qu'ils n'en avaient pas, ce qui décida le détachement à faire la visite d'un portemanteau que roflicier avait sur son cheval. Parmi les effets qu'il renfermait, tous à son usage, il se trouva un paquet de 23 exemplaires d'une letire imprimée. Cette lettre supposée et dite adressée, par un des membres de cetle Assemblée, dans les différentes garnisons du royaum -, compromet aussi plusieurs autres membres delà manière la plus gravent la plus off nsante. N >us observerons que ces membres ne sont désignés que par la première syllabe de leurs noms de baptême et de famille : mais cette précaution qui semble affectée pour dérober au public la con-naissancedesnoms, aggrave l'outrage, car l'auteur
de ce libelle infâme prend d'ailleurs des mesures certaines pour que nul ne se trompe sur les noms et les qualités de ceux qu'il vous désigne. Ge libelle invite les troupes à l'insurrection, et sa distribution, qu'on dit avoir été faite avec profusion dans les régiments, n'a pu qu'y produire les plus funestes effets : peut-être même a-t-elle donné naissance aux nouvelles alarmantes dont les tristes récits ont suspendu trop souvent nos délibérations.
Les officiers municipaux de Longwy, après avoir dressé procès-verbal, mirent sous enveloppe ces lettres imprimées, et conduisirent le lendemain, avec un détachement de la garde nationale, les deux particuliers à lamunicipalitéde Stenay. Les ofticiers municifjaux de cette ville, après avoir pris connaissance dp l'affaire et fait reconnaître, par M. de Mellet et M. Leblanc, que le paquet cqr cheté et les lettres imprimées étaient celles saisies surM.de Mejlet par la gar(]e nationale de Longwy, leur firent .iussilôt subir pn interrogatoire. Nous allons vous faire lecture de çe libelle, que UPU.s aurions désiré ensevelir dans un profond oubli, mais qui devient une pièce inséparable du rapport, et dont ppus ne pouvons nous dispenser de vous faire pari, ainsi que des interrogatoire^. (M. Rousselèt fait lecture de ces pièces, Voyez Archives Parlementaires, séance du 3 août.) Après cette lecture, vous ne pouvez yous refuser d'approuver [a conduite de la municipalité de Steqay, qui, dans la délibération qu'elle a prise, a agi de concert avec les membre^ du district. D'un coqi-mun accord, ils ont ordonné l'emprisonnement de ces deux parti uljers, comme suspects, l|s vous ont aussitôt dépêché up »purrier, pprte-ur des procès-verbaux et de l'imprimé, et pour vous instruire n'une découverte uui [pur $ paru intéressante, et pour que vous puissiez, d après l'p^a-men des pièces, pionoucer sur le sort des pris n-niers. Mous observerons, à I égard de M. Leblanc, que votre comité netroqve rien de lépréhensible dans sa cuquuite. Soldat ç[aps la cptqpqgnip de M. de Mellet, i! l'accompagnait, d'après la permission verbale que cet oîtïciereq àvaitoqteqpe du commandant du régiment, pour, . pendant quinze jours que M. de Mellet pliait passif chez Mme sa mère, soigner ses cbèvaux.
Cette allégation peut paraître vraisemblable: ce soldat n'avait aucun 4e ces libelles*, il atteste n'avoir point eu connaissance que M. de'MplIet en lût porteur, et cet ofliçipr s'est empressé, dès le moin^'t dë leur arrestation, de le disculper des soupçons qu'on pouvait former sur son compte. Au premier aspect, il n'en est pas de même de M. de Mellet, qui s,e trouve avoir dans son portemanteau vingt-trois des libelles dqnt nous avons donné lecture d'un exemplaire: malgré sa dénégation dans son interrogatoire, il est difficile de se persuader que son intention ne fût pas de les distribuer, Si rien ne prouve qu'il en ait distribué dans sa route, cette preuve ue serait peut-être pas difficile a acquérir. Elle ne doit pas être négligée dans les circonstances actuelles. Il est difficile de croire que, comme il l'a dit, un motif de cotpmiséiatiou pour un libraire détermine un officier à faire achat de vingt-trois exemplaires de cette lettre, lorsqu'il est notoire que les troupes sont excitées à l'insurrection par toutes sortes de moyens, notamment par des productions dè celte pâturé. Le comité des rether-ches vous présente un projet de décret en çes termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu
son comité des recherches, décrète que son Président se retirera par-devérs le roi pour le prier de donner des ordres, pour, en ce qui ponCerne M. de Mellet, officier dans le régiment des chas-seurp de Flandre, informer, décréter et instruire, jusqu'à jugement définitif, sur les faits coqsknes dans leè procès-verbaux des municipalités de Longwy et de Stepày, circonstances ptdépendances, par-devant les officiers dn bailliage dp Sedan; pour copies desdites informations êtie adressées à l'Assemblée nationale, et pris par elle tel parti qu'il appartiendra, à l'effet de quoi M. de Mellet sera transféré, sous bonne et sûre garde, dans les prisons de Sedan. Lesdits procès-verbaux et pièces y désignées seronf adresse^ au procureur du roi dudit bailliage. En ce qui concerne M- (Leblanc, l'Assemblée na(ioqqle charge égalemeqt son Président de supplier ie roi de faire donner les ordres nécessaires pour son élargissement et son retour au régiment. »
Le principal délit, présenté par le comité des recherches, étant lâ distribution supposée d'un libelle ayant pour titre; «lettre de M.Alexandre de Lameth, » et ce libelle renfermant un article qui nie concerne, je vous demande, Messieurs, la permission de fixer votre attention sur cet objet particulier. S'il ne ^'agissait que de faire connaître à cette Assemblée la pureté de mes intentions et l'exactitude de mes démarches, je lui dirais: Jugez-moi. Vous m'avez toujours vu profes.^er les mêmes maximes, énoncer les mêmes opinions, manifester l'amour le plus vrai pour la libellé; mais ces principes trouvent ai.-eifl.-nt (J^s détracteurs e' excitent des haines invétérées. On veut nuire non seulement à la ehqsp puplique, ipaj^ $ux personnes qui la soutiennent, et l'un emploie les plus perlions muyen§ pour parvpfl r à pe bu[. Paus la Itftue qui est attribuée à M. de Lameth, on trouve ce paragraphe: « mais si ce puissant moyen manque son effet-; alors montrez-vous à leurs jeux comme les dispensateurs des giades et de toutes les faveurs militaires ; olfnz-leur le rang de leurs ofticiers; eugagez-Ks à s'y porter d'eux mêmes et s'élire entre eux, en les assurant que nous les y maintiendrons. Le V. de N... a dû vous écrire déjà pour cet objet, et vous pourrez vous en rapporter à ce qu'il vous mande." » J'oï consigné dans le troisième rapport du comité militaire des principes bien différents de Geux qu'on me prête. On y lit ces mots: «Dans les proportions qui nous ont été faites, il en est quelques-unes qui demandent pour les soldats l'élection de leurs bas-oificiers. Le comité u pensé qu'il y aurait beaucoup d'inconvénients à rendre les intérieurs arbitres de leurs supérieurs, et particulièrement dans les premiers grades. Ge principe introduirait des intrigues et des cabales pour les élections ; et ce droit de suffrage, prenant dé Pexteusion, mettrait la liberte eu danger. L'expérience nous montre la république romaine renversée au moment où les soldats purent choisir leurs chefs. Cette méthode, si elle était suivie, entraînerait la destruction des troupes françaises.» On suppose encore que j'ai ralenti le travail de l'armée. Sur ces prétendues lettres, je déclare premièrement que je n'ai écrit qu'au régiment du roi, dragons, que j'ai commandé pendant près de six années, et pour lequel j'ai conservé le plus vif attacjie-meut. Ce regiment, quj s'est |ait connaître pendant tqute utïe guerie par dps actions glorieuses, a conservé, ap mihpu des troubles de Marseille et d'Aix, le plus grand ordre, la discipline la
plus exacte, le plus grand respect pour les officiers.
J'ai cru devoir écrire à M. Bourgeois, son chef estimable, pour lui témoigner mon extrême satisfaction de laconduite distinguée du régimentdu roi. Le corps qui connaît l'exactitude et la sévérité même de mes principes militaires, a bien voulu regarder l'hommage que je lui rendais comme un témoignage flatteur, et il a publié ma lettre dans quelques journaux. Le régiment d'Alsace, chasseurs, dont je suis colonel, a reçu souvent de mes nouvelles. Ge n'étaient pas non plus des reproches que j'avais à lui faire; car ce corps, dans le meilleur ordre et dans la discipline, ne s'est point senti de Ja Bévolution, tant l'esprit du soldat et de l'officier y est bon et militaire. Ce régiment, complet en hommes et chevaux, n'a jamais eu de ces comités que vous venez de défendre : jamais il n'a entretenu de ces correspondances que vous venez de détruire; jamais il n'a formé de ces réclamations sur sa masse que vous venez de désapprouver. Ge régiment marche vers Lyon dans ce moment, et je garantis d'avance son courage et son patriotisme. Quant aux lettres qu'on m'attribue, je demande à tous les officiers, à tous les sous-officiers, à tous les soldats, s'ils en ont reçu ; je demande a mes ennemis de les publier... Si elles sont de moi, elles respireront l'amour de l'ordre, le respect pour les lois, la soumission militaire aux chefs. Je demande en outre à tous les comités de recherches de s'informer de toutes mes démarches, d écouter toutes dénonciations contre moi, et j'ose délier mes ennemis d'élever un soupçon qui puisse fqrmer un doute sur ma conduite, comme homme privé, ou comme homme public. Le second reproche qu'on me fait sur le retard du travail de l armee, n'est pas plus fondé que le premier; j'ai dit, le 8 août 1789, il y a un an, qu'il fallait que l'Assemblée nationale s'occupât de l'armée; qu'en ne perdant pas un instant à fixer son sort, il était possible ae conserver beaucoup de régiments sous une exacte discipline. Je sentais que les premiers égarements de l'armée devaient entraîner sa ruine. J ai toujours annoncé qu'il fallait uu travail entier et non des palliatifs. Des remèdes de cegeure ne conviennent ni à la nature de nos maux, ni à notre existence politique, uià l'immense ouvrage que le corps constituant a entrepris. Résumant mon opinion, je demande qu'on donne lieu à toutes poursuites, a toute perquisition contre moi, quels que soient les torts que l'on puisse m'im-puter, et j'annonce d'avance que mes moyens de défense contre la calomnie seront toujouis selon ma conduite et mes principes. (Une grande partie de l'Assemblée applaudit.)
Vous venez d'apprendre, Messieurs, par ie rapport du comité des recherches, que l'officier arrêté à Stenay était porteur de 23 exemplaires d une lettre qui m'était attribuée ; cette lettre est le libelle qui vous a été dénoncé par la municipalité de Besançon, et que je vous ai annoncé avoir été répandu avec profusion dans l'armée : quoiqu'il portât mon nom, je n'ai pas cru avoir besoin de me défendre d'en être l'auteur, et je me suis borné à rendre publiques les seules lettres que j'eus?e écrites à l'armée, et dans lesquelles on a pu voir les sentiments que j'ai cherché à inspirer aux troupes. Ayant été instruit de ce qui est arrivé à Sieuay, et de l'arresiatiou d'un officier, j'ai cru devoir insister auprès du comité des recherches, pour qu'il vous proposât d'ordonner qu'il soit informé
avec le plus grand soin sur cette affaire, pour savoir de qui cet officier tenait ces lettres incendiaires, qui pouvait l'engager à parcourir les garnisons, enfin quels sont ies motifs d'une conduite aussi extraordinaire ; j'appuie donc le décret que votre comité vous propose, en vous faisant observer que les libelles qu'on répand daus Paris ne méritent que le mépris : l'instruction, les lumières du peuple et la connaissance qu'il a du caractère et des sentiments de ceux qu'on y attaque, les rendent sans effet ; il n'en est pas de même des écrits que l'on répand dans l'armée, qui tombent dans les mains d hommes simples et faciles à tromper, et y portent une fermentation qui, dans ce moment, met ia chose publique en danger.
Je demande que le décret soit adopté.
J'appuie l'avis du préopinant, et je saisis cette occasion pour vous rappeler que vous avez demandé à votre comité un travail pour l'exécution du décret du 31 juillet, sur les libelles.
Bien n'est plus pressant. Dans une feuille encore publiée sous le nom de M. Marat, on engage les soldats à égorger les officiers; on leur dit qu'ils n'ont pas d'autre moyen d'assurer leur liberté.
J'engagerai le comité de Constitution à se rendre incessamment au désir de l'As3emblée.
Un membre demande que M. de Mellet soit transféré à Sedan pour que l'instruction de son procès soit fait par-devant ies juges de ce bailliage.
. Il y aurait peut-être à craindre que son arrivée dans une ville de guerre n'excitât de la fermentation parmi les troupes.
Les régiments qui occupent la place sont c^ux de Foix et d'Esterhazy ; ils méritent toute confiance, leur patriotisme est connu et, d'après les témoignages réitérés rendus parles officiers municipaux de la ville, je n'hésite pas à me rendre caution de ces troupes.
propose de substituer Verdun pour les procédures à ordonner.
Cet amendement est adopté.
Eq conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète que soq Président se retirera devers le roi, pour le prier de donner des ordres nécessaires pour qu'il soit informé, décrété et instruit, jusqu'au jugement détiuitif, sur les faits concernant le sieur de Mellet, ofiicier dans le régiment des chasseurs, de Flandre, et consignés daus Jes procès-verbaux des municipalités de Jjongwy et de Stenay, circonstances et dépendances, par-devant les officiers du bailliage de Sedan, pour copies des informations être adressées à l'Assemblée nationale, et pris par elle tel parti qu'il cphvipndra ; à l'effet de quoi le sieur de Mellet sera transféré, sous bonne et sûre g^rde, daqs les prisons de Vercfun, et les procès-verbaux et pièces ci-dessus désignes seront adressés au procureur du roi et de ce bailliage; et en ce qui concerné le sieur Leblanc, l'Assemblée nationale charge également son Président de supplier le roi de donner les ordres
nécessaires pour son élargissement et son retour au régiment. »
, membre du comité des rapports, demande la parole pour rendre compte de l'affaire de M. de Toulouse-Lautrec.
L'Assemblée, voulant passer à son ordre du jour, décide qu'il y aura, ce soir, une séance extraordinaire pour cet objet.
L'ordre du jour est la continuation de la discussion sur l'ordre judiciaire.
Titre VIL — Du ministère public.
, rapporteur. Le décret, par lequel vous avez arrête hier que l'accusatiou publique ne serait pas cooliée aux commissaires du roi, nous ramène à la discussion des articles du titre : Du ministère public.
Voici 1 article 1er que nous vous proposons de décréter en ces termes :
« Art. 1er.Les olliciers du ministère public,sont agents du pouvoir executif auprès des tribunaux: leurs fonctions consistent à faire observer, dans les jugements à rendre, les lois qui intéressent l'orure général, et à faire exécu er les jugements rendus. Ils porteront le nom de commissaires du roi. »
(Cet article est adopté.)
L'article 2 porte :
« Art.2. Au civil,les actions précédemment confiées aux prucureurs du roi, ou n'existant plus, ou étani attribuées aux corps administratifs ou municipaux, b s commissaires du roi exerceront leur ministère, non par voie d'action, mais seulement par celle de réquisition daus les procès dont les juges auront été saisis; ils ne pourront agir d'office que pour faire nommer des tuteurs aux mineurs, et des curateurs aux furieux et insensés. »
Je demande l'ajournement de la seconde partie de l'article relative à la nomination des tuteurs aux mineurs, et des curateurs aux furieux et insensés.
L ajournement est mis aux voix et prononcé. En conséquence, l'article est adopté dans la teneur ci-dessous :
« Art. 2. Au civil, les actions précédemment confiées aux procureurs du roi, ou n'existant plus, ou étant attribuées aux corps administatifs ou muni ipaux, les commissaires du roi exerceront leur ministère, non par voie d'action, mais par celle de réquisition, dans les procès dont les juges auront été saisis. »
donne lecture de l'article 3.
« Art. 3. Ils seront entendus dans toutes les causes des mineurs, des interdits, des femmes mariées, et dans celles où les propriétés etdruits, soit de la nation, soit d'une commune, seront intéressés. Il sont chargés, en outre, de veilier pour les absents indéfendus. »
propose d'ajouter les pupilles à l'énUiuération des causes dans lesquelles le> commissaires du roi seront entendus.
L'amendement est admis et l'article est adopté en ces tenues :
« Art. 3. lis seront entendus dans toutes les f causes des mineurs, des pupilles, des interdits, *
des femmes mariées, et dans celles où les propriétés et droits, soit de la nation, soit d'une commune, seront intéressés. Ils seront chargés, en outre, de veiller pour les absenis indéfendus. »
, rapporteur. L'arlicle4,tel que nous vous le proposions dans le nouveau projel sur l'organisation judiciaire, portait : « Dans les matières criminelles, l» s commissaires du roi seront entendus sur toutes les accusations intentées et poursuivies,soit paries particuliers, soit parle juge que chaque tribunal revêtira annuellement de Ja commission d'accusateur public. Ils requerront pendant le cours de I nstruction pour la régularité des formes; et avant le jugement pour l'application de la loi. » Ma s le décret intervenu dans votre séance du 10 août au matin, rend nécessaire une rédaction nouvelle.
donne lecture de la nouvelle rédaction.
Je demande, soit comme amendement, soit comme article addition nel, qu'il soit, dit que les commissaires du roi auront le droit dé requérir les officiers charges de l'accusation publique de remplir leur fonciion, s'ils sont en retard pour le faire , en cas de refus delà part des accusateurs, de déférer à cette réquisition, les commissaires du roi pourront en porter leur plainte par-devant le irinunal qui prononcera après avoir demandé, aux officiers chargés des accusations publiques, les motifs de leur refus ou du relard.
Cet amendement ne peut être adopté, cai il est en contradiction avec votre décret du 10 août. Il aurait pour résultat de rendre, par voie indirecte, l'accusation aux commissaires du roi.
Divers membres pensent que l'amendement mérite un sérieux examen et ils en demandent l'ajournement.
L'ajournement est prononcé.
L'article 4 est adopté en ces termes :
« Art. 4. Les commissaires du roi ne seront point accusateurs publics ; mais ils seront entendus sur toutes les accusations intentées, et poursuivies suivant le mode que l'Assemblee nationale se réserve de déterminer. Ils requerront pendant le cours de l'instruction, pour la régularité des formes, et avant le jugement, pour l'application de la loi. »
Je donne lecture de l'article 5.
« Art. 5. Les Commissaires du roi, chargés de tenir la main à l'exécution di s jugements, poursuivront d'office celte execution dans tomes les dispositions qui intéresseront l'ordre public ; et en ce qui concernera les particuliers, ils pourront, sur la d> mande qui leur en sera faite, soit enjoindre aux huissiers de prêter leur mimsiêre, soit ordonner les ouvertures de portes, suit requérir mainforte, lorsqu'elle sera nécessaire. »
Un membre. Je demande qu'on ajoute à la fin de l'article les mots : « en exécution du jugement. »
Les mots qu'on vous propose d'ajouter sont placés en tête de l'article afin d'en m,eux déterminer le sens et la portée. Il n'y a donc pas lieu de les répéter plus loin.
L'amendement est rejeté par la question préalable.
L'article 5 est décrété sans changement.
L'article 6 est lu et adopté, sans discussion, en ces termes :
« Art. 6. Le commissaire du roi, en chaque district, veillera au maintien de la discipline dans le tribunal, suivant le mode que l'Assemblée déterminera. »
On fait lecture de l'article 7.
« Art. 7. Aucun des commissaires du roi ne pourra être membre des corps administratifs, ni des directoires, ni des corps municipaux. »
Cette disposition, déjà décrétée, ne peut donner lieu à aucune contestation; mais je crois qu'on devrait y ajouter que les commissaires du roi ne pourront être ni parents, ni alliés des juges au troisième degré. C'est ici l'occasion d'observer qu'on a oublié de statuer la même précaution dans le titre I8r, au sujet des juges. On peut réparer cette omission en décrétant aujourd'hui que les parents ou alliés des juges au troisième degré ne peuvent être ni juges, ni commissaires du roi.
L'observation est juste quant à ce qui regarde les juges; elle peut être renvoyée au comité de Constitution ; mais à l'égard des commissaires du roi, elle ne peut être accueillie. C'est le roi qui nommera ces officiers, ils le seront à vie. Le roi, en les nommant, exclurait pour la vie des fonctions de juges tous les parents du commissaire du roi.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur ce qui concerne les commissaires du roi, et renvoie au comité de Constitution ce qui regàrde les juges.
L'article 7 et dernier du titre VII est ensuite mis aux voix et adopté sans changement.
Je dois interrompre ici la délibération sur l'ordre judiciaire, pour soumettre à l'Assemblée une difficulté qui vient de se produire à propos d'un de ses décrets. M. Malouet, rapporteur au comité de la marine, vient de me faire remarquer que dans le décret d'hier, 10 août, une disposition, qui devait former l'article 11 du décret sur le décompte de la masse des gens de mer, a été omise. Je consulte l'Assemblée pour savoir si elle veut entendre la lecture de l'article oublié.
L'Assemblée décide que l'article sera lu.
« Art. 11. Les lois et ordonnances delà marine seront observées et suivies jusqu'à la promulgation très prochaine de celles qui doivent être le résultat des travaux de l'Assemblée nationale sur cette partie. »
(Cet article est adopté sans discussion.)
L'Assemblée reprend la suite de la discussion sur l'ordre judiciaire.
, rapporteur. Vous avez adopté le titre VIII, Des greffiers, dans votre séance du 4 août.
Le titre IX, Des bureaux de paix et du tribunal de famille, a fait l'objet de vos délibérations, dans la séance du 5 août, et les articles 1 à 14 ont été adoptés par vous. Je vais vous donner lecture de l'ancien article 14 du projet du comité, qui devient l'article 15 du décret :
t Art. 15. Le tribunal de famille, après avoir vérifié les sujets de plainte, pourra arrêter que
l'enfant, s'il est âgé de moins de vingt-et-un ans, sera renfermé pendant un temps qui ne pourra excéder celui d'une année dans les cas les plus graves. » (Adopté.)
Nous arrivons à l'ancien article 15 qui deviendra l'article 16 et dernier du titre IX. Nous avons dû faire subir une modification à la rédaction de cet article. Voici notre nouveau texte :
« Art. 16. L'arrêté de la famille ne pourra être exécuté qu'après avoir été présenté au président du tribunal de district, qui en ordonnera ou refusera l'exécution, ou en tempérera les dispositions, après avoir entendu l'officier du ministère public chargé de vérifier les motifs qui ont déterminé ia famille. »
Jepropose, par amendement, d'ajouter les expressions suivantes: « sans forme de procès. »
L'amendement est adopté par le rapporteur et l'article est décrété comme suit :
« Art. 16. L'arrêté de la famille ne pourra être exécuté qu'après avoir été présenté au président du tribunal de district, qui en ordonnera ou refusera l'exécution, ou en tempérera les dispositions, après avoir entendu l'officier du ministère public, chargé de vérifier, sans forme de procès, les motifs qui auront déterminé la famille. »
Nous nous étions proposés de remplacer en ce moment le décret sur les tribunaux de cassation ; mais rien n'est plus pressant que de mettre en activité les tribunaux : ils pourraient être organisés en six semaines ; on pourrait déterminer, dès à présent, les élections pour le 1er septembre; mais pour cela il faut décréter les juges pour les matières de commerce. Plusieurs villes commerçantes, qui n'auront pas de tribunaux de district, vont être privées de leurs bailliages. Pendant qu'on s'occupera de l'établissement des tribunaux ordinaires, vous travaillerez à l'organisation du tribunal de cassation : ainsi chaque matière sera à sa place, pour les besoins de la nation et pour le temps de l'Assemblée.
Le comité vous propose donc d'ajourner en ce moment le titre X, Du tribunal de cassation, ainsi que ie titre XI, Des juges en matière de police, et de passer au titre XII, Des juges en matière de commerce.
(Cet ordre de délibération est adopté.)
lit, en conséquence, l'article 1er du titre XII.
« Art. 1er. Il sera établi un tribunal de commerce dans toutes
les villes où l'administration de département, jugeant cet établissement nécessaire, en
formera la demande. »
Le mot toutes aurait un caractère impératif, aussi j'en demande la suppression, parce qu'il y a des villes où un tribunal do. commerce ne présente aucune utilité.
(Cet amendement est adopté.)
L'article 1er est décrété en ces termes :
Titre XII, Des luges en matière de commerce.
« Art. 1er. Il sera établi un tribunal de commerce dans les
villes où l'administration de département, jugeant cet établissement nécessaire, en formera la
demande. »
donne lecture de l'article 2.
« Art. 2. Ce tribunal connaîtra de toutes les affaires de commerce, tant de terre que de mer, sans distinction, et des lettres et billets de change seulement, lorsque les banquiers, négociants ou marchands en devront la valeur ou seront poursuivis comme endosseurs. »
Il faut renvoyer la seconde partie de cet article au règlement de compétence.
Il s'agit de poser un principe essentiel, dont le règlement qui doit suivre ne doit présenter que les conséquences. C'était par une extension des ordonnances du commerce, qu'une personne non commerçante, qui signait une lettre de change, se trouvait soumise à la juridiction consulaire : cette innovation doit être rejetée pour consacrer le principe.
L'homme qui fait une affaire de commerce et de change est un commerçant. Ainsi l'article qui est juste à l'égard des lettres de change, ne l'est pas à l'égard des billets de change. Je demande qu'on le termine à peu près dans ces termes : « Et de tous autres actes ou négociations de commerce et de change entre toutes personnes. »
, député de Paris Messieurs, il est bien étonnant qu'on vous propose de décréter que les tribunaux de commerce ne connaîtront des lettres et billets de change que lorsque les banquiers, négociants ou marchands en devront la valeur ou seront poursuivis comme endosseurs; il vaudrait autant prononcer l'abolition des lettres de change, car l'une ou l'autre de ces deux dispositions produira le même effet : il paraît que le but du comité a été de soustraire à la compétence des tribunaux de commerce les personnes non commerçantes; cependant, comme les lettres de change sont des actes de commerce, et qu'elles en sont le ressort le plus important, pourquoi toutes personnes, faisant acte de commerce, ne seraient-elles pas soumises à la compétence des tribunaux de commerce? N'ont-elles pas d'ailleurs un moyen bien simple de s'y soustraire, en ne souscrivant pas de lettres de change, soit comme tireur?, soit comme accepteurs ou endosseurs, ainsi qu'elles ont eu soin de le faire jusqu'à présent? N'est-il pas vrai qu'elles n'y sont jamais obligées que lorsqu'elles le veulent bien ; et faut-il, pour éviter un inconvénient purement volontaire, tomber dans des inconvénients majeurs et destructifs du commerce, comme je prétends le prouver.
En effet, Messieurs, vous savez que les lettres de change ont été inventées pour la commodité du commerce, en évitant par leur moyen le trans-pi et de l'argent de province à province, et d'un royaume à l'autre, et en donnant par ce moyen plus de célérité aux opérations du commerce. Quel serait donc le négociant qui, après la disposition qu'on vous propose, si elle était adoptée, voudrait prendre une lettre de change? on sait que c'est un effet qui est tiré d'une place sur une autre, et qui, avant son échéance, parcourt le plus souvent plusieurs des places du royaume et de celles de 1 étranger.
Comment serait-il possible à un négociant de
Je propose donc, pour second amendement à l'article, d'ajouter ces mots : et de rivière, après ceux-ci : de terre et de mer. Voici ma raison à ce sujet : plusieurs municipalités du royaume, et notamment celle de Paris, ont eu jusqu à présent un tribunal qui connaissait des contestations du commerce de rivière, etc., même de celles quipre-naient naissance sur les ports : ce qui ne peut avoir lieu à l'avenir; car vous voulez, sans doute, Messieurs, que toutes les municipalités du royaume soient uniformes, et qu'elles n'aient d'autre tribunal que celui de police. Il est donc indispensable d'adupter cet amendement, puisque sans cela elles croiraient être fondées à continuer de connaître des constatations de commerce de rivière, absolument du ressort des tribunaux de commerce.
Les députés extraordinaires du commerce doivent s'assembler ce soir, il est important qu'ils soient entendus; je propose d'ajourner la seconde partie de l'article.
(Cet ajournement est prononcé.)
met aux voix les dispositions qui n'ont pas été combattues et qui doivent former l'article 2. Elles sont adoptées en ces termes :
« Art. 2. Ce tribunal connaîtra de toutes les affaires de commerce, tant de terre que de mer, sans distinction. »
Les articles 3 et 4 sont adoptés, sans discussion, ainsi qu'il suit :
« Art. 3. 11 sera fait un règlement particulier pour déterminer, d une manière précise, l'étendue et les limites de la compétence des juges de commerce.
« Art. 4. Ces juges prononceront en dernier ressort sur toutes les demandes dont l'objet n'excédera pas la valeur de 1,000 livres. Tous leurs jugements seront exécutoires par provi-
sion, nonobstant l'appel, en donnant caution, à quelque somme ou valeur que les condamnations puissent monter. »
lit l'article 5.
« Art. 5. La contrainte par corps continuera d'avoir lieu pour l'exécution de tous les jugements. S'il survient des contestations sur la validité des emprisonnements, elles seront portées devant eux, et les jugements qu'ils rendront sur cet objet seront de même exécutés par provision, nonobstant l'appel. »
Vousditesdans votre article4 que les jugements seront exécutoires par provision , nonobstant l'appel, mais en donnant caution. Je demande que l'obligation de fournir caution soit également étendue à l'article 5.
La nécessité de donner caution a été introduite, par amendement, dans l'article 4 et je ne vois aucun inconvénient à l'inscrire dans l'article qui est en discussion.
L'article 5 est décrété en ces termes :
« Art. 5. La contrainte par corps continuera d'avoir lieu pour l'exécution de tous leurs jugements. S il survient des contestations sur la validité des emprisonnements, elles seront portées devant eux, et les jugements qu'ils rendront sur cet objet seront de même exécutés par provision, nonobstant l'appel, en donnant caution. »
(L'article 6 est lu.)
Je demande que dans un département ù il se trouverait un seu! iribunal de commerce, il soit auiorisé à connaître (les affaires de sa compétence dans toute l'étendue du département.
Un membre remarque que cette compétence serai t trop étendue et qu'il vaut mieux, en cas de besoin, établir des tribunaux par district, ainsi que le porte le projet du comité.
L'amendement est repoussé et l'article est adopté dans les termes ci-dessous :
« Art. 6. Les juges de commerce, établis dans une des villes d'un district, connaîtront des affaires de commerce dans toute l'étendue du district. »
, rapporteur. Voici la teneur de l'article 7:
« Art. 7. Chaque tribunal de commerce sera composé de cinq juges. Us ne pourront rendre aucun jugement, s'ils ne sont au nombre de trois au moins.
« Celui qui aura été élu le dernier, remplira, en cas de nécessité, les fonctions du ministère public. »
Je demande le retranchement de la deuxième partie de l'article, parce que le dernier élu peut être un excellent juge, tandis qu'il ne remplirait les fonctions du ministère public que d'une façon médiocre.
Cet amendement est adopté et l'article est ainsi décrété :
« Art. 7. Chaque tribunal de commerce sera composé de cinq juges. Ils ne pourront rendre aucun jugement, s ils ne sont au nombre de trois au moins. »
(L'article 8 est mis à la discussion.)
Je propose de décider que des cinq
juges qui composeront le tribunal de commerce il en soit choisi au moins un parmi les hommes de loi. Les connaissances spéciales de ce membre seront souvent d'un très grand secours.
Je demande que les juges des tribunaux de commerce soient choisis dans les mêmes formes et par les mêmes électeurs que ceux qui choisiront les juges de district.
Je demande que les juges qui prononceront sur les affaires du commerce de la marine soient choisis parmi les gens de loi.
, rapporteur, combat ces amendements qui sont écartés par laque-tion préalable.
L'article 8 est décrété ainsi qu'il suit :
« Art. 8. Les juges de commerce seront élus dans l'assemblée des négociants, banquiers, marchands, manufacturiers, armateurs et capitaines de navire de la ville où le tribunal sera établi. »
Les articles 9, 10, 11 et 12 sont décrétés, sans opposition, dans la teneur suivante :
« Art. 9. Cette assemblée sera convoquée huit jours en avant par affiches et à cri public, la première fois par les juges consuls actuellement en exercice dans les lieux où il y en a d'établis, et par les officiers municipaux dans ceux où il se fera un établi^ement nouveau.
« Art. 10. Nul ne pourra être élu juge d'un tribunal de commerce, s'il n'a résidé et fait le corn uerce, au moins depuis cinq ans, dans la ville où le tribunal sera établi, et s'il n'a trente ans accomplis. Il faudra être âgé de trente-rcinq ans et avoir fait le commerce depuis dix ans pour être président.
« Art. 11. L'élection sëfa faite au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages; et lorsqu'il s'agira d'élire le président, l'objet spécial de cette élection seia annoncé avant d'aller au scrutin,
« Art. 12. Les juges du tribunal de commerce seront deux ans en exercice; le président sera renouvelé, par une élection particulière, tous les deux ans ; les autres juges le seront tous les ans par moitié. La première fois les deux juges, qui auront eu le moins de voix, sortiront de fonction à l'expiration de la première année ; les autres sortiront ensuite, à tour d'ancienneté. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 13.
« Art. 13. Dans les districts où il n'y aura pas de juges de commerce, les juges de district connaîtront de toutes les matières de commerce et les jugeront dans la même forme que les juges de commerce. Leurs jugements seront de même sans appel, jusqu'à la somme de 1,000 livres, exécutoires, nonobstant l'appel au-dessus de 1,000 livres, en donnant caution et produisant, dans tous les cas, la contrainte par corps. »
(Cet article est adopté.)
Par les gros temps, il est impossible d'aller des îlesde Ré et d'Oléron au tribunal dedistrict.Je demande que, dans ce cas, lesjuges de paix soient autorisés à prononcer provisoirement sur les contestations qui surviennent pour fait de commerce.
(L'examen de cette proposition est renvoyé au comité de Constitution.)
M. Thouret vous a dit que le pouvoir judiciaire sera en activité dans six
semaines : il serait convenable que le traitement des juges fût fixé et connu avant les élections ; plusieurs bons citoyens seront, sans cela, partagés entre l'amour de la patrie et les besoins de leur famille, et n'accepteront peut-être pas des emplois qu'ils rempliraient avec distinction. Je demande que le comité fasse incessamment son rapport.
(Ou réclame l'ordre du jour.)
Quand on commencerait dès demain les préparatifs des élections, il s'écoulerait encore quelque temps ; il faudra rassembler les décrets, les présenter à l'acceptation et expédier les lettres de convocation. Pendant ces délais indispensables, le comité des finances préparera son travail. Voici encore un article additionnel
Sue nous proposons de décréter sur les tribunaux e commerce.
« Art. 14. L'appel des juridictions consulaires se fera dans dans les mêmes tribunaux que pour les autres matières et sera soumis aux mêmes formes. »
Je demande le renvoi de cet article nouveau au comité de Constitution. La matière est importante et demande réflexion.
(Le renvoi est ordonné.)
, rapporteur. Le titre XII se trouve terminé. Je demande à l'Assemblée de passer tout de suite à la discussion du titre XI.
Cette proposition est adoptée.
Les articles 1, 2 et 3 sont adoptés, sans discussion, en ces termes :
Titre xi. — Des juges en matière de police.
« Art. 1er. Les corps municipaux veilleront et tiendront la main, dans l'étendue de chaque municipalité, à l'exécution des lois et règlements de police, et connaîtront du contentieux auquel cette exécution pourra donner lieu.
« Art. 2. Le procureur de la commune poursuivra d'oflice les contraventions aux lois et aux règlements de police; et cependant chaque citoyen, qui en ressentira un tort ou danger personnel, pourra intenter l'action en son noin.
« Art. 3. Les objets de police confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux sont :
« 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques; ce qui comprend le nettoiement, l'illumination, l'enlèvement des encombremeuts, la démolition ou la réparation des bâtiments menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des bâtiments, qui puisse nuire par sa chute, et celle de rien jeter qui puisse blesser ou endommager les passants, ou causer des exhalaisons nuisibles;
« 2° Le soin de réprimer ou de punir les délits contre la tranquillité publique, tels que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblées publiques, bruits et attroupements nocturnes qui troublent le repos des citoyen's;
3° Le maintien du bon ordre dans les eudroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, églises, spectacles, jeux, cafés et autres lieux publics ;
« 4° L'inspection sur la fidélité du débit des
denrées de première nécessité qui se vendent au poids, à l'aune ou à la mesure, et sur la salubrité des comestibles exposés en vente publique;
« 5° Le soin de prévenir, par les précautions convenables, et celui de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et fléaux calamiteux, tels que les incendies, les épidémies, les êpizooties, en provoquant dans ces deux derniers cas l'autorité des administrations de département et de district;
« 6° Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par les insensés ou les furieux laissés en liberté, et par la divagation des animaux malfaisants. »
lit l'article 4.
« Art. 4. Les spectacles publics ne pourront être permis et autorisés que par les officiers municipaux. Ceux des entrepreneurs et directoires actuels qui ont obtenu des autorisations, soit des gouverneurs des anciennes provinces, soit de toute autre manière, se pourvoiront devant les officiers municipaux, qui confirmeront leur jouissance pour le temps qui en reste à courir, à charge d'une redevance en faveur des pauvres. »
Un membre demande qu'au lieu des mots officiers municipaux on dise le conseil général de la commune.
Un autre membre demande qu'on établisse une distinction entre les spectacles publics permanents et les spectacles ambulants.
Il propose, pour les premiers, d'attribuerle droit d'autorisation au corps municipal et celle des seconds au conseil général de la commune.
Ces amendements sont rejetés.
L'article 4 est adopté sans modification.
, rapporteur, après avoir lu l'ar-cle 5, ajoute :
Il faut de la police, pour avoir la liberté, et la police, pour exister, doit avoir des moyens efficaces; les personnes qui sont le plus souvent reprises par la police ne peuvent être réprimées et corrigées que par la prison.
Le maximum de l'amende ne peut être fixé: la quotité doit varier avec ia nature et la récidive des délits; je citerai, par exemple,les boulangers infidèles dans le poids des pains qu'ils délivrent.
L'infidélité des poids et des mesures est un délit qui n'appartient plus à la police.
Je demande que l'article soit mis tel qu'il est aux voix : l'amende doit être à l'arbitrage du juge; autrement on calculerait si le profit du délit est au-dessus de la quotité déterminée de l'amende encourue par ce délit. Quant à la prison, il est une classe ue gens qui voient une ressource dans un emprisonnement momentané, et pour lesquels il n'est une punition que par la durée.
On oublie une considération plus digne de déterminer l'Assemblée : quelquefois 24 heures de prison ne suffiraient pas pour prévenir un crime.
Je pense qu'on doit admettre une différence entre les villes
et les campagnes, et je ne crois pas nécessaire d'en exposer les raisons; je me borne à demander que la durée de la prison soit de huit jours au plus pour les villes^et de trois jours pour les campagnes.
L'emprisonnement emporte dans l'opinion une espèce de flétrissure. Je demande qu'il puisse être suspendu par l'appel, en donnant caution.
La liberté du citoyen est si précieuse, qu'il faut prendre les plus grandes précautions pour qu'il n'y soit jamais porté atteinte que quand l'ordre public l'exige. Une détention momentanée peut êire quelquefois nécessaire, mais un emprisonnement d'un mois me paraît trop considérable. Dans mon opinion, il devrait être borné à trois jours.
Il faut toujours dire que les jugements des ofliciers municipaux, pour fait de police, seront exécutoires par provision, nonobstant l'appel.
C'est parce qu'ils seront exécutoires que je m'onpose à l'emprisonnement d'un mois. Le crédit d'un négociant serait détruit; les affaires d'un laboureur ou d'un vigneron, arrêtées à l'époque des récoltes, seraient dérangées. La police deviendrait plus redoutable que jamais. Il est également dangereux de laisser aux officiers municipaux la faculté de déterminer la quotité des amendes. Je demande que le maximun soit désigné.
L'article 5, amendé, est décrété dans les termes suivants :
« Art. 5. Les contraventions au fait delà police ne pourront être punies que de l'une de ces deux peines, ou de la condamnation à une amende pécuniaire, ou de l'emprisonnement, par forme de correction, pour un temps qui ne pourra excéder huit jours pour les villes, et trois jours pour les campagnes, dans les cas les plus graves. »
propose un article additionnel qui est adopté et devient le 6e du titre XI. Il est ainsi conçu :
« Art. 6. L'appel des jugements de police sera porté au tribunal du district, et cependant les jugements de police seront exécutoires par provision, nonobstant l'appel et sans y préjudi-cier. »
donne lecture de l'ancien article 6 qui devient l'article 7 et dernier du titre XI.
Cet article est adopté, sans discussion, en ces termes :
« Art 7. Les officiers municipaux sont spécialement chargés de dissiper les attroupements et émeutes populaires, conformément aux dispositions de la loi martiale, et responsables de leur négligence dans cette partie de leur service. »
M. le Président lève la séance à 3 heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie.
, secrétaire,donne lecturedu procès-verbal de la séance du mardi 10 août au soir.
Ce procès-verbal est adopté sans réclamation.
Un de MM. les secrétaires lit l'adresse contenant l'envoi du procès-verbal de la confédération des gardes nationales réunies à Langeais, le 14 juillet dernier. Cette adresse exprime avec énergie le patriotisme de cette confédération.
Cette lecture est suivie de celle de la liste des décrets présentés à la sanction du roi, le 10 du présent mois, et de celle des décrets sanctionnés par Sa Majesté, ie 11, et adressés à l'Assemblée par le garde des sceaux, comme s'ensuit :
Du 6 août.
« Décret par lequel l'Assemblée déclare vendre à la commune de Paris les biens nationaux mentionnés en l'état annexé audit décret.
Dudit jour.
« Décret qui excepte de la vente et aliénation des biens nationaux les grandes masses de bois et forêts nationales.
Dudit jour.
« Décret qui charge la municipalité de Paris de toutes les ventes des domaines nationaux situés dans la ville et le département de Paris, jusqu'à ce que l'administration dudit département et de ses districts soit en activité.
Du 7 août.
« Décret portant continuation de payement sans interruption, mais successivement et par ordre, selon le mois dont les brevets sont timbrés, des arrérages des pensions échues au 31 décembre 1789.
Dudit jour.
« Décret relatif aux dépenses delà chancellerie, du secrétariat et des bureaux du département de l'intérieur, de l'administration générale des finances.
Dudit jour.
« Décret relatif aux dépôts etchartriers existant dans la ville de Paris, qui charge la
municipalité de cette ville de l'inspection de ia réunion de ces dépôts.
« Décret qui déclare non-avenues les procédures criminelles qui s'instruisent dans le département du Var, district de la ville de Grasse, à l'occasion des dégâts et voies de fait commis le 6 ou le 7 du mois de janvier.
Dudit jour.
« Décret portant que, jusqu'à l'entière formation de la municipalité et du département de la ville de Paris, il sera sursis, à son égard, à l'exécution du décret du 12 juin dernier relatif à l'inscription pour le service de la garde nationale.
Dudit jour.
« Décret relatif à la nomination, par l'Assemblée,, de huit commissaires, pour surveiller l'émission des assignats et l'extinction des billets de la caisse d'escompte.
Du 8 août.
« Décret portant que, sur quatre-vingt-quinze millions de billets de caisse servant de promesses d'assignats, il en sera délivré 40 millions au Trésor public.
Dudit jour.
« Décret relatif aux moyens à employer pour le recouvrement de ia contribution patriotique.
Du 9 août.
« Décret relatif aux charges qui concernent des représentants de la nation, s'il en existe dans la procédure, faite par le Châtelett sur les événements du 6 octobre 1789.
Du 10 août.
« Décrets qui autorisent les villes de Pont^-de-l'Arche, de Gannat, de Mamers, de Villefranche, de Gaillac, à des emprunts ou à des impositions de différentes sommes.
Dudit jour.
« Décret qui improuve la municipalité de Saint-Aubin, pour avoir ouvert des paquets adressés tant à M.d'Ogny, qu'au ministre des affaires étrangères et aux ministres de I» pour de Madrid.
Dudit jour.
« Décret portant que, conformément aux précédents décrets, les droits d'aides et octrois et autres conservés continueront d'être perçus tels et de la même manière qu'ils l'étaient en l'année
dernière; enjoint spécialement aux bouchers, cabaretiers, aubergistes, notamment à ceux de Noyon, Ham et Ghauny, de se soumettre aux exercices que la perception desdits droits rend nécessaires.
Dudit jour.
« Décret contenant des mesures pour le rétablissement de la subordination et de la discipline dans les troupes de mer. »
« Le roi a sanctionné :
« 1° Le décret de l'Assemblée nationale, du 3 de ce mois, portant que le présidial de Garcas-sonne suivra, sur les derniers errements, la procédure instruite par le prévôt de ladite ville, contre les auteurs et complices de l'émeute arrivée au village de Pennautier, le 16 juillet dernier;
« 2° Le décret du même jour, contenant six articles additionnels au traitement du clergé actuel;
« 3° Le décret du 4, qui ordonne que les octrois continueront à être perçus tels et de la manière qu'ils l'étaient en l'année dernière, dans tous les lieux où il s'en trouve d'établis, et notamment dans les villes de Noyon, HamxGhauny et paroisses circonvoisines ; enjoint spécialement aux bouchers, cabaretiers et autres d'acquitter ces droits ;
« 4° Le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de Montmédy à faire un emprunt de la somme de 1,200 livres ;
« 5° Le décret du b, portant que les citoyens actifs de la ville de Monléon, des hameau^ de Garaison et du Goua, seront convoqués dans ladite ville de Monléon, pour y élire uue municipalité ;
« 6Q Le décret du même jour» portant que l'assemblée de département des Landes se tiendra en la ville de Mont-de-Marsan, et que les électeurs, après avoir formé le corps administratif, se retireront en la ville de Tartas, pour y délibérer sur la faculté qui leur a été laissée de proposer tin alternat, s'ils le jugeaient convenable;
« 7° Le décret du même jour contenant les procédures criminelles qui s'instruisent dans les départements de l'Ille-et-Vilaine, de la Loire-*In-férieure et du Morbihan, à l'occasion des dégâts et voies de fait commis dans quelques paroisses de ces départements ;
« 8° Le décret du 6, concernant le rétablissement de la discipline militaire;
« 9° Le décret du 7, concernant l'affairç de quelques officiers et cavaliers du régiment de royal-Champagne, étant à Hesdin;
« 10° Et enfin, Sa Majesté a donné ses ordres en conséquence du décret du 5, relatif à la réclamation de M. Morton-Ghabrillant, contre sa destitution . »
Signé ; CHAMPION DE ÇlCÉ,
Arch, de Bordeaux.
Paris, le 11 août 1790.
L'ordre du jour est le compte-rendu,, par le comité des rapports, de l'affaire de M. de Toulouse-Lautrec.
, rapporteur (1). Messieurs, c'est Je
Ge renvoi était une conséquence nécessaire du décret du 26 juin, qui porte qu'aucun membre de l'Assemblée (si ce n'est dans les cas exceptés par la première disposition) ne peut être décrété par aucun juge, avant que le Corps législatif, sur le vu des informations et des pièces de conviction, ait décidé qu'il y a lieu à accusation.
Tel était, Messieurs, l'état de cette allaite à l'époque du renvoi.
Le procureur du roi de la sénéchaussée de Toulouse, sur des bruits répandus dans la ville, que des étrangers multipliaient leurs efforts pour provoquer une insurrection; qu'ils offraient de l'argent, pour augmenter un parti qui devait s'être formé afin d'empêcher, à main armée, la fédération qui devait avoir lieu le 4 juillet; que ces mêmes étrangers se flattaient de ramener les choses à leur ancien état :
Ge procureur du roi, dis-je, fit son réquisitoire, en conséquence de tous ces faits, devant les officiers municipaux, et demanda qu'il en fût informé.
Trois témoins furent entendus. Je dois, Messieurs, vous faire lecture de leurs dépositions (2).
C'est en suite de ces trois dépositions, que M. de Lautrec fut décrété de prise de corps : le 18 juin, il fut conduit du château de Blaignac-dans les prisons de la municipalité. Le même jour, il subit son interrogatoire en présence du conseil qu'il s'était choisi. Il est également nécessaire que vous en entendiez la lecture.
Rappelez-vous, Messieurs, que c'est alors que MM. les officiers municipaux, instruits que M. de Laulrec était membre de l'Assemblée nationale, suspendirent à l'instant toutes suites ultérieures contre lui, jusqu'après les ordres qu'ils attendaient de vous, et qu'ils vous priaient de leur faire connaître.
Le même jour, l'Assemblée nationale reçut une lettre de M. de Lautrec, dans laquelle il fait l'exposé de sa conduite depuis son départ de l'Assemblée.
G'est dans cet état de choses, Messieurs, que vous vous déterminâtes à charger vos comités de Constitution et des recherches de vous présenter un projet de loi, qui est celle du 26 juin, dont je vous ai rappelé la disposition.
Cette loi termine ainsi :
« Et en conséquence, regardant comme non-avenu le décret prononcé, le 17 de ce mois, contre M. de Lautrec, lui enjoint de venir rendre compte de sa conduite à l'Assemblée nationale qui, après l'avoir entendu et avoir examiné l'instruction commencée, laquelle pourra être continuée nonobstant la liberté rendue à M. de Lautrec, décidera s'il y a lieu à l'accusation; et, dans le cas où l'accusation devrait être suivie, désignera le tribunal. »
M. de Lautrec, Messieurs, s'est empressé de se présenter devant vous : vous n'avez pas sans doute oublié ce qu'il vous a dit.
C'est alors aussi, que, s'agissant d'approfondir et de déterminer la nature de cette
affaire, vous la renvoyâtes à votre comité des rapports.
Trois autres témoins ont été entendus (Voir leurs dépositions).
Sans doute, Messieurs, ces trois nouvelles dépositions ajoutent bien peu de chose à la pensée; mais si elles ne contrarient pas les deux précédentes, elles font naître, selon moi, une réflexion importante.
Comment se peut-il, en effet, que, dans l'intervalle du 17 juin au 11 juillet, pas un témoin n'ait, je ne dirai pas confirmé, mais autorisé ies craintes qui avaient motivé le réquisitoire du procureur du roi de la sénéchaussée de Touloise?
Dans ce réquisitoire on lit.: « Que des gens « portaient leurs menées jusqu'à capter les esprits « delà plupart des légionnaires, par des offres d'ar-« gent, pour renforcer le parti que déjà ils seflat-« taient d'avoir à leur solde. »
Et pas un de ces trois témoins dernièrement entendus ne vérifie un pareil fait, c'est-à-dire le corps de délit, et qui, n'en doutons pas, serait devenu bien plus notoire encore, depuis la grande publicité qu'avait acquise cette affaire, au moment où vous aviez autorisé la continuation de son instruction.
Pourquoi encore, et remarquez que je ne raisonne que conformément à l'état actuel des faits, pourquoi n'y a-t-il eu que trois témoins qui se soient présentés? Pourra-t-on bien croire, que s'agissant, le 17 juin,d'eaipêcher, àmainarmée,la fédération qui a eu lieu le 4 juillet, trois personnes seulement demandent à être entendues, et, pour ne pas donner le plus léger indice, le dirai-je, pour ne pas même permettre le soupçon?
Il est vrai, et votre comité n'est pas dans l'intention de rien taire; il est vrai que deux témoins de la première information confirment, comme vous l'avez remarqué, les inquiétudes du procureur du roi; mais veuillez observer,aussi, que son réquisitoire est du 17 juin, et que lesdeux témoins parlent d'un fait qui n'est venu à leur connaissance que le même jour. C'est parce qu'ils se sont rendus, le 17, à sept heures du matin, au château de Blaignac, dans la seule intention, dit l'un deux, de revoir M. de Lautrec, son ancien colonel, qu'ils peuvent savoir que des gens mal intentionnés se proposent d'empêcher, à main armée, la fédération du 4 juillet; qu'il se fait des enrôlements; que l'intention est de ramener les choses dans leur ancien état : et tous ces faits, ce n'est pas la voix publique qui les en instruit, c'est le seul M. de Lautrec.
Il parait donc certain que même jusqu'au seul bruit d'enrôlement ne s'était pas répandu dans Toulouse avant le 17 juin. Ces deux témoins ne le disent pas, et, des six, pas un seul n'autorise à le penser. Enfin, si ce bruit a pu se répandre, il ne mérite plus aucune confiance aujourd'hui, puisque personne ne l'a confirmé.
Mais d'ailleurs M. de Lautrec en serait-il pour cela plus convaincu, selon les termes et l'esprit du décret du 26 juin ?
J'ose vous le demander, Messieurs, combien n'a pas dû vous paraître étrange, d'après ces deux seules dépositions qui vous restent à approfondir, cette entière confiance que M. de Lautrec doit avoir eu : en qui? en deux personnes dont il se souvient à peine, principalement l'une d'elles qu'il n'a jamais vue ni connue? Cependant ce doit être dès la première entrevue, que M. de Lautrec leur confie Je projet tout à la fois le plus criminel et le plus périlleux.
Car dans quel instant leur fait-il tant de confidences? C'est celui où il est sans défense.
Dans quelle circonstance? C'est celle où il ne peut pas douter, d'après ce que lui a dit le second témoin de la première information, que dix-sept cents hommes au moins sont auprès de lui, armés pour défendre une Constitution qu'il prétendrait renverser. Est-ce lui enfin qui les a man-. dés au château de Blaignac? Ils y sont 'venus d'eux-mêmes : ils eu conviennent. Les connais-?;iit-il?Il croit se rappeler l'un d'eux; l'autre, il ne l'a jamais vu ni connu. Et c'est M. de Lautrec qui les rend confidents de ses pters secrètes pensées, qui leur offre de l'or, avec promesse qu'ils n'en manqueront pas s'ils veulent lui procurer deux cents hommes !
Ne perdez pas de vue, Messieurs, que la plainte du procureur du roi est du 17 juin ; que c'est le même jour que ces deux témoins ont été au château de Blaignac, et qu'ils ont déposé.
Mais, Messieurs, il me suffira, je pense, de vous rappeler ce qui vous a été dit dans cette tribune par un des honorables membres de celte Assemblée (1).
« Qu'on me dise, a-t-il dit, que M. de Lautrec, ancien militaire, dont ie corps couvert de blessures atteste la bravoure et les sacrifices faits à sa patrie ; qu'on me le représente mécontent du système de la Révolution, s'étant mis à la tête d une compagnie de gens mécontents comme lui ; qu'il vient alors publiquement pour le combattre, ce système qu'il a le malheur de croire funeste au bonheur de l"Empire : voilà ce que je pourrais croire.
« Mais que M. de Lautrec, mon ami, qu'un bon Français comme lui, se soit mis à la tête d'une conspiration secrète, contre le vœu général de ses concitoyens ; qu'il se soit transformé en en-rôleur de gens sans choix; c'est ce que je ne croirai jamais, parce que c'est en cela qu'est la plus grande invraisemblance. »
Sans doute, Messieurs, la sensation que vous éprouvâtes en cet instant, et qui fut si généralement manifestée, vous ne la dûtes pas à ce premier mouvement de l'honneur qui fait qu'on se soulève et s'indigne contre tout ce qui ne respire pas la loyauté française.
Vous la dûtes encore à cet autre sentiment qu'il est si naturel et si consolant d'éprouver, en n'apercevant plus que l'innocence, là où il était possible de trouver un coupable.
Pour combattre ces deux dépositions, auxquelles M. de Lautrec oppose uue négative aussi puissante que peut être leur affirmative, je n'aurai donc pas besoin de vous parler des certificats de quatre municipalités, qui toutes lui rendent la justice la plus entière. Je n'ignore même pas que rigoureusement des certificats sont d'une faible autorité.
Mais qu'il me soit pourtant permis d'arrêter votre attention sur l'un deux, qui rapporte un fait que toutes nos lois admettent pour servir de défense à un accusé; je veux parler du témoignage rendu à la conduire d'un accusé, aux époques du délit ou du crime dont on informe contre lui.
Or, la municipalité de la ville de Castres atteste que M. de Lautrec, depuis 1a fameuse
nuit du 4 août, demanda de correspondre, ainsi que les autres députés, avec le comité de
correspondance des communes de la sénéchaussée; que ses lettres rendues publiques, comme
celles des autres dé-
Si donc, Messieurs, vous ajoutez à l'invraisemblance que je crois démontrée des deux seules dépositions que M. de Lautrec ait eues à combattre, les conséquences nécessaires qui résultent de sa conduite devenue publique par sa correspondance, et dans un temps où, sans doute, les improbateurs de la Révolution devaient avoir moins de facilité à diriger leurs opinions, j'ai lieu de croire que vous adopterez sans peine le décret que votre comité me charge de vous proposer.
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assembléenationale, après avoir entendu son comité des rapports, et vu ce qui résulte de l'état de la procédure instruite par la municipalité de Toulouse, en conséquence du réquisitoire du procureur du roi de la sénéchaussée de la même ville, en date du 17 juin 1790, a déclaré et déclare qu'il n'y a lieu à accusation contre M. de Toulouse-Lautrec. »
consulte l'Assemblée sur ce projet de décret. Il est adopté à l'unanimité.
Les premières justifications d'un membre de l'Assemblée ne peuvent recevoir trop de notoriété. Je demande que l'Assemblée ordonne l'impression du rapport.
(Cette impression est ordonnée.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret pour accélérer la liquidation et le payement du traitement du clergé actuel.
, rapporteur. Messieurs, dans votre séance du 6 août, vous avez adopté 27 articles du décret qui est en discussion, et l'Assemblée est appelée aujourd'hui à se prononcer sur la fin du projet de décret en 43 articles que nous vous avons soumis.
Avant d'aborder cette discussion, le comité ecclésiastique me charge de vous demander de transposer l'article 39 du projet, pour en faire l'article 28, et d'intercaler deux articles nouveaux qui prendraient les numéros 29 et 30.
Je vais vous donner lecture du premier de ces articles qui était primitivement l'article 39.
« Art. 28. L'Assemblée ayant déclaré nationales toutes les dettes passives légalement contractées par le clergé, et entendant y comprendre celles qui seront reconnues, suivant les règles qui seront incessamment déterminées, légitimement contractées pat les corps, maisons et communautés séculiers et réguliers, dont l'administration a été reprise en vertu du décret des 14 et 20 avril dernier; déclare pareillement nationales toutes les dettes actives du même corps, maisons et communautés ; en conséquence, il ne pourra être ordouné par aucun administrateur, ni être fait par les receveurs des districts auxdits corps, aucun payement des sommes provenant des causes énoncées eu l'article ci-dessus. » (Cet article est adopté sans discussion.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 29 nouveau, qui est ainsi conçu :
« Art. 29. Toutes les sommes qui doivent être versées dans les caisses des receveurs de districts seront payées par les débiteurs, nonobstant toutes saisies, arrêts ou oppositions existant entre leurs mains, lesquelles tiendront entre celles desdits receveurs.»
(Cet article est adopté également sans discussion.)
lit l'article suivant, qui est le second des articles nouveaux proposés par le comité ecclésiastique.
« Art. 30. Les fermiers dont le prix de bail sera en denrées, ainsi que les redevables de rentes de même nature, seront tenus de payer en argent d'après l'évaluation des denrées portée dans le tableau déposé au greffe de ia justice royale du lieu, au moment de l'échéance des termes, et il leur sera donné, pour faire leur payement, un délai de trois mois après l'échéance des termes. »
propose de rédiger l'article de la façon suivante :
« Lorsque le prix des baux sera stipulé en grains, il sera fait, par-devant le directoire du district, une adjudication dans la forme prescrite des grains, ou autres fruits à percevoir sur ces fermiers, et le prix de cette adjudication sera versé dans la caisse du receveur. »
Un membre présente un autre amendement tendant à « ordonner au fermier de porter ses grains sur le marché le plus voisin, à charge de lui tenir compte des frais de voiture, s'il y a lieu, si si mieux n'aime ledit fermier payer en argent. »
propose un troisième amendement en ces termes :
« Les fermiers, dont les redevances seront en grains ou fruits, pourront, à l'échéance indiquée par leur bail, apprécier lesdits grains ou fruits d'après le prix du marché, et ils pourront différer le payement de trois mois, à dater du jour de l'appréciation ; et, en cas quils ne voudraient pas apprécier, ils seront tenus de livrer en nature, conformément à leur bail, et les directoires de district feront veudre ces grains ou fruits le plus tôt possible. »
Divers membres demandent la question préalable sur ces trois motions.
La question préalable est adoptée.
met aux voix le nouvel article 30 proposé par le comité. Il est adopté sans changement.
, rapporteur, lit les articles 28 à 37 qui deviennent lesarticles 31 à 39.11s sont successivement mis aux voix et adoptés dans les termes suivants :
« Art. 31. Les fermiers et locataires principaux payeront au receveur du district dans lequel se trouvera le chef-lieu du bénéfice, ou de l'établissement des corps dont ils tiendront les biens, quelque part qu'ils soient situés, sous l'exception énoncée en l'article 27, laquelle aura également lieu pour les articles 32, 33, 34 et 35 ci-après.
«Art. 32. Cependant, s'ils tiennent leurs baux du même bénéficier, ou u'un même corps, à des prix distincts et séparés pour des biens dépendant du même bénéfice ou du même corps, et situés dans différents districts, ou dépendant de plusieurs bénéfices, et situés également dans des j
districts différents, ils payeront au receveur du distnct de la situation des biens.
« Art. 33. S'ils tiennent d'un seul bénéficier les biens dépendant de plusieurs bénéfices situé3 I dans différents districts, et si les baux ne contiennent pas des prix distincts et séparés, ils payeront au receveur du district où se trouvera le bénéfice du plus grand produit.
« Art. 34. Les sous-fermiers qui n'auront pas été par le bail, délégués à payer au bailleur lui-même, payeront au fermier principal, à la charge de donner préalablement au receveur de district connaissance du sous-bail, et celui-ci, de l'avis du directoire, pourra faire entre les mains des sous-fermiers telles saisies, arrêts ou oppositions qu'il jugera convenables pour la sûreté des deniers.
« Art. 35. Tous les autres débiteurs payeront au receveur du district de l'établissement du corps ou du chef-lieu du bénéfice, de la manière qu'ils étaient tenus de payer auxdits bénéficiers et aux-dits corps.
« Art. 36. Lesdits débiteurs seront tenus de déclarer dans la quinzaine, à compter de la publication du présent décret, aux secrétariats des^ districts indiqués par l'article ci-dessus, ce qu'ils* devront, à peine d'une amende de la valeur de la somme due, à l'exception cependant des redevables des cens et rentes ci-devant seigneuriales et foncières.
« Art. 37. Seront pareillement tenus les fermiers, locataires et tous autres concessionnaires, ou prétendants-droit de jouir des biens nationaux, à quelque titre que ce soit, dedéclarerdans le même délai, les fermiers et locataires, savoir; aux secrétariats des districts où ils doivent payer, suivant les articles 31, 32 et 33, et les autres aux secrétariats des districts où se trouveront les chefs-lieux d'établissement des corps ou des bénéfices dont lesdits biens dépendront, comment, en vertu de quoi il prétendront jouir, et de représenter et faire parapher leurs titres.
«Ils déclareront, en outre, s'ils ont promis payer quelques sommes à titre de pot-de-vin, signé quelques promesses ou billets en augmentation du prix de leur bail ou concession.
« Art. 38. Ceux qui refuseront de faire leur déclaration et ceux qui seront convaincus d'en avoir fait une fausse, ou d'avoir recélé la promesse de quelques pots-de-vin, seront et demeureront de plein droit déchus de toute jouissance, et seront condamnés en une amende de la valeur des sommes qu'ils auraient recélées.
« Art. 39. Les sommes dues pour pot-de-vin, qui resteront à payer, seront divisées en autant d'années que celles pour lesquelles les baux auraient été faits, et ce qui sera déterminé pour les années antérieures à l'année 1790, ou pour être représentatif des fruits de 1789, sera payé auxdits bénéficiers, ainsi qu'il est dit en l'article 27.
, rapporteur, lit l'ancien article 38 qui prendrait dans Je décret le numéro 40. Cet article est ainsi conçu :
« Art. 38 (ancien). Ceux desdits bénéficiers qui auront reçu des sommes pour pots-de-vin, seront tenus de verser dans la caisse du receveur du district ce qui sera déterminé pour l'année 1790 et pour les suivantes. »
Vous ne pouvez disposer que pour l'avenir et vous ne devez pas commettre une injustice sur ce qui a été légitimement fait
dans le passé. Je demande la question préalable sur l'ancien article 38.
(Cette motion est vivement appuyée.)
met aux voix la question préalable ; elle est adoptée et l'article est rejeté.
donne lecture des deux derniers articles qui sont les articles 40 et 41. Ils sont décrétés, sans opposition, ainsi qu'il suit :
« Art. 40. Lesdits receveurs seront tenus de payer au fur et à mesure qu'ils recevront, et par numéro des ordonnances qui seront délivrées par les directoires de département, les sommes qui y seront portées ; et s'il ne se trouvait pas de deniers dans leurs caisses, il sera pourvu , par le directoire du département, à ce qu'il soit fait des versements d'une caisse de district dans une autre de son ressort, et par l'Assemblée nationale, lorsqu'il s'agira du ressort d'un autre département.
« Art. 41. Le payement des traitements, pensions ou gratifications sera fait pour l'année 1791, et les suivantes, conformément à l'article-38 du décret du 24 juillet dernier, et ceux qui changeront de domic ile seront tenus d'en faire la déclaration aux secrétariats tant du district qu'ils quitteront que de celui où ils iront demeurer; ils seront tenus, en outre, quand ils ne recevront pas eux-mêmes, de faire présenter par leur fondé de procuration un certificat de vie, qui leur sera délivré par les officiers municipaux de leur municipalité. »
Les décrets que vous avez rendus sur le traitement du clergé actuel, témoignent de votre sollicitude pour un corps qui en est digne, à ne considérer que l'immense majorité de ses membres. Mais, comme ces décrets ont été adoptés dans des séances assez éloignées les unes des autres, je propose de les réunir, de les imprimer et de les annexer au procès-verbal de la séance de ce jour.
Cette motion est mise aux voix et adoptée. [Voy. p. 731, le texte définitif du décret sur le traitement du clergé actuel.)
, rapporteur du comité des dîmes, rend compte d'une affaire qui concerne la municipalité de Saint-Maclou, district de Montivil-lier s.
Dans la paroisse de Saint-Maclou, district de Montivilliers, est un prieuré dont dépendent Jes dîmes de la paroisse tenues à bail.
La municipalité de Saint-Maclou, instruite que le dernier bail du fermier était expiré depuis 1789 et chargée, par les décrets de l'Assemblée naiionale, de prendre l'administration des biens ecclésiastiques, a sommé le fermier, en juillet dernier, de déclarer s'il avait un nouveau bail. Il n'a rien répondu.
La municipalité a fait une seconde sommation, en ajoutant que, sur le refus du fermier, elle ferait procéder, le l*r août, à une adjudication. Effectivement cette adjudication a eu lieu, quoique le fermier soit venu exciper d'un bail à lui consenti le 29 juin dernier. La municipalité ne pouvait y avoir égard, puisque les bieus ecclésiastiques n'étaient pius depuis longtemps à la disposition du clergé.
Le bail de 1,800 livres a été porté à 2,500. Mais l'ancien fermier s'est pourvu contre la municipalité par-devant les juges du bailliage et a obtenu une sentence qui déclare nulle l'adjudi-
cation et condamne la municipalité aux dépens-
Votre comité a regardé l'acte de la municipalité de Saint-Maclou comme purement administratif et absolument de sa compétence ; par conséquent, elle a été troublée dans ses fonctions.
Mais le comité, sentant qu'il appartient au pouvoir exécutif de régler ce conflit de juridiction, a cru devoir se borner à vous proposer de rappeler les principes.
Voici le projet de décret que nous vous soumettons :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport qui lui a été fait par son comité des dîmes de la procédure civile commencée au bailliage de Caux à Montivilliers contre la municipalité de Saint-Maclou-la-Bruyère, à la requête des nommés Pierre Chicot et Pierre Bailliage, au sujet d'un bail à eux passé le 29 juin dernier, par Je sieur Mary, titulaire du prieuré de Saint-Laurent, des deux tiers de la dîme de la paroisse de Saint-Maclou, et au sujet de l'adjudication de la même dîme faite sur enchères par ladite municipalité le premier de ce mois ;
« Considérant que l'article 60 du décret du 14 novembre dernier sur l'organisation des municipalités. porte que si un citoyen se croit lésé par un acte du corps municipal, il peut s'adresser à l'administration ou au directoire du département qui y fera droit sur l'avis de l'administration du district qui sera chargé de vérifier les faits ;
« Que l'article 61 dudit décret veut qu'avant de dénoncer aux juges ies officiers municipaux pour délits d'administration, la dénonciation soit soumise à l'administration du département ou à son directoire ;
« Que l'article 7 de la section III du décret du 22 janvier aussi dernier, ordonne que les administrations de département et de district ne pourront être troublées dans leurs fonctions administratives par aucun acte du pouvoir judiciaire;
« Que les décrets des 14 et 20 avril de cette année qui a confié aux administrations de département et de district la régie des dîmes et des biens nationaux, et qui n'en a laissé la gestion pour cette année qu'à ceux des titulaires qui étaient en usage de Jes exploiter;
« Enfin que l'article 7 du décret du 18 juin suivant a chargé les municipalités de surveiller lesdits biens et dîmes, ayec injonction de les donner à bail pour cette année, dans le cas où les titulaires ne les exploiteraient pas ;
« Déclare que la municipalité de Saint-Maclou n'a pu être troublée dans ses fonctions administratives par les juges du bailliage de Caux au sujet des deux tiers de la dîme dont il s'agit ;
« En conséquence, elle décrète que son Président se retirera sans délai par-devers le roi, pour supplier Sa Majesté d'y faire exécuter les décrets de l'Assemblée, ci-devant rappelés, acceptés et sanctionnés par le roi, et que les pièces adressées au comité des dîmes seront remises au garde des sceaux. »
met aux voix le projet de dé cret. Il est adopté.
La séance est levée à neuf heures et demie.
DÉCRET sur le traitement du clergé actuel.
Art. 1er. A compter du premier janvier 1790, le traitement de
tous évêques en fonctions est fixé ainsi qu'il suit :
Ceux dont tous les revenus ecclésiastiques ne vont pas à 12,000 livres auront cette somme ;
Ceux dont les revenus excèdent cette somme, auront 12,000 livres, plus la moitié de l'excédant, sans que le tout puisse aller au delà de 30,000 livres ;
Celui de Paris aura 75,000 livres ; tous continueront à jouir des bâtiments et des jardins à leur usage, qui sont dans la ville épiscopale
Art. 2. Les éyêijues qui, par la suppression effective de leurs sièges, resteront sans fonctions, auront pour pension de retraite les deux tiers du traitement ci-dessus.
Art. 3. Le traitement des évêques conservés, qui jugeraient à propos de donner leur démission, sera des deux tiers de celui dont* ils auraient joui, étant en fociions, pourvu toutefois que ces deux tiers n'excèdent pas la somme de 10,000 livres.
Art. 4. Les curés actuels auront le traitement fixé par le décret général sur la nouvelle organisation du cl'Tgé, et s'ils ne voulaient pas s'en contenier, ils auront: 1° 1,20.0 livres; 2° la moitié de l'excédant de tous leurs revenus ecclésiastiques actuels, pourvu que le tout ne s'élève pas au delà de 6,000 livres; ils continueront tous à jouir des bâtiments à leur usage, et des jardins dépendant de leurs cures, qui sont situés dans le cbef-lieu de leurs bénéfices.
Art. 5. Le traitement des vicaires actuels sera le même que celui fait par le décret général sur l'organisation nouvelle du clergé.
Art. 6. Au moyen des traitements fixés par les précédentsarticles, tant en faveur des évêques que des curés et vicaires, la suppression du casuel.et des prestations qui se perçoiventsous lenomde mesures, par feu, ménage, moissons, passion, et sous telle autre dénomination que ce puisse être, aura lieu à compter du premier janvier 1791. Jusqu'à cette époque ils continueront de les percevoir. Les droits attribués aux fabriques continueront d'être payés, même après ladite époque, suivant les tarifs et règlements.
Art. 7. Les traitements qui viennent d'être déterminés pour les curés et les vicaires auront lieu à compter du premier janvier 1791.
Art. 8. En ce qui concerne la présente année, les curés auront, outre leur casuel, savoir: ceux dont le revenu excède 1,200 livres, 1? ladite somme de 1.200 livres ; 2° la moitié de l'excédant, pourvu que le tout n'aille pas à plus de 6,000 livres.
A l'égard de ceux dont le revenu est inférieur à 1,200 livres, ladite somme leur sera payée comme il suit :
Ils toucheront d'abord ce qu'ils étaient dans l'usage de recevoir, ainsi et de la même manière que par le passé, et le surplus leur sera compté dans les dix premiers mois de 1791, par les receveurs du district.
Art. 9. Les vicaires des villes, outre leur casuel, jouiront aussi pendant la présente année, de la
somme qu'on était dans l'usage de leur payer; à l'égard de ceux des campagne3» i's auront, outre leur casuel, la somme de 700 livres qui leur sera payée de la manière portée par l'article ci-dessus.
Art. 10. Les abbés et prieurs-commendataires, les dignitaires, chanoines-prébendés, sémi-pré-bendés, chapelains, officiers ecclésiastiques, pourvus de titres dans les chapitres supprimés, et tous autres bénéticiers généralement quelconques dont les revenus n'excéderont pas 1,000 livres n'éprouveront pas de réduction.
Ceux,dont les revenus excèdent ladite somme auront: 1° 1,000 livres; 2°la moitié du surplus, sans que le tout puisse aller au delà de 6,000 livres, ce qui aura lieu, à compter du 1er janvier 1790.
Art. 11. Dans les chapitres où les revenus sont partagés par les statuts en prébendes inégales auxquelles on parvient successivement par option ou par ancienneté, le sort de chaque chanoine sera déterminé sur le pied de ce dont il jouit actuellement; mais lorsqu'un des anciens chanoines mourra, son traitement passera au plus anciens des chanoines, dont le traitement se trouvera inférieur, et ainsi successivement, de sorte que le traitement, qui était le moindre, sera le seul qui cessera.
La faculté de parvenir à un traitement plus considérable n'aura lieu qu'en faveur des chanoines qui seront engagés dans les ordres sacrés.
Art, 12. Dans les chapitres où, par les statuts ou l'usage, les prébendes des nouveaux chanoines sont, pendant un temps déterminé, partagées en tout ou en partie entre les anciens chanoines, on n'aura aucun égard à cet usage ; le traitement de chaque chanoine sera fixé sur le pied d'une simple prébende.
Art. 13. Il pourra être accordé, sur l'avis des directoires de département et de district aux ecclésiastiques qui, sans être pourvus de titres quelconques, sont attachés à des chapitres, sous le nom d'habitués, ou sous toute autre dénomination, ainsi qu'aux ofliciers laïques, organistes, musiciens et autres personnes employées pour le service divin, et aux gages desdits chapitres séculiers et réguliers, un traitement, soit en gratification, soit pension, suivant le temps, le taux et la nature de leurs services, et eu égard à leur âge et leurs infirmités; et cependant les appointements ou traitements dont ils jouissent, leur seront payés la présente année.
Art. 14. Les abbés réguliers perpétuels et les chefs d'ordre inamovibles jouiront, à l'époque qui sera déterminée pour les pensions des religieux; savoir : ceux dont les maisons ont un revenu de 10,000 livres, d'une somme de 2,000 livres; et ceux dont la maison a un revenu plus considérable, du tiers de l'excédant, sans que le tout puisse aller au delà de 6,000 livres.
Art. 15. Après le décès des titulaires des bénéfices supprimés, les coadjuteurs entreront en jouissance d'un traitement, à raison du produit particulier du bénéfice, lequel traitement sera tixé à la moitié de ceux décrétés par les articles précédents. Dans le cas néanmoins où les coadjuteurs auraient d'ailleurs, à raison d'autres bénéfices ou pensions, un traitement actuel, égal à celui ci-dessus, ils n'auront plus rien à prétendre; et s'il est inférieur, il sera augmenté jusqu'à concurrence de la moitié des traitements décrétés par les précédents articles.
Art. 16. A compter du 1er janvier 1790, les évêques qui se sont anciennement démis, les coad-j uteurs des évêques suffragants de Trêves et de
Bâle, résidants en France, jouiront d'un traitement annuel de 10,000 livres, pourvu que leur revenu ecclésiastique actuel en bénéfices ou en pensions monte à cette somme; et si ce revenu est inférieur, ils n'auront de traitement qu'à concurrence de ce revenu. Leur traitement comme coadjuteur cessera lorsqu'ils auront un titre effectif.
Art. 17. Les ecclésiastiques qui n'ont d'autres revenus ecclésiastiques que des pensions sur bénéfices, continueront d'en jouir, pourvu qu'elles n'excèdent pas 1,000 livres; et si elles excèdent cette somme, ils jouiront : 1° de 1,000 livres; 2° de la moitié de l'excédant, pourvu que le tout n'aille pas au delà de 3,000 livres. La réduction déterminée par cet article aura lieu à compter du 1er janvier 1790.
Art. 18. Les pensions sur bénéfices dont les biens se trouveront régis par les économats seront aussi continuées dans ies mêmes proportions que ci-dessus.
Art. 19. Il en sera de même des pensions retenues suivant les lois canoniques, en suite de résignation ou permutation, tant des cures que d'autres bénéfices.
Art. 20. Les pensions assignées sur la caisse des économats, sur celle du clergé et autres biens ecclésiastiques, ainsi que les indemnités, dons, aumônes ou gratifications, dont les revenus ecclésiastiques quelconques peuvent être chargés, seront réglées incessamment sur le rapport du comité des pensions assignées sur le Trésor public.
Art. 21. Toutes les pensions, excepté celles créées pour les curés en suite de résignation ou permutation de leur cure, et celles qui n'étaient sujettes à aucune retenue, continueront de n'être compiées, dans tous les cas, que pour leur valeur réelle, c'est-à-dire déduction faite des trois dixièmes dont la retenue était ordonnée.
Art. 22. Pour parvenir à fixer les divers traitements réglés par les articles précédents, chaque titulaire dressera, d'après les baux actuellement existants, pour les objets tenus à bail ou ferme, et d'après les comptes de régie et exploitation pour les autres objets, un état estimatif de tous les revenus ecclésiastiques dont il jouit, ainsi que des charges dont il est grvé ; leditétat sera communiqué aux municipalités des lieux où les biens sont situés, pour être contredit ou approuvé; et le directoire du département dans lequel se trouve le chef-lieu du bénéfice donnera sa décision, apièa avoir pris l'avis du directoire du district.
Art. 23. Seront compris dans la masse des revenus ecclésiastiques dont jouit chaque corps, ou chaque individu, les pensions sur bénéfices, les dîmes, les dépoits qui formaient l'unique dotation des archidiacres et archiprêtres ; mais le casuel, ainsi que Je produit des droits supprimés san> indemnité ne pourront y entrer.
Art. 24. Les portiuns congrues, y compris leur augmentation, les pensions dont le titulaire est grevé, les frais du cuite divin, ladépense pour le bas-chœur et les musiciens, lorsque les corps ou les individus en seront chargés, et toutes les autres charges réelles, ordinaires et annuelles, seront déduites sur ladite masse; le traitement sera ensuite fixé sur ce qui restera d'après les proportions réglées par les articles précédents.
Art. 25. La réduction qui sera faite, à raison de l'augmentation des portions congrues, ne pourra néanmoins opérer la diminution des traitements des titulaires actuels au-dessous du minimum fixé pour chaque espèce de bénéfices.
Art. 26. Les titulaires qui tiendront des maisons de leur corps à titre de vente à vie, ou à bail à vie, en jouiront jusqu'à leur décès, à la charge de payer incessamment au receveur du district où se trouvera le chef-lieu du bénéfice le prix de la vente dont ils s raient en arrière, et le prix du bail, aux termes y portés.
Art. 27. A l'égard des chapitres dans lesquels des titres de fondation ou donation, des statuts homologués par arrêt, ou revêtus de lettres patentes dûment enregistrées, ou un usage immémorial donnaient à l'acqucreur d'une maison canoniale, à ses héritiers ou ayants-cause un droit à la totalité ou à une partie du prix de la revente de cette maison, ces titres et statuts seront exécutés suivant leur forme et teneur, et l'usage immémorial sera suivi comme par le passé. En conséquence, les titulaires possesseurs desdites maisons, leurs héritiers ou ayants-cause, pourront en disposer comme bon leur semblera, à la charge par eux de payer au receveur du district, outre ce qui sera porté dans les titres et statuts, réglés par l'usage immémorial, le sixième delà valeur des maisons suivant l'estimation qui en sera faite ; et, dans le cas où le droit n'existerait pas, les titulaires possesseurs n'auront que la jouissance accordée par l'article précédent.
Art. 28. Les donateurs desdites maisons et autres qui prétendront avoir droit de toucher une somme à chaque mutation, ou d'autres droits quelconques sur lesdites maisons, ne pourront exercer leur action que contre les titulaires auxquels il est permis d'en disposer par l'article ci-dessus, sauf à ceux-ci leurs exceptions et défenses au contraire.
Art. 29. Les titulaires des bénéfices supprimés, qui justifieraient en avoir bâti ou reconstruit entièrement à neuf la maison d'habitation à leurs frais, jouiront pendant leur vie de ladite maison.
Art. 30. Néanmoins, lors de l'aliénation qui sera faite, en vertu des décrets de l'Assemblée, des maisons dont la jouissance est laissée aux titulaires, ils seront indemnisés de la valeur de ladite jouissance, sur l'avis des administrations de district ou de département.
Art. 31. Les maisons dont la jouissance ou la disposition e-t accordée aux titulaires par les articles 26, 27 et 29, n'entreront pour rien dans la composition de la masse des revenus ecclésiastiques qui sera faite pour la fixation de leur traitement; et ceux auxquels la jouissance en est accordée, tant qu'ils jouiront, resteront obligés à toutes les réparations et à toutes les charges.
Art. 32. Les revenus des bénéfices dont le titre est en litige n'entreront dans la . formation de la masse à faire pour fixer le traitement des prétendants auxdits bénéfices, que pour mémoire jusqu'au jugement du procès, sauf, après la décision à accorder le traitement résultant desdits bénéfices à qui de droit ; et les compétiteurs ne pourront faire juger que contradictoirement avec le procureur général syndic du département où s'en trouvera le chef-lieu.
Art. 33. Les titulaires qui sont autorisés à continuer, pour la présente année seulement, la régie et l'exploitation de leurs biens, retiendront par leurs mains les traitements fixés par les ad-ticles précédents; et les autres seront payés desdits traitements à la caisse du district, sur les premiers deniers qui y seront versés par les fermiers ou locataires.
Art. 34. Tous ceux auxquels il est accordé des traitements ou pensions de retraite, et qui, dans
la suite, seraient pourvus d'office ou emploi pour le service divin, ne conserveront que le liers du traitement qui leur est accordé par le présent décret, et ils jouiront de la totalité de celui attribué à la place dont ils rempliront les fonctions; dans le cas où ils se trouveraient de nouveau sans office ou emploi du même genre, ils reprendraient la jouissance de leur pension de retraite.
Art. 35. La moitié de la somme formant le minimum du traitement attribué à chaque classe d'ecclésiastiques, tant en activité que sans fonctions, sera insaisissable.
Art. 36. Les administrateurs de département et de district prendront la régie des bâtiments et édifices qui leur ont été confiés par les décrets des 14 et 20 avril dernier, dans l'état où ils se trouveront; en conséquence, les bénéficiers actuels, maisons, corps et communautés ne seront inquiétés en aucune manière pour les réparations qu'ils auraient dû faire.
Art. 37. Néanmoins, ceux desdits bénéficiers qui auraient reçu de leurs prédécesseurs, ou de leurs représentants, des sommes ou valeurs, moyennant lesquelles ils se seraient chargés, en tout ou en partie, desdites réparations, seront tenus de prouver qu'ils ont rempli leurs engagements; ceux qui ont obtenu des coupes de bois pour faire aucunes réparations ou réédifications, seront tenus d'en rendre compte au directoire du district du chef-lieu du bénéfice.
Art. 38. A dater du premier janvier 1791, les traitements seront payés de trois mois en trois mois; savoir: aux évêques, curés et vicaires, par le receveur de leur district, et à tous les autres titulaires, ainsi qu'aux pensionnaires, parle receveur du district dans lequel ils fixeront leur domicile, et seront les quittances allouées pour comptant aux receveurs qui auront payé.
Art. 39. Les évêques et les curés conservés dans leurs fonctions ne pourront recevoir leur traitement qu'au préalable ils n'aient prêté le serment prescrit par les articles 21 et 38 du titre 2 du décret sur la constitution du clergé.
Art. 40. Les administrateurs et desservants des églises catholiques établis dans l'étranger, notamment dans les lieux restitués à l'Empire par le traité de Ri.-wicb, continueront de recevoir, comme par le passé, des mains du receveur du district le plus prochain, le même traitement qui leur a été payé sur les deniers publics levés en France. Le directoire du district ordonnera et fera fournir par le même receveur ce qui sera nécessaire pour les frais du culte dans cesdites églises, conformément à l'usage; le tout provisoirement, et jusqu'à ce que i Assemblée ait pris un parti définitif.
ARTICLES ADDITIONNELS.
Du
L'Assemblée nationale expliquant différents articles de son décret du 24 juillet dernier, sur le traitement du clergé actuel, décrète ce qui suit :
Art. l8r. Le traitement des vicaires des villes, pour la présente année, sera, suivant l'article 9 du décret du 24 juillet dernier, outre leur casuel, de la même somme qu'ils sont en usage de recevoir; et dans le cas où cette somme reunie à leur casuel ne leur produirait pas celle de 700 livres, ce qui manquera leur sera payé dans les six premiers mois de l'année 1791.
Art. 2. Si les titulaires de bénéfices éprouvent,
dans leur traitement, une diminution résultant de celle qui proviendra de l'augmentation des portions congrues des curés jusqu'à concurrence de 500 livres, et des vicaires jusqu'à concurrence de 3ô0 livres, et du retranchement des droits supprimés sans indemnité, les pensionnaires supporteront une diminution proportionnelle à celle des titulaires sur leurs revenus des bénéfices sujets à pension.
Art. 3. La réduction qui sera faite par le retranchement des droits supprimés sans indemnité ne pourra, de même que celle mentionnée dans l'article |25 dudit décret, et résultant de ladite augmentation des portions congrues, opérer la diminution des traitements des titulaires, ni des pensions au-dessous du minimum fixé pour chaque espèce de bénéfice et pour les pensions.
Art. 4. Les évêques et les curés qui auraient été pourvus, à compter du premier janvier 1790, jusqu'au jour de la publication du décret du 12 juillet suivant, sur l'organisation nouvelle du clergé, n'auront d'autre traitement que celui attribué à chaque espèce d'office par le même décret.
Art. 5. A l'égard des titulaires des autres espèces de bénéfices en patronage laïque, ou de collation laïcale, qui auraient été pourvus, dans le.même intervalle de temps, autrement que par voie de permutation de bénéfices qu'ils possédaient avant le premier janvier 1790, ils n'auront d'autre traitement que celui accordé par l'article 10 dudit décret du 24 juillet, sans que le maximum puisse s'élever au delà de 1,000 livres.
Art. 6. Les bénéficiers dont les revenus anciens auraient pu augmenter, en conséquence d'unions légitimes et consommées, mais dont l'effet se trouverait suspendu, en tout ou en partie par la jouissance réservée aux titulaires dont les bénéfices avaient été supprimés et unis, recevront au décès desdits titulaires une augmentation de traitement proportionnelle à ladite jouissance, sans que cette augmentation puisse porter leur traitement au delà du maximum déterminé pour chaque espèce de bénéfice.
DÉCRET pour accélérer la liquidation et le payement du traitement du clergé actuel.
Des 6 .et 11 août.
L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité ecclésiastique, voulant accélérer la fixation des traitements accordés aux ecclésiastiques par ses précédents décrets; désirant aussi en faciliter l'acquittement pour la présente année et celles à venir, et connaître la dépense de l'année 1791, tant pour ces traitements, que pour les pensions des ordres religieux, décrète ce qui suit :
Art. 1er. Dans le mois, à compter de la publication du présent
décret, tous ceux à qui il a été accordé des traitements ou pensions seront tenus, pour
satisfaire à l'article 22 du décret du 24 juillet dernier, de se conformer à ce qui est réglé
ci-après; à défaut de quoi ils ne seront point compris dans les états dont il sera parié dans
les articles suivants.
Art. 2. Les évêques et les curés conservés dans leurs fonctions adresseront au directoire du district de leur résidence l'état de tous les revenus et pensions dont ils jouissaient, duquel état le secrétaire du district leur donnera son récépissé.
Art. 3. Les membres des chapitres et de tous autres corps, ainsi que les ecclésiastiques et les personnes qui leur f=ont attachés, et qui sont autorisés, par l'article 13 du décret du 24 juillet dernier, à présenter des mémoires pour obtenir des traitements, pensions ou gratifications, s'adresseront au directoire du district desdits établissements dans quelques endroits où sont ieurs revenus, tant en pensions qu'autrement.
Art. 4. Les titulaires qui n'avaient qu'un bénéfice, sans pension ou avec des pensions, s'adres seront au directoire du district du chef-lieu de ce bénéfice.
Art. 5.C»ux qui en avaient plusieurs, également .«ans pension ou avec des pensions, s'adresseront au directoire du district dans lequel se trouvera Je chef-lieu du bénéfice du plus grand produit.
Art. 6. Les ecclésiastiques, qui n'ont que des pensions et qui n'en ont que sur un bénéfice, s'adresseront, pour les faire régler, au directoire du district auquel le tilulairedoit présenter l'état de ses revenus ecclésiastiques.
Art. 7. ^uant à ceux qui en ont sur plusieurs bénéfices, ils s'adresseront au directoire du district dans lequel se trouvera le chef-lieu du bénéfice, sur lequel sera assignée Ja plus forte pet sion, à la charge de rappeler la nature et la quotité des autres.
Art. 8. Par rapport à ceux qui en ont sur des bénéfices tombés aux économats, encore qu'ils en eussent sur d'autres bénéfices, ils s'adresseront à Ja municipalité de Paris.
Art. 9. Les directoires de district, auxquels on se sera adressé, prendront, avant de donner leur avis, des direct»lires des districts du la situât on des biens, ies éclaircissements qu'ils jugeront nécessaires, et ci s directoires seront tenus de les leur donner sans délai à la première réquisition.
Art. 10. Au moyen des dispositions contenues en l'article 9 ci-desfus, et pour une plus grande accélération, Jes titulaires et les pensionnaires sont dispensés de communiquer eux-mêmes Jeur état aux municipalités.
Art. 11. Les directoires de district, chargés de donner Jeur avis, y procéderont sans délai ; ils l'inscriront sur un registre qu'ils tiendront à cet effet, et ils feront mention du nom, du titre et du domicile du réclamant, ainsi que du montant des traitements, pensions ou gratifications, tant de ce qui aura été demandé que de ce qu'ils estimeront devoir être réglé. j
Art. 12. Néanmoins, s'il se trouvait des traitements, pensions ou gratifications, sur lesquels ils ne pourraient donner promptement leur avis définitif, ils le donneront provisoirement sur ce qui sera sans difficulté, et dans six mois, à compter de ce jour, ils s'expliqueront définitivement.
Art. 13. Dans trois semaines après l'expiration du délai d'un mois accordé aux titulaires par l'article premier du présent décret, le? directoires de district enverront à ceux de département un extrait des avis qu'il? auront donnés, avec un exposé succinct de leurs motifs, et il sera donné, aux ecclésiastiques qui le requerront, une copie de l'avis du directoire du district.
Art. 14. Us joindront audit extrait un tableau conforme au modèle qui leur sera envoyé de Ja dépense, tant de Ja présente année que de l'année 1791, pour les traitements, pensions ou gratifications sur lesquels ils auront donné leur avis.
Art. 15. Ils placeront sur le même tableau le nombre des religieux, des religieuses et chanoi-nesses de leur ressort, en distinguant les religieux
seulement qu sont âgés de moins de 50 an ,ceux de 50 ans el plus, ceux de 70 ans et au delà, et enfin ceux qui sont mendiants et ceux qui ne le sont pas, sous autant de colonnes que ces différentes distinctions pourront l'exiger.
Art. 16. Dans trois semaines après l'expiration du délai fixé pour les directoires de district, les directoires de département arrêteront et fixeront définitivement les traitements ou pensions dont le tableau Jeur aura été adressé, et dans le même délai ils enverront à l'Assemblée nationale un tableau général formé de ceux des districts.
Art. 17. A l'égard des traitements ou pensions qu'ils ne pourraient régler définitivement, ils les arrêteront provisoirement jusqu'à concurrence du minimum de chaque espèce de bénéfice, ou jusqu'à concurrence de ce qui ne fera point de difficulté, et dans neuf mois, à compter de Ce jour, ils régleront définitivement ce qui se trouvera en arrière.
Art. 18. Ils inscriront leurs décisions dans la forme prescrite pour les directoires de district, sur un registre qu'ils tiendront à cet effet, et ils auront soin de ne donner, de même que les directeurs de district, qu'un simple avis sur les demandes qui seront faites par les personnes mentionnées dans l'article 13 du décret du 24 juillet dernier, dont ils renverront la décision à l'Assemblée nationale, avec les motifs de leur avis.
Art. 19. Pour la plus prompte expédition, tant des travaux ci-devant expliqués, que de ceux dont ils soin ou seront chargés, les dire toires de district et ceux de département pourront s'adjoindre, pendant six mois, savoir : les premiers, deux membres, et les Seconds, quatre menbns de ces administrations, lesquels auront voix déli-xTutive; les niiecioires de district pourront, en outre, déléguer aux municipalités qu'ils désigneront, telle partie de leurs travaux qu'ils jugeront à propos.
Art. 20. Tous Jes ecclésiastiques, séculiers et réguliers, qui ont dû continuer la gestion de leurs biens, en rendront compte dans Je courant de janvier 1791.
Art. 21. Les comptes seront présentés aux directoires de district qui, pour les débattre, prendront des municipalités les éclaircissements nécessaires, et ils seront arrêtés par Jes directoires de département.
Art. 22. Les directoires de district et de département où seront portés ces comptes seront les mêmes que ceux déterminés par les articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du présent décret concernant les opérations relatives à la fixation des traitements, pensions ou gratifications. '
Art. 23. Les comptables pourront porter dans la dépense de Jeur compte le montant de leurs traitements, pensions ou gratifications de Ja présente année, même les curés, ce qu'ils auront payé à leurs vicaires.
Art. 24. Si par la recette que les comptables auront faite ils ne sont pas remplis de leurs-avances ou de leurs traitements, pensions ou gratifications, ce qui s'en manquera leur sera payé incessamment, sans cependant avancer le payement des augmentations accordées aux curés et aux Vicaires, qui ne doivent leur être comptées que dans les six premiers mois de 1791, et si les comptables sont reliquataires, ils pourrout retenir Sur leur reliquat le premier quartier de leurs traitements ou pensions de l'année 1791 ; quant au restant, ils seront tenus de le verser dans la caisse du district, au directoire duquel ils auront rendu compte.
Art. 25. A l'égard de ceux dont les revenus étaient affermés, ils recevront sur les premiers deniers qui entreront en caisse leurs traitements, pensions ou gratifications de la présente année des mains des receveurs des districts, aux directoires desquels ils auront adressé leurs états ou mémoires pour les faire liquider.
Art. 26. Il en sera de même pendant la présente année pour tous les pensionnaires sur bénéfices non'tombés aux économats; quant à ceux qui ont des pensions sur des bénéfices aux économats, ils les recevront, la présente année, des mains du receveur de cette administration ou du trésorier de la municipalité de Paris.
Art. 27. Les receveurs de district sont et demeurent chargés, à peine de responsabilité, de faire toutes diligences pour faire rentrer tous les fermages, loyers, arrérages et toutes autres dettes actives de quelque nature qu'elles soient, échues actuellement, même avant le l6r janvier 1790, et qui écherront par la suite, et néanmoins les titulaires particuliers dont les revenus forment une masse individuelle, et les membres des corps qui avaient une bourse particulière ou qui partageaient les frais, pourront toucher directement des fermiers et débiteurs les fermages et arrérages échus avant le 1er janvier 1790, même ceux représentatifs des frais crus en l'année 1789, et les précédentes à quelqu'époque qu'ils soient dus, en justifiant qu'ils ont acquitté le premier tiers de leur contribution patriotique, ensemble toutes les charges bénéfieiales autres que les réparations à faire, pour l'acquit desquelles ils n'ont reçu aucune somme de leurs prédécesseurs ; pourquoi ils seront tenus de déclarer dans la quinzaine, à cumpter du présent décret, aux directoires de district, qu'ils entendent user de la faculté qui leur est présentement accordée, de requérir dans le mois et d'obtenir ensuite une ordonnance de vérification de l'acquit des obligations ci-dessus du directoire du département dans le ressort duquel se trouve le chef-lieu du bénéfice, laquelle ordonnance sera rendue sur l'avis du directoire du district.
Art. 28. L'Assemblée ayant déclaré nationales toutes les dettes passives légalement contractées par le clergé, et entendant y comprendre celles qui seront reconnues suivant les règles qui seront incessamment déterminées, légitimement contractées par ies corps, maisons et communautés, séculiers et réguliers, dont l'auministra-tion a été reprise en vertu du décret des 14 et 20 avril dernier, déclare pareillement nationales toutes les dettes actives des mêmes corps , maisons et communautés : en conséquence, il ne pourra être ordonné par aucun administrateur, ni être fait par les receveurs des districts auxdits corps, maisons et communautés, aucun payement des sommes provenant des causes énoncées en l'article 30 du présent décret.
Art. 29. Toutes les sommes qui doivent être versées dans les caisses des receveurs de districts seront payées par les débiteurs, nonobstant toutes saisies-arrêts ou oppositions existant entre leurs mains, lesquelles tiendront entre celles desdits receveurs.
Art. 30. Les fermiers, dont le prix de bail sera en deniées, ainsi que Jes redevables de rentes de même nature, seront tenus de payer en argent, d'après l'évaluation des deniées portées dans le tableau dépose au greffe de la justice royale du lieu au moment de l'échéance des termes, et il leur sera donné, pour faire leur payement, un j délai de trois mois après l'échéance des termes. '
Art. 31. Les fermiers et locataires principaux payeront au receveur du districi, dans lequel se trouvera le chef-lieu du bénéfice, ou de l'établissement des corps dont ils tiendront les biens, quelque part qu'ils soient situés.
Art. 32. Cependant, s'ils tiennent leurs baux d'un même bénéficier ou d'un même corps, à des prix distincts et séparés, pour des biens dépendants du même bénéfice, ou du même corps, et situés dans différents districts, ou dépendants de plusieurs bénéfices, et situés également dans des districts différents, ils payeront au receveur du district de la situation des biens, sous l'exception énoncée en l'article 27, laquelle aura également lieu pour les articles suivants.
Art. 33. S'ils tiennent d'un seul bénéficier des biens dépendants de plusieurs bénéfices situés dans différents districts, et si les baux ne contiennent pas des prix districts et séparés, ils payeront au receveur du district où se trouvera le bénéfice du plus grand produit.
Art. 34. Les sous-fermiers qui n'auront pas été, parle bail, délégués à payer au bailleur lui-même, payeront au fermier principal, à la charge de donner préalablement au receveur de district connaissance du sous-bail; et celui-ci, de l'avis du directoire, pourra faire, entre ies mains des sous-fermiers, telles saisies-arrêts ou oppositions qu'il jugera convenables pour la sûreté des deniers.
Art. 35. Tous les autres débiteurs payeront au receveur du district de l'établissement du corps ou du chef-lieu du bénéfice, de la même manière qu'ils étaient tenus de payer auxdits bénéficiées et auxdits corps.
Art. 36. Lesdits débiteurs, à l'exception des redevables des cens et renies seigneuriales et foncières, seiont tenus de déclarer dans la quinzaine, à compter de la publication du présent décret, au secrétariat des districts, indiqué par l'article 32 ci-dessus, ce qu'ils devront.
Art. 37. Seront pareillement tenus les fermiers, localaires, preneurs à bail emphytéotiques-et tous autres concessionnaires, ou prétendants droit de jouir des biens nationaux à tel titre que ce soit, de déclarer dans le même délai ; savoir : les fermiers et locataires au secrétariat des districts où ils doivent payer suivant les articles 28, 29 et 30, et ies autres au secrétariat des districts où se trouveront les chefs-lieux d'établissement des corps ou des bénéfices, dont lesdits biens dépendront, comment, en vertu de quoi ils prétendront jouir, de représenter et faire parapher leurs titres.
Us déclareront, en outre, s'ils ont promis payer quelques sommes à titre de pot-de-vin, signé quelques promesses ou billets en augmentation du prix de leur bail ou concession.
Art. 38. Ceux qui refuseront de faire leur déclaration, et ceux qui seront convaincus d'en avoir fait une fausse, ou d'avoir recelé la promesse de quelques pots-de-vin seront et demeureront de plein droit déchus de toute jouissance, et seront condamnés en une amende de la valeur des sommes qu'ils auraient recelées.
Art. 39. Les sommes dues pour pots-de-vin, qui resteront à payer, seront divisees eu autant d'années que celles pour lesquelles ies baux auront été faits ; et ce qui seia détermiué pour les années antérieures à l'année 1790, ou pour être représentatif des fruits de 1789, sera payé auxdits bénéliciers, ainsi qu'il est dit en l'article précédent.
Art. 40. Lesdits receveurs seront tenus de
payer au fur et à mesure qu'ils recevront, et par numéros des ordonnances qui seront délivrées par les directoires de département, les sommes qui y seront portées; et, s'il ne se trouvait pas de deniers dans leur caisse, il sera pourvu, par le directoire du département, à ce qu'il soit fait des versements d'une caisse de district à une autre de son ressort, et par l'Assemblée nationale, lorsqu'il s'agira du ressort d'un autre département.
Art. 41. Le payement des traitements, pensions ou gratifications sera fait pour l'année 1791 et les suivantes, conformément à l'article 38 du décret du 24 juillet dernier ; et ceux qui changeront de domicile seront tenus d'en faire leur déclaration au secrétariat tant du district qu'ils quitteront, que du district où ils iront demeurer; ils seront tenus, en outre, quand ils ne recevront pas eux-mêmes, de faire présenter, par leur fondé de procuration, un certificat de vie qui leur sera délivré sans frais par les officiers de leur municipalité.
Séance du jeudi
La séance est ouverte à neuf heures précises du matin.
,secrétaire, donne lecture du procès-verbal de ia séance du mercredi 11 courant au soir.
, autre secrétaire, lit le procès-verbal de la séauce du mercredi 11 août au matin.
Il ne se produit aucune réclamation.
lit une lettre de M. de Mon-talemberi qui prie l'Assemblée de lui conserver sa pension, prix de soixante ans de services et de quelques travaux qui n'ont pas été infructueux.
, secrétaire, donne lecture : 1° d'une lettre datée de Stenay, le 7 août courant, signée Laignez, officier d'infanterie, directeur des postes à Stenay, pour son épouse; au bas de la page est écrit à M. le comte d'Ogny. 2° d'u e lettre datée de Paris le 11 août, adressée à M. le Président; signée de Rigoley. L'objet de ces lettres est de prévenir l'Assemblée que le nommé Pascin, messager, portant quatre lettres à Ja poste de Stenay, a été arrêté par la municipalité ae Bilan, que les lettres ont été décachetés et que le messager a été menacé d'être fouillé toutes les fois qu'il passerait.
Je suis loin d'approuver la conduite de la municipalité de Balan. Cependant ii s'en faut
de beaucoup que ce soit pour intervertir l'ordre public que cette municipalité se soit
comportée de la sorte. On a jete l'alarme dans le canton en prétendant que les troupes autri-
Je propose de renvoyer cette affaire au directoire du département.
L'acte de la municipalité est une simple imprudence.
Je propose de charger le comité de Constitution de présenter, sous huitaine, un projet de décret sur l'inviolabilité des lettres.
Un membre. Le décret existe.
Il faut, eti ce cas, appliquer les dispositions du décret à la municipalité de Balan. Comme la violation du secret des lettres serait un crime de ia part des agents du pouvoir exécutif, s'en est un aussi de la part des municipalités.
On demande le renvoi au comité des recherches.
Ce renvoi est prononcé.
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'ordre judiciaire (i).
, rapporteur. J'espérais vous mettre aujourd'hui sous les yeux le titre xm qui concerne [es juges pour le contentieux de l'administration et de l'impôt; mais pour cela il nous fallait une conférence avec les membres du comité d'imposition. M. de La Rochefoucauld m'a dit que le comité n'avait point encore arrêté son opinion, et que l'importance des travaux du comité rendait l'entrevue impossible; je ne puis donc vous présenter que ce qui concerne le tribunal de cassation.
L'opinion du comité est arrêtée, et on peut actuellement décider qu'il n'y aura pas de tribunal d'imposition.
Cette question présente un véritable intérêt; et comme notre travail n'exige pas que ce soit aujourd'hui que l'on prenne un parti, je persiste à demander que l'on attende les conférences des comités et que l'on passe en ce moment à la discussion du titre X du tribunal de cassation.
Cette proposition est adoptée.
, rapporteur. Il y a deux parties principales dans le titre du tribunal de cassation :
l'article 1er jusqu'à l'article 8 est relatif à la compétence et à la composition de ce
tribunal. Les autres articles concernent le mode de sa formation et la part que le roi doit y
avoir; il faut que ces deux parties soient discutées séparément. Je me borne dans ce momeut à
la compétence et à la
Le bon parti est celui qui concilie le mieux tous les intérêts. Quelles sont les objections? Il pourrait s'établir entre- les chambres d'arrondissement une coalition dangereuse. Considérez ce que le comité vous propose, et vous verrez que cette frayeur est vaine. Il n'y aura dans tout le royaume que six chambres d'arrondissement; chaque chambre sera composée de trois juges. Il est impossible qu'ils acquièrent jamais une grande popularité; la crainte qu'ils ne s'agrandissent étendra sur eux une surveillance perpétuelle: d'ailleurs, ils seront réduits à la fonction d'instruire, sans jàmais pouvoir juger le fond des procès. La connaissance qui leur sera accordée des requêtes civiles contre les jugements en dernier ressort, est un contre-poids pour les autres tribunaux. Peut-être,dira-t-on aussi, qu'au lieu de mettre les tribunaux de cassation à portée des citoyens,, on doit les en écarter. En ce cas, vous ne l'auriez établi qu'en faveur du riche; ce serait une verge dont il se servirait pour frapper le faible. Il y a de l'inconvénient, dira-t-on, a ce que l'instruction se fasse devant d'autres juges que ceux Oui prononceront. En la réduisant à ce qu'elle doit êfre, je dis que cela n'est pas vrai. Ce n'est point une discussion pour l'intérêt privé, c'est la recherche d'une contravention à la loi ; et si l'on pouvait juger sans que les parties fussent entendues, notre intention n'en serait que mieux remplie. Ce sont là, Messieurs, les motifs qui ont déterminé le comité; c'est à vous à juger du degré de confiance qu'ils méritent.
annonce que deux avocats
anglais,^MM. Erskine et Bond, demandent la permission d'assister à la séance pour suivre la discussion qui va avoir lieu.
L'Assemblée autorise leur admission. M. le Président les fait placer à la barre.
(1). Messieurs, on a reconnu la nécessité de créer une cour suprême pour exercer les fonctions qui ont été attribuées jusqu'à présent au conseil privé du roi.
Le comité de Constitution propose d'établir sept chambres de ce même tribunal, dans différentes villes, pour l'instruction des requêtes qui seront admises.
Je me propose, Messieurs, de démontrer les inconvénients de ces sections; mais je crois d'abord devoir indiquer les principes généraux sur l'unité d'un tribunal de ce genre.
Quand l'Assemblée nationale a décrété que les jugements contraires aux lois pourraient être attaqués par la voie de la cassation, elle a décidé implicitement que la Cour de cassation serait unique et indivisible. Pour s'en convaincre, il ne faut que suivre sa marche dans l'établissement des bases de l'ordre judiciaire; elle n'a point admis l'ambulance des juges et les assises; et elle n'a pas cru devoir réduire l'ordre judiciaire à un seul degré de juridiction, parce qu'elle a pensé que si ces modes eussent été préférables dans une société neuve et dont la législation fut simple, ou pour un peuple agricole, ils ne convenaient pas dans une société vieillie, altérée par le jeu de toutes les passions, dont les liaisons de commerce s'étendaient à tous les objets de l'industrie humaine ët engendraient un nombre infini de contestations qui compromettentla fortune ët la liberté.
L'Assemblée nationale a donc établi deux degrés de juridictions.
Mais là est le terme immuable du pouvoir judiciaire et de la faculté de plaider. Les décisions des tribunaux d'appel sont souveraines; les droits et les intérêts y sont fixés d'une manière invariable.
Si ce principe est vrai; le tribunal de cassation n'est point tribunal de justice ; le but et l'objet de son établissement ne sont pas d'ouvrir aux plaideurs Une voie nouvelle pour remettre en question ce qui a été souverainement et irrévocablement jugé.
Cette Cour est donc uniquement instituée pour annuler les actes judiciaires contraires aux lois, c'est-à-dire pour veiller au maintien de la Constitution et des lois de l'Etat, pour réprimer les infractions qui pourraient y être faites; dès lors, ce n'est pas l'intérêt des plaideurs, mais l'intérêt de la loi qui est l'objet de son institution.
Une demande en cassation est donc une action étrangère à l'ordre judiciaire; c'est la dénonciation d'une contravention à réprimer. Elle n'a pour objet, dans les vues de la Constitution, que de venger la loi violée par les juges en dernier ressort. Si l'arrêt est cassé, le plaideur en profite pour faire rentrer dans l'ordre judiciaire la question déjà jugée en dernier ressort; mais ce n'est pas pour lui que la Constitution a créé ce moyen/
On ne pourra maintenir cette Constitution et les lois de l'Etat que par des vues uniformes,
par des principes invariables et par leur application constante à-ce seul objet; tout cela ne
se conci-
Il faut donc que le tribunal de cassation soit unique.
Le prétexte qui a fait imaginer la division du tribunal de cassation en sept sections, est l'éloi-gnement d'une Cour unique et le déplacement des justiciables.
Pour prévenir cet inconvénient, l'article 4 du projet du comité dit : « que les chambres séden-« taires, dans les arrondissements, recevront les « requêtes en cassation et les enverront, ainsi « que les pièces du procès, avec leur avis, à la « chambre sédentaire, à Paris ; que l'instruction « des demandes en cassation qui auront été ad-« mises, se fera devant elles, et, après l'instruc-« tion finie, elles renverront l'affaire à la cham-' « bre sédentaire à Paris pour y être jugée. »
Votre intention, Messieurs, est de simplifier la procédure, et ce projet vous en éloigne par un genre d'instruction inouïe!
Vous avez décrété que les causes en première instance et les causes d'appel seraient instruites et jugées dans le même tribunal, et c'est lorsque la justice a prononcé en dernier ressort, lorsque la loi seule a le droit de réclamer, que votre comité veut assujettir les affaires à deux formes nouvelles que la nature même des demandes en cassation et leur extrême simplicité ne peuvent point comporter.
Dans la forme actuelle des demandes en cassation, on présente une requête; le conseil statue, soit en cassant, soit en déboutant, soit en demandant les motifs, et, dans ces trois cas, qui sont les plus fréquents, il n'y a pas d'instruction ; le premier rapport de l'affaire décide du sort de la demande.
Les arrêts qui ordonnent que les requêtes seront communiquées à la partie pour y répondre, sont si rares, que sur cent requêtes présentées, il n'y en a communément pas huit qui engendrent une instruction.
Une demande en cassation, non admise, n'est examinée qu'une fois; celle qui est évidemment bien fondée est admise par un arrêt qui casse, et dans le projet du comité, il faut, dans l'un et l'autre casi deux examens : l'un en province, l'autre à Paris.
Dans l'ancien régime, une demande en cassation sur laquelle les juges veulent connaître ies motifs de l'arrêt, est examinée deux fois ; dans le projet du comité, elle le sera quatre.
Le premier examen de la requête par la section ;
Le second examen par la cour de révision;
Le troisième par la section sur la demande des motifs du jugement;
Et le quatrième par la cour de révision sur l'envoi des motifs de la section.
Dans l'ancien régime, la demande susceptible d'être instruite contradictoirement était examinée toujours deux fois, et quelquefois trois, lorsque l'arrêt de soit-communiqué était précédé d'un arrêt d'envoi des motifs : dans le projet du comité ce sera quatre et .cinq, tout cela a des distances considérables, et par des personnes qui n'auront entr'elies qu'un commerce épistolairq.
Il n'y a pas de doute sur la perte du temps; les cascades des dossiers en exigent ; les trois ou quatre nomiuations.de rapporteurs, dans les deux tribunaux, en exigent; les triple et quadruple
examens d'une affaire en exigent ; les trois ou quatre rapports en demandent encore.
Le désir de rapprocher la voie de la cassation des justiciables a servi de prétexte pour proposer les chambres d'instruction.
Mais, Messieurs, si les parties veulent se déplacer pour suivre les demandes en cassation, le nouveau projet quadruple leurs démarches et les frais et dépenses ; vous avez décrété que toutes matières civiles et criminelles, les plaidoyers, rapporteurs et jugéments seraient publics ; or, il n'y aura pas une partie qui ne veuille profiter de cette faveur ; ainsi, pour obtenir d'abord un avis favorable de la section, la partie s'y transportera; ensuite,pour assister au rapport et jugement de sa demande et avoir une décision conforme à ses vues, elle se rendra à Paris.
Si la requête est admise à l'instruction, la partie retournera, après, près de la section, pour recommander ses intérêts à son avocat, et 1 instruction étant finie, la partie ne manquera pas l'occasion décisive de solliciter le jugement final, et pour cela elle reviendra à Paris.
Les plaideurs ne pourront pas solliciter seuls dans ces circonstances différentes ; ils se feront suivre par leur avocat, ou bien ils en auront un près de chaque tribunal : ils seront donc forcés, ou de se faire suivre au tribunal jugeant, par leur avocat au tribunal introduisant, ou d'avoir un défenseur dans l'un et l'autre tribunal.
Les sections n'existeront que pour l'instruction; mais, quant à l'instruction même, le rapprochement du tribunal est parfaitement inutile, parce qu'en matière de cassation, il ne se fait aucune procédure sur les faits allégués dans la requête ; il n'y a jamais d'interlocutoire de l'espèce de ceux qui s'ordonnent dans les tribunaux ordinaires, et qui exigent la présence des parties. Tout doit être justifié par les pièces et par les procédures ; en un mot, tout jugement en cassation se rend sur l'examen des pièces, sans autre instruction.
Ainsi, d'une part, la proximité du tribunal, par rapport à l'instruction, serait illusoire et ne servirait qu'à provoquer les déplacements sans objet ; et, d'un autre côté,- la dépense de ces tribunaux se ferait en pure perte pour l'Etat et les citoyens, parce que, sur cent requêtes en cassations, sept ou huit seulement deviennent contradictoires.
En vain, pour justifier l'établissement de ces tribunaux d'instruction, voudrait-on opposer que les parties y trouveront la facilité d'instruire elles-mêmes. Je he soupçonnerai jamais, Messieurs, que votre intention soit de tolérer cette facilité dans le tribunal suprême, celui dont la majesté extérieure doit ajouter à l'importance des questions sur lesquelles il prononcera : bientôt vous verriez s'entremettre pour elle des solliciteurs de procès, espèce d'hommes d'autant plus dangereuse, que n'étant soumis à aucuns règlements pour les salaires qu'ils exigent, ils ne calculent pas sur l'honneur et les succès, mais sur lés contributions de leur métier, dont le taux ruineux excéderait les plus fortes taxations que la loi accorde aux défenseurs judiciaires ; mais si les inconvénients de cette liberté, abusive ne vous frappaient pas, toujours ne verrais-je d'avantage à la facilité d'instruire que pour les parties résidentes; et cet avantage, tout idéal qu'il est, peut-il compenser la gêne que vous imposeriez à tous les autres? ..f
Maintenant, Messieurs, je vais vous donner une idée de l'objet pour lequel on vous propose
cet appareil de tribunaux, d'opérations et de mouvements compliqués.
Le conseil privé, auquel on veut substituer un tribunal en sept parties, a jugé, jusqu'à présent, les demandes en cassation, les évocations pour causes de parentés et alliances, la compétence des cours supérieurs, ou les règlements de juges, l'appel des ordonnances des intendants, les oppositions au titre des offices, et quelques autres affaires dont la variété et le nombre excédaient certainement celles que les nouvelles attributions donneraient aux sept tribunaux de cassation.
Ces différentes affaires naissaient, pour la plupart, du régime féodal, des possessions ecclésiastiques, des matières bénéficiâtes, de la vénalité des offices, de la diversité des tribunaux d'exception, des committimus, évocations générales et particulières, du privilège du scel des Ghâtelets, du privilège de, l'université, des hôpitaux, des bourgeois de Paris, et autres de cette nature.
Or, Messieurs, personne ne pourrait croire, si le fait n'était pas avéré, que cette multitude de sources de procès, aujourd'hui desséchées par la sagesse de vos décrets, ne produisait au conseil privé qu'environ trois cents affaires par an, parmi lesquelles il n'y avait pas cent cinquante demandes en cassation, et de ces cent cinquante demandes en cassation l'on n'en instruisait pas dix contradictoirement. La preuve de ces faits est tirée des registres du conseil privé et du tableau des affaires litigieuses pendantes à ce tribunal, à remonter à quinze années.
Mais au moyen des suppressions que vous avez ordonnées, et dont je viens de parler, les contestations majeures se trouveront diminuées de moitié, et alors il n'y aura peut-être pas dix demandes en cassation à instruire contradictoirement tous les ans. Gela posé, à quoi pourront servir les sept chambres qu'ont veut établir sur toute la surface du royaume pour l'instruction des demandes en cassation? à charger l'Etat d'une dépense considérable sans objet, à compliquer l'ordre judiciaire, à rendre difficile et dispendieux ce qui est simple et qui peut se faire à peu de frais. Voilà, Messieurs, comme on servirait le peuple, voilà comme on servirait les pauvres, qui, d'ailleurs, se trouvent si rarement dans le cas de se pourvoir en cassation.
La proximité des tribunaux qui, dans le projet du comité, recevraient les requêtes en cassation, ne servirait qu'à multiplier ces sortes de demandes, sans raison, ni moyens; à provoquer des déplacements qui n'ont pas lieu dans le régime qui existe encore.
Le comité, par l'article 2, attribue à la chambre de Paris : 1° la connaissance de3 prises à partie dirigées, ou contre un tribunal entier, ou contre un de ses membres;2° les règlements de compétence ou conflits de juridiction entre les tribunaux d'appel établis dans les arrondissements différents qui ne peuvent avoir lieu.
Voilà donc deux objets soumis à la compétence de la chambre sédentaire à Paris, indépendamment des demandes en cassation.
Or, je viens de prouver qu'il n'y aura pas à l'avenir cent cinquante requêtes en cassation, par conséquent pas dix contradictoires, parce que les sources des grandes contestations sont Varies. /
Les conflits de juridiction seront infiniment plus rares que les demandes en cassation, ou pour mieux dire, il n'y en aura plus par la suppression des tribunaux d'attribution et des privi-
lèges en ce genre, et par le décret qui établit les juges de district, juges d'appel.
A l'égard des prises à partie contre les tribunaux entiers ou leurs chambres, il est à présumer qu'elles n'auront jamais lieu; car indépendamment de ce que, sous un régime corrompu, on trouve rarement un tribunal entier coupable de prévarication envers des particuliers, il faut espérer que des jugés nommés par le peuple seront encore plus circonspects que ceux qui étaient institués par le despotisme.
Ainsi, Messieurs, les vingt juges, dont le comité de Constitution veut composer le tribunal de cassation, n'auront presque rien à faire, même en leur attribuant les prises à parties et les conflits dont je viens de parler; et, sous ce rapport, il vous paraîtra, sans doute, fort peu nécessaire de diviser ce tribunal en sept parties pour le soulager.
Le comité veut attribuer aux sections :
1° Les requêtes civiles;
2* Les conflits de juridiction entre les tribunaux d'appel de l'arrondissement;
3° Les prises à partie, soit contre un tribunal de district entier, soit contre les officiers du ministère public, ou quelques-uns des juges, tant des tribunaux d'appel, que des tribunaux de district;
4° Les récusations intentées contre l'officier du ministère public, ou contre quelques-uns des juges du tribunal d'appel.
Les requêtes civiles sont moins fréquentes que les cassations, parce que la loi en détermine avec précision lés motifs; c'est une espèce de révision en matière civile, et en certains cas seulement, qui fut toujours soumise aux juges qui avaient prononcé.
Si l'Assemblée change ce régime, elle ne peut attribuer la connaissance des requêtes civiles qu'à la Chambre qui doit juger leur cassation, parce qu'elles produisent, en effet, la cassation des jugements; et lorsque le comité désigne vingt juges pour les demandes en cassation, je ne vois pas pourquoi, il soumettrait le sort de la chose souverainement jugée, à trois juges dont seront composées les chambres des départements.
Je le répète, les requêtes civiles, très rares dans l'ancien régime, deviendront plus rares encore dans le nouveau, par rapport à la suppression des matières contentieuses, et ce sera un point presqu'imperceptible dans la compétence de la Cour de cassation.
Les conflits de juridiction, entre les tribunaux d'arrondissement, seront aussi très rares; mais pourquoi faire une différence entre ces conflits et ceux des tribunaux de différents arrondissements? pourquoi cette complication? pourquoi les uns seront-ils décidés par vingt juges, et les autres par trois seulement, lorsque les questions sont les mêmes par leur nature, et que de divers conflits ne diffèrent entre eux que par le lieu de leur origine?
D'ailleurs, les conflits se forment par de jugements opposés sur la compétence. Pour régler cette compétence, il faut annuler les arrêts qui ont mal prononcé, en sorte que cette portion de juridiction appartient essentiellement au tribunal de cassation.
D'ailleurs, il peut naître des conflits entre les chambres mêmes instituées pour les juger ; c'est là une nouvelle source de dissensions et de procès ; souvent il faudrait juger deux conflits au lieu d'un, et pour avoir voulu éviter la chambre de Paris, U faudra d'abord y plaider pour savoir
quelle chambre de département statuera sur le premier conflit.
Les Ghambres de département, suivant lecomité, jugeront Jes prises à partie contre les tribunaux de district, ou contre les juges des tribunaux d'appel.
Quant aux prises à partie eontre les juges d'appel, pris individuellement, pourquoi ne seraient-elles pas portées au tribunal de cassation, séant à Paris, comme les prises à partie contre les tribunaux d'appel, pris collectivement? la raison n'est-elle pas la^même? De plus ne faut-il pas rendre très difficiles les prises à partie, autrement ne sera-ce pas avilir et décourager les juges ? car il y a peu de parties condamnées qui ne se croient lésées et en droit de suivre cette voie.
D'ailleurs, comment exposeriez-vous l'honneur, la fortune et la vie d'Un magistrat supérieur au jugement de trois juges? Dans un matière aussi délicate, il faut la plus grande solennité, et la chambre de Paris ne me semble ni trop éloignée ni trop auguste, ni trop nombreuse pour connaître de ces grandes questions.
Enfin, votre comité veut attribuer aux chambres de provinces la connaissance des récusations intentées contre l'officier du ministère public, ou contre quelques-uns des juges du tribunal d'appel.
Mais ceci est encore une complication de procédures inutiles. Consultez l'ordonnance civile, et vous yerrez combien les récusations sont simples ; elles se jugent dans les tribunaux mêmes dont l'officier récusé est membre, et elles sont sujettes,, soit à l'appel, soit à la cassation. Vous ne pouvez faire mieux que de laisser, à cet égard, les choses comme elfes étaient ; la nouvelle constitution de l'ordre judiciaire prêtera même plus de force aux anciennes règles.
Le comité de constitution fait un détail d'attributions pour motiver l'établissement deschambres de départements, et cependant ces articles se réduisent à presque rien; ou ilssontimcompatibles avec l'application qu'on en veut faire, ou ils compliqueraient les matières, au lieu de les simplifier, où ils tendent à renverser le principe d'unité nécessaire, soit en matière de cassation, soit dans toutes les matières qui s'en rapprochent.
Il me reste une observation importante à vous faire. On place des chambres dans les départements et on ne parle point des colonies. Si cepén-dantces parties éloignées de 2,000 et 6,000 lieues du royaume allaient adopter le projet de votre comité, assurément'il serait incommode pour les colons. Une requête en cassation du conseil supérieur de l'Ile de Bourbon, admise à Paris, ferait 18,000 lieuesavant d'être jugée : 6,000 lieues pour arriver de la chambre coloniale à Paris, o,000 lieues pour reiourner à la chambre coloniale et y être instruite, 6,000 lieues pour revenir à Paris et y subir une dernière décision.
Il faut cependant que les tribunaux supérieurs des colonies soient subordonnés au tribunal de cassation, poûr le maintien des lois coloniales et judiciaires, cë lien est indispensable entre elles et ia métropole : s'il était rompu, la France risquerait deyoir anéantir toute espèce d'unité entre elle et ces établissements précieux.
Je demande qu'il soit décrété que le tribunal de cassation sera unique et sédentaire à Paris.; l'intérêt politique de la nation, qui demande prin-cipalement de l'unité dans les principes et dans l'exécution, l'intérêt des justiciables, tout se réunit en faveur de mon opinion.
11 faut que tous les citoyens français puissent également obtenir justice et avec une égale facilité. Le plan du comité est la conséquence de ce principe sage et juste qui a présidé à tous vos décrets. Au moyen de rétablissement des sections, il est évident que l'on n'aura plus besoin de ces déplacements qui étaient tout au détriment des pauvres ; ce sont les pauvres qui, si le projet n'était point adopté, seraient dans l'impuissance de réclamer contre des jugements iniques. On a presque dit qu'il fallait faire abstraction des plaideurs dans les motifs qui déterminaient la création de ce tribunal; j'avoue que ce système me paraît neuf. Toute institution doit avoir pour but l'intérêt des citoyens, et l'intérêt des citoyens est bien qu'il ne soit rendu aucun jugement attentatoire aux lois. Quand bien même les procès seraient aussi rares qu'on le suppose, ce ne serait point une raison pour ne créer qu'un seul tribunal de cassation. Malgré la suppression des droits féodaux et de tant d'autres matières à procès, ne reste-t-îl pas encore des arrérages sur lesquels il faudra prononcer? Il ne faut pas croire non plus que vos lois puissent jamais être assez simples et assez claires, pour que leur véritable sens se présente à tous les yeux, avec ce caractère d'évidence qui anéantit toute matière à procès; il ne faut pas non plus abandonner les juges sans aucune espèce de surveillance. Je ne suspecte pas leur bonne foi, mais il eSt permis à un bon citoyen de prendre des mesures contré le despotisme judiciaire, le plus affreux de tous. Je ne nie point la nécessité de l'unité des tribunaux, mais c'est parce que j'ai remarqué que le plan du comité conservait celte unité que je demande qu'il soit adopté. Elle n'est essentielle que pour les seules demandes en cassation et pas au delà. Je conclus à l'adoption du plan.
Je vais me renfermer strictement dans la question première que vous agitez. Je pense que le tribunal de cassation doit être unique, et je m'appuie sur des considérations supérieures. En le disséminant comme votre comité vous propose de le faire, vous n'en faites plus qu'un tribunal ordinaire qui cesse d'être imposant. Il faudrait, s'il est possible, que les juges du tribunal de cassation fussent placés dans un régime à part, inaccessible à tous les genres de séduction.
La justice est une religion civile; les gardiens de ce dépôt doivent être .purs comme elle. En adoptant le plan du comité, les tribunaux d'appel ne seraient qu'un intermédiaire entre le tribunal d'instance etxelui de cassation. Que signifie cette manière de former une démande au département et d'aller ensuite la porter à des capitales par . économie, puis de la reporter dans les départements et de là encore dans la capitale, toujours avec la même économie? Gomment vouloir que les parties se réunissent ainsi d'un bout du royaume a l'autre? Par exemple il s'agit d'une succession; l'un des deux plaideurs est à 200 lieues, à Toulouse par exemple, tandis que son adversaire est à Dunkerque; croyez-vous que le plan proposé concilie également leurs intérêts? Il faut un balancier qui règle le mouvement de toutes les roues, mais est-il possible de mettre sept balanciers? La voie de cassation est extraordinaire; il faut qu'elle ne soit ni trop près, ni trop loin du plaideur. Une assemblée qui a mis en problème s'il y aurait des tribunaux d'appel pourrait-elle protéger la multiplicité des tribunaux de cassa-
tion? Ce serait, j'ose le dire, multiplier les incendies. Je conclus à ce que l'Assemblée nationale décrète que le tribunal de cassation sera unique et qu'il sera placé auprès du Corps législatif.
(On demande à aller aux voix.)
Il n'est pas de la sagesse de l'Assemblée de fermer si promptement la discussion. Plusieurs membres demandent encore à être entendus, et moi-même je réclame la parole.
(L'Assemblée décide que la discussion n'est pas fermée.)
Vous avez constamment suivi des bases uniformes. Les districts sont établis pour surveiller les municipalités, et les départements pour surveiller les districts: le comité part des mêmes bases. Il vous propose des juges de district pour surveiller les juges de paix.
Les juges de district se surveilleront les uns les autres. Il est certain que si vous avez besoin de surveiller les discussions, vous devez aussi surveiller les fonciionnaires. La faiblesse humaine et l'intrigue pourraient faire parvenir deshommës indignes de ces fonctions: il faut donc prendre des mesures de prudence: je ne vois dans une cour unique que l'établissement d'une cour plé-nière. Quand on désire le bien public aussi vivement que vous, on doit redouter un pareil établissement: il renfermerait plus de pouvoirs réels que le Corps législatif. 11 faut de la majesté à ces tribunaux, mais je ne crois pas que ce soit la majesté qui fasse la justice. On a dit que ce tribunal devait être un balancier qui réglât la marche de l'ordre judiciaire et qu'il ne fallait pas sept balanciers: mais ceci n'est qu'un jeu de mots j il faut plus d'une roue pour faire aller une machine, pour peu qu'elle soit compliquée.
Lorsqu'on veut conserver la liberté dans un Empire, il faut donner tous les moyens possibles de former la volonté générale. C'est ce principe qui exige un tribunal decassation. On a dit qu'il nè fallait pas obliger les justiciables à se constituer en frais ; mais puisqu'il faut toujours que le jugement soit rendu à Paris, les dépenses seront toujours au moins aussi considérables. Le point de vue général doit être d'établir toutes les forces dans le centre; c'est par là que la machine peut acquérir un véritable mouvement.
(M. Duport, après avoir présenté des développements, conclut à ce que le tribunal de cassation ne soit composé que d'une chambre sédentaire à Paris.)
J'ai dit que, quelque parti que l'on adoptât, il présenterait des inconvénients. Si vous n'avez pas un seul tribunal, vous méconnaissez les principes de la cassation: si vous n'avez qu'un seul tribunal auquel on puisse s'adresser, vous perdez l'utilité de la cassation. Il faut donc un moyen terme. Ce moyen, c'est l'établissement de plusieurs chambres d'arrondissement. Il me paraît le meilleur, sous le rapport de l'intérêt politique et de l'intérêt particulier. Vous n'avez aucun officier chargé de dénoncer les contraventions aux lois ; les demandes en cassation étaient autrefois très rares, parce que l'éloignement des lieux faisait qu'on négligeait les poursuites. Le rapport de la justice particulière est inséparable dans la pratique de la cassation, quoiqu'on le sépare dans la théorie. Les petits tribunaux ont nécessairement besoin de surveillance. Nous faisons la Constitution, et la Constitution doit prévoir tous les moyens et réprimer toutes les vexations. Si la prise à partie était soumise à un tribunal unique, vous la rendriez illusoire, et les juges n en redouteraient plus l'effet. Les requêtes civiles ne doivent pas non plus être abandonnées au tribunal qui aurait rendu la sentence contre laquelle la requête civile est invoqués ;Tintérêt de corps etdei'amour-propre feraient redouter de mauvais jugements. J'en dis autant de la récusation ; c'est une amélioration nécessaire de ne pas la porter dans le tribunal du membre que l'on récuse. Tels sont les points de vue que je recommande à votre attention: il me semme qu'ils sont prévalents aux objections faites au plan du comité.
Le préopinant a porté tous les moyens sur la prise à partie; il a presque "oublié qu'il s'agit de la cassation. On vous a prouvé invinciblement que l'intérêt général demande un tribunal unique.
(La discussion est fermée.)
demande la priorité pour la motion de M. Duport.
La priorité est accordée à cette motion, rédigée de la manière suivante :
« Art. 1er. Le tribunal de cassation sera unique et sédentaire auprès du Corps législatif. »
Cet article est décrété à une très grande majorité.
La base du comité étant changée, les articles que nous avions proposés ne , peuvent être mis en délibération ; le comité va se livrer à un nouveau travail.
(La séance est levée à 2 heures.)
deBlacons, Arthur Dillon, d'Aiguillon (ibid. p. 389 et suiv.); — incident concernant un manifeste du prince de Condé : Mirabeau aîné, d'André, Mirabeau ainé, Dubois, deCaz_alès, Voidel, Barnave, Voidel, Dubois de Crancé, de Menou, Le Deist de Botidoux, de Cazalés, Rœderer (ibid. p. 391 et suiv.); — autre incident soulevé par par une motion de Lucas sur les menéees du cardinal de Rohan à l'étranger (ibid. p. 392); —présentation par Fréteau d'un projet de décret concernant le passage des troupes étrangères (ibid.)', — adoption de l'article 1er (ibid.) ; — adoption de l'article 2 (ibid. p. 393) ; — art. 3 : Du Châtelet, de Menou, Dubois de Crancé, Dômeunier, de Cazalés, Dupont (de Nemours), de Bonnay, Charles de Lameth, Dupont, (de Nemours) (ibid.) ; — adoption de l'article 3 amendé (ibid.); — discussion de la motion de d'Aiguillon relative aux armements à l'étranger: de Bonnay, Robespierre, Fréteau, de Castellane (ibid. et p. suiv.); — ordre du jour (ibid. p. 394); — discussion sur le manifeste du prince de Condé : Voidel, de Foucault, de Mirabeau aîné, Robespierre, de Cazalés, de Mirabeau aîné, Charles de Lameth, de Mirabeau aîné, Robespierre, Le Pelletier de Saint-Fargeau (ibid. et p. suiv.);—ordre du jour (ibid.).—Opinion, non prononcée, deRabaudde Saint-Etienne sur la coalition de l'étranger (p. 395 et suiv.). — Proposition de Fréteau tendant à la nomination d'un comité de douze membres ayant pour objet d'examiner la question des relations extérieures, à en re ndro compte et à indiquer les moyens de pourvoir à la sûreté de l'Etat (29 juillet, p. 399);—dis-cusson : de Noailles, Regnaud (de Saint-Jean-d Angéy), Miougins de Roquefort, Bouche, d'André. Le Couteulx, de Noailles, de Lachèze, Emmery (ibid.); — adoption de la proposition amendée (ibid.)—De Menou demande la|révocation de l'autorisation accordée pour le passage des troupes autrichiennes en France (30 juillet, p. 427);
d'Harambure s'y oppose (ibid.). — Mésintelligence de l'Espagne et de l'Angleterre : lettre de Montmorin ministre des affaires étrangères (2 août, p. 503); — lettre du comte de Fernan Nunez, ambassadeur d'Espagne (ibid. et p. suiv.);— discussion : de Jessé, Alexandre de Lameth, Blin (ibid p. 504) ; — lettre de La Vauguyon (ibid. ) ; — de Noailles en demande la lecture qui est accordée (ibid.) ; — lettre de Montmorin annonçant la conciliation des deux cours d'Espagne et d'Angleterre (3 août, p. 582 el suiv.) ; — renvoi au comité diplomatique (p. 583).
t. XVII, p. 652); — discussion : Camus, Dnport (ibid.) ; — adoption (ibid.).
l'Assemblée nationale (24 juillet, p. 338 et suiv.). —— Martineau demande qu'on s'occupe, toutes affaires cessantes, de l'organisation de l'armée (27 juillet, p. 381) ; — rapport par Alexandre de Lameth et projet de décret (29 juillet, p. 400 et suiv.); — Pétition d'officiers de fortune du régiment de la Martinique, présentée par Moreau de Saint-Méry et tendant à qu'il soit sursis à nommer aux emplois militaires jusqu'à la réorganisation de l'armée (29 juillet, p. 413); — Alexandre ae Lameth propose un projet de décret dans ce sens (ibid.) ;— adoption (ibid.). — Discussion du projet de décret présenté par Alexandre de Lameth sur la réorganisation de l'armée : de Froment, de Bouthillier, Victor de Broglie, de Beauharnais le jeune, d'Amblv, d'Estourmel, de Toulongeon, de Sé-rent, Alexandre de Lameth, Bureaux de Puzy, Alexandre de Lameth, de Noailles, Du Châtelet (30 juillet, p. 427 et suiv.); — de Custine, de Noailles (31 juillet, p, 446); — adoption des art. 1 et 2 (ibid.)', — l'Assemblée passe à l'art. 9 : de Noailles, Bureaux de Puzy, Alexandre de Lameth, d'Estourmel (ibid. et p. suiv.). ; — adoption des art. 9 à 13 (ibid. p. 448); art. 7 : de Foucault, Du Châtelet, de Virieu (ibid.) ; adoption (ibid)] — art 18: de Foucauld, de Biron, d'Ambly (1er août, p. 489) ; — ajournement (ibid)', — art. 4 : de Sinéty, de Rostaing de Reynaud, d'Haram-bure, de Jessé, de Noailles, d'Elbecq, Du Châtelet, de Broglie, de Reynaud, Regnaud (de Saint-Jean-d'An-gély), Arthur Dillon, de Noailles (2 août, p. 499 et et suiv.) ; — l'Assemblée se prononce contre l'incorporation (ibid. p. 503); — de Noailles demande que le roi soit supplié d envoyer au plus tôt un nouveau plan d'organisation militaire d'après les bases décrétées (ibid. p. 504); — adoption (ibid.). — Mémoire de Pillerault, capitaine-quartier-maître des carabiniers, député du corps, renvoyé au comité militaire (5 août, p. 614 et suiv.). — Rapport par de Menou, au nom du comité militaire, sur la réclamation de l'ex-co-lonel Moreton, relative à sa destitution (ibid. p. 624 et suiv.); — projet de décret ordonnant sa réintégration (ibid. p. 625);—discussion: Martineau, Alexandre de Lameth, abbé Maury, de Broglie, Bouchotte, Gaultier de Biauzat, Alexandre de Lameth, de Cazalès, Dupont (de Nemours), de Mirabeau aîné, de Cazalès, Gaultier de Biauzat (ibid. et p. suiv.); — décret renvoyant l'affaire devant un conseil de guerre (ibid. p. 626). — Mémoire lu par le ministre de la guerre, La Tour-du-Pin, sur l'insubordination manifestée dans plusieurs corps de l'armée (6 août, p. 640 et suiv.); — réponse du Président (d'André) (ibid. p. 641); — renvoi au comité militaire (ibid.). — Rapport par Emmery sur l'insubordination des régiments de royal-Champagne et de Poitou et sur les troubles régnant dans plusieurs corps de troupes (ibid. p. et suiv.); — discussion sur le dernier objet : adoption de l'art. 1er sans discussion (ibid. p. 64u2); art. 2: de Foucault, deMurinais, de Noailles (ibid.)-adoption (ibid.) ; — art. 3 : de Tracy, de Roche-brune, Emmery (ibid.); — adoption (ibid.); — art. 4 et 5 : de Foucault (ibid.) ; —adoption (ibid.) — adoption des art. 6 et 7 sans discussion (ibid.) ; — adoption d'un paragraphe additionnel présenté par Robespierre (ibid. et p. suiv.); — adoption de l'art. 8 sans discussion (ibid. p. 643); — texte du décret (ibid). — Projet de décret présenté par Emmery sur les actes d'insurbordination des régiments de royal-Champagne et de Poitou (7 août, p. 630); — discussion : TDu Châtelet (ibid.) ; — adoption (ibid.) — Dénonciation par Georges et Rewbell de faits insurrectionnels attribués à des officiers du régiment de Condé de la garnison de Biiche (9 août, p. 663); — renvoi au comité des recherches (ibid.).
p. 622), (ibid. p. 623), (7 août, p. 650), (10 août, p. 703 et suiv.), (ibid. p. 706), (11 août, p. 725).
à la fédération (p. 13 et suiv.), (p. 16), — sur les postes (p. 48), — sur les pensions (p. 136), — sur l'uniforme des gardes nationales (p. 185), — sur la contribution patriotique (p. 185 et suiv.), — sur l'uniforme des gardes nationales (p. 191), — sur une motion relative à l'armée (p. 195), — sur les juifs (p. 219), — sur les troubles de Montauban (p. 373),— sur des élections (p. 384). — Présente un projet de décret sur l'affaire du régiment de la Guadeloupe (p. 385). — Parle sur Saint-Domingue (p. 411), — sur une arrestation à Cbâlons-sur-Marne (p. 414 et suiv.), — sur les vainqueurs de la Bastille (p. 490), — sur le pouvoir judiciaire (p. 612), (p. 621), (p. 702),— sur une députation de la commune de Paris (p. 709).
tion de serment des experts chargés de leur estimation (9 juillet 1790, t. XVII. p. 2) ; — discussion : Martineau, Populus (ibid.) ; — adoption (ibidJ). — Rapport, par le même La Rochefoucauld, sur les ventes des domaines nationaux aux municipalités (16 juillet, p. 133 et suiv.); — adoption sans discussion (ibid. p. 134); — Rapport par Merlin sur quelques réformes à faire dans certaines coutumes pour faciliter la vente des biens nationaux (18 juillet, p. 187 et suiv.); — Dufraisse dénie au comité de liquidation le droit de faire des articles de législation (ibid. p. 189) ; — ajournement de la discussion (ibid.). — Proposition de Bouche tendant à assurer le succès de la vente des biens nationaux (21 juillet, p. 263) ; — discussion : d'André, abbé Gouttes (ibid.). — question préalable (ibid.). — Rapport par La Rochefoucauld sur la vente des biens nationaux compris dans la soumission de la commune de Paris (6 août, p. 636) ; — discussion : de Folleville, Delley d'Agier, Malouet, Goupil, Boutteville-Dumetz (ibid. et p. suiv.) ; — adoption (ibid. p. 637); — tableau de ces biens (p. 638 et suiv.). — Projet de décret présenté par La Rochefoucauld et tendant à charger la municipalité de Paris de la vente des domaines nationaux situés dans l'étendue du département de Paris jusqu'à l'époque où les administrations de département et de district seront en activité (ibid. p. 640) ; — adoption (ibid.).
discours en quittant le fauteuil (p. 202). — Parle sur le non-recouvrement des impôts (p. 203), — sur les arsenaux (p. 393), — sur les armements à l'étranger (ibid. et p. suiv.), — sur une lettre relative à des actes d'insurrection dans les escadres (p. 627), — sur les forêts nationales (p. 636).
alliance entre la France et l'Angleterre (t. XVII, p. 412 et suiv.)
(t. XVII, p. 3), — sur la restitution des biens aux non-catholiques (p. 35), — sur les pansions (p. 38),— sur la détention des Avignonnais à Orange (p. 43 et suiv.), — sur les postes (p. 47). — Demande qu'il soit enjoint au premier ministre des finances de remettre dans le jour au comité des pensions l'état des reprises du Trésor royal (p. 67). — Parle sur les pensions (p. 134 et suiv.), (p. 136), (p. 137), (p. 138), — sur l'administration de la caisse du clergé (p. 186), — sur l'organisation du Trésor royal (p. 228), — sur la chasse (p. 263). — Présente un projet de décret sur les pensions (p. 300). — Parle sur le traitement du clergé actuel (p. 317), — sur les assignats (p. 342). — Présente un projet de loi sur les pensions supprimées (p. 350); — le défend (ibid.). — Fait une proposition relative aux ordres militaires (p. 398 et suiv.). — Parle sur les assignats (p. 399 et suiv.), (p. 400). — Présente une nouvelle rédaction de l'art. 7 au décret sur les pensions (p. 442), — des art. additionnels (ibid. et p. suiv.); —les défend (p. 443). — Parle sur les pensions des gens de lettres, savants et artistes (p. 446). Répond au mémoire de Necker du l,r août 1790 (p. 490 et suiv.). — Propose un projet de décret complémentaire de celui du 31 juillet 1790 sur les écrits incendiaires (p. 510), — un projet de décret relatif aux arrérages des pensions (p. 650). — Fait une motion concernant la conservation des chartriers et autres objets que renferment les dépôts de papiers et titres existant dans la ville de Paris (p. 652). — Parle sur une pétition portée à la barre par quelques députés de la commune de Pàris (p. 711 et suiv.). — Demande la réunion et l'impression de tous les articles votés sur le traitement du clergé actuel (p. 730).
de plusieurs comités (p. 341), — sur le passage des Autrichiens en France (p. 381), — sur le pouvoir judiciaire (ibid. et p. suiv.), (p. 382). — Fait un rapport sur la nomination du maire de Loudun (p. 498). — Parle sur le pouvoir judiciaire (p. 580), (p. 581 et suiv.), (p. 582), (p. 606), (p. 611), (p. 612), (p. 613), (p. 618).— Parle sur la procédure relative aux journées des 5 et 6 octobre 1789 (p. 657) ; — sur le pouvoir judiciaire (p. 696 et suiv.), (p. 721), (p. 722).
de l'ingénieur Vente sur l'entretien général des chemins (15 juillet 1790, t. XVII, p. 87) ; — renvoi aux comités réunis des finances, du commerce et de l'agriculture (ibid.).
Lecture de tous les décrets réunis sur l'organisation du clergé, suivie d'une demande de suppression : 1° des articles 3 et 5 du titre I*r, en remplaçant l'art. 3 par les décrets sur la fixation du siège des évéchés ; 2° et de l'art. 20 du titre I", en le remplaçant par les décrets sur les bénéfices à patronages laïques (12 juillet 1790, t. XVII, p. 50 et suiv.). — Rapport par Chasset sur les amendements au projet de décret relatif au traitement du clergé actuel, renvoyés au comité ecclésiastique (ibid. p. 51) ; — discussion sur l'art. !•*: Legrand, abbé Aubert (ibid. et p. suiv.) ; —adoption (ibid. p. 52) ; — art. 2 : Longpré, Lanjuinais, Drévon, Populus (ibid.)', — adoption (ibid.)', — art. 3 : adoption (ibid. et p. suiv.) ; —art. 4 : Delley d'Agier, de Jessé, de Folleville, Duport, Murinais, Chasset, Lucas, abbé Leclerc (ibid. p. 53) ; — adoption de l'art. 4 et de l'art. 6 devenu l'art. 5 (ibid.) ; — art. 5 devenant l'art. 6 : abbé Aubert (ibid)', — art. 7 : adoption (ibid.) ; — art. 8 : Merlin, d'Elbecq (ibid. et p. suiv.) ;— ajournement (ibid. p. 54); — adoption d'un amendement concernant les chapelains, présenté par l'abbé Nolf (ibid.).
Texte complet du décret sur la constitution civile du clergé (p. 55 et suiv.). — Adresse du clergé de Saint-Lô au sujet de la fédération (13 juillet, p. 78 et suiv.). — Rapport par Chasset sur les changements faits aux articles du décret sur le traitement du clergé actuel, conformément aux amendements ajournés pendant les débats (24 juillet, p. 316) ; — adoption sans discussion des articles 1 et 2 (ibid.) ;— art. 3 : Camus, Regnaud (de Saint-Jean-d? Angély), Bouche, Gaultier de Biauzat, Regnaud (de Saint-Jean-d'Anqély), Camus, Lanjuinais, Martineau (ibid. p. 317) ;— adoption (ibid.) ;— adoption sans discussion des articles 4 à 15 (ibid. et p. suiv.) ; — discussion sur la question de savoir si l'on comprendra dans l'article suivant les évêques anciennement démis, les coadju-teurs et l'évèque de Babylone (ibid. p. 318) ; — discussion: Chasset, Ruffo de Léric, Legrand, d'Estourmel, Thibault (ibid.) ; — renvoi au comité des pensions (ibid.)', — adoption des articles 16 à 20 (ibid. et p. suiv.); — art. 21: Martineau, Chasset, Martineau (ibid. p. 319) : — adoption de l'article amendé (ibid.) ; — adoption sans discussion des articles 22 à 36 (ibid. et p. suiv.) ; — article additionnel proposé et devenant l'article 37 (ibid. p. 320); — adoption (ibid.) ; — adoption sans discussion des articles 38 et 39 déjà décrétés et de l'article nouveau 40 (ibid.) ; — adoption d'un projet de décret présenté par Chasset et mentionnant la lecture des articles ci-devant décrétés et la proposition des articles additionnels et des additions aux premiers articles décrétés (ibid.). — Motion de l'abbé Guyardin concernant les vicaires des villes [ibid.)', — renvoi au comité ecclésiastique (ibid.).— Lettre justificative de l'évèque de Saint-Claude (2 août, p. 497) ; — renvoi au comité des rapporte (ibid. p. 498). — Articles additionnels et explicatifs du décret du 24 juillet sur le traitement du clergé actuel, présentés Sar Chasset (3 août, p. 585) ; — discussion: Martineau, ocque de Saint-Pons, Martineau, Chasset (ibid. et p. suiv.); — adoption des articles avec modifications (ibid. p. 586) ;— projet de décret présenté par Chasset relativement à la liquidation et au payement du traitement du clergé actuel ; —adoption de l'art. 1er sans discussion (ibid. p. 644) ; — art. 2 : de Bonnal (ibid.)', — adoption (ibid. ) ; — adoption sans discussion des articles 3 à 12 (ibid.) ; — art. 13 : Martineau (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; —art. 14 : adoption sans discussion (ibid) ;— art. 15 : Coroller (ibid. et p. suiv.);—adop-t\on(ibid. p. 645) ; — art. 16 à 25: adoption sans discussion (ibid) ; — art. 26 : Martineau (ibid.) ; —art. 27 : Chasset, de Bonnal, de Saint-Martin, de Cazalés, Coroller (ibid. et p. suiv.) ; — adoption (ibid. p. 646) ; — art. 39 devenant l'art. 28 : adoption sans discussion
(11 août, p. 728); — art. 29: adoption sans discussion (ibid. et p. suiv.); — art. 30: Le Bois-Desguays, Buffy (ibid. p. 729) ; — adoption (ibid.) ; — anciens art. 28 à 37 devenant les art. 31 à 39 (ibid.) ; — adoption (ibid.) ;— ancien art. 38 devenant l'art. 40: abbé Gouttes (ibid. et p. suiv.) ; — rejet (ibid. p. 730) ; — art. 40 et 41 : adoption d'une proposition de Camus tendant à réunir et à imprimer tous les articles adoptés (ibid.) ; — texte complet (p. 731 et suiv.).
Coster (Abbé), député du clergé du bailliage de Verdun. Secrétaire (t. XVII, p. 176).
admis à la barre, il donne l'assurance de sou empressement à obéir aux ordres de l'Assemblée (ibid., p. 452). — Texte de la dénonciation de Malouet, publiée par lui (p. 454 et suiv.) ; — autre dénonciation, de Mirabeau le jeune (p. 459 et suiv.) ; — addition au décret volé à la demande de Malouet, proposée par Rabaud de Saint-Etienne, à l'égard des écrits provoquant à l'invasion du royaume (l,r août, p. 485 et suiv.); — adoption (ibid. p. 486); — autre proposition de Rabaud de Saint-Etienne tendant à la création d'un jury pour connaître de ces délits (ibid.) ; — discussion : Carat aîné, Mougins de Roquefort, Brillat-Savarin, Dubois de Crancé (ibid.); — fixation au lendemain soir de la réception des dénonciations des écrits incendiaires (ibid.); — rejet de la seconde proposition de Rabaud de Saint-Etienne (ibid.) ; — lettre justificative de Camille Desmoulins, dénoncé par Malouet (2 août, p. 506); — incident : le Président (d'André), Malouet, le Président, un membre, Robespierre, le Président (ibid.); — ordre du jour (ibid.). — Dubois de Crancé demande que l'on poursuive le ministre Guignard de Saint-Priest, dénoncé par le comité des recherches de la municipalité de Paris (ibid. p. 507 et suiv.) ; — discussion : Démeunier, Robesjpierre (ibid. p. 508); — ordre du jour (ibid.); — Pétion demande qu'on explique le décret rendu le 31 juillet (ibid. et p. suiv.): — Discussion : Gaultier de Biauzat, Cottin, de Toulongeon, Pétion, Alexandre de Lameth, Malouet, Pétion, Malouet, Rœderer, Camus (ibid. p. 509 et suiv.); — décret portant qu'il ne pourra être intenté aucune action contre les écrits publiés jusqu'à ce jour, sauf celui C'en est fait de nous, et qu'il sera présenté un mode d'exécution du décret du 31 juillet (ibid. p. 510). — Rapport par Garran-Coulon, membre du comité des recherches de la municipalité de Paris, sur l'affaire de Maillebois, Bonne-Savardin et Guignard de Saint-Priest (ibid. et p. suiv.) ; — mémoire à consulter et consultation pour ce dernier (ibid. p. 551 et p. suiv.) ; — réponse à ce mémoire par Jean-Philippe Garrau-Coulon, membre du comité des recherches de la municipalité de Paris (ibid. p. 561 et suiv.). — Lecture par Martin d'une lettre des maire et officiers municipaux de Besançon dénonçant un écrit incendiaire adressé au corps d'officiers du régiment de Metz, à Besançon (3 août, p. 584) ; — Alexandre de Lameth demande qu'il soit renvoyé au comité des recherches (ibid.); — adoption (ibid.). — Lettre justificative de Flandre, procureur du roi au Châtelet de Paris, au sujet de sa conduite dans les poursuites contre Des-marest de Maillebois, Bonne-Savardin et Guignard de Saint-Priest (5 août, p. 615 et suiv.); — le Président, à la demande de Bouche, est chargé de répondre que les poursuites doivent être restreintes au libelle e Marat : C'en est fait de nous (ibid. p. 616).
des troubles dans les départements de Seine-et-Oise et du Loiret (p. 81), — sur le pouvoir judiciaire (p. 196), — sur des élections (p. 384), — sur une dénonciation de Malouet (p. 451), — sur une motion relative aux journées des 5 et 6 octobre 1789 (p. 657), —: sur le pouvoir judiciaire (p. 741).
semblée ( p. 90). — Fait un rapport sur l'affaire du régiment de la Guadeloupe (p. 385). —Parle sur le passage des troupes autrichiennes (p. 389), (p. 390 et suiv.). — sur l'armée (p. 503).
p. 172) ; — renvoi aux comités des domaines et des impositions (ibid.).
judiciaire (p. 613), — sur la conservation des papiers et titres existant dans la ville de Paris (p. 652),— sur une motion concernant les journées des 5 et 6 octobre (p. 656), — sur le pouvoir judiciaire (p. 698), (p. 724), (p. 725), (p. 741).
chienne (ibid.); — adoption d'une motion d'Alexandre de Lameth demandant la question préalable sur ce dernier fait, par la raison que la France à intérêt à voir s'éloigner les mauvais citoyens (ibid.).
par les députes du district de Brignolles à la fédération, relativement à la fixation de l'indemnité de voyage pour les gardes nationales (17 juillet, p. 164); — discussion : Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Populus (ibid.) ; — décret chargeant de ce soin les directoires de district (ibid.). — Demande d'admission à la barre de diverses députations à la fédération (ibid.) ; — discussion : Fréteau, de Kyspoter, Loys (ibid.) ; — décret limitant l'admission des députations au 1er août (ibid. et p. suiv.). — Décret enjoignant de donner un exemplaire du procès-verbal de la fédération à chacun des députés à la fédération ; plus, également à chacun d'eux, 350 exemplaires de ce procès-verbal pour les distribuer dans les districts (17 juillet, p. 174). — Projet de décret présenté par Rabaud de Saint-Étienne sur les lieux où seront déposées les bannières que la commune de Paris à données aux fédérés des 83 départements (19 juillet, p. 191); —adoption sans discussion (ibid.); — addition au décret, présentée par Rabaud dç Saint-Étienne, au nom du comité ae Constitution, et portant que les bannières seront remises dans les 83 départements par les officiers les plus âgés (20 juillet, p. 201) ; — discussion : Regnaud (de Saint-Jean-d,'Angély), Rabaud de Saint-Étienne (ibid.); — adoption (ibid.). — L'Assemblée décide qu'elle recevra à la barre les députés de la fédération générale des départements de la Sarthe et autres (22 juillet, p. 263);— leur admission et discours de l'un d'eux (ibid. p. 270 et suiv.);— réponse du Président (Treil-hard) (ibid. p. 271); — admission à la barre des aumôniers des bataillons de Paris, des départements, des troupes de ligne et de la marine (ibid.); — discours de L. de Saint-Martin, aumônier général de la garde nationale parisienne (ibid.) ; — réponse du Président (ibid. p. 272); — invitation aux nonneurs de la séance adressée aux députés des gardes nationales du département du Mont-Jura (23 juillet, p. 301);— incident au sujet des obsèques de deux fédérés de la ville d'Auriac : Bailly, maire de Paris, Lanjuinais, Delley d'Agier, Martineau, Bailly, Devillas, Bailly (ibid. p. 303 et suiv.);— envoi d'une dèputation de douze membres (ibid. p. 304). — L'Assemblée décide qu'on continuera encore de recevoir les députés fédères jusqu'au 30 du mois (24 juillet, p. 341). — •Pétition présentée par 120 ciLoyens, députés par la commune de Paris, dans lé but d'éterniser le monument provisoire élevé dans le Champ-de-Mars pour célébrer la fédération (26 juillet, p. 354);— renvoi au comité de Constitution (ibid.).
tence d'un corps d'état-major permanent et sur les dangers de la réunion de l'artillerie avec le génie, par Richard, major au corps royal du génie et suppléant à l'Assemblée nationale (31 juillet, 17901. XVII, p. 453 et suiv.)
du duché de Bouillon (11 août 1790, t. XVII, p. 717); — projet de décret (ibid) ; — adoption (ibid).
(ibid. et p. 203);— proposition de Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély) relative à un mode d3 surveillance pour la perception de l'impôt (ibid.); — renvoi aux comités des finances et de contributions réunis, à la demande de Bonnay (ibid.).—Adoption d'un projet de décret, présenté par Vernier, au nom du comité des finances, et concernant le rôle d'impositions, arrêté par la commission provisoire établie dans la ci-devant province deLangueaoc (p.299et suiv.).—Rapport par le même sur le refus des cabaretiers, aubergistes, bouchers et autres contribuables de Noyon, Ham, Chauny et paroisses circonvoisines de payer les droits dont la perception a été continuée (4 août, p. 605); — discussion : Gouttes, Vernier, Goupil (ibid.);—décret confirmatif (ibid ).—Motion de Martineau tendant à autoriser les districts à nommer un trésorier chargé de la perception de toutes les impositions (ibid.) ; — discussion : Thouret, Le Chapelier (ibid.); — ordre du jour (ibid.).— Motion de Georges tendant à faire examiner, à propos du refus des habitants du Clermontois d'acquitter des impositions au profit du prince de Condé, la validité de la donation et si un particulier peut lever des impôts sur une partie de la nation (5 juillet, p. 616); — renvoi au comité des domaines (ibid.). — Pièces adressées x par le contrôleur général des finances sur le refus de quelques municipalités de surveiller et de favoriser la perception des impôts (10 août, p. 704 et suiv.).
sée de Béziers. Parle sur le traitement du clergé actuel (t. XVII, p. 53), — sur l'armée (p. 499 et suiv.). — sur la mésintelligence de l'Espagne et de l'Angleterre (p. 504).
de Quercy. Parle sur le pouvoir judiciaire (t. XVII, p. 70), (p. 71), — sur une proposition de Noailles, relative à l'armée (p. 90), — sur le pouvoir judiciaire (p. 196), — sur les troubles de Montauban (p. 273), — sur une proposition de prêt de 70 millions faite par des Génois (p. 456), — sur le pouvoir judiciaire (p. 382), — sur la question des relations extérieures (p. 399), —sur les vainqueurs de la Bastille (p. 490), — sur des troubles survenus à Pen-nantier (Aude) (p. 585), — sur le pouvoir judiciaire (p. 619), (p. 722).
aux rangs à observer et au serment à prêter à la fédération (t. XVII, p. 16), — sur un incident soulevé à propos du vote de l'art. 2 de ce projet (p. 40), — sur les troubles de Nîmes (p. 46), — sur les attributions du comité de liquidation (p. 172), — sur une motion relative à l'armée (p. 195 et suiv.), — sur une lettre de milord Stanhope à l'occasion du 14 juillet (p. 229), — sur l'armée (p. 269), — sur les troubles de Montauban (p. 373), — sur l'armement (p. 393), — sur le manifeste du prince de Condé (p. 395), — sur une adresse de la société anglaise des Amis de la Révolution (p. 413), —sur une arrestation àChâlons-sur-Marne (p. 415).
de la ville de Paris. Parle sur le manifeste du prince de Condé (t. XVII, (p. 395), — sur le pouvoir judiciaire (p- 670 et suiv.), (p.702), (p. 754 et suiv.).
liage de Labour. Fait un rapport sur les droits de champart et autres droits féodaux supprimés avec rachat ou indemnité (t. XVII, p. 578), (p. 580).
tourmel, Regnaud (de Saint-Jean d'Angély) (ibid. p. 348); ■— adoption (ibid.). — Mémoire contenant les dépenses du département de la marine et des colonies pendant l'année 1790, adressé par La Luzerne (29 juillet, p. 398); — renvoi au comité de la marine (ibid.). — Lettre relative à des actes d'insurrection dans les escadres (6 août, p. 626 et suiv.); — discussion : de Bonnay, Paul Nairac, Lanjuinais, Alquier (ibid. p. 627);— renvoi au comité de la marine (ibid.). Projet de décret présenté par Malouet sur le décompte de la masse des gens de mer (10 août, p. 693) ; — discussion : Bouchotte, Malouet, Roussillon [ibid.}', =— adoption (ibid. et p. suiv.); — adoption d'un art. 11 oublié (11 août, p. 721).
opérer dans les différents départements ministériels (7 août 1790, t.XVII, p. 652); — adoption sans discussion (ibid.) ; — proposition par le même d'un dernier article relatif à la situation des commis supprimés (ibid.); — ajournement (ibid.).
(p. 87). — Sa lettre sur la franchise des ports de lettres pour les corps administratifs (p. 184). — Adresse le compte général des recettes et des dépenses de l'Etat depuis le 1er mai 1789 jusqu'au 30 avril 1790 (p. 230); — texte de ce mémoire (p. 249 et suiv.). — Autres mémoires sur l'état des finances considéré au point de vue des décrets rendus (p. 343 et suiv.), — sur les prétendus payements faits au comte d'Artois (p. 487 et suiv.).
modifié (ibid.) ; — adoption sans discussion des art. 24-27 (ibid. et p. suiv.); — discussion du troisième projet do décret sur les pensions (relatif à leur suppre-sion); —art. I°r: Sinéty, Camus, de Virieu,Camus, de Virieu, Dupont (de Nemours), Fréteau, de La Galisson-nière, Prieur (ibid. p. 137 et suiv.) —Adoption d'un projet de décret formé de plusieurs amendements fondus ensemble et portant : Ie que les pensions, dons, traitements, etc., existant au le* janvier 1790 ou accordés depuis cette époque sont supprimés; 2» qu'il sera procédé à une création nouvelle de pensions; 3»que, par provision, tous les ci-devant pensionnaires seront payés des arrérages de la présente année de leurs pensions, si elles ne sont que de 600 livres et au-dessous (ibid. p. 139). — Adoption d'un projet de décret, présenté par Camus, au ncm du comité des pensions, portant qu'il ne sera payé par les administrations municipales et autres aucune pension au-delà de 600 livres (23 juillet, p. 300); — Présentation par le même, au nom des trois comités réunis, de la marine, des pensions et militaire, d'un décret sur le mode de rétablissement des pensions supprimées (26 juillet, p.348 et suiv.);—discussion : Martineau, Camus, de Foucault, Camus, de Foucault (ibid.j).350); — adoption de l'art. l6r (ibid.) ; — art. 2 : d'Elbecq, de Toustain, de Neuville, de Custine, d'Ambly, de Foucault, Dubois de Crancé, de Toulouse-Lautrec (ibid. et p. suiv.); — adoption de l'art, amendé (ibid. p. 351); — adoption sans discussion des art. 3 et 4 (ibid.): — art. 5 : d'Estourmel, de Murinais, Camus, Dubois de Crancé, Fréteau (ibid. et p. suiv.) ;— adoption de l'article amendé (ibib. p. 352);— adoption sans discussion de l'art. 6. (ibid.); — art. 7 : Delley d'Agier (ibid.); — adoption de l'art, amendé (ibid. et p. suiv.); — art. 8 : Delley d'Agier (ibid. p. 353) ; — adoption de l'art, amendé (ibid.); — adoption sans discussion des art. 9, 10 et 11 (ibid.); — art. 12: Lanjuinais, Garat aîné, Tuaut, Delley d'Agier (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; — adoption des art. 13 à 17 (ibid. et p. suiv.) ; — décret confirmatif des exceptions provisoirement votées (ibid. p. 354); — proposition par Camus d'une addition à l'art. 7 (27 juillet, p. 379) ; — ajournée à la séance suivante (ibid.); — Camus lit une nouvelle rédaction de l'art. 1 (31 juillet, p. 442) ; — art. additionnels proposés : art. 1 à 3 adoptés sans discussion (ibid.); — art. 4 : de Montcalm, Camus, Fréteau, abbé Gouttes, Camus, (ibid. et p. suiv.); — adoption (ibid. p. 443); — art 5 adopté sans discussion (ibid.); — art. 6 : Fréteau, Camus, de Montcalm, de Noailles (ibid.); — adoption (ibid. et p. suiv.); — art. 7 adopté sans discussion (ibid. p. 444); — additions proposées : Wimpffen, Delley d'Agier, Camus, Dupont (de Nemours), Gaultier de Biauzat (ibid.) ;— renvoi au comité des pensions (ibid.) ; —- adoption d'un article particulier présenté par Camus relativement aux pensions établies sur la caisse de l'ancienne administration du clergé (ibid.). — ltapport par La Béveillère de Lépeaux sur les règles à observer pour la distribution des pensions et gratifications aux gens de lettres, savants et artistes (31 juillet, p. 444 et suiv.) ; —projet de loi (ibid. p. 445) ; — discussion : d'Élbecq, Blin, Martineau, Duquesnoy, Martineau, Camus, Fréteau (ibid. et p. suiv.) ; — adoption (ibid. p. 446). — Décrets sur les pensions mis dans leur ordre rationnel (3 août, p. 572 et suiv.); — article additionnel proposé parDupont (de Nemours) (ibid.); — rejet (ibid.). —Décret voté, sur la proposition de Camus, réglant le payement des arrérages dus aux pensionnaires (7 août, p. 650).
naux appelables les uns des autres (ibid. et p. suiv.).— Suite de la discussion sur l'ordre judiciaire ; titre III, art. I" : Thouret, Martineau, Mougins de Roquefort, Chabroud, Malès (27 juillet, p. 381 et suiv.) ; — adoption (ibid. p. 382) ; — adoption, sans discussion, des art.2à 7 (ibid.);—titre IV (l'art .l'T a été adopté le 23 juillet, ainsi gue l'art. 2); — incident sur un art. additionnel : Chabroud, Régnier, de Lachèze, Chabroud, Prieur, Régnier, Brillat-Savarin, Chabroud (ibid.); — ajournement (ibid.); — discussion de cet art. additionnel : Chabroud, Goupil (3 août, p. 580 et suiv.); — rejet de l'art, additionnel (ibid. p. 581); — art. 3: Brillat-Savarin, Mougins, Delley d'Agier, Rewbell, Prieur, Régnier (ibid.); — adoption (ibid.); — adoption, sans discussion, des art. 4 à 8 (ibid.); — art. 9 : de Saint-Martin, Chabroud, Legrand, Cochard, Delley d'Agier, Martineau, Chabroud (ibid. et p. suiv.) ; — renvoi au comité de Constitution (ibid. p. 582); — Thouret propose de revenir sur ce renvoi et présente une nouvelle rédaction, combattue par Moreau, mais votée (ibid.) ; — adoption, sans discussion, des art. 10 à 13 (ibid.);— art. 14 (ancien art. 8) : Thouret, Dufraisse-Duchey, Chabroud, Moreau, Brillat-Savarin, Martineau, Loys, Thouret (4 août, p. 606); — adoption de l'art, amendé (ibid.) ; — art. 15 (ancien art. 9) : Chabroud (ibid.) ;— adoption avec amendement (ibid. et p. suiv.) ; — litre V, questions préliminaires : Thouret, Regnaud (de Saint-Jean d'Angély) (ibid. p. 607); —l'Assemblée décide que les juges de district seront élus par les électeurs de district, et que les électeurs devenus administrateurs pourront, en leur qualité d'électeurs, concourir à l'élection des juges (ibid.) ; —adoption, sans discussion, des art. 1 à 4 (ibid.); — titre VI: adoption, sans discussion, des art. 1 â 6 (ibid. et p. suiv.); — titre VII, exposé des motifs par Thouret (ibid. p. 608 et suiv.); — discussion : Dufraisse-Duchey, Chabroud, Thouret, Duquesnoy, Pison du Galland, Chabroud, Barnave, Garat aîné, Mirabeau aîné, Thouret, abbé Maury (ibid. p. 611 et suiv.); —ajournement (ibid. p. 612); — titre VIII, art. Ier : Lanjuinais, Chabroud, Thouret, Chabroud, Prieur, Garat aîné, Thévenot, Rewbell, Duport, Coroller, Thouret, Mougins (ibid. et p. suiv.) ; — adoption (ibid. p. 613) ; art. 2 : Lanjuinais, Martineau (5 août, p-. 616); — adoption de l'art, amendé (ibid.); — art. 3 : Lanjuinais, Mougins (ibid.) ; — adoption de l'art, amendé (ibid.); — adoption, sans discussion, des art. 4 et 5 (ibid.); — titre IX, exposé des motifs par Thouret (ibid.); — motion de Gossin concluant au divorce (ibid. et p. suiv.); — discussion : Brillat-Savarin, Lanjuinais, Prugnon, Chabroud, Thouret (ibid. p. 618);— adoption des art. 1 et 2 (ibid.); — amendement de Lanjuinais adopté et reporté aux articles réglementaires (ibid.); — art. 3 : Thouret, Lanjuinais, de Lachèze, Thouret, Brillat-Savarin, Le Bois-Desguays, Gaultier de Biauzat, Martineau, Buzot, Duquesnoy, Gaultier de Biauzat, Devillas, Thouret (ibid. p. 619) ; — adoption de l'art. amendé (ibid. p. 620) ; — art. 4 : Gaultier de Biauzatf Thouret, Brunet, Mougins (ibid.); adoption de l'art, amendé (ibid.) ; — adoption, sans discussion, des art. 5 à 11 (ibid.); — art. 12 : Lanjuinais, Audier-Massillon, de Folleville, Thévenot, Lavenue, Robespierre (ibid. et p. suiv.); — adoption de l'art, amendé (ibid. p. 621) ; — adoption de l'art. 13, sans discussion (ibid.); — art. 14 : Le Chapelier, Lanjuinais, i Barnave, Loys, Thouret, Le Chapelier (ibid. et p. suiv.); — adoption de l'art, amendé (ibid. p. 622) ; — reprise de la discussion sur le titre VII : Briois de Beaumetz, de Menonville, Thouret, Goupil, Mougins, Brevet, Drévon, Pezous (9 août, p. 664 et suiv.); — Briois de Beaumetz, Le Pelletier de Saiut-Fargeau, Brillat-Savarin, Robespierre, Barrère (ibid. p. 669 et suiv.); — opinion, non prononcée, de Pezous (p 673 et suiv.); — suite de la discussion : Bouchotte, Chabroud, Duport, abbé Maury, Thouret, Goupil, Despatys, de Folleville, Barnave, Briois de Beaumetz, Le Chapelier, Le Pelletier, Pison, Fréteau, Prieur, de Virieu (ibid. p. 696et suiv.); — l'Assemblée décide que l'accusation publique ne sera pas confiée aux commissaires du roi et que les comités réunis de Constitution et de j urispru-dence criminelle seront chargés de présenter la forme de l'accusation publique (ibid. p. 703); — titre VII,
art. 1er : adopté sans discussion (11 août, p. 720); — art. 2 :
ajournement de la seconde partie de cet art. sur la demande de Martineau (ibid.)-, — adoption
de la lro partie (ibid.);— art. 3 : adoption avec amendement de Pezous (ibid.); — art. 4,
nouvelle rédaction : Brillat-Savarin, Thouret (ibid.) ; — ajournement d'un amendement de
Brillat-Savarin (ibid.); — adoption de l'art, (ibid.) ; — adoption des art. 5 et 6 (ibid. et
p. suiv.); — art. 7 : Lanjuinais, Chabroud (ibid. p. 721); — adoption (ibid.); — (titre VIII:
voir séance du 4 août). — Titre IX, art. 15 : adoption sans discussion (ibid.); — art. 16 :
adoption avec amende-dement de Loys (ibid.); — ajournement des titres X et XI (ibid.) ; —
titre XII, art. 1er : adoption de cet art. avec amendement de Lanjuinais (ibid.) ; — art. 2 :
Lachèze, Thouret, Chabroud, Vignon, Roussillon (ibid. p. 722) ; — adoption de la première
partie de l'art, et ajournement de la seconde (ibid.); — adoption sans discussion des art. 3
et 4 (ibid. et p. suiv.); — art. 5 : Lanjuinais, Thouret (ibid., p. 723) ; — adoption de
l'art, amendé (ibid.); — art. 6 : Roussillon (ibid.): — adoption (ibid.) ; — art. 7 : Vignoû
(ibid.); — adoption de l'art, amendé (ibid.) ; — art. 8 : Moreau, Le Bois-Desguays, Legendre,
Thouret (ibid.) ; —adoption, sans discussion, des art. 9 à 13. (ibid.); — renvoi au comité de
Constitution d'une disposition additionnelle, proposée par Alquier (ibid.) ; — rejet d'une
autre proposition de Folleville (ibid. et p. suiv.) ; — art. 14, présenté par Thouret (ibid.
p. 724) ; — renvoi au comité de Constitution à la demande de Brillat-Savarin (ibid.) ; — titre
XI : adoption sans discussion des art. 1 à 3 (ibid.); — art. 4 : adoption (ibid.); — art. 5 :
Mougins, Duport, Martineau, Blin, Le Pelletier, Moreau, Duport, Lanjuinais, Rewbell (ibid. et
p. suiv.); — adoption de l'art, amendé (ibid. p. 725); — adoption d'un article additionnel
présenté par Lanjuinais et devenant l'art. 6 (ibid.) ; — adoption de l'ancien art. 6 devenant
l'art. 7 et dernier (ibid.). — Titre X : Thouret, Gossin, Régnier, Prugnon, Thouret, Defermon,
Duport, Thouret, Merlin (12 août, p. 736 et suiv.); — adoption de l'article 1er proposé par
Duport (ibid.).
l'étranger Cp. 395). — Propose la répression des écrits incendiaires (p. 435 et suiv.), — la création d'un jury pour en connaître (p. 486).
Ramel-Nogaret, député du tiers état de la sénéchaussée de Carcassonne. Parle sur le pouvoir judiciaire (t. XVII, p. 70).
de Lameth, Dupont (de Nemours) (ibid. p. 413); — ajournement d'une motion de Charles de Lameth tendant à envoyer en Angleterre une adresse aux Amis delà Révolution (ibid.); — adoption (ibid.).— Adresse du club de Dundée en Ecosse (31 juillet, p. 451 et suiv.); — inscription au procès-verbal et réponse du Président (ibid. p. 452).
(t. XVII, p. 16), — sur un incident relatif au vote de l'art. 2 de ce projet (p. 40), — sur les billets à donner aux fédérés (ibid.), — sur les postes (p. 48),— sur une question de règlement (p. 96), — sur le commerce de l'Inde (p. 200), — sur l'ordre de la discussion relativement au passage des Autrichiens en France et au manifeste du prince de Condé (p. 392), — sur les écrits incendiaires (p. 510), —sur une motion concernant les journées des 5 et 6 octobre 1789 (p. 657).
— Nouvelle communication du Président au sujet do la distribution des billets (ibid. p. 40); — discussion : Arthur Dillon, de Foucault, de Noailles, Roederer (ibid.)]—dispositions complémentaires (ibid.), (20 juillet, p. 214).
de Marseille. Parle sur les pensions (t. XVII, p. 137), — sur l'armée (p. 499),
officier porteur d'un libelle (p. 719). — Est déchargé de l'accusation portée contre lui (p. 728).
Regnaud (de Saint-Jean d'Angély) (ibid.). — Rapport par de Broglie sur les troubles d'Orange et d'Avignon (ibid. p. 139); — projet de décret (ibid.).— Rapport pour Chabroud sur ae nouveaux troubles à Lyon pour les entrées (17 juillet, p. 165) ; — projet ae decret confirmant celui du 13 juillet (ibid. et p. suiv.); — discussion : Moreau, Martineau, abbé Mayet, Périsse (ibid. p. 166) ; — adoption (ibid.). — Discussion de l'affaire d'Orange : de Broglie, Bouche, abbé Maury, de Clermont-Lodève, Malouet, abbé Maury, de Broglie, de Crillon jeune, de Clermont-Lodève, abbé Poulie (17 juillet, p. 176 et suiv.); — nomination d'un comité de 6 membres (ibid. p. 179).— Rapport par Vieillard sur des troubles survenus à Soissons au sujet de la fixation du prix du pain (20 juillet, p. 213) ; — discussion : Brocheton, Robespierre, Brocheton, Voidel, Loys, Chabroud, Regnaud (de Saint-Jean d'Angély), Mougins, Bout-teville-Dumetz (ibid. et p. suiv.) ; — renvoi au comité de Constitution (ibid. p. 214). —Débat préliminaire sur les troubles de Montauban : de Cazalès, Robespierre, abbé Gouttes, Legrand, de Lachèze, le Président (par intérim : de Menou), de Cazalès (22 juillet, p. 272 et suiv.) ; — rapport par Vieillard (ibid. p. 273 et suiv.) ; — Virieu demande la production de l'original des pièces citées (ibid. p. 291). — Faydel proteste contre l'esprit du rapport (ibid.). — Bouche réclame l'exécution du décret portant envoi de troupes à Orange (24 juillet, p. 316); — discussion: Rewbell, Bouche (ibid.) ; — adoption de la motion (ibid.). — Adresse justificative du maire et des officiers municipaux de Montauban (ibid. p. 321) ;— l'Assemblée décide qu'ils seront entendus ainsi que la garde nationale Montalbanaise (ibid.) ; — discours de Lade, procureur de la commune de Montauban (26 juillet, p. 360 et suiv.); — discours de Combes-Dounous, un des députés de la garde nationale de cette ville (ibid. p. 371) ; — réponse de Menou, président intérimaire (ibid. p. 371 et suiv.);— discussion : Malouet, de Cazalès, de Murinais, Faydel, Barnave (ibid, p. 372) ; — protestation de la municipalité de Montauban (ibia. p. 373) ; — amendement proposé par Roussillon (ibid. p. 373) ;— décret annulant l'information commencée, qu'il sera informé devant les officiers municipaux, etc. (ibid.) ; — Faydel propose de joindre aux pièces concernant Toulouse l'adresse dans laquelle la municipalité de cette ville demande la punition des municipaux de Montauban (27 juillet, p. 379) ; — ordre du jour (ibid.). — Adresse de la communauté de Villeneuve-lès-Avignon au sujet des imputations dirigées contre elle par Bouche à propos de l'affaire d'Avignon (29 juillet, p. 423 et suiv.). — Compte rendu par Millanois de nouveaux troubles survenus à Lyon (30 juillet, p. 436 et suiv.) ; — renvoi des pièces au comité des recherches, sur la demande do Voidel (ibid. p. 437). — Rapport par Voidel sur des troubles survenus au village ae Pennautier, département de l'Aude, à propos de la circulation des grains (3 août, p. 585) ; — l'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la demande de Lachèze (ibid.). —Motion de Le Chapelier tendant à la suppression de la procédure criminelle commencée contre les excès commis en Bretagne par les paysans (5 août, p. 622 et suiv.); discussion: Malès, Rewbell (ibid. p. 623) ; — adoption (ibid). — Motion de Mougins de Roquefort relative à des poursuites dirigées contre les Habitants de Cabris (Var) (7 août, p. 650); — décret (ibid.). — Tronehet demande l'adjonction de quatre nouveaux membres au comité enargé de l'affaire d'Avignon (7 août, p. 651) ; — discussion : Malouet, Mirabeau aîné (ibid.) ; — adoption (ibid.). — Détails donnés par Noailles sur les troubles qui so sont produits dans le Gâtinais (8 août, p. 658 et suiv.). —Regnaud (de Saint-Jean d'Angély) demande l'annulation de la sentence rendue contre les habitants de plusieurs villages des environs de Fontenay-le-Comte, au sujet de troubles produits par une disette de grains (9 août, p. 663) ; — renvoi au comité des rapports sur la demande de Moreau (de Tours) (ibid.). — Troubles à Schlestadt : l'abbé Gouttes, appuyé par Rewbell et Lavie, réclame le rapport du comité des recherches (10 août, p. 694) ; — ajournement au surlendemain (ibid.). — Admission à la barre d'une députation ou régiment de Languedoc demandant la révocation
du décret ordonnant le remplacement de ce régiment à Montauban (ibid. p. 707 et suiv.) ;—renvoi de cette pétition au comité des rapports (ibid. p. 708). — Rapport par Varin, au nom du comité des rapports, sur l'affaire de Toulouse-Lautrec (11 août, p. 726 et suiv.) ; — décret qu'il n'y a lieu à accusation contre lui (ibid. p. 728).
— Fait un rapport sur les troubles de Montauban (p. 291). — Pose une question au sujet de l'affectation des établissements religieux (p. 320 et suiv.).
fin de la table alphabétique et analytique du tome xvii.
Paris. — Imprimerie PAUL DUPONT, 41, rue Jean-Jacques-Rousseau ;16.1.84).