Compiled from ARCHIVES PARLEMENTAIRES documents.
ARCHIVES PARLEMENTAIRES
Société d'Imprimerie PAUL DUPONT. Paris, 4, rue du Bouloi (Cl.) 154.5.91.
ARCHIVES PARLEMENTAIRES DE 1787 A 1860
RECUEIL COMPLET DES DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES IMPRIMÉ PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS sous la direction de M. J. MAVIDAL CHEF DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE L'EXPÉDITION DES LOIS, DES PÉTITIONS, DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DEPUTES ET DE M. E. LAURENT BIBLIOTHÉCAIRE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS AVEC LA COLLABORATION DE MM. E. TONNIER ET C. PIONNIER
PREMIÈRE SÉRIE (1787 à 1799)
TOME XXXVI DU 11 DÉCEMBRE 1791 AU ler JANVIER 1792.
PARIS SOCIÉTÉ D'IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE ADMINISTRATIVES ET DES CHEMINS DE FER PAUL DUPONT 4, RUE DU BOULOI, 4
1891
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
,secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 10 décembre 1791, au matin.
, Un de MM. les secrétaires donné lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Pétition des avoués du tribunal du district de Chartres, par laquelle ils dénoncent à l'Assemblée nationale certains membres des corps administratifs qui se permettent d'exercer en même temps et les fonctions d'avoués et celles d'administrateurs ; ils sollicitent un décret qui déclare ces fonctions incompatibles.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de législation.)
2 "Pétition de Bar thélemi Tible, marinier du bourg de la Flotte, par laquelle il demande d'être autorisé à former un tribunal de famille, pour le consulter sur un mariage projeté dès longtemps du consentement de son père, et que son père ne veut plus permettre aujourd'hui qu'il est devenu nécessaire.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
L'Assemblée ne peut se dispenser de renvoyer cette pétition au comité de législation.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de législation,)
^ 3° Adresse des citoyens de la section de la Fontaine de Grenelle qui réclament contre la pétition faite au roi par les membres du directoire du département de Paris : cette adresse est ainsi conçue :
« Les élus du peuple ont prié le roi d'apposer son veto sur la plus sage et la plus nécessaire de vos lois. Nommés par leurs concitoyens dont ils méconnaissent les sentiments, prétendaient-ils en être les organes? Non, Messieurs, car ils veulent être esclaves, et nous voulons être libres. Représentants de la nation, vous êtes dépositaires
de sa volonté. La Constitution a seule droit à notre respect, vos lois à notre obéissance. Quand votre sagesse les décrète, nos cœurs sont prêts à s'ouvrir pour les recevoir et nos bras s'arment pour les défendre. » (Vifs applaudissements.)
(Suivent quatre pages de signatures.)
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !
Dyautres membres : L'insertion au procès-verbal et l'envoi aux 83 départements !
Autant j'ai appuyé la mention honorable de tous les objets constitutionnels, autant je crois apercevoir des objets ihconstitutionnels dans celle-ci. (Rires.)
Assurément, Messieurs, vous reconnaissez que lorsque nous faisons des décrets qui sont sujets à la sanction, ces décrets ne peuvent porter le nom de loi tant qu'ils n'ont pas été sanctionnés. La Constitution serait renversée, si on se permettait d'oublier ce principe sacré. Or, le mot loi est employé dans l'adresse. Je demande donc qu'il soit supprimé si l'on veut en faire mention honorable. Voilà mon opinion.
Plusieurs membres : C'est juste !
Pour concilier tous les esprits, on peut, en faisant mention honorable de 1 adresse, mettre dans le procès-verbal « sans approuver le mot loi qui est inconstitutionnel. » (Murmures.)
L'opinion seule de M. Ghéron est inconstitutionnelle. Par l'article 1er de la section relative aux pouvoirs et fonctions de l'Assemblée nationale législative, la Constitution délègue exclusivement au Corps législatif le pouvoir de proposer et de décréter les lois. Les décrets rendus par le Corps législatif sont donc véritablement des lois décrétées. L'article 6 de la section III sur la sanction royale ajoute que les décrets sanctionnés par le roi et ceux qui lui auront été présentés par trois législatures consécutives, ont force de loi et portent le nom et l'intitulé de lois. Cela veut dire que, pour que les décrets aient force de loi, il faut, ou qu'ils obtiennent la sanction, ou qu'ils aient été présentés par trois législatures. Mais cela n'empeche pas qu'ils ne soient des lois. Le roi a seulement le droit de suspendre l'exécution de la loi, mais elle est faite par le Corps législatif. Je demande donc l'ordre du jour sur la motion de M. Ghéron.
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Chéron et décrète la mention honorable du procès-verbal de l'adresse des citoyens de la section de la Fontaine de Grenelle.)
M. le secrétaire, continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :
4° Adresse de plusieurs citoyens de Pontoise qui s'élèvent contre les conseillers perfides qui ont déterminé le roi à apposer son veto sur le décret contre les émigrants rassemblés sur les frontières et contre la proclamation qui l'a suivi. Ils regarderont ce décret comme une loi, malgré ce veto constitutionnel qui l'a paralysé. (Murmures.) Dans toutes les circonstances, ils se serreront contre l'Assemblée nationale : rien ne pourra les en séparer, ni les rendre parjures au serment qu'ils ont fait de vivre libres ou de mourir.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
5* Pétition de la municipalité de Riom dans laquelle elle expose qu'il fut établi sur son territoire. en 1772, un hôtel des monnaies qui a été supprimé en 1786 ; elle en sollicite le rétablissement, ne fut-ce que pour le battage des monnaies de billon.
(L'Assemblée renvoie cette demande au comité des assignats et monnaies.)
6° Pétition du Directoire du département du Cher par laquelle, après avoir exposé que M. Le-sage, directeur d'une manufacture de toiles peintes, habitant la ville de Bourges, ayant demandé qu'on lui continue une gratification de 15,000 livres, dont il a joui jusqu'à ce jour, il demande qu'une partie ae cette somme soit employée à aonner des encouragements à une autre manufacture que celle du sieur Lesage.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de commerce.)
7° Pétition de la municipalité de Quimperlé qui, privée dés revenus dontelle jouissait avant la Révolution par le produit des octrois supprimés, demande qu'il lui soit permis d'appliquer à la liquidation de ses dettes le seizième du prix de revente des domaines nationaux par elle acquis, conformément au décret du 5 août dernier.
(L'Assemblée renvoie cette demande au comité de l'extraordinaire des finances.)
8"Pétition des citoyens autrefois employés à la régie des charbons à Paris, qui se plaignent de ce que les décrets qui attribuent aux employés supprimés les emplois de nouvelle création en dédommagement de ceux qu'ils ont perdus, ne sont pas exécutés. « Us en est, disent-ils, de ces lois, comme de beaucoup d'autres, elles restent impuissantes dans les mains des agents du pouvoir exécutif, elles sont anéanties et comme non-avenues. »
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des pétitions.)
9° Pétition de François-Etienne Garent, habitant ie la ville de Tours, qui expose que dans un mouvement populaire, occasionné par l'ouverture de l'église des ci-devant Gordeliers de Tours, on parcourut toutes les dépendances du couvent et que l'on pénétra jusque dans le logement que la municipalité avait permis qu'il y occupât, qu'il a beaucoup perdu dans cette occasion, et qu'il attend de 1 Assemblée nationale quelque dédommagement à cette perte.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des pétitions.)
10° Adresse de plusieurs citoyens de la section des Enfants-Rouges, qui viennent remercier l'Assemblée du décret qu'elle a rendu lé 29 novembre dernier concernait les troubles religieux ; cette adresse est ainsi' conçue :
« Messieurs,
« Les citoyens actifs, soussignés, tous domiciliés dans 1 étendue de la section des Enfants-Rouges, persuadés que les troubles affreux excités par le fanatisme, ne sont que le prélude d'une contre-révolution, en faveur de laquelle lesf mauvais citoyens invoquent tous les crimes ; convaincus de la nécessité urgente qu'il y avait de remédier à des maux qu'une trop longue in- . dulgence n'avait fait qu'augmenter, viennent se féliciter, au milieu de vous, de la sagesse, de la justice du décret que vous avez rendu le 29 novembre dernier contre les prêtres réfractâires, auteurs et complices de ces troubles.
« Amis de la paix, mais non moins amis des mesures vigoureuses, qui seule peuvent la maintenir, particulièrement dans les circonstances critiques où la France se trouve, ils regardent comme un véritable cri de guerre tous les discours, toutes les tentatives qui pourraient tendre à affaiblir le respect que la loi et plus encore leurs cœurs commandent a tous les bons Français envers le Corps législatif ; les citoyens domiciliés dans l'étendue de la section des Enfants-Rouges, viennent, en leurs noms, démentir toutes les démarches qui auraient un but contraire ; toutes celles surtout qui, comme la pétition, signée de la presque totalité des membres du directoire du département de Paris, faites en apparence individuellement, deviendraient cependant collectives dans leur effet, par les soins qu'auraient pris les signataires de revêtir leurs signatures ae titres qui leur auraient été donnés par la loi, mais dont ils se seraient servis pour la détruire.
« Les citoyens soussignés vous offrent l'assurance de leur dévouement entier à vos décrets, à vos personnes ; et si par un malheur, dont ils ne prévoient pas la possibilité, les coups que vous portent les ennemis de l'Etat parvenaient jusqu'à vous, ils se réuniraient autour du sanctuaire de la liberté, et leurs corps vous serviraient de défense et de rempart. » (Applaudissements.)
* (Suivent les signatures.)
(L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable.)
11 "Pétition du sieur Jean-Baptiste Lemattrequi sollicite de l'Assemblée la liquidation d'une rente qu'il a sur l'Etat.
- (L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
12. Pétition du sieur Gousseaux, ci-devant entreposeur de tabac à Vervins, qui demanda de par^ ticiper aux secours accordes aux employés par la loi du 20 mars.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
13° Adresse des administrateurs du département du Cher qui mettent sous les yeux de l'Assemblée nationale deux arrêtés, que des circonstances difficiles les oiit forcés de prendre. Ils sont les premiers à reconnaître que ces arrêtés, qui ne sont pas contraires aux décrets, n'y sont
pourtant pas conformes; si leur conduite est approuvée, ils n'auront rien à désirer. .
(L'Assemblée, ordonne qu'il sera fait mention honorable dé cette adresse au procès-verbal et charge son comité de l'ordinaire des finances de l'examen des deux arrêtés.)
14° Pétition de Jean-Baptiste Faget, ancien brigadier de maréchaussée, gui ayant 41 ans de service et se trouvant réduit à une pension de 160 livres. réclame une augmentation de traitement.
(L Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
Un membre du comité militaire : Je prie l'Assemblée d'ordonner que le rapport concernant les Invalides lui sera fait samedi prochain dans la séance du soir.
- (L'Assemblée adopte cette motion.)
15° Adresse des nouveaux officiers municipaux de la ville de Versailles, qui se plaignent de ce que les anciens officiers municipaux se perpétuent dans leurs fonctions au mépris des lois, et de ce que les corps administratifs les y maintiennent; cette adresse est ainsi conçue :
« Législateurs,
« Nous vous prions de mettre un terme à la dictature d'une municipalité qui se perpétue sans aucune raison, pour refuser l'exercice de ses fonctions à ceux que le suffrage de tous leurs concitoyens appelle à les remplir, et d'annuler la décision d'un corps administratif qui transgresse évidemment les principes.
« Nommés officiers municipaux de la ville de Versailles, et proclamés comme tels depuis 28 jours, nous nous sommes présentés hier à la municipalité, et l'avons sommée de recevoir notre serment, en lui observant que le vœu de la loi était la prompte transmission des fonctions et des places aux nouveaux élus. Nous n'avons pas été peu surpris de nous voir opposer un arrêté du directoire au département de Seine-et-Oise, portant que nos nominations ayant été contestées par la quatrième section qui s'était rendue opposante à notre installation, les parties sont remises en l'état où elles étaient le 3 du présent mois, lors de la réclamation de la quatrième section. >
{Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : Le renvoi au pouvoir exécutif!
ffautres membres : Non, au comité de division !
Messieurs, il est démon devoir de vous instruire de la véritable cause des obstacles multipliés que l'ancienne municipalité de Versailles et le directoire du département opposent à l'installation des nouveaux officiers municipaux de cette ville.
L'ancienne municipalité, Messieurs, n'a jamais été dans le sens de la Révolution : les nouveaux officiers municipaux, au contraire, en ont toujours été les plus ardents défenseurs.
Les nouveaux officiers municipaux seront à gortée de connaître les trames ourdies contre la onstitution, ils auront le courage de déjouer les complots, que les anciens n'ont que trop favorisés ; en un mot, Messieurs, l'ancienne municipalité de Versailles, si bien dépeinte par Mirabeau, n'a pas changé de caractère; elle est fâchée de quitter la rame, sans être arrivée au port de la contre-révolution.
La loi toujours prévoyante a fixé la durée des pouvoirs, parce que leur trop longue prolonga-
tion est la source des abus : elle a ordonné, en termes positifs que, l'exercice provisoire demeurât à ceux dont l'élection serait même attaquée pour éviter que des c^içanes adroitement suscitées perpétuassent les fonctions et ne. les fissent dégénérer en dictature,. ,
si les anciens ôfficiërs municipaux ne quittent pas leurs fonctions, c'est quie, toujours fidèles à leurs principes, ils veulent suivre leurs projets contre la patrie.
Ne balancez donc pas, Messieurs, à ordonner l'exécution de cette loi, à rappeler à l'ordre un directoire aussi connu par ses injustices que par l'absurdité de ses contradictions.
Faites enfin, Messieurs, rentrer dans la classe de citoyens, des municipaux sans pudeur, qui sacrifient à leur ambition les intérêts de leurs commettants, et qui ne cherchent que le désordre, la confusion et l'anarchie; que le.choix du peuple soit respecté; que ceux qu il a honorés de sa confiance soient admis à la justifier. C'est le vœu de la loi, c'est celui de . tous les bons ci-r toyens de Versailles \ ce doit être aussi le vôtre, Messieurs. En rendant hommage aux principes, vous ramenez Tordre, la paix et l'union dans une ville dont le patriotisme toujours croissant est un phénomène aux yeux de ceux qui comptent l'or pour tout et la liberté pour rien.
Je demande donc que la pétition et les pièces qui y sont jointes soient renvoyées au comité de division, qui en fera son rapport à la séance de demain.
Je taxe le préopinant de calomniateur et jé l'accuse devant la France entière. Je demande le renvoi de toutes lés pièces au comité de division, parce que ie veux et je m'engage à prouver que ce qu il dit est une calomnie. (Murmures et exclamations à gauche.)
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre ! L'inscription au procès-verbal !
Je ne crois pas qu'un membre de l'Assemblée puisse se permettre de déclarer son collègue, de son autorité privée, calomniateur en présence de la France.
Je demande que M. Lecointre dépose sur le bureau la pièce originale contenant ce qu'il vient de dire.
M. Lecointre a articulé dés faits; c'est à l'Assemblée d'examiner s'ils sont vrais ou faux. Mais quand même ces faits seraient faux, on ne poufrait en induire qu'il est un calomniateur, parce qu'il peut avoir été trompé par de faux rapports. Si tous les membres qui montent à la tribune sont exposés à de pareilles apostrophes, adieu la liberté des opinions, adieu l'Assemblée nationale.
M. Ghéron a fait une dénonciation comme un autre.
Je conclus à ce que M. Ghéron qui avait le droit de répondre à son collègue, soit rappelé à l'ordre pour l'avoir appelé calomniateur. Je demande qu'il y soit rappelé au noift de l'Assemblée. {Applaudissements à gauche.)
Il est impossible de tolérer... {Murmures à droite.) Vous ne pouvez pas dire que c'est une calomnie que M. Lecointre a dit à la tribune nationale; car un calomniateur est un homme qui énonce sciemment un fait faux. Il faudrait pour cela que vous eussiez le secret du cœur de M. Lecointre, et vous ne l'avez pas.
J'appuie donc la motion de M. Delacroix; il est de la plus haute importance de maintenir l'ordre de la délibération et la liberté des suffrages.
Plusieurs membres : À l'ordre ! à l'ordre M. Ché-ron !
J'insiste pour qu'à l'instant mêmç M. Lecointre, dépose sur le bureau les preuves de ses inculpations; je me charge d'y répondre victorieusement.
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Il est étonnant que l'on exige qu'un membre dépose son mémoire sur le bureau, quand on ne l'a pas exigé du ministre de la marine.
Un membre : Je demande la parole pour rendre compte des faits. Il est question ae savoir si l'on peut retarder l'installation de la municipalité;.. (De nombreux cris : A l'ordre! couvrent la voix de Vorateur.)
Je consens d'être rappelé à l'ordre; mais il serait injuste de ne pas exiger le dépôt des pièces sur le Dur eau.
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
J'offre de prouver tout ce que j'ai avancé.
Aux voix la proposition de rappeler M. Chéron à l'ordre!
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'elle ne passera pas à l'ordre du jour et que M. Chéron sera rappelé à l'ordre (Applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : L'insertion du nom de M. Chéron dans le procès-verbal.
D'autres membres : La question préalable !
Motivez-la!
M. Delacroix demande que l'on motive la question préalable; je vais le faire. J'ai été moi-même d'avis que M. Chéron soit rappelé à l'ordre, et je me suis levé pour cela, mais je ne suis pas d'avis que son nom soit inscrit au procès-verbal, parce M. Chéron a dit tout à l'heure lui-même qu'il consentait à être rappelé à l'ordre, et il a reconnu, par là, qu'il pouvait mettre plus de modération dans la manière dont il a parlé de son collègue. L'inscription du nom d'un membre au procès-verbal est une punition que l'Assemblée inflige; ménageons-en l'usage.
J'avoue que je suis douloureusement affecté de voir que, lorsqu'on inflige une punition à un membre de cette Assemblée, cette punition soit accompagnée d'applaudissements nombreux des tribunes, comme si c'était une victoire que l'Assemblée eût remportée, tandis que ce n'est qu'un rappel au respect qu'on lui doit. (Murmures à gauche.) Je pense ne pas plaire à tout le monde en énonçant de pareils principes, mais je déclare que je suis autant éloigné des inculpations qui peuvent être faites à un membre, que je le suis de voir l'Assemblée employer les moyens qu'elle a de ramener l'ordre, sans avoir aucun égard à ce que le membre a dit fout à l'heure. J'insiste donc pour la question préalable.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix la question préalable !
J'appuie la motion de M. Viénot-Vaublanc.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a
pas lieu à délibérer sur la proposition d'inscrire e nom de M. Chéron au procès-verbal.)
A présent, j'insiste pour que la pièce ordinale soit déposée sur le bureau ; c'est une justice.
Plusieurs membres : Monsieur le Président, rappelez donc Monsieur à l'ordre !
Monsieur, au nom de l'Assemblée, je vous rappelle à l'ordre.
Je recois avec résignation la punition que l'Assemblée m'a infligée. J'ai pu m'échapper sur le mot; mais je répète, non pas que M. Lecointre est un calomniateur, mais que les faits allégués contre les officiers municipaux de Versailles sont calomnieux, s'il ne dépose son accusation sur le bureau. {Murmures.)
Eh bien, c'est une nouvelle injure !
(L'Assemblée renvoie l'adresse des nouveaux officiers municipaux de Versailles au comité de division.)
Plusieurs membres : Dépôt de la dénonciation sur le bureau !
D'autres membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.).
M. le secrétaire continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :
16° Adresse des administrateurs du district de Nogaro, qui exposent que leur nombre excède celui qui est fixé par la loi. Les électeurs qui, dans les dernières élections, n'auraient dû nommer que 6 administrateurs, en ont nommé 7, ne voulant pas prononcer eux-mêmes sur cette difficulté, ils en réfèrent à l'Assemblée nationale.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de division.)
17° Lettre de M. Lacornée qui fait hommage à l'Assemblée d'un plan de caisse de commerce. '
(L'Assemblée accepte l'hommage et renvoie l'ouvrage au comité de commerce.)
18° Pétition des habitants de Saint-Martin-lès-Château-Thierry qui demandent le rétablissement de l'ancienne paroisse de Saint-Martin.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de division.)
19° Pétition de M. Romme ayant pour objet la revision du décret du 21 juillet 1791, relatif aux écoles de marine.
(L'Assemblée renvoie cette pétition aux comités de marine et d'instruction publique réunis.)
20° Pétition de M. Pérol, fournisseur de sel en gros au ci-devant dépôt de Riom. Il expose qu'il avait 240 balles de sel dans ses greniers, lorsque la gabelle fut supprimée et ^réclame une indemnité.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'ordinaire des finances.)
21° Lettre de M. Chapsal, de Riom, dans laquelle il expose qu'il était propriétaire d'une rente sur le ci-devant chapitre de Notre-Dame de Martine-ret. Il demande que, par le titre nouveau qui lui sera consenti au nom de la nation, il soit payé de sa rente au denier 25.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)
22° Pétition de Jean Durand, employé des Fermes, dans laquelle il expose son extrême infortune.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours publics.)
23° Pétition du sieur Fleury,incendié, réclamant également des secours.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au pouvoir exécutif.)
24° Adresse de plusieurs citoyens de Paris, delà section de l'Observatoire, qui livrent au mépris public la pétition du directoire du département de Paris et critiquent l'usage que le roi a fait de son droit de veto relativement au décret contre les émi-grants ; cette adresse est ainsi conçue :
« Législateurs, nous venons d'apprendre que les membres composant le directoire du département de Paris ont présenté au roi une proposition pour provoquer son « veto » sur le décret relatif aux prêtres non assermentés. Nous n'examinerons pas si cette pétition anticivique n'est pas une réponse indirecte à la lettre très inconstitutionnelle aux 83 directoires, par le ci-devant ministre de l'intérieur, pour savoir d'eux quelle était l'opinion publique sur les troubles religieux et sur les prêtres non conformistes. Le ministre devait savoir que les directoires sont créés pour administrer et non pour donner le thermomètre de l'opinion publique ; ils sont créés pour faire exécuter la loi,et non pour appeler un « veto » déjà rédouté, d'après l'usage impatriotique que l'on en a vu faire à celui a qui il a été peut-être trop légèrement confié... (Murmures. — Applaudissements dans les tribunes.)... et qui sûrement n'avait pas pour objet les décrets de circonstance, parce qu alors il devient absolu.
«Nous n'examinerons pas si ces administrateurs ministériels peuvent être dénoncés à l'opinion publique pour avoir signé, en qualité d'administrateurs et de président, une pétition qui ne leur est permise què comme simples citoyens ; nous nous contenterons de livrer au mépris public et à l'indignation de tous les gens de bien les hommes assez lâches pour se mettre à l'abri de la loi par une marche oblique et tortueuse.
« Mais, Messieurs, nous venons vous apporter nos remercîments sur un décret qu'a sollicité la tranquillité et le salut de l'Empire. Si huit ministériels, dont le département de Paris, ont osé manifester une opinion contraire à ce décret salutaire, les citoyens de la section de l'Observatoire le soutiendront de toute leur énergie, de leurs bras même, s'il le faut. Comptez que PariSj qui peut se flatter d'avoir commencé la révolution, se piquera de la mener à une fin heureuse. La capitale ne souffrira point qu'on cherche à souiller ou flétrir sa gloire, et ses habitants poursuivront les ennemis de la Constitution en quelque rang qu'ils soient placés, et de quelque masque qu'ils puissent se couvrir. » (Applaudissements.)
(Suivent les signatures, etc.)
, Plusieurs membres à gauche : Mention honorable au procès-verbal !
Un membre : On ne peut pas ordonner qu'il sera fait mention honorable d'une adresse qui dit expressément que le roi a fait un usage impatriotique du droit de veto, qui lui est accordé par la Constitution. Je demande la question préalable.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer.)
Je mets aux voix la mention honorable au procès-verbal.
(Après deux épreuves, 1,'Assemblée décrète qu'il
ne sera point fait mention honorable de l'adresse au procès-verbal) (1).
Quelques-membres : Il y a doute ! L'appel nominal!
D'autres membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
25° Pétition de Hugues Labrousse, citoyen de la ville de Beaulieu, département de la Corrèze, qui expose qu'il a été, pendant 25 ans, chantre-musicien dans le ci-devant chapitre de Beaulieu : réduit à la dernière misère, il demande des secours.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
26° Pétition de Antoine Valon, ancien militaire, décoré de la croix de Saint-Louis, couvert de blessures et colonel de la garde nationale, qui dénonce l'indifférence cruelle que M. Delessart lui a constamment témoignée. Dénué de tout, il implore l'Assemblée nationale, et demande d'être reçu à l'Hôtel des Invalides, ou de jouir du traitement de retraite.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
, au nom du comité de division, fait une seconde lecture du projet de décret (2) relatif à la réunion de plusieurs paroisses de la ville de Gournay et des campagnes environnantes, en une seule paroisse, qui sera desservie dans Véglise de Saint-Hildevert, en conservant comme oratoire l'église des religieuses de Saint-François. Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le compte qui lui a été rendu par son comité de division du royaume, des diverses pétitions des habitants de Saint-Hildevert et de Notre-Dame de la ville de Gournay, "des délibérations et avis du district de Gournay, du département de la Seine-Inférieure, et de l'evêque métropolitain des côtes de la Manche, des 4, 10 et 18 mai et. du 1er juin 1791, et de la délibération de la municipalité de Gournay du 2 dudit mois de juin, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il y aura pour la ville de Gournay et pour les campagnes environnantes, une seule paroisse qui sera desservie sous le nom et dans l'église de Saint-Hildèvert; elle sera formée des deux anciennes paroisses de cette ville et des paroisses de Saint-Aubin et Saint-Clair, ainsi que la partie des Ferrières qui est tracée dans la délibération du directoire du district, du 1er juin dernier.
Art. 2.
« L'église des religieuses de Saint-François sera conservée comme oratoire et chapelle de
secours de la paroisse. Le curé enverra un de ses vicaires dans ladite chapelle leB jours de
fête et dimanches, pour y céléDrer la messe, sans qu'il puisse y être exercé aucunes
fonctions curiales.
« Les revenus et fonds des fabriques des paroisses supprimées par le présent décret, seront réunis et attachés à la paroisse conservée.
(La lecture de ce projet de décret est continuellement interrompue par le bruit. Le calme commence à se rétablir quand la lecture est terminée. On, entend M. Léopold dire: c'est pour l'acquit de ma conscience.)
Si le désordre est à l'ordre " du jour : nous y sommes.
(Le calme se rétablit.)
L'ordre du jour appelle l'admission des pétitionnaires à la barre.
Une députation des citoyens de la paroisse de Villiers-le-Bel est introduite à. la barre.
Plusieurs membres : L'extrait de la pétition!
Messieurs, quel est l'objet de votre pétition"?
, ex-député à VAssemblée constituante, orateur de la aéputation. Monsieur le Président, l'objet de la pétition est de demander une augmentation de gendarmes nationaux, pour le département de Seine-et-Oise, qui, dans ce moment-ci est infesté par des brigands étrangers.
Plusieurs membres : Lisez-la!
, lisant. Messieurs un fléau né de l'anarchie désole une partie de notre département. Des scélérats réunis en troupes, avec des armes, des Chevaux, des voitures, parcourent nos campagnes, dévastent nos habitations et vont cacher et vendre dans les villes le fruit de leurs brigandages. Des mendiants et des vagabonds complices peut-être des ennemis du bien public, la plupart déjà flétris par la justice, exigent avec audace les secours qu'ils doivent attendre de la bienfaisance, portent la terreur dans les asiles qui les reçoivent et y laissent presque toujours les traces du toi et ae la violence. Nos routes sont redoutées des voyageurs, le cultivateur, tremblant pour ses propriétés et pour sa vie, menace d'abandonner ses propriétés et ses travaux ; tous, doutant de la force des lois, ils s'arment pour se défendre; et déjà la vengeance ou une crainte meurtrière ont immolé des victimes que peut-être le glaive de la justice n'aurait pas frappées.
Nous demandons le payement de l'impôt, le contribuable nous demande à son tour la sûreté que la Constitution lui garantit et què lui doivent les lois.
Une suite de faits que nous avons recueillis et rassemblés vous présentera l'ensemble d'un tableau sur lequel nous ne voulons pas arrêter plus longtemps vos regards, et les faits plus éloquents que nos paroles vous diront tout ce que nous avons souffert et tout ce que nous avons encore à redouter dans cette situation effrayante. Nous n'avons point trompé la confiance qui dous a placés à la tête du département, nous avons fait tout ce que prescrit le devoir, tout ce que nous permettent les lois : nous avons déployé toute la sévérité de la force publique, et de la garde nationale; mais cet état, Messieurs, ne saurait être un état permanent, il faut que la .sécurité soit rendue aux campagnes, que le citoyen puisse reposer tranquille et à l'aDri d'une police tutélaire. Sans ce calme heureux il n'est plus qu'un soldat dans un camp.
25 brigades de gendarmerie nationale ont été
assignées dans notre département ; jamais elles ne suffiront pour un territoire aussi étendu que le nôtre. 24 brigades de plus nous seront néces- -saires ; nous vous supplions d'en décréter l'établissement.
Cette force même serait impuissante si son action n'était pas mesurée sur nos besoins, si elle attendait d'un colonel étranger à notre territoire, l'action et le mouvement. Nous ne demandons pas de rompre, de briser les liens, qui en resserrant toutes les parties de la force publique, les pbligent de se donner un mutuel secours; mais il faut que cette dépendance militaire soit dirigée par l'administration, qu'elle soit éclairée, que l'officier fixé dans le sein de son arrondissement ne puisse pas errer dans des courses et des déplacements continuels, que chaque semaine au moins il rende compte aii département, et de ses mouvements, et de ses services, et des aélits commis dans les lieux assignés à sa résidence. Les lois ont déterminé qu'elles étaient les fonctions de la gendarmerie nationale, elles n'ont pas déterminé tout te qu'elle pouvait faire pour les remplir. Elle aura suivi la trace d'un vol, d'un coupable; cette trace l'aura conduite au domicile d'un citoyen; là, ce qu'elle doit à la liberté des citoyens l'arrête, et incertaine de ce qu'elle peut, elle abandonne la trace quelle a suivie, et laisse échapper ou la proie ou le criminel ; nous demandons qu'il soit décrété qu'elle peut, qu'elle doit investir les maisons suspectes. . Nous demandons encore que le citoyen qui sort du territoire de sa commune, que l'étranger qui voyage, soit assujetti dans les circonstances critiques, mais passagères, l'un à présenter un certificat d'inscription sur les registres de sa commune, l'autre à se munir d'un certificat qui justifie sa qualité et sa destination. C'est une entrave sans aoute, mais une entrave qu'exige la sûreté publique, que l'homme honnête adoptera sans regret.
Cette mesure, Messieurs, nous la soumettons à votre sagesse; mais c'est de votre sagesse que nous en attendons de plus efficaces encore.
Messieurs, l'Assemblée nationale partage votre sollicitude et applaudit à votre zèle; elle examinera vos demandes ; elle vous accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée charge le comité militaire et le comité de législation de cette question, chacun en ce qui le concerne.)
aîné, chasseur au régiment de Içi Guadeloupe, est introduit à la barre ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, au service de ma patrie depuis 16 ans dans le régiment de la Guadeloupe, je me suis trouvé à toutes les affaires qui ont eu lieu iusqu*au 28 janvier 1791. J'ai été blessé ce jour-là d'un coup de feu, dont les deux balles mè sont restées ; en voici une à la joue, et l'autre dans la cuisse, qui m'empêche de rien entreprendre. Voici le certificat du médecin de mon régiment, et le cartouche patriotique de 3 citoyens de la ville de Saint-Pierre qui attestent la vérité des faits que j'ai l'honneur de vous exposer. J'ai demandé au ministre de la guerre, M. Duportail, un brevet d'invalide; il me l'a refusé sous prétexte que ma demande n'était pas appuyée d un gouverneur. Je viens réclamer en ma faveur l'exécution des décrets qui accordent aux militaires qui ont servi la patrie, une pension de retraite. J'attends tout de votre équité et de votre justice.
Votre sang a coulé pour la
patrie; l'Assemblée, doit vous consoler de ne pouvoir plus lui être utile. Elle vous invite à assister à sa séance.
' (L'Assemblée renvoie la pétition de M. Louis Armand au comité militaire.)
Une députation des maîtres et maltresses d'école gratuite de Versailles, et des citoyens formant la société d'écriture et d'institution nationale, est introduite à la barre.
Ils représentent que, depuis 8 mois, ils se sont chargés de diriger provisoirement une partie de l'instruction publique, confiée ci-devant aux sœurs grises auxquelles cette direction a été ôtée, attendu leur refus de prêter le serment. Ils viennent déclarer leurs sentiments patriotiques et demandent que l'Assemblée pourvoie aux moyens de les remplacer dans leurs fonctions provisoires.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité d'instruction publique.)
Une députation de citoyens de Paris, de la section duThéâtre-Français, est introduite à la barre.
, orateur de la députation, s'exprime ainsi : Tous les citoyens veulent entourer le Sénat français de leiir estime; il sera un jour le conseil de l'univers. Nous venons y adorer l'auguste liberté. De quelle vertu elle vous anime ! Suivez les élans de sa superbe audace : souveraine de 24 millions d'hommes, la liberté doit rouler les tyrans dans la poussière et fouler les trônes qui ont écrasé le monde. Le salut public nous commande de vous dire que l'heure approche de la défendre; mais les Français n'ont que leur courage intrépide, comme les Romains. Faites forger des milliers de piques semblables à celles de ces héros, et armez-en tous les bras : annoncez aux départements ce décret vraiment martial. Que le cultivateur et le journalier, l'artisan et le pauvre puissent défendre les foyers de la patrie ; ils sont, nous sommes tous ses enfants. Les citoyens porteront plutôt à la caisse commune, pour multiplier innombrablement ces redoutables faisceaux, que pour jeter le prix de leurs labeurs dans le gounre de Charybae et de Scylla des vizirs.
Il ne faut pas 40 millions pour sauver la France, et elle les donne tous les ans pour précipiter sa ruine.
Représentants du peuple, ordonnez ; l'aigle de la victoire et la renommée des siècles planent sur vos têtes et sur les nôtres. Si le,canon de nos ennemis se fait entendre, la foudre de la liberté ébranlera la terre, éclairera l'univers, frappera les tyrans. (Applaudissements.) Ne laissons pas à la postérité la gloire de les anéantir. Le délire leur tiendrait lieu de courage, si nous restions plus longtemps dans une coupable sécurité. Soyons armés, et nous atteindrons ces fuyards, les mêmes que nous défîmes en 1789, au seul bruit de nos armes et de nos cris. {Applaudissements.)
S'il devient inutile de dénoncer les forfaits des ministres, qui se montrent si ouvertement leurs complices, dites-leur : Nous armons le peuple, nous l'armons pour la liberté; s'il faut que nous périssions avec lui, ce sera pour die. Que votre supplice commence, les tyrans vont mourir!
, répondant à la députation. Quand le peuple respecte les lois, il est déjà armé contre l'anarchie, il mérite de l'être encore pour la liberté. L'Assemblée nationale prendra votre demande en considération; elle vous invite à assister à sa séance. .{Applaudissements.)
, l'un des pétition-naires. Je suis chargé, au nom des mêmes citoyens, c'est-à-dire, au nom de plus de 300 signataires, de présenter à l'Assemblée une autre adresse qui est relative à la pétition faite au roi par le directoire du département de Paris; mais, comme je me défie de ma voix, je prie M. Fau-chet delà lire. {Oui! oui!)
, secrétaire, fait lecture de cette adresse ; elle est ainsi conçue (1) : :
Dignes représentants, les applaudissements sont la liste civile du peuple; ne repoussez donc point la juste récompense qui vous est décernée par le peuple. Entendez des louanges courtes, comme vous avez entendu plus d'une fois une longue satire. Recueillir les éloges des bons citovens et les injures des mauvais, pour une Assemblée nationale, c'est avoir réuni tous les suffrages. {Applaudissements.)
« Le roi a mis son veto à votre décret comminatoire contre les rassemblements d'outre-Rhin, à ce décret digne à la fois de la majesté du peuple romain et de la clémence du peuple français. Beaucoup ont pensé que la Constitution ayant refusé au roi le veto absolu, ce décret sur les émigrés était nul et devait être regardé comme non-avenu, puisque ce serait un veto absolu, définitif, et qui ne pourrait être levé par la troisième législature ; ce qui est contre l'esprit de la Constitution ; néanmoins, nous ne sommes pas venus nous en plaindre, parce que nous nous sommes dit : ou l'Assemblée nationale regardera ce veto comme inconstitutionnel et non-avenu, et le 1er janvier elle passera outre purement et simplement {Applaudissements), ou elle le regardera comme constitutionnel, et alors nous ne devons nous plaindre, "ni de la Constitution qui a accordé le veto, parce que nous serons toujours respectueusement soumis à la Constitution {Applaudissements.), ni du roi qui en use, parce que nous nous souvenons de la maxime d'un grand politique, excellent juge en cette matière, de Machiavel, qui dit ces mots bien remarquables, et que l'Assemblée constituante aurait du méditer profondément :
« Si, pour rendre un peuple libre, il fallait renoncer à la Souveraineté, celui qui en aurait été revêtu mériterait quelque excuse, et la nation serait trop injuste, trop cruelle, de trouver mauvais qu'il s'opposât constamment à la volonté générale, parce qu'il est difficile et contre nature ae tomber volontairement de si haut. »
Dans ce sens, l'inviolabilité du roi est infiniment juste. Et pénétrés de cette vérité, prenant exemple de Dieu même, dont les commandements ne sont point impossibles, nous. n'exigerons jamais du ci-devant souverain un amour impassible de la souveraineté nationale, et nous ne trouvons point mauvais qu'il appose son vèto, précisément aux meilleurs décrets.
Mais que des fonctionnaires publics,. chargés spécialement de faire exécuter la loi,
provoquent l'opposition du prince à ce qu'elle ne s'exécute ; que, bien plus, ils se
permettent de mettre en question, si, supposé que le roi ne mît pas son veto, eux feraient
exécuter la loi; que non seulement ils doutent s'ils tiendraient la main à l'exécution; mais
qu'ils déclarent leur rébellion, et publient une protestation anticipée; que ceux qui
avilissent ainsi le premier des pouvoirs constitués, qui soulèvent contre l'Assemblée
nationale
§istre de contre-révolution, et une souscription e guerre civile, envoyée à la signature de tous les fanatiques, ae tous les idiotSj de tous les esclaves permanents, de tous les ci-devant voleurs des 83 départements {Applaudissements.), entête de laquelle sont les noms exemplaires des membres du directoire du département de Paris. Pères de la patrie, il y a ici une telle complication d'ingratitude et d'abus de confiance, de contradictions et de fourberies, de prévarication et de perversité, et de haute trahison, que, profondément indignés de tant de scélératesse sous le manteau de la philosophie et sous le masque de la douceur, de la modération et d'un civisme hypocrite, nous nous empressons de nous rallier autour de vous, non seulement pour adhérer à votre décret, pour déclarer unanimement que ce décret a sauvé la patrie, mais pour vous dire : continuez, fidèles mandataires : et si on s'obstine à ne pas vous permettre de sauver la nation, eh bien ! la nation se sauvera elle-même, comme elle a déjà fait (Applaudissements.) : car enfin la puissance au veto royal a un terme, et on n'empêche point avec un veto la prise de la Bastille. (Applaudissements.) Non seulement voilà ce que nous venons vous dire au nom de 20 millions d'hommes, mais.nous venons vous demander un grand exemple, c'est que le directoire soit mis en état d'accusation. (Rires et applaudissements à Vextrémité gauche de la salle.)
Il est facile d'établir en deux mots qu'il y a lieu à accusation ; et cette discussion laconique n'est pas pour ceux qui jugent les intentions. A juger comme hommes, il y a longtemps que nous avons eu la mesure du civisme de notrë directoire, quand nous l'avons vu, par une proclamation incendiaire, non pas rouvrir les chaires évangéli-ques à des prêtres, mais des tribunes séditieuses aux conjures en soutane. C'est comme juges, c'est avec les balances de la justice et les décrets à la main, que nous disons qu'il y a lieu à accusation.il y a lieu à accusation : 1° l'article 27 du chapitre V ae l'Acte constitutionnel, porte : Pourront être poursuivis les auteurs de tout écrit provoquant à dessein Vavilissement des pouvoirs constitués, et la résistance à leurs actes. Nous invoquons avec quelque honte un pareil décret ; et il est singulier de voir les Desmeuniers et les Beaumetz pris les premiers à leur propre piège. (Applaudissements.) Mais nous demandons s'il est possible de concevoir un écrit qui provoque plus la résistance à la loi que celui où les fonctionnaires publics, chargés de la faire exécuter, déclarent qu'ils ne le feront pas. Ces fonctionnaires publics, qui se parent d'un si grand zèle pour la Constitution,
doivent donc être poursuivis comme coupables de forfaiture, aux termes de la Constitution.
2° Parce que le décret des pétitions défend les pétitions collectives ; et la pétition du directoire de Paris est une pétition collective. Il ne sert de rien que les signataires l'aient qualifiée de pétition individuelle. Ce n'est point, disent leslois, le nom que le notaire donne à l'acte, qui en fait la nature ; c'est la nature même de l'acte. C'est ainsi qu'il n'a servi de rien d'appeler constitutionnel le décret du 24 septembre sur les colonies ; parce qu'il était rendu 15 jours après la clôture ae l'acte constitutionnel, auquel l'Assemblée constituante avait déclaré elle-même ne pouvoir rien ajouter. De même cette pétition qualifiée individuelle n'en est pas moins une pétition collective des membres du directoire, puisque les membres seuls ont signé, qu'ils ont signé tous, jusqu'au secrétaire, et qu'ils ont pris dans leur signature la qualité de membres du directoire. Ils ont tellement agi en cette qualité, qu'après s'être annoncés comme simples pétitionnaires, ils ont soin aussitôt de rappeler leur qualité d'administrateurs; ils parlent de la puissance d'opinion attachée à un corps imposant; enfin ils vont jusqu'à se souvenir que cest à eux qu'appartiendrait l'exécution du décret, et ils ne craignent pas de déclarer qu'aucun d'eux ne se sentirait ce genre de dévouement, de prêter la main à une pareille loi. Les membres du directoire sont donc coupables d'avoir violé la loi des pétitions, et cette violation de la loi, répréhensible dans un citoyen, dans les circonstances et dans la personne de fonctionnaires publics chargés de la faire exécuter, acquiert un degré do gravité qui met les coupables dans le cas d'être poursuivis.
3° Enfin, il y a lieu à accusation, parce que demander le veto, fût-ce même par une pétition individuelle, c'est demander, ou bien la guerre civile, ou bien le renversement de la Constitution, qui est un gouvernement représentatif. Qui ne voit que l'effet nécessaire d'une pétition individuelle, pour demander un veto, c'est que les uns s'inscriront pour, et les autres contre. Alors, ou le roi accédera au vœu de la minorité, et voilà la guerre civile et l'insurrection, car la majorité dira que la loi doit être Vexpression de la volonté générale ; ou bien le roi accédera au vœu de la majorité, etvoilàle renversement du gouvernement représentatif, puisque ce sera la majorité de la nation elle-même qui fera la loi, et non plus ses représentants. Certes, nous ne sommes pas les admirateurs du gouvernement purement représentatif...
Un membre se lève pour réclamer.
Cris nombreux : A l'ordre ! à l'ordre.
, secrétaire, continuant la lecture... sur lequel nous pensons comme J.-J. Rousseau, qui en a fait un tableau si vrai dans le Contrat social ; mais les bons citoyens ont juré de maintenir la Constitution, et ceux même d'entre eux qui l'aiment le moins, se feront toujours un devoir, du moins jusqu'à la prochaine convention, de la maintenir telle qu'elle est, parce que, s'ils en aiment peu certains articles, ils aiment encore moins les horreurs d'une guerre civile. Au lieu que, voyez avec quelle impudeur, des membres du comité de Constitution, et ceux-là qui ont établi le gouvernement purement représentatif, ceux-là qui ont sans cesse à la bouche le mot sacré de Constitution, proposent tout à coup le renversement du gouvernement représentatif, depuis que la nation a des représentants qui ne
conspirent plus contre elle. Et ils ne proposent de consulter le vœu de la nation, que parce que la nation a des représentants qui le consultent. Le ministre de l'intérieur, en demandant l'avis des directoires, n'a pu les consulter comme directoires, la loi des pétitions s'y opposait ; il n'a pu consulter que les individus; s il a consulté les individus, tous les autres individus ont été également consultés ; la nation entière a été appelée à la consultation aussi bien qu'eux.
C'était donc compter les voix ; c'était ramener le système proscrit des mandats impératifs; c'était renverser le gouvernement représentatif, à moins qu'on ne dise que le ministre et le directoire ne cherchaient qu'à s'assurer d'une minorité, et voulaient seulement ouvrir une souscription de guerre civile.
Mais on vous a dit que la pension des prêtres était une dette nationale ; comme si, lorsque vous demandez seulement aux prêtres de déclarer qu'ils ne seront pas séditieux, ceux qui refusent un pareil serment n'étaient pas déjà des séditieux: comme si c'était un crime ae punir la sédition par une amende ; comme si des prêtres factieux qui n'ont rien prêté à l'Etat, créanciers de l'Etat non à titre onéreux, mais à titre de bienfaisance, n'étaient pas déchus de la donation pour cause d'ingratitude. (Applaudissements.)
Dédaignez donc ces misérables sophismes, Pères de la patrie! La forfaiture des membres du directoire est établie ; connaissez-vous vous-mêmes, et ne doutez plus de toute la puissance d'un peuple libre. Mais si la tête sommeille, comment le bras agira-t-il? Ne levez plus ce bras, ne levez plus la massue nationale pour écraser dés insectes, un Varnier, un Delattre. Caton et Cicéron faisaient-ils le procès aux esclaves de Cetegus et de Catilina? Ce sont les chefs qu'il faut poursuivre. Frappez à la tête ; servez-vous de la foudre contre les princes cons-
Ïiirateurs, de la verge contre un directoire inso-ent, et exorcisez le démon du fanatisme par le jeûne. (Vifs applaudissements.)
et plusieurs membres à gauche, demandent la mention honorable dans le procès-verbal.
L'Assemblée vous a déjà accordé les honneurs de la séance. (Applaudissements.)
Un membre : Vous n'avez pas répondu, Monsieur le Président.
Les pétitionnaires vont se placer à gauche et sont applaudis très vivement.
On sait que le directoire du département de Paris a envoyé sa pétition à tous les départements du royaume pour les inviter à y adnérer. Je demande, afin qu'il y ait un contre-§ oison contre l'acte de corruption du Directoire u département de Paris, que vous ordonniez l'impression de l'adresse et l'envoi aux 83 départements. (Applaudissements.)
Je m'oppose à la proposition du préopinant. Je ne pense pas que cette mesure soit dans les principes de l'Assemblée nationale. Elle ne doii pas se permettre une guerre polémique. et ce serait faire une véritable guerre polémique que d'envoyer de son autorité un écrit en réponse à la prétendue pétition des signataires et administrateurs du département de Paris. Mais ce qui convient à l'Assemblée nationale, c'est de prendre dans la plus haute
considération la pétition qui a été présentéepar la section du Theâtre-Français, de voir si effectivement, il y à lieu à accusation contre le directoire du département, et alors de prononcer l'acte d'accusation. Voilà ce qui appartient seul à l'Assemblée.
L'un n'empêche pas l'autre.
Il faut voir à l'instant si le directoire du département, de Paris est susceptible d'être mis en état d'accusation; mais pour le voir, il faut que cette adresse pleine d'excellentes vues, dont le raisonnement est très profond et très vrai, soit imprimée et distribuée à tous les membres.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
D'autres membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je demande le renvoi au comité de législation.
Je demande le renvoi de la pétition au comité de surveillance auquel elle appartient.
J'appuie la demande d'impression et la distribution.
Je soutiens qu'il faut passer à l'ordre du jour.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'impression !
(L Assemblée rejette la question préalable et décrète l'impression et la distribution.)
Je demande le renvoi de toutes les pétitions du même genre, au comité de législation.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Je demande qu'on fixe un jour au comité de législation pour en faire son rapport.
Plusieurs-membres : Incessamment.
D'autres membres : Mention honorable au procès-verbal !
On renouvelle la proposition de la mention honorable au procès-verbal.
Les citoyens qui sont venus à la barre vous ont présenté pour conclusion la demande de mettre en état d'accusation les membres qui ont signé la pétition qui a pour base de demander au roi qu il appliquât le veto sur le décret que vous avez rendu contre les prêtres non assermentés. Vous devez examiner, Messieurs, s'il y a lieu ou non à accusation contre ceux qui ont signé cette pétition présentée au roi. Faire mention honorable de lademandede les mettre en état d'accusation, ce serait préjuger la question. Je demande que l'on décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la mention honorable.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la mention honorable.)
Une députation de plusieurs citoyens de Paris est admise à la barre et demande que l'Assemblée arrête par un décret toute émission de billets dits de confiance. Deux faussaires ont osé se couvrir du nom de la section des Gobelins pour tromper la crédulité publique, en marquant leurs papiers du timbre de cette section qui n'en a point émis et répandre, comme valeurs,
de vils chiffons. Ils demandent des assignats fractionnaires de ceux de 5 livres.
Plusieurs membres : Mention honorable et renvoi au comité des assignats et monnaies !
(L'Assemblée adopte cette motion.)
Une députàtion de citoyens de Paris, de la section de VOratoire, est introduite à la barre.
L'orateur de la députàtion s'exprime ainsi (1) :
« Législateurs au moment où de toutes parts, des diverses parties de la France, on s'empresse d'applaudir à la fermeté qui a dicté votre décret concernant les troubles religieux ; au moment où les vrais citoyens se félicitent du caractère imposant que les représentants de la nation viennent de s'assurer par les mesures vigoureuses qu'ils ont su employer pour réprimer désormais Fhypocrisie et 1 audace ; quel génie de discorde vient suggérer à une partie des magistrats du peuple, de s'élever contre la sagesse de ce décret, et de présenter dans leur démence, une adresse au roi pour l'inviter à y apposer son veto:
« Nous venons, législateurs, dénoncer à votre sagesse la réclamation de ces administrateurs, dont l'objet, loin d'avoir été le salut de la chose publique, n a porté évidemment que sur le désir d'affaiblir le respect qui vous est dû, de diminuer cette masse d'autorité et de considération, dont l'opinion publique du patriotisme cherche à vous envelopper.
« Ne vous y trompez pas, législateurs, s'il est permis à chaque citoyen de développer individuellement ses craintes ou ses vues, cette manifestation ne doit pas porter l'empreinte de la réclamation d'un corps constitué.
« Fallait-il que la capitale, qui, la première, a brisé le joug au despotisme, qui a donné le signal de cette liberté dont le nom seul étonne runivers, qui a le bonheur de renfermer dans son sein la première Assemblée du monde... fallait-il, disons-nous, que la capitale eût à gémir de voir une partie de ses magistrats porter, par un abus étrange d'une qualité qui ne leur a été déférée que pour veiller à l'exécution de la loi, une atteinte sacrilège à la vénération que chacun doit avoir pour les représentants d'une nation libre et pour leurs décrets ?
Permettez-nous, législateurs, d'examiner un instant avec vous les motifs qui semblent avoir présidé à la réclamation des dix administrateurs qui ont déterminé notre pétition.
« Suivant eux, le salut public commande de déployer l'arme redoutable du veto contre le dernier décret sur les troubles religieux.
« Suivant eux, vos louables desseins vous ont poussés à de» mesures que la Constitution, que la justice, que la prudence ne saurait admettre : pourquoi cela ? parce que vous faites dépendre pour tous les ecclésiastiquesr noh fonctionnaires, le paiement de leur pension de la prestation du serment civique, tandis que la Constitution a mis expressément et littéralement ces pensions au rang des dettes nationales.
« Suivant eux, le refus de prêter un serment quelconque, de prêter un serment même le plus
légitime, peut-il détruire le titre d'une créance qu'on a reconnue, et peut-il suffire dans
aucun cas, à un débiteur d'imposer une condition, pour
« Nous demanderons d'abord à ces hommes corrompus, pourquoi ils se sont plus pénétrés de la cause des prêtres non sei-mentés, que de celle des pères de famille émigrés, que la loi a rangés dans la même classe ; pourquoi leur sollicitude ne porte pas sur ces malheureux égarés par des opinions, qui, du moins, si elles menacent nos frontières, ne portent pas le trouble dans le sein de nos familles, ne divisent pas le mari et son épouse, le père et ses enfants. (Applaudissements.)
« Nous leur demanderons ensuite, comment ces dix administrateurs ont espéré de persuader aux citoyens de Paris (nous ne parlerons pas de ceux des campagnes qui pourraient se laisser surprendre, à qui les lumières ne permettent pas encore d'apprécier les sophismes, et de les réduire à leurs véritables termes) comment ils se sont flattés de persuader "que l'Assemblée nationale pourrait s'écarter des décrets constitutionnels, se livrer aux petites combinaisons d'un vil intérêt et soustraire la nation à des dettes déjà reconnues.
« Ne savent-ils pas que déjà, d'après un décret de F Assemblée constituante, nul ne peut recevoir des rentes même sur la ville, sans avoir justifié de son domicile et du payement de la quotité de sa contribution?
« Ignorent-ils. encore que sur le rapport du sieur Desmeuniers, l'un des administrateurs signataires, un décret formel tendait à maintenir principalement le respect dû aux autorités constituées ?
« Non, vous ne voulûtes jamais, législateurs, vous écarter de la Constitution dont vous êtes les plus fermes appuis; vous ne voulûtes que réprimer l'hypocrisie, confondre un orgueil qui ne fût point celui de l'institution des prêtres, ramener dans les familles une paix qui n'a été troublée que par les efforts des prêtres factieux, repousser les traits d'un fanatisme aussi peu mystique qu'édifiant, faire cesser un usufruit dans des mains abusives et profanes, vous opposer aux efforts des détracteurs de la chose publique et ramener, par l'appât d'un intérêt réflécni à des sentiments dignes de leur patrie, des hommes qui, n'étant liés par aucun frein, s'y faisaient un jeu d'y porter le trouble et la discorde. (Applaudissements.) .
« Mais, ces administrateurs infidèles, n'ont eux-mêmes d'autre objet que celui de troubler cette paix précieuse, d'enfoncer le poignard de la guerre civile dans le sein de leurs frères, de mettre en opposition votre pouvoir avec le pouvoir exécutif.
« Voilà, législateurs, voilà le vrai motif de leur adresse au roi, voilà le but de leurs sophismes.
« Pourriez-vous en douter d'après la publicité que ces dix administrateurs ont cherché a donner à leur adresse, d'après l'envoi de cette adresse aux 83 départements?
« Si leur démarche n'était fondée que sur leur impuissance à exécuter le décret au sujet des informations à prendre sur les prêtres non assermentés, que ne donnaient-ils leur démission I Ils auraient justifié leur faiblesse et la division qui a présidé à leur élection.
« Mais non, Messieurs, non, une démission n'est plus ce qu'ils ont à offrir à des citoyens indignés de leurs odieuses manœuvres.
« Qu'ils soient mandés à la barre de ce Sénat auguste, qu'ils y soient interrogés séparément,
que leurs réponses soient consignées, qu'ils soient livrés au tribunal de la nation, dont ils ont voulu trahir les intérêts (.Applaudissements.), que le rédacteur surtout de cet écrit funeste^ soit poursuivi avec toute la rigueur- des lois; et qu'un grand exemple de sévérité apprenne enfin, à ces fonctionnaires désormais indignes de notre confiance, que des citoyens, amis de la liberté, savent réclamer, même contre leurs magistrats quand ils s'écartent de ce qu'ils doivent à la loi ; et que vous, Messieurs, vous savez employer toute l'autorité dont vous êtes dépositaires, et maintenir le respect qui vous est dû sous tous les titres.
« Pour nous, Messieurs, vous nous verrez toujours soumis, toujours respectueux et toujours prêts à sceller de notre sang, les lois que votre sagesse nous aura dictées. » (Applaudissements.)
(Suivent les signatures.)
, répondant à la députation. L'Assemblée nationale a déjà décrété qu elle s'occuperait de l'objet de votre demande. Croyez que, dans aucune circonstance, elle n'oubliera ce qu elle doit à la liberté, aux intérêts de la nation et aux lois constitutionnelles dé l'Empire. Elle vous invite à assister à sa séance.
Je demande qu'il soit fait mention honorable dans le procès-verbal de l'adresse qui vient d'être lue.
Plusieurs membres : L'impression et la distribution !
(L'Assemblée, consultée, décrète l'impression et la distribution.)
J'observe à l'Assemblée qu'elle a décrété que toutes les pièces relatives à cette affaire seront renvoyées au comité de législation. (Oui! oui!)
Je demande que le comité fasse son rapport incessamment, les choses ne peuvent rester en cet état. De deux choses l'une, ou les administrateurs doivent conserver leurs places, ou ils doivent être destitués. S'ils doivent conserver leurs places, il faut les réhabiliter dans l'opinion publique; s'ils doivent être destituées, il faut que ce soit au plus tôt. J'insiste donc sur ma proposition. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La question préalable!
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Basire.)
Une députation de plusieurs citoyens de Paris, de la section du Luxembourg, est introduite à la barre.
Uorateur de la députation s'exprime ainsi :
Messieurs, les citoyens de la section du Luxembourg nous ont députés pour nous soumettre une pétition qu'ils ont faite au roi, et vous faire la lecture en même temps d'une seconde pétition qu'ils adressent à l'Assemblée nationale concernant la pétition par laquelle les membres du directoire du département de Paris ont prié le roi de refuser sa sanction au décret sur les troubles religieux.
Voici la pétition présentée au roi par les mêmes individus soussignés :
Pétition au roi.
Sire,
Nous avons gardé le silence, quand vous avez refusé la sanction royale au décret par lequel le Corps législatif faisait échouer les coupables en-
treprises de nos ennemis extérieurs. Trop confiants aux intentions de Votre Majesté, • pour croire qu'elle ait méconnu le vœu national, manifesté par l'organe de nos représentants, ou qu'elle ait voulu lui résister, nous nous sommes persuadés que, tendant au même but, vous vous étiez assuré de moyens également certains pour maintenir la gloire et la sûreté de cet Empire; et nous avons compté sur l'engagement que vous avez contracté, en acceptant la Constitution, de vous opposer efficacement et formellement aux entreprises qui se feraient en votre nom contre la nation.
Notre soumission, notre attachement inviolable pour la Constitution que nous avons juré de maintenir, eût suffi pour nous faire respecter l'exercice d'un droit qu'elle vous a délégué : mais cet espoir que nous avons conçu, était seul capable de modérer la juste douleur que des Français ressentiront toujours, quand ils verront le Corps législatif et le roi divisés d'opinion.
Un autre motif, Sire, a contenu l'expression de nos sentiments, quand nous avons vu votre ministre de l'intérieur provoquer les administrations de départements, pour connaître, disait-il, l'opinion publique relativement aux troubles religieux. Ce n'est pas qu'aucun de nous ait ignoré les dangers de cette inconstitutionnelle démarche, méconnu les intentions coupables qu'elle pouvait servir, et qu'elle donne par conséquent trop de sujets de suspecter.
Comment votre ministre, Sire, a-t-il pu s'imaginer qu'il existât à la fois, plusieurs organes de "opinion publique, quand la Constitution n'en reconnaît qu'un pour exprimer la volonté nationale ? Comment a-t-il pu tenter de revêtir en même temps de ce caractère sacré, et de susciter dans toutes les parties de l'Empire, des autorités isolées, exposées à se contredire entre elles, et plus encore à mettre un vœu particulier à la place de Celui du peuple qui les environne? Comment enfin ce ministre a-t-il cru pouvoir interroger, sur l'opinion publique, des administrateurs, desquels la Constitution a déclaré formellement qu'ils n'ont aucun caractère de représentation (art. 2 de la section II du chapitre IV), comme si elle eût prévu l'abus que l'on se disposait à faire si promptement du caractère de confiance, dont le choix du peuple les a investis, uniquement pour l'exercice de leurs fonctions administratives ?
Vous connaissez, Sire toute la puissance de l'opinion publique, et, par conséquent, tout le danger de commettre des erreurs dans la manière de la consulter. S'il pouvait s'élever des intermédiaires entre les vœux individuels qui la composent, et l'autorité législative qui 1 é-nonce ; si des corps particuliers osaient s'arroger le droit de parler en son nom, de la dénaturer au gré de leurs passions ou de leurs intérêts ; si, surtout, Votre Majogté semblait attendre le sort d'une aussi illégale consultation, pour guider l'une de ses plus importantes déterminations, ah ! Sire, n'en doutez pas, cette opinion, qu'il est impossible de méconnaître impunément, voudrait reprendre ses droits, et une majorité indignée recourrait bientôt au dernier moyen de compter les voix.
Tels sont les malheurs, Sire, auxquels la démarche inconsidérée de votre ministre pouvait conduire ; et c'est bién gratuitement qu'il a fait courir à la chose publique un danger aussi imminent. Qu'est-il besoin en effet de prendre des informations, de consulter des magistrats, d'af-
fecter tous les tâtonnements de l'ignorance et de l'incertitude, quand il s'agit de l'opinion publique, de cette rapide influence, qui, se propageant d'un bout ae l'Empire à l'autre, anime chaque individu de l'intérêt de la société entière, fait le tourment de ceux qui ne la partagent pas; et, semblable à la lumière du jour, brille partout jusque dans les sombres retraites des êtres malfaisants qui s'efforcent de la fuir ? Vous la connaissez, Sire, cette opinion publique, vos ministres la connaissent : qu'ils cessent (font de l'interroger, après qu'elle s'est manifestée, s'ils ne veulent pas se rendre suspects du coupable dessein de l'altérer ou de la combattre.
Ces affligeantes pensées se sont présentées à nous, à la première nouvelle de la démarche du ministre de l'intérieur; et cependant nous nous sommes abstenus de venir vous les faire entendre. C'est que nous espérions qu'aucun corps administratif n'oserait»obéir à cette inconstitutionnelle provocation, ou qu'au moins leurs réponses, reléguées dans d'obscures correspondances, ne feraient point au vœu national, une de ces injures éclatantes que le devoir de chaque citoyen est de venger. Ce motif de notre silence est le même qui nous force à le rompre aujourd'hui.
Les membres du directoire du département de Paris viennent, Sire, de vous adresser une pétition, dans laquelle ils ne craignent pas d'émettre un vœu directement contraire à celui du Corps législatif. Qu'importe qu'ils aient eux-mêmes tellement reconnu l'illégalité des questions du ministre, qu'ils ont évité de donner à leur acte la forme (Tune réponse? Qu'importe ce double subterfuge, par lequel ils se sont qualifiés citoyens -pétitionnaires, pour échapper aux peines qu'ils ont encourues comme administrateurs, ont parlé ensuite au nom du corps administratif qu'ils composent, se sont parés de leur titre, pour ajouter à leur opinion le poids des suffrages auxquels ils en sont redevables? Ils ont partagé le blâme encouru par le ministre qui les a provoqués : une qualification qu'ils démentent eux-mêmes, ne saurait les sauver des peines prononcées contre les administrateurs; et, quant à la puissance d'opinion qu'ils se sont flattés d'acquérir, ce n'est pas par de subtiles formalités, par des moyens si peu dignes de la loyauté fran-aise, qu'ils auraient obtenu la confiance du roi es Français.
Mais, Sire, l'opinion publique a été calomniée près de vous, et nous venons la défendre.
Ne croyez cependant pas, Sire, que nous désavouions en entier la pétition des membres du directoire : une partie de cet acte contient l'exposé fidèle des dispositions du peuple de Paris. Oui, Sire, au moindre signal du danger pour la Constitution, il se soulèverait tout entier, avec une force incalculable : nous sommes prêts à justifier en tout les expressions énergiques avec lesquelles les membres du directoire ont cru devoir vous le dire.
Nous dirons encore avec eux, que nos ennemis sont les vôtres, et qu'il est urgent, infiniment urgent que vous vous montriez enfin tels que votre devoir et votre intérêt vous obligent d'être : l'ami imperturbable de la liberté, le défenseur de la Constitution, et le vengeur du peuple français qu'on outrage.
Il fallait bien, en effet, que ces administrateurs empruntassent quelque temps le langage de l'opinion publique, pour faire ensuite entendre le leur, et c'est ici que nous cessons d'être d'accord.
Nous avons à venger, autrement qu'eux, l'Assemblée nationale de ses coupables détracteurs, dont il nous paraît qu'ils ont augmenté le nombre; de ces hommes perfides, qui, sous le masque du patriotisme, se plaignent avec affectation, de ne pas voir le Corps législatif uniquement occupé d'élever l!édifice de nos lois, tandis qu'il travaille à en défendre la base contre les ennemis qui le sapent de tous côtés; qui lui reprochent de ne pas se livrer tout entier aux occupations de la paix, quand la guerre est à la fois à nos portes et dans l'intérieur, et qui eux-mêmes suscitent, alimentent, prolongent cette guerre, pour en tirer de nouveaux sujets de détourner l'Assemblée nationale de ses fonctions lès plus naturelles, et de lui en faire un nouveau crime.
Croyez, Sire, que le peuple juge parfaitement la position de l'Assemblée nationale, qu'il partage toutes ses sollicitudes, qu'il rend hommage à ses vues, respecté ses mesures, et que sa confiance aux représentants qu'il a élus, n a point cessé de s'y attacher, ne peut être altérée par d'aussi grossières suggestions. Plus ses représentants seront attaqués, plus il les défendra; parce qu'il veut les conserver, et qu'il est assez clairvoyant pour apercevoir qu'en cherchant à rompre le lien qui l'unit à eux, on voudrait les détruire, et, avec eux, la Constitution.
Nous allons maintenant. Sire, examiner, sous vos yeux, les reproches particuliers que les membres du directoire semblent se plaire à accumuler sur le décret de l'Assemblée nationale. A les entendre, ces mesures sont telles, que la Constitution, la justice, la prudence, ne sauraient les admettre. ïl est fâcheux pour eux qu'en les combattant, nous réfutions en même temps les écrivains les plus acharnés contre la Constitution, un journal avili, dans lequel ils ont sans doute puisé tous les principes de leurs raisonnements.
La Constitution leur semble donc blessée par un décret, « qui fait dépendre pour tous les ecclésiastiques non fonctionnairesj le payement de leur pension, de la prestation du serment civique; tandis que la Constitution a mis littéralement ces pensions au rang des dettes nationales. C'est selon eux un débiteur qui impose une condition, pour se soustraire à 1 obligation de payer une dette antérieure; c'est une loi nouvelle, une nouvelle peine imposée à des individus, après qu'ils ont été déjà jugés par l'Assemblée constituante, qui, en les dépossédant de leurs fonctions, leur a néanmoins laissé ces pensions : c'est enfin une loi, particulière à une classe de citoyens, puisqu'on n'exige le même serment d'aucun autre citoyen non fonctionnaire. » Telles sont en substance les bases d'après lesquelles les membres du directoire attaquent le décret de l'Assemblée nationale.
Les principes les plus simples du droit naturel, du droit public universel, et du droit des gens, sur lesquels sont fondées les lois de toute guerre, de toute défense légitime, droits dont la Constitution n'a pas sans doute dépouillé le peuple français, renferment et justifient toutes les dispositions dont nous venons de rappeler la censure.
La nation peut, en effet, demander à toute autre nation, à tout individu, un gage de ses dispositions amicales. Loin de blesser aueun droit, cette demande est, au contraire, dictée par la nature et par les lois politiques de toute société. Pour une nation, au milieu de laquelle des hommes malveillants se dérobent trop facilement, à la faveur de pratiques mystérieuses, que l'autorité
civile s'est interdit de pénétrer, quel peut être ce gage propre à rassurer sur leurs entreprises, si ce n'est le serment de soumission aux lois, à l'ordre établi? Le serment civique en un mot,tel que le prêtent les adolescents en entrant dans la société, les citoyens de l'âge mûr dans toutes les assemblées populaires, le seul aussi que la Constitution aétabli pour la généralité des citoyens, indépendamment des serments particuliers qu'elle exige de plusieurs fonctionnaires.
Rien ne peut astreindre la nation dans le choix qu'elle fait des individus auxquels elle croit devoir demander ce gage de paix : sa sécurité est la seule mesure ae l'usage qu'elle peut faire d'un droit que la nature a départi à chacun pour la sûreté de tous, et nul ne peut l'accuser d'injustice dans l'exercice de ce droit ; cette demande n'est point une peine, tout homme à qui elle 6'adresse ne peut songer qu'à y répondre.
CTest par cette demande que l'état de paix ou de guerre se constate, qu une euerré sourde, dont une dissimulation plus cruelle encore voudrait éviter l'aveu, doit enfin se manifester. C'est après le refus que commence la guerre ouverte, et l'on ne niera pas que quiconque prétend rester dans une société, sans vouloir promettre soumission à ses lois lorsqu'il en est requis, ne soit dès lors son ennemi déclaré.
Telle est, Sire, la véritable manière d'être, nous ne dirons pas d'un prêtre, mais de tout homme qui refuserait de prêter le serment civique ; tout contrat antérieur, toute relation civile doit cesser dès lors avec un tel individu, comme cela arrive entre des puissances ennemies.
Mais nous observons, Sire, que l'Assemblée nationale est restée bien au-dessous de la rigueur de ce principe : elle se borne à regarder comme suspects, des hommes qu'elle pourrait traiter en ennemis, elle se contente de suspendre à leur égard des payements dont elle pourrait regarder le titre comme annulé, jusqu'à ce qu'un nouveau traité, un traité de paix, si même elle voulait l'accorder, rétablît de nouvelles relations tout à fait indépendantes des premières.
Il y a plus, Sire ; la loi dont il s'agit n'a point prononcé la perte des arrérages ae ces pensions, échues pendant le temps qu'un ecclésiastique différerait de prêter le serment demandé. L'article 4 porte : Quant aux autres ecclésiastiques (qui dans la huitaine n'auraient pas prêté le serment devant la municipalité), aucun a'eux ne pourra désormais toucher ni réclamer de pensions, qu'en représentant la preuve de la prestation au serment civique. Cet article admet donc ces ecclésiastiques a revenir plus tard, à une époque quelconque, et alors à réclamer et toucher leurs pensions.
L'article 15, ajouté pendant le cours de la discussion, n'exclut point cette disposition, quoiqu'il destine les fonds abandonnés par les ecclésiastiques réfractaires, à être distribués en secours : il est bien clair que cet article a eu en vue d'employer utilement les deniers qui resteraient vainement dans les caisses nationales, des traitements qui s'accumuleraient en pure perte, par l'aveuglement incurable de ceux qui renonceraient pour toujours à se mettre en état de les toucher. Mais, pour ceux qui reviendraient présenter la preuve ae la prestation de leur serment, l'article 15 ne peut leur enlever les droits que leur accorde l'article 4 : une même loi ne saurait renfermer des dispositions contradictoires.
Or, les droits dont il s'agit, consistent à toucher, à réclamer les pensions, c'est-à-dire évi-
demment, à rappeler le titre primitif auquel elles ont été accordées, pour recevoir alors tout ce que le Trésor public n'en aurait pas payé. Une intention différente n'eût pas déterminé un emploi provisoire des fonds destinés à ces pensions, comme le fait l'article 15, elle les eût rayés de l'état des dépenses publiques, et eût allégé la nation d'une partie de ses contributions, devenue sans objet pour l'avenir.
Ainsi, à quelque époque que le prêtre réfrac-taire revienne prêter le serment qu il aurait cent fois refusé, les arrérages accumulés de ses pensions suspendues lui seraient délivrés, comme le pourrait être un dépôt, religieusement gardé par l'ami le plus fidèle.
Plus ceux qui cherchaient à intéresser votre commisération, ont désiré que la loi parût sévère, pour se faire un droit d'en accuser la barbarie ; plus la juste horreur de leurs coupables complots a peut-être inspiré aux bons citoyens un aésir semblable, et plus nous avons cru, Sire, devoir insister sur le développement des véritables conséquences du décret.
Cette conservation des arrérages est cependant le caractère le plus marqué d'une propriété maintenue sans altération. Nous le retrouvons dans une loi d'où la justice aurait permis de le bannir, et Votre Majesté peut juger maintenant avec quelle duplicité atroce cette loi a été calomniée à ses yeux.
Qu'il nous soit permis, Sire, de vous citer un exemple qui eut suffi pour désabuser les membres du directoire du département, s'ils eussent examiné un seul instant avec l'amour de la vérité, la. question qu'ils ont entrepris de traiter; que sont ces formalités nouvelles exigées avant cette législature, de tous les créanciers quelconques de l'Etat, ces certificats de résidence, sans lesquels on ne peut toucher, même les rentes sur l'hôtel de ville? Quoi de plus sacré que ce genre de propriété ? et n'est-ce pas aussi une condition nouvelle imposée par le débiteur, pour le payement d'une dette antérieure? Et cependant quelqu'un a-t-il songé à accuser la loyauté de la nation quand elle a porté cette loi ? Non, sans doute, et par une raison bien simple : par cette formalité, la nation ne s'affranchit point d'une dette; elle se borne à en suspendre l'acquittement, et à quelque époque que la forme prescrite, soit remplie, les arrérages échus sont exactement payés.
Votre Majesté reconnaîtra, sans doute, une identité parfaite entre ces deux genres de suspension : comment justifier d'après cela le reproche que les membres du directoire font à l'Assemblee nationale d'avoir imposé une condition, pour se soustraire à l'obligation de payer une dette antérieure ? Sire, les temps seraient bien changés, si de pareilles allégations pouvaient aujourd'hui avoir accès auprès de vous.
L'argument tiré de l'injustice d'ajouter, à l'égara des prêtres réfractaires, de nouvelles mesures à celles que l'Assemblée constituante Avait prises, n'est pas mieux fondé. Qu'a de commun, en effet, le refus d'un serment particulier, prescrit spécialement pour un certain ordre de fonctionnaires publics, a'où résultait nécessairement l'incapacité de remplir ces fonctions ; qu'a de commun ce refus avec celui d'un serment propre à tous les citoyens indistinctement, demandé à l'individu dans lequel on a lieu de craindre de trouver un ennemi public? Deux cas aussi distincts, des circonstances aussi différentes nécessitaient, sans doute, des mesures
également différentes, et les malheurs qui ne cessent de nous affliger, ont déjà prouvé à Votre Majesté à quel point elles sont urgentes.
Le Directoire dit enfin que le décret proposé est une loi particulière à une certaine classe de citoyens, et que toute loi particulière est injuste. Comment ces administrateurs ont-ils pu s'aveugler à ce point, eux qui ont sous les yeux, et sont chargés de faire exécuter un si grand nombre de lois particulières, que la sûreté publique exige impérieusement? Et, pour ne citer qu'un petit nombre d'exemples, cette classe d'artistes, qui fournit aux hommes des remèdes utiles, cette autre qui travaille les métaux précieux, ne sont-elles pas soumises à des règlements particuliers, à des lois pénales qui leur sont propres ? Ces lois sont les garants nécessaires de notre propriété, de notre sûreté ; ce sont elles qui nous préservent de recevoir des métaux vils au lieu d'or, des poisons au lieu de remèdes; et toutes les professions d'une égale importance ont fixé l'attention particulière des législateurs de tous les climats.
Or, quelle profession plus importante, Sire, à surveiller, à soumettre à des lois particulières, que celle qui, à l'abri d'une puissance toute spirituelle, par des pratiques mystérieuses que les regards profanes ne peuvent éclairer, se soustrait plus qu'aucun autre à l'empire des lois générales, et peut, en promettant aux hommes des bienfaits célestes, une paix éternelle, et. des remèdes à tous leurs maux, répandre parmi eux tous les poisons de la discorde, toutes les horreurs de la guerre civile.
Enfin la prudence paraît compromise aux membres du directoire, parle décret de l'Assemblée nationale, et pour le prouver, Sire, ils vien-r nent se vanter de la tranquillité religieuse dont Paris jouit en ce moment. Et les départements, ne les comptent-ils donc pour rien ? Ces nombreuses contrées déchirées depuis une année par toutes les furies du fanatisme, qui réclament de toutes parts des mesures répressives, qui en sollicitent instamment de plus sévères encore que celles que l'Assemblée nationale a préparées. Que ces administrateurs cessent de s'attribuer le calme qui règne à Paris : il n'est pas leur ouvrage, il eût été troublé s'ils avaient eu plus d'influence. C'est à l'immensité de cette ville, aux lumières qui y abondent, au patriotisme qui y règne, que l'on est redevable de la facilité avec laquelle se sont apaisés les mouvements causés par les mesures mêmes du directoire; mais ces puissantes ressources, dont la capitale est seule en possession, peuvent-elles nous rassurer sur les autres parties de cet Empire? Non, Sire; et le spectacle des événements qui ont agité cette ville, suffirait seul pour prouver combien les départements, combien les campagnes sont en danger.
Sire, remettez en ce moment sous vos yeux le tableau de la France : songez un instant aux affreux récits qui ne cessent de se succéder de toutes parts, aux rapports de vos propres commi-saires, au sang qui a coulé, à celui qu'on se prépare à verser encore, et Votre Majesté ne doutera plus de cet état de guerre, dans lequel nous gémissons par les manœuvres de prêtres trop coupables ; elle appréciera la clémence d'une Assemblée nationale qui se dispose encore à leur offrir la paix, à la seule condition du serment le plus légitime, avec la seule prière de nous dire : nous sommes amis.
Sire, cette guerre malheureuse est déjà dé-
clarée depuis longtemps à la nation, il est temps qu'elle cesse, ne la prolongez pas par de plus longues incertitudes; que surtout un refus désastreux ne porte pas l'embrasement à son comr ble, sans aucun espoir d'en voir arriver le terme; ne souffrez pas enfin que le peuple français attende plus longtemps avec inquiétude le parti que Votre Majesté voudra prendre.
Nous vous prions donc, Sire, de sanctionner le décret que l'Assemblée nationale vous a présenté. Vous êtes, il est vrai, partagé entre des pétitions contraires; mais que penser de celle que nous venons de combattre, et comment se décider entre les qualifications opposées que ses auteurs ont prises ? Si ce sont des individus, comptez-les, Sire, et rayez, parmi nous, un nombre pareil; nous resterons encore assez nombreux. S'ils sont administrateurs, plus ils ont craint de le paraître, plus ils se sont eux-mêmes avoués coupables; et nous demandons qu'ils subissent la peine Qu'ils ont encourue. Mais comme il nous a paru que c'est dans la partie de leur administration, spécialement soumise par les lois à l'inspection du Corps législatif, qu'ils ont préva-riqué, c'est à lui que nous adressons cette dernière partie de notre demande.
Pétition à l'Assemblée nationale.
Législateurs,
Vous avez entendu la pétition que nous avons cru devoir présenter au roi. Nous ne renouvellerons point ici les expressions de notre dévouement que nous y avons consignées ; vous en étiez assurés d'avance, et de trop pressants intérêts nous amènent vers vous, pour nous permettre de différer plus longtemps a vous en entretenir.
Un dangereux exemple vient d'être donné ; un délit nouveau vient d'être commis. Quelques hommes ont tenté de balancer eux seuls la masse imposante de l'opinion nationale, que votre organe avait exprimée ; membres d'un corps administratif, ils ont imaginé une nouvelle forme d'acte, présentant, à la fois, et les éléments de ce corps rassemblés, pour attacher à leur démarche cette idée de crédit imposant, qui se joint naturellement à celle d'un des premiers corps administratifs de l'Empire, et des individus isolés, pour échapper, par leur exiguïté, au glaive des lois, qui plane sur leur tête. Cette démarche ne serait qu'une bien impuissante témérité, s'il était posible qu'elle fût innocente; mais elle devient une entreprise bien grièvement coupable, s'il est possible qu'elle soit efficace.
Se pourrait-il, Messieurs, que les administrateurs eussent la faculté inouïe de se montrer ainsi successivement, et par un même acte, sous des rapports aussi différents ? Ou bien l'une des qualités sous lesquelles ils se sont montrés, ne pouvant compatir avec l'autre, tout le corps de leur acte démentant bientôt leur première désignation, pour en faire naître une seconde, soutenu jusqu'à la fin, et confirmée par leurs signatures, la loi ne doit-elle pas les considérer sous le rapport unique de cette dernière qualification? Telle est, Messieurs, l'importante question sur laquelle l'intérêt public exige que vous prononciez.
Or, le plus léger examen de la pétition du 5 décembre nous paraît suffisant pour la décider. Les mêmes hommes, en effet, ne peuvent être, à la fois, citoyens pétitionnaires, réduits à l'influence d'une opinion individuelle, et adminis-
trateurs, armés de tous les obstacles qu'une volonté contraire à la loi, que leur action seule peut mettre en vigueur, apporterait à son exécution.
Tel est cependant le motif le plus fort que ces administrateurs font valoir auprès du roi, pour le détourner de sanctionner le décret du 29 novembre dernier et des jours précédents ; c'est celui sur lequel ils insistent avec le plus de complaisance ; c'est donc réellement sous le rapport d'administrateurs, qu'ils se sont élevés contre vous.
Qu'il nous soit permis maintenant de soumettre à vos regards les funestes résultats qu'entraînerait une semblable démarche, si, demeurant impunie, elle pouvait être imitée. Indépendamment des dangers effrayants que présente la seule idée d'une multiplicité d'organes, s'arrogeant le droit de manifester l'opinion publique, des combats par lesquels il faudrait qu'elle reprît sa place, bornons-nous à considérer le cas que nous avons en ce moment sous les yeux. Un décret rendu par le Corps législatif; le roi partagé entre des influences opposées, et cependant le vœu national clairement déterminé, a l'exception de quelques corps administratifs coalisés contre eux pour s'y opposer. S'il était permis à ces corps d'énoncer hautement leur vœu particulier, s il existait une forme dans laquelle leurs membres pussent impunément déclarer qu'ils n'exécuteront pas la loi, le monarque, sans doute, ne pourrait s'empêcher de la juger impraticable ; il se verrait puissemment déterminé à lui refuser sa sanction; et une poignée d'administrateurs disposerait ainsi du sort de la nation entière, au mépris de son vœu évidemment manifesté.
Mais de quel genre est la peine encourue par les administrateurs du directoire du département de Paris? Ici les autorités se multiplient, et divers articles de la loi condamnent la démarche de ses administrateurs, sous autant d'aspects différents.
Sans doute, leur pétition n'empêche pas que votre décret ne puisse devenir une loi ; et, dans ce cas, les principes qu'ils ont professés, provoquent puissamment la résistance à son exécution, délit pour lequel l'article 83 de la loi du 27 mars 1791 prononce la peine de suspension. L'article 30 de la même loi prononce encore la même peine, individuellement ou collectivement, contre les auteurs de tout arrêté pris par une administration de département, et capable de compromettre la sûreté ou la tranquillité publique dans des circonstances urgentes. Il était difficile de désigner d'avance, d'une manière plus positive, l'espèce de délit contre lequel nous réclamons.
L'application de la loi portée par le dernier article est attribuée au roi; le précédent ne prononce point à qui en appartient l'exécution ; mais l'instruction du 8 janvier 1790, approuvée par le roi, déclare que toute entreprise d'une administration de département, pour se soustraire à l'autorité législative, usurper aucune partie de ses fonctions, ou enfreindre ses décrets, serait une forfaiture. Lutter contre cette autorité, usurper la fonction qu'elle seule possède de provoquer la décision royale, relativement à la confection des lois, semble bien évidemment un des cas prévus par cette instruction, et l'Assemblée nationale paraît chargée de dénoncer une telle forfaiture.
Enfin, la Constitution et plusieurs articles des lois antérieures attribuent au Corps législatif
le droit, non pas de suspendre, mais de dissoudre les administrations coupables ; et ces actes sont au rang de ceux qui ne sont pas sujets à la sanction.
Telles sont, législateurs, les armes que des citoyens, alarmés du nouveau moyen qui vient d'être découvert pour agiter encore cet Empire, se sont hâtés de chercher contre une aussi dangereuse espèce de perturbateurs. C'est à votre sagesse à les employer.
Représentants, repoussez enfin les coups audacieux que l'on ose vous porter; la majesté nationale s'en indigne; la Constitution en est menacée. Que les membres du directoire du département de Paris,, auteurs de la pétition du 5 de ce mois, servent, à l'avenir, d'exemple aux administrateurs capables de les imiter ; que pour prix de la fraude par laquelle ils ont vainement tenté de dépouiller un caractère qui leur imposait des devoirs trop sévères à leur gré, ils disparaissent des postes éminents où notre vœu les avait placés; qu'ils cessent d'alarmer, par leur influence, un peuple désormais dans l'impossibilité de placer en eux sa confiance, et le retour de la tranquillité, l'affermissement de la Constitution, et 1 heureux concert de tous les pouvoirs combleront les vœux de tous les bons citoyens. {Applaudissements.)
Tel est l'objet de notre pétition.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
Plusieurs membres demandent l'impression et la mention honorable.
D'autres membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'impression et de mention honorable.)
[Suivent les signatures (1).]
« Législateurs, votre sage décret contre les. émigrés conspirateurs, trouvé indigne de la sanction du roi, a obtenu la sanction du souverain ; il vous restait, pour assurer la paix de l'Empire, à porter une loi contre les prêtres séditieux, contre des ennemis d'autant plus coupables et d'autant plus à craindre, qu'ils prêchent au nom du ciel, la rébellion, la vengeance et les assassinats.
« Vous avez fait encore votre devoir, vous méritez la reconnaissance du peuple français; et les citoyens de la section Mauconseil s'empressent de prononcer, dans votre sein, leur formelle adhésion à ce décret « juste et courageux » que le salut de la patrie exigeait impérieusement.
« Nous ne doutons pas, Messieurs, que la France entière ne manifeste les mêmes sentiments, et si un funeste « veto » venait encore détruire nos espérances, Louis XVI ne pourrait alors s'empêcher de voir, dans cette démarche des citoyens, l'ordre de sanctionner le décret, puisque le « veto » n'est qu'un appel au peuple, et qu'une fois que le peuple s'est expliqué, le .roi ne doit plus être libre de refuser sa sanction.... (Murmures a droite.)
Plusieurs membres à droite : A l'ordre ! A l'ordre !
Il est dans les principes, la loi est l'effet de la volonté générale.
jeune.Le plus grand de tous les délits est de porter atteinte au droit de pétition ; ie demande que les interrupteurs soient rappelés a l'ordre.
Monsieur le Président, vous devez empêcher que l'on interrompe les pétitionnaires, et que fon porte atteinte à leurs droits.
C'est dans la Constitution même que je trouve que le pétitionnaire est dans les
principes, puisqu'il vous a dit que lorsque tout le monde reconnaît la bonté d'une loi, le
roi ne peut appliquer son veto. (Murmures.) C'est la seconde législature qui témoigne la
bonté de la loi en apportant de nouveau le vœu du peuple. Voilà ce que le pétitionnaire a
dit.
l'orateur de la députation continuant la lecture de Vadresse :
« Ce n'est pas tout, Messieurs; nous venons vous demander justice de l'attentat commis contre la puissance législative par les membres du directoire du département de Paris ; nous venons, aux yeux de la nation assemblée, abjurer les principes criminels renfermés dans la pétition qu'ils ont faite au roi.
« En vain nous disaient-ils que cette pétition est individuelle; qu'ils l'ont adressée au roi comme de simples citoyens, et non comme des fonctionnaires publics ; ce sophisme ridicule se trouve détruit par les expressions mêmes consignées dans cet acte de rébellion. (Applaudissements.) Les pétitionnaires y disent formellement qu'à la lecture du décret contre les prêtres non assermentés et séditieux, tous se sont demandé s'ils se sentiraient le genre de dévouement nécessaire pour en assurer l'exécution, et que sur cette demande tous ont gardé le silence ; or, à supposer que les pétitionnaires fussent considérés-, comme de simples citoyens et non comme des fonctionnaires publics, l'exécution de la loi ne les regarderait que très indirectement, et cette demande qu'ils se sont faite à tous était inutile ; il est donc bien avéré, malgré la tournure astucieuse de la pétition, que c'est le directoire du département cfe Paris qui l'a signée, que ce sont des nommes préposés à l'exécution des lois qui ont donné le jour à cet acte de la révolte la plus impudente et la plus criminelle. (Applaudissements.)
« Nous demandons, au nom de la justice, au nom de la majesté nationale, au nom du salut public, que le Corps législatif fasse poursuivre les coupables devant la haute cour nationale, i
« Législateurs, en vous est l'espérance des bons citoyens; en vos mains repose la puissance nationale, et des millions de Français sauront l'y maintenir.
« Méprisez les vaines clameurs de ces hommes vendus à la tyrannie, qui, se cachant sous le voile d'une perfide modération, ne parlent d'ordre et de paix que pour nous replonger dans la mortelle léthargie de l'esclavage (Applaudissements.) ; ne jugez pas de tous les Français par les sentiments ae quelques rebelles ; soyez inébranlables dans vos prracipes, et les Français sauront mourir pour faire exécuter vos décrets, et si quelques dangers vous menaçaient, ils se rallieraient autour ae vous, ils vous défendraient comme ils défendent la liberté ; et tant qu'un reste de sang coulerait dans leurs veines, vous pourriez braver la rage et l'audace des conjurés. » (Vifs applaudissements.)
Messieurs, l'Assemblée s'occupera de votre pétition, elle vous invite à assister à sa séance.
Plusieurs membres : L'impression et la distribution !
(L'Assemblée décrète l'impression et la distribution de l'adresse des citoyens de la section Mauconseil.)
Une députation de citoyens de Paris, de la section de la Croix-Rouge, est introduite à la barre.
Vorateur de la députation s'exprime ainsi : Messieurs, les citoyens de la section de la Croix-Rouge viennent vous représenter la nécessité de
déclarer constitutionnel votre décret contre les prêtres non assermentés. (Rires et exclamations.)
Je demande qu'on entende les pétitionnaires.
Monsieur le Président... (Bruit.)
Avant d'accorder la parole aux pétitionnaires, il faut que je consulte l'Assemblée, puisqu'il y a eu des réclamations. (Non! nonl)
Un membre : Le règlement vous autorise à maintenir la parole aux pétitionnaires.
Un membre: Et moi je m'y oppose, et je demande que l'Assemblée soit consultée. On ne peut pas entendre des principes aussi inconstitutionnels.
Je dois consulter l'Assemblée. M. Gérardin a la parole. (Non! non!)
Le droit de pétition est sacré. Si les pétitionnaires s'écartent de la Constitution, l'Assemblée les rappellera à l'ordre.
Un membre : Je demande si ceux qui ont juré de maintenir la Constitution peuvent entendre la proposition d'un pétitionnaire qui.....(Bruit.)
Je demande que la parole soit continuée au pétitionnaire, saut à improuver sa pétition et à en faire l'usage que 1 Assemblée jugera, dans sa dignité, devoir en faire.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé 1
Je demande si on veut ou non me donner la parole.
(L'Assemblée, consultée, décrète que les pétitionnaires seront entendus.
l'orateur de la députation : Messieurs, les citoyens de la Croix-Rouge viennent déposer dans votre sein toute la douleur qu'ils sentent de l'opposition que l'on apporte à l'exécution d'un décret aussi constitutionnel que celui que vous avez porté contre les prêtres non assermentés. En vain on veut mettre ce décret en opposition avec un prétendu droit acquis à ces réfractaires, et le confondre avec l'article 2 du titre Y de la Constitution. Une dette nationale est la dette d'un peuple constitué en nation. Les prêtres ci-devant fonctionnaires publics ne veulent pas jurer d'observer les décrets qui donnent à cette Constitution telle ou telle forme, et entr'autres celle que la nation débitrice envers eux a voulu pour eux; ils ne reconnaissent donc pas cette dette comme nationale ; donc on ne peut pas la réclamer pour eux, ni comme dette nationale, ni en vertu d'un titre quelconque : donc, on nej>eut pas dire que le dernier décret enfreigne la Constitution à leur préjudice. Une Constitution ne consiste pas seulement dans la simple rédaction de ses articles : elle n'existe que lorsqu'elle est reçue, elle n'est reçue que lorsqu'elle est exécutée, elle n'est exécutée que par les décrets qui lèvent tous les obstacles et subjuguent tous les opposants. Tout ce qui tend à réaliser son existence, à maintenir son exécution, est constitutionnel, et tout autant que le diplôme qui la renferme.
Ainsi, lorsqu'en succédant à l'Assemblée constituante, le Corps purement législatif retrouve les mêmes batteries dressées contre cette Charte constitutionnelle, l'émigration et rassemblement d'émigrés sur la frontière, refus de serment, conjuration de prêtres non sermentés dans plusieurs parties de l'Empire, les décrets contre les ennemis déclarés de la Convention nationale, les décrets tendant à maintenir la Constitution, sont
constitutionnels. Ce ne sont pas des lois qui règlent les possessions, les propriétés et autres droits des particuliers (tout objet de règlement est sujet à la sanction), c'est la Constitution même, c'est l'existence de la Constitution, c'est la base.
Que renferme, par exemple, le décret qui exige des ecclésiastiques réfractaires le serment, sous peine de privation de leur traitement? N est-il pas singulier que l'on peigne ce décret comme une contravention à la Constitution, tandis qu'il ne sert qu'à la maintenir? Laissons un libre cours aux manœuvres odieuses, aux complots affreux de tous ces prêtres non-conformistes, et bientôt la Constitution sera détruite, la paix bannie, la France bouleversée; comment peut-on dire que ce décret soit inconstitutionnel, n'est-ce pas là une vraie contradiction dans les termes?
Ainsi l'Assemblée actuelle n'est ni dans le temps, ni dans les termes que la Constitution prescrit pour la revision : comme si ces formes ae revision de la Constitution concernaient autre chose que l'exécution de la Constitution même. Il faut d'abord que la Constitution existe, pour qu'il y ait lieu aux formes de la revision, donc elles n'interdisent pas au Corps législatif le droit, la faculté de la faire exister ; donc le titre con-? stitutionnel de la revision des décrets, supposant que cette Constitution existe et s'exécute, laisse à la première législature le droit, la faculté, lui fait un devoir même de rendre des décrets exécutoires de la Constitution, d'en perpétuer l'existence, de la remettre en vigueur. Les lois sur le commerce, sur les intérêts particuliers peuvent être, sans un inconvénient majeur, arrêtées par le veto d'un homme qui, alors, est censé être impartial et désintéressé. Mais tout décret exécutoire de la Constitution doit être aussi indépendant de la volonté d'un homme, ou de la volonté d'une minorité quelconque que la Constitution elle-même ; autrement celle-ci pourrait n'être jamais qu'un vain projet.
De là le droit du présent Corps législatif, de là son autorisation même de rendre des aécrets constitutionnels ; encore une fois, une constitution n'est pas faite, qui est menacée de toutes parts, qui n'est pas achevée de toutes parts. Dans ce cas, attendre des années la maturité des formes de revision, ce serait, pour reviser la Constitution, attendre, hélas ! qu'elle n'existe plus.
Enfin, on réclame la liberté individuelle pour les prêtres non assermentés que le décret, dit-on, expose à des recherches sur leurs opinions, à 1 exil de leurs personnes. De quoi s'agit-il ? de faire accepter par les prêtres non assermentés, quoi ? la Constitution qui porte quoi ? la liberté d'opinions, la garantie de la liberté individuelle. Et c'est là violer la liberté soit des opinions, soit des personnes, que de faire jurer sur l'auguste monument de cette liberté ! et c'est pour ceux qui en méconnaissent le titre solennel, qu'on la respecte ! Quel amas de contradictions ! quel tissu d'absurdités !
Il faut, dit-on, attendre qu'ils aient excité des troubles, pour poursuivre et punir les coupables. Oui, lorsqu'il s agit de délits ordinaires, commis de loin en loin, par des hommes isolés ; mais lorsqu'un ordre entier est plus que suspect, lorsque la lenteur des formes peut laisser grossir la foule des coupables, au point de ruiner de fond en comble la Constitution, alors les lois doivent non seulement punir, mais prévenir le crime ; non seulement reconnaître, mais arrêter les perturbateurs. Hé ! quelles dispositions plus prochaines
aux troubles que la répugnance [pour l'ordre constitutionnel ?
Mais, disent les réfractaires, notre conscience ne nous permet pas'de jurer que nos biens sont à la disposition de la nation. Ah ! rsans doute votre conscience est blessée, si elle était dans votre or ; mais la conscience du dogme, la conscience des divins préceptes, cette conscience détachée des biens ae la terre, n'est aucunement compromise par la Constitution qui, au contraire, vous assure une libre manifestation de vos opinions religieuses.
Le dernier décret contre les prêtres non assermentés, est donc constitutionnel ; il est constitutionnel comme tout ce qui empêche la Constitution d être anéantie. Vous ne l'avez présenté à la sanction du monarque, que pour ôter tout prétexte de refus à des gens qui, plus jaloux de succéder aux druides qu'aux apôtres, mêlent en vain le nom de roi avec celui de Dieu.
, répondant à la députàtion. L'objet de votre pétition est trop important pour que l'Assemblée nationale n'y consacre pas un examen sérieux. Elle vous invite à assister à sa séance.
fils. L'Assemblée nationale ne doit pas accorder les honneurs de la séancé à des hommes qui violent la Constitution. (Applaudissements à droite. Murmures à gauche.)
Plusieurs membres : L'impression !
Vautres membres : La question préalable!
(L'Assemblée décrète qu'il , n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'impression.)
Une députàtion de citoyens de Paris de la section des Quinze- Vingts est introduite à la barre.
L'orateur de la députàtion s'exprime ainsi (1) :
« Messieurs, les citoyens de la section des Quinze-Vingts, faubourg Saint-Antoine. (.Applaudissements.), abhorrant autant la flatterie que la servitude, n'insulteront pas les représentants d'une grande nation par un éloge. (Applaudisse--ments.)
« La Révolution a détruit pendant longtemps notre commerce; pendant longtemps, noùs âvOns eu faim ; mais la mort seule peut anéantir notre amour pour la liberté. (Applaudissements.)
« Législateurs, le cri des séditieux n'est qu'un vain bruit; en vain les membres du directoire du département de Paris appellent la guerre civile par une pétition incendiaire ; le peuple tient prête la foudre qui doit frapper tout audacieux, tout insensé qui osera braver les lois constitutionnelles et vos décrets.
« Prêtres jadis, de toute espèce, de , toutes couleurs, turbulents et ennehiis jurés de la Constitution, reste impur des fanatiques, dont la philosophie, les lois et la raison doivent purger l'Empire... Monstres qui suez le crime {Applaudissements.), le Dieu au nom duquel vous prêchez le meurtre, l'incendie, le carnage, l'assassinat; ce Dieu au nom duquel vbus soufflez l'erreur dans les âmes faibles, n'est autre que le Dieu de vos passions.
« Le vrai Dieu de nos pères, le seul reconnu des amis de la liberté, le nôtre enfin, pour
tant d'horreurs nous commande la clémence; nous pourrions vous égorger, mais nous voulons le
règne de la loi. Bientôt errants et vagabonds sous un ciel étranger, vous ne trouverez pas
« Et vous, traîtres que la Constitution a nommés princes français, vous qui préférez la qualité honteuse de chefs de brigands au titre glorieux de citoyens libres, vous, prêts, à porter le fer et le feu au sein de la mère commune; si vous réussissiez jamais dans vos projets, nous brûlerions nos propriétés, nos femmes, nos enfants; et notre dernier soupir serait un soupir pour la liberté.
« Vous régneriez alors, tyrans, sur des monceaux de cadavres, et vous boiriez sur les ruines de votre patrie le sang de vos concitoyens.
« Législateurs, nous sommes armés au premier signal; nous annoncerons aux esclaves et aux despotes de l'Europe le second réveil de la nation française. (Applaudissements.).
« La pétition prétendue individuelle du directoire du département est une coalition affreuse avec les anciens ministres ; c'est le premier des crimes nationaux.
« Ces ministres qui, devant le suprême pouvoir national* ont osé défier de citèr contre eux aucun chef d accusation, n'auraient pas tenu ce langage arrogant devant le peuple... à juste titre les 83 départements leur reprochent la marche engourdie de toutes les lois, leur négligence coupable sur les subsistances.
« La nation leur reproche leur insurveillance criminelle sur les projets des émigrants.
« La nation leur reproche la situation affreuse des gardes nationales qui bordent les frontières. . Ces citoyens qui ont abandonné gaiement pères, mères, femmes, enfants, demandent au* moins à l'Assemblée nationale des armes pour défendre la patrie.
Les ministres, cependant, dormaient impunément malgré vos décrets. i(
« La nation leur reproche tous les troubles suscités par cette horde de conspirateurs, ces prêtres réfractaires ennemis d'un Dieu de paix.
« La nation leur reproche le choix des ambassadeurs qui ne sont presque tous que des traîtres. .ui
« La nation leur reproche surtout 1 opprobre de l'honneur national chez les-puissances étrangères.
« Ministres, avant de quitter vos fonctions, vous aviez perdu la confiance d'un peuple libre.
« A vous, législateurs, la nation vous reproche votre clémence (Applaudissements.); parlez, enfin, il est temps, et deux millions de bras se lèvent pour exterminer les violateurs des lois ; ne vous y trompez pas, les Catilina sont aux portes de la France, les Catilina sont au sein de fa capitale.
« Messieurs, les citoyens du faubourg Saint-, Antoine vous déclarent que pour maintenir la Constitution, pour soutenir vos décrets, pour empêcher l'usurpation des pouvoirs, ils ont encore les bras, les canons, les piques (Applaudissements.), et le courage qui ont aidé à faire disparaître la Bastille.
« Cette vérité nous a déjà honorés du titre de séditieux {Rires.); comme telle, la section est dénoncée à l'accusateur public; mais, sans crainte comme sans reproche, nous jurons, entre les mains des représentants du peuple, que sans la liberté, sans nos législateurs, il n'y aura plus de patrie pour nous, et nous mourrons tous pour la loi.
« C'est le dernier cri des habitants dn faubourg, dont les cœurs ne furent jamais neufs pour la liberté. » (Applaudissements.)i
(Suivent les signatures.)
L'Assemblée nationale accepte l'hommage de vos sentiments de soumission à la loi et d'amour pour la Constitution, Elle s'occupera de l'objet de votre demande et vous invite a assister à sa séance.
Plusieurs membres : L'impression et la distribu -tion!
(L'Assemblée décrète l'impression et la distribution de l'adresse des citoyens de la section des Quinze-Vingts.)
aîné. Vous avez dernièrement ordonné l'impression et l'insertion au procès-verbal du discours d un ministre qui se disait patriote. L'Assemblée doit accueillir tous les braves citoyens qui viennent la défendre. Tout Paris vient vous annoncer, tout Paris vient vous dire qu'y périra plutôt que de perdre la liberté. Or, dans le cours de la séance, vous avez refusé la mention honorable demandée en faveur de l'adresse des citoyens de l'Observatoire (1). Je demande que dans ce moment-ci ce décret soit rapporté et que mention honorable soit faite au procès-verbal de toutes les adresses qui ex- ? riment les sentiments glorieux du peuple de paris.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu il y a lieu à délibérer et adopte la proposition de M. Albitte.)
Une députation de citoyens de Paris, de la section de la Halle aux blés, est introduite à la barre.
orateur de la députation, s'exprime ainsi (2) :
« Législateurs, les membres du directoire du département de Paris ont adressé au roi une pétition, que vous connaissez sans doute. L'adresse la plus perfide, l'éloquence la plus dangereuse, y sont employées pour paralyser le décret que vous avez rendu relativement aux troubles religieux.
« L'on peut diviser cette pièce en deux parties : la première, qui n'est pas relative à l'objet principal et qui n a été faite que pour préparer favorablement les esprits, contient des vérités utiles et rabattues, et quelques flagorneries ; la seconde, qui est véritablement la pétition, renferme des principes erronés, des suppositions malignes, qui laissent entrevoir des desseins perfides. Les membres du directoire ont attaqué principalement deux points dans votre décret : le premier, relatif à la suppression du traitement des ecclésiastiques qui auraient refusé de prêter le serment civique ; le second est le déplacement, en cas de troubles, des ecclésiastiques refusants.
« Ils prétendent sur le premier objet que l'Assemblée constituante a prononcé sur les prêtres non assermentés. or, disent-ils, peut-on prononcer une nouvelle peine sur un point déjà jugé, toutes les fois qu'aucun délit individuel ne cnan-ge pas l'état de la question ?
« D'abord, il est ïnen certain que l'état de la question n'est plus le même qu'à l'époque
où il ne s'agissait que de statuer sur les conditions à imposer aux fonctionnaires
ecclésiastiques. Le
« Ces pensions, disent les administrateurs du « directoire, ont été reconnues dettes nationales; « et le refus de prêter un serment même le plus « légitime, peut-il détruire le titre de ces crean-« ces?»
« Messieurs, les citoyens soussignés, pensant que des faits sont plus concluants que des raisonnements, et que des lois ont plus de force que des phrases, vont opposer aux raisonnements captieux, et aux phrases harmonieuses des administrateurs de leur département, des faits et dès lois. On ne peut, selon eux, détruire le titre d'une créance qui a été reconnue dette nationale.
« D'abord nous observerons que le décret par lui-même, ne détruit aucun titre, mais bien le refus de prestation du serment civique de la part des pensionnaires ; ensuite nous demandons si les créances d'une foule de particuliers qui sont hors du royaume, ne sont pas aussi sacrées que celles des chanoines, des moines, etc. ? Eh bien I Messieurs, vous savez qu'il existe une loi qui déclare qu'il ne sera remboursé aucune somme à ceux qui ne seront pas résidents dans le royaume ; cependant, ces créances sont presque toutes légitimes ; ce sont pour la plupart des prêts faits à FEtat, des offices supprimés et dont le remboursement est ordonné ; des fournitures, des traitements, des pensions : aussi beaucoup d'entre ces créanciers sont pères de famille ; et et cependant la sollicitude paternelle des administrateurs du directoire du département de Paris, ne les a pas engagés à s'opposer à la sanction de cette loi ; ils n'ont pas dit, comme aujourd'hui, que rien ne pouvait détruire le titre de ces créances ; néanmoins, l'un des articles du décret que nous venons de vous citer, ordonne la suppression des pensions et traitements des absents.
« L'Assemblée nationale a fait aujourd'hui à l'égard des prêtres qui refuseraient ae prêter le simple serment d'obéir aux lois, serment auquel aucun honnête homme ne se refusera jamais, ce que l'Assemblée constituante a fait à 1 égard des individus, prêtres ou autres ; car il faut encore observer que votre décret, Messieurs, ne fait qu'appliquer aux ecclésiastiques turbulents de 1 intérieur du royaume, la loi faite sur ceux qui en étaient sortis^ puisqu'il est vrai que le prêtre émigré ne doit plus, aux termes de 1 ancienne loi, quelle que soit d'ailleurs sa conduite, jouir de sa
pension ; ce fait, exactement vrai, détruit absolument le raisonnement avancé par les administrateurs.
« Nous passons à ce qui est relatif au déplacement, en cas de troubles religieux, des ecclésiastiques qui auront refusé ae prêter le serment civique.
« Comment, s'écrient les membres du direc-« toire, comment une loi peut-elle déclarer les « hommes suspects de révolte contre la loi ? A-t-« on le droit de présumer ainsi le crime? »
« L'Assemblée constituante a rendu, sur la fin du mois de iuin dernier, à l'époque de l'évasion du roi, une loi contre les gens sans aveu, qui les déclare suspects, et donne sur eux, comme tels, à la municipalité de Paris, des droits qui ne sont cependant pas compatibles avec les droits de l'homme; personne n'a réclamé et la raison en est simple. Celui qui n'est attaché à la société par aucun lien doit lui être suspect; à bien plus forte raison celui qui refuse ae déclarer qu'il obéira aux lois. Combien il est douloureux pour les âmes vertueuses dépenser qu'il existe, dans la société, des individus qui puissent se refuser à obéir aux lois qu'elle s est faites? Mais combien il est horrible ae voir que des hommes qui ont obtenu les suffrages des citoyens, qui sont revêtus de fonctions éminentes qui supposent des vertus morales et civiques, aient l'impudeur, pour ne rien dire de plus, de soutenir des hommes qui veulent rompre les liens les plus saints du contrat social: l'obéissance aux lois.
« Voyez maintenant, Messieurs, avec quelle perfidie ces 10 individus présentent au roi l'exécution de votre décret : « Eh quoi ! se demandent « les pères du peuple, il nous faudrait donc tenir « ce langage à nos concitoyens. Dites quel est votre « culte? rendez compte de vos opinions reli-« gieuses ; apprenez-nous quelle profession vous « avez exercee ; et nous verrons alors si vous avez « droit à la protection delà loi; nous saurons s'il « nous est permis de vous donner la paix : si vous « êtes ecclésiastiques, tremblez. » . « Voilà le langage que les membres du directoire du département de Paris prétendent que vous avez voulu qu'ils tinssent à leurs concitoyens. C'est ainsi que les organes de la loi préparent les citoyens a recevoir les lois! c'est ainsi que l'on vous respecte, vous, représentants d'un peuple grand et généreux! On vous accuse d'injustice,de persécution, de barbarie même ; l'on cherche à jeter sur vos décrets un ridicule offensant pour la nation entière !
« Et la foudre en vos mains resterait inutile !
« Non, Messieurs ; ce n'est pas vous seulement que vous avez à venger; nous le savons, vous pardonneriez ; mais c'est la nation elle-même qui se trouve offensée dans ses représentants, par des fonctionnaires qui, feignant de quitter leur caractère public, osent se revêtir de leurs qualités, afin de donner à leurs perfides insinuations un poids plus considérable.
« Vainement ils voudraient faire croire que ce n'est que comme citoyens, comme individus, qu'ils ont émis leur opinion ; pourquoi donc, dans ce cas, disent-ils au roi ces mots en parlant de l'exécution du décret de la part des directoires : « Sire, « tous les individus qui vous présentent cette « pétition, se sont demandé s'ils se sentiraient ce « genre de dévouement; tous ont gardé le plus profond silence. »
« Ce ne sont plus de simples citoyens, vous le voyez, Messieurs, ce sont les administrateurs du directoire de Paris, qui déclarent au roi qu'ils ne
se sentent pas le genre de dévouement nécessaire pour exécuter les lois. Ici, le délit nous paraît formel; ce sont des fonctionnaires qui ne refusent pas seulement leur ministère à l'exécution des lois, mais qui déclarent par anticipation que si le roi, par sa sanction, donne force de loi à votre décret, ils ne l'exécuteront pas ; y eût-il jamais une révolte plus marquée? elle est d'autant plus punissable que l'on ne l'annonce, que pour influencer l'opinion du roi, que pour le déterminer à se servir de son « veto » pour paralyser le vœu national.
« Il est, Messieurs, mille autres réflexions à faire sur cette pétition véritablement incendiaire puisqu'elle tend à disposer les peuples à se reruser a l'exécution de ce décret. Nous n'avons pas même la satisfaction de pouvoir supposer que nos administrateurs aient eu le bien en vue ; car s'ils l'avaient voulu, ne se seraient-ils pas empressés de vous faire part de leurs craintes pendant la longue discussion qui a eu lieu sur les troubles religieux? (Vifs applaudissements.y
« L'Assemblée constituante, en reconnaissant à tout individu le droit de pétition, a prononcé des peines contre les pétitionnaires qui tendraient à avilir les autorites constituées. Cette intention est manifeste dans la pétition des membres du . directoire. On a voulu avilir la première des autorités constituées, le Corps législatif.
« Nous venons à vous, nos représentants, pour nous venger de l'insulte qui nous a été faite en votre personne : en conséquence, nous demandons que les administrateurs du directoire de ce département, signataires de la pétition que nous vous avons dénoncée, soient suspendus de leurs fonctions, et que vous ordonniez à l'accusateur de la haute cour nationale de les poursuivre, et d'appliquer à leur égard la loi relative à l'avilissement des autorités constituées.
« Représentants du peuple, vous devez voir que depuis longtemps 1 on travaille par tous les moyens à avilir l'Assemblée nationale, et à lui faire perdre l'opinion publique. Dès votre première séance, vous avez entendu le roi regretter que la première Assemblée n'ait pas protégé sa durée; comme si nos nouveaux représentants n'étaient pas, autant que les premiers, dignes de la confiance nationale! Depuis vous avez vu, lors du « veto » sur le décret des émigrants, une proclamation qui, combattant le résultat de vos délibérations, ne pouvait avoir d'autre but que de chercher à capter au roi la confiance exclusive du peuple, en proposant des moyens différents des vôtres de parvenir au même but ; ce gui est bien évidemment l'initiative que la Constitution refuse au roi, et que vous avez si sagement refusée depuis aux ministres.
« Enfin, cette foule d'écrivains mercenaires qui fut toujours l'écho ministériel, a sans cesse cherché à dénigrer toutes vos opérations, pour élever ce qu'ils appellent la prudence et la sagesse du roi. Messieurs, nous aimons le roi; mais, nous vous le déclarons franchement, nous aimons , encore mieux notre liberté. C'est en vous déprimant qu'on lui porte les coups les plus funestes. Continuez, législateurs, continuez à marcher d'un pas toujours ferme vers le grand but du bonheur des peuples, et les peuples vous défendront, au péril de leurs biens, de leur vie même.
« Les citoyens soussignés ont cru de leur devoir de venir vous témoigner leurs véritables sentiments, afin que les fonctionnaires des divers départements ne suivent pas l'impulsion
funeste qu'on a cherché à leur donner ; afin que le roi lui-même soit certain que ce qui lui a été présenté au nom du peuple, ne fût jamais son vœu ; que le vœu de ce peuple est d'être libre, de respecter et de faire respecter ses représentants dans leurs fonctions, et de périr plutôt que de souffrir qu'on y porte la plus légère atteinte. » (Vifs applaudissements.)
, répondant à la dèputation : Messieurs, l'Assemblée nationale prendra votre demande en considération et vous accorde les honneurs de la séance.
Plusieurs membres : L'impression et la distribution !
(L'Assemblée décrète l'impression et la distribution de l'adresse des citoyens de la section de la Halle aux blés.)
Une dèputation de citoyens de Paris, de la section de VArsenal, est introduite à la barre.
L'orateur de la dèputation s'exprime ainsi (1) :
« Fils et pères du peuple, des citoyens en grand nombre, de la section de l'Arsenal, dont nous faisons partie, et que nous représentons, viennent jeter le peuplé dans vos bras ; ils accourent pour dénoncer à votre puissance un crime fait pour allumer, dans Paris, le fanatisme et la'dis-corde qui déjà ravagent plusieurs départements ; en un mot, us viennent livrer à vous, à la justice compétente, cette pétition publique faite au roi par 10 membres du directoire du département de PariSj afin d'obtenir de lui son « veto » contre votre loi, relative aux troubles impies des prêtres avares et tartufes ; loi sage autant qu'énergique, immortëlle comme celle contre les émigrés, et applaudie comme elle par tout le patriotisme français.
« En vain ces traîtres ont cherché à commettre ce crime impunément, en le couvrant du nom de pétition individuelle, et en osant dire qu'ils la taisaient par vertu ; les noms ne sont point les actes; l'audace n'efface point le crime. Ils ont voulu poignarder la patrie. Cela résulte de leur pétition même ; ils l'on faite comme département, elle en comporte les preuves; et l'eussent-ils faite individuellement, chacun d'eux, serait d'intention évidente, un criminel horrible de lèse-nation.
« En effet, quoi de plus coupable, envers la nation, qu'une pétition de 10 conjurés, tendant par sa nature et sa publicité, et en dépit de l'expression du vœu public, à former un parti contre ce vœu pour la cause des « Saint-Bartnélemistes » et contre la loi « d'urgence » qui les réduit? Chacun d'eux serait coupable encore du plus grand crime, pour avoir, tenté l'avilissement « impossible »> ae l'Assemblée nationale (Applaudissements.) en présentant sa loi comme absurde et inhumaine, au milieu de leurs hommages déshonorants et perfides.
« Ainsi, fils et pères du peuple, les signataires de cette pétition ne sauraient être, d'aucun côté, à l'abri de la punition souveraine qui les attend, pour l'exemple des pervers et le salut du peuple.
« Nous vous en conjurons, puissance nationale, et pour le salut du peuple, et pour le
vôtre, frappez ces solliciteurs de « veto » (Rires et applaudissements.), qui appellent à
eux les 83 départements, pour opposer la nation à ses représentants par l'entremise du roi,
et mettre le peuple contre
« Que craindriez-vous, fils et pères du peuple? Le lion du patriotisme se réveille pour terrasser, si le malheur l'exige, les tigres que votre indulgence sublime a multipliés autour de vous; la majesté, la force et les bénédictions nationales vous environnent plus que jamais. La France est en vous, oh! servez-vous d'elle...; aux apprêts des armes sur toutes les hypocrisies qui succéderaient aux députations d'aujourd'hui! plus de pitié pour la rage ! que le crime à la fin périsse ! que la bonté des « francs •> ne seTve pas à les égorger! » (Vifs applaudissements.)
L'Assemblée nationale a déjà témoigné l'importance qu'elle attache à l'objet de vos demandes et aux sollicitudes de votre patriotisme. Elle vous accorde les honneurs de la séance.
Plusieurs membres : L'impression et la distribution ! :
(L'Assemblée décrète l'impression et la distribution de l'adresse des citoyens de la section de de l'Arsenal.)
Une dèputation de citoyens de Paris, de la section de l'Observatoire, est introduite à la barre et présente une adresse sur le même objet que celles des députations précédentes.
Une dèputation de trois aides-majors de la garde nationale parisienne est introduite à la barre.
Ils demandent à être conservés sans appointe ments comme adjudants-majors auprès de la gendarmerie à cheval parisienne qui va se former, jusqu'à leur remplacement dans les troupes de ligne.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
La séance, dont l'Assemblée nationale vient de jouir, est la plus précieuse récompense de ses travaux. Les représentants du peuple français, organes de sa souveraineté nationale, goûtent, pour la première fois, la satisfaction d'espérer qu'ils l'ont exactement interprétée. Jamais l'Assemblée nationale n'a reçu d'aussi grands témoignages de confiance, de zèle et de dévouement, parce que, sans doute, jamais l'occasion n'a été aussi puissante. L'acte qui a provoqué ces démarches patriotiques a dû forcer l'opinion publique à se recueillir, puis à se manifester. Cet acte était mis entre le peuple et le roi, et si le peuple eût gardé le silence, il eût paru donner un assentiment qui eût porté un coup mortel à la chose publique.
Mais ce n'est pas assez, Messieurs, que nous soyons dépositaires de ces sentiments genéreux ; il me paraît utile qu'ils soient transmis à la nation entière par l'Assemblée nationale. Cette séance obtiendra le plus vif intérêt dans toutes les parties de l'Empire et nous devons aux Français, qui n'ont pas pu y prendre part, de leur en offrir le tableau fidèle et de leur fournir l'occasion d'unir encore une fois leurs vœux aux vœux de leurs frères de Paris. En outre, il est important de prévenir les départements contre les sugges-
tions qui ont provoqué la pétition du directoire du département de Paris.
Je demande donc que le procès*verbal de la séance soit imprimé et envoyé dans les 83 départements.
(L'Assemblée, consultée, décrète la motion de M. Lagrévol.) (1)
(La séance est levée à quatre heures.)
opinion de M. Dehaussy-Robecourt (2), député du département dé la Somme, sur la dénonciation (3) faite à VAssemblée nationale de la pétition de dix citoyens membres du département de Paris (4), pour engager le roi à mettre le veto sur le décret du 29 novembre 1791, concernant les troubles excités sous prétexte de religion. .
Messieurs,
Une pétition faite au roi, signée individuellement par 10 citoyens, membres du directoire du département de Paris, pour demander le veto sur le décret concernant les troubles religieux qui agitent le royaume, est dénoncée à l'Assemblée nationale, comme un acte contraire à la Constitution, comme un acte injurieux aux représentants au peuple, comme un acte enfin qui appelle un décret d'accusation sur la tête de ceux qui ont eu la criminelle audace de le signer.
Tous les journaux avaient imprimé cette pétition, elle était soumise à l'opinion publique depuis plusieurs jours : votre comité de surveillance ne vous en parlait cependant pas ; il semblait même y avoir renoncé, d'après la déclaration formelle faite par un de ses membres, à la séance du soir du 8 décembre, qu'il fallait livrer la pétition des citoyens se disant administrateurs du département de Paris au mépris qu'elle méritait.
Ce que votre comité dé surveillance n'avait pas fait, quelques citoyens de plusieurs sections ae Cette capitale ont cru de l'intérêt public de le faire dans diverses pétitions présentées et lues à l'Assemblée nationale.
Le renvoi en a été ordonné à votre comité de législation, pour vous en faire son rapport incessamment.
Pour fonder la dénonciation, on vous a présenté la pétition comme étant faite par lé. directoire du département de Paris; on vous a dit qùe; isuivànt la Constitution, les administrateurs n'avaient aucun caractère dé représentation, âu'ils ne pouvaient s'immiscer dans l'exercice u pouvoir législatif, qu'ils étaient coupables de forfaiture, pour avoir provoqué l'avilissement
d'un des pouvoirs constitués, la résistance à ses actes et manifesté leur résolution de désobéir à la loi.
Le premier point à éclaircir est donc de savoir en quelle qualité ont agi les signataires de la pétition.
S'ils ont agi comme administrateurs, on doit trouver dans l'acte les caractères d'un acte d'administration.
Ces caractères sont déterminés par la loi du 27 mars 1791, contenant des dispositions relatives à l'organisation des corps administratifs.
Suivant l'article 1er de cette loi, les actes des directoires ou conseils de district ou de département porteront le nom d'arrêtés.
Suivant l'article 2, l'expédition des actes doit être faite sous la signature du président et du secrétaire-greffier, sans la mention de ceux qui auront signé la minute.
Or, l'acte souscrit par les dix citoyens administrateurs du directoire du département de Paris, ne porte ni l'un ni l'autre de ces caractères.
Ce n'est donc pas un acte d'administration. Conséquemment, tout ce que l'on a dit contre les signataires, comme administrateurs, ne leur est point applicable
Vainement prétendrait-on que les citoyens qui ont adressé la pétition au roi ne devaient pas y prendre la qualité d'administrateurs. Je demanderai par, quelle loi il est interdit à des citoyens de prendre dans des actes étrangers à leurs fonctions un titre qu'ils ne doivent qu'à la confiance publique.
La Constitution, qui a aboli les noms de duc, marquis, comte, et tous les titres dus au hasard de la naissance, y a substitué les distinctions civiques, qui font le prix des vertus et des talents.
Ainsi le citoyen honoré d'une fonction publique, par le suffrage libre du peuple, peut et doit en rappeler le titre dans les actes même étrangers à cette fonction, pendant tout le temps de sa durée.
Les citoyens qui ont signé la pétition se sont expliqués de manière à prévenir tous les doutes; ils ont déclaré qu'ils venaient, en qualité de pétitionnaires. .. forts de leur conviction individuelle, soumettre au roi des observations sur le décret relatif aux troubles religieux. Ils ont invoqué l'exercice du veto. .
La pétition, en la forme, est régulière ; elle est signée individuellement par 10 citoyens; et l'une des dispositions fondamentales garanties par la Constitution, est la liberté d'adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement.
J'examine maintenant si cette pétition, en appelant le veto du roi sur un acte du Corps législatif, blesse les principes de la Constitution.
La nation, qui ne peut faire ses lois par elle-même, en a confié le soin à ses représentants.
Les représentants sont le Corps législatif et le roi (1). Le Corps législatif rend des décrets, le roi les sanctionne; et ce n'est qu'après la sanction que les décrets deviennent lois.
Il y a des cas particuliers, expliqués par la Constitution, où les décrets sont exécutés comme lois, sans avoir besoin de sanction.
Mais, dans la thèse générale, la loi se compose du décret et de la sanction.
Si un décret paraît à quelques citoyens blesser la justice ou la Constitution, il est certain que ces citoyens ont le droit de s'adresser à l'autorité dont le concours est nécessaire pour la perfection de la loi et de lui exposer les conséquences funestes qu'ils pensent devoir résulter de la sanction.
Il n'est pas plus défendu d'adresser une pétition au roi avant qu'il sanctionne un décret, qu'il n'est défendu d'adresser une pétition au Corps législatif avant qu'il rende le- décret. Les deux pouvoirs sont absolument distincts et séparés ; la Constitution permet les pétitions individuelles à l'égard de l'un, comme à l'égard de l'autre.
Les membres de l'Assemblée nationale sont les seuls citovens qui ne puissent attaquer un décret par voie ae pétition au roi, parce que le décret est l'ouvrage de l'Assemblée entière; parce qu'il serait hors de toute convenance que ceux, par exemple, qui auraient été dans la minorité, lors de la délibération, vinssent prier le roi d'apposer son veto sur un décret jugé utile par la majorité •de l'Assemblée dont ils sont membres.
Les pétitions, en ce cas, prendraient le caractère de véritables protestâmes : elles seraient opposées aux principes de la Constitution.
Mais, les membres du Corps législatif exceptés, tous les autres citoyens de l'Empire ont la liberté de demander individuellement le veto sur un décret de l'Assemblée nationale, ce qui n'em-
êche pas le roi d'user du droit, qu'il tient de la
onstitution, de sanctionner ou de ne point sanctionner le décret.
Si, par la Constitution (1), la censure sur les actes des pouvoirs constitués est permise; si la censure même des lois n'est pas interdite, pourvu qu'on n'excite point à la. désobéissance, à plus forte raison les pétitions des citoyens sont-elles autorisées, lorsque lé décret n'étant pas sanctionné, il est encore temps de prévenir tous les maux qui pourraient résulter d^une loi que ceux qui font la pétition regardent comme dangereuse.
On reproche aux citoyens qui ont signé la pétition au roi pour lui demander le veto, d'avoir cherché à avilir un des pouvoirs constitués pouvant jamais résulter de l'exercice d'une faculté assurée par la Constitution pour garantir la liberté.
Les pétitionnaires ont dit que, dans les circonstances difficiles où se trouvait l'Assemblée nationale, elle avait pu être entraînée trop-loinpar son zèle et par le désir de rétablir la paix, en employant des mesures qui s'éloignaient de la Constitution.
Ils ont exprimé en cela leur opinion particulière, soumise à l'un des pouvoirs publics. Elle l'est par-dessus tout à l'opinion générale ; c'est à elle, à l'aide de l'expérience, qu'il est réservé en dernière analyse, a'en faire justice!
Mais une opinion libre sur un acte d'un pouvoir quelconque ne peut jamais être considérée comme une injure, encore moins comme un crime.
Soyons au moins conséquents, si tous les jours nous souffrons au sein de l'Assemblée nationale la lecture d'adresses où, en approuvant notre décret sur les émigrés, on blesse l'usage du veto par lequel on dit que le roi paralyse la volonté de 24 millions d'hommes; si nous entendons des déclarations continuelles contre le pouvoir exécutif, si les dénonciations contre ses agents se
renouvellent sans cesse, c'est sans doute parce que nous croyons devoir laisser la plus grande latitude à la liberté des opinions.
Cependant, toutes ces adresses, ces déclamations, cés dénonciations tendent plus à l'avilissement du pouvoir exécutif, que la pétition des 10 citoyens membres du département de Paris ne tend à déconsidérer le Corps législatif, auprès duquel elle annonce que doit reposer la confiance du peuple.
Le veto est dans la Constitution ; le* droit de pétition individuelle est également aans la Constitution ; le maintien de ces droits est donc sacré pour les véritables amis de la Constitution, pour ceux qui ont juré de mourir plutôt que de souffrir qu'il y soit porté la plus légère atteinte et qui sont disposés à tenir leur serment.
On prétend que les auteurs de la pétition sont coupables de forfaiture, parce qu'ils ont manis-festé d'avance une intention formelle de ne pas faire exécuter la loi.
Après avoir développé les inconvénients qui naissaient de diverses dispositions du décret du 29 novembre, les pétitionnaires se sont demandé s'ils se sentiraient le genre de dévouement nécessaire pour leur exécution; tous ont gardé le plus profond silence.
Les pétitionnaires, en s'èxprimant ainsi, se sont peut-être un peu trop souvenu de leur qualité d'administrateurs; mais ils ne raisonnent que dans une hypothèse, et ils raisonnent avant la sanction. Ils expriment avec énergie ce qu'ils sentent vivement, ils ont pu mettre au nombre des suites fâcheuses de la loi la position infiniment délicate où se trouveraient des administrateurs forcés de prêter leur ministère à l'exécution d'une loi de rigueur, de la justice de laquelle ils ne seraient pas intimement convaincus.
Avant la loi, il est permis de tout dire pour en démontrer les dangers. Parler est même une obligation pour qui croit prévenir un mal. Après la loi, on peut encore parler sur les inconvénients, puisque la loi peut être révoquée par la législature suivante, et dans certaines circonstances par la même législature qui l'a portée; mais obéir est un devoir.
Les pétitionnaires, membres du directoire, ont annoncé une grande répugnance à exécuter la loi relative aux troubles religieux; mais enfin cette loi n'existait pas. elle n'existe pas encore, il est possible qu'elle n'existe jamais; et une répugnance fondee sur les motifs développés dans la pétition, est bien loin du crime de forfaiture.
Ainsi, de quelque côté qu'on envisage la pétition des citoyens de Paris, membres du département, elle ne paraîtra que l'exercice d'un droit qui, dans le nouvel ordre des choses, appartient essentiellement à tous les citoyens. La liberté exige que nous maintenions ce droit avec d'autant plus de scrupule, que c'est contre un de nos décrets qu'on en a mit usage. On a voulu mettre une grande importance à la dénonciation ; notre devoir est de la repousser et de donner par là à tout l'Empire un exemple éclatant de notre respect pour la Constitution.
Je demande donc que, sur la dénonciation de la pétition individuelle des 10 citoyens de Paris, pour solliciter le veto, l'Assemblée nationale déclare qu'il n'y a lieu à délibérer.
Séance du
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 10 décembre au soir.
Il y a dans le procès-verbal des expressions qui tendent à faire croire que l'Assemblée n'a fait mention honorable de Y Adresse des citoyens de la Halle aux blés, que parce qu'elle contient une discussion inconstitutionnelle sur le veto. J'avoue que si j'étais condamné à entendre de semblables adresses et de semblables mentions honorables, j'aimerais encore mieux le séjour de l'Abbaye. Il ne faut point rappeler dans le procès-verbal qu'une adresse a eu pour objet de mettre obstacle à l'émission du veto : elle renferme d'ailleurs des objets très recom-mandables, et c'est sous ce point de vue qu'elle mérite d'être rappelée.
Plusieurs membres : Relisez la phrase !
, secrétaire. La phrase est ainsi conçue : « Cette adresse contient plusieurs observations sur le veto, regarde le veto comme absolu et contraire à la Constitution. (Murmures.) Plusieurs membres ont demandé qu'il fût fait mention honorable de cette adresse, d'autres ont invoqué la question préalable qui a été rejetée, et l'Assemblée a décrété qu'il serait fait mention honorable de cette adresse. »
Il s'élève dans cetle Assemblée un système affreux. On cherche sans cesse à avilir les pouvoirs constitués; tous les bons citoyens doivent s'unir pour maintenir les lois constitutionnelles.
Et moi, Messieurs, ie mourrai plutôt sur la place que de souffrir de pareilles mentions honorables.
Les préopinants ne sont pas les seuls qui aiment la Constitution. Nous périrons aussi pour la défendre; mais l'attachement que nous devons tous avoir pour la Constitution doit aussi nous apprendre que cette même Constitution accorde a tous les citoyens la permission de censurer les actes des autorités constituées. (Murmures.)
Je demande que la mention honorable soit rayée.
Je prétends que, de tous les moyens indirects, car, certes, on ne pourrait se flatter, dans l'instant où nous sommes, de pouvoir en employer d'autres pour détruire la Constitution, je prétends, dis-je, que de tous les moyens indirects que les ennemis de la Constitution pourraient employer pour parvenir à la miner sourdement, il n'y en aurait pas un plus efficace que celui de faire passer insensiblement, par l'approbation de l'Assemblée nationale, toutes les Adresses qui porteraient atteinte à des articles constitutionnels et à la Constitution elle-même. Le droit de pétition est sacré, mais l'excitation à la désobéissance est un sacrilège, et si l'un des préopinants a pu dire avec raison que tout homme avait le droit de censurer même les lois faites,
on ne peut appliquer un tel principe à l'Assemblée nationale. Certes, il serait étrange qu'on professât une pareille doctrine que l'Assemblée nationale législative, qui est faite pour exprimer et consacrer l'opinion publique et pour appuyer de tout son pouvoir l'idée que l'on doit avoir de la Constitution, et celle que l'on doit prendre des lois, dût être la première à faire des mentions honorables, ou, pour mieux dire, des mentions honteuses, d'adresses perfides, d'adresses incendiaires, d'adresses dictées dans la capitale et envoyées dans les départements, d'adresses pour lesquelles on mendie des signatures et qui, après avoir obtenu quelques adhésions, reviennent par le courrier d après comme l'expression du vœu national.
Que penserait-on si l'on tentait de faire sanctionner, par l'Assemblée, des adresses qui cherchent à égarer le peuple, à exciter à la désobéissance à la loi et à avilir les pouvoirs constitués ?
Je demande non seulement la radiation de cette mention honorable, mais je demande encore que dans le procès-verbal allier, dont M. le secrétaire va vous faire lecture tout à l'heure, toutes les mentions honorables soient supprimées et particulièrement celle qui a été surprise à l'Assemblée à la fin d'une longue séance.
Un membre : Appuyé 1 Cette dernière surtout est infâme. Je ferai la motion qu'elle soit rayée, et je demande à la renouveler après la lecture du procès-verbal, pour qu'enfin 1 Assemblée nationale prenne un parti définitif sur toutes les adresses et toutes les pétitions. Je demande que, sans distinction, l'Assemblée décrète qu'il ne sera fait mention honorable d'aucune adresse. (Applaudissements.)
J'ai toujours cru que lorsqu'à la lecture d'un procès-verbal, on demandait la parole pour faire des observations, ces observations ne pouvaient porter que sur la rédaction; mais aujourd'hui, contre l'usage, une coalition se présente... (Applaudissements dans les tribunes. Murmures dans l Assemblée.)
Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre! les tribunes !
Un membre : Je demande que M. Delacroix soit rappelé à l'ordre pour avoir dit qu'il existe une coalition dans l'Assemblée.
J'ai été rappelé hier à l'ordre pour avoir manqué à un membre, M. Delacroix vient de manquer à l'Assemblée entière; je demande... (Bruit.)
Je voulais dire que ce que l'on propose est le résultat d'une délibération prise aux Feuillants... (Nouveaux murmures.)
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Si l'Assemblée se détermine à me rappeler à l'ordre pour avoir dit la vérité, je finirai par être censuré, car je vais la dire encore. (Murmures prolongés et exclamations.)
Je dis, Monsieur le Président, qu'on propose aujourd'hui de décréter le contraire de ce qui a été décrété hier. C'est une coalition de la minorité qui reproduit ce qui a été rejeté par la majorité...
Un membre : Des Jacobins !
Ainsi, s'il était possible, lors de la lecture du procès-verbal, que cette minorité se trouvât la majorité, par l'effet d'une coalition et d'une convention pour se trouver à
la lecture du procès-verbal, il en résulterait que cette petite minorité...
Plusieurs membres : A l'ordre du jour !
Je vous rappelle que ce n'est point là la question : on ne délibère que sur la rédaction au proces-verbal de samedi soir.
Je vous demande pardon, et je dis que s'il était permis à cette minorité de défaire ce qui a été fait la veille à une très grande majorité, il n'y aurait plus rien de certain dans l'Assemblée. Hier, les décrets qu'on propose de rapporter ont été rendus à une si grande majorité, qu'on pourrait dire qu'ils ont été rendus à l'unanimité, car ceux qui ont invoqué la question préalable n'ont pas osé se lever pour l'appuyer. (Rires à gauche. Murmures à droite.)
Je demande l'ordre du jour et la lecture du procès-verbal d'hier.
Si l'on veut rapporter ces décrets, il faut attendre que tous les membres soient arrivés. Je ne suis pas jacobin, mais je demande que l'on ne vienne pas ici faire décréter le résultat d'une délibération des Feuillants.
Tout ce que vient de dire M. Delacroix est dans le Patriote français. Or, lorsque l'ouverture de la séance est fixée à dix heures, on ne peut pas dire qu'une proposition faite à midi est le résultat d'une coalition.
On est sorti tout à fait de la question. Un membre a proposé que, dans la rédaction du procès-verbal, on ne nt pas mention d'une des parties que contenait la pétition. M. Quatremère ensuite a parlé et s'est écarté de la question. M. Delacroix s'en est écarté après lui. Kn somme, la proposition faite se réduit à demander la radiation des expressions rapportées dans le procès-verbal qui censurent l'usage que le roi a fait du veto. J'appuie cette proposition et je conclus à ce que dans le procès-verbal on dise uniquement : « Les citoyens de Paris ont adressé une pétition ayant tel Dut et l'Assemblée en a décrété la mention honorable. Voilà, je crois, tout ce que le procès-verbal doit contenir.
La réclamation qui est faite est très juste. Il est certain qu'il résufte de la rédaction du procès-verbal que l'Assemblée a fait mention honorable d'une adresse, et que ce qui l'a principalement fixée dans cette affaire, c'est qu'on y parlait contre le veto apposé par le roi sur l'un de vos décrets. Je sais, et je conviens avec un des préopinants, que la censure sur toutes les opérations des corps constitués est permise aux citoyens, mais je sais aussi et je crois qu'il ne convient pas à un corps constitué de faire mention honorable de la Censure des actes d'un autre corps constitué, surtout des actes d'un pouvoir contre lequel on veut nous faire établir une lutte.
Distinguons donc bien ces deux choses. La censure des opérations et des pouvoirs constitués est un droit qui appartient aux citoyens d'après la Constitution; mais que l'Assemblee nationale fasse mention honorable d'une censure contre un pouvoir constitué, on pourrait regarder cela comme une rivalité qui est indigne d'elle. Il arriverait que l'on dirait peut-être avec raison, ce que du reste on nous a déjà reproché, que nous voulons miner le pouvoir exécutif. Or, je suis certain que cela n'entre dans le cœur d'au-
cun de nous. Nous devons le respecter, parce que, par la même raison qu'il y a un Corps législatif, il doit y avoir un pouvoir exécutif. Soyons plus modérés à l'avenir à accorder des mentions honorables. Je demande donc , quant à la rédaction du procès-verbal, qu'on l'arrange de manière qu'il ne paraisse pas que nous ayons fait mention honorable d'une adresse précisément parce que le roi a apposé son veto. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée décrète qu'elle ne passera pas à l'ordre du jour.)
Plusieurs membres demandent qu'il soit fait une nouvelle lecture du passage du procès-ver-bal sur lequel il s'élève des contestations.
, secrétaire. Voici ce passage : « Cette adresse contient plusieurs observations sur le veto, regarde le veto comme absolu et contraire à la Constitution. Plusieurs membres ont demandé qu'il fût fait mention honorable de cette adresse, d'autres ont invoqué la question préalable, qui a été rejetée, et l'Assemblée a décrété qu'il serait fait mention honorable de cette adresse. »
Je demande que l'on suive l'usage adopté jusqu'ici, d'énoncer simplement l'objet général des adresses sans en faire l'analyse.
Je m'oppose à cette proposition, parce que si vous adoptez purement et simplement la mention honorable, vous semblerez approuver les principes de cette adresse. Je demande donc qu'on laisse subsister la rédaction, en rayant seulement les expressions de l'analyse, qui disent que les pétitionnaires ont regardé le veto du roi comme un veto absolu et contraire à la Constitution.
(L'Assemblée, consultée, décrète la motion de M. Dumolard.)
, secrétaire. Voici comment je propose de rédiger ce passage du procès-verbal :
« Adresse de plusieurs citoyens de Paris sur les projets insidieux et les perfides combinaisons de ceux qui n'aiment ni la nation, ni le roi, ni même les ministres; mais qui n'aiment que le ministère, qui cherchent à avilir l'Assemblée nationale et à paralyser la puissance législative, en encourageant tous les ennemis de la liberté publique.
« On a demandé l'insertion dans le procès-verbal avec mention honorable.
« L'Assemblée a décrété seulement la mention honorable au procès-verbal. »
(L'Assemblée, consultée, adopte cette rédaction.)
, secrétaire, fait lecture d'une adresse des anciens députés de VInde à l'Assemblée constituante, chargés des intérêts des établissements français en Asie. Ils demandent que l'Assemblée statue sur la représentation des colonies, qu'elle prononce l'admission ou le refus de leurs suppléants et qu'elle s'occupe de prendre les mesures qu'exige l'état d'agitation des colonies au delà du cap de Bonne-Espérance.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité colonial.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 11 décembre.
J'observe que dans le procès-verbal, on doit mettre le nombre des signataires lorsqu il est fait mentton des pétitions, et que l'on ne doit pas dire, comme Ta fait le secrétaire : Un grand nombre de citoyens. Cette expression est très impropre et rend illusoire les termes de la Constitution. J'observe d'ailleurs qu'elle est relative, car, si 200 personnes sont un grand nombre pour un village, 3,000 personnes sont un petit nombre pour Paris. Je propose donc que l'on mette : 20, 30,. 50, 200 pétitionnaires demandent telle chose. (Murmures.)
Je demande la parole pour répondre à l'opinant et pour lui prouver qu'il est contre la Constitution.
On m'observe que c'estau nom de la Constitution qu'on me répondra, et moi c'est au nom de la Constitution que je dis que le terme de pétition, individuelle serait illusoire, si l'on pouvait, au gré des rédacteurs des procès-verbaux, dire : Un grand nombre de citoyens. Je demande donc, et je fais la motion expresse que l'on mette toujours au procès-ver-bal le nombre des signataires d'une pétition. Je demande qu'elle soit mise aux voix et je me réserve la parole pour une autre motion. (Aux voix ! aux voix !)
Voix diverses : La question préalable ! L'ordre du jour!
Dans le cas présent, on ne demande le nombre des pétitionnaires que pour connaître s'il y a ou non une majorité dans la nation en faveur d'un décret. Or, rien n'est plus contraire à la Constitution, que nous avons juré de maintenir, que cette manière de connaître le vœu de la nation.. Il est connu par ses représentants, et, en dernière analyse, par deux législatures. Aussi, quand on demande à connaître le nombre des signataires pour et contre, c'est évidemment, comme vous le disait hier la section du Théâtre-Français, ouvrir le grand registre de la guerre civile et de la contre-révolution. Je demande donc que, sur cette motion, on passe à l'ordre du jour, ou la question préalable.
Certes, il est assez singulier qu'on invoque la Constitution... (Murmures.)
Un membre : On va passer la séance à se disputer, je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
Il y a une loi positive... (Murmures.)
Je demande que vous mettiez aux voix si la discussion sera fermée; peut-être cela en imposera-t-il à ceux qui troublent l'Assemblée.
(L'Assemblée, consultée, décide que la discussion sera continuée.)
Il y a une loi positive qui peut servir à interpréter la Constitution. Le droit de pétition serait absolument illusoire, il deviendrait une source affreuse de tromperies, si un certain nombre de citoyens pouvaient se cacher derrière un plus grand nombre, prendre un nom qui ne leur appartient pas et vous présenter des masses là où il n'y a que des individus. La loi exige positivement que celui qui ne demande point ne soit pas censé demander, et que celui qui demande né demande que pour lui. Or, la loi veut que les noms des pétitionnairés soient apposés au bas de la pétition, car, dans quelque assemblée de pétitionnaires que se soit, la minorité a le droit incontestable de faire une péti-
tion contraire à celle de la majorité. Eh bien, Messieurs, n'est-il pas vrai que ce droit est illusoire, si, dans ce moment-ci, l'on nous présente, comme dans la pétition de la section ae l'Arser nal, Comme dans la pétition dé la section des Quinze-Vingts, une pétition de dix, vingt, trente quarante individus, comme le vœu de la section entière ; et ce n'est pas sans raison que je dis, dix, vingt, trente ou quarante individus.
Or, Messieurs,; je ne vois pas qu'il soit nécessaire en ce moment-ci de s'appuyer sur la Constitution, de l'interpréter théologiquement... (Applaudissements à droite.)
Un membre à gauche : Nous persuaderez-vous ministériellement ? ( Rires à gauche.)
Elle prescrit formellement que les pétitionnaires mettent leurs noms au bas des pétitions qu'ils présentent. J'insiste donc pour que le nombre des pétitionnaires soit connu de 1 Assemblée nationale.
, Secrétaire. Il n'est pas dit que telle ou telle section soit venue à la barre; le procès-verbal porte : « Plusieurs citoyens de différentes sections de Paris se présentent ; etc. »
L'Assemblée nationale ne peut être divisée sur le principe avancé par M. Ramond. Sans doute, la Constitution porte que toute pétition doit être signée individuellement: mais en conclure que c'est le nombre des signataires qui doit déterminer l'expression de la volonté générale...
Plusieurs membres : Il n'a pas dit cela, 1
Si M. Ramond ne l'a pas dit formellement, il l'a dit implicitement. (Non! non!) Pourquoi exigeriez-vous, en effet, qu'on vous fît connaître le nombre des, pétitionnaires, si ce nombre vous était indifférent? (Murmures.) Sans doute, dans le système de M. Ramond, il veut conclure que si le nombre des signataires de la capitale est inférieur à celui des citoyens non-signataires (Murmures.), il en résultera que la capitale, au lieu d'avoir exprimé son vœu en faveur du décret, aura tacitement exprimé son vœu contre lui. Je demande encore si un pareil système peut être développé dans cette Assemblée. Je demande si M. Ramond, dans l'hypothèse où l'on vous présenterait aes pétitions de toutes les sections ae Paris, voudrait passer la nuit, comme secrétaire, à calculer tous les noms des signataires, pour reporter les nombres au procès-verbal. (Rires. Oui! oui!) Si M. Ramond avait lu l'article de la Constitution qu'il a invoqué, il aurait vu que la Constitution n exige point que, dans les pétitions, on énonce le nombre des signataires ; elle dit seulement qu'elles seront signées individuellement, voilà tout. Il semble que l'on veuille appuyer ici indirectement la pétition des membres du directoire du département de Paris. Je propose de passer à l'ordre du jour.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je consulte l'Assemblée sur la motion de passer à l'ordre du jour.
(L'épreuve est douteuse.)
Plusieurs membres : L'appel nominal !
Je vais faire une seconde épreuve.
Monsieur le Président, on a demandé la question préalable sur la motion de
M. Ghéron; je demande que vous la mettiez aux yoix.
Plusieurs membres s'adressant à M. Merlin : Allez à votre place !
consulte une seconde fois l'Assemblée et prononce qu'elle ne passe pas à l'ordre du jour.
Plusieurs membres : On y passe! on y passe!
Vautres membres : On n'y passe pas! (Bruit. Grande agitation.)
parle dans le tumulte.
La discussion est fermée !
Ce n'est point, Messieurs, la discussion qui nous agite qui m'occupe, mais je supplie l'Assemblée d'entendre un instant l'opinion publique. On se demande si quelque génie malfaisant n'a pas semé la division dans l'Assemblée, pour opérer la dissolution de l'Empire français, pour nous perdre nous-mêmes et avec nous le salut public. (Rires à l'extrémité gauche de la salle.)
Si nous sommes unis, Messieurs, nous ferons la conquête des cœurs par une conduite franche et loyale, et celle de l'univers par des lois marquées au coin de la sagesse et de la justice. (Applaudissements.) Existe-t-il des esprits trop ardents : eh bien ! qu'ils s'habituent à penser avant de suivre les impulsions d'un cœur qui bouillonne ; en existe-t-il de trop tièdes, qu'ils fassent un pas en avant, et nous nous rencontrerons dans la carrière, et nous marcherons tous de concert vers le but vraiment national, celui vers lequel nous devons diriger toutes nos vues, l'intérêt général et le bien public. (Applaudissements,) Je demande donc que les législateurs s'honorent aux yeux de la France; je demande qu'on dépose l'esprit de parti...
Plusieurs membres ': Il n'y en a pas !
D'autres membres : Il y en a!
Je demande que l'on se réunisse. (Murmures.) Je demande que nous fassions tous à la patrie le sacrifice de nos préjugés et de nos passions, que nous marchions de concert ; et en conséquence, comme l'Assemblée dans ce moment est dans une agitation qui peut nous conduire à des conséquences très fâcheuses, je demande l'ajournement de la motion de M. Ché-ron. (Murmures.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
J'appuie la motion de M. Lasource et je demande le renvoi de la question au comité de législation.
Nous n'avons pas besoin d'un comité pour cela.
Messieurs, j'avais cru dans ma conscience que l'Assemblée ne passait pas à l'ordre du jour, c'est pourquoi j'ai prononcé; mais je dois dire que la majorité des secrétaires pensent que l'Assemblée a passé à l'ordre du jour. Si l'on veut, je ferai uue troisième épreuve, ou bien si l'on appuie l'ajournement...
Plusieurs membres : Non! non! la question préalable sur l'ajournement.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'ajournement.)
Il n'y a plus de difficultés, Monsieur le Président ; il n'y a plus rien à prononcer; l'ordre du jour!
Je ne sais pas pourquoi M. Delacroix a le privilège exclusif ae troubler toutes les délibérations.
Je vous prie, Monsieur le Président, de dire à M. Gentil que vous m'avez accordé la parole sur la proposition de M. Chéron. (Murmures.)
Je vous ai, en effet, accordé la parole.
On a demandé l'ordre du jour; deux épreuves ont été faites ; le bureau est a'avis que par la seconde on passe à l'ordre du jour.M. le Président vient de vous dire qu'il n'y avait pas de doute et que l'Assemblée avait passé à l'ordre du jour.
Plusieurs membres : Non, il n'a pas dit cela !
Il faut que l'Assemblée consacre un usage pour constater les épreuves. (Bruit.) Je demande l'appel nominal.
Deux épreuves ayant paru douteuses sur l'ordre du jour, je demande la question préalable sur la motion de M. Chéron, parce que je ne me persuade pas que les membres de cette Assemblée qui aiment la Constitution, qui la connaissent, et qui ne veulent pas changer le gouvernement représentatif..... (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres à droite : A l'ordre, M. Guadet!
Dautres membres à gauche : La discussion est fermée ! Aux voix la question préalable ! (Murmures.)
Je demande que M. Guadet finisse son opinion; il est très important qu'il achève de développer ses idées, afin que l'on puisse lui répondre. (Oui! oui!)
Oui, Messieurs, ie dis que nous n'avons plus de Constitution ; je dis que vous la violez, que vous la renversez, vous tous qui demandez que, lorsque des pétitions sont présentées à l'Assemblée nationale, l'on compte les signatures des pétitionnaires ; c'est dénaturer la Constitution... (Murmures prolongés.) que d'aller au delà de ce qu'elle prescrit.
M. Guadet ne vous présente pas la question sous son véritable aspect ; il ne s'agit pas ici de pétitions individuelles faites par différents particuliers en noms propres, mais d'un vœu que l'on donne pour celui de diverses sections de Paris, tandis qu'il n'est que celui de quelques hommes poussés par quelques autres...
,secrétaire. Pardonnez-moi, Monsieur... (Le tumulte couvre la voixdeVorateur.)
Monsieur Grangeneuve, je vous observe que vous manquez au règlement.
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour ! — La discussion fermée!
Un membre : Monsieur le Président, faites-nous sortir d'embarras: nous vous demandons l'ordre du jour à grands cris.
Je demande l'ajournement de ma motion.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Chéron-La-Bruyère.)
Je demande encore
la parole sur le procès-verbal et je prie l'Assemblé de m'accorder toute son attention, car ceci est très intéressant. Vous avez rendu hier un décret... (Murmures et exclamations à gauche.)
Plusieurs membres à Vextrême gauche L'ordre du jour ! A bas M. Chéron !
Un membre : Monsieur le Président, il y a un complot pour nous faire perdre notre temps. Nous demandons l'ordre du jour. (Vive agitation.)
, au milieu du bruit. L'ordre du jour est certainement de parler sur la rédaction du procès-verbal.
Je demande que l'on passe à l'ordre du jour à l'instant.
Avant la lecture du procès-verbal, quatre membres se sont fait inscrire pour parler sur la rédaction : ce sont MM. Chéron-La-Bruyère, Beugnot, Quatremère-Quincy et Bec-quey. (Murmures.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
, descendant de la tribune. Je cède mon droit à celui qui a la parole après moi.
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Je soutiens, Messieurs, que tous ceux qui demandent la parole sur le procès-verbal avant d'en entendre la lecture ne veulent point parler sur la rédaction, mais faire des motions qui sont des redites de ce qui s'est passé la veille. (Quelques applaudissements.)
Il est évident que celui qui s'est fait inscrire avant la lecture du procès-verbal n'a pas l'intention de parler sur la rédaction, et qu'il est à présumer qu'il veut seulement parler contre les décisions prises la veille par l'Assemblée. En conséquence, il n'y a pas lieu de lui accorder la parole. Si nous étions les dupes d'une ruse aussi grossière, nous ne mériterions pas que le sort de l'Empire nous fût confié.
Monsieur le Président, il faut fermer la discussion sur la rédaction du procès-verbal. J'en fais la motion expresse, et elle est appuyée.
Puisqu'on ne veut entendre personne sur ce procès-verbal, je déclare que plusieurs membres s'inscriront en faux contre sa rédaction. (V Assemblée est dans une vive agitation.)
Je demande que l'Assemblée soit consultée pour savoir si ces Messieurs seront entendus.
Un membre : Je demande que les membres qui se sont inscrits pour la parole soient tenus d'en expliquer les motifs, pour savoir s'ils veulent parler seulement sur la rédaction du procès-verbal, auquel cas je demande que la parole leur soit accordée.
Plusieurs membres demandent avec insistance que la discussion soit fermée sur la rédaction du procès-verbal.
Monsieur le Président, armez-vous de courage ; la France vous regarde. Ramenez donc la paix. (Murmures.) Avertissez l'Assemblée que la chose publique est en danger si le calme ne renaît pas.
J'ai annoncé à l'Assemblée qu'on m'avait demandé la parole sur la rédaction du procès-verbal. Maintenant on me demande que la discussion soit fermée sur cette rédaction. (Oui ! oui !)
Plusieurs membres : Elle n'est pas commencée !
Je mets aux voix la motion.
(Deux épreuves succéssives paraissent- douteuses.)
Dans le doute, il est de règle que la discussion soit continuée.
Cinq secrétaires pensent que la discussion est fermée ; mais il y a du doute dans mon esprit ; ma conscience se refuse à prononcer le décret... (Bruit.)
Un membre à l'extrême gauche : Je le crois bien !
Plusieurs membres : Une nouvelle épreuve !
Je fais la motion de passer à l'ordre du jour et de tenir une séance du soir aujourd'hui, pour entendre la lecture du procès-verbal et les observations qu'on aura à faire sur la rédaction. (Murmures.)
Plusieurs membres : La question préalable !
Je demande à motiver ma motion. (Bruit.) L'intention de l'Assemblée n'est pas de laisser son procès-verbal tel qu'il est, si les réclamations qu'on se propose de faire sont fondées ; car je ne conçois pas qu'on puisse ôter aux membres de l'Assemblée le droit ae proposer des observations et des corrections sur la rédaction du procès-verbal. Mais, d'un autre côtéj je dis qu'il n'est pas digne de l'Assemblée de passer trois heures entières sur la discussion d'un procès-verbal qui n'est pas encore lu. Depuis dix heures que nous sommes ici, nous n'avons encore rien fait pour le bien public. (Applaudissements dans les tribunes.) Je demande donc qu'on passe à l'ordre du jour, qui est la discussion du rapport sur les petits assignats, après lesquels on soupire dans tout l'Empire, et qu'on s'assemble ce soir pour faire les observations sur le procès-verbal. (Applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Demain ! demain !
J'appuie la proposition de Monsieur, mais je demande que ce soit pour demain matin.
Il faut nécessairement remettre la discussion à une séance du matin, puisque le décret a été rendu dans une séance au matin. J'ajoute que nous pouvons juger, par ce qui vient de se passer, combien une séance du soir serait tumultueuse.
jeune. Avouons tous avec franchise, Messieurs, qu il ne s'agit pas de savoir si la discussion sera ouverte ou ne le sera pas sur la rédaction du procès-verbal. On sait bien qu'elle ne péut pas être fermée. Nous ne devons pas nous en imposer à nous-mêmes. Je parle franchement ; il s'agit de savoir si les mentions honorables dont l'insertion au procès-verbal a été ordonnée hier seront retirées ou non... .(Murmures prolongés et exclamations à gauche.) Étranger à toute autre impulsion qu'à celle du patriotisme, je n'emprunterai que son langage. Ne dissimulons pas. Il ne s'agit pas de savoir, comme je l'ai dit, si la discussion sera fermée, mais de savoir si le procès-verbal restera tel qu'il est et si les décrets qui ont ordonné des mentions honorables seront rapportés. (Nouveaux murmures Ji l'extrême gauche.) Je réclame l'attention : j'ose la demander au nom du bien public. Mon caractère de patriotisme est bien connu...
Un membre : Connu I
Oui, Monsieur, connu...
Plusieurs membres : A l'ordre !
jeune. Je dis donc, Messieurs, qu'il faut donner à cet objet l'attention la plus grave et la plus sérieuse. Il a été décrété hier qu'on enverrait un grand nombre d'adresses aux 83 départements (Non! non ! Si! si!). Il y en a d'inconstitutionnelles, et l'Assemblée se compromettrait en les envoyant. Ne nous mentons pas à nous-mêmes pour un objet de cette importance. Demander une séance du soir, ce serait peut-être nous exposer à des troubles encore plus grands que ceux dont nous sommes les témoins. Je demande donc que demain matin, à neuf heures, il se trouve un comité général. (Applaudissements à droite, murmures à gauche.) Que là, Messieurs, les représentants de la nation française parlent comme ils lé doivent, abandonnent toute espèce de parti pris,, et que I on discute la question froidement. Nous terminerons en très peu de temps une discussion qui, j'ose le dire, déshonore l'Assemblée, et la séance sera ouverte à onze heures.
Plusieurs membres : Aux voix la motion!
Puisqu'on vient de nous avouer la véritable cause de tout le tumulte qui vient d'avoir lieu, puisqu'on nous a montré des discours préparés sur le procès-verbal, puisqu'il nous est prouvé que ces Messieurs ne demandaient à parler sur la rédaction, que pour proposer le rapport du décret, ce qu'ils n'avaient point osé faire de suite; je dis que ce serait perdre encore du temps que de remettre cette discussion à demain. On pourrait d'ici là préparer de nouvelles batteries. (Applaudissements à gauche.) Il faut en finir aujourd'hui.
J'ai encore une observation à présenter à l'Assemblée. Si nous donnons une fois l'exemple d'un ajournement, on viendra tous les jours nous demander des ajournements pour détruire le procès-verbal, lorsque la partie ne sera pas assez bien liée, assez bien formée.
Je dis, en outre, que nous ne devons pas faire de comité général pour cet objet, car la Constitution ne Ta réservé que pour les mesures extraordinaires. Il ne doit être employé que rarement et pour les grandes questions. Si nous nous formons en comité général pour un procès-verbal, pour une rédaction, pour un rapport de décret, ce ne sera point remplir le vœu de la Constitution . Nos débats ont été publics, et il est tout à fait inutile de garder le secret sur ce que nous pouvons bien dire entre nous. D'ailleurs, sous le prétexte de. la rédaction, on nous a dit tout ce qu'on avait à dire sur le rapport du décret. Je conclus à la question préalable sur la motion de nous former en comité général, et je demande qu'on passe à l'ordre du jour. (Murmures.)
Un membre : On ne peut pas refuser un comité général, il suffit que 5D membres le demandent.
Si c'est l'amour de la patrie, comme j'aime à le croire, qui a porté plusieurs membres à demander la parole pour faire des observations sur le procès-verbal; si c'est le même amour de la patrie, .comme je n'en doute pas, qui a porté d'autres membres à demander que la discussion fût fermée, tous doivent être profondément affligés de voir que ce choc d'opinions a donné lieu à une scène si contraire à leurs intentions. (Murmures.)
Je demande que nous prenions des mesures pour que tout puisse être fait dans le calme. Sur
quoi portent toutes les observations qu'on a mites ? Portent-elles sur la simple rédaction du procès-verbal, ou bien a-t-on demandé la parole pour le rapport de plusieurs décrets qui ont été rendus dans la séance d'hier ?
Si les observations ne portent que sur une simple rédaction du procès-verbal, sur l'emploi de quelques expressions, on devrait être bien honteux d'avoir fait perdre tant de temps à l'Assemblée. Il faut donc avouer la vérité, et peut-être que si, dès le principe, au commencement de la séance, on se fût inscrit franchement pour demander la parole, afin d'obtenir le rapport de ces décrets, la scène tumultueuse qui s'est passée n'aurait pas eu lieu ; on aurait délibéré pour savoir si l'on ouvrirait là-dessus une discussion, ou si l'on n'en ouvrirait pas ; mais l'Assemblée a toujours le droit d'être indignée contre ceux qui cherchent à la surprendre, et c'est chercher à la surprendre que de proposer le rapport de décrets, sous prétexte d'observations sur le procès-verbal. (Applaudissements.)
Je demande donc d'abord, comme motion d'ordre, que désormais tout membre qui demandera la parole sur la rédaction du procès-verbal, et qui se servira de cette ruse pour attaquer un décret, soit rappelé à l'ordre et que son nom soit inscrit sur le procès-verbal. Alors ceux qui voudront demander le rapport d'un décret s y prendront d'une manière directe et n'emploieront pas ces subterfuges indignes de législateurs. (Applaudissements.)
S'il est question de demander le rapport des décrets rendus hier, discutera-t-on, ou ajour-nera-t-on, ou se formera-t-on en comité général ? Relativement à ce comité, je dis que nous ne pouvons pas mettre en délibération s'il y aura, ou s'il n'y aura pas de comité général. Nous devons être fidèles aux principes ; cette faculté ne dépend pas de l'Assemblée, la Constitution lui interdit ce droit ; car si 50 membres signent, il faut que leur demande soit accueillie. Mais alors, Messieurs, je m'adresse au nom de la patrie, à ceux qui ont formé le projet de ce comité général, et puisque nous n'avons pas le droit de leur empêcher de faire cette motion, je m'adresse à eux parla voix de la prière, et je leur demande d'abord à quoi servira le comité général ? S'imaginent-ils qu'on délibérera avec plus de tranquillité ? (Oui ! oui !) Ne serons-nous pas les mêmes hommes ? (Non I non /). On demande un comité général pour qu'il n'y ait personne dans les tribunes, c'est-à-dire que l'on veut se soustraire aux regards du peuple. (Murmures à droite.)
Plusieurs membres à gauche : Oui ! oui ! C'est cela. (Applaudissements dans les tribunes.)
M. Vergniaud fait la censure de la Constitution.
M'étant adressé par voix de prière et d'invitation, à ceux qui réclament, je leur ai bien solennellement donné le droit de demander ce comité, mais je crois qu'il ne peut avoir d'autre utilité que celle de nous soustraire aux regards du peuple (Murmures à droite.) ; et tant que nous serons animés d'un bon esprit, tant que nous apporterons des intentions pures, tant que nous voudrons travailler d'une manière efficace au bien de la patrie, nous ne craindrons jamais ses regards. Si nous avons quelques scènes un peu orageuses, le peuple sait que, quand il s'agit des risques que peut courir la liberté, il est impossible de discuter avec froideur, et en applaudissant à notre zèle, il aura pour nous l'indulgence
qu'on doit avoir, qu'il a déjà eue pour les troubles qui ont agité l'Assemblée constituante. Je crois onc et j'espère que ceux qui ont formé la demande du comité général l'abandonneront et qu'il n'en sera plus question. (Non ! non !)
On se propose de demander le rapport du décret rendu nier (Oui! oui/.) parce quon prétend que l'Assemblée nationale ayant décrété l'envoi ae son procès-verbal aux 83 départements, elle serait compromise si, dans quelques-unes des pétitions qui ont été lues, il y avait des principes inconstitutionnels. Je crois que c'est le mit de la demande. Je suis assez attaché aux principes de la Constitution, je suis assez jaloux de la gloire de l'Assemblée, pour ne pas vouloir qu'elle se compromette. G est pourquoi je demande, non qu'il s'ouvre une discussion à cet égard, parce que s'il s'en ouvrait une, on ne peut se dissimuler que dans ce moment, et même demain, elle donnerait lieu à de nouveaux orages. Mais je demande que le procès-verbal et les pétitions soient renvoyés au comité de législation pour qu'il examine s'il y a des principes inconstitutionnels et qu'il vous en fasse son rapport... (Applaudisse* menls.)
Plusieurs membres : Appuyé ! Aux voix-la motion !
D'autres membres : Nous sommes d'accord. Oui ! Oui ! Aux voix I
et qu'il vous en fasse son rapport. Après quoi vous statuerez ce que vous jugerez convenable.
jeune. Bravo ! je retire ma motion.
C'est une mesure d'exécution pour le décret d'hier? et vous ne le rapporterez point en renvoyant ainsi au comité.
Voix diverses : Aux voix 1 aux voix ! — La discussion fermée ! — La question préalable !
Je demande à répondre.
et plusieurs autres membres demandent la parole.
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
On ne peut pas soumettre l'Assemblée à la censure au comité de législation ; c'est à l'Assemblée à se juger elle-même.
Un grand nombre de membres : La discussion fermée !
Un membre: La discussion ne peut être fermée sur la motion de M. Vergniaud puisqu'elle n'a pas été ouverte.
Je mets aux voix si la discussion sera fermée.
Je demande si l'on peut renvoyer l'ouvrage de l'Assemblée à l'examen d'un comité....
(L'Assemblée ferme la discussion.)
La motion de M. Vergniaud contrarie tous les principes et tend à déshonorer l'Assemblée, je demande la question préalable.
Je pense» comme M. Vergniaud pour le rapport du cfécret qui ordonne l'envoi du procès-verbal aux 83 départements ; mais relativement à la seconde proposition, je prétends qu'on ne peut pas soumettre à la décision d'un comité la question de savoir si... (Les murmures couvrent la voix de Vorateur.)
Plusieurs membres : Aux voix la motion de M. Vergniaud!
D'autres membres : La division de la motion de M. Vergniaud !
Ma motion n'est pas divisible. Elle a seulement pour objet le renvoi au comité de législation du procès-verbal dans lequel on a inscrit les adresses lues hier pour savoir s'il y a quelque chose d'inconstitutionnel dans ces adresses.
Je mets aux voix le renvoi au comité de législation.
(L'Assemblée décrète le renvoi au comité de législation.)
Plusieurs membres à Vextrême gauche réclament contre cette décision; les uns disent qu'ils n'ont pas entendu, d'autres prétendent que ce n'est pas là la question.
Monsieur le Président, j'ai demandé la question préalable sur la motion de M. Vergniaud ; elle est appuyée, mettez-la aux voix.
Puisqu'il y a des réclamations, je vais recommencer l'épreuve. Je mets d'abord aux voix la question préalable sur la motion de M. Vergniaud.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer.)
Je demande à proposer un amendement, c'est de rapporter le décret qui ordonne que le procès-vernal d'hier sera envoyé dans les 83 départements et celui qui ordonne la mention honorable des adresses lues hier. Je crois que c'est le vœu de la très grande majorité de l'Assemblée, Il faut agir avec franchise et loyauté ; j'en ferai la motion expresse et je prie M. le Président de la mettre aux voix.
Je demande le rapport du décret d'envoi dans les départements et l'approbation du reste du procès-verbal.
J'observe à l'Assemblée que, sous prétexte d'un amendement, M. Gérardin détruit la proposition de M. Vergniaud. En effet, si vous convenez de, renvoyer au comité de législation le procès-verbal et les adresses, il est contradictoire de demander le rapport du décret, puisque si le décret est rapporté, la chose est jugée et le renvoi est inutile. Je crois donc que dans ce moment-ci, l'Assemblée doit se borner purement et simplement au renvoi au comité de législation.
C'est moins un amendement qu'un changement de proposition. M. Vergniaua demande le renvoi au comité pour examiner le procès-verbal, et juger d'après les adresses si les mentions honorables qui ont été ordonnées, doivent ou non être retirées. Le comité ne fera que proposer son avis. L'Assemblée ne prétend pas, sans doute, s'interdire le droit de juger si ces insertions seront retirées ou non. Je demande qu'elle décide à l'instant.
La mention honorable des adresses a été décrétée ainsi que l'envoi aux 83 départements. Or, cet envoi serait dangereux. N'avons pas l'air de mendier des vœux et des applaudissements pour les actes qui émanent de nous. Il est de notre dignité d'attendre l'opinion publique et non de la forcer. Nous avons fait un procès-verbal ; différentes sections ont manifesté leur vœu, nous en avons ordonné la mention honorable, c'est tout ce que nous pouvons faire. Je propose le rapport du décret qui
ordonne l'envoi dans les départements du procès-verbal d'hier et je demande que la rédaction du procès-verbal soit maintenue sur tout le reste. (Applaudissements. )
Voici 'l'état de la délibération. M. Vergniaud demande le renvoi aU comité de législation du procès-verbal et des adresses. M. Gérardin demande le rapport du décret qui ordonne une mention honorable des adresses lues hier et de celui qui ordonne l'envoi du procès-verbal aux 83 départements. Enfin M. Cambon demande le rapport du décrèt qui ordonne l'envoi de l'adresse aux 83 départements, mais propose d'approuver au surplus la rédaction du procès-vernal.
Voix diverses : La priorité pour la motion de M. Gérardin! — La priorité pour la motion de M. Cambon ! ^ La priorité pour la motion de M. Vergniaud.
met la priorité aux voix et rononce qu'elle est accordée à la motion de i. Gérardin.
Plusieurs membres : 11 y a doute, Monsieur le Président.
D'autres membres à l'extrême gauche : Nous n'avons pas entendu.
11 s'élève des réclamations, je vais établir de nouveau l'état de la délibération.
Je demande simplement le rapport du décret qui ordonne- l'envoi du procès-verbal aux 83 départements.
Ce n'est pas assez de décréter le rapport du décret, il faut encore ordonner le renvoi du procès-verbal au comité de législation, pour, d'après son rapport, être déterminé sur la rédaction du procès-verbal.
Je demande la parole.
Monsieur, vous n'avez pas là parole.
Il est étonnant que, depuis que vous présidez, i'aie demandé vingt fois la parole, sans avoir pu 1 obtenir.
Plusieurs membres : La question préalable sur la motion de M. Mayerne !
D'autres membres : La priorité pour la motion de M. Cambon!
établit de nouveau l'état de la délibération et renouvelle l'épreuve sur la question de priorité.
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à la motion de M. Cambon.)
Un membre : Je demande la division de la proposition de M. Cambon.
Plusieurs membres : La question préalable sur la division !
Ma motion ne peut point être divisée; elle ne porte que sur un point. Le procès-verbal a été lu ; j'ai alors fait la motion cfe rapporter le décret qui ordonne l'envoi du procès-verbal dans les 83 départements; On a joint à eette motion, celle de renvoyer au comité de législation la rédaction du procès-verbal. Ce sont deux motions différentes ; la dernière n'est pas de moi, car j'ai proposé d'adopter, pour le surplus, la rédaction du procès-verbal. Ma proposition est unique et, par conséquent, n'est pas divisible. Comme elle. a obtenu la priorité, je demande qu'on la mette aux voix.
(L'Assemblée, consultée* décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la division et adopte la proposition de M. Cambon.)
(En conséquence, le décret d'envoi du procès-verbal aux 83 départements est rapporté et le reste de la rédaction du procès-verbal est adopté.)
Plusieurs membres : Passons enfin à l'ordre du jour !
,député de l'Aveyron, prête le serment individuel prescrit par la Constitution.
Avant de passer à l'ordre du jour, j'accorde la parole à M. le ministre de la justice, qui l'a demandée.
, ministre de la justice. Si l'Assemblée, qui paraît occupée en ce moment, croyait plus utile que je ne fusse entendu que demain, îe la prierais cfe m'indiquer l'heure qui lui serait le plus commode pour l'entretenir de plusieurs objets importants.
Plusieurs membres : Tout de suite.
, ministre de la justice. Des que l'Assembfec Ycut bieu m'accortler la parole, je ferai en sorte d'etre le plus court possible. L'afl'aire dont il est question est d'une grande important : il s'agit d'un renvoi au coinite diplomatique, et je prie l'Assemblee de vouloir bien me permettre de lui exposer l'état de la question.
Il existe depuis longtemps une _ contestation entre la République de Genève d'une part, et le chapitre d'Annecy de Vautre. Cette contestation est relative à des propriétés qui faisaient partie de l'ancien évêché de Genève. Lors de l'établissement de la République, une partie des biens appartenant à l'évêché de Genève a été garantie à la République par un traité passé entre elle et la France, et par les traités avec les autres puissances. Nonobstant ces traités, le chapitre d'Annecy avait cru devoir, il y a à peu près deux siècles, attaquer la République de Genève et demander l'envoi en possession de ces objets ; l'affaire avait été portee au parlement de Dijon, où le chapitre d'Annecy avait obtenu un arrêt par défaut. Sur cet arrêté intervinrent des arrêts du Conseil, qui défendirent au parlement de Dijon de s'en occuper, et qui cassèrent l'arrêt par défaut. Cette affaire est restée dans la poussière des greffes, à peu près depuis un siècle.
Au moment ae la Révolution, le chapitre d'Annecy a cru pouvoir en profiter pour réclamer ces mêmes droits. Il s'est présenté au tribunal du district de Gex, et a dit former opposition à l'arrêt rendu depuis à peu près un siècle. Cette contestation a paru très étrange à la République de Genève, et son ministre s'est adressé à M. le ministre des affaires étrangères, pour demander d'arrêter le cours de cette procédure et réclamer l'exécution des arrêts du Conseil. M. le ministre des affaires étrangères m'en écrivit aussitôt ; j'en conférai alors avec le comité diplomatique de l'Assemblée constituante, et il fut arrêté que jusqu'à ce que l'affaire fût portée à l'Assemblée nationale, et qu'il y eût une mesure politique prise à cet égard, j'écrirais au tribunal du district de Gex, pour le prier de surseoir à l'instruction de cette procédure.
L'affaire est restée longtemps en suspens, d'après ma lettre. Cependant, le chapitre d'Annecy a cru devoir réclamer ; et invoquant un principe qu'il est assez difficile de méconnaître, le chapitre d'Annecy m'a observé qu'il n'était pas en
mon pouvoir de suspendre, par une lettre ministérielle, le cours et l'action de la justice. Je me suis rendu à cette vérité, et j'ai écrit au tribunal qu'effectivement il ne m'était paS possible de l'arrêter plus longtemps, et que l'affaire pouvait être poursuivie. Le chapitre d'Annecy a agi en conséquence. Cependant, la République de Genève réclame la jouissance paisible d'une propriété qui lui est garantie par les traités, et elle aemanae que cette affaire soit terminée par la voie de négociations et par la voie de la politique; mais, en même temps, elle insiste Beaucoup sur le sursis, et croit ne devoir pas, sur une affaire qui a été traitée par négociations, par des possessions garanties par des traités et par différentes puissances, comparaître devant le tribunal du district de Gex.
C'est dans cette position que le ministre de la République de Genève est venu me voir et a discuté cet objet avec moi. Je lui ai fait sentir qu'il était absolument impossible actuellement, clans un moment où toUs les pouvoirs étaient organisés et distincts, de suspendre encore le cours de la justice ; il m'avait engagé de proposer à l'Assemblée nationale de vouloir bien rendre un décret à cet égard. Je lui ai observé que cette démarche était impossible parce qu'un décret de suspension, même sanctionné par le roi, serait une chose monstrueusement inconstitutionnelle, parce que le pouvoir judiciaire étant un pouvoir constitué, dont l'action est indépendante de tous autres pouvoirs, il ne peut jamais être arrêté par aucune puissance.
C'est dans ces circonstances que j'ai cru devoir en conférer avec quelques membres du comité diplomatique qui ont senti toute la justice de cette observation ; et, avec eux, j'ai avisé à un moyen qui est peut-être bon ; je demanderais conséquemment le renvoi de cette affaire à MM. les membres du comité diplomatique.
J'ai à entretenir l'Assemblée d'un objet à peu près semblable ; il est question de réclamations ae M. le prince de Deux-Ponts, d'une part, et de M. Vévèque de Spire de Vautre, relativement à des contestations engagées, soit devant le tribunal du district de Strasbourg, soit devant les tribunaux des départemeuts des Haut-Rhin et Bas-Rhin.
Ces princes demandent également la suspension de différents procès qui leur ont été intentés, relativement à leurs possessions dans la ci-devant province d'Alsace, procès sur lesquels on les a poursuivis avec une extrême rigueur, quoique même plusieurs des biens dont il s'agit ne soient pas également en leur possession, et qu'on perçoive sur ces biens-là des contributions.
En conséquence, ces princes-là demandent que tous ces procès soient suspendus. C'est à peu près la même question; je demanderais le renvoi au comité diplomatique et je déposerai sur le bureau les mémoires et pièces qui m'ont été remis.
Une autre question qui tient encore à la diplomatie, qui est d'une nature plus délicate, mais 3ui intéresse essentieUement la Cour de Vienne, ans ce moment-ci, a une très grande importance. J'ai fait l'impossible, pendant toute la durée de l'Assemblée constituante, pour faire statuer sur cette question.
Il s'agit d'élargir un nommé Bergomme, qui est détenu depuis plus d'un an dans les prisons d'Huningue. II est accusé d'une falsification de billets d'une banque très accréditée à Vienne. Le
ministère impérial a mis la plus grande importance à l'extradition de ce prisonnier. Cette même question fut de même portée par moi au comité diplomatique : j'ai eu plusieurs fois occasion de lui en parler. La grande quantité d'affaires de l'Assemblée constituante ne lui a pas permis de s'en occuper. Cependant, cet accusé est depuis longtemps détenu d'une manière arbitraire à Huningue : il serait très important de donner satisfaction à la Cour de Vienne et de fixer enfin, d'une manière bien précise, les principes de l'extradition entre les différentes puissances.
J'observerai à l'Assemblée nationale que, dans ce moment-ci, nous sommes dans le cas ae demander ces extraditions, et qu'en général la Cour de Vienne s'y est prêtée avec beaucoup plus de grâce que nous.
Je prie l'Assemblée de vouloir bien ordonner le renvoi de cette question à son comité, et en même temps l'engager à lui en faire son rapport le plus tôt possible ; car cela est très intéressant dans les circonstances actuelles. Je ferai remettre au comité toutes les pièces que j'ai reçues.
Un membre : Je convertis en motion la demande du ministre de la justice et j'en demande le renvoi aux comités diplomatique et de législation réunis. (Appuyé! appuyé!)
(L'Assemblée, consultée, décrète cette motion.)
, ministre de la justice. Je demande la permission de donner un éclaircissement à l'Assemblée. Il y a quelques jours qu'un des membres de cette Assemblée a témoigné une sorte d'étonnement de ce que Messieurs les procurateurs généraux étaient encore dans l'Assemblée : je dois rendre compte dans ce moment-ci, à l'Assemblée nationale, des raisons qui font que la haute cour nationale n'est pas encore rassemblée. La haute cour nationale et l'établissement du premier juré étant de la plus haute importance, et tous les actes relatifs à une accusation portée au nom du Corps législatif ayant nécessairement une grande solennité, j'ai dû, dans une pareille circonstance, d'abord mettre le temps nécessaire pour examiner de très près et scrupuleusement tout ce qui était relatif à un établissement aussi considérable.
J'observerai d'abord à l'Assemblée que, dans l'état actuel des choses, je ne suis pas en mesure régulière pour adresser à MM. les grands-juges la loi et le décret qui leur ordonne d'être un tel jour à Orléans : la raison en est que je n'ai pas encore une connaissance. réellement officielle de leur nomination. Le procès-verbal n'est pas encore signé des commissaires du roi, qui n'ont pas été avertis. Il faudrait, pour que j'eusse une connaissance réellement officielle, que ce procès-verbal eût été remis entre les mains du roi; car jusque-là je ne connais pas régulièrement les quatre grands-juges. Il y aurait peut-être même quelques règlements à faire sur la forme des différentes adresses; car, tous ces actes-là, aux termes des lois, paraissent devoir être directement faits par le Corps législatif, ou au moins une partie de ces actes-là.
Par exemple, Messieurs, quant aux procura-teurs-généraux, je ne sais pas si, dans la règle et dans les principes, c'est a moi à leur donner connaissance des décrets. Car, Messieurs, les procurateurs-généraux sont membres du Corps législatif et sont ses véritables mandataires pour accuser. Par conséquent, il semble que ce doit être directement et immédiatement ae l'Assem-
blée nationale qu'ils doivent tenir leurs pouvoirs | et leurs ordres.
L'adresse, relativement aux quatre grands-juges, outre les difficultés que je viens d'énoncer à l'Assemblée, me paraît encore plus difficile; car, dans les formes, je ne connais pas d'adresse à un individu. Jusqu'à ce que les quatre grands-juges soient assemblés et forment un tribunal, ils sont individus, et je n'ai pas; par la loi, de manière officielle de notifier un decret à un individu.
Vous sentez, Messieurs, que toutes ces formes demandent à être réglées la première fois que le grand juré est mis en activité, afin que cela soit une règle fixe et que cette institution marche avec toute la noblesse, toute la dignité et toute la mesure qui conviennent à un établissement vraiment national.
J'observerai encore une autre difficulté, c'est celle relative au commissaire du roi. La loi qui a établi le grand juré est antérieure à la loi sur l'établissement du juré ; en général, à cette époque, il n'existait pas de commissaires du roi, il n'avait pas été décrété un commissaire du roi précisément affecté au tribunal criminel. Depuis, il est intervenu un décret qui a établi un commissaire du roi près les tribunaux criminels de chaque département. Ne paraîtrait-il pas plus convenable que le commissaire du roi près le tribunal de district qui devient un tribunal purement civil, fît les fonctions et le service près la haute cour nationale qui est un tribunal purement criminel ? Il me semble que si l'Assemblée nationale ne croit pas devoir établir un commissaire du roi, ad hoc, et exprès pour la haute cour nationale, au moins la délégation de ce pouvoir devrait être plus naturellement donnée au commissaire du roi près le tribunal criminel du département.
Mais il s'élève ici une difficulté : les tribunaux criminels ne peuvent entrer en activité qu'au 1er janvier. Le commissaire du roi qui serait nommé, ou qui va l'être, ne peut avoir ses pouvoirs qu'au moment d'exercer ses fonctions. Si l'Assemblée jugeait à propos de déléguer au commissaire du roi près le tribunal criminel du département, il faudrait un décret qui autorisât spécialement ce commissaire du roi à faire ses fonctions avant le 1er janvier, et au moment de la formation de la naute cour nationale.
Il y a encore, Messieurs, un autre objet qui demande la plus sérieuse attention et qui doit être, je crois, décidé sur-le-champ ; c'est la question ae savoir quelle est la durée d'une haute-cour nationale formée ? Est-ce une seule accusation dont elle sera saisie, ou les quatre grands-juges seront-ils saisis de toutes les accusations 2ui peuvent être actuellement portées par le orps législatif ? J'avoue que cette question me paraît une difficulté très grande ; qu'elle n'est pas résolue par la loi et qu'elle demande une extrême attention. Car, à Dieu ne plaise que cela soit vrai, mais il est possible qu'il y ait une continuité d actions telle que MM. les quatre grands-juges, qui seront nommés à présent, ne lussent plus en état de composer le tribunal criminel, c est-à-dire eussent passé le temps que la loi a nxé à leurs fonctions, avant qu'il y eût une interruption entre le service du tribunal et de la haute-cour nationale. L'Assemblée sent encore combien cette question est importante; d'un autre côté, si la haute-cour nationale était un tribunal formé pour une seule affaire, il est clair qu'il pourra se présenter des circonstances telles
que le tribunal de cassation serait employé à former un tribunal criminel.
La même question se présente relativement aux jurés. La loi dit crue le juré ne servira qu'une seule fois. Entend-elle que ce soit pour une seule accusation, ou entend-elle que les jurés sont en activité continuellement jusqu'à ce que la haute-cour nationale n'ait plus rien à faire ; vous sentez encore combien cette différence est grande, et combien il est nécessaire d'y statuer.
Je ne donne à l'Assemblée qu'une partie des difficultés qui se sont élevées : il serait possible même d'en faire un très grand nombre, en examinant de très près la loi ; et j'ai là-dessus quelques observations que je pourrai communiquer au comité de législation. Je prie l'Assemblée de prendre ces observations en considération, afin que le premier exemple de la belle institution des jurés n'éprouve aucune entrave dans sa marche, et serve d'exemple pour tous les tribunaux criminels qui doivent s établir.
Vous avez déjà renvoyé au comité de législation divers objets relatifs à la haute-cour nationale. Sur ces objets mon rapport est prêt. J'aurai l'honneur de le présenter ce soir au comité de législation, et, demain, ie le mettrai sous les yeux de l'Assemblée, si elle le désire. Plusieurs objets dont vous a entretenus le ministre sont compris dans ce rapport, et pour pouvoir examiner les autres, ce soir, au comité, je prierai M. le ministre de vouloir bien nous faire parvenir, par écrit, les questions qu'il a présentées à l'Assemblée.
(L'Assemblée renvoie l'examen des questions posées par le ministre de la justice au comité de législation.)
,l'un des grands procurateurs généraux. Il y a, Messieurs, une difficulté qui s'est élevée aussi dans l'esprit des grands procureurs de la nation. Il s'agit de savoir s'ils doivent avoir avec le ministre de la justice quelque espèce de relation que ce soit. En voici un exemple. Le ministre nous enverra votre décret, avec prière d'en accuser réception ; je ne sais pas si, d'après l'institution de la haute-cour nationale et des grands procurateurs delà nation, qui sont membres de l'Assemblée, toutes nos relations ne doivent pas partir directement de l'Assemblée nationale. Je crois que nous devons prendre directement, des secrétaires de l'Assemblée, une expédition du décret, et ne rien accuser au ministre de la justice, afin que nous n'ayions sur cela aucune relation avec le pouvoir exécutif.
Je prie également l'Assemblée de décider si je dois, sur-le-champ, me rendre, avec mon collègue, à Orléans.
, ministre de la justice. La question posée par M. Garran est délicate. MM. les grands procurateurs généraux étant membres du Corps législatif, représentant le Corps législatif qui est accusateur, paraissent devoir tenir directement tous leurs pouvoirs de l'Assemblée nationale. D'un autre côté, il est évident que la haute-cour nationale est un tribunal comme tous les autres. A un certain point de vue, il serait difficile que MM. les procurateurs généraux, faisant fonctions d'accusateurs publics, ne fussent pas, comme tous les autres, soumis à la surveillance du ministre de la justice. Il serait possible qu'ils fissent une chose qui s'écartât des règles et il est clair qu'ils seraient alors sujets à y être rappelés par le ministre, car c'est une partie de
l'exécution qu'il est impossible d'ôter au roi. Ces difficultés très épineuses méritent toute l'attention de l'Assemblée.
(L'Assemblée renvoie également l'examen de ces questions au comité de législation.)
,secrétaire. Voici une lettre adressée à M. le Président par le sieur Anacharsis Cloots, qui s'intitule orateur du genre humain, et qui demande d'être entendu à la barre ; elle est ainsi conçue :
« Au chef-lieu du Globe, 12 décembre 1791, l'an troisième de la liberté.
« Le monde oppresseur et le monde opprimé se font une guerre qui me rappelle les combats du mauvais principe avec le non. (Rires et murmures.) Il s'agit ae terminer cette, guerre heureusement. Souffrez que je paraisse demain à la barre de l'auguste Sénat des hommes, et je jure, par le zèle qui m'éclaire, que l'audience que vous m'accorderez ne sera pas perdue pour la France et pour l'univers.
« Signé : Anarcharsis Cloots, orateur au genre humain*
Je demande pour Anacharsis Cloots la faveur qu'il paraît désirer.
(L'Assemblée décrète qu'il sera admis à la barre demain, à la séance du soir.)
J'invite l'Assemblée à se retirer séance tenante dans les bureaux pour nommer un vice-président et deux secrétaires.
(L'Assemblée se retire dans les bureaux et rentre en séance un quart d'heure après.)
, secrétaire, fait lecture d'une lettre du conseil général d Indre-et-Loire, qui, sur le motif qu'il y a eu erreur dans le réparte-ment des contributions de 1791, demande que sa session soit prorogée pour achever et rectifier son travail.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de division !
Je m'y oppose et je propose de décréter actuellement une prorogation de huitaine.
Un membre: Je rappelle que l'Assemblée a prononcé qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur une semblable' demande au département du Calvados et du département des Bouches-du-Rhône.
Un membre : Je demande le renvoi au pouvoir exécutif.
D'autres membres : L'ordre du jour ! (L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui donne communication de plusieurs pièces a lui adressées par le directoire du département du Haut-Rhin sur la tentative de subordination faite auprès du général de Wimpffen, au moment de la nouvelle répandue faussement d'une évasion du roi ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Le conseil général du département du Haut-Rhin m'a adressé différentes pièces relatives à la tentative faite auprès de M. de Wimpffen, et au bruit de l'évasion du roi, répandu sur les frontières. J'ai l'honneur de vous envoyer copie
de toutes les pièces dont il me paraît intéressant que l'Assemblée nationale ait connaissance.
« Je suis, avec respect, etc.
« Signé : cahier.
Un membre : Je propose d'ajourner à demain la lecture des pièces jointes à la lettre.
(L'Assemblée, consultée, décrète Cette motion.)
Un membre : Je demande à faire un rapport sur les troubles de Perpignan ; il est de toute nécessité de ramener l'ordre dans cette ville frontière.
Un membre : Je propose de ne rien faire avant d'avoir entendu le rapport du comité de l'extraordinaire des finances sur la création d'assignats au-dessous de 5 livres.
(L'Assemblée décrète cette dernière motion et passe, en conséquence, à l'ordre du jour.)
L'ordre du jour est un rapport- du comité de Vextraordinaire des finances sur la question de savoir si l'émission d'assignats au-dessous de 5 livres doit avoir lieu ou non.
, au nom du comité de Vextraordinaire des finances. Messieurs, vous avez chargé votre comité de l'extraordinaire des finances de vous faire un rapport sur le besoin de fabriquer des assignats au-aessous de 5 livres.
Il y a quelque temps que l'on se fût élevé contre cette proposition, parce qu'on ne connaissait encore que la théorie des assignats; aujourd'hui, que leurs effets sont connus, que les lumières de l'expérience ne permettent plus de s'égarer sur leur utilité, comme sur leurs inconvénients, il a été facile à votre comité de prendre un parti sur la question que vous lui avez envoyée.
Qu'a-t-oh voulu faire en créant des assignats de moyenne valeur ? On a voulu suppléer au numéraire et nous donnons une monnaie ; mais une pièce de 50 livres n'est pas une monnaie utile au peuple; elle ne peut, dans aucun cas, aider le commerce en détail et suppléer à l'écu de 6 livres, que la crainte ou l'intérêt personnel avait retiré de la circulation. On s'aperçut alors qu'il fallait des assignats de 5 livres ; mais leur nombre est si inférieur aux besoins, ils ont été répandus avec tant de désordre qu'ils n'ont ni sup^-pléé aux écus, ni fait d'autre office que celui d'alimenter l'agiotage.
C'est un fait incontestable aujourd'hui, que l'assignat de 5 livres n'ést pas dans la circulation égal au dixième des besoins. Vous sentirez, Mes-sieurs, la nécessité d'en décréter une plus grande quantité, si vous voulez rétablir la circulation; c est la circulation qu'il faut au peuple, puisqu'elle seule crée les travaux; que là où il y a aes travaux il n'y a point de misère, lors même que les denrées sont chères ; c'est une vérité qui a été souvent répétée dans cette enceinte, que dans un royaume qui se nourrit par sou sol, tout se pera, tout se détruit, dès qu'une masse considérable d'individus ne peut ni payer ses dettes, ni faire les dépenses raisonnables que ses facultés comportent.
La rareté des assignats de 5 livres a fait disparaître la monnaie qui était au-dessous ; on est réduit aujourd'hui à regarder comme un bienfait la création des pièces d un sou, dont le poids embarrassant les faisait dédaigner. On ne supplée à la monnaie au-dessous de 5 livres que par les billets particuliers d'une foule de sociétés éta-
blies dans la capitale ainsi que dans quelques départements, votre comité ne se permettra aucune réflexion sur ces diverses caisses, créées la plupart par l'intérêt personnel, sous le voile du patriotisme; il se bornera à vous observer qu'il est temps que l'Assemblée jette ses regards attentifs sur ces établissements, source d'un agiotage dangereux.
Vous sentirez avec lui, Messieurs, combien il est pressant, d'un autre côté, que vous veniez au secours des municipalités, dont le zèle a supplééj par des billets dignes de confiance, à la rareté au numéraire, en mettant dans la circulation une quantité suffisante d'assignats pour remplacer la petite monnaie, et en prenant des précautions pour éviter l'agiotage qui les attend à la porte même de la caisse de l'extraordinaire.
Leur utilité étant reconnue, il ne peut s'élever de longues discussions sur leur division. Les nombres dénaires remplissent tous les besoins, et leur combinaison est telle qu'avec 5 sous en monnaie de cuivre on peut faire tous les échanges. Ainsi des billets de 10,15 et 50 sous rempliraient le but de leur création.
Votre comité a pensé que dans le premier moment, soit pour accélérer la fabrication de ces nouveaux assignats et en faire jouir le commerce, soit pour satisfaire réellement aux besoins journaliers les plus pressants du peuple, on doit se borner à décréter la fabrication ae 100 millions d'assignats dans les coupures de 10, 15 et 50 sous et suivant les divisions proportionnelles ci-après.
En conséquence, votre comité vous propose de fixer à 40 millions la coupure des assignats de 50 sous, à 30 millions celle de 15 sous et à 30 millions également celle de 10 sous. Il pense, au surplus, que cette nouvelle émission devant être destinée, soit pour le commerce? soit pour les manufactures, soit pour les besoins journaliers de la classe indigente du peuple, nécessite que l'emploi en soit tait par forme d'échange et aans la proportion de population des 83 départements, en ayant égard a ceux dans lesquels il existe un plus grand nombre de manufactures et par conséquent des besoins plus répétés. Voici le projet de décret du comité, qu'il vous prie de ne considérer que comme première lecture (1).
« L'Assemble nationale, considérant que l'expérience avait déterminé l'Assemblée constituante à adopter une coupure des assignats mis en circulation, de manière à faciliter les payements dans toutes les caisses, mais qui ne satisfait pas aux besoins journaliers du commerce et des manufactures; que le peuple a témoigné par sa confiance momentanée dans des papiers éphémères et qui ne sont que la représentation des assignats nationaux,, combien il désirait que ses représentants lui procurassent les moyens de satisfaire à ses dépenses les plus faibles ; considérant encore que le succès de cette nouvelle mesure était d'autant plus assuré que ce vœu est manifesté par le concours de toutes les municipalités qui ont déjà procuré par la création de semblables papiers, les facilités que la disparition du numéraire avait rendu également nécessaires; et voulant pourvoir à ces besoins d'une manière aussi sûre que favorable aux intérêts du peuple, en même temps dans toutes les parties de l'Empire, a décrété ce qui suit :
« Art. ler. Il sera procédé de suite, sous la di-
« 40 millions d'assignats de 50 sols : 30 millions de 15 sols, et 30 millions de 10 sols.
« Art. 2. Le ministre des contributions publiques sera tenu d'informerjl'Assemblée, tous les 15 jours, des progrès de la fabrication.
« Art. 3. L'émission desdits assignats ne pourra être faite qu'en totalité dans tout le royaume, en observant de proportionner les différentes coupures à la somme totale destinée à chaque département, d'après le décret à intervenir sur cette distribution, et dont le projet sera présenté à l'Assemblée par ses comités de finances dans le délai de huit jours. »
Un membre ; Personne de nous n'ignore à quel point est porté l'agiotage : il s'est élevé un cri de toutes les parties de la France qui vous demande de le proscrire. Je pense donc qu'on ne doit pas considérer ce rapport comme première lecture, mais que la discussion doit s'ouvrir et que l'Assemblée doit décider qu'il y a urgence. (Appuyé ! appuyé /)
Il est temps de prendre un parti sur cet objet. J'appuie donc la demande d'urgence, et je demande que la discussion soit ouverte à l'instant sur le projet du comité.
J'appuie la proposition de M. Cambon, et je propose de verser dès à présent une somme quelconque dans les caisses, sauf à discuter avec réflexion la question d émettre des assignats au-dessous de 5 livres.
M. Dorizy n'appuie pas du tout ma proposition ; il demande en quelque sorte un ajournement, tandis que je propose d ouvrir sur-le-champ la discussion.
Je demande que, sans décréter qu'il y a urgence, on ouvre sur-le-champ la discussion. Si les jours sont aussi heureux qu'on doit le désirer, on sera bientôt d'accord sur le décret d'urgence.
Un membre : J'appuie les observations de M. Becquey,et je demande l'impression du projet de décret.
Plusieurs membres : L'impression du projet de décret et l'ajournement de la discussion à demain !
D'autres membres demandent que la discussion soit ouverte sur-le-champ.
(Après quelques débats, l'Assemblée décrète que la discussion sera ouverte sur-le-champ, et que le projet de décret sera imprimé dans le jour.)
, secrétaire, fait lecture de l'ordre de la parole.
, appelé le premier à la tribune, se trouvant au comité de surveillance, l'orateur inscrit après lui a pris la parole pour appuyer l'émission proposée par le comité.
M. *** (1). Est-il nécessaire de créer des assignats de petites valeurs au-dessous de 5
livres ?
Jusqu'à présent, l'agriculture et le commerce, ces deux nerfs du gouvernement, paralysés, pour ainsi dire, par la disette des petites valeurs, languissent dans un état d'engourdissement désespérant pour la chose publique.
Je dis en premier lieu que l'intérêt de l'agriculture exige impérieusement cette mesure. En effet, toutes les fois que les ventes ou les échanges ne pourront être faits et sous-divisés à l'infini, l'agriculture sera dans un état de souffrance. Ce sont les petites ventes qui lui donnent le plus de débit ; et les ventes de cette nature ne peuvent avoir lieu faute de petits signes d'une représentation monétaire, contre lesquels le cultivateur puisse échanger les fruits de ses sueurs et de son travail ; n'ayez que des signes représentatifs d'une monnaie de grosse valeur, il en résulte qu'il est contraint de livrer sa marchandise à des accapareurs qui ensuite mettent le peuple à contribution ; et comme les vendeurs sont beaucoup moins nombreux que les acheteurs, c'est toujours la masse du peuple qui y perd. Le propriétaire calcule le prix du change, et s'il s'attend a perdre un seizième pour avoir des petits billets, il diminue d'autant les réparations qu'il veut faire; et quelle est la classe qui souffre de cette diminution de travail ? C'est une classe pour qui le travail est une dette sacrée que lui doit la société.
Le propriétaire calcule de même les améliorations de ses terres; la culture à bras est la plus productive; mais comme il faut des petits assignats pour les journaliers, on est forcé de l'abandonner.
Je ne puis comprendre quelle a été l'intention de l'Assemblée constituante en créant des assignats de grosse valeur. Il eût été à souhaiter qu'elle n'eût pas ignoré que toutes les classes de la société pouvaient user des petits assignats, mais qu'il n'en était pas de même de ceux de grosses valeurs ; que la classe des banquiers, des négociants ou des riches propriétaires pour qui les derniers ont sans doute été faits, pouvait aussi bien se servir de ceux de 5 livres, mais qu'il fallait au journalier 365 jours de sueurs, de peine et de travail pour en acquérir un ou deux de 200 livres, et que pendant cet espace de temps il avait à nourrir une femme et des enfants, et à acheter jourpar jour les objets nécessaires à sa consommation ? que les ventes dans les foires et marchés se font au comptant, et qu'un assignat de 200 livres ne peut jamais cadrer avec le prix des bestiaux que l'homme moins riche acnète pour le service de son petit champ.
Les billets de petites valeurs auront l'avantage de faciliter la rentrée des impositions. Le petit contribuable ne sera plus obligé de payer en argent, lorsque le riche propriétaire avait la facilité de payer en papier, ou de différer le payement de sa portion contributive. Le gouvernement ne sera plus obligé d'acheter à grands frais des espèces.
Je viens ae démontrer que l'intérêt de l'agriculture exige des assignats de petites valeurs ; le commerce nécessite peut-être encore plus impérieusement cette opération. Le commerce, en effet, est l'agent de l'agriculture : il est le mou-
vement qui lui donne la vie ; d'où je conclus que les conséquences doivent être les mêmes. Le négociant achète sa matière première pour la subdiviser en nombre de mains. Chaque opération étant isolée, nécessite un payement particulier et qui ne peut se faire qu avec de petites valeurs ; l'ouvrier n'a pas le moyen d'attendre plusieurs jours le salaire de son travail, ce qui nécessite de la part du fabricant, qui ne peut payer qu'en gros assignats ou des avances, et alors il les calcule sur le prix delà façon qu'il diminue, ou il échange avec perte de gros assignats contre des petits, et c'est toujours le ma-nouvrier qui, en dernière analyse, paye la perte de l'échange ou l'intérêt de l'avance.
Je connais plusieurs manufacturiers honnêtes qui ont pris le parti sage d'acheter du blé et de le donner en échange contre les salaires des ma-nouvriers ; mais ce dernier n'a-t-il besoin que de pain? Et souvent le malheureux a été forcé de vendre le même blé ou de l'échanger avec les autres.
Il ne me reste, Messieurs, qu'à vous entretenir du troisième avantage que procurera à la société cette fraction d'assignats de petites valeurs : c'est l'extirpation, si longtemps désirée, si longtemps éloignée de l'agiotage, de ce chancre dévorant dont Rome eût rougi, même lorsqu'elle ne rougissait plus.
L'agiotage n'est autre chose que le gain qu'on espère et qu'on obtient par l'écnange des petits assignats contre ceux de plus grosse somme, ou contre de l'espèce ; créez beaucoup de petites valeurs et éteignez les grosses, il ne reste plus alors que l'agiotage contre ae l'espèce; mais multipliez les petits assignats, et vous n'avez plus besoin d'espèces, la confiance s'établit, parce qu'elle naît et est obligée de naître du grand besoin et du grand usage de ce petit numéraire; enfin vous ôtez tout prétexte aux ennemis du bien public de soulever le peuple ; ils ne lui diront plus : « Sous l'ancien régime, l'argent était abondant, vous étiez mieux payés, plus occupés. et les denrées étaient moins chères.
J ose vous le dire, Messieurs : c'est peut-être à cette opération simple et prompte que vous devrez la tranquillité publique ; mais ce qui ajoutera le plus de confiance a cette émission salutaire et contribuera le plus à la destruction de cet agiotage désastreux, ce sera la sagesse de vos décrets et le calme dans vos délibérations.
Je propose donc de décréter qu'il sera émis 100 millions de petits assignats, savoir : 40 millions en assignats de 10 sols, 25 en assignats de 15, 20 en assignats de 25, et 15 en assignats de 50 sols.
monte à la tribune, mais devant parler en faveur du projet, il cède la parole à M. Laffon-Ladebat.
(1). Messieurs, la question soumise à votre discussion est celle de savoir si vous émettrez des assignats au-dessous de 5 livres.
Si déjà cette émission n'existait pas, si, par un abus étrange de la liberté, si par un
oubli intolérable de la surveillance que doivent exercer les assemblées administratives, de
simples particuliers, sans autorisation, sans cautions connues, ne s'étaient pas arrosé le
droit d'émettre des papiers de toutes les valeurs, je vous dirais,
Il me serait facile ensuite de vous prouver quelle perte immense résulte pour le peuple de l usage des assignats de petite valeur, et l'inquiétude que peuvent lui causer les falsifications sans nombre dont il serait la victime.
Je crois enfin, Messieurs, qu'il ne me serait pas difficile de vous démontrer que cette émission, si elle était à faire, serait aussi dangereuse qu'im-politique; mais le mal est fait; cette émission existe; et, je vous l'avoue, ce n'est pas sans éton-nement que j'ai vu le département de Paris et la municipalité souffrir, non seulement des émissions de papier de toutes les couleurs, sans examiner le gage sur lequel ils portaient, mais même une introduction de médailles servant de monnaies, comme si le droit de battre monnaie n'était pas un droit souverain et appartenant à la nation seule !
Dans le département de la Gironde, dont j'avais l'honneur d'être membre, nous avons permis d'établir des caisses patriotiques, mais nous les avons surveillées, mais nous les avons assujetties à adopter les assignats qu'elles recevaient en échange de leurs billets de moindres valeurs, nous avons vérifié régulièrement les dépôts et les émissions; nous iravons pas permis que la masse du papier circulant fût augmentée. Ici, au contraire, on ne sait pas même quelle est la somme du papier de confiance qu'on s'est permis de mettre en émission.
Je suis loin, Messieurs, de partager l'inquiétude publique sur le sort de ces caisses ; je crois que le plus grand nombre mérite une entière confiance et que le besoin a nécessité ces établissements ; je sais même que la plupart de ceux qui les ont formés ont demande que leurs dépôts fussent vérifiés et surveillés : mais cela ne suffit pas; il fallait qu'ils le fussent, et le département de Paris ne devait pas se dispenser de ce soin.
Aujourd'hui, Messieurs, que l'émission de ce petit papier existe, quelles mesures devez-vous prendre ? Si une plus grande masse de monnaie pouvait être fabriquée, je la préférerais, sans balancer, à une émission de petits assignats nationaux. Avant de vous déterminer, vous avez de grandes considérations à examiner, le temps et le prix de cette fabrication; il serait essentiel que votre comité des assignats vous fit, à cet égard, un rapport détaillé ; et dans le cas où vous adopteriez 1 émission d'assignats au-dessous de 5 livres, je voudrais qu'ils ne fussent pas moindres de 20 sous, et que vous vous borniez à ordonner une fabrication d'assignats de 20, 25 et 30 sous.
Je bornerais la plus petite valeur de ces assignats à 20 sous, afin de retenir en circulation une plus grande masse de monnaie, afin d'émettre une moins grande quantité de papier. Cette coupure de 20, 25 et 30 sous peut, par les échanges, servir au payement de 5, 10, 20, 25, 30 sous, et aux sommes multiples ou composées de celles-ci ;. cette fabrication serait d'ailleurs moins coû-
teuse que celle des assignats de 10 sous. Si ceux-ci coûtent 1 0/0, ceux de 20 sous ne coûteront qu'un demi pour cent.
Pour le projet de votre comité, 100 millions de livres exigeraient 116 millions d'assignats; dans le mien, 74 millions d'assignats donneront la même somme.
Je voudrais aussi que cette fabrication fût faite dans chaque département à, la fois pour la somme que vous déterminerez, afin de hâter cette fabrication, et pour que les falsifications pussent être plus facilement découvertes et arrêtées. Si vous ordonnez que cette fabrication soit faite à Paris seulement, il s'écoulera un temps considérable avant que ce papier puisse être répandu dans tout l'Empire, et le quart du royaume pourrait être rempli de ce papier falsifié, sans que le peuple qui l'aurait reçu pût se douter de la perte immense dont il serait menacé.
Je vous propose donc de décréter :
1° Que votre comité des assignats vous rendra incessamment compte du prix, des moyens et du temps nécessaire pour les fabrications d'assignats de 20. 25 et 30 sous.
2° Que le comité de l'extraordinaire des finances vous proposera la somme d'émission qui sera nécessaire.
3° Que celui des assignats vous rendra compte aussi de l'état actuel de la fabrication de la mon» naie de cuivre et de métal des cloches, et des moyens de l'augmenter, en exploitant avec plus d'activité les mines de la nation.
4° Que les caisses patriotiques actuelles soient mises sous la surveillance et l'inspection immédiate du pouvoir exécutif (Murmures), qui sera chargé de rendre compte incessamment du montant de l'émission faite par ces caisses, de leur régime actuel et de leur cautionnement, sans que cette disposition doive arrêter en aucune maniéré les échanges de ces caisses, et la circulation de leurs billets jusqu'à ce que l'Assemblée nationale en ait autrement décrété.
Plusieurs membres : A demain !
(L'Assemblée ajourne la suite de la discussion à demain matin.)
(La séance est levée à trois heures et demie.)
Projet de décret relatif aux liquidations et à Vordre des remboursements de la dette exigible, présenté par M. Ri bond, député du département de l'Ain (1).
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.
Je m'étais inscrit pour combattre la suspension des remboursements^ et démontrer que ce moyen extrême était proscrit par les déclarations solennelles du corps constituant, contraire à la justice, destructif du crédit, nuisible à la vente des
biens nationaux et aux assignats; qu'il ouvrirait une nouvelle voie à l'agiotage, multiplierait les mécontents, augmenterait la dette par une surcharge d'intérêts ; qu'enfin la situation des finances ne commandait point cette ressource infructueuse, et que l'ordre suffisait pour ramener l'équilibre et la confiance. Le décret du 9 de ce mois, adopté avec un empressement général qui honore l'Assemblée nationale, a heureusement rendu cette discussion inutile, et elle ne doit actuellement porter que sur le mode des remboursements.
L'opinion que je m'étais proposé de présenter contenait des vues sur ce dernier objet ; mais étant placé sur la liste des orateurs à la suite d'une grande quantité de noms, il m'est difficile d'espérer de pouvoir porter la parole. Néanmoins, comme mon projet ae décret peut contenir des idées utiles, ou en faire naître, j'ai pensé qu'il convenait de le mettre sous les yeux ae l'Assemblée nationale. A l'avantage de détruire la série arbitraire ou incertaine des remboursements opérés sans règle ni mesure, et de prévenir l'épuisement du Trésor public par des payements énormes dans des moments inattendus, il réunit celui d'appeler en même temps toutes les classes de créanciers dans une juste proportion, de tenir sans cesse 1 Assemblée éclairee sur la situation de la dette exigible, et sur celle du Trésor public, de fixer régulièrement les remboursements à des époques rapprochées, d'établir enfin un ordre invariable, qui, sans préjudicier aux créanciers ou les retarder plus que la méthode actuelle, n'en offre pas les inconvénients pour le Trésor public et l'administration de l'Empire.
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale, considérant que s'il est de sa justice de s'occuper sans interruption de la liquidation et du remboursement des offices supprimés et des autres parties de la dette exigible, il n'est pas moins de son devoir de mettre le plus grand ordre dans ces opérations ; qu'il est nécessaire de connaître la totalité de la dette et les moyens de l'acquitter, de savoir ce qui a été payé et ce qui reste à payer ; de se faire rendre compte, à des époques fixes, des revenus et des besoins publics, de déterminer régulièrement, d'après ces instructions, les sommes à consacrer aux remboursements, d'y appeler toutes les classes des créanciers en raison de leur position et de la nature de leurs titres, sans écarter les uns au préjudice des autres ; de prér venir 1 épuisement subit du Trésor public par des remboursements inattendus, effectués sans précautions ni mesure, et de fixer une marche simple qui, sans nuire aux droits des créanciers, puisse se concilier avec une administration prudente, et garantir de tout désordre.
Décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Le commissaire du roi, directeur général de la liquidation, présentera, dans la quinzaine, à l'Assemblée nationale, l'état de toutes les liquidations laites, et y joindra, d'après les pièces déposées actuellement dans ses bureaux, un premier aperçu de ce qui reste à liquider.
Art. 2.
Les créanciers, des corps et communautés sup-
primés, les propriétaires d'offices supprimés, ae dîmes inféodées, brevets de retenue, et généralement tous ceux dont les créances sont déclarées par les décrets faire partie de la dette exigible, seront tenus de présenter leurs titres au commissaire du roi directeur général de la liquidation, avant le 1er mars prochain, s'ils sont en Europe, avant le 1er janvier 1793 s'ils sont dans les colonies en deçà du cap de Bonne-Espérance, et avant le 1er janvier 1794 s'ils sont au delà dudit cap ; à défaut par les uns ou les autres de faire cette remise dans les délais ci-dessus, ils seront déchus de tous intérêts de leurs créances jusqu'au jour de la remise, et leurs capitaux ne leront plus partie de la dette exigible.
Les bureaux de la liquidation seront ouverts pour la réception des titres jusqu'au 1er mars prochain, depuis sept heures du matin jusqu'à neuf heures du soir.
Art. 3.
Les directoires de départements adresseront aussi audit commissaire du roi, avant le 1er mars, les titres des dîmes inféodées et autres créances de cette nature avec leur avis. Ils prendront un arrêté pour prévenir les propriétaires ou créanciers de leur faire promptement la présentation de leurs titres, et le feront publier clans les différentes municipalités. Si le temps ne leur permet pas de faire l'examen de toutes le& pièces qui leur seront remises, ils les enregistreront, et en dresseront un état sommaire dans lequel ils porteront la valeur de chaque créance par aperçu, et ils feront parvenir cet état audit commissaire avant le 1er mars.
Art. 4.
Celui-ci formera, dans le courant de mars, un état général de toutes les créances à liquider, et cet état sera présenté à l'Assemblée nationale le 1er avril ; à la même époque, ses comités des finances mettront sous ses yeux le tableau de la situation du Trésor national, avec l'aperçu des dépenses et des recettes à faire dans les mois d'avril, mai et juin. Us donneront aussi l'état des biens nationaux vendus et de ceux restant à vendre, celui des sommes payées à compte des acquisitions, et des fonds à rentrer pendant ces trois mois.
Art. 5.
D'après ces tableaux qui seront imprimés et distribués, le Corps législatif déterminera, dans la première huitaine d avril, la somme qu'il conviendra de destiner aux remboursements pendant les mois d'avril, mai et juin, et au delà de laquelle lesdits remboursements ne pourront être portés pendant lesdits mois.
Au 1er juillet, ses comités de finances et le commissaire du roi lui présenteront de nouveau des états de la situation du Trésor public et delà dette, à la vue desquels il déterminera dans la première huitaine la somme à appliquer aux remboursements pendant les trois mois suivants. Le même ordre sera suivi de trois mois en trois mois, et la fixation du fonds sera toujours faite dans les premiers jours de chaque trimestre en suite des états et tableaux ci-dessus désignés.
Art. 6.
Les créances exigibles seront divisées en six classes.
La première comprendra les salaires et comptes d'ouvriers, marchands, fournisseurs et autres créances de cette nature, ainsi que les objets provenant de l'arriéré des départements pour
La seconde classe sera composée de toutes les autres créances quelconques dont le capital ne s'élève pas au-dessus de cinq mille livres.
La troisième classe, de toutes celles de 5,000 livres jusqu'à 10,000 livres de capital.
La quatrième classe, de toutes celles de 10,000 livres jusqu'à 20,000 livres du capital.
La cinquième classe, de toutes celles qui s'élèvent au-dessus de 20,000 livres, sauf 1 exception ci-après.
La sixième classe contiendra enfin toutes les créances qui ont pour objet des remboursements d'offices de finances au-dessus de 20,000 livres, ainsi que les charges de secrétaires du roi, et les brevets de retenue d'une valeur excédant ladite somme de 20,000 livres.
Art. 7.
A compter du 1er avril 1792, toutes les liquidations à décréter seront présentées à l'Assem- -blée nationale dans le premier mois de chaque trimestre, et toutes les créances seront placées dans celle des classes à laquelle elles appartiennent; elles y seront inscrites par numéros particuliers pour chaque classe, réglés d'après l'ordre de la réception des pièces
Un tiers de la somme qui sera fixée pour les remboursements à effectuer pendant le trimestre sera toujours destiné aux deux premières classes jusqu'à leur entier remboursement ; le second tiers sera consacré tant à la troisième qu'à la quatrième classe. Enfin, le dernier tiers sera partagé également entre la cinquième et la sixième.
Art. 8.
Lorsqu'une ou plusieurs classes n'offriront plus une masse de dettes capable d'absorber en entier le tiers qui leur sera destiné, alors l'excédent accroîtra en faveur des autres classes, et sera divisé entre elles en portions égales.
Quand les deux premières seront totalement remboursées, la troisième et la Quatrième auront le premier tiers de la somme nxée pour le trimestre, la cinquième aura le second tiers, et la sixième recevra le dernier.
Enfin, lorsque les quatre premières classes seront payées, les deux dernières auront chacune la moitié de la somme déterminée pour le trimestre.
Art. 9.
Le comité de la liquidation fera incessamment le rapport des liquidations dont le travail est actuellement terminé par le commissaire du roi ; et dans la première quinzaine de janvier, il fera le rapport de celles dont le travail se trouve actuellement entrepris sans être achevé. Les objets compris au premier article, qui seront liquidés par l'Assemblée nationale cl après ces rapports, seront remboursés de suite sans aucune distinction des classes ci-dessus.
Art. 10.
Dans toutes les autres liquidations, auxquelles le commissaire du roi continuera à se livrer sans interruption, il classera les créances conformément à l'article 6 : mais à l'exception des liquidations mentionnées dans l'article précédent, toutes celles qui seront soumises à l'examen de l'Assemblée nationale par le comité de liquidation jusqu'au 1er avril, ne pourront comprendre que des objets faisant partie des trois premières classes ; cet avantage faible et momentané n'étant qu'une légère compensation des inégalités qui ont eu lieu jusqu'ici dans les remboursements.
Art. 11.
Les intérêts des créances exigibles seront payés dans la forme et de la manière prescrites par les précédents décrets pour ceux qui auront produit leurs titres dans les délais fixés par les articles 2 £t 3.
Art. 12.
Les créanciers et titulaires pourront, comme par le passé, se faire délivrer par le commissaire au roi liquidateur, en lui remettant leurs titres, des reconnaissances provisoires qui pourront être employées et admises en paiement de domaines nationaux jusqu'à la concurrence de la moitié des créances, et cette moitié sera présumée, soit d'après la valeur déterminée par les titres, soit d'après les arrêtés et avis des directoires de département pour les dîmes inféodées et autres objets de cette nature.
Art. 13.
Le comité de liquidation prendra incessamment des renseignements exacts sur la composition et le nombre des bureaux et des employés du commissaire du roi, directeur général de la liquidation, et il indiquera à l'Assemblée nationale les réformes que Féconomie et le bien du service pourraient y faire proposer.
Art. 14.
Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi ; le ministre informera l'Assemblée de son envoi dans les départements huitaine après la sanction, et les corps administratifs feront publier la loi dans la huitaine de sa réception.
Nota. Si l'Assemblée nationale pense que le développement de ce projet de décret puisse être de quelqu'utilité, soit pour prévenir les objections, soit pour faire connaître les motifs, je les présenterai au moment où elle voudra les entendre.
Paris, ce 12 décembre 1791.
OPINION de Jtf. Pronveur (1), député du département du Nord à l'Assemblée nationale, sur le rapport du comité de l'extraordinaire des finances, pour une émission d'assignats au-dessous de 5 livres (2).
Convient-il de faire des assignats au-dessous de 5 livres ? Ces assignats sont-ils nécessaires ? Pour quelle somme faut-il en fabriquer? A quel emploi faut-il les destiner ? Telles sont, Messieurs, les quatre questions que je vais examiner.
1° Convient-il de faire des assignats au-dessous de 5 livres.
Il est de l'essence de tout système monétaire que la monnaie puisse être divisée dans toutes les fractions que comporte l'unité numérique.
Ainsi la monnaie d or et d'argent, ce médium univei'sel de tous les échanges entre les peuples commerçants, se trouve divisée par chaque gouvernement dans des fractions relatives à son système monétaire ; et tel que soit ce système chez tous peuples, les fractions se prêtent à tous les besoins. Vous connaissez, Messieurs, les divisions que présente notre monnaie, depuis les pièces d'or de deux louis, jusqu'aux pièces de trois deniers.
Lorsque l'Assemblée Constituante a créé en France une nouvelle monnaie, elle a sans doute
Srévu que, tôt ou tard, le besoin se ferait sentir e diviser cette monnaie dans les différentes fractions relatives aux divers besoins de la société.
L'Assemblée constituante aurait pu, je crois même qu'elle aurait dû prendre dans une sérieuse considération les divers inconvénients qui devaient nécessairement résulter de l'émission d'une monnaie nouvelle, dont les différentes fractions ne correspondaient pas à l'emploi usuel de toute monnaie, quelle que soit sa dénomination.
Lorsqu'il fut question de décréter la nouvelle monnaie d'assignats, on assurait qu'elle se soutiendrait au pair de sa valeur numérique, avec la monnaie métal, et c'est peut-être à ce préjugé qu'il faut attribuer l'erreur de l'Assemblée constituante de ne faire d'abord fabriquer que des pièces de 2 mille, de 1,000, de 3 et de 200 cents livres. Sans doute, elle crut que ces pièces s'échangeraient avec facilité, contre les pièces d'or et d'argent en circulation ; mais cette illusion ne fut pas de longue durée, et bientôt elle reconnut la nécessité de faire fabriquer des pièces de différentes sommes ; nous en avons actuellement jusqu'à 5 livres ; mais ces pièces de 5 livres forment-elles la dernière frac-
tion nécessaire du système monétaire en assignats? je ne le pense pas.
L'assignat-monnaie a remplacé dans la circulation les pièces d'or et d'argent ; or, les pièces d'argent sont divisées jusqu'en fractions de 6 sols, il est donc nécessaire de faire fabriquer des fractions d'assignats-monnaie qui approchent de cette valeur.
Je passe maintenant à l'examen de la seconde question. Les fractions d'assignats au-dessous de 5 livres sont-elles nécessaires?
Je ne vous répéterai pas, Messieurs, tout ce qui vous a été dit pour vous démontrer que le bien de l'agriculture et du commerce exigeait impérieusement cette mesure ; je ne remettrai pas sous vos yeux ce tableau affligeant des horreurs enfantées par la cupidité et l'agiotage; vous avez entendu de toutes parts le vœu du peuple. C'est surtout la classe indigente qui souffre le plus de ce malheur public, et elle a des droits incontestables à votre sollicitude.
J'examine, Messieurs, la question sous un rapport plus général, et je dis que non seulement les fractions d'assignats-monnaie au-dessous de 5 livres sont nécessaires, mais que même elles sont indispensables si on ne veut pas que le public soit trompé.
Pour vous prouver cette vérité, je me bornerai à vous faire observer que l'Etat est inondé de papier-monnaie dont la fabrication est faite par des particuliers, et que les fractions de ces papiers sont de 50, 40, 30, 25, 20,15, 10 et même 5 Sols.
A quelle cause faut-il attribuer la prodigieuse facilité que des particuliers ont trouvée à faire l'émission de leur papier de confiance, si ce n'est au besoin sans cesse renaissant, que la société éprouve chaque jour d'avoir des fractions de monnaie pour les besoins usuels de la vie.
Mais si ces papiers de confiance se trouvaient, en dernière analyse, manquer du gage qui doit les représenter, le public ne sera-t-il pas fondé à se plaindre du gouvernement qui, par sa négligence, a fait naître des abus si graves?
Le droit de battre monnaie est-il donc si peu susceptible d'abus que le législateur puisse l'abandonner à tous les particuliers? Ce droit n'est-il pas un des premiers attributs de la souveraineté, et le gouvernement qui ne pourvoirait pas lui-même à la fabrication d'une monnaie divisible, dans le nombre des fractions nécessaires aux besoins journaliers des citoyens, ne devient-il pas responsable à la société de tous les abus qui en résultent?
Oui, Messieurs, responsable, si vous ne pouvez être atteints par la responsabilité ordinaire des fonctionnaires publics, n'existe-t-il pas pour des législateurs, une responsabilité bien plus puissante, celle de l'opinion ?
Je crois, Messieurs, qu'au nombre de nos devoirs les plus importants, nous devons compter celui de détruire les abus du système monétaire des assignats ; et un de ces anus les plus évidents, c'est l'émission prodigieuse des billets de confiance. J'entends dire qu ils sont libres ; non, Messieurs, ils ne sont pas libres, puisque la nécessité leur a donné l'existence. Non, Messieurs, ils ne sont pas libres, puisque le peuple les désire, et ne peut faire sans eux aucun des échanges ordinaires de la société, puisque, malgré que leur hypothèque ne soit pas connue, ce peuple, pour se soustraire à la rapacité des marchands d'argent, a accepté avec reconnaissance ces billets imaginés, moins dans des vues d'utilité pu-
blique que dans une spéculation de banque dont le résultat doit toujours tomber sur le peuple.
Le seul objet qui doive fixer aujourd'hui votre attention est de savoir si l'intérêt de la société exige que nous ordonnions la fabrication d'assignats au-dessous de 5 livres.
Or, la solution de cette question est donnée par ces seuls mots : Vassignat est-il monnaie de l'Etat ?
Si l'assignat est monnaie, il est absolument nécessaire que cette monnaie soit divisible dans les plus petites fractions possibles, et ces plus petites fractions ne peuvent être moindres de 10 sols pour remplacer dans la circulation les métaux d'or et d'argent.
Je crois donc utile et même indispensable qu'il soit fabriqué des assignats de 50,40,30,25,20,15 et 10 sols, et je crois également utile et indispensable que la monnaie de cuivre soit fabriquée en assez grande abondance pour que tous les porteurs de fractions d'assignats puissent trouver a les échanger contre des sous et des demi-sous.
Je ne pense pas, ainsi que votre comité, qu'il convienne de se borner a des assignats de 50, 15 et 10 sous, puisque les billets de confiance portent d'autres divisions ; il en résulte que ces divisions sont nécessaires, ou du moins utiles. D'un autre côté, Messieurs, nous devons nous empresser de faire jouir la classe indigente du peuple, du remède que nous apportons à ses maux par cette fabrication de petits assignats, en accélérant leur émission. Vous savez que la crainte des contrefaçons empêche qu'on ne fabrique, en différents lieux, la même sorte d'assignats ; il faut donc les multiplier, pour multiplier la fabrication.
Ici, Messieurs, je dois répondre à quelques objections qui ont été faites.
On craint que les petits assignats au-dessous de 5 livres ne fassent disparaître la monnaie. Mais cette crainte est-elle bien sérieuse, lorsque nous voyons que les billets de confiance n'ont pas fait le mal qu'on appréhende ? Or, les assignats qu'on vous propose de faire fabriquer, remplaceront les billets de confiance et présenteront la solidité de la véritable monnaie par leur hypothèque. Il n'est donc pas possible de présumer qu'ils puissent nuire.
On se récrie ensuite sur les frais de fabrication; mais quels que soient ces frais, peuvent-ils vous arrêter lorsqu'il s'agit de soulager le peuple? Sont-ils perdus, ces frais, pour la nation qui les paie ? Non, Messieurs, il n'est point de dépense plus précieuse et par son objet et par son emploi. C'est pour le peuple que vous dépensez, c'est sur le peuple même que vous versez ces dépenses ; ce sont des ouvriers auxquels vous procurez du travail. Rapprochez d'ailleurs de cette dépense l'avantage qu'elle vous procurera de ne plus acheter chèrement du numéraire pour le service des caisses publiques, et concourir ainsi vous-mêmes au discrédit de votre papier-monnaie. Rapprochez-en l'augmentation de recette sur les impositions que faciliteront ces petits assignats-, et vous resterez convaincus, Messieurs, que leur émission est sage, utile et indispensable.
Pour quelle somme faut-il fabriquer de ces fractions d'assignats ? C'est ma troisième question, et ma réponse est bien simple : je pense que l'émission de ces fractions d'assignats ne doit avoir d'autres bornes que les besoins de la société.
Ces besoins sont manifestés par la circulation des billets de confiance ; et s'il était possible d'en connaître le nombre, nous nous trouverions très éclairés sur ce que nous avons à faire ; cependant nous ne pourrions pas encore nous fixer absolument à cette base, puisque la circulation est obstruée dans plusieurs lieux où il n'y a point été établi de caisse patriotique. Il faut faire cesser cet embarras, et je ne vois point de plus sûr moyen que de proportionner notre émission de fractions d'assignats au montant de la monnaie d'argent qui existe depuis les pièces de trois livres jusqu'à six sols ; l'expérience nous a prouvé que ce montant suffisait à tous les échanges ; nous ne nous éloignerons donc pas en émettant pour 150 millions de petits assignats, somme à laquelle des personnes instruites portent le montant de cette monnaie d'assignats, et je les diviserai ainsi : 20 millions de chacune des coupures de 50, 40, 30, 25, 20 sols, et 25 millions de celles de 15 et 10 sols.
Enfin, Messieurs, à quel usage faut-il destiner les fractions d'assignats à fabriquer? Telle est ma quatrième question.
Je ne pense pas qu'il soit dans votre intention d'augmenter en ce moment la quantité d'assignats en circulation ; vous avez regardé avec raison cet objet comme un des plus importants sur lesquels vous aviez à prononcer ; vous avez cru que des mesures partielles pourraient nuire à la chose publique, et vous avez résolu d'embrasser à la fois les diverses parties de finances; les bons citoyens gémissent que tant de discussions particulières aient détourné l'attention des législateurs de la France de ce point si important pour le salut de l'Etat ; je remplis un devoir sacré en vous conjurant au nom de la patrie, de vous livrer, enfin sérieusement, à ce qu'exige la situation de nos finances.
Jusque-là. Messieurs, la prudence veut que les fractions d assignats qui seront fabriquées ne soient employ ées qu'àdes échanges contre des assignats de 500 livres ; il faut que tous les départements en profitent ; et, en les divisant entre eux en raison de leurs contributions foncières et mobilières, vous approcherez le plus possible d'une juste distribution. Aussitôt que ces assignats pourront être émis, je pense, Messieurs, que si vous êtes jaloux de conserver aux assignats-monnaie toute la confiance dont ils sont susceptibles, vous devez ordonner qu'il ne sera plus permis à aucun particulier de fabriquer et mettre en circulation aucun papier de confiance. Si vous négligez ce moyen, vous exposez vos fractions d'assignats à être accaparés avec ces mêmes billets de confiance que les associés de ces banques pourront doubler et donner à perte, pour établir sur vos nouvelles fractions d'assignats un agiotage qui les aurait bientôt dédommagés de leur perte.
Je pense donc qu'il est indispensable de faire retirer ces billets de la circulation ; et, pour y parvenir, je crois qu'il faudrait ordonner que, dans tous les départements où il a été établi des caisses patriotiques, ceux qui ont formé ces étae blissements seront tenus de représenter lasomm-d'assignats échangés contre les billets de confiance ; que ces assignats étant déposés dans les caisses de district, tous les particuliers porteurs de ces billets de confiance pourront venir les échanger.
Enfin, Messieurs, je crois que le surplus pourrait être distribué aux cultivateurs et aux fabricants, sur des certificats de leurs municipalités,
visés par les directoires de district, et suivant l'ordre de leur présentation.
De cette règle générale, je ne vous propose qu'une exception provisoire en faveur de la caisse des comptes qui ne laisse aucun doute sur la représentation du gage des billets qu'elle met en circulation, et son existence n'est pas sans rapports avec la prospérité du commerce, et un bon système général des finances.
En conséquence, je vous propose le décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que les assignats sont une monnaie de l'État et qu'ils doivent, en conséquence, être divisés en fractions nécessaires aux échanges ordinaires de la société, que le peuple souffre de l'agiotage qui a lieu sur les assignats, parce que ces fractions d'assignats n'existent pas, et qu'il est pressant d'y pourvoir, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'extraordinaire et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Il sera fabriqué pour 150 millions d'assignats
au-dessous de 5 Livres; savoir: 20 millions de 50 sols, 20 de 40, 20 de 30, 20 de 25, 20 de
20, 25 de 15, et 25 de 10 sols.
« Art. 2. Ces assignats seront distribués, entre tous les départements en raison de leurs contributions foncière et mobilière.
« Art. 3. Aussitôt l'émission de ces assignats, tous papiers ou billets de confiance ne pourront plus rester en circulation.
« Art. 4. Dans tous les lieux où il a été établi des caisses de billets de confiance, les personnes qui ont formé ces établissements seront tenues de faire connaître, aussitôt la publication du décret, aux directoires de départements, le montant de 1 émission des billets par eux faite.
« Art. 5. Elles seront également tenues, sur la notification qui leur sera faite à la diligence du procureur général syndic, de déposer dans les caisses de district qui leur seront désignées, les assignats qu'elles ont reçus en échange de leurs billets de confiance.
« Art. 6. Aux jours qui seront annoncés par les directoires, en suite de l'arrêté des directoires de départements, les receveurs de district échangeront contre les assignats les billets de confiance que présenteront les particuliers, jusqu'à concurrence des assignats remis par les caisses, et cet échange se fera suivant l'ordre des présentations.
« Art. 7.11 est accordé le terme d'un mois pour ces échanges.
« Art. 8. Le terme écoulé, les assignats restants seront accordés, en échange de ceux de 500 livres, aux cultivateurs et fabricants, suivant le même ordre de présentation, sur des certificats des municipalités visés par les directoires de district.
« Art. 9. Les billets de la caisse d'escompte de Paris pont provisoirement exceptés des dispositions du présent décret. »
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du lundi 12 décembre.
Messieurs, dans la séance du 31 octobre dernier, l'Assemblée a renvoyé à son comité de législation une motion de M. Lejosne (1) sur la question de savoir si les tribunaux criminels seraient sédentaires où ambulants. Le rapport sur cette matière est très urgent. Il me semble également pressant de prononcer sur la manière dont se jugeront, à compter du mois de janvier, les procès criminels dont les tribunaux de district sont saisis; s'ils doivent les mener à fin, nonobstant l'installation des tribunaux criminels, et si la forme par jurés est applicable aux procès qui auront été entamés dans la forme de l'ordonnance de 1670. Je demande que le comité fasse son rapport lundi sur le premier objet, et dans 15 jours sur le second.
L'Assemblée constituante avait jugé à propos de suspendre, jusqu'au 1er janvier 1792, 1 activité des tribunaux criminels, parce que la gendarmerie nationale n'était pas encore établie, à moins que toutes les mesures ne soient prises pour faire marcher les tribunaux criminels; je demande que le comité de législation vous présente une prorogation de délai.
(L'Assemblée, consultée, décrète que le comité de législation lui présentera, lundi prochain, un projet de décret sur ces questions.)
En pays de droit écrit, un grand nombre de pères dénaturés déshéritent leurs enfants parce qu'ils aiment la Révolution ; plus de 2,000 individus gémissent encore sous des lois barbares que l'esprit de la Constitution réprouve. Il est temps de faire cesser ces distinctions, aussi injurieuses à la nature qu'à l'égalité et à la justice, et de rendre à ces citoyens des droits, dont, à la honte des lois, ils ont été si longtemps privés. Je demande que le comité de législation soit chargé de faire incessamment son rapport sur les fils de famille.
Et sur les cas d'émancipation.
Un membre : C'est une mauvaise manière de procéder que de donner isolément des lois à l'Empire, il faut s'occuper du Code civil. Je demande la question préalable sur les propositions des préopinants.
Un membre : Je demande que l'Assemblée passe à l'ordre du jour en motivant sa délibération sur ce que ces objets dépendent du Code civil, qui fera incessamment la matière d'une discussion.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour, attendu que le comité de législation doit s'occuper de cet objet dans son travail sur les lois civiles.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Pétion, maire de Paris, qui de-
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prévenir que la municipalité de Paris désirerait être admise aujourd'hui, vers les 2 heures, à la barre, pour un objet de haute importance et très pressant. Elle espère, Monsieur le Président, que vous voudrez bien en faire part à l'Assemblée nationale, et la prier de lui accorder cette faveur.
« Je suis, avec respect, etc.
« Signé : Pétion. »
(L'Assemblée décrète que la municipalité de Paris sera admise à 2 heures.)
2° Lettre des Directeurs de Vimprimerie du cercle social qui font hommage à l'Assemblée d'un volume de la Polyglotte, ou traduction en diverses langues de la Constitution française.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cet hommage au procès-verbal.)
demande un congé de 15 jours.
demande un congé d'un mois.
(L'Assemblée accorde ces deux demandes.)
M. le secrétaire continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :
3° Adresse et mémoire de M. Maillon sur l'impôt.
(L'Assemblée renvoie l'adresse et le mémoire au comité de l'ordinaire des finances et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
4° Lettre de M. Journu, président du directoire du département de la Gironde, qui envoie une adresse du conseil général sur la libre circulation des grains; cette adresse est ainsi conçue :
« Messieurs, le commerce de Bordeaux vient de nous faire part d'un événement qui cause ici de vives inquiétudes; nous faisons partir un courrier extraordinaire pour vous en instruire, et solliciter tout l'appui de votre sagesse et de votre autorité.
« Des lettres, reçues par plusieurs négociants, lesinforment que, dans une nouvelle insurrection, le peuple de Saint-Omer (2) à totalement arrêté tous les envois de grains destinés pour la ville de Bordeaux et plusieurs départements voisins. Ce peuple, égaré par des factieux, n'avait d'abord jeté qu'un batardeau dans le canal : cette fois il en a construit deux ; et pour en former plus rapidement un troisième, sa colère effrénée a brisé un pont et comblé la rivière de ses débris.
« Le récit de cette arrestation affligeante est suivi de plusieurs détails plus affligeants encore ; nous ne saurions y ajouter foi ; mais, Messieurs, une vérité constante, digne de fixer toute l'énergie de votre attention, c'est que plus de 80,000 ra-sières sont arrêtées à Saint-Omer, qu'elles étaient attendues dans nos contrées et que cette perte offre une perspective alarmante.
« Lorsque des grains sont destinés pour Bordeaux, ils le sont aussi pour plusieurs
départe-
« Le commerce de Bordeaux, ne pouvant compter sur des grains étrangers, fondait ses espérances sur les chargements faits à Saint-Omer; c'est à lui que leur plus grand nombre était destiné; déjà même, il en avait en partie payé le prix. Nous mettons, à cet égard, sous vos yeux, des pièces authentiques; vous y puiserez la conviction d'un fait important. Les habitants de Saint-Omer y trouveront la preuve de l'indigne abus qu'on a fait de leur crédulité et de leur patriotisme, en leur persuadant que les grains qu'ils ont arrêtés étaient pour les émigrants ; et ceux qui n'ont pas craint de propager cette absurde supposition, regretteront sans doute de s'être trop livrés aux accès de leur zèle.
« Nous venons de dire, Messieurs, que le commerce de Bordeaux ne pouvait compter en ce moment sur les blés étrangers ; il a cela de commun avec celui de la France entière, et cette vérité doit exciter les sollicitudes du Corps législatif. Le commerce de la Baltique est intercepté par les glaces ; mais ce qui l'intercepterait encore sans les rigueurs de l'hiver, mais ce qui intercepte celui ae tous les pays étrangers, c'est la baisse même de nos changes, baisse affligeante produite par les événements publics; baisse ruineuse qui ne présente qu'une perte infaillible au négociant étranger qui enverrait des grains en France.
« Ces considérations, faites pour toucher vivement, Messieurs, votre amour pour la patrie, vous porteront sans doute à vous occuper prompte-ment des moyens les plus propres à favoriser le commerce intérieur des grains, des moyens surtout qui pourraient ranimer toute l'activité du commerce extérieur par la perspective des récompenses publiques.
« Mais, Messieurs, ce que nous vous conjurons de faire sans perdre un instant, c'est d'apaiser par l'empire de la raison, de réprimer par toute la puissance de la loi, les obstacles que les ennemis du bien public s'efforcent de mettre à la circulation des grains, en abusant du sentiment honorable de liberté qui anime le peuple, et tournant contre lui son amour même pour la Constitution, nous vous conjurons de délivrer ces approvisionnements dont nous ne pouvons voir le retard, sans éprouver les frémissements de la crainte et d'un désespoir anticipé, ces approvisionnements dont la perte exposerait le midi ae la France à des malheurs incalculables.
« Nous sommes, avec respect, etc.
« Les administrateurs du département de la Gironde.
« Signé: L. Journu, président; G. Descoin, Duvigneau, Dartigolles, Couzavil, Pu-joulx-Laroque , Dirancy, Duplantier, Peychaud, Audigey. Durand-Lagran-gère, Fidel Chevy, Michel Devillebois, Buhon. »
Le seul moyen peut-être, pour faire cesser les attaques du peuple de Saint-Omer qui a arrêté ces grains, serait de faire imprimer cette lettre, parce qu il verrait quelle était la destination des 80,000 rasières qui ont été arrêtées. Le peuple est bon, mais il est toujours égaré. Dès qu'il sera éclairé, il ne s'opposera plus au départ des grains. Cependant on doit relever quelques inexactitudes qui se trouvent dans cette lettre et qui pourraient donner lieu à des inquiétudes exagérées. Je dois observer que les départements du midi de la France ont reçu des nouvelles agréables pour leurs provisions, et déjà ils ont en route des cargaisons considérables en grains qui viennent à leur secours. Cette lettre annonce qu'on n'en peut pas tirer de l'étranger. Ce bruit pourrait s'accréditer et je me fais un devoir d'annoncer que le département de l'Hérault a déjà fait des achats de grains à Hambourg et qu'il les attend. Je demande le renvoi de l'adresse au pouvoir exécutif.
Un membre : Je demande que l'adresse du département de la Gironde soit communiquée au comité de commerce, qui sera chargé de proposer des mesures pour faciliter la circulation des grains.
Je suis charmé que M. Cambon soit rassuré pour le département de l'Hérault. Celui du Lot-et-Garonne, dont je suis député, manque absolument de nié. Il y est à un prix exorbitant. Il est forcé de le tirer du port de Bordeaux. Les magasins de cette ville n en ont plus. Celui acheté pour l'approvisionnement de ce département a été arrêté à Saint-Omer. Je demande donc que la lettre imprimée soit envoyée dans les départements du Nord pour y éclairer les citoyens sur nos besoins. Je demande aussi que le comité propose promptement des mesures pour l'avenir.
J'appuie la demande de l'impression et du renvoi au pouvoir exécutif, parce que la circulation n'a été interrompue que par l'ignorance où étaient les citoyens de Saint-Omer sur la destination du blé qu'ils ont arrêté.
Il est certain que le peuple ne s'oppose à l'exportation des grains, que parce qu il croit qu'ils sont destinés aux émigrants d'outre-Rhin. Voilà la vérité. Il faut donc l'éclairer là-dessus. Une adresse du Corps législatif au peuple de ces départements produira le meilleur effet. Je demande que les comités d'agriculture et de commerce réunis soient chargés de rédiger cette adresse.
Une adresse ne serait pas suffisante. Il part une très grande quantité de grains du département du Nord. Où vont donc ces blés, puisqu'on est obligé d'en tirer de Hambourg et d'Allemagne? Il y a là-dessus des soupçons très fondés. Ne passons pas légèrement sur l'article des subsistances. Je demande que le comité de commerce soit chargé de surveiller cette partie d'une manière spéciale et nous présente un projet de décret à cet égard.
(L'Assemblée, consultée, ordonne le renvoi de cette adresse au pouvoir exécutif, en décrète l'impression et l'envoi aux départements du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme.)
M. le secrétaire, continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :
5* Lettre de M. Delessart, ministre des affaires
étrangères, ancien ministre de Vintérieui-i qui s'ex-
cuse sur le mauvais état de sa santé, de n'avoir pas paru encore pour se justifier, et qui envoie à l'Assemblée un mémoire sur les ponts et chaussées; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Depuis plusieurs jours ma santé ne m'a pas permis de me rendre à l'Assemblée nationale, et n'étant point encore aujourd'hui en état de parler, je suis forcé de différer ma défense ; mais je me flatte que l'Assemblée nationale rend justice à l'impatience que j'ai de repousser une attaque aussi injuste, aussi mal fondée, qu'elle a été violente et cruelle.
« Ne pouvant pas moi-même lire à l'Assemblée nationale un rapport (l)que j'avais préparé concernant l'Ecole des ponts et chaussées, je crois devoir vous l'adresser en vous priant d en donner connaissance à l'Assemblée ; cet objet devient très pressant.
« Je suis, avec respect, Monsieur le Président,etc.
« Signé : delessart. »
Plusieurs membres : L'impression du mémoire et le renvoi au comité d'agriculture !
(L'Assemblée décrète l'impression du mémoire et en ordonne le renvoi au comité d'agriculture.)
6° Pétition du sieur Breton, administrateur du district de Bazas.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de législation.)
7° Lettre du sieur Héron qui se plaint d'un jugement du tribunal du premier arrondissement, qui autorise le détenteur de ses pièces et titres à les retenir.
(L'Assemblée renvoie la lettre au ministre de la justice.)
8° Lettre des administrateurs du directoire du département du Doubs, qui rendent compte que l'ordre est rétabli à Besançon (2) et que le 22e ré giment de cavalerie en est sorti avec M. de Tou-longeon ; cette lettre est ainsi conçue :
« Besançon, le
« Messieurs, le calme est rétabli dans la ville de Besançon, le 22® régiment de cavalerie
en est sorti le mardi 6 à deux heures après minuit, sur la réquisition des trois corps
administratifs. M. de Toulongeon l'accompagnait; il n'a pas refusé ceite complaisance au vœu
de ce régiment qui ne voulait pas absolument sortir, s'il n'était sous les ordres du général.
Dans trois jours il ne sera plus dans l'étendue de notre département. A chaque instant, les
déclarations des habitants de cette ville nous apprennent que les événements du 4 avaient été
prémédités ; que des cavaliers de ce régiment avaient pris la résolution d'égorger les
patriotes de la garde nationale et surtout ceux des frontières. Les administrateurs, irrités
d'une conduite aussi odieuse, ont délibéré de faire une adresse à l'Assemblée nationale, pour
demander le licenciement de ce régiment. Nous vous adressons les procès-verbaux et
« Signé : Les administrateurs du département du Doubs. »
Un membre, député du département du Doubs : La députation du Doubs est chargée d'appuyer la demande du licenciement de ce régiment, réclamée par tous les citoyens de Besançon et fondée sur plusieurs faits détaillés dans le mémoire, mais pour lesquels il faut encore une quantité de pièces justificatives. Il paraît que l'affaire du 4 de ce mois était préméditée et que les soldats de ce régiment avaient formé le projet d'égorger tous les patriotes. Ils provoquaient sans cesse les volontaires nationaux, en les appelant soldats de quinze sous. La municipalité ae Besançon et les corps administratifs du département nous attestent que les autres troupes de ligne se sont comportées de la manière la plus exemplaire, et qu'elles ont montré le patriotisme le plus pur. Le corps d'artillerie surtout s'est offert de marcher au premier signal contre ces soldats qu'il appelait des traîtres et qu'il voulait ensevelir sous leurs écuries. Il faut mentionner particulièrement la conduite du colonel de Nassau. Cet officier a sauvé la vie à plusieurs citoyens. C'est lui qui a prévenu le plus horrible carnage, et qui a fait cacher les corps de quelques cavaliers tués; il mérite de recevoir la couronne civique.
Je demande le renvoi de la lettre des administrateurs du département du Doubs au comité militaire et je fais la motion expresse, au nom de la députation de ce département, qu'il soit fait mention honorable de la bonne conduite de la garde nationale et des autres troupes de ligne en garnison à Besançon, ainsi que au chef qui y commande.
On doit certainement des éloges aux corps administratifs du département du Doubs, mais j'observe qu'il est on ne peut plus dangereux, en rendant compte de faits semblables à l'Assemblée, de les terminer par la demande du licenciement d'un régiment. Certainement, Messieurs, cette punition exemplaire, à la suite d'un jugement mûr, peut produire le meilleur effet, mais il serait aussi injuste qu'imprudent de prendre une pareille décision sans avoir examiné de plus près cette affaire. Il est des cas où demander le licenciement d'un régiment c'est montrer une crainte qui peut passer pour de la pusillanimité, c'est réduire à la nécessité d'une insurrection.
Ce n'est pas le licenciement qu'il faut ordonner; il faut ramener à l'obéissance la plus formelle le corps qui a manqué à la loi et ensuite s'occuper de frapper d'une punition exemplaire les individus qui se sont rendus coupables. Je suis donc très fâché que les administrateurs, dont je loue autant que qui ce soit la conduite et le patriotisme, aient demandé le licenciement, et je souhaite que jamais de pareilles demandes ne soient faites à l'Assemblée nationale. J'appuie d'ailleurs la motion du préopinant.
J'appuie le renvoi des pièces au comité militaire, mais j'observe qu'on ne peut blâmer sans injustice un corps administratif qui demande le licenciement d'un régiment, lorsque ce régiment, depuis le commencement ae la Révolution, a montré partout l'incivisme le plus marqué.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité militaire l
D'autres membres : Le renvoi au comité de surveillance !
Je mets d'abord aux voix le renvoi au comité militaire.
(L'Assemblée décrète le renvoi des pièces au comité militaire.)
Je mets maintenant aux voix le renvoi au comité de surveillance.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable.)
Je mets aux voix le renvoi au comité de surveillance.
(L'Assemblée, consultée, décrète que les pièces ne seront pas renvoyées au comité de surveillance.)
Je mets aux voix la mention honorable de la bonne conduite des troupes de ligne et de la garde nationale de Besançon.
Plusieurs membres : Après le rapport du comité !
(L'Assemblée, consultée, ajourne la mention honorable de la bonne conduite des troupes de ligne et de la garde nationale de Besançon après le rapport du comité militaire.)
M. le secrétaire, continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :
9° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui envoie copie de la lettre de subornation écrite à M. de Wimpffen.
(L'Assemblée décrète le renvoi de cette lettre au comité militaire.)
10° Lettre des administrateurs du département du Morbihan, qui se plaignent de n'avoir point reçu le décret sur les impositions foncière et mobilière de 1792; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Nous avons l'honneur de prévenir l'Assemblée que le directoire du département n'a pas reçu le décret dii 15 novembre relatif aux contributions publiques. Ce n'est pas que nous ayons? dans le département, beaucoup ae districts qui travaillent au répartement pour les municipalités ; mais pourquoi un décret de cette importance ne nous est-il pas encore parvenu?
« Nous sommes avec respect, etc. »
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : Le renvoi au pouvoir exécutif!
C'est au comité de surveillance qu'il faut renvoyer cette lettre.
On veut renvoyer au pouvoir exécutif un objet dans lequel le pouvoir exécutif est dénoncé et que j'ai dénoncé moi-même.
Quelques membres observent qu'il convient d'en ordonner le renvoi au comité des décrets qui a à proposer quelques vues sur l'envoi des decrets.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité des décrets pour en faire le rapport incessamment.)
11° Lettre des administrateurs du département des Cûtes-du-Nord, qui accompagne l'envoi d'un arrêté de la municipalité de Saint-Brieuc sur des enrôlements faits par un ecclésiastique, pour les émigrés; cette lettre est ainsi conçue :
« Saint-Brieuc,
« Messieurs,
« Nous avons l'honneur de vous envoyer copie de l'arrêté et d'une lettre de la municipalité de Saint-Brieuc, en date du 6 de ce mois. L'arrêté est relatif à la dénonciation faite par deux soldats du 36® régiment, en garnison dans cette ville, d'avoir été sollicités par un abbé, de se retirer dans le parti des émigrés. Les manœuvres qu'emploient les ennemis de la Constitution, pour grossir leurs troupes, sont conduites avec tant de ruse et de méchanceté, que la surveillance des corps administratifs a beaucoup de peine à les faire échouer ; car, malgré toutes les. perquisitions, le particulier dénoncé n'a pu encore être arrêté.
« Nous sommes, avec respect, etc. »
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : Mention honorable de la conduite de la municipalité !
D'autres membres : Le renvoi au comité de surveillance !
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la lettre et de l'arrêté au comité de surveillance, et décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite de la municipalité de Saint-Brieuc.)
12° Extrait des registres du directoire du département de la Haute-Saône, sur les pensions des religieuses.
(L'Assemblée renvoie cet extrait au comité de liquidation.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre. L'Assemblée constituante a rendu un décret ordonnant au ministre des contributions publiques de faire connaître les états des matières d'or et d'argent inventoriées par les directoires dans les églises supprimées, et la quantité qui en a été portée aux nôtels des monnaies. Je demande que ce décret soit mis à exécution et qu'on joigne à ces états ceux des matières des cloches. 11 est temps que l'Assemblée connaisse quelles sont ces richesses dans cette partie.
(L'Assemblée décrète que ces états seront demandés au ministre des contributions publiques et imprimés.)
Un citoyen de la Grande-Bretagne, très distingué par son esprit méditatif, ses connaissances et son amour des hommes, M. Jérémie Bentham, m'a prié d'offrir à l'Assemblée nationale, l'un de ses ouvrages, plein de vues utiles sur les prisons, maisons de correction et écoles. Permettez-moi de vous communiquer la lettre très courte qu'il m'a écrite à cette occasion :
« Dover street, à Londres,
Ce
« Par la prochaine diligence, je prendrai la liberté, Monsieur, de vous envoyer le livre anglais intitulé : le Panoptique, promis dans ma Première du... courant : ci-joint, je vous envoie extrait qu'un ami a fait en français du même ouvrage. Je désirerais en faire hommage à l'Assemblée, pour y être lu, au cas qu'il vous parût de nature à fixer ses regards ; enfin, c'est a vos lumières que je le confie ; et si vous avez quelques conseils à me donner là-dessus, j'en profiterai avec reconnaissance.
« Quant au projet dont il s'agit, la conviction la plus intime, soutenue par l'opinion unanime de ceux qui en ont eu connaissance, m'a décidé à ne rien négliger pour en effectuer l'introduc- tion. La France, de tous les pays celui où une idée nouvelle se fait le plus aisément pardonner, pourvu qu'elle soit utile ; la France, vers laquelle tous les yeux se tournent, et de qui l'on attend des modèles pour toutes les parties de l'administration, est le pays qui semble promettre du projet que je vous envoie sa meilleure chance. Y voulez-vous savoir à quel point est montée ma persuasion de l'importance de ce plan de réformation, et sur les grands succès qu'on en peut attendre ? Laissez-moi construire une prison sur ce modèle, et je m'en fais geôlier : vous verrez dans le mémoire même, que ce geôlier ne veut point de salaire, et ne coûtera rien à la nation. Plus j'y songe, plus ce projet me paraît de ceux dont la première exécution devrait être dans les mains de l'inventeur. Si, chez vous, on pense de même à cet égard, peut-être qu'on ne répugnerait pas à se prêter a ma fantaisie. Quoi qull en soit, mon livre renferme les instructions les plus nécessaires pour celui qui en serait charge jet comme ce gouverneur de prince dont parle Fontenelle, j'ai fait mon possible pour me rendre inutile. {Applaudissements. )
« Je suis avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : Jérémie Bentham. »
Si l'Assemblée veut bien accorder à M. Bentham la lecture qu'il demande» elle croira probablement devoir la renvoyer aux séances dans lesquelles elle s'occupera de la réforme des prisons et autres établissements semblables.
Je demande qu'il soit fait mention honorable de l'hommage fait à l'Assemblée par Jérémie Bentham. Je proposerai cependant que la lecture de cet extrait ne soit point faite, mais que l'impression et la distribution à tous les membres en soient ordonnées et que l'ouvrage soit renvoyé au comité de Législation.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de cet hommage dans le procès-verbal, renvoie l'examen de cet ouvrage au comité de législation et ordonne l'impression de l'extrait (1) que M. Bentham en a fait lui-même.)
,au nom du comité diplomatique, fait un rapport sur l'argent du canton de Soleure arrêté à Belfort. Il s'exprime ainsi (2) :
Messieurs, l'Assemblée nationale constituante, sur le rapport de son comité diplomatique, et après s'être assurée que les 483,000 livres arrêtées à Bar-sur-Aube, dans les derniers jours de juin, étaient le remboursement d'un prêt fait par l'Etat de Soleure à des banquiers de Paris, (remboursement qui, aux termes de l'obligation, devait être fait en espèces), rendit le 30 juillet dernier le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, ayant entendu le rapport à elle fait de là lettre de l'Etat de
Soleure du 19 juillet, adressée au ministre des affaires étrangères et relative à la
mainlevée réclamée par ledit Etat de la somme de 480,000
En conséquence de cette loi, et d'après les ordres du ministre de l'intérieur, le convoi d'argent partit de Bar-sur-Aube sous l'escorte du sieur Martin, brigadier de gendarmerie nationale, et traversa sans obstacles les départements de la Haute-Marne et de la Haute-Saône, Arrivé au village d'Elfert, département du Haut-Rhin, il fut arrêté de nouveau le 15 août, et conduit le même jour à Belfort, par un officier municipal et un détachement ae la garde nationale d'Elfert.
La municipalité de Belfort, à qui le conducteur s'était adressé, fit déposer les caisses d'argent dans la maison commune, parce qu'il était tard et pour prévenir le danger d'un attroupement considérable qui s'était formé autour des voitures.
Le lendemain 16 août, le directoire du district de Belfort, après avoir examiné l'exemplaire du décret du 30 juillet, qui lui fut remis par le sieur Martin, le passeport délivré par le département de l'Aube, le 4 du même mois et la lettre qui lui était adressée par ce département; instruit d'ailleurs par le public que le décret avait été réellement rendu par l'Assemblée, crut que le défaut d'envoi officiel ne suffisait pas pour arrêter l'argent ; il lui reconnut une destination licite, il déclara qu'il n'y avait pas lieu à arrestation et qu'en conséquence, la municipalité de Belfort laisserait partir le convoi et qu'elle prendrait, en ce qui le concerne, les mesures et les précautions convenables à cet effet ; il arrêta que la somme serait remise sous la garde du sieur Martin, et pour l'escorte, il fit aux commandants des troupes de ligne et de la gendarmerie nationale les réquisitions nécessaires.
Pour mieux assurer le départ du convoi, les membres du directoire du district se rendirent le lendemain, à cinq heures du matin, à la maison commune, avec les officiers municipaux.
Il s'y trouva, en même temps, un grand nombre de citoyens et plusieurs officiers de la garde nationale, qui déclarèrent que lè décret du 30 juillet, concernant le transport d'argent, n'étant point arrivé officiellement, ils s'opposaient formellement à ce transport; le sieur Genti, maire, observa qu'il ne croyait pas l'adresse du département de l'Aube suffisante pour favoriser le départ des fonds, qu'il ne pouvait pas s'en rapporter à l'exemplaire du décret à lui remis parle sieur Martin, attendu qu'à Troyes, on a pu faire imprimer ce qu'on avait voulu, sans pouvoir par cela engager son autorité ; qu'il s'en tenait à la loi, qui défend la sortie au numéraire hors du
royaume; que cependant, quant à lui, le départ de l'argent ne souffrirait point de difficulté si le peuple n'y mettait point d'opposition.
Le directoire déclara qu'il s'en tenait au contenu de son arrêté, et il se retira.
Si, au lieu de perdre le temps en discussions inutiles, au lieu ae prévoir de la part du peuple une opposition qui n existait peut-être pas encore, ou qu il aurait été facile de détruire, la municipalité eût, comme elle le devait, exécuté à la lettre l'arrêté du district, si elle eût imposé silence aux citoyens dont le devoir était d'obéir aux autorités légitimes, l'argent sans, doute serait alors parti, et la somme des frais, comme des intérêts à payer à cause du retard, ne serait pas considérablement augmentée.
Le 18, le directoire du district qui, pour calmer les esprits, avait envoyé un courrier au département du Haut-Rhin, reçut du directoire de ce département la loi du 30 juillet, les ordres du ministre de l'intérieur, et un arrêté confirmatif de celui du 15 août rendu par le district.
Le district adressa sur-le-champ copie de toutes ces pièces à la municipalité, avec invitation de procurer au conducteur du convoi, avec toute la prudence convenable aux circonstances, les facilités nécessaires pour le chargement des caisses d'argent. Cette invitation resta sans réponse, parce que la municipalité crut voir, dans l'arrêté du département, que le directone du district était exclusivement chargé des mesures relatives à cette affaire. Le 19, elle répondit au conducteur, qui s'était présenté devant elle, qu'elle ne voulait pas se mêler de sa mission. Cependant elle avait reçu, le 18, l'invitation du directoire du district.
Alors il eût été sans doute impossible de faire partir le convoi. Dès le 18 au soir, et pendant la journée du 19, il s'était fait de nombreux attroupements ; des citoyens de la campagne étaient-accourus ; les troupes de ligne en garnison à Belfort, abusées sur les motifs de la loi du 30 juillet, partageaient avec une grande partie du peuple la persuasion que les membres du directoire du district avaient fabriqué tous ces actes, dans l'intention de procurer du secours aux ennemis de la Constitution ; de sorte que, de l'aveu même du commandant, il était à craindre qu'en cas de réquisition, elles ne fissent pas leur devoir. Le directoire fut menacé, et trois de ses membres s'absentèrent pour leur sûreté.
Quelques tentatives qu'on ait faites depuis, pour l'exécution de la loi, les choses sont restées dans le même état. Arrêtés du département, envoi de commissaires, adresse aux citoyens pour les ramener au respect dû à la loi; rien n'a pu ôter de l'esprit de la multitude que cet argent était destiné aux transfuges français et que le gouvernement était dans le secret. Des malveillants ont déelaré hautement qu'ils entendaient rendre le ministre de l'intérieur responsable des malheurs qu'entraînerait l'exécution de la loi du 30 juillet. Ne pouvant plus douter de sa réalité, ils la regardèrent comme une surprise faite a l'Assembîée constituante, et comme révoquée par la loi du 28 septembre qui donne mainlevée des matières d'or et d'argent autres que les espèces monnayées au coin du royaume retenues en vertu des précédents décrets.
Quoiqu'il n'y ait aucune induction à tirer de cette dernière loi contre celle du 30 juillet, le directoire du département du Haut-Rhin n'a pas cru devoir employer les derniers moyens de violence. D'après le rapport de son commissaire,
il a jugé que, là où un décret pouvait ramener l'ordre, il fallait éviter l'effusion du sang, qu'une résistance opiniâtre aurait amenée infailliblement. Il indique enfin, comme moyen pour faire exécuter la loi du 30 juillet, que l'Assemblée nationale déclare formellement que cette loi n'est pas révoquée par celle du 23 septembre.
Quant aux doutes sur la propriété du canton de Soleure sur l'argent arrêté à Belfort, ils n'existent que dans les bruits populaires, et pour ceux-là seulement qui voudraient se refuser à l'évidence.
L'obligation de la maison Rougemont et Hot-tinger envers la République de Soleure (obligation passée à Zurich le 25 novembre 1788, et signée par cinq maisons de Zurich associées de celle de Rougemont) porte expressément que les signataires ont reçu ae leurs excellences advoyers et conseillers de la République de Soleure, par les mains de la chambre économique de ladite ville, et à raison de cinq pour cent par an, la somme de 480,000 livres de France ; et que, lors du remboursement, il sera fait à Paris, en espèces effectives, aux cours, poids et titres actuellement connus en Suisse et non d'autres valeurs.
La procuration de M. Mériau aîné, membre du conseil souverain de Bâle, lui est transmise par M. Tchaun, du grand conseil de la République de Soleure,et secrétaire des finances, lui-même chargé des pouvoirs de la chambre économique de l'Etat.
Deux lettres, l'une du 21 août et l'autre du 5 octobre, signées par les advoyers et conseils secret et des finances de la République de Soleure, réclament avec force la propriété incontestable d'un Etat souverain, ami et allié de la France.
Votre comité s'est convaincu de la propriété de l'Etat de Soleure sur les fonds arrêtés à Bel-fort, par l'examen scrupuleux des pièces dont on vient de parler, et il vous propose le décret suivant :
Décret d'urgence.
« VAssemblée nationale, sur le rapport de son comité diplomatique, et après s'être assurée, comme l'avait fait l'Assemblée constituante, que l'argent arrêté à Belfort appartient à l'Etat de Soleure ; considérant que l'inexécution de la loi du 30 juillet priverait injustement des alliés de la France de leur propriété, et qu'un plus long retard augmenterait les frais que le Trésor public doit supporter au moins provisoirement, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale décrète :
« 1° Que la loi du 30 juillet, n'étant point révoquée par celle du 28 septembre, sera exécutée sans délai.
« 2°Les frais et intérêts occasionnés par l'arrestation nouvelle de l'argent de l'Etat de Soleure à Belfort, seront, d'après les états et les procès-verbaux arrêtés par les commissaires de la Trésorerie nationale, payés par le Trésor public, sauf le recours du Trésor public contre qui il appartiendra.
« 3° L'Assemblée nationale, en rendant justice à la conduite du directoire du département du Haut-Rhin et de celui du district de Belfort, improuve la municipalité de cette ville pour n'avoir
pas, comme elle le devait, donné ses soins à l'exécution de l'arrêté du district en date du 16 août dernier. »
Je me présente à la tribune pour m'opposer au projet ae décret qui vous est soumis par votre comité et pour prouver à l'Assemblée nationale : 1° que les retards occasionnés sont l'ouvrage du ministre de l'intérieur; 2° que lui seul est responsable des intérêts, et que contre lui seul doit tomber le recours du Trésor public; 3° que la municipalité de Belfort, au lieu de mériter une improbation, mérite des éloges. Mais, Messieurs, cette discussion détournerait l'Assemblée de l'ordre du jour. Si cependant elle pense que cette affaire doit être décidée dans le moment, j'entre en matière; si elle pense le contraire, je prie l'Assemblée d'ordonner l'impression du projet de décret, afin qu'il puisse être soumis à la discussion, et je demande la parole pour le jour auquel il sera mis à l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète l'impression et la distribution du rapport et du projet de décret, et ajourne la discussion à samedi matin.)
Je demande la parole pour proposer à l'Assemblée des moyens de détruire, sans coup férir, la coalition des princes émigrés avec les princes possessionnés en Alsace. Voulez-vous m'accorder la parole. (Oui! oui! Applaudisse-ments.)
Je demande le maintien de l'ordre du jour et le renvoi de la motion immédiatement après.
(L'Assemblée, consultée, décrète que M. Rûhl sera entendu à l'instant.)
Sur le rapport qui vous a été fait par votre comité diplomatique, vous avez décrété, le 28 novembre dernier, que le pouvoir exécutif serait prié d'accélérer les négociations relativement aux indemnités que réclament les princes ci-devant possessionnés en Alsace ; cela tient aux troubles de l'intérieur,v et est le principal espoir des émigrés. Vous lui avez envoyé un message pour assurer la tranquillité du royaume, relativement aux rassemblements qui se font sur les frontières. Ladéputation qui est allée vers le roi présenter ce message vous a dit à son retour que le roi lui avait répondu qu'il le prendrait en très grande considération et que jusqu'ici il n'avait rien négligé pour assurer la tranquillité au dedans, pour maintenir la Constitution et la faire respecter au dehors.
Cette réponse du chef de l'Etat n'a pas entièrement rassuré les deux départements du Rhin sur les dangers d'une invasion hostile de la part des nombreuses cohortes de nos émigrés qui augmentent de jour en jour, et que les princes favorisent au mépris des lois de l'Empire et du droit des gens. Plus ce danger est grand et imminent, plus il réclame à l'égard de ces émi-grants des mesures plus fermes et plus vigoureuses que celles qui vous ont été proposées et que vous avez préalablement adoptées. Ces mesures, Messieurs, vous les auriez prises déjà, si vous aviez eu comme moi des idees complètes et exactes de toutes les horreurs que le système féodal a versées depuis plusieurs siècles sur les deux départements du Haut et du Bas-Rhin; si vous aviez connu comme moi les vifs ressentiments et la rage que la fameuse nuit du 4 août 1789 a excités dans le cœur de ces petits potentats, dont vos prédécesseurs ont brisé la verge de fer, de ces anciens oppresseurs que des traités mal
entendus et mal expliqués ont maintenus jusqu'à cette époque à jamais mémorable dans les fastes de notre Empire, dans des droits qui dégradent la nature humaine et insultent au peuple. Entendez-les faire retentir avec une audace inconcevable cette voix terrible : Vous les reprendrez ces fers ; nos frères les émigrants vous les riveront eux-mêmes ; ils vous apprendront, vils plébéiens que vous êtes ; à respecter le système féodal ; ils vous apprendront combien nous méprisons votre Constitution; ne savaient-ils pas, ces idiots qui ont fait la déclaration des droits, que, dans le Palatinat, le vil plébéien devient l'esclave du propriétaire du terrain sur lequel il a osé mettre le pied. Voilà comme ils parlent... (Murmures.)
Voix diverses : Vos moyens ! vos moyens ! — L'ordre du jour !
Les voici et voici mon projet de décret (1) :
« L'Assemblée nationale, considérant que les princes étrangers possessionnés en la ci-devant province d'Alsace, n'ont pas répondu d'une manière satisfaisante à l'invitation qui leur a été faite par le roi, dans le courant du mois de mai 1790, « d'envoyer leurs titres à Paris à une « personne autorisée à discuter avec son mi-« nistre, les indemnités que l'on était disposé à « leur accorder relativement aux droits seigneu-* riaux et féodaux supprimés dans la nuit du « 4 août 1789 »; considérant, en outre, que le décret du 28 octobre 1790, par lequel le roi a été prié de faire négocier avec lesaits princes une détermination amiable des indemnités qui leur sont accordées pour raison des droits seigneuriaux et féodaux supprimés et les lettres que le roi leur a adressées en conséquence, et où il est dit : « qu'il désirerait vivement que l'établisse-c ment de la négociation n'éprouve aucun retard « et qu'ils peuvent être assurés d'avance que les « choses seront arrangées, d'après les principes « de la parfaite équité; et que les conditions de « l'accommodement qu'il s agit de faire ne leur « laisseront rien à désirer, n ont produit aucun « effet » ; considérant enfin, que loin de répondre à des invitations aussi pressantes, ils se sont adressés au chef suprême de l'Empire, pour le sommer, en sa qualité de garant de la paix de Westphalie, de les maintenir dans la possession des droits et des prérogatives qui leur sont assurés par l'article Teneatur rex christianissimus, du Traité de Munster, sans se rappeler la clause de cet article, qui porte que la possession de ces droits et dé ces prérogatives ne leur est assurée que sauf le droit de souveraineté absolue cédé à la France sur la haute et basse Alsace, et que si les décrets de l'Assemblée constituante ont aboli et supprimé une partie de ces droits, c'était en vertu de cette dite clause et du droit de souveraineté absolue cédé à la France, sans aucune réserve ; et que les indemnités qui leur sont offertes ne sont qu'une marque de la bienveillance et de l'amitié qui depuis longtemps unissent la nation française aux princes d'Allemagne, ainsi qu'il est dit dans le aecret du 28 octobre 1790; après avoir déclaré l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les princes possessionnés en la ci-devant province
d'Alsace enverront à Paris les titres qui leur serviront à constater les droits dont ils
sont en possession, à une personne au-
torisée à les discuter avec le ministre du roi, et il leur sera accordé pour cet effet le délai d'un mois, à compter du jour oû le présent décret leur aura été signifié par le ministre de France accrédité auprès d'eux ou auprès du Cercle du Haut-Rhin.
« Art. 2. Décrète que, passé ce délai sans
Qu'ils aient satisfait au présent décret, les décrets es 4, 6, 7 et 11 août 1789, 15 mars 1790, et autres, concernant les droits seigneuriaux et féodaux abolis sans indemnité, auront à leur égard leur plein et entier effet, et leur seront communs avec les citoyens français ci-devant possesseurs de semblables droits seigneuriaux et féodaux.
« Art. 3. Que dès qu'ils seront légalement prévenus d'attentats et de complots contre la sûreté générale du royaume ou contre sa Constitution, ou d'avoir donné retraite dans leurs Etats en Empire, aux émigrés français qui sont en relation avec les chers des attroupements et des enrôlements qui se font sur la frontière, ou avec les adhérents et complices de ces chefs, toutes leurs terres et possessions, sans exceptions, situées soit dans la ci-devant province d'Alsace, soit dans les autres départements de la France, seront confisquées au profit de la nation, réunies à son domaine, et incontinent après, mises en vente en suivant les formalités qui ont lieu à la vente des domaines nationaux.
« Art. 4. Dans le cas d'une guerre à laquelle la France aurait été provoquée par l'injuste attaque d'une puissance étrangère, ils seront tenus, eux, ou un individu de leur nom et de leur maison, d'établir leur résidence dans le royaume à la première sommation qui leur en sera faite, ainsi que cela s'est toujours pratiqué quand la France avait à soutenir une guerre contre l'Empire; et ils ne pourront sortir du royaume, eux ou l'individu de leur nom et de leur maison qui les représente, sans une permission expresse du pouvoir législatif, sous peine de séquestration de leurs revenus, s'ils sortent du royaume sans cette permission, et de confiscation de toutes leurs possessions au profit de la nation, lorsqu'ils seront légalement prévenus d'avoir pris part à cette guerre, et d'avoir secondé et favorisé d'une manière quelconque, directement ou indirectement, les ennemis de l'Etat et dé la Constitution française. » (Applaudissements dans les tribunes.)
On n'a pas pu examiner, dans l'Assemblée constituante, la question très importante que vient de traiter M. Ruhl, à savoir si véritablement les traités, de l'interprétation desquels on a voulu abuser contre la nation française, ont réservé la souveraineté dans ces stipulations. C'est un objet très important; il n'a pas encore été examiné. Le projet présenté par M. Ruhl en fait naître l'occasion. Je rais la motion que ce projet de décret soit imprimé et distribué à tous les membres pour être discuté.
La souveraineté de la France sur l'Alsace a été formellement reconnue par la Constitution française, à la confection delà-quelle les représentants de l'Alsace ont concouru. Il est donc parfaitement inutile d'examiner cette question-là. (Murmures.) Je me borne à demander le renvoi du projet ae M. Ruhl au comité diplomatique.
(L'Assemblée renvoie le projet de décret de
M. Rùhl au comité diplomatique et en ordonne l'impression.)
(d'Angers). Messieurs, j'ai demandé la parole pour faire une motion qui me paraît de la plus haute importance et à. laquelle tient le salut de l'Empire. Elle est à l'ordre du jour; elle tient à la discussion dont vous allez Vous occuper et doit la précéder. L'Assemblée veut-elle m'accorder la parole ?
Plusieurs membres : Oui ! oui !
(L'Assemblée décide que M. Delaunay sera entendu.)
(£Angers). Messieurs, depuis deux jours la hausse du prix d'argent en circulation est extraordinaire : la tranquillité publique s'en alarme, et le crédit public en souffre. Quelle est la cause de cette hausse effrayante depuis deux jours et quels sont les moyens d'y remédier ? La cause, je la vois dans l'avilissement du change ; et c'est pour jeter un jour nouveau sur cette matière que j'ai demandé la parole ; c'est pour montrer les résultats où les ennemis du bien public veulent nous entraîner, et vous exposer les indispensables résolutions que vous devez prendre.
Je le dis avec douleur : il n'y a pas encore assez d'esprit public pour les finances, parce que le peuple n'est point financier. C'est pour cela que tout a été agiotage, brigandages, ténèbres. Nous sommes sans répression morale. Chez les Anglais, si leurs banquiers, leurs agents de change étaient assez peu citoyens pour faire ou favoriser des opérations notoirement calami-teuses, dans quelque temps heureux que ce fût, et à plus forte raison lorsque la chose publique est en danger, ils seraient bientôt réduits à une nullité absolue par l'indignation publique. Il existe, Messieurs et je vous le dénonce, il existe une grande conjuration contre le crédit des assignats, et l'insatiable cupidité des agioteurs la favorise. Elle a pour but de faire monter le prix de toutes choses, afin que le peuple murmure et que nous ne soyons plus soutenus par l'opinion publique qui fait toute notre force ; afin que les dépenses augmentent ; afin que le peuple un instant égaré serve les projets des princes contre-révolutionnaires. Les changes étrangers ayant une relation intime avec le prix de nos espèces, leurs variations toujours simultanées se servent réciproquement et de cause et d'effet. On veut opérer cette nouvelle révolution par la baisse continuelle du change, dont l'effet est de faire hausser le prix des espèces.
On se flatte que cette hausse extravagante étonnera tellement les esprits peu exercés, qu'elle influera, et sur les assignats et sur les besoins du numéraire métallique, afin que ne pouvant concevoir une différence aussi difficile a expliquer, on en conclue que le gage des assignats, gage maintenant inaltérable, leur sera enlevé. En un mot on veut imprimer aux citoyens des craintes semblables à ces terreurs paniques qui mettent en déroute des armées formidables devant de vains fantômes. Telle est, Messieurs, la conjuration, et je vais vous en démontrer l'existence.
Le change est la valeur qu'on donne dans l'étranger à nos écus, car nos assignats sont actuellement des écus, que nos voisins n'osent pas admettre ; et cependant ils ne sont pas assez ineptes ou insensés pour confondre les assignats sur les domaines nationaux, avec le papier
monnayé sans hypothèque spéciale, sans forme ou époque de son remboursement. Ils savent d'ailleurs qu'ils pourraient nous payer avec nos assignats comme ils nous rendraient nos écus. Pourquoi nos voisins n'osent-ils pas admettre nos assignats comme nous les admettons nous-mêmes ? Ce sont les discours des ennemis de la Constitution, retirés au milieu d'eux, qui les alarment ; c'est encore l'appui qu'ils se vantent d'avoir obtenu des princes étrangers, qu'ils annoncent hautement confédérés avec le roi des Français, avec sa cour, avec ses ministres et avec toute sa domesticité. Notre lenteur à repousser ces hostilités, nos éternelles et stériles dénonciations donnent du poids à leurs dis-cours, et augmentent les inquiétudes qui seules grossissent tous ces objets.
Le repoussement de nos assignats par nos voisins est d'autant plus l'effet de la crainte, que la hausse de l'argent leur a été et leur est encore préjudiciable. N'ont-ils pas éprouvé et n'éprouvent-ils pas tous les jours, une perte énorme en réalisant les sommes que nous leur, devons ? Cependant l'échange est devenu tel qu'il suppose notre commerce détruit, nos manufactures abandonnées, nos terres désertes et incultes, et un besoin absolu des productions étrangères en tout genre ; tandis que, dans la vérité, toutes les ressources nationales n'ont jamais été plus actives et nos besoins de productions étrangères jamais plus réduits.
Pourquoi éprouvons-nous une perte énorme dans notre change ? Pourquoi, lorsque nos besoins sur les étrangers étant moindres que les besoins des étrangers sur nous, la valeur du change continue-t-elle à décliner ? Dira-t-on que c'est parce que les émigrations sont si multipliées ? Mais les étrangers, qui viennent visiter la terre de la liberté, doivent balancer au moins ces émigrations ? Dira-t-on encore que c'est parce que les riches convertissent, à grande perte, leur papier en argent ? Il faut donc que les riches livrent leur fortune à des hasards bien extraordinaires.
C'est aux agioteurs que l'on doit ce jeu terrible de la hausse ou de la baisse ; ce jeu qui livre la fortune publique aux exécrables cupidités des joueurs. Ne sentez-vous pas que les ennemis de la patrie ont dû. s'adresser aux agioteurs pour que ces brigandages montassent à leur comble, que nos manufactures suspendissent leurs travaux, que les manufactures étrangères reprissent leurs avantages sur les nôtres : voilà les maux dont nous menace un petit nombre de scélérats industrieux ; ils espèrent précipiter la fortune de l'Etat dans le plus affreux desordre.
Ah 1 Messieurs, si nos banquiers eussent exercé civiquement l'art de la banque, il leur eût été bien facile de s'opposer à la hausse des espèces, ou de la contenir dans d'étroites limites. Oui, je le dis. c'est leur avidité toujours croissante ; c'est leur défaut d'esprit public qui a maintenant établi un nouveau moyen de nuire à la fortune de l'Etat.
La patrie appelle à grands cris votre vigilance; oui, vous garantirez la chose publique ; ce serait douter de vos lumières et de votre patriotisme, que de douter de votre sollicitude sur cet objet.
L'Assemblée nationale constituante, persécutée par les ennemis de la Révolution, livrée dans son intérieur à toutes sortes d'ambitions personnelles, que son patriotisme était oblige de combattre sans cesse ; l'Assemblée constituante accablée par les travaux prématurés, qu'elle
ajoutait à des travaux nécessaires ; fatiguée jusqu'à l'épuisement des facultés intellectuelles par un travail forcé, cette assemblée n'a peut-être pas pu réfléchir aux règles que lui imposaient les changements journaliers des circonstances relatives au remboursement de la dette exigible et à l'émission des assignats, dont vous vous occupez. Elle a fixé cette émission à douze cents millions ; et, par d'autres décrets extraordinaires, et souvent surpris, elle a rendu cette fixation suffisante. Incrédule à l'excès, sur les mouvements des ennemis, qui déjà s'étaient déclarés ouvertement hors de l'Empire, elle a négligé de prévoir que lès dépenses extraordinaires pourraient arriver au degré où nous les voyons.
fl est évident, Messieurs, que tout vous presse, tout vous sollicite à faire ce que l'Assemblée constituante n'a pas fait. Oui, Messieurs, la patrie vous conjure de vous garder des erreurs commises en finances par vos prédécesseurs ; oui, la patrie a essentiellement besoin de trois choses : une guerre implacable à ses ennemis jusqu'à ce qu'ils soient vaincus (Applaudissements.) ; une prudence continuellement active sur la disposition des assignats et la lumière sur la situation des finances. (Applaudissements.) Etablissez d'abord un ordre régulier de remboursements, et que votre système ne soit fondé que sur la connaissance entière et définitive de nos ressources et. de nos dettes. Quoi qu'on puisse en dire, Messieurs, je le soutiens : le plus sûr moyen de prévenir la, dépréciation des assignats contre la valeur des ecus, c'est d'éviter une nouvelle émission d'assignats dont les' malfaiteurs et les malveillants profiteraient pour les décrier : vous aurez cet égard pour la faiblesse et la timidité.
Les biens nationaux appartiennent, avant tout, aux assignats ; vous avez décrété que les remboursements ne seraient point suspendus : le motif de ce décret est pris dans la loyauté française ; cette loyauté vous impose de grands devoirs. Il ne s'agit pas de solliciter les applaudissements, mais de les mériter. Craignez que la créance du pauvre n'obtienne pas la première place. Législateurs, vous laissenez-vous,séduire par le système qui veut inonder la France d'assignats ? les assignats se discréditeraient de plus en plus ; n'écoutez point cette classe de privilégiés opiniâtrement contre-révolutionnaires.
Connaissez, Messieurs, un autre but de nos ennemis non moins redoutables jt ils tentent de nous faire craindre la guerre par l'augmentation de dépenses qui résulterait de la dépréciation de nos assignats. Il est remarquable qu'on élève le prix de 1 argent à chaque dénonciation contre les ministres. N'en avons-nous pas entendu un depuis peu, qui pouvait s'imposer plus de sagesse et de prudence, demander, après le décret sur les émigrés, paralysé par le « veto », n'avons-nous pas entendu, dis-je, un ministre demander si l'on pouvait faire la guerre avec des assignats, comme s'il s'agissait d aller conquérir l'Europe. Cependant, il faudra bien qu'elle se fasse, cette guerre, et peut-être la porterons-nous chez nos ennemis. Alors, nous dirons aux Français : Braves descendants du plus vertueux des peuples, les Francs, réveillez-vous une seconde rois à la voix puissante de la liberté ! Depuis trois ans, vous offrez aux nations un grand peuple, dont le plus faible citoyen marche l'égal de ceux à qui naguère, pour réclamer des droits légitimes, vous offriez à genoux des doléances, osez vous
élever à la hauteur de la majesté du nom français; vos ennemis se rallient à Worms et à Coblentz ; attendrez-vous, pour dissiper ces rassemblements, qu'ils viennent dans vos villages égorger vos femmes et vos enfants ? Attendrez-vous, pour dissiper ces conspirateurs, que nos maux soient à leur comble ? Souffrirez-vous qu'ils entrent sur la terre de la liberté ? Non, vous les ensevelirez aux frontières. (Applaudissements.) Ils veulent vous offrir des capitulations ! Eh ! peut-il y en avoir entre des hommes libres et des esclaves ? Dites-leur que si le ciel l'a ainsi arrêté, vous mourrez, mais en citoyens généreux, sans composer avec un seul article de la Constitution. (Applaudissements.) Dites-leur que l'on n'asservit point un peuple qui éprouve, à chaque instant de son existence, le besoin de haïr la tyrannie: qui ne peut plus souffrir les tyrans ; qui marche à la liberté sans jamais se détourner de sa route, à la liberté qui est le premier des biens, à la liberté qui console tout, à la liberté qui donne tout, à la liberté qui est tout. (Applaudissements.)
Si la guerre est inévitable, rétablissons l'ordre dans nos finances, ne prodiguons pas imprudemment nos assignats. Cette valeur territoriale n'a encore été donnée qu'aux ennemis de la Constitution ; ils trouvent des armes dans ces multitudes de papiers, dont la circulation est forcée par la nécessité. Les établissements qui distribuent ces papiers abusifs ne sont pas étrangers aux spéculations sur le change, on a objecté contre les petits billets qui vous ont été proposés les frais de la fabrication; mais la fabrication du numéraire métallique est plus coûteuse encore. On peut d'ailleurs prévenir cette perte, en se réglant pour la fabrication des petits assignats, sur la fabrication adoptée pour les valeurs métal liques les plus récentes.
Occupons-nous essentiellement des contributions ; jetons un coup d'oeil sérieux sur nos assignats et n'en usons qu'avec la plus grande économie. (Applaudissements.)
Je conclus : 1° à ce que les comités de finance présentent incessamment un mode pour faire rentrer promptement les contributions publiques; 2° à ce qu ils présentent aussi leurs vues sur le moyen le plus convenable d'opérer les rembour* sements, et que, jusque-là, l'emploi des assignats ne soit consacré qu aux dépenses ordinaires et extraordinaires ; o° que tous les créanciers de l'arriéré sur l'Etat soient tenus de produire leurs titres de créance pour en constater la date et le montant. Voici, en conséquence, le projet de décret que je vous propose.
(Vorateur lit un projet de décret conforme aux principes qu'il vient d énoncer.)
Je demande l'impression et la distribution du discours et du projet de décret.
Plusieurs membres : La question préalable !
Je m'étonne qu'on veuille écarter par la question préalable la demande de l'impression d'un discours qui contient d'excellentes vues, tandis qu'il y a quelques jours on a ordonné l'impression de celui de M. Sédillez, qui était plein d'invectives contre l'Assemblée.
(L'Assemblée, consultée,décrète successivement qu il n'y a lieu à délibérer, ni sur l'impression du discours, ni sur l'impression du projet de décret.)
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de l'extraordinaire des finances !
L'opinion du préopinant se réduit à ce point unique que la faveur ou la défaveur des assignats s'attache graduellement à la confiance que mérite l'administration publique et en particulier l'Assemblée nationale. Eh bien, Messieurs, pour mériter cette confiance, il n'y a qu'un moyen, c'est de passer à l'ordre du jour qui appelle la discussion des finances ; empêchons que des hommes perfides puissent abuser de nos lenteurs et de nos sottises. Je demande l'ordre du jour. (Appuyé! appuyé!) (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Il vient de m'être remis 25 louis en or avec une lettre qui explique la cause de l'envoi.
Plusieurs membres : La lecture de la lettre !
Un de MM. les secrétaires. La lettre est signée Etienne Poussielgue, premier commis de la caisse de l'extraordinaire, et datée d'aujourd'hui. Voici la lettre :
« Paris, le 13 décembre 1791.
« Monsieur le Président,
« Il est venu hier soir, dans mon bureau, différentes personnes pour solliciter l'expédition d'affaires importantes qui les intéressaient, concernant l'aliénation des domaines nationaux, et du rapport desquelles j'étais chargé auprès de M. le commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire.
« Ce matin, lorsque je suis arrivé à mon bureau, M. Louis Devaus, garçon de bureau, m'a remis un rouleau de 25 louis en or, qu'il m a dit avoir trouvé sur ma table.
« Je ne puis douter du motif qui a déterminé à laisser cette somme ; mais, quel qu'il soit, il ne peut qu'être injurieux pour moi, et en général pour tous les employés de l'administration à laquelle je me fais honneur d'être attaché.
« Quand une cause est bonne, on n'a pas besoin de l'acheter. Le plaisir de rendre justice ne sollicite-t-il pas assez lui-même? Et si elle est mauvaise, les intérêts de la patrie ne doivent-ils pas être à l'abri des efforts ae la séduction, lorsque ces mêmes intérêts sont confiés aux enfants de la Constitution? (Applaudissements.)
« Ignorant quel est le particulier qui a laissé les 25 louis, et ne pouvant conséquemment les lui restituer, je crois ne pouvoir mieux faire, Monsieur le Président, que de vous les adresser, pour que l'Assemblée nationale en dispose, et que cet acte lui soit un témoignage fidèle du zèle et de l'honnêteté des employés qui ont entre leurs mains, pour ainsi dire, le dépôt le plus précieux de la fortune publique. (Applaudissements.)
« Plusieurs ont été affligés des moyens de même nature, que l'on a essayé inutilement, à différentes fois, pour tenter leur délicatesse. (Vifs applaudissements.)
« Signé : Etienne Poussielgue. »
Plusieurs membres : L'insertion au procès-verbal avec mention honorable !
Distribution de l'argent aux enfants trouvés !
(L'Assemblée décrète l'insertion de la lettre de M. Poussielgue au procès-verbal avec mention honorable et l'envoi des 25 louis d'or au maire de Paris pour être joints aux sommes destinées au soulagement des pauvres.)
Messieurs, la majorité des suffrages pour la nomination des deux secrétaires s'est déclarée en faveur de MM. Jaucourt et Ra-mond. En conséquence, je les proclame secrétaires.
J'accorde la parole à M. le ministre de la guerre qui l'a demandée pour communiquer à l'Assemblée les renseignements qu'il a reçus relativement à Vaffaire du régiment d'Ernest-Suisse.
, ministre de la guerre. Messieurs, à peine élevé par la confiance du roi au ministère, j'ai appris qu'il avait été décrété (1) le 7 novembre, au sujet des événements arrivés à Marseille depuis le 16 jusqu'au 23 octobre dernier, que le pouvoir exécutif serait chargé de prendre des informations sur la conduite des sieurs Dumuy et de Coincy, officiers généraux, et Olivier, lieutenant-colonel du régiment d'Ernest-Suisse, inculpés par la municipalité de Marseille et de les faire parvenir le plus tôt possible à l'Assemblée nationale qui s'est réservée de prendre, d'après lesdites informations, le parti que sa sagesse lui ferait juger convenable.
Tels sont les termes du décret; je n'ai pas perdu un seul instant; et au milieu de tous ces détails qui assaillent un ministre dans son début, i'ai cru que rien ne pouvait me dispenser de nâter, autant qu'il était en moi, l'exécution de votre décret. Je viens aujourd'hui vous présenter le résultat de mon travail, d'après les diverses pièces qui m'ont été adressées, et qui sont au nombre de 18, y compris la dénonciation de la municipalité. J'ai voulu tout voir, tout examiner par moi-même ; j'espère que vous trouverez dans l'exposé que je vais vous offrir toute l'impartialité que vous avez droit d'attendre de moi.
Les événements du 16 octobre dernier qui vous ont été spécialement dénoncés par la municipalité de Marseille, et dont votre comité vous a rendu compte, ont été précédés de quelques autres qui font partie de la dénonciation générale et que je vais vous rappeler en peu de mots.
Trois jeunes officiers du régiment d'Ernest-Suisse, alors en garnison à Marseille, causèrent du trouble au spectacle. Rappelés à l'ordre par l'officier civil, ils le méconnurent et l'insultèrent, et s'obstinant à ne vouloir lui dire leur nom, et à rester malgré ses ordres, ils le contraignirent lui-même de se retirer ae leur loge. La municipalité indignée d'une telle conduite, se disposait à la poursuivre devant les tribunaux lorsque M. Olivier, commandant du régiment, invoqua les capitulations des Suisses, et fit mettre aux arrêts ces jeunes officiers.
L'affaire en resta là ; seulement la municipalité en prit occasion de redemander au département que ce régiment, dont quelques officiers avaient dans ces circonstances tenu des propos repréhensibles, fût rappelé. M. de Coincy, commandant de la deuxième division, fut choqué de la manière dont cette demande avait été faite, et la municipalité ne le fut pas moins de la lettre de M. de Coincy au département ; je pense que l'un et l'autre avaient raison de se plaindre ; car la municipalité dénonçait tout le régiment, et pourtant elle rendit un témoignage honorable au corps en général au moment de son départ.
Vers le milieu du mois de septembre, un événement assez peu important en lui-même, ex-
a municipalité de Marseille, de faire marcner vers Arles, 2,000 gardes nationales. La première division qui partit, en vertu de cette réquisition, conduisait un train d'artillerie; il manquait aux canonniers nationaux quelques écouvillons. Il en fut fourni 8 par le garde-magasin de l'arsenal de Marseille. Voilà le fait sur lequel deux relations très opposées ne tardèrent pas à se répandre.
M. de Coincy, dans sa lettre au département, disait que 4 officiers municipaux de Marseille, accompagnés de leur garde s'étaient présentés à à l'arsenal, et que, sans égard pour les décrets de l'Assemblée nationale, ils s étaient fait ouvrir toutes les portes du magasin, prétendant que tout était à la ville, et qulls venaient faire leur inspection, qu'enfin ils firent enlever une
Quantité d'effets militaires qui convenaient sans
oute, ce sont les termes de la lettre, à leurs projets contre Arles. La municipalité de Marseille, au contraire, ne vit, dans ces allégations que des calomnies, et rapporta le fait de la manière suivante :
Le départ des gardes nationales était devenu très urgent : au moment de ce départ, on s'aperçut qu'il manquait quelques écouvillons, et comme l'arsenal était rempli d'effets militaires appartenant à la commune, les officiers municipaux crurent pouvoir demander à la personne qui était chargée du soin de l'arsenal, nuit écouvillons qui leur ont été accordés. Ces écouvillons étaient, au reste, en mauvais état, elle les fit réparer ; et au retour de la garde nationale, elle les fit rendre.
La municipalité ajoutait que ce n'était qu'un prêt, et un prêt très modique, qui n'avait pu donner prétexte à M. de Coincy de se répandre en horreur contre elle : ce sont ses expressions.
Il m'a été impossible, Messieurs, sur les pièces qui m'ont été remises, de discerner la version véritable. J'observe, au surplus, que la municipalité provoqua, sur M. de Coincy, toute la sévérité des lois, qu'elle fit part de sa déclaration, et au ministre de la guerre, et au directoire du département, et qu'elle se plaint de n'avoir reçu de réponse ni de l'un ni de l'autre.
Il est prouvé, par le rapport qui vous a été fait par votre comité militaire, et par les différentes pièces qui me furent envoyées, que quelques officiers suisses se portèrent à des excès très répréhensibles dans la salle du spectacle de Marseille, le 16 octobre dernier ; qu'ils frappèrent des citoyens revêtus de l'uniforme national, et résistèrent aux réquisitions qui leur furent faites, au nom de la loi, par 1 officier civil ; que, par suite de cet événement, quatre officiers suisses, poursuivirent l'épée à la main, et frappèrent, pendant la nuit, plusieurs citoyens; qu'à la vérité, ils prétendirent avoir été provoqués par eux à.coups de pierres ; que les officiers municipaux et le commandant de la garde nationale sauvèrent les jours de ces officiers, menacés par la fureur du peuple, en les conduisant au palais de justice ; qu ils furent ensuite remis par l'accusateur public, entre les mains de leur commandant, pour être jugés par leur régiment suivant les capitulations suisses, et punis s'il y avait lieu ; qu'après que ces quatre officiers suisses eurent été arrêtés, pendant la nuit du 16 et conduits au palais de justice, les officiers municipaux et le commandant de la garde nationale apprirent que
des détachements nombreux du régiment suisse, qui étaient sortis du fort sans réquisition, venaient renforcer les portes des quais ; qu'étonnés de cette sortie, ifs les consignèrent, pour assurer par là la tranquillité publique qui pouvait être compromise par ces mouvements irréguliers ; que la nouvelle du départ du régiment d'Ernest, fixée au 23 octobre, annoncée par M. Dumuy, maréchal de camp, a paru ramener complètement le calme.
Qu'à cette époque, la municipalité décida, sur la demande du sieur Olivier, qu'elle rendrait un témoignage public d'estime à ce régiment, et qu'elle déclara, en effet, par une délibération imprimée, que les imputations personnelles, à quelques officiers, ne retombaient pas sur le régiment suisse d'Ernest, qui s'est conduit, dit-elle, avec honneur et loyauté, qui n'a pas cessé ae bien mériter de la ville, par les plus exactes observations de la discipline militaire ; que le 22 octobre, veille du départ annoncé, une querelle entre un maître a'armes et un •bourgeois ralluma la discorde pendant laquelle un officier suisse se conduisit avec beaucoup de courage, de sagesse et de raison ; que la municipalité requit alors le sieur Olivier ae consigner le régiment dans la citadelle, ce que déjà elle s'était crue obligée de faire ; que dans ce moment il se répandait un bruit, qu'il venait d'être donné un ordre, par M. de Cauty, pour contremander le régiment ; qu'en effet ce contre-ordre avait été donné, et pour quelques jours seulement ; enfin, et c'est le grief principal que M. Olivier écrivit a la municipalité à l'occasion de la consigne du régiment, qu'il espérait que Messieurs les officiers municipaux empêcheraient qu'à l'avenir les soldats et les officiers du régiment ne fussent attaqués de la manière la plus indigne par de mauvais citoyens apostés pour les insulter, et que si un soldat quelconque était attaqué, poursuivi par un attroupement, il ferait marcher le nombre nécessaire de troupes pour le dégager à quelque prix que ce fût.
On vous a déjà ait, Messieurs, et je me plais à le répéter, que non seulement cette espèce de menace ne fut suivie d'aucun effet, mais encore qu'après avoir reçu la réponse qui lui fut adressée par la municipalité, M. Olivier écrivit sur-le-champ une seconde lettre qui, sans justifier, ce gui était impossible, l'assertion elle-même, prouve jusqu'à l'évidence qu'aucune mauvaise intention ne 1 avait dictée.
Voilà tous les faits ; je proteste que je n'en ai atténué aucun, et qu'ils sont tous extraits presque littéralement du mémoire envoyé par la municipalité elle-même. Je conclus même de là, Messieurs, qu'il me serait impossible, quant a présent, de prononcer d'une manière précise sur les différents délits qui ont été commis, puisque je n'ai eu sous les yeux aucun des moyens de défense que|pourraient alléguer peut-être plusieurs de ceux qui ont été inculpés ; mais il est démontré qu'il a été commis des excès très répréhensibles de la part de quelques officiers suisses, le 16 octobre. Je viens de récrire au colonel du régiment pour savoir s'ils ont été punis suivant la gravité d'un délit d'autant plus reprochable que tous leurs camarades ont paru plus victimes que complices. Oui, Messieurs, la grande majorité, je dirai la presque totalité du régiment d'Ernest est demeurée constamment soumise à la loi. Depuis l'époque de la Révolution, ce régiment n'a pas cessé de servir utilement la patrie; et si je pouvais mériter à leur égard le soupçon
de partialité, si je pouvais me prêter à un autre langage, c'est par la municipalité de Marseille elle-même que je me verrais démenti.
Pour ce qui concerne M. Olivier, je dois vous dire que cet officier jouit d'une très excellente réputation. J'ai remarqué avec plaisir que la municipalité de Marseille se plait à rendre justice à ses vertus militaires, et que c'est avec regret qu'elle s'est vue obligée de l'accuser. Vous avez déjà pu voir que la lettre qu'il écrivit à la municipalité, et queie suis bien loin de vouloir justifier, ne fut suivie d'aucun mouvement reprénensible de sa troupe ; que le régiment, peu de jours avant de partir, reçut de la part de la municipalité une marque éclatante de l'estime publique qui nécessairement rejaillissait sur son chef. J ajouterai qu'une accusation publique contre cet officier qui dans tous les temps a bien mérité de la patrie, et sur qui je crois que nous pouvons compter, affligerait profondément nos braves et loyaux alliés, les Suisses.
A l'égard de M. de Coincy, je ne dirai qu'un mot : c'est un ancien officier qui a parfaitement. servi jusqu'à ce jour, qui sert encore et qui est entré au service en 1724.
Quant à M. Demay, dont le nom est porté dans votre décret, je vous observerai qu'il n existe pas un seul reproche contre lui dans tous le cours du mémoire de la municipalité, et que dans les conclusions de ce mémoire, son nom n'est pas même prononcé. Enfin la cause de tous ces troubles a cessé ; le régiment Suisse-d'Ernest, n'est plus à Marseille. Dans sa nouvelle garnison, il vit en bonne intelligence avec les citoyens ; ne pensez-vous pas, Messieurs, que c'est là le cas de couvrir ce qui s'est passé, d'un voile indulgent, en donnant toutefois à la municipalité de cette ville une marque de satisfaction, par la conduite sage et patriotique qu'elle a tenue dans des moment strès difficiles ?
J'aimerais à vous ajouter, Messieurs, s'il m'était permis de mêler mes sentiments particuliers aux grandes considérations du bien public et de justice, que, condamné par ma place à provoquer la sévérité de la loi sur les délits militaires qui pourront se commettre pendant le cours de mon administration, il me serait doux de voir que je sois dispensé de ce pénible devoir par rapport à tous les événements qui l'ont précédé. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : Le renvoi au comité militaire!
(L'Assemblée renvoie les pièces et les observations du ministre de la guerre au comité militaire.)
Je demande la parole.
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, ministre de la guerre. J'aurai l'honneur de faire part à l'Assemblée qu'hier au soir sont arrivés des rapports de Besançon. Un de ces rapports m'a été envoyé par le commandant des troupes de ligne, l'autre par le directoire du département. Ces rapports sont tellement opposés, que: je prie l'Assemblée de vouloir bien me permettre de suspendre encore mon opinion à cet égard.
L'ordre du jour appelle la suite lie la discussion sur une émission a assignats au-dessous des livres (1).
Nés avec la Constitution, les assignats ont sauvé l'Empire, ils ont comblé l'abîme creusé sous uos pas par un gouvernement immoral et déprédateur. A l'origine de cette institution heureuse, il existait encore dans la circulation des monnaies métalliques, et le citoyen trouvait encore de quoi subvenir au moins aux besoins du moment. Aujourd'hui un système lié à celui de la contre-révolution, semble avoir tari la source du numéraire. On nous berce depuis un an de l'espoir d'échanger au pair dans tous les districts les assignats de 5 livres contre de la monnaie. Nous sommes loin de réaliser cet espoir, et quand notre monnaie métallique nous manque, 1 armée d'outre-Rhin en faitun commerce odieux. Quelques citoyens timides le resserrent et le conservent pour le moment où ils craignent d'en être totalement privés. Il est temps enfin qu'une grande nation, une nation toute puissante donne un exemple précieux pour la liberté de l'univers, celui de la France affranchie de la magie de l'or et de l'argent, en même temps que du joug du despotisme. Lé crédit de la nation peut seul nous procurer ce grand avantagé. Le peuple est aujourd'hui forcé de se fier à des papiers qui n'ont pas sa confiance; or, je demande comment l'Assemblée constituante, créatrice des assignats, n'a pas complété ce nouveau système monétaire. Le succès des caisses particulières doit ôter toute crainte sur l'émission de petits assignats : ils sont nécessaires, puisque les assignats même de 5 livres soiit tellement incommodes, que dans mon département, à Metz, par exemple, ils perdent 14 0/0; ce qui produit une surhausse des denrées de première nécessité, et qui forcerait
Eeut-être le peuple à une nouvelle insurrection, 'objection des frais de fabrication du petit papier s'évanouit, dès que l'on considère que la fabrication d'un assignat de 10 sous ne coûtera pas plus que celle de 5 sous en métal. Il ne faut pas laisser aux caisses de secours le soin de nous procurer les assignats au-dessous de 5 livres. La nation [doit se charger de cette opération. Ces fractions d'assignats de 5 livres doivent être de 50, de 25 et de 10 sols.
Mais, dira-t-on, le numéraire que vous prétendez si rare va disparaître totalement. Eh bienj qu'importe alors, puisque j'aurai toujours de quoi le suppléer pour toutes mes dépenses. Que le Français imprime sur le papier un crédit national, et il suffira seul à une circulation incommensurable! Au surplus, Messieurs, vous avez dans vos mains des moyens infaillibles de donner à ce papier national cette confiance que l'on trouve dans l'or même. Attaquez dans sa source tout ce qui tend à diminuer le crédit. Comment pouvez-vous espérer de faire une bonne opération en finance, quand des ennemis ont les armes à la main pour vous attaquer, quand ils soudoient des scélérats au dedans pour décrier vos travaux, et au dehors pour vous égorger? Gomment le crédit national, dont je vois briller la splendeur dans un avenir prochain, pourrait-il s'affermir, quand celui à qui la nation délègue le pouvoir exécutif, n'appelle autour de lui que des hommes pervers et corrompus? Comment pourrez-vous enfin affermir le crédit national, quand la conduite la plus pusillanime nous caractérise chez nos voisins? Punissez les traîtres qui déchirent le sein de la patrie, faites tomber les têtes coupables des conspirateurs. (Applaudissements dans les tribunes.) Ordonnez, commandez au nom du peuple que ces hordes qui sont rassemblées sur nos frontières, soient dispersées.
Alors vous n'aurez plus de discrédit à craindre et vous pourrez sans crainte faire fabriquer de petits assignats.
Je ne m'étendrai pas à prouver longuement que les coupures d'assignats devront être de 50. de 20 et de 10 sols. L'expérience nous apprend que partout où l'on a créé des billets patriotiques de la même valeur que les espèces monnayées, les caisses sont tombées. On préférera toujours, sans doute au même prix, une monnaie qui aura une valeur intrinsèque. Il faut donc ne faire aucun assignat de 15 sols, puisqu'il existe une monnaie métallique de 15 sols ; il faut en faire de 10 sols, puisqu'il n'y a aucune monnaie métallique de 10 sols. Ces billets de 10 sols sont d'ailleurs plus rapprochés des besoins usuels du peuple. En conséquence, je vous propose le décret suivant ;
« L'Assemblée nationale décrète :
« Art. 1er. Il sera fait une émission de 100 millions
d'assignats de 50 sols, de 100 millions d'assignats de 25 sols et de 100 millions
d'assignats de 10 sols.
« Art. 2. Ces assignats seront envoyés dans tous les départements du royaume et échangés sous la surveillance et la responsabilité des administrateurs, contre des assignats de 5, de 50 et de 100 livres.
» Art. 3. Au moment de l'émission, défenses seront faites à toutes personnes de ne plus s'immiscer à répandre dans la circulation aucune espèce, de billets de secours sous les peines portées contre les fabricateurs de faux assignats. (Applaudissements.)
« Art. 4. L'Assemblée nationale charge son comité des assignats et monnaies de lui présenter des modèles de papiers d'assignats dont la fabrication sera la moins dangereuse.
« Art. 5. Le même comité est chargé de conférer avec les différents pétitionnaires qui ont fait hommage à l'Assemblée des découvertes qu'ils ont faites, pour empêcher la contrefaçon et de donner à l'Assemblée connaissance du résultat de leurs opérations. »
La municipalité de Paris, ayant à sa tête M. Pé-tion, maire, est introduite à la barre. (Vifs applaudissements.)
, maire de Paris, s'exprime ainsi (1) : Messieurs, la municipalité de Paris, que sa position et les événements rendent, en quelque sorte, la municipalité de tous les Français, vient fixer votre attention, et consulter votre sagesse sur un point important.
L Assemblée constituante a rendu, le 24 juin 1791, un décret dont voici les dispositions :
« L'Assemblée nationale décrète qu'à compter de ce iour, il ne sera fait, soit au Trésor
public, soit à la caisse de l'extraordinaire, soit dans les différentes caisses nationales,
à aucun Français ayant traitement, pension ou créance à exiger, aucun paiement, à moins
qu'il ne se présente en personne, même à la charge de faire certifier par la municipalité
des lieux, ses noms et qualités, s'ils ne sont pas connus. Dans le cas où lesdits Français
ne pourraient pas se transporter en personne aux caisses où les paiements doivent
s'exécuter, ils ne pourront toucher leur payement que par un fondé |de leur procuration
spéciale, à.laquelle sera joint un certificat, que
la personne qui a donné la procuration est actuellement et habituellement domiciliée dans le royaume : le certificat sera expédié par la municipalité du lieu du domicile, visé par le directoire du district ; et dans le cas où il serait question d'un fonctionnaire public, le certificat qui sera joint à sa procuration, justifiera qu'il est actuellement à son poste.
« L'Assemblée nationale déclare ne pas comprendre dans les dispositions du présent décret les effets payables au porteur, les lettres de change, les sommes dues aux ambassadeurs, créanciers ou pensionnaires dé l'Etat. »
Eh bien ! les Français d'outre-Rhin, ces ennemis cruels de notre liberté et de notre bonheur, se rendent en foule dans cette cité ; ils viennent ravir la subsistance du malheureux et enlever notre or, pour acheter le fer avec lequel ils veulent égorger leurs concitoyens et ensanglanter leur patrie. A peine chargés de ces dépouilles criminelles, ils retournent en enrichir ces bords étrangers qui leur servent de repaire. Telle est la guerre de ruse et de perfidie qu'ils font journellement à la fortune publique.
Indignés de ces manœuvres odieuses, alarmés sur leurs suites, plusieurs comités de sections ont refusé des certificats de présence à ces lâches conspirateurs et en ont déféré à la municipalité. (Applaudissements.)
La municipalité a cru apercevoir que la conduite astucieuse de ces hommes qui paraissent un instant sur leur terre natale pour rappauvrir et pour la trahir, était contraire à l'esprit de la loi ; que cette loi exigeait une présence réelle et habituelle dans le royaume, et non pas une apparition passagère (Applaudissements.) ; que la personne qui a recours à un fondé de procuration pour toucher des deniers dans les caisses nationales étant soumise à ces conditions de domicile, celle qui se présente elle-même ne peut pas en être affranchie.
Mais la lettre de la loi ne s'explique pas assez clairement ; ils n'appartient qu'aux législateurs de la faire parler. C'est donc à eux que nous avons recours, en leur représentant combien les circonstances exigent de célérité.
Nous paraissons devant vous, Messieurs, avec cette confiance que vous ont méritée, de tous les vrais Français, votre courage, vos constants efforts pour le salut de la patrie, pour le maintien d'une Constitution que nous avons tous juré de défendre, et que tentent vainement d'ébranler les ennemis de la félicité publique. (Vifs applaudissements.)
, répondant à la députation. Messieurs, la voix des premiers fondateurs de la liberté sera toujours entendue avec un vif intérêt dans le sein de l'Assemblée nationale : elle applaudit à votre sollicitude vraiment patriotique ; vous ne pouvez douter qu'elle n'en prenne bientôt l'objet en très grande considération. L'Assemblée nationale vous invite à assister à sa séance.
prend place avec ses collègues. (Applaudissements et acclamations de VAssemblée^
Plusieurs membres demandent l'insertion au procès-verbal du discours de M. Pétion avec mention honorable.
D'autres membres : L'impression et la distribution !
(L'Assemblée décrète l'insertion au procès-verbal du discours de M. Pétion avec mention hono-
rable ët l'impression et la distribution du même discours et de la réponse de M. le Président.)
Un de MM. les Secrétaires remet à M. le maire de Paris les 25 louis envoyés par M. Poussielgue.
Je fais la motion expresse que l'on décrète sur-le-champ la demande de la municipalité de Paris.
Je demande le renvoi des observations de la municipalité de Paris au comité de législation, pour faire son rapport demain matin.
J'ai l'honneur d'observer que ce rapport est prêt et que le rapporteur chargé au nom du comité de l'extraordinaire des finances, de vous soumettre l'objet de la pétition, est à la tribune. (Applaudissements.)
, au nom du comité de Vextraordinaire des finances, fait un rapport sur l'interprétation de la loi relative à, la nécessité de la résidence dans le royaume pour être payé aux différentes caisses nationales; il s'exprime ainsi :
Messieurs, je suis chargé par le comité de l'extraordinaire des finances de vous dénoncer un abus, et en même temps de vous indiquer le remède. Une foule de Français émigrants est actuellement rentrée en France, non pas pour se soumettre aux lois de la liberté, mais pour ajouter à leurs trahisons et tenter de corrompre ceux qui peuvent favoriser leurs intérêts particuliers. Telle est, Messieurs, la loi du 24 juin dernier, dont voici la disposition :
« L'Assemblée nationale décrète qu'à compter de ce iour il ne sera fait, soit au Trésor public, soit à la caisse de l'extraordinaire, soit dans les différentes caisses nationales, à aucun Français ayant traitement, pension ou créance à exiger, aucun payement, à moins qu'il ne se présente en personne, même à la charge de faire certifier par la municipalité des lieux ses noms et qualités, s'ils ne sont pas connus. Dans le cas où lesdits Français ne pourraient pas se transporter en personne aux caisses où les payements doivent s'exécuter, ils ne pourront toucher leur payement que par un fondé de leur procuration spéciale, à laquelle sera joint un certificat que la personne qui a donné la procuration est actuellement et habituellement domiciliée dans le royaume : le certificat sera expédié par la municipalité du lieu du domicile, vise par le directoire du district. Et dans le cas où il serait question d'un fonctionnaire public, le certificat qui sera joint à sa procuration justifiera qu'il est actuellement à son -poste. Dans tous les cas, et avant de faire aucun payement, le trésorier chargé de l'acquitter se fera représenter la quittance du payement fait par la partie prenante, tant de ses impositions pour l'année 1790 et les années antérieures, que 4es deux premiers tiers de sa contribution patriotique, ou déclaration qu'elle n'a pas été dans le cas d'en faire.
« Si la partie prenante n'avait pas encore acquitté ses impositions ou sa contribution patriotique, il lui sera libre d'en offrir la compensation avec ce qui lui est dû ; auquel effet ladite partie, ou son fondé de procuration, rapporteront le bordereau, certifié par le directoire du district, de ce dont ils seront débiteurs, soit pour imposition, soit pour contribution patriotique.
« L'Assemblée déclare ne pas comprendre dans les dispositions du présent décret les effets payables au porteur, les lettres de change, la solde des troupes, suivant les revues des commissaires; les sommes dues aux ambassadeurs
ou étrangers, créanciers ou pensionnaires de l'Etat. »
Vous savez sans doute combien la première disposition de la loi que je viens de vous rappeler est insuffisante. Les émigrés rentrés aujourd'hui et s'ils ne sont pas connus n'ont qu'à faire certifier par la municipalité leurs noms et qualités ; rien n'est plus facile : ils se présenteront demain à la caisse, où l'on sera autorisé à les payer, et après-demain, ils partiront pour Coblentz. Si au contraire les émigrés sont des citoyens connus, ils pourront être payés sans certificat, d'après le texte de la loi ; et un payeur malhonnête, appuyé sur cette clause du décret : « si l'on est connu », peut payer tous les émigrants si cela lui plaît.
La seconde disposition de la loi est ainsi conçue : « même à la charge de faire certifier par la municipalité » ; voici. Messieurs, ce qui arrive. Un émigrant rentre dans le royaume et se présente à une municipalité quelconque. Or, comme il est impossible de nier qu'un nomme qui se présente en personne ne soit actuellement résidant dans le royaume, on lui donne un certificat de résidence actuelle. On fait plus, on lui donne un certificat qui atteste qu'il est habituellement domicilié dans le royaume, parce que l'on a pensé qu'une absence de quelques mois ou de quelques semaines ne pourrait pas lui faire perdre son domicile habituel. Vous savez, Messieurs, combien il est facile de trouver des municipalités peu rigoureuses, surtout dans les campagnes. Cette seconde disposition de la loi est donc éludée. - /
Un troisième abus s'est encore attaché à la loi du 24 juin. M. Amelot se plaint qu'avec des ordonnances sur sa caisse, on lui présente très souvent des certificats qui ont deux ou trois mois de date, et même plus. Il a cru devoir les refuser; mais la loi n'ayant rien décidé sur la durée des certificats, on pourrait reprocher à cet administrateur d'avoir donné une extension à la loi et surtout à une loi de rigueur.
Il paraît donc convenable de fixer un terme à la durée de ce certificat. Votre comité a pensé, Messieurs, qu'il fallait mettre un frein à l'avidité de ces hommes qui, ayant abjuré leur patrie, osent y venir pour braver ses lois et puiser dans le Trésor public qu'ils dévoraient autrefois à volonté. Nous avons cru, Messieurs, qu'il était d'autant plus urgent de fermer la porte aux abus, que nous avons été informés que plusieurs Français, connus émigrés, viennent d'arriver à Paris, dans l'intention ae se présenter aux différentes caisses, afin d'y toucher soit des payements soit des remboursements. Cet avis, le comité l'a reçu d'un des principaux agents du pouvoir exécutif. Le comité, pour remédier à l'insuffisance de la loi, a l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que des Français émigrés viennent de rentrer en France pour obtenir des certificats de résidence actuellej dans la vue d'éluder les dispositions de la loi du 24 juin dernier, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, considérant qu il est nécessaire de
donner plus d'étendue et de précision aux dispositions de la loi du 24 juin, relative aux formalités à observer pour les payements dans les différentes caisses nationales, décrété ce qui suit :
« Art. ler. Tout Français ayant un traitement, pension, créance
ou rente de quelque nature qu'elle soit, payable sur les caisses nationales, ne pourra en
obtenir le payement auxdites caisses, soit qu'il se présente en personne, soit qu'il fasse
présenter un fondé de sa procuration, qu'autant qu'il produira et joindra à la quittance un
certificat qui atteste que la personne qui se présente ou qui a donné la procuration, habite
actuellement dans le royaume, et qu'elle y a habité sans interruption pendant les six mois
précédents. (Applaudissements.)
Art. 2. Ce certificat ne pourra être délivré que par la municipalité du lieu du domicile de fait; il sera visé par le directoire du district.
« Art. 3. Les certificats de résidence ne seront valables qué pendant un mois, à compter de la date du visa (lu directoire du district.
« Art. 4. Les négociants sont exceptés des dispositions ci-dessus, à la charge de produire un certificat de leur municipalité, vise par le directoire du district, qui atteste qu'ils exercent cette profession.
« Art. 5. Dans le cas où il serait question d'un fonctionnaire public, le certificat justifiera qu'il est actuellement à son poste, et qu'il ne l'a pas quitté. »
Un membre : Depuis 6 mois.
, rapporteur. J'adopte.
(M. Marbot, rapporteur, donne successivement lecture du décret d'urgence et du préambule qui sont adoptés.)
(Il donne ensuite lecture de l'article premier.)
Un membre: Je propose d'ajouter après les mots : « habite actuellement dans le royaume », ceux-ci : « ou dans les colonies et possessions françaises, >•
Un membre: Je propose de dire simplement « sur le territoire français ».
(L'Assemblée décrète l'article premier avec l'amendement.)
En conséquence, l'article premier est adopté comme suit :
Art. 1er.
« Tout Français ayant un traitement, pension, créance ou rente, de quelque nature qu'elle soit, payable sur les caisses nationales, ne pourra en obtenir le payement auxdites caisses, soit qu'il se présente en personne, soit qu'il fasse présenter un fondé de sa procuration, qu'autant qu'il produira et joindra à la quittance un certificat qui atteste que la personne qui se présente, ou qui a donné la procuration, habite actuellement sur le territoire français, et qu'elle y a habité sans interruption pendant les six mois précédents. »
Les articles 2 et 3 sont ensuite adoptés.
, rapporteur, donne lecture de l'article 4.
Je demande qu'on ajoute : «... et qu'ils ont pris une patente avant l'époque du présent décret. »
(L'Assemblée adopte l'article 4 avec l'amendement de M. Lacuée.)
En conséquence, l'article 4 est adopté comme suit :
Art. 4.
« Les négociants sont exceptés des dispositions
ci-dessus, à la charge de produire un certificat de leur municipalité, vise par le directoire du district, qui atteste qu'ils exercent cette profession, et qu'ils ont pris une patente avant l'époque du présent décret. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 5.
Je demande que les fonctionnaires publics absents du lieu de leur résidence soient tenus de rapporter un certificat de la municipalité dans laquelle ils exercent leurs fonctions. (Murmures.)
Plusieurs membres : Aux voix l'article !
(L'Assemblée adopte l'article 5.)
Les mauvais citoyens à qui vous venez d'enlever tant de ressources en ont cependant encore une. Ne pouvant plus toucher leurs revenus, dans la rage que va leur inspirer votre décret, ils vont chercher à vendre leurs propriétés, leurs rentes, leurs terres à quelque prix que ce soit, et emporter ainsi une portion du capital, lorsqu'ils ne pourront pas emporter l'intérêt. (Murmures.) Il faut leur ôter la faculté d'extraire du royaume le produit des revenus nationaux et de faire servir ainsi contre la France elle-même sa propre substance.
En conséquence, je demande que l'Assemblée décrète que tout acquéreur qui se présentera au bureau des hypothèques pour obtenir soit un certificat de saisine, soit un certificat de non-opposition, soit soumis aux mêmes formalités que celles ci-dessus.
Plusieurs membres : La question préalable, l'article est inconstitutionnel.
D'autres membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, rapporteur. Un membre de l'Assemblée a demandé qu'il y eût un intervalle déterminé entre le certificat de la municipalité et le visa du district; je proposerai quinze jours.
Plusieurs membres : Huit jours î
(L'Assemblée adopte le délai de huit jours.)
Chacun sait que les lois n'ont force de loi qu'à compter du îour de leur publication. Il en était ainsi sous rancien régime ; mais l'ancien régime a aussi senti la nécessité de se dérober à cette formalité lorsqu'un grand intérêt exigeait qu'une loi fût exécutée promptement. Je pense que vous pouvez faire ae même. En conséquence, voici 1 article additionnel que je propose pour en assurer l'exécution la plus prompte :
« Le présent décret sera présenté dans le jour à la sanction du roi, envoyé le lendemain de la sanction aux caisses de Paris, et le plus tôt possible aux autres caisses du royaume pour y être exécuté sans attendre la publication ou la transcription faite aux départements, districts et tribunaux. »
Plusieurs membres : La question préalable ! (Non! non !)
D'autres membres : La division!
(L'Assemblée décide qu'il y a lieu à division et décrète seulement que le décret sera présenté dans le jour à la sanction;)
Je demande que le ministre de la justice soit tenu de rendre compte de l'exécution du décret, trois jours après la sanction.)
L'intention de l'Assemblée est
sans doute que cette loi ne puisse être éludée. Il faut donc prévenir, s'il est possible, tous les moyens que l'on pourrait mettre en usage pour s'y soustraire ; par exemple, on ne manquera pas de déléguer les sommes que l'on ne pourra plus toucher sans résider dans l'Empire français. Je demande donc que l'Assemblée nationale exige, pour les délégations et ventes, les mêmes formalités que pour toucher les arrérages.
Voix diverses: Aux voixl aux voix 1 —La question préalable !
Je ne conçois pas comment on peut demander la question préalable sur l'article additionnel propose, parce qu'il est en tout conforme aux principes adoptés par le décret que vous venez de rendre; car. Messieurs, puisque votre intention est d'empêcher les Français, ennemis de leur patrie, ae trouver des secours dans les caisses nationales, d'y toucher les arrérages de pensions, de rentes et d'autres dettes sans un certificat de résidence dans le royaume, je vous demande comment il est possible qu'on invoque la question préalable sur l'article que je propose, qui est une conséquence absolue des principes ae Votre décret, comment il est possible qu'on puisse avoir, en adoptant la question préalable, l'intention de laisser à ces ennemis la faculté de disposer des rentes ou des créances qui sont sur le Trésor public ?
Eh bien, on va éluder la disposition de votre décret en faisant des délégations pour toucher les revenus, ou en faisant des ventes simulées des principaux. Ainsi, comment est-il possible que vous vouliez confirmer par la question préalable ces délégations ou ces ventes simulées, qui donneraient à vos ennemis plus de ressources que les arrérages que vous voulez les empêcher ae toucher ? Je demande donc que le citoyen qui voudra vendre les principaux ou déléguer les arrérages, soit tenu aux mêmes conditions que pour toucher les arrérages.
Un membre : Cette disposition doit souffrir quelques exceptions parce qu'il peut arriver que l'on ne veuille vendre que pour payer des dettes.
Plusieurs membres : Aux voix, l'article de M. Delacroix !
(L'Assemblée décrète l'article de M. Delacroix, sauf rédaction.)
fait lecture d'une rédaction de l'article adopté. •
Plusieurs membres réclament contre cette rédaction.
La discussion se prolonge pendant quelques instants au milieu du bruit.
Plusieurs membres proposent l'ajournement à ce soir.
(L'Assemblée ajourne la discussion de cette rédaction à ce soir.)
Un de MM. les secrétaires : Voici la liste des membres qui doivent composer la commission de surveillance des assignats :
Gav-de-Vernon,
Dunem,
Lafon-Ladebat,
Duval (Jacques),
Lemaistre,
Jolly,
James,
Urvoi,
Hilaire,
Bonneval,
Boucher,
Lomont,
Thiériot.
(La séance est levée à quatre heures.)
Rapport fait à l'Assemblée nationale (1) par le ministre de l'intérieur (2) relativement à l'Ecole des ponts et chaussées (3).
Messieurs, j'ai annoncé à l'Assemblée nationale^ que l'Ecole des ponts et chaussées serait un des objets que j'aurais à lui soumettre en particulier, et sur lequel il se trouverait encore différentes déterminations à prendre.
Les articles qui restent à traiter quant à cette Ecole sont relatifs : 1° A sa composition; 2° Au règlement qui doit la régir ; 3° À l'établissement dans lequel elle se trouve déjà placée.
Quant à la composition de ladite école et au nombre d'élèves qui doivent être censés y exister au moment présentée me trouverai obligé d'entrer dans quelques détails que l'Assemblée nationale jugera sûrement dignes de son attention, car ils intéressent l'état d'un certain nombre de jeunes citoyens qui se trouveraient dans la position la plus fâcheuse, si leurs réclamations n'étaient pas accueillies.
La loi du 19 janvier dernier porte qu'il y aura une Ecole gratuite et nationale des ponts et chaussées ; que 60 élèves y seront admis, 20 dans la première classe, 20 dans la seconde et 20 dans la troisième ; que les élèves seront choisis dans les 83 départements parmi les sujets qui, au jugement de l'ingénieur en chef et de deux commissaires des directoires, auront concouru sur différents objets élémentaires, lesquels seront indiqués par un règlement particulier ; enfin, que les ouvrages des différents concurrents seront tous adressés, par le même ingénieur en chef de chaque département, à l'administration centrale, à une époque déterminée ; et que, sur l'avis de l'assemblee des ponts et chaussées, les places vacantes seront données à ceux qui en seront jugés les plus dignes.
Cette loi fixe clairement la manière dont les places vacantes à l'Ecole des ponts et chaussées seront données à l'avenir; mais il se présente, en ce moment, différentes questions sur lesquelles il faut statuer. Avant la loi du 19 janvier, sur l'organisation
des ponts et chaussées, il y avait à l'écolej indépendamment de 60 élèves, des surnuméraires dont le nombre, suivant les anciens règlements, devait être de 20, et se trouve réduit à 14 en ce moment; il y avait de plus des sujets qui, depuis plusieurs années, attendaient 1 instant où ils pourraient être admis à cette école, et qui dirigeaient leurs études en conséquence. Ces sujets, connus sous le nom d'aspirants, doivent succéder, par la voie d'un concours, qui, déjà avait été établi, aux surnuméraires dont les places viendraient à vaquer ; le nombre de ces aspirants, qui se sont adressés à l'administration pour être admis à l'école, est actuellement de 6, et ils demandent à obtenir sans concours ces places de surnuméraires.
Ils se fondent, à cet égard, sur ce qu'ils sont à Paris, depuis 3 ans, sur les dépenses qu'ils ont faites pour acquérir des connaissances, et sur l'espoir qu'ils ont dû naturellement concevoir d'être pourvus, comme par le passé, des places de surnuméraires qui se trouvaient vacantes. Ces aspirants ajoutent que leur demande n'est pas contraire à l'esprit de la loi du 19 janvier dernier, que le but de cette loi a visiblement été de favoriser également les différents départements, en admettant les sujets qui en étaient natifs, à concourir pour les places de l'Ecole des ponts et chaussées ; or, que ce but est rempli, puisque les aspirants sont tous de différentes parties du royaume ; qu'on ne peut donc refuser de leur laisser remplir, sans concours, les places surnuméraires vacantes ; qu'autrement on pourrait rendre inutiles les dépenses qu'ils avaient faites dans la capitale^ pour acquérir les connaissances qu'exige l'état qu'ils avaient choisi; que ce serait d'ailleurs les décourager, vu qu'il serait possible que d'autres sujets, qui ne seraient pas restés plusieurs années comme eux, à la suite de récole et qui n'auraient pas fait les mêmes dépenses, vinssent leur enlever les places qui, avant la nouvelle organisation des ponts et chaussées, leur étaient naturellement dévolues.
Ces aspirants demandent en conséquence que les places d'élèves surnuméraires, actuellement vacantes, leur soient accordées.
D'un autre côté, les élèves des écoles qui se trouvaient établies dans les ci-devant provinces de Languedoc et de Bretagne, ont représenté que les dispositions de la loi du 19 janvier dernier ne devaient s'appliquer qu'à l'organisation future de l'Ecole, et nullement au moment présent; ils ont observé qu'ils avaient des droits d'autant plus certains à être admis à celle de Paris, gu'ils se trouvent dans le même cas que les ingénieurs des pays d'Etats, que la loi a fait concourir, pour leur replacement, avec ceux des ponts et chaussées ; ils sé fondent, de même que les aspirants, sur le temps qu'ils ont employé à acquérir les connaissances nécessaires à un ingénieur, et sur les dépenses que leurs études leur ont occasionnées : enfin, sur l'espèce de certitude qu'ils avaient d être placés, si l'ancien régime eût subsisté :
Ces élèves finissent par demander que, pour leur admission à l'école de Paris, on adopte une base résultant de la comparaison du nombre de sujet fixé par la loi, avec celui des départements du royaume. Suivant cette base, ceux qui se partagent le Languedoc fourniraient 6 élèves, et ceux de la Bretagne, 4 ; mais il paraît qu'il n'y a dans ce moment que 3 élèves aspirants de cette dernière partie du
royaume qui se présentent, et que l'autre école n'en fournira à peu près que le même nombre.
Telles sont les questions qui se présentent en cè moment, et qui semblent devoir se décider d'après un même principe d'équité, qui veut qu'on ait égard à des droits acquis; or, il paraît qu'au cas présent, la plupart des sujets en faveur desquels on réclame, peuvent exposer avec avantage qu'ils ont dû compter sur des places qu'ils occupent depuis plusieurs années, et sur 1 avancement qui leur avait été promis pour la suite, et à mesure qu'ils s'en seraient rendus dignes ; cet avancement semble donc devoir être le prix assuré, et des dépenses qu'ils avaient faites pour pouvoir y prétendre, et de l'emploi des années les plus précieuses de leur vie. Je crois, d'après cela, qu'il conviendrait :
1° De faire remplir les places actuellement vacantes, d'abord par les surnuméraires de l'école qui y avaient été précédemment admis et qui formaient, à vrai dire, une quatrième classe, et ensuite par les élèves des écoles qui existaient dans les ci-devant provinces du Languedoc et de Bretagne ;
2° D'admettre également, mais après ces premiers élèves seulement, les 6 aspirants qui demandent en ce moment.
Il est infiniment à désirer que l'Assemblée nationale adopte ces propositions ; car je ne dois pas lui dissimuler que l'Ecole des ponts et chaussées, qui vient de fournir dans rinstant même 16 sujets pour les places d'ingénieurs ordinaires qui se sont trouvés à remplir et qui en a détaché un grand nombre,depuis quelque temps à la demande des départements, sur les différents travaux que la saison permet encore de maintenir en activité ; je ne dois pas dissimuler dis-je, que cette école bientôt ne pourrait plus suffire aux besoins des départements, si dans cet instant, les places vacantes ne se trouvaient très promptement remplies, et par des sujets qui y apportassent déjà un certain degré de connaissances. On pourrait dire que. ces sujets seront toujours dans le cas d'être admis par la voie du concours, et que s'ils ont, en effet, des connaissances acquises, ils doivent avoir l'espérance d'y paraître avec avantage ; mais j'observerai que ce concours ne pourra avoir lieu qu'après 1 adoption du règlement qui doit en déterminer la forme qui est absolument neuve, et d'ailleurs, que par sa nature même, et vu la nécessité d'y admettre, sans les réunir, les sujets des différents départements, il se passera plus de 6 mois avant qu'il ne puisse y avoir d'elèves élus suivant ce nouveau mode. On perdrait d'ici là un temps d'autant plus précieux, que l'hiver, saison dans laquelle presque tous les élèves se trouvent rassemblés, est le moment le plus favorable pour l'émulation et par conséquent pour l'instruction, et que c'est celui où se font les compositions pour les prix. On pourrait assurer, d'ailleurs, qu'après avoir admis dans l'Ecole tous les sujets de celles des ci-devant provinces de Bretagne et du Languedoc, qui pourraient demander à y être reçus, et après y avoir admis également les aspirants, il se trouvera encore, vers le mois de mai prochain, un assez grand nombre de places vacantes, pour pouvoir, d'avance, et aussitôt que l'organisation de l'Ecole aura été définitivement arrêtée, indiquer un concours pour cette époque.
Ce serait ici le moment d'observer que M. Per-ronet assure que le nombre de 60 élèves est insuffisant, et ne pourra fournir aux départe-
ments les ingénieurs ordinaires dont ils auront besoin et en même temps les sujets qu'il est d'usage d'envoyer suivre certains ouvrages pendant la saison des travaux, il est bien certain que cette même Ecole, qui, aux termes des anciens règlements, devait être composée de 80 élèves, dans le temps où les pays d'Etats n'en tiraient pas leurs ingénieurs, se trouve réduite à 60 dans le moment où elle en doit fournir à tout le royaume. L'Assemblée nationale croira peut-être cependant devoir attendre, pour changer la loi a cet égard, que l'expérience soit venue à l'appui du calcul, et ait achevé de démontrer la nécessité de cette augmentation que M. Perronet croirait devoir être de 40 surnuméraires ; je joins ici, au surplus, le mémoire qu'il m'a remis à ce sujet.
Le second objet dont l'Assemblée nationale semble devoir s'occuper après la composition de l'Ecole, est l'adoption d'un projet de règlement qui comprend en même temps ce qui concerne et l'instruction et la discipline, et qui règle aussi tant le mode d'admission des élèves à l'Ecole, que celui de leur avancement quand ils y ont été reçus. Ce projet comprend également les mesures à prendre pour pouvoir, sans se livrer à l'arbitraire, infliger des punitions aux sujets qui se seraient mis dans le cas d'en mériter, et même pour prononcer leur exclusion. * Toutes ces différentes dispositions se trouvent contenues dans le projetdont je joins ici un exemplaire et dont le Corps législatif, avant de s'en occuper, croira devoir vraisemblablement ordonner la réimpression. Ce projet conformément à l'article 12 de la loi du 18 août dernier,a été proposé par l'assemblée des ponts et chaussées et n'a été rédigé que d'après un très mûr examen. On doit donc en attendre les plus heureux effets ; et déjà, depuis longtemps,on sent la nécessité d'un nouveau règlement pour l'Ecole des ponts et chaussées, mais inutilement se promettrait-on de lui voir produire tout le bien aésirable, si l'on ne prenait en mPme temps les moyens de le faire exécuter ; et un des plus sûrs, sans nul doute, serait de rétablir la seconde place d'inspecteur de cette école, qui avait existé de tout temps, et qui devient plus indispensable que jamais sous le nouveau régime.
Je n'entrerai pas ici dans le détail de tous les motifs q«ui rendent cette mesure absolument nécessaire ; ils se trouvent développés dans des observations de l'assemblée des ponts et chaussées que je joindrai au présent rapport.
J'observerai seulement que d'après l'examen attentif que j'ai fait particulièrement de cet objet, il m'a paru démontré que le service de l'Ecole ne pourrait se maintenir sans ce second inspecteur. L'Assemblée constituante, à la vérité, par la loi du 19 janvier, n'avait conservé qu'une de ces deux places ; mais je puis affirmer qu'elle s'y était principalement déterminée par la considération que ces deux inspecteurs, qui, par leur titre, sembleraient égaux en fonctions et en autorité, pourraient répandre dans l'Ecole des semences de divisions funestes au service. Cet inconvénient disparaîtrait aujourd'hui, au moyen de ce qu'on propose de rétablir la place avec le titre de « sous-inspecteur », et de la subordonner à celle de l'inspecteur déjà existant. Je puis affirmer également que le membre de l'Assemblée constituante, qui avait proposé d'abord de ne pas confirmer cette seconde place, avait senti depuis la nécessité de la créer, en
adoptant la mesure que je viens d'indiquer, et que c'était lui-même qui devait la proposer.
Après avoir entretenu l'Assemblée ae ce qui tient et à la composition de l'Ecole, et à l'instruction des élèves, je me permettrai d'ajouter ici une observation qui me paraît importante, puisqu'elle tend à entretenir parmi eux l'émulation aésirable.
Il avait été d'usage, jusqu'à ce moment, d'accorder aux élèves des prix qui consistaient en livres et en instruments de mathématiques, sur lesquels on inscrivait, ou on gravait, les noms des sujets qui les avaient obtenus. La valeur de ces prix se prenait sur la somme destinée en masse, aux dépenses de l'Ecole et aux gratifications et encouragements de tous les genres; mais cette somme a été depuis répartie en appointements fixes; et les 8,000 livres attribuées pour les dépenses particulières de ladite Ecole, paraissent devoir y suffire à peine. Je pense donc qu'il conviendrait que l'Assemblée nationale voulût bien se porter à destiner une somme particulière de 2,00(5 livres à l'achat de ces prix, qui s'est monté, jusqu'à présent, à 2,500 livres ; ce serait, ie le repète, un moyen certain d'augmenter l'émulation des élèves ; et en le proposant à l'Assemblée nationale, je me crois assuré de me conformer à ses intentions.
Il ne me reste plus actuellement à parler que de l'objet relatif à l'établissement formé, il y a quelques années, pour les ponts et chaussées.
L'Assemblée constituante, par l'article 11 delà première loi du 19 janvier dernier, avait ordonné que « l'administration centrale des ponts et chaussées donnerait son avis sur le logement convenable à l'établissement et à l'école des ponts et chaussées, pour y être statué par ladite Assemblée, sur le rapport de son comité des finances ».
J'ai donné cet avis, après avoir pris celui de l'assemblée des ponts et chaussées, et notamment celui de M. Perronet, qu'on peut regarder comme le fondateur de cette Ecole. Son opinion
3ui s'est trouvée, ainsi que celle de l'assemblée
es ponts et chaussées, favorable au maintien de cet établissement, ne pouvait être à cet égard que d'un très grand poids. Je l'avais moi-même visité dans le plus grand détail, et ses avantages m'avaient paru incontestables; quant aux inconvénients, ils m'avaient semblé bien légers et bien faciles à faire disparaître. J'avais donc cru devoir proposer de le conserver, et mon avis avait été unanimement adopté par le co-. mité des finances de l'Assemblée constituante.
Cette Assemblée, néanmoins, par l'article 11 de la loi du 18 août dernier, a ordonné que « l'établissement et l'Ecole des ponts et chaussées demeureraient provisoirement fixés rue Saint-Lazare, et cependant que l'administration centrale donnerait son avis sur les édifices nationaux qui pourraient convenir à cette destination et sur les dépenses que cette affectation exigerait. •
Cette vue infiniment sage m'a paru ne pouvoir être mieux remplie qu'en consultant, et la municipalité, et le directoire du département. Je joins ici les renseignements qui m'ont été fournis par ces deux corps administratifs, et desquels il résulte que, sur 18 édifices qui, par leur position, paraissaient pouvoir convenir plus ou moins pour l'objet dont il s'agit, il n'en est aucun qui remplisse les différentes conditions à exiger, et surtout celle de l'économie : il est facile, en effet, de reconnaître que toute
maison nationale qui se trouvera plus au centre de Paris que l'établissement déjà formé rue Saint-Lazare, sera par cela même d'une valeur considérable, dont il faudra que la nation fasse le sacrifice, en y plaçant les ponts et chaussées.
Il n'est d'ailleurs aucune de ces maisons à laquelle il n'y eût à faire de grands changements dans les distributions, pour la rendre propre à l'usage de l'Ecole, et surtout pour y placer la galerie des plans et modèles, ainsi que la bibliothèque;enfin, il faudrait nécessairement faire entrer dans le calcul des frais de ce nouvel établissement, tout ce qu'il en coûterait pour indemniser le propriétaire; il a construit ces bâtiments en vertu d'un contrat qui lui en assure la location pour 18 années, dont les 4 premières ne sont pas encore expirées, et il aurait droit à un dédommagement d'autant plus considérable, que très certainement, à raison des circonstances, les loyers se trouvent infiniment diminués depuis l'époque de la passation de ce bail.
Toutes ces différentes considérations portent à croire que l'Assemblée nationale jugera devoir confirmer définitivement l'établissement dont il s'agit, dans le lieu où il est fixé depuis plusieurs années.
Je puis assurer de nouveau qu'il s'y trouve avantageusement placé, et mon opinion sur cette question est, je le répète, entièrement conforme à celle de M. Perronet, qui était fait pour en juger mieux que personne.
Tels sont tous les objets relatifs à l'Ecole nationale et gratuite des ponts et chaussées, sur lesquels il reste à prononcer, et que je supplie l'Assemblée de vouloir bien prendre en considération, le plus promptement qu'il sera possible.
PANOPTIQUE.
Mémoire sur un nouveau principe pour construire des maisons d'inspection et nommément des maisons de force,par Jérémie Bentham (l). (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale (2).
Messieurs, si l'on trouvait un moyen de se rendre maître de tout ce qui peut arriver à un certain nombre d'hommes, de disposer tout ce qui les environne, de manière à opérer sur eux 1 impression que l'on veut produire, de s'assurer de leurs actions, de leurs liaisons, de toutes les circonstances de leur vie, en sorte que rien ne peut échappèr ni contrarier l'effet désiré, on ne peut pas douter qu'un moyen de cette espèce ne fût un instrument très énergique et très utile que les gouvernements pourraient appliquer à différents objets de la plus haute importance.
L'éducation, par exemple, n'est que le résultat de toutes les circonstances auxquelles un enfant est exposé. Veiller à l'éducation d'un homme, c'est veiller à toutes ses actions ; c'est le placer dans une position où l'on puisse influer sur lui comme on le veut, par le choix des objets dont on l'entoure et des idées qu'on lui fait naître.
Mais comment un homme seul peut-il suffire à veiller parfaitement sur un grand nombre d'individus? Comment même un grand nombre d'in^ dividus pourraient-il veille parfaitement sur un seul ? Si l'on admet, comme il le faut bien, une succession de personnes qui se relayent, il n'y a
§lus d'unité dans leurs instructions, ni de suite ans leurs méthodes.
On conviendra donc facilement qu'une idée aussi utile que neuve serait celle qui donnerait à un seul homme un pouvoir de surveillance qui, jusqu'à présent, a surpassé les forces réunies d un grand nombre.
C'est là le problème que croit avoir résolu M. Bentham, par l'application soutenue d'un principe bien simple. — De tant d'établissements auxquels ce principe pourrait être appliqué avec plus ou moins d'avantages, les maisons ae force lui ont paru mériter de fixer d'abord les regards du législateur. Importance, variété et difficulté, voilà les raisons de cette préférence. Pour faire l'application successive du même principe, à tous ces autres établissements, on n'aurait qu'à dépouiller celui-ci de quelques-unes des précautions qu'il exige.
Introduire une réforme complète dans les prisons, s'assurer de la bonne conduite actuelle et de l'amendement des prisonniers, fixer la santé, la propreté, l'ordre, l'industrie dans ces demeures jusqu'à présent infectées de corruption morale et pnysique, fortifier la sécurité puDlique en diminuant la dépense au lieu de l'augmenter, et tout cela par une simple idée d'architecture, tel est l'objet de son ouvrage.
L'extrait que nous allons soumettre à vos lumières est tiré de l'original anglais qui n'a point encore été rendu public, et suffira pour faire juger de la nature et de l'efficacite des moyens qu'on y emploie.
Que doit être une prison ? Un séjour où l'on prive de leur liberté des individus qui en ont abusé, pour prévenir de nouveaux crimes de leur part, et pour en détourner les autres par la terreur de l'exemple. C'est, de plus, une maison de correction où 1 on doit se proposer de réformer les mœurs des personnes détenues, afin que leur retour à la liberté ne soit pas un malheur, ni pour la société, ni pour eux-mêmes.
Les plus grandes rigueurs des prisons, les fers, les cachots, ne sont employés gue pour s'assurer des prisonniers. Quant à la réformation, on l'a généralement négligée, soit par une indifférence barbare, soit parce qu'on a aésespéré d'y réussir. Quelques essais de ce genre n'ont pas été heureux. Quelques projets ont été abandonnés parce qu'ils demandaient des avances considérables. Les prisons, jusqu'à présent, ont été un séjour infect et horrible, école de tous les crimes et entassement de toutes les misères, que l'on ne pouvait visiter qu'en tremblant, parce qu'un acte d'humanité était quelquefois nourri par la mort, et dont les iniquités seraient encore consommées dans un profond mystère, si le généreux Howard, qui est mort martyr après avoir vécu en apôtre, n'avait réveillé l'attention publique sur le sort de ces malheureux dévoués à tous les genres de corruption par l'insouciance des gouvernements.
Gomment établir un nouvel ordre de choses ? Gomment s'assurer, en l'établissant, qu'il ne dégénérera pas?
L'inspection : voilà le principe unique, et pour établir l'ordre et pour le conserver; mais une inspection d'un genre nouveau, qui frappe l'imagination plutôt que les sens, qui mette des centaines d'hommes dans la dépendance d'un seul, en donnant à ce seul homme une sorte de présence universelle dans l'enceinte de son domaine.
PREMIÈRE PARTIE.
Construction du panoptique.
Une maison de pénitence sur le plan que l'on vous propose serait un bâtiment circulaire ; ou plutôt ce seraient deux bâtiments emboîtés l'un dans l'autre. Les appartements des prisonniers formeraient le bâtiment de la circonférence sur une hauteur de 6 étages : on peut se les représenter comme des cellules ouvertes du côté intérieur, parce qu'un grillage de fer, peu massif, les expose en entier à la vue. Une galerie à chaque étage établit la communication ; chaque cellule a une porte qui s'ouvre sur cette galerie.
Une tour occupe le centre : c'est l'habitation des inspecteurs; mais la tour n'est divisée qu'en trois étages, parce qu'ils sont disposés de manière que chacun domine en plein deux étages de cellules. La tour d'inspection est aussi environnée d'une galerie couverte d'une jalousie transparente, qui permet aux regards de l'inspecteur de plonger dans les cellules, et qui l'empêche d'être vu, en sorte que, d'un coup d'œil, il voit le tiers de ses prisonniers, et qu'en se mouvant dans un petit espace, il peut les voir tous dans une minute. Mais mt-il absent, l'opinion de sa présence est aussi efficace que sa présence même.
Des tubes de fer-blanc correspondent depuis la tour d'inspection à chaque cellule, en sorte que l'inspecteur, sans aucun effort de voix, sans se déplacer, peut avertir les prisonniers, diriger leurs travaux, et leur faire sentir sa surveillance. Entre la tour et les cellules, il doit y avoir un espace vide, un puits annulaire qui ôte aux prisonniers tout moyen de faire des entreprises contre les inspecteurs.
L'ensemble de cet édifice est comme une ruche dont chaque cellule est visible d'un point central. L'inspecteur, invisible lui-même, règne comme un esprit, mais cet esprit peut, au besoin, donner immédiatement la preuve d'une présence réelle.
Cette maison de pénitence serait appelée tique, pour exprimer d'un seul mot son avantage essentiel, la faculté de voir (Fun coup d'œil tout ce qui s'y passe.
Avantages essentiels du panoptique.
L'avantage fondamental du panoptique est si évident qu on est en danger de 1 obscurcir en voulant le prouver. Etre incessamment sous les yeux d'un inspecteur, c'est perdre en effet la puissance de faire le mal, et presque la pensée ae le vouloir.
Un des grands avantages collatéraux de ce plan, c'est de mettre les sous-inspecteurs, les subalternes de tout genre, sous la mè ne inspection que les prisonniers : il ne peut rien se passer entre eux qui ne soit vu par l'inspecteur
en chef. Dans les prisons ordinaires, un prisonnier vexé par ses gardiens n'a aucun moyen d'en appeler à l'humanité de ses supérieurs; s'il est négligé ou opprimé, il faut qu'il souffre; mais dans le panoptique, l'œil du maître est partout; il ne peut y avoir de tyrannie subalterne, de vexations secrètes. Les prisonniers, de leur côté, ne peuvent point insulter ni offenser les gardiens. Les fautes réciproques sont prévenues, et, dans la même proportion, les châtiments deviennent rares.
Ce n'est pas tout : le principe panoptique facilite extrêmement le devoir des inspecteurs d'un ordre supérieur, des magistrats, des juges. Dans l'état actuel des prisons, ils ne s'acquittent qu'avec une grande répugnance d'une fonction si contrastante avec la propreté, le goût, l'élégance de la vie ordinaire. Dans les meilleurs plans formés jusqu'à présent, où les prisonniers sont distribués dans un grand nombre d'appartements, il faut qu'un magistrat se les fasse ouvrir l'un après l'autre, qu'il se mette en contact avec chaque habitant, qu'il leur répète lés mêmes questions, qu'il passe les journées pour voir superficiellement quelques centaines de prisonniers ; mais dans le panoptique, il n'est pas besoin de lui ouvrir les loges, elles sont toutes ouvertes sous ses yeux.
Une cause de répugnance bien naturelle pour la visite des prisons, c'est l'infection, la fétidité de ces demeures ; en sorte que plus il serait nécessaire de les visiter, plus on les fuit ; plus elles sont funestes à leurs habitants, moins il y a d'espérance pour eui d'obtenir du soulagement; au lieu que dans une maison de pénitence construite sur ce principe, il n'y a plus ni dégoût ni danger. D'où pourrait naître l'infection? Gomment pourrait-elle durer ? On verra dans la suite qu'on peut y établir une proprété aussi grande que dans les vaisseaux au capitaine Gook ou dans les maisons hollandaises.
Observez encore que, dans les autres prisons, la visite d'un magistrat fût-elle inattendue, fût-il aussi prompt que possible dans ses mouvements, on a toujours le loisir de dissimuler le véritable état des choses. Pendant qu'il examine une partie, on arrange l'autre ; on a le temps de prévenir, de menacer les prisonniers et de leur dicter les réponses qu'ils doivent faire. Dans le panoptique, au moment où un magistrat fait son entrée, la scène entière est déployée à ses regards.
Il y aura, d'ailleurs, des curieux, des voyageurs, des amis ou des parents des prisonniers, des connaissances de l'inspecteur et des autres officiers de la prison qui, tous animés de motifs différents, viendront ajouter à la force du principe salutaire de l'inspection, et surveilleront les chefs comme les chefs surveillent tous leurs subalternes. Ce grand comité du public perfectionnera tous les établissements qui seront soumis à sa vigilance et à sa pénétration.
Détails sur le panoptique.
L'ouvrage anglais entre dans tous les détails nécessaires pour la construction du panoptique. L'auteur s'est livré à des recherches infinies sur tous les degrés de perfectionnement qu'on pouvait donner à un édifice de ce genre, il a consulté des architectes; il a profité de toutes les expériences des hôpitaux; il n'a rien négligé pour adapter à son plan les inventions les plus récentes, indépendamment de ce que l'unité du
panoptique et sa forme particulière ont donné lieu a des développements tout nouveaux de plusieurs principes d'architecture et d'économie. Mais cette partie de l'ouvrage, qui forme un volume, n'est pas susceptible d'un extrait suivi. Ce n'est point sur ces détails qu'on doit juger le plan du panoptique. Si l'on approuve le principe fondamental, on sera bientôt d'accord sur les moyens d'exécution.
Nous tirerons pourtant de ce volume quelques observations détachées qui aident à sentir toute l'utilité qu'on peut retirer de ce nouveau système.
Le premier objet est la sécurité du bâtiment contre les entreprises intérieures et contre les attaques hostiles du dehors. La sécurité du dedans est parfaitement établie, soit par le principe même de l'inspection, soit par la forme des cellules, soit par l'isolement de la tour des inspecteurs, soit par rétrécissement des passages, et mille précautions absolument nouvelles qui doivent ôter aux prisonniers la pensée même d'une révolte et d'un projet d'évasion. On ne forme point de desseins quand on voit l'impossibilité de les exécuter; les hommes se rangent naturellement à leur situation, et une soumission forcée amène peu à peu une obéissance machinale.
La sécurité du dehors est établie par un genre de fortification qui donne à cette place toute la force qu'elle doit avoir contre une insurrection momentanée, contre un mouvement populaire ; sans en faire une forteresse dangereuse, elle peut résister à tout, excepté au canon. Les détails sont si nombreux qu'il faut nécessairement renvoyer à l'ouvrage original ; mais on doit remarquer ici une idee nouvelle. En face de l'entrée du panoptique, il y aura dans la longueur du grand chemin, un mur de protection pour servir d'abri à tous ceux qui, dans un moment où la prison serait attaquee, voudraient passer, sans se mêler de cette nostilité ; en sorte qu'on ne risquerait plus, en défendant la maison, de faire un carnage inconsidéré, de punir l'innocent avec le coupable, parce qu'il n'y aurait que des malintentionnés qui franchiraient l'avenue séparée du public par ce mur de protection.
Au reste, on répète que cette prison ne sera jamais attaquée, précisément parce qu'on ne peut pas espérer de réussir dans l'attaque. L'humanité veut qu'on prévienne ces attentats en les rendant impraticables ; la cruauté est unie à l'imprudence quand on fait les instruments de la justice assez faibles en apparence pour inviter les destructeurs à une audace criminelle.
Le plan de la chapelle ne peut être bien saisi gue par une longue description. Il suffit de dire ici que la tour même des inspecteurs subissant, le dimanche, une métamorphose par l'ouverture des galeries, devient une chapelle où le public est reçu, et que les prisonniers, sans sortir de leurs cellules sont à portée de voir et d'entendre le prêtre qui officie.
L'auteur répond à une objection qu'on lui a faite, c'est qu en exposant alors les prisonniers aux regards de tout le monde, on les endurcissait à la honte, et qu'ainsi 1 on nuirait au but de la réformation morale
Cette objection peut n'être pas aussi forte qu'elle le paraît d'abord ; parce que l'attention des spectateurs, divisée entre tous les prisonniers, ne s'attache individuellement sur aucun, et que ceux-ci, renfermés dans leurs cellules, à une certaine distance, songeront plus au spectacle qu'ils auront sous les yeux, qu'à celui dont ils seront eux-mêmes les objets. Mais, d'ailleurs,
rien n'est plus facile que de leur donner un masque. Le crime abstrait sera exposé à la honte, tandis que le criminel sera épargné. Par rapport aux prisonniers, l'humiliation n'aura plus sa pointe déchirante : par rapport aux spectateurs, l'impression d'un tel spectacle sera phu tôt fortifiée qu'affaiblie. Une scène de cette nature, sans lui donner des couleurs trop noires, est telle en elle-même, qu'elle frapperait l'imagination, et qu'elle servirait puissamment au grand objet de l'exemple. Ce serait un théâtre moral dont les représentations imprimeraient la terreur du crime.
Il est bien singulier que la plus horrible des institutions présente à cet égard im modèle excellent. L'inquisition, avec ses processions solennelles, ses nabits emblématiques, ses décorations effrayantes, avait trouvé le vrai secret d'ébranler l'imagination et de parler à l'âme. Dans un bon comité de lois penales, le personnage le plus essentiel est celui qui est chargé de combiner l'effet théâtral.
Pour revenir au panoptique, on ne doit pas oublier que c'est là la seule occasion où les prisonniers auront à rencontrer les yeux du public. En tout autre temps, les visiteurs seront invisibles comme les inspecteurs, et ainsi on ne doit pas craindre que les prisonniers s'accoutument à braver les regards et deviennent insensibles à la honte.
Une chapelle publique est de la plus grande importance dans une maison de pénitence destinée à l'exemple : c'est, de plus, un moyen infaillible d'assurer l'observation de tous les règlements relatifs à la propreté, à la santé et a la bonne administration du panoptique.
Le choix des matériaux, dans la construction, est tel qu'il donne la plus grande sécurité contre le danger d'un incendie : le fer, partout où il peut entrer; point de bois; le plancher des cellules, s'il est de pierre ou de brique, doit être recouvert de plâtre, parce que n'ayant point d'interstices, u ne recèle ni immondices ni levains de maladies, et que, d'ailleurs, il est incombustible.
Howard ne sachant comment se déterminer dans le choix des inconvénients, ne veut point de fenêtres dans les cellules, parce que la perspective de la campagne détourne les prisonniers au travail, il ne laisse qu'une ouverture, en haut, inaccessible à leur vue, avec un contrevent de bois pour écarter la neige et la pluie. Il ne leur donne point de feu, à cause des dangers auxquels on exposerait la prison, et croit pourvoir à la différence des saisons par la différence des habits.
Dans le panoptique, on multiplie les fenêtres, parce qu'avec tant de précautions, on ne craint pas l'évasion des prisonniers, et que si même ils s'évadaient sous les yeux de leurs inspecteurs, ils auraient encore a franchir au dehors une roule d'obstacles très puissants. La multiplication des fenêtres n'est pas seulement un soulagement nécessaire à la captivité, c'est encore un moyen de santé et d'industrie, puisqu'il est bien des genres de travaux pour lesquels il faut beaucoup de lumière, et qu'on est forcé d'abandonner si l'on ne peut pas se soustraire aux variations du temps, que 1 on éprouve nécessairement sous une ouverture pratiquée au haut d'une cellule.
Oter à un homme sa liberté, ce n'est point le condamner à souffrir le froid ni à respirer un air fétide. Les poêles employés pour rechauffer
les prisons auraient plusieurs inconvénients, indiqués dans l'ouvrage anglais. Mais l'on peut, avec une dépense médiocre, faire passer dans les cellules des tubes qui soient des conducteurs de chaleur et qui servent en même temps au renouvellement de l'air. Cette précaution, dictée par l'humanité, est conforme à l'économie, parce que les prisonniers pourront continuer leurs travaux sans interruption.
D'autres tubes peuvent distribuer l'eau dans toutes les cellulés. On épargnera beaucoup d'emplois laborieux pour le service domestique, et les prisonniers ne seront pas exposés à souffrir par la négligence ou la malice cPun gardien.
Nous terminerons ici l'extrait de ces observations générales sur la construction du panop-tique. Il faudrait tout traduire pour montrer que l'attention de l'auteur s'est étendue à une foule d'objets négligés ou impossibles à remplir dans les prisons ordinaires.
Le grand problème est de donner à l'application du principe panoptique le degré de perfection dont elle est susceptible. Pour cela, il faut faire en sorte qu'elle puisse s'étendre à chaque individu parmi les prisonniers, à chaque instant de sa vie et, par conséquent, a chaque portion de l'espace qui le renferme. Ce problème exige une grande variété de solutions, et l'auteur les a données toutes. Cette partie concerne principalement les architectes; mais ce qui est entièrement du ressort des législateurs, c'est l'administration intérieure d'une telle maison. C'est le sujet de la seconde partie de ce mémoire.
SECONDE PARTIE.
De Vadministration du panoptique.
L'administration des maisons de pénitence est un des objets sur lesquels il est le plus difficile de réunir les opinions, parce que chaque homme, selon la différence de ses dispositions, prescrit différentes mesures de sévérité ou d'indulgence. Quelques-uns oublient qu'un prisonnier enfermé pour ses fautes est un être sensible; d'autres ne songent plus que son état est une punition ; les uns voudraient lui ôter toutes les petites jouissances qui peuvent adoucir sa misère, tandis que les autres crient à l'inhumanité sur tous les points de cette discipline pénitentielle.
Je vais poser quelques principes fondamentaux qui, malheureusement dans l'application, laissent encore un champ trop vaste à l'incertitude et aux opinions contraires, mais qui ont du moins l'avantage d'éclaircir la question et de mettre les personnes qui disputent à portée de s'entendre.
Il faut, avant tout, rappeler sommairement les objets qu'on doit se proposer dans toute institution de ce genre : détourner de l'imitation des crimes par l'exemple de la peine, prévenir les offenses des prisonniers pendant leur captivité, maintenir la décence parmi eux, conserver leur santé et la propreté qui en fait partie, empêcher leur évasion, leur ménager des moyens de subsistance pour le temps de leur élargissement, leur donner les instructions nécessaires, les plier à des habitudes vertueuses, les préserver de tout mauvais traitement illégitime, leur procurer le bien-être dont leur état est susceptible, sans aller contre le but de la punition, et, enfin obtenir tout cela par des moyens économiques, par
une administration intéressée au succès, par des règles de subordination intérieure qui mettent tous les employés sous la main du chef et le chef lui-même sous l'oeil du public, tels sont les divers objets qu'on doit se proposer dans l'établissement d'une prison.
Les plans pèchent tous par un excès de sévérité, ou par un excès d'indulgence, ou par une exagération dans les frais, qui a tout fait échouer. Les trois règles subséquentes seront d'un grand usage pour éviter ces différentes erreurs.
Règle de douceur.
La condition ordinaire d'un prisonnier condamné à un travail forcé pour un temps long, ne doit pas être accompagnée de souffrances corporelles, préjudiciables ou dangereuses à sa santé ou à sa vie.
Règle de sévérité.
Sauf les égards dus à la vie, à la santé et au bien-é^re physique, un prisonnier subissant ce genre de peine pour des offenses! qui ne sont guère commises que par des individus de la classe la plus pauvre, on ne doit pas rendre sa condition meilleure que celle des individus de cette même classe qui vivent dans un état d'innocence ou de liberté.
Règle d'économie.
Sauf ce qui est dû à la vie, à la santé, au bien-être physique, à l'instruction nécessaire, aux ressources futures des prisonniers, l'économie doit être une considération de premier ordre, dans tout ce qui concerne l'administration. On ne doit admettre aucune dépense publique, on ne doit rejeter aucun profit, par des motifs de sévérité ou d'indulgence.
La règle de douceur est fondée sur des raisons de la plus grande force. Les rigueurs qui affectent la vie et la santé des prisonniers, renfermés dans le secret d'une prison, sont en pure perte pour le principal objet des peines légales, qui est l'exemple. D'ailleurs, comme ces rigueurs se prolongent pendant une longue période, l'emprisonnement devient une peine plus rigoureuse que d'autres peines qui, dans l'intention de la loi, doivent être plus sévères. Ainsi, par un renversement de justice, des hommes moins coupables que d'autres se trouvent condamnés à une plus grande punition. Enfin, comme ces rigueurs abrègent la vie, elles sont équivalentes à une peine capitale, quoiqu'elles n'en portent pas le nom. Si donc le pouvoir expose la vie des prisonniers par des sévérités que le législateur n autorise pas, il commet un véritable homicide ; mais, si le législateur autorise ces sévérités, il en résulte qu'il ne condamne pas un homme à mort, et que pourtant il le fait mourir, non pas par un supplice d'un instant, mais par un supplice horrible qui dure quelquefois plusieurs années. Il en résulte encore que ces prisonniers ne sont point punis relativement à l'énormité de leurs offenses, mais relativement à leur force plus ou moins grande, à leurs facultés de résister plus ou moins aux rigueurs de leur traitement.
La règle de sévérité n'est pas moins essen-
tielle; un emprisonnement qui offrirait à des coupables une situation meilleure que leur condition ordinaire dans l'état d'innocence, serait une tentation pour des hommes faibles et malheureux, ou du moins elle n'aurait pas ce caractère de peine qui doit effrayer celui qui est tenté de commettre un crime.
La règle d'économie, toujours importante en elle-même, l'est beaucoup plus dans un système où l'on a voulu lever la principale objection qu'on a faite contre la réforme des prisons; savoir, l'excessive dépense ; il fallait montrer que le système actuel réunissait à tous ces avantages celui d'une économie supérieure.
Mais comment s'assurer de féconomie? Par les mêmes moyens qui la font régner dans un atelier, dans une manufacture. Les établissements publics sont sujets à être négligés ou volés. Les établissements particuliers prospèrent sous la garde de l'intérêt personnel : il faut donc confier a la vigilance de l'intérêt personnel l'économie des maisons de pénitence. Cet article est essentiel, et demande une explication détaillée. On ne peut choisir qu'entre deux espèces d'administration : administration par contrat, ou administration de confiance. L'administration, par contrat est celle d'un homme qui traite avec le gouvernement, qui se charge des prisonniers à tant par tête, et qui applique leur temps et leur industrie à son pront personnel, comme fait un maître avec les apprentis. L'administration de confiance est celle d'un seul individu, ou d'un comité, qui soutiennent les frais de l'établissement aux dépens du public, et qui rendent au Trésor public les produits du travail des prisonniers.
Pour se déterminer dans le chôix de ces deux moyens, il suffirait, ce semble, de poser les questions suivantes ; De qui doit-on espérer plus de zèle et de vigilance à la tète d'un établissement de cette nature? Est-ce de celui qui a beaucoup d'intérêt dans son succès ou de celui qui n'en a que peu? Est-ce de celui qui partage les pertes comme les profits ou de celui qui a les profits sans les pertes? Est-ce de celui dont les gains seront toujours proportionnés à sa bonne conduite, ou ae celui qui est toujours sûr du même émolument, soit qu il administre bien ou mal.
L'économie a deux grands ennemis, le péculat et la négligence. Une administration de confiance est exposée à l'un et à l'autre ; mais une administration par contrat rend la négligence improbable, et le péculat impossible.
On ne dit pas que des administrateurs désintéressés ne rempliraient jamais bien les devoirs de ces places ; l'amour du pouvoir, de la nouveauté, de la réputation, l'esprit public, la bienveillance, sont des motifs qui peuvent nourrir leur zèle, et leur inspirer de la vigilance. Mais l'entrepreneur par contrat ne peut-il pas aussi être animé par ces différents principes? Le poids d'un nouveau motif détruirait-il l'influence des autres? L'amour du pouvoir est sujet à sommeiller; l'intérêt pécuniaire ne s'endort jamais. L'esprit public se ralentit, la nouveauté s'efface ; mais l'intérêt pécuniaire devient plus ardent avec l'âge.
Accordons que les administrateurs désintéressés ne sé rendront jamais coupables ni de péculat, ni de grossière négligence. Pourront-ils tendre tous les ressorts de l'économie et du travail au même point qu'un homme intéressé personnellement dans le succès de ses soins? Bon et mauvais sont des termes de comparaison. Que
votre administration vous paraisse florissante et productive, vous ne pouvez pourtant pas savoir quelle épithète elle mérite, jusqu'à ce que vous layez vue dans des mains intéressées; c'est là son vrai critérium. Elle peut être bonne en comparaison de ce qu'elle a été, quoiqu'elle soit mauvaise en comparaison de ce qu'elle peut devenir.
Ce n'est pas tout; les administrateurs désintéressés, c'est-à-dire n'ayant point, comme l'entrepreneur, les profits ae la maison, jouissent cependant d'un salaire, qu'ils fassent leur devoir ou ne le fasse pas. Or, un salaire est un très grand motif pour prendre une place, mais ce n'est point un motif pour en remplir assidûment les fonctions : au contraire, il affaiblit la liaison qui doit exister entre l'intérêt et le devoir. Plus cé salaire est considérable, plus il met un homme au-dessus de sa place? plus il le jette au milieu du monde et des plaisirs, plus il le dégoûte d'une attention qui lui paraît servile et minutieuse ; et si le salaire est assez grand, le fonctionnaire public cherche d'abord un commis, un député qui fait tout l'ouvrage, en sorte que ce n'est plus ce que vous donnez au chef, mais ce que le chef donne à son subdélégué, qui fait aller le travail. Le salaire même, en proportion de sa grandeur, a une tendance funeste à ne laisser le choix pour les places, qu'entre les hommes les plus incapables. Les places richement dotées sont la proie des intrigants accrédités : les enfants gâtés ae la fortune, qui sont, non pas les courtisans, mais les pages des ministres et de chaque ministre, dont le mérite est dans leur opulence, pendant que leur titre est dans leurs besoins, et dont 1 orgueil est au-dessus de l'application des affaires, autant que leurs talents sont au-dessous.
On trouvera sans doute des administrateurs qui voudront servir sans intérêt, pour l'honneur et le bien public ; mais quoiqu'ils puissent faire mieux que ceux qui auraient un salaire, ils feront moins bien qu'un entrepreneur. Aimer le pouvoir et l'autorité d'une place, ce n'est pas toujours en aimer la fatigue et les embarras ; et même aimer les fonctions pendant qu'elles ont le vernis de la nouveauté, n est pas une caution qu'on les aimera quand la nouveauté sera usée. D'ailleurs, où le zèle de l'intérêt n'est pas, il peut toujours manquer beaucoup à l'activité de l'in-dutries.
Mais la grande objection contre les administrateurs gratuits, c est que plus un homme est assuré d'obtenir la confiance, moins il fait d'efforts pour la mériter. La jalousie est l'âme du gouvernement ; la transparence de l'administration, si je puis parler ainsi, est la seule sécurité durable ; mais la transparence même ne suffit pas, s'il n'y a pas des observateurs curieux pour tout examiner avec attention. Voyez l'entrepreneur par contrat, chacun l'épie avec une jalouse défiance; chacun le regarde comme un agent suspect, qu'il faut veiller de près, de peur qu'il ne tyrannise les prisonniers, et ne les opprime. Toutes ses fautes seraient exagérées ; tous ses torts seraient mis dans le plus grand jour ; mais l'administrateur gratuit, charmé de sa propre générosité, attend de tout le monde une estime presque aveugle, une déférence presque illimitée.Il semble que du haut de ses vertus, il dise au public ce qu'un homme comme lui sert sons
« intérét,qui méprise l'argent, a droit à la con-
« flance, aux égards : qu'on l'ffonserait par des
« soupçons ; et que s'il daigne rendre ses comptes ,
« c'est un œuvre surérogatoire qu'il ne doit qu'à
« son honneur. » Le public est du même avis ; et si quelqu'un ose relever les abus, lès négligences, les vexations même de cette administration généreuse, il n'y a qu'un cri d'indignation contre lui.
Quant aux inconvénients d'une administration confiée à plusieurs personnes, ils sont connus de tous ceux qui ont un peu d'expérience. La multiplicité des gérants détruit l'unité du plan, cause une fluctuation perpétuelle dans les mesures, amène la discorde, et après une lutte longue et pénible entre les associés, le plus fort ou le plus opiniâtre demeure maître du champ de bataille. Si le pouvoir est susceptible,de partage, les administrateurs s'arrangent pour être absolus chacun dans son département. Comme la nature répare les fautes d'un médecin, un contrat tacite corrige ainsi le vice de la loi dans un comité d'administration,
Après tout ce)a, le public, qui toujours épris de la vertu et de la générosité en théorie, aimerait mieux perdre 50,000 livres par négligence, que d'en voir gagner mille à un homme par pé-culat, ne manquera pas de crier que le plan de . mettre les prisonniers entre les 'mains 4 un entrepreneur, est un plan inhumain,, une usure barbare, qu'on expose ces malheureux à tous les mauvais traitements qui peuvent résulter de la cupidité de leur maître, intéressé à leur donner une mauvaise nourriture et à leur imposer un excès de travail. Voilà ce qu'on dira sans examen.
Avec ce beau langage d'humanité, les prisonniers ont. été, jusqu à présent, .les plus malheureux des êtres : c est qu'on se borne à faire des règlements, et que les règlements seront toujours vains, jusqu'à ce qu'on ait trouvé le moyen d'identifier l'intérêt des prisonniers et de leur gouverneur. On ne peut y réussir que par une administration par entreprise.
Les assurances sur la,vie des hommes sont une belle invention qu'on pieut appliquer à un grand nombre d'usages, mais surtout dans le ,ças où il s'agit de lier rintérêt d'un homme à la conservation de plusieurs.
Supposons trois cents prisonniers , et que d'après le calcul moyen des âges, en y faisant entrer les circonstances particulières des habitants d'une prison, on suppute, par exemple, qu'il en mourra un sur vingt chaque année; donnez à l'entrepreneur dix livres sterling pour tout homme qui doit mourir ; c'est-à-dire, dans la supposition actuelle, 150 livres, sterling ; mais à condition qu'à la fin de l'année «il vous paiera dix livres sterling pour tout individu qu'il aura perdu, soit par la mort, soit par une évasion, vous pouvez même doubler cette somme pour augmenter l'influence de son intérêt; et s'il se trouve plus riche à la fin de l'année, s'il fait, en quelque sorte, une économie de la vie humaine, quel argent pouvez-vous moins regretter que celui par lequel vous aurez acheté la conservation et le bien-être de plusieurs hommes.
Je ne me fie pas, dit l'auteur, à ce moyen seul, quelle mie soit son énergie réelle, fondée sur un intérêt ïacile à calculer La publicité est la meilleure de toutes les cautions. Cette prison bâtie sur le principe panoptique est transparente, ouverte a tout le monde ; il suffit, en quelque manière, d'un coup d'oeil pour la voir tout entière. Chacun peut juger par soi-même si l'entrepreneur remplit les conditions de sa place, et il n'a point de faveur à espérer, parce que le public, toujours plus enclin à la pitié qu à la rigueur, se fera beaucoup plus de mérite d'écouter les plaintes des
prisonniers, que les raisons de l'entrepreneur.
Pour augmenter la force de cette sanction, il sera tenu ae publier tous ses comptes, tous les procédés, tous les détails de son gouvernement, toute l'histoire, en un mot, de sa prison : ce compte sera rendu sous serment, et soumis a un examen contradictoire.
Mais, afin d'écarter tout intérêt pécuniaire qui pourrait l'engager â dissimuler, il faut que sa place lui soit assurée pour sa vie, sous les réserves ordinaires de bonne conduite ; car il ne serait ni prudent ni juste de l'obliger à publier tous ces moyens de profit, et à en tirer parti contre lui ; soit pour augmenter le prix ae sa ferme, soit pour appeler d'autres concurrents.
Mais on voit bien que si les térmes de ces contrats sont d'abord desavantageux, ils deviendront meilleurs pour le gouvernement, à mesure que l'intérêt particulier aura perfectionné ces entreprises. On homme industrieux fera un gain légitime, et l'Etat en profitera dans tous les marchés subséquents.
Après avoir montré combien une administration par contrat promet plus de vigilance et d'économie que tout autre genre d'administration, je vais entrer dans l'examen des différents ohjets du gouvernement intérieur de ces asiles de pénitence.
Séparation des sexes.
Le moyen qui se présente d'abord pour effectuer cette séparation, c'est d'avoir deux panopti-ques ; mais la raison d'économie s'y oppose d'autant plus que dans le nombre total des prisonniers il n'y a pas un tiers de femmes, et qu'en faisant deux établissements pour les deux sexes, il y aura comparativement trop peu de sujets pour l'un et trop pour l'autre, sans qu'on puisse verser le superflu de manière à établir le niveau entre les deux.
On peut voir en détail dans l'ouvrage anglais, dont ce mémoire n'est que l'analyse, comment on peut sauver cette difficulté dans le panoptique, en disposant d'un côté les cellules des hommes, et de l'autre les cellules des femmes, et comment on peut prévenir par des précautions de structure, d'inspection et de discipline, tout ce qui pourrait alarmer la décence.
Séparation en classes et en compagnies.
La plus grande difficulté jusqu'à présent a été celle de distribuer les prisonniers dans l'intérieur des prisons. Le mode le plus ordinaire, et cependant le plus vicieux à tous égards, c'est de les confondre tous ensemble, de mettre les jeunes avec les vieux, les voleurs avec les assassins, les débiteurs avèc les criminels, et de les jeter dans une prison comme dans un cloaque, où ce qui n'est corrompu qu'à demi est bientôt attaqué d'une corruption totale, et où la fétidité de rair est moins nuisible à leur santé que l'infection morale est dangereuse à leur caîur.
On comprend d'abord que le bruit» l'agitation, le tumulte et toutes les scènes qu'offre sans cesse l'intérieur d'une prison, où les prisonniers sont entassés, ne laissent aucun intervalle où la réflexion puisse travailler, où le repentir puisse germer et fructifier. Un autre effet non moins frappant d'une telle association, c'est d'endurcir les hommes contre la honte. La honte est la crainte du blâme de ceux avec qui nous vivons : mais le crime peut-il être blâmé parmi des cri-
minels ? Qui d'entre eux se condamnera lui- ! même? Qui ne cherchera pas à se faire des amis plutôt que des ennemis parmi ceux avec lesquels il est forcé de vivre ? Le monde qui nous environne est celui dont l'opinion nous sert de règle et de principe. Des hommes séquestrés de cette façon font un public àjpart; leur langage et leurs mœurs s'assimilent. Il se fait insensiblement, par un consentement tacite, une loi locale, qui a pour auteurs les plus abandonnés des hommes : car, dans une telle, société, les plus dépravés sont les plus audacieux, et les plus méchants en imposent à tous les autres. Ce public ainsi composé appelle de la condamnation du public extérieur, et casse sa sentence. Plus ce peuple, enfermé dans cette, enceinte, est nombreux,, plus les clameurs sont bruyantes, plus il est aisé de noyer dans le tumulte le faible murmure de la conscience, le souvenir de cette opinion publique, que l'on n'entend plus, et le désir de regagner l'estime des hommes que l'on ne voit plus.
Le mode le plus opposé à celui-là, c'est de confiner les prisonniers dans une solitude absolue, pour les sepàrer entièrement de la contagion mor raie, et les livrer à la réflexion et au repentir ; mais le bon et judicieux Howard, qui a accumulé tant d'observations sur les prisonniers, avait bien vu que la solitude absolue,, qui produit d'abord un effet salutaire, perd assez promptement son efficacité, et fait tomber un malheureux captif dans le désespoir, la folie ou l'insensibilité. En effet, quel autre résultat peut-on attendre quand on laisse une âme vide, pendant des mois et des années, se tourmenter elle-même? C'est donc une pénitence qui peut être utile pendant quelques jours pour dompter un esprit de rebeliiôn ; mais il ne iaut pas le prolonger. Le quinquina et l'antimoine ne doivent pas être employés comme des aliments ordinaires.
La solitude absolue, si contraire à la justice et à l'humanité,; quand on en fait un état permanent, est encpre heureusement combattue par les plus grandes raisons d'économie ; elle exige une dépense énorme en bâtiments ; elle double les frais pour éclairer, conserver la propreté et renouveler l'air; elle resserre le choix des travaux, en limitant trop l'étendue des cellules, et en excluant les professions qui exigent la réunion fie deux ou trois ouvriers. Elle nuit encore à l'industrie, soit parce qu'il n'y a plus moyen de donner des apprentis à des ouvriers expérimentés, soit parce que l'abattement de la solitude détruit l'activité et l'émulation, qui se développent dans un travail fait en compagnie.
Le troisième système consiste à agrandir les cellules, et à leur donner assez de capacité pour recevoir deux, trois et même quatre prisonniers, en les assortissant, comme je le dirai bientôt, de la manière la plus convenable pour les caractères et les âges.
La construction même du panoptique donne tant de sécurité contre les révoltes et les complots entre les prisonniers, qu'on ne doit pas craindre leur reunion en petites compagnies, parce qu'il n'y a rien pour faciliter leur évasion et qu'il y a beaucoup ae moyens combinés pour la rendre impossible.
On dira plutôt que cette société ne sera qu'une école de crimes où les moins pervers seront perfectionnés dans l'art de la scélératesse, par ceux qui en ont une longue expérieace.
Mais on peut prévenir cet inconvénient en distinguant les prisonniers en différentes classes suivant leur âge, le degré de leur crime, la per-
versité qu'ils montrent, leur application et les marques de leur repentir. L'inspecteur doit être bien peu intelligent et bien inattentif, s'il ne connaît pas en peu de temps le caractère de ses prisonniers, assez du moins pour les assortir de manière qu'il résulte de leur: société un frein mutuel, un motif de subordination et d'industrie.
Il ne faut pas s'eij laisser imposer par les mots. Tous ceux qui sont enfermés sont coupables; ils rie sont pas tous pervertis. Le libertinage, par exemple, n'est pas la même chose que la violence ; ceux dont les offenses Consistent dans des actes d'une timide iniquité, comme les voleurs et les _ filoiis, sont plus à redouter en qualité de corrup-teurs et de donneurs de leçons, qu'en qualité d'hommes"dangereux pour la sûrete de la prison et l'audacè de leurs, entreprises. Ceux qui se sont abandonnés une fois au crime par la tentation de la pauvreté et de l'exemple, sont bien faciles à distinguer dés Scélérats endurcis. L'ivrognerie, source d'un si grand nombre de délits, ne peut pas être ériseignée dans une maison de pénitence où il n'y a aucun moyen de s'enivrer.
Indépendamment de ces différences essentielles, on reconnaîtra bientôt ceux qui ont une disposition plus marquée à se réformer, à contracter de nouvelles habitudes, et toutes ces observations serviront à former les assortiments de cellules et les compagnies de prisonniers.
Après cette précaution fondamentale, qu'a-t-on à craindre ? le libertinage ? Mais ,le principe de l'inspection le rend impossible. Les emportements, les querelles ? Mais l'œil qui voit tout, en aperçoit les premiers mouvements, et sépare d abord les caractères inconciliables. Le corrupteur, dira-Ml. qu'il n'y a point de danger dans lè crime? La preuve du contraire est dans la situation même. Fera-t-il une peinture attrayante de ses plaisirs? Mais ce plaisir est éteint, la punition qui est comme sortie de ses cendres, est présente à la pensée par le souvenir du passé, par la souffrance actuelle, par la perspective Je l'avenir. Dira-tril qu'il n'y a point de honte dans le crime ? Mais ils sont plongés dans l'humiliation, et chacun n'a que deux ou trois compagnons pour appui.
Un sujet.de conversation plus naturel et plus consolant, l'amélioration de leur état présent et futur. Comment s'y prendront-ils pour tirer plus de parti de leur ouvrage? que feront-ils de ce qu'ils gagnent, à présent qirils ne peuvent que travailler et que toute dissipation est impossible? Quel usage feront-ils de leur liberté quand leur terme sera fini, et à quoi pourront-ils appliquer leur industrie? Ceux qui auront accumulé des profits, donneront de l'émulation aux autres. Comme c'est l'intérêt du moment qui les avait fait tomber dans le crime, l'intérêt du moment les ramène à une bonne conduite. Une réformation mutuelle est du moins aussi probable qu'une corruption progressive.
Les petites associations sont favorables à l'amitié qui est la sœur des vertus. Un attachement durable et honnête sera souvent le fruit d'une société si intime et si longue.
Chaque cellule est une île : les habitants sont des matelots infortunés ; jetés dans cette terre isolée par un naufrage commun, ils sont redevables l'un à l'autre de tous les plaisirs que peut donner la société ; adoucissement nécessaire, saris lequel leur condition, qui n'est ; que triste, deviendrait affreuse. , .
S'il y a parmi eux des hommes violents et colères, on les livre à la solitude absolue, jusqu'à
ce qu'ils aient appris à en connaître la valeur.
Voilà donc un ronds de liaisons qu'on leur pré-8are pour le temps où on les rendra au monde.n les prévient ainsi d'un des plus grands inconvénients qui accompagnent les emprisonnements dans les maisons ae pénitence, car le malheur de n'avoir plus d'amis dans leur état de liberté, les replonge presque toujours dans les excès de leur première vie. Mais en quittant l'école de l'adversité,- ils seront l'un à l'autre comme d'anciens camarades qui ont fait ensemble leurs classes.
En admettant la distribution des prisonniers par petites compagnies formées d'après des convenances morales, il faut prendre garde à ne jamais se départir de ce principe et à ne permettre, eri aucune occasion, une société générale et confuse qui pourrait détruire tout le bien qu'on aurait fait. L'ouvrage anglais renferme de grands détails sur un plan pour faire promener les prisonniers, sans rompre les divisions par compagnie, mais ce plan n'est qu'un accessoire au projet, puisqu'il ne serait nécessaire que dans le cas où leurs travaux ne leur donneraient pas assez d'exercice.
Des travaux.
Passons à l'emploi du temps, objet d'une importance infinie, soit par des raisons d'économie, soit par des principes de justice et d'humanité, pour adoucir le sort actuel des malheureux, et pour leur préparer les moyens de vivre honnêtement du fruit de leur travail.
Il n'y a nulle raison de prescrire à l'entrepreneur l'éspèce dé travaux auxquels il doit occuper ses prisonniers, parce que son intérêt lui découvrira bien quels sont les plus lucratifs. Si le législateur se met à réglementer, il se trompera toujours ; s'il ordonne des travaux peu profitables, ses règlements sont pernicieux; mais les travaux avantageux cette année, ne le seront peut-être plus l'année prochaine ; rien n'est plus absurde que de régler par des lois l'industrie qui varie sans cesse, et l'intérêt qui épie essentiellement les besoins.
Une faute qu'on doit relever, parce qu'elle est commune, c'est d'imaginer que 1 on doit condamner les prisonniers à de certains travaux rudes et pénibles, souvent à pure perte, uniquement pour les fatiguer. Howard pane d'un geôlier qui avait entassé des pierres à une extrémité de la prison, et qui ordonnait aux prisonniers de les transporter à l'autre extrémité ; puis il fallait les reporter à leurpremièré place, et ainsi de suite. Quand on lui demanda l'objet de cette belle industrie, il répondit que c'était pour faire enrager tous ces drôles.
C'est une imprudence bien funeste que de rendre le travail odieux, d'en faire un épouvantait pour les criminels, et de lui imprimer une espèce de flétrissure. L'effroi d'une prison ne doit point porter sur l'idée du travail : mais sur la sévérité de la discipline, sur un uniforme humiliant, sur une nourriture grossière, sur la perte de la liberté. L'occupation, au lieu d'être le fléau du prisonnier, doit lui être accordée comme sa consolation et son plaisir. Elle est douce en elle-même en comparaison d'une oisiveté forcée, et son produit lui donnera une double saveur. Le travail, le père de la richesse: le travail, le plus grand des biens ; pourquoi le peindre comme une malédiction? Le travail forcé n'est point fait pour lés pri-
sons; si vous avez besoin de produire de grands efforts, vous le ferez par des récompenses et non par des peines. La contrainte et la servitude n'avanceront jamais dans la carrière aussi loin que l'émulation et la liberté. Comment feriez-vous porter à un prisonnier le fardeau dont un fort ae la halle se charge avec plaisir pour 20 sous? Il feindrait de succomber sous le poids; comment découvririez-vous la fraude? Peut-être même succomberait-il en effet; car la force du corps est en raison de la bonne volonté ; or, quand elle n'a point d'énergie, les muscles n'ont point dé ressort.
Le travail doit durer toute la journée, excepté l'intervalle des repas, mais il est convenable que différents travaux se succèdent, qu'il y en ait de sédentaires et de laborieux, auxquels on applique les hommes tour à tour, parce qu'une occupation constamment sédentaire ou constamment laborieuse, surtout dans un état de captivité, produirait une mélancolie sombre ou ruinerait la santé : mais l'alternative de l'un à l'autre remplit le double objet du délassement et de l'exercice. Le mélange des occupations est donc une heureuse idée pour l'économie des maisons de pénitence.
De la diète.
On doit relever deux erreurs principales sur la nourriture des prisonniers. La plupart ont cru devoir en limiter la quantité et donner des mesures fixes ; mais c'est un véritable acte d'inhumanité pour tous ceux à qui cette ration ne suffit pas; c'est une punition bien inégale; elle ne se proportionne point au degré du délit, mais à la force ou à la faiblesse d'un homme, et bien cruelle ; ce n'est point une injustice d'un jour ou d'un mois, mais de plusieurs années. Si la faim d'un malheureux n'est pas apaisée après son repas, elle ne diminuera pas sans doute dans l'intervalle. Il éprouvera donc un malaise perpétuel, une langueur qui minera peu à peu ses forces. C'est une véritable torture, avec cette seule différence que, dans ce cas, la torture est appliquée à l'intérieur de l'estomac, au lieu de l'être aux bras et aux jambes.
Pourquoi n'a-t-on pas encore dit nettement qu'on devait nourrir un prisonnier selon la mesure de son appétit? N'est-ce pas là l'idée la plus simple et le premier vœu de la justice?
La seconde erreur dans laquelle on est tombé ar une bonté irréfléchie, c'est de proposer de a variété dans les aliments des prisonniers, au point que quelques réformateurs, et entre autres le bon Howard, plus indulgent pour les autres que pour lui-même, ont demandé qu'on leur donnât de la viande au moins deux fois par semaine, sans penser que la plupart des habitants de la Campagne, et beaucoup dans les villes, ne peuvent pas se procurer ce premier objet de luxe. Faut-il réaliser pour ceux qui ont perdu la liberté par des crimes, ce vœu d Henri IV, qui n'est encore qu'une espérance éloignée pour tant de vertueux cultivateurs.
La nourriture des prisonniers doit être la plus commune et la moins chère que le pays peut fournir, parce qu'ils ne doivent pas être mieux traités que la classe pauvre et laborieuse; nul mélange, car il n'est pas nécessaire d'aiguiser leur appétit; de l'eau, pour toute boisson, jamais de liqueur fermentée, du pain, si le pain est la nourriture la plus économique ; mais c'est une manufacture, et la terre nous fournit des aliments
très abondants et très sains, qui n'ont pas besoin d'être manufacturés. La race des Irlandais qui ne mangent que des pommes de terre, est-elle faible et dégénérée? Le montagnard écossais qui ne se nourrit que de farine d'avoine, est-il timide à la guerre ?
Au reste, on doit laisseT à chaque prisonnier la liberté d'acheter des aliments plus variés et plus succulents, avec le produit de son travail, car c'est la meilleure spéculation, même pour l'économie, que d'exciter l'industrie par Une récompense, et d'attribuer à chacun d'eux une certaine proportion de ses profits, mais la récompense, pour avoir toute son énergie, doit s'offrir sous la forme d'une gratification actuelle, et l'on ne peut rien imaginer de plus innocent, ni de plus propre à opérer sur cette classe d'hommes, qu une jouissance de cette nature qui flatte eii même temps le goût et la vanité. Cependant on doit toujours excepter les liqueurs fermentées, parce qu'il est impossible de tolérer un usage modère, sans courir le hasard des excès, vu que le breuvage, qui ne produit point d'effet sensible sur un homme, suffit pour faire perdre la raison à un autre. Cette règle n'est point trop sévère, puisqu'il y a un grand nombre de pauvres industrieux et honnêtes qui ne peuvent jamais se donner cette indulgence.
De l'habillement.
Il faut consulter l'économie en tout ce qui n'est
Eas contraire à la santé et à la bienséance. L'ha-
illement, pour répondre au grand obiet de l'exemple, doit porter quelque marque d'humiliation. La plus simple et la plus utile serait de faire les manches de Fhabit et de la chemise d'une longueur inégale pour les deux bras. Ce serait une sûreté de plus contre l'évasion, et un •moyen de reconnaître un homme échappé, car, après un certain temps, il y aurait une différence sensible de couleur entre le bras couvert et le bras nu.
De la propreté et de la santé.
Les détails sur ce sujet ne sont pas nobles en eux-mêmes; mais ils sont annoblis par la fin qu'on se propose.
L'admission d'un prisonnier dans sa cellule doit être précédée d'une ablution complète. Il serait même convenable qu'on mît à cette admission quelque cérémonie, solennelle, comme une prière, une musique grave, un appareil qui fit impression sur des âmes grossières. Combien les discours sont faibles en comparaison de ce qui frappe l'imagination par les sens.
Le prisonnier doit avoir un habit grossier, mais olanc et sans teinture, afin qu'il ne puisse contracter aucune malpropreté qui ne se montre d'abord ; ses cheveux doivent être rasés ou coupés courts. L'usage des bains doit être régulier. Il ne faut tolérer aucune espèce de tabac ni aucune coutume contraire à la pratique des maisons les plus propres. On fixera les jours où il faut renouveler le linge.
Toute cette délicatesse n'est pas nécessaire à la santé ; mais comme une prison a été presque partout un séjour d'horreur, il vaut mieux prendre des précautions extraordinaires que d'en négliger aucune. Pour redresser un arc, dit le proverbe, il faut le tendre en sens contraire.
Cette partie du régime a même un objet supérieur entre la délicatesse physique et morale.
On a observé une liaison, qui est l'ouvrage de. l'imagination - mais qui n'en est pas moins réelle. Howard et d'autres l'ont remarqué. Les soins de propreté sont un stimulant contre la paresse ; us accoutument à la circonspection et apprennent à porter, jusque dans les petites choses, le respect de la décence. La parole morale et physique ont un langage commun. On ne peut ni inculper, ni louer l'une de ces vertus, sans qu'une partie de la louange ne réfléchisse sur l'autre. On sait combien de fondateurs de religion ont mis d'importance à cet objet ; avec quels soins ils ont prescrit tout ce qui concerne les ablutions. Ceux qui ne croient pas à l'efficacité spirituelle de ces rites sacrés, ne nieront pas leur influence corporelle. L'ablution est un type, puisse-t-elle être une prophétie l. Que n'est-il aussi aisé de purifier l'âme de nos prisonniers que leur corps !
L'exercice en plein air est un préservatif pour la santé ; mais il faut que cet exercice soit soumis, comme tout le réste, à la loi inviolable de l'inspection, qu'il ne soit point incompatible avec la loi de séparation ou de formation en petites sociétés que l'on aura jugé convenable, qu'il soit favorable â l'économie, c'est-à-dire productif, s'il est possible, et appliqué à quelque travail utile. L'ouvrage anglais renferme beaucoup de détails, d'où il résulte que l'auteur donne la préférence à l'usage des grandes roues qui sont mises en mouvement par le poids d'un ou de plusieurs hommes, et qui donnent une force qu'on peut employer à volonté pour mille objets mécaniques. On peut les proportionner : aux forces de chaque individu. Un prisonnier paresseux ne peut pas tromper l'inspecteur. Un inspecteur ne peut pas en faire un usage tyran-nique contre ses prisonniers. Il n'a rien de dur et d'inhumain, ce n'est qu'une manière différente de monter une colline. L'effet est produit par le seul poids du corps qui s'applique successivement à différents points. G est d'ailleurs un travail compatible avec le plan de séparation, et même avec celui d'une solitude absolue. On peut y employer les femmes mêmes, et il n'est rien ae plus facile que de distribuer les tours «dès prisonniers, de manière à leur donner deux fois par jour un exercice qui n'en sera pas moins bon pour la santé, parce qu'il aura de plus un objet économique et Utile.
Ces précautions sont plutôt des vues susceptibles d'être perfectionnées par des ordres péremptoires.
On ne veut pas fixer non plus la distribution du temps, qui peut varier selon diverses circonstances ; mais on doit avoir pour principe d'éviter toute oisiveté dans un régime qui a pour objet la réformation des mœurs, et ce serait une grande faute que de donner aux prisonniers plus de 7 ou 8 heures pour leur sommeil. La coutume oiseuse de rester dans le lit quand on est éveillé, est aussi contraire à la constitution du corps qu'elle affaiblit, qu'à celle de l'âme, où l'indolence et la mollesse fomentent tous les germes de la corruption. Les longues soirées d'hiver doivent avoir leurs occupations réglées, et quand on pourrait supposer que leur travail ne vaudrait pas la dépense des lumières,
11 y aurait encore des raisons d'humanité et de sagesse plus fortes que celles de l'économie, pour ne pas condamner tous Ces malheureux à
12 ou 15 heures de langueur et d'obscurité. Rien n'est si facile que de placer des lumières hors des cellules, de manière à éviter
tout danger de négligence ou de malice, et même à maintenir pendant la nuit la principale force du principe de l'inspection.
De l'instruction et de Vemploi du dimanche.
Chaque maison de pénitence doit être une école; c'est d'abord une nécessité pour les jeunes gens qu'elle renferme, puisque bet âge tendre n'est point exempt des crimes qui conduis sent à ce genre de peine ; mais pourquoi refuserait-on le bienfait de l'instruction à des hommes ignorants qui peuvent devenir des membres utiles de la société, par une éducation nouvelle ? La lecture, l'écriture, l'arithmétique peuvent convenir à tous. Si quelques-uns d'entre eux ont les semences de quelque talent particulier, on peut les cultiver'et en tirer un parti avantageux. Le dessin est une branche lucrative d'industrie et sert à plusieurs arts. La musique pourrait avoir une utilité spéciale en attirant' un plus grand concours à là chapelle. Si le chef d'une telle maison joignait à uné idée juste de son intérêt une certaine mesuré d'ardeur et d'intelligence,, il trouverait bien son compte à développer leurs différentes capacités, et ne pourrait faire son bien particulier sans faire encore plus le leur. Il n'y a point de maître qui ait un si grand intérêt aux progrès de ses dis-; çiples puisqu'ils sont ses apprentis et ses ouvriers.
Le dimanche nous offre un espace vacant à remplir; la suspension des travaux mécaniques amène naturellement l'enseignement moral et religieux, selon la destination de ce jour; mais comme on: ne peut pas employer le jour entier à ces instructions qui deviendraient, par leur longueur, inutiles et monotones, il faut les varier par des leçons différentes, auxquelles on peut donner encore un objet moral et religieux par le choix des ouvrages sur lesquels on les exerce à lire, à copier, à dessiner; et le calcul même peut donner une double instruction en offrant a résoudre des questions qui développent les produits du commerce, de 1 agriculture, de l'industrie et du travail.
On renvoie à l'ouvrage anglais, pour la manière, de placer les prisonniers sur un amphithéâtre découvert pendant ce£ exercices, sans abandonner le principe de l'inspection et de la séparation, et sans compromettre la sûreté des maîtres.
Des châtiments.
Il y a des offenses commises dans la prison même, il doit donc y avoir des châtiments. On peut en augmenter le nombre sans en augmenter la sévérité ; oh peut les diversifier avec avantage, en les adressant à la nature du cas.
Un mode d'analogie, c'est de diriger la peine contre la faculté dont on a abusé. Un autre mode, c'est de tout arranger de façon que la peine sorte, pour ainsi dire, de la faute elle-même. Ainsi des clameurs outrageuses peuvent être domptées et punies par lè bâillon; des coups, des violences par la veste étroite que l'on met aux fous; le refus du travail par le refus de la nourriture, jusqu'à ce que la tâché soit faite. On sent ici l'avantage de ne pas condamner habituellement les prisonniers à une solitude absolue; c'est un instrument utile de discipline que l'on aurait perdu, et qui est un moyen de contrainte d'autant plus précieux, qu'on ne peut pas en abuser, et qu il n'est pas contraire à la santé
comme les châtiments corporels. Mais on ne doit donnèr au gouverneur que le pouvoir de' condamner les prisonniers à la solitude; les autres châtiments ne doivent être administrés qu'en présence èt sous l'autorité de quelques magistrats.
C'est ici que la loi de la responsabilité mutuelle peut se montrer dans tout son avantage. Renfermée d^ns les bornes de chaque cellule, elle ne peut jamais dépasser les limites de Ta plus étroite justice : dénoncez le mal ou souffrez comme complice. Quel artifice peut éluder une loi si inexorable? Quelle conspiration peut tenir contre elle? Le reproche qui, dans toutes lés prisons, s'attache avec tant ae virulence au caractère de dénonciateur, h,é trouverait point ici de base/où il pût se prendre. Nul n'a droit de seplaindré de ce qu'un autre fait pour sa propre Conservation. Vous me reprochez ma méchanceté, répondait l'accusateur, mais que dois-je penser de la vôtre, vous qui savez bien que je serai puni pour votre fait, et qui voulez me faire souffrir pour votre plaisir f Ainsi, dans ce plan, autant de camarades, autant d'inspecteurs, les personnes mêmes qu'il faut garder se gardent mutuellement et contribuent à la sécurité générale. Observez encore ici un autre avantage des divisions par petites compagnies; car, dans toutes les prisons, la société des prisonniers est une source continuelle de fautes ; dans les cellules des panoptiques, la société est une caution de plus de leur bonne conduite.
Couverte de la rouille de l'antiquité, la loi de la responsabilité mutuelle a captivé, depuis 'des siècles, radmiration des Anglais. Les familles étant réparties par dizaines, chacune répondait pour toutes les autres. Quel est pourtant le résultat de cette loi célèbre ? Neufs innocents punis pour un coupable. Pour imprimer à cette responsabilité l'équité qui la caractérise dans le panoptique, que faudrait-il ? Donner de la transparence aux murs et aux forêts et condenser toute une ville dans un espace de deux toisés.'
Provision pour les prisonniers libérés.
On a tout lieu de penser qu'après un cours de quelques années, peut-être même de quelques mois seulement d'une éducatioil si stricte;, les prisonniers accoutumés au travail, instruits dans la morale et la religion, ayant perdu leurs habitudes vicieuses par l'impuissance de s'y livrer seront devenus des hommes nouveaux. Il y aurait cependant une grande imprudence à les jeter dans le monde sans gardiens et sans secours, à l'époque de leur émancipation, où l'on peut les comparer à des enfants longtemps gênés, qui viennent d'échapper à la surveillance de leurs maîtres.
On ne doit mettre un prisonnier en liberté, que lorsqu'il peut remplir l'une ou l'autre de cès conditions : d'abord, si les préjugés ne s'y opposent pas, il peut entrer dans le sèrvice de terre ou dans le service de mer ; il est tellement accoutumé à l'obéissance, qu'il deviendrait sans peine un très bon soldat. Si l'on craint que de telles recrues ne fussent une tache pour le service, on ne fait guère attention à l'espèce d'hommés dont les recruteurs remplissent les armées;
Dans le cas où une nation forme des colonies, les prisonniers seraient préparés par leur genre d'éducation à devenir des sujets plus utiles pour ces sociétés naissantes que les malfaiteurs qu'on y envoie. Mais on ne forcerait pas le prisonnier qui aurait achevé son temps de captivité à
s'expatrier ; on lui en donnerait seulement le choix et les moyens.
Un autre mode pour eux de rentrer dans leur liberté, ce serait de trouver un homme responsable, qui voulût devenir leur caution pour une certaine somme, en renouvelant cette caution toutes les années, et en s'engageant, s'il ne la renouvelait pas, à représenter la personne elle-même,
Ceux des prisonniers qui auraient des parents, des amis, ceux qui se seraient fait une réputation de sagesse, a'industrie et d'honnêteté dans leurs années d'épreuve n'auraient point de peine à trouver "line caution ; car, quoiqu'on ne prenne pas pour le service domestique des personnes d'un caractère entaché, cependant il est mille travàux pour lesquels on n a pas les mêmes scrupules, et l'on pourrait encourager les cautionnements de plusieurs manières.
La plus simple de toutes serait de donner à la personne qui se rendrait caution le pouvoir de iaire un contrat à long terme, avec le prisonnier libre, semblable à celui d'un maître avec un apprenti, en sorte qu'il aurait le pouvoir de , le reprendre s'il venait à s'échapper, et d'obtenir des dédommagements Contre ceux qui juraient voulu le séduire et l'engager à leur service.
Cette condition, qui paraît dure au premier coup d'oeil pour le prisonnier libéré, est dans le fait un avantage pour lui, car elle lui assure le choix entre un plus grand nombre de compétiteurs qui rechercheront le privilège d'avoir des ouvriers dont ils peuvent être sûrs.
On n'entre point dans l'examen des précautions nécessaires pour s'assurer de la validité des cautionnements. La meilleure serait de rendre le gouverneur de la prison responsable pour la moitié de la caution, dans le cas où elle aurait manqué, parce qu'alors il serait intéressé à bien connaître ceux avec lesquels il passerait ces transactions juridiques.
Mais examinons à présent le cas qui doit sou-? vent arriver, où un prisonnier n'aurait ni amis, ni parents, ne trouverait point de caution, ne serait reçu ni à s'enrôler, ni à passer dans une colonie. Faut-il l'abandonner au hasard et le relaneer dans la société? Non, sans doute; ce serait l'exposer au malheur ou au crime. Faut-il le retenir dans les mêmes liens d'une discipline sévère? Non, ce serait prolonger son châtiment au delà du terme fixé par la loi.
On doit avoir un établissement subsidiaire; fondé sur le même principe, un panoptique dans lequel on laissera régner plus de liberté, où il n'y aura plus de marque humiliante, où on admettra le mariage, ou les habitants traiteront pour leurs travaux à peu près sur le même pied que les ouvriers ordinaires* où l'on peut, en un mot, répandre autant de bien-être et de liberté que cela peut être compatible avec les principes de la sûreté, de la bienséance et de la sobriété. Ce sera un couvent soumis à des règles fixes, avec cette différence qu'il n'y aura point de vœu ; les personnes recluses pourront sortir dès qu'elles trouveront une caution, ou rempliront les conditions de l'élargissement.
On fera une objection : « Le panoptique sub-o sidiaire est un réceptacle des manufacturiers « qui travaillent en certain nombre sous un toit « commun, et l'expérience a prouvé que de tels « réceptacles étaient une pépinière de vices. Les « seules manufactures qui ne ruinent pas les « mœurs, sont celles où les ouvriers sont épars,
« celles qui, comme l'agriculture, couvrent toute « la surface d'un pays, ou celles qui se renfer-« ment dans l'intérieur des familles où chaque « homme peut travailler au milieu des siens, « dans le sein de l'innocence et de la retraite. »
Cette observation est fondée, mais elle ne va point contre ce plan, il y a une grande différence entre une manufacture ordinaire et celle qu'on établirait dans un panoptique. Dans quelle maison publique ou privée peut-on trouver une pareille sécurité pour la chastelé du célibat, pour la fidélité du mariage, et pour la suppression de l'ivrognerie, habitude meurtrière qui causé ant dé misère et de désordres? j
Ces précautions pour les prisonniers, à l'époque de leur élargissement, sont ce qu'elles doivent être pour leur ôtér la tentation et la facilité de retomber dans le crime. On a beaucoup admiré l'idée de donner à ceux qui sont élargis une provision en argent, afin qu'un besoin immédiat ne les jetât pas dans le désespoir, mais une telle ressource n'est,que momentanée; elle peut même devenir un piège pour des hommes qui ont si peu de mesure et de prévoyance ; et, après une jouissance passagère, d'autant plus irrésistible que les privations ont été plus longues, l'argent est perdu, la pauvreté reste, et les séductions les environnent.
Cet exposé, qui rie renferme que les principales idées ae l'auteur, suffit pour apprécier ce qui est annoncé au commencement ae ce mémoire.
' Une simple idée nouvelle en architécture.
Et l'on obtient pour résultat une réforme vraiment essentielle dans les prisons ; on s'assure de la bonne conduite actuelle et de la réformation futurë des prisonniers. On augmente la sécurité publique en faisant une économie pour l'État.; On cree un nouvel instrument de gouvernement par lequel uu homme seul se trouve revêtu d'un pouvoir très grand pour faire le bien, et nul pour faire le mal.
Le principe panoptique peùt s'adapter avec succès à tous les établissements où l'on doit réunir l'inspection et l'économie ; il n'est pas nécessairement lié avec dès idées de rigueur; on peut supprimer les grilles de fer; on peut avoir des communications ; on peut rendre l'inspection commode et non gênante. Une maison a'industrie, Une manufacture bâtie sur ce plan, donne à un seul homme la facilité de diriger les travaux d'un grand nombre, et les divers appartements jjouvant être ouverts ou fermés, permettent différentes applications du principe. Un hôpital panoptique ne pourrait admettre aucun abus de négligence ni dans la propreté, ni dans le renouvellement de l'air, ni dans l'administration des remèdes ; une plus grande division d'appartements servirait à mieux séparer les maladies, les tubes de fer-blanc donneraient aux malades une communication continuelle avec leurs gardiens ; un vitrage en dedans, au lieu de grilles, laisserait à leur choix le degré de température ; un rideau pourrait les soustraire à tous les regards. Enfin, ce principe peut s'appliquer heureusement à des écoles, a des casernes, à tous les emplois où un homme seul est chargé du soin de plusieurs au moyen d'un panoptiquè, la prudence intéressée d'un seul individu est un meilleur gage de succès que ne le serait, dans tout autre système, la probité d'un grand nombre.
PANOI
ÉTABLISSEMENT proposé pour garder des prisonniers avec plus de sûreté et d'économie, et pour opérei
et de pourvoir à leur subsistanct
PRINCIPES caractéristiques du
panoptique.
Présence universelle et constante du directeur de l'établissement.
Effet immédiat de ce principe sur tous les membres de l'établissement; conviction qu'ils vivent ou qu'ils agissent incessamment sous l'inspection parfaite d'un homme intéressé à toute leur conduite.
Gouverneur muni d'un pouvoir jusqu'à présent inconnu par l'effet de ce principe panoptique, et rendu, par la constitution même de l'établissement, intéressé au plus haut degré imaginable à la bonne conduite et à la réformation de ceux qui lui sont soumis.
Facilité donnée au législateur, à la nation en général, et à chaque individu en particulier de s'assurer a chaque instant de la perfection du plan et de son exécution.
SURE-GARDE.
Bâtiment circulaire ou polygone.
Cellules à la circonférence pour les prisonniers.
Loges d'inspecteur au centre, où chaque visiteur peut être admis sans aucun dérangement.
4
la loge de l'inspecteur, pour les
Galeries immédiatement autour de sous-inspecteurs et les domestiques.
5
Cloisons extérieures des cellules fermées par la muraille du bâtiment. Cloisons intérieures par un grillage de fer, pour que rien n'échappe à l'inspecteur. Divisions entre les cellules par un mur de briques qui intercepte la communication entre elles.
Jalousies aux fenêtres de la loge et des galeries, afin que les prison niers, ne pouvant voir ce qui se passe à l'intérieur, n'aient aucun moyen de s'assurer qu'on ne les regarde pas.
Patrouilles et réverbères dirigés vers les cellules pour donner à la nuit la sécurité du jour.
8
Espace vide entre les cellules et la loge d'inspection, du haut en bas; recouvert eu haut, d'un vitrage, et creuse en bas de manière à prévenir toute communication.
Passages et escaliers en petit nombre, étroits et consistant en grillages en fer, pour prévenir les réunions et ne pas nuire à l'inspection.
10
Nul accès vers les prisonniers que par la loge de l'inspecteur.
11
Fossé circulaire à l'extérieur du bâtiment, pour rendre la fuite encore plus impraticable.
12
Espace vide au delà du fossé pour divers usages, entouré d'un mur quadrangulaire.
13
Palissade, au delà du mur, que personne ne peut franchir sans se rendre coupable.
14
Deux corps de garde, à deux angles, apposés entre le mur et la palissade.
15
Une seule avenue formée par deux murs qui viennent en angle droit du grand chemin, aboutir au front du bâtiment, en sorte que personne ne puisse approcher sans être observé.
16
Portes grillées de fer à l'entrée de l'avenue, au travers desquelles on peut faire feu sur des agresseurs malintentionnés.
17
En face de cette porte, dans la direction du grand chemin, un mur assez long pour protéger les passants paisibles dans un moment de tumulte.
SANTÉ ET PROPRETÉ.
Moyens de ventilation perfe lionnés: 1°par l'espace circulai: intérieur qui s'ouvre par le hau 2° par la structure des cellule ayant des fenêtres sur le deho et un grillage de fer dans l'int rieur; 3° par des poêles pour l'I ver, construits de manière à r nouveler l'air continuellement.
2
Tuyaux pratiqués dans chaq muraille entre deux cellules, s le principe anglais, pour évit toutes les odeurs et toutes 1 malpropretés.
Réservoir d'eau autour du soi met du bâtiment, et tubes qui conduisent dans chaque cellul
Plancher de pierre ou de stu de manière qu'il n'y ait poi d'interstice pour recéier des m tières putrides ou des malpi prêtés.
Chambre séparée où tous 1 prisonniers sont visités ava leur réception.
Alternative des travaux séde taires et actifs, ceux-ci en pif air.
Liqueurs fermentées absol ment défendues, tabac interi sous toutes les formes.
Cheveux coupés courts, bai fréquents, habits sans teintu et fréquemment lavés.
Santé et propreté assurés p le séjour du chirurgien, du gc verneur et des employés resj raut le même air que les p sonniers,par l'admission contin des visiteurs et par le concou public à la chapelle.
10
Attention du gouverneur inl ressé à la conservation des p sonniers, par la constitution l'établissement qui l'oblige payer pour leur mort.
TIQUE.
en même temps leur réformation morale avec des moyens nouveaux de s'assurer de leur bonne conduite après leur élargissement.
ÉCONOMIE.
RÉFORMATION.
Cellules remplissant chacune les diverses fonctions de dortoir, réfectoire, atelier, et occasionnellement de cachot, d'infirmerie, de chapelle, et de division pour séparer les deux sexes ; établissements nécessaires pour parvenir à un bon ordre dans tout autre bâtiment que les panoptiques.
La grande épaisseur des murailles et autres dépenses de fer, mesures nécessaires jusqu'à présent dans les prisons, rendues inutiles par l'impossibilité de tenter une brèche sans être vu.
Administration déléguée au gouverneur, avec une modique somme pour l'entre-tion de chaque prisonnier, vu que leur travaii lui appartient en propre.; comptes rendus publics pour servir à régler le prix des entreprises subséquentes, sans gêner le premier entrepreneur dans ses différentes tentatives pour augmenter son profit.
Nombre des officiers et sous-inspec-teurs réduit à un point étonnant par la perfection du principe panoptique, et aidé par différentes inventions de détail, comme : 1° des tubes ou porte-voix en fer blanc, traversant de la loge de l'ins; pection dans chaque cellule ; 2° des tubes qui conduisent i'eau partout ; 3° les portes des cellules que l'inspecteur ouvre sans sortir de la loge d'inspection, etc.
Industrie augmentée par le mélange des travaux sédentaires et laborieux et par les précautions prises contre les excès de la température, de sorte que toute la journée est occupée, excepté les heures du sommeil et du repos.
Nourriture quoiqu'illimitée pour la quantité, toujours la plus économique et sans variété.
Les offenses com munes dans toutes les prisons, prévenues par le principe panoptique.
Soins religieux rendus coûtants, par le séjour d'un ecclésiastique. aux yeux duquel ils sont toujours soumis.
PRÉCAUTIONS touchant l'élargissement des prisonniers.
Permission d'entrer au service militaire, où la discipline suffit pour assurer leur bonne conduite.
Permission de s'engager au service d'un particulier, qui donnera caution de la bonne conduite du prisonnier ou de son renvoi.
Longue habitude d'obéissance, de tempérance, de tranquillité, de proprete et d'industrie, contractée sous le régime du principe panoptique .
Responsabilité mutuelle entre les habitants d'une même cellule.
Bons effets de l'amitié qui doit résulter de cette associa tion prolongée.
Influence de la propreté habituelle sur le moral.
Dim anche consacré à toute espèce d'instruction qui n'est pas contraire aux usages religieux.
Encouragements donnés aux maîtres, pour les prendre à leur service, tels que le droit de traiter avec eux comme avec des apprentis.
RESTRICTIONS contre
l'intérêt personnel
du gouverneur.
Obligation du gouverneur de publier tous les détails de son administration.
Obligation de recevoir tous les visiteurs,un certain nom bre à la fois.
AUTRES USAGES du
principe panoptique.
Responsabilité du gouverneur, pour la moitié de la caution, dans le cas où elle manquerait.
Permission donnée au gouverneur d'établir lui-même un panoptique subsidiaire, pour prendre les prisonniers aux mêmes termes que d'autres maîtres.
Prolongation du séjour dans la même maison, faute d'autres établissements de charité pour ceux qui, par manque d'industrie ou de force, ne trouvent personne pour les prendre.
Obligation de donner, à des heures marquées, une quantité de nourriture selon le gré du prison nier.
Interdiction de tout châtiment, hormis la solitude, sans avoir au préalable l'avis de personnes désignées par la législature, pour les cas extraordinaires.
Toute autre restric tion serait souvent nuisible et sûrement superflue, par l'intérêt du gouverneur à la conservation de ses prisonniers, à cause de la somme qu'il doit payer à chaque mort.
Application de ce principe général, dans tous les cas où un grand nombre doivent être constamment sous l'inspection d'un petit, soit pour le simple renfermement des personnes accusées, soit pour la punition des coupables, soit pour réformer les ' méchants, soit pour forcer le travail des paresseux, soit pour faciliter le traitement des malades, soit pour rendre l'enseignement facile ou porter le pouvoir de l'éducation à un point jusqu'à présent inconcevable.
(Établissements auxquels il est conséquem-ment applicable :
1° Maisons de sûreté ;
2° Prisons ;
3® Maisons de correction ;
4® Maisons de travail ;
5° Hôpitaux;
6° Manufactures;
7® Ecoles.
Suffisance d'un seul homme de conflance, pour des établissements de quelque grandeur qu'ils soient.
TROISIÈME ANNEXE
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Projet de décret sur les assignats au-dessus de 5 livrest adressé à VAssemblée nationale,
le
Copie de la lettre écrite à M. le président de VAssemblée nationale, le
Monsieur le Président,
Je prends la liberté de vous faire passer, sous ce pli, mes idéès sûr l'importante question qui doit se discuter aujourd'hui au sein de l'Assemblée nationale, pour savoir s'il y aura des assignats au-dessous de 100 sols.
Je pense, en mon particulier, que non, pour le bien public ; et à cet effet je vous prie, Monsieur le Président, de vouloir bien avoir la bonté de les faire communiquer à l'Assemblée nationàle, afin qu'elle puisse en faire l'usage que sa sagesse pourra lui dicter; ou bien, si son temps ne lui permet pas de jeter un coup d'œil sur le projet ae décret ci-joint.
Quant à moi, j'ai rempli ma tâche comme simple citoyen ; je désire que mes faibles lumières puissent être de quelque utilité à la patrie, et je serai satisfait.
Je suis avec le plus profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur,
Constantini,
Négociant et député extraordinaire ae la ville de Bonifacio, en Corse.
projet de décret.
L'Assemblée nationale, considérant que la grande division des assignats et la tolérance accordée à des compagnies, de faire en leur propre et privé, nom, des subdivisions d'iceux en leurs papiers, a fait resserrer le numéraire d'une manière qui fait craindre qu'il ne soit mis de longtemps en circulation, a décrété ce qui suit ;
Art. 1er.
L'Assemblée nationale décrète que pendant la durée de la législature actuelle, il ne sera pas émis d'assignats au-dessous de 5 livres, et qu au fur et à mesure que ces billets seront brûlés, ils seront remplacés par des assignats de 25 livres.
Art. 2.
Fait expresses défenses à tout particulier, société quelconque et sections, de mettre en circulation aucune sorte de papier, sous peine, pour les contrevenants, d'être poursuivis comme îaux-monnayeurs.
Art. 3.
Fait également défense à qui que ce soit, et sous tel prétexte que ce puisse être, de délivrer du numéraire pour des assignats, à un taux plus bas que la valeur qui leur a été assignée par la loi constitutionnelle de l'Etat, sous peine de confiscation et de peine infamante, s'il y a lieu.
Art.4
Fait aussi défense, sous les mêmes peines, d'échanger des petits assignats contre des gros, pour un Bénéfice quelconque, voulant qu'ils aient le même cours que l'argent monnayé. ,
Art. 5.
Fait pareillement défense à tout marchand, banquier et à toute personne quelconque, de faire sortir le numéraire hors du royaume, sous tel; prétexte que ce soit, sous peine ae confiscation d'icelui et de bannissement.
Art. 6.
Fait également défense de transporter des lingots, tant d'or que d'argent, sous peine de confiscation d'iceux.
Art. 7.
L'Assemblée nationale fait pareillement défense de sortir toutes espèces de monnaies étrangères, tant en or que d'argent, qui se trouvent actuellement dans le royaume, sous peine de confiscation.
Art. 8.
Fait pareillement défense, sous peine de mort, à tous rondeurs et orfèvres, ainsi qu'à tout autre particulier, de fondre aucune éspèce de monnaie d'or et d'argent pour la mettre en lingots ou l'employer à d'autres usages quelconques, et charge, à cet effet, les corps administratifs d'y tenir la main.
Art. 9 et dernier.
L'Assemblée nationale décrète que le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi, pour après être renvoyé aux 83 départements pour être exécuté en tout et partout selon sa forme et teneur.
Constantini.
Motifs sur lesquels le projet de décret précédent me parait fondé.
A VAssemblée nationale.
Messieurs,
La question qui vous est soumise est d'un intérêt si majeur, qu'elle appelle la sollicitude de tous les citoyens. D'après cette considération, votre sagesse s'empressera d'accueillir toutes les lumières dont a besoin une discussion aussi importante.
Il s'agit de décider s'il y aura des assignats au-dessous de 5 livres. Mon opinion est pour la négative ; et je me propose de montrer qu'on ne doit pas en mettre en circulation, au-dessous de 25 livres, lorsque les circonstances exigeront de nouvellés émissions. Dans le moment présent, cette opération est impraticable, parce qu'il sera indispensable pour y parvenir ae retirer de la circulation, autant que faire se pourra, les assignats de 5 livres.
Je commence par démontrer qu'il ne faut pas fabriquer d'assignats au-dessous de 5 livres dans ce moment-ci. La raison la plus concluante que l'on puisse donner pour autoriser une nouvelle émission d'assignats de 5 livres et au-dessous, c'est la nécessité de les substituer aux billets de caisse patriotique, et de suppléer à la circulation
générale, encombrée parle défaut de numéraire et par les premières créations d'assignats de: 5 livres.
Cette mesure n'est qu'un véritable palliatif qui ne tourhe que faiblement à l'avantage du peuple, puisque, comme on le verra plus bas, elle l'empêche de profiter de Ce que les nouvelles lois ont lait de plus avantageux pour lui/
Il est si bien démontré que ces premières émissions ont nui à la chose publique, que lorsqu'il n'y avait pas en circulation des assignats au-dessoUs de 50 livres, le taux de l'argent n'avait jamais dépassé de 5 à 6 0/0, au lieu qu'il s'est élevé à un taux exorbitant lorsqu'on a substitué à toutes les valeurs de la monnaie d'argent celles des papiers-monnaies.
Il est de toute vérité que l'empire des circonstances n'a jamais sollicité de pareilles opérations, et qu'on n'aurait pas pu resserrer ou vendre le numéraire, comme on a fait, et fait tous les jours, si on eût tenu la main à ce qu'au moins il n'y eût pas d'assignats au-dessous de 25. livres. Il existe une masse de circulation, depuis le plus bas signe numérique jusqu'à son dernier terme, qu'il est impossible d'arrêter, à moins qu'un appas trompeur, comme celui des petits billets, ne ràsse taire les murmures en facilitant les besoins journaliers de la vie. •
En effet, je suppose que l'émission des assignats n'ait pas été au-dessous de 50 livres, et que les autorités eussent employé leurs pouvoirs pour anéantir qu empêcher de naître les sociétés d'agiotage qui së sont élevées parmi nous, il en aurait fésulté la nécessité de payer en argent les objets qui n'atteignent point ce terme; et leur quantité dans la masse est si considérable, qu'elle surpasse en quotité toutes les. autres. Nous aurions donc eu toujours parmi nous, malgré les assignats, une abondante provision de numéraire,
Ce que je viens de dire a prouvé suffisamment le mauvais effet produit par l'émission des assignats de 5 livres. On en peut conclure que les assignats de moindre valeur opéreraient des inconvénients également funestes, puisque, dans l'état actuel des choses, nous sommes inondés de petits assignats de 10,20, 30 sols, etc. On ne peut pas faire les appoints, autant par le resserrement qu'ils ont occasionné de l'ancienne monnaie que ne celle nouvellement fabriquée. Il est vrai que cette difficulté ne sera pas si sensible au peuple, mais elle n'en cause pas moins un malaise au milieu de lui, qui le gêne considérablement ; la fabrication de papiers-assignats au-dessous de 5 livres n'aurait donc d'autres avantages, dans les circonstances présentes, que de retirer de la circulation les petits billets des compagnies, mais ne produiront aucun soulagement véritable au peuple, et ne ferait que prolonger le resserrement de 1 argent et de la monnaie.
Il est résulté de tous ces inconvénients, que, bien loin de profiter du bienfait de ces lois sages qui ont débarrassé le royaume des entraves de la fiscalité, le peuple n'en paye pas moins cher les denrées de première nécessite.
Un autre désastre, occasionné par les spéculations des ennemis au nouvel ordre de choses, c'est la liberté accordée au commerce et à tout particulier quelconque, dans ces temps orageux, de transporter des matières d'or et d'argent chez l'étranger, autres que celles manufacturées et les espèces qui tiennent aux payements des dettes que l'on a contractées avec ce dernier; et le mouvement accordé dans l'intérieur aux produits
des manufactures de nos voisins : ces facilités accordées par l'Assemblée constituante, sous le prétexte que la Révdlutiou était finie, n'ont pas peu contribué à l'augmentation progressive de l'argent, au lieu que, si nos relations mercantiles extérieures avaient été arrêtées, la vente des matières d'or et d'argent suspendue, nous aurions forcé les négociants qui se pourvoyaient chez l'étranger, de se fournir dans nos manufactures, et les citoyens de se contenter de nos articles : ce qui aurait rétabli jpromptement notre industrie, alimenté une infinité d'individus, privé nos émigrants dé toute ressource, et lès spéculateurs avides du bénéfice de la fonte du numéraire.
L'Assemblée constituante, ayant décrété que l'argent était marchand, n'a pas prévu toutes les Suites que pouvait entraîner un pareil décret, et c'est peut-être lui qui a ouvert la porte à tous les abus dont on se plaint aujourd'hui; les idées ne sont point parfaitement assises sur ces mots : Vargent en marchandises, parce que les esprits étaient accoutumés à Je regarder commé un signe représentatif de l'échange; et qu'il n'y avait que l'argent étranger sur leqùel on fût autorisé à faire des spéculations.
D'après tout ce que je viens de dire, il semble démontré que toutes lès émissions d'assignats qui ont été faites depuis célle de 50 livres jusqu'à celle de 5, et de l'autorisation qu'on a donnee à des sections et à des compagnies de multiplier les Signes de notre numéraire jusqu'à son dernier terme, bien loin dé favoriser le peuple, n'ont fait que lui nuire; que les émissions de moindre valeur que 5 livres, qu on a le projet de faire, opéreront les mêmes inconvénients, et que pour parvenir au rétablissement de la circulation du numéraire, il paraît indispensable de Saisir le moment propre pour ne pas fabriquer d'assignats au-dessous de 25 livres.
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, par laquelle il communique à l'Assemblée une adresse de l'assemblée coloniale de l'Ile-de-France, qui offre à l'Assemblée l'hommage de son respect et de sa soumission et qui se félicité de l'heureuse régénération due aux travaux des représentants de la nation française. Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint une dépêche de l'assemblée de l'Ile-de-France pour l'Assemblée nationale dont je viens d'accuser la réception.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Bertrand. »
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette adresse au comité colonial et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès verbal.)
2° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui adresse à l'Assemblée les extraits des procès-verbaux de nomination des hauts jurés dans les départements des Bouches-du-Rhône, de l'Hérault et du Var.
(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité de division.)
3° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prévenir qu'il sera brûlé vendredi prochain 7 millions d assignats provenant des rentrées sur le produit de la vente des domaines nationaux, lesquels, joints aux 348 millions déjà brûlés, forment un total de 355 millions.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : AMELOT. »
4° Lettre de M. Cahier de Gervilleministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée différentes pièces relatives à la réclamation du conseil général du département de Seine-et-Oise, dont "examen a déjà été renvoyé au comité militaire.
(L'Assemblée ordonne que ces pièces seront également renvoyées au comité militaire.)
5° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, qui met sous les yeux de l'Assemblée une nouvelle réclamation concernant les frais de transport des espèces monnayées arrêtées à Bel-fort.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité diplomatique.)
6° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée un rapport avec différentes pièces justificatives, sur, la demande formée par le directoire du département du Pas-de-Calais d'une pension de 300 livres en faveur de Marie-Anne Rivière, ci-devant religieuse de la Charilé à Saint-Omer.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de ces pièces au comité des pensions.)
7° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée nationale un rapport avec différentes pièces justificatives, sur la demande du payement des loyers des casernes de la garde nationale de Paris.
(L'Assemblée ordonne le renvoi des pièces au comité militaire.)
Lettre de M. Couturier, suppléant au tribunal de cassation et député à VAssemblée nationale, sur Yétat des villes frontières et notamment de MetZj Thionville et Sarrelouis. Cette lettre est ainsi conçue :
Monsieur le Président,
« L'alarme est sur la frontière. On me marque de Thionville, par deux lettres successives, que les portes de la viUe de Metz seront ouvertes à l'armée des émigrants, qui s'y rendra, dit-on, nuitamment, au moyen de quoi Sarrelouis et Thionville seront bloquées. Les inquiétudes des bons patriotes sont uautant plus grandes, , que l'on vient de leur donner pour garnison les régiments de Royal-Allemand, Nassau, Castella-Suisse, et autres troupes étrangères, qui sont les mêmes qui avaient été employées dans l'origine de la Révolution pour dissoudre l'Assemblée constituante. Le feu a été mis dans les casernes de Thionville près du magasin à poudre ; si l'ange tutélaire ae la France n'avait pas veillé, les malheurs qui en seraient résultés eussent été in-
calculables. On dit hautement que le roi doit se rendre à Metz et se réunir aux émigrants. (Rires.) Avant lé terme fixé par le décret, ils seront rentrés en France de la manière ci-dessus.
« En mon particulier, je pense qu'il est infiniment urgent de mettre les villes ae Metz, Thionville et Sarrelouis en état et de leur donner des troupes de la nation, comme elles le réclament. Par là, la confiance renaîtra et l'énergie du pur patriotisme reprendra son niveau.
« Je suis avec respect, etc., etc.
Plusieurs membres : Quel est le signataire de cette lettre?
, sécrétaire. C'est notre collègue, M. Couturier, absent par congé pour cause de maladie.
Voici une lettre de Sarrelouis qui était jointe à celle de M. Couturièr.
« Nous nous empressons de vous faire part que cette place est dans un état digne de la plus grande compassion. La tranquillité des bons patriotes est menacée par les ennemis du dehors, et, en cas d'attaque, ils courent risque d'être massacrés par ceux de l'intérieur de notre ville. Notre garnison n'est pas encore assez nombreuse, et de plus, une partie de nos troupes n'a aucun intérêt à défendre notre liberté. Rousseau a dit que l'homme libre ne devait pas payer pour défendre sa patrie, et surtout des hommes externes. Que des Français soient donc aux frontières pour défendre la patrie!
« Nous n'avons que le huitième régiment, ci-devant Austrasie, qui nous donne des preuves certaines de son patriotisme, encore parle-t-on de nous en priver en le faisant rentrer dans l'intérieur. Le tambour-maior du régiment de Schom-berg, pour être Venu a l'une de nos séances, a été mis en prison, et de suite les chefs défendirent àux soldats de s'unir à nous. Cette conduite de la part des chefs ne nous paraît pas trop patriote, et nous fait soupçonner des intentions perfides.
« Voilà ce qui manque pour la défense de la place.
« Deux divisions de canons de 8, deux divisions de 4 avec leurs caissons et ustensiles, des boulets de 4 et de 24, des fusils, il y en a très peu en magasin ; des affûts pour monter les fusils qui sont à terre, et au moins 50 affûts de tout rechange, outre les obusiers dont on pour* rait avoir besoin et qui manquent...
Plusieurs membres : Le renvoi au comité militaire.
Un membre : J'appuie le renvoi, ce sont des raisonnements militaires.
Je m'y oppose, les comités ne sont pas faits pour faire la loi à l'Assemblée. (Vifs applaudissements.)
Qu'est-ce que c'est que le pouvoir des comités? {Nouveaux applaudissements.)
Monsieur le Président, rappelez donc cet officier du génie à l'ordre. (Bruits.)
, secrétaire, continuant la lecture :
« Si nous étions attaqués, il nous manquerait les choses les plus essentielles. Depuis environ 1769, les contre-mines n'ont pas encore été visitées soit par la boue qui y était, soit par les dé-combrements de l'intérieur. Les négligences que nous dénonçons existent réellement. Les agents du pouvoir exécutif voudraient nous faire garder un honteux silence. Ces mêmes agents nous répondent que leur responsabilité doit nous ras-
surer. Nous sommes trop jeunes encore en liberté pour ne pas nous méfier. Nous avons sans cesse sous les yeux la maxime de 1 auteur du contrat social, qui dit : On peut conquérir la liberté, mais si on la perd, on ne la retrouve jamais.
« Nous sommes avec respect, etc.
« Signé : Les membres de la société des amis « de la Constitution de Sarrelouis. »
Un membre : Vous voyez qu'un membre de la société des amis de la Constitution peut déraisonner sur les places fortes. L'adresse qui vient de vous être lue en est la preuve. Il demande qu'on la renvoie au comité, et qu'il en fasse son rapport sous peu de jours, pour prouver qu'il n'y a rien de vrai dans cette lettre.
(L'Assemblée décrète le renvoi de ces lettres au comité militaire.)
9° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui met sous les yeux de l'Assemblée la réclamation du directoire du département du Loiret, pour obtenir la permission ae réunir dans un seul dépôt les titres et papiers dépendant des bénéfices supprimés.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
10° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, sur les instances que fait le gouvernement anglais en faveur des créanciers hypothécaires à la charge des habitants de l'Ile de Tabago.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité colonial.)
11° Lettre de M. Delessart, ministre des affaires étrangères, qui adresse à l'Assemblée : 1* l'état par aperçu aes dépenses nécessaires pour le service au département des affaires étrangères pendant l'année 1792; 2° les copies collationnées des états et ordonnances expédiés pour le service de ce département, pendant les 9 premiers mois de la présente année.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de ces états au comité de l'ordinaire des finances.)
12° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée différentes pièces relatives à la procédure qui doit s'instruire à la haute cour nationale contre les sieurs Malvoisin, Gauthié et Marc fils. Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Je m'empresse de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale de nouvelles pièces que M. le procureur général syndic du département de la Meurthe vient de m'adresser. Ces pièces que je joins ici sont : 1* une lettre écrite par la municipalité de Toul au directoire du département, du 6 de ce mois ; 2° une lettre de la municipalité de Duhey à celle de Toul ; 3° une déclaration que M. Gauthié a envoyée le 29 du mois dernier.
«« Le procureur général syndic me marque que cette dernière pièce avait été oubliée, parce gue, lors de son arrivée au département, on ignorait ce qui s'était passé anciennement à Toul, et on n en devinait pas l'objet. L'arrivée du décret en a expliqué le sens. Dès lors, il pense que cette pièce doit faire partie de la procédure.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : CAHIER. »
Voix diverses : Le Tenvoi au comité de législation ' — Le renvoi aux archives !
(L'Assemblée ordonne le renvoi de ces pièces aux archives.)
13° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui met sous les yeux de l'Assemblée une demande de fonds formée par la compagnie charitable qui s'occupe de l'assistance des prisonniers de la capitale.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
15° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, qui adresse à l'Assemblée le relevé des biens nationaux vendus et à vendre dans 88 districts, et dont les états lui sont parvenus depuis le 3 novembre jusqu'au 10 de ce mois.
(L'Assemblée renvoie cet état au comité de l'extraordinaire des finances.)
15° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée, avec son avis, les différentes pièces relatives à la demande formée par le directoire du département de l'Allier, pour être autorisé à employer la maison conventuelle des ci-devant Augustins de la ville de Moulins, pour l'établissement du séminaire de l'évêché ae ce département.
(L'Assemblée renvoie les pièces aux comités de l'extraordinaire des finances et de division réunis.)
16° Lettre de la municipalité de Caen qui adresse à l'Assemblée les déclarations des particuliers détenus au château de cette ville, et la supplie de s'occuper le plus tôt possible du sort des dé-tenus.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation civile et criminelle.)
17° Lettre du sieur Dubu de Longchamp, colon, qui demande à être admis à la barre à une séance du matin pour donner des éclaircissements sur l'affaire des colonies.
(L'Assemblée décide que M. Dubu de Long-champ sera entendu à la séance de dimanche prochain.)
18° Pétition du sieur Boussi, commandant des gardes nationales* qui demande qu'il soit établi dans chaque division un registre qui porte pour titre : la patrie reconnaissante envers la garde nationale ; dans lequel seraient inscrits les noms de ceux qui ont constamment servi la patrie depuis la Révolution. Il demande, en outre, que les années antérieures au décret d'organisation des gardes nationales leur soient comptées pour deux, et qu'il soit exigé 8 ans de service pour parvenir aux grades militaires, de ceux qui ont attendu l'époque du décret pour se faire inscrire, (Applaudissements.)
(L'Assemblée renvoie cette pétition aux comités d'instruction publique et militaire réunis.)
19° Pétition des volontaires du second bcitaillon des gardes nationales soldées, du département ie l'Aisne, qui dénonce M. Fresnel, leur lieutenant-colonel, ci-devant garde du corps de Monsieur, frère du roi, comme n'ayant d'autre projet que de vexer le bataillon qu il commande et qui se plaint de son incivisme et de son despotisme.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette pétition aux comités de surveillance et militaire réunis.)
20° Lettre des commissaires députés de 800 citoyens de Paris réunis en assemblée patriotique, qui demandent à être admis à la barre, pour présenter à l'Assemblée une pétition signee individuellement et relative au décret sur les émigrants, au décret sur les prêtres réfractaires et à la pétition de certains membres du directoire du département de Paris.
(L'Assemblée décide qu'ils seront admis à l'ins-
tant même. (Vifs applaudissements dans les tribunes.) (Voir çi-apr ès, p. 80.)
21* Pétition des citoyens de Saint-Quentin sur les troubles de Saint-Domingue.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité colonial.)
22° Adresse de plusieurs citoyens de la ville d'Auxonne, qui offrent à l'Assemblée l'hommage de la reconnaissance publique pour les décrets qu'elle a rendus contre les conspirateurs émigrés et les prêtres fanatiques.
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal!
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
23° Adresse des administrateurs du département de Seine-et-Marne, et des officiers municipaux de Melun, qui supplient l'Assemblée de s'occuper des obstacles qu'éprouve la circulation des grains. Cette adresse est ainsi conçue :
« Messieurs.
« Les administrateurs composant le directpirè du département de Seine-et-Marne, les membres du district de Melun et les officiers municipaux de la même ville vous prient de prendre en considération les insurrections que commence à faire naître dans tout le royaume le renchérissement des subsistances. Choisis par le peuple pour défendre ses intérêts, et chargés par la lôi de protéger la circulation des grains, nous avons fait tout ce qui dépend de nous pour remplir ce pénible devoir. Aux tentatives faites pour troubler l'ordre public, nous avons opposé la force armée de la gendarmerie nationale et des troupes de ligne, et plusieurs fois, dans des instructions fraternelles, nous avons rappelé à nos commettants que les droits les plus respectables sont la propriété, la sûreté. Mais lorsque la crainte trouble les esprits, la raison a de la pei ne à se faife entendre. Le peuple alarmé sur les subsistances, prête déjà l'oreille aux desseins.insidieux et aux sophismes adroits des ennemis de son repos. Nous ne pouvons ignorer qu'on l'égaré, en lui insinuant qu'il dépend de ses administrateurs de faire baisser le prix des blés. Par ces funestes assertions, on cherche à nous faire perdre sa confiance dans l'instant où nous en avons le plus besoin. Le gouvernement doit surveiller le commerce d'une manière particulière ; mais cette attention prudente ne suffit pas dans un instant de crise. Peut-être, par des primes sagement combinées, devriez-vous encourager l'importation et l'approvisionnement des départements. « Nous sommes avec respect. »
{Suivent les signatures.)
Il y a un rapport des comités d'agriculture et de commerce sur cet objet, ajourné à jeudi Soir. Je demande qu'on renvoie à ce comité l'adressé qu'on vient d'annoncer.
(L'Assemblée renvoie cette adresse "aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
24° Adresse des habitants de Guignes, qui réclament la propriété d'un terrain qui appartient à leur commune.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité des domaines.)
, au nom du comité de Vextraordinaire des finances. Vous avez ajourné à la séance de ce soir la rédaction de l'article additionnel proposé par M. Delacroix, au décret que vous
avez rendu ce matin concernant la nécessité de la résidence dans le romume pour être payé aux caisses nationales. M. Delacroix est parti sans donner la rédaction. M. Guyton-Morveau m'a remis celle-ci :
« Tout porteur de cession, transport ou délégation desdits traitements, créances, rentes ou pensions, d'une date qui ne serait pas authentique et antérieure au présent décret, ne pourra être payé par lesdites caisses publiques, qu'en justifiant des certificats ci-dessus prescrits, relativement à la résidence des cédants ou vendeurs. »
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
Suit la teneur de ce décret, tel qu'il a été présenté à la sanction du roi :
«' L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, coiisidérant que des Français émigrés viennent de rentrer en France, pour obtenir des certificats de résidence actuelle, dans les vues d'éluder les dispositions de la loi du 24 juin dernier, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, considérant qu'il est nécessaire de donner plus d'étendue et de précision aux dispositions de la loi du 24 juin, relative aux formalités à observer pour les payements dans les différentes caisses nationales, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Tout Français ayant un traitement, pension, créance ou rente de quelque nature qu'elle soit, payable sUr les caisses nationales, ne pourra en obtenir -le payement auxdites caisses, soit qu'il se présente en personne, soit qu'il fasse présenter un fondé de sa procuration, qu'autant qu'il produira et joindra a la quittance un certificat qui atteste que la personne qui se présente, ou qui a donné la procuration, habite actuellement sur le territoire français, et qu'elle y a habité, sans interruption, pendant les six mois précédents.
Art. 2.
« Ce certificat ne pourra être délivré que par la municipalité du lieu du domicile de fait, if sera visé, dans la huitaine, par le directoire du district.
Art. 3.
« Les certificats de résidence ne seront valables que pendant un mois, à compter de la date du visa du directoire du district, donné dans le délai prescrit par l'article 2.
Art. 4.
« Tout porteur de cession, transport ou délégation -desdits traitements, créances, rentes ou pensions, d'une date qui ne serait pas authentique et antérieure au présent décret, ne pourra être payé par lesdites caisses publiques, qu'en justifiant des certificats ci-dessus prescrits, relativement à la résidence des cédants ou vendeurs.
Art. 5.
« Dans le cas où il serait question d'un fonctionnaire public, le certificat justifiera qu'il est actuellement à son poste, et qu'il ne l'a pas quitté pendant les six mois précédents.
Art. 6.
«f Les négociants sont exceptés des dispositions ci-dessus, à la charge de produire un certificat de leur municipalité, vise par le directoire du district, qui atteste qu'ils exercent cette profession, et qu'ils ont pris une patente avant l'époque du présent décret.
Art. 7.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
, orateur du genre humainest introduit à la barre; il s'exprime ainsi :
« Messieurs (1), on a présenté plusieurs plans de contre-révolution aux cours étrangères : le plan qui semble avoir prévalu fait honneur à la sagacité de nos ennemis. Ils ont calculé l'influence de la peur, lés prodiges de la terreur panique. En effet, cette puissance invisible se pue des armées les plus formidables : elle subjugue des nations entières : cette divinité infernale jeta les nombreux Gaulois dans les fers d'une horde de Sicambres, et voici une nouvelle horde barbare qui espère triompher des Français à l'aide de la terreur panique. Notre Révolution est l'ouvrage de la peur, ait-on, et l'on ajoute que la peur détruira son propre ; ouvrage. Les intrigues de la Russie et de la Suède, de l'Allemagne et de l'Italie, ne tendent qu'à nous fasciner les yeux. La peur est le microscope de l'esprit humain.
« Montrons àl'Europé que nous ne craignons pas la guerre, et nous aurons la paix; nous verrons les émigrants dispersés et sans ressources. L'Europe fait qu'en prêtant de faibles secours aux transfuges de Worms, elle nous fait dépenser un demi-million par jour, en frais extraordinaires; elle encourage l'émigration des riches, elle augmente le nombre des pauvres et des mécontents. Nous devons nous attendre à des réponses vagues ambiguës, évasives, temporisantes, de la part de de Vienne et de Ratisbonne. Je propose donc de fixer une époque, le 20 janvier, pour la marche de trois grandes armées, sur Bruxelles, sur Liège, sur Coblentz : et je réponds que le 20 février, la cocarde trieolore et l'air Ça ira, feront les délices de 20 peuples délivrés. (Vifs applaudissements.) Ce coup décisif sauvera la France et le genre humain; car si nous nous amusons à punir de petits princes et de gros bénéficiers, nous perdrons notre temps et notre argent; la petitesse de nos mesures nous attirerait de grandes vengeances.
« Frappons fort ou ne frappons pas du tout; frappons partout ou nulle part.
(Applaudissements.) Les progrès rapides ae Rochambeau, de Luckner,de Kellermann, vers les
embouchures de l'Escaut, de la Meuse, ae la Moselle et du Rhin, donneront une commotion
épouvantable à tous les trônes environnants. Les merveilles du seizième siècle seront
effacées par les merveilles du dix-huitième siècle. Les paysans allemands et bohémiens
recommenceront leurs hostilités contre les seigneurs ecclésiastiques et laïcs; les Catalans
et les Allobroges échapperont, de concert, à l'Espagne et à la Sardaigne; le Batave et le
Germain, le Lombard et le Scandinave secoueront
« Supposons maintenant que nous n'avons aucune chance favorable, et qu'il faudra courber nos têtes sous le poids de la nécessité. Voici un dilemme à proposer au roi de Prusse, à l'électeur palatin et à tous les rajahs de la Germanie : Ou les Français attendront honteusement les menottes que vous leur forgez, ou ils déjoueront vos manœuvres, ils se défendront vaillamment; ils seront des agneaux ou des lions. Dans le premier cas, félicitez la maison d'Autriche de récupérer le trône de Versailles, et de régner plus despoti-quement sur la France, que la cabale anglo-prussienne ne règne sur la Hollande.
« On renverrait l'Autrichien Breteuil à Vienne, pour, d'accord avec la Russie, narguer la Prusse et la ligue germanique, en donnant Munster et Cologne à un frère de la reine, et en faisant gémir les bons Bavarois par le démembrement au superbe canton de l'Inn. J'ai vu à Munich de braves citoyens verser des larmes et maudire mille fois Breteuil et le cabinet lorrain de Saint-Cloud.Léopoldet Catherine se partageraient l'Allemagne et la Pologne après leur Promenade en France. Examinons le second membre démon dilemme. Les Français, lions, se défendraient de manière à ne laisser ni un homme en vie, ni un arbre sur pied; ils s'enseveliraient sous les ruines de leurs portiques et de leurs chaumières. Toute la France serait une Sagonte; chaque bicoque nous retracerait le fameux siège, de la Rochelle. La terre de France deviendrait esclave, mais nous péririons libres avec nos femmes, nos enfants et nos troupeaux. (Applaur dissements.)
« Eh bien! princes allemands, monarques du Nord et du Midi, vous voilà nageant dans le sang d'une nation exterminée ! Voyons le résultat de votre croisade. L'Angleterre est là qui vous attend; sa marine ambitieuse ne craindra plus l'armement de 45 vaisseaux français, auxiliaires de l'ingrate, de l'insolente, de l'inquisi-toriale Espagne. (Applaudissements.) Les gallions du Mexique et du Pérou seront la proie de l'Anglais, dominateur de toutes les mers, et conquérant de toutes les colonies. Défense aux autres nations de mettre une seule chaloupe en mer : c'est au fier Léopard qu'appartient le sceptre de l'Océan; un commerce universel mène directement à l'empire universel. Le sort des princes de l'Europe serait plus misérable que celui des Nababs au Bengale. Je défie les patriotes peureux, et les aristocrates bravaches, de réfuter ce dilemme.
« Français ! votre plus cruel ennemi, c'est l'inaction. Agissez promptement, et vous écarterez la banqueroute et la discorde I Et dussions-nous
perdre les dix premières batailles, comme Washington et les Américains! l'armée féodale s'approcnât-elle des coteaux de la capitale, rien ne serait désespéré; car le département central offrirait un nouveau rempart d'hommes libres, qui, précédés du labarum de la patrie, de l'urne sacrée de Mirabeau, vaincraient par ce signe certain, tous les signes fabuleux des croisés. L'enthousiasme dé la liberté l'emporterait sur le fanatisme de l'esclavage. La garde nationale créée par Mirabeau, redoublerait de valeur en songeant que notre défaite flétrirait les. cendres du grand nomme à la Grève, et que notre victoire les rapporterait en triomphe au Panthéon de la reconnaissance publique. Français! vous vaincrez indubitablement; mais fallût-il succomber, nous éviterions un désastre ignominieux ; car nous ferions glorieusement la banqueroute du genre humain. » (.Applaudissements.)
, répondant à l'orateur. Monsieur, la France entière vous adopta au jour célèbre de sa fédération ; vous lui présentez aujourd'hui le tribut de vos pensées, ses représentants l'acceptent comme l'offrande de la reconnaissance. Quelles que soient les déterminations que nécessitent les circonstances, l'Assemblée ne mesurera les destinées de l'Empire, ni sur la clameur de ses ennemis, ni sur le pendule imposteur qui oscille dans les mains de l'agioteur. Elle sait que la France sera toujours la clef de la route politique de l'Europe, et que toutes les puissances sont intéressées à sa stabilité. Non, les ennemis de la patrie ne sèmeront parmi nous ni l'épouvante ni la discorde. Ce choc des opinions, dont s'alimente la liberté, d'où jaillit la lumière, n'est pas un combat des cœurs que le péril rapproche ; et tous les Français ralliés se rappelleront leur serment et leur gloire. Partout se déploiera cet instinct rapide du patriotisme, cet esprit d'ordre, de force et d'union qui enfanta les prodiges de la Révolution. (Applaudissements.) A la nauteur où le peuple français est élevé; il ne peut plus voir les orages qui sont sous ses pieds (Vifs applaudissements.) L'Assemblée vous invite à sa séance. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : L'impression du discours et de la réponse !
Je demande la question préalable.
Un membre : Tout ce qui peut se dire ici est bon à imprimer. (Aux voix! aux voix!)
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable et décrète l'impression du discours d'Anacharsis Cloots et de la réponse du président.)
, président, cède le fauteuil à M. Viénot-Vaublanc, ex-président.
Présidence de M. Viénot-Vaublanc.
Les commissaires, députés par 800 citoyens de Paris, réunis en Assemblée patriotique, dont l'Assemblée avait décrété Vadmission au cours de la séance, sont introduits à la barre (1).
L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
« Messieurs, la voix des 83 départements et le cri de votre conscience avaient sollicité
deux lois de votre sagesse; l'une contre les enfants rebelles qui ont été, sur les
frontières, s'armer contre leur patrie, et provoquer toutes les puissances
« Nous n'examinerons pas d'abord si l'usage que le roi a fait de son veto en l'apposant sur le décret contre les émigrants, est dans l'esprit, dans le sens dans lequel la Constitution le remit entre ses mains ; mais nous ne nous aveuglerons pas non plus sur ce qui nous intéresse tous, c'est-à-dire sur le péril ae la chose publique, qui, à cet égard, reste toujours le même. Les forces des émigrants s'accroissent tous les jours : la Russie, la Suède, la république de Venise et plusieurs électeurs germaniques les favorisent, les protègent hautement. Le voile qui couvre les mystères des cours, ne nous permet pas d'assurer si celle de France trempe dans ce complot. (Murmures dans l'Assemblée et applaudissements des tribunes.) Mais des esprits plus pénétrants et plus hardis se permettent de le présumer, et ils en indiquent même des signes qui ne sont pas sans ressemblance.
Quoi qu'il eu soit, ces infâmes transfuges, ces lâches déserteurs de la chose publique, ces enfants rebelles, resteront sur les frontières dans une attitude menaçante contre la patrie. Il est temps enfin de les frapper. La nation a déposé entre vos mains la fouare vengeresse, nous venons demander que vous la lanciez sur les têtes criminelles, et notamment sur ceux qui sont à la tête de ces rassemblements, tels que les princes français, le maréchal de Broglie, le cardinal de Roban, Rouillé, Breteuil, Mirabeau, Calonne...
Un membre : Hardi! hardi!
L'orateur de la députation... ainsi que tous leurs complices, fauteurs et adhérents, et que, armés de toute la puissance nationale, vous lanciez contre eux un décret d'accusation. (Applaudissements. ^Bravos !)
« Après ces grands criminels, après ces implacables ennemis de la patrie, vous parlerons-nous, Messieurs, de ceux qui, placés dans l'intérieur de l'Etat, secondent leurs complots? vous parlerons-nous de ces prêtres incendiaires qui, sous le masque de la religion, secouent partout les torches de la discorde et les.flambeaux de la guerre civile ? Mille fois leurs attentats vous ont été dénoncés, vous avez frémi, et vous avez pensé qu'il était temps enfin de s'armer de la foudre ae la loi, et de là faire éclater sur les têtes criminelles. Et quand vous avez rendu cet hommage à la justice, quand la patrie, assassinée, élève ses mains ensanglantées pour vous en bénir, des enfants ingrats et parricides osent vous
accuser de tyrannie, invoquent une autre puissance que la vôtre, pour éteindre, dans vos mains, les foudres salutaires de la loi. (Applaudissements.) Incapables de se placer au milieu de ces désordres, incapables d'entendre les cris des victimes qu'on immole, et les gémissements de la patrie expirante, ils osent vous opposer, pour vous empêcher de venir à son secours, des scrupules qu'ils appellent constitutionnels ! mais si la Constitution renfermait quelque vice qui entraînât la destruction totale ae l'ordre social et paralysât la souveraineté nationale, il ne serait donc pas permis d'y toucher...
Un grand nombre de membres : Non ! non !
Dans les tribunes : Oui! oui!
J'observe que le pétitionnaire ne présente cela que comme une hypothèse et une question à résoudre. (Murmures.)
Je demande qiie le pétitionnaire soit rappelé aux principes ae la Constitution.
Vorateur de la députation... « comme si le but et la fin de toute Constitution n'était pas le salut du peuple qui se la donne, et que ce qui pourrait le renverser ne devait pas être corrige...
Un membre : Elle sera faite, Monsieur!
(Il s'élève de violentes rumeurs; l'Assemblée est dans une vive agitation.)
Je demande la parole.
Un membre : Monsieur le Président, rétablissez l'ordre dans l'Assemblée.
Plusieurs membres : Monsieur le Président, maintenez la parole au pétitionnaire.
D'autres membres : L'ordre du jour 1 l'ordre du jour!
Plusieurs membres parlent dans le tumulte.
Je réclame le silence; ie déclare que je rappellerai à l'ordre, au nom de l'Assemblée, le premier membre qui demandera la parole. 11 s'est élevé des réclamations sur ce qu a dit le pétitionnaire. Plusieurs membres demandent à passer à l'ordre du jour, d'autres demandent la parole; d'autres enfin demandent que la parole soit maintenue au pétitionnaire, je vais consulter l'Assemblée.
Je demande à faire une motion d'ordre.
J'ai demandé la parole après le pétitionnaire.
J'observe à l'Assemblée que s'il arrivait qu'un pétitionnaire pût se permettre quelque proposition contre laConstitution, il suffirait de la réponse que ferait M. le Président... (Non pas! non pas!) pour le ramener aux vrais principes; mais que, sous prétexte d'une expression hasardée, il ne faut pas porter atteinte au droit sacré de pétition. (Vifs applaudissements dans les tribunes et dans la partie gauche de l'Assemblée.)
Monsieur le Président, est-ce un privilège pour ces messieurs d'avoir la parole? je vous prie de me conserver la parole lorsque les pétitionnaires auront fini. (Murmures dans les tribunes.)
consulte l'Assemblée pour savoir si la parole sera maintenue aux pétitionnaires. Plusieurs membres qui se lèvent pour que la parole leur soit retirée sont hués par les tribunes.
L'Assemblée nationale dé-1" Série. T. XXXVI.
crête que la parole sera maintenue aux pétitionnaires. (S'aaressant aux tribunes.) Mais je rappelle aux tribunes le respect qu'elles doivent à l'Assemblée. Quand les représentants de la nation française opinent, ils suivent l'impulsion de leur conscience et usent de la liberté qu'ils doivent toujours avoir. Ce n'est pas aux amis de la liberté à murmurer quand ceux qui ont le droit de donner leur suffrage le donnent.
Vorateur de la députation continuant son discours :
« Salus populi, suprema lex, voilà la loi devant laquelle vous devez incliner vous-mêmes un front respectueux; et le peuple lui-même, assemblé en personne, ne peut pas vouloir la violation de ses propres droits et l'anéantissement de sa souveraineté. Faites donc planer cette loi suprême Salus populi, et quand elle vous dit que des mains salariées par la nation sont armées de poignards homicides pour l'égorger et que vous devez leur arracher le glaive et les priver du salaire qu'ils emploient à ce criminel usage, acquittez-vous de ce saint devoir.
« Des membres du directoire du département de Paris viennent vous dire que vous n'en avez pas le droit; que ces salaires sont sacrés, sont garantis par laConstitution. La Constitution peut-elle garantir le salaire des assassins et des parricides? Non, sans doute.
« Mais, disent-ils, peut-on prononcer une nouvelle peine sur des délits déjà jugés, toutes les fo:s qu'aucun délit individuel ne change pas l'état de la question? Aucun délit individuel n'est prouvé, lâches hypocrites ! Vous fermez donc les yeux sur les amas ae crimes et de forfaits qui ont fait ruisseler le sang dans toutes les parties du royaume, vous comptez donc pour rien tous les nouveaux attentats que chaque jour amène, et qui sont dénoncés à l'Assemblée nationale; vous voudriez donc qu'elle fermât son cœur aux cris de la vengeance de tant de victimes expirantes, et à la voix tonnante des 83 départements qui demandent vengeance! Tous se réunissent pour vous demander que vous punissiez les criminels que vous défendez ; tous s'accordent à dire que c'est le prêtre incendiaire et féroce, qui, abusant de la crédulité et du faible et de 1 ignorant, le con vertit en séide forcené. Si vous étiez sur les bords de l'Océan, vous nieriez donc l'existence des grains de sable qui sont dans l'Océan? Et où avez-vous donc appris qu'une nation n'ait pas le droit d'exiger le serment de fidélité au pacte social, sans contester néanmoins à aucun le droit indélébile qu'il a de manifester son opinion sur les défauts qu'il croit apercevoir toutes les fois qu'il ne le fait pas les armes à la main? Comment vous y prendrez-vous donc pour contester l'évidence etl insprescriptibilité de sesprincipes? Et si cela est évident comment pouvez-vous donc, comment osez-vous vous élever contre son salut?
« Quoi, parce que pour le bien de la paix, j'ai eu la condescendance de vous dispenser hier de l'obligation de vous soumettre à ce principe, au moment que je m'aperçois que cette condescendance devient funeste et menace l'ordre social d'une entière dissolution, ie n'ai donc pas le droit de vous le déclarer ! Quoi, l'erreur de la veille m'impose donc le devoir de ne pas ouvrir les yeux le lendemain à la vérité! Non! non! Loin de nous ces fatales maximes ennemies de toutes améliorations, qui ne tendent qu'à enchaîner le genre humain à l'erreur et à l'empêcher de faire un pas vers la vérité. (Quelques applau-
dissements.) Votre système conduit donc à l'anarchie, à la dissolution de l'ordre social, et porte atteinte aux droits imprescriptibles de l'homme ; il paralyse, il enchaîne la liberté nationale, ou plutôt il l'anéantit, et la frappe d'anathème.
« Nous rendons justice aux conséquences que vous en tirez vous-mêmes : elles conduisent a la révolte et à la rébellion. Et certes, à cet égard, vous ne daignez pas même vous en cacher : en parlant du dévouement qu'exigent de votre part comme administrateurs publics les dispositions de la loi contre laquelle vous réclamez, vous osez dire hautement : Sire, à la lecture de ces dispositions, tous les individus qui vous présentent cette pétition se sont demandé s'ils se sentiraient ce genre de dévouement. Tous ont gardé le plus profond silence.
Messieurs,l'entendez-vous?Ne se montrent-ils pas à front découvert? C'est ici que nous nous emparons de leur titre de fonctionnaires publics dont ils se targuent imprudemment pour donner plus de poids à leur opinion, pour mieux tromper celle du peuple, et pour jeter avec plus de succès de la défaveur-sur ses représentants. Ce dessein est-il assez perfide, est-il assez profondément médité? Lâches, hypocrites,perfides mandataires, vous levez donc l'étendard ae la sédition et de la révolte; et c'est comme administrateurs, comme fonctionnaires publics que vous osez l'annoncer. Le délit est palpable et le crime est démontré.
« Messieurs, observez combien de circonstances s'accumulent pour imprimer plus d'atrocité à ce dessein; voyez quel moment ils choisissent pour se rendre coupables d'un tel attentat, au moment où mille matières combustibles sont en fermentation et semblent n'attendre qu'une étincelle pour s'embraser et allumer le feu de la guerre civile.
« Et ce sont des administrateurs, et ce sont les fonctionnaires du peuple, qui, dune main incendiaire, y jettent le brandon enflammé 1 Quel fatal avant-coureur ne présentent-ils pas ! Quelle exécrable coalition ils vous annoncent! Qu'elle se montre : alors, couverts de nos armes, vous nous verrez voler auprès de vous. Là, unis et serrés, nous formerons autour de cette enceinte âuguste un rempart impénétrable, rempart que le fer ne pourra renverser. Pour que le fer des rebelles puisse vous atteindre, il faudra qu'ils marchent sur nos corps ensanglantés.
« Nous laissons à votre sagesse le soin de prononcer sur les délits dont les membres du directoire du département de Paris, signataires de la pétition au roi, se sont rendus coupables, et nous attendrons dans un respectueux silence le grand acte de justice que vous devez à la nation. » {Applaudissements.— Bravo! bravo!)
, répondant à la dèputation. Messieurs, les destins de l'Empire reposent dans les mains de l'Assemblée nationale : elle sera digne de ses fonctions augustes par sa sagesse et sa fermeté. D'une main, elle repoussera les attaques des ennemis de la liberté ; de l'autre, elle tiendra la Constitution qu'elle a juré de maintenir. Elle en respectera toutes les pages, toutes les lignes : elle périra plutôt que de manquer à son serment. (.Applaudissements.) Elle sait qu'il n'est point de salut pour un peuple sans l'obéissance la plus entière à la loi; C'est sur cette vertu antique que les Français doiveùt fonder désormais leur grandeur ; elle saura les unir d'un lien indissoluble et les faire triompher à la fois et des despotes de l'Europe et de la monstrueuse anar-
chie. (Applaudissements.) L'Assemblée nationale vous invite à assister à sa séance. (Vifs applaudissements.)
Avant toute discussion sur la pétition, j'en demande l'impression, afin que nous sachions ce qu'elle contient. Je demande que personne ne soit entendu avant que nous l'ayons lue et jugée.
J'ai demandé la parole et j'insiste pour l'obtenir.
Personne ne respecte plus que moi le droit de pétition : c'est une parcelle ae la souveraineté nationale dans un gouvernement représentatif; mais ce droit de pétition, dont le citoyen doit faire usage pour venir jurer son obéissance à la loi, serait l'arme la plus dangereuse, serait l'arme de l'anarchie, s'il s'en servait pour provoquer les représentants du peuple à désobéir à cette même loi qu'ils ont jurée.
Il est temps enfin, Messieurs, que tous les Français soient convaincus que le salut de l'empire est dans le maintien de la Constitution (Applaudissements.) ; que le salut du peuple est dans le maintien de cette même Constitution, et que ceux qui l'égarent en voulant lui faire y porter des atteintes sont ses plus dangereux ennemis. (Applaudissements.) Ils invoquent sans cesse cette loi suprême, le salut du peuple : eh bien, cette loi suprême, le salut du peuple, est dans l'obéissance à la Constitution ; ellé est là tout entière. (Applaudissements.)
Je demande donc que si, par un excès d'enthousiasme, quelqu'un des membres de cette Assemblée s'oubliait au point de demander l'impression et la mention honorable d'une pétition qui insulte la Constitution (Oui! oui!Non!non!), je demande que la saine majorité, que cette loyale majorité qui existe dans 1 Assemblée nationale, se montre tout entière pour couvrir cette voix qui provoquerait à l'anarchie et amènerait le malheur dans l'Empire. ( Vifs applaudissements.)
Un membre : Ce n'est pas là la question !
Je demande à tous les bons citoyens qui m'entendent, s'ils ne gémissent pas... .
Voix diverses :Non! non ! Oui ! oui !
s'ils ne gémissent pas de voir nos séances, dont tous les moments appartiennent à des objets d'un intérêt général, occupées par de vaines et inconstitutionnelles déclamations? (Bruit.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je suis à l'ordre du jour, et en me résumant, je dis que l'Assemblée nationale, sous aucun prétexte, par aucune considération, ne doit s'en écarter. L'ordre du jour appartient à la France, et non pas à quelques citoyens qui viennent en abuser. Je demande donc qu'on y passe.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je me propose de répondre avec la Constitution à ceux qui parleront contre les principes énoncés par M. Gérardin.
Il faut convenir que M. Gérardin est bien adroit de demander l'ordre du jour lorsqu'il sait que j'ai demandé la parole pour lui répondre. Il n'a pas agi de bonne foi dans la manière dont il a présenté la question. Il est très aisé de combattre avec avantage, de faire beaucoup de déclamations, de se faire fortement applaudir, quand on dénature le texte. Ce que
M. Gérardin reproche au pétitionnaire ne se trouve pas dans sa pétition. (Murmures à droite et au centre. — Applaudissements à gauche.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Quand l'Assemblée ordonne l'impression d'un discours, d'un rapport, il est de principe qu'elle n'adopte point pour cela le contenu de ce rapport, de ce discours; c'est un principe incontestable. Je demande donc l'impression de la pétition qu'on vient de vous lire, afin de faire connaître combien les reproches qu'on lui fait sont peu sensés.
Un membre : Il est bien sûr que l'Assemblée, en décrétant l'impression d'un discours, n'en adopte pas pour cfela les principes.
Voix diverses : La discussion fermée ! L'ordre du jour! 1 "
(L'Assemblée ferme la discussion et passe à l'ordre du jour sur la motion d'impression.)
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal! ;
Je demande, Monsieur le Président, que vous mainteniez la décision que l'Assemblée vient de rendre à une très grande majorité. Les citoyens eux-mêmes que la discussion regarde, ne peuvent voir qu'avec regret les discussions inutiles qui nous tont perdre du temps.
Un membre, au nom des comités militaire et de surveillance réunis, fait un rapport et présente un projet de décret sur les troubles de Perpignan; il s exprime ainsi :
Depuis "longtemps, le 20® régiment d'infanterie et le 12e régiment des chasseurs manifestaient des sentiments tout à fait opposés à ceux que vous vous plaisez à voir dans nos braves soldats. La perfidie de plusieurs officiers de ces 2 régiments, leurs mauvais exemples ont tellement influé sur l'esprit des soldats, que non seulement le patriotisme, cette vertu si essentielle et si chérie des bons citoyens, était banni de leur cœur, mais encore ils ne craignaient pas de prendre la qualification odieuse d'aristocrates, qui, dans notre armée, a bien pu s'appliquer à un grand nombre d'officiers, mais jamais encore à aucun soldat. Vous présumez, Messieurs, qu'avec une telle conduite, ces 2 régiments ne fraternisaient pas avec les bons citoyens de Perpignan : les faits que je vais raconter en sont une preuve.
La municipalité alarmée, avec juiSte raison, des suites que pouvaient avoir les dispositions manifestées par les officiers et soldats, s'adressa sans succès au commandant de la ville et à l'officier général de la division. Au contraire, depuis cette époque, elle vit s'accroître les dangers. Alors se trouvaient à Perpignan des grenadiers et fusiliers ci-devant Vermandois, qui vivaient dans^ la meilleure intelligence avec les citoyens, et qui, dans un moment de désordre, n'auraient pas manqué de se réunir à la garde nationale pour que force restât à la loi. M. Chollet, commandant dans le département, les fit mettre hors de la ville par la gendarmerie nationale, de peur sans doute que, dans les scènes qu'il était facile de prévoir, en supposant qu'elles ne fussent pas concertées d'avance, ils se; montrassent amis de l'ordre.
Le jour de Saint-Martin dernier, le sieur Mulo, citoyen d'une ville voisine, connu par un arrêté du département, qui ordonne son désarmement et celui de sa compagnie, arrive à Perpignan. Il Be transporte au quartier Saint-Jacques, où il
donne un repas à plusieurs soldats des 12° et 20e régiments; et après que les têtes furent échauffées, on le vit entouré de ses convivès, se promener insolemment dans les rues et former un noyau autour duquel se rassemblèrent les perturbateurs du repos public. Les officiers municipaux, inquiets de voir ce rassemblement un jour de foire, se rendirent à la maison commune, et requirent sur-le-champ les commandants de la garde nationale, de la gendarmerie nationale et de la troupe de ligne d envoyer des détachements pour lé rétablissement au bon ordre. Pendant que les détachements s'assemblaient, des officiers municipaux, revêtus de leurs écharpes, pénétrèrent dans les rassemblements et parvinrent à faire arrêter 2 citoyens qui furent conduits sur-le-champ chez le juge de paix. De retour à la maison commune, les mêmes officiers municipaux déclarèrent que les officiers avaient un parti fortement prononcé ; ils conclurent à ce qu'il fût fait des informations à ce sujet, dès que le calme serait rétabli.
Les informations, Messieurs, ont été prises, et il résulte des rapprochements qui ont été faits par vos comités, que, pendant que les officiers municipaux cherchaient à rétablir l'ordre et la paix sur la place de la Loge, plusieurs soldats et officiers ont non seulement méprisé ce qui leur était commandé au nom de la loi, mais qu'un officier municipal a été colleté par le sieur Cas-telnau, officier au 70e régiment et un autre du 20e, qui n'est pas nommé et que M. Escale, aussi officier municipal, a été renversé par les poussées violentes des officiers et soldats dont il était enveloppé.
Pendant ce temps-là, les mêmes excès se commettaient dans le reste de la ville. Les soldats des deux régiments parcourent les rues, crient aux armes et menacent de détruire la ville. D'un autre côté, des hommes du 20e régiment, ayant un officier à leur tête, conduisent un particulier qu'ils avaient été arrêter sans aucun ordre légal, un adjudant se transporte avec des soldats devant le poste de la garde nationale et tente d'enlever les canons qui y sont placés; enfin, un coup de fusil ayant été tiré sur une sentinelle du 20e régiment, plusieurs de ses camarades forcèrent une maison particulière d'où ils prétendaient que le coup était parti, y firent des menaces et y brisèrent une porte à coups de sabre.
Cependant, plusieurs sous-officiers et soldats de ces deux régiments gémissaient de la conduite de leurs camarades, et faisaient devant les officiers municipaux, déposition de tous leurs chagrins. Oui, Messieurs, c'est ce qui est attesté par la municipalité; et il n'en faut pas sans doute davantage pour prouver que, malgré les perfides manœuvres des ennemis de la Révolution, le plus grand nombre des soldats resteront fidèles à leur devoir..
Je ne dois pas vous taire, Messieurs, que le 70e régiment, qui est aussi en garnison dans cette ville, donne chaque jour de nouvelles preuves des purs sentiments dont il est animé, il vit dans la plus intime fraternité avec les citoyens. Voici le projet de décret:
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport que ses comités de surveillance et militaire lui ont fait des troubles qui ont eu lieu à Perpignan, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le roi est. prié de donner des ordres pour que le 20e régiment d'infanterie et le régiment de chasseurs en garnison à Perpignan, soient incessamment retirés de cette ville.
« Art. 2. A la diligence du procureur de la commune de Perpignan, le sieur Castelnau, officier au 70e régiment d'infanterie, le sieur Mulo, citoyen de la ville de..., et tous autres instigateurs et complices militaires ou non qui ont été les auteurs, ou qui ont eu part aux troubles arrivés le 13 septembre dernier à Perpignan, seront dénoncés a l'accusateur public de ladite ville, pour être poursuivis et punis suivant la rigueur des lois.îi
« Art. 3. Le ministre de la guerre rendra compte des mesures qui auront été prises par le pouvoir exécutif, en vertu de l'article premier du présent décret, il rendra compte, en outre, des causes qui peuvent avoir déterminé M. Chollet, commandant dans le département des Pyrénées-Orientales, à faire mettre hors de Perpignan les grenadiers et fusiliers du régiment ci-devant Vermandois qui, comme semestriers, avaient la liberté de se fixer où bon leur semblait. »
(L'Assemblée décide que la discussion sera ouverte sur-le-champ sur ce projet de décret.)
La discussion est interrompue par l'arrivée des commissaires de l'Assemblée chargés de porter à la sanction le décret relatif à la nécessité de la résidence dans le royaume pour être payé aux caisses publiques.
Un membre, au nom.des commissaires de l'Assemblée. Les commissaires, chargés de porter le décret de ce matin à la sanction se sont rendus chez le roi. J'ignore si, trompés par la différence des horloges, nous sommes arrivés avant l'heure fixée ; mais on nous a dit que Sa Majesté était encore dans sa chambre avec son conseil, et on nous a proposé d'attendre dans l'antichambre. Nous n'avons pas cru que la dignité dont nous avait revêtus l'Assemblée nous le permît; nous sommes, en conséquence, revenus sur-le-champ.
Nous avons l'honneur de faire part de cette circonstance à l'Assemblée. Notre intention n'est d'inculper personne. Nous croyons que la méprise résulte de la différence des horloges : car, pendant le cours de notre voyage, en allant et en revenant, nous avons entendu sonner neuf heures. Dans tous les cas, nous n'avons pas cru qu'il nous fût permis de compromettre la dignité au ministère qui nous était confié.
ll est utile de fixer enfin d'une manière invariable les règles qui sont nécessaires pour la correspondance entre l'Assemblée nationale et le roi. (Murmures.) C'est que j'ai un travail tout prêt là-dessus. (Rires.) Je demande gue cet objet soit mis incessamment à l'ordre du jour.
Je demande le renvoi de la motion de M. Grangenéuve au comité de législation.
J'approuve la conduite de vos commissaires; mais comme il est essentiel que le décret que vous avez rendu ce matin soit remis ce soir, je demande que les mêmes commissaires se rendent aux Tuileries pour le présenter à la sanction.
Il faut éviter de se compromettre. Je demande que l'Assemblée, en approuvant la conduite de ses commissaires, décrète que son Président écrira à l'instant au roi pour lui demander à quelle heure il voudra les recevoir. 11 faut nécessairement que l'heure s'arrête entre le roi et l'Assemblée nationale. Le roi tient un conseil : Il faut savoir si le roi peut, après, pendant ou avant ce conseil, recevoir les commissaires de l'Assemblée. Si le roi ne peut.pas les recevoir
aujourd'hui, nous verrons quel parti nous avons à prendre. Je renouvelle ma motion.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
D'autres membres : La question préalable I
Un membre : Cette proposition est inconstitutionnelle; je m'y oppose ae tout mon pouvoir.
Un de MM. les commissaires. Je crois, Messieurs, avant que l'Assemblée prenne une détermination, qu'il est nécessaire de lui éclaircir un fait dont M. le chefde la commission a parlé, mais cependant sur lequel il n'a pas assez appuyé : c'est que nous sommes vraisemblablement partis avant l'heure fixée. Lorsque nous nous sommes présentés chez le roi, si le roi eût été partout ailleurs qu'en son conseil, nous aurions exigé impérieusement que l'huissier de la chambre fut entré lui demander que nous fussions admis auprès de lui ; mais le roi étant à son conseil, il est d'usage, si ce n'est
Eas une loi, que personne n'entre, pas même les
uissiers.
C'est dé loi aux Tuileries.
Un membre : Mais, Messieurs, on ne peut pas tolérer cela. (Murmures.)
Je demande l'ordre du jour sur la motion de M. Delacroix.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Delacroix et décide que les commissaires retourneront chez le roi.)(Voirci-aprèsp.87.)
Messieurs, les commissaires nommés par les citoyens de cinq sections de Paris sont, dans ce moment-ci à la salle des députa-tions, et démandent si l'Assemblée veut les admettre ce soir. Un citoyen qui arrive de Rouen demande à présenter à l'Assemblée une pétition dont l'objet est pressant. Je consulte l'Assemblée pour savoir si elle les recevra à l'instant.
Messieurs, je demande la question préalable sur l'admission des citoyens de Paris, ce soir. Vous avez décrété en général que vous recevriez les députations le dimanche, et cette loi doit être d'autant plus rigoureusement observée pour les citoyens de Paris qu'étant plus près de 1 Assemblée, ils peuvent plus facilement disposer de leur temps. Quant au citoyen de Rouen, je demande qu'il soit admis parce qu'il est à Paris depuis quinze jours. (Quelques murmures.)
Je demande,"en outre, s'il est vrai qu'un membre de l'Assemblée ait été à l'instant absent et se soit permis de promettre aux députations de les faire admettre, après avoir cause avec elles.
Plusieurs membres : Ouil oui! C'est M. Chabot!
Plusieurs membres à gauche ; À l'ordre ! à l'ordre!
Ce ne peut être que de moi-même que M. Chéron veut parler, mais je demande à expliquer un fait :
et d'autres membres demandent que la discussion soit fermée.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La question préalable sur la motion de M. Chéron!
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Chéron-La-Bruyère et que les pétitionnaires seront admis pendant la séance.) (Voir ci-après p. 85.)
La discussion du projet de décret relatif aux troubles de Perpignan esl reprise.
Un membre : L'affaire qui vient de vous être
présentée mérite toute l'attention de l'Assemblée, parce qu'elle tient aux rebelles émigrés en Espagne. On ne peut se dissimuler que le gouvernement espagnol a favorisé les dissensions intestines de la France. Dès l'année passée il forma sur nos frontières méridionales un cordon de troupes qui, à l'époque mémorable du 21 juin dernier, s élevaient à 15,000 hommes. Nos aristocrates étaient fort bien accueillis par l'Espagne, tandis qu'elle bannissait les patriotes comme des rebelles. Il est clair que les vrais rebelles, les émigrés, se sont mis a découvert, en fomentant à Perpignan les troubles du 13 novembre. Les soldats, abusés par de viles manœuvres, reviendront de leur erreur. Les ennemis* de la Révolution seront appréciés; les patriotes de Perpignan triompheront ae leurs complots. J'appuie le projet de vos comités, et je demande, par amendement, que vous fassiez mention honorable au procès-verbal de la conduite sage, courageuse et ferme de la municipalité de cette ville.
Je crois qu'il faudrait se borner à un renvoi pur et simple au pouvoir exécutif. Sans doute if est nécessaire que ces deux régiments perturbateurs sortent de la ville ; mais ce n'est pas à nous à faire une loi particulière pour les faire sortir. Pour que vous puissiez exercer la responsabilité contre les ministres, vous devez les laisser maîtres des mesures qu'Us auront à prendre. Ainsi ie demande le renvoi au pouvoir exécutif, à la cnarge par le ministre de la guerre de vous rendre compte dans le plus court délai possible des détails indiqués dans l'article dernier du décret et par le ministre de la justice des poursuites de 1 accusateur public.
Je demande à prouver que le projet présenté est contraire à la Constitution. (Aux voix! aux voix!)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion, décrète la motion de M. Becquey et approuve la conduite de la municipalité de Perpignan.)
En conséquence, le décret est mis aux voix dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport que ses comités militaire et de surveillance lui ont fait, des troubles qui ont eu lieu à Perpignan le 13 du mois dernier, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le ministre de la guerre rendra compte incessamment des mesures qu'il aura prises pour prévenir les suites des désordres et des troubles occasionnés à Perpignan par des officiers et soldats du 20e régiment d'infanterie, et du 12e bataillon de chasseurs, et M. Castelnau, officier du 70° régiment d'infanterie.
« Il rendra compte, en outre, des causes qui peuvent avoir déterminé M. Ghollet, lieutenant général commandant dans le département des Pyrénées-Orientales, à faire mettre hors de Perpignan des grenadiers et fusiliers du régiment ci-devant Yermandois, qui, comme semes triers, avaient le droit de se fixer où bon leur semblait.
Art. 2.
« Le ministre *de la justice rendra compte également, dans le plus court délai possible, des mesures qui ont été prises pour faire punir les auteurs, lauteurs et complices des troubles dont il s'agit.
Art. 3.
« L'Assemblée nationale approuve la conduite civique et courageuse que la municipalité de Perpignan a tenue le l3 du mois dernier et jours précédents. »
(Ce décret est adopté).
, citoyen de Rouen, est introduit à la barre. 11 s'exprime ainsi :
« Messieurs, la justice est la première vertu des législateurs. Ç est dans votre sein qu'elle réside. Les ci-devant préposés aux octrois de la ville de Rouen, dont j'ai l'honneur d'être l'organe, viennent vous exposer leur situation. »
Le pétitionnaire lit une adresse relative à la suppression des octrois où il était employé. Il réclame le secours provisoire accordé par les décrets des 8 mars, 31 juillet et 20 novembre 1791 aux employés supprimés, et prie l'Assemblée de notifier au département de la Seine-Intérieure que les commis aux octrois sont compris dans les décrets qui accordent ce secours provisoire.
Un membre : C'est le ministre de l'intérieur et non le départemènt qui doit être chargé de cet objet. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif.
Un membre : Je demande le renvoi de la péti-tipn au comité deç secours publics.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la pétition au comité de secours publics et admet le pétitionnaire à la séance.)
Il y a déjà longtemps que j'ai remis à M. Gossuin, membre du comité des pétitions, celle présentée à l'Assemblée par les cro-cketeurs en chef de la ville de Lyon, employés au service de la douane. M. Gossuin en a fait la remise au comité de liquidation, qui doit vous en faire le rapport. Ces malheureux préposés, pères de famille pour la plupart, sont dans la position la plus triste. Doublement victimes de la Révolution, ils attendent et le traitement que la nà-tion leur doit, et le remboursement d'une finance attachée à leurs places. Je demande donc que le comité vous fasse incessamment le rapport de cette pétition.
(L'Assemblée ajourne ce rapport à la séance de samedi soir.)
Les commissaires de 5 sections de Paris sont admis successivement à la barre.
On introduit en premier lieu les commissaires de la section du marché des Innocents. L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
« Messieurs, envoyés de toutes les parties de l'Empire, pour consolider notre régénération, les Français ont vu avec reconnaissance le décret sage contre les enfants pervers qui, sourds à la voix de la patrie, ne l'ont quittée que pour s'armer du fer avec lequel ils espèrent lui déchirer le cœur ; mais ils voient avec douleur le fils aîné de la patrie en qui nous avons confié le soin de veiller à notre sûreté, tandis que nous nous occupons par des travaux pénibles à lui assurer son bonheur et la prospérité de l'Empire, opposer le veto sur cette loi qui devait frapper ces enfants parricides, s'ils n abandonnent leur noir jprojet
« Cette conduite de sa part n'est pas d'accord avec les paroles remarquables qu'il a souvent répétées : « Je ne trouverai le bonheur que dans celui des Français, o II ne connaît donc pas la quantité d'adresses dans lesquelles on vous félicite chaque jour d'avoir fait ce décret! Ah! s'il
les connaissait, il saurait que leur exécution, plus que le veto, aurait assuré la Constitution, la tranquillité publique.
Et par quelle fatalité le décret sur les troubles religieux est-il aussi menacé du veto, lorsque l'intérêt public exige son entière exécution? Une pétition au roi, de plusieurs membres du département de Paris, 1 invite à faire usage du veto dont la Constitution lui délègue l'exercice. : Ils préfèrent donc, ces individus établis , entre les deux pouvoirs ae l'Etat, une luttej plutôt que de s'occuper de leur devoir, la répartition de 1 impôt (Applaudissements.), que tous les amis de l'ordre désireraient connaître pour s'acquitter envers la patrie de ce qu'ils lui doivent.
La Constitution donne à tout citoyen le droit de pétition ; elle ne donne à aucun celui d'employer des moyens obliques pour empêcher reflet d'un décret, quand le souverain l'a prononcé; et quand ces pétitionnaires en auraient le droit, comme fonctionnaires publics, la justice leur commandait de prévenir les désordres et les malheurs qui l'ont provoqué; mais par une astuce digne creux; ils ont gardé un coupable silence.
voulaient-ils le bien? Que n'adressaient-ils, dans le cours de la discussion sur ce décret, leurs craintes au pouvoir législatif. (Applaudissements.) Elle y eût fait droit, si elles eussent été fondées. Dans le cas contraire, leur cœur se refusant à l'exécution de cette loi, ils avaient lâ faculté de se retirer de l'administration; et leur démission, fruit d'une délicatesse louable, eût été un triomphe pour eux. Mais leur conduite nous prouve qu'ils sont moins sensibles aux cris douloureux des veuves et orphelins, dont les époux et les pères ont été immolés dans les combats que la fureur du fanatisme excite depuis le commencement de ia Révolution et qui se multiplieraient, si la loi n'y mettait ordre, si la loi ne déployait toute sa sévérité contre ces nouveaux Mathans, qui commandent le crime au nom d'un Dieu de paix. Eh! qu'ils cessent donc ces hommes coupables de se couvrir du manteau de l'innocence et qu'ils apprennent que quelle que soit la rigueur des lois, l'honnête nomme les respecte, mais ne les craint pas.
Mais si les lois frappées du veto n'ont forcé de loi que quand deux législatures qui vous suivront les auront successivement présentées à la sanction, assurément elles seront inutiles, car les crimes des réfractaires et des émigrés seront consommés, ou ils seront anéantis; et si nous sommes obligés de marcher contre eux, nous jurerons de partir dans le temple de la patrie, et entre les mains des législateurs, de revenir victorieux.
Représentants du peuple, continuez votre auguste carrière ; les Français ne sont pas les seuls qui attendent le bonheur que doit produire la sagesse de vos lois ; tous les peuples qui ont quelque connaissance de notre Révolution attendent, avec impatience, le bonheur qu'elle produira chez nous, pour prendre parti dans les légions de la liberté; et quand tous les despotes seraient ligués contre eux, ils ne pourraient s'opposer à l'explosion du feu sacré de la liberté, qui doit embraser leurs âmes.
Je conclus doiic en demandant que les membres du Directoire du département de Paris, signataires de la pétition au roi, soient déchus de leurs places, pour, au mépris de la section II du chapitre IV de la Constitution : 1° s'être immiscés dans l'exercice du pouvoir législatif; 2* pour avoir fait des efforts condamnables tendant à avilir le Corps législatif en cherchant à arrêter
l'effet du décret sur les troubles religieux; et enfin, avoir déclaré, dans cette pétition, qu'aucun d'eux né se chargerait d'être l'organe de la loi sur laquelle ils réclamaient. {Applaudissements,.)
, répondant à la députation. Messieurs, l'Assemblée nationale a distingué, dans votre pétition, les expressions du patriotisme et celles de l'attachement à la loi. (Applaudissements.) Donnez-en toujours l'exemple a vos concitoyens, et celui , de la confiance dans vos représentants. Ici est le pouvoir national ; dans toute la nation est l'énergie que donne la liberté. Vainement les despostes s armeront, soyez tranquilles; obéissez à la loi; laissez faire l'Assemblée nationale, et la liberté se consolidera pour toujours. L'Assemblée vous invite à assister à sa séance. (.Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adressé au procès-verbal.)
Un ancien militaire, décoré de la croix de Saint-Louis, est admis à la barre, et s'exprime ainsi :
« Messieurs, je viens mettre sous vos yeuxla situation d'un vieux militaire âgé de 66 ans, criblé de coups de feu, qui a servi 41 ans la patrie, qui a fait 18 campagnes, tant sur mer que sur terre, et qui en tout lieu a mérité la confiance et l'estime de ses supérieurs et des soldats. Je réclame une somme de 6,000 livres que j'ai prêtée à la légion de Luxembourg, qui a servi à l'expédition de Jersey, en 1781. Je dois la moitié ae cette somme et je suis poursuivi pour la rembourser. J'ai servi ma patrie et non M. de Luxembourg; mes cheveux ont blanchi sous le casque. Depuis 2 ans je voyage de comité en comité. Mes seuls protections auprès de vous, sont six coups de fusils bien appliqués, dont l'un à la tête, l'autre aux parties... (Rires.) eh bien, dans un endroit que je ne nomme pas (Rires et applaudissements.) H me reste un bras dont je peux me servir, mais ce bras en vaudra deux quand il combattra pour la liberté. (Vifs applaudissements.) Je l'offre a ma patrie pour soutenir, jusqu'à la dernière goutte de mon sang, la Constitution; j'en ai fait le serment, et je ne le violerai jamais. (Applaudissements.) Daignez, pères de la patrie, recevoir mes respectueux hommages et 1 assurance d'une reconnaissance qui ne finira qu'avec moi. »> (Vifs applaudissements. )
, répondant au pétitionnaire. Monsieur, un ancien guerrier qui a servi la patrie doit être sûr d'inspirer un vif intérêt à l'Assemblée nationale; elle prendra votre demande en considération, et vous rendra la justice que vous avez droit d'attendre; et si l'heure du combat sonne pour la liberté, la patrie se rappellera de l'offre que vous lui avez faite d'un bras qui fut autrefois victorieux. (Applaudissements.) L'Assemblée vous invite à assister à sa séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité militaire et ordonne qu'il en sera fait mention honorable dans le procès-verbal.)
On a déjà renvoyé au comité militaire un grand nombre de pétitions ayant le même objet que celle-ci ; or, je me plains de ce que ce comité ne fait point le& rapports très urgents qui lui sont demandés.
A mon tour, je me plains de ce que le comité de surveillance, depuis qu'il est établi, n'a encore rien fait, tandis que le comité
militaire a au moins 60 rapports tout prêts à être faits (1).
Un membre : Je réclame le prochain rapport qui doit nous être fait par le comité de législation sur les actes de naissance, de décès et de mariage.
Je demande que les présidents des comités soient désormais ténus de tracer une liste des travaux faits, afin qu'on puisse successivement les faire passer.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Delacroix.)
Un de MM. les commissaires pour la sanction (Voir ci-dessus, p. 84.) : L'événement dont nous avons eu l'honneur de faire part à l'Assemblée, n'a d'autre cause que celle que nous avions prévue. Elle doit être attribuée à la différence des horloges. Nous nous sommes présentés chez le roi, on nous a dit que le roi était à souper et on nous a fait entrer dans la chambre d'honneur. Le roi s'est hâté d'achever et nous a reçus ensuite avec bienveillance.
Les commissaires des citoyens de la section des Lombards sont introduits à la barre.
, orateur de la députàtion, s'exprime ainsi : (2).
« Législateurs, déjà votre sagé décret sur les émigrés avait obtenu nos hommages, et nous préparions, pour les mesures que votre équité venait de prendre contre les prêtres séditieux, nos sincères félicitations, lorsqu'un cri d'indignation s'élève et dénonce à l'Empire une pétition bien coupable. Si ceux qui l'ont signée prétendaient ne la présenter que comme individus, pourquoi, loin de se dépouiller scrupuleusement de leurs titres, ont-ils affecté de s'en investir? S'ils ne se considéraient plus que comme simples particuliers, d'où leur est venue cette étrange pensée : que, rentrés dans la classe ordinaire des citoyens, lis demeuraient encore personnellement et spécialement chargés de 1 exécution de la loi ? Et comment le sentiment toujours intime d'une autorité qu'ils venaient pourtant d'abdiquer, a-t-il pu leur suggérer cette inconcevable audace, de déclarer positivement que votre décret, s'il devenait loi par la sanction, ne trouverait, dans le Directoire, aucun magistrat qui voulût le faire exécuter? Messieurs, la conduite des membres du directoire a dû produire* parmi plusieurs autres effets plus nuisibles, celui de laisser un moment soupçonner que les signataires portaient au roi, non seulement leur vœu particulier, mais aussi le vœu de la commune entière, qui pourtant ne les a délégués que pour des objets de pure administration.
« Nous croyons donc notre honneur et l'honneur de la capitale intéressés à ce que vous ne doutiez plus que le vœu de la grande majorité des habitants de Paris...
Plusieurs membres à droite : Comptez ! — Comptez !
Monsieur le Président, rappelez donc à l'ordre ces messieurs qui disent : Comptez! Comptez ! (Murmures à droite.)
, s*adressant à la droite. Vous voulez chasser tous les bons citoyens,
, orateur delà députàtion, continuant son discours.....« que le vœu de la grande majo-
« Ce dernier délit est d'un trop dangereux exemple pour vue vous le laissiez impuni» Vous préférez, dans votre sagesse, les moyens de le préparer. Quant à nous, satisfaits d'avoir, sur ce point, excité votre justice, nous finirons par déclarer au peuple immense que vous représentez, que les Parisiens, après avoir commencé la Révolution, n'abandonneront pas à leurs frères des départemements seuls le soin de la finir. (Applaudissements.) Oui, tous ensemble, nous la finirons ; et, pour cela, quoi qu'on en dise, nous aurons besoin de quelque courage : car. Messieurs, nous ne l'ignorons plus ; tandis que, dans les départements du Midi, l'hypocrisie sacerdotale remue, d'un poignard sacrilège, les cendres du fanatisme* dans l'espérance atroce d'en tirer quelques étincelles d"une Saint-Barthélemy nouvelle; tandis que, vers les frontières du Nord, l'orgueil nobiliaire élève contre la patrie un fer parricide, elle est déjà fort avancée au dedans, la ténébreuse conjuration des patriotes de circonstance, des prétendus modérés, des magistrats prévaricateurs, des çi-devant aristocrates maintenant ministériels (Applaudissements réitérés. — Bravo! bravo!) ; elle achève au dehors la coalition de tout ce que l'Europe a de tyrans couronnés. Nous le savons ; il ne sera rien négligé pour ravir au peuple français sa majesté naissante; il ne sera rien négligé
pour réduire à une honteuse capitulation les fiers défenseurs de l'égalité. Une capitulation entre les préjugés de quelques siècles et la philosophie éternelle ( Vifs applaudissements.), entre d'anciens oppresseurs et des hommes nouveaux, entre la tyrannie et la liberté, entre le gentilhomme et l'homme! non, jamais, jamais! (Vifs applaudissements.)
« Le premier choc entre la nation française et la foule des rois verra, nous en attestons l'honneur d'un peuple souverain, verra commencer un combat a mort ; qu'ils viennent, ces vils satellites et leurs chefs infâmes ; qu'ils viennent ! Vous, législateurs, nous l'espérons de l'énergie que déjà vous avez montrée ; vous, calmes au milieu de ce grand orage, inébranlables à votre poste, fût-il entouré de ruines, les yeux invariablement fixés sur la Constitution jurée, vous péririez tous ( Vifs applaudissements.), plutôt que de souffrir gu'il y fût porté la plus légère atteinte. (Oui! oui! — Vifs applaudissements?)
Nous, cependant, pour le maintien de nos saintes lois, nous volerons aux Thermopyles; mais nous y serons plus de 300. (Applaudissements réitérés.)
(Suivent les signatures d'un grand nombre de citoyens de la section.)
, répondant à la députation. Messieurs, votre pétition mérite toute l'attention de l'Assemblée nationale. Elle montrera dans tous les temps son respect pour le droit sacré qui vient de vous introduire dans cette enceinte; elle applaudit au noble usage que vous en avez fait. CTest ainsi que le vrai citoyen sait parler le langage de la liberté, et l'éloquence qui vous a inspirés, après avoir obtenu les suffrages de l'Assemblée nationale, fixera les regards de sa sagesse.
Sans doute, la Révolution ne peut rétrograder, la Constitution ne peut périr qu'avec le dernier des Français. (Bravo! bravo! Vifs applaudissements.) Vous nous avez rappelé l'éloquence des Grecs ; vous nous montrerez leur courage, quand la patrie réclamera votre secours. (Applaudissements.) L'Assemblée vous invite à sa séance.
Je demande l'impression, l'insertion au procès-verbal du discours et de la réponse, et la mention honorable ; le côté droit ne s'y opposera pas.
Un membre à droite : Quand vous avez raison, on ne s'oppose pas à ce que vous demandez.
(L'Assemblée ordonne l'impression de la pétition de la section des Lombards et de la réponse du Président.)
Les commissaires des citoyens d'une autre section de Paris sont introduits à la barre.
L'orateur de la députation fait lecture d'une pétition par laquelle il invoque toute la sévérité de l'Assemblée nationale contre les membres du directoire du département de Paris qui ont invité le roi à refuser sa sanction au décret sur les prêtres non assermentés.
(L'Assemblée décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
Les commissaires des citoyens de la section de la Place Royale sont introduits à la barre :
L'orateur de la députation lit une pétition par laquelle ils appellent l'attention de l'Assemblée nationale sur la démarche des membres du directoire du département de Paris, qu'ils improuvent comme contraire à la Constitution.
Un membre demande que quelques expressions de cette pétition soient censurtes comme inconstitutionnelles.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur cette motion.)
Un membre demande qu'il soit fait-mention honorable de cette pétition dans le procès-verbal.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée rejette la question préalable et décrète qu'il sera fait mention honorable de la pétition au procès-verbal.)
Les commissaires des citoyens d'une autre section de Paris sont introduits à la barre.
L'orateur de la députation lit une pétition par laquelle ces citoyens expriment les mêmes sentiments sur l'adresse présentée au roi par les membres du directoire du département de Paris.
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de cette pétition au procès-verbal.)
, président du comité de surveillance, au nom de ce comité, fait un rapport sur l'arrestation de particuliers prévenus d'enrôler pour l'armée des émigrants: il s'exprime ainsi : Depuis le jour de sa formation, le comité de surveillance a été sans cesse occupé à se procurer des renseignements sur des enrôlements qui se font à Paris pour Worms et Coblentz. Il n'avait pu avoir jusqu'à présent que des renseignements insuffisants; il vient en ce moment d'en obtenir une preuve complète. Le commissaire de police de laséction de la Place-Vendôme nous a fait parvenir des procès-verbaux qu'il a dressés ce matin, des dépositions qui lui ont été faites contre un em-baucheur par un particulier actuellement détenu dans la prison de la mairie.
Voici d'abord un procès-verbal du sieur Rameau, commissaire de police de la section de la Place-Vendôme, portant comparution du sieur Germain Marigot, sergent volontaire de la garde nationale parisienne, lequel requis, dans son poste, par deux particuliers à lui inconnus, à l'effet d'arrêter avec eux un particulier qui était dans un cabaret à la porte Saint-Honoré, ayant pour enseigne : Au Dauphin, qui était prévenu ae vouloir séduire plusieurs particuliers pour les enrôler pour les émigrants. Satisfaisant à ladite réquisition, le sieur Marigot s'est transporté sur-le-champ audit cabaret, et a arrête ledit particulier avec les deux requérants et deux autres particuliers qui étaient de leur société. Et ledit sieur Marigot a requis acte, et^i signé.
Ensuite sont comparus les sieur et dame Ga-viot, demeurant rue de l'Ile-Saint-Louis, chez M. Germain, marchand tapis-ier; le nommé Le-bour, demeurant rue Marivaux, chez Mme Re-my, logeuse ; François Trinquet, demeurant rue rue de Mâcon, n° 4 et Louis Alsiner, demeurant rue du Bout-du-Monde, maison du boulanger, tous compagnons couteliers, travaillant chez M. Pissot, passage de Radziwill, au Palais-Royal, lesquels nous ont déclaré qu'étant ce jourd'nui, sur les neuf heures, à déjeuner dans une cave, en ville, rue et passage des Petits-Pères, au coin de la rue des Petits-Champs, ils ont vu un particulier qui buvait seul à une table ; il s'est approché de la leur et leur adressa la parole, en disant que depuis vendredi il faisait ribotte aux depens des émigrés ; qu'il avait reçu 120 livres de M. Duval, secretaire de M. Lasalle; que, s'ils voulaient, il leur en ferait donner bien d'autres ; que la route était de passer par Sois-
sons, Laon, Noyon, Givet, et enfin arriver à Coblentz pour le 22 du courant, etc. Après avoir entendu les discours dudit particulier, on a cru devoir requérir la garde pour l'arrêter, etc.
Suit l'interrogatoire dudit particulier arrêté par lequel il appert se nommer Lucot, âgé de 39 ans, menuisier du Panthéon, natif de Dijon, demeurant rue de l'Evêque, butte Saint-Roch.
D'après cet interrogatoire, le sieur Lucot a été sollicité de s'enrôler pour aller à Worms ou à Coblentz par le sieur Rauch, tambour-maître de la compagnie soldée de la section de l'Oratoire, en lui offrant des assignats au nom de MM. La-salle et Duval. Cette proposition lui a été faite par deux fois, samedi au soir, la première en buvant le rogomme chez un limonadier, sur le carrousel du Palais-Royal, près la maison d'un boucher; le garçon limonadier pourra l'attester; la seconde fois chez une marchande de vins de la rue Saint-Thomas-du-Louvre, qui est la cousine du sieur Rauch; cette dame pourra également l'attester. Il n'a pas voulu s'engager, et il a refusé les assignats que lui présentait le sieur Rauch. Il a ajouté que Rauch lui a dit travailler pour le sieur Lasalle, demeurant rue Royale, près de la place Louis XV, que s'il s'engageait, il fallait qu'il fût rendu le 22 de ce mois a Coblentz; que sur la route, par Soissons, Noyon, Givet, il trouverait des étapes aussi bien fournies que celles des troupes de ligne ; enfin que pour s engager, il fallait prêter serment de fidélité aux émigrants.
Après cet interrogatoire, le commissaire a retenu Lucot, et pour connaître les suites de ces enrôlements, il a fait écrire à Lucot une lettre pour le sieur Rauch, par laquelle il prie le tambour-maître, au nom de l'amitié, (rengager le porteur. Cette lettre a été portée à Raucn par M. Guéneau, cocher commissionnaire du commissaire de la section. M. Guéneau s'est rendu
M. Richard, son sergent-major, et qu'il le priait de repasser de temps en temps d'ici à cette époque.
Par les autres pièces remises à votre comité de surveillance, il semble que le tambour-maître Rauch et que le sergent-major Richard de la section de 1 Oratoire sont impliqués dans cette affaire, et votre comité pense qu'il importe au bien public de faire amener à la barre tous ces particuliers, qui pourront vous donner des connaissances ultérieures.
D'après la lecture de ces pièces, M. Rauch est évidemment coupable : il est libre. L'Assemblée aurait des reproches a se faire si elle lui laissait le temps de se soustraire au glaive de la loi. Je demande qu'il soit mis sur-le-champ en état d'arrestation.
Je rappelle à l'Assemblée que sur une simple lettre, MM. Tard y et Noireau ont été accusés. Je demande qu'il en soit de même pour MM. Lasalle et Duval.
Un membre : Vous ne pouvez constituer en état d'arrestation qu'après avoir rendu un décret d'accusation; et avant de rendre ce décret, vous devez entendre les prévenus. Je demande qu'ils soient amenés à la barre.
(L'Assemblée décrète que les sieurs Rauch, tambour-maître du bataillon de l'Oratoire et Richard, sergent-major au même bataillon, seront amenés à la barre séance tenante.)
Je crois devoir suspendre la séance. (Oui! oui!)
La séance est suspendue à 11 heures.
Elle est reprise à minuit.
(M. Rauch est introduit à la barre.)
M. le Président. Monsieur, vous êtes mandé à la barre par ordre de l'Assemblée nationale. Comment vous nommez-vous?
M. Rauch. Je me nomme Georges Rauch.
m. le Président. Comment s'écrit votre nom?
M. Rauch. R. A. U. C. H.
M. le Président. Quel est votre état?
M. Rauch. Je suis tambour-maître de la sixième division pour l'instruction des tambours, ce qui concerne le service du tambour-major.
M. le Président. Depuis quand êtes-vous à Paris?
M. Rauch. Depuis 22 ans.
m. Le Président. Où étiez-vous hier à u heures du matin?
M. Rauch. Monsieur, j'étais dans ma chambre.
M. le Président. N'étiez-vous pas dans la rue Saint-Honoré, dans un cabaret, ayant pour enseigne Au Dauphin ?
M. Rauch. Non, Monsieur; je ne suis sorti hier qu'à 7 heures et demie du soir pour aller exécuter la retraite, place Vendôme.
M. le Président. Et le 11, avant-hier?
M. Rauch. Avant-hier non plus.
M. le Président. Vous n'avez pas été non plus dans ce cabaret-là avant-hier?
M. Rauch. Non, Monsieur.
M. le Président. Connaissez-vous M. Lucot?
M. Rauch. Non, Monsieur; je ne le connais pas. Cependant, si vous voulez, je vous expliquerai deux mots sur le nommé Lucot. C'est que le nommé Lucot m'a envoyé hier un homme dans ma chambre, avec une lettre, que j'ai encore dans ma poche ; en disant : Je viens de la part d'un nommé Lucot, qui me recommande à vous pour me rengager; j ai servi autrefois dans le régiment des gardes où vous avez servi aussi. Jelui demandai dans quel quantième de l'année il est sorti du régiment des gardes. Il m'a répondu qu'il en est sorti l'année 1783; et moi je lui dis : Je suis de l'année 1777, ainsi il y a 15 ans passés. Pour lors, je dis, on n'engage personne, qui que ce soit pour les gardes nationales pour le présent, jusques après le jour de l'an; par ce moyen, je m'informerai à mon sergent-major ou à mes supérieurs, si, pour aujourd'hui ou demain, on engagera quelqu'un ; je le lui ferai savoir. Ça me parait très étrange ce nom Lucot, dont son nom est signé sur une très petite lettre que j'ai dans ma poche.
M. le Président. Voulez-vous donner la lettre?
M. Rauch. Oui, Monsieur.
M. le Président. Déchirez la signature.
Dès qu'il l'offre, il faut qu'elle soit lue en entier.
M. le Président. Offrez-vous la lettre?
M. Rauch. Oui, Monsieur, de tout mon cœur et mon âme. Voici la lettre :
« Mon cher ami Rauch, c'est pour vous souhaiter le bonjour. Comme je travaille au faubourg Saint-Antoine, je ne peux vous mener
moi-même celui qui vous remet ma lettre..Samedi soir, quand nous avons bu le rogome ensemble, vous m'avez parlé d'enrôler ceux que je vous enverrai. Voilà un bon garçon, je vous prie de l'engager : comptez sur lui comme sur moi ; vous me verrez dimanche matin.
« A Paris, 12 décembre 1791.
« Signé : lucot.,»
M. le Président. Vous, vouliez doue engager quelqu'un? M. Rauch. Jamais,
M. le Président. Ainsi, vous ne connaissez pas M. Lucot?
M. Rauch. Je n'ai point de connaissance dè cet homme-là.
M. le Président. Vous n'avez pas bu le rogomme avec lui ? M. Rauch. Je n'ai point bu le rogmome avec lui. M. le Président. Connaissez-vous M. Lasalle? M. Rauch. Non, Monsieur, je ne connais pas cet homme-là. ' M. le Président. Connaissez-vous M. Richard? M. Rauch. Richard, ah! je le connais; M. Richard, c'est le sergent-major de ma compagnie. M. le Président. Où logè-t-il? M. Rauch. Il loge ^nglapaserne, à l'Oratoire, à l'entresbl.
M. le Président. Connaissez-vous M. Duval? M. Rauch. Non, Monsieur. M. le Président. Vous n'avez pas offert l'adresse de MM. Lasalle et Duval?
M. Rauch. Jamais, Monsieur, parce que je ne les connais pas. Je n'ai d'autre connaissance que celle de cette lettre et du particulier qui s'est adressé à moi pour s'engager, j'ai dit, ma foi, que je ne savais pas si 1 on pouvait engager avant le jour de l'an que nous attendions notre organisation et que d'ici au jour de l'an elle serait faite. Nous ne savons pas combien d'hommes vont s'en aller avec leurs pensions, parce qu'il y en a qui ont leur parole à aire, oui ou non, s'ils veulent s en aller d'ici au jour de l'an. J'ai dit à ce particulier qu'il fallait attendre, que j'en parlerai à mon sergent-major et que si j avais quelque chose à lui faire savoir, ce serait après le 1er janvier. Il est venu dans ma chambre, il y avait des camarades qui étaient là.
M. le Président. Avez-vous quelques connaissances relatives à des enrôlements? M. Rauch. Aucune, aucune. M. le Président. Quels étaient les camarades que vous aviez dans votre chambre? M. Rauch. Deux tambours, mes élèves. M. le Président Comment les nommez-vous? M. Rauch. L'un se nomme Chalotan et l'autre, Dubois.
M. le Président. Etaient-ils présents à la conversation que vous avez eue avec l'homme qui vous a porté la lettre de M. Lucot?
M. Rauch. Oui, Monsieur, ils était présents; ils ont entendu ce que je lui ai dit relativement à l'engagement.
M. le Président. Avez-vous eu quelque commission particulière pour faire des enrôlements?
M. Rauch.iNon, Monsieur, sur mon âme; je ne m'en suis jamais mêlé.
M. le Président. N'avez-vous pas présenté à M. Lucôt un portefeuille dans lequel etaient des assignats.
M. Rauch. Non, Monsieur. Je ne suis pas trop riche; j'ai quelquefois un assignat de 24 ou 30 sols.
M. le Président, s*adressant à VAssemblée. Je crois pouvoir le faire retirer?
Il faudrait lui faire quelques questions sur la route. ;
M. le Président, s'adressant à M. Rauch. Connaissez-Vous la route de Paris à Coblentz ou à Worms?
M. Rauch. Ma foi, depuis 1769, je n'ai pas fait cette route-là. Quand je suis sorti, après la guerre de Hanovre, du régiment de Nassau où je servais, nous avons pris ce chemin près de Hesse-Cassel, au siège de cette place où j'ai été, pour venir par Mayence, par Worms, par Landau. Voilà la route que je puis savoir; je n'ai jamais fait ce chemin depuis ce temps-là..
M. le Président. On ne vous a pas proposé un autre jour que celui-là de faire des enrôlements.
M. Rauch. Jamais, Monsieur, jamais'de ma vie; si cela était, je vous le dirais naïvement.
M. le Président. N'étiez-vous pas chargé par votre compagnie de faii*é dès enrôlements?
M. Rauch. Jamais, Monsieur. Depuis quelque temps, nos soldats s'en vont petit à petit. Si j'avais été chargé d'enrôler pour notre troupe nationale, je les aurais envoyés à mes propres supérieurs que je connais, et pas à d'autres. Mais on n'a engage personne depuis longtemps.
M. le Président. Comment se fait-il que ce Lucot, que vous ne connaissez pas, vous écrit et vous appelle son cher ami?
M. Rauch. J'en suis fort étonné. J'ai dit au particulier qui m'apportait la lettre : Je ne connais pas ce Lucot.
M. Le Président. Comment se fait-il qu'il vous écrive à vous-même et qu'il vous dise que vous lui avez parlé d'enrôler quelqu'un?
M. Rauch. Je. ne puis pas savoir, je suis très connu dans Paris...
Un membre: Il fait beaucoup de bruit dans Paris.
M. Rauch. Ma réputation m'a fait connaître par mon nom propre dans toutes les divisions de 1 armée, où j'ai beaucoup d'élèves ; mais je suis fort étonné qu'un étranger m'écrive comme cela, sans me connaître.
M. le Président. Vous avez une cousine?
M. Rauch. J'en ai deux. J'en ai une qui est mariée, et qui demeure dans le faubourg Saint-Honoré, chez Mme la marquise de Marbeuf, où son mari est suisse ; une autre qui demeure en face du Panthéon, rue Saint-Thomas-du-Louvre ; elle est marchande de vin; elles ont épousé mes deux cousins.
M. le Président. Comment les nommez-vous?
M. Rauch. Il y en a un qui se nomme Meynier, parce qu'ils sont deux frères de différents pères, mais de la même mère. Celui qui se nomme Meynier est suisse chez Mme de Marbeuf; l'autre s'appelle Champart.
M. le Président. N'avez-vous pas un jour, en sortant du Panthéon, trouvé un ouvrier avec qui vous avez causé sur les affaires du temps?
M. Rauch. Non, Monsieur, parce qu'il se passe quelquefois 6 mois, 8 mois, sans que j'aille chez mon cousin.
M. le Président. Vous pouvez vous retirer.
M. Rauch se retire.
Un membre : Le fait le plus important de tous ceux qui ont été énoncés relativement au particulier que vous venez d'entendre, c'est sa conversation avec le sieur Lucot. Cette conversation est rendue dans les procès-verbaux dont vous avez entendu la lecture d'une manière toute différente de celle qui vient de vous être rapportée par le particulier qui a été entendu à la barre. A l'appui de sa version, le Sieur Rauch a cité deux témoignages. L'Assemblée nationale ne peut pas prononcer sur les faits sans s'être assurée de la certitude de la version qu'on vient de lui apporter. Je demande donc que l'Assemblée, avant de prononcer sur l'accusé, entende les dépositions des deux particuliers qu'il a nommés, à l'appui de la déclaration qu'il a faite.
Plusieurs membres: A demain! à demain!
Un membre: Je crois qu'il y à une méthode bien simple de s'assurer des faits, c'est de confronter le sieur Rauch avec le sieur Lucot, qui est maintenant détenu dans la prison de la mairie ; il n'y a pas bien loin, il faut faire venir le sieur Lucot.
Un membre : Il faut entendre le sieur Richard avant de faire paraître le sieur Lucot.
, rapporteur. Pendant qu'on entendra celui qui va paraître, on .pourrait faire venir Lucot de la prison de la mairie où il est détenu et le mettre ensuite en présence de Rauch.
M. Richard est introduit à la barre.
M. le Président. Monsieur, vous êtes ici par les ordres de l'Assemblée nationale. Comment vous appelez-vous ?
M. Richard. Richard.
M. le Président. Quel est votre état ?
M. Richard. Sergent-major de la compagnie du centre, section ae l'Oratoire.
M. le Président. Depuis quand êtes-vous à Paris ?
M. Richard. Je suis à Paris depuis le 11 août 1789 : j'étais parti de Rennes le 2 août.
M. le Président. Connaissez-vous M. Lucot?
M. Richard. Non, Monsieur.
M. le Président. Connaissez-vous le sieur Rauch?
M. Richard. Je sais qu'il est tambour-major de la compagnie.
M. le Président. Connaissez-vous M. Duval ?
M. Richard. Non, Monsieur.
M. le Président. Et M. Lasalle ?
M. Richard. Je ne le connais pas non plus.
M. le Président. Avez-vous. connaissance de quelque enrôlement ?
M. Richard. Non, Monsieur.
M. le Président. Vous n'avez pas appris que le sieur Rauch ait fait des enrôlements ?
M. Richard. Non, Monsieur, je le connais très peu; il ne couche pas à la caserne,mais vis-à-vis.
M. le Président. Quand on veut recruter la compagnie, est-on dans l'usage de s'adresser à lui?
M. Richard. Quand on veut recruter la com-
pagnie, lorsqu'un homme se présente, on l'adresse à mol. Qn n'a pas engagé dans la garde nationale depuis le mois d'avril, car depuis cette époque, jen ai vu personne. Quand un. homme se présente, on l'adresse au sergent-major qui le conduit à son capitaine ; et d'après les ordres du capitaine, on le conduit à l'état-major ou à M. le major général et de là à celui qui est chargé de faire les engagements.
M. le Président. Le sieur Rauch vous a-t-il présenté quelques recrues ?
M. Richard. Non, Monsieur le Président, personne.
M. le Président, s'adressant à VAssemblée. Je crois pouvoir faire retirer M. Richard. (Oui! oui!)
M. Richard. Monsieur le Président, je voudrais avoir l'honneur de vous remettre mes papiers; il doit y avoir un membre de l'Assemblée nationale duquèrje dois avoir l'honneur d'être connu. Je remets en même temps le certificat de la manière dont j'ai servi pendant la Révolution, ainsi que ma cartouche de sergent de grenadiers du régiment de Lorraine ou j'ai servi. 11 y a dés .membres de l'Assemblée, députés de Rennes, qui ont bien voulu-signer et attester les certificats que voici. L'un doit être signé de M. Codet. (Il remet les pièces à un secrétaire.) »
C'est moi, me voici. (Il va regarder les pièces déposées sur le bureau.) C'est ma signature.
M. le Président, sy adressant à M. Richard. L'Assemblée vous ordonne de vous retirer.
(M. Richard se retire.)
Je demande, Monsieur le Président, qu'on lasse entrer le sieur Lucot qui est dans le prochain corps de garde.
Un membre : Ces personnes sont-elles dans des appartements séparés ?
Un huissier : Oui ! oui ! Monsieur.
Monsieur le Président, je demande que vous donniez des ordres pour que l'Assemblée soit assurée de ce fait.
M. Lucot est introduit à la barre.
M. le Président. Vous êtes icr, Monsieur, par ordre de l'Assemblée. Gomment vous nommez-vous ?
M. Lucot. Lucot.
M. le Président. Comment écrivez-vous votre nom ?
M. lucot. L.U.C.O.T.
M. le Président. Quel est votre état?
M. Lucot. Menuisier.
M. le Président. Où demeurez-vous?
M. Lucot. Rue de l'Évêque.
M. le Président. Depuis quand êtes-vous à Paris ?
M. Lucot. Depuis près de 2 ans.
m. le Président. Où étiez-vous avant-hier, à 11 heures du matin?
M. Lucot. Dimanche, j'étais à travailler.
M. le Président. Et hier, à 11 heures du matin, où étiez-vous?
M. Lecot. Hier, Monsieur, j'étais rue des Petits-Champs, chez un marchand de vins en face le Trésor royal.
m. le Président. Vous n'étiez donc pas dans la rue Saint-Honoré ?
M. Lucot. Non Monsieur.
M. le Président. N'étiez-vous pas, à peu près à cette heure-là, dans un cabaret qui a pour enseigne Au Dauphin f
M. Lucot. Non, Monsieur, je ne connais pas d'enseigne.
M. le Président. Connaissez-vous M. Rauch ?
M. Lucot. Oui, Monsieur.
M. le Président. Avez-vous eu quelque conversation avec lui ?
M. Lucot. Monsieur, j'ai eu une conversation avec lui samedi au soir; je sortais du Panthéon où je venais de travailler. Je l'ai rencontré dans la rue Saint-Honoré ; il m'a dit bonsoir, je lui ai dit bonsoir ; il m'ademandé comment je me portais, je lui ai dit que je me portais bien et il m'a répondu la même chose. Il m'a offert à boire une petite goutte de rogomme : nous sommes entrés chez un épicier ; je lui ai dit que ça ne valait rien ; nous avons été à la place du Palais-Royal où il y a un petit magasin. Nous avons bu un petit coup de rogomme et là-dessus il m'a dit qu'il engageait pour M. Lasalle, sur quoi il m'a onert des billets que je n'ai pas reçus. De là il m'a fait partir par la rue Saint-Thomas-du-Louvre, où nous sommes entrés dans un café boire une bouteille de bière. De là il est entré chez sa cousine ; il m'a dit que sa cousine allait le gronder; de fait, il l'a été aussi. De là il a voulu me mener coucher avec lui, je n'ai pas voulu et j'ai été coucher à l'auberge.
M. le Président. Connaissez-vous un M. Du-val?
M. Lucot. Non, Monsieur, je ne le connais pas.
M. le Président. Le sieur Rauch vous en a-t-il parlé?
M. Lucot. Il ne m'a parlé que de M. Lasalle.
M. le Président. Avez-vous écrit au sieur Rauch?
M. Lucot. Monsieur, on m'a demandé un billet pour IuLporter aujourd'hui : je l'ai donné.
M. le Président. A qui avez-vous donné ce mot d'écrit.
M. Lucot. Je l'ai donné à un monsieur qui est chez le commissaire et qui est venu me le demander ce matin.
M. le Président. Vous rappelez vous ce qu'il vous a dicté?
M. Lucot. Comme il m'a dicté la lettre, je l'ai suivi ; ie lui ai marqué, comme je lui avais dit, qu'il allait pour tâcher de s'engager. Il me disait : mon cher ami, tu n'as qu'à lui marquer que je viens de ta part pour m engager avec M. Lasalle. Je n'ai pas mis le nom de M. Lasalle, parce que Rauch me l'a défendu.
M. le Président. Qui vous a dicté ce billet?
M. Lucot. C'est un monsieur qui est chez le commissaire, qui fait les commissions.
M. le Président. Comment s'appelle-t-il?
M. Lucot. Je serais en peine de vous dire son nom, car je ne le sais pas; il y a ici un monsieur qui le connaît bien.
M. le Président. Pourriez-vous désigner cette personne que vous ne connaissez pas?
M. Lucot. Monsieur, si je le voyais, je le reconnaîtrais.
M. le Président. Est-il grand?
M. Lucot. C'est un grand qui a un chapeau
rond; il vient avec une canne chez M. le commissaire.
M. le Président. Depuis quel temps connaissez-vous M. Rauch?
M. Lucot. Monsieur, il n'y a pas longtemps que je le connais, c'est de samedi.
M. le Président. Qui est-ce qui vous a fait faire connaissance avec lui?
M. Lucot. Personne ne m'a fait faire connaissance avec lui ; c'est lui qui m'a attaqué en venant de travailler.
M. le Président, s'adressant à VAssemblée. Je crois qu'il serait nécessaire de le faire écrire. (s*adressant à Lucot.) Avez-vous contracté quelque engagement?
M. Lucot. Non, Monsieur, Rauch m'a montré un portefeuille qui était plein de papiers.
M. le Président. Savez-vous au nom de qui ce M. Lasalle engageait?
M. Lucot. Non, Monsieur, Rauch ne me l'a pas dit, il m'a dit qu'il engageait au nom de M. Lasalle et qu'il les conduisait tout de suite.
M. le Président. Vous a-t-il dit quel était ce M. Lasalle?
M. Lucot. Non, Monsieur, il ne me l'a pas dit.
M. le Président. Il ne vous a pas parlé de sa qualité ?
M. Lucot. Non, Monsieur.
M. le Président. Son âge ?
M. Lucot. Je ne le sais pas.
M. le Président. Sa demeure?
M. Lucot. Il m'a dit qu'il demeurait rue Royale, près la place Louis XV.
M. le Président. En vous proposant de vous engager, a-t-on dit pour quel endroit?
M. Lucot. Rauch ne m'a pas nommé le régiment; mais tout ce qu'il m'a dit, c'est que le long de la route je serais nourri de distance en distance, qu'on me donnerait des billets de nourriture et que je recevrais en route des biliets d'etape.
M. le Président. Vous a-t-il parlé de la ville où l'on' devait aller?
M. Lucot. J'ai demandé jusqu'où j'irais; il m'a parlé de Senlis, Soissons.
M. le Président. Vous a-t-il parlé de Givet ?
M. Lucot. Oui, Monsieur, il m'a parlé de Givet.
M. le Président. Vous a-t-il parlé des émigrants?
M. Lucot. n m'en a parlé une fois.
M. le Président. Que vous a-t-il dit à ce sujet?
M. Lucot. line m'a pas parlé si c'était pour les émigrants, mais je m en suis douté dès qu'il m'a ouvert la bouche.
M. le Président. D'après quoi avez-vous pensé que ce pouvait être des émigrants dont il s agissait.
M. Lucot. Monsieur, après qu'il m'a eu parlé des émigrants.
M. le Président. S'il vous en a parlé, il vous en a dit quelque chose. Qu'est-ce qu'il vous en a dit?
M. Lucot. Il ne m'a pas dit s'il enrôlait pour les émigrants, mais il m'a parlé des émigrants.
M. le Président. Vous a-t-il dit que c'était pour aller à Coblentz ?
M. Lucot. Il ne m'a pas dit cela, il ne m'a pas parlé d'aller à Coblentz, mais, je crois, d'aller a Worms.
M. le Président. Vous a-t-il parlé de l'armée des princes ?
M. Lucot. Non, Monsieur, il ne m'a pas parlé de l'armée des princes, il m'aparlé desémigrants.
M. le Président. Vous a-t-il désigné une époque pour vous rendre à cet endroit-là.
M. Lucot. Monsieur, il m'a dit qu'il fallait être rendu pour le 21 décembre.
M. le Président. Vous a-t-il proposé de l'argent?
M. Lucot. Il m'a offert des papiers qui étaient dans un grand portefeuille, il y en avait beaucoup.
M. le Président. De combien ? M. Lucot. Il ne m'a pas dit la somme. M. le Président. En avez vous pris quelqu'un? M. Lucot. Rien du tout. M. le Président. Feriez-vous bien la signature de ce monsieur ?
M. Lucot. C'est moi qui ai écrit son nom, mais je ne sais pas bien l'ortbographe. M. le Président. Quel âge a-t-il à peu près ? M. Lucot. Monsieur, je ne le sais pas, c'est le soir que je l'ai vu. M. le Président. Est-il grand ? M. Lucot. Non, Monsieur; c'est un petit brun, courtaud, grave, une figure large et un long nez.
M. le Président. Comment ce Rauch était-il habillé ?
M. Lucot. Monsieur, il avait un habit de tam-bOur-maître. M. le Président. Mais comment était son habit? M. Lucot. Son habit était galonné. M. le Président. Y a-t-il des revers? M. Lucot. Il y a des revers à la nation. M. le Président. Reconnaîtriez-vous M. Rauch? M. Lucot. Oui, Monsieur. M. le Président. Rauch parle-t-il bien français?
M. Lucot. Monsieur, il est allemand. M. le Président. Lorsqu'il vous a parlé, y avait-il quelqu'un préseut ?
M. Lucot, Monsieur, il m'a parlé chez le limonadier ; il y avait un garçon qui était là. M. le Président. Dans quel endroit? M. Lucot. C'est sur la place du Palais-Royal, à côté d'un boucher.
M. le Président. Savez-vous le nom du limonadier?
M. Lucot. Non, Monsieur, je ne le sais pas. M. le Président. Quel est cet ami que vous proposiez à M. Rauch.
M. Lucot. C'est l'homme qui fait les commissions de M. le commissaire. M. le Président. Comment se nomme-t-il? M. Lucot. Je ne sais point son nom du tout.
M. le Président. Quand il a été question de vous enrôler, le sieur Rauch ne vous a-t-il point parlé de faire un serment ?
M. Lucot. Oui, Monsieur.
M. le Président. Et comment était-il conçu, ce serment ? M. Lucot. De soutenir les émigrants.
M. le Président. Était-il, dans ce serment, question des princes?
M. Lucot. Non, Monsieur, il ne m'en a pas parlé du tout. M. le Président. Du tout ? M. Lucot. Non, Monsieur. M. le Président. N'avez-vous pas cherché à engager deux autres hommes ?
M. Lucot. Monsieur, je vais vous dire la circonstance. Je me suis trouvé à boire un coup dans un cabaret et j'y ai rencontré deux hommes. Je leur ai dit que je connaissais un homme qui engageait pour M. Lasalle, qui demeurait rue Royale. Ils m'ont demandé eux-mêmes où céla était et m'ont dit : « Si nous le trouvons, nous mangerons son argent, de bons poulets d'Inde et en bons citoyens nous n'irons pas. » (Applaudissements dans les tribunes. Rires dans V Assemblée.)
M. le Président. Quel est l'homme que vous chargiez de porter à M. Rauch le billet que vous aviez écrit?
M. Lucot. Le monsieur qui fait les commissions de M. le commissaire.
M. le Président. Chez le limonadier, outre le garçon, n'y avait-il pas une cousine du sieur Rauch ?
M. Lucot. Non Monsieur, elle n'était pas là. Ce n'est pas son quartier. M. le Président. Où demeure-t-elle? M. Lucot. Rue Saint-Thomas-du-Louvre. Un membre : Il faudrait demander à Lucot pourquoi il dit dans sa lettre que dimanche il reverra Rauch.
M. le Président. Je crois qu'il faut faire^appeler le sieur Rauch.
Un membre : Je crois qu'il faut faire retirer cet homme un instant pour que l'on puisse parler.
M. le Président, s'adressant à Lucot. Vous pouvez vous retirer. (M. L ucot se retire.)
Un membre : Je crois qu'il serait à propos que le garçon cafetier chez lequel ils ont été boire soit interrogé ainsi que la cousine du sieurRauch, pour éclaircir ce fait. Rauch a dit qu'il y avait longtemps qu'il n'avait été chez elle et Lucot a prétendu qu'ils étaient allés ensemble chez la cousine.
Plusieurs membres : Il n'a pas dit cela.
Je demande que l'on fasse paraître à la barre Rauch et Lucot. Il s'agit de prendre en leur présence à tous deux des éclaircissements qui ont eu lieu entre eux. Lorsqu'une fois l'Assemblée les aura entendus, elle sera en état de prendre un parti sans faire paraître à la barre ni la cousine ni le garçon cafetier. Il ne faut pas arrêter la ville et les faubourgs, il faut simplement s'assurer des coupables.Voila, je.crois, le seul moyen d'y parvenir.
n n'est pas nécessaire d'avoir des preuves plus claires que le jour. Vous avez à désirer une prévention raisonnable sur ce délit pour les mettre en état d'accusation. N'allez donc pas désirer que l'on mette votre esprit par-
faitement tranquille sur tbus les détails et sur toutes les branches de cette affaire. (Exclamations.) Je demande donc que Rauch et Lucot paraissent ensemble à la barre, que M. le Président demande à Lucot les mêmes choses qu'il lui a déjà demandées; Lucot répondra. M. le Président dira à Rauch, quand il le jugera à propos : « que répondez-vous à cela. » Rien de plus. Quand ils auront l'un et l'autre parlé et répondu, l'Assemblée pourra prendre un parti
Nous sommes tous: d'accord qu'il n'y a pas d'inconvénient à les faire venir.
(L'Assemblée décide que les sieurs Rauch et Lucot seront confrontés a la barre.) (MM. Rauch et Lucot sont introduits.); . M. le Président à LucoL Connaissez-vous un nommé Rauch? -; M. LucôT, montrant Rauch. Monsieur, le voilà. M. le Président. Avez-vous eu quelque conversation avec lui? M. Lucot.. Samedi au soir. M. le Président. Quelle conversation avez-vous eue avec, lui?
M. Lucotj JI m'a dit bonsoir ,- je lui ai dit bonsoir. 11 m'a demandé comment je me portais : j'ai dit que je m>e portais bien. Je lui ai demandé sa santé de même; il m'a dit que cela allait bien. Il m'a offert un coup de rogomme, alors nous avons bu le rogomme. Il m'a mené dans Un café à la descenté du Palais-Royal, à côté d'un boucher. (Rauch regarde Lucot.)
M. le Président. Vous a-t-il fait quelques propositions?
M. Lucot. Il a dit qu'il engageait pour M. La-salle et m'â offert des billets que je n'ai pas acceptés. Nous avons été boire une bouteille de bière dans la rue Saint-Thomas-du-Louvre. De là il m'a voulu emmener coucher avec lui. Je n'ai pas voulu y aller; je me suis retiré. M. Rauch. Avec moi? M. Lucot. Oui, Monsieur, samedi au soir. M. le Président, à Lucot. Vous a-t-il parlé des émigrants?
JM. Lucot. 11 m'a dit qu'il engageait pour La... et qu'il fallait lever la main pour dire qu'on serait fidèle.
M. le Président. Vous a-t-il dit à peu près la route pour vous rendre là?
M. Lucot. Il m'a parlé du côté de Soissons, Senlis et du côté de Givet. Il m'a dit qu'on mè donnerait des cartes d'étapes pour être nourri pendant la route. M. le Président. Et vous, Monsieur Rauch,
au'avez-vous à répondre à ce que vous venez 'entendre?
M. Rauch. Monsieur, je ne peux rién répondre sur cette chose-là. De mon côté, je jure sur mon âme, que je ne lui ai jamais fait aucune proposition. 11 est possible de supposer qu'en revenant de la place Véhdôme, j'aurai pu avoir rencontré ce monsieur-là. Il est encore très possible que j'aurai bu le rogomme avec lui. Pour ce qui régarde de recruter, pour quiconque que ce soit, quand on m'ôteraitla vie, pour le moment, je né saurais vous répondre sur cela. (S1 adressant à Lucot.) Je n'ai pas l'honneur de vous connaître.
M. Lucot. Vous ne m'avez pas dit que vous engagiez pour M. Lasalle? M. Rauch. Noh,Môrisièur/':'
M. Lucot. Et qu'il fallait avoir de bons congés pour l'être?
M. Rauch. Je ne connais pas M. Lasailé et je ne sais pas ce que vous voulez me dire. Je n'ai jamais bu ni mangé avec lui, et je ne sais pas ce qu'il est.
M. Lucot. Vous m'avez pourtant dit qu'il ^demeurait rue Royale.
M. Rauch. Eh, je ne le connais pas, je ne l'ai jamais vu.
M. le Président, à Rauch. Vous venez de dire que vous aviez du avoir bu du rogomme avec lui. Rappelez-vous la conversation que vous avez eue avec M. Lucot.
M. Rauch. Il est très possible qu'en revenant de faire mon travail, je rencontre un ancien camarade, ou un homme qui peut avoir la taille comme monsieur, croyant qué c'est un soldat qui a son congé absolu, et qui a quitté la compagnie où j'étais. J'ai servi avec honneur et fidélité; je sers depuis l'espace de l'année 1760; j'ai mon congé absolu du régiment où j'ai servi comme un honnête homme* et je n'ai jamais engagé pour quiconque que ce soit. Je ne connais pas même M. Lasalle; je ne sais pas ce qu'il est ou ce qu'il n'est pas, et même sa demeure, je ne la connais pas.
M. le Président, à Rauch et montrant Lucot. Connaissiez-vous ce jeune homme-là avant le moment où vous vous êtes trouvé avec lui.
M- RAUGH^Nonj je n'ai jamais connu monsieur ni avant ni après.
M. le Président. Comment avez-vous pu le prendre. pour un ancien camarade ? vous avez aû remarquer qu'il est tout jeune.
M. Rauch. Je ne sais pas si j'ai arrêté monsieur ou si je l'ai accosté : je ne saurais pas vous le dire. Il y a du monde qui m'accoste et il y a rarement quelqu'un que j'accoste, parce que je vais tous les soirs à la place Vendôme, effectivement, pour commander la retraite à 8 heures précises, et je me retire chez moi après la retraite, quand les tambours sont partis pour battre, et c'est tous les jours.
M. le Président. L'avez-vôus mené chez votre cousine?
M. Rauch. Je ne saurais vous le dire si je l'ai mené chez ma eousine, car il y a au moins 3 semaines que j'ai mis le pied chez eux, ma cousine et mon cousin sont dans le cas de le dire, maiB je ne crois pas que cela. soit. M. le Président. Et vous, Monsieur Lucot? M. Lucot. Il m'a mené chez sa cousine, dans la rue Saint-Thomas-du-Louvre, à côté du café où nous avions pris une bouteille de bière, samedi au soir, Monsieur, à dix heures après midi.
M. le Président. Et là, qu'est-ce qu'il vous a dit?
M. Lucot. De là, il m'a voulu emmener chez lui. Je n'ai pas voulu y aller.
M. le Président. Mais en buvant cette bouteille de bière, avez vous eu une conversation.
M. Lucot. La même répétition, comme je viens de dire.
M. le Président. Y avait-il des témoins? M. Lucot. Monsieur, c'était le garçon, on fermais la boutique. M. le Président. Portait-il le même habit?
M. Lucot; Monsieur, la même chose.
M. le Président. Et vous, comment étiez-vous habillé?
M. Lucot. J'étais comme me voilà, jë crois que monsieur avait un sabre. ,
M. le Président, Monsieur Rauch, pourquoi avez-vous nié d'abord avoir bu le rogomme ; quand vous( étiez seul, vous avez dit que vous n'étiez pas sorti de chez vous.
M. Rauch. Je sors tous les soirs de chez moi à 7 heures et demie précises, pour me rendre à la place Vendôme. Après la retraite, que j'ai commandée, je m'en vais chez nous où cé que ie demeure. Par ce moyen-là,1 il est très possible quelquefois qu'en chemin faisant, je Ijçive une chopine de vin avec un ami ou avec un camarade : mais poiir l'histoire d'engagement pour le régiment de M. Lasalle, ma mi je ne saurais rien vous dire là-dessus ;, je ne pense rien vous dire. Et bien mieux, il y a du monde qui part de chez nous depuis quelque temps. Or, depuis 4 ou 5 mois, même depuis 15 mois, on n'a engagé personne pour la garde nationale.
M. le Président. Monsieur Lucot, lorsqu'il vous a parlé d'engagement, il vous a offert des assignats qu'il avait dans son portefeuille toùt plein.
M. Rauch. Ah ! Monsieur, je n'en ai pas seule-» ment pour 36 sous de valeur.
M. Lucot. Un portefeuille qui était gros comme ça, qui était tout plein, quoi 1,,
M. Rauch. Ah ! ma foi, voilà le portefeuille que j'ai, je ne porte pas un autre sur moi (Il tire dè sa poche un petit portefeuille en. Cuir qu'il pose sur la table.) Voyez si j'avais un portefeuille gros et bien plein : voilà lç portefeuille que j'ai. I
M. le Président, â Lucot. Vous avez donc vu dedans des assignats?
M. Lucot. Il y avait des papiers blancs, je n'ai pas vu combien, moi.
M. le Président. Est-ce là le portefeuille qu'il vous a montré :
M. Lucot. Monsieur, il était plus gros que cela, il avait au moins 8 pouces dé longueur. Aû reste, les officiers qui peuvent mè connaître peuvent répondre de ma conduite. J'ai perdu ma femme, j'ai été 13 mois malàdé ; j'ai des enfants ; on sait quelle fortune j'ai. Dépuis l'année 1770 que je suis à Paris jusqu'à cette heure, on peut savoir quelle conduite j'ai tenue par tout le monde.
M. le Président. Monsieur Rauch, avez-vous été dans un café près du Palais-Royal, auprès d'un boucher, samedi ?
M. Rauch. Il est possible que j'ai bu du rogomme dans ce petit endroit, sur le carré du Palais-Royal, où ce qu'on ne s'assit pas : c'est à une marchande d'eau-de-vie qui vend sur le comptoir. Il est possible que lorsque Monsieur m'a accosté, que je lui aurai payé pour 2 sous de rogomme.
M. Lucot. Nous en avons bu pour 5 sous.
M. Rauch. C'est vrai, nous en avons bu pour 5 sous ; un poison de rogomme, n'est-ce pas ? on le paye 5 sous. Il est très possible, parce que ce soir la j'ai bu avec plusieurs de mes amis, qui m'ont payé et que j'ai payé. Quand j'aurai peut-être rencontré M. Meynier, je lui aurai dit s'il aurait son engagement, mais je n'ai pas parlé d'engagement de personne, qui qu'elle soit. Il est très possible, comme nos troupes s'en vont
avec des pensions, moi le premier, j'ai parlé peut-être que je partais en pension pour compléter les 4 régiments; Mais pour parler de M. Lasalle, je n'en ai aucun souvenir ex même je ne le connais pas.
M. le Président. Il y a si peu de temps de cela que vous pouvez bien vous en rappeler si vous avez bu le rogomme avec lui : regardez-le bien.
M. Rauch. Je ne m'en ressouviens pas d'avoir bu le rogomme.avec lui? ,.
M. le Président. Et vous Monsieur Lucot, avez-vous bu le rogomme avec lui.
M. Lucot. Oui, Monsieur, sur le comptoir.
M. le Président Et vous avez eu" encore la même conversation ?
M. Lucot. C'est là où ce qu'il a commencé à m'entàmer des paroles.
M. le Président. Monsieur Rauch, voulez-vous vous retirer?
(M. Rauch se retire.)
M. le Président, à Lucot. Connaissez-Vous M. Richard? .
M. LuCot. Non, Monsieur, je ne le connais pas.
M. le Président. M. Rauch ne vous a-t-il pas parlé de M. Richard ?
M. LucoT, Monsieur, il ne m'en a pas parlé du tout : s'il m'en avait parlé je vous l'aurais dit la même chose.
M. le Président. -Vous a-t-il parlé de M. Du-yal?„,;
M. Lucot. Monsieur, il ne m'en a pas parlé.
M. le Président. Messieurs, je crois qu'on peut renvoyer monsieur. (Oui! oui!)
(M.-Lucot se retire.)
Un membre : Il paraît que le principal coupable dans cette affaire est un M. Lasalle, demeurant rue Royale ; il faut le faire venir.
De quoi s'agit-il actuellement ? Voilà M. Rauch qui est accusé par M. Lucot d'avoir voulu l'enrôler; vous n'avez jusqu'à présent que la déposition de M. Lucot ; cependant, il existe près de nous à Paris encore deux témoins cités par M. Lucot. Vous devez épuiser tous lçs moyens de vérification avant de prononcer l'accusation. Je demande que le garçon limonadier et la cousine soient appelés pour être entendus : alors vous avez trois dépositions et vous pouvez rendre un décret.
lit la portion du procès-verbal qui concerne l'accueil fait par Rauch au porteur de la lettre. Il porte que Rauch a bien reçu celui qui la lui portait ; qu'il lui a répondu qu'il n'avait pas d'ordre pour le moment ; que peut-être il pourrait y en avoir pour le lendemain du jour de l'an ; qu'il en parlerait à son sergent-major. 11 l'avait ensuite reconduit jusqu'à la porte.
On éprouve , un sentiment bien pénible quand on a à proposer des moyens qui doivent priver un citoyen de sa liberté, le bien le plus précieux dont il puisse jouir; mais quand on est commandé par son devoir, quand on est lié par des fonctions importantes, par un double engagement, le serment que nous avons prêté et lé maintien de la liberté, ce premier sentiment sans doute doit céder pour ne parler que le langage de la loi.
J'examine, en conséquence, si les deux particuliers qui ont été admis à la barre sont dans
le cas d'être mis en état d'accusation, ou s'il faut les renvoyer absous.
D'aborcf j'en viens au tambour-maior. Vous n'avez, il est vrai, contre lui que la déposition d'un seul témoin, mais vous avez aussi aes contradictions frappantes dans ses réponses. Vous avez vu ensuite l'air embarrassé qu il a eu lors-
Su'il a été obligé de répondre à Lucot avec lequel
a été confronté. Rappelez-vous, messieurs, que les membres de l'Assemblée constituante affirmaient que les dépositions ne devaient pas être écrites. Us disaient, avec bien de la raison, que les jurés saisissaient avec bien plus d'impression lorsqu'ils voyaient eux-mêmes les témoins ; ils en .appréciaient bien mieux la fidélité par les discussions qui s'élevaient entre eux et 1 accusé que lorsqu'on faisait écrire les dépositions et qu on les usait ensuite. Ce moyen ne doit pas être oublié.
Vous avez ensuite la circonstance bien frappante que Rauch a arrêté Lucot dans la rue sans le connaître. Il ne l'a point arrêté pour l'engager dans la garde nationale parisienne, puisqu'il est convenu lui-même qu'il ne pouvait pas engager. C'est donc pour une autre troupe qu'il lui a proposé un engagement, et cette troupe se devine sans peine, puisque vous avez su par Lucot que c'était pour les émigrants et que Rauch lui avait indiqué la route.
Ces preuves ne suffiraient pas pour porter un jugement, mais elles suffisent pour accuser. L'accusateur public, dont nous faisons la fonction aujourd'hui, n'attend pas que les informations et la procédure soient laites. Lorsque la rumeur publique lui indique qu'un homme est coupable d'assassinat, il le fait arrêter et le livre à la justice. Voilà ce que nous devons faire aujourd'hui, d'après les preuves que nous avons.
J en viens au second particulier, et je trouve dans sa déposition même la preuve non équivoque, qu'il a eu avec d'autres particuliers des conversations particulières à raison de la conversation qu'il avait eue avec le tambour-major. Je vois aussi dans les dépositions de ces mêmes particuliers, qui ont bu avec lui dans deux cabarets différents, que Lucot leur indiquait le sieur La-salle pour être celui à qui on devait s'adresser pour aller prendre des enrôlements. Ces quatre dépositions et son interrogatoire fournissent la preuve non équivoque qu'il était d'accord avec le sieur Lasalfe pour enrôler pour les émigrants.
Je demande donc qu'ils soient mis tous deux en état d'accusation.
Si cependant vous appreniez, après avoir entendu le garçon limonadier et la cousine, que la déposition de Lucot ait varié, ne serait-il pas constant pour vous que cette déposition doit être nulle? En bien, Messieurs, lorsqu'il ne tient qu'à vous d'entendre ce garçon limonadier et cette cousine avant de lancer contre Rauch un décret d'accusation qui le fera mettre au secret, je ne conçois pas comment on peut se refuser à se procurer ces renseignements. J'insiste pour que le garçon limonadier et la cousine soient entendus.
L'Assemblée nationale, pour se décider avec plus de sûreté, doit, je pense, entendre et la cousine du sieur Raucn et le garçon limonadier, et même le sieur Lasalle si l'on parvient à le trouver. Comme la nuit s'avance et que le Corps législatif ne peut pas mettre un citoyen en état d'arrestation, lorsque le décret d'accusation n'est pas porté, je fais
la motion que le sieur Rauch soit remis à M. le maire qui a le droit, pour un court délai, de faire mener un citoyen dans une maison d'arrêt afin qu'il y soit détenu et que l'affaire soit revue.
Il y a de fortes présomptions contre le sieur Lasalle. Si vous vous arrêtez aux gens subalternes, sans chercher les grands conspirateurs, vous n'aurez jamais raison des conspirations. Je demande que l'Assemblée prenne des mesures quelconques pour que M. Lasalle, qui est un chef de parti, soit amené sur-le-champ.
La question est de savoir s'il y a assez de preuves pour mettre ces gens en état d'accusation.
Vous sentez, Messieurs, que l'information qui se fait dans le sein de 1 Assem-blee nationale, ne peut se faire que d'une manière très imparfaite et très leste. Vous n'avez pas tous les moyens suffisants pour pouvoir faire saisir les personnes, les confronter ensemble, et en même temps pour faire inventaire des effets qui se trouvent actuellement chez elles. Je pense, en conséquence que vous pourrez charger le tribunal de la police correctionnelle, qui le premier a eu les connaissances nécessaires sur cette affaire, de faire toutes les informations et poursuites nécessaires, et remettre, en attendant, les détenus entre les mains de M. le maire de Paris.
J'appuie la motion de M. Basire. Il est important que vous entendiez, cette nuit même, tous les témoins qui pourront vous donner des renseignements importants sur cette affaire, parce qu'alors vous pourrez mettre les accusés en état d'arrestation avec plus de sécurité. Il pourrait se faire, en effet, que les témoins déposassent, ainsi que M. Lucot, des mêmes faits contre le sieur Rauch. Celui-ci alors convaincu, pourra se décider à dire à l'Assemblée qu'il connaît M. Lasalle. Je demande que l'on mette aux voix la motion de M. Basire.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets aux voix la motion de faire chercher M. Lasalle pour être amené à la barre.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Je mets aux voix la motion de faire amener le garçon limonadier et la cousine du sieur Rauch pour être entendus à la barre.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Il est incontestable que nous ne sommes pas 200 membres et que. dans un moment, nous ne serons pas 50; ainsi je demande l'ajournement, à demain. (Murmures.)
Je demande que tous les membres présents écrivent leur nom sur le bureau, afin qu'on puisse en compter le nombre.
(Les députés vont s'inscrire.)
M. Viénot-Vaublanc qui préside est dans l'impossibilité physique de continuer, à cause d'un violent mai de gorge qui l'empêche de parler. Je propose de conserver les personnes arrêtées jusqu'à demain matin neuf heures.
Je demande que l'on aille chercher M. Ducastel qui demeure près d'ici. (Assentiment.)
Divers membres proposent de nommer un vice-
président et font diverses autres motions qui n'ont pas de suite.
(La séance est de nouveau suspendue.)
M. Lemontey, président, arrive et prend place au fauteuil.
présidence de m. lemontey.
La séance est reprise à trois heures du matin.
Il résulte de l'inscription que 225 membres sont présents.
,au nom du comité de liquidation, fait un rapport et présente un projet de décret relatif à une augmentation de 12 commis pour le service de ce comité.
Je m'élève contre le nom de chef de bureau que l'on donne à quelques-uns des commis du comité de liquidation. Je me plains aussi de l'augmentation au traitement de quelques-uns du nombre des commis. Je vais plus loin ; je dis qu'il y a beaucoup d'aristocratie dans les bureaux de l'Assemblée et qu'il faut l'en bannir. Je vais dénoncer... (Murmures prolongés.) J'insiste pour que l'on réforme certains bureaux.
Un membre observe à l'Assemblée que les commis dont on veut augmenter le traitement ont aussi une besogne beaucoup plus considérable.
(L'Assemblée, consultée, adopte le projet de décret avec un amendement qui consiste a fixer le maximum des appointements à 150 livres par mois.)
Suit la teneur de ce décret et de l'état y annexé :
« L'Assemblée nationale décrète quil y aura 12 commis attachés au service du comité de liquidation, et que leurs appointements seront payés, sur les mandats des commissaires inspecteurs, conformément à l'état joint au présent décret. »
Etat des commis attachés au comité de liquidation, à compter du 1er novembre 1791.
MM. Mathieu Rondeville........................150 liv.
Delpature.........................130
Petiot.............................150
Département de Varriéré.
Soulès...............................130
Magnin............................................140
Dublot..............................................140
Pensions et offices militaires.
Beaugrand.....................150
Vié.............................150
Farcot.......................................150
Offices de judicatures et municipaux.
Molandré.........................150
Desaunet..........................................150
Rousseaux......................................140
(VAssemblée reprend Vaffaire des enrôlements pour les émigrants.)
Je demande la parole relativement à la question qui nous occupe. Un huissier m'a averti qu'il y avait dans un café voisin un particulier qui pouvait donner des renseignements sur l'affaire du sieur Rauch. Je me suis transporté à ce café; j'ai parlé à ce particulier, et voici la conversation exacte qu'il m'a tenue. Ilm'a dit qu'il logeait dans la rue Thibauthodée, qu'il n'avait pu y aller coucher ce soir parce qu iln'avait pas d'argent et qu'il avait été sur-le-champ coucher dans le plus prochain corps de garde. A son réveil,
il a entendu les soldats parler de l'affaire du sieur Rauch; il a demandé si le sieur Rauch était le tambour-major de la compagnie d'une telle section. On lui a répondu affirmativement ; alors il a dit qu'il le connaissait parfaitement et qu'il avait voulu l'engager pour Worms. Il a ajouté à cela que Rauch a engagé, il y a environ un mois, deux particuliers qui sont logés dans la rue de la Vannerie, maison de l'Epée-Royale. Ces deux particuliers ne sont point encore partis, mais sans doute, ayant reçu l'engagement, ils partiront bientôt Si l'Assemblée juge à propos d'entendre le particulier, il esi au café. (Oui ! oui !)
(L'Assemblée décrète que ce particulier sera amené à la barre et entendu.)
(Le particulier est introduit à la barre.
M. le Président. Monsieur, l'Assemblée vous a appelé à la barre pour entendre de ' votre bouche ce que vous savez relativement à l'affaire du sieur Rauch. Parlez à l'Assemblée avec vérité : Quel est votre nom?
Le témoin : Jean-Joseph Ducrocq.
M. le Président. Que faites-vous ?
M. Ducrocq. Je suis commissionnaire pour gagner ma vie.
M. le Président. Où demeurez-vous ?
M. Ducrocq. Je demeure rue Thibauthodée.
M. le Président. Quel est votre âge?
M. Ducrocq. J'ai 22 ans, je vais sur 23.
M. le Président. De quel pays êtes-vous?
M. Ducrocq. Natif de Paris, de la paroisse Saint-Sulpice.
M. le Président. Expliquez à l'Assemblée les faits qui vous sont connus.
M. Ducrocq. Monsieur, ce que j'ai à dire sur M. Rauch, c'est que je me suis trouvé rue de Rohan, au cabaret, où je buvais un demi-septier, et là-dessus ie comptais mes pensées à un particulier, et je ais : Seigneur Dieu, est-il possible! on ne trouve jamais aucun sol à présent à Paris, le temps est si dur ! M. Rauch est venu à moi, me dire que si je voulais il me tireraitde lapeineetde la misère, et je lui dis : je ne peux pas m'engager par rapport à l'incommodité que j'ai? qui est une rétention d'urine ; et là-dessus il a tire un portefeuille plein de papiers, cramoisi et de cette longueur (montrant sa main) ; il me dit voilà de "argent pour faire la route, et de ville en ville on te donnera de quoi payer ta nourriture ; et là-dessus je lui dis que je ne pouvais pas servir dans un aucun corps ; et là-dessus je l'ai quitté. Je l'avais rencontre, il y a 2 mois il ne m'avaitpas parlé ; mais il y a environ 3 semaines, me dit être toujours dans les mêmes sentiments. Là-dessus, je lui dis, je suis toujours dans les mêmes sentiments ; je ne peux pas m'engager, parce que je suis estropié. Puisque j'ai été réformé d'un régiment, ce n'est pas pour servir dans un autre, et là-dessus il m'a laissé tranquille. Il y a donc deux de mes camarades qui se sont engagés; ie ne sais pas si c'est lui qui les a engagés, mais je m'en doute fort, parce qu'ils m'ont dit que c'était un soldat de la garde nationale. Il y a 2 mois que je le connais, un nez un peu allongé, un homme ae moyenne taille, noireau un peu, de figure brune ; il est Allemand.
Un membre : Il est d'usage que lorsqu'un témoin se présente on lui donne connaissance des faits sur lesquels il doit déclarer.
Messieurs, il serait absurde
que l'on se bornât à dire à un témoin qui se présente à la barre : Monsieur, racontez-nous ce que vous savez de M. un tel ; c'est une chose impossible, l'absurdité en est frappante. Lorsqu'on veut entendre un témoin, on lui dit l'objet sur lequel on veut l'entendre, on ne gêne pas sa conscience, on ne le force pas de déclarer ce qu'il ne veut
Sas déclarer, mais on lui dit : un tel est taxé 'avoir fait des enrôlements pour Coblentz ; sa-vez-vous à cet égard-là quelque chose qui peut éclairer l'Assemblée?
Un membre : Je demande que M. le Président demande au témoin pourquoi le sieur Rauch voulait l'engager, où il voulait l'envoyer, quelle route il voulait lui faire prendre.
Et le nom des personnes engagées.
Je demande à l'Assemblée de vouloir bien remarquer que ce n'est point un témoin qui se présente à la barre, c'est un homme qui vient faire une déclaration purement et simplement. La déclaration faite, tout doit être dit, et vous ne pouvez pas mettre à la charge de M. Rauch sa déposition. Il faut donc bien distinguer l'homme qui déclare d'avec l'homme qui est témoin. Or, en me résumant, je dis que s'il a fait une déclaration, tout doit être dit, et on ne peut lui demander autre chose.
Il faut, Monsieur le Président, que vous demandiez au particulier qui est à la barre, si on a voulu l'engager pour la France ou pour l'étranger, car si l'enrôlement se faisait pour fa France, il n'y a point de délit; si au contraire, et comme tout le fait croire, ces enrôlements se font pour Worms ou pour Coblentz, alors il y aura lieu a accusation.
Il faut savoir si le citoyen se présente comme témoin à votre barre, car on ne peut pas interroger les témoins, ou s'il se présente comme déclarant, et alors on ne peut pas lui demander quelle déclaration il veut faire, mais on peut lire l'exposé des faits, afin de l'instruire de l'objet sur lequel il vient faire une déclaration.
(L'Assemblée décrète que M. le président interrogera M. Ducrocq sur le fait dont il est question.)
M. le Président. L'engagement qui vous a été proposé par le sieur Rauch était-il destiné pour Worms, Coblentz, ou toute autre ville étrangère?
M. Ducrocq. Je n'étais pas destiné pour Coblentz, mais il m'a dit que c'était pour aller en Flandre.
M. le Président. Est-ce la Flandre française ? M. Ducrocq. Il ne me l'a pas expliqué. M. le Président. Etait-ce pour entrer au service des émigrés?
M. Ducrocq. Il m'a dit, tu le sauras quand tu seras arrivé là-bas.
M. le Président. Vous a-t-il indiqué la route que vous deviez suivre ?
M. Ducrocq. Oui, monsieur, il m'a dit que je passerai d'ici à Villers-Cotterets, de Villers-Cotte-rets à Soissons, de Soissons à Laon en Laonnais, de Laon en Laonnais à Marie, de Marie à Vervins, de Vervins que j'irais jusqu'à une autre ville, je ne me rappelle plus du nom.
M. le Président. Quelle était la dernière ville où vous deviez arriver?
M. Ducrocq. Ma foi, je ne me rappelle plus du nom ; d'ailleurs, j'ai deux dé mes camarades qui
sont engagés actuellement, qui sont encore couchés à l'auberge, qui le sauraient mieux que moi.
M. le Président. Comment s'appellent vos camarades?
M. Ducrocq. Je n'en connais qu'un par son nom ; il est cordonnier, il s'appelle Lecerf ; il y en a un qui est sellier et qu'on appelle Le Sellier.
M. le Président. Savez-vous de quel endroit ils sont?
M. Ducrocq. Il y en a un de Givet, l'autre qui est du Quesrioy.
M. le Président. Où sont-ils logés ?
M. Ducrocq. A l'Epée-Royale, rue de la Vannerie.
Un membre : je fais la motion qu'on fasse venir ces deux particuliers.
M. le Président. Reconnaîtriez-vous M. Rauch?
M. Ducrocq. Oui, monsieur, je le réconnaîtrais, il m'a sollicité il y a deux mois de m'eUgager, mais comme je n'ai jamais eu l'idée de m'énga-ger, parce nue j'ai le malheur d'être incommodé d'une rétention d'urine...
M. le Président. Pouvez-vous dire quel habit porte ordinairement M. Rauch?
M. Ducrocq. Un habit de garde national avec deux galons de caporal. 11 est tambour-maître; il a environ 30 ou 40 ans; il a le visage grêlé; un peu le nez allongé; c'est un homme de moyenne taille.
Je demande qu'on fasse venir le sieur Rauch et qu'on le confronte avec le témoin.
M. le Président. Dans les entretiens que vous avez eus avec le sieur Rauch, vous a-t-il parlé du sieur Lasalle?
M. Ducrocq. Il ne m'en a parlé aucunement, je disais toujours que je ne voulais pas m'en-gager. Il m'a dit : viens-t-en toujours avec moi, je te vais faire donner de l'argent, et tu seras sûr d'avoir du pain pendant un certain temps.
M. le Président. Vous a-t-il parlé d'un sieur Duval?
M. Ducrocq. Oui, Monsieur, il m'en a parlé deux fois; il y a trois semaines qu'il m'en a parlé une fois.
M. le Président. Que vous a-t-il dit du sieur Duval?
M. Ducrocq. Il m'a dit que c'était l'officier.
M. Le Président. Il ne vous a pas dit où il demeurait?
M. Ducrocq. H ne m'a pas dit où il demeurait du tout.
M. Le Président. Vous a-t-il annoncé dans quel corps le sieur Duval était officier?
M. Ducrocq. Non, Monsieur, pas aucunement, parce que je n'ai pas voulu. Il y a 3 semaines, quand il m'a parlé du sieur Duval, il m'a demandé si j'étais toujours de la même idée, si j[e voulais servir oui ou non. Je lui dis : ma foi je suis toujours dans la même idée, parce que je ne peux pas servir, quoique ça fasse de la peine, j'ai été réformé d'un corps, et l'on sait que lorsqu'on est réformé dans un corps, on ne peut plus servir dans un autre.
Je crois qu'il est temps d'envoyer à l'Epée-Royale; un instant de plus, Messieurs, ces deux nommes peuvent disparaître.
En conséquence, je fais la motinri expresse qu'il soit donné d^s ordres d'aller à l'Epée-Royale arrêter ces deux particuliers, et je demande qu'en même temps le particulier prescrit aille, avec l'officier de pulice, pour les reconnaître. (Applaudissements dans les tribunes.) , ; . i ,
(L'Assemblée décrété la proposition de M. Le-cointre, et ordonne que l'on fasse sortir M. Du-crocq.) ,
J'annonce à l'Assemblée que l'on n'a pas trouvé M. Lasalle dans la rue Royale, mais que le garçon limonadier et la cousine du sieur Rauch sont arrivés.
M. Rauch a déclaré qu'il n'avait pas vu sa cousine depuis 6 mois. Il me semble que la première'question à lui faire est de lui demander depuis quand elle a vu son cousin.
Le Limonadier est introduit à la barre.
M. le Président. Monsieur, quel est votre nom?
Le témoin : Manoury.
M. le Président. Votre âge?
M. Manoury. 25 ans.
M. le Président:Quelle est votre profession?
M. Manoury. Je tiens un magasin d'eau-de-vie.
M. le Président. Où demeurez-vous?
M. Manoury. Monsieur, place du Palais-Royal.
M. le Président. Vous êtes-vous aperçu que, dans votre café, des personnes faisaient des enrôlements?
M. Manoury. Non, Monsieur.
M. le Président. Vous êtes-vous aperçu que samedi soir, il vint dans votre café un tambour revêtu de l'uniforme national, avec un jeune homme?
M. Manoury. Monsieur, je ne m'en rappelle pas.
M. le Président. Avez-vous plusieurs garçons?
M. Manoury. Je suis seul garçon et j'ai une dame avec moi.
M. le Président. Connaissez-vous le sieur Rauch, tambour de la section de l'Oratoire?
M. Manoury. Non, Monsieur.
M. le Président- Avez-vous remarqué qu'un tambour fréquentât votre café ? ,
M. Manoury. Nop, Monsieur.
M. le Président. Connaissez-vous M. Lucot?
M. Manoury. Non, Monsieur.
M. le Président. Monsieur, éliez-vous samedi soir, dans votre café?
M. Manoury. Oui, Monsieur.
M. le Président. Vous êtes-vous aperçu que samedi soir, à 10 heures, un tambour avait fait des propositions à un jeune homme pour l'enrôler?
M. Manoury. Non, Monsieur:
M. le Président. Reconnaîtriez-vous les personnes qui, samedi soir, étaient dans votre café?
M. Manoury. Je ne le crois pas?
(M. Lucot est introduit de nouveau à la barre.)
M. le Président. Monsieur Lucot, connaissez-vous Monsieur pour être le garçon du café où vous avez été?
M. Lucot. Oui, Monsieur.
M. Le Président. Pour être le limonadier dont vous avez parlé dans vos interrogatoires?
M. Lucot. C'est chez lui que nous avons été boire, ,
M. le Président, s'adressant à il/. Mawowry. Monsieur le cafetier, vous ressouvenez-vous a'avoir vu Monsieur samedi soir dans votre café ?
M. Manoury. Je crois l'avoir vu quelquefois chez moi, mais je ne puis pas vous dire si c'est samedi soir.
M. le Président. Vous n'avez point entendu la conversation de Monsieur avec le tambour?
M. Manoury. Npn, Monsieur.
M. le Président. Qui avait lieu entre le garde national et Monsieur?
M. Manoury. Non, Monsieur.
M. le Président, s'adressant à M. Lucot. Monsieur Lucot. rappelez à Monsieur les faits que vous avez aéjà expliqués à l'Assemblée, et qui se sont passés dans le café samedi soir.
M. Lucot a dit que la conversation qu'il avait eue, s'était passée dans le café de Monsieur; mais M. Lucot a dit que c'était devant le garçonde café, (Sadressant à M. Lucot.) me trompé-je, Monsieur?
M. Lucot. Il était un petit brin écarté.
M. Lucot a dit que c'était devant le garçon limonadier; il n'est pas étonnant que le maître n'ait aucune connaissance du fait, mais le maître du café dit, en même temps, n'avoir pas de garçon, voilà une difficulté que ces messieurs pourraient arranger entre eux. (Rires.)
M. le Président, à Lucot. Est-ce le particulier présent que vous avez voulu indiquer comme garçon du café?
M. Lucot. Oui, Monsieur, c'est lui.
M. le Président. Etait-il présent lorsque vous avez eu conversation avec M. Rauch?
M. Lucot. Il était présent pour servir, puis il s'est retiré un peu à l'écart comme il fait ordinairement.
M. le Président. Pensez-vous qu'il ait pu entendre ?
M. Lucot. Je ne crois pas, parce que Monsieur n'écoute pas ce que l'ont dit dans son café.
Je crois qu'il faudrait faire paraître Rauch ; en voyant le tambour et l'individu présent, le cafetier pourrait peut-être se rappeler; cela le tranquilliserait; d'ailleurs il paraît inquiet, et ce ne sont que des éclaircissements qu on veut avoir en lui faisant ces questions... Il faut que Monsieur se rassure.
Un membre : 11 faut interroger Monsieur sur les cinq sols d'eau-de-vie.
(M. Rauch est introduit.)
M. le Président. Monsieur Rauch, connaissez-vous le particulier que vous avez à votre droite?
M. Rauch. Je ne saurais pas le connaître.
M. le Président. Avez-vous fréquenté un café à la place du Palais-Royal?
M. Rauch. Je vais quelquefois dans un café, chez un marchand de rogomme où je bois quelquefois un demi-poisson.
M. le Président, Vous souvenez-vous d'y avoir été samedi soir?
M. Rauch. Je ne saurais vous dire, Monsieur, je ne me souviens pas d'y avoir été.
M. le Président. Vous, Monsieur le cafetier, vous souvenez-vous que Monsieur y soit allé?
M. Manoury. Non, Monsieur.
M. le Président. Vous ne vous souvenez pas qu'ils aient eu conversation ensemble ?
M. Manoury. Non, Monsieur.
M. le Président. Vous souvenez-vous d'avoir vu quelquefois ces deux Messieurs ensemble dans votre café ?
M. Manoury. Non, Monsieur.
M. Lucot. J'y ons été samedi sur les dix heures et demie, boire les 5 sols.
Il faudrait demander qui a payé les 5 sols.
M. le Président. Monsieur Rauch, vous êtes convenu que vous alliez souvent dans ce café ?
M. Rauch. J'y vais boire de temps en temps, parce qu'ils ont de bonne eau-de-vie : j'y passe toutes les soirées après mon souper, quand je reviens de la place Vendôme, de la retraite, parce que jevais par la rue Fromenteau pour gagner la caserne de l'Oratoire, pour prendre le quartier de derrière.
M. le Président. Vous convenez donc connaître le particulier présent ?
M. Rauch. Je ne le connais pas.
M. le Président. Y avez-vous bu avec M. Lucot ?
M. Rauch. Je ne me ressouviens pas d'y avoir bu avec lui.
M. le Président. Vous êtes convenu d'avoir bu avec monsieur ?
M. Rauch. Il est très possible que j'aurais bu avec Monsieur, sans savoir si c'est Monsieur.
M. le Président. Vous ne vous souvenez pas si c'est Monsieur qui a payé pour 5 sols samedi ?
M. Rauch. Non, Monsieur.
M. Lucot. Je n'avais pas le sol.
M. le Président, s'adressant à M. Manoury. Monsieur le limonadier vous pouvez vous retirer chez vous.
(M. Manoury se retire.)
(On fait retirer l'un après l'autre Lucot et Rauch, et l'on introduit la cousine.)
M. le Président. Madame, quel est votre nom ?
Le témoin : Mon nom est Chabavarlet.
M. le Président. Quel est votre âge ?
Mme Chabavarlet. 48 ans.
M. le Président. Quelle est votre profession ?
Mme Chabavarlet. Fille limonadière.
M. le Président. Où demeurez-vous ?
Mmo Chabavarlet. Rue Saint-Thomas-du-Louvre.
M. le Président. De quel pays êtes-vous ?
Mrae Chabavarlet. Je suis de l'Auvergne.
M. le Président. Du département du Puy-de-Dôme, quelle est la paroisse ?
Mme Chabavarlet. Ce n'est pas une ville, c'est une paroisse, la paroisse Saint-Sauves.
M. le Président. Avez-vous des parents à Paris ?
Mme Chabavarlet. Non, Monsieur, je n'en ai pas ; je n'ai qu'une tante, ici.
M. le Président. Quel est son nom ?
Mme Chabavarlet. Elle s'appelle Léger.
M. le Président. Connaissez-vous un part i-ticulier nommé Rauch ?
Mme Chabavarlet. Je le connais pour venir chez moi boire, mais du reste je ne le connais pas autrement.
M. le Président. Est-ce qu'il n'est pas votre parent ?
Mme Chabavarlet. Non, Monsieur. Il se dit cousin, le petit cousin de mon mari, mais pour moi je ne le connais pas ; il se dit parent de mon mari ; mon mari ne le connaît pas.
M. le Président. Êtes-vous veuve?
Mme Chabavarlet. Non, Monsieur, je suis remariée ; j'ai un second mari.
M. le Président. Est-il parent à votre premier mari ou à celui-ci?
Mme Chabavarlet. Il se dit son cousin, mais mon mari n'a jamais voulu le reconnaître.
M. le Président. Y a-t-il longtemps que vous n'avez vu M. Rauch ?
Mme Chabavarlet. Il est venu l'autre jour, je ne sais pas quel jour, j'étais toute seule; il m a dit vouloir boire une bouteille de bière, je n'ai pas voulu parce qu'il était onze heures. Comme j'ai dit; il est temps de se coucher.
M. le Président. Pouvez-vous vous rappeler quel jour?
Mme Chabavarlet. Ma foi, Monsieur, je ne me rappelle pas, et pour lors il s'est en allé en bougonnant. Il a dit : eh bien, puisque vous ne voulez pas m'en donner, j'irai ailleurs. Allez ! allez ! lui ai-je dit; commé j ai vu qu'il avait bu, je ne lui en ai pas donné.
M. le Président. Vous ne vous rappelez pas si c'est samedi?
Mme Chabavarlet. Mais, je crois que oui, que c'est samedi; mon mari n'y était pas.
M. le Président. Est-ce qu'il n'y avait pas un jeune homme avec lui ?
Mme Chabavarlet. Non, Monsieur, je l'ai vu tout seul.
M. le Président. Lorsqu'il vint, n'étiez-vous pas prête à fermer votre boutique?
Mme Chabavarlet. Oui, Monsieur, j'allais fermer.
M. le Président. Est-ce qu'il n'est jamais venu avec un jeune homme?
Mme Chabavarlet. Non, je ne l'ai jamais vu avec un jeune homme, je n'ai pas vu ce jeune homme boire; mais je n'ai pas regardé, je ne fais pas attention.
M. le Président. Connaissez-vous à Paris un M. Lucot?
Mme Chabavarlet. Non, Monsieur, je ne le connais pas.
M. le Président, à l'huissier. Faites venir Lucot? ^ -,
(M. Lucot est introduit.)
M. Le Président. Monsieur Lucot, connaissez-vous Madame?
M. Lucot. Je ne connais pas Madame, j'ai resté à la porte.
M. le Président. Dans quelle rue demeure Madame?
M. Lucot. Rue Saint-Thomas-du-Louvre, en face du Panthéon, il y a 3 ou 4 marches à monter.
M. le Président. Vous êtes donc allé samedi chez Madame?
M. Lucot. Oui, Monsieur, c'est samedi à 10 heures 1/2, près de 11 heures, et il est entré chez Madame; moi, je n'ai pas entré, j'ai resté à la porte; Rauch m'a dit : je vas voir si on voudra me donner à boire ; peut-être bien que ma cousine va me dire des sottises, et, ma foi, il est descendu sur-le-champ.
M. le Président. Pourquoi avez-vous annoncé que vous aviez eu une conversation avec M. Rauch, en présence de Madame?
M. Lucot. Non, je n'ai pas dit en présence.
Quelques membres : Non, il ne l'a pas dit.
M. le Président. Ainsi les faits que vous avez annoncés sont : que vous êtes seulement allé samedi au domicile de Madame, que vous êtes resté dehors, que M. Rauch est seul entré, qu'ensuite il est sorti, et il vous a dit qu'on ne voulait
as lui donner à boire, et que Madame lui avait
it des sottises. Vous n avez donc pas vu Madame?
M. Lucot. Je n'ai pas entré parce qu'il m'a dit que ce n'était pas la peine d'y entrer ; je n'ai pas voulu recevoir un affront.
M. le Président, à un huissier. Faites retirer Monsieur et amenez M. Rauch.
M. Lucot se retire.
M. Rauch est introduit.
M. le Président. Connaissez-vous Madame?
M. Rauch. Oui, Monsieur, je suis son cousin germain.
Mme Chabavarlet. Mon cousin germain!
M. Rauch. Oui, Madame, votre mari est mon cousin germain. A
M. le Président. Savez-vous où demeure Madame ?
M. Rauch. Madame demeure rue Saint-Thomas-du-Louvre, vis-à-vis le Panthéon.
M. le Président. Y allez-vous de temps en temps la voir?
M. Rauch. Quelquefois tous les quinze jours, toutes les trois semaines.
Mme Chabavarlet. Il ne vient chez moi que quand il est saoul.
M. le Président. Depuis combien de temps n'y êtes-vous pas allé?
M. Rauch. Tout ce que je peux me souvenir, c'est que j'ai été chez Madame, il y a une huitaine de jours.
M. le Président. Y êtes-vous allé samedi soir?
M. Rauch. Je n'ai pas de souvenir de ça.
M. le Président. Vous n'y êtes pas allé avec M. Lucot ?
M. Rauch. Je n'ai pas idée de ça.
M. le Président. M. Lucot dit pourtant que vous entrâtes et qu'il resta à la porte: que vous redescendîtes peu de temps après et que vous vous en allâtes avec lui vers les onze heures et demie. Vous ne vous rappelez pas ces faits?
M. Rauch. Non, Monsieur, je ne m'en rappelle pas du tout.
Mme Chabavarlet. Il est venu chez moi, samedi à cette époque, sauf votre respect qu'il était saoul comme un cochon.
M. Rauch. Je ne m'en souviens pas.
Mme Chabavarlet. Je le crois bien ne vous en souvenez pas, vous étiez tro
M. le Président. Madame, vous pouvez vous retirer chez vous.
(Mme phabavarlet se retire.)
M. le Président. Monsieur Rauch, vous aviez d'abord annoncé que depuis six mois vous n'aviez pas vu votre cousine, et maintenant vous annoncez qu'il n'y a que quinze jours que vous l'avez vue.
M. Rauch. J'ai dit dans ma première parole que je vas de temps en temps chez elle. J'ai encore mon cousin qui est le rrère de l'épouse de Madame, qui est chez Mme la marquise de Marbœuf, au faubourg Saint-Honoré. Il y a plus de six mois que je n'ai pas mis le pied chez lui.
M. le Président. Pourquoi avez-vous annoncé que le mari de Madame était votre cousin-germain ? Cette personne dit que ce n'est pas a ce degré que ce Monsieur est votre parent.
M. Rauch. Cousine germaine avec ma mère défunte, et je suis son sous-germain.
M. le Président. Vous êtes natif de flaguenau en Alsace?
M. Rauch. J'en suis sorti depuis l'âge de 14 ans, et je sers depuis ce temps-là. J'ai mes congés absolus chez M. Castellas, trésorier de l'Etat, et M. le chevalier de Raymond, que j'ai vu hier, qui est maintenant principal officier de la cavalerie ; M. d'Affry, major des gardes suisses ci-devant, et d'autres officiers, comme M. d'Agoust, ont toujours vu que je n'ai jamais fait aucune extravagance dans mon service.
M. le Président. Avez-vous conservé des relations avec M. d'Agoust ?
M. Rauch. Monsieur, jamais ; je suis sorti du régiment depuis 15 ans et je ne lui ai pas parlé depuis .15 ans. 11 n'était même pas encore notre gros-major dans le temps, c'était M. de.....
M. le Président. Avez-vous engagé quelques personnes à Paris ?
M. Rauch. Non, jamais je n'ai engagé personne à Paris, parce que je suis sorti des gardes françaises il y a 15 ans. J'ai servi 11 ans et 1/2 dans le surnumérariat de la cavalerie de la garde à Paris.
M. le Président, à un huissier. Faites retirer Monsieur.
(M. Rauch se retire.)
. J'observe que M. le Président vient de faire retirer chez elles deux personnes ; je demande que le sergent-major Richard soit également renvoyé. Cet nomme ne paraît avoir aucune espèce d inculpation contre lui. Je demande que l'Assemblée délibère pour savoir s'il peut se retirer.
Un membre : Vous ne pouvez renvoyer ce ser-gent-major que lorsque vous aurez entendu les deux personnes que vous venez de mander.
(L'Assemblée interrompt, pour un moment, l'affaire des enrôlements.)
Un membre : au nom du comité militaire, propose un projet de décret sur le changement d'uniforme des commissaires des guerres, décrété par l'Assemblée nationale constituante.
Plusieurs membres : La question préalable I
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.sur cette proposition.)
Un membre, au nom du comité de liquidation, fait le rapport d'une pétition de la dame de Cham-barliac, relative au payement du traitement de son mari et à la pension de retraite qui lui est
due. Il propose le renvoi pur et simple au pouvoir exécutif.
(L'Assemblée renvoie la pétition de la dame de Chambarliac au pouvoir exécutif.)
fait lecture d un projet de décret (1), qui porte que les prêtres, membres du conseil épiscopal, et vicaires des cathédrales, légalement nommés par les évèques, conserveront leurs places après la circonscription des paroissés, et que les curés dont lés paroisses seront par la suite réunies à l'église cathédrale, ne pourront prétendre qu'aux places alors vacantes dans îe conseil de l'évêquè.
(L'Assemblée renvoie ce projet de décret au comité de législation.)
Un membre fait lecture d'Une pétition de plusieurs citoyens de Pontoise, qui demandent à conserver, dans leur ville, un officier dé gendarmerie nationale, nommé à un emploi vacant dans un autre département.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) t9
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une pétition d'un particulier qui demande à rendre compte à l'Assemblée, des lumières qu'il a acquises dans ses voyages, relativement a la Révolution.
(L'Assemblée décrète qu'il sera entendu dimanche prochain.)
(L'Assemblée reprend l'affaire des enrôlements.)
M. le Président. On m'annonce que les deux particuliers dénoncés par Joseph Ducrocq sont arrivés. {S*adressant à l'of/icier de gendarmerie.) Ducrocq les a-t-il reconnus tous les deux?
L'officier de gendarmerie : Oui, Monsieur le Président.
(On indroduitun des deux particuliers.)
M. le Président. Monsieur, quel est votre nom?
Le particulier ; François Garignon.
M. le Président. Quel est votre âge?
M. Càrignon. Dix-neuf ans.
M. le Président. Quelle est votre profession?
M. Garignon. Terrassier.
M. le Président. De quelle pays êtes-vous ?
M. Carignon. De la Basse-Marche.
M. le Président. Depuis Combien de temps êtes-vous à Paris ?
M. Garignon. Monsieur, il y a cinq jours.
M. le Président. D'où veniez-vous quand vous êtes venu à Paris?
M. Garignon. Monsieur, je venais de mon pays.
M. le Président. Que faisiez-Vous à Paris depuis votre arrivée ?
M. Garignon. J'ai tourné pendant trois jours des roues de coutelier.
M. le Président. N'avez-vous vu personne qui' ait voulu vous engager?
M. Garignon. Monsieur, j'ai vu à Orléans quelqu'un qui a voulu m'engageren passant à Orléans.
M. le Président. Et à Paris, personne ne vous a proposé de vous engager?
M. Garignon. Personne ne me l'a proposé.
M. le Président. Ni pour la France, ni pour l'étranger?
M. Garignon. Non, Monsieur, d'ailleurs je suis trop petit.
M. Carignon. Non, je ne connais personne à Paris.
M. le Président. Vous n'avez pas vu M. Rauch, qui vous a proposé de vous engager? 11 ne vous a pas offert de l'argent?
M. Carignon. Non, Monsieur, je ne le connais pas; il n'y a que cinq jours que je suis à Paris.
M. le Président. Connaissez-vous un nommé Lecerf?
M. Garignon. Je le connais parce que j'ai passé une nuit avec lui dans la chambre où il couchait.
M. le Président. Savez-vous où il est le sieur Lecerf?
M. Ca'rignon. Non, Monsieur, je ne sais pas.
M. le Président. Il ne vous a pas dit s'il était engagé?
M. Carignon. Non, Monsieur.
M. le Président. S'il devait partir?
M. Garignon. Non, Monsieur.
M. le Président. Connaissez-vous un nommé Ducrocq?
M. Carignon. Non, Monsieur, je ne connais pas cela.
M. le Président. Il vous connaît cependant.
M. Carignon. Il y en a beaucoup qui couchaient où j'ai couché; mais je ne les connais pas.
M. le Président, à un huissier. Faites entrer Ducrocq.
(M. Ducrocq est introduit à la barre.)
M. le Président. Monsieur Ducrocq, connaissez-vous Monsieur?
M. Ducrocq. Je le connais depuis quatre jours, le lendemain qu'il est venu à Paris.
M. le Président, à Carignon. Vous, Monsieur» connaissez-vous cet homme-là?
M. Carignon, pleurant. Je connais Monsieur pour l'avoir vu à l'auberge où nous mangeons tous deux.
M. le Président. Monsieur Ducrocq, savez-vous le nom de Monsieur?
M. Ducrocq. Ma foi, je ne sais pas son nom au juste; il y en avait un que je connaissais de nom; mais l'autre, je ne savais pas son nom; s'il n'est pas venu il est à la chambre; c'est un bel homme.
M. lb Président. Est-ce de lui que vous avez entendu parler, quand vous avez dit à l'Assemblée.qu'il y avait deux particuliers qui s'étaient engagés?
M. Ducrocq. Ils l'ont dit à intelligible voix, il y en a plusieurs qui l'ont entendu, il a dit qu'il était engagé par un homme qui ne savait pas...
M. le Président. Monsieur Carignon, que répondez-vous à cette observation?
M. Carignon. Monsieur, je n'ai pas entendu cela; Monsieur sait peut-être qu'on a voulu m'en-gager à Orléans.
M. le Président. Pour quel régiment voulait-on vous engager?
M. Carignon. Je ne sais pas, on ne m'a pas parlé du régiment ; on m'a passé sous une toise ; on m'a trouvé trop petit.
M. le Président. Vous a-t-on dit si c'était pour servir en France, ou pour l'étranger?
M. Carignon. Non, Monsieur, on ne m'a pas parlé de ça.
M. le Président. Et à Paris, on n'a pas voulu vous engager?
M. Carignon. Non, Monsieur.
M. le Président. Il n'y a que cinq jours que vous y êtes?
M. Carignon. Oui, Monsieur.
M. le Président, à un huissier. Faites retirer ces Messieurs, et introduisez l'autre particulier.
(MM. Carignon et Ducrocq se retirent; on introduit l'autre particulier.)
M. le Président. Monsieur, quel est votre nom?
Le particulier : François Fleuret.
M. le Président. De quelle profession êtes-voufc ?
M. Fleuret. Peintre-vitrier.
, rapporteur. Ce n'est pas celui-là.
M. le Président. De quel pays êtes-vous ?
M. Fleuret. De Meulan.
M. le Président. Depuis quand êtes-vous à Paris.
M. Fleuret. Monsieur, voilà environ cinq mois.
M. le Président. Connaissez-vous le nommé Lecerf?
M. Fleuret. Non, Monsieur.
M. le Président. Personne ne vous-a-t-il proposé de vous engager?
M. Fleuret. Non, Monsieur, si cela était, je vous le dirais de même.
Un membre: Vous voyez, Messieurs, et il est étonnant qué l'Assemblée ne s'en soit pas aperçue depuis longtemps, que ce Ducrocq est un étourdi qui a voulu jouer le rôle d'un personnage important. Il a dit qu'il avait reconnu ses camarades à l'hôtel, et maintenant il ne les reconnaît plus. Je demande que vous renvoyiez ces enfants. Au surplus, le comité de surveillance nous fait veiller là bien inutilement.
M. le Président, à un huissier. Faites venir Ducrocq.
(M.. Ducrocq est introduit.)
M. le Président, à Ducrocq. Est-ce là le particulier que vous avez voulu désigner?
M. Ducrocq. C'est le premierque j'ai voulu dire. et celui-ci je l'ai pris pour Lecerf;
M. le Président. Et connaissez-vous Lecerf?
M. Ducrocq. Je le connais depuis plus longtemps que Monsieur ; je ne sais pas où il est logé; mais j'ai cru que c'était dans l'auberge.
Un membre : Je demanderai que, puisque M. Ducrocq a abusé l'Assemblée...
Plusieurs membres : Allons ! allons ! à l'ordre !
M. le Président. Savez-vous où loge ce M. Lecerf.
M. Ducrocq. Non, Monsieur, je ne le Vois que quand nous mangeons, dînons et soupons à l'auberge.
M. le Président. N'est-ce pas à YEpée-Royale, rue de la Vannerie?
M. Ducrocq. Je ne sais pas au juste s'il est logé là; cela se pourrait qu u fût autre part; mais je le vois tous les jours.
M. le Président. Vous savez sûrement s'il est engagé?
M. Ducrocq. Oui, Monsieur, on le dit.
M. le Président. Comment le savez-vous?
M. Ducrocq. Parce que je lui ai entendu dire plusieurs fois à lui.
M. Le Président. En quel endroit?
M. Ducrocq. Dans l'auberge où il mange.
M. lé Président. Quelle est cette auberge?
M. Ducrocq. Ici, dans la rue de la Vannerie.
M. le Président. Comment s'appelle l'auberge?
M. Ducrocq. Oh ma foi ! je n'en Sais pas le nom.
M. le Président. Savez-vous pour quel endroit il est engagé.
M. Ducrocq. Je ne sais pas pour quel endroit il est engagé, mais je sais qu'il va en Flandre.
M. le Président. Savez-vous quand il doit partir?
M. Ducrocq. D devait partir hier ou aujourd'hui.
M. le président, s1 adressant à Fleuret et montrant Ducrocq. Lé particulier qui est là vous ne le connaissez donc pas?
M. Fleuret. Je le connais pour l'avoir vu plusieurs fois à l'auberge.
M. le Président. Vous n'avez pas ouï dire qu'il fût engagé?
M. Fleuret. Non, Monsieur.
M. le Président. D'où connaissez-vous Monsieur?
M. Fleuret. Je le connais depuis huit jours qu'il est à l'auberge.
M. le Président. Connaissez-vous le nommé Lecerf?
M. Fleuret. Je le connais pour avoir couché avec Monsieur. (U montre Ducrocq.) Je crois qu'il y en a un dans la chambre, dont je crois que Monsieur a couché avec.
M. le Président à l'Assemblée. Je vais renvoyer chez lui ce particulier? (Oui ! oui!) (s'adressant à Fleuret). Monsieur, vous pouvez vous retirer chez vous.
(M. Fleuret se retire )
M. le Président à un huissier. Faites venir M. Rauch.
(M. Rauch est introduit.)
M. le Président, montrant Ducrocq. Monsieur Rauch, connaissez-voUs Monsieur?
M. Rauch. Monsieur, je ne le connais pas du tout.
M. le Président. Vous, Monsieur Ducrocq, connaissez-vous Monsieur?
M. Ducrocq. Je connais Monsieur pour l'avoir vu deux fois au cabaret. Il y a deux mois que je l'ai vu au Soleil d'or pour la première fois. J'étais à me plaindre, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire ; il m'a dit que si je voulais, il me tirerait dé la peine, qu'il m'engagerait, et je n'ai pas su pour quel régiment, et même, Monsieur m'a tiré un portefeuille, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire, et il m'a dit que je serais cinquante fois mieux que d'être dans la misère où je suis aujourd'hui.
M. le Président. Qu'avez-vous à répondre, Monsieur Rauch?
M. Rauch. Monsieur, je ne saurais pas répondre. (S'adressant à Ducrocq.) Je ne saurais dire dans quel endroit je vous ai vu.
M. le Président. Monsieur Ducrocq, pourriez->us indiquer le jour, le lieu et l'époque?
M. Ducrocq. Monsieur, je ne pourrais vous dire, c'était au Soleil d'or, il y a environ deux mois, dont il y avait un commissionnaire, qui était a boire comme moi, à la même table que moi ; nous buvions chacun notre demi-septier, et Monsieur dit à ce commissionnaire que j'étais bien misérable d'une sorte et de l'autre. M. Rauch m'a dit donc que si je voulais, je serais mieux que de rester dans la misère comme je suis.
M. le Président. Monsieur a-t-il proposé la même chose à ce commissionnaire?
M. Ducrocq. Non, Monsieur, parce que le commissionnaire était trop âgé ; le commissionnaire avait environ une cinquantaine d'années.
M. le Président. Le commissionnaire a-t-il entendu la proposition?
M. Ducrocq. Oui, Monsieur.
M. le Président. Comment s'appelle le commissionnaire ?
M. Ducrocq. Le commissionnaire s'appelle... Il se met au coin de la rue Saint-Honoré.
M. le Président. Vous ne savez donc point le nom du commissionnaire?
M. Ducrocq. Non, Monsieur, je le vois toujours, mais je ne sais pas son nom.
M. le Président. Et depuis l'époque où vous avez vu M. Lucot, avez-vous revu M. Rauch et vous a-t-il renouvelé les mêmes propositions?
M. Ducrocq. J'ai vu M. Rauch plusieurs fois; M. Rauch ne m'a parlé aucunement, sinon qu'il y a environ trois semaines, il m'a rencontré dans la rue et m'a demandé si j'étais dans le même sentiment et si je voulais m'engager. J'ai dit que j'étais toujours dans le même sentiment.
M. le Président. Monsieur Rauch, avez-vous quelque chose à répondre?
M. Rauch. Je ne savais pas connaître Monsieur, ou de lui avoir proposé de l'engager, ou de lui demander s'il était dans le même sentiment, je ne conçois pas ce que Monsieur veut dire; effectivement je vais souvent demander à des jeunes gens s'ils veulent apprendre à battre la caisse que je montre, et voilà tout. Il est possible que i'aie pu dire à Monsieur qu'il apprenne à battre la caisse, et que par la suite on pourrait l'engager tambour; j'ai instruit plus de 150 jeunes gens qui sont tous existants dans la garde nationale.
M. le Président. Monsieur Ducrocq était-ce pour battre la caisse que Monsieur vous proposait de vous engager?
M. Ducrocq. Il ne m'a pas expliqué aucunement pourquoi c'était faire ; il m'a dit seulement que c'était pour aller en Flandre.
M. le Président. Vous a-t-il annoncé si vous seriez payé?
M. Ducrocq. Il m'a dit que je serais payé de ville en ville.
M. le Président. Vous a-t-il indiqué la route que vous deviez suivre?
M. Ducrocq. Il m'a dit qu'on passerait par Vil-lers-Cotterets, de là à Soissons. de Soissons à Laon, de Laon à Maries, et de la à Vervins ;je ne me souviens pas après.
M. le Président. Il vous a annoncé que vous seriez payé?
M. Ducroq. Oui, Monsieur.
M. le Président. Vous a-t-il dit par qui ?
M. Ducrocq. Par des personnes qui étaient pour me payer, et que j'aurais trouvées avec l'adresse; et comme je ne suis pas engagé, je ne puis savoir au juste la chose.
M. le Président. Monsieur Rauch, qu'avez-vous à répondre ?
M. Rauch. Monsieur, j'ai l'honneur de vous répondre sur ce langage-là, que je n'ai aucune connaissance avec qui que ce soit sous la calotte des deux. Vous pouvez écrire dans tous les pays, on peut connaître que j'ai servi dans divers régiments dans tout temps, depuis 22 ans ; que je suis connu à Paris ; que je suis connu des supérieurs d'un côté et d'autre : que j'ai été admis un des premiers au bataillon de l'Oratoire pour des instructions ; qu'on me connaissait comme savant. Voilà ce que j'ai à vous dire, vous pouvez vous informer de ma conduite dans toute la France, dans tous les coins du royaume ; personne sûrement ne connaît mon nom pour ce sujet-là.
M. le Président. Monsieur Ducrocq, M. Rauch ne vous a-t-il pas parlé d'un officier?
M. Ducrocq. Monsieur, il ne m'a pas parlé d'officier, mais il m'a dit qu'il me mènerait dans un endroit, lorsque je serais engagé.
M. le Président. Vous a-t-il parlé de M. Du-val?
M. Ducrocq. Il m'en a parlé il y a trois semaines.
M. le Président. Monsieur Rauch, connaissez-vous M. Duval?
M. Rauch. Je ne le connais pas du tout; je n'ai aucune correspondance avec une personne quelconque, et personne ne m'a jamais demandé aucun de mes élèves. J'en ai encore plus de 20 dans Paris qui n'ont de service nulle part qui sont des enfants de père et mère et de gens honnêtes. Comment voulez-vous que j'introduise qui que ce soit dans notre service, a moins que ce soit dans notre nation?
M. le Président. N'avez-vous pas enseigné à battre la caisse à un nommé Lucot ?
M. Rauch. Non, Monsieur.
M. le Président. Parmi vos élèves, connaissez-vous un nommé Lecerf?
M. Rauch. Non, Monsieur, je ne le connais pas.
M. le Président. Un grand, bel homme : vous ne l'avez pas engagé ; vous ne vous souvenez pas de lui avoir parle?
M. Rauch. Je n'ai jamais enseigné à de grands hommes; ce ne sont que de jeunes enfants de 15 à 16 ans, et dont le tambour-major de la sixième division est témoin que i ai montré comme un honnête homme doit le faire ; que je ne me suis jamais éloigné de mon devoir.
M. le Président. Quel est le prix que vous prenez, pour apprendre à battre la caisse?
M. Rauch. Monsieur, la somme de 3 livres par mois, ou 6 livres quand c'étaient des gens opulents, dont les père et mère sont en état de payer : il y a au moins 4 mois que je n'ai pas fait d'élève, parce que j'en ai beaucoup qui ne sont pas engagés quelque part, et qui attendent de jour en jour d'avoir des places dans différents bataillons, pour y entrer, ie n'ai jamais fait aucune proposition à mes élèves.
M. le Président. Monsieur Ducrocq, où allez-vous loger?
M. Ducrocq. Je suis logé dans la rue Thibau-thodée.
M. le Président. Dans quelle maison?
M. Ducrocq. Chez un Auvergnat.
M. le Président. Comment s'appelle-t-il?
M. Ducrocq. Je ne sais pas son nom au juste ; on l'appelle l'Auvergnat?
M. le Président. Savez-vous le numéro de la maison?
M. Ducrocq. Monsieur, c'est chez le marchand de vin, au premier à gauche, le second marchand de vin après avoir passé l'Arche-Marion.
M. le Président. Pourquoi n'y avez-vous pas été coucher cette nuit?
M. Ducrocq. Monsieur, c'était à cause que je n'ai pas d'argent, et qu'avec cela j'ai une incommodité; j'ai découché plusieurs fois quand je n'ai pas d'argent; je ne peux pas coucher à moins de six sols, à cause de mon incommodité.
M. le Président à l'Assemblée. Messieurs, je vais renvoyer le sieur Ducrocq? (Oui! oui.') Monsieur Ducrocq, vous pouvez vous retirer.
M. Ducrocq se retire.
(On fait retirer M. Rauch.)
Un membre : Je demande que l'Assemblée statue sur le sort de M. Richard.
En appuyant la proposition, j'y fais un amendement, c'est que 1 Assemblée ordonne que M. Richard recevra à la barre des témoignages de satisfaction pour les éclaircissements qu'il a donnés à l'Assemblée.
Plusieurs membres : Non! non!
Lorsqu'un sergent-major de la garde nationale, qui a besoin d'être obéi, considéré, aimé par les hommes qu'il commande, parait ici à la barre devant un si grand nombre d'individus, il ne peut s'en aller sans avoir reçu aucune espèce de satisfaction sur les doutes qui ont pu s'élever sur sa conduite et ses sentiments, on ne le croira pas parfaitement innocent, et la considération qui lui est si nécessaire pour maintenir la subordination, sera essentiellement altérée. Je demande que M. le Président soit autorisé à lui témoigner la satisfaction de l'Assemblée et à lui déclarer qu'elle n'a nulle soupçon sur sa conduite.
(L'Assemblée décrète la proposition de M. Jau-court.)
(M. Richard est introduit.)
, s'adressant à M. Richard. Monsieur, l'Assemblée nationale est satisfaite des éclaircissements que vous lui avez donnés ; elle s'applaudit de vous voir exempt de tout reproche ; elle vous rend à vos fonctions et à la confiance dont vos concitoyens vous ont honoré.
(M. Richard se retire au milieu des plus vifs applaudissements.)
Un membre : Comme de toutes ces dépositions et interrogatoires il n'est résulté aucune preuve des crimes dénoncés, je conclus à ce qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Plusieurs membres : Ah ! ah ! un moment !
J'observe à l'Assemblée que le nommé Rauch est prévenu du délit d'embauchage à Pégard du nommé Lucot, mais il n'est nullement prouvé. Je ne crois pas que ce soit le cas de faire porter par l'Assemblée un décret d'accusation. Je demande le renvoi aux tribu-
naux ordinaires qui doivent connaître de l'embauchage.
Il n'est pas possible que l'Assemblée commette une inconséquence aussi grossière, et qui à juste titre la perdrait dans "opinion publique ae rendre un décret d'exception en faveur au sieur Rauch. Elle a décrété l'accusation contre le sieur Varnier pour fait d'embauchage ; elle doit décréter également contre le sieur Rauch, non pas seulement présumé, mais convaincu d'embauchage. Quant a Lucot, je demande qu'il soit renvoyé devant le commissaire de police chez qui nous l'avons pris, pour en faire tel usage que bon lui semblera.
11 est incontestable, Messieurs, que le délit d'embauchage pour faire passer des Français au rassemblement des conjurés sur les frontières est un crime de lèse-nation et que c'est le cas de porter le décret d'accusation.
Un membre : Je soutiens que le particulier en question ne peut être envoyé à la haute cour nationale, parce que rieii ne prouve qu'il faisait des enrôlements pour les émigrants et qu'ensuite, par les interrogatoires qui ont été faits, il est très naturel d'attribuer sa conduite à des écarts produits par l'ivresse.
, rapporteur. Sans doute l'embauchage est un crime national, lorsqu'il tend à exciter des citoyens à porter les armes contre leur patrie. Mais ici nous devons observer que le sieur Lucot, dans l'interrogatoire qu'il a subi chez le Commissaire de police, a dit que deux témoins attesteraient que les propos tenus pour l'engager avec les émigrés avaient été tenus en leur présence. Ces deiix témoins sont venus etn'ontrienpu vous dire ; or, cela doit infirmer beaucoup sa déposition. Il me semble que quand deux témoins annoncent qu'ils ne peuvent rien dire pour soutenir l'accusation, l'Assemblée ne doit point rendre de décret d'accusation. Je demande donc le renvoi de cette affaire au tribunal de la police correctionnelle pour prendre de plus amples informations.
appuie la proposition de M. Fauchet.
Je ne suis pas de l'avis de M. Fauchet. Je pense qu'il faut rendre un décret d'accusation ou adopter la question préalable. La Constitution enjoint à l'Assemblée nationale de poursuivre les crimes de lèse-nation. Deux témoins ont dit qu'on voulait les enrôler, l'un pour Givet, l'autre pour la Flandre, l'un d'eux a même dit qu'on lui avait parlé de Worms et qu'il avait été question d'un serment.
J'ai longtemps médité sur le délit très grave qui vous est dénoncé...
Plusieurs membres : La discussion fermée !
Je suis très loin d'avoir la conviction intime du délit très grave qui vous est dénoncé. J'ai prouvé à ma conscience, et j'espère prouver à mes collègues que le sieur Rauch n'est pas coupable, qu'il n'est pas même prévenu. J'observe que le témoin qui déclare que le sieur Rauch lui a proposé de l'embaucher, déclare en même temps qu'il a été boire du rogomme, pour me servir de ce terme, aveclui ; mais la cousine du sieur Rauch déclare qu'un quart d'heure avant cet homme était venu chez elle lui demander de l'eau-de-vie. Messieurs, c'était à 11 heures du soir; l'homme qui est taxé d'attentat contre la chose publique était ivre-
mort; or, assurément, un homme dans cet état d'ivresse ne peut être accusé de conspiration. Au surplus, le témoin qui lé dénonce vous a déclaré que deux témoins déclareraient comme lui. Ges aeux témoins sont venus et vous n'avez rien pu en tirer. Je conclus à la question préalable.
Plusieurs membres. La discussion fermée!
II' y a ici des personnes dont la conscience ne veut pas être éclairée. Je déclare que je veux éclairer la mienne et je demandé que la discussion continué.
J'appUie la motion de M. Claude Fauchet. Quelles sont, en effet, les fonctions d'un juré d'accusation..1.' (Murmures.) Je suis 'bien étonné que l'on m'empêche de parler.
Je dis que. lorsque nous voulons prononcer un décret d'accusation, nous devons nous demander si le prévenu est présumé coupable, et pour cela rapprocher les témoignages apportés contre l'accusé. Or, lorsque nous trouvons que Lucot s'est coupé dans toutes ses dépositions, je dis que notre conscience n'est pas satisfaite, qu'elle nous crie.v (Murmures.) Véritablement, si je demandais la parole pour un décret d'accusation, et que j'obtinsse plus de silence, j'en gérais fâché pour l'Assemblee; mais je suisençpVe(,bjen plus, affligé, lorsque je parle ici en faveur d'un accusé, d être accueilli avec de telles marqtiés d'impro-bation. Vous avez de la justice, et moi aussi j'en ai. Je veux qu'on punisse les coupables; mais avant tout je veux être convaincu, je veux que ma conscience me dise : un tel est prévenu du délit qu'on lui reproche.
Or iCi, Comme j'ai l'honneur de vous le dire, Lucot a énoncé devant le commissaire de la section, des faits différents de ceux qu'il a avancés à la barre. Il a dit que c'était en présence du limonadier, que la conversation s'était tenue. Le limonadier le nie. Il n'a point dit non plus devant le commissaire, que ce'fut un enrôlement pour les émigrants, il ne Ta point même dit à la barre...
Plusieurs membres. Si fait! si fait!
On lui a demandé : Etait-ce pour les princes? Il a répondu : Non. On lui a demande pour aller où? Il a dit que c'était pour Givet. Ici, je vous le demande à tous, Lucot s'est-il coupé oui ou non ?
Voix diverses : Oui l oui ! Non ! non !
Messieurs, en interrogeant la loyauté de l'Assemblée, je ne crains pas de me tromper : oui, les dépositions de Lucot ne portent point un caractère de vérité qui doit porter la lumière dans la conscience de chacun de vous. En même temps les dénégations de M. Rauch portent un caractère de fausseté qui doivent nécessairement porter les soupçons sur lui, mais ces soupçons ne sont pas assez forts pour prononcer le décret d'accusation. Ils sont tels cependant, que la police doit suivre ce délit et surveiller la conduite de Rauch. J'ajoute que le comité de surveillance doit faire sou devoir et qu'il ne l'a pas fait. Comment quand on veut priyer un citoyen de la liberté, on ue rapporte rien d'écrit?
, rapporteur. J'observe que le comité de surveillance n'a point conclu pour l'accusation. Il a cru la chose urgente et il l'a présentée à l'instant.
Je ne critiquerai plus le comité de surveillance; mais le devoir de tous les comités est de faire des rapports écrits. Mes con-clusions sont que M. Lucot ayant avancé des
faits évidemment faux, et M. Fauchet ayant pré" senté des conclusions évidemment justes, je m'en réfère à ses conclusions et les appuie de toutes mes forces.
Un membre : Il y a deux témoins qui accusent le sieur Rauch. Quant à lui, il a varié dans ses interrogations, et il a été convaincu de fausseté. Voilà par conséquent trois présomptions qui suffisent et nous mettent dans la nécessité de rendre un décret d'accusation. Quant à la compétence de la haute cour nationale, il ne peut y avoir de doute là-dessus, puisqu'elle est compétente pour connaître des crimes contre la sûreté de l'Etat. Ainsi je conclus à ce qu'on porte le décret d'accusation .
Un membre : Ceux qui veulent qu'on porte le décret d'accusation contre Rauch se fondent sur deux témoignages, celui de Lucot et celui de Ducrocq. Lucot a déclaré devant le commissaire qu'il avait deux témoins des faits qu'il avançait. Ces deux personnes étaient le limonadier chez lequel il a bu et la cousine du sieur Rauch. Ils ont été entendus et ils ont déclaré qu'ils n'en avaient aucune connaissance. On a parlé de deux autres personnes que le sieur Rauch avait enrôlées. Vous avez envoyé chercher ces deux personnes; vous avez pris la précaution d'envoyer le sieur Ducrocq avec l'officier qui est allé chercher ces deux personnes, afin qu'il amenât les deux personnes desquelles il avait entëndu parler. Cés deux personnes ont comparu ici (Non! non!) et ont dit : Nous ne connaissons pas M. Rauch, nous n'avons pas été enrôlés par M. Rauch ; nous! n'avons même jamais dit à M. Ducrocq que nous avions été enrôlés. Voilà donc, Messieurs, quels sont.les deux témoignages que l'on cite ici. Je vous demande quel est celui d'entre nous qui puisse dire, en son âme et conscience, que M. Rauch est prévenu de conspiration sur ces deux témoignages.
La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
J'observe à l'Assemblée que les deux particuliers qui ont été amenés ne sont point ceux qui ont été indiqués par le sieur Ducrocq.
Un membre : J'observe à l'Assemblée que le sieur Ducrocq a indiqué les deux particuliers que l'on a amenés comme étant ceux qu'il a désignés ici.
Voix diverses : Nous ne sommes pas 200 ! — Nous ne pouvons délibérer !
Nous étions 225 il y a 2 heures.
Un membre : On a fait une liste, pendant la nuit,; des membres présents; je demande que l'on fasse l'appel nominal sur cette liste.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
, secrétaire, fait l'appel nominal et déclare que le résultat n'a donné que 150 membres.
Plusieurs membres déclarent n'avoir pas été appelés et vont s'inscrire sur la liste.
Je crois devoir déclarer que j'ai des raisons intimes pour ne pas voter dans cette délibération, et c'est pour cela que je ne me suis pas fait inscrire.
, secrétaire. Il résulte de l'appel, en y comprenant les membres qui se sont fait inscrire après, qu'il y a 172 raenibres présents.
Plusieurs membres : Monsieur le Président, levez la séance.
D'après l'avis d'un grand nombre de membres, qu'il est nécessaire que l'Assemblée soit complète pour discuter cette affaire, j'ajourne la séance a quatre heures après-midi, le sieur Rauch restant jusque-là sous bonne et sûre garde.)
(La séance est suspendue à sept heures et demie du matin et ajournée à quatre heures du eoir.)
Séance du
La séance ajournée ce matin à sept heures et demie est reprise à quatre heures et demie du soir.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Duport, ministre de lajustice, qui est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser une lettre du roi, dont Sa Majesté me charge de vous prier de donner sur-le-champ connaissance à l'Assemblée.
« Je suis avec respect, etc.*
« Signé : duport. »
La lettre du roi est conçue en ces termes :
« Je vous prie, Monsieur le Président, de prévenir l'Assemblée nationale que je compte m'y rendre ce soir à six heures.
« Signé : LOUIS. »
Un membre: Eh bien, on l'attendra !
Je dois consulter l'Assemblée pour savoir si votre Président répondra au roi.
Je ne crois pas que l'Assemblée puisse délibérer à présent pour savoir si le Président répondra au roi au nom de l'Assemblée, puisqu'elle ne sait point encore l'dbjet sur lequel il doit l'entretenir. Je demande donc que 1 Assemblée autorise son Président à répondre au roi que l'Assemblée délibérera sur ses pr.•positions, et que par un message ou autrement, l'Assemblée lui fera passer le résultat de ses délibérations.
L'Assemblée cessant de délibérer en présence du roi, la réponse de son Président ne peut la compromettre.
Je pense que M. le Président doit être autorisé à faire telle réponse qu'il conviendra, et je demande qu'en cela on. s en rapporte à sa sagesse et à sa prudence. (Murmures.)
Plusieurs membres: L'ordre du jour 1
J'appuie la motion de M. Delacroix; je l'avais déjà faite la première fois que le roi est venu dans l'Assemblée. L'usage de l'Angleterre en pareille circonstance, est on ne peut plus sage.: on ne fait aucune réponse. (Murmures.)
Ptysieurs membres demandent la parole.
Je demande que M. le Président accorde la parole aux membres qui ont deviné mes pensées et les ont improuvées, avant même que j'eusse l'avantage de les exprimer. (Applaudissements.)
Dans les circonstances ordinaires, l'Assemblée pourrait autoriser son Président à répondre ce que sa sagesse lui suggérerait ; mais elle ne le peut pas dans les circonstances graves où nous noustrouvons.il faut que M. le Président soit chargé de dire au roi que l'Assemblée lui adressera sa réponse par un message.
J'appuie les motions de MM. Delacroix et Dubayet.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète ue son Président se bornera à répondre qu'elle élibérera sur les propositions du roi. et lui fera parvenir, par un message, le résultat de sa délibération.)
fait lire la liste, par ordre alphabétique, des'24 commissaires nommés pour aller au devant du roi.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 13 décembre, au matin.
Depuis l'ouverture de notre session, dominés par l'empire des circonstances, nous n'avons encore pu déployer que la sévérité du pouvoir qui nous est confié; environné de troubles et d orage, le Corps législatif n'a porté jusqu'à présent que des lois rigoureuses et répressives contre les factieux qui agitent l'Etat.
Il se présente une occasion de soulager notre cœur, et de satisfaire au besoin que nous éprouvons tous de faire des heureux : nous le pouvons, et, j'ose le dire, nous le devons. Ici la justice et l'humanité réclament également une prompte décision de notre part. La Constitution même le commande; et fort de ces titres, qu'on n'invoquera sans doute jamais en vain auprès de vous, je ne crains pas de reproduire la proposition que je vous fis hier, d'assimiler dès à présent les fils de famille des pays de droit écrit à tous les autres citoyens ae l'Empire, et sur laquelle l'Assemblée a cru devoir passer à l'ordre du jour; ce qui ne serait assurément pas arrivé, si elle m'eut accordé la plus légère attention (1).
Peut-il être, en effet, dans son esprit, d'ajourner ainsi la liberté, l'existence civile et politique, et en un mot tout ce dont se compose le bonheur de l'homme pour un grand nombre d'individus? peut-elle enfin vouloir suspendre un seul instant l'effet de la Constitution ?
Cet acte, solennellement proclamé, abolit irrévocablement toutes les institutions qui blessaient la liberté et l'égalité des droits. Il porte expressément qu'il n'y a plus pour aucune portion de la nation, ni pour aucun individu, d'exception au droit commun de tous les Français; et cependant des millions de citoyens de tout âge, de toute profession, dans un tiers de la France, sont encore aujourd'hui considérés comme incapables d'hériter (Murmures et interruptions.), d'administrer eux-mêmes les fruits de leur économie et de leur industrie personnelle, d'en jouir avec leurs femmes et leurs enfants. Et pourquoi? parce qu'ils ont.eu le mal-
heur de naître dans les départements autrefois régis par le droit écrit. Ce sont les citoyens connus sous le nom ridicule de fils de famille, quoique honorés d'ailleurs des titres d'époux et ae pères ; quoique souvent courbés sous fe poids de la vieillesse.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de législation !
Un tiers de la France vous parle par l'organe de M. Basire. Je demande, au nom des grands intérêts qu'il agite, le plus profond silence.
Ce sont enfin. Messieurs, pour la plupart, de zélés partisans de la Révolution, le rempart le plus formidable de la Constitution au midi de la France, d'excellents citoyens que le défaut de propriétés met néanmoins dans l'impossibilité de servir utilement, leur patrie dans les tribunaux, les administrations, au sein même du Corps législatif, et que l'Etat vous redemande.
Il suffît, sans doute, de dénoncer un pareil abus, une contravention aussi formelle aux lois constitutionnelles, pour en obtenir la proscription. (Murmures.) J'ajouterai cependant a ce que je viens de vous dire, une courte observation en réponse à ceux qui pensent que cet objet doit faire partie du Code civil et y être renvoyé. Qu'est-ce, en effet, qu'un code? C'est un recueil de lois faites pour déterminer le mode suivant lequel les citoyens doivent se transmettre leurs propriétés ; mais ce code suppose nécessairement l'existence de ces propriétés, puisque la Constitution qui le précède est établie pour les garantir. Supposons un moment que le droit de vie et de mort, qu'avaient les Romains sur leurs enfants, eût été conservé dans un coin de la France ; oserait-on répondre à ceux qui réclameraient l'abolition de ce droit féroce : Nous ferons un code, vous y aurez votre place, prenez patience. Ne ré-pliqueraient-ils point que l'on doit avant tout leur garantir la vie. Or, je vous le demande, après la vie est-il un droit plus sacré que la propriété, que celui de jouir du fruit de son travail? C'est ce droit impérissable, imprescriptible, sur lequel j'ose dire que vous n'avez d'autre pouvoir que celui de le proclamer, et dont je persiste à demander le plus prompt rétablissement. Voici en conséquence le projet de décret que je vous propose :
« L'Assemblée nationale déclare qu'aux termes du premier article de la Constitution française, qui abolit irrévocablement les institutions qui blessaient la liberté et l'égalité des droits, et qui porte expressément qu'il n'y a plus pour aucune portion de la nation, ni pour aucun individu, d'exception au droit commun de tous les Français, les citoyens connus dans les pays de droit écrit, sous la dénomination de fils de famille, qui auraient atteint leur vingt-cinquième année, sont assimilés à tous les autres citoyens de l'Empire, et dès à présent appelés à r exercice de tous leurs droits civils etpolitiques, ainsi qu'à la jouissance de ce qui leur a été ou leur sera donné, et des fruits de leur industrie » (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
D'autres membres : Le renvoi au comité de législation pour en faire le rapport incessamment.
(L'Assemblée renvoie la proposition de M. Basire au comité de législation pour en faire incessamment le rapport.)
Plusieurs membres demandent l'ajournement à jour fixe.
D'autres membres : La question préalable!
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement à jour fixe.)
jeune. Je demande la parole pour présenter un rapport.au nom du comité militaire, sur l'organisation définitive des gardes nationales.
Un membre : Je propose de reprendre la délibération sur le décret d'accusation à prononcer contre le sieur Rauch et ses complices.
Quelques membres observent que cette délibération ayant besoin d'être suivie, il convient de ne l'ouvrir qu'après l'arrivée et le départ du roi.
Un membre : Il s'agit du salut de la patrie ; nous sommes environnés de dangers et ils semblent se multiplier tous les jours. On vous a dénoncé hier des coupables, vous les avez interrogés. Il est un décret d'accusation que vous devez porter. Il est temps que vous placiez le glaive de la loi sur la tête des conspirateurs, il est temps qu'un exemple terrible impose à nos ennemis une frayeur salutaire. Je demande donc que cet objet soit le premier de notre délibération. (Applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
(L Assemblée décide quelle reprend la discussion sur l'affaire des enrôlements.)
, au nom du comité de surveillance. L'Assemblée nationale a manifesté l'intention que les faits sur lesquels elle a délibéré hier, et qui l'ontoccupéejusqu'àcematin7 heures, soient remis dans ce moment sous ses yeux. Je vais lui en faire un exposé succinct.
L'orateur commence le récit des circonstances et des faits qui ont donné lieu à la dénonciation contre les sieurs Rauch et Lucot et qui ont précédé la délibération sur le décret d'accusation; il ést interrompu par des murmures d'impatience.
Je ne comprends pas que l'on m'interrompe par les murmures et les sarcasmes qui viennent de ma gauche. Je vous prie, Monsieur le Président, de rappeler ces Messieurs à l'ordre.
L'orateur continue son récit; il est de nouveau interrompu.
Je demande que M. Grangeneuve lise les procès-verbaux qui instruiront mieux que son rapport. (Murmures.)
Cris : A l'ordre! à l'ordre!
D'autres membres : Appuyé ! appuyé!
Les détails que je donne n'excluent pas la lecture des procès-verbaux, et je pense que quelques explications ne seront pas mutiles avant cette lecture.
L'orateur continue son récit et fait lecture des divers procès-verbaux auxquels l'information a donné lieu par-devant le commissaire de police de la section de la Place Vendôme.
Un autre membre du comité de surveillance fait lecture d'un rapport signé par le sieur Goivier, grenadier-gendarme, servant près le Corps législatif. contenant Une déposition du sieur Pierre Le-coine, dans l'affaire du sieur Rauch et autres, prévenus du délit d'enrôlement; il est ainsi conçu :
« Ce jour, 14 décembre 1791, s'est présenté le sieur Pierre Lecoine, garçon marchana de vin, demeurant chez M. Bellanger, marchand de vin,rue Saint-Nicaise, lequel a déclaré qu'il reconnaissait
les deux hommes détenus dans notre corps de garde de l'Assemblée nationale, dont l'un tambour-maître de la garde nationale parisienne, et l'autre garçon menuisier, se disant travaillant au Panthéon; que samedi dernier, à dix heures du soir, lesdits sieurs sont entrés chez le sieur Bellanger pour y boire un demi-septier chacun, et leur conversation consistait à engager ; que le tambour-maître a fait la proposition d'engager ledit menuisier, à quoi ce dernier répondit qu'il était sorti des dragons, et que s'il se rengageait, ce ne serait que pour le même régiment, disant
3u'il aimait mieux que son cheval le porte que e porter son sac. Alors le tambour-maître lui dit que s'il voulait s'engager dans la gendarmerie il n'avait qu'à le suivre ; qu'il le mènerait rue Poissonnière, ne se rappelant pas du nom que ledit sieur avait dit. Le tambour-maître a demandé où il travaillait, le menuisier a répondu : au Panthéon. Il lui a demandé s'il voulait déjeuner le lendemain chez lui, et qu'il n'avait qu'à venir le trouver. Ils sont sortis de chez le sieur Bellanger. »
« Signé : GOIVIER, brigadier du service. »
, secrétaire. L'Assemblée voudrait peut-être entendre la lecture des procès-verbaux contenant les interrogatoires et confrontations des prévenus. Les notes en ont été prises par M. Tnuriot, M. Grangèneuve et moi ; mais la rédaction confrontée n'est pas encore prête. Dans deux heures, nous en rapporterons une copie à l'Assemblée : elle ne peut pas être prête avant ce temps.
Messieurs, on m'annonce que le roi approche; j'invite MM. les commissaires à sortir pour aller le recevoir à la porte des Feuillants. Je rappelle à l'Assemblée qu'elle a déjà délibéré qu'elle se tiendrait debout a l'arrivée du roi.
(MM. les commissaires sortent de la salle.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport sur les plaintes de plusieurs sous-officiers et soldats des 10e et 12e régiments de cavalerie (1) renvoyés de leurs régiments, d'après les décisions des conseils de discipline, avec des cartouches pures et simples. A la suite de ce rapport il présente le projet de décret suivant (2) :
« L'Assemblée nationale, sur les plaintes de plusieurs sous-officiers et soldats qui ont été renvoyés de leurs régiments, d'après les décisions des conseils de discipline, et ayant entendu le rapport de son comité militaire, a décrété ce qui suit :
Art. ler.
« Les dispositions du décret du 24 juin dernier, en ce qui concerne l'autorité provisoire
accordée aux généraux d'armées, de suspendre les officiers aont la conduite leur paraîtrait
répréhensible comme aussi celle de l'article 11 du décret des 24 et 25 juillet dernier, qui
attribuent le même droit aux commandants en chef de divisions, cesseront d'avoir leur
exécution à compter de la publication du présent décret.
Art. 3.
« Les sieurs Leyssène, maréchal des logis en chef dans le 12e régiment de cavalerie, Louis Moreau, brigadier, et Daniel Rouvereau, cavalier dans le même régiment ; les sieurs Fulran et Lacasseigne, maréchaux des logis dans le 10® régiment, lesquels ont été renvoyés de leurs corps respectifs d'après les ordres des conseils de discipline, se pourvoiront devant les autorités constituées qui doivent connaître de ces plaintes et qui prononceront soit sur la forme, soit sur le fond des jugements qui ont été rendus contre lesdits sieurs.
Art. 4.
« Le décret du 30 septembre dernier, formant le Code militaire qui porte, article 9 du titre Ier, que tout condamné a le droit de demander la cassation de son jugement, mais d'en faire la signification dans les trois jours suivants, n'ayant pu être connu desdits sieurs Leyssène, Moreau, Rouvreau, Lacasseigne et Fulran, ce qui les a forcés à se rendre auprès du Corps législatif; le décompte attaché à leur grade leur sera fait à dater au jour où ils ont été congédiés, et ils continueront de jouir de ladite solde jusqu'à ce qu'il ait été prononcé définitivement sur leur sort. »
Plusieurs membres demandent l'impression et l'ajournement de ce projet de décret conformément à la Constitution.
D'autres membres demandent que la première lecture soit censée être faite.
Je prétends qu'on ne peut, sans blesser la Constitution, ouvrir la discussion sur un projet de décret, avant qu'il ait été imprimé.
Je demande une exception en faveur de ces sous-officiers, attendu que depuis trois mois ils sont à la suite du Corps législatif.
(L'Assemblée décrète qu'elle considère la présentation du projet de décret comme première lecture, en ordonne l'impression et la distribution, et ajourne à huitaine la seconde lecture.)
jeune, au nom du comité militaire, obtient la parole pour la continuation de la discussion des articles du projet de décret sur le complément de l'organisation des gardes nationales et en commence la lecture.
Un huissier s'avançant au milieu de la salle : Messieurs, le roi!
Je rappelle à l'Assemblée qu'elle cesse d'être délibérante.
Tous les membres de l'Assemblée se lèvent et se découvrent : un silence profond règne dans toute la salle. Le roi entre, précédé de la députation de l'Assemblée nationale, et suivi de ses ministres. Il monte au bureau où deux fauteuils avaient été préparés, l'un pour le roi, à gauche, l'autre pour le président.
se tient debout et découvert et lit :
Messieurs (1), j'ai pris en grande considération votre message au 29 du mois dernier. Dans une circonstance où il s'agit de l'honneur du peuple français et de la Sûreté de l'Empire, j'ai cru devoir vous porter moi-même ma réponse; la nation ne peut qu'applaudir à ces communications entre ses représentants élus et son représentant héréditaire.
Vous m'avez invité à prendre des mesures décisives pour faire cesser enfin ces rassemblements exterieurs qui,entretiennent au sein de la France une inquiétude, une fermentation funestes, nécessitent uhe'âtigmentation dé dépenses qui nous épuise, et compromettent plus dangereusement la liberté qu'une guerre ouverte et déclarée.
Vous désirez que je fasse connaître aux princes voisins qui protègent ces rassemblements con-traires aux règles du ion voisinage et aux principes du, droit des gens, que la nation française ne peut tolérer plus longtemps ce manque d'égards et ces sourdes hostilités.
Enfin, vous m'avez fait entendre qu'un mouvement général entraînait la nation, et que le cri de tous les Français était : plutôt la guerre, qu'une patience ruineuse et avilissante.
Messieurs, j'ai pensé longtemps que les circonstances exigeaient une grande circonspection dans les mesures; qu'à peine sortis des agitations et dés orages d une révolution, et au milieu des premiers essais d'une Constitution naissante, il ne fallait négliger aucuns des moyens qui pouvaient préserver la France des maux incalculables de la guerre. Ces moyens, je les -ai tous employés. D'un côté, j'ai tout fait pour rappeler les Français émigrants dans le sem de leur patrie, et les porter à se soumettre aux nouvelles lois que la grande majorité de la nation avait adoptées : de l'autre, j ai employé les insinuations amicales, j'ai fait faire aes réquisitions formelles et précises pour détourner les princes voisins de leur prêter un appui propre à flatter leurs espérances,. et à les enhardir dans leurs téméraires projets.
L'empereur a rempli ce qu'on devait attendre d'un allié fidèle, en défendant et dispersant tout rassemblement dans ses Etats. Mes'démarches n'ont pas eu le même succès auprès de quelques autres princes : des réponses peu mesurées ont été faites à mes réquisitions. Ces injustes refus provoquent des déterminàtions d'un autre genre. La nation a~manifesté son vœu; vous l'avez recueilli, voUsen avez pesé les conséquences; vous me l'avez exprimé par votre message : Messieurs, vous ne m'avez pas prévenu; représentant du peuple, j'ai senti son injure, et je vais vous faire connaître la résolution que j'ai prise pour en poursuivre la réparation.
Je fais déclarer à l'Electeur de Trêves, que si avant le 15 de janvier, il ne fait pas cesser dans ses Etats tout attroupement et toutes dispositions hostiles de la part des Français qui s'y sont réfugiés, je ne verrai plus en lui qu'un ennemi de la France. ( Vifs applaudissements et cris : lïve le roi !) Je ferai faire une semblable "déclaration à tous ceux qui favoriseraient de même des rassemblements contraires à la tranquillité du royaume; et en garantissant aux étrangers toute la protec-
tion qu'ils doivent attendre de nos lois, j'aurai bien le droit de demander que les outrages que dés Français peuvent avoir reçus^ soient promp-tement et complètemént Réparés. (Applaudissements.)
J'écris à l'empereur pour 1'éngagèr à continuer ses bons offices, et, s'il le faut, à déployer son autorité, Commé chef de l'Empire, pour éloigner les malheurs que ne manquerait pas d'entraîner une plus longue obstination de quelques membres du corps germanique. Sans doute, on peut beaucoup attendre de son intervention appuyée du poids imposant de son exemple ; mais je prends en même temps les mesures militaires les plus propres à faire respecter ces déclarations (ApplaudissementsÀ"; et si elles ne sont point, écoutées, alors, Messieurs, il nç me restera plus qu'à proposer la guerre, la guerre, qu'un peuple qui a solennellement renoncé aux conquêtes, ne fait jamais sans nécessité ; mais qu'une nation généreuse et libre fait entreprendre, lorsque sa propre sûreté, lorsque l'honneur le Commandent. (Applaudissements.)
Mais en nous abandonnant courageusement à cette résolution, hâtons-nous d'employer les moyens qui seuls peuvent en assurer le succès. Portez votre attention, Messieurs, sur l'état des finances ; affermissez le crédit national ; veillez sur la fortune publique ; que vos délibérations, toujours soumises aux principes constitutionnels, prennent une marche grave, fière, imposante, la seule qui convienne aux législateurs d'un grand Empire. (Vifs applaudissements dans une partie de l'Assemblée et dans les tribunes.) : que les pouvoirs constitués se respectent pour se rendre respectables ; qu'ils se prêtent un secours mutuel au lieu de se donner des entraves ; et qu'enfin on reconnaisse qu'ils sont distincts, et non ennemis. Il est temps de montrer aux natiohs étrangères que le peuple français, ses représentants et son roi, ne font qu'un. (Vifs applaudissements.) C'est à cette union, c'est encore, ne l'oublions jamais, au respect que nous porterons aux gouvernements des autres Etats, que son attachées la sûreté, la considération et la gloire de l'Empire.
, Pour môi, Messieurs, c'est vainement qu'on chercherait à environner de dégoût l'exercice de l'autorité qui m'est confiée. Je le déclare devant la France entièn, rien ne pourra lasser ma persévérance, ni ralentir mes efforts. 11 ne tiendra pas à moi que la loi ne devienne l'appui des citoyens et l'effroi des perturbateurs. (Vives acclamations.) Je conserverai fidèlement le dépôt delà Constitution, et aucune considération ne pourra me déterminer à souffrir qu'il y soit porté atteinte ; et si des hommes qui ne veulent que le désordre et le trouble prennent occasion de cette fermeté pour calomnier mes intentions, je ne m'abaisserai pas à repousser par des paroles les injurieuses défiances qu'ils se plairaient à répandre. Ceux qui observent la marche du gouvernement avec un œil attentif, mais sans malveillance, doivent reconnaître que jamais je ne m'écarte de la ligne constitutionnelle, et que je sens profondément qu'il est beau d'être roi d'un peuple libre. {Les applaudissements se prolongent pendant plusieurs minutes. Plusieurs membres font entendre dans VAssemblée le cri de : Vive le roi des Français ! Ce cri est répété par les tribunes et par un grand nombre de citoyens qui s'étaient introduits dans la salle à la suite du roi et qui s'étaient placés dans l'extrémité de la partie droite. Les tribunes des deux extrémités ae la salle et
les membres de VAssemblée placés à Vextrémité gauche ont gardé le plus profond silencei) "
, répandant au roi : Sire, l'Assemblée nationale délibérera sur les propositions que vous venez de lui faire; elle vous instruira par un message de ses résolutions,
(LE roi se retire, reconduit par la députation, et dans le même ordre qui avait marqué son entrée, au milieu des mêmes applaudissements et des cris répétés de : Vive le roi! Les tribunes des deux extrémités et les membres de l'extrémité gauche ont toujours gardé le silenee. La délibération est suspendue pendant quelques instants par suite ae l'agitation de l'Assemblée.)
M. le ministre de la guerre demande la parole-
Monsieur le Président, je pense qu'il n'y a qu'un voeu dans l'Assemblée pour demander l'impression du discours du roi et l'envoi dans les 83 départements. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Appuyé ) appuyé !
Unmembre : Je demande également l'impression de la réponse du Président.
(L'Assemblée décrète l'impression du discours du roi et l'envoi aux 83 départements.)
Un membre: Je demande qu'on n'ajoute pas au discours du roi la réponse du Président, elle déshonorerait l'Assemblée.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur l'impression de la réponse du Président.
La réponse du Président est un décret de l'Assemblée.
Je demande qu'on joigne au discours du roi la réponse du Président, pour apprendre à toute la France que, dans les circonstances les plus propres à exciter notre enthousiasme, l'Assemblée nationale sait s'en défendre. (Quelques applaudissements. — Murmures et rires )
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je vais consulter l'Assemblée sur l'ordre du jour.
Plusieurs membres demandent la parole et parlent au milieu du bruit.
Monsieur le Président, la réponse que vous avez faite au roi, au nom de l'Assemblée, a été digne de la nation que nous représentons. Il faut l'imprimer.
La réponse de M. lé Président aurait été en effet digne de la nation, si nous avions pu prévoir ce que le roi avait à nous dire. JNous avons cru qu'il nous ferait des propositions, il n'en a pas fait, de sorte que notre réponse ne cadre pas avec ce qu'il nous a dit et qu'elle se trouve inférieure à ce qu'elle devrait être. Je demande la question prealable sur la motion de M. Basire. (Murmures à Vextrémité gauche de la salle.) .
Je vais consulter l'Assemblée sur la motion de passer à l'ordre du jour. (Non! non!)
et plusieurs autres membres demandent la parole ou parlent au milieu du bruit.
Plusieurs membres : La discussionfermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
C'est singulier, ça!
(Quelques minutes se passent dans l'agitation et au milieu du bruit.) ' •
La réponse dé M. le Président annonce qu'il s'est pénètré'de la grandeur de sés fonctions..;.
Plusieurs membres : Aux voix ! l'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
M* le ministre de la guerre a la parole.
, ministre de la guerre. Messieurs (1), le roi veut la paix, et par la voie des négociations, il n'a négligé, il ne négligera aucun moyen de laprocurerauroyaume.Mais avanttout, il veut la Constitution qu'il a jurée, et il la veut assez pour rie redouter aucune dès mesures capables de l'affermir.
Sa Majesté m'a chargé, Messieurs1, dè donner les ordres nécessaires pour que 150,000 hommes puissent être rassemblés sur les frontières avant un mois. Je me suis assuré qu'une réunion de forces aussi Imposantes' n'était pas impossible. Je crois donc qu'il nous est permis d'âVr6ir une confiance bien fondée dans l'isSuè de la noble entreprise qué le roi vient de commencer. Il faut relever cet esprit de découragement qui voudrait représenter la France comme entièrement abattue sous ses rapports politiques et militaires. C'est la même nation, c'est la même puissance qui combattit sous Louis XIV; voudrions-nous laisser penser que notre gloire dépendait d'un seul homme, et qu'un siècle ne rappelle qu'un nom! Non, Messieurs, je ne l'ai pas cru, lorsque j'ai désiré le parti qùè le roi vient de prendre. Je sais qu'on a déjà voulu, je sais qu'on voudra peut-être encore calomnier ce parti ; que parmi les hommes qui d'àbord l'âvaieiit ardemment réclamé, il en est qui se sont préparés à le combattre dès que lé gouvernement a paru l'adopter ; mais vous déconcerterez de tels systèmes, et l'on persuadera difficilement à une nation courageuse, que de vains discours suffisent à la défense de sa liberté.
Je partirai dans peu de jours, d'après les ordres du roi, pour m'assurer moi-même de l'état des frontières et de ;l'arméé. Je n'ignore pas qu'il subsiste encore des défiances entre les officiers et les soldats ; mais en leur parlant à tous au nom de la gloire nationale et au roi, j'espère les voir cesser. Je dirai aux officiers: que 1 empire des préjugés anciens, qu'une résolution qui présentait l'idée q'un grand péril, que l'ignorance des vrais sentiments du roi ont pu séduire quelques-uns d'entre eux ; mais que le mot de trahison n'est d'aucune langue ; et qu'au nom de la guerre, toute incertitude serait une trahison, et selon l'honneur et selon la loi... Je dirai aux soldats : que les officiers qui restent à leur tête, liés à la fois à la cause de la Révolution et par leurs serments, et par la haine que leur a vouée le parti contraire, sont invariablement fixés à leur poste, et que le succès de la guerre va dépendre du concert de toutes les volontés» et par conséquent de la plus exacte discipline. Enfin, les gardes nationales, ces premiers défenseurs de la Révolution, serviront sans doute à son plus grand triomphe, et l'on n'aura à leur apprendre que ce que 1 expérience peut ajouter au courage.
Pendant l'absence de quelques jours qu'exigera
Trois armées ont paru nécessaires. M. de Ro-chambeau, M. de Luckner, M. de Lafayette... (Triple salve $ applaudissements.)... M. de Lafayette sont désignés par la patrie, et la patrie et le roi ne sont plus qu'un. (Applaudissements.) Sa Majesté eût désiré que l'organisation militaire lui permît de donner le grade de maréchal de France à MM. de Rochambeau et Luckner; l'Assemblée ne pensera-t-elle pas qu'aujourd'hui la loi suprême est de sauver la liberté (Oh! oui !)x et ne m'autorisera-t-elle pas à répondre au roi qu'elle verra cette mesure avec plaisir?
Un supplément de fonds devient indispensable ; la France ne marchandera pas la liberté : d'ailleurs, cette augmentation de dépense doit moins effrayer les créanciers de l'Etat, que les longs malheurs qui pourraient naître d'une prolongation d'inquiétudes, si propre à perpétuer l'anarchie : cette anarchie va disparaître. Nous aurons le besoin de prouver à l'Europe que les malheurs intérieurs dont nous avons d autant plus à gémir, que nous nous sommes quelquefois peut-être refusés à les réprimer, naissaient de l'ardeur inquiète de la liberté; et qu'au moment où sa cause appellerait une défense ouverte, la vie et les propriétés seraient en sûreté parfaite dans l'intérieur du royaume. Nous ne reconnaîtrons d'ennemis que ceux que nous aurons à combattre, et tout homme sans défense sera devenu sacré. Ainsi nous vengerons l'honneur de notre caractère, que de longs troubles auraient )u apprendre à méconnaître. Si le funeste cri de a guerre se fait entendre, il sera du moins pour nous le signal tant désiré de l'ordre et de la justice; nous sentirons combien l'exact payement des impôts, auquel tiennent le crédit et le sort des créanciers de l'Etat; la protection des colonies, dont les richesses commerciales dépendent; l'exécution des lois, force de toutes les autorités ; la confiance accordée au gouvernement pour lui donner les moyens nécessaires d'assurer la fortune publique et les propriétés particulières; le respect pour les puissances qui garderaient la neutralité ; nous sentirons, dis-je, combien de tels devoirs nous sont impérieusement commandés par l'honneur de la nation et la cause de la liberté.
Si dans l'entreprise, peut-être hardie, dont j'ose tenter l'exécution, quelques détails m'étaient échappés, je supplie l'Assemblée de daigner se souvenir que depuis huit jours que je suis nommé ministre de la guerre, j'ai fortement rempli mon temps ; j'espère au moins qu'aucune grande mesure ne m'échappera ; et le roi, dont les affections personnelles doivent, sans doute, souffrir dans cet instant, n'en seconde pas moins son ministère par des efforts qui seront un jour connus, et lui vaudront de nouveaux droits au dévouement de ceux qui, s'il m'est permis de le dire, ont uni comme moi toute leur destinée au sort de la liberté de la France. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres demandent l'impression du discours du ministre de la guerre, l'insertion au procès-verbal et l'envoi aux 83 départements.
Je vais mettre aux voix la motion d'impression. (Non!non!)
Plusieurs membres demandent la parole.
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Plusieurs membres : Aux voix l'impression!
Je vais consulter l'Assemblée.....
Monsieur le Président, j'insiste pour avoir la parole.
Vous l'avez.
Je suis bien loin de m'opposer à l'impression du compte que vient de rendre le ministre de la guerre; ce compte mérite la plus sérieuse attention; mais j'aurais désiré qu'aux nombreuses vérités qu'il contient, on n'y eût point mêlé d'injustes préventions plus
propres..... (Murmures, rires et exclamations.
Applaudissements dans les tribunes.) Je demande que la discussion de ce compte important ne commence qu'après l'impression et qu'elle soit ajournée à samedi prochain, et l'on verra si les patriotes méritent les préventions dont on les accable. (Applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres .-Aux voix! aux voix! La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres renouvellent la motion de l'impression, de l'insertion au procès-verbal et de l^nvoi aux 83 départements.
Je demande la division.
(L'Assemblée décrète successivement l'impression et l'insertion au procès-verbal du discours du ministre de la guerre.)
Je consulte l'Assemblée sur la motion de l'envoi aux 83 départements.
Plusieurs membres : La question préalable !
Je propose l'ajournement de l'envoi aux 83 départements. (Oui! oui!)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'ajournement !
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
D'autres membres demandent également la parole.
(M. Cambon est à la tribune ; pendant quelques instants les murmures l'empêchent de parler.)
J'ai demandé la parole et ie la conserverai jusqu'à ce que l'Assemblée me 1 ait ôtée. (Le silence se rétablit.) Les comptes que rendent les ministres sont pour l'instruction de l'Assemblée: et lorsque le rapport en a été fait par un comité, on doit le puDlier pour la tranquillité publique, s'il y a lieu. Ce n'est pas par l'enthousiasme que nous acquerrons la confiance. (Applaudissements.) On a* ordonné l'impression et la distribution du compte du ministre de la guerre pour l'instruction des membres de l'Assemblée. (Murmures.) Il contient des faits qu'il est bon de vérifier. Je demande le renvoi au comité militaire qui nous fera son rapport, et c'est alors seulement que, si vous le jugez nécessaire à la tranquillité publique, vous en ordonnerez l'envoi aux 83 départements. Par ce moyen le peuple verra que nous avons examiné. Il est juste que le Corps législatif et le pouvoir exécutif agissent de concert ; mais nous devons nous garder de l'enthousiasme dans quelque circonstance que ce soit. (Applaudissements dans les tribunes.)
J'appuie la motion de M. Cambon. (Murmures.) Messieurs, on nous propose de décréter qu'il y aura deux maréchaux de France au-dessus du nombre fixé par la Constitution...
Plusieurs membres. Ce n'est pas la Constitution qui a fixé ce nombre !
On vous demande s'il y aura deux maréchaux de France de plus; il faut donc au moins renvoyer au comité militaire pour cet objet. (Applaudissements dans les tribunes.)
Je demande la question préalable sur l'envoi aux 83 départements.
Plusieurs membres demandent à la fois la parole.
J'observe que les deux propositions ne sont pas contradictoires. On peut ordonner le renvoi au comité militaire pour l'examen des propositions qui sont faites et l'envoi du discours» au ministre de la guerre aux départements pour donner à la nation une idée des espérances et de la confiance qu'elle doit concevoir de nos dispositions. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion).
rappelle l'état de la délibération et met aux voix la question préalable sur l'envoi aux départements au discours du ministre de la guerre.
(L'épreuve est douteuse.)
Je demande qu'avant de délibérer sur le fond, les étrangers sortent de la salle.
Je vais faire exécuter le règlement et donner l'ordre de faire sortir les étrangers.
Plusieurs membres : Non! nonl
Un membre : Je demande que la séance soit levée, parce qu'il y a des étrangers dans la salle et que nous ne pouvons délibérer.
veut prendre la parole.
Plusieurs membres : La discussion est fermée!
J'ai demandé la parole pour proposer l'ajournement après le rapport du comité.
Je vais renouveler l'épreuve sur la question préalable.
Plusieurs membres : Monsieur le Président, faites sortir les étrangers de la salle ! •
Nous sommes dans une agitation qui ne nous permet pas de continuer plus longtemps la séance. Je demande qu'elle soit levée.
Je m'y oppose et je demande que, puisqu'il y a du trouble à cause des étrangers, ils soient invités à se retirer ; chacun se fera un devoir de sortir. (Applaudissements dans les tribunps.)
(Les étrangers se lèvent pour sortir; on s'y oppose; alors ils se serrent sous la tribune de l'extrémité droite, de manière qu'il y avait un grand intervalle entre eux et les députés.)
Un membre réclame de nouveau l'exécution du règlement.
Plusieurs membres : Levez la séance !
Et les prisonniers qui attendent leur jugement, qu'en ferez-vous? (Bruif.)
Un membre : Je fais la motion que l'Assemblée se retire dans lés bureaux pour nommer un vice-président. (Appuyé! appuyé!)
(L'Assemblee est dans une vive agitation.)
Dans la situation où se trouve l'Assemblée, après l'ordre donné par M. le Président, de faire sortir tous les étrangers de la salle, après le scandale d'une interruption si longue et si agitée, il serait du plus dangereux exemple de lever la séance comme le proposent plusieurs membres, ou même de changer le cours et l'objet de la délibération actuelle. Ceux de nos concitoyens qui, contre la loi bien connue qui règle la tenue des séances du Corps législatif, se sont introduits dans la salle au moment de l'arrivée du roi et occupent dans ce moment des places destinées aux représentants du peuple, ne doivent pas résister plus longtemps à la sommation qui leur est faite, et s'empresseront, je n'en doute pas, de s'y conformer.
Si nous étions, Messieurs, dans-.une circonstance imminente, où l'ordre de nos délibérations fût violemment troublé, nous nous armerions de la loi. Sans doute, elle ne sera pas violée dans son sanctuaire. Il n est question que d'une agitation passagère et qui va se terminer par l'ordre que je prie M. le Président de réitérer. (Applaudissements.)
(Les étrangers se lèvent aussitôt pour sortir. Les deux tribunes des deux extrémités de la salle applaudissent et crient : A bas !)
Plusieurs membres à droite : Nous demandons que les tribunes sortent aussi. (Les tribunes poussent des clameurs.)
Tous les membres de la partie droite se lèvent pour protester.
Je rappelle les tribunes à l'ordre et au respect qu'elles doivent à l'Assemblée.
Un membre : Il est bien temps !
Monsieur, je vous rappelle à l'ordre !
Je rappelle à l'Assemblée que deux citoyens sont arrêtés et que la justice et l'humanité réclament qu'on s'occupe d'eux.
établit de nouveau l'état de la délibération.
Un membre : Je propose, par amendement, que M. le Président mette aux voix la question préalable quant à présent. (Appuyé ! appuyé!)
Je mets aux voix la question préalable, quant à présent, sur l'envoi du discours du ministre de la guerre aux 83 départements.
(L'épreuve a lieu.)
Plusieurs membres à Vextrémité gauche de la salle : Il y a doute !
Deux de MM. les secrétaires montent à la tribune.
(L'épreuve est renouvelée.)
(L'Assemblée rejette la question préalable et décrète l'envoi du discours du ministre de la guerre aux 83 départements.)
Un membre : Je demande le renvoi au comité militaire, en ce qui le concerne, du discours du ministre de la guerre.
Je demande le renvoi aux comités militaire et diplomatique réunis pour en faire le rapport sous trois jours.
Je demande que le décret d'envoi du discours du roi et de celui du ministre aux 83 départements soit suspendu jusqu'à ce que l'Assemblée nationale... (Murmures.) ait fait connaître au roi sa réponse sur les
deux discours, afin que la réponse de l'Assemblée nationale puisse être envoyée dans les départements en même temps que ces discours.
et plusieurs autres membres : Appuyé l appuyé l
D'autres membres : La question préalable I
(L'Assemblée rejette la question préalable et décrète la motion de suspendre l'envoi du discours du roi et du compte rendu par le ministre de la guerre, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait statue sur sa réponse au roi.)
Les objets renfermés dans le discours du ministre de la guerre sont de nature différente...
Un membre : Nous savons tous cela.
Messieurs, je ne dis pas ce que vous savez ; je dis ce que je sais, et ce sont deux choses très différentes.
Plusieurs membres : Monsieur le Président, conservez la parole à l'opinant.
Je disais, Messieurs, que les objets renfermés dans le discours du ministre de la guerre étaient de nature différente; savoir : 1° des détails sur la force de l'armée et son rassemblement sur nos frontières; 2* les mesures militaires relatives aux circonstances où nous nous trouvons et qui peuvent être nécessaires, tant pour la sûreté intérieure qu'extérieure ; 3° la proposition faite en faveur des généraux Rochambeau et Luckner qui, dans ce moment, par l'organisation militaire, se trouvent privés d'un grade que les circonstances et la dignité de la nation vous invitent à leur conférer. (Murmures à gauche.)
Sur le premier objet, les soiils que prend le ministre de disposer les forces nationales en trois armées, de les organiser ; d'annoncer pour généraux de ces mêmes armées ceux qui jouissent de la confiance nationale; enfin le zèle et la vigilance qu'il montre, ne sont qu'un bon usage des moyens qui lui sont confiés, un exercice du pouvoir exécutif que nous approuvons sans doute, mais qui ne donne lieu à aucun rapport ultérieur et dont l'Assemblée n'a pas à s'occuper.
Le second objet comprena des vues qui se lient à la question politique qui a produit le messaee au roi, sa reponse et qui est le sujet de vos délibérations ultérieures ; il doit donc être renvoyé aux comités militaire et diplomatique réunis pour que le rapport en soit fait prompte-ment. Ce rapport est nécessaire pour prouver que le roi et ses agents sont d'accord avec l'Assemblée...
Ce n'est pas vrai J
D'autres membres : Ce n'est pas là la question!
Pour que le plus grand accord, la plus parfaite unité se montrent dans les mesures vigoureuses qui suivront ce rapport et pour que la confiance delà nation qui vous entourera, sans doute, soit incessamment éclairée et devienne efficace par un zèle universel, par le payement de l'impôt et par la réunion de tous les sentiments de patriotisme et d'attachement à la Constitution.
Plusieurs membres à gauche : Ce n'est pas ça !
Le troisième objet, la proposition d'élever les généraux Rochambeau et Lukner au plus éminent grade militaire, est une mesure extraordinaire et sur laquelle le roi prend l'initiative qui lui est accordée par la Constitution.
L'organisation militaire décrétée par l'Assemblée constituante limite au nombre de 6 celui des maréchaux de France..Ce nombre est rempli, mais ceux qui jouissent de cette récompense de leurs anciens services, sont trop près de la fin de leur carrière pour pouvoir être employés en activité. Tous ceux qui connaissent les grands talents et les sentiments patriotiques ae nos deux grands généraux d'armée ; ceux qui ont été témoins des exploits du général Rochambeau qui a eu tant de part au triomphe de la liberté américaine; ceux qui apprécient l'absolu dévouement du général Luckner à la cause delà liberté française, désireraient, sans doute, qu'une nation libre et généreuse s'empressât d'environner de confiance, de donner cette grande preuve^ d'estime à ceux qui tiendront dans leurs mains la destinée de l'Empire et la gloire de nos armées.
Si l'Assemblée nationale délibérait sur-le-champ sur la proposition du ministre, un grand effet en résulterait, sans doute, vis-à-vis de l'armée, qui applaudira avec transport à cette faveur nationale. (Murmures à l'extrémité gauche de la salle.)
Mais à Dieû ne plaise que je voulusse entraîner l'Assemblée à ne pas délibérer mûrement. Plus les désirs de,r Assemblée à cet égard me paraissent se déclarer et plus leur effet acquerra de prix par la réflexion. Je demande le renvoi de ce dernier objet au comité militaire, et qu'il soit chargé d'en faire le rapport sous deux jours. (Applaudissemen ts, )
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion, décrète le renvoi du compte rendu par le ministre de la guerre aux comités militaire et diplomatique réunis, et séparément au comité militaire, pour ce qui concerne les généraux Rochambeau et Luckner et ce, pour en rendre compte dans le plus bref délai.)
Je demande qu'on s'occupe demain du message au roi pour lui faire part des résolutions de l'Assemblée, et je demande la parole 6ur cet objet. (Appuyé! appuyél)
On a fermé la discussion sur l'affaire la plus grave dont l'Assemblée ait jamais eu..... (Les murmures couvrent la voix de l'orateur.)
Il est temps, Messieurs, que la nation française montre enfin cette énergie qui doit caractériser une nation libre....«
Plusieurs membres à gauche ; Ce n'est pas l'ordre de la question.
Un membre : Je demande Si lâ discussion est ouverte sur l'énergie que doit montrer la nation française?
Nous perdons le temps en divagations et nous éloignons l'objet dont nous devons nous occuper ; cet objet, c'est l'affaire du sieur LUcot. (Murmures.)
M. Chéron demande qu'il soit présenté demain un projet de message en réponse au discours du roi. Je vais mettre cette proposition aux voix.
Je propose que Ton attende pour cela que le discours du roi soit distribué et je demande à motiver ma motion.
Un grand nombre de membres : La discussion est fermée.
prononce quelques paroles qui se perdent au milieu du bruit.
Un membre observé que M. Garrati-de-Couloft veut avoir la parole pour proposer un amendement.
(Le silence se rétablit.)
Je propose} par amendement, qti'on ne délibère pas sur la réponse à faire au foi avant l'impression, et la distribution du discours..... (Murmures.).
Un membre à gauche t Vous avez l'air d'un grand procurateur.
Je prie l'Assemblée de me conserver la parole» (Parlez ! parlez!) Je suis continuellement interrompu. Monsieur le Président, je vous prie de rappeler à l'ordre ces Messieurs qui sont à ma gauche et Monsieur qui me dit que j'ai l'air d'un grand procurateur. (Le silence se rétablit.)
Nous remplissons bien mai ce que le public attend de nous, ce que lé roi lui-même a paru désirer en faisant sentir la nécessite de mettre de la maturité dans nos délibérations/Ce n'est pas en votant d'une manière aussi tumultueuse, aussi extraordinaire et, j'ose le dire, aussi extravagante que,nous atteindrons notre buti ( Vifs applaudissements .dans les tribunes.) Je demande donc qu'on ne délibère pas sur la réponse à faire au discours du roi avant que ce discours soit imprimé ét distribué.
Plusieurs membres : La question préalable sur la motion de M. Garran !
(L'Assemblée, consultée^ décrète qu'il y a lieu à délibérer»)
Je demande la parole pour combattre l'amendement. Si l'Assemblée nationale, si son Président eussent pu prévoir le discours du roi, la répotlse eût sûrement été différente. On n'aurait pas alors demandé deux jours pour délibérer. La justice et plus encore nos sentiments nous auraient inspire une réponse convenable. Je demande que.*. (Murmures à gauche.)
Je demande que M. Caste! soit rappelé à l'ordre.
Je demande qu'on fasse Un message le plus tôt possible pour manifester nos sentiments au roi.
(L'Àssepiblée décrète,^que la délibération sur le méssage sera suspendue jusqu'après l'impression du discours du roi, ajourne à vendredi le rapport du projet de réponse et ordonne que ce 'projet-sep, rédigé;ét proposé par son. Président,)
, président, quitte le fauteuil et est remplacé par M. Ducastel, ex-président.
présidence de m. ducastel, ex-présidents
L'Assemblée passe à l'ordre du jour qui est la suite de la discussion des faits dont sont accusés les sieurs Rauéh et Lucot.) (Affaire des enrôlements.)
, secrétaire, commence, la lecture des notes prises pendant la nuit précédente par MM. Thuriot, Grangeneuve et lui, et relatives aux interrogatoires et aux dépositions reçues à la barré.
Un membre : Ces notes sont très imparfaites : on na peut se décider là-dessus» Je demando qu'on nous fasse un procès-verbal en règle et exact et qu'on ajourne à demain. (Oui! oui /}• •
(L'Assemblée ajourne à demain la continuation de la JiscUssion sur cet objet.)
Les deux particuliers sôrit
en état de mandât d'arrêt dans un des bureaux de 1'Assémblée .; faut-il les garder dans le même étàt?
(L'Assemblée décrète que les sieurs Rauch et Lucot continueront d'être gardés à vue dans un des bureaux de l'Assemblée.)
(La séance est levée à neuf heures et demie.)
Séance du
présidence de m. ducastel, ex-président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
L'Assemblée nationale sait que les conseils de départements touchent à leur fin. J'ai à annoncer à l'Assemblée un trait de civisme de la part d'un administrateur du département du Cher. M. Lamerville, ancien membre de l'Assemblée constituante et président du conseil de ce département,eut une idée ingë-nieusé et très patriotique relativement aux encouragements à accordera l'agriculture. Voici ce qu'il a proposé dans la séance du lundi 28 novembre dernier.
« Craignez-vous, Messieurs, de manquer de moyens, je vaist.vous dire quelles sont vos ressources. Eloignons de nous tous les objets de luxe qui nous entourent ; élevons-nous à la noble simplicité, qui est l'attribut d'un peuple libre. Remplaçons ces ornements fragiles par des emblèmes patriotiques tels que là déclaration des droits. Que l'assemblée fasse descendre devant elle les glaces pour les mettre en vente, et quand le peuple saura que cet objet aura servi à fertiliser une prairie ou aura été changé en un simple troupeau, quel citoyen osera vous reprocher l'usage que vous en avez fait. »
« Le cqnseil général a adopté avéc transport la proposition de M, le Président et a arrêté que les glaces et trumeaux placés dans l'intérieur des pièces de la maison occupée par l'administration du département seraient vendus, et que? sur le prix en provenant, il serait pourvu aux encouragements proposés dans les formes qui seront déterminées, l'assemblée se réservant de délibérer sur l'emploi du surplus du prix de la vente ; il a été arrêté en outre que la déclaration des droits et les emblèmes de la liberté seront mis à la place des glaces et trumeaux, ce qui a été exécuté. »
Je demande qu'il soit fait mention honorable du patriotisme du département du Cher.
Un membre.: On ne peut pas en faire mention honorable, car on ne pouvait pas vendre ces glaces sans un décret.
Un membre : Les glaces appartiennent à la nation? les corps administratifs ne peuvent pas en disposer; elles doivent être vendues au profit de la nation, et ces messieurs ne doivent, point être généreux à ses dépens.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) i
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre des anciens officiers municipaux de
Versailles (1), qui se trouvent forcés de se maintenir dans leurs fonctions, parce que trois des officiers municipaux nouvellement élus se refusent à justifier ae leur éligibilité ; cette lettre est ainsi conçue :
« Versailles,
«. Monsieur le Président,
« La municipalité que j'ai l'honneur de présider ne craindra jamais que sa conduite soit mise en évidence. Dans la circonstance présente, sa position est nécessairement critique. Plusieurs sections de la ville et un arrêté de département s'opposent à l'installation de trois personnes, qui ne veulent point justifier de leurs titres d'éligibilité aux fonctions municipales. Si les trois réclamants sont éligibles, le refus de le prouver est inexplicable; leurs prétentions ne le sont pas moins. La municipalité vous supplie, Monsieur le Président, de vouloir bien donner connaissance à l'Assemblée nationale de son arrêté d'hier, et de renvoyer ces pièces au comité chargé de faire le rapport de cette étrange affaire.
« Je suis avec respect, etc.
a Signé : Le maire de Versailles. »
Un membre annonce que le comité de division, à qui cette affaire a été renvoyée, a son rapport tout prêt.
(L'Assemblée renvoie la lettre du maire de Versailles, ainsi que l'arrêté et les pièces qui y sont jointes, au comité de division pour en faire le rapport samedi soir.)
2° Lettre de M. Papillon, qui annonce que les officiers delà ci-devant compagnie de maréchaussée de l'Ile-de-France désirent faire lecture à la barre d'une pétition, dont il transmet une copie à l'Assemblée nationale.
(L'Assemblée décrète qu'ils seront entendus, les premiers, dimanche prochain.)
3° Adresse de M. Brémond, qui demande d'être autorisé à ouvrir une souscription pour un ouvrage qui sera intitulé : Almanach national.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur cette demande.)
, secrétaire. Voici une pétition de la gendarmerie nationale; mais j'observe à l'As-semhlée que cette pétition n'est pas signée.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :
4° Lettre du président du conseil général du département du Puy-de-Dôme, qui expose que le conseil du district de Glermont a mis un tel retard dans Y organisation de son directoire, que ce directoire n'est actuellement composé que d'un membre.
, au nom du comité de division. J'ai l'honneur de vous proposer le décret suivant sur cette affaire qui a déjà été renvoyée à votre comité de division. (Il lit un projet de décret.)
Un membre : J'observe qu'il n'y a pas lieu à délibérer, attendu que l'article 2 de la loi
du 2 octobre dernier appelle les administrateurs des directoires qui en ont été exclus par
le sort, à y rentrer jusqu'à concurrence du nombre néces-
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division sur le contenu de la lettre du conseil général du département du Puy-de-Dôme, du 6 du présent, ayant pour objet de savoir si le sieur Peyronnet, l'un des membres du directoire du district de Glermont, exclu par le tirage qui a été fait avant l'entière nomination des membres de l'administration du département, doit rentrer de droit dans le directoire, d'après la démission de l'un et la nomination au département de l'autre de ses anciens membres, attendu que l'article 2 de la loi du 2 octobre dernier appelle les anciens administrateurs du directoire exclus par le sort à y rentrer jusqu'à concurrence du nombre nécessaire pour compléter la moitié de leurs anciens membres, à l'effet de reprendre et de continuer leurs premières fonctions jusqu'au prochain renouvellement, déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer. »
,secrétaire, continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :
5° Adresse des administrateurs du département du Pas-de-Calais, qui demandent à l'Assemblée de décider si l'on peut être en même temps président et membre d'un directoire; et dans le cas où elle déciderait que cela n'est pas possible, ils la prient de tracer la route qui doit être suivie pour que le conseil du district de Saint-Pol, qui est séparé, et qui ne doit se réunir qu'au mois d'octobre prochain, puisse élire un président.
(L'Assemblée, vu que les lois déjà faites sont suffisantes pour régler la conduite au conseil du district de Saint-Pol, renvoie au pouvoir exécutif.)
6° Lettre du conseil général d'administration du même département, qui expose que l'insubordination est au comble dans le premier bataillon des gardes nationaux volontaires en garnison à Calais.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
7° Lettre des officiers municipaux de la commune de Poitiers, qui dénoncent des enrôlements qui se font dans cette ville pour l'armée des rebelles, et envoient à l'Assemblée un procès-verbal que la municipalité a dressé de quelques faits recueillis sur cet objet ; cette lettre est ainsi conçue :
« Poitiers, le
« Législateurs français, depuis longtemps, des bruits continuels d'enrôlement qui s'augmentaient à mesure qu'on voyait s'écouler notre jeunesse ; les propos indiscrets, les discours incendiaires de nos ennemis, les soupçons violents d'une correspondance intime entre plusieurs citoyens de cette ville etles émigrés, excitaient dans notre sein une fermentation sourde et de fréquents mouvements, lorsqu'un événement, dont nous vous faisons passer les détails, sembla nous désigner le sieur Dutrehan pour l'auteur de ces trames criminelles. Cet homme, natif de Strasbourg, que nous avons vu chanoine honoraire de Lyon, et trésorier du chapitre de Saint-Hilaire de cette ville, dont le frère est passé chez l'étranger, qui de plus recevait habituellement chez lui tout ce que Poitiers renferme d'esprits faibles, avait été dénoncé par la clameur publique. Sans le parti que nous avons pris de le déclarer en
état d'arrestation, peut-être eût-il été impossible de répondre de sa vie. Nous avons cru également devoir faire apposer les scellés chez lui, et parmi ses effets nous avons trouvé plusieurs vases et ornements d'église. Si de nouvelles déclarations fournissent contre lui d'autres preuves, nous vous le ferons également connaître, et vous nous tracerez la voie que nous devons suivre.
« Législateurs, fiers ae voir la nation française prendre l'attitude qui lui convient, quand vous travaillez à lui donner des lois sages, nous travaillons à les maintenir. Nous appelons sur vous les bénédictions du peuple, et déjà nous l'avons vu couronner de lauriers civiques, les remparts élevés par vos mains, contre les fureurs des émigrants et les poignards du fanatisme. Continuez, et la France est irrévocablement libre ; ou si, par une fatalité qui ne peut se concevoir, nous étions destinés à de nouvelles chaînes, la mort nous trouverait le code des lois à la main. (Applaudissements.) »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée décrète la mention honorable de cette lettre au procès-verbal et la renvoie au comité de surveillance, avec les pièces qui l'accompagnent, pour en faire le rapport dans la séance du soir.)
8° Lettre des officiers municipaux de la ville d'Halluin, département du Nord, qui annonce que le sieur Etienne François d'Aligre et son épouse ont sollicité et obtenu un certificat de vie et de résidence à Halluin, mais que ces deux personnes habitent actuellement la ville de Menin en Autriche; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« On croirait manquer au plus grand devoir de ne pas avertir l'Assemblée nationale que, le 10 du courant, M. Etienne-François d'Aligre et Mme Anne-Gatherine-Louise Baudry, son épouse, tous deux nés à Paris, se sont présentés devant nous à l'effet d'avoir les certificats, comme il est dit par celui-ci inclus. Comme nous croyons que c'est une rente viagère payée par la nation, il serait nécessaire de nous éclairer. C'est pourquoi nous avons l'honneur de vous informer qu'ils sont actuellement résidents à Menin, terre autrichienne. Et nous restons avec le plus grand attachement, etc.
« Signé : Les officiers municipaux de la ville d'Halluin. »
Copie du certificat.
« Nous, maire et officiers municipaux de la ville d'Halluin, district de Lille, département du Nord, certifions à tous ceux qu'il appartiendra, que M. Etienne-François d'Aligre, et Mme Anne-Catherine-Louise Baudry, son épouse, tous deux nés à Paris, se sont présentés devant nous, à l'effet d'avoir : 1° des certificats de vie ; 2» un certificat comme ils étaient résidents à Halluin. En conséquence, nous leuravons fait délivrer le 10 du courant. Mais aujourd'hui, nous apprenons qu'ils sont résidents en la ville de Menin, terre autrichienne. En foi de quoi, nous avons signé ces présentes, et attesté sincères et véritables, et à icelles fait apposer le scel ordinaire de la municipalité. »
Un membre : Je demande qu'il soit fait men-
tion honorable au procès-verbal du civisme de ces officiers municipaux.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Je demande que cette lettre soit renvoyée au pouvoir exécutif pour la faire passer aux commissaires de la Trésorerie nationale.
Appuyé !
(L'Assemblée décrète la motion de M. Cambon.)
9" Lettre du conseil général du département du Haut-Rhin, qui expose à l'Assemblée nationale que la langue allemande est l'idiome naturel de ce département et annonce que plus de 60 prêtres allemands se sont présentés à l'évêque pour être par lui employés, en, se conformant à tout ce qui est prescrit par les lois françaises. Il prie l'Assemblée de donner aux prêtres allemands l'aptitude nécessaire pour être élus curés, en prêtant le serment civique. Il demande aussi d'être autorisé à régler une indemnité en faveur des électeurs qui seront convoqués pour l'élection des curés, et il sollicite une prompte décision, attendu que la tranquillité publique et les progrès de la Constitution en dépendent essentiellement.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de division, qui est chargé d'en faire le rapport mardi au soir.)
, secrétaire. Pour remplir le vœu de l'Assemblée indiqué hier, nous nous sommes assemblés ce matin pour rédiger et collationner avec M. Jaucourt l'interrogatoire des personnes entendues à la barre dans l'ayant-dernière nuit ; nous sommes en mesure de vous en donner lecture.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 13 décembre, au soir, dont la rédaction est approuvée.
, secrétaire, donne lecture de la partie de ce même procès-verbal qui concerne Y interrogatoire qu'ont subi à la barre le sieur Rauch tambour-maître de la sixième division, le sieur Lucot et le sieur Ducrocq. (Affaire des enrôlements).
La discussion sur la question de savoir s'il y a lieu de mettre en état d'arrestation les sieurs Rauch et Lucot est reprise.
Je rappelle à l'Assemblée la déclaration qui fut faite nier par le sieur Lecoine, garçon chez un marchand de vins de la rue Saint-Nicaise, et dont l'officier de gendarmerie de garde auprès de l'Assemblée nationale a dressé procès-verbal. Cet homme affirme avoir entendu le sieur Rauch, buvant dans son magasin avec le sieur Lucot, faire à ce dernier des propositions d'enrôlement. Je demande que ce garçon marchand de vins soit entendu. En effet, le sieur Rauch étant convenu qu'il n'avait pas d'ordres ni de commissions pour enrôler, s'il est prouvé qu'il a proposé d'enrôler, il sera prouvé qu'il faisait des enrôlements contre la patrie et pour les émigrants. Vous verrez, d'après toutes les dépositions qui ont été reçues qu'il y a lieu à accusation contre le sieur Lucot. En effet, le procès-verbal du commissaire de police annonce qu'il a reçu de l'argent, et celui qui reçoit de rargent pour trahir la patrie, et qui invite deux de ses camarades à en faire autant, est réellement coupable envers la patrie. D'un autre côté, d'après les contradictions de Rauch, d'après la déposition de Lucot qui affirme que Rauch lui a proposé de s'enrôler chez un marchand de vins, en sortant du Panthéon, il y a lieu également à accusation contre Rauch. Je demande cepen-
dant, qu'avant de prononcer le décret, vous fassiez Venir à la barre le garçon marchand [de vins, afin d'en tirer de nouveaux éclaircissements.
Pour instruire en quelque façon une procédure criminelle et pour prononcer, il faut que l'Assemblée connaisse toutes les charges, et vous ne le pouvez en ce moment, puisque le procès-verbal n'est pas encore rédige sur certaines dépositions. Pour donner à ce procès-verbal l'authenticité nécessaire à une accusation dont il doit être la base, je demande le renvoi de cette discussion à la séance du soir. Nous économiserons aussi le temps de la séance du matin destinée à une multiplicité d'objets qui déjà commencent à être en souffrance.
Si vous différez jusqu'à ce soir, votre conviqtion ne sera pas plus grande, Je ne vois qu'un parti, c'est d'entendre la déposition du garçon marchand de vins.
(L'Assemblée, consultée, décrète que le sieur Lecoine, garçon marchand de vins, sera mandé à la barre.)
Un membre : Le premier objet des délibérations et de l'activité du Corps législatif doit être les finances, je rappelle à l'Assemblée la motion que j'ai faite dans le mois dernier, tendant à ce qu'il soit affiché dans la salle un tableau de- la situation des 83 départements et relatif soit à la confection des rôles deVI791, soit au payement des arriérés de 1790., l^a motion avait d'abord été décrétée; mais sur des observations ultérieures, qui tendaient cependant tontes à l'appuyer, le tout fut renvoyé au Comité des contributions publiques. Depuis.ce temps, pn n'en a pas entendu parler, et je présume:même que le comité des contributions publiques n'en fait rien. Je renouvelle donc ici ma motion et je demande que le comité des contributions publiques nous indique les causes du retard apporté au recouvrement des impositions. (Applaudissements.)
La véritable cause de ce retard, c'est que les rôles de répartition ne sont pas encore achevés. Le ministre des contributions publiques ne néglige , rien pour les faire terminer. Hier encore, il a présenté au comité de l'ordinaire des finance^, l'état de sa correspondance et des rôles envoyés. Je dois annoncer que les trois quarts des rôles provisoires sont déjà connus du ministre et sont en plein recouvrement. Il n'y a que deux ou trois départements qui soient arrieriés, et si l'Assemblée le veut, je les nommerai. (Oui! oui!) C'est : 1° le département du Cantal; il peut y .avoir des raisons pour le retard de l'envoi de ses rôles, car vpus savez que vous avez ordonné la translation du directoire d'une ville à une autre ; 2° le département du Pas-de-Calais, duquel le ministre n'a pas eu de réponse. Il y a un autre département ; c'est, je crois, celui de l'Hérault.
Il est nécessaire que l'Assemblée nationale connaisse, dans tous ses détails, l'état des départements en retard, et même qu'il soit imprimé et distribué à tous ses membres, pour que les corps administratifs qui seraient en retard par leur faute soient enfin réprimés en vertu de la loi.
Un membre : Je demande que le ministre soit tenu de rendre compte de 1 état des recouvrements,
H est inutile de demander ce
compte au ministre puisque, par un décret du mois d'octobre dernier, vous avez ordonné que l'état des recouvrements serait imprimé tous les mois. Or, ces états s'impriment, et au surplus si vous les consultez sur cet, objet, il faut qu'ils vous donnent un compte très détaillé pour chaque département.
Plusieurs membres demandent que la liste des administrations en retard et de celles qui ont rempli leur devoir soit lue.
Quelques membres' s'opposent à cette lecture.
, au nom du comité de Vordinaire des finances, donne lecture des districts qui ont fait le répartement des impositions et de ceux qui sont en retard,
L'Assemblée applaudit vivement les départements et les districts qui ont rempli leur devoir ; elle garde le plus profond silence lorsqu'on annonce un département ou un district en retard.
Il résulte de cette lecture que sur 544 districts, 109 seulement sont en règle,
Plusieurs membres attestent que, depuis la date de ces états, la plupart des administrations notées comme négligentes ont rempli leur devoir et que les municipalités même ont fait la répartition dans les communes.
Un membre : 11 faut engager les députés à écrire dans leurs départements respectifs pour hâter la répartition; car il est absolument nécessaire que cette répartition s'achève,.
Le ministre des contributions publiques nous a déclaré hier qu'il avait écrit plusieurs lettres circulaires, mais que beaucoup de départements n'avaient pas encore reçu la seconde qui est la plus instructive. Il nous a encore dit, en nous remettant cet état, que, quoiqu'il y eût des districts qui n'y fussent point portés, il avait la connaissance certaine que déjà la répartition était faite, non séuleipent par les districts, mais par les municipalités; qu'au surplus, si les rôles des districts n'étaient pas achevés partout, c'est; que lès procureurs généraux syndics, ayant été obligés d'assister aux sessions des conseils généraux, n'avaient pu s'occuper d'en accélérer la confection- Il faut que Ces idées soient bien présentes à tous les députés et à la France entière, car on croit que les rôles de recouvrement sont très arriérés, et ils ne le . sont pas. Quant au département de l'Hérault, j'ai la certitude que non seulement lé district de Montpellier, mais les deux tiers des municipalités ont réparti, et que déjà les rôles sont en recouvrement. J'ai une lettre du procureur général syndic qui m'annonce qu'avant le 1er janvier tout sera rentré sur les rôles de la contribution foncière et mobilière.
Plusieurs membres demandent qu'il soit fait mention honorable au. proeèg-verbal des dépar^ tèinents dont tpus les districts sont notés comme ayant achevé leur travail sur la répartition de l'impôt.
D'autres membres réclament un délai, appuyé sur l'espoir de compter dans 8 jours beaucoup moins d'administrations en retard et demandent l'ordre du jour.
(L'Assemblée, persuadée qu'il suffira du grand intérêt de la chose publique pour obtenir les derniers efforts des directoires de district, passe à l'ordre du jour.)
Je viens de recevoir deux lettres de Barbezieux t la première est adressée au
Président de l'Assemblée nationale; la seconde est intitulée ainsi : Adresse très respectueuse à Louis AT/, roi des Français. Je vais envoyer la lettre au roi par un huissier.
Plusieurs membres : Oui ! oui! sur-le-champ 1
(L'Assemblée décide que la lettre sera portée sur-le-champ au roi par un huissier.)
(Il s'élève quelques difficultés sur la question de savoir si la lettre adressée à l'Assemblée sera lue.)
M. Lemontey, Président, informé que le discours, prononcé hier par le roi, était imprimé, a cru dévoir préparer la réponse dont l'Assemblée l'a chargé, et demande à en faire la lecture.
, On aura le temps de s'en occuper plus tard, D'ailleurs, il y a un décret qui fixe cette discussion à, demain.
veut prendre la parole,
J'observe à l'Assemblée que MM. les officiers de la garde nationale de Paris nouvellement nommés et la municipalité demandent à présenter leurs hommages à l'Assemblée nationale. Voulez-vous les admettre? (Oui! oui!)
(L'Assemblée décrète qu'ils seront admis sur-le-champ.)
L'objet qui a déterminé le roi à se rendre dans le sein de l'Assemblée est de la plus haute importance et ne doit pas être traité précipitamment. Votre message a exigé que le roi assemblât plusieurs fois son conseil, et il a été plus de 15 jours à vous apporter sa réponse. (Murmures.) Celle que vous allez lui faire est pour ainsi dire l'avant-ootireur de la détermination que vous ave? à prendre dans les circonstances actuelles; il est très important que toutes les expressions de votre message soient mûrement examinées. Ne précipitez rien ; les observations de M. Garran-dé-Coùlon ont déterminé l'Assemblée à rendre hier un décret marqué au coin de la sagesse. Il pourrait arriver que par trop de précipitation on laissât dans la réponse quelques expressions peu convenables dans une chosè de cette importance.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion et décide que M. Lemontey sera entendu, mais qu'elle recevra auparavant les officiers de la garde nationale parisienneO
, maire de Paris, est introduit à, la barre avec quelques officiers municipaux et les six commandants des légions de Paris; il s'exprime ainsi :
J'ai l'honneur de présenter aux législateurs français les nouveaux officiera de la garde nationale parisienne; ils ont juré de soutenir la Constitution de tout leur pouvoir ; ils seront fidèles à leur serment; iïs ont environné le berceau de la liberté pour la protéger contre les tyrans, et ils ne l'abandonneront jamais. Ils vous seconderont de tous leurs efforts pour l'affermir, et ils défendront, au péril de leur vie, les lois émanées de votre sagesse.
Messieurs, les officiers de la garde nationale
Sarisîenne demandent la permission 4e défiler evant vous. (Applaudissements.)
, répondant à la dèputation. Messieurs» l'Assemblée nationale verra toujours avec transport les magistrats du peuple et ses plus constants défenseurs. Donnez sans cesse l'exemple du plus grand dévouement et du plus
pur patriotisme, etlaFrance libre sera victorieuse. L'Assemblée vous accorde les honneurs de la séance. (Applaudissements.)
Maintenant, Messieurs, je consulté l'Assemblée sur la demande de M, le maire.
(L'Assemblée décide, à l'unanimité, que les officiers de ]a garde nationale parisienne défileront devant elle.)
MM. les officiers de la garde nationale parisienne, au nombre de 1,500, défilent sur deux colonnes, précédés de ceux du bataillon des vétérans et de ceux du bataillon des enfants. Ils traversent la salle dans sa longueur au bruit des applaudisse* ments de l'Assemblée et au son des tambours, qui, de l'extérieur, font entendre une marche militaire. Des cris de s Vive la nation ! vive la liberté! la Constitution ou la mort! retentissent dans toute l'étendue de la salle,
MM, les officiers font successivement, et manifestent par des acclamations, le serment de vivre libres ou mourir. Cette cérémonie dure près d'une heure, La salle ne pouvant les contenir, les honneurs de la séance ont été accordés, pour tous, aux chefs de légion.
, s'adressant aux chefs de légion. Le spectacle touchant dont vous venez d'être les témoins vous dit mieux que je ne pourrai le faire l'intérêt qu'ont inspiré à l'Assemblée les défenseurs de la liberté.
Messieurs, c'est dans ce beau moment où vous avez vu défiler dans le sein de l'Assemblée nationale, avec des transports d'enthousiasme, tous les officiers de la nouvelle organisation de la garde nationale parisienne, que je crois devoir lui représenter la nécessité de faire, le plus promptement possible, une loi sur les récompenses à décerner aux guerriers qui auront bien mérité de la patrie.
Vous voulez, Messieurs, que les ennemis de la liberté soient incessamment combattus et di§= perses : eh bien» voici l'instant de vous rappeler que l'honneur et la gloire peuvent tout sur l'esprit des hommes libres ; excitez un noble enthousiasme dans le coeur de nos guerriers ; faites briller 4 leurs yeux l'éclat de ces pompes triomphales qui ont fait remporter tant de victoires aux Romains ; alors vous verrez les soldats sortir de la terre et devenir des héros.
Retracez-vous le spectacle sublime de l'Assemblée des représentants du peuple, qui, après une mûre délibération, décernera l'honneur du triomphe à l'armée et au général qui auront vaincu les ennemis. (Applaudissements.) Que tous les guerriers français sachent qu'aucune action ne restera sans récompense; oue leurs noms seront glorieusement transmis à la postérité lorsqu'ils auront bien servi la patrie et que des places honorables, pendant leur vie, leur seront marquées dans les fêtes nationales.
C'est là, Messieurs, le moyen le plus sûr d'anéantir jusqu'au souvenir des distinctions qui n'étaient accordées qu'à la naissance, et d'en créer de nouvelles, de glorieuses pour les hom« mes qui auront servi la patrie et qui ne seront pas ridiculement dévolues au fils, souvent inutile et méprisable, d'un grand homme. (Applaudisse* ments.) Je demande que vous ordonniez au comité d'instruction publique de vous présenter incessamment un projet de décret sur cet objet. (Appuyé ! appuyé,)
(L'Assemblée décrète la motion de M. Viénot-Vaublanc.)
, président de VAssemblée, monte à la tribune pour faire lecture du projet de réponse au roi.
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Il est essentiel que nous transmettions à nos frères d'armes des départements, répandus sur toute la surface de l'Empire, une portion de la jouissance pure que nous venons d'éprouver. Il est important que toute la France, que toute l'Europe connaissent le patriotisme que l'armée parisienne vient de manirester dans le sein de l'Assemblée par l'organe de ses officiers. Je demande qu'il soif fait un extrait détaillé de cette touchante scène et qu'il soit envoyé à tous les départements. (Vifs applaudissements.)
(L'Assemblée décrète, à l'unanimité, la motion de M. Lasource.)
Voici le projet de réponse au roi que l'Assemblée m'a chargé de rédiger.
« Sire, l'Assemblée nationale vient se soulager du silence auquel l'avait condamné le désir de rendre l'expression de ses sentiments plus imposante et plus profonde.
« Au langage que Votre Majesté lui a fait entendre, elle a reconnu avec transport le roi des Français. Elle a senti plus que jamais le prix de l'harmonie des pouvoirs, de ces communications franches et mutuelles, qui font le vœu, qui feront le salut de l'Empire. Elle attachera toutes les forces de son attention sur les mesures décisives quevous lui avez annoncées. Et si tel est l'ordre des événements, qu'elles doivent enfin s'effectuer, l'Assemblée nationale, Sire, promet à Votre Majesté plus de gloire qu'aucun de ses aïeux n'en a obtenu. Elle promet à l'Europe étonnée le spectacle nouveau de ce que peut un grand peuple outragé dont tous les nras seront mus par tous les cœurs, et qui, voulant fortement la justice et la paix, combattra vos ennemis et les siens.
« De puissants intérêts, de douces jouissances, vous sont préparés. Du Rhin aux Pyrénées, des Alpes à l'Océan, tout sera couvert des regards d'un bon roi et protégé par un rempart d'hommes libres et fidèles. Voilà, Sire, votre famille, voilà vos amis ; ceux-là ne vous ont pas abandonné. (Applaudissements réitérés.)
« Tous les représentants du peuple, tous les vrais Français ont dévoué leurs têtes pour soutenir la dignité nationale, pour défendre la Constitution jurée, et le roi chéri dont elle a affermi le trône. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
J'ai remarqué dans l'adresse qui vient de vous être lue deux passages qui seraient susceptibles d'être corrigés. Si elle était primée, l'Assemblée nationale pourrait en juger.
J'ai remarqué d'abord que l'on fait dire au peuple français qu'il s'armera pour combattre les ennemis delà nation et les ennemis du roi : or, certainement, il n'est pas possible que le peuple français s'arme pour combattre les ennemis particuliers du roi. (Murmures.) Ne pourrait-on pas remplacer cette expression par celle-ci : « Pour combattre nos ennemis communs. »
J'adopte l'observation de M. Grangeneuve que l'excès de scrupule porte à trouver une équivoque ; elle sera levée entièrement en mettant : « combattra pour lui-même ses ennemis qui sont aussi les vôtres. »
Je passe à une seconde observation. Il est dit dans 1 adresse : « Voilà, Sire votre famille. » Il est très dangereux de rappe-
1er les anciennes idées qui faisaient regarder le peuple comme la famille ou la propriété des rois. (Murmures.) Le roi des Français est le chef du pouvoir exécutif de. la nation française, et il est contraire à tous les principes autant qu'au bon sens de dire que la nation est sa famille. Il appartient à la nation française et la nation française ne lui appartient pas. (Applaudissements dans les tribunes.)
, président. Je substitue très volontiers aux mots : « Voilà, Sire, votre famille » ceux-ci : « Voilà, Sire, là famille à laquelle vous êtes attaché. »
Ce n'est pas dans une Assemblée aussi nombreuse qu'on peut corriger cette adresse. Je demande que le discours prononcé par M. Lemontey, qui est sûrement très éloquent, mais qui peut souffrir quelques corrections au fond, soit renvoyé...
Plusieurs membres à droite : Oui, aux Jacobins !
Non, aux Feuillants !
au comité de législation. (Murmures.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion!
Je demande la parole.
Un grand nombre de membres : Non ! non ! la discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix!
Je demande à être entendu pour un amendement.
monte à la tribune et veut parler.
Monsieur, la discussion est fermée.
insiste pour obtenir la parole.
Plusieurs membres : Est-ce que vous voulez nous faire la loi ? ( Agitation.)
(Le calme se rétablit.)
Je demande une seconde lecture de l'adresse. (Bruit.)
Je demande moi-même à faire une nouvelle lecture. La voici : « Sire, l'Assemblée nationale vient se soulager... » (Exclamations.)
J'ai employé le mot soulager parce qu'hier le silence m avait paru pénible.
Plusieurs membres réclament et murmurent.
Je rappellerai à l'ordre le premier qui interrompra la lecture.
, lisant : Sire, l'Assemblée nationale vient se soulager...
Eh bien, c'est fauxl
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
achève la lecture de l'adresse avec les corrections consenties, la salle retentit d'applaudissements.
Plusieurs membres veulent prendre la parole.
D'autres membres : La discussion est fermée!
Un membre : Je demande la suppression de la première phrase qui me paraît indigne de la majesté de l'Assemblée. (Oui! oui! Non! non!)
On paraît désirer la suppression de la première phrase. (Oui! oui! Non! non!) ; elle n est point nécessaire à l'adresse; elle exprime le sentiment pénible que j'ai éprouvé et que je croyais être celui de l'Assemblée. (Oui! oui!) Je consens volontiers encore à sa radiation.
Plusieurs membres s'opposent à la radiation de la première phrase et demandent la parolê.
D'autres membres demandentque la discussion soit fermée en ce qui concerne la première phrase de l'adresse.
(L'Assemblée, consultée, décide que la discussion ne sera pas fermée.)
obtient la parole et fait quel-
3ues observations sur la rédaction de son projet 'adresse.
Le projet d'adresse que vous a lu M. Lemontey est sans doute très éloquent; mais ce n'est qu'une éloquence de mots et non pas l'éloquence de la dignité nationale. Dans la première phrase, M. Lemontey, président de l'Assemblée nationale, semble exprimer au roi sa douleur...
Plusieurs membres à droite : La nôtre! la nôtre!
de ce qu'il a été reçu hier avec dignité et avec majesté. (Murmures.) M. Lemontey, hier, s'est conduit comme un président pénétré de la grandeur de ses fonctions èt de la dignité du grand peuple dont il était l'organe. Aujourd'hui, vous allez, en quelque sorte, vous repentir humblement (Murmures et quelques applaudissements.) d'avoir manifesté, hier, cette grandeur et cette dignité. Je demande que cette première phrase, qui n'est qu'une flagornerie indigne de l'Assemblée, soit supprimée. (Appuyé!appuyé!)
J'ajoute que M. Lemontey, dans son adresse, promet au roi, au nom de l'Assemblée nationale, beaucoup plus de gloire que n'en ont acquis ses aïeux. Nous n'avons rien à promettre ; le roi ne peut avoir que ce qu'il aura acquis par sa conduite. Sans doute il l'acquerra, puisqu'il a promis, puisqu'il a juré de maintenir la Constitution, puisqu'il a iuré de la faire respecter au dehors comme au dedans. Ainsi, je demande que cette seconde phrase soit également effacée. (Murmures et applaudissements.) En un mot, comme ces changements peuvent déranger l'ordre des idées de M. Lemontey, je demande...
Un membre à droite : Le renvoi à M. Couthon !
Je la ferai peut-être moins bien, mais au moins avec autant de dignité ; je demande que ceux qui m'interrompent soient rappelés à l'ordre. (Murmures prolongés à droite.) il y a ici des jeteurs de pommes de discorde; il suffit qu'on élève la voix pour être interrompu.
Ces Messieurs ne viennent ici, je crois, que pour troubler l'Assemblée. (Applaudissements dans les tribunes.)
Je parle avec bonne foi..,. (Eclats de rire à droite. — Murmures prolongés à gauche.)
Je demande, Monsieur le Président, que vous mainteniez les égards qui sont dus aux membres et que vous rappeliez à l'ordre la partie de l'Assemblée qui fait entendre des huées contre un opinant. Voilà plusieurs fois qu'à droite j'entends prononcer le mot de Jacobins. Qu'est-ce que cela signifié ? (Rires.)
"Ce sont les Feuillants qui vous envoient ça !
Enfin, j'observe que le roi n'a point de mesures décisives à prendre sans le concours de l'Assemblée. Je demande que la rédaction de l'adresse soit renvoyée au bureau pour la présenter demain après la lecture du procès-verbal.
Je m'oppose à cette proposition.
Cette réponse n'est pas faite au nom de M. Lemontey ; elle est faite au nom de l'Assemblée. Je crois qu'on doit permettre à tous les membres de l'Assemblée de faire des observations. Le roi des Français est l'ennemi du despotisme ; il doit être l'ami des vérités et l'ennemi des flagorneries. Il ne faut pas faire une réponse au roi pour lui dire des cnoses obligeantes seulement; il faut encore lui dire de grandes vérités qu'il faut qu'il apprenne. Votre réponse doit être calculée sur le discours qu'il a prononcé.
Plusieurs membres : La question préalable sur le renvoi au bureau !
, consulte l'Assemblée et prononce qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur le renvoi au bureau.
Un grand nombre de membres : Il y a doute !
Je renouvelle l'épreuve.
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le renvoi au bureau.)
Je demande que la discussion soit ouverte sur le renvoi.
On propose, Messieurs, de renvoyer la rédaction de 1 adresse au bureau. En premier lieu, c'est contre le décret que vous avez rendu hier; en second lieu, une rédaction faite par 6 hommes, est la plus mauvaise qui puisse jamais être faite. Il est impossible, quelques talents qu'ils aient, que jamais ils puissent remplir nos vues. M. Lemontey vous a proposé de supprimer la première phrase qui nous choquait tous. Je demande qu elle soit rayée et que le reste du discours soit adopté tel qu il est.
aîné. Il faut nécessairement refaire cette rédaction. Ce n'est pas sans surprise que j'ai vu que le mot de liberté y est omis avec une sorte d'affectation. (Exclamations et murmures.) Yen. demande le renvoi à M. Lemontey lui-même.
Je demande la parole pour prouver que la rédaction de M. Lemontey, aux termes où elle est réduite, remplit les vues de l'Assemblée. (Oui! oui! Non! non!)
Dans les objections qui ont été faites, la plus essentielle, ce me semble, était que la rédaction de M. Lemontey devait être renvoyée au bureau, parce qu'elle ne répondait pas suffisamment aux objets traités dans le discours du roi. Sur cela j'observe que le discours du roi est lui-même une réponse à votre message et que cette réponse n'en provoque aucune de votre part; vous n'avez à exprimer que les sentiments de l'Assemblée sur la circonstance, et non pas contenir des détails sur les mesures dont le roi a entretenu l'Assemblée.
S'il fallait traiter la question au fond, sans doute, ce n'est pas par cette effusion de sentiments qu'il faudrait répondre. Cette grande question, vous la traiterez plus tard. Si elle doit amener des messages au roi, vous les ferez; mais ce n'est pas là la question.
Je vais plus loin, et je dis que le discours de M. Lemontey, après en avoir rayé la première phrase que je trouve moi-même ne devoir pas subsister parce que, comme il l'a observé, elle exprime plus encore ses sentiments que ceux de l'Assemblée, je dis, Messieurs, que je ne vois rien dans cette adresse qui mérite votre improba-tion ; et je conclus à ce que la rédaction de M. Lemontey, après la radiation de la première phrase et des mots qu'il a indiqués, soit mise aux voix.
Plusieurs membres : La discussion fermée 1 (L'Assemblée ferme la discussion.) Divers membres demandent la priorité soit pour la motion de renvoi à M. Lemontey, soit pour la motion de renvoi au bureau.
(L'Assemblée, consultée, refuse la priorité successivement à la motion ae renvoi a M. Lemontey et à la motion de renvoi au bureau et adopte l'adresse telle qu'elle a été lue avec les changements indiqués et en supprimant la première phrase.) Suit la teneur de cette adresse 5
« Sire,
« Au langage que Votre Majesté lui a fait entendre, l'Assemblée nationale a reconnu avec transport le roi des Français; elle a senti plus que jamais le prix de l'harmonie des pouvoirs, de ces communications franches et mutuelles, qui sont le vœu, qui seront le salut de l'Empire.
« 1/Assemblée nationale attachera toutes les forces de son attention sur les mesures décisives que vous lui avez annoncéeSj et si tel est l'ordre des événements, qu'elles doivent enfin s'effectuer, l'Assemblée nationale, Sire, promet à Votre Majesté plus de gloire qu'aucun de ses aïeux n'en a obtenue ; elle promet à l'Europe étonnée le spectacle nouveau de ce que peut un grand peuple outragé, dont tous les bras seront mus par tous les cœurs, et qui, voulant fortement la justice et la paix, combattra pour lui-même ses ennemis, qui sont aussi les vôtres.
m De puissants intérêts, de douces jouissances vous sont préparées : du Rhin aux Pyrénées, des Alpes à l'Océan, tout sera couvert des regards d'un bon roi, et protégé par un rempart d'nom-mes libres et fidèles. Voilà, Sire, la famille à laquelle vous êtes attaché ; voilà vos amis ; ceux-là ne vous ont pas abandonné.
« Tous les représentants du peuple, tous les vrais Français ont dévoué leurs têtes pour soutenir la dignité nationale, pour défendre la Constitution jurée, et le roi chéri dont elle a affermi le trône. * (La séance est levée à cinq heures.)
La séance est ouverte à six heures du soir.
, Je viens, au nom d'un çitoyen vraiment patriote, enrichir la nation de 12,000 lj* vres de rente. M. Pauly, concessionnaire des mines de charbon de ferre de Saint-Georges, département de Maine-et-Loire, lesquelles ont coûté trois millions d'exploitation, y a réuni récemment la jouissance du canal dq Layon, ci-devant d|t « de Monsieur » dont le produit s'élève à 12,000 livres annuellement. M. Pauly offre à la nation la remise de la jouissance de ce canal.
Un membre ; Le renvoi aux deux comités d'agriculture et de commerce.
(L'Assemblée renvoie cette soumission aux comités d'agriculture et de commerce réunis,)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une
adresse du conseil général du département de l'Aisne, qui sollicite des secours pour la classe indigente des citoyens qui l'habitent; cette adresse est ainsi conçue :
« Sages et courageux législateurs, le triste spectacle que nous ayons devant les yeux, nous commande de déposer dans votre sein paternel les besoins de la classe indigente de notre département; nous eussions manqué à la plus sainte des obligations si nous nous fussions séparés sans avoir fixé vos regards, sans avoir appelé votre sollicitude sur plusieurs milliers d'individus qui nous demandent du travail, qui nous demandent du pain,
« Profondément émus des cris douloureux de nos malheureux concitoyens, aux approches d'une saison rigoureuse, dans des circonstances diffi^ ciles, fortement pénétrés de la nécessité de maintenir la tranquillité publique, nous vous conjurons, Messieurs, au nom cher et sacré de la patrie, de nous accorder des secours pour eux. Ce n'est pas en vain que les cris des pauvres retentiront dans le temple de la patrie ; ce n'est pas en vain qu'ils invoqueront les pères du peuple. Ils sont justes, ils sont sensibles et bienfaisants; c'est pour eux un besoin autant qu'un devoir. Instruits de la situation des finances de l'Empire, connaissant les dépenses énormes que la dignité nationale, que la sûreté publique, commandent, nous n'aurions pas l'incivisme d'exagérer les besoins de nos pauvres, Quoique notre département renferme pour plus de 100 millions de biens nationaux, que les ventes faites jusqu'à ce jour s'élèvent à près de 64 millions, nous n'invoquerons pas ce motif en leur faveur : la libération des aettes de l'Etat est le premier des devoirs. Bientôt la part du pauvre sera faite et les secours publics seront organisés. Nous vous dirons seulement que la population du département de l'Aisne est immense, que la classe du pauvre est nombreuse, qu'il en existe beaucoup d'invalides, que des millions de familles ne peuvent vivre que de leur travail, que des incendies affreux ont porté, depuis deux ans, la désolation dans les campagnes ; qu'enfin l'aristocratie a pétrifié le cœur des riches. En conséquence, nous vous prions de nous accorder un secours dé 20l),000 livres, indépendamment de ce qu'il VOUS a plu nous accorder.
« Signé : Les administrateurs composant le conseil général du département de l'Aisne. »
, au nom du comité des secours publics. Le comité des secours a un rapport tout prêt à vous présenter sur les secours a accorder à chaque département du royaume ; je demande qu'il soit fixe un jour pour l'entendre.
Un membre : Je demande le renvoi de l'adresse du département de l'Aisne au comité des secours publics.
(L'Assemblée renvoie l'adresse du conseil général du département de l'Aisne au comité des secours publics et décide que ce comité fera son rapport, dimanche, après la lecture du procès-verbal.)
J'observe que les rapports sur les finances sont toujours éloignés et que rien n'est plus pressant que de s'en occuper. Je demande que, demain et les jours suivants, les finances forment exclusivement l'ordre du jour. (Appuyé.)
(L'Assemblée décrète la motion de M. Dorizy.)
L'ordre du jour appelle l'audition à la barre du garçon marchand de vins qui doit dépoter contre
lesie^r Rauch, (Affaire des enrôlements.) Enatten-dant son arrivée, M.Cambon propose un projet de décret sur la répartition des petits assignats dans les départements.
Plusieurs membres se présentent pour ouvrir la discussion; elle est suspendue par l'arrivée du ténioin.
En exécution du décret rendu à la séance du matin, le sieur Lecoine, garçon marchand de vins, demeurant chez le sieur Bellanger, rue Saint-Nicaise, est introduit à la barré.
M. le Président.Gomment vous appelez-vous?
Le témoin. Pierre Lecoine.
M. le Président. Quel âge avez-vous?
M. Lecoine. Dix-neuf ans.
M. le Président. Quelle est votre profession?
M, Lecoine. Garçon marchand de vins,
M. le Président. Où demeurez-vous.
M. Lecoine. Chez M. Bellanger, marchand de vins traiteur, rue Saint-Nicaise.
M. le Président, Connaissez-vous le sieur Lucot?
M. Lecoine. Le sieur Lucot n'est-il pas menuisier?
M. le Président. En connaissez-vous un qui soit menuisier?
M. Lecoine. Je connais M. Lucot, menuisier, que j'ai entendu parler que, samedi au soir, il est venu chez nous avec le tambour..
M. le Président. Le connaissez-vous personnellement?
M. Lecoine. Non, Monsieur, je ne le connais pas personnellement, je ne le connais que par son nom,
M. le Président. Connaissez-vous un sieur Rauch ?
M. Lecoine. Non, Monsieur, je ne le connais pas dtf tout.
M. le Président. Connaissez-vous un tambour-maître de la gardé nationale parisienne?
M. Lecoine. Je connais un tambour qui est donc pour lors celui de samedi au soir à 10 heures ; je ne le connais pas par son nom ; je \e connais pour dire le voilà.
M. le Président. Le connaissez-vous pour tambour-maître?
M. Lecoine. Je ne le connais que parce qu'il a deux galons sur le bras,
M. le Président, Si ce tambour vous était présenté, le reeonnaîtriez-yùus ?
M. Lecoine. Oui, Monsieur,
M. le Président. Le sieur Lucot vous a-t-il dit qu'en sa qualité de menuisier, il travaillait au Panthéon?
M. Lecoine. Il l'a dit devant moi au tambour, mais il ne Va pas dit à moi.
M. le Président. Samedi soir, à 10 heures, le sieur Lucot et le tambour dont vous avez parlé sont-ils entrés dans le cabaret du sieur Bellanger?
M. Lecoine. Oui, Monsieur, à 10 heures, ils sont entrés et ont bu chacun ùn demi-septier de vin.
M. le Président. Ave^-vous entendu la conversation du sieur Lucot et du tambour?
M. Lecoine. Oui, Monsieur.
M, le Président. Pouvez-vous rendre compte de ja conversation que vous avez entendue?
M. Lecoine. Monsieur, je vais rendre compte de ce que j'ai entendu.
Samedi au soir, à 10 heures, le tambour et le menuisier sont entrés chez nous, et ont bu chacun un demi-septier, sur le comptoir, que le tambour a demandé lui-même. Le menuisier a dit au tambour, comment est-ce qu'il avait pu le reconnaître, on ne voyait ni ciel ni terre. Le tambour a répondu : ne t'inquiète pas, les gens que je connais, je les remets bien. Le menuisier a dit qu'il venait de souper : il avait encore son pain sous son bras. Le tambour lui a demandé s'il avait servi dans les régiments- Le menuisier a répondu qu'il avait servi 8 ans dans les dragons. Le tambour lui a dit que s'il voulait se rengager, voire s'il Je voudrait dans l'infanterie, Le menuisier a répondu qu'il avait servi 8 ans dans les dragons, et qu'il ne voulait servir que dans le même régiment, qu'il aimait mieux que son cheval le porte que de porter sa besace. Le tambour a dit au menuisier que s'il voulait s'engager, il allait le mener dans la rue Poissonnière, dans une maison ; il a dit le nom, mais je ne peux pas m'en souvenir. Ils se sont tapés dans les mains. Le tambour a dit qu'il serait content de son engagement, Le menuisier a dit puisque c'était comme ça, qu'il n'avait qu'à venir le trouver demain matin, c'était donç le dimanche, au Panthéon. 11 a demandé le nom du menuisier, qu'ils déjeune*-raient tous les deux ensemble. Messieurs, voilà ce que j'ai à dire. Ils ont payé et sont sortis de chez nous. C'est le tambour qui a payé,
M. le Président. Avez-vous entendu que le tambour et le sieur Lucot parlassent des émi-grants ?
M. Lecoine. Non, Monsieur, point du tout.
M. le Président. Le tambour fréquente-t-il le cabaret du sieur Bellanger?
M. Lecoine. Monsieur, c'est la première fois que je l'ai vu ; tout ce que je sais, c'est que je le connais, pour être tambour de l'Oratoire, pour l'avoir vu passer dans la rue.
-M. le Président. Avez-vous remarqué que dans le cabaret du sieur Bellanger, il ait été question d'enrôlements, d'engagements ?
M. Lecoine. Non, Monsieur, point du tout, voilà la première fois que j'entends parler de cela, et je ne savais pas ce que c'était.
M. le Président, s'adressant à l'Assemblée. Messieurs, le juge de paix de la section de Saint-Roch m'a envoyé l'apposition du scellé qu'il a faite au domicile du sieur Rauch, 11 n'a rien trouvé de suspect; il n'y avait que des meubles et papiers inutiles, dont il n'a rien pu induire, et deux jeunes filles qui sont les enfants du sieur Rauch,
adressant à M. Lecoine. Dans la conversation qui a eu lieu contre le tambour et le sieur Lucot, avez-vous entendu parler d'un sieur Duval et d'un sieur Lasalle?
M. Lecoine. Non, Monsieur, point du tout M. le Président. Avez-vous remarqué si le tambour était alors dans un état d'ivresse ?
M. Lecoine. Tout ce que je peux vous dire, il l'était un petit peu.
M. le Président. Vous a-t-il paru ivre en écrivant ?
M. Lecoine, Non, Monsieur, pas absolument.
car je ne l'ai pas bien remarqué d'abord ; mais tout ce que je puis vous dire, c'est qu'il n'était pas absolument pris ; il n'était pas gris à ne pas taire ses affaires.
M. le Président. Est-ce M. Rauch qui a payé?
M. Lecoine. Monsieur, c'est le tambour-major qui a payé.
M. le Président. A-t-il tiré un portefeuille pour cela ?
M. Lecoine. Monsieur, il a tiré un petit portefeuille de sa poche, qui était à peu près large comme la main.
M. le Président. Qu'avez-vous remarqué qu'il eût dans ce portefeuille ?
M. Lecoine. Monsieur, je n'ai pas bien remarqué, je sais qu'il a tiré un billet de 25 sous, On lui en a rendu un de 15 sous.
M. le Président. C'était un petit portefeuille ?
M. Lecoine. Oui, monsieur.
M. le Président. Vous souvenez-vous de la couleur du portefeuille ?
M. Lecoine. Monsieur, il était rouge.
M. le Président. Faites entrer le tambour.
Monsieur le Président, quand vous avez demandé si le tambour était ivre, monsieur a dit d'une part, pas absolument, et ensuite, monsieur a dit qu'il ne s'en était pas aperçu, qu'il ne l'avait pas remarqué, il faudrait fixer la détermination de ce que monsieur entend.
Plusieurs membres : C'est inutile, c'est inutile !
(M. Rauch est introduit à la barre.)
M. le Président, montrant M. Lecoine. Monsieur Rauch, connaissez-vous monsieur ?
M. Rauch. Je n'ai pas souvenir de le connaître.
M. le Président. Monsieur, samedi dernier, à 10 heures du soir, n'êtes-vous pas entré dans la rue Saint-Nicaise, dans un cabaret appartenant au sieur Rellanger?
M. Rauch. Monsieur, je ne saurais avoir aucune connaissance d'être entré chez un marchand de vin de la rue Saint-Nicaise, pas aucune.
M. le Président. Monsieur Lecoine, reconnaissez-vous monsieur ?
M. Lecoine. Je reconnais monsieur pour avoir bu une cljopine de vin de 5 sous, sur le comptoir avec un garçon menuisier qui: travaille au Panthéon.
M. le Président. Monsieur Rauch, ne vous souvenez-vous pas d'être allé samedi soir boire avec un particulier?
M. Rauch. Je n'ai aucun souvenir, car si j'avais le souvenir d'être entré chez monsieur, ie vous dirais tout de suite et ainsi qu'à toute l'Assemblée générale, la vérité. Mais je n'ai aucun souvenir; il est très possible que je serai entré boire un demi-septier sur le comptoir, sans que je le sache. (Rires.)
M. le Président. Monsieur Rauch, vous souvenez-vous où vous étiez samedi soir a lOheures?
M. Rauch. Je ne me souviens pas au juste de l'endroit, mais il me revient dans la mémoire que j'ai bu un demi-septier dans un endroit, sans savoir si c'est au juste dans la rue Saint-Nicaise ou la rue de Rohan, ou plus haut ou plus bas.
M. le Président. Quand vous avez bu ce demi-septier, étiez-vous seul ou en compagnie? '
M. Rauch. C'est que je ne me souviens pas du tout, si j'étais en compagnie, oui ou non, cela m'arrive souvent qu'ayant soif j'entre chez un marchand de vins, et je bois un demi-septier de vin, moi seul. Je ne me souviens pas d'avoir eu quelqu'un avec moi.
M. le Président. Comment avez-vous payé ce demi-septier, et en quelle monnaie, vous souvenez-vous?
M. Rauch. Non, Monsieur, je n'ai pas souvenir de cela.
M. le Président. Pourriez-vous nous dire où vous avez passé la journée et surtout l'après-midi du samedi?
M. Rauch. Toute l'après-midi, j'étais chez moi, et j'y suis resté jusqu'à 7 heures, et à 7 heures et demie, 8 heures moins un quart, je me suis rendu à la place Vendôme, pour faire battre la retraite; de là, en sortant de la Place Vendôme, j'ai bu du vin, que je me souviens très réellement, avec deux de mes camarades, à côté de la porte des Feuillants et dont je suis resté un peu tard. Il m'arrive que souvent je perds quelquefois la carte, et en chemin misant, il est très possible, je me ressouviens, je me remémore que j'ai bu un demi-septier de vin quelque part, mais je ne sais pas chez quel marchand de vin.
M. le Président. Vous souvenez-vous si, en sortant du Cabaret, près de la porte des Feuillants, et après avoir quitté vos deux camarades, vous avez rencontré quelques personnes?
M. Rauch. J'ai rencontré bien du monde, mais je n'ai accosté personne.
M. le Président. Vous rappelez-vous à quoi vous avez passé la journée du samedi ?
M. Rauch. Chez moi, dans ma chambre, je n'ai pas sorti du tout, je vous donnerai des témoignages, il y a trois ou quatre de mes camarades qui peuvent témoigner que je ne suis sorti que fort tard pour aller vaquer à mon service»
M. le Président. Pouvez-vous dire qui vous connaissez dans la rue Poissonnière?
M. Rauch. Je ne connais personne rue Poissonnière.
M. le Président. Ne vous souvenez-vous pas, dans l'endroit où vous êtes allé boire, samedi soir, d'avoir parlé d'engagement à un particulier ?
M. Rauch. Non, Monsieur le Président, je ne me souviens pas d'avoir parlé d'engagement à qui que ce soit.
M. le Président. Huissier, faites retirer le sieur Rauch, et introduisez le sieur Lucot ?
(M. Lucot est introduit à la barre.)
M. le Président, montrant M. Lucot. Monsieur Lecoine, connaissez-vous M. Lucot ?
M. Lecoine. Oui, Monsieur, je le connais pour être venu boire samedi ave" le tambour.
M. le Président, s'adressant à M. Lucot et montrant M. Lecoine. Vous, Monsieur Lucot, connaissez-vous Monsieur ?
M. Lucot. Oui, Monsieur, pour y avoir été.
M. le Président. Etes-vous allé dans le cabaret du sieur ReHanger, rue Saint-Nicaise, à 10 heures ?
M. Lucot. Q était 10 heures et demie.
M. le Président. Avec qui étiez-vous, dans le cabaret du sieur Rellanger ?
M. Lucot. Avec le tambour. M. le Président. En savez-vous le nom ? M. Lucot. C'est Rauch. M. le Président. Le sieur Rauch vous a-t-il proposé de vous engager, dans la soirée, dans ce cabaret ? M. Lucot. Oui, Monsieur. M. le Président. Pour quel service voulait-il vous engager ? M. Lucot. Pour la gendarmerie. M. le Président. Vous a-t-il annoncé pour quelle gendarmerie et pour quelle ville ?
M. Lucot. Non, Monsieur, il ne m'a pas dit pour quelle gendarmerie et pour quelle ville c'était. M. le Président. Et pour quel endroit ? M. Lucot. C'était pour l'étranger. M. le Président. A-t-il été question ; entre vous des émigrés de France ?
M. Lucot. Oui, Monsieur, des émigrés de France.
M. le Président. Quel engagement vous a-t-il proposé ! quel prix ?
M. Lucot. Monsieur il m'a dit qu'il me donnerait de l'argent, mais il ne m'a pas dit la somme.
M. le Président. Depuis votre entrevue avec Rauch, dans le cabaret, Rauch ou d'autres étrangers ne vous ont-ils pas donné de l'argent? M. Lucot. Personne ne m'a donné d'argent. M. le Président. N'avez-vous pas dit à plusieurs personnes que vous aviez reçu de l'argent, et que vous vous divertissiez avec?
M. Lucot. Je l'ai dit en effet, Monsieur, mais c'était pour que les gens viennent avec moi pour découvrir M. Lasalle.
M. le Président. Pourquoi vouliez-vous découvrir M. Lasalle?
M. Lucot. Pour savoir si Rauch m'avait dit la vérité.
M. le Président. Quelle vérité vouliez-vous découvrir sur le compte de M. Lasalle?
M. Lucot. Savoir s'il était vrai qu'il engageait pour le compte des émigrants.
M. le Président. Qui est-ce qui vous a dit que le sieur Lasalle engageait pour les émigrants? M. Lucot. Rauch.
M. le Président. Rauch ne vous a-t-il pas proposé de vous conduire rue Poissonnière?
M. Lucot. Il me l'a proposé dans la rue Saint-Nicaise.
' M. le Président. Savez-vous le nom de la personne chez qui Rauch proposait de vous conduire.
M. Lucot. Monsieur, il ne me l'a pas cité. M. le Président. Vous y a-t-il conduit? M. Lucot. Non, Monsieur, il ne m'y a pas conduit.
M. le Président. Samedi soir, n'avez-vous pas proposé à Rauch de déjeuner avec lui, le lendemain dimanche?
M. Lucot. Oui, Monsieur, je lui ai dit, il m'a demandé.où je travaillais, je lui ai dit, et je l'ai invité à venir à l'heure du déjeuner, et que nous déjeunerions ensemble, parce que j'avais prévenu plusieurs compagnons de l'atelier pour le surprendre et l'emmener tout de suite.
M. le Président. Quand vous avez vu Rauch, le samedi soir, était-il en état d'ivresse?
M. Lucot. Non, Monsieur, pour le moment, il n'était pas ivre.
M. le Président. Savez-vous quel était M. Lasalle et dans quelle rue il demeurait?
M. Lucot. Il m'a dit rue Royale, près la place Louis XV.
M. le Président. Savez-vous quel était l'état de M. Lasalle ?
M. Lucot. Non, il'ne me l'a pas dit ; il m'a dit qu'il demeurait près le garde-meuble.
Un membre : Monsieur le Président, il faudrait lui demander le nom des compagnons qu'il avait prévenus.
M. le Président. Monsieur Lucot, dites-nous en quel endroit vous avez rencontré le sieur Rauch, samedi soir ?
M. Lucot. Dans la rue Saint-Honoré, entre la rue de Rohan et la rue Saint-Nicaise.
M. le Président. Connaissiez-vous M. Rauch auparavant? M. Lucot. Jamais.
M. le Président. Comment l'avez-vous accosté?
M. Lucot. Monsieur, c'est lui qui m'a pris à brasse-le-corps et m'a dit bonsoir.
M. le Président. Vous souvenez-vous où vous étiez, lundi, à neuf heures du matin ?
M. Lucot. Oui, Monsieur.
m. le Président. Où*?
M. Lucot. Dans la rue Croix-des-Petits-Champs. M. le Président. Chez qui ?
M. Lucot. Je ne connais pas le marchand de vins.
M. le Président. Chez ce marchand de vins, lundi, n'avez-vous pas parlé à 4 particuliers de l'engagement que vous aviez contracté?
M. Lucot. Ce n'est pas dans ce cabaret, c'est au coin de la rue des Petits-Pères, que je leur en ai parlé, et sur le moment nous sommes partis pour aller découvrir M. Lasalle.
M, le Président. N'avez-vous pas dit à ces 4 particuliers que vous aviez reçu 120 livres de M. Duval, secrétaire de M. Lasalle ?
M. Lucot. Oui, Monsieur, c'était pour avancer et tâcher de découvrir M. Lasalle.
M. le Président. N'avez-vous pas dit à ces 4 particuliers que vous leur en feriez donner autant s'ils voulaient s'engager ?
M. Lucot. Oui, Monsieur, je l'ai dit, rien qu'à deux.
M. le Président. Est-ce à l'instigation de quelqu'un que vous faisiez ces démarches pour découvrir M. Lasalle.
M. Lucot. Monsieur, c'était pour le livrer entre les mains de la nation.
M. le Président. Est-ce par le conseil de quelques personnes?
M. Lucot. Monsieur, je le faisais de mon chef.
M. le Président. Avez-vous parlé à ces 4 particuliers de Coblentz et leur avez-vous indiqué la route qu'ils devaient suivre? M. Lucot. Oui, Monsieur. | M. le Président. Qui est-ce qui vous avait in-
diqué à vous-même la route que vous proposiez à ces particuliers?
M. Lucot. Rauch.
M. le Président. N'avez-vous pas dit à ces particuliers qu'ils auraient été rendus avant le 22 janvier?
M. Lucot. Le 22 de ce mois-ci.
M le Président. N'avez-vous pas dit à cèsparticuliers que, sur la route, le prix des auberges était fixé, et si les auberges étaient indiquées?
M. Lucot. Il ne me l'a pas dit; il m'a dit qu'il me conduirait jusqu'à Senlis, et que de làj irai d'étape en étape, comme la troupe et qu'il ne me manquerait rien.
M. le Président. Pourriez-vous dire quel iour et à quel endroit le sieur Rauch vous a donne ces renseignements ?
M. Lucot, montrant le marchand de vins. C'est éii sortant de chez Monsieur.
M. le Président. Monsieur, pourquoi avez-v.ous dit à cès deux particuliers d'annoncer qu'ils avaient servi, l'un dans le régiment de Navarre-infanterie et l'autre dans le régiment de Dauphin-infanterie ?
M. Lucot. Parce que Rauch m'a dit qu'il fallait dire qu'on avait servi.
M. le Président. Pourquoi suiviez-Vous le conseil du sieur Rauch?
M. LucoT. C'était pour trouver la personne, afin qu'on répondît au câs où elle demanderait si oh avait servi.
M. le Président. Avez-vous vu le sieur Rauch depuis samedi ?
M. Lucot. Monsieur, non, parce qu'il n'est pas venu Comme il l'avait dit, dimanche au matin.
M. le Président. Avez-vous montré de l'argent à ces particuliers ?
M. LUcot. Monsieur, je leur ai montré ma paie que je vënàis de recevoir du Panthéon.
M. le Président. Qu'est-ce que tous Iëtir avez dit èn leur montrant Cet argent ?
M. Lucot. j'ai dit : en voilà de l'argent de quoi boire. Voilà tout ce que j'ai à répondre.
M. lé Président. Comment se nomment ces cômpagttons-ouvriei's que vous avez avertis de se trouver, le dimanche, à déjeuner pour surprendre RaùCh ?
M. Lucot. Je né connais pas tous les compagnons, je ne pourrai guère en nommer que deux ou trois par leur nom.
M. le Président. Vouléz-vous les nommer ?
M. LûcoT. Le premier s'âppèllè Léger.
M. le Président. Indiquez la demeure de ces compagnons?
M. Lucot. Par exemple, je ne pourrai pas vous dire la demeure.
M. le Président. Le premier s'appelle Léger ?
M. Lucot. Oui, Monsieur.
M. le Président. Où demeure-t-il?
M. Lucot. Je ne saurais dire;
M. le Président. Où travaille-t-il?
M. Lucot. Il travaille avec moi au Panthéon.
M. le Président. Nommez les autres.
M. Lucot. Lavillette.
M. le Président. Lavillette, où demeure-t-il ?
M. Lucot. Je ne sais pas sa demeure du tout.
M. lé Président. Travaille-t-il âu Panthéon ?
M. Lucot. Je ne sais pas s'il y travaille encore, car il y a trois jours que je n'y ai été.
M." le Président. En connaissez-vous d'autres?
M. Lucot. Il y a Magnien.
M. le Président Savez-vous la demeure de Magnien?
M. Lucot. Il demeure du côté de la Porte Saint-Denis, dans une rue qu'oii a faite toute neuve.
M. lé Président. Travaille-t-il au Panthéon?
M. Lucot. Il n'y travaille plus.
M. le Président. Avez-vous fait confidence à ces trois compagnons du dessein que vous aviez de surprendre Rauch?
M. Lucot. Oui, Monsieur.
M. Le Président. Vous le leur avez dit?
M. Lucot. Oui, Monsieur.
M: le Président. Ne connaissez-vous pas le sieur Duval?
M. Lucot. J'en connais un qui est marchand de vins au coin de la rue Champ-Fleuri.
M. le Président. N'y en a-fril pas un qui ait servi avec vous dans le régiment Dauphin?
M. Lucot. Non, Monsieur.
M. Lé Président. En sortant du cabaret de la rue Saint-Nicaise, où êtes-vous allé ?
M. LuCot. Nous avons été boire le rogomme^
M. Le PrésidëNt. Huissier, faites retirer M. Lucot.
(M- Lucot se retire.)
M. le Président. Monsieur Lëcoine, vous pouvez vous retirer chez vous.
(M. Lecoine sort.)
(Le sieur Fagaut est introduit à la barre.)
Messieurs, le témoin qui se présente a déjà été entendu par le commissaire de police ; il n'y a point de décret qui porte qu'il sera entendu par l Assemblée.
Plusieurs membres : Il ne doit pas l'être.
Puisque ce témoin a été entendu, il n'est pas nécessaire de l'entendre une seconde fois; il n'y a qu'à lire sa déposition.
Je crois que nous remplissons des fonctions qui appartiennent plutôt à un commissaire de police qu'au Corps législatif. (Oui! oui/ et applaudissements à droite.) Je demande donc que vous renvoyiez toutes ces personnes à la police correctionnelle et que l'Assemblée s'occupe d'affaires générales et plus importantes. .
(L'Assemblée, consultée, décidé que le témoin ne sera pas entendu.)
Plusieurs membres demandent, le renvoi de Cette affaire à la police correctionnelle.
, au nom du comité de surveillance. Voici un rapport qui vient d'être apporté tout à l'heure au comité de surveillance, fl contient et renferme des faits relatifs à l'affaire dont l'Assemblée s'occupe. Je demande la permission d'omettre à la première iecture les noms qui sont dans ce rapport. Si l'Assemblée l'exige, jè les dirai.
« Nous avons cru nous apercevoir, relativement aUx personnes qui nous ont mis à portée de donner des renseignements au comité de surveillance que la dénonciation faite à l'Assemblée nationale concernant les enrôlements n'était pas
sans fondement. Ces personnes, et notamment le nommé un tel, cjue nous avons vu le lendemain de la dénonciation, nous a nié avoir conduit des chevaux à l'étranger pour les émigrés, quoiqu'ils en eussent fait la déclaration dansle dernier jour de novembre, et que son beau-frère présent nous ait dit avoir été incessamment chargé des registres de recette et de dépense qui devaient se faire pour l'acquisition, pour continuité, des chevaux a envoyer aux émigrés.
Nous devons observer de plus qu'iin tel et un tel, son beau-frère, ont eu, avant et après cette époque, des liaisons avec M. Lasalle ; ainsi il serait peut-être bon que le comité entendît les sieurs un tel, père et fils, qui ont également été employés à la conduite des chevaux aux émigrés, en novembre dernier. Un tel nous avait assuré que l'on devait délivrer de l'argent pour les recrues prohibées à l'hôtel Bourbon, numéro 22, qu'un tel, au Palais-Royal, en délivrait pour le même objet.
« Enfin, un tel et un tel nous avaient promis des renseignements ultérieurs, que non seulement ils ne nous ont pas donnés, mais, comme nous venons de le dire, ils ont au contraire, depuis la dénonciation, essayé de nous faire prendre le change. C'est dans cette occurrence qu'ils ne peuvent être considérés que comme très suspects. »
Voix diverses : Il faut renvoyer tout céla au tribunal de police. Ne perdons pas plus de temps.
(L Assemblée revient à Y affaire des sieurs Rauch et Lucot.)
Je prie M. le Président dé consulter l'Assemblée pour savoir si elle est assez instruite.
(L'Assemblée décide que la discussion est ouverte sur la question de savoir s'il y a lieu ou non à accusation contre les sieurs Rauch et Lucot.)
Un membre; Yous avez à décider s'il y a lieu â accusation ; of,jè pense qu'il suffit d'avoir des probabilités qu'un homme est coupable de haute trahison pour lancer contre lui un décret d'accusation, et nous en avons de suffisantes pour rendre le décret d'accusation contre les sieurs Lucot et Rauch.
Le zèle de votre comité de surveillance est assurément digne d'éloges, mais il n'est pas étonnant que, dans un coup d essai, il né tous Offre que de minces résultats. (Rires pto* longés.) L'affairé qui vous est présentée ne vous offre du côté des preuves aucun coupable, du moins aucun sur lequel voiis puissiez porter un décret d'accusation toujours éclatant, puisque, parti de l'Assemblée nationale, il ne peut avoir pour fondement qu'un crime de lèse-nation. Je ne vois dans le langage des témoins et, surtout dans celui du sieur Lucot, que des contradictions. Il n'y a d'autre fait dans la démarche de Lucot, qu'une vilité de caractère qui, assurément, n'est pas faite pour en imposer à l'Assemblée nationale : il n est soutenu d'ailleurs par aucun autre témoin ni par aucun autre indice. C'est un intrigant qui veut se donner de l'importance. La conduite de Rauch, n'est autre chose que l'égarement d'un ivrogne, il est impossible d'y attacher assez d'importance pour décider une accusation grave. Je demande le renvoi au tribunal de police qui suivra cette affaire s'il y a lieu.
Je ne suis pas de l'avis du préopinant: les preuves de conviction sont nécessaires
à un juge pour porter un jugement; les preuves de présomption suffisent pour saisir la haute cour nationale du délit qui vous est dénoncé.
Plusieurs membres: Il n'y a pas de preuves de présomption.
Et moi je soutiens qu'on peut dire en bon français et en légiste qull y a des preuves dé présomption. (Rires.) Or, nous avons de grandes présomptions et ëlles suffisent. Le sieur Lucot est certainement dans le cas d'être prévenu par le procès-verbal du commissaire de police, puisque le procès-verbal atteste le témoignage ae quatre témoins, à qui il a dit qu'il avait de rargent, qu'il mangeait 1 argent dés émigrés. Mais je ne veux pas accuser le sieur Lucot, et je ne veux qu'en tirer une preuve contre le sieur Rauch.
Depuis samedi, le sieur Rauch est connu du sieur Lucot : le sieur Rauch avait fait au sieur Lucot des propositions. C'est le sieur Rauch que vous devez punir comme le moteur principal. Je crois qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le décret d'accusation à porter contre le sieur Lucot, qui n'a été que l'instrument du sieur Rauch, mais jé conclus formellement au décret d'accusation contre le sieur Rauch.
Ainsi que M. La-gré vol, j'ai passé l'avant dernière nuit ici jusqu'à 8 heures du matin, et voilà ce qUe je disais à 7 heures précises : après avoir entendu tous les interrogatoires, je disais que j'étais bien loin d'avoir la conviction intime du délit très grave imputé au sieur RaUch, et aujourd'hui que j'ai entendu un témoin de plus, je dis que j'ai beaucoup moins encore la conviction intime de sa culpabilité, et je vais le prouver. (Murmures.)
J ai entendu aujourd'hui un nouveau témoin, et ce nouveau témoin n'est pas d'accord avec le sieur Lucot. ii a bien entendu faire dés propositions d'enrôlement, mais il ne sait pas pour quel endroit. En outre, d'après le garçon marchand de Vihs, lés propositions d'enrôlement étaient faites pour la gendarmerie, et Lucot, dans son interrogatoire, n'a jamais parlé que de l'infanterie. jlijoute encore que, lorsque l'on a demandé si, dans le cabaret où ils se sont trouvés, le sieur Rauch avait un portefeuille rempli de billets et de papiers, Lucot a affirmé que ce portefeuille avait 8 pouces de long, et le dernier témoin a dit qu'il était grand comme la main. Le sieur Rauch en a tiré un assignat de 25 sols pour payer le vin qui avait été bu, je ne vois donc pas que ces 25 sols aient été donnés pour les émigrànts. Vous voyez donc, Messieurs, que Lucot est sans cesse en contradiction avec lui-même et avec les témoins, et qu'on ne peut y avoir aucune confiance. . 4
L'officier de la gendarmerie de garde ici vient de me déclarer que ce Rauch était un homme toujours ivre ; qu'if avait été renvoyé de son corps et qu'on lui faisait beaucoup d'honneur en croyant que les émigrànts eussent eu la sottise de se reposer sur lui pour recruter des hommes. (Murmures.) U est facile de voir que Rauch est un homme adonné au vin ; samedi, il était ivre-mort; la déposition de la cousine l'atteste, le marchand de vins a dit qu'il l'était un peu, mais un peu pour un marchand de vins... (Rires et murmures à gauche.)
Jé ffi'étonne d'entendre des murmures quand un membre parle pour défendre un accusé. Je rappelle l'Assemblée au respect qu'elle se doit à elle-même
Un membre : Je demande que la discussion soit fermée. (Murmures prolongés.)
Cris : A l'ordre ! à l'ordre !
Monsieur, je vous rappelle à l'ordre, vous manquez à un aecret de l'Assemblée qui veut qu'avant de prononcer sur les prévenus, le président demande si personne ne veut plus parler pour eux.
J'atteste la raison, la justice, je rappelle à leurs principes, qui doivent être notre règle, ceux qui m'ont interrompu tout-à-l'heure, et j'ose croire, qu'après quelques moments de réflexion, ils sentiront que l'Assemblée doit déclarer qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le décret d'accusation, qu'il faut renvoyer cette affaire au tribunal de la police correctionnelle et qu'il ne faut plus remplir, comme nous le faisons depuis 3 heures, les fonctions d'un commissaire ae police. (Applaudissements.)
parle contre les accusés. Il rappelle tout ce qui avait été dit par les accusés et les témoins ; il rapproche les faits et les circonstances, le témoignage du marchand de vins et la confrontation des deux savoyards. Quelquefois interrompu par des éclats de rire, il juge d'après toutes ces considérations que l'Assemblée ne peut se dispenser de porter un décret d'accusation, et il en fait la motion expresse.
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Il est temps que l'Assemblée sorte de la situation où elle s est mise depuis trois jours. Il n'y a ni preuves de délit, ni preuves complètes d innocence. On pourrait même demander si le délit existe ; ne perdons plus de temps à le chercher, et instruits par le passé, évitons de tomber à l'avenir dans ae semblables inconvénients. Ainsi, décrétons que le comité de surveillance ne fera jamais de dénonciation qu'après que les preuves de l'accusation auront été acquises juridiquement et renvoyées à l'Assemblée. (Applaudissements.)
Ne vous y trompez pas : l'attention que vous avez donnée à cette affaire vous en procurera de semblables ; le temps que vous avez perdu est du temps gagné pour ies ennemis de la chose publique ; ils iront au comité de surveillance pour faire des dénonciations, et ainsi ils nous feront perdre trois jours par semaine.
Je fais donc la motion de décréter que l'instruction de cette affaire sera confiée à la police correctionnelle... (Murmures à Vextrémité gauche de la salle.)
Un membre : Le tribunal de police correctionnelle ne peut pas instruire des procédures.
Un juge de police peut instruire toutes sortes de procédures, même pour des crimes de haute trahison, saur à renvoyer l'instruction à l'Assemblée nationale. Je demande donc le renvoi à la police correctionnelle. Il est urgent de nous débarrasser de cette malheureuse affaire, qui n'est qu'une affaire de cabaret; il est affligeant que nous y ayons perdu trois jours très précieux : rendons tous nos soins et tout notre intérêt à tant d'affaires générales qui réçlament tous les instants de nos séances. (Vifs applaudissements.) '
Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix !
Plusieurs membres demandent à combattre M. Delacroix.
Un membre: Je demande la question préalable sur la motion de M. Ghéron-La-Bruyère.
Je ne vois dans toute cette affaire qu'imprudence dans la conduite de Lucot et du tambour qui mérite tout au plus le renvoi à la police correctionnelle. Je conclus au renvoi au tribunal de police correctionnelle.
Plusieurs membres : Fermez la discussion!
* (L'Assemblée ferme la discussion.)
Voix diverses : La question préalable sur la motion de M. Ghéron ! fp La question préalable sur le décret d'accusation !
(L'Assemblée reste longtemps dans l'agitation parce qu'on élève quelques difficultés sur la manière ae poser la question.)
Voici comment je propose de poser la question : Y â-t-il, ou non, lieu à délibérer sur la proposition du décret d'accusation contre le sieur Lucot et contre le sieur Rauch?
Plusieurs membres : La division !
(L'Assemblée adopte la division et décrète successivement qu'il n'y a lieu à accusation ni contre le sieur Lucot, ni contre le sieur Rauch.)
(Un long débat s'engage sur la question de savoir ce qu'on fera des deux accusés.)
Un membre élève la question de savoir si la police étant saisie de Lucot, il ne doit pas y être renvoyé.
Un membre observe qu'il doit être libre, aux termes de la loi, dès lors qu'il est décrété qu'il n'y a pas lieu à accusation.
Je m'oppose au renvoi à la police correctionnelle. Vous faites ici les fonctions de grands-jurés pour les crimes de haute trahison et vous dégradez ces fonctions en renvoyant à la police correctionnelle et en vous portant dénonciateurs pour d'autres délits que pour les crimes de lèse-nation. Je demande que l'Assemblée passe à l'ordre du jour,
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
donne l'ordre aux huissiers de mettre les deux accusés en liberté.
, major, ci-devant baron de Lautembourgy est admis à la barre.
Il fait part à l'Assemblée des observations quJil a recueillies pendant une année de séjour dans les différentes parties de l'Allemagne. Il résulte des réflexions profondes et des observations multipliées qu'il a faites sur les caractères et les opinions des peuples de l'Allemagne, sur les intérêts de l'empereur, du roi de Prusse, des électeurs, des petits princes id'Allemagne, de l'Espagne même, que nous pouvons être tranquilles du côté des ennemis du dehors. Il ajoute qu'il n'y a à craindre que la correspondance des ennemis du dedans avec ceux du dehors, et il rassure l'Assemblée sur la confiance qu'on doit avoir dans le patriotisme des chefs chargés de la défense des frontières.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal du discours de M. Xaintrailles.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des citoyens de la viUe de Barbezieux, qui
félicitent l'Assemblée des décrets qu'elle a rendus contre les émigrés et contre les prêtres factieux. « La France veut être libre, disent-ils, elle le sera; l'esprit public ne rétrogradera jamais ; que les despotes essayent leurs armes tant qu'ils voudront, ils succomberont; ou, après leur triomphe, ils ne trouveront dans l'Empire qu'un monceau de ruines çt de cadavres. »
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal.
(L'Assemblée décrète- qu'il sera faitm ehtion honorable de cette adresse au procès-verbal.)
(La séance est levée à dix heures.)
réclamation faite à VAssemblée nationale, au nom de Vhumanité et de la justice, par M. Allant, député (1).
Messieurs,
Je fis remettre mercredi dernier, sur les cinq heures du soir, à M. le Président, un paquet que le conseil général de la commune de Poitiers m'avait adressé. Il contenait une dénonciation grave : elle ne fut point lue à l'Assemblée dans cette séance. Je réclamai ces pièces le jeudi matin et je les remis à un de MM. les [secrétaires, qui en donna lecture (2). M. Dutréhan y était dénoncé comme fortement soupçonné de favorisër de tout son pouvoir les enrôlements pour les émigrés; et il avait en conséquence été conduit dans les prisons de cette ville, où il est encore détenu. L Assemblée décréta le renvoi de cette affaire à son comité de surveillance pour en faire son rapport dans sa séance du soir, le même jour.
Ce rapport, quoiqu'il soit prêt, est encore à faire, et un vieillard de 68 ans, qui peut être innocent, languit privé de sa liberté.
Autorisé-par le règlement, je me suis fait inscrire 4 jours de suite pour avoir la parole, et M. le Président a été aussi constant à me la refuser que je l'ai été à la lui demander. Plu-
sieurs fois, j'ai essayé de la prendre; j'ai été rappelé à l'ordre. Trop heureux si, à la charge de voir mon nom inscrit au procès-verbal, j'eusse pu faire entendre mes réclamations;
C'est à vous, mes collègues, que je m'adresse ; c'est à vous que je présente les plaintes de l'humanité souffrante. Si vous croyez que M. Dutréhan est coupable, il est de votre justice de le renvoyer à la naute cour nationale ; si vous le jugez innocent, vous lui devez la liberté, un plus long délai serait une injustice.
On m'a dit qu'un député voulait demander que le jugement de cette affaire fût différé, sous le prétexte qu'un membre du comité de surveillance avait écrit à la municipalité de Poitiers pour obtenir de nouveaux renseignements. Je ne crois pas ce qu'on m'a dit; mais, si cela était vrai, je répondrais que la municipalité eût pu se procurer de nouvelles preuves, son civisme qui est connu de toute la députation du département de la Vienne, rie lui aurait pas permis de rester dans le silerice. Deux courriers sont arrivés depuis l'emploi de ses procès-verbaux, et elle n'a même rien annoncé. Peut-on, sous prétexte d'attendre des preuves contre un accusé, différer son jugemènt quand toutes les probabilités se réunissent pour attester qu'on n'a pu trouver de nouvelles preuves contre lui?
J'ajouterai, Messieurs, |ue le vœu du conseil général de la commune de Poitiers est que cette, affaire soit terminée le plus promptement possible et, pour le prouver, je joins ici copie de la lettre qu'il m'a adressée :
« Paris, le
« Nous Connaissons, Monsieur, votre zèle et votre amour pOur la Constitution ; votre patriotisme et Votre ' activité nous assurent que vous voudrez remettre, dans le plus court délai, le paquet que 'nous vous envoyons, à Monsieur le Président. Nous ne l'avons pas cacheté, pour que vous en preniez lecture, et en instruisiez vos collègues.
« Nous serions flattés que l'Assemblée nationale en prit prompte [connaissance et statuât sur le sort de M. Dutréhan.
« Les officiers municipaux, etc..»
Je vous demande, Messieurs, pour M. Dutréhan, justieé au nom de l'humanité ; sa voix ne se fera jamais entendre en vain à l'Assemblée nationale.
instruction générale sur Vadministration, le recouvrement des produits et capitaux, et sur le payement des frais des domaines nationaux.
L'Assemblée nationale coristituante ayant, par ses décrets des 9 mars, 19 août t fîn5romction ? mo** et 28 septembre 1791, abrogé différentes dispositions contenues dans ses précé- 6 mstrucwon-dents décrets, pour en adopter de nouvelles, dont l'exécution plus simple et plus facile, doit enfin établir l'ordre le plus désirable dans l'administration et le recouvrement des domaines nationaux ; ayant d'ailleurs, par son décret du 26 août, renvoyé au pouvoir exécutif dans la personne du commissaire du roi
au département de la caisse de l'extraordinaire, la suite des opérations du comité d'aliénation, il a paru convenable, pour faciliter l'exécution de ces diverses lois, d'en rapprocher les dispositions dans une Instruction, et de tracer aux corps administratifs et aux receveurs, un plan de travail sur cet objet. On suivra, à cet effet, la série de toutes les opérations qui ont quelque rapport, direct ou indirect, avec la surveillance confiée au commissaire du roi administrateur de la caisse de l'extraordinaire.
Cette instruction sera divisée en deux parties : JRecette et Dépense.
PREMIÈRE PARTIE. — RECETTE.
Insuffisance des états envoyés.
S.
Mode à suivre, compter de 1792.
3.
Etats à fournir au l*r janvier 1792, et de suite à. la fin de chaque mois.
4.
Les directoires de district les enverront au département.
5.
Ils seront adressés à l'administrateur de la caisse de l'extraordi-
. 6. . Etats négatifs.
1.
Les soumissions devaient être fournies triples.
2.
Inexactitude leur envoi.
dans
Des estimations des domaines nationaux.
L'article 11 des décrets des 25, 26, 29 juin et 9 juillet 1790, prescrivait aux administrateurs de département d'adresser au comité, le 15 de chaque mois, un état des estimations qui auraient été faites dans le mois précédent ; cette disposition avait pour but de faire connaître, au moins par aperçu, la valeur des domaines nationaux ; mais, soit que la multiplicité des travaux auxquels ont été forcés de se livrer les départements, les ait empêchés de donner toute leur attention à cet objet important, soit qu'ils aient été faiblement secondés dans les moyens d'exécution, u est impossible, aujourd'hui, de trouver dans les différents papiers remis par le comité d'aliénation, des renseignements suffisants pour former cette masse, d'autant plus essentielle à connaître, qu'elle seule pourrait suppléer en ce moment au défaut d'un dénombrement complet, qui ne peut se faire qu'au moyen de recherches longues et multipliées. Cependant, comme l'exécution complète des dispositions de la loi, occasionnerait aux corps administratifs un travail considérable, le commissaire du roi se propose de faire usage des indications générales présentées par les états de vente : mais à compter du 1er janvier 1792, il deviendra nécessaire de réunir les deux moyens. En conséquence, à compter de ladite époque, indépendamment des indications que devront toujours présenter les états de vente, et
Sour mettre l'administrateur de la caisse de 1 extraordinaire, à même de ren-
re compte à l'Assemblée nationale, de la valeur présumée des biens nationaux, il sera procédé ainsi qu'il suit :
1° A compter du 1er janvier 1792, les administrateurs de district feront dresser un état des estimations qui ont eu lieu sur les biens restant invendus {à cette époque, et ils continueront à former un pareil état tous les mois pour les estimations qui auront lieu successivement, jusqu'à ce qu'enfin tous les biens situés dans l'arrondissement de chaque district soient estimés.
2° L'état à former au 1er janvier, ainsi que ceux qui doivent succéder de mois en mois, sera envoyé par les directoires de district à ceux de département, à l'effet, par ceux-ci, de les viser, d'y faire telles observations qu'ils jugeront convenables, et de les adresser au commissaire du roi administrateur de la caisse de l'extraordinaire, dans la première quinzaine du mois suivant.
3° Dans le cas où il n'aurait point été fait d'estimation dans le" courant du mois, quoiqu'il en restât encore à faire, les directoires de district enverront au département un état négatif, et y ajouteront les motifs pour lesquels ce travail aura été suspendu.
Des soumissions.
Par le décret du 15 août 1790, les particuliers qui désiraient acquérir des domaines nationaux, étaient tenus d'envoyer trois copies de leur soumission, une au comité d'aliénation à Paris, une au directoire de département, et la troisième au directoire de district dans l'étendue duquel étaient situés les domaines nationaux qu'ils se proposaient d'acquérir.
Les particuliers qui avaient déjà fait des soumissions, étaient tenus de compléter, dans le plus court délai, le triple envoi prescrit.
Enfin, le même décret annonçait qu'à l'avenir le comité d'aliénation et les directoires de district pourraient, dans leur correspondance, n'employer que des extraits de soumissions, puisque, d'après ce décret, les copies ae ces soumissions se trouveraient toujours au comité ou aux directoires de département et de district.
En se reportant à l'époque où ce décret a été rendu, on aperçoit aisément que le comité, lorsqu'il demanda une copie de la soumission fournie par chaque particulier, n'avait d'autre but que celui de suppléer, autant qu'il était en lui, au défaut d'organisation complète des corps administratifs qui, dans les premiers moments de leur formation, avaient besoin qu'on leur traçât particulièrement la marche qu'ils avaient à tenir sur chaque objet, et d'éviter en même temps que les particuliers ne fissent des soumissions pour des objets qui n'étaient point aliénables. Ces mesures d'ordre n'ont cependant pas eu tout l'effet que le comité s'en était promis. Les particuliers qui avaient déjà fait des soumissions n'ont point complété la triple expédition demandée par le
décret, les départements et les directoires de district n'y ont pas toujours suppléé avec exactitude par des extraits de soumission ; de sorte que les papiers remis par le comité d'aliénation ne présentent sur cet objet qu'une masse incomplète, et dont il est impossible de tirer aucun parti pour un travail général. Cependant, comme la loi existe, et que le commissaire du roi reste toujours, en vertu du décret du 26 août, chargé de faire exécuter celle dont le comité „
d'aliénation suivait lui-même l'exécution, il est essentiel que les corps admi- Nécessité de les nistratifs s'y conforment eux-mêmes ; en conséquence, ils continueront d'à- adresser régulièrement dresser au commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, à l'administrateur de une copie de toutes les soumissions au fur et à mesure qu'elles auront lieu dans la caisse de l'extraor-chacun des districts. * dinaire.
Des affiches.
Il avait été recommandé par le comité d'aliénation, à tous les corps adminis- 1.
tratifs, de lui adresser avec soin les premières et les secondes affiches de tous Envoi des affiche», les biens nationaux en même temps qu'elle étaient apposées dans l'étendue du département. Cette mesure avait un grand but d'utilité, en ce que, par l'examen 2.
qui devait se faire au comité d'aliénation, on était à temps d'avertir les dépar- Motifs de la demande tements des obstacles qui pouvaient se rencontrer dans l'aliénation de certains 9U1 en est falte-domaines. Quelques districts ont fait cet envoi assez régulièrement ; mais la majeure partie n'y a point mis de suite, et quelques-uns n'en ont jamais fait l'envoi. Ce défaut d'exactitude de la part des corps administratifs, a donné lieu . 3-à une infinité d'erreurs commises dans l'aliénation des domaines nationaux, et Négligence à les faire ces erreurs se sont multipliées à l'infini, par l'impossibilité où s'est trouvé le V*r™mr-comité d'aliénation lui-même d'examiner avec soin les affiches qui lui sont parvenues, et par conséquent d'arrêter ou suspendre à temps la vente de domaines nationaux qui, par leur nature et d'après les lois, n'étaient point aliénables.
Le commissaire du roi, pénétré des inconvénients sans nombre qui sont 4.
résultés du défaut d'exactitude qu'à éprouvé l'exécution des mesures qu'avait Inconvénients das readoptées d'abord le comité d'aliénation, ne peut trop recommander aux corps tards, administratifs de surveiller l'envoi de ces affiches au fur et à mesure qu'elles sont apposées. Il observe à ce sujet, que depuis qu'il est chargé de la suite des opérations du comité d'aliénation, beaucoup d'affiches, à lui adressées par les administrations de district, ne lui sont parvenues qu'après le jour de l'adjudication définitive ; de manière qu'il lui a été impossible de faire connaître à temps les motifs qui pouvaient faire suspendre ou empêcher la vente de différents objets susceptibles d'observations, ce qui l'a mis dans la nécessité de demander des éclaircissements sur les objets vendus, tandis qu'il aurait dû être à même de les avoir avant l'adjudication. Les corps administratifs sentiront de quelle importance il est que les premières affiches parviennent toujours au commissaire du roi administrateur de la caisse de l'extraordinaire, au moment où 5. elles sont apposées. Toute autre marche rendrait illusoire cette sage précaution Obligation d'être prescrite par le comité ; elle compromettrait en même temps les intérêts des exact : acquéreurs et ceux de la nation.
Les corps administratifs continueront, en conséquence, à surveiller l'envoi des affiches ae tous les biens nationaux.
On ne peut trop répéter que l'envoi de chaque affiche doit être fait double, le 6.
jour même que les affiches seront apposées. dans l'envoi,
Les directoires de district doivent avoir le plus grand soin de détailler dans le libellé des affiches, les différentes natures de biens à vendre, leur véritable contenance, ou du moins aussi approximée que cela est possible, l'établisse- 7.
ment dont ils dépendaient, la municipalité où ils son,t situés, la date des baux dans la rédaction, et le nom des notaires pardevant lesquels ils ont été passés, la quantité d'années qui restent à s'écouler jusqu'à l'expiration de ces baux, l'estimation de chaque nature de bien; enfin, tous les détails qui peuvent être intéressants pour les particuliers qui désireraient acquérir.
On recommande aux directoires de district de consulter, pour la rédaction 8.
de ces affiches, le modèle joint au code d'aliénation formé par le comité de Consulter le modèle l'Assemblée nationale constituante, en y adaptant tout ce que le bien général joint au Code d'alié-peut nécessiter, suivant la nature des biens, et pour le plus grand avantage nation, ae la vente.
Des procès-verbaux d'adjudication.
L'article 18 du décret du 3 novembre 1790 ordonne aux directoires de dis- 1.
trict d'adresser au comité d'aliénation une expédition de tous les procès- Envoi des procès-verbaux d'adjudication qui auront lieu. verbaux d'adjudica-
L'exécution de cet article a été suivie de différentes manières par les direc- tion' ioires de district, et quelques-uns même n'y ont point eu égard.
On ne peut cependant se dissimuler que c'est de ce travail que dépendent 2.
la surveillance, Fexamen des formes employées pour l'aliénation, et l'ordre importance de cet ï établir pour la suite du recouvrement. Il serait impossible à l'administrateur envoi, ie la caisse de l'extraordinaire de ne pas revenir complètement sur l'exécution d'une disposition aussi intéressante, sous quelque point de vue qu'on
3.
Irrégularité des pro-cès-verbaux envoyés.
4.
Extraits informes.
Procès-verbaux incomplets.
6.
Défaut d'envoi.
Inconvénients de ces irrégularités.
8.
Ordre à. rétablir.
9.
Moyens d'y parvenir.
10.
Les départements surveilleront l'envoi.
11.
Les procès-verbaux seront remis aux acquéreurs dans la huitaine de l'adjudication.
12.
Expédition en sera envoyée de suite à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire.
13.
Extrait détaillé des ventes, à remettre aux receveurs de district.
14.
Pareil extrait aux préposés de la régie au droit d'enrçgistre-ment.
la considère; et, pour y parvenir plus sûrement, on va démontrer ici les vices qui se sont introduits (dans l'exécution par le défaut d'uniformité entre les différents districts qui ont opéré, et par la négligence dé ceux qui ne se sont point conformés au décret.
11° Plusieurs di§triqtp n'ont envoyé que des extraits informes du procès-verbal d'adjudication, et ces extraits ne présentent que le nom de l'adjudicataire, sans qu'il y soit nullement fait mention des enchérisseurs ; de sorte qu'il est impossible de voir comment la vente s'est faite, si les feux ont été allumés, si le dernier de ces feux;s'est éteint sans qu'il ait été mis aucune enchère ; enfin, ils ne présentent aucune preuve de l'accomplissement des formalités prescrites.
2° Souvent il est arrivé que ces procès-verbaux n'offraient aucun détail des biens, aucune mention de l'établissement dont ils dépendaient auparavant; de sorte que, si par la suite l'acquéreur et la dénomination du bien venaient à varier, il serait impossible de reconnaître l'opération première.
3° Enfin, il est des districts d'où il n'est parvenu aucun procès-verbal d'adjudication au comité d'aliénation. . :
De cette variété dans l'exécution de l'article 18 du décret du 3 novembre 1790, résulte nécessairement l'impossibilité, de la part de l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, ae disposer les bases du dénombrement des biens vendus dans toute l'étendue du royaume, et par conséquent de suivre la trace de chaque adjudication jusqu'à son entier et parfait payement.
Pour établir enfin l'ordre dans cette partie, l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire va faire pointer, sur les états de vente de chaque district, les procès-verbaux d'adjudication qui lui ont été transmis par le comité d'aliénation; et lorsque cette opération sera terminée, il fera passer aux administrations dé département l'état tant des procès-verbaux qui n'ont point été envoyés par les districts, que de ceux qui, ne se trouvant que par extrait* ne contiendraient pas les détails suffisants; il en sera fait promptement des copies exactes, pareilles à celles qu'on donne aux adjudicataires; ces copies seront certifiées par les directoires de district, visées par les départements, et l'envoi en sera fait au commissaire du roi.
C'est aux départements à veiller à ce que dorénavant l'envoi des procès-verbaux d'adjudication se fasse régulièrement par les directoires de. district, au fur et à mesure que les ventes ont lieu. L'administrateur de la caisse de l'extraordinaire ne peut trop appeler l'exactitude des uns et la surveillance des autres sur cet objet important.
Le commissaire du roi a souvent été informé, par les acquéreurs, du retard qu'apportaient quelques districts à leur délivrer les procès-verbaux d'adjudication; et ii s'est trouvé tels de ces acquéreurs, qui, propriétaires depuis 3 et même. 6 mois, n'avaient encore pu obtenir leur procès-verbal d'adjudication en# forme. Il observe à cet égard que cette pièce étant le titre unique qui puisse prouver la propriété de l'acquéreur et le diriger dans l'ordre de ses payements, il est du plus grand intérêt qu'il en soit pourvu dans la huitaine au plus tard de son adjudication. C'est aux départements à veiller à ce que les bureaux des directoires de district soient tellement organisés, qu'il n'y ait aucun retard dans les expéditions de ces procès-verbaux, dans leur remise aux acquéreurs,'et dans l'envoi qui doit en être fait au commissaire du roi, administrateur de là caisse de l'extraordinaire.
Indépendamment de ces expéditions, le directoire de district doit avoir soin de remettre, au receveur du district, au fur et à mesure qu'il procède aux ventes, un extrait détaillé de ces ventes, à l'effet, par lui, de suivre le payement des 12, 20 ou 30 0/0, aux époques qui lui seront déterminées par ces extraits, et de tenir au courant le sommier dont il sera parlé dans le cours de la présente instruction. Il doit être remis un pareil extrait au préposé de la régie du droit d'enregistrement, à l'effet de lui indiquer la cessation du recouvrement des fruits, fermages, etc., au compte de la nation et d'en faire mention sur l'état général des domaines nationaux, conformément à l'article 13 de la loi du 12 septembre dernier.
Des états de vente.
États à remplir four- Les états de vente °nt été demandés aux départements, par le commissaire nis par l'administra- du roi, en vertu de 1,'article 5 du titre Ier de la loi du 15 décembre 1790. teur et la caisse de L'uniformité à établir dans ce travail a nécessité, à cette époque, l'envoi à tous l'extraordinaire. les départements d'une quantité suffisante de ces états tous imprimés et prêts à remplir, et on s'est engagé à en fournir toutes les fois et quand les directoires de district en réclameraient. Ce soin de la part de l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, prouve l'importance qu'il attachait à la formation exacte 2 de cet état. Cependant, il est arrivé que plusieurs directoires de district n'en
Districts , en retard ont encore formé aucun, ou du moins qu'il n'en est point parvenu à l'admi-dans leur envoi. nistrateur de la caisse de l'extraordinaire, et que ce défaut d'exactitude des districts, et de surveillance de la part des départements, le met aujourd'hui dans l'impossibilité de présenter à l'Assemblée nationale, l'état exact et complet des domaines nationaux vendus dans tout le royaume.
Ces états présentent souvent dans leur rédaction des vices et des erreurs : plusieurs sont arrivés à l'administration :de la caisse de l'extraordinaire sans que toutes les indications des colonnes aient été remplies; d'autres fourmillent d'erreurs énormes dans leur calcul; d'autres ne détaillent aucunement les biens; quelques-uns sont si mal écrits, qu'à peine peut-on lire le nom des acquéreurs; d'autres présentent des noms d'acquéreurs tout différents de ceux qui paient au receveur de district. Souvent une adjudication admet des coadjudicataires dont l'état ne fait point mention ; presque toujours on néglige d'y remplir la colonne destinée à faire connaître si lés Ventes ont eu lieu par suite d'aliénation aux municipalités ; enfin, souvent ces états parviennent à l'administrationde la caisse de l'extraordinaire sans être signés par les directoires du district, ni visés par le département >
On observé à cet égard qu'il n'est pas Une seule colonne de cet état qui ne doive être remplie avec soin et exactitude ; toutes présentent le même intérêt pour les résultats généraux, et il né doit jamais être expédié sans avoir été colla-tionné sous tous ses rapports. Sans cette précaution» P travail dé l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire deviendrait impraticable lors des rapprochements qu'il est obligé de faire sur les sommiers, en marge de chaque vente, des payements faits par lés acquéreurs. C'est pour parvenir à ce but, que l'on a recommandé dans l'article précédent, aux directoires de district, de fournir aux receveurs, au fur et à mesure des ventes, un extrait détaillé et suffisant pour les diriger dans la rentrée des 12, 20 ou 30 0/0 et des payements à venir.
Vices de leur rédaction.
4.
Nécessité de suivre exactement le modèle.
Des folles enchères.
1.
Résultats inexacts.
entraîne des inconvénients", et rendrait nécessairement.'-les- résultats que le commissaire du rpi doit fournir à l'Assemblée nationale siiï les ventés:, vicieuxj parce qu'ils seraient incertains. Pour s'en convaincre, il suffit de' Retracer ici Ce qui a eu lieu jusqu'à présent. Lés directoires de district ont fourni des états de vente, mois par mois : indépendamment des irrégularités qu'ils présentent, et dont il a été parlé dans l'article précédent, il n'est presque aiicun dé ces'district qui ait eu soin de porter dans la Colonne des observations, que l'article dont il s'agissait, et indiqué cbmme vendu, provenait d'une folle enchère;.de sorte que, par les rapprochements qui se font dans les bureaux de l'administration, on trouve deux ventes faites pour le même bien à différentes dates. Il résulte de cette manière d'opérer, que prenant pour base du montant des. ventes, le total de tous les états qui sont arrivés ài'administratiôn, on n'a pas eu véritablement, comme on aurait dû l'avoir, le montant réel de ces ventes, puisque les folles enchères y forment quelquefois double emploi ; il en résulte encore une incertitude qui nuit à la célérité du travail, par les recherches qu'il faut faire lors de l'établissement des sommiers de vente dressés par époque d'adjudication et par acquéreur.
Pour remédier à ces inconvénients, tant pour le passé que pour l'avenir, les directoires de département doivent faire dresser, aussitôt après que la présente instruction leur sera parvenue, l'état général, par district, des rolles enchères qui ont eu lieu, depuis le principe des ventés jusqu'à l'époque du dernier état de ventes envoyé a l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, et, pour l'avenir, ordonner aux directoires de district, en même temps qu'ils dresseront l'état des ventes, de formerun état supplémentaire qu'ils enverront de même, à la fin de chaque mois, de celles faites à la folle enchère, lequel devra être sur papier pareil à celui qu'ils emploient pour les états de vente, et rempli de la même manière dans les colonnes, en désignant de plus, dans la colonne d'observations, le nom de l'acquéreur qui y aura donné lieu, et l'époque à laquelle la première vente aura été faite.
Ces états certifiés par les directoires de district, devront être visés par les directoires de département et adressés par eux au commissaire du roi.
Du rachat de droits féodaux et de tous autres droits incorporels.
L'article 10 de la seconde division du décret du 3 mai 1790, attribuait aux assemblées administratives, la faculté de liquider le rachat des droits dépendant des biens ci-devant possédés par les ecclésiastiques ; ce décret en réglait le taux et le mode.
Les articles 4, 5, 6 et 7 du décret du 3 juillet 1790, attribuaient aux administrateurs des domaines ou leurs préposés, la liquidation du rachat sous la surveillance des directoires de département :
1° Des droits appartenant aux biens domaniaux dont la régie leur était confiée ;
Doubles emplois occasionnés par le défaut d'indication, des premières ventes.
V
État à fournir des folles enchères, depuis l'origine des ventes.
A envoyer de mois en mois, pour l'avenir.
S.
A adresser ensuite à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire.
1.
Rachats dont la liquidation est attribuée aux assemblées administratives.
2.
Rachats dont la liquidation est attribuée aux administrateurs des domaines.
3.
1° Nature de ces derniers droits.
4. 2° Des droits et redevances fixes annuelles des biens possédés à titre d'en-
a» Nature. gagement, ou concédés à vie ou à temps ;
s. 3° Des droits, tant fixes que casuels, dépendant des domaines possédés à
3° Nature. titre d'échange; maiB dont les échanges n'étaient pas encore consommés;
6. 4° Des sommes dues à la nation par les propriétaires de biens mouvants 4° Nature. des domaines nationaux, même par les apanagistes et échangistes, dont les échanges n'étaient point encore consommés, à raison des rachats par eux reçus i pour les droits dépendant de leurs fiefs. Liquidation de tous Les corps administratifs sont restés dans cette position jusqu'au décret du les rachats définitive- 9 mars 1791, qui a chargé la régie du droit d'enregistrement, de régir, percement attribués à la voir et liquider tous les droits féodaux et incorporels non supprimés, dépen-régie du droit d'enre- dant des domaines nationaux en général.
gistrement. L'article 3 de ce décret ordonne que les liquidations de ces droits, faites par
r .. ?: . les préposés de cette régie, seront vérifiées et approuvées d'après l'avis des
ronf Souvées8 Dar directoires de district, par les directoires de département, qui enverront tous
les départements. les mois à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire le bordereau des
9. ' liquidations qu'ils auront vérifiées et approuvées. .
Versement direct du L'article 4 de ce même décret ordonne que le prix des rachats ainsi réglé,
produit net à la caisse sera perçu, ainsi que le produit des droits non rachetés par lesdits préposés,
de l'extraordinaire. et que le montant de cette recette sera versé par la régie à la caisse de l'ex-
(Disposition abrogée.) traordinaire. Cette dernière disposition a été changée par l'article 12 du titre II
Le versement sera fait du décret des 16 et 18 mai> Çar lequel il est dit que les préposés de la régie
à la caisse du district verseront à la caisse du district.
n. Les dispositions des décrets qui viennent d'être cités, offrent, par rapport
Résumé des disposi- aux corps administratifs, deux époques qu'il faut distinguer; celle du 3 mai 1790
tionsprécédentes,etdi- (date du premier décret), jusqu'au 9 mars 1791 ; et celle du 9 mars, jusqu'au-
vision en deux époques, jourd'hui.
1» énomffl • i> d • Le décret du 3 mai 1790 n'ordonnait pas aux corps administratifs de faire
nistrateur de la caisse Passer au commissaire du.roi administrateur delà caisse de l'extraordinaire,
de l'extraordinaire ne l'état des liquidations de rachats de droits auxquels ils procédaient; mais on se
recevait point d'états convaincra facilement qu'il lui est indispensable d'en avoir connaissance, en
de liquidation. lisant avec attention l'article 9 du décret du 9 mars 1791, qui prescrit aux commis
13. _ régisseurs et à leurs préposés, de lui faire passer le doulble des états qu'ils au-
2* époque: l'envoi en r0nt fournis pour constater l'existence de ces droits, à l'effet d'en être raitmen-
est ordonné. tion au fur et a mesure de leur rachat ou deleur extinction. Le but de cette disposi-
But de cette disnosi- a ^ de mettre dans la main de l'administrateur de la caisse de l'extraor-
tion. " dinaire, l'ensemble de cette opération ; et il neïerait qu'imparfait, s'il ne commen-
15. çait qu'à l'époque oùla régiedu droit d'enregistrement en a été mise en possession.
Moyens de la rem- En conséquence, les administrations de département feront, dans le plus court
plir. Etats à fournir à délai possible, dresser :
I administrateur. 1° IJn 'état conforme au modèle ci-annexé de toutes les liquidations de droits
Des limiid ti qu'ils ont opérées sur les domaines ci-devant ecclésiastiques, depuis le décret
les assemblées admU ^ ma* Jusqu'à l'époque où les préposés de la régie du droit d'enregistrement
nistratives. " Y ont procédé par eux-mêmes en vertu du décret au 9 mars 1791 ;
17. 2e Un état des liquidations opérées par les administrateurs des domaines
Des liquidations par ou leurs préposés, approuvées par eux, conformémént au décret du 3 juil-
les administrateurs des let 1790.
domaines. Ils, enverront l'un et l'autre à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire
Les états s m sans av°ir égard à ceux qu'ils auraient pu déià lui adresser, et qui, n'étant pas
ment envovésreeardés conf°rmes aux modèles, ne remplissent pas le but que s'est proposé le décret
comme nuls. du 9 mars et celui du 19 août dernier.
19! Quant à la seconde époque, qui est celle où la régie du droit d'enregistre-
États des liquida- ment a été mise en possession des droits incorporels, ils formeront de même
tions de la 2* époque, un état séparé, conforme au modèle ci-devant indiqué, de toutes les liquida-tions faites par les préposés de cette régie, qu'ils auront vérifiées et approu-
a fournir pour 1791. vées et l'adresseront arrêté au 1er janvier 1792, au commissaire du roi,
A faire passer ensuite &dministrateur de la caisse de l'extraordinaire, conformément à l'article 3
de mois en mois à l'ad- du décret du 9 mars. Ils continueront cet envoi de mois en mois, et ils ministrateurde laçais- auront toujours soin de l'arrêter à l'époque du premier du mois exclusive-
se de l'extraordinaire, ment.
. 22. Chacun de ces états mettra le commissaire du roi à même de vérifier si les
Utilité de ces états, receveurs de district ont reçu réellement le montant des rachats liquidés, avant l'époque où la régie a été mise en possession de cette partie, et de surveiller, autant qu'il sera en son pouvoir, la rentrée dans la caisse de l'extraordinaire du montant des rachats auxquels il aura été et sera dans la suite procédé par la
23. régie du droit d'enregistrement, ces rachats étant considérés comme capitaux.
Rachats dûs par la Quant aux rachats de droits dûs par la nation, de quelque nature qu'ils
nation. soient, les directoires de district n'ont à cet égard d autres fonctions à remplir
T t t l - * Que de faire passer au département, avec leur avis, les mémoires, titres et
nir aux départements^ B^ces justificatives des parties réclamantes : et les directoires de département
' doivent se borner à les vérifier et à prendre un arrêté, pour le tout être
L'envoi en sera fait adressé à la direction générale de liquidation,
à la direction générale Cette disposition, résultant du décret des 30 janvier et 3 février 1791, n'a pas
de la liquidation. empêché quelques départements d'arrêter la somme de la liquidation des ra-
chats et même d'ordonner aux receveurs de prendre le montant de ces liquidations en compensation dans le payement dû par les particuliers liquidés, pour acquisitions ae domaines nationaux.
Une marche aussi contraire aux principes ne peut et ne doit pas être approuvée par l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, et les directoires de département sont avertis que toutes les compensations de cette nature qui auraient pu être acceptées par les receveurs de district, seront rejetées de leurs journaux, et les particuliers forcés à se pourvoir, ainsi qu'il est ordonné par l'article 4 du décret des 30 janvier et 3 février 1791.
26.
Liquidations illégalement consommées par les départements.
27.
Seront rejetées des comptes des receveurs de districts.
Des domaines nationaux mobiliers.
Le mobilier se divise, savoir :
1® En meubles effets et ustensiles dont aucune destination particulière n'aurait été effectuée en vertu des décrets de l'Assemblée;
2° En argenterie non réservée, en vertu des décrets de l'Assemblée, portée ou à porter aux hôtels des monnaies.
L'article 5, titre l,r du décret du 6 décembre 1790, prescrit aux directoires de département d'envoyer tous les mois à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire l'état des biens mobiliers qui auront été vendus dans le département.
Les corps administratifs ont dû, en vertu du décret du 23 octobre 1790, faire dresser 1 état de tout le mobilier existant dans les maisons religieuses ou paroisses supprimées, et le faire passer au comité d'aliénation.
11 est à remarquer ici que le comité d'aliénation s'est réuni pour cet objet avec le comité ecclésiastique, et que ce dernier était plus particulièrement chargé de la suite des affaires relatives au mobilier, pour lesquelles néanmoins il se concertait avec le comité d'aliénation qui lui faisait passer toutes les pièces qui avaient quelque rapport à la suite de ce travail.
H résulte ae cette répartition dans le travail des comités, que celui d'aliénation en renvoyant au commissaire du roi administrateur de la caisse de l'extraordinaire, tous les papiers de l'aliénation, ne lui a transmis aucun de ceux concernant le mobilier; de sorte qu'il n'existe chez l'administrateur chargé de faire rentrer, dans la caisse de l'extraordinaire, le produit du mobilier, aucune base certaine d'après laquelle il puisse opérer.
On peut diviser ce mobilier en 4 classes.
Tous les meubles, effets et ustensiles dont la conservation ne présente aucun but d'utilité.
Les ornements et effets d'églises supprimées, qui ont été jugés ne pas être nécessaires aux paroisses conservées.
L'argenterie des communautés et paroisses supprimées et jugée inutile au culte et portée aux hôtels des monnaies.
Les manuscrits, chartes, sceaux, livres imprimés, monuments de l'antiquité et du moyen âge, statues, tableaux, dessins et autres objets, relatifs aux beaux-arts, aux arts mécaniques, à l'histoire naturelle, aux mœurs et usages des différents peuples, tous objets à conserver d'après l'instruction des comités ecclésiastique et d'aliénation, en date du 14 décembre 1790.
Au moyen de cette distribution, il sera facile aux corps administratifs de faire former un état séparé pour les première et seconde classes, des objets qui ont pu être vendus par suite de l'avis des comités d'aliénation et ecclésiastique réunis, conformément au modèle annexé à la présente instruction.
Quant à la troisième classe, concernant l'argenterie des églises portée aux hôtels des monnaies, l'article 3 du décret du 3 mars 1791, prescrit aux directoires de district d'en donner avis à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, et de lui adresser l'état des envois par eux faits aux hôtels des monnaies, ainsi que du poids de cette argenterie. En cherchant à saisir le but que s est proposé le décret, on aperçoit facilement que l'envoi de l'état à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, est motivé sur la nécessité de faire entrer dans la caisse de l'extraordinaire cette portion dépendant des
pareilles réclamations au Trésor public, il faut qu'il connaisse le nombre de marcs que chaque district aura envoyés aux hôtels des monnaies. L'article 1er du décret du 3 mars présente cette facilité, en ce qu'il ne s'agit purement et simplement que d'argenterie, qui, n'exigeant aucun départ, peut être pesée à l'instant qu'elle parvient aux hôtels des monnaies.
Il n'en est pas de même des pièces d'or et de celles d'argent doré, comprises en l'article 2 de ce décret, et qui doivent être envoyées à la monnaie de Paris. La manière d'en constater le poids n'est pas susceptible de la même célérité, en ce que le départ est nécessaire pour y parvenir : en conséquence les directoires de district ne peuvent avoir, sur ce qu'ils envoient à la monnaie de Paris, qu'un reçu détaillé de chaque pièce, et non un reçu du poids réel.
1.
Division du mobilier.
2.
Les états du mobilier vendu devaient être envoyés à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire.
3.
Et ceux du mobilier existant, au comité d'aliénation.
4.
Le comité ecclésiastique était particulièrement chargé de la suite du mobilier.
5.
Son travail n'a point été remis à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire.
6.
Le mobilier divisé en 4 classes.
7.
1™ classe.
8.
2* classe.
9.
3* classe.
10.
4* classe.
11.
États à fournir pour les 1" et 2* classes.
12.
Dispositions des décrets relatifs & la 3* classe.
13.
Les directoires de district devaient fournir des états contenant le poids de l'argenterie.
14.
Motifs et importance de cette mesure
15.
Elle n'a point eu lieu pour les pièces d'or et d'argent doré, à cause de départ des matières.
16. On n'a pu constater que la nature de chaque pièce.
17. L'administrateur abesoinde connaître le poids des matières d'or et d'argent.
18.Ainsi que les matières étrangères déposées chez les receveurs • de district.
19. États divisés en trois parties pour cette 3» classe»
20.
1™ partie.
21.
2e partie.
22.
3* partie.
23. Les états du mobilier vendu n'ont point été envoyés.
24.Quelques districts ont adressé les états d'argenterie.
25 .Impossibilité d'en faire usage.
26. Fournir ceux du mobilier vendu jusqu'au lor janvier 1792.
_ 27.
Fournir ceux de l'argenterie et des matières étrangères jusqu'au 1" janvier 1792.
28. Les faire passer ensuite à l'administrateur, mois par mois.
29.
Autres objets considérés comme mobilier.
30.
Contrats et effets au doreur.
31.
Ont dû êtr envoyés au trésorier de la caisse de l'extraordinaire.
32.
Quelques-uns y sont revenus.
33.
Inventaire à former de ces pièces par les districts.
34.
Libellé de cet inventaire.
35. Triple expédition à fournir avec les pièces au département.
36. Leur objet et leur envoi à l'administrateur et au trésorier de la caisse de l'extraordinaire
37.Mesures ultérieures.
38. Actif d'une autre espèce. '
39. Simples billets.
Cependant, il est essentiel à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire de connaître le poids de ce qui est parvenu aux hôtels des monnaies, tant à Paris que dans les départements ; il ne l'est pas moins qu'il ait une connaissance exacte des matières étrangères, telles que le bois, le fer? le cuivre, les pierres fines ou fausses, séparées, par les directoires de district, des pièces d'argenterie, et remises en dépôt aux receveurs de district, à l'effet de faire prononcer sur les dispositions de ces objets. Pour y parvenir, les directoires de district enverront à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire un état divisé en trois parties, conforme au modèle ci-joint.
La première partie de cet état contiendra le détail et le poids des objets d'argenterie pur et simple envoyée à l'hôtel des monnaies le plus voisin du district, ainsi que le porte l'article 1er du décret du 3 mars 1791.
La deuxième, le détail des pièces d'or et de celles d'argent doré envoyées à la monnaie de Paris, conformément à l'article 2 du même-décret.
La troisième enfin, le détail le plus circonstancié des matières étrangères, pierres fines ou fausses remises par les directoires de district en dépôt chez les receveurs, conformément à l'article 5 du décret du 3 mars 1791.
Avant de terminer cet article, le commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, doit rappeler que les départements ne lui ont point encore fait connaître l'état des ventes faites sur le mobilier, et que plusieurs districts seulement lui ont adressé des états de l'argenterie envoyée aux hôtels des monnaies, conformément à l'article 3 du décret du 3 mars 1791.
Il observe sur ces derniers, que leur peu d'uniformité le mettra dans l'impossibilité d'en faire aucun usage.
Il devient donc instant que les départements s'occupent sans délai de faire former par chaque directoire de district et envoient à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire :
1° L'état des ventes faites sur le mobilier depuis le principe jusqu'au 1er janvier 1792, lequel doit être classé conformément au modèle déjà cité, et annexé à la présente instruction ;
2° Un état pareillement cité et conforme au modèle ci-annexé, de l'argenterie envoyée aux hôtels des monnaies, tant des départements que de Paris, ainsi que des divers objets qui en ont été distraits, pour rester en dépôt chez le receveur du district.
Les départements devront exiger ces états, mois par mois, et les envoyer exactement à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, sauf à les lui adresser négatifs, si aucune des opérations prévues n'avait eu lieu.
Cette marche sera suivie jusqu'à ce que 1 Assemblée nationale législative ait déterminé, par un décrert, auquel des pouvoirs sera renvoyée la connaissance des objets dont la vente doit être faite et de ceux à conserver; fonctions que remplissaient ci-devant les comités d'aliénation et ecclésiastique réunis.
Il se trouve des objets qui, sans être désignés dans une des classes qui viennent d'être établies, doivent cependant être considérés comme mobiliers, puisqu'ils forment une partie de l'actif des maisons et communautés religieuses.
Tels sont les contrats de rente sur le ci-devant clergé, les contrats sur les aides et gabelles, ou sur toutes autres parties des revenus de l'Etat, billets de loterie, actions de la compagnie des Indes, et autres effets de semblable nature, en nom ou au porteur, trouvés lors des inventaires ou des autres opérations faites relativement aux biens dont jouissaient lesdits corps et communautés.
Le décret du 20 janvier 1791 ordonne que chacun de ces objets sera envoyé sans délai au trésorier de la caisse de l'extraordinaire, à l'effet d'être annulé.
Quelques districts et départements ont envoyé de ces contrats ; mais le petit nombre de ceux arrivés jusqu'à présent, fait présumer que la plus grande partie de ces pièces est restée, soit entre les mains des municipalités, soit aux directoires de district. Les départements ne doivent donc pas perdre un seul instant pour s'assurer de ce qui a pu être fait à cet égard par les municipalités et districts, et donner les ordres les plus précis pour qu'il soit dressé sur-le-champ, dans chacun des directoires de district, un inventaire de toutes les pièces de ce genre qui ont été trouvées dans les communautés, ou remises par elles lors des opérations faites relativement aux biens dont elles avaient la jouissance.
Cet inventaire devra contenir le nom de la communauté où chaque pièce aura été trouvée, la désignation du titre, sa valeur en capital et en revenu, enfin tous les détails qui peuvent suppléer au titre même.
Cet inventaire fait, il en sera envoyé au département 3 expéditions certifiées, auxquelles seront jointes les pièces. Le département visera ces expéditions et les enverra, savoir, une au commissaire administrateur, et les deux autres, avec les pièces, au trésorier de la caisse de l'extraordinaire. Le trésorier en conservera une avec les pièces dans ses bureaux, et l'autre, signée de lui, sera remise au commissaire du roi pour être adressée au département, à l'effet d'être déposée dans ses archives et de lui servir de récépissé.
Il existe encore, dans les maisons religieuses, un actif d'une autre espèce, qu'il faut bien se garder de confondre avec celui dont il vient d'être parlé ; ce sont les simples billets faits au profit de ces maisons.
L'édit de 1749 ayant interdit aux maisons religieuses la faculté de faire des contrats de rente sur particuliers, elles étaient dans l'usage de prêter sur simples billets. Quelques jours aptès on assignait les débiteurs;1 il intervenait sentence qui les condamnait à payer le principal avec les intérêts du jour delà demande : par ce moyen, les intérêts étaient payés annuellement, ce qui équivalait à un contrat de rente.
Ces effets doivent avoir été trouvés lors des inventaires, et exister aujourd'hui entre les mains de la nation; ils doivent être mis au rang des dettes actives, et sous ce rapport, considérés comme capitaux, quoique les débiteurs n'en aient jusqu'à présent payé que les intérêts. En conséquence, ce qui a pu être découvert en effets de ce genre, doit être remis au receveur de district; pour en poursuivre le recouvrement comme d'un effet échu.
Les directoires de département auront à porter encore leur surveillance sur cet objet, et à se faire rendre compte, par les directoires de district, des effets de. cette nature.qui pourraient leur avoir été remis, en y joignant un état détaillé du titre des créances, de leur cause, avec leurs observations, etrèvêtu du récépissé du receveur du district chargé d'en faire lé recouvrement.
Cet état doit être envoyé, par le directoire de département, au commissaire du roi administrateur de la caisse de l'extraordinaire.
40.
Équivalaient à des contrais.
41.Considérés comme capitaux.
42.
Remis aux receveurs de district pour en poursuivre le recouvrement.
43. Surveillance des départements.
44.État de ces créances à leur fournir.
45.Envoi à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire.
De la gestion et comptabilité des receveurs de district, en 1790 et 1791.
Les receveurs de district ont dû recevoir, en 1790, le montant des fermages et loyers des objets donnés à bail ou à ferme; conformément au décret du 20 avril 1791.
Ils ont dû avoir pour base de cette recette, la déclaration faite par les fermiers et locataires, ainsi qu'ils étaient tenus de la fairé, pardevant les directoires de district, en vertu du décret des 6 et'll août.
Quant aux biens non affermés, tous les ecclésiastiques, corps, maisons oïl communautés de l'un ou de l'autre sexe, ont dû continuer de les régir et exploiter pendant l'année 1790, à la charge d'en veràer les produits entre1 les mains des receveurs de district, déduction faite néanmoins au traitement qui leur aura été accordé.
Les municipalités, par suite du décret du 18 juin 1790, ont aussi pu, en vertu de délégation de la part des assemblées administratives, régir les nieris nationaux non affermés,*à charge parelles de rendre le compte q.e ladite régie dans le courant du mois de janvier 1791 ; et même, pour plus grande célérité, elles ont dû remettre au directoire du district les baux ou adjudications qui auraient pu avoir lieu, pour le prix eh être Versé directement au receveur du district.
Le décret du 23 octobre 1790 a interdit aux corps administratifs la faculté de régir par eux-mêmes Ou par des préposés, et leur a ordonné d'affermer tous les biens, même les droits incorporels.
11 résulte de cette série d'opérations, que les receveurs ont dû percevoir :
En 1790, les fermages et loyers de tous lés biens à ferme ou à bail ;
En janvier 1791, le reliquat Jes comptes rendus par les corps et communautés religieuses, pour les parties de biens qu'ils ont dû régir, et le solde du compte des municipalités autorisées à régir certaines parties de biens jusqu'à la promulgation du décret du 23 octobre, qu'on a dû affermer la totalité de ceux qui ne l'étaient pas, et ne plus s'immiscer dans la régie d'aucun.
Tous les biens devaient donc être affermés au 1er janvier 1791.
Sous ce rapport, les receveurs auraient dû former un cueilloir général de tous les fermages et loyers qu'ils avaient à percevoir dans l'étendue de leur arrondissement; mais on sait que peu de receveurs s'en sont occupés, et l'on invite ceux qui ont sur cet objet un travail complet, à le remettre aux préposés de la régie du droit d'enregistrement, à l'effet de faciliter d'autant la perception des revenus dont ceux-ci sont chargés par le décret du 10 août dernier.
Il faut distinguer dans la gestion des receveurs de district sur les revenus, deux époques, la gestion de Tannée 1790 et celle de 1791.
Avant la loi du 15 décemhre 1790, les receveurs de district étaient autorisés, par différents décrets, à payer, sur les produits des revenus, les ordonnances du département relatives aux dépensés résultant des opérations faites sur les domaines nationaux, et principalement les frais du culte. Mais^cette loi, en ordonnant que tous les assignats qui seraient reçus dans les caisses de district, tant sur les revenus que sur lés capitaux, à compter du Ie* janvier 1791, seraient annulés, a prescrit en même temps un autre ordre dé choses pour le payement des frais du culte. Il ne restait plus qu'à pourvoir aux différentes dépenses ordonnées par les précédents décrets, que l'annullement des assignats mettait dans l'impossibilité d'acquitter; et c'est ce qui a été l'ait par décrets postérieurs, et notamment par celuiMu 28 septembre dernier.
L'article 4 du titre II de la loi du 15 décembre 1790, estainsi conçu :
« Le produit des fruits qui a été ou sera réalisé jusqu'au 1er janvier 1791, servira, conformément au décret du 30 novembre dernier, à acquitter, dans les
î.
Recette des révenus en 1790.
2. Les déclarations des fermiers ont dû servir de base.
3.
Biens régis en 1790, par les communautés.
4.
Par les municipalités.
5.
Reddition de compte et remise des baux en janvier 17Ô1.
6.
Régie des biens retirée aux corps administratifs.
7. Ordre de les affermer.
8.
Résultat des dispositions précédentes. Opérations qui ont dû être faites par les receveurs, en 1790 et 1791.
9. Cueilloirs qui auraient dû être fournis par les receveurs.
10- Ceux qui les ont faits les remettront aux préposés de la régie d'enregigtrement.
11.
Dépenses autorisées avant la loi du 15 décembre 1790.
12.
Annuellement des as-siguats.
13.
Frais du culte.
14.
Les revenus perçus
en 1790, destinés à les acquitter.
15.
Le Trésor public fournira le complément nécessaire.
16.
Application de ces principes.
17.
Motifs des mesures qui ont été prescrites aux receveurs, en conformité.
18.
Payements irrégulièrement faits par les receveurs.
19.
Emploi d'assignats qui devaient être annulés.
20.
Acquittements de dépenses qui devaient être à la charge du Trésor public.
21. Ordre à rétablir dans cette partie de comptabilité, et mesures à employer. ,
22.
Année 1790.
23.
Allouer provisoirement les dépenses régulièrement faites.
24.
Rejeter celles étrangères à la caisse de l'extraordinaire.
25. Année 1791.
26.
Rejeter les dépenses du culte, excédant les revenus de 1790.
27.
Rejeter celles à la charge du Trésor public.
28.
Et même celles relatives aux domaines nationaux, les assignats en provenant ayant dû être annulés.
districts, sous l'inspection des directoires de département, les pensions et traitements dûs aux ecclésiastiques, religieux, religieuses et chanomesses, sauf les suppléments à fournir par le Trésor public "pour compléter leur entier payement ; mais, à compter de cette époque, ils seront verses par les trésoriers de district dans la caisse de l'extraordinaire, et le Trésor public sera chargé de faire acquitter ces dites pensions et traitements. »
Cet article prononçait à la fois sur deux objets importants. En premier lieu, il charge le Trésor public de pourvoir aux traitements et pensions ecclésiastiques, à partir du 1er janvier 1791. D'un autre côté, il veut que tous les fruits des domaines nationaux crui seront recouvrés à compter de cette époque, soient versés par les receveurs ae district à la caisse de l'extraordinaire ; mais il laisse à la disposition du Trésor public le produit des fruits réalisés dans les caisses de district, jusques et compris le 31 décembre 1790. Enfin, il prévoit le cas où ce produit pourra se trouver insuffisant, et il autorise le Trésor public à fournir des suppléments.
De ces dispositions résulte nécessairement la division des caisses de district en deux parties bien distinctes, dont l'une doit correspondre avec le Trésor public, et l'autre avec la caisse de l'extraordinaire.
Les fruits réalisés au 31 décembre 1790 dans les caisses de district, ayant été laissés à la disposition du Trésor public, les receveurs ont dû les employer, à son acquit, au payement du traitement du culte, et en compter. On aurait pu dans cette position prescrire aux receveurs de ne plus faire mention, à l'époque du 1er janvier 1791, des fonds qui leur restaient sur 1790, et qui étaient destinés à acquitter pour le Trésor public le traitement des ecclésiastiques ; mais l'administration de la caisse de l'extraordinaire devait veiller de son côté à ce que les fonds qu'elle transportait, par cette opération, au Trésor public, fussent employés à leur véritable destination. C'est pouquoi il fut ordonné aux receveurs ae porter en 1791, sur le journal destiné aux domaines nationaux, l'emploi en détail des sommes restant en caisses au 31 décembre 1790, jusqu'à concurrence de ce restant • et après sa consommation, de ne plus porter aucune dépense sur le journal, puisque tout ce qui était reçu, tant sur les revenus que sur les capitaux, devait être annulé et envoyé à la caisse de l'extraordinaire.
U s'en faut de beaucoup que cette dernière disposition, dictée par la loi même du 15 novembre 1790, ait été exécutée par les receveurs de district. Les uns, sous prétexte, dans le premier moment, qu'ils manquaient de fonds pour continuer le payement du traitement des ecclésiastiques, ont employé à cet objet les assignats reçus en 1791, qu'ils auraient dû annuler et envoyer à la caisse de l'extraordinaire. Les autres, ne voyant que les décrets antérieurs à la loi du 15 décembre, qui les autorisaient à payer sur les revenus les différentes charges résultant de l'administration des domaines nationaux, ont acquitté des dépenses de différentes natures, et quelques-unes même, telles que les frais de juge et d'administration de district, qui concernent directement le Trésor public; de sorte que la caisse de l'extraordinaire a été frustrée des sommes résultant de ces dépenses, contre le vœu de la loi du 15 décembre 1790.
Aujourd'hui que, par le décret du 19 août, la régie du droit d'enregistrement est mise en possession de la perception des revenus des domaines nationaux, il faut prendre un parti définitif pour apurer la comptabilité des receveurs de district sur cet objet, et régler en dernière analyse ce qui devra être alloué ou rejeté des dépenses comprises dans les journaux des receveurs.
Seront allouées provisoirement toutes les dépenses faites antérieurement au premier janvier 1791, et comprises dans les journaux des receveurs jusqu'au 31 décembre 1790, si elles font partie de celles que la caisse de l'extraordinaire devait d'abord supporter, d'après les différents décrets qui ont précédé la loi du 15 décembre 1790, ou si elles proviennent de leur exécution.
Seront rejetées toutes dépenses payées avec les fonds de la caisse de l'extraordinaire, et qui ne seraient point relatives aux domaines nationaux, telles que frais d'établissement de district, payement des électeurs, appointements des administrateurs, des juges, etc., toutes dépenses étrangères a la caisse de l'extraordinaire, et que plusieurs receveurs ont portées sur leurs journaux des domaines nationaux.
Pour l'année 1791, seront rejetéés toutes les dépenses à supporter par le Trésor public, telles que les sommes payées pour traitements ecclésiastiques et autres frais de culte qui surpasseront le restant en caisse sur les fruits perçus au 31 décembre 1790.
Seront pareillement rejetées les dépenses acquittées par quelques receveurs avec les fonds appartenant à la caisse de l'extraordinaire, tels que les frais de 2 sols par lieue aux soldats, la solde des invalides, etc., dépenses dont le montant doit être réintégré à la caisse de l'extraordinaire.
Seront enfin rejetées toutes celles comprises dans les journaux, quand bien même elles seraient relatives à l'administration et à la vente desj domaines nationaux, ou prévues par des décrets antérieurs et postérieurs à la loi du 15 décembre 1790, par la raison que les receveurs les ont acquittées en contravention à cette dernière loi, qui leur ordonnait d'annuler tous les assignats
qu'ils recevaient pour le compte de la caisse de l'extraordinaire, et les mettait par là dans l'impossibilité de payer aucune espèce de dépense (1).
Le commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, fait , .
travailler dans ce moment à l'examen et à la vérification des journaux des L administrateur fait
receveurs de district, sous tous les rapports qui viennent d'être présentés. 11 C0Pies des
fera passer successivement à chaque receveur de district un état sommaire 1
pour chaque année d'exercice de l'arrêté de son compte, pour la partie de son 30.
débet vis-à-vis de la caisse de l'extraordinaire, et cet état sera divisé en Les résultats en se-
recettes et dépenses, en parties admises et parties rejetées; il indiquera au ront envoyés aux ré-
receveur, quant aux parties rejetées, sur quels fonds il devra remplir la caisse ceveurs-
de l'extraordinaire des sommes dont elle a été frustrée en employant de ses 31
deniers pour acquitter des dépenses qui ne la concernaient point, et on ins- on leur indiquera
truira en même temps tous les ordonnateurs respectifs des réclamations à leur sur quels fonds ils fe-
faire pour le compte de la caisse de l'extraordinaire. On mettra par ce moyen ront rentrer à la caisse
les receveurs à même de rendre un compte clair de chaque partie de leur ges- les sommes qu'elle au-
tion, en appliquant à chaque caisse les recettes et dépenses qui lui sont rait dû toucher, propres.
On enverra d'abord l'état dont il vient d'être parlé pour l'exercice 1790 ; et 32.
l'on fera suivre, peu de temps après, celui relatif à l'année entière 1791. Cet état On leur fera con-
servira à rectifier, par un récépissé général sur chaque partie, les applications naître les> moyens de
fausses des récépissés de M. Le Gouteulx induit en erreur par le peu de soin rétablir l'ordre dans
des différents receveurs qui souvent lui ont fait des remises, sans lui désigner leur £estlon-exactement sur quel chapitre de recette portaient les sommes versées.-
Indépendamment des traitements ecclésiastiques payés avec le produit des 33.
fruits réalisés au 31 décembre 1790 dans les caisses de district, seront égale- Pièces prises pour
ment admises en recette et en dépense, les quittances de traitement des curés coinptant, et admises
ou vicaires, d'impositions ou autres charges des biens, rapportées par les fer- en dePense-miers de domaines nationaux, et que les receveurs ont reçues et aû recevoir pour comptant après avoir été visées par les directoires de district.
Avant de terminer ce chapitre, il reste une observation essentielle à faire. . .
Les receveurs de district n'ont été nommés qu'en vertu du décret du 14 a i^Tab^ssement
novembre 1790, et cependant, à cette époque, tous les fermages des neuf pre- des receVeurs de dis-
miers mois 1790 devaient avoir été perçus. Les directoires des districts avaient trict.
à la vérité nommé des receveurs provisoires qui recevaient tout ce qui se 35. Receveurs provi-
présentait, mais aucun de ces receveurs provisoires n'avait effectué de verse- soires nommés par les
ment à la caisse de l'extraordinaire pendant 1790. Le commissaire du roi, par districts,
sa lettre circulaire aux receveurs de district, en date du 24 décembre 1790, 36- H®. n'ont Point
démontrait la nécessité indispensable que ceux nommés définitivement en ettectue de versement,
vertu de la loi du 14 novembre, se procurassent des copies des journaux tenus demmentindiquée^par
par les receveurs qui avaient été établis provisoirement, et qu'ils les adres- l'administrateur pour
sassent en même temps que celles relatives à leur propre gestion. Les receveurs connaître leurs opéra-
qui se sont conformés à cet ordre sont en si petit nombre, que l'on est tenté tions.
de croire qu'il existe encore beaucoup de ces receveurs établis momentané- 38. Ces mesures n'ont
ment, en arrière de rendre leur compte, et de vérser au receveur du district, euJjuj Peu d'e.ffet-
soit le reliquat des fonds qu'ils pourraient avoir en caisse, soit les pièces de inconvenients-
comptabilité résultant de leurs dépenses. Cependant le commissaire du roi ne nautés qu^n^ont^oint
peut pas rester plus longtemps dans l'incertitude sur cet objet, sans être ex- rendu de compte,
posé à n'avoir sur 1790 que des résultats inexacts. D'ailleurs, il existe une infi- 41. Nécessité de pren-
nité d'autres comptes qui ont dû être rendus en janvier 1791, de la part des dre de nouvelles mesu-
corps et communautés qui ont conservé en 1790 la régie de leurs biens. L'ad- res relativement aux
ministrateur de la caisse de l'extraordinaire doit non seulement appeler la comptes des receveurs
surveillance des corps administratifs sur ces différents points, mais il doit Provlsoires et à ceux
encore avoir la certitude qu'ils ont été remplis exactement. es communautes.
En conséquence, aussitôt après la réception de la présente instruction, les 42. Renseignements
directoires de département se feront donner connaissance par les directoires a demander aux direc-
de district : toires de district pour
1° Des noms et qualités des personnes qui ont été chargées de recevoir les la gestion des receveurs
fermages de 1790 avant la nomination du receveur du district; provisoires.
2° A quelle époque a commencé et fini cette mission particulière;
3° Quel est le résultat du compte qu'elles en ont rendu ;
4° A qui elles en ont versé le reliquat et les pièces de dépense.
Et, après s'être procuré ces renseignements, les directoires de département 43 Examen à faire
feront rectifier ce qu'il y aurait eu d'irrégulier dans la marche de ces compta- par ies départements,
bles provisoires, en les faisant compter si aucuns étaient en retard, et en fai- .. t0urnau, j
sant remettre copie du journal qu'ils ont dû tenir pendant cet intérim au rece-
veur de district légalement nomme, ainsi que les reliquats de caisse, si aucuns remettre aux receveurs
existaient, ou les pièces de dépense. de district.
La même marche doit être observée à l'égard des communautés et maisons 4S Versement des
religieuses qui ont conservé la régie de leurs biens non affermés en 1790, en reliquats, ou remise
désignant dans l'état : des pièces de dépense.
1° Le nom des communautés ou maisons religieuses qui ont régi ;
47. État désignatif à former.
48. Mêmes opérations pour les municipalités qui ont régi en 1790.
49. Contrainte à exercer pour cause de retard.
50.
État général des objets ci-devant détaillés à fournir à l'administrateur.
51.
But de cet état.
1. La régie de l'enregistrement chargée de verser les revenus des domaines nationaux dans les caisses de district.
2. Les receveurs de district chargés de recouvrer directement les capitaux.
3. Nécessité de tracer une marche aux receveurs.
4. Division en trois classes de la perception confiée à la régie. ,
5. 1™ classe.
6. 2* classe.
7. 3® classe.
Nature de la lro classe.
9.
Nature de la 2e classe.
10.
Nature de la 3e classe.
11.
Un bordereau, par nature de recette, sera joint aux versements à la caisse de district.
12.
Vente de droits incorporels dont l'acquisition n'est pas soldée.
13.
Produits des rachats, admis en compensation.
14.
Importance de ce travail et facilité dans son exécution.
15.
Versements faits par les préposés de la régie ; nécessité de les connaître sous les désignations prévues.
16.
Cette mesure a été négligée.
2° Le montant du compte qu'elles ont dû rendre en janvier 1791 ;
3° Le reliquat de compte, ou les sommes dont elles étaient en avance ;
4° A qui le reliquat a été versé, ainsi que les pièces de dépense.
Enfin, même opération pour les municipalités qui ont de même pu régir en 1790 certaines parties de biens non affermés, et veiller à ce que, si quelques-unes de ces maisons religieuses ou municipalités étaient en retard de compter, elles y fussent contraintes sur-le-champ.
Les directoires de département, au fur et à mesure qu'ils auront rassemblé des détails complets sur chacun de ces objets, en formeront un état général divisé par district, auquel sera ajoutée une colonne d'observations, et l'adresseront au commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, à l'effet de vérifier sous ce rapport la comptabilité du receveur de chaque district, et de se faire fournir les copies de journaux des receveurs provisoires nommés antérieurement à la loi, dont le montant, inconnu jusqu'à présent, manque aux résultats qu'il lui est essentiel d'avoir sur les revenus touchés en 1790.
De la gestion des receveurs en 1792.
La loi du 12 septembre 1791 ayant transmis à la régie du droit d'enregistrement la perception du produit ae tous les domaines nationaux, tant corporels qu'incorporels, ainsi que le produit du rachat qui pourra être fait des droits incorporels, il ne restera sur cette partie, aux receveurs de district, que la recette en masse des versements que sont tenus de leur faire les préposés de la régie, et le recouvrement direct de toutes les acquisitions de domaines nationaux.
Il est nécessaire de tracer ici en détail tout ce qui est relatif à la gestion des receveurs, par rapport aux revenus, et par rapport aux capitaux.
Dans la perception confiée aux préposés de la régie, il faut distinguer trois natures de recette :
Les revenus des domaines nationaux corporels ;
Ceux des domaines nationaux incorporels;
Le rachat des droits incorporels non vendus, et celui des droits incorporels vendus, soit séparément, soit conjointement avec d'autres biens, avant la promulgation de la loi du 20 mars 1791.
Les revenus des domaines nationaux corporels s'entendent de tous les revenus produits par les biens-fonds.
Ceux des domaines nationaux incorporels sont les cens et rentes, droits de champarts, agriers, terrages et toutes autres redevances.
Le rachat des droits incorporels, vendus ou invendus, est l'évaluation en capital, ou revenus annuels, des droits ou redevances désignés ci-dessus ; et sous ce rapport, on doit classer ces rachats sous le titre de capitaux.
Ces distinctions sont indispensables pour l'ordre général de l'administration. En conséquence, les receveurs de district auront le plus grand soin de ne recevoir aucun versement de la part des préposés de la régie, qu'il ne soit accompagné de bordereaux, divisés par cnaque nature de recette, et d'en faire autant d'articles séparés sur leur journal des domaines nationaux (1). On observe aux receveurs qu'à l'égard des droits incorporels vendus [avant la promulgation de la loi du 20 mars, et dont les acquéreurs n'ont pas payé la totalité, les rachats faits par les débiteurs de ces droits, doivent être reçus par la régie, qui doit en faire le versement au receveur, en déduction et jusqu'à concurrence de ce qui est dû par les acquéreurs, sur le prix de leur acquisition.
Les receveurs auront d'autant moins de peine à établir cet ordre, qu'il est conforme à celui prescrit aux préposés de la régie du droit d'enregistrement. La moindre négligence ou omission de part ou d'autre arrêterait la marche de l'administration générale, et par suite, les résultats que le commissaire du roi, administrateur de la caisse ae l'extraordinaire, est tenu de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale et du roi.
Quoique cette disposition ait déjà été prescrite par une lettre écrite circu-lairement à tous les receveurs de district du royaume, elle est si importante qu'on ne peut trop la rappeler ; il est même nécessaire de connaître, sous les trois désignations précédemment prévues, tous les versements qui ont eu lieu de la part des préposés de la régie, tant depuis la loi du 20 mars, qui les a chargés de la perception des revenus des domaines incorporels, et du rachat des droits, que depuis la loi du 12 septembre, qui leur a attribué, de plus, la perception des revenus des domaines corporels. On s'est assuré, par l'examen des copies de journaux des receveurs de district, que ces distinctions n'avaient pas eu lieu, et qu'ils avaient seulement enregistré leur recette, sans libeller de quelle sorte de perception elle était le résultat. Pour rectifier ce que cette opération a d'irrégulier, et connaître sous tous ses rapports la perception faite par la régie sur les domaines nationaux, les receveurs qui ont été dans le cas de toucher
des versements de la part des préposés de la régie, sur les domaines nationaux, en feront fournir dans le plus court délai, date pour date de ces versements, les bordereaux ci-dessus désignés, et après qu'ils leur auront été fournis, ils se composeront un état générai qu'ils enverront sur-le-champ à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire. Cet état sera divisé par montant des versements à eux faits par les préposés de la régie, date de ces versements, numéro de l'article du journal où ils ont été enregistrés, division des sommes, savoir : en revenus de domaines nationaux corporels, en revenus de domaines nationaux incorporels, en rachats de droits pour le compte de la nation, et en rachats de droits pour le compte des acquéreurs. Ils porteront dans ces trois dernières colonnes les sommes partielles à appliquer à chacune, de sorte que ces trois sommes réunies forment le même résultat que la colonne des versements à eux faits par les préposés de la régie.
Quant aux capitaux dont le recouvrement direct reste confié aux receveurs de district, la recette doit en être portée sur le même registre que les revenus versés en masse par la régie du droit d'enregistrement ; c'est-à-dire, jusqu'au 31 décembre 1791, sur le registre qu'ils tiennent pour les domaines nationaux, depuis le commencement ae cette même année, et qui leur a été envoyé par l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, en décembre 1790; et à compter du premier janvier 1792, sur celui que cet administrateur vient de leur faire passer.
Toutes les fois que le receveur enregistre un article de recette provenant d'une vente, il doit se conformer exactement au modèle de libellé annexé à la présente instruction, selon le cas qu'on présente ; mais ce qui est surtout essentiel, c'est de bien indiquer le nom de l'acquéreur, la désignation du bien, l'établissement dont il dépendait ci-devant et la municipalité où il est situé ; l'époque de la vente qui lui en a été faite ; s'il est acquéreur primitif ou ces-sionnaire ; dans tous les cas, désigner sa profession, sa demeure, et la date de l'acte en vertu duquel il est aux droits de l'acquéreur primitif ; s'il est acquéreur par folle enchère, le désigner également par son nom, sa profession, sa demeure; citer l'époque à laquelle la vente par folle enchère a eu lieu, rappeler celle à laquelle la première vente a été faite, et le nom de celui qui a donné lieu à la iolle enchère; enfin, le receveur doit avoir soin de relater dans le libellé de l'article tous les renseignements qui peuvent faire connaître les variations que la possession du bien a pu subir depuis la première adj udication.
Telle est sommairement la manière de bien enregistrer les articles, pour retrouver facilement la trace du bien vendu et les différentes mains par lesquelles il aura pu passer. On parlera plus loin de ce qui doit faire suite à l'enregistrement sous le rapport ae la comptabilité numérique ; mais il faut auparavant donner aux receveurs le moyen de suivre avec exactitude leurs recou -vrements vis-à-vis des acquéreurs.
Ce moyen consiste à monter des sommiers de vente pareils au modèle ci-annexé, et tels que le commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, les fait tenir dans ses bureaux pour tout le royaume.
On ne prescrira pas de les établir d'abord divisés par municipalité ; cette méthode ne présente pas un grand intérêt pour la facilité du recouvrement, mais il faut les monter dans l'ordre de date des adjudications ; de sorte que le receveur, en feuilletant toutes les pages qui contiennent les adjudications d'un mois/ sache ce qu'il a à recevoir dans le mois correspondant, 1 année suivante.
La page étant séparée par le milieu, on portera à gauche, en gros caractères, le nom ae la municipalité, la désignation du bien vendu, l'établissement dont il dépendait, s'il est vendu par suite d'aliénation à une municipalité, le nom de cette municipalité, celui de l'acquéreur, sa profession, sa demeure, le pris principal de la vente.
Sur cette même partie de la page à gauche, on inscrira les annuités ou obligations, si l'acquéreur en a fourni, et à la suite toutes les variantes qui peuvent avoir lieu, telles que la remise des annuités ou obligations aux acquéreurs, la cession ou rétrocession qu'ils auront faite de tout ou partie du bien, la folle enchère, si elle a lieu ; enfin, tout ce qui peut servir à constater l'existence du bien et sa possession pendant tout le temps qu'il en est dû une portion quelconque à la nation.
Cette partie de la page doit se composer sur les extraits de chaque procès-verbal d'adjudication que le directoire de district est tenu de remettre aux receveurs au fur et à mesure que les ventes s'opèrent.
La partie qui se trouve à droite de la page est destinée à porter tous les payements que font les acquéreurs jusqu'à leur parfaite libération, tant en capital qu'en intérêts. On doit aussi considérer comme payements faits par les acquéreurs, et porter du journal sur le sommier, ceux qui seront faits par les préposés de la ;régie du droit d'enregistrement, à la décharge des acquéreurs ae droits incorporels, qui, ayant acquis ces droits séparément ou conjointement avec les biens, n'auront pas encore soldé la totalité de leur acquisition, le rachat fait de la part des débiteurs de ces droits devant acquitter d'autant les acquéreurs envers la nation.
17.
Rectifier l'irrégularité de ces opérations.
18.
Etat à fournir à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire.
19.
Manière dont il sera libellé.
20.
Recette des capitaux faite par les receveurs de district.
21. Libellé de chaque article.
22. Désigner exactement
23. Les àcquéreurs
24. Primitifs ou cesr sionnaires;
25. L'acte de cession;
26. Les acquéreurs par folle enchère;
27. L'époque de la folle enchère, et celle de la première vente;
28. Enfin toutes les variations que le bien a éprouvées.
29. Moyens d'assurer l'exactitude des recouvrements, sommiers de ventes.
30.
Les établir par ordre de date d'adjudication.
31 .Division de chaque article en deux parties.
32. Indication de ce qui sera porté sur la partie gauche.
33.
Idem.
34.
Rases de la formation.
35. La partie droite destinée à recevoir les payements.
36. Les produits des rachats de droits incorporels, aliénés à des particuliers, y seront portés comme payements faits par les acquéreurs.
37. Les receveurs auront toujours soin de distinguer dans les sommes qu'il rece-
Distinguer le capital vront, celles à appliquer sur le capital et celles provenant d'intérêts; de des intérêts. manière qu'en suivant la série des payements, on puisse apercevoir au premier
coup d'œil si les intérêts ont été bien payés au fur et à mesure qu'on a fait des „8 payements sur le capital.
Observations relati- ^ette disposition d'ordre s'entend surtout des acquéreurs qui n'ont souscrit ves aux annuités et annuités, ni obligations, ou qui les ont retirées, suivant la faculté qui leur obligations. en est accordée par le décret du 28 septembre dernier.
Quant à ceux qui voudraient absolument conserver leurs annuités ou obligations, comme ils ne peuvent, d'après le décret qui vient d'être cité, en ,r acquitter qu'une entière, et non donner des acomptes, on portera dans la partie
1 de la page destinée au payement le montant de l'obligation ou annuité acquittée,
telle qu'elle a été souscrite, sans distinction d'intérêts et de capital, puisque l'un et l'autre sont fondus ensemble ; mais s'il y a lieu à escompte relativement à l'anticipation de payement de plusieurs annuités ou obligations entières, le receveur fera mention de la somme dont on aura bonifié l'acquéreur pour l'escompte.
40 Lorsque le compte d'un acquéreur sera totalement soldé, le receveur croisera
Croiser lés articles son article d'une ligne en travers, afin de n'y plus revenir lors des recherches soldés. qu'il aura à faire pour connaître ce qu'il a à recevoir dans chaque mois.
1.
Valeurs admissibles en payements de domaines nationaux.
2. Distinctions à établir dans les reconnaissances de liquidation.
3. Examiner si les reconnaissances provisoires sont à charge d'opposition.
4.
Dans re cas, l'acquéreur doit payer la totalité de son acquisition.
5. Dans le cas contraire, elles seront admises pour partie de l'acquisition et partie de leur valeur.
6. An noter l'emploi de chaque somme au dos de la reconnaissance.
7. Les reconnaissances en original resteront entre les mains des propriétaires.
8. Copies certifiées par eux, et collation-nées par les receveurs représenteront le montant numérique du payement.
9. Reconnaissances définitives.
10. Ne sont pas toutes admissibles.
11 .Désignation de ces dernières.
12.
Désignation de celles admissibles.
13.
Les receveurs ne rendront aucun appoint.
14.Reconnaissance de liquidation pour fonds d'avances et cautionnements, inadmissibles.
Des valeurs admissibles en payement de domaines nationaux, et de la manière de les désigner dans le journal.
Les receveurs ne doivent admettre en payement de domaines nationaux que les valeurs ci-après; argent : assignats, reconnaissances de liquidation, ainsi qu'elles vont être désignées, et duplicata des récépissés du trésorier de la caisse de l'extraordinaire.
11 est plusieurs points à distinguer dans l'admission des reconnaissances de liquidation.
Toutes les fois qu'on présente aux receveurs de district une reconnaissance provisoire de liquidation, il doit examiner si elle est délivrée à charge d'opposition ou non.
L'acquéreur qui présente une reconnaissance à charge d'opposition, est tenu de payer la totalité de son acquisition, conformément à l'article 10 au décret du 30 décembre 1790. Le receveur ne pourrait admettre une pareille reconnaissance pour acompte, sans s'exposer au danger du recours que pourraient exercer contré lui les opposants.
Les reconnaissances provisoires de liquidation qui constatent qu'il n'a point été formé d'opposition, peuvent être reçues pour la somme désignée dans la reconnaissance, soit que ladite somme forme la totalité ou partie de la moitié de la finance primitive, conformément à l'article 2 du décret du 20 janvier 1791 ; elles peuvent même être divisées et servir au payement de plusieurs acquisitions dans le même district ou dans plusieurs, et cette division doit être constatée par les annotations que chaque receveur doit mettre au dos de la reconnaissance. Les receveurs ne doivent point oublier que les reconnaissances provisoires devant être rapportées par les titulaires lors de leur liquidation définitive, on ne doit point retirer de leurs mains la reconnaissance en original, mais seulement une copie collationnée par les receveurs et certifiée par les propriétaires, conformément à l'article 5 du décret du 30 décembre 1790. C'est cette copie qui forme la valeur numérique du receveur, et qu'il doit envoyer au trésorier de la caisse de l'extraordinaire avec ses autres valeurs en papier.
Les reconnaissances définitives de liquidation, quoique timbrées admissibles en payement de domaines nationaux, ne doivent cependant pas toutes être reçues par les receveurs de district.
Telles sont celles qui donneraient lieu à un décompte d'intérêts dont la somme ne serait point déterminée dans la reconnaissance, et qui, par cette raison, ne peuvent être présentées qu'à la caisse de l'extraordinaire à Paris, sous la surveillance de 1 administrateur de ladite caisse, qui fait liquider les intérêts, s'il y a lieu, ou indique aux acquéreurs la marche à suivre pour les toucher. 11 n'en est pas de même des reconnaissances définitives qui ne donnent lieu à aucun intérêt, telles que celles délivrées pour décompte de pensions ou de traitements arriérés, etc., ainsi que celles dont les intérêts sont calculés et compris dans lesdites reconnaissances. Les unes et les autres peuvent être admises en payement de domaines nationaux; mais le receveur aura attention de se conformer pour ces dernières aux formalités prescrites par les articles 4, 5 et 6 du décret au 16 juillet, relativement aux oppositions dont elles pourraient être grevées.
En aucun cas les receveurs de district ne peuvent rendre d'appoints sur le montant d'une reconnaissance de liquidation, ni en liquider les intérêts.
Les receveurs de district ne recevront aucune des reconnaissances de liquidations délivrées pour fonds d'avance et cautionnement des ci-devant fermiers généraux et leurs préposés, des régisseurs généraux et leurs préposés, des administrateurs des domaines et leurs préposés, des régisseurs des poudres
et administrateurs de la loterie. Toutes ces reconnaissances doivent être pré- . 45. Les receveurs ré-sentées à la caisse de l'extraordinaire à Paris. Les receveurs de district ne jetteront tous titres de peuvent, sous aucun prétexte, recevoir en payements de domaines nationaux dimes mfeoctees-ni titres, ni preuves de propriété de dîmes inféodées, non plus que de toutes i6.Et de toutes autres autres créances sur l'Etat. Ils ne doivent se permettre aucune espèce de com- creances sur lEtat. pensation entre la dette de la nation vis-à-vis un acquéreur, et la dette de cet 11 Le» reconnais-acquéreur à l'égard de la nation. Enfin, ils doivent se borner à recevoir les JJJJJJ** ^JfjgJJJ seules reconnaissances de liquidation signées par M. Dufresne-Saint-Léon, £ues dans les cas prré_ selon et ainsi qu'il a été prévu ci-dessus, et les départements ne doivent ordon- vus. ner aucune autre opération de la part des receveurs de district. ; 18. Toute autre me-
Les acquéreurs de domaines nationaux qui désirent se libérer à la caisse de sure proscrite; l'extraordinaire à Paris, en ont la faculté ; mais ils doivent faire passer le 19. Les acquéreurs duplicata du récépissé du trésorier au receveur du district dans l'arrondisse- pourront payer à la ment duquel les biens acquis sont situés. ®*VLse de 1 extraordl-
Lorsa u un receveur de district reçoit un duplicata de récépissé du trésorier, ^o Duplicata des ré-il doit le prendre pour comptant, et donner en retour sa quittance détaillée. cépissés du trésorier
Pour detailler cette quittance, le receveur examinera d'abord quelle portion seront envoyés aux re-de la somme payée doit être appliquée aux 12, 20 ou 30 0/0 dus par l'acqué- ceveurs. reur; si c'est un premier payement, quelle autre portion concerne les intérêts 21. Les receveurs en de la somme restant depuis le jour de l'adjudication jusqu'à celui où l'on fourniront quittance paye ; quelle portion encore doit être imputée sur les intérêts de la somme à payer pour les 12, 20 ou 30 0/0, en supposant qu'on ne les ait pas payés à auittancès °es l'expiration de la quinzaine, et enfin ce qui reste à appliquer sur le capital 4 23. Y désigner tant qui doit se payer par douzième. Ces différentes applications étant faites, les les portions de capital receveurs de district détailleront leur quittance conformément à ces données. que celles d'intérêts.
Au surplus, on aura soin, dans le cours de cette instruction, de donner des 24.
exemples de ces différentes applications de sommes payées par les acquéreurs, On en donnera des et delà manière de procédera leur décompte, et les receveurs y auront recours exemples, au besoin.
Toutes les quittances délivrées par les receveurs de district pour le prix des 25.
acquisitions ae domaines nationaux, doivent être sur papier timbré, et sont ces quittances se-assujetties à un droit fixe d'enregistrement de 15 sols, selon l'avant-dernier ront soumises aux paragraphe de la 8e section de la 3e classe du tarif annexé au décret du droits de timbre et 15 décembre 1790, le tout à charge de celui au profit duquel la quittance sera d'enregistrement, délivrée.
Après avoir parlé des valeurs admissibles en payement de domaines natio- 26- ,ourna{ du rece-naux, il est essentiel de désigner de quelle manière elles doivent être détaillées J a a
sur le journal. SE
On a déjà recommandé aux receveurs de distinguer le numéraire des ' 27. assignats; il doit encore avoir attention de désigner dans les reconnaissances Manière de les dé-de liquidation qu'il reçoit en payement, le titre que porte la reconnaissance, tailler, la date de sa délivrance par M. Dufresne-Saint-Léon, enfin tous les détails qui peuvent donner des renseignemeuts sur cette reconnaissance, sans qu'il soit besoin d'en avoir la copie sous les yeux.
Quant aux duplicata de récépissés du trésorier, présentés aux receveurs de district, en payement de domaines nationaux, ils doivent être désignés dans le journal, non seulement comme ils sont délivrés en masse par M. Le Couteulx, mais encore selon l'application des sommes partielles à chaque nature de dettes acquittées, ainsi qu'on a dit précédemment, pour faire connaître la portion de la somme totale qui concerne soit les 12, 20 ou 30 0/0, soit les intérêts en cas qu'on en ait retardé le payement au delà de 15 jours; ou bien, s'il s'agit de tout autre payement que du premier, désigner la portion d'intérêt acquittée par le payement dont il s'agit, de la somme restant due lors du payement précédent, et de celle qui vient frapper sur le capital.
Ces détails doivent se trouver dans l'intérieur du libellé de cet article, et la somme totale du récépissé doit être portée dans la colonne de recette.
On aura soin aussi de désigner le numéro donné par le trésorier à chaque récépissé, afin de faciliter les recherches lorsqu'il est question de vérification.
Le montant des reconnaissances de liquidation, soit qu'elles aient été données pour la totalité de la somme qu'elles représentent, ou pour portion seulement de cette somme, doit être détaillé d'après les mêmes principes qui viennent d'être développés, à l'effet d'en attribuer chaque portion à ce que l'acquéreur doit en intérêts et en capital, suivant
Des annuités et obligations, et du mode de payement des domaines nationaux, résultant du décret du 28 septembre 1891.
Les annuités avaient été prescrites par le décret du 14 mai 1790. Elles devaient . . . . .
être faites doubles, les originaux envoyés à la caisse de l'extraordinaire, et les vaignt êlre faites doul
duplicata rester entre les mains des receveurs de district. hles.
La difficulté cpi'éprouvaient et les acquéreurs et les receveurs de district, 2 Difficulté de con-
pour parvenir à connaître l'identité du calcul qui fixait à 11 1. 5 s. 7 d.? une naître l'identité de leur
annuité de 100 livres celles résultant des opérations à faire lors des anticipa- calcul,
tions de payement delà part des acquéreurs, pour leur faire raison de la 3. Difficulté d'établir
28. Idem.
29. Idem.
30. Idem.
31. Idem.
l'escompte lors des an- portion d'intérêts qu'ils ne devaient point, en s'acquittant avant l'échéance
ticipations. ae leurs annuités; enfin le grand nombre d'acquéreurs qui montraient de la
4. Ces motifs ont fait répugnance à souscrire des annuités dont ils ne comprenaient pas bien les formations 6 calculs : tous ces motifs engagèrent l'Assemblée nationale à adopter le mode
oniigau ns. des obligations, comme plus simple et plus à portée de tous les acquéreurs.
5. Les acquéreurs ont Le décret du 24 février 1791 laissait en conséquence aux acquéreurs le eu le choix des unes et choix des annuités ou des obligations, la faculté de retirer les unes en échange des autres. des autres, et de donner tel acompte qu'ils désireraient sur l'une ou l'autre de
ces obligations ou annuités. Mais en changeant de mode on n'avait remédié 6. qu'à une partie du mal : la surcharge énorme de travail qui résultait pour les
Inconvénients de ces directoires de district de la formation de ces annuités ou obligations, les mesures. avances considérables à faire pour les frais tant d'impression, que de timbre ;
la difficulté; d'amener, en, temps opportun, les acquéreurs à souscrire les obli-\ gâtions ; les calculs qu'il fallait faire pour sortir ae chaque obligation, lors de
Besoin de les simpli- payements anticipés, la- portion d'intérêts jointe au capital : toutes ces consi-fier. Indication d'une aérations ont frappé tellement le comité d aliénation, lors de la revision des nouvelle mesure. différents décrets rendus sur cette partie, qu'il a proposé dé réduire le mode de payement des domaines nationaux au cours le plus habituel des affaires. En - 8, effet, lorsqu'un particulier vend son héritage, rien de plus fréquent que de le
Objet de comparai- voir toucher une portion comptant, ou dans le plus bref délai, et convenir son. ensuite avec son acquéreur, d'un ou de plusieurs termes pour le payement du
surplus.
p Le procès-verbal d'adjudication n'est-il pas le contrat qui renferme, tout à
Idem la fois, les conditions indispensables pour sa validité, la tradition, l'accepta-
tion,, et l'obligation à défaut de libération?
10. Décret du 23 sep- En partant de ce principe, l'Assemblée nationale a décrété, le 28 septembre tembre 1791. Suppres- dernier, la suppression des annuités et obligations pour l'avenir, et la faculté sion des annuités et à des acquéreurs qui en ont souscritj de les retirer; Inais pour rendre le mode obligations. d'exécution plus facile, on va tracer sucessivement la marche à suivre dans
l'exécution.
Adjudications faites après, la promulgation du décret du 28 septembre 1791.
n Acquisitions nos- L'article 1er de la section seconde du titre Ior porte que les acquéreurs ne
térieures a ce décret, souscriront ni annuités ni obligations.
12. Les acquéreurs né L'article 2 enjoint aux directoires de district d'énoncer au procès-verbal de souscriront ni annuités vente, la portion du prix de l'acquisition à payer comptant, et pour le surplus ni obligations. la quantité d'années accordées a'l'acquéreur pour sé libérer : il ordonne de
13. Mesures à y subs- plus de faire mention sur le procès-verDal d'adjudication, si le bien était précé-tltuer- demment aliéné à une municipalité, à l'effet par les receveurs d'en faire note
également dans leurs écritures, lors des payements qui leur seront faits par les acquéreurs.
Rien de si simple que l'exécution de ces dispositions.
14. Le directoire du district, procédant à la vente, stipule dans le procès-verbal Ce que fera le direc- d'adjudication, quelle portion doit être payée comptant, et le temps açpordé,
toire de district. par les décrets, à l'acquiéreur pour se libérer ; il rait connaître au receveur, par un extrait du procès-verbal d'adjudication, lé nom de l'acquéreur, la date de l'adjudication, le bien acquis, la municipalité où il est situé, l'établissement aont il dépendait, s'il a été vendu par suite d'aliénation à une municipalité, le nom de cette ttiunicipalité, la classe, dont est le bien, le montant de 1 estimation, celui de la vente, la ventilation faite de chaque objet, dans le cas où des biens de différentes classes auraient composé la, vente, la portion à payer comptant, et le temps accordé pour le surplus par les décrets.
Le receveur enregistré ces extraits sur le sommier, à la partie gauche de la page, et attend la quinzaine pour réclamer le premier payement. Ce temps
15. écoulé, les. acquéreurs sont suiets à la folle enchère, dans les termes et avec Ce que fera le rece- ]es distinctions prescrites par 1 article 6 du décret du 3 novembre 1790, et les
veur . directoires de districts sé conformeront à l'article 13 du décret du 15 mars 1791.
Cette méthode établie, le receveur doit en user de même pour tous les payements subséquents, et son sommier bien tenu lui en fournit les moyens faciles.
Acquéreurs qui ont souscrit des annuités ou obligations, et qui désirent les retirer.
Ces acquéreurs n'ont d'autre formalité à remplir que de faire la demande de leurs annuités ou obligations au directoire du district, et de rapporter l'expédition de leur procès^verbal d'adjudication, pour y être fait mention, si fait n'a été lors de 1 adjudication, de la portion à payer comptant, du temps accordé par les décrets pour payer le surplus, et de la remise à opérer par le receveur du district, des annuités ou obligations précédemment souscrites (1).
Le receveur, lors de la représentation qui lui sera faite par l'acquéreur de la note mise sur son procès-verbal d'adjudication, laquelle contiendra l'ordre de
16.
Formalités à remplir pour retirer les annuités ou obligations.
17. Pôrmalités à remplir par les receveurs
remettre les annuités ou obligations, opérera cette remise à l'instant, et en p?«r la remise de ces retirera de l'acquéreur un simple récépissé. pièces.
Il enregistrera cette remise pour mémoire sur son journal, ainsi qu'il y avait .. » d e de enregistré les annuités ou obligations, et lors du dépouillement de son îournal jeur ™Çion sur son sommier, il fera note de cette remise dans la partie gauche de la page 8 au-dessous des annuités ou obligations qu'il a dû y porter.
Les choses remises dans l'état primitif, c'est-à-dire, l'acquéreur étant dans le 19.
cas de ceux qui n'ont souscrit ni annuités ni obligations, il se présentera une Opération relative autre opération à faire lorsqu'il aura donné des acomptes sur ses 'annuités ou aux acomptes, obligations, depuis le moment où il les a souscrites, jusqu'à celui où il les retirera.
Alors le receveur procédera à un arrêté de compte avec l'acquéreur ainsi qu'il suit :
On suppose qu'un acquéreur, après son payement des 12, 20 ou 30 0/0, est resté débiteur ae 12,000livres, dont il a formé des annuités ou des obligations, que son acquisition est du 1er février, et que depuis cette époque il a payé à compte sur ses annuités ou obligations, savoir :
Le 1er juin..............................................— 600 liv. 20.
Le 1er septembre............................................. 1,500 Exemple.
Le 1" novembre............................................. 1,200
Le receveur opérera ainsi :
Intérêt de 12,000 livres du 1er février, jour de l'adjudication, jusqu'au 1er juin que s'opère un payement, ci, intérêt............ 200 liv.
à imputer sur le capital...... 400
Total du premier payement. 600 liv.
Sur le capital primitif de....................................................12,000 1. » s. » d.
il en paye le 1er ]uin................................................................400 » » »
Reste........................................................................................11,600 I. » s. >»
Intérêt de 11,600 livres du lor juin au 1er septembre— 145 liv.
à imputer sur le capital..... 1,355 1,355 •> »
Total du second payement. 1,500 liv.
Reste............................................ 10,245 1. » s. » d.
Intérêt de 10,245 livres du 1er septembre au 1" novembre..................... 85 1. 7 s. 6 d.
à imputer sur le capital..... 1,114 12 6 1,114 12 6
Total du troisième paye- ' ment....................... 1,200 1. » s. »> d.
L'acquéreur reste devoir au . __
1er novembre..............................9,130 1. 7 s. 6. d.
C'est ainsi que devra être réglé le compte de tous les acquéreurs, qui, n'ayant souscrit ni obligations ni annuités, auraient cependant fait des payements à compte depuis le jour de l'adjudication.
On a supposé dans l'exemple précédent que l'acquéreur avait payé ses 12, 20 ou 30 0/0 a l'expiration exacte de la quinzaine ; s'il n'en était pas ainsi, il faudrait répéter l'intérêt depuis le seizième jour inclusivement jusqu'à celui où l'acquéreur aurait payé. Au surplus, on trouvera toutes les différentes manières d'opérer suivant les différents cas aans le chapitre intitulé Observations générales.
21. Applicable à ceux qui n'ont souscrit ni annuités ni obligations.
22. Observations pour ceux qui n'ont point fait le premier payement dans le délai prescrit.
Acquéreurs qui sont dans Vintention de conserver les annuités ou obligations qu'ilsont souscrites.
L'article 9 de la section IIe du titre Ier du décret du 28 septembre restreint les acquéreurs qui voudront conserver les annuités ou obligations qu'ils ont souscrites, à n'affecter les payements qu'ils feront par anticipation qu'à une ou plusieurs annuités ou obligations entières, sans fraction de sommes ni d'années, et sans pouvoir intervertir l'ordre successif des annuités, conformément à l'instruction du 31 mai 1790, et nonobstant la disposition du décret du 24 février 1791.
On voit que ces débiteurs n'ont pas, comme les autres, la faculté de donner lr0 Série. T. XXXVI.
23.
Nouvel ordre à suivre pour le payement des annuités ou obligations.
24. Elles seront payées un acompte sur ce qu'ils doivent chaque année, il faut qu'ils paient l'annuité en totalité. ou l'obligation ëntiere : on voit encore qu'ils ne peuvent payer à l'avance les
25 Et de suite cinquième, sixième ou neuvième années, s'ils n'ont pas acquitté toutes les précédentes, ainsi que les acquéreurs des deux autres classes ci-devant désignées en ont le droit.
26. Motif de cette dé- Cette différente manière de traiter les acquéreurs provient de la difficulté rogation au décret du résultant du mode des annuités ou obligations, pour en sortir, lors des 24 février 1791. payements anticipés, les intérêts fondus avec lé capital. Comme il est libre à
chaque acquéreur de retirer ces sortes d'engagements, l'Assemblée nationale a été juste envers tous, en donnant plus d'avantage aux acquéreurs qui, lors de leurs payements, n'occasionnent qu'une opération simple, qu'à ceux qui, libres d'adopter le mode le plus ordinaire, veulent cependant en conserver un plus compliqué, lequel exige de la part des agents de la nation plus de travail, et offre plus d'occasions de faire des erreurs. C'est assez en dire pour prouver que l'Assemblée nationale n'a continué le mode des annuités ou obligations que par un principe de justiçe, en tant que cela conviendrait mieux aux acquéreurs dont telle était la condition lors de l'adjudication qui leur a été faite.
27. L'escompte dû C'est pour éviter les erreurs que pourraient commettre les recevèurs de dis-pour anticipation sera tricts non versés dans le calcul de ces annuités ou obligations, que l'article 10 arrêté par l'adminis- de la section IIe du titre Ier du décret du 28 septembre a prescrit que l'es-trateur de la caisse de compte qui pourrait avoir lieu au profit des acquéreurs qui anticiperaient le i extraordinaire. pavement de leurs annuités ou obligations, ne pourrait être arrêté que par
28. Le receveur don- l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire ; qu'en attendant l'accomplis-nera des récépissés pro- sement des formalités prescrites par ce même article, les receveurs seraient visoires d acomptes. tenus de fournir aux acîquéreurs un récipissé provisoire d'acompte.
29. Même mode à L'Assemblée ne s'est pas contentée de prescrire seulément la marche à suivre suivre pour les frac- p0Ur [es payements anticipés qui se feront à l'avenir par les acquéreurs qui d'obligations tfavé'es auront conservé leurs annuités ou obligations; elle a encore tracé celle qui avant le décret du aurait lieu pour les payements faits comme acompte par ces mêmes acquéreurs 28 septembre 1791. depuis l'époque de leur adjudication jusqu'à celle du décret.
En effet, l'article 11 porte, à l'égard des acquéreurs qui, ayant déjà souscrit des annuités ou obligations, les laisseront subsister : « L'imputation dés acomptes « ou avances par eux payés en sus des 12, 20 ou 30 0/0 sera réglée définitive-« ment par lé commissaire de l'extraordinaire. »
Or, si un acquéreur, qui veut continuer ses annuités ou obligations, a eu la volonté d'imputer ce qu'il a payé en sus des 12, 20 ou 30 0/0 sur une partie ou sur la totalité d'une ou de plusieurs de ses annuités ou obligations a échoir, les receveurs en donneront connaissance à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, dans la forme du bordereau prescrit par l'article 10 du même décret, et ce décompte leur sera renvoyé, après avoir été fait à l'administration dé la caisse dé l'extraordinaire.
Au surplus, il est à présumer que très peu d'acquéreurs persisteront à conserver leurs annuités ou obligations, si les receveurs de district, intéressés eux-mêmes à simplifier leurs opérations, veulent prendre soin de démontrer aux acquéreurs les avantages résultant du nouveau mode prescrit par le décret du 28 septembre 1791, pour le payement des domaines nationaux.
L'article 11 contient encore une disposition sur laquelle il est nécessaire de fixer l'attention des receveurs.
30. Rordereau à four- Elle porte qu'il sera envoyé par les receveurs un bordereau des payements nir des acomptes impu- faits par ceux des acquéreurs qui, en retirant leurs annuités ou ohligatioiis, tés sur telles ou telles voudront imputer les acomptes ou avances sur les payements qui restent à années. faire.
Cette formalité n'est prévue que pour le cas où un acquéreur aurait stipulé, en payant ces acomptes ou avances, qu'il entend les imputer sur la seconde, la troisième, la huitième, la neuvième ou toute autre année, pour n'avoir rien à payer à l'époque de ces mêmes années; car, dans le cas où les payements iraient de suite, les particuliers qui les ont faits rentrent dans la classe des acquéreurs qui, ayant souscrit des obligations ou annuités, désirent les retirer. Le décompte doit alors s'en faire par le receveur, ainsi que le prescrit l'exemple donné.
Des obligations des municipalités.
i. Obligations que leâ Le décret du 14 mai 1790 portait que les municipalités aliénataires seraient municipalités doivent tenues de déposer dans la caisse de 1 extraordinaire, immédiatement après leur déposer à la caisse de acquisition, 15 obligations payables d'année en année, et montant ensemble l'extraordinaire. aux trois quarts du prix des aliénations qui leur auraient été faites. Ces obli-
2 Portant intérêt à ëati°ns devaient porter intérêt à 5 0/0 sans retenue, et cet intérêt devait être 8 o/o. versé à caisse de l'extraordinaire. Les payements faits par les acquéreurs
sur reventes, devaient opérer décharge d'autant sur ces mêmes obligations.
3. Compensation de Les fermages des biens aliénés aux municipalités, les rentes, loyers, etc., cet intérêt par le pro- devaient être versés dans la caisse de l'extraordinaire à concurrence des inté-duit de? revenus. fêts par elle dus.
Mais comme toutes ces dispositions ne pouvaient s'exécuter sans occasionner
4. Entraves dans une infinité d'entraves dans la marche générale de l'administration, et dans
celle des receveurs de district vis-à-vis des municipalités, l'Assemblée nationale, après avoir examiné les difficultés qui se rencontraient dans l'exécution des unes, et l'impossibilité de satisfaire aux autres, a cru devoir les anéantir toutes par son décret du 28 septembre dernier.
En eifet, l'article 1er de la section Ire de ce décret prescrit aux municipalités de ne plus souscrire d'obligations, et ordonne que celles souscrites leur seront rendues.
L'article 5 déclare qu'il n'y aura plus lieu au compte de clerc à maître prescrit par le décret du 14 mai 1790, entre la nation et les municipalités, pour la compensation des 5 0/0 qu'elles devaient sur le montant de leurs obligations, avec le produit des fermages, loyers, rentes perçus par les receveurs de district sur les biens aliénés aux municipalités, et auxquels elles n'auront plus droit.
Ce nouvel ordre de choses débarrasse les receveurs du travail immense auquel ils auraient été obligés de se livrer, pour imputer, sur le montant des obligations, les fermages et loyers provenant des biens aliénés, ainsi que les payements faits par les acquéreurs de ces biens.
L'Assemblée nationale a été convaincue que les dispositions de circonstance ordonnées par le décret du 14 mai 1790, relativement aux payements dont se trouvaient tenues les municipalités, étaient devenues sans ODjet, par l'empressement et la confiance des citoyens français, qui, en se rendant adjudicataires de domaines nationaux, avaient plus que remplacé la garantie à laquelle on avait assujetti les municipalités pour la rentrée à jour fixe des capitaux servant à éteindre les assignats.
En conséquence, l'Assemblée s'est bornée à laisser jouir les municipalités purement et simplement de leur seizième, sans les assujettir à aucun payement, quel que soit le résultat de la vente des biens à elles aliénés.
Elle les a seulement astreintes à venir régler leurs comptes avec les directoires de district au 1er janvier prochain, et ensuite tous les trois mois; ce n'est pas un compte numérique, mais seulement un inventaire des biens aliénés aux municipalités, par lequel les directoires de district constateront l'identité des biens, ceux qui ont été vendus, et ceux qui restent à vendre.
Dans le premier état de situation à former au lor janvier 1792, conformément à l'article 2 du titre Ier, section lre du décret du 28 septembre, on énoncera tous les biens compris dans le décret d'aliénation, tels et ainsi qu'ils y sont portés, la somme pour laquelle chaque bien a été aliéné, et, dans une troisième colonne, le jour de la vente qui en a été faite.
Pour la formation de l'état qui devra être fourni trois mois après, il suffira de rappeler tous les biens qui n'étaient pas indiqués dans le premier état comme vendus au 1er janvier 1792, et d'y annoter l'époque des ventes faites pendant les trois mois. On continuera de procéder ainsi jusqu'à ce que tous les biens aliénés à chaque municipalité soient vendus.
C'est aux départements à surveiller avec attention la formation exacte de cet inventaire entre les municipalités aliénataires et les directoires de district, d'abord au 1er janvier 1792, ensuite tous les trois mois. On ne peut trop recommander aux directoires de district de faire parvenir cet état à chaque époque désignée, pour être, par le directoire de département, adressé à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, conformément à l'article 3 du titre Ier, section Ire du décret du 28 septembre dernier.
C'est après ces formalités remplies, que les obligations souscrites par les municipalités leur seront rendues, en rapportant par elles aux receveurs un certificat du directoire du district, portant qu'elles ont satisfait à l'article 2 du titre Ier, section Ire du décret du 28 septembre 1791.
l'exécution de ces mesures.
5. Décret du 28 septembre 1791. Suppression des obligations.
6. Celles souscrites seront rendues aux municipalités.
7. La compensation de l'intérêt par le revenu, n'aura plus lieu.
8. Le travail des receveurs en sera plus facile.
9. Circonstances qui ont déterminé ce nouvel ordre de choses.
10 Les municipalités aliénataires ne seront tenues à aucun payement.
11. Comptes à régler par elles au lor janvier 1792.
12. Ferontinventaire des biens aliénés vendus ou à vendre.
13.Libellé de cet inventaire.
14.Mesures ultérieures. Etat à former de 3 mois en 3 mois.
15. Surveillance à exercer par les départements.
16. Envoi des inventaires à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire.
17. Remise des obligations aux municipalités.
Du renvoi aux receveurs de district, des annuités et obligations déposées à la caisse de Vextraordinaire.
L'Assemblée nationale, prévoyant que la plus grande partie des acquéreurs préféreraient le nouveau mode de payement des domaines nationaux, prescrit par son décret du 28 septembre, a celui des annuités ou obligations, a déterminé que, pour l'exécution de ce décret, le trésorier de l'extraordinaire serait autorisé à renvoyer aux receveurs des districts les annuités ou obligations qui lui ont été adressées.
En conséquence, les receveurs de district recevront, dans le courant du mois de janvier, toutes les annuités et obligations qu'ils ont précédemment adressées au trésorier de la caisse de l'extraordinaire.
Cet envoi sera accompagné de deux inventaires, dont l'un devra rester entre les mains du receveur, a 1 effet d'y noter à fur et à mesure la remise qu'il fera aux acquéreurs de leurs annuités ou obligations; et l'autre sera renvoyé par le . receveur au trésorier de la caisse de l'extraordinaire, après qu'il y aura ajouté son récépissé.
Les receveurs auront soin de remettre en même temps aux acquéreurs le duplicata de ces mêmes annuités ou obligations.
Dans le cas où quelques acquéreurs se décideraient à ne point retirer leurs
Renvoi aux receveurs du Districts, dans le courant de janvier, des annuités et obligations originales.
2. Objet de deux inventaires qui les accompagneront.
3. Elles seront remises aux acquéreurs avec les duplicata.
4. Annuiles et obli- gations conservees, a -envoyer au iresorier.
5.uorriger preala- lement les erreurs.
6. Les obligations dcs municipality se- ront egalement ren- voyees.
7.Objetdes iuventaires qui les accompagnc- ronfc.
annul 16s ou obligations, parce qu'ils prefereraient conserver cc mode do payement, les receveurs renverront au trcsorier de la caisse de l'extraordi- naire les annuites ou obligations conservees; mais comme, dans la quantite de celles qui ont ete primitivement envoyees, il s'en trouve un tres grand nombre dont les calculs sont irreguliers, les receveurs auront soin de rectifier ces erreurs en marge de chaque annuite ou obligation, auparavant d'en operer le renvoi fi la r.aisse do l'extranrrlinairfi.
Les obligations des municipaiites seront pareuiement renvoyees aux rece- veurs de district, a l'effet de les leur rendre aussitot qu'elles auront satisfait a l'article 2 du litre lor, section 1" du d^cret du 28 septembre 1791.
hlles seront acconipagnees de deux mventaires dontlun, desLine a resler entre les mains des receveurs pour y annoter les remises de ces obligations au fur et k mesure qu'elles auront lieu, et l'autre 6tre renvoye par les receveurs au tresorier de la caisse de l'extraordinaire, apres y avoir mis leur r6cepiss6.
Observations ginirales sur la manidre de gtrer des receveurs.
1.IntcrCts.
2. Sont dus, a comp- ter dn jour de ^adju- dication.
3. Quelques receveurs de district ont opcro differcuuuent.
4.Excmples.
Souvent, les receveurs onl demand compter de quelle epoque ou devaitfaire payer les interets, et cette question en a l'ait naitre beaucoup d'autres quien derivent.
En regie generale, 1'interSt se compte du jour meme d 1'adiudication, parce que c'est de ce jour que l'acqu reur a droit & la joiiisssance ties fruits, soil en totalite, soit par partage. Cependant, quelques rcccveurs ont ope re ditterem-ment.On ne peut trop leur recommander de ne jamais s'ecarter de cettergle.
On va poser ici differents 'exemples applicables aux acquereurs qui n'ontsouscril ui annuites ni obligations, ou qui ajuront retire celles existantes.
Premier exemple.
5.12 0/0 paycs dans la quiuzaine.
Un acquereur par proc6s-verbal du ler fevrier se presente le 15 pour payer les 12 0/0 de son adjudication; comme il a la quinzaine, il ne doit point d'in- teret de ce premier payement, parce qu'ii n'a fait eprouver aucun retard a la nation dans la jouissance de ses rentrees. A celte epoque du 15 fevrier, il est quitle pour le moment avec la nation; il a un an, it partir du jour de l'adjudi- cation, pour payer le douzieme de la somme restant due en capital, plus 1'in- teret a 5 0/0 de ce meme capital; et le jour de ce payement doit etre le pareil jour de chaque annee suivante, c'cst-a-dire dans le cas de eel exemplc-ci, le 1" tevrier.
Second exemple.
6. 12 0/0 payes aprcsla quinzaine.
Un acquereur par proces-verbal du 1" fevrier se presente, le 26 fevrier, pour payer les 12 0/0 : ildoit en outre l'interet de ces 12 0/0, depuis le 16 inclusi- venient, jusqu'au 26 fevrier exclusivement, intervalle pendant lequel ila frustrc la nation de sa jouissanee; et il doit payer un an apr&s, e'est-a-dire, le lor fe- vrier, le douzieme du capital restant, pfus l'interet de ce nieme capital, comme dans 1'exemple ci-dessus,
Troisime exemple.
7. Totalite dcTacqui-sition payco dans la quinzaine.
Un acquereur par procs-verbal du ler fevrier paye le 15, non les 12 0/0 deson adjudication, mais toute la somme de son acquisition.
11 faut d'abord chercher ce qu'il doit pour les 12 0/0, les soustraire de lasomme capitale, et prendre Tinteret du reslant de cette somme, pendant les14 premiers jours de fevrier.
Si l'acquereur, au lieu de venir payer le 15, venail le 7, on ferait pareilleoperation pour les 12 0/0, et on prendrait l'inter^t pour 6 jours sur le surplusdu capital.
Qua trie me exemple.
8.Acompte, exeedantles 12 0/0, paye hors laquiiuaiiie.
9.Ges cxemplcs suffi-ront aux receveurs.
Un acquereur par proc^s-verbal du ler fevrier paye, le 17, une somme plus forte que cello qu'il doit pour les 12 0/0. II doit : 1° les 12 0/0; 2° l'interSt d'u jour de retard; 3° et l'inter6t du capital restant, du ler fevrier au 16 inclusive-ment. La somme restante apres ces prelevements, sera imputee sur le capital.
En general, tout acquereur qui retarde son payement, sommation faite oulion faite, doit l'interet pour le temps du retard, ne fut-il que d'un jour (1).
On ne croit pas devoir donner un plus grand noinbre dexemples que ceux qui viennent d'etre proposes : ils suffisent pour tous les cas qui peuvent sepresenter, et les receveurs auront l'attention de les consulter, toutes les foisqu'ils eprouveront quelque embarras dans leur manure d'operer.
C'est aux receveurs qui n'ont pas opéré conformément à ces principes, à réclamer de chaque acquéreur, lors du premier payement qu'il fera, les intérêts dont il n'aurait pas tenu compte dans ses payements précédents.
Quant aux acquéreurs qui ont soldé le montant en capital de leur acquisition, dans le délai de 15, 20, 30 jours plus ou moins, sans avoir tenu compte des intérêts sur la somme restant due après le prélèvement des 12, 20, ou 30 0/0 sur laquelle seulement il est accordé 15 jours, c'est pareillement aux receveurs à faire rentrer ces sommes, en informant ces acquéreurs du solde qu'ils ont à fournir pour être totalement quittes envers la nation.
On les prévient qu'en définitive, ils seront forcés en recette de toutes les sommes de cette nature qu'ils auront négligé de faire rentrer.
Tout receveur doit donner quittance de ce qu'il reçoit, en quelque nature que s'opère le payement. On a vu ci-devant que la quittance doit être détaillée en capital et en intérêts.
Toute quittance délivrée aux acquéreurs est sujette au droit de timbre, suivant la quotité de la somme qu'elle porte, et à un droit d'enregistrement de 15 sous, quelle que soit la somme, ainsi qu'il est expliqué au tarif des exceptions, annexé au décret du droit d'enregistrement en date du 5 décembre 1790, le tout à la charge de l'acquéreur.
Chaque payement fait par les acquéreurs nécessite une quittance particulière, parce qu'il est défendu, par les décrets sur le timbre, de faire servir à plusieurs actes la même feuille de papier timbré.
C'est au receveur à se faire fournir le papier timbré par les parties intéressées, ou à le leur fournir en s'en faisant rembourser. Quant à la formalité de l'enregistrement, c'est aux particuliers, pourvus de leur quittance, à se présenter chez le préposé au droit d'enregistrement.
Quant aux acquéreurs qui, ayant souscrit des annuités ou obligations, croiront ne pas devoir les retirer, comme le décompte des anticipations qu'ils jugeront à propos d'effectuer sur lesdites annuités ou obligations doit être réglé par l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, les receveurs ne délivreront aux acquéreurs leurs récépissés provisoires d'acomptes que sur papier libre; mais lorsque ce décompte sera réglé, les quittances définitives seront soumises aux droits de timbre et d'enregistrement.
Les receveurs donneront également sur papier libre, une quittance séparée pour chaque nature de recette qu'ils feront des préposés de la régie ; ils ne recevront de ces préposés aucunes pièces de dépense : elles doivent leur rester entre les mains pour leur comptabilité, et ne concernent nullement les receveurs de district.
Numéraire.
Les articles 7 et 8 du titre II de la loi du 15 décembre 1790 ordonnaient aux receveurs de conserver le numéraire, pour n'en disposer que sur les rescrip-tions du trésorier de la caisse de l'extraordinaire.
Le commissaire du roi a adressé aux départements et aux receveurs de district, une instruction en date du 20 février 1791, par laquelle on indiquait la marche à suivre pour faire jouir le Trésor public au numéraire qui existerait dans les caisses de district.
Cette marche consistait, pour les receveurs, à envoyer tous les 15 jours à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, un bordereau du numéraire existant dans leur caisse, d'après lequel le trésorier de l'extraordinaire recevait l'ordre de délivrer ses rescriptions sur les receveurs, dont le montant payé en assignats par le Trésor public, était porté au crédit de leur compte à la caisse de l'extraordinaire.
Cette opération paraissait d'abor.d simple et non susceptible d'erreurs ; mais beaucoup de receveurs ayant porté dans le bordereau d une quinzaine tout le numéraire qu'ils avaient en caisse, en y comprenant celui qui se trouvait dans le bordereau précédent, il en est résulté des doubles emplois dans les rescriptions qui ont été tirées sur eux par la caisse de l'extraordinaire au profit au Trésor public.
D'autres, malgré l'envoi de leur bordereau, ont disposé, dans l'intervalle de temps qui s'est écoulé depuis l'expédition de la rescription jusqu'au jour où elle leur a été présentée, du numéraire porté audit bordereau pour faire des appoints des frais de culte et autres dépenses ; de sorte que, dans l'un et l'autre cas, les rescriptions sont revenues au Trésor public sans être acquittées par les receveurs, et la caisse de l'extraordinaire a été obligée de les rembourser au Trésor public qui en avait fait l'avance en assignats. Cette marche a occasionné une infinité d'écritures sur les comptes des receveur de district à la caisse de l'extraordinaire, et a souvent exposé le Trésor public à des lenteurs et des contrariétés dans son service.
La circulation des assignats étant devenue infiniment active et abondante, on s'est aperçu combien peu les receveurs de district touchaient de numéraire, et de quel secours il leur était pour faire les appoints des frais de culte. Le but de la loi du 15 décembre 1790 est de faire jouir le Trésor public du numéraire : il n'est question que d'adopter le mode le plus simple pour y4parvenir ; en con-
10. Ils réclameront, lors des prochains paye • ments, l'intérêt dû sur ceux déjà faits.
11.Ils réclameront également l'intérêt des acquisitions soldées.
12. Seront forcés en recette.
13. Quittances de receveurs doivent être détaillées.
14.Sujettes aux droits de timbre et d'enregistrement.
15. Une quittance particulière pour chaque payement.
16.Récépissés provisoires à délivrer aux acquéreurs qui conservent leurs annuités ou obligations.
17.Quittances sur papier libre à fournir aux préposés de la régie.
1. Numéraire n'était disponible que sur rescriptions.
2. Marche précédemment indiquée pour en faire jouir le Trésor.
3.En quoi elle consistait.
4 Doubles emplois qui en sont résultés.
5 Autres inconvénients.
6 Nécessité d'adopter de nouvelles mesures.
7 En quoi elles consistent.
séquence, pour obvier à toutes les difficultés et aux doubles emplois qu'entraînent les bordereaux que les receveurs étaient tenus d'adresser tous les 15 jours au commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, et faire jouir plus promptement le Trésor public du numéraire qui pourrait rentrer dans les caisses de district par l'effet des opérations relatives à 1a caisse de l'extraordinaire, à compter du 1er janvier 1792, les receveurs cesseront d'envoyer ce bordereau; et, lors du versement à la caisse de l'extraordinaire, ils prendront dans la caisse du Trésor public une somme en assignats égale a celle du numéraire qu'aura produit dans le mois leur recette pour le compte de la caisse de l'extraordinaire ; de sorte qu'ils verseront à cette caisse la totalité de leur recette en assignats. De cette manière, il ne sera plus tiré de res-criptions sur eux par le tresorier de l'extraordinaire; mais ils seront tenus de donner connaissance à la trésorerie nationale du numéraire qu'ils auront à sa disposition par l'effet de cette opération. Ils continueront néanmoins de désigner dans le libellé de chaque article de leur journal, la portion reçue en argent et celle reçue en assignats, ainsi qu'ils l'ont fait jusqu'à présent, et qu il est ordonné par la loi du 15 décembre 1790.
Annulement des assignats.
1. Tous les assignats reçus pour le compte de la caisse de l'extraordinaire, doivent être annulés.
2 Précautions prises pour leur annulle-ment.
3.Estampille,
4. Nom du district, à ajouter au mot annulé.
5.Envoi d'une nouvelle estampille.
L'article 10 du titre II de la loi. du 15 décembre 1790 ordonne que les assignats versés dans les caisses de district en payement des divers objets mentionnés à l'article 1er du même titre, seront annulés par les receveurs, à l'instant même des payements, et en présence de ceux qui les feront.
En conséquence, tous les assignats, billets de caisse, promesses d'assignats et coupons d'assignats entrant dans les caisses de district pour le compte de celle de l'extraordinaire, seront annulés.
Ainsi, tout cé qui sera reçu des acquéreurs pour le payement des domaines nationaux, les remises qui seront faites par les préposés de la régie du droit d'enregistrement, soit en revenu des domaines corporels et incorporels, et sur le rachat des droits corporels, doit être annulé.
L'article 11 du titre II de la loi du 15 décembre 1790 voulait que le mot annulé fût écrit en gros caractères sur le corps de l'assignat, et que le revers fût en outre biffé ; de manière cependant que les signatures et numéro demeurassent reconnaissables pour pouvoir être facilement déchargés sur les livres d'enregistrement.
Pour l'exécution de cet article, on avait fait passer une estampille en bois, portant le mot annulé en caractères assez grands pour couvrir une partie notable de l'assignat, mais assez maigre pour ne pas rendre l'assignat illisible.
Mais l'Assemblée nationale législative vient de décréter, qu'indépendamment du mot annulé à apposer par les receveurs sur les assignats qu'ils recevraient pour le compte de la caisse de l'extraordinaire, il serait ajoute le nom du district où il aurait été reçu.
En conséquence, il sera incessamment adressé aux receveurs, une nouvelle estampille portant le mot annulé et le nom de leur district; à compter du jour où cette estampille leur sera parvenue, ils cesseront de faire usage de la première.
Versements à la caisse de Vextraordinaire.
1.Ordre précédemment établi pour l'envoi des assignats annulés.
2. Recommandé à la surveillance des départements.
3.Erreurs commises.
Le décret du 27 janvier 1791, sanctionné le 4 février suivant; ordonne provisoirement et relativement à l'envoi à la caisse de l'extraordinaire parles receveurs de district des assignats annulés, que par les deux membres qui auront fait la vérification de la caisse des receveurs de district, en conformité de la loi du 24 novembre précédent, il sera, à la réquisition desdits receveurs et en présence du directeur de la poste aux lettres, dressé procès-verbal :
1° De la vérification des assignats, promesses d'assignats, billets de caisse et coupons d'assignats annulés en exécution de la loi du 15 décembre dernier, et dont l'envoi doit être fait à la caisse de l'extraordinaire, aux termes du même décret;
2° De la remise qui en sera faite aux directeurs de la poste, après que le tout aura été renfermé sous une enveloppe scellée du cachet du district; duquel procès-verbal il sera dressé deux doubles, dont l'un restera entre les mains des receveurs de district pour leur servir au besoin, et l'autre sera envoyé au commissaire du roi, au département de la caisse de l'extraordinaire.
L'exécution du décret a été particulièrement recommandée à la surveillance des départements, et il a été envoyé à chaque receveur un modèle de l'état et du procès-verbal.
Malgré le soin qu'il importait aux receveurs de mettre dans l'envoi de ces assignats et dans la rédaction de l'état qui précède le procès-verbal, il a été commis une infinité d'erreurs soit dans les numéros des assignats ou dans la lettre de leur série, soit dans les sommes et dans le nombre des assignats ; ce qui prouve le peu d'exactitude apporté dans la rédaction de l'état et dans sa vérification.
Il en eût été autrement, sans doute, si les directeurs de la poste devant les-
quels devait se faire cette vérification, eussent été responsables des sommes contenues dans les paquets; mais comme, jusqu'à présent, l'administration des postes n'a pu se charger de cette responsabilité, et qu'au contraire les administrateurs des messageries, en transigeant avec les commissaires de la trésorerie nationale, pour tous les envois de fonds que les receveurs de district auront à faire au Trésor public, viennent de se charger de la garantie de ces mêmes fonds, il est nécessaire pour la sûreté des receveurs de district, qu'ils suivent, à l'égard des remises qu'ils auront à faire, quoiqu'en assignats annulés à la caisse ae l'extraordinaire, la même marche qui leur a été tracée par MM. les commissaires de la trésorerie nationale, et sur laquelle l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire vient de s'entendre avec les administrateurs des messageries.
En conséquence, les receveurs de district remettront eux-mêmes ou feront remettre le montant de leurs fonds (1) au bureau de la messagerie, où la vérification en sera faite contradictoirement entre eux ou leurs préposés, et le directeur du bureau. Ils joindront lors de chaque remise à la messsagérie, un bordereau pareil à celui ci-annexé, pour ledit bordereau et le montant des fonds être renfermés dans une boîte ou paquet ficelé et scellé par les receveurs ou par leurs préposés, de plusieurs cachets à l'empreinte du district. Il sera du tout dressé un procès-verbal de chargement conforme au modèle ci-annexé ; il sera fait double, signé par le directeur de la messagerie : l'un restera entre les mains du receveur, et l'autre sera adressé, par la poste, à M. Le Gouteulx, trésorier de l'extraordinaire, à Paris. Les receveurs sentiront aisément le but du bordereau qu'il leur est enjoint de remettre dans la boîte ou paquet contenant le montant de leurs fonds, en faisant attention que toutes les valeùrs se trouvant confondues dans le seul et même paquet remis à la messagerie, il est nécessaire que, lors de leur arrivée chez le trésorier, celui-ci connaisse, ce qui doit en être appliqué à chaque nature de recette faite par le receveur pour le compte de la caisse de l'extraordinaire.
En effet, ce bordereau doit désigner quelle portion de la somme totale renfermée dans la boîte ou paquet remis à la messagerie, doit être imputée sur la contribution patriotique, quelle autre sur les revenus des domaines nationaux corporels et incorporels, et quelle autre somme sur le rachat des droits féodaux: enfin, quelle somme à imputer sur les capitaux provenant des ventes (2).
La formation et la jonction de ce bordereau sont tellement essentielles, que si les receveurs les omettaient, M. Le Couteulx serait hors d'état de leur fournir son récépissé, et que le paquet resterait en suspens jusqu'à ce que cette formalité d'ordre ait été remplie par les receveurs.
Par l'instruction provisoire sur la comptabilité, en date du 20 décembre 1790, il était prescrit aux receveurs de porter sur leur registre, au moment où ils • faisaient partir le paquet contenant leur remise à M. Le Gouteulx, le versement qu'ils faisaient à la caisse de l'extraordinaire, et d'en porter le montant dans la colonne de dépense ; mais les rectifications et les renvois de pièces qui ont souvent eu lieu ae la part de M. Le Gouteulx, ont dû nécessairement occasionner aux receveurs des écritures d'ordre ou de compensation pour se charger de nouveau en recette des pièces à eux renvoyées. Pour éviter la confusion qui pourrait naître d'une pareille opération, les receveurs, à compter de 1792, n'enregistreront plus leur remise le jour de l'envoi qu'il en feront à M. Le Gouteulx: mais seulement le jour qu'ils en recevront le récépissé, dont le montant seul sera porté dans la colonne de dépense. De cette manière, le renvoi des pièces, s'il avait lieu, n'occasionnerait aucune écriture d'ordre, puisque la colonne de recette du journal ne serait déchargée par celle de dépense que du montant réel admis à la caisse de l'extraordinaire, et présenterait, au résultat, la somme dont le receveur est comptable.
Les receveurs continueront d'envoyer chaque mois, par la poste au commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, la copie de leur journal et leur bordereau de recette sur la contribution patriotique.
On ne peut trop leur recommander l'exactitude dans cet envoi périodique. C'est le seul moyen qu'ait l'administrateur de connaître parfaitement la situa-
4. Les directeurs de postes n'étaient point responsables des envois.
5 Les messageries s'en chargent avec garantie.
6 Nouvelle marche prescrite.
7.Modèle du bordereau qui sera joint à l'envoi.
8. Modèle du procès-verbal à dresser.
9.Envoi au trésorier de l'extraordinaire.
10.Objet du bordereau.
11 Les recettes y seront désignées par nature.
Les recettes y seront désignées par nature.
12.Importance de ce bordereau.
13.Les receveurs devaient enregistrer les règlements au moment où ils les effectuaient.
14 Ils attendront le récépissé du trésorier. 15.
15 Avantages de cette précaution.
16. Journaux et bordereaux des contributions patriotiques.
17.Nécessité de les adres-
ser à la fin de chaque mois & l'administrateur.
18.Exactitude recommandée.
19.Résultats forcés des négligences.
20.Témoignages de satisfactions.
21. Conclusion.
tion de chaque receveur vis-â-vis de la caisse de l'extraordinaire, celle des acquéreurs envers la nation, et enfin celle de la nation elle-même relativement'à la rentrée des capitaux. De cette exactitude dépendent les résultats que l'administrateur doit présenter à l'Assemblée nationale et au roi. Les moindres retards ou négligences de la part des receveurs de district, dans les différents envois qui leur sont prescrits, nuiraient essentiellement à l'administration de la caisse de l'extraordinaire : les résultats en sont si intimement liés au salut de la chose publique, que l'administrateur ne pourrait s'empêcher de faire connaître à l'Assemblée nationale et au roi, ceux des receveurs qui arrêteraient ses opérations. L'administrateur de la caisse de l'extraordinaire est loin de penser qu'il ait, en aucune occasion, ce pénible devoir à remplir ; il se plaît au contraire à donner ici aux receveurs de district, les éloges qui méritent leur zèle et leur activité dans une partie d'administration aussi nouvelle et aussi vaste que celle dont ils ont eu à s'occuper en 1790 et 1791 ; mais il espère encore plus de leurs soins pour l'avenir, en mettant sous leurs yeux, dans cette instruction, l'ensemble dès opérations relatives à la recette qu'ils ont à faire pour le compte de la caisse de l'extraordinaire, et en continuant lui-même d'éclairer tous leurs doutes toutes les fois qu'ils en auront à lui proposer.
Indication de ce qui sera traité dans la seconde partie.
1. La seconde partie traitera des dépenses.
2. Elle parviendra aux receveurs dans le courant de janvier.
3. Enregistrement des fonds qui seront envoyés et de leur emploi.
La seconde partie de cette instruction traitera du payement de toutes les dépenses relatives aux domaines nationaux, tels que frais d'administration, de ventes, du payement du seizième aux municipalités, des remises des receveurs de district. L'administrateur de la caisse de l'extraordinaire y fait travailler sans relâche, et elle parviendra aux receveurs dans le courant du mois de janvier.
On prévient seulement les receveurs que tous les fonds qui pourraient leur être adressés par le trésorier de la caisse de l'extraordinaire pour le payement d'aucun de ces objets, doivent 'être enregistrés sur un registre sépare, et l'emploi de ces mêmes fonds doit pareillement être porté sur le même registre, et non sur celui qui leur a été envoyé pour commencer leur gestion ae 1792, uniquement destiné à porter les recettes qu'ils feront soit sur les revenus, soit sur les capitaux des domaines nationaux.
Addition à la présente instruction concernant les décimes et autres recettes dont le produit doit être versé à la caisse de Vextraordinaire.
1. Comptes exigés des receveurs des décimes.
2. Suite des recouvrements délégués aux receveurs de district.
3. Défaut d'uniformité dans les opérations des départements.
4. Ce que plusieurs ont fait.
5. Ce que tous devaient faire.
6.Moyens de se rectifier, indiqués aux premiers.
7. Etat à fournir par les districts aux départements.
8. Et par les départements, à l'administrateur.
9. Libellé de cet état.
10.Registres à tenir par les receveurs.
La loi du 14 septembre 1790 a ordonné aux ci-devant receveurs des décimes .de rendre leur compte pardevant les directoires de district, et de remettre à l'appui de ce compte, un état détaillé de tous les objets qui restaient à recouvrer à cette époque, pour en faire suivre le recouvrement parles receveurs de district. Presque tous ces comptes ont été rendus dans le courant de l'année 1791; mais il a été opéré de différentes manières pour la suite des recouvrements. Beaucoup de départements ont remis l'état des recouvrements restant à faire, entre les mains du receveur du district où la reddition du compte s'est opérée; d'autres ont fait faire autant d'extraits de cet état général, qu'il y avait de districts se partageant l'ancien arrondissement des receveurs de décimes, et les ont fait passer aux directoires des districts qu'ils concernaient. C'est cette dernière marche qu'il fallait adopter, pour que chaque directoire de district pût opérer et faire faire le recouvrement dans son arrondissement des parties restant dues par les anciens décimables qui y sont demeurés.
Les directoires de département qui ont reçu les comptes des receveurs des décimes, et qui n'ont point opéré comme il vient d'être dit, s'occuperont sans délai de cette mesure, et auront soin d'envoyer à tous les autres districts des extraits de l'état général à eux remis, pour leur indiquer les décimables en retard dans leur arrondissement respectif, et le recouvrement à faire par le receveur de district, des objets arriérés.
Chacun des directoires de district, chef-lieu de l'ancienne recette des décimes, fera passer au département l'état sommaire divisé par districts, de tous les extraits qu'ils auront tirés de l'état général, au moyen duquel les directoires de département composeront un état général, pareillement sommaire, de ce qui reste à recouvrer dans chaque district, et l'enverront à l'administrateur de 1 extraordinaire.
Cet état contiendra :
1° La désignation de l'ancienne recette des décimes;
2° Le nom des districts où le recouvrement doit être fait;
3° La somme à recouvrer par district, à l'époque où le receveur des décimes a rendu son compte.
Aussitôt que les états auront été remis aux receveurs de district, chacun dans leur arrondissement respectif, ils s'occuperont des moyens d'en faire le recouvrement; mais ils auront pour cette sorte de perception un registre séparé
qu'ils intituleront décimes} et sur lequel ils porteront toutes les sommes qu'ils recevront pour cette partie.
Beaucoup de r eceveurs ont, en 1791, porté cette recette sur le registre des domaines nationaux, et dans le dépouillement qu'ils ont fait pour former le Produits des décimes bordereau d'envoi au trésorier de la caisse de l'extraordinaire, ils ont compris mal a propos mêlés en les décimes sous le titre de recette extraordinaire : cette marche irrégulière 1791, avec ceux des do-ne peut plus avoir lieu. Les décimes ne peuvent plus être confondus avec le maines nationaux, produit des domaines nationaux, ni se comprendre sous le titre de recettes extraordinaires ; titre qui, à proprement parler, n'a pu concerner que la comptabilité générale du trésorier de la caisse de l'extraordinaire pour différentes recettes, dont il a été chargé par décrets de l'Assemblée nationale, autres que celles qui doivent lui parvenir par les receveurs de district.
En conséquence, les receveurs ne désigneront rien à l'avenir sous le titre de recettes extraordinaires, parce qu'ils n'en ont aucune à faire, qu'elles n'aient une dénomination précise, et dont il ne faille rendre un compte par chapitre distinct et séparé.
Il est des receveurs qui, indépendamment des recettes communes à chacun d'eux, ont eu et auront encore a recevoir le produit de la vente des étalons et du mobilier tenant aux haras. Ceux qui seraient dans ce cas doivent en tenir un registre séparé, et faire la distinction de ces produits dans le montant des sommes qu'ils auront à verser à la caisse de l'extraordinaire.
On ne peut trop inviter les receveurs à établir cet ordre dans leur comptabilité de 1792. L'administrateur de la caisse de l'extraordinaire en usera ainsi pour la gestion de 1791, d'après les copies de journaux des receveurs, et leur en donnera connaissance dans la suite pour les faciliter dans la reddition de leur compte définitif avec la caisse de l'extraordinaire.
Arrêté par nous, commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, à Paris, le 15 décembre 1791.
Signé ; Amelot.
11. Produits des deciuiesmal j't propos mel6s en 1791, ayee ceux des do- mainos nationaux.
12.Registre séparé à tenir pour les étalons.
13.Ordre à établir pour la comptabilité de 1792.
A l'Assemblée nationale, sur les finances, par E. Clavière.
Paris,
M. Condorcel avait mal entendu le discours prononcé à l'Assemblée nationale, le 13 de ce mois, par M. Delaunay : aussi le compte qu'il en a rencfu, en peu de mots, dans le n° 348 de la Chronique de Paris, était-il erroné. Le lendemain M. Gondorcet, rendant plus de justice à ce discours, dans le même papier, n° 349, a convenu qu'il pouvait v avoir ae la vérité dans la conjuration, dont 1 orateur a prouvé la grande probabilité contre les assignats. Voici quelques observations qui donnent du poids aux raisonnements de l'orateur sur cette conjuration.
Les assignats sont des mandats sur des valeurs existantes et reconnues, auxquelles la loi a donné la faculté de faire l'office de monnaie, en remplacement des espèces, que les circonstances critiques faisaient disparaître.
Sont-ils plus abondants que n'étaient les espèces ? Non. Il s'en faut jusqu'à présent de plusieurs centaines de millions.
Leur abondance peut-elle les déprécier ? Non, puisqu'on peut les placer à tout instant, soit en biens nationaux, soit en prêt pour acquitter des biens nationaux, ou sur toute autre hypothèque.
Leur valeur ne peut donc s'avilir que par le doute sur la solidité du mandat. Les ennemis de l'Etat cherchent seuls à répandre ce doute pour aider à leurs desseins.
Pourquoi donc les ennemis de l'Etat ne favoriseraient-ils pas un agiotage systématique sur les
changes et les espèces, dès que cet agiotage peut, par contre coup, déprécier les assignats ? De ce qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait des accapareurs pour faire hausser une denrée, s'ensuit-il qu'il n'y ait jamais d'accaparement ?
Certainement, si tous les hommes étaient instruits à fond dans les matières de finance, les ennemis de l'état perdraient leur temps et leur argent à faire baisser le change et hausser les espèces ; parce que chacun sentirait que, ni l'or, ni l'argent ne sont essentiellement nécessaires, comme monnaie, et s'inquiéterait peu d'une rareté, qui ne contrarie que le commerce étranger, dans la partie des importations en France ; importations dont nous pouvons apprendre à nous passer, dans beaucoup d'objets. Mais l'ennemi compte, et avec trop ae raison, sur l'ignorance et la peur; il sait qu on peut, à 1 aide de ces deux mauvais conseillers, causer beaucoup de mal à une nation, en faisant baisser son change et hausser ses espèces. U ne faut pas dépenser beaucoup d'argent pour tenir le change bas, quand on fait d'un côté acheter les lettres de change, et que de l'autre, on fait parier pour la baisse. Or, le bas change tient l'espèce haute.
Je ne sais ce qu'il en était de l'ancienne politique sur les finances; mais il est évident que celle de nos jours doit calculer l'état des finances de ses rivaux ou de ses ennemis.
Les finances sont devenues, disait le grand Frédéric, le pouls des Etats;elles influent plus qu'on ne le croit, ni qu'on ne le sait, dans les opérations politiques militaires (1).
Il est donc probable que nous avons dans la capitale des émissaires chargés de toutes les obscures manœuvres tendant à déprécier nos assignats? Si maintenant que tant de princes veulent se liguer contre notre liberté, nous avions le secret de porter dans leurs finances un tel trouble, qu'il ruinât leurs ressources et doublât, triplât leurs dépenses, sans augmenter les nôtres, serions-nous assez stupides pour ne pas user contre eux de ce secret ?
Il y a dans Paris, Londres et Amsterdam, des agioteurs très en état de conduire longtemps un système d'opérations destiné à bouleverser nos iaées sur le rapport que doit avoir notre monnaie territoriale avec nos productions indigènes que nous échangeons entre nous. Cela coûte moins, et fait plus de mal que des flottes ; qu'une guerre, dont les suites peuvent être terribles pour la nation même qui l'entreprend; tandis qu'on solde la campagne des agioteurs moyennant quelques millions.....Nous avons vu M. Ca-
lonne en dépenser beaucoup pour donner à nos finances l'apparence d'un crédit éclatant et trompeur; pourquoi des puissances ennemies, n'en dépenseraient-elles pas quelques-uns pour nous jeter dans de funestes erreurs sur notre monnaie territoriale, en nous la faisant prendre pour une illusion ?
Il y a des bornes à tout. Si l'assignat ne vaut rien, le change ne peut pas seulement exister; parce que contre rien, on ne donne rien. Si l'assignat a une valeur, le change ne peut* baisser fort au-dessous de cette valeur, que par une cause extraordinaire, et plus forte que l'intérêt de nos voisins. Cet intérêt s'oppose à toute baisse considérable; l'orateur l'a démontré.
Ils nous doivent plus que nous ne leur devons. Par conséquent, l'assignat est aussi bon chez eux, à notre égard, que l'or et l'argent, qu'ils seraient également dans le cas de nous rendre.
La coutume de ne commencer qu'avec Vor et l'argent n'a fait rien. C'est un préjugé. Les commerçants ont une première coutume, une coutume qui prévaut sur toutes les autres, celle de calculer ce qui convient le mieux à leur intérêt; et ils ne s'amusent point à rejeter des assignats, lorsqu'une simple règle d arithmétique leur prouve que l'assignat leur fait un meilleur compte que de l'or ou de l'argent. Tout gît, à cet égara, dans la balance ordinaire des comptes entre la France et les pays étrangers. Si elle est en sa faveur, il est impossible que la coutume de commencer avec l'or et l'argent, avilisse l'assignat en France, parce que, sous une forme ou sous une autre, il faut que l'assignat retourne en France.
Sans doute qu'il faut chercher ailleurs que dans les agioteurs la destruction de l'agiotage. L orateur pense de même, puisqu'il insiste sur tout ce qui peut, d'un côté, raffermir le crédit public, et de l'autre, éviter de fortifier les prétextes dont on se sert pour déprécier les assignats
.Il faut, dit M. Condorcet, recourir à de grandes opérations qui ramènent l'équilibre dans les finances, et la confiance dans les esprits. Je suis de son avis. Mais il est des mesures utiles aux finances, en attendant ces grandes opérations. On peut opposer un art propice aux ravages dévastateurs. Abandonne-t-on une digue aux vagues qui la brisent, parce que le calme est nécessaire pour la remettre dans son premier état?
Je ne doute point que si l'on veut profiter de l'effet au dehors, du dernier discours du roi, dans l'Assemblée nationale, on ne puisse contrebalancer, par des opérations, uniquement appropriées a cet effet, la défaveur du change et la hausse des espèces.
La suspension des payements de la dette exigible n'a point été proposée pour quelques jours; mais pour tout le temps nécessaire à la parfaite connaissance du montant de cette dette; de celui des domaines nationaux; de l'état des ventes faites ; de l'état des sommes à retirer des acquéreurs en vertu des termes qui leur ont été accordés.
Ce n'est qu'avec ces lumières, et en considérant le tableau hypothétique des dépenses ordinaires et extraordinaires, telles que la prudence conseille de les supposer pour 1792 et 1793 au moins, qu'on peut former un système de remboursement sage en politique ; sage en ordre économique; sage en administration ; sage en considération de justice et de loyauté; et sage surtout dans ce moment, où le bon génie de la France persuade enfin au pouvoir exécutif, qu'elle doit reprendre sa dignité entre les nations. Car ce n'est pas la conquête de la liberté qui dégrade, mais bien l'esclavage, mais bien cette prétention injurieuse à l'homme, qui tend à mettre l'homme au-dessus de lui (1).
On ne mettra point les finances dans cette position, absolument nécessaire au crédit des assignats, par une suspension de quelques jours, mais bien par une suspension suffisante, en pressant le travail qui doit l'abréger ; et lorsque la nation excepte de cette suspension les remboursements qu'exigent la justice et l'humanité, elle a fait tout ce qu'elle doit faire ; elle a été parfaitement loyale.
On m'a reproché de m'être sèrvi du mot de
suspension. Certes, je ne croyais pas, et je ne crois pas encore qu'une nation qui s'élève à toute la hauteur de la raison, dût craindre, sans examen, le mot vrai, le mot propre, qui, sous l'ancien régime, avait droit d'alarmer. On avait alors ses raisons pour craindre d'effaroucher l'opinion publique. Législateurs ! croyez que la franchise dans les procédés est aujourd'hui la plus saine politique.
J'ai rappelé dans un écrit (publié le 4 décembre) que la suspension momentanée des remboursements qui s'effectuent à la caisse de l'extraordinaire, était une mesure d'ordre; le premier pas nécessaire d'une bonne administration des finances ; le premier témoignage important à donner, d'une intention bien prononcée de placer le crédit de la nation sur la base la plus sûre, la règle unie à la clarté; et jusqu'à ce que ce préliminaire soit décrété, j'oserai dire qu'on égare l'Assemblée nationale et qu'on l'expose a des regrets dans sa marche actuelle sur les finances.
Je crois, au reste, que le discours prononcé par M. Delaunay, renferme des discussions utiles aux étrangers mêmes, qui, par leur crédulité, se font beaucoup de mal, et sont aussi la dupe de leurs banquiers et de leurs agioteurs.
Combien on est victime (disais-je en juin dernier dans un écrit sur la baisse du change, la hausse des espèces et sur les moyens d'y remédier; écrit que les circonstances d'alors rendaient hors de saison). Combien on est victime à Amsterdam, à Gênes, à Genève et en Suisse, de ce faux thermomètre ! On y souffrirait moins, si l'on calculait mieux ; si l'on prenait la peine de raisonner les terreurs auxquelles on se livre. Il faut s'aveugler volontairement, ou avoir bien peu de pénétration, pour ne pas sentir que rien n'est mieux assuré en France que le remoourse-ment des assignats ; car aucun des partis n'a intérêt à cette banqueroute. La mesure des assignats est devenue aussi sacrée pour le despote vainqueur, qu'elle l'est pour les patriotes qui en ont fait l'appui de la Révolution. — On conçoit comment les mécontents les décrient aujourd'hui; leur espérance est tout entière dans l'inquiétude qu'ils cherchent à répandre. Mais de ce décri à ne pas laisser subsister la mesure des assignats, s'ils devenaient les maîtres, il y a loin. Ils changeraient alors de politique ; et les biens retirés des mains de l'Eglise, leur seraient trop nécessaires pour rien changer aux dispositions de l'Assemblée nationale. Les sots peuvent seuls croire à la restitution de ces biens.
Ainsi, dans les villes accoutumées à la monnaie de France, il est étonnant que les esprits justes et réfléchis, n'aient pas cherché à donner aux assignats un cours monétaire, dont l'effet leur eût été moins désavantageux que tout ce qu'ils font pour faire changer les assignats qu'ils reçoivent en France pour leurs créances. Elles s'étonneront un jour ae leur bévue.
Ce jour sera celui où l'Assemblée nationale produira enfin le, compte des affaires de la nation, et il sera très utile à la France que les assignats circulent partout où l'on aura le bon sens de les admettre.
Quelle riche monnaie comparativement à celle dans laquelle nous concentrons notre confiance !
La monnaie d'or ou d'argent a deux propriétés. Elle fait l'office de mandat, et contient en elle-même une valeur réelle. Pendant qu'elle circule comme mandat, sa valeur intrinsèque est un fonds mort; il ne rend rien et coûte beaucoup à la richesse publique. En voici la preuve.
Supposez que l'Espagne vous prêtât l'or et l'argent nécessaires pour votre monnaie et qu'elle exigeât l'intérêt de ce prêt. Vous seriez obligés de lui payer un tribut annuel de 3,4 ou 500 millions par an, pour l'inutile valeur intrinsèque de votre numéraire; et il faudrait mettre un impôt sur la nation pour payer ce tribut.
Au lieu d'emprunter ces métaux, nous les avons achetés et payés avec nos productions et notre travail. Nous prêtons ces métaux à la chose publique, et chacun supporte, en moindre revenu, une portion plus ou moins grande du tribut annuel qu'il aurait fallu payer à l'Espagne. Ce moindre revenu peut être considéré comme les frais de la circulation.
Passons aux assignats ; ce que je veux en dire rendra plus sensible encore ces observations sur la monnaie métallique.
Une monnaie territoriale a également deux propriétés. Elle fait l'office de mandat, et contient en elle-même une valeur réelle, celle du morceau de terre que l'assignat représente.
Mais pendant que la monnaie territoriale circule, comme mandat, sa valeur intrinsèque produit ; elle n'est pas un fonds mort, comme l'or et l'argent.
Supposez qu'il y eût en France une quantité de terrain inculte, estimée comparativement au sol cultivé, deux milliards; qu'on fit pour deux milliards d'assignats-monnaie hypothéqués sur ce sol, et qu'on affermât ce terrain à de bons agriculteurs. L'assignat-monnaie circulerait, comme renfermant en lui-même une valeur réelle dont on ne se défierait point ; et cependant cette valeur réelle, mise en culture, rendrait : 1° une rente au Trésor public; 2° des salaires aux ouvriers; 3° un profit au fermier. Ainsi pendant que le mandat, animant la circulation, tiendrait en mouvement les travaux et l'industrie, la valeur intrinsèque de cette monnaie territoriale produirait seule, et sans se déplacer, une richesse toujours croissante, d'abord de deux cents millions, puis de 3, puis de 4, etc.
Peut-on en dire autant de la monnaie d'or et d'argent? Et connaît-on des mines qui puissent enrichir une nation, comme une monnaie de papier ayant pour base une propriété territoriale continuellement en rapport ?
Quelle est donc cette inquiétude qui nous fait désirer une vente précipitée, des domaines nationaux, et par suite la disparution des assignats? Les domaines se détérioreront... Vendez donc ceux
Sui sont sujets à s'anéantir de cette manière? ïais pourquoi craindre de ne pas vendre assez promptement les biens productifs? Si le Trésor public en tire peu, par le vice des régies publiques, qu'importe ? Le fermier en travaille-t-il moins sa terre, et la partie du produit que le Trésor ne touche pas, est-elle perdue pour la richesse générale ?
Je voudrais donc qu'on s'occupât de précautions pour qu'aucun domaine national ne pût être enlevé à vil prix, et j'ai offert sur ces précautions, de communiquer ce que j'ai pu acquérir de connaissances particulières ?
Je voudrais qu'après avoir pris des précautions sages pour ne vendre qu'à des acquereurs solides, afin de prévenir les folles enchères, et pour que les intérêts fussent payés régulièrement, on prolongeât le terme du payement d'une partie de la valeur des domaines.
Je voudrais enfin que, loin de se laisser entraîner à des idées mesquines sur les grands moyens de prospérité, on fit prévaloir Pesprit
de généralisation, on fût de meilleure foi dans la discussion des inconvénients et des avantages.
Législateurs, je vous en conjure, par votre propre intérêt, par votre gloire, par rintention pure qui vous anime, n'exposez pas, par imprudence, la bonne opinion que le peuple entretient sur les assignats. Fermez la caisse nationale aux remboursements impolitiques sous tous les rapports. Ils ne sont point liés avec les devoirs ae la loyauté française. Vous avez entre les mains l'heureux commencement d'une grande et utile révolution dans le système monétaire. Elle ne tient plus qu'à un problème qui, sans doute, se résoudra : celui d'avoir constamment une monnaie territoriale, et que cependant les héritages qu'elle représenterait puissent être vendus et remplacés. On a le temps d'y penser ; mais il ne faut pas que les assignats soient frappés de dépréciation, quand elle est absurde, quand elle ne peut être qu'un effet de la méchanceté, de la cupidité incivique et des terreurs de l'inexpérience.
]Signé : E. Clavière.
Adresse présentée à VAssemblée nationale, par un citoyen de la section de la Bibliothèque (1), sur le danger de l'émission des assignats au-dessous de 5 livres.
Messieurs, persuadé que je suis comptable envers ma patrie des inspirations qui intéressent sa gloire et sa prospérité, je crois devoir manifester mon opinion sur les graves inconvénients qui résulteraient de l'émission proposée des assignats au-dessous de 5 livres. En effet, le scandale de leur accaparement et de leur vente publique au Perron, à 5, 6 et 7 0/0 sera le moindre des fléaux que produira cette émission. Autant elle eût été salutaire avant la naissance des établissements particuliers, qui ont dû leur existence et leur succès aux besoins publics, autant elle serait actuellement impolitique et contraire aux vrais intérêts de la nation; et il serait à désirer que l'accroissement de dépense de plusieurs millions, qu'occasionnera cette inutile fabrication, fût 1 unique vice, l'unique inconvénient de cette tardive mesure. Mais il est évident que la concurrence nationale renversera tout à coup les caisses patriotiques, dont une partie se séparera de la nàtion, en accusant l'injustice de l'oppression imprévue qui aura tari la source des Déné-fices attachés au mouvement des fonds. Ces bénéfices sont la juste indemnité des avances considérables que les entrepreneurs des caisses d'échange ont faites pour venir au secours de la chose publique. Ces bénéfices, qui ne pèsent point sur le peuple, sont sous la protection des lois, etdoi-vent être considérés comme une propriété sacrée, à laquelle aucune autorité ne peut porter atteinte sans commettre le double crime d'ingratitude et d'injustice. Je ne m'appesantirai point sur la vérité démontrée que les nillets patriotiques (2),
notamment ceux de la maison de secours, ont sauvé la France ; je me contenterai d'être l'organe de l'équité, dont les décrets immuables sont gravés dans tous les cœurs.
C'est sur la foi de la détermination prise par l'Assemblée constituante, de n'émettre aucune fraction au-dessous de cinq livres, que des compagnies ont conçu et exécuté le louable projet de suppléer à l'insuffisance des signes réprésenta-tifs du numéraire. Elles se seraient bien gardées d'organiser, à grands frais, des établissements de ce genre, si elles avaient pu prévoir que la rivalité nationale dût détruire, en un iour, en Une heure, l'édifice de leur fortune, et leur enlever le fruit légitime de leurs travaux et de leurs sacrifices.
La sagesse législative doit s'attacher à prévenir les banqueroutes; et puisqu'elle n'a pas devancé les établissements que le besoin universel a fait naître, elle ne doit user du pouvoir qui lui est confié, que pour étayer, raider et encourager les chefs de ces utiles établissements. Ce système de bienfaisance ne laissera aucun prétexte à l'ambition ou à la mauvaise foi ; une mesure contraire serait la cause et l'excuse des faillites qui plongeraient la capitale dans le deuil et la consternation, qui allumeraient peut-être le flambeau de la guerre civile. Ces malheurs combleraient les vœux de la fougueuse aristocratie, qui a pâli à la vue des billets patriotiques, qui ont rendu la [vie au commerce et à l'industrie productive.
On objecte que le but de l'émission proposée est de calmer les craintes du public au sujet de la possibilité de la banqueroute des caisses de confiance. •— Je réponds qu'on provoquerait cette banqueroute, sous prétexte de la prévenir, qu'on ruinerait effectivement la classe indigente, pour l'empêcher d'être ruinée. Etrange moyen ae calmer les inquiétudes d'un malade, que de lui donner la mort pour le guérir delà peurl Mais, ajoute-t-on, il faut bien arrêter les progrès abusifs de l'émission des petits billets. — A merveille, si cette émission était à son aurore : mais elle a atteint désormais son apogée ; elle n'est plus susceptible d'augmentation, parce que la somme des billets en circulation est en équilibre avec les besoins individuels : il ne s'agit plus, dans ce moment, que de fortifier la confiance, en décernant une prime ou une récompense. Cet encouragement concilierait les intérêts du peuple avec les droits imprescriptibles de la raison et de l'équité.
En un mot, Messieurs, les machines sont montées, elles vont bien, personne ne se plaint; pourquoi détruiriez-vous, par une concurrence impolitique, une organisation qui ne coûte rien à l Etat, et qui fait couler les sources de l'abondance ? L'excès de votre zèle n'aboutirait qu'à produire des banqueroutes, très dangereuses dans les circonstances actuelles ; banqueroutes que le public considérerait comme votre ouvrage.
Signé : PEPIN.
Paris, le 15 décembre 1791.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 14 décembre au soir.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 15 décembre au matin.
Un membre : L'Assemblée n'ayant rien statué d'après les interrogatoires des personnes qui ont été entendues à la barre, je demande qu'ils soient supprimés des procès-verbaux.
Un membre : C'est, au contraire, d'après ces interrogatoires que l'Assemblée a porté une décision; ainsi je demande la question préalable. Plusieurs membres : L'ordre du jour ! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
M. le secrétaire, en rendant compte au procès-verbal de la fête civique qui a signalé la séance d'hier matin et parlant des cris de joie que l'on a répétés de toutes parts, n'a mentionné que celui-ci : « Vivre libres ou mourir » Les gardes nationales, l'Assemblée nationale, les tribunes, tous ont dit, répété et entendu : « La Constitution ou la mort. » M. le secrétaire est le seul qui ne l'ait pas entendu. Je demande que cela soit rétabli au procès-verbal. (Applaudissements.)
Je demande que l'on mentionne aussi le cri : « La liberté ou la mort » que tout le monde a entendu. Un membre interrompt M. Delacroix.
, s'aaressant à l'interrupteur. Vous voulez le premier serment, mais nous voulons le second. (L'Assemblée ordonne les mentions demandées.)
fait une proposition relativement à l'ordre de la parole sur la discussion à l'égard de la guerre.
Plusieurs membres demandent l'ordre du jour.) L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pétitions suivantes :
1° Pétition du sieur Dupont Veillenne, procureur-génêral-syndic du département de Loir-et-Cher, sur la pension qui lui est due pour ses services militaires.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
2° Pétition du sieur Batailler, de Lautrec, département du Tarn, sur une question de l'hérédité.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de législation.)
3° Pétition des sieurs Duclos, Guérin et autres associés pour l'exploitation des mines.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité d'agriculture.)
4° Pétition du sieur Pinchon, vétéran, qui demande une augmentation de paye.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
Un membre : L'Assemblée a renvoyé, il y a près d'un mois, au comité de législation, la question de1 savoir si les causes jugées par les tnbnnaux
criminels, seraient attribuées dès cé moment au tribunal ae cassation. Les avoués près ce tribunal adressent à l'Assemblée une pétition pour lui demander une décision sur cet objet. Je demande que vous chargiez le comité de législation de faire son rapport sous huitaine. (Cette proposition est adoptée.) L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur une émission f assignats au-dessous de 5 livres.
Est-il absolument nécessaire qu'il y ait dans le commerce des valeurs au-dessous de 5 livres? Est-il au contraire à la dignité, à l'intérêt, au crédit de la nation de laisser à des particuliers la liberté d'émettre en circulation de pareilles valeurs? A l'égard de la première question, je regarde comme une nécessité indispensable rémission des valeurs au-dessous de 5 livres. La voracité des agioteurs, les besoins du pauvre qui n'a que ses bras pour subsister, vous commandent impérieusement cette mesure, qui aurait le grand avantage de faire disparaître ae la circulation cette foule de billets prétendus patriotiques, auxquels le peuple est obligé d'attacher une confiance qui,peut compromettre d'une manière cruelle ses intérêts. ?
Quelques personnes croient qu'on doit en confier le soin a des compagnies ou à des particuliers ; mais le droit d'échange ne peut appartenir qu'à la nation. En second lieu, comment pour-riez-vous connaître à quelle somme s'élèverait la masse des petites valeurs que ces sociétés mettraient en circulation? Vainement on dira que les assignats donnés en échange restent en caisse. On sait que cette condition irest pas observée : on sait que ces spéculations ont plus pour but l'intérêt des entrepreneurs que le patriotisme dont on a voulu les décorer; mais on objecte les frais de la fabrication. Cependant il n'est point de société qui n'ait retiré de grands avantages des émissions qu'elle a pu faire : or, la nation pourra s'indemniser par les mêmes moyens du prix de la fabrication. Il est dangereux, impolitique de laisser plus longtemps ces émissions à des particuliers, et même à des corps administratifs : en conséquence, je propose à l'Assemblée le projet de décret suivant :
« Art. 1er. Il sera incessamment fabriqué, sous l'inspection
des commissaires de l'extraordinaire et sous la surveillance du comité des assignats, le
papier nécessaire à la fabrication d'assignats de 50 sols pour 100 millions, d'assignats de
25 sols pour 100 millions, d'assignats de 10 sols pour 100 millions.
« Art. 2. Le comité des assignats et monnaies présentera incessamment pour ces 300 millions un mode de répartition dans les départements pour leurs besoins relatifs. Il indiquera les moyens pour retirer de la circulation, sans inconvénients et par une marche graduelle les billets de différentes caisses patriotiques et de particuliers circulant dans le royaume. »
11 me semble que l'on discute depuis très longtemps une question qui ne peut plus laisser de doute. Certainement si les caisses patriotiques n'avaient pas mis en émission des mandats que le peuple a reçus avec satisfaction et qu'il a presque été forcé de recevoir, parce qu'il lui fallait une monnaie qui divisât les gros assignats, vous pourriez mettre en doute s'il faut des petits assignats; mais maintenant que cette émission a été reçue, qu'elle a été faite, vous ne devez plus même discuter cette question ; vous devez, pour faire disparaître cette monnaie indi-
viduelle, cette monnaie qui, dans tous les temps et dans tous les royaumes policés, devrait être proscrite, vous devez adopter la coupure des petits assignats.
On a cru vous développer, dans un discours très bien fait, les causes delanausse subite du change : mais cette hausse subite avait pour cause principale la connaissance que les agioteurs avaient de l'intention où vous étiez d'émettre des petits assignats au-dessous de 5 livres. Tous les intéressés aux caisses patriotiques se sont élevés contre'cette intention. Ils ont tous développé les moyens que l'agiotage leur présentait pour vous faire abandonner ce parti. C'est à vous à employer tout ce que votre zèle vous suggérera pour détruire et cet agiotage et ces caisses patriotiques.
Les petits assignats n'ont jusqu'ici servi qu'aux riches ; ils sont devenus entre leurs mains un moyen de diminuer le salaire du pauvre et de faire perdre aux ouvriers un dixième de leur semaine pour l'échange. 11 faut donc, Messieurs, que vous vous déterminiez nécessairement à adopter des coupures de 10 et 15 sols. Au surplus, je ne demande pas que vous décrétiez ces coupures comme nouvelle émission, parce que ce n'est pas la question, mais je demande que vous les décrétiez comme remplacement et que vous les portiez à 300 millions. (Applaudissements.) Je désirerais même que vous n'eussiez jamais ^assignats au-dessus de 5 livres; car c'est le seul moyen de faire reparaître le numéraire. (Applaudissements.) Les riches ne pourront pas payer avec des assignats de 5 livres, ils sortiront de leur caisse les écus qu'ils ont entassés. Jedemande que la discussion soit fermée, et qu'on mette aux voix le principe qu'il y aura des assignats au-dessous de 5 livres.
J'observe qu'on a cherché à vous effrayer sur le prix de la fabrication : eh bien, je soutiens que cette fabrication ne coûtera pas plus d'un 1/4 0/0. Il faut d'abord ordonner la fabrication d'un papier le plus économique possible, mettre 4 fabriques en activité, s'il le faut, et faire fabriquer au moins pour 300 millions de coupures. (Applaudissements.)
Je crois que l'Assemblée doit prendre une marche plus fixe et considérer d'abord le principe d'une manière déterminée. La seule question à examiner en ce moment et à laquelle on doit se restreindre, c'est de savoir si l'on peut se passer d'assignats moindres de ceux de 5 livres. Je propose donc de poser la question en ces termes : y aura-t-il, oui ou non, des assignats au-dessous de 5 livres?
Un membre : Je demande que l'on mette à l'instant aux voix le principe s'il y aura des assignats au-dessous de 5 livres ! (Applaudissements.)
Je demande à donner à l'Assemblée des éclaircissements qu'elle n'a pas encore.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Guyton-Morveau sera entendu.)
Votre comité de l'extraordinaire des finances vous a présenté comme première lecture, un projet [de décret pour la création de 100 millions d'assignats de 50, 15 et 10 sols.
Je ne m'arrêterai pas à observer que s'il y a nécessité de mettre en circulation des assignats de cette nature, c'est par la célérité même de l'exécution que l'on peut s'en promettre quel-
ques bons effets; et puisqu'elle entraîne des opérations qui exigent un temps considérable, ce serait le cas ou jamais de décréter l'urgence.
Y aura-t-il des assignats au-dessous de 5 livres. Voilà la question qui doit fixer l'attention de l'Assemblée.
La rareté de la menue monnaie, qui se fait plus ou moins sentir en divers points du royaume, paraît solliciter une fabrication qui remédie à ce mal, ou du moins qui procure un soulagement.
Des assignats d'une coupure inférieure suppléeront la monnaie qui manque ou que l'on tient cachée ; ils faciliteront les payements des contributions publiques ; ils arrêteront le cours de ces billets de confiance dont l'émission illimitée occasionne de justes inquiétudes. -
Voilà une première idée des avantages qu'ils promettent.
D'autre part, n'est-il pas à craindre qu'ils fassent disparaître la monnaie, comme les assignats de 1000 livres ont fait disparaître les sacs d'argent, comme les assignats de 5 livres ont fait cacher les écus? ;
Ce n'est qu'avec une extrême circonspection que l'on doit toucher aux assignats, leur crédit est nécessaire au salut public, et ce crédit se compose de tant d'éléments, qu'une forme différente, des coupures multipliées, de nouvelles chances de falsification, un usage même étendu à des besoins plus journaliers, peuvent y porter quelqu'atteinte.
Que d'établissements, d'ateliers, que de salaires d'ouvriers et de surveillants, que de frais entraînerait une telle sous-division dans la valeur de nos assignats!'
Ces sacrifices, que l'on fait en contemplation, de la portion du peuple la moins aisée, et qui finissent toujours par peser sur le peuple, nous sont-ils commandes par des circonstances assez impérieuses pour les justifier ?
N'est-il pas d'autre moyen de pourvoir à ce que ces circonstances exigent, avec moins de dépense, avec moins de risques, et suivant la différence des localités ?
Voilà un aperçu des motifs qui peuvent faire douter de la nécessité, de l'utilité, des bons effets de cette opération.
Mais ne nous en tenons pas à ces aperçus, examinons avec attention les avantages et les inconvénients, et dans le résultat de la comparaison, nous pourrons trouver une base pour asseoir notre délibération.
Les avantages n'ont pas besoin de beaucoup de développements; le vœu général les annonce, et l'impatience d'en jouir en fait connaître tout le prix.
L'un des plus grands, sans doute, serait d'avoir des valeurs qui pussent servir au payement des contributions, et être reçues dans les caisses publiques.
Il est certain qu'avec une suffisante quantité de coupures inférieures à 5 livres, on se passerait de billets de confiance, et qu'on éviterait les inconvénients que l'on peut craindre aujourd'hui de leur multiplicité.
Enfin, ces coupures seraient pour tout le royaume, circuleraient partout, et quelques villes seulement ont joui jusqu'à présent de l'avantage de ces billets auxiliaires.
Cependant, il ne faut pas se faire illusion sur les suites de cette opération.
La monnaie est rare aujourd'hui ; elle le deviendrait bien davantage et dans une proportion que ne pourraient atteindre les progrès de sa fa-
brication ; la raison en est sensible ; on ne paie avec le métal que quand on n'a plus de papier ; tant qu'on a le choix, le métal reste caché, perdu pour la circulation.
En second lien, l'introduction de coupures inférieures aux petits assignats actuels occasionnerait nécessairement un nouvel agiotage; car elles seraient rares, au moins dans les commencements ; elles deviendraient précieuses d'autant plus qu'elles retiendraient en stagnation plus de numéraire effectif : or, ce sont là précisément les causes immédiates de l'agiotage^ et ce serait s'abuser que de se flatter d'en détruire les effets. On les accaparerait de toutes manières pour les revendre avec quelque bénéfice, quand ce ne serait que pour échanger des valeurs recevables dans les caisses publiques contre les billets de confiance actuellement en circulation.
Mais ce qui mérite la plus grande attention, c'est le temps considérable qu'exigerait cette fabrication ; ce sont les ateliers immenses qu'il faudrait y destiner ét la charge qu'il en résulterait en pure perte pour le Trésor public.
On demandera comment font ceux qui mettent en circulation une si prodigieuse quantité de billets de confiance ; on supposera que, puisqu'ils peuvent bien porter ces frais, même chercher dans ces opérations des bénéfices, le Trésor public pourra avoir les mêmes ressources ; et que, y eût-il pour lui quelque perte, on ne devrait pas hésiter d'en faire le sacrifice pour procurer un si grand avantage à tous les citoyens de l'Empire.
Mais d'abord le parallèle n'est pas exact; ce qui se fait en détail par des établissements distribués en divers points, n'emporte pas les mêmes dépenses : un poids qui se répartit à l'infini cesse véritablement de former une puissance, et la masse écraserait tout ce qui serait soumis à son action, si la sphère en était resserrée. La justice veut que je rappelle ici avec reconnaissance que dans plusieurs villes se sont de bons citoyens qui ont pris sur eux les faux frais de ces émissions particulières.
En second lieu, les compagnies qui ont fait des spéculations pour ces émissions, ont, indépendamment de la chance des billets perdus, des moyens de tirer parti des assignats échangés, par l'intérêt qu'ils leur produisent. Cette ressource manque absolument au Trésor public.
Un assignat de quelque valeur que ce soit, exige un papier fabriqué avec soin, sous l'inspection de surveillants fidèles, une impression recherchée pour augmenter les difficultés de le contrefaire; il faut ensuite compter, numéroter, timbrer, vérifier les séries et faire remplacer ceux qui se trouvent défectueux.
Dans toute cette suite d'opérations, prenons-en une seule, la plus simple, celle du numérotage* et voyons ce qu'elle exigera de dépense et de temps.
Le décret du 20 juin dernier, pour la fabrication des assignats de 5 livres, porte qu'il ne sera pas payé plus de 5 livres par 1,000 pour le numérotage.
Eh bien, réduisons ce salaire à 50 sous par 100, c'est-à-dire à moitié, afin que le numéroteur puisse (en en faisant 2,000, qui est tout ce qu'il peut faire) gagner 5 livres par jour; ce n'est pas trop pour une opération qui exige de l'exactitude, une attention soutenue et dont la durée étant nécessairement bornée, souvent même interrompue, n'offre aucune perspective à celui que l'expérience y a rendu le plus habile.
Cependant à 50 sous le 1,000 pour le numérotage, les 100 millions de livres, en assignats de
10 sous, coûteraient déjà, pour ce seul article, 250,000 livres.
Rien plus, en combien de temps exigerait-on cette opération ? On désirerait sans doute que cela put s'exécuter en 3 mois, car sans cela, qu'elle espérance pourrait-on en concevoir pour un soulagement prochain ?
Prenons 100 jours pour simplifier le calcul :
Pour fournir en 100 jours, 100 millions de livres en assignats de cette coupure (toujours pour le seul numérotage) il faudrait un emplacement à contenir mille commis, une quantité proportionnelle d'inspecteurs pour les surveiller, pour leur livrer en compte les billets ou les feuilles, les recevoir par compte, vérifier les séries, rejeter. les défectueux et les remplacer.
Je demande à présent à ceux qui proposent des assignats de 10 sous, et même de 20 ou 25 sous, s'ils se sont rendu compte de ces opérations ; et je n'ai encore parlé que du seul numérotage ; et par le relevé que j'ai sous les yeux de ce qui se fait pour les assignats de 5 livres, je vois qu'il faut porter en ligne, à très peu près même embarras, mêmes lenteurs, même dépense pour le comptage et l'apposition du timbre sec : et il faudrait enfin ajouter à cette somme de 500,000 livres, une somme d'environ moitié pour le papier et l'impression, je ne dis pas trop, car la feuille sur laquelle on èn imprime 20, ne peut être évaluée à moins de 20 deniers pour papier et tirage.
Je demande s'il ne vaudrait pas mieux encore monnayer du métal pour la valeur de ces sommes.
Mais y a-t-il bien nécessité ?
Y a-t-il bien nécessité de mettre en circulation des coupures de si petites valeurs ? Cette nécessité est-elle assez évidente pour déterminer de si grands sacrifices? les avantages que l'on y cherche ne peuvent-ils être procurés d une autre manière?
Si tous les directoires de département eussent pris le même parti que celui des Ardennes ; si, à son exemple, et pour s'associer aux éloges qui lui furent donnés par l'Assemblée nationale constituante, à la séance du 26 juillet dernier, ils eussent mis en émission, sous leur surveillance et responsabilité, une quantité de billets de confiance proportionnelle à leurs besoins, pour les échanger au pair avec les assignats, on aurait partout et dès longtemps la jouissance de ce secours; on n'aurait pas à regretter la différence qui se trouve entre des billets de cette nature et lé papier de la nation, puisque l'on ne peut douter que de tels billets ne pussent, ne dussent même être reçus dans toutes les caisses publiques du département pour lequel ils auraient été formés.
Il faut en convenir, le plus grand nombre des directoires de départements a vu de très bonne heure le bien qui en résulterait; ils ont désiré le faire, et n'ont été arrêtés, surtout dans les lieux où le besoin était pressant, que par une louable circonspection; parce quils ignoraient s'ils en avaient le pouvoir; parce qu'ils prévoyaient qu'ils pourraient être exposés à d'injustes soupçons, et toujours néanmoins en invitant les municipalités, les négociants, les citoyens eux-mêmes à offrir généreusement ce secours à leurs concitoyens, en prenant sur eux les frais de cette émission qui ainsi répartis n'ont pesé, à vrai dire, sur personne. Quand les corps administratifs sauront qu'ils n'auront qu'à recueillir des éloges et les tributs d'une iuste reconnaissance, on ne doit pas douter qu ils ne s'empres-
sent de rendre ce nouveau service aux citoyens de leurs départements.
Le plus grand argument en faveur des petites coupures mises en circulation par l'Etat ne porte donc que sur l'effet que l'on s'en promet pour faire rentrer les billets de confiance qui circulent dans une quantité qui mérite sans doute attention.
Mais convenons d'abord que c'est à Paris, et à Paris seul, que cette quantité existe, et qu'elle y a été portée à un point alarmant, que c'est la seulement que la nécessité et la multiplicité des besoins les fait donner et recevoir presque sans examen ; et les sacrifices que l'on propose pour y remédier, porteraient sur les 83 départements.
S'il en est résulté quelques inquiétudes, ne serait-ce pas parce que l'on aurait négligé un peu trop les précautions nécessaires pour les ' prévenir ? N'était-on pas suffisamment armé de l'autorité de la loi du 25 mai dernier, qui n'affranchit ces billets de la formalité du timbre qu'à des conditions qui imposaient au moins aux magistrats l'obligation d en surveiller l'émission?
Dans les premiers jours de la session, la municipalité de Paris a présenté à ce sujet un mémoire à l'Assemblée nationale. Si, lorsque le comité auquel il aura été renvoyé en fera le rapport, on peut, par des mesures prudentes, rappeler ces billets à une juste proportion, et donner une base à la confiance publique, il est inu--tile de chercher d'autres remèdes, de courir les risques qui pourraient en résulter.
Je pense donc qu'il ne doit point être mis dans la circulation des assignats au-dessous de 5 liv.
Que du moins, si des circonstances, qui ne peuvent être que momentanées, exigeaient un papier national qui se rapprochât davantage de la menue monnaie, il ne doit y avoir qu'une seule coupure inférieure, et qu'il y aurait à la fois perte considérable et grands inconvénients à la porter au-dessous de 50 sous.
Enfin, je demande que le comité des assignats et monnaies soit chargé de faire incessamment son rapport sur la pétition présentée à l'Assemblée nationale par la municipalité de Paris concernant les billets de confiance, et de proposer en même temps les mesures qu'il jugera propres à prévenir les inquiétudes, à assurer la confiance publique, soit en rappelant l'exécution de la loi au 25 mai dernier, soit par tous autres moyens appropriés aux circonstances.
M. Morveau vient de vous rappeler, la pétition de la municipalité de Paris ; le comité n'a pas cru devoir vous faire son rapport, parce qu'il dépendait de la détermination que l'Assemblée prendra sur l'émission; d'ailleurs, d'après les changements survenus dans l'organisation des comités de finances, c'est au comité de l'extraordinaire à vous faire ce rapport. Je me suis présenté à ce comité, je lui ai exposé ce qui s'était fiassé dans le comité des assignats. A cet égard e comité de l'extraordinaire doit vous présenter incessamment son rapport.
Pour remplir votre objet, il faut trouver une mesure qui vous donne de petites valeurs dans quinze jours; ie viens vous en proposer une, et si vous ne l'adoptez pas, je soutiens que le bienfait de la fabrication des petits assignats sera illusoire; elle est simple, et les mesures les plus simples sont quelquefois les meilleures et les plus efficaces.
Vous avez des assignats de 5 livres fabriqués de manière qu'il y a dans l'assignat 10 points
de reconnaissance, qui sont tellement disséminé*, sur sa surface qu'il s'en trouve un certain nombre sur chacun des quarts. Ces points secrets servent à reconnaître en tout temps la vérité de l'assignat. Sur chacun des 4 quarts de l'assignat se trouvent les mots : assignat de 5 livres. Sur ces 4 quarts vous pouvez appliquer 4 timbres secs, soit avec un timbre qui les applique tous les 4 à la fois, soit avec un timbre plus petit qui n'en applique que 2, cela est égal. Alors par la coupure de cet assignat vous avez, sur-le-cnam'p, les assignats de 25 et de 50 sols et vous les avez presque sans dépense.
Plusieurs membres : Et le numéro?
J'entends à mes côtés que l'on me demande le numéro, je réponds à cela que le numéro est parfaitement inutile. Le numéro ne fait rien à l'assignat : il n'est qu'un signe de reconnaissance et un guide pour l'administrateur, pour celui qui fait la délivrance des assignats ; mais il n'ajoute rien à la difficulté de contrefaire l'assignat, il n'a aucun rapport avec sa circulation et sa contrefaçon, il n est que relatif à la rentrée de l'assignat, parce qu'alors l'administrateur prend note de ce numéro, et on sait qu'il a été annulé. Mais vous sentez que chaque fois que rentrera dans les caisses cette partie de l'assignat qui porte le numéro on y en joindra trois autres pour compléter l'assignat, pour compléter la rentrée réelle de cet assignat ; ainsi l'objection du numéro est entièrement nulle.
M'opposerait-on l'objection de la contrefaçon? Je dis qu'elle est encore nulle, parce que pour la gravure des lettres, celui qui contrefera le quart ae votre assignat, peut contrefaire le reste. La plus grande difficulté de la contrefaçon est dans le timbre, parce qu'on trouve difficilement des ouvriers assez habiles pour contrefaire le timbre ; et ce timbre se trouvant sur toutes les parties, la contrefaçon en est difficile.
Me dira-t-on que l'assignat est trop petit? Je réponds; au contraire, que cet assignat de petite valeur étant de ce calibre, on est obligé de le plier pour le mettre dans un petit portefeuille ; et vous savez, Messieurs, que ce sont les plis du papier qui font qu'il se coupe et qu'il est bientôt usé. Au contraire, ayant ce carre-là ; il se met tout uniment dans un portefeuille et il est moins difficile à serrer.
J'observe que vous fabriquez chaque jour 2,500,000 livres d'assignats de 5 livres. Ainsi en en appliquant 150,000 livres à ces coupures, avant que vous ayez décrété que l'on monte une fabrique pour cet objet, vous remplissez dans peu tous les b'esoins. Ce n'est que par ce moyen que vpus pourrez bientôt balayer dans Paris tous ces billets de confiance, et il est temps de purger toutes ces écuries d'Augias qui sont un tas de corruptions. (Applaudissements dans les tribunes.) J'observe encore que les assignats que l'on vous propose ne seront fabriqués que dans cinq mois et d'ici à cette époque vous aurez singulièrement souffert de la privation du petit numéraire. Enfin il est une foule de considérations que je développerai lors de la discussion.
Plusieurs membres insistent pour que le principe qu'il y aura des assignats au-dessous de cinq livres soit décrété.
D'autres membres demandent que la discussion soit fermée.
(L'Assemblée, consultée, décide que la discussion ne sera pas fermée.)
nomme les 24 membres chargés de présenter le message au roi sur le discours de l'Assemblée.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, sur l'état de la caisse de l'extraordinaire; elle est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est de la loyauté française de rejeter tout projet de suspension dans les remboursements de la dette exigible, a décrété le 9 de ce mois que les remboursements ne seraient pas suspendus, et elle a ouvert la discussion sur le mode et les époques du remboursement.
« J'ai eu l'honneur, Monsieur le Président, de vous faire connaître, dans ma lettre d'hier, la situation de la caisse de l'extraordinaire, au moment où on avait commencé les payements le matin : Je joins sa situation au moment de la fermeture aujourd'hui. Il ne me reste plus que 10,564,000 livres. Il est encore dû à la trésorerie 34 millions, et dans le cas où elle ne réclamerait aucun secours d'ici à la fin de la semaine, la somme restante suffira tout au plus pour le service de la caisse de l'extraordinaire pendant le même délai.
« Je vous prie, Monsieur le Président, en mettant cette lettre sous les yeux de l'Assemblée, de lui faire connaître combien ma position devient embarrassante, et combien il est instant qu'elle veuille bien prendre un parti à cet égard.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : amelot. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'extraordinaire des finances, pour en faire le rapport demain après la lecture du procès-verbal.)
La discussion sur une émission d'assignats au-dessous de 5 livres est reprise.
Je vous apporte des réflexions d'une expérience de plus de 20,ans dans un commerce très étendu, et que des rapports commerciaux dans plusieurs grandes villes de l'Europe m'ont suggérées sur la question que vous agitez. Le crédit public souffre depuis longtemps; il semble s'altérer chaque jour, et nos changes, tombés à un taux auquel je ne les ai jamais vus, rendent nos relations avec l'étranger extrêmement désavantageuses. Vous le sentirez facilement, Messieurs, quand vous saurez que par la baisse arrivée dans le prix des changes, nous vendons aujourd'hui aux étrangers les productions de notre sol et de notre industrie à 50 0/0 moins cher que l'année dernière, et que nous leur payons dans cette proportion les denrées et les marchandises que nous sommes forcés de faire venir de chez eux. Je n'en attribue point la cause, comme quelques personnes, uniquement à la marche lente et incertaine de l'Assemblée nationale ; mais je crois qu'il dépend beaucoup d'elle de ramener la confiance.
Je prendrai la liberté de vous observer, Messieurs, que les pétitions indiscrètes dont plusieurs tendent à provoquer l'Assemblée à trahir ses serments.....(Murmures.)
Mais, Monsieur, parlez donc sur les assignats !
Nous sommes peut-être au moment du plus grand discrédit. Tout nous fait craindre de voir échapper de nos mains les ressources immenses qui nous ont été laissées par nos prédécesseurs, et qui offriraient tant de moyens de salut aux talents et à la sagesse, en prévenant les sacrifices affreux qu'une confiance méritée peut opérer. Je crois qu'il faut attribuer ce discrédit a l'accueil que vous avez fait à la pétition de l'un de ces hommes que l'ambition dévore, et dont le système est contraire à tous les princi-pes... (Murmures.)
Un membre : Les injures ne sont pas à l'ordre du jour!
Il vous a proposé de mettre à l'ordre du jour la question de savoir si vous suspendriez les remboursements; il vous a invité à créer des assignats de 10 sols, c'est-à-dire de faire croire aux nations étrangères que vous êtes réduits au point de n'avoir plus que du papier-monnaie pour ressource. L'Assemblée nationale a pris un parti fort sage : l'humanité, le droit et la loyauté de la nation ont fait justice de sa première proposition. (Murmures.) Quant à la seconde, et c'est la question en discussion, il s'agit d'examiner si les convenances que cette mesure présente peuvent vous faire manquer aux principes. Est-il nécessaire, est-il utile de faire des assignats au-dessous de 5 livres, je ne le crois pas. (Murmures.)
L'Assemblée a décidé que Monsieur serait entendu : je demande qu'on ne l'interrompe pas.
Messieurs, puisque l'expérience nous prouve que les billets de confiance dont la circulation n'est pas forcée, ont suffi jusqu'à présent à nos besoins et qu'ils ont suppléé avec abondance au numéraire qui nous manquait, les billets libres me paraissent les seuls supportables que nous puissions admettre. Je pense qu'une émission d assignats au-dessous de 5 livres offre pour le crédit public des dangers que je n'aperçois pas dans ces papiers dont la circulation n'est pas forcée; et si ceux-ci offrent des inconvénients, le remède n'en est pas impossible.
Le système des assignats présentait peu d'inconvénients, tant qu'il n'en a été créé que dans une coupure d'une valeur supérieure à la somme de 100 livres ; mais à mesure que l'on en a décrété d'une somme inférieure, ils ont dérangé toutes les combinaisons et tous les rapports. Lorsqu'il n'existait que des assignats de 100 livres et au-dessus, l'argent ne gagnait que 2 ou 3 0/0; dès que les assignats de 60 et de 50 livres ont été décrétés, les assignats de plus forte somme ont alors perdu 10 et 12 0/0. Enfin, lorsque l'on a créé des assignats de 5 livres, l'argent a encore gagné davantage. Les assignats ont donc perdu à mesure que l'on en a coupé les valeurs ; plus on les a rapprochés du numéraire, plus le numéraire a disparu : car tant qu'on a au papier forcé on se garde bien de payer ses dettes en argent. L'argent a été regardé comme une denrée, et des hommes vils et méprisables en ont fait un honteux commerce. Eh bien ! vos petits assignats deviendront un nouvel aliment pour l'agiotage, ils augmenteront le prix des denrées, et la falsification en sera d'autant plus facile, que la plupart de ceux qui les recevront ne savent pas lire. Le papier libre me paraît donc plus convenable à l'intérêt national, parce qu'il
se prêtera mieux aux circonstances ; le besoin l'a mit naître, il disparaîtra dès qu'il sera inutile. Je suis persuadé qu'il est possible d'arriver au but que vous vous proposez, en créant dans les départements des billets de confiance sous la surveillance des directoires. Ce papier est le seul qui puisse nous convenir, le seul qui nous conduise au but que nous ne devons pas perdre de vue, à la prospérité publique.
C est ce qui me détermine à m'opposer à toute coupure d'assignats inférieure à celles qui subsistent maintenant. Il est encore un objet qui mérite votre attention, parce qu'il doit soulager les malheureux, qui ont toujours attiré votre sollicitude, c'est de hâter la fabrication de la monnaie du métal des cloches.
propose, à la suite de son opinion, un projet de décret en 18 articles qui renferment les principales dispositions développées dans son discours.
Tous ceux qui ont parlé contre les coupures au-dessous de 5 livres ont demandé qu'il en fût fait par les départements. Il s'en suit que personne n a parlé contre les coupures au-dessous de 5 livres, il est temps que nous fermions cette discussion qui dure depuis deux ou trois jours. Je demande qu'on mette aux voix s'il y aura des coupures au-dessous de 5 livres, oui ou non.
Plusieurs membres : Appuyé 1 appuyé !
(L'Assemblée ferme la discussion, décrète qu'il y aura des assignats au-dessous de 5 livres et ajourne à demain la discussion sur la quotité des coupures.)
annonce que le roi recevra à 9 heures la députation de l'Assemblée chargée de lui porter le message.
Je demande que M. Lemontey soit excepté de la règle qui interdit au président de l'Assemblée la présidence d'une députation.
(Cette motion n'a pas de suite.)
Il vient d'arriver un courrier dépêché par la ville de Strasbourg, apportant des nouvelles dont il est nécessaire que l'Assemblée soit instruite.
, secrétaire, donne lecture des pièces apportées par ce courrier, ce sont :
1° Lettre des administrateurs du directoire du département du Bas-Rhin relative à un complot de conspirateurs qui voulaient s'emparer de la citadelle de Strasbourg pour le cardinal de iîo/iaw;~elle est ainsi conçue :
« Strasbourg, le
« Monsieur le Président,
« Nous expédions un courrier extraordinaire pour instruire l'Assemblée nationale de l'arrestation des nommés Voignès, soldat du treizième régiment d'infanterie en garnison à Neufbrisach; Silly, ci-devant officier au même régiment; Loyauté, chevalier de Saint-Louis, se disant hommes d'affaire de M. le cardinal de Rohan; Meyer, tailleur d'habits, travaillant pour le compte du cardinal, et sa femme, accusés de favoriser les criminelles manœuvres dudit cardinal.
« L'Assemblée verra, par les pièces ci-jointes, que le sieur Voignès avait avant sa feinte désertion, déposé au secrétariat de la mairie de Strasbourg, que le sieur Silly avait voulu l'entraîner dans un complot dont le but était de livrer aux émigrés la citadelle de Strasbourg, que les mêmes
Silly et Loyauté l'avaient engagé au service du cardinal. Voignès ayant fait sa déposition, a continué, après avoir prévenu le maire et quelques officiers municipaux, de voir les sieurs Silly et Loyanté, dont il a reçu de l'argent; il a feint d'entrer dans leurs vues, pour acquérir toutes les preuves qui pouvaient constater la véracité de sa déposition, la certitude du complot et assurer la punition de ses auteurs;
« Nous croyons nécessaire d'ajouter, Monsieur le Président, un détail contenu dans ces pièces, que le sieur Silly est à Strasbourg depuis environ deux mois, qu'il a refusé d'en partir avec son régiment, que sa conduite était devenue tellement suspecte, par les voyages qu'il ne cessait de faire à Riehl, que son colonel et le général Luckner lui ont ordonné de rejoindre, mais, au lieu d'obéir, il a envoyé sa démission.
« Nous prions l'Assemblée de vouloir bien nous transmettre ses ordres par le même courrier, et de nous faire connaître si lés détenus doivent être transférés dans les prisons d'Orléans.
« La fidélité courageuse dont le nommé Voignès a donné une preuve si éclatante en dénonçant ceux qui l'ont sollicité dé trahir sa patrie, déterminera sans doute l'Assemblée à déclarer qu'il n'y a pas lieu à accusation contre lui et ordonner qu'il sera remis en liberté.
« Nous saisissons avec empressement cette occasion, Monsieur le Président, pour présenter à l'Assemblée nationale les hommages du conseil général du département du Bas-Rhin, èt s'il a résisté jusqu'à présent à l'impatience de remplir ce devoir, c'est parce qu'il a cru que le moyen le plus sûr d'obtenir son suffrage et de servir utilement la patrie, était de se livrer entièrement à l'exécution des lois et au maintien de la tranquillité publique. (Vifs applaudissements.)
« Nous désirons que l'Assemblée nationale trouve dans la célérité avec laquelle nous lui dénonçons les nouvelles trames de nos ennemis, une preuve du zèle que nous mettons à concourir avec elle à déjouer leurs coupables complots. Nous attendons avec impatience l'effet des mesures que le roi, invité par votre message énergique, aura sans doute prises pour réprimer les attentats que commettent chaque jour les satellites du cardinal de Rohan, contre ceux de nos citoyens que des relations commerciales appellent au delà du Rhin. Il est temps d'en imposer aux puissances qui permettent et favorisent les rassemblements de nos ennemis sur leur territoire et qui violent si ouvertement le droit des gens à l'égard du peuple français ; il est temps enfin que celui-ci reprenne dans l'ordre politique le rang qu'il occupe déjà dans l'empire de la philosophie. Pour nous, quelque périlleux que soit le poste où nous sommes placés, nous saurons le défendre ou périr. ( Vifs applaudissements.) . « Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
« Les administrateurs du directoire du département du Bas-Rhin.
« Signé : Victor Broglie, président. »
Plusieurs membres : L'insertion et la mention honorable au procès-verbal !
(L'assemblée décrète, à l'unanimité, l'insertion de la lettre des administrateurs dans le procès-verbal avec mention honorable.)
2° Procès-verbal de la municipalité de Strasbourg contenant les déclarations ae Pierre Voignès, soldat au treizième régiment d'infanterie ; il est ainsi conçu :
« Cejourd'hui 9 décembre est comparu devant nous, maire de Strasbourg, Pierre Alexis Voignès, natif de Nâncy, âgé de 24 ans, soldat au 13* régiment d'infanterie, de la compagnie de Castella, sachant le métier de tapissier, lequel nous a exhibé un congé limité, daté de Neufbrisach le cinquième jour du présent mois, qui atteste que ledit sieur Voignès a obtenu la permission d aller à Strasbourg, et d'y rester jusqu'au 13 du courant, et nous a déclaré que le motif qui l'avait engagé à venir en cette ville était d'acnever de découvrir une trame contre la patrie, dans laquelle on avait cherché à l'entraîner et qu'il avait cru être du devoir sacré d'un bon citoyen de la dénoncer, afin qu"il fût pris de promptes mesures pour déjouer les projets des traîtres et les punir.
« Après quoi il a fait la déclaration suivante : que, 15 iours après le départ dudit régiment, de cette ville, où il était en garnison dans la citadelle, lui, déclarant, s'être adressé à M. Silly, natif de Nancy, alors officier audit régiment logeant dans la maison qui fait le coin, au-dessus au corbeau, pour le prier d'écrire à son père Voignès, ci-devant vérificateur des greffes de la ci-devant Lorraine, et de l'engager à revenir sur une prévention dans laquelle il était à l'égard de son fils; que ledit sieur Silly lui rendit ce service, ainsi qu'il est prouvé par une lettre dudit sieur Voignès, son père, que depuis cette époque il avait vu souvent le sieur Siliy et que le bon conseil qu'il recevait de lui, joint à un sentiment de reconnaissance pour le service rendu auprès de son père, l'avait engagé à le charger de commission relativement à son économie, en sorte qu'il lui avait procuré à différentes reprises l'échange d'assignats, il lui avait même été confié la somme de 600 livres pour échanger auprès du sieur Huton, capitaine audit régiment, contre des louis d'or, et qu'il passait presque toute la journée, les heures du repas et du coucher exceptées, chez le sieur Silly. Un peu de temps après cette liaison, ce dernier lui avait parlé d'un projet d'abandonner la patrie et de joindre avec lui, déclarant, l'armée du cardinal de Rohan de l'autre côté du Rhin; qu'il avait refusé cette proposition sous prétexte qu'il ne voudrait pas donner du chagrin à ses parents ; que dès lors il était devenu plus attentif a la conduite dudit sieùr Silly, et s'était fait une application de bien scruter ses intentions ; que dans ces vues, il avait dénoncé au sieur Silly, M. Turon, chevalier de Saint-Louis, officier audit régiment à l'oCcasion qu'étant avec lui, déclarant, en détachement, il lui avait montré un passage très patriotique de son ouvrage, sur quoi ledit sieur Silly avait montré beaucoup d'humeur et dit : je ferai pendre ce gueux-là ; qu'ayant acquis plus de confiance de jour en jour par une pareille conduite qui avait les dehors de l'aristocratie, ledit sieur Silly lui avait proposé de nouveau de passer le Rhin et d'entrer au service dans l'armée du cardinal, promettant de lui faire donner un habit bourgeois aussitôt qu'il serait arrivé à Kehl, à l'auberge de la Pomme-d'Or et de lui donner une lettre de recommandation pour M. le cardinal; que sans rejeter cette proposition, lui, déclarant, avoir observé audit sieur Silly qu'il préférait d'entrer au service de M. le cardinal comme tapissier, vu qu'une incommodité qu'il avait à l'œil gauche lui rendait le service militaire pénible ; que le sieur ....."^engager Silly ne s'était pas borné au seul projet d' le déclarant à la désertion, qu'il lui ava avait aussi
proposé de prendre des arrangements pour être ae garde au poste du pont du Rhin et de partir avec tout l'armement quand il serait de faction. Ayant observé sur cela qu'il lui était impossible de prendre ces arrangements, attendu qu'il n'avait plus de garde à monter avant le départ du régiment, ledit sieur Silly lui avait fait ouverture sur un projet d'escalade, en lui proposant de prendre des arrangements pour être de garde à la citadelle; qu'il tâcherait de monter, lui, sieur Silly, la garde ; qu'il devrait chercher a être lui-même eh sentinelle la nuit sur le rempart ; qu'à une heure convenue, des gentilshommes déguisés en gardes nationales, prendraient les postes, sur le pont du Rhin, retiendraient prisonniers ceux qui les défendraient, et que lui, déclarant, étant en sentinelle, placerait, sur le signal donné, les échelles pour escalader et se rendre ensuite maître de la garnison et de la citadelle, soit de gré et à prix d'argent, soit forcément, attendu qu'avant le jour ils seraient renforcés par de nouvelles troupes, mais ce projet n'avait point eu de suite.
« Peu de jours avant le départ du régiment, le déclarant avait été avec le sieur Silly dans une librairie dans la Grande rue, pour acheter une carte géographique de la France, composée de six feuilles ; qu'avec cette carte ils étaient allés chez un monsieur dont le déclarant ignore le nom, mais qu'il désigne de la manière suivante : c'est un grand bel homme ayant 5 pieds 5 pouces, homme d'esprit, la croix de Saint-Louis, logeant autrefois dans une grande auberge, au coin d'une petite rue, près ae la place du Marché. Aujourd'hui il loge au premier étage de la maison, au balcon, en face le coin de la rue, au bas de la place d'armes, en face de l'auberge dite la Maison rouge. %t il se dit homme d'affaires de M. le cardinal. Etant arrivé chez cette personne, ledit sieur Silly avait dit entrant dans l'appartement : voici le jeune homme dont je vous ai parlé, il faut trouver des moyens pour le faire partir, qu'ensuite ledit inconnu examina la carte géographique qu'ils avaient apportée ; que, sur son avis que ce n était pas la meilleure, lui, déclarant, avoir été chargé ae la reporter chez le libraire, et de retirer le louis d'or que ledit sieur Silly avait laissé, jusqu'à ce qu'il eût vérifié ladite carte.
« Lui, déclarant, étant revenu chez l'inconnu, il avait été question de favoriser sa désertion ; qu'entre autres, le projet ci-dessus mentionné du poste au pont du Rhin et de l'escalade de la citadelle, avait été proposé de nouveau, mais encore sans suite ultérieure; que pour s'assurer de la discrétion du déclarant, ledit sieur Silly, ainsi que l'homme d'affaires du cardinal, avaient plus d une fois menacé le déclarant que sa vie était exposée, s'il lui échappait jamais la moindre chose ; que ledit sieur Silly lui avait même déclaré qu'il fallait prendre toutes les précautions possibles pour que, d'aucune manière, rien ne transpirât; qu'il luijavait été promis une place d'officier, et 400 livres de pension, dans le cas que la surprise de la citadelle réussirait; qu'après la susdite entreprise, ledit homme d'affaires avait fait une absence pour voir, à ce qu'il a dit, M. le cardinal, et assurer la place de tapissier auprès de M. le cardinal de Rohan ; qu'en effet il lui avait apporté, à son retour, la nouvelle que cette négociation était en bon chemin, et que le déclarant n'avait, à présent, qu'à choisir; s'il voulait, tout de suite passer le Rhin, et entrer au service chez M. le cardinal : ou bien rester ici
au régiment, et rendre des services plus essentiels et plus méritoires, en contribuant à l'exécution au projet d'escalade de la citadelle, que lui, déclarant, avait avec une vive satisfaction profité de l'avantage que lui promettait cette libre faculté de choisir pour avancer, dans la découverte de la trame, en optant pour rester au régiment.
L'avant-veille, ou trois jours tout au plus avant le départ du régiment, le déclarant avait reçu dudit homme d'affaires l'avis qu'il trouverait à Neufbrisach un homme qui l'instruirait de ce qu'il y avait à faire, et qui lui donnerait de ses nouvelles; qu'en effet, trois semaines environ après, arriva à Neufbrisach M. le chevalier de Corr qui fit demander le déclarant par le sergent-major de la compagnie, et arrivé chez lui, u lui remit 12 livres en disant qu'il avait été chargé de cette commission à Strasbourg, et qu'il devait en outre lui apprendre que la place de ta-isser lui était assurée; que cependant ledit sieur orr, n'était entré en aucune explication à ce sujet, et avait même montré quelque embarras dans ce qu'il en disait, que sur la prière que lui fit le déclarant de lui faire obtenir un congé de huit jours pour se rendre à Strasbourg, il 1 avait adressé au capitaine, et, à son défaut, au lieutenant de la compagnie ; qu'en effet il avait obtenu, par la voie de ce dernier, le congé qu'il vient d'exhiber, et que ledit lieutenant ,1 avait chargé d'une lettre pour M. Silly.
« Arrivé en cette ville, mercredi dernier, à 8 heures du soir, il était aussitôt allé chez ce dernier pour lui remettre ladite lettre ; qu'il l'avait reçu avec amitié et l'avait fait dîner ce jour-là au Corbeau; qu'au désir dudit sieur Silly, il s'était rendu chez l'homme d'affaires dont il s'agit, en avait été également très bien accueilli, et en avait reçu 6 livres ; que lui déclarant, lui avait tout de suite annoncé que M. Corr lui avait remis 12 livres et lui avait appris que sa place de tapissier lui était assurée ; qu'il s'était ainsi convaincu que la commission dont s'est acquitté ledit sieur Corr venait de la part de cet homme d'affaires; que celui-ci avait ensuite observé que la prudence exigeait que lui, déclarant, ne vienne \.lus chez lui en uniforme, attendu que sa maison et sa personne étaient surveillées; qu'en conséquence il l'avait adressé chez un maître tailleur dit Saint-Louis, disant que ce tailleur était chargé de lui faire un habit pour le compte de M. le cardinal ; qu'il pouvait se fier entièrement à lui et qu'il le chargeait d'y prendre un pistolet et un coutelas qui lui appartenaient ; qu'en conséquence, il y était allé le lendemain jeudi, mais n'avait trouvé personne ; à la maison du confiseur vis-à-vis, il leur avait demandé où était son père; que sur la réponse qu'il était sorti, et vu que c'était jour de fête, il avait remis sa commission au lendemain. Y étant rétourné ce jour-là, il avait trouvé ledit sieur Saint-Louis, lequel avant que le déclarant lui parlât de l'habit, prit un papier et les ciseaux pour prendre la mesure, ce qui persuada le déclarant que ce tailleur était instruit de tout, d'autant plus que ledit Saint-Louis était toujours sur ses gardes, dans le cas que quelqu'un fût survenu et que le déclarant lui dît que cet habit était pour le compte du cardinal.
« Enfin, l'habit dont il s'agit étant promis pour le dimanche suivant, et son départ étant fixé, le déclarant désirait employer tous les moyens possibles pour découvrir les manœuvres des ennemis ae la patrie, avec espérance de succès, qu'il s'était empressé d'en faire l'ouverture à une personne de confiance, afin de
pouvoir agir efficacement; que le sieur Leclerc, chapelier, citoyen de cette ville, demeurant au bas de la place d'armes, sans connaître le secret, lui avait indiqué à cet effet, M. Laurent, officier municipal, qui vient de le conduire devant nous, pour répéter sa déclaration ; et avant de la terminer, le déclarant a ajouté qu'il était encore à observer que le sieur Silly lui avait dit dans un entretien qu'il avait eu avec lui, l'un de ces derniers jours, que la garnison d'ici était bonne; que les grenadiers ae Liégois étaient bien braves, et, sur l'observation faite par lui, déclarant, que le régiment de Piémont était généralement reconnu patriote, le sieur Silly avait répondu, avec un air dédaigneux : leurs forces ne seront pas suffisantes; qu'enfin, il priait d'interroger les nommés Pépin, serrurier, Hérault, chirurgien de l'état-major du 13° régiment, et Richard, natif de Nancy, trompette des carabiniers, qui pourraient sans doute attester les intentions du-ait sieur Silly, en répondant avec franchise à la demande, s'ils ont reçu, de la part du sieur Silly, de l'argent, ou parlé avec lui de projets d'aller joindre l'armée du cardinal, qu'il serait sans doute également important d'interroger le perruquier et le chirurgien du sieur Silly, qu'il était important d'interroger celui-ci sur la personne d'un grand bel homme, en grande capote bleue, qui fut chez lui, ce matin, où lui déclarant qui s'y trouvait; que le nommé Chevreuse, sergent de la compagnie du déclarant pourrait attester qu'il y avait environ 15 jours qu'il lui a dit avoir un secret de la plus haute importance à lui confier, mais qu'il n'était pas encore temps ; qu'il serait cependant le seul en qui il aurait confiance; ajoute encore le déclarant que ledit sieur Silly est dans l'intention de partir lundi ou mardi pour Nancy, et de là à Neufchâteau ; et qu'il se met sous la protection de la loi pour se garantir contre les ennemis dangereux que la présente dénonciation lui suscitera. »
(Suivent les signatures.)
3° Rapport du sieur Baville, adjudant au 13e régiment d'infanterie, qui a fait l'arrestation du sieur Voignes au pont du Rhin lorsqu'il paraissais déserter.
Il est ainsi conçu :
« Le soussigné, adjudant au 13e régiment d'infanterie, déclare qu'il s'est porté aujourd'hui après-midi, entre 5 et 4 heures, sur le poste du pont du Rhin, en conséquence de l'avertissement qui avait été donné à M. Broglie, commandant ledit régiment, qu'un soldat au même régiment était intentionné de passer le Rhin pour joindre l'armée du cardinal, et qu'il était déguisé en bourgeois; qu'en effet le nommé Voignès, habillé en Anglais, veste et culotte de la même couleur, cette dernière d'une étoffe rayée, ayant un chapeau à trois cornes avec une cocarde nationale et des boucles noires, était arrivé audit poste vers les 4 heures environ, que, sur-le-champ, il avait requis le poste de l'arrêter; qu'en même temps il s'était fait remettre le portefeuille dudit Voignès qu'il dépose avec la présente déclaration; que l'homme arrêté lui avait déclaré qu'il avait été séduit et engagé d'abandonner sa patrie par M. Silly, ci-devant officier audit régiment, et résidant actuellement en cette ville, et M. Loyauté, chevalier de Saint-Louis, demeurant au bas de la place d'armes, se disant homme d'affaires de M. le cardinal, que ce dernier lui avait donné à différentes reprises de l'argent et l'avait envoyé chez un nommé
Saint-Louis, maître tailleur en cette ville, rue des Fossés, que ce dernier lui avait fait un habit pour le compte du cardinal; qu'il lui avait même laissé son uniforme et son sabre ; que la femme Saint-Louis, épouse dudit tailleur, lui avait remis un imprimé intitulé : Règlement pour les cantonnements, avec une lettre d'envoi des princes, ledit imprimé cacheté de cire rouge portant sur un écusson ces mots : qui vivra verra. (Rires.) Le soussigné a arrêté ledit Voignès pris en flagrant délit de désertion et a signé ce 12 décembre 1791. »>
« Baville. »
4° Copie du post-scriptum d'une lettre du père de Voignès à son fils.
5° Copie de la procédure du juge de paix du 4e arrondissement de Strasbourg qui a reçu les déclarations des sieurs Pierre-Alexis Voignès, François - Arnaud-Michel Loyauté, Jean-Baptiste Lenoble, Hyacinthe-Joseph Silly, Jeannette Meyet dite Saint-Louis, née Wentz, Louis-Joseph Meyet, dit Saint-Louis; elle est ainsi conçue :
« Sur la dénonciation faite hier à la police municipale par Pierre-Alexis Voignès, que les sieurs Silly et Loyauté l'avaient engagé à se rendre à Ettenheim, nous Jean-Léonard Rœderer, juge de paix du 4e arrondissement de la ville de Strasbourg, nous sommes transporté, aujourd'hui 13 décembre 1791, à une heure de relevée, dans la maison d'arrêt de cette ville, pour prendre les déclarations des personnes susmentionnées ainsi qu'il suit :
« 1° Pierre-Alexis Voignès, âgé de 24 ans, natif de Nancy, soldat au 13e régiment d'infanterie, ci-devant Bourbonnais, compagnie de Castella; ledit déclarant a dit s'en tenir à la déclaration qu'il avait faite à M. le maire, il y a 4 jours, en y ajoutant qu'elle contenait la vérité qu'ayant appris que m. Silly, capitaine au même regiment, était de retour de ses caravanes de Malte, il s'était adressé à lui pour le prier d'écrire à son père ; que cet officier lui Iproposa de passer au delà du Rhin, mais qu'il refusa, en disant que le 13e régiment était bon patriote, et que pour ne pas encourir la disgrâce de ses parents, il ne pouvait se porter à un pareil projet: que cependant M. Silly ayant renouvelé les mêmes propositions, il lui avait répondu qu'il le voulait bien, mais à condition qu'il serait tapissier du cardinal de Rohan; que M. Silly lui avait répondu qu'on avait besoin de monde au delà du Rhin, et 3u'il le présenterait à l'homme d'affaires du car-inal, qui s'appelait Loyauté, qu'il lui dit que 600 gentilshommes devaient escalader les remparts de la citadelle ; que le même Silly le mena chez M. Loyauté, qui lui donna 12 livres; qu'étant allé avec le régiment à Neufbrisac, on lui envoya 12 livres par M. Corr, capitaine; que M. Loyauté et M. Silly lui avaient dit, à différentes reprises, qu'il devait bien garder le secret; que sans cela il ne serait pas sûr de sa vie; que même, dans le cas où il serait arrêté, il ne devait pas avoir l'air de connaître ces deux messieurs, ainsi que le tailleur Saint-Louis. Lecture faite, etc... et a signé.
« 2° Le sieur François-Àrnaud-Michel Loyauté, âgé de 41 ans, natif de Metz, ancien inspecteur de l'artillerie ae Virginie, a déclaré qu'il ne savait pas d'autre raison pourquoi il avait été mis aux arrêts que celle que M. le maire lui avait dit hier, et qu'il était prêt à subir tous les interrogatoires que la loi, a laquelle il se conformera toujours, pourrait exiger ; que la seule observa-
tion qu'il avait à faire, c'est que par une procédure longue il pourrait voir toute sa fortune perdue, vu que sous peu de jours il aurait dû partir pour des affaires de la plus grande importance, pour ses intérêts. Lecture faite, etc., et a signé.
« 3° Jean-Baptiste Lenoble, âgé de 32 ans, natif de Thonnelle, près de Montmédy, cocher de profession, a déclaré qu'il ne savait pas la cause pour laquelle il a été mis aux arrêts; qu'hier s'étant trouvé sur la route d'ici à Kehl et y ayant rencontré un homme qu'il ne connaissait pas et de qui il avait appris qu'il voulait passer le Rhin, il l'avait prié de mettre à la poste, audit Kehl, une lettre sous l'adresse du marquis d'Auvergne, capitaine aux chasseurs de Champagne actuellement à Bade, près Rastadt, chez lequel marquis le déclarant avait servi ; que sur cela il avait été arrêté innocemment, puisqu'il ne s'agissait dans cette lettre que d'un certificat de bonne conduite qu'il voulait demander à son ancien maître, pour entrer en service chez le lieutenant-colonel des carabiniers, ici en garnison. Lecture faite, etc... et a signé.
« 4° Le sieur Hyacinthe-Joseph Silly, chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, ancien officier au 13e régiment d'infanterie, âgé de 25 ans, natif de Nancy en Lorraine, déclare connaître le sieur Voignès pour être de la même ville de Nancy, et avoir logé chez son parent M. Hiver, déclare de plus avoir reçu chez lui, à Strasbourg, ledit Voignès, et l'avoir toujours traité comme un concitoyen, en lui procurant quelques douceurs et même sollicitant ses parents de lui envoyer des secours. Déclare au surplus ledit sieur Silly n'avoir aucune connaissance de ce que le sieur Voignès lui impute. Lecture faite, etc... et a signé.
« 5° Jeannette Meyet, dite Saint-Louis, âgée de 30 ans, a déclaré que tout ce qui pouvait regarder le nommé Voignès et les sieurs Silly et Loyauté, ne la touchait en rien ; qu'elle ignorait absolument tout ce qui s'était passé entre ces personnes et qu'il était étonnant qu'elle fût mise aux arrêts pour une chose tout à fait étrangère à son sexe et à ses vocations. Lecture faite, etc., et a signé.
« 6° Louis-Joseph Meyet, dit Saint-Louis, maître tailleur en cette ville, âgé de 49 ans, a déclaré que tout ce qui s'était passé hier, touchant le déserteur qu'on dit avoir été arrêté sur le pont du Rhin, lui était chose inconnue ; qu'il se souvenait que samedi dernier ou vendredi, un officier, chevalier de Saint-Louis, en habit bourgeois, pour lequel il avait déjà travaillé mais qu'il ne connaissait pas de nom, lui avait commandé une anglaise pour un autre qui était venu avec lui, qu'il ne connaissait pas non plus ; qu'il avait fait délivrer cette anglaise que le même officier lui avait payée d'avance, à raison de 42 livres, y compris la culotte et le gilet. Le déclarant ayant été interpellé de nous remettre les clefs ainsi que la somme d'argent qu'il a prise hier avec lui avant de sortir de sa maison, nous a remis une clef pour ouvrir l'armoire qui se trouve dans sa boutique ; et quant à l'argent, qui d'après sa propre déclaration consistait en une somme de 30 à 36 louis d'or, il nous a répondu qu'il ne pouvait pas s'en défaire puisqu'il était obligé de satisfaire à différentes commissions commandées hier. Lecture faite, etc... et a signé.
« Sur quoi, nous susdit juge de paix, avons ordonné que les sieurs Voignès, Loyauté, Silly,
Lenoble, femme Meyet, ainsi que Louis Meyet, son mari, seront gardés en état d'arrestation; et comme la présente cause doit être renvoyée au tribunal de Strasbourg, ordonnons que toutes les pièces seront communiquées à l'accusateur public. »
« Signé : Rgederer. »
Un membre : Nous sommes tous d'accord sur les principes. Tous ceux qui sont prévenus de complot, d'attentat contre la Constitution ou contre la sûreté générale de l'Etat, doivent être mis par l'Assemblée nationale en état d'accusation. C'est seulement l'application qui quelquefois nous a divisés. Dans cette circonstance, il paraît que ceux qui sont dénoncés, et notamment le sieur Silly et le sieur Loyauté, sont bien dans le cas prescrit par la Constitution. Ainsi je conclus que ceux-là seuls soient mis en état d'accusation.
Je suis bien convaincu, avec le préopinant qu'il y a lieu à accusation contre quelques-uns des individus désignés dans le procès-verbal dont il vient d'être fait lecture ; mais, Messieurs, je dois observer à l'Assemblée que jusqu'à présent on n'a accusé que des agents subalternes au complot, qu'il nous faut attaquer directement la conjuration, et que nous ne ferons rien tant que nous n'aurons pas atteint tous les chefs et principaux moteurs. Je demande le renvoi des pièces au comité de surveillance, afin qu'à l'aide de ces pièces et de toutes celles dont il est déjà muni, il présente un projet de décret qui indique les moyens de découvrir la conjuration, afin qu'on ne soit pas obligé de faire autant de procédures qu'il y a d'agents et complices du complot. Le juré serait extrêmement embarrassé si les jugements étaient individuels. Rappelez-vous que le ministre de la justice, vous a proposé une très grande difficulté sur laquelle votre comité de législation doit vous faire incessamment, son rapport. Elle consiste, cette difficulté, à savoir s'il ne faudra pas faire autant de jurés de jugement qu'il existe de procès, et prenez garde que vous aurez bientôt divisé les 166 jurés que la haute cour nationale donne lieu de convoquer. (Murmures.) Il est incroyable qu'on ne puisse être entendu quand on parle raison. (Rires.)
Un membre : Il est question de savoir s'il y a lieu, ou non, à accusation, et Monsieur bat la campagne.
Je me résume, et puisqu'il faut décréter des complices, venons enfin à la mesure principale, décrétons les auteurs des crimes, les auteurs de la conjuration. Je ne conclus pas ici à un décret d'accusation ; mais je dis qu il faut atteindre le délit principal. Je demande donc le renvoi de toutes les pièces au comité de surveillance, et qu'il soit chargé de vous faire, demain ou après-demain au plus tard, un rapport en exécution de notre décret du 29 novembre, auquel se joindront toutes les mesures à prendre contre les auteurs de la grande conjuration.
J'appuie la motion de M. Goujon ; mais, Messieurs, j'ai à vous entretenir d'un autre objet. Je vous prie, dans ce moment-ci, de distraire de cette accusation le bon citoyen qui s'est sacrifié en quelque façon pour découvrir les manœuvres de ses complices. Vous avez vu qu'il a refusé plusieurs offres qui lui ont été faites. Cet homme-là, Messieurs, a des
droits à la reconnaissance de la patrie. Non seulement le sieur Voignès doit être distrait du décret d'accusation, mais encore je fais la motion que vous lui accordiez une recompense.
Je ne suis pas de l'avis du préopinant; toutes les personnes dénommées doivent être soumises au décret d'accusation. Je ne crois pas, Messieurs, que vous puissiez en exempter le particulier qui les a dénoncées parce-que est de sa confrontation avec les autres accusés que résulteront toutes les preuves. Si vous ne le mettez pas en accusation, il est possible qu'on l'enlève et qu'on détruise toutes les preuves que vous ne pouvez avoir que par lui. Il fera valoir ses moyens devant le juré ae jugement ; mais nous, nous ne sommes que juré d'accusation.
J'observe que non seulement vous devez porter ce décret d'accusation tant contre les sieurs Silly et Loyauté? contre le tailleur et sa femme, que contre le sieur Voignès; mais encore vous devez le porter contre le cardinal de Rohan, qui a déjà un commencement de preuves. Vous avez la déclaration de plusieurs personnes, vous avez les preuves résultant de la déclaration du sieur Loyauté et l'aveu du tailleur, qui a reçu les sommes pour les habits qu'il a faits au sieur Voignès.
Je conclus donc à ce que vous décrétiez ces cinq personnes, et nominativement le cardinal de Rohan ; je aemande en outre le renvoi de toutes les pièces au comité de surveillance, afin qu'il propose les moyens d'attaquer directement la conjuration et de la déjouer.
Je vais vous prouver que la position où vous êtes vous oblige à poursuivre non seulement les complices, mais les auteurs de la conjuration.
On vous a dit avec raison qu'il n'y avait point de délit de complicité, s'il n'y avait point de délit principal. Il n'y aurait pas de délit s'il n'existait pas un grand complot formé contre la sûreté générale de l'Etat. Ce grand délit, vous l'avez reconnu dans votre décret contre les émigrés frappé du veto royal, dans lequel vous donniez un délai comminatoire aux coupables : or, comment pouvez-vous poursuivre les complices du délit, lorsque vous ne poursuivez pas les auteurs du délit principal; ainsi je demande que votre décret d'accusation porte non seulement sur le cardinal de Rohan, mais encore sur tous les autres chefs de la conjuration, et je ne demande qu'un mot pour prouver que non seulement les circonstances ne vous ôtent pas le droit de porter le décret d'accusation, mais qu'elles en font une loi.
Vous avez eu de grands ménagements pour les princes rebelles lorsque vous leur avez accordé un délai comminatoire. Il n'a pas tenu à vous que ces ménagements n'aient été employés ; vous devez aujourtf hui prendre la sévérité que vous auriez employée au 1er janvier, si la loi n'eût été suspendue. Vous ne pouvez douter qu'il n'existe un grand complot, vous frappez les complices, et votre lâche timidité vous ferait épargner les principaux coupables ! Je ne suis point ae l'avis de M. Goujon. Je dis que vous n'aurez que des procédures individuelles quand vous ne sévirez que contre des particuliers; mais lorsque vous attaquerez les auteurs, les délits de complicité viendront naturellement se joindre à la procédure. Supposons que depuis six semaines que votre premier décret d'accusation est porté, la
haute cour nationale ait terminé la procédure, quelle peine pourrait-elle prononcer contre les complices lorsque nous laissons tranquilles au delà du Rhin les chefs pour lesquels ils sont accusés d'avoir fait des enrôlements? Non, vous n'avez pas besoin de renvoyer à un comité ; vous êtes assez instruits pour prononcer un décret d'accusation contre les princes français, contre le cardinal de Rohan, contre M. La Queuille, contre les prévenus dont il s'agit en ce moment, enfin contre tous les auteurs et chefs des attroupements, et j'en fais la motion expresse. (Applaudissements dans les tribunes.)
Messieurs, des procès-verbaux vous sont envoyés par la municipalité de Strasbourg et le directoire du département du Ras-Rhin. Il résulte de la lecture de ces procès-verbaux une forte présomption contre les personnes qui y sont dénommées, d'être coupables ou du moins complices du crime d'enrôlement contre la patrie. Point de doute qu'elles doivent être accusées. En conséquence, j appuie une partie de la proposition de M. Gensonné. A l'égard du cardinal ae Rohan, comme il y a un commencement de preuves dans ces procès-verbaux, je demande encore que vous portiez contre lui le décret d'accusation. Mais ie dois, Messieurs, vous faire une observation à l'égard des citoyens qui se trouvent compris dans les procès-verbaux de la municipalité de Strasbourg : c'est que tous ne me paraissent pas également coupables. Or, quand il s'agit de priver un citoyen de sa liberté, quand il s'agit ae décréter d'accusation au nom de la nation, je crois que l'Assemblée nationale ne doit rien négliger pour ne comprendre dans ce décret que les citoyens qui sont bien véritablement prévenus et pour apporter dans ses décisions la plus grande circonspection. Du moment où l'Assemblée ne reconnaîtra pas contre tous les accusés une partie de prévention, du moment où elle verra qu'il n'y a pas le même degré de culpabilité contre tous, je crois qu'elle doit établir une distinction entre eux et ne pas décréter une accusation universelle.
Je ne suis donc pas d'avis que le soldat Voignès qui a fait la dénonciation soit compris au nombre de ceux que vous mettrez en état d'accusation. M. Gensonne vous a dit que s'il échappait, il n'y aurait pas de moyens pour convaincre les accusés. Mais j'observe, Messieurs, que parce qu'un témoin peut être très nécessaire pour convaincre un coupable, il ne s'ensuit pas.qu'il doive commencer par partager les angoisses du coupable. D'après cela, je pense qu'il n'y a pas lieu à accusation contre ce citoyen qui plutôt mériterait une récompense nationale. Je pense encore, Messieurs, qu'il peut y avoir une distinction à faire entre la femme du tailleur et le tailleur lui-même, bien constamment prévenu.
Messieurs, une seule lecture des procès-verbaux de la municipalité et du département me paraît insuffisante pour assèoir solidement notre opinion à cet égard et pour nous mettre à même de
Eorter une décision. Je crois que plusieurs mem-
res partagent cette incertitude. Puisqu'ils sont arrêtes, et que 24 heures de retard ne peuvent avoir aucun inconvénient, je demande le renvoi des pièces au comité de surveillance pour en faire le rapport demain.
Un membre : Nos fonctions sont prescrites et tracées par la Constitution. Si vous renvoyez à un comité, vous renoncez au caractère de jurés puisqu'ils doivent prendre par eux-mêmes con-
naissance des pièces. C'est à l'Assemblée et non à un tribunal particulier à juger.
Il me semble qu'il est bien inutile d'employer deux séances et deux discussions pour cé qui peut être fait en une séance et en une seule discussion. L'Assemblée nationale est entièrement fixée sur trois personnes dénommées aux procès-verbaux. Quelque rapide qu'ait été ma première lecture, il est impossible de ne pas voir un commencement de preuves soit contre le cardinal de Rohan, soit contre le sieur Silly, soit contre le sieur Loyauté. Quant aux autres, sur lesquels il paraît y avoir des doutes, je demande le renvoi au comité de surveillance. Je demande en outre que le soldat ait un mandat d'amener à Orléans, et qu'on lui fixe un salaire. (Appuyé! appuyé!)
Plusieurs membres: La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Un membre : Je demande que l'Assemblée soit consultée sur le décret d'accusation séparément pour chaque individu.
J'ai pris des notes très exactes pendant la lecture des différentes pièces, et je vois qu'un certain chevalier de Corr a donné à ce soldat une somme de 12 livres, qu'il l'a excité, ainsi que M. Loyauté, à passer outreRhin et qu'il l'a assuré qu'il trouverait du service chez le cardinal. Vous voyez, Messieurs, que ce chevalier de Corr est pour le moins aussi coupable. Je demande donc que le décret d'accusation soit aussi porté contre lui.
On a demandé d'une part le renvoi au comité de surveillance, et d'autre part on a fait la motion de prononcer le décret d'accusation successivement sur chacun des prévenus dénommés dans les pièces. Je consulte l'Assemblée pour savoir à laquelle de oes deux motions elle accorde la priorité.
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à la motion de prononcer le décret d'accusation successivement sur chacun des prévenus.)
Plusieurs membres : Une seconde lecture des pièces !
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait une seconde lecture des pièces.)
, secrétaire, fait cette lecture.
Cette lecture terminée, un grand nombre de membres demandent que l'on mette aux voix le décret d'accusation.
J'ai des réflexions à faire sur le décret proposé contre le cardinal de Rohan. Sans doute, ce prêtre perfide et forcené a cherché et cherche encore tous les moyens de miner sourdement la Constitution. Nous, nous devons chercher tous les moyens de le réprimer, mais celui qu'on vous propose est-il efficace? peut-il remplir vos vues? Je ne le crois pas. Je pense qu'il serait absolument inutile pour la patrie et qu'il serait même très dangereux, puisque vous ne pouvez pas l'atteindre. En effet, il y a toujours un grand inconvénient à rendre une décision inexécutable. Et, je vous le demande, suffirait-il de désigner à la haute cour nationale le cardinal de Rohan comme coupable de haute trahison, si vous ne pouvez pas le lui livrer? D'ailleurs, je roi des Français a accordé jusqu'au 15 janvier prochain pour dissiper les attroupements... (Murmures prolongés.)
Un grand nombre de membres : La discussion est fermée. Aux voix le décret d'accusation !
(L'Assemblée porte le décret d'accusation suc-
cessivement contre le sieur Silly et contre le sieur Loyauté.)
Je consulte l'Assemblée sur la motion de mettre en état d'accusation M. le cardinal de Rohan.
(Il s élève de grandes rumeurs dans une partie de l'Assemblée.)
Voix diverses : La question préalable ! Le renvoi au comité!
Messieurs, j'ai demandé la question préalable...
(Les murmures couvrent la voix de l'orateur.)
Un grand nombre de membres demandent la parole.
La question préalable n'entre pas dans les fonctions du jury. Vous n'êtes point une Assemblée délibérante; ainsi vous devez aller aux voix purement et simplement sur le décret d'accusation.
(Après quelques débats, l'Assemblée décide que M. Daverhoult sera entendu.)
(Les cris, le désordre continuent dans une partie de l'Assemblée. Plusieurs membres se plaignent que l'organe trop faible du président les a empêchés de participer à la délibération ; d'autres se lèvent avec violence pour demander le rapport du décret qui accorde la parole à M. Daverhoult. Après une longue agitation, les efforts du président ramènent le silence.)
J'ai demandé la parole pour observer que M. le cardinal de Rohan est un prince étranger, siégeant à la diète de Ratisbonne par un représentant ; c'est en cette qualité d'étranger qu'il doit fournir son contingent dans l'armée de l'Empire. Chaque prince de l'Empire a le droit de fournir son contingent, même ae le doubler et de le tripler : le cardinal en a, comme les autres, la faculté. Il est sûr, il est indubitable qu'il est notre ennemi ; mais ce n'est pas comme Français, c'est comme prince de l'Empire qu'il solde des troupes. (Murmures.)
Votre décret d'accusation ne peut tomber que sur un Français : de principe, le cardinal de Rohan ne l'est pas.. Votre décret serait donc déplacé ; il serait même inutile puisque le cardinal est de l'autre côté du Rhin. (Murmures prolongés.)
Un décret accorde la parole à M. Daverhoult.
Les hostilités que M. le cardinal de Rohan exerce ne peuvent être repoussées que par les voies politiques, ou par la force des armes. Si vous adoptez l'étrange moyen qu'on vous propose, il vaudrait autant mettre tous les princes de l'Empire en état d'accusation. Assurément votre décret ne serait pas fait pour donner une grande confiance au corps germanique. D'ailleurs, toutes ces petites mesures sont parfaitement inutiles. Le roi exige que les rassemblements soient dispersés au 15 janvier; vous ne pouvez »oint devancer cette époque, autrement vous vio-eriez le droit des gens. Je demande donc la question préalable.
L'Assemblée nationale constituante savait parfaitement bien que M. le cardinal de Rohan réunissait deux qualités distinctes, celle de citoyen français et celle de prince allemand qui a reçu un fier devant le trône impérial. Néanmoins, elle a rendu contre lui un décret d'accusation, non pas en sa qualité de prince allemand, non pas comme possédant un petit bailliage de l'autre côté du Rhin, mais en sa qualité de citoyen
français. Le décret, qui l'a mis en état d'accusation, a depuis perdu toute sa force par l'effet du décret d'amnistie : M. le cardinal de Rohan est lavé par là. Maintenant il s'agit de savoir si vous voulez renouveler contre lui ce décret d'accusation qu'il a depuis longtemps encouru. Certes, si vous le considériez comme étranger, comme ayant reçu son investiture devant le trône impérial, et ayant le droit de siéger à la diète, en cette qualité, certainement je ne vous le conseillerais pas; mais vous pouvez, vous devez le mettre en état d'accusation, comme un Français rebelle. (Applaudissements.)
M. le cardinal de Rohan est un prince possessionné dans le cercle du Bas-Rhin ; cette qualité qui est inhérente en lui, le rend indépendant de votre juridiction, surtout quand il réside sur ses propres terres.
Votre décret d'accusation serait non seulement inconsidéré?- il serait une injure faite au corps germanique. Je demande le renvoi au comité diplomatique.
Je demande à relever une erreur de fait. Je vous prie d'observer que quand l'Assemblée constituante a rendu un décret d'accusation contre M. le cardinal de Rohan, il était encore évêque de Strasbourg, qu'il a depuis perdu cette qualité, et avec elle, en abandonnant son domicile en France, celle de citoyen français. J'observe d'ailleurs que cette mesure est une de ces petites mesures toujours utiles ou dangereuses, et qu'elle ferait même très certainement plus de mal que de bien; car je vous assure qu'à la diète les vues du cardinal, ni celles des autres princes, tels que l'électeur de Trêves, l'électeur de Mayence, qui protègent les rassemblements des émigrés, ne sont point approuvées ; que la plus grande partie des membres de la diète leur sont opposés. Or, je vous demande si, avec cette espèce de faveur qu'a dans l'Empire la cause de la Constitution, vous pourriez rendre un décret d'accusation contre un membre du corps germanique, sans vous exposer, sans utilité, à indisposer contre vous tout l'Empire.
Plusieurs membres : Fermez la discussion!
Je demande la parole.
(L'Assemblée ferme la discussion et renvoie la proposition du décret d'accusation contre le cardinal de Rohan au comité diplomatique.)
Je consulte l'Assemblée sur la motion de mettre en état d'accusation le sieur Louis-Joseph Meyet, dit Saint-Louis, tailleur à Strasbourg.
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à accusation contre le sieur Louis-Joseph Meyet, dit Saint-Louis, tailleur à Strasbourg.)
Je consulte l'Assemblée sur la motion de mettre en état d'accusation Jeanne Meyet, dite Sainte-Louis, femme du tailleur.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de mettre en état d'accusation la femme Jeanne Meyet.)
Je consulte l'Assemblée sur la motion de mettre en état d'accusation le sieur de Corr.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable.)
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de surveillance!
(L'Asemblée renvoie au comité de surveillance la question de savoir si le sieur de Gorr doit être mis en état d'accusation.)
consulte ensuite l'Assemblée sur la motion de mettre en état d'accusation le sieur Alexis Voignès et le sieur Jean-Baptiste Lenoble, cocher.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de mettre en état d'accusation les sieurs Alexis Voignès et Jean-Baptiste Lenoble et passe à l'ordre du jour sur la question de mettre en liberté ces deux particuliers, leur liberté étant de droit.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture du décret qui est adopté définitivement en ces termes :
(L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de la lettre des administrateurs du département du Bas-Rhin, du rapport du sieur Ba-ville, adjudant du 13e régiment, et des déclarations faites en présence du sieur Rœderer, juge de paix à Strasbourg, par les sieurs Voignès, François-Arnaud-Michel Loyauté, Jean-Baptiste Lenoble, Hyacinthe-Joseph de Silly, Jeannette Meyet, née Wentz et Louis-Joseph Meyet, dit Saint-Louis.
Décrète qu'il y a lieu à accusation contre François-Michel Loyauté, officier décoré, Hyacinthe-Joseph Silly et Louis-Joseph Meyet, dit Saint-Louis, tous les trois détenus en état d'arrestation à Strasbourg sur l'ordre du sieur Rœderer, juge de paix.
« Ordonne que lesdits particuliers seront transférés sans délai dans les prisons de la villè d'Orléans, et que les procès-verbaux et autres pièces relatives à ladite affaire, seront envoyés au greffe de la haute cour nationale. »
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, touchant le rapport fait par le comité de marine sur la dénonciation faite par le département du Finistère; elle est ainsi conçue :
Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'apprends par les papiers publics que la dénonciation adressée au roi par le département du Finistère, et que je croyais avoir suffisamment réfutée dans le discours que j'ai prononcé à l'Assemblée nationale le 5 de ce mois, a été l'objet d'un rapport qui contient beaucoup de reproches contre moi et dans lequel il me paraît qu'il n'a été fait aucune mention des explications que j'avais déjà données.
« J'ignore s'il a été produit à l'appui de cette dénonciation quelques pièces, que je ne puis combattre puisque je ne les connais pas ; mais ie suis très assuré qu'elles ne peuvent affaiblir les preuves résultant de ce que j'ai déjà exposé et de ce que je vais y ajouter. Je suis loin de craindre 1 examen de ma conduite et des motifs qui l'ont dirigée, je le désire au contraire. Sur ae mes principes, fort de ma conscience, comptant sur la justice de l'Assemblée nationale, je désire seulement qu'elle veuille bien m'entendre et accorder quelque attention aux explications que je vais avoir l'honneur de lui présenter. Elles exigeront des développements peut-être un peu longs, mais qui certainement dissiperont jusqu'à l'ombre du doute sur les accusations portées contre moi... »>
Plusieurs membres : A demain ! à demain !
(L'Assemblée remet à demain la lecture du mémoire qui accompagne la lettre.) (Voir ci-après, page 173.) (La séance est levée à quatre heures.)
Opinion de J.-H. Couget (1), un des députés du département des Hautes-Pyrénées, sur le projet d'une émission d'assignats de 50, 40, 30, 20, 15 et 10 sols.
Un partisan des assignats au-dessous de 5 livres a menacé de regarder comme ennemis de la Constitution, tous cèùx qui ne seraient pas de son avis. Je publierai cependant les motifs que j'ai de douter de l'utilité de son système. Si je me trompe, l'Assemblée sait trop bien qu'une erreur n'est pas de l'incivisme; et si j'ai raison, je promets de n'anathématiser personne, pas même ceux qui s'obstineraient encore à me reprocher d'avoir rencontré la vérité.
Mon intention est de prouver que, tout comme les assignats actuellement circulants ont fait disparaître l'or et l'argent, de même les assignats depuis 50 jusqu'à 10 sols feront disparaître le cuivre.
Les conséquences doivent être le renchérissement des denrées de première nécessité, l'accroissement de l'agiotage, la ruine des manufactures. Mais, outre ces rapports, il sera démontré de plus, que l'opération en elle-même devrait coûter si cher qu'elle serait impraticable.
Il serait inutile de chercher a prouver la première proposition, sans le préjugé général que les émigrés ont emporté presque tout le numéraire diT royaume. Mais puisqu'on ne veut pas faire attention que la vente même de leur fortune entière, leur aurait à peine procuré le sixième de ce numéraire, je dois établir qu'avec ou sans les émigrés, nos assignats auraient également fait disparaître l'or et l'argent. Cela servira d'ailleurs à prouver que ceux qu'on propose, feront disparaître le cuivre.
Je laisse à part la moralité si connue, que l'avarice craint toujours de perdre, et qu'elle garde l'or et l'argent, parce qu'elle aime des signes qui ne se détruisent point.
Mais je mets en principe, ou plutôt c'est un fait, que dans un Etat qui ne manque pas de commerce, tout le numéraire circulant passe nécessairement des mains du consommateur dans celles du marchand, et que celui-ci n'en rend jamais à l'autre, parce qu'il n'achète jamais rien de lui.
L'argent revient à la circulation, en passant
des mains du marchand dans celles du fabricant ou négociant en gros ; et de ceux-ci, aux mains employées aux manufactures, ou qui ont vendu les matières premières.
Mais si les circonstances sont telles qu'un papier-monnaie se trouve dans la circulation, il est certain que le fabricant et le négociant payeront les matières premières, achetées à l'interieur, avec ce papier, dont l'équivalent en argent est alors soustrait à la circulation.
De plus, si les divisions de ce papier sont telles que beaucoup d'entre elles représentent la somme ordinaire des journées de travail, ils payeront encore les bras qu'ils emploient, avec ce papier; nouveau moyen de soustraire les espèces à la circulation.
Et qu'on ne croie pas que le négociant et le fabricant se comportent ainsi, pour entasser de stériles capitaux : cela serait bon tout au plus dans les pays où les productions territoriales fournissent à toutes les manufactures, à tous les genres de commerce. Mais ailleurs, le commerçant et le fabricant sont obligés d'employer l'argent pour beaucoup de traites extérieures. Ils le réservent surtout a cet usage exclusif, lorsque le papier circulant perd à l'intérieur ; car alors il doit perdre beaucoup plus au dehors.
L'exemple de l'Angleterre, où, malgré un papier immense, le numéraire est abondant, ne prouverait rien ici.; parce que : 1° la destination originaire de ce papier pour le commerce, et puis ses divisions, dont la moindre ne passe pas 10 livres sterling, somme en général trop au-dessus de chaque achat de détail, l'ont entièrement ou à peu près confiné parmi les marchands ; 2° la certitude d'échanger ce papier à volonté et au pair contre de l'argent, lui a acquis la confiance ae l'argent même; ce qui, joint à la facilité de son transport, doit en faire un objet précieux pour le commerce. Or nos assignats, quelle que soit d'ailleurs la confiance qu'ils méritent, n'ont point de tels caractères.
Ils ont dû faire fuir l'argent, parce qu'ils semblaient le suppléer; mais ils l'empêchent de reparaître, parce qu'ils ne le représentent pas réellement.
Ils ont dû le faire fuir d'autant plus vite, que leurs divisions se rapprochaient davantage des
qu'en supprimant les billets de 15 schellings ; et l'Amérique encore anglaise, où la même opération produisit le même effet.
Maintenant si l'on me dit que dans le cas où les divisions du papier sont si petites, le consommateur peut a son tour garder son argent et payer avec du papier, je réponds que l'objection serait à peine applicable au cas ou les divisions s'étendraient jusqu'au plus petit signe monétaire; chose politiquement impossible. Gela étant, comme les achats des consommateurs que j'ai principalement en vue, sont, en général, inégaux aux plus petits d'entre les coupons même qu'on propose, ces consommateurs seront toujours obligés de faire leurs soultes en argent; ce que ne fera jamais le marchand ; parce que d'abord, entre lui et le consommateur, il existe cette grande différence, que le besoin d'acheter est plus pressant que celui de vendre, et qu'ensuite le papier perdant contre les espèces, il doit resserrer jusqu'aux plus petites, parce qu'elles lui assurent un premier bénéfice sur ses achats en gros.
C est ainsi que le cuivre passant des mains du
marchand dans celles du fabricant ou du commerçant; et les assignats de 10,15 sols, etc., dispensant ces derniers de les reverser dans la circulation, il s'ensuit qu'il disparaîtra quand ils paraîtront.
Je viens aux conséquences.
Je ne parlerai point du renchérissement des objets de commodité; nous l'éprouvons déjà. S'il augmentait, ie n'oserais en parler encore. C'est aux gens ricnes ou aisés à le supporter. Mais les autres n'ont guère que leur existence : et l'émission proposée va la compromettre.
En effet, quand le petit numéraire du consommateur sera épuisé, le marchand ne recevant plus de lui cet argent qui bonifiait ses achats en gros, ne les fera bientôt plus lui-même qu'avec au papier. Il doit alors vendre plus cher; car il doit retrouver, outre ses profits usuels, et ce qu'il gagnait en achetant avec de l'argent, et ce qu'il perd en achetant avec du papier (1).
Ici, je prie encore une fois de considérer que les consommateurs dont je parle, sont ceux qui ne gagnent, dans le bon temps, que ce qu'il faut pour vivre tout juste. Ceux qui connaissent le royaume savent qu'il s'agit de 9 ou 10 millions d'individus au moins.
Ce qui se passe dans quelques grandes villes où circulent des billets de 50 et 10 sols, prouverait seulement que, dans ces endroits, la multiplicité et la rapidité des échanges peuvent absolument diminuer les difficultés entre le consommateur et le marchand. Mais cela ne détruit pas, et au contraire cela confirme le renchérissement des denrées de première nécessité. Enfin on ne voit déjà presque plus de cuivre dans ees grandes villes. Cela confirme donc sa disparition prochaine dans les petites villes et les campagnes où l'on en voit encore, grâce à l'absence des billets de 50 et 10 sols; et ce n'est pas un mince inconvénient que de le chasser de tels endroits. Comment le seul embarras ne sera-t-il pas interminable entre celui qui n'aura que 4 sols d'herbes à vendre pour acheter 4 sols de sel, et celui qui ne pouvant acheter que ces 4 sols d'herbes, n'aura qu'un assignat de 10 sols pour les payer ? Examinons l'agiotage.
Si l'on fait attention que depuis la première émission d'assignats, il a augmenté jusqu'à ces jours, à mesure que des émissions nouvelles ont augmenté la diversité des coupures de ce papier, on se convaincra sans peine que plus on multipliera la diversité de ces coupures, plus l'agiotage s'accroîtra. Cela dérive d'ailleurs nécessairement de sa nature même, indépendamment des autres causes de circonstance qui peuvent le favoriser ; par la raison qu'il consiste lui-même dans les spéculations sur l'échange des différentes valeurs qui sont en circulation. Il arrive de là que si de deux valeurs qui sont en circulation, l'une est plus recherchée que l'autre, celle-ci perdra contre celle-là ; et si 1 on en crée une troisième que l'on aime encore mieux, elle gagnera aussi contre celle-là; et ainsi de suite; et comme la multiplication de ces différences des valeurs augmente aussi bien l'intensité que le nombre des spéculations, il arrive qu'à la fin l'agiotage s'est accru, non en raison directe de chaque valeur sur laquelle il a pu s'exercer, mais en raison composée de toutes.
On peut s'assurer très aisément de cette vérité en voyant, par le cours de la rue Vivienne, ce
qui se passe à cet égard. Les assignats de 500 livres n y perdent pas plus, ou guère plus, que ceux de 100 et de oO livres. Cependant ceux-ci présentent 5 fois, 10 fois, plus de facilité d'échange. Mais c'est que les assignats de 25, 10 et 5 livres, présentant à leur tour une plus grande porportion de facilité, ceux-là ont dû paraître embarrassants, sinon inutiles, en comparaison de ceux-ci. Le même sort attend probablement ces derniers, à mesure que l'échelle s'allongera.
Je reviens encore, à ce sujet, aux billets de 10, 15, 20 sols, etc., de certaines villes ; et je prie ceux qui connaissent la perte des assignats dans leurs départements où il n'y a pas de ces billets ; je les prie, dis-je, de nous dire si les assignats y perdent comme ici vingt-deux contre de l'argent, et cinq trois quarts Contre des assignats de 5 livres ? C'est donc encore pire que l'agiotage de l'argent contre le papier, puisque (rest l'agiotage du papier contre le papier.
Cela seul prouve que les nouvelles coupures, qu'on vous propose, vont avilir de plus en plus celles que vous avez déjà émises. Observez là-dessus, que les assignats de 5 livres étant les doubles louis du pauvre, vous combleriez sa misère de deux manières à la fois : en haussant le prix de son pain, et en baissant les moyens de l'acheter.
Mais, quel besoin aurions-nous, au surplus, de décréter cette armée de nouvelles coupures, pour remplacer la petite monnaie, lorsqu on fabrique et qu'on répand déjà de la petite monnaie ? Est-ce pour doubler la circulation ? Je crois que vous y pourriez réussir dans les premiers moments; mais je n'aurai rien prouvé, si ces moments ne sont pas très courts ; et j'en ai indiqué la cause- Cette affluence momentanée ne peut donc guère servir qu'à aggraver le sentiment de la disette, du moins relative, qui la suivra, et peut-être à mécontenter le consommateur contre le signe fictif dont l'apparition l'aura privé de celui qu'il appelle plus réel.
Peu ae mots suffisent pour les manufactures.
Parmi ceux dont trop de coupures des assignats auront enchéri la subsistance, les journaliers voudront et devront s'indemniser sur le prix de leurs .journées, les artisans sur le prix de leurs instruments. Or, en dernière analyse, le fabricant supportera cette hausse deux fois : directement, par l'entretien ou la réparation de ses ateliers ou machines, et le payement de ses propres ouvriers; indirectement, par le surcroît du prix d'exploitation dont les vendeurs des matières premières à l'intérieur voudront s'indemniser.
Avec de tels résultats, il est facile de voir que notre commerce de manufactures ne soutiendra point la concurrence dans les marchés étrangers où jusqu'à présent une qualité tant soit peu supérieure a fait à peine rivaliser nos productions avec les productions semblables, mais moins chères, des autres nations commerçantes où la main-d'œuvre est à meilleur prix. Désormais donc, si notre prix augmente sans que la qualité se perfectionne, le débit sera évidemment nul, ou presque nul; et je dis que ce sera beaucoup, si la qualité, bien loin de se perfectionner, ne se détériore pas; par la raison qu'on se dégoûte de tout genre d industrie dont les débouchés ne sont pas assez étendus pour être profitables.
Tels sont les dangers des assignats qu'on propose, en considérant leurs rapports extérieurs.
J'ai dit aussi qu'en eux-mêmes, ils étaient ruineux; en voici la démonstration :
La circulation des assignats de 10', 15, 20 sols, etc. serait si rapide, que le frottement aurait bientôt détruit ces signes.
Je ne suppose point que les représentants de la nation veuillent qu'elle s'enrichisse de toutes ces destructions, comme on dit que le sont les caisses appelées patriotiques, dont l'établissement, sous ce point de vue, s'il était vrai, serait horriblement immoral.
Ainsi, dès qu'on ne peut me contester l'imminence de ces destructions, une précaution quelconque, pourvu qu'elle soit bonne, est nécessaire.
Il peut se faire qu'il y en ait de meilleures que celle de renouveler ces coupons de temps en temps. C'est ce que fait la Banque d'Angleterre pour ses billets; et je vais raisonner sur cette hypothèse, jusqu'à ce qu'on en ait imaginé une autre qui lui soit préférable.
Je prends encore pour exemple les billets des villes ; et je dis en regardant ceux de 10, 15, 20, 25 et 30 sols, même ceux de 40 et de 50, que ce n'est pas trop de supposer que la moitié en doit être renouvelée tous les ans.
Et puisqu'on convient que la fabrication originaire coûtera 10 0/0 une fois payés, la fabrication du renouvellement coûtera donc 5 0/0 annuellement. Ajoutez à cet intérêt annuel l'intérêt de la perte sèche sur la fabrication originaire : ces assignats vous coûteront 5 1/2 0/0 annuellement. Certainement on ne saurait acheter plus cher la meilleure monnaie 1
Le sacrifice que fait à cet égard l'Angleterre n'est nullement comparable au nôtre. D'un côté, ses billets confinés dans le commerce en gros, s'usent moins ; de l'autre, ils procurent autant d'avantages que les nôtres auraient d'inconvénients.
Je me résume :
C'est déjà assez pour les vivres, pour l'agiotage, pour les manufactures, pour les dépenses nationales, qu'il y ait des assignats depuis 2.000 jusqu'à 5 livres. La question préalable doit donc écarter toutes les coupures au-dessous.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 15 décembre au soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 16 décembre.
donne lecture d'une adresse de trois cents citoyennes de Clermont-Ferrand ; elle est ainsi conçue :
« Adresse des femmes patriotes de Clermont-Ferrand, chef-lieu du département du Puy-de-Dôme, à VAssemblée nationale.
« Législateurs,
« Si votre sexe se fait admirer de l'univers entier et par sa philosophie et par son courage,
le nôtre, nouvellement formé par vos exemples, ne devrait plus être faible et insouciant.
« Quant a nous, Messieurs, qui avons sacrifié ce qui nous est le plus cher, lorsque nous avons appris que des lâches conspiraient contre la plus tendre des mères (leur patrie), aiguillonnés récemment par deux décrets, applaudis par la France entière, qui nous prouvent votre fermeté et nous annoncent une stimulation perpétuelle et magnanime de votre part, nous raffermissons, autant qu'il est en nous, la vive ardeur de nos maris pour le soutien de nos lois. Nous faisons sucer à nos enfants un lait incorruptible, et que nous clarifions à cet effet avec l'esprit naturel et agréable de la liberté. (Applaudissements). Nous nous répétons toutes et nous vous jurons qu'au premier signal, nous apprendrons, aux uns, qu'ils ne sont pas même faits pour se servir de la quenouille, et aux autres pour être les ministres a'une religion que leurs machinations hypocrites peuvent seules attaquer.
« Nous prendrons alors des armes qui ne sont pas forgées pour eux et qu'ils se sont rendus indignes de porter, et en attendant que vous mettiez ces conspirateurs infâmes en état d'accusation, nous relisons soigneusement votre sainte Constitution, et nous réduisons en pièces ces vils ouvrages qui, quoique fanatiques, ne sont pas moins dangereux pour les personnes qui, comme nous, ne savent pas que 1 esclavage n'a été enfanté que par le luxe, la mollesse et la superstition. (Applaudissements.)
« Signé : Les citoyennes de Clermont-Ferrand. »
Plusieurs membres demandent l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable.
(L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable.)
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Adresse des volontaires nationaux du 2e bataillon du département de la Marne, cantonné près des frontières, qui se plaignent de la mauvaise qualité des fournitures qui leur sont faites et surtout de la saleté révolvante du linge, qui a produit des maladies; ils envoient pour preuves de cette malpropreté et de l'improbité des entrepreneurs et des agents du pouvoir exécutif, des draps dont les taches annoncent qu'ils ont servi dans les hôpitaux.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité militaire.)
2° Adresse des citoyens de la ville de Coutances, qui félicitent l'Assemblée nationale des décrets qu'elle a rendus contre les émigrànts et les prêtres perturbateurs.
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
3° Adresse des citoyens de la ville de Béthune, qui applaudissent aux mêmes décrets, qui témoignent le désir que le roi ne fasse point usage au veto contre celui qui concerne les prêtres non assermentés. Ils pensent que si ce décret est inutile à la tranquillité de Paris, il est indispensable pour celle ae plusieurs départements.
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
4° Lettre de M. Jacob aîné, imprimeur et grenadier de la garde nationale à Orléans, qui fait hommage à l'Assemblée de quatre exemplaires de Ja Constitution, en quatre formats différents. Il
annonce qu'il les a mis à un si bas prix que le citoyen le plus pauvre pourra se les procurer. (Applaudissements. )
(L'Assemblée accepte cet hommage et décrète qu'il en sera fait mention ihonorable au procès-verbal.)
5° Adresse des citoyens de Lyon, réunis à-la salle du concert, qui témoignent à l'Assemblée leur reconnaissance des mesures vigoureuses qu'elle a prises contre le3 émigrànts. Ils applaudissent au langage énergique des proclamations adressées par le roi aux émigrànts. Ils y reconnaissent avec plaisir le seul ton qui convienne au représentant d'une nation qui ne connaît plus désormais de milieu entre la liberté et la mort.
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
6° Lettre de M. Dubu de Longchamp, qui demande à présenter à l'Assemblée des lumières sur l'affaire des colonies.
(L'Assemblée décide qu'il sera entendu dimanche.)
Messieurs, je vous annonce qu'il y a un très grand nombre de pétitionnaires qui demandent à être admis à la séance de demain. Tous veulent paraître les premiers ; quel ordre l'Assemblée veut-elle mettre entre eux?
, secrétaire. Il est impossible que l'Assemblée leur accorde le temps qu'il faudrait pour les entendre. Le bureau est surchargé de ces demandes multipliées; elles s'élèvent à près de trois cents.
Les adresses se multiplient, les pétitions, les réclamations se succèdent au point qu'elles absorbent tout le temps de nos séances; notre occupation essentielle doit s'étendre sur les objets majeurs, de nécessité absolue et urgente : en suivant la marche que nous avons tenue jusqu'ici, nous sortirons de .la législature sans avoir entamé aucune des affaires importantes pour le travail desquelles nous sommes assemblés. Si on nous demande ce que nous avons fait jusqu'ici, nous ne pouvons montrer que des pétitions, des adresses, des discussions, mais aucune loi, aucun règlement qui statuât sur un point capital. Pour faire cesser cette inaction qui serait si funeste à l'Etat, et concilier ce que nous devons au droit sacré de pétitions, je demande : 1° que les adresses et pétitions soient renvoyées au comité des pétitions pour que deux jours par semaine il en présente un simple extrait à l'Assemblée; 2\qu'aucun pétitionnaire ne soit admis à la barre un autre jour que le dimanche, à moins que l'objet de sa pétition ne fût reconnu urgent ; 3* que les pétitionnaires soient tenus de se renfermer dans le simple exposé de leur pétition et de leurs, conclusions.
Je profite de cette occasion pour demander en même temps qu'aucun pétitionnaire ne soit admis à la barre qu'après avoir présenté sa pétition au comité des pétitions, qui en rendra compte à l'Assemblée.
Je demande, en outre, qu'aucun pétitionnaire ne reçoive les honneurs de la séance qu'après avoir prouvé la prestation de son serment civique.
(Après quelques débats, l'Assemblée décrète que désormais toutes les pétitions et adresses seront renvoyées au comité des pétitions, qui en rendra compte par extrait le dimanche, et que toutes les fois qu'un pétitionnaire sera admis à pré-
senter lui-même sa pétition, il sera tenu de se borner à un simple précis ae l'objet de sa demande.)
, secrétaire, continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :
7° Pétition des citoyens de Colligis, qui réclament contre la réunion de cette paroisse à celle de Grandelaine.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de division.)
8° Adresse du département du Calvados} qui demande une loi qui fixe la responsabilité des administrateurs.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de législation.)
9° Adresse du département du Calvados relative à l'entretien de ses routes.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité d'agriculture.)
10° Adresse du département du Calvados, qui a pour objet de nouveaux recouvrements de biens nationaux.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de l'extraordinaire des finances.)
11° Pétition des citoyens d'Amas, qui se plaignent des ministres et surtout de l'inutilité de leurs réclamations pour obtenir des armes.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de surveillance.)
, au nom de la députation envoyée au roi pour lui porter le message. Messieurs, la députation que vous avez envoyée hier au roi m'a chargé de porter la parole et de vous rendre compte de notre message. Nous avons été introduits comme à l'ordinaire. J'ai prononcé le discours dont j'étais chargé ; le roi a fait la réponse suivante :
« Je reconnais, Messieurs, le langage et le cœur des Français dans les sentiments que vous venez de m'exprimer. Oui, ils sont ma famille, et j'espère que cette famille se réunira tout entière sous ïa protection des lois; c'est là mon vœu le plus cher. » (Applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne l'insertion au procès-verbal du message (1) et de la réponse du roi.)
, secrétaire, fait lecture d'une lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, touchant le rapport fait par le comité de marine sur la dénonciation faite par le département du Finistère contre le ministre et commence la lecture du mémoire justificatif (2).
Ce mémoire est long; j'en demande le renvoi au comité de marine. (Appuyé!)
Les inculpations, Messieurs, ont été publiques, il faut que l'apologie soit publique. (Murmures.) Je demande que ce mémoire soit lu.
(L'Assemblée, consultée, renvoie le mémoire (3) du ministre de la marine au comité de Marine.)
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre des commissaires de la Trésorerie nationale, qui représentent qu'ils ne peuvent
différer plus longtemps que jusqu'à lundi l'envoi des fonds nécessaires au service public
dans les départements, et prient l'Assemblée nationale de
Un membre : Cette question est la première qui va venir en discussion ; je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la lettre des commissaires de la Trésorerie.)
2° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui adresse à l'Assemblée trois états relatifs aux dépenses de ce département; est elle ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur d'envoyer à l'Assemblée, en exécution du décret du $9 novembre dernier, trois états; le premier contenant les dépenses faites dans mon département jusqu'au 1er décembre du présent mois ; le second, contenant les sommes dues sur l'année courante ; les années précédentes sont entièrement liquidées. Le troisième enfin, présentant le tableau des dépenses ordinaires et extraordinaires de l'année prochaine. Ces trois états remplissent les obligations qui me sont imposées par les deux premiers articles de la loi citée.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : DUPORT. »
(L'Assemblée décrète le renvoi de cette lettre au comité de l'ordinaire des finances et ordonne l'impression des trois états.)
3° Lettre de. M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée nationale la déclaration faite par le général de Wimpffen, au directoire du département du Haut-Rhin, relativement aux moyens employés pour le séduire ; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous transmettre leprocès-verbal de la déclaration de M. de Wimpffen, ordonnée par le décret du 27 novembre dernier, que les administrateurs du département du Haut-Rhin viennent de m'adresser.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : CAHIER. »
Procès-verbal de la déclaration de M. de Wimpffen.
« Cejourd'hui, huitième jour du mois de décembre 1791, séance de relevée du directoire du département du Haut-Rhin, vers 7 heures, s'est présenté M. de Wimpffen, maréchal de camp, commandant la troupe de ligne en cette ville ae Colmar, invité de se rendre a ladite séance pour, en conséquence de la loi du 20 novembre dernier, reçue ceiourd'hui et transcrite de suite, y faire une déclaration précise des faits relatifs aux propositions de séduction qui lui ont été faites ae la part des princes français émigrés, et remplir au surplus les autres dispositions de la loi. A quoi M. de Wimpffen obtempérant, a fait sa déclaration, comme il s'ensuit; lecture préalablement faite de ladite loi :
« Que, le 12 novembre, au moment où il allait sortir, un particulier, à lui inconnu, lui a remis la première des lettres qu'il nous a remises, sans expression d'année et dont le lieu en tête de la date est effacé; ladite lettre commençant par ces mots : J'ai toujours oui dire, Monsieur le baron, et finissant par ceux-ci : et alors f ajoute-
rai aux moyèns de communiquer par toutes les voies qui pourront avec sécurité. J'ai l'honneur d'être, avec les sentiments les plus distingués, Monsieur le baron, le comte de... et la signature est effacée.
« Dans le premier moment, il n'a pas attaché une grande importance à cette lettre, l'ayant envisagée comme un des moyens dont les émigrés se servent habituellement pour répandre des inquiétudes. Il y a fait à la hâte une réponse dont le brouillon est au dos de ladite lettre. Il a donné cette réponse à son valet de chambre, pour la remettre au porteur de la lettre, lorsqu'il se présenterait pour la chercher, que le particulier est effectivement venu chercher cette réponse ; que, le dernier du mois de novembre, il a trouvé une autre lettre dont l'adresse était en allemand, ce qui lui a fait croire qu'elle provenait de quelques volontaires des gardes nationaux qui sont en usage d'écrire dans cette langue ; et nous a pareillement présenté une seconde lettre datée au 27 novembre, sans expression d'année et dont le nom du lieu est également effacé, commençant par ces mots: et moi aussi, monsieur, je souffrirai plutôt la mort.....et finissant par ceûx-ci :
c'est ma façon de penser, vous la pourrez dire à qui bon vous semblera... et la signature effacée, déclarant qu'il n'y avait pas fait de réponse, à cause de la loi dont il a eu connaissance après la réponse à la première lettre, qui défend de correspondre avec les ennemis de l Etat.
« Nous l'avons requis de nous donner, conformément à la loi du 27 novembre les [renseignements nécessaires, et en conséquence de nous notifier, et la date des lettres, et le nom des personnes qui les ont signées et dont il est convenu d'avoir effacé les signatures. Il nous a répondu qu'il savait le nom, et que si l'Assemblée nationale insistait à les connaître, il les dirait, mais qu'il espérait de sa générosité qu'elle n'insisterait pas à le faire déclarer, répugnant à ses principes d'être délateur : sur quoi, lui ayant observé qu'au moyen de ces refus, le but de la loi du 27 novembre n'était, pas rempli il a néanmoins persisté ; et ont été lesdites deux lettres paraphées par lui et par nous à la fin, ne varietur. De tout quoi, nous avons dressé procès-verbal, etc. »
Plusieurs membres: Le renvoi au comité de surveillance !
(L'Assembléè renvoie la lettre du ministre de l'intérieur et les pièces au comité de surveillance.)
4° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, relative aux églises de Saint-Philippe-du-Roule et autres.
(L'Assembléè renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
5° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui demande une interprétation aux décrets relatifs aux églises succursales.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de division.)
6° Lettre de M. Souche t, homme de loi, à Angou-lême, qui, d'après le vœu exprimé par l'Assemblée nationale, dans son décret du 23 novembre dernier, de voir publier de bons ouvrages contre le fanatisme, lui fait hommage d'une apologie de la Constitution et d'une adresse aux Français.
(L'Assemblée renvoie les manuscrits au comité d'Instruction publique.)
7° Adresse de la commune de Celle-Frouin, qui demande la distraction de certains domaines
dont on poursuit la vente au district de La Rochefoucauld, département de la Charente.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité des domaines.)
8° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine,-concernant les dépenses de son département; elle est ainsi conçue.
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer, conformément au décret du 29 novembre, l'aperçu des dépenses que pourrait exiger le département dé la marine et des colonies, pendant l'année 1792. Je n'ai pas dans ce moment toutes les bases nécessaires pour rédiger ce projet avec une grande précision. Aussi, n'est-il présenté que comme un aperçu susceptible de modifications, et j'ai indiqué dans les notes qui accompagnent chaque article les changements que j'ai pu prévoir.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : bertrand. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances et ordonne l'impression des états.)
9° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui demande que l'on conserve aux ouvriers du port de Brest un secours de 3 livres par mois pour chaque enfant et qui demande, en outre, des secours extraordinaires pour les veuves et enfants, pris sur la caisse des Invalides de la marine.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de la marine.)
10° Lettre de M. de Narbonne, ministre de la guerre, qui propose à l'Assemblée nationale la création de nouveaux régiments d'infanterie destinés au service des colonies, en remplacement des troupes licenciées par le décret au 29 septembre dernier ; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale la comparaison de la force des troupes d'infanterie ci-devant entretenues dans les colonies, et licenciées par le décret du 29 septembre dernier, avec la force des troupes dont le même décret ordonne la création. Gomme il résulte, Monsieur le Président, de cette comparaison, une diminution dans l'armée coloniale, ae 6 bataillons de 145 officiers et de 4,145 sous-officiers et soldats, j'ai l'honneur ae proposer à l'Assemblée nationale la création de 3 régiments d'infanterie en sus de 6 décrétés par le décret du 26 octobre dernier, en remplacement des troupes des colonies licenciées par le même décret. Le ministre de la marine, par sa lettre du 9 octobre dernier, m'a observé qu'il était absolument nécessaire d'avoir, dans l'Amérique et dans l'Inde, un régiment de plus que ceux décrétés.
« Je suis, avec respect, etc.
« Signé : NARBONNE. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités colonial et militaire réunis.)
11° Lettre des officiers municipaux de Caen qui adressent à l'Assemblée un supplément au 7e envoi des pièces relatives aux événements arrivés le 5 novembre dernier dans leur ville.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
12° Pétition du sieur Jacquet, dit Laroche, résidant à Lille, d'où il est venu pour réclamer auprès de l'Assemblée contre la modicité de sa pension de retraite et prouver ses droits à un traitement plus considérable.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre des administrateurs du département de Seine-et-Oise, relative à des faits qu'ils disent avoir été inconsidérément avancés par M. Lecointre, membre de l'Assemblée nationale, et demandent une réparation.
Je demande la lecture de cette lettre.
Voix diverses : Ce soir ! ce soir ! L'ordre du jour!
Je demande la lecture de cette lettre; il est de la justice la plus rigoureuse que le directoire du département, calomnié si longuement dans cette Assemblée, soit entendu une minute lorsqu'il réclame justice.
Je réclame l'exécution du décret qui ordonne le renvoi des pétitions au comité des pétitions et je demande l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour et renvoie la lettre (1) des administrateurs du département de Seine-et-Oise au comité de division.)
, secrétaire, continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :
2° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, contenant une réclamation de la municipalité du Bourget, qui demande à être remboursée sur le Trésor public d'une somme de 106 livres 17 sols pour les dépenses faites, le 30juin, par la garde nationale et la gendarmerie nationale de Dammartin, qui conduisaient trois prisonniers auprès de l'Assemblée nationale.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)
3° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, contenant son avis sur une demande formée par le directoire du district d'Arbois, pour être autorisé à acquérir le ci-devant prieuré d'Arbois, pour y établir son administration.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)
4° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, contenant la demande d'une pension en faveur du sieur Viger, ci-devant contrôleur, au bureau de la halle.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de liquidation.)
5° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, qui adresse à VAssemblée la copie d'une lettre du directoire du département de la Seine-Inférieure, contenant plusieurs questions relatives à l'organisation de la garde nationale.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
6° Adresse du sieur Roger, ci-devant notaire à Saint-Patrice, qui réclame contre la suppression d'un notaire, en cet endroit.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de division.)
7° Adresse de plusieurs citoyens de la ville de Niort, qui, en applaudissant au décret sur
les
Voix diverses : Mention honorable au procès-verbal ! L'ordre du jour ! -
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
8° Adresse d'un grand nombre de ,citoyens de la ville d'Evreux, contenant les mêmes eloges des décrets sur les émigrants et les prêtres, et qui conjurent l'Assemblée de garder le caractère ferme et sévère qu'elle a montré.
(L'Asëemblée passe à Tordre du jourl)
9° Adresse d'un grand nombre de citoyens de la ville de Bourges, qui rendent hommage à la sagesse et au courage de l'Assemblée nationale, improuvent la conduite des agents du pouvoir exécutif, réclament la responsabilité des ministres qui donnent leur démission, et demandent la liberté des soldats du régiment de Châteauvieux.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité diplomatique.)
10° Adresse de plusieurs citoyens de la ville de Blaye, réunis en société d'amis de la Constitution qui approuvent le décret sur les émigrés, mais qui trouvent indigne du chef d'une nation généreuse, l'usage qUe le roi a fait de sa liberté et du pouvoir qui lui est délégué. Ils demandent avec ardeur la guerre contre les émigrés.»
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
11° Adresse des citoyens de Bressuire. départey ment des Deux-Sèvres, qui remercient l'Assemblée d'avoir rétabli la dignité de la nation, compromise par la faiblesse de l'Assemblée constituante.
(L'Assemblée passe à l'ordre de jour.)
12° Adresse des citoyens de Beaugency, réunis en société des amis de la Constitution, qui jurent respect aux lois faites, et vouent à l'animadver-sion générale ceux qui invoquent le veto contre les décrets du Corps législatif.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
13° Adresse des membres du directoire du district dAvranches, qui louent l'Assemblée des décrets qu'elle a rendus contre nos ennemis du dehors et du dedans. Ils s'élèvent avec force contre le veto et les funestes conséquences que peut avoir cette lutte ; ils disent qu'il peut bien être un effet de la malveillance et qu'il conviendrait que l'Assemblée prît un parti a cet égard. (Murmures.)
Plusieurs membres demandent l'ordre du jour; d'autres que cette adresse soit improuvée, d'autres enfin qu'elle soit lue.
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
14° Adresse des amis de la Constitution de Saint-Germain- enr-Laye, contenant à peu près les mêmes sentiments.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
15° Lettre de M. Quinson, ancien receveur général du clergé, qui annonce qu'il est prêt à rendre ses comptes. Il prie l'Assemblée d'accélérer le moment où les commissaires de la Trésorie pourront le recevoir.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'examen des comptes.)
16° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de Vintérieur, qui adresse à l'Assemblée de nouvelles pièces relatives à l'affaire des sieurs Gauthier et Malvoisin, envoyées par le département de la Meurthe.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de surveillance.)
Un grand nombre de membres demandent que l'on passe enfin à l'ordre du jour qui est la discussion de la quotité de la coupure des petits assignats.
, secrétaire, annonce qu'il a encore un certain nombre de pétitions et d'adresses concernant les décrets, relatifs aux émigrants et aux prêtres réfractaires.
Plusieurs membres : Le renvoi en masse au comité des pétitions !
(L'Assemblée ordonne le renvoi de toutes les pétitions, qui restent encore, au comité de pétitions.)
Plusieurs membres, qui avaient demandé la mention honorable de certaines adresses sur lesquelles l'Assemblée a passé à l'ordre du jour, se plaignent du peu d'égards que l'Assemblée témoigne pour les pétitionnaires des départements.
Je demande qu'il soit décrété qu'il sera fait à l'avenir mention honorable de toutes les adresses, qui ne contiendront rien contre la Constitution.
J'appuie la motion de M. Delacroix, mais je demanae qu'il ne soit jamais fait mention honorable des adresses et pétitions qui attenteront à la Constitution.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Delacroix, amendée par M. Chéron-La-Bruyère.)
propose â l'Assemblée de se rendre dans les bureaux pour procéder à la nomination d'un Vice-Pésident.
Je demande que le Président sortant de place soit toujours Vice-Président (Non ! non!)
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour et remet la nomination du Vice-Président à demain.)
, au nom du comité de liquidation, présente trois projets de décret de liquidation concernant :
Le premier, l'arriéré des départements de la maison du roi, de la guerre, de la marine et des finances, les domaines et les droits féodaux, les créances sur le ci-devant clergé, et les jurandes et maîtrises ;
Le second, les offices de judicature et ministériels ;
Le troisième, les charges et offices de perruquiers.
Ces projets de décrets sont ainsi concus :
PREMIER PROJET.
L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, qui lui a rendu compte des vérifications et rapports faits par le commissaire du roi, directeur général de la liquidation, décrète qu'en conformité des précédents décrets sur la liquidation de la dette publique et sur les fonds destinés à l'acquit de ladite dette, il sera payé aux ci-après nommés et pour les causes qui seront pareillement exprimées, les sommes suivantes :
1° ARRIÉRÉ DU DÉPARTEMENT DE LA MAISON DU ROI.
Bâtiments.
A Meudon, journées d'ouvriers et autres menues dépenses pendant l'année 1789 (1 partie prenante a............. 3,5261. 5s. » d.
Saint-Hubert, entrepreneurs, ouvriers et fournisseurs employés au château pendant les années 1779, jusques et compris 1789 (20 parties pre-nantes).. ............283,0261. 7 s. 10 d.
Entrepreneurs, ouvriers et fournisseurs employés au château de Fontainebleau, pendant les années 1787,1788 et 1789 (11 parties prenantes...............374,270 10
Entreprises et fournitures au château de Compiègne pour les années 1773 et suivantes, jusques et compris 1788 (1 partie prenante) ...............238,748 11 7
Dépenses fixes, différents employés ou entrepreneurs chargés de l'entretien des maisons royales pendant les années 1787,1788 et 1789 (135 parties prenantes)....... ...........285,375 18 8
Chambre aux deniers.
Différents officiers et fournisseurs de la maison du roi pendant les années 1786, 1787,1788 et 1789 (27 parties prenantes...............130,335 13 7
Capitainerie de la Va-renne du Louvre.
Gages et appointements aux inspecteurs, brigadiers, gardes à cheval, gardes à pied, gardes faisandiers et fournisseurs de la capitainerie. échus au 1er janvier 1790 (8 parties prenantes)...........3,319 13
Education de feu M. le Dauphin.
Gages, appointements et traitements à différentes personnes établies pour l'éducation et le service de feu M le Dauphin, pour l'année 1789 (8 parties prenantes)...........31,670
Réclamations particulières.
Ces réclamations font partie - de l'arriéré du département de la maison du roi et n'appartiennent proprement à aucune division de ce département (3 parties prenantes)...........2,926 5
2° ARRIÉRÉ DU DÉPARTEMENT DE LA GUERRE.
Provinces frontières.
Appointements à différents particuliers, dont les créances sont fondées sur des ordonnances signées du ministre de la guerre, et sur des états d'arriéré pour l'année 1789 (5 parties prenantes)......
Appointements à des gouverneurs des villes fortes et citadelles pendant les six derniers mois 1788 et 1789 (4 parties prenantes .............84,545 1.10s. 6 d.
Fortifications.
Avances faites pour le service des fortifications de Brest—
3° ARRIÉRÉ DU DÉPARTEMENT DE LA MARINE.
Brest.
Fournitures de lest de fer au port de Brest, en décembre 1789 (1 partie prenante.............6,608
Département du Havre.
Ouvrages, fournitures et autres dépenses faites par divers particuliers, pour le service de la marine et des colonies, pendant les années 1787, 1788 et 1789 (36 parties prenantes).
Port de Toulon.
Ouvrages, fournitures et autres dépenses faites par divers particuliers, pour les besoins du service de la marine pendant les années 1788et 1789 (5 parties prenantes........30,492
Indes et colonies.
Appointements et remboursements des avances et fournitures faites pour le service de la manne,par différents employés dans l'Inde et aux colonies (7 parties
prenantes)...........16,315 19 4
4° ARRIÉRÉ DU DÉPARTEMENT DES FINANCES.
Réclamations particulières.
Réclamations particulières dont il sera rendu compte à l'Assemblée (4 parties prenantes)..............37,203 1. 8 s. 9 d.
Ecole vétérinaire d'Al-fort.
Entrepreneurs, ouvriers et fournisseurs depuis 1781 jusqu'au 1er janvier 1790 (5 parties prenantes).......8,267
5° DOMAINES ET FÉODALITÉ.
Indemnité pour raison de la résiliation d'un domaine (1 partie prenante)............34,485 7 8
6° CRÉANCES SUR LE CI-DEVANT CLERGÉ.
Ces créances consistent en dettes . constituées à reconstituer, rentes viagères à renouveler, et la dette actuellement exigible (92 parties prenantes).....353,715 17 6
7* JURANDES ET MAITRISES.
Indemnités et remboursements à différents maîtres dont l'état est annexé au décret :
Cet article contient les villes de Versailles, Sau-mur,Sainte-Menehould, Toul, Lyon, Paris, Noyon, Maubeuge, Tours, Poitiers, Rouen, Fontenay, Reims, Nancy,Bar-sur-Aube, Bourges, Verdun et Calais (1,400 parties prenantes)............2,096,2201. 14 s. 11 d.
Total général (1,774 parties prenantes).
A la charge par les parties y nommées de se conformer aux lois de l'Etat, pour obtenir leurs reconnaissances de liquidation définitive et leur remboursement à la caisse de l'extraordinaire.
DEUXIÈME PROJET.
L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, qui lui a rendu compte des opérations du commissaire du roi, directeur général de la liquidation, dont l'état suit :
Résultat des rapports de liquidation d'offices de judicature remis au comité par le commissaire du roi, directeur général de la liquidation, le 30 novembre 1791,
montant à............ 7.849,618 1. s. 7 d.
Les dettes passives sont de.............. 439,335 12 «
Les dettes actives de . 479,680 ; 8 1
Différence à la charge de la nation (1,034 parties prenantes)........ 259»655 I. 3 s. 11 d;
Décrète que, conformément àJL'état joint à la minute du présent décret, Usera pavé par la caisse de l'extraordinaire, la somme de7,849,6181.7 d. ; à l'effet de quoi les reconnaissances de liquidation seront expédiées aux officiers liquidés, en satisfaisant par eux aux formalités prescrites par les présents décrets.
TROISIÈME PROJET.
L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, qui lui a rendu compte des opérations du commissaire du troi, directeur général de la liquidation dont l'état suit :
Résultat de rapports de liquidation des offices de perruquiers, barbiers, baigneurs, étuvistes, remis au comité de liquidation par le commissaire du roi directeur général de la liquidation, le 30 novembre 1791.
Perruquiers de ;
Sarlat................ 2,527 1. 13s. 4 d.
Montluçon........... . 2,718 13 , 4
Fargeau......... — ... . 282 13 4
Montoire............. 340 » , »
Rosoy............... , 653 15 »
Nogent-le-Rotrou..... 1,733 » 4
Nantes............... 302i92î7 14 11
Paris.................. .520,587 2 t 4
Vendôme............. M 966 13 4
Total (293 parties prenantes,)............... 832,7421. 5 s. 9 d,
Les dettes passives de la communauté des perruquiers de Nantes excédaient ' celles actives de 10,456 1. 3 s. d., laquelle sommé a été déduite sur le montant de liquidation de cette coni-munauté ;
Décrète que conformément à l'état joint au présent décret, il sera payé par la caisse de l'extraordinaire, la somme dé,832,742 1. 5 s.,9d.; à l'effet de quoi les reconnaissances de liquidation-seront expédiées aux officiers liquidés, en satisfaisant par eux aux formalités prescrites par les précédents décrets.
Je demande à M. le rap-
jouisêerit plus dés privilèges et qui payent les intérêts de l'argent qu'ils avaient emprunté.
Plusieurs membres demandent l'ajournement de la seconde lecture de ces projets de décret à huitaine.
D'autres membres demandent l'impression des proi ets de décret et demandent, en outre, que, l'état et les pièces au soutien soient exposes au co-
mité, afin que chaque membre puisse en prendre communication.
(L'Assemblée décrète l'impression et l'ajournement à huitaine pour seconde lecture et ordonne le dépôt des titres et tableaux au comité, pour être soumis à l'examen de tous les membres qui voudront en prendre communication.).
L'ordre du jour appelle la, discussion de plusieurs projets ae décret relatifs aux finances.
Je demande que l'on discute sur la question de savoir si l'on renverra au comité la proposition que j'ai faite hier d'appliquer une empreinte sur les assignats de 5 livres, et de les
pa-doit se taire pour m'entendré. ( Applaudissements.) Il est temps que nous ne soyons plus aussi turbulents dans nos délibérations}, et que nous cessions de donner à la France le spectacle indécent d'une Assemblée orageuse qui commence tout sans rien finir. (Applaudissemènts.)
J'ai fait hier la motion de. couper les assignats de 5 livres en deux et en quatre portions, ce qui donnerait sans frais de petits billets dont la fabrication serait si dispendieuse. Je ne vois pas pourquoi cette motion est restée comme non-avenue, puisqu'elle a été appuyée. Je suis persuadé qu'elle n'a besoin que a'être réfléchi et que lorsqu'on aura réfléchi, on adoptera cette mesure qui est commandée par une raison puissante à laquelle rien ne résiste, la nécessite.
Ainsi, Messieurs, j'opine d'autant plus pour le renvoi au comité des assignats et monnaies, que plusieurs membres de ce comité et principalement M. Pieyre m'ont dit qu'ils devaient faire aujourd'hui 1 expérience d'un timbre à quatre empreintes inimitable qu'un artiste ést venu leur proposer. Au moyen ae ce timbre,' la contrefaçon de chaque partie de ces assignats serait rendue presque impossible. Je pense que ma proposition, vue ae près, paraîtra plus avantageuse et plus raisonnable qu'on n'a voulu, le crpire. ( Applaudissements.)
Je ne vois pas que la motion de M. Isnard empêche de prendre en considération aujourd'hui la quotité de ,1a coupure des assignats au-dessous de 5 livres. En effet, quand bien même vous décréteriez, Messieurs, qu'il y aura des assignats de 50, de 25 et dé 10 sols, u ne sera pas impossiblé après d'admettre la proposition de M. Isnard, qui n'est qu'une mesure d'exécution. Mais elle ne peut retarder aujourd'hui les objets importants qui doivent vous occuper. Vous savez combien sont pressants les besoins de la caisse de l'extraordinaire. Vous avez à l'ordre du jour le rapport sur une. émission nouvelle à la disposition de vos caisses; ensuite vous aurez à discutér la quotité de la coupure au-dessous des assignats de 5 livres. Je demande le renvoi au comité des assignats et monnaies de la proposition de M. Isnard, et je conclus à ce que l'Assemblée délibère avant tout sur une nouvelle émission d'assignats suivant le projet déjà présenté deux fois par votre comité ae l'extraordinaire des finances.
(L'Assemblée renvoie la motion de M. Isnard au comité des assignats et monnaies et accorde la priorité à la discussion du projet de décret relatif à une nouvelle émission d'assignats.)
, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, fait une troisième lecture du projet de décret sur les besoins des caisses de
Vextraordinaire et de la trésorerie nationale et sur une nouvelle émission de petits assignats; il s'exprime ainsi :
Vos comités de finances se proposaient de vous soumettre successivement tous les projets de décrets nécessaires pour préparer un plan général de finance, pour dissiper toutes les craintes et les incertitudes sur l'état de la fortune publique, lorsque la lettre de M. Amelot, qui leur a été envoyée hier soir par M. le Président, a fixé seule leur attention. Le commissaire du roi annonce dans cette lettre que la somme qui reste dans la caisse de l'extraordinaire, suffira tout au plus pour faire le service jusqu'à la fin de cette semaine. Il n'y a donc pas un seul instant à perdre pour venir a son secours, d'autant qu'elle doit à la trésorerie nationale.34 millions pour le service du mois de novembre, et qu'elle ne peut tarder à les rembourser.
Vos comités, après s'être convaincus de l'urgence des besoins de la caisse de l'extraordinaire, se sont posé cette question : Convient-il de pourvoir, par des mesures provisoires, au.be-soin de cette caisse, ou bien d'en assurer tout d'un Coup le service jusqu'au moment où, ayant sous les yeux toutes les bases nécessaires, il sera possible d'arrêter un plan définitif? En adoptant des mesures provisoires, vos comités ont vu qu'elles se reproduiraient bientôt et que rien ne pourrait porter une atteinte plus dangereuse au crédit que des demandes souvent réitérées et dont on n'apercevrait pas le terme. Il leur a paru convenable d'adopter une mesure efficace qui suffira jusqu'à l'époque'où, les engagements et les ressources de la nation étant connus, ses dépenses et ses revenus pourront être compensés, où un ordre fixe et durable dans toutes les parties des finances, pourra être établi, où chaque créancier, voyant dans les ressources immenses de la nation et dans les principes de la loyauté qui la dirigent, un gage impérissable de sa créance, ne pourra plus se livrer à aucune cfâinte.
Votre comité de l'extraordinaire vous a déjà présenté, le 4 novembre, un projet de décret sur les moyens de connaître avec célérité la valeur des biens nationaux et le montant de la dette exigible. Ce projet sera remis incessamment sous vos yeux par vos comités des finances réunis. Ils vous proposeront aussi, dans les premiers jours de la semaine prochaine, un second projet pour fixer le mode des remboursements, et si vous voulez porter toutes vos attentions sur les finances, vous hâterez l'époque heureuse où il sera possible de détruire le voile qui les couvre encore, et où les craintes fantastiques, ouvrage de nos ennemis, se dissiperont à l'approche de la vérité.
Les mesures que votre comité vous propose sont de porter à 1,600 millions l'émission d'assignats fixée à 1,400 millions par votre décret du Ie' novembre dernier. Nous avons calculé que cette somme était nécessaire d'après les besoins connus ou présumés des différentes caisses ; qu'elle pourvoira au service pour un espace de temps assez long pour qu'il puisse réunir et combiner toutes les bases qu'il vous présentera incessamment.
On trouvera peut-être que l'émission simultanée de 200 millions est très considérable; mais cette émission n'augmente en rien la dépense, et si la rentrée des impositions s'accroissait avec rapidité, elle serait surabondantes ne serait, par conséquent, pas exécutée.
La principale objection qu'on ne manquera pas
de faire au projet du comité, c'est qu'en multipliant les assignats, on risque de les avilir. Si cette objection était fondée, on ne pourrait y répondre qu'en disant : cela est nécessaire. Mais nous sommes encore bien loin du temps où les signes des échanges seront assez multipliés pour faire hausser là valeur des objets commerciaux.
Avant la Révolution, le numéraire réel de la France était de 2 milliards 200 millions; il circulait en outre pour une somme considérable de billets de la caisse d'escompte. Aujourd'hui, 1,400 millions d'assignats remplacent presque tous ces objets ; et, cependant, avant la Révolution on convenait que si l'industrie et le commerce de la France n'avaient pas plus d'étendue, c'est qu'il manquait de numéraire pour lé Vivifier.
Ceux qui n'apprécient les assignats que par leur comparaison avec le numéraire, croiront peut-être que la caisse d'échange est le fruit d'une trop grande quàntité d'assignats; mais tout le monde sait que quand -deux monnaies n'ont pas une même valeur, le plus faible chasse l'autre nécessairement- Alors celle-ci est, à l'égard de la première, comme toutes les autres marchandises sujettes a des variations de prix. Et lorsqu'une foule de circonstances tendent à la pousser hors des limites de l'Empire, elle doit subir une hausse considérable. Si la valeur d'assignats dépendait de son échange et du prix de. l'argent, nous aurions vu, dans les variations subites que l'agiotage produisait ces jours derniers, tous les objets échangeables Contre des assignats, participer au même mouvement. Cependant le pain et les denrées de première nécessité n'ont point varié de prix. Le déetèt que vous avez rèndu hier a encore augmenté la valeur des assignats, en les rendant propres à tous les échanges. Vos comités, Messieurs, sont convaincus de cette vérité, que nous sommes encore loin des limites qu'il est nécessaire de prescrire à l'émission des assignats, et si des circonstances extraordinaires, si la défense de la patrie et de la Constitution exigeaient de grands' sacrifices, vous pourriez, Messieurs, faire rétrograder cette émission, et ceux qui ont compté sur la détresse des finances, seraient aussi trompés dans leur attente, que ceux qui auraient compté sur nos divisions intestines pour éteindre notre amour de la liberté. Voici, Messieurs, le projet de décret :
« L'Assemblée nationàle, après avoir entendu la troisième léCture du projet de décret qui lui a été présenté le 1er novembre dernier, au nom de ses comités de finances et des assignats réunis, décrète :
« Art. 1èr. La Somme d'assignats à mettre en circulation, qui
d'après le décret du 1er novembre dernier, est fixée à 1,400 millions, sera portée à 1,600 m
illions.
« Art. 2. Pour fournir au service dès caisses jusqu'à concurrence de ladite émission et remplacer les assignats brûlés, l'Assemblée nationale décrète une nouvelle création de 300 millions d'assignats, qui seront pris sur les fabrications ordonnées par les décrets des 1er novembre et 8 décembre derniers ; ce qui portera à 2 milliards 100 millions la totalité des créations d'assignats déjà faite.
« Art. 3. Cés 300 millions seront composés de 100 millions d'assignats de 25 livres ; de 100 millions d'assignats de 10 livres, dont la fabrication à été décrétée le 8 de ce mois, et de 100 millions d'assignats de 5 livres à prendre sur les 300 millions dont là fabrication a été décrétée le 1er novembre dernier. Les 200 millions restants ser-
viront à échanger, dans les départements, des assignats de plus forte valeur.
« Art. 4. Les assignats de la présente création iformeront, dans le compte général de la caisse de l'extraordinaire un compte particulier de ce qui sera employé pour cet objet. Il sera fait des procès-verbaux particuliers de tout ce qui regardera l'émission, la rentrée et le brûlement desdits assignats, de manière que ce qui y sera relatif demeure absolument distinct et séparé de Ce qui regarde les précédentes émissions.
« Art. 5. Aussitôt que les assignats de la création du 19 juin dernier seront achevés, le tré-soriér de l'extraordinaire rendra public le compte général de l'emploi des assignats, tant de cette créatjon que des précédentes. Les décrets en vertu desquels chacun des articles de. dépense aura été fait, y seront rappelés. Le compte sera v fié, certifié par le commissaire de la caisse de l'extraordinaire, imprimé et envoyé à tous les départements et districts. »
D'après la liste des orateurs inscrits, la parole est à M. Dorizy.
Il est inutile que je prenne la parole pour appuyer le projet du comité, je suis tellement convaincu de lanonté de cé décret et de la nécessité de l'adopter que je ne monterai à la tribune que pour lé détendre dans le cas ou quelque membre voudrait l'attaquer.
Je nè combattrai pas la nécessité. d'une augmentation d'assignats dans la circulation; elle est prouvée par la lettre de M. Amelot, qui hier noiis annonça qu'il n'avait de fonds que pour suffire aux besoins de la semaine ; Or, nous voici au samedi, il est donc essentiel dé pourvoir aux besoins de la caisse de l'extraordinaire. Cependant votre comité, qui aVait été chargé de vous présenter un mode de remboursement, n'a pas pu acquérir ces connaissances dans l'espace d'une semaine.
Il vous proposé cependant d'augmenter de 200 millions la masse des assignats à mettre en circulation. Il a fait un calcul qu'avec ces 200 millions il irait jusqu'aux mois de mars et avril, sans cependant savoir, puisque vous n'avez rien décrété pour le mode des remboursements, à combien se monteront les remboursements. Or, si les remboursements né sont pas avancés, les besoins des caisses seront j considérables ; s'ils sont avancés, les 200 millions dont vous augmentez la circulation surpasseront les besoins des caisses.
11 est certain que voUs avez besoin de prendre une mesure provisoire ; mais cette mesure provisoire doit-elle décider en entier la question des 200 millions, et dans un moment où l'agiotage se fait Sentir avec tant dé fureur, lui aon-nerez-vous un nouvel aliment en mettant tout à coup 200 millions de plus dans la circulation, sans faire voir d'Une manière précise à quel emploi vous les destinerez ? Devez-vous adopter cette mesure avant de connaître le rapport que votre comité doit vous faire sur les remboursements? or, ce rapport vous sera présenté la semaine prochaine. Je réclame l'exécution de la loi dU 7 novembre 1790, qui ordonne de faire les remboursements par ordre de numéro lorsqu'il y aura plus de 1,200 millions en circulation, et qu'on n'affecté à ces remboursements que les assignats provenant des brûlements, ae manière que quand le commissaire du roi vous annoncera qu'il sera brûlé, par exemple, 10 millions d'assignats, il en soit créé la semaine sui-
vante une pareille somme applicable aux remboursements.
Votre comité, au contraire, vous propose un mode provisoire qui détruit la loi du 7 novembre puisque vous ne déterminez point le mode de remboursement et que vous laissez en arrière l'exécution de l'article 7 de cette loi. Je crois que lorsqu'on prend un moyen provisoire, il ne faut rien changer aux lois existantes, il faut les faire exécuter^ jusqu'à ce que le rapport de vos comités vous ait mis à même de changer la loi qui existe.
En conséquence, je bornerai l'émission des assignats qui vous est proposée à 100 millions jusqu'au rapport sur 1 ordre des remboursements, et je demanderai que les remboursements se fassent en vertu de l'article 7 du décret du 7 novembre 1790. Voilà l'amendement que je propose.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Vous ayez décrété qu'il était de la loyauté de la nation de ne point suspendre les remboursements. En même temps vous avez reconnu qu'il était de Votre devoir d'en régler le mode. L Assemblée constituante, par son décret du 7 novembre 1790, éû a décrété le mode en partie ; cependant vous avez crû devoir renvoyer a vos comités, le projet de règlement que vous admettriez. Vouloir aUjourd hui joindre à la question qui occupe l'Assemblée nationale celle qui est envoyée au comité, c'est anticiper l'ordre de vos délibérations. Vous n'avez point donné mission à M. Cambon de vous présenter un mode sur les remboursements, vous en avez chargé plusieurs de vos comités qui s'en occupent actuellement. Je suis étonné que M. Cambon, qui est un des commissaires qui doit concerter avec ceux de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances le projet qui doit vous êtes présenté, vienne aujourd'hui, de son propre mouvement, vous en présenter un. (Exclamations.)
Je ne réclame que l'exécution dé la loi; je ne propose rien.
Sans doute, les principes que M. Cambon vous a avancés, seront en partie suivis aux comités des finances. Mais lorsque nous avons demandé une augmentation de 200 millions d'assignats, nous n'avons pas voulu que cette somme lut appliquée au remboursement de la dette; elle doit être appliquée aux besoins de vos caisses, et c'est là son unique emploi. Vous ne devez pas craindre de surpasser le gage que la France entière trouvera dans les domaines nationaux, vous êtes encore loin de leur évaluation. Peut-être est-il temps de dire à l'Assemblée que l'on a eu trop de craintes dans l'émission des assignats; peut-être est-il temps de lui dire qu'il n'y en a pas assez, et qu'ils ne remplissent pas l'effet du numéraire; peut-être est-il temps de lui dire qué si les liquidations étaient plus précipitées, la vente des biens nationaux se ferait avec plus de célérité. (Applaudissements). Je ne prends pas pour moi les applaudissements que vous venez de donner à ce que je viens de aire; cette idée n'est pas de moi seul, elle appartient à des gens qui ont de grandes connaissances dans les finances; mais je ne crains pas de la développer dans l'Assemblée. (Applaudissements). Je aïs donc que vous pouvez sans crainte, Sans croire qu'il y ait erreur de calcul, apprécier vos domaines nationaux à 3 milliards 500 millions.
Je suis prêt à dire que ces calculs sont infé-
rieurs à leur vraie valeur; mais ce n'est pas le temps de vous en donner l'état précis, et il serait aussi dangereux de tromper la nation en exagérant, que de lui proposer des émissions désordonnées. Vous portez, Messieurs, à 1,600 millions le nombre des assignats, mis en circulation et en môme temps vous décrétez qu'ils ne seront mis à la disposition des caisses qu'au fur et à mesure de leurs besoins. Qu'est-il besoin qu'à chaque instant Vos comités montent à la tribune et inquiètent la nation par la propre inquiétude que vous paraissez avoir? (Applaudissements). N'en ayez aucune. Messieurs; votre gage repose sur une hypothèque solide, et; j'ose le dire, j'ai assez de confiance dans la nation française, quand il ne reposerait pas sur des bases aussi solides que les biens nationaux, votre honneur, la loyauté de la nation seraient un gage plus que suffisant pour assurer les créances. (.Applaudissements.)
Je demande donc qUe vous adoptiez le projet du comité. Les assignats sont nos moyens, sont nos ressources, il faut en user ; mais il faut aussi, pour dissiper toutes les incertitudes, porter la plus grande lumière dans les finances, il viendra un temps, et il est prochain, où l'Assemblée reconnaîtra qu'il est de son devoir de faire les finances, comme il fut du devoir de ses prédécesseurs de faire la Constitution. (Applaudissements). Nous devons compter que le patriotisme des Français, en payant les contributions, empêchera, d'ici au mois d'avril, la consommation de 200 millions qu'on vous propose de décréter; je demande donc que l'on mette aux voix le projet du comité, et que l'on admette la question préalable sur l'amendement de M. Çampon.
Il faut ménager les biens nationaux, accélérer le recouvrement des impositions et dispenser la trésorerie nationale de recourir sans cesse à la caisse de l'extraordinaire. Je propose de décréter 300 millions de coupures d'assignats de 10, de 15 et de 50 sois, hypothéqués sur les impositions. Ces coupures, envoyées dans les départements, pourront servir à échanger les gros assignats. Les départements enverront ces gros assignats à la trésorerie nationale et rembourseront ensuite ces petits coupons sur le produit des impositions arriérées. Le besoin de la petite monnaie aura bientôt procuré au Trésor public 300 millions de gros assignats et il ne s'apercevra pas de l'arriéré des impositions.
Est-il nécessaire, Messieurs, d'ordonner aujourd'hui une émission en sus de la somme qui est déjà émise? Voilà la seule, l'unique question. Nous n'avons pas à examiner maintenant en quels.coupons les assignats seront divisés ; nous n avons pas à examiner si ce sont des assignats à échanger contre ceux déjà émis. Faut-il émettre 200 millions de plus? Voilà la seule question.
M. Dorizy vous a prouvé la nécessité de la mesure proposée par le comité ; il vous a prouvé qu'il était ae la convenance et de l'utilité publique de ne pas répéter tous les mois des émissions partielles d'assignats, le comité de l'extraordinaire s'est dit qu'il fallait dès à présent décréter cette émission nouvelle de 200 millions,
fiarce qu'elle suffira jusqu'au mois d'avril, au ieu qù'en adoptant la proposition de M. Cambon vous seriez obligés, dans 6 semaines, d'émettre 100 nouveaux millions d'assignats.
J'ajoute, Messieurs, que si vous obligez vos comités de finances à vous présenter, dans un temps donné, le plan qu'ils sontocçupés de faire,
vous avez à craindre que le plan n'étant pas examiné avec toute la maturité que commande une telle opération, vous n'ayez pas ce plan tel que vous avez lieu d'espérer, et que, par là, vous ne soyez exposés à commettre de grandes fautes en finance. C'est donc pour éviter les inconvénients, c'est par la certitude que le comité de l'extraordinaire a acquise, que bientôt les contributions publiques fourniront leur aliment naturel au trésor national, qu'au mois de mars, les contributions seront tellement payées que nous n'aurons plus de versements à faire faire par la caisse ae l'extraordinaire au Trésor public; c'est à cause de cela, dis-je, qu'il a fallu attendre le terme.
J'ajouterai à cela, Messieurs, une autre considération. L'aperçu que vous avez de la valeur de vos domaines nationaux vous assure d'une manière certaine que loin de l'excéder dans vos émissions, vous êtes encore beaucoup au-dessous. Vous êtes, par vos assignats, beaucoup aur dessous du numéraire qui circule ordinairement en France : celui-ci se resserre: tous les jours, il faut y suppléer par d'autres ressources. Je demande donc que le projet du comité soit mis aux voix article par article.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Un membre ; J'observe que l'Assemblée a déjà entendu deux lectures de ce projet. Je demande que cette nouvelle délibération soit regardée comme définitive.
Je consulte l'Assemblée pour savoir si elle se croit en état de rendre le décret définitif.
(L'Assemblée, consultée, déclare qu'elle est en état de rendre un décret définitif.)
, rapporteur, donne lecture d'une nouvelle rédaction du préambule qui est adopté sans discussion, ainsi que l'article 1er, dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la troisième lecture du projet de décret présenté par ses comités des finances, et dont lecture a été faite les 1er et 24 novembre (1), et cejour-d'huij sur la nécessité de créer et mettre en circulation des assignats .destinés au service de la caisse de l'extraordinaire et de la trésorerie nationale; après avoir préalablement décidé qu'elle est en état de rendre un décret définitif, décrète ce qui suit :
« Art. :1er.
« La somme d'assignats à mettre en circulation, qui, d'après le décret du 1er novemhre dernier, est fixée à 1,400 millions, sera portée à 1,600 millions. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 2 qui est ainsi conçu :
« Pour fournir au service des caisses, jusqu'à concurrence de ladite émission, et
remplacer les assignats brûlés, l'Assemblée nationale décrète une nouvelle création de 300
millions d'assignats, qui seront pris sur les fabrications ordonnées par les décrets des 1er
novembre et 8 décembre derniers; ce qui portera à 2 milliards 110 millions la totalité des
créations d'assignats déjà faites. »
, rapporteur. Quelques membres trouvent cette émission trop considérable ; ils préféreraient peut-être des émissions successives. Si le comité avait eu plus de temps pour préparer le rapport qui vous a été fait, je serais entré dans de plus grands détails sur les besoins journaliers de chaque caissë. Pour en prouver la nécessité, j'observerai seulement qu'en ce moment-ci la caisse de l'extraordinaire doit à la trésorerie nationale une somme de 34 millions pour le mois de novembre et qu'elle lui doit au moins pareille somme pour le service du mois de décembre. Si le comité vous a proposé une émission de 300 millions d'assignats, c'est, ainsi que je l'ai dit, afin d'éviter des mesures provisoires, des mesures partielles et toujours répétées, qui laisseraient un vague dans l'avenir et ne vous donneraient pas le temps d'arriver au plan définitif des finances.
Gomme il me paraît nécessaire de ne laisser aucune équivoque dans l'esprit des personnes, même les moins instruites en finances, je demande qu'à la fin de cet article il soit mis deux mots qui expriment la quantité des assignats brûlés, afin qu'on n'imagine pas que, dans ce moment, il y a 2 milliards 100 millions d'assignats en circnlation.
, rapporteur. J'observerai que l'article 1er exprime très clairement que le nombre des assignats ne s'élève qu'à 1,400 millions.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement !
J'entends demander la question préalable contre l'amendement de M. Vaublanc. J'observe cependant que la preuve, que le décret est, quoi qu'en dise le rapporteur, très louche à cet égard, c'est qu'il s'est élevé une objection; or, toute objection en matière de finances excite la défiance. Je demande donc que ce fait important soit très explicitement, très clairement annoncé.
Je dis que, sur une pareille matière, il faut être clair pour les personnes les moins instruites, et qu'on ne doit pas craindre de se répéter.
La question préalable sur l'amendement ; la chose est clairement exprimée dans l'article précédent.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer et adopte l'article 2 avec 1 amendement de M. Viénot-Vaublanc, sauf rédaction.)
rapporteur, donne lecture d'une nouvelle rédaction de l'article 3, qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 3.
« Les 300 millions créés par le présent décret seront composés de 100 millions en assignats de 25 livres, de 100 millions en assignats de 10 livres et de 100 millions en assignats de 5 livres.
« Les 200 millions restant de là fabrication
d'assignats de 5 livres décrétée le 1er novembre dernier seront distribués dans les départements, pour y être échangés contre des assignats de plus forte Valeur. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 4, qui est ainsi conçu :
« Les assignats de la présente création formeront dans le compte général dé la caisse de l'extraordinaire, un compte particulier de ce qui sera employé pour cet objet, et il sera fait des procès-verbaux particuliers de tout ce qui regardera l'émission, la rentrée et le brûlement desdits assignats, de manière que ce qui y sera relatif, demeure absolument distinct et séparé de ce qui regarde les précédentes émissions. »
Je demande, par amendement, que les assignats de la nouvelle émission portent la date de leur création.,
(L'Assemblée adopte l'article 4 et l'amendement de M. Cambon, sauf rédaction.)
, rapporteur, donne lecture des articles 5 et 6, qui sont décrétés, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 5.
« Aussitôt que l'émission des assignats de la création du 19 juin dernier sera achevée, le trésorier de l'extraordinaire rendra public le compte général de l'emploi des assignats, tant de cette dite création que des précédentes : les décrets en vertu desquels chacun des articles de dépenses aura été lait, y seront rappelés.
« Le compte sera visé et certifié par le commissaire du roi à la caisse de l'extraordinaire, imprimé et envoyé à tous les départements et districts. »
Art. 6.
« Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction. »
Suit la teneur de ce décret tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la troisième lecture du projet de décret présenté par ses comités des financés, et dont lecture a été faite les 1er et 24 novembre, et cejour-d'hui, sur la nécessité de créer ët mettre en circulation des assignats destinés au service de la caisse de l'extraordinaire et de la trésorerie nationale; après avoir préalablement décidé qu'elle est en état de rendre un décret définitif, décrète ce qui suit :
Art. 1er
« La somme d'assignats à mettre en circulation, qui, d'après le décret du 1er novembre dernier, est fixée à 1,400 millions, sera portée à 1,600 millions.
Art. 2.
« Les 1,800 millions d'assignats, créés par l'Assemblée constituante, ne pouvant suffire aux besoins des caisses publiques, puisque 355 millions ont été brûlés, et que 1,387 millions sont déjà en circulation, il sera fait, au moyen du papier dont la fabrication a été ordonnée parles décrets des 1er novembre dernier et 8 décembre courant, une nouvelle création de 300 millions en assignats, lesquels seront employés, tant à fournir au besoin des caisses, qu'à remplacer les assignats qui seront brûlés à l'avenir, de ma-
nière que la somme des assignats en circulation n'excède pas 1,600 millions (1).
Art. 3.
« Les 300 millions créés par le présent décret seront composés de 100 millions en assignats de 25 livres, de 100 millions en assignats ae 10 livres, et ae 100 millions en assignats de 5 livres.
« Les 200 millions restant de fabrication d'assignats de 5 livres décrétée le 1er novembre dernier, seront distribués dans les départements, pour y être échangés contre des assignats de plus forte valeur.
Art. 4.
« Les assignats de la présente création en porteront la date; ils formeront, dans le compte général de l'extraordinaire, un compte particulier qui sera ouvert pour cet .objet. Il sera fait écriture et procès-verbaux particuliers de tout ce qui regardera l'émission, la rentrée, et le hrû-lement desdits assignats, de manière que ce qui y sera relatif demeure absolument distinct et séparé de ce qui regarde les précédentes émissions.
Art. 5.
« Aussitôt que l'émission des assignats de la création du 19 juin dernier sera achevée, le trésorier de l'extraordinaire rendra public le compte général de l'emploi des assignats, tant de cette dite création, que des précédentes. Les décrets en vertu desquels chacun des articles de dépense aura été fait y seront rappelés. Le. çpmpte sera visé et certifié par le commisaire du roi à la caisse de l'extraordinaire, imprimé et envoyé à tous les départements et districts.
Art. 6.
« Le présent décret sera porté dans lé jour à la sanction. »
, secrétaire, réclame la lettre des administrateurs du département de Seine-et-Oise, lettre qui a été renvoyée au comité de division et qu'il ne; trouve plus dans ses papiers.
Un membre : C'est le rapporteur du comité de division qui l'a prise ; il vous la remettra.
, secrétaire. Voici Uneadresse de sept cents citoyens de, Bordeaux, ayant principalement pour objet de demander dés secours en faveur des colons qui viennent de perdre une grande partie de leur fortune.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité des pétitions !
Elle n'a qu'une douzaine de lignes ; la voici :
« Les citoyens, de Bordeaux ne furent pas plutôt informés des désastres de Saiàt-Domingue, qu'ils sé hâtèrent de déposer dans votre sein les vives alarmes que leur causaient lés malheurs de leurs frères. Ils étaient convaincus que les législateurs de la France prendraient les mesures les plus efficaces pour sauver cètte partie de l'Empiré et pour préserver lès Français de nouvelles calamités. Vous ^ayez, Messieurs, rempli l'attente publique par les secours gué ' vous aivez décrétés, et nous aimons à.penser qu'ils y apercevront le rétablissement, fie l'ordre public.
« Un autre objet excite nptrè sollicitude, nous avons espéré, Messieurs,qu'il toucherait, vos coeurs paternels,; une fojjle de planteurs a éprouvé de grandes pertes; un très grand nombre d'habitations ont été ravàgéès. Les colons seraient-ils donc abandonnés ,à leur,infortune? Non,.Messieurs, la- générosité du peuple français leur est un sûr garant qu'ils recevront de leurs fidèles représentants les moyens de réparer, autant qu'il est possible, les maux qu'ils ont subis. » \
(L'Assemblée renvoie cetté adresse au comité colonial.)- f
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Adresse d'un grand nombre de citoyens de Saint- Quentin ayant le même objet que celle des citoyens de Bordeaux.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité colonial.) >
2° Lettre delà dame Noireau, qui envoie à l'Assemblée des pièces relatives a l'affaire du sieur Varnier.
(L'Assemblée ordonne le dépôt, de ces pièces aux archives (1).-
3° Traduction d'une lettre écrite en allemand par le sieur Setter, Suisse, et adressée à M. le Président de l'Assemblée nationale ; il propose, au nom de plusieurs négociants de Bâle, d'établir à Paris un commerce de coton, de lin et de mousseline et de naturaliser en France la culture du coton ; cette lettre est ainsi conçue :
« Très honoré et très favorable seigneur (Rires.),
« Dans les circonstances oùi se trouve la France, permettez'-moi de m'adresser à vous pour obtenir la permission d'établir dans la puissante ville de Paris, un commerce qui doit être profitable aux riches et aux pauvres, tant des villes que des campagnes. Il s'agit r i" de fabriquer, comme cela se pratique en Suisse, du lin, du coton et de la mousseline; 2° de naturaliser en France la culture du coton. Par la,filature nous occuperons les enfants- dans les maisons de charité et des Enfants-Trouvés; ils apprendront le métier de tisserand. Si tootre proposition est adoptée, jaous adresserons un mémoire à l'Assemblée nationale, et nous vous prions, monseigneur le Président,' de nous en donner connaissance par une lettre adressée à Bâle. (Applaudissements.)
« Nous sommes avec respect, etc.
(Suivent les signatures.)
Je demande le renvoi à la municipalité de Paris.
Plusieurs membres : Non ! non ! Le renvoi aux comités d'agriculture et de commerce.
Un membre: Je demande que M. le Président soit chargé d'écrire au sieur Setter, pour l'inviter à présenter son plan.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
4° Adresse du département de VArdèche qui demande des secours.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité des secours publics.)
L'ordre du jour appelle : 10 la discussion de la quotité des coupures des assignats de 5 livres; 2° la discussion du projet de décret, présenté au nom du comité de lorainaire des finances, sur les moyens à prendre pour établir des caisses de change des assignats de 5 livres dans les districts.
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à la discussion du projet de décret relatif à V échange des assignats.)
, rapporteur, donne lecture du projet de décret qu'il a présenté, au nom du comité de l'ordinaire des finances, à la séance du 9 décembre, sur les moyens à prendre pour établir des caisses d'échange des assignats de 5 livres dans les districts; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est de son devoir de procurer à tous les citoyens les moyens les plus prompts de suppléer à la rareté du numéraire, en facilitant l'échangé dans les départements et districts, des assignats de 5 livres contre ceux de plus forte somme, et de concilier cet échange avec le service des caisses publiques, décrète qu'il est urgent de délibérer sur cet objet.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le commissaire du roi auprès de la caisse de
l'extraordinaire, remettra à la trésorerie nationale au fur et à mesure de la fabrication,
et d'ici au 1er janvier prochain, 60 millions en assignats de 5 livres en échange de ceux de
plus forte somme, qui seront brûlés et annulés.
« Art. 2. Les commissaires de la trésorerie nationale emploieront les 60 millions d'assignats de 5 livres qui leur seront remis, dans les envois des fonds qu'ils doivent faire d'ici au 1er janvier prochain, aux départements, et aux payements et échanges journaliers de leur caisse, en se conformant à l'état de répartition annexé au présent décret.
« Art. 3. Les assignats de 5 livres qui seront envoyés aux départements seront adressés aux directoires, qui les enverront, d'après les bases adoptées pour la répartition, annexées au présent décret, dans les caisses des receveurs des districts de leur ressort, en en donnant avis au directoire du district.
« Art. 4. Les receveurs de district emploieront les assignats de 5 livres qui leur seront adressés par le directoire de département : 1° au huitième au montant des sommes qu'ils auront à payer, soit pour les frais du culte, ponts et chaussées, etc., et autres dépenses de leur caisse ; 2° à l'échange des assignats depuis 50 jusqu'à 300 livres.
« Art. 5. Les assignats de 50 jusqu'à 300 livres,
?ui proviendront de l'échange des assignats de
livres, serviront de fonds pour les objets que les receveurs de district sont chargés d'acquitter.
« Art. 6. Les citoyens qui auront des assignats à échanger se rendront au directoire de
district,
« Art. 7. Tous les citoyens, sans exception, seront admis aux échanges ; mais les directoires de district auront cependant égard aux demandes formées par les cultivateurs qui justifieront avoir entrepris des travaux sur leurs possessions, ainsi qu'à celles des fabricants, chefs d'atelier et armateurs, en proportion du nombre de leurs ouvriers.
« Art. 8. Les directoires de district remettront un bon aux citoyens qui seront admis à l'échange, lequel contiendra le nom de la personne, le nombre et la valeur des assignats à lui remettre.
« Art. 9. Les receveurs de district ne pourront remettre des assignats en échange qu'aux porteurs des bons des directoires, et après les avoir fait acquitter.
« Art. 10. Les receveurs de district rendront compte aux directoires de district, chaque mois, des échanges qu'ils auront faits; ces comptes avec les pièces justificatives, seront envoyés par le procureur syndic, aux directoires de département, après cependant que les directoires les auront vérifiés et donné, leur avis.
« Art. 11. Les payements qui se feront à la caisse de la trésorerie et aux caisses des payeurs à Paris seront composés d'un huitième en assignats de 5 livres et les 7 huitièmes en assignats de plus forte somme.
« Art. 12. Ilsera fourni 150,000livres par jour, en assignats de 5 livres, à la caisse établie a Paris, pour les échanges des agriculteurs, fabricants et chefs d'ateliers du royaume, lesquels échanges seront continués d'après l'ordre et le mode actuellement établis.
« Art. 13. Les départements qui se trouveront lésés d'après les bases adoptées pour la répartition adresseront leurs demandes aux commissaires de la Trésorerie nationale, qui, d'après un avis motivé, pourront augmenter la somme à envoyer aux départements, l'Assemblée nationale affectant la somme de 5,032,817 livres pour faire les fonds aux échanges qui seront ordonnés par lesdits commissaires de la Trésorerie, sous la surveillance du comité de l'ordinaire des finances.
« Art. 14. Les commissaires de la trésorerie nationale présenteront, chaque mois, à l'Assemblée nationale, le tableau des assignats de 5 livres qu'ils auront employés, avec la note de leur emploi.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
Votre opinion doit déjà être fixée sur les avantages du projet que vous a présenté M. Cambon, au nom du comité de l'ordinaire des finances ; son objet important est de se servir des remises que la trésorerie nationale fait dans les départements, chaque trimestre, par le service public, afin d'y distribuer les assignats de 5 livres dont vous avez ordonné la fabrication et l'échange.
Cette idée, qui a été proposée à votre comité pour la trésorerie nationale, nous a paru présenter le mode le plus facile et le plus économique pour faire jouir rapidement tous les districts de l'Êmpire des avantages des petits assignats. Cette distribution peut être portée à 80 millions par chaque trimestre ; et dfaprès le rapport de votre comité, la fabrication de cette somme en
assignats de 5 livres, peut être terminée le 10 de janvier; ainsi ces 80 millions peuvent être reportés dans les départements par des envois successifs qui seront commencés dès ce moment et terminés le 10 de janvier.
En suivant cette distribution pour les trimestres successifs, 320 millions en assignats de 5 livres pourront être versés dans toutes les parties de l'Empire. Vous aurez ainsi évité tous transports que nécessitent les échanges faits à Paris ; vous aurez facilité le service de la trésorerie nationale, vous aurez retiré de la circulation de tous les départements les gros assignats qui entravent le commerce intérieur, le plus précieux de tous, et vous aurez, par là, animé l'agriculture et le commerce, et vous retiendrez dans cette circulation les assignats de 300 livres, 200 livres, 100 livres et au-dessous. Vous mettrez sous la surveillance des assemblées administratives, la régularité et l'équité proportionnelles des échanges, ces avantages ne permettent pas de balancer sur l'adoption du projet.
Mais la répartition qui vous est proposée est-elle proportionnelle aux contributions, est-elle une mesure naturelle des facultés et des besoins. Non. sans doute? Dans l'état de distribution de M. Cîambon, le département de l'Hérault recevrait 819,661 livres d'assignats de 5 livres, et il n'a que 4.250,000 livres de contributions. Le département de la Gironde, dans cet état de distribution, n'a que 710,838 livres d'assignats, et il paye 5,267,563 livres ; il paye un million de plus et il aurait 100,000 livres de moins. On ne niera pas cependant que l'agriculture et le commerce au département de la Gironde exigent une circulation de petits papiers plus active que pour le commerce et l'agriculture du département de l'Hérault. La Charente-Inférieure, qui paye une contribution à peu près égale à ce département, aurait en assignats plus de 200,000 livres de moins. L'Orne, qui paye aussi la même contribution, aurait près de 368,000 livres de moins ; celui de Haute-Garonne, qui â 250,000 livres de plus que l'Hérault, est porté, dans l'état de distribution, pour 271,873 livres de moins.
Ces inégalités sont trop considérables pour ne pas fixer votre attention. Je vous propose donc d'accorder aux départements le cinquième de leur contribution par trimestre en assignats de 5 livres, ou plutôt à chaque département le montant exact de sa contribution mobilière.
M. Cambon réduit au quart des fonds à faire pour la marine, la somme des assignats de 5 livres qui sont attribués à ce service ; mais cela me paraît insuffisant, parce que le salaire des ouvriers et les décomptes des matelots exigent nécessairement de très petites divisions. Je demande donc que les fonds des départements de la marine, comme ceux de la guerre, soient faits moitié en assignats de 5 livres.
(L'orateur propose un projet de décret rédigé d'après les bases indiquées dans son discours.)
Il résulte du rapport qui vous a .été fait par votre comité, qu'au 1er janvier prochain, il n'y aura de disponible en assignats de 5 livres qu'une somme de 6 millions; or, vous sentez qu'il est impossible que cette somme suffise aux besoins de la trésorerie et aux échanges que le comité des assignats aura à proposer. J'avoue, Messieurs, que j'aurais de grandes objections à vous proposer contre le projet de décret, actuellement en discussion, s'il s'agissait d'une mesure définitive ; mais comme
il s'agit de ne l'adopter que comme mesure provisoire et momentanée, je l'appuie de tout mon pouvoir, et je propose deux amendements dans l'article 1er. Je vous propose de mettre : « après le 1er janvier seulement. »
A l'égard de l'article 12, je sais qu'une infinité d'agriculteurs viennent ici avec des certificats de municipalités, qui obtiennent facilement le visa de district, et abusent de cette facilité pour agioter les petits assignats qu'ils reçoivent et les vendre. Je demande la suppression de l'article 12.
Je ne crois pas que ces assignats doivent être distribués à raison des impositions et à raison de la population des départements, mais bien à raison de leurs besoins, et je ne crois pas que ces besoins soient dans la proportion qui a été demandée. Je erois que vous ne devez adopter que provisoirement le mode de votre comité.
L'envoi des petits assignats, tel qu'il se fait actuellement, coûte un prix énorme. Il en coûte 430 et quelques mille livres pour une somme de 100 millions. Je sais que les fermiers ont eu la générosité de proposer une diminution qui, dans la supposition de l'égalité de l'envoi, ne porte plus cette dépense qu à 400,000 livres. Mais tn'y a-t-il donc pas de moyens plus économiques, et ne peut-ori pas faire gagner à la nation la presque totalité des sommes énormes qu'il en coûte pour le port des assignats? Les messageries sont en ferme, et le prix au port des assignats excède de beaucoup celui du bail; les postes sont en régie, le port des assignats ne coûterait donc rien à la nation, en se servant de cette dernière voie.
On m'objectera que les fermiers sont responsables, et qu'on ne peut exiger la même responsabilité de la régie, que le courrier peut être arrêté et volé! Je répondrai d'abord qu'il est extrêmement rare que des courriers aient été volés, et je ne crois pas qu'on puisse dire que, dans ce dernier cas, les fermiers soient responsables, car personne ne peut garantir contre la force majeure. Aussi je ne vois pas où peut conduire la responsabilité des fermiers, si ce n'est qu'à garantir les assignats dans leurs bureaux. Mais je ne doute pas que les administrateurs des postes ne consentent à cette garantie en leur accordant une indemnité. J'ajoute qu'on peut garantir le courrier d'être attaqué, en le faisant escorter, et je crois que c'est un moyen d'éviter les frais, sans qu'il en coûté à la nation; je pense que si l'administration était obligée de se charger des frais de transport à un prix modéré, les sommes qui en reviendraient, suffiraient pour payer les frais d'escorte, et l'indemnité accordée à l'administration. Je vous prie, Messieurs, de peser dans votre sagesse ces observations, et j'en demande l'envoi au comité.
(L'Assemblée ajourne la suite de la discussion à lundi.)
(La séance est levée à trois heures.)
adresse des administrateurs du directoire du département de seine-et-oise (1).
A VAssemblée nationale.
« Messieurs,
« Le directoire du département de Seine-et-Oise, accusé, au sein même de l'Assembléefi nationale, d'être l'ennemi de la Révolution (2), vous demande ou des juges, ou une réparation éclatante.
« Si nous n'avions pu ne voir dans notre dénonciateur que M. Laurent Lecointre, nous aurions laissé a l'opinion publique le soin de nous venger ; mais M. Lecointre est membre du Corps législatif, et ce titre donnerait de l'importance même à la calomnie la plus absurde.
« Administrateurs sans reproche, vous devez nous conserver l'honneur et la considération qu'il voudrait nous ravir.
« Administrateurs coupables, votre devoir est de nous livrer à la sévérité des lois.
«Que. notre dénonciateur parle donc; qu'il révèle les crimes qu'il nous impute, mais qu'il en donne d'autres preuves que de vaines déclamations ; s'il articule des faits, nous répondrons aux faits; et nous nous montrerons tels que nous avons été; tels que nous serons toujours: fidèles aux lois et aux principes, fidèles à la Constitution que nous avons jurée, et que nous maintiendrons contre les ennemis déclarés qui voudraient la détruire, et contre les faux amis qui voudraient la dénaturer.
« S'il se tait, son silence sera l'aveu de la calomnie, et votre sagesse trouvera les moyens de nous assurer la réparation qui nous est due.
« Nous ne vous parlerons pas de l'arrêté qui a irrité le sieur Lecointre : si cet arrêté est illégal, un pouvoir est au-dessus de nous, qui a droit de le réformer : c'est à lui que nos erreurs doivent être dénoncées.
« Nous offenserions des législateurs, si nous croyions qu'ils puissent jamais confondre les limites que la Constitution a marquées aux différents pouvoirs qu'elle a établis.
« Les administrateurs composant le département de Seine-et-Oise.
« Signé : Huet, Henin, Leflamand, Belin, Durand, Rouveau, Vaillant, Lebrun, vice-président ; Challan, procureur général syndic; Chovot, vice-secrétaire général. »
MÉMOIRE et pièces justificatives pour M. Nfoirot, coaccusé de M. Varnier.
Quelle 'mère '
Prête à perdre son fils, peut le voir et se taire?
MéropeI
En exécution d'un décret du 12 novembre dernier, MM. Varnier, Noirot et Tardy ont été jetés au fond des cachots; et dans toute la France instruite du prétendu délit et des précautions prises par l'Assemblée nationale, l'opinion publique a déjà mis les accusés au rang des criminels.
C'est donc l'opinion publique égarée qu'il est intéressant d'éclairer, et c'est devant la nation, à la France entière, que je dois présenter les preuves de leur innocence : à ce sentiment qui,, plus prompt que la réflexion, nous fait d'abord croire coupables ceux qu'une accusation signale, je vais faire succéder le froid jugement de la conviction, et l'évidence justifiera bientôt les malheùreux que la prévention a condamnés.
Il est indispensable de ramener mes lecteurs à la séance de l'Assemblée nationale du 12 novembre dernier, et de leur en retracer certains détails : il faut qu'après avoir senti que, forcée par l'attestation formelle de M. Basire, l'Assemblée nationale n'a pas eu le choix des partis, on puisse juger du poids des motifs qui ont décidé ce député à affirmer et l'existence du crime et l'i-, dentité des coupables.
Dans cette séance du 12 novembre 1791, M. Basire, député du département de la Côte-a'Or, a dit (1) : « J'ai un fait important à dénoncer; voici une lettre écrite par M. Varnier, receveur des fermes à Paris; elle est adressée à l'un des receveurs particuliers de mon département ; elle m'a été envoyée en original, sa date est fraîche, elle est du 30 octobre dernier ; en voici la teneur : « Continuez, Monsieur et cher ami, à mettre la même adresse pour le passage de nos employés chez les émigrants, surtout n'en faites pas partir de ceux qui sont mariés, ce serait un moyen d'éventer la mèche et de perdre tout le fruit de nos soins ; ils écriraient à leurs femmes, qui ne manqueraient pas de dire leur véritable destination; les soixante-trois que vous avei déjà fait partir sont arrivés à Coblentz. On est fort content, ce sont des hommes vigoureux faits pour tenir à la fatigue. Par la lettre qu'on m'a communiquée, ils ont promis de ne point (écrire en France, afin que nous ayons le temps de faire partir tous les employés de Dijon et des environs, en leur faisant toujours croire, par le moyen de la fausse commission que vous leur remettrez, qu'ils vont aux frontières pour empêcher Ventrée de la contrebande : comme il faut à ces gens-là un appas, dites-leur que l'on y fait de bonnes prises ; que la vente est entièrement pour les employés ; que les fermiers généraux ne prennent plus rien.
« On est aussi content ae M. Tardy ; quand ils arrivent sur les frontières, il les fait passer avec beaucoup d'adresse chez l'étranger, et ne leur donne de l'argent que lorsqu'ils en manquent absolument pour aller à Coblentz.
« Sur ce que vous me marquez, il me parait que nous pourrons avoir beaucoup d'employés, la rigueur de la saison et la misère les décideront à passer à l'armée des princes. Je suis chargé de vous dire que s'il se trouvait de beaux hommes qui ne manquassent que d'argent, vous pouvez leur faire quelques avances en le marquant sur leur commission, afin qu'on puisse les leur retenir; je viens d'obtenir 500 livres que je vous envoie en 7 assignats, accusez-m'en la réception, afin que je justifie de l'emploi; tenez aussi une note au partage que vous en ferez, n'en donnez pas que vous n'ayez porté sur la commission la somme que vous aurez remise à celui qui en sera chargé.
« Si l'on parvient à réunir une armée de 25,000 hommes bien déterminés, les connaisseurs assurent que l'armée des gardes nationales aura bientôt fui jusqu'à Paris, où les mécontents, qui sont en grand nombre, les étrilleront, pendant que l'armée des princes soumettra nos provinces, qui sont toutes prêtes à rentrer sous la protection au roi. L'Assemblée nationale ; est dans le plus grand discrédit, elle n'attendrait pas, pour se diviser, qu'on la chassât; vous voyez que nous serons bientôt les maîtres. Je ne vous demande pas de discrétion, vous y êtes aussi intéressé que moi. Je suis pour la vie votre ami. Signé : Var-nier. Paris, 30 octobre 1791. »
Pressé de faire connaître à l'Assemblée la voie par laquelle cette lettre, lui est parvenue, et tout ce qui peut en garantir la certitude et l'authenticité, M. Basire répond qu',«, il n'a pas besoin de dire par quelle voie la lettre est parvenue..., qu'il déclare qu'elle est écrite et signée de M. Var-nier (1)... quil lui suffit de déposer la lettre sur le bureau pour être parfaitement en règle. »
De semblables raisons ne parurent pas suffisantes à l'Assemblée pour porter le décret d'accusation; un de ses membres somma M. Basire de certifier que la lettre déposée était véritablement de M. Varnier. « Eh bien, dit M. Basire, je l'affirme (2). » Ce mot arrêta toutes les objections, et le décret d'accusation fut rendu (3).
Par une conséquence nécessaire, l'Assemblée prononça l'extension de ce décret à M. Tardy, nommé dans cette lettre, et à la personne à qui elle était adressée. M. Basire, qui seul pouvait la faire connaître, le fit ainsi : « Un citoyen de la ville d'Auxonne, qui m'a envoyé cette lettre, m'assure qu'elle était adressée à M. Noirot de Pontailler (4). »
On ne voit pas sur quel fondement M. Basire jugea que M. Tardy, compromis par la lettre, était de Dijon ; mais de sa propre autorité indiquant à M. le Président l'une des familles de ce nom
qui habitent cette ville, ce fut sur elle qu'il fixa 1 application du décret.
G est ici le lieu, sans doute, d'examiner cette importante lettre qui sert de base à la plus grave accusation, cette lettre qu'à la première inspection M. Basire a trouvée d'une telle authenticité qu'il s'est cru dispensé de l'appuyer d'autres preuves, et permis de la certifier par son affirmation.
Comment admettre d'abord que l'homme le plus simple écrive sur un pareil sujet, sans voile et sans déguisement, qu'il souscrive sa lettre de sa signature, inutile pour son correspondant et d'une dangereuse conséquence pour lui? Ah! sans doute, un conspirateur peut être maladroit, mais son intérêt l'éveille sur des précautions aussi essentielles et aussi faciles.
Se persuadera-t-on que des 63. hommes envoyés à Coblentz, sous le prétexte d'être employés aux frontières à empêcher l'entrée de la contrebande, alléchés par l'espoir de l'entier abandon des prises qu ils feraient, aucun n'ait réclamé contre la supercherie et ne soit revenu sur ses pas? Tous ces malheureux si grossièrement trompés ont eu la bonne foi de faire et de tenir la promesse de ne point écrire en France, et leurs parents, leurs amis, leurs connaissances ignorent leur sort et ne s'en occupent même point, dans un moment où la publicité de cette affaire devrait éclairer leur sollicitude. Si tout cela pouvait être vrai, on m'acccordera du moins que cela n'est guère vraisemblable.
Comment, d'ailleurs, ces hommes se seraient-ils laissé abuser par les fausses commissions que mon fils leur eût délivrées? Ce n'étaient pas de lui qu'ils tenaient les leurs dans le précédent régime des finances, et ils n'auraient pas ignoré que mon fils n'a nul emploi dans les douanes, seule partie du régime actuel qui entretienne des gardes aux frontières.
Les conseils que M. Varnier donne à mon fils pour leurrer les employés, contredisent bien ridiculement les éloges du commencement de sa lettre ; car s'il a eu le talent d'en faire passer déjà 63 à Coblentz sans opposition, il sait parfaitement comment il faut s'y prendre.
M. Tardy mériterait à juste titre les louanges que l'auteur de la lettre donne à son adresse, il en faudrait beaucoup en effet pour décider à s'enrôler dans une armée en Allemagne, des hommes venus pour une destination plus lucrative et moins périlleuse, et pour l'obtenir d'eux sans résistance et sans indiscrétion. On ne peut pas dire qu'on les a corrompus, car la lettre nous apprend que M. Tardy ne leur donne de l'argent que lorsqu ils en manquent absolument pour aller jusqu'à Coblentz.
Cette lettre porte évidemment tous les caractères d'une pièce controuvée ; le moindre examen démontre qu'on l'a écrite, et surtout le dernier paragraphe, tout exprès pour servir à une accusation, et moins pour arriver à son adresse, que pour être dénoncée à l'Assemblée nationale. C'est un tissu d'invraisemblances, d'inutilités et de contradictions ; et s'il eût été possible de la discuter, elle aurait été rejetée unanimement, mais M. Basire avait affirmé.
Quels étaient donc ses motifs de confiance et sur quoi fondait-il sa conviction? Je vais- l'apprendre à mes lecteurs; je vais leur dire par quelle voie cette lettre intéressante lui était parvenue; car ce qu'il avait refusé de faire connaître à la séance du 12 novembre, il fut forcé de le dévoiler dans celle du 23.
La lettre signée Varnier avait été adressée à M. Basire, incluse dans une signée Vollon, serrurier, et datée d'Auxonne. On croira sans doute que ce député, connaissant et la personne et l'écriture du sieur Vollon, n'avait pas dû hésiter d'ajouter foi à son envoi; mais il n'en est rien, ils étaient également inconnus l'un à l'autre, et c'était la première fois que le nom du sieur Vollon s'offrait à la vue de M. Basire. Je suppose cependant qu'il ait pu s'assurer, par ses entours, de l'existence du sieur Vollon à Auxonne, il lui restait encore à se convaincre de l'authenticité de sa lettre; et il en avait d'autant plus les moyens, que cette lettre ne lui est point arrivée par la poste, mais qu'elle lui a été adressée par l'intermédiaire a'un prétendu cousin du sieur Vollon, résidant à Paris, qui a dû la remettre en main propre à M. Basire. Que doit-on penser de ce député, s'il est vrai qu'il a négligé cette précaution, ou plutôt ce devoir, dans une circonstance aussi importante ; s'il est vrai qu'il n'a pas même vu le porteur de la lettre, ou que s'il l'a vu, il ne s'est point assuré que ce n'était pas un imposteur ; et s'il est vrai enfin qu'il ne peut pas même le représenter ? Ah ! si le zèle pour la chose publique peut impunément entraîner dans une erreur aussi funeste, si le salut de l'Etat, cette suprême loi, doit excuser d'avoir fermé les yeux à la lumière, d'avoir avidement servi la haine et le mensonge ; si la Constitution, donnant à un individu le droit de dénoncer sans responsabilité, a dispensé de vérifier, autant qu'ilesten lui, etl'exis-tence du crime et l'application des circonstances aux prévenus, malheureuses mères ! épouses infortunées ! partagez mes douleurs, mes maux peuvent devenir les vôtres, vos époux, vos enfants peuvent remplacer le mien au fond des cachots, et livrés aux manœuvres de la perfidie, leur salut dépendra du plus ou moins d'adresse de leurs ennemis.
Voilà cette lettre d'envoi attribuée au sieur Vollon à laquelle M. Basire a trouvé un caractère de vérité qui lui a fait regarder la chose comme certaine (1).
« Mon compagnon courtise la fille de la veuve Dumont, aubergiste à Auxonne, il a été lavoir hier au soir ; elle faisait le lit de M. Noirot qui est parti pour Pontailler; il a vu sur une table qui est à M. Noirot la lettre jointe à celle-ci ; voyant qu'elle était pour la contre-révolution, il l'a mise dans sa poche, sans rien dire à la fille de la veuve Dumont ; j'en ai pris le soir lecture, et j'ai décidé de vous la faire tenir, pour que vous empêchiez l'enrôlement des employés. La lettre a été envoyée par M. Varnier, le receveur de notre grand bureau, je me suis informé de sa demeure à Paris, afin que vous lui parliez : il loge à l'hôtel du Grand-Louis, rue de Grenelle-Saint-Honoré.
« Je n'ai pas parlé à nos municipaux de la lettre que mon compagnon m'a donnée, dans la crainte qu'ils n'avertissent M. Noirot de cacher ses papiers, que vous ferez bien de faire prendre par le district : cela vous apprendra les idées de ceux qui sont intéressés à la contre-révolution, je ne savais pas votre demeure, il a fallu que l'envoie ma lettre à un de mes cousins, qui est un "bon patriote.
« Je lui ai dit qu'il vous./a remette à vous-même en personne, j'ai mieux aimé qu'il m'en coûte quelques sols pour affranchir ma lettre et être sûr qu'elle vous sera portée, car la lettre de
M. Varnier est bien traître à la nation... Signé : Vollon, serrurier (1).
C'est bien là que la fraude se décèle par les précautions prises pour la cacher; les efforts pour imiter le style d'un homme simple percent à chaque phrase et dévoilent l'imposture, ces expressions affectées de receveur du grand bureau, d'une table qui est à M. Noirot, dans la chambre de M. Noirot, de cette lettre pour la contre-révolution, bien traître à la nation, etc., ces expressions, dis-je, impriment à cette lettre le sceau d'un mensonge étudié. La première réflexion qu'en fait naître la lecture, c'est qu'il était plus facile au sieur Vollon d'apprendre l'adresse de M. Basire que celle de M. Varnier, et de ce que la prétendue lettre de M. Vollon n'est pas arrivée directement à M. Basire, on conclut que l'intermédiaire du cousin a été imaginé, pour sauver le timbre de la poste et les dangers d'une intelligence à Auxonne, et la même raison a sans doute produit le scrupule d'avertir les municipaux.
Comment ces remarques ont-elles échappé à M. Basire, et si elles frappent l'homme indifférent à la lecture la plus inattentive, par quelle fatalité celui à qui le choix de ses concitoyens fait un devoir de soumettre toutes ses actions à la plus scrupuleuse prudence, et à la circonspection la plus délicate, est-il le seul que la réflexion n'ait pas ramené à la vérité ?
Mais j'écarte toutes les présomptions tirées de ces lettres, et ce n'est point par elles que je prétends justifier mon fils et ses coaccusés, quoique l'apparence même des fprésomptions n'ait pas autorisé leur détention. Depuis un mois la captivité la plus sévère les soustrait aux conseils de l'amitié, aux soins consolants de la nature et même aux services intéressés de la cupidité : une garde armée entoure leur tombeau, les signale comme les plus grands criminels et les dévoue aux fureurs d'un peuple égaré (2) : on refuse aux prières d'une mère la grâce d'aller pleurer sur leurs fers, enfin, on les punit par le plus douloureux supplice, par un abandon qui peut produire le désespoir dans une âme sensible : on les punit, et bien loin qu'ils soient déclarés coupables, je publie hautement la certitude que même le crime dont on les accuse n'existe pas.
Je dois commencer par prouver que les circonstances qui ont amené la dénonciation, sont dénuées de toute vérité, comme on a déjà vu qu'elles l'étaient de toute vraisemblance.
C'est ici la cause de M. Basire ; c'est un attentat à sa bonne foi, une surprise à son civisme que je vais dévoiler ; il reconnaîtra que son zèle extrême pour la chose publique l a livré aux manœuvres de la perfidie, et que devenu l'instrument des faussaires, c'est contre lui seul qu'un crime a été commis. Oui, quand même sa délicatesse ne lui ferait pas un impérieux devoir de publier hautement l'innocence de mon fils et de ses coaccusés, et de s'efforcer de rompre des fers qui doivent peser sur son cœur ; son honneur, le caractère dont il est revêtu, lui imposeraient l'obligation de poursuivre la découverte de la trame odieuse qui l'a si grièvement compromis.
M. Vollon, serrurier à Auxonne, reçut, le 16 no-
vembre dernier, une lettre de M. Basiré, qui le félicitait de son courage et de son patriotisme ; il lui parlait de complot dévoilé, le remerciait de l'avoir préféré, pour rendre à l'Etat un service essentiel; et l'assurant que son nom n'était point sorti de sa bouche, il rengageait à lui adresser les nouveaux éclaircissements qui pourraient venir à sa connaissance sur cette affaire.
M. Vollon ne comprenant rien à cette épitre, témoigna publiquement sa surprise de l'avoir reçue, et bientôt, toute la ville instruite par les papiers publics de la dénonciation de M. Basire, le fut de la dénégation de M. Vollon d'en être la cause première. Le lendemain, un détachement d'artillerie parti d'Auxonne et passant à Dijon, y répandit la nouvelle de toutes ces circonstances, et l'espérance vint offrir des consolations aux parents et amis de MM. Tardy et Noirot. Deux d'entre eux partirent pour Auxonne, et M: Vollon ne put leur refuser un hommage authentique à la vérité; il déposa la lettre de M. Basire aux registres de la municipalité, il l'accompagna de la déclaration de n'y avoir jamais donné matière, et d'ignorer les faits qui en étaient l'objet; il en requît acte, et c'est celui classé parmi les pièces justificatives (n° 1er).
S'il était possible que le soupçon de suggestion envers le sieur Vollon fût entré dans l'esprit de quelqu'un, si l'on pouvait le croire capable d'avoir cédé à des sollicitations, on serait bientôt désabusé par la lecture de la lettre écrite par la municipalité d'Auxonne à M. Basire, pour lui aj>-prendre qu'ayant interrogé M. Vollon pour savoir si la dénégation qu'il avait faite, était libre et sincère, il avait constamment répondu qu'elle était l'expression de la vérité (n° 2). On peut encore voir sous le numéro 3, partie de la lettre écrite par le sieur Vollon à M. Basire, pour l'instruire ae cette dénégation, et pour la confirmer.
D'après de pareilles preuves, on est forcé de convenir que MM. Vollon et Basire étaient inconnus l'un a l'autre, et surtout que l'envoi de la lettre signée Varnier n'est pas du fait du sieur Vollon; mais enfin, ne peut-il pas l'être de celui de son compagnon, de Cet homme qu'on annonce avoir pris cette lettre dans la chambre de mon fils; peut-être voulant donner plus de poids à sa démarche, a-t-il cru devoir se couvrir du nom d'un citoyen connu, et, par cette innocente supposition, s'attirer une confiance qu'il aurait craint de ne pas obtenir sous le sien.
Je me suis fait cette objection, j'ai conçu cette présomption et Je me hate de la détruire dans autrui, par la production de l'acte qui m'a rassurée; il est compris aux pièces justificatives sous le numéro 4.
Cette affirmation du compagnon du sieur Vollon, de n'être jamais entré chez la dame Dumont, de méconnaître sa personne et celle de sa servante, et même d'ignorer leur domicile, est sans doute de la plus grande importance; mais elle n'est que le complément de la preuve tirée du certificat de la municipalité de Pontailler, et de la déclaration faite par devant les notaires d'Auxonne, consignées sous les numéros 5 et 6. Ces pièces attestent que, depuis le 18 octobre jusqu'au 16 novembre, mon fils non seulement n'est pas allé à Pontailler, mais même ne s'est pas absenté d'Auxonne, On lit, dans la prétendue lettre de M. Vollon à M. Basire, que son compagnon avait pris celle signée Varnier sur la table de M. Noirot pendant son voyage a Pontailler; or, cette lettre étant datée de Paris, le 30 octobre, et ayant été dénoncée à l'Assemblée nationale le 12 novembre
suivant, ce n'est donc que pendant une absence de mon fils, dans l'intervalle de ces deux époques, qu'elle aurait pu être dérobée sur sa table; et cependant les pièces susmentionnées attestent sa résidence à Auxonne, sans interruption, depuis le 18 octobre jusqu'au 16 novembre.
Je n'ai point négligé de chercher le cousin, porteur de la lettre à M. Basire, le cousin de l'existence duquel ce député devait commencer par s'assurer, et j'ai obtenu la conviction que c'était un être supposé; je rapporte en entier au numéro 7 des pièces justificatives l'acte notarié par lequel Jean-Baptiste Vollon, commissionnaire, et Claude Vollon, serrurier, les seuls de ce nom habitant Auxonne, déclarent librement, l'un (Claude Vollon, prétendu correspondant de M. Basire), qu'il n'a aucun parent ni allié à Paris ; l'autre, qu'il a dans cette ville un allié du chef de sa première femme, mais qu'il n'a jamais eu avec lui aucune correspondance et ne lui a, en aucun temps, rien écrit ni adressé, soit directement, soit indirectement. Il ajoute qu'i/ n'a aucune connaissance des faits imputés aux sieurs Varnier et Noirot. Le sieur Claude Vollon y renouvelle, pour la cinquième foiSj sa dénégation inscrite au registre de la municipalité, il y répète la déclaration que tout ce qu'il a fait dans cette affaire a été le libre usage de sa volonté et autant d'hommages à la vérité, et cette accumulation d'actes pareils annonce bien l'inquiétude d'un honnête nomme désespéré que son nom ait servi de voile à l'iniquité.
Voilà pourtant à quoi se réduit cette lettre d'envoi à laquelle M. Basire a trouvé le caractère de vérité, et son seul garant pour affirmer la réalité du crime et l'identité des accusés. Elle n'est point écrite par le sieur Vollon, elle ne l'est point par son compagnon, qui n'a pas pu trouver celle prétendue de M. Varnier, dans la chambre d'une maison où il n'est jamais entré; personne n'a pu l'enlever de chez mon fils pendant un voyage, il n'en a point fait; elle n'a pas été adressee a un cousin du sieur Vollon à Paris, puisqu'il n'a ni parent ni allié dans cette ville; elle est, en un mot, une œuvre de ténèbres et de calomnie, oui? de la calomnie la plus impudente, puisque le crime, je l'ai déjà dit, le crime dénoncé n'existe même pas, et je le prouve.
Quel est-if donc ce crime ? C'est dans la lettre qui sert de base à l'accusation qu'il faut le chercher, et c'est par elle que je vais le spécifier. Je lis et je vois qu'elle décèle un crime commis et un crime à commettre, ou plutôt le complément du même crime. En effet cette lettre adressée, dit-on, à mon fils, ci-devant receveur des gabelles à Auxonne, direction de Dijon, apprend que, de complicité avec M. Varnier, qui avait été receveur des traites dans la même ville, il a embauché 63 employés aux fermes de la direction de Dijon, et les a fait passer à Coblentz par l'entremise d'un M. Tardy, de Dijon, placé sur les frontières.
Voilà le crime consommé dont elle l'accuse. On l'invite à continuer cet embauchement, et à faire partir le reste des employés de cette direction. Voilà le crime projeté dont elle le suspecte.
Si M. Basire, placé au nombre de ceux qui nous donnent des lois, l'était parmi les interprètes de ces lois; s'il avait à prononcer sur les crimes dont la prétendue lettre signée Varnier présente les coupables, je lui demande quelle serait sa conduite? Certainement ses démarches se dirigeraient d'abord vers la conviction de l'existence de ces crimes ; c'est la première connaissance à acquérir, parce que, la où il n'y a point de crime, il
ne peut y avoir de coupables; et la lettre de M. Varnier, fût-elle authentique, fût-elle signée de sa propre main ; si les 63 employés de la direction de Dijon, qu'elle annonce arrivés à Go-blentz, se retrouvent en France et n'en sont jamais sortis, le crime n'existe pas, et la lettre serait sans objet.
Je cherche parmi les Tardy, dont les familles habitent Dijon, celui qui, employé dans les douanes, est posté sur les frontières assez avantageusement pour faire passer à Coblentz et sans effort des gens qui n'en avaient nulle envie. Je vois que, dans l'une d'elles, deux frères étaient employés dans les finances. L'un était entreposeur du tabac à Toulouse, où il en continue encore la vente, et n'a pas quitté cette résidence depuis plus de dix ans. L'autre, auparavant placé à Bayeux, et actuellement inspecteur principal des douanes à Quimper (1), y est fixé depuis le mois de juillet dernier : voyez-en la preuve authentique aux pièces justificatives (n° 8). Or, je demande auquel des deux veut-on que mon fils eût adressé les hommes qu'il aurait enrôlés dans la direction de Dijon pour les faire passer à Coblentz! Est-ce à Toulouse, est-ce à Quimper? La supposition serait également absurde, et je ne ferai pas à mes lecteurs l'injure de me permettre un seul raisonnement pour la détruire.
Mais enfin, ces 63 employés qu'on dit arrivés à Coblentz, sans que leurs parents et leurs amis en aient connaissance, y sont-ils en effet? Non, ils sont en France, et ils sont en même nombre que lors de la suppression de leurs emplois. Retirés en diverses résidences, ils attendent sans murmurer leur replacement que l'Assemblée nationale leur a fait espérer, et n'ont pas mérité de perdre, par un attentat contre la nation, les secours qui leur sont promis jusqu'à ce replacement.
Au 1er octobre 1790, suivant les registres des Fermes (voyez n° 9), les employés etaient au nombre de 118 dans la direction de Dijon; eh bien! ils existent tous encore aujourd'hui. Les certificats de leurs municipalités (n° 10) les représentent en même nomme, et cette sagesse suprême qui n'abandonne jamais le malheureux qui l'invoque, qui; seule a soutenu .mon espérance et donné a mon âme la force de supporter les tourments qui la déchirent, a permis que, fixés dans des retraites peu éloignées, leur présence fut bientôt constatée, et m'a rendu faciles les moyens de confondre l'imposture et de faire triompher l'innocence.
J'ai, ce me semble, rempli mon engagement; j'ai prouvé jusqu'à l'évidence que le crime imputé à mon fils n'existait pas, et puisque les employés de la direction de Dijon, à l'époque de la date de la prétendue lettre au sieur Varnier (30 octobre 1791), étaient encore en France, én même nombre qu'au 1er octobre 1790; puisque MM. Tardy, de Dijon, loin d'être placés sur les frontières d'Allemagné, le sont à des points opposés, Concluons que mon fils n'a pas embauché o3 employés de la direction de Dijon, et ne les a as fait passer à Coblentz par l'entremise de
Tardy, de Dijon, placé sur les frontières. Gon-
cluons enfin que le crime n'existe pas et que l'accusation est calomnieuse.
Est-il possible, je le demande à l'homme le plus prévenu, est-il possible de réunir une masse de preuves plus complètes, que celles que je présente au public? Est-il quelqu'un de mes lecteurs qui ne soit en état d'affirmer :
1° Que le sieur Vollon, sous le nom duquel l'envoi de la lettre signée : Varnier a été fait à M. Basire, n'a nulle part à cet envoi, qu'il la déclaré cinq fois d'une manière authentique et répété que, par là, il rendait librement hommage à la vérité;
2° Que le compagnon du sieur Vollon n'a pas, ainsi que l'annonce cette lettre d'envoi, trouvé celle prétendue de M. Varnier dans la chambre de mon fils, et pendant son voyage à Pontailler, puisqu'il a affirmé n'être jamais entré chez M"" Dumont où logeait mon fils, et que celui-ci ne s'est pas absenté d'Auxonne, dans l'intervalle qui s'est écoulé depuis l'époque de la date de cette lettre, jusqu'à celle de^sa dénonciation ;
3° Que M. Vollon n'a aucun parent ni allié à Paris, et que la personne qui a remis la lettre à M. Basire, ne peut être que le complice des faussaires ;
4° Qu'aucun des MM. Tardy de Dijon n'est placé aux frontières, et que l'éloignement où ils en sont l'Un et l'autre, dispense ae s'appesantir sur ce qui les concerne ;
5° Enfin, que tous les employés de la direction de Dijon étant en France à l'époque de la date de la pretendue lettre de M. Varnier, mon fils n'en a pas envoyé 63 à Coblentz, et que le crime dénoncé est imaginaire.1
J'ai donc mis dans le plus grand jour l'innocence de mon fils et de MM. varnier et Tardy, j'ai fait voir que le crime dont on les accuse n'existe pas ; et plus encore, j'ai démontré la fausseté des circonstances de la dénonciation; j'en adresse les preuves matérielles à l'Assemblée nationale; j'en demande le dépôt sur son bureau, et cependant on me fait craindre son refus de prononcer l'élargissement des malheureux dont elle a ordonné la détention. Eh quoi ! l'accusation la plus invraisemblable a atteint des hommes irréprochables; la calomnie la plus mal ourdie a fait ouvrir les cachots, pour y précipiter ses victimes, et les gémissements de Pinnocence, le cri de la vérité outragée; ne pourront les en arracher! Ah! cette rigueur, si contradictoire avec l'humanité, serait-elle d'accord avec la loi? Doit-il donc y avoir punition,où il n'est point de délit? Et lorsque la France entière pourrait attester que mon fils n'est point coupable, mon fils doit-il encore rester chargé de fers ? Mais si la Constitution, créant des formes Conservatrices, et limitant les pouvoirs, me force d'attendre de celui des tribunaux la liberté des détenus, elle a sans doute ouvert une vaste carrière à leurs demandes en réparation ; elle n'a point autorisé la délation, sans en balancer les dangers par une responsabilité proportionnée : car, sans cela, elle aurait livré la simplicité à l'astuce, et l'innocent malheureux au calomniateur adroit.
On me doit veugeance, mais je ne demande que justice : il n'est pour moi qu'un dédommagement aux maux que j'ai soufferts; qu'on me rende mon fils, qu'on le ramème dans mes bras, et j'aurai tout oublié.
Signé : Chabeuf, veuve Noirot.
PIÈGES JUSTIFICATIVES. N° 1.
Extrait des registres des délibérations de la maison commune de la ville d'Auxonne.
Pardevant moi, greffier soussigné, a comparu M. Claude Vollon, serrurier et fabricant de bas, demeurant en cette ville, lequel m'a requis acte du dépôt qu'il fait présentement au bureau du secrétariat, d'une lettre qu'il dit avoir reçue par le courrier de mercredi dernier, en date du 13 de ce mois, signée Basire, député à l'Assemblée nationale, dont l'enveloppe est ainsi conçue ;
« A M. Vollon, serrurier, rue du Bourg, à Àuxonne. »
Ladite enveloppe cachetée d'un cachet à trois fleurs de lis surmontées d'un soleil, ainsi timbrée en rouge : port payé. Paris. Laquelle lettre et enveloppe j'ai cotées et paraphées en présence du-dit sieur Vollon, ne vanetur ; déclarant ledit sieur Vollon n'avoir aucune connaissance des faits énoncés dans la lettre de mondit sieur Basire. Sur tout quoi il m'a requis acte à lui octroyé, pour servir et valoir ce qu'il appartiendra. Ce fait, a signé avec moi secrétaire-greffier. Signé sur le registre : Vollon et Roussel, greffier. Enregistré à Auxonne le 19 novembre 1791.
Signé : GUYARD (1).
N° 2.
Extrait d'une lettre de la municipalité d'Auxonne à M. Basire, lue à la séance de l'Assemblée nationale du 25 novembre (Logographe, n° 75).
« Brave citoyen, cher compatriote, etc.... vous avez écrit à M. Vollon, serrurier, parce que la lettre d'envoi était souscrite. Vollon, serrurier : M. Vollon a donné de la publicité à cette affaire, en ajoutant qu'elle l'avait d'autant plus surpris qu'il n'en avait aucune connaissance, et qu'il ne vous avait rien adressé. MM. Collin et Gilles, de Dijon, instruits des dispositions de M. Vollon, sont venus hier à Auxonne, et ont sollicité ce citoyen qu'ils ont décidé à faire au greffe de cette municipalité la déclaration dont l'extrait est ci-joint. Nous avons cru, brave citoyen, devoir vous informer de ce fait. Nous croyons enfin devoir vous prévenir que la démarche de MM. Collin et Gilles nous ayant donné de violents soupçons (2)? nous avons prié M. Vollon de nous dire la vérité, et qu'il nous a constamment répondu qu'il n'avait aucune connaissance de la chose, etc. »
N» 3.
Extrait d'une lettre de M. Vollon, serrurier à Auxonne, à M. Basire, lue à la séance de l'As-
semblée nationale du 25 novembre 1791 (Logographe, n° 57).
Monsieur..., il est très vrai que la lettre vraie ou fausse de M. Varnier, qui vous a été adressée d'Auxonne, ne vient pas de moi. Je puis vous attester que je n'ai eu aucune connaissance du complot dont vous avez occupé l'Assemblée nationale. J'ai connu à Auxonne M. Varnier; mais je n'ai jamais eu avec lui aucune relation, ni avec aucun de ses amis... J'en ai fait, Monsieur, la déclaration à la municipalité.
Signé : VOLLON.
N° 4.
Extrait des minutes du greffe de la justice de paix de la ville d Auxonne (1).
Le mercredi 30 novembre 1791, à l'audience de 9 heures du matin, devant nous Denis Serdet, juge de paix de la ville d'Auxonne, assistés des sieurs Jean-Baptiste Serguel, prêtre, Pierre-Jo-seph Besson, nos assesseurs.
Sont comparus Anne Taulin, fille majeure, domestique chez la dame Dumont, aubergiste à Auxonne, demanderesse ;
Sieur Claude Vollon, serrurier, demeurant en la même ville:
Et Claude-Marie Matton, natif d'Arrinteau en la ci-devant Franche-Comté, seul compagnon travaillant depuis deux mois et demi chez ledit sieur Vollon, tous deux défendeurs.
Ladite Taulin, demanderesse à ce que les défendeurs soient tenus de déclarer si le contenu d'une lettre insérée dans les papiers-nouvelles, notamment dans le numéro 783 des Annales patriotiques de France, dirigées par Mercier, sous la date du jeudi 24 novembre 1791, est de leur fait, attendu que ladite Taulin, comme fille de la dame veuve Dumont, se trouve accusée d'avoir été courtisée par ledit compagnon, pour, sur leurs aveux, ou désaveux, être dressé procès-verbal qui sera rendu public par ladite Taulin, ainsi et comme elle jugera à propos, s'en référant à notre prudence pour prononcer sur les dépens, ainsi qu'il est au surplus énoncé dans l'exploit de citation donné auxdits Vollon et Matton par l'huissier Audinot, le 28 de ce mois, à nous représenté.
Nous juge de paix, de l'avis de nos assesseurs, après avoir entendu les parties dans leurs dires respectifs.
Sous le bénéfice de la dénégation présentement faite par le sieur Claude Vollon, serrurier, d'avoir écrit, ni fait écrire la lettre qui se trouve insérée dans le numéro 783 des Annales de Mercier.
Et sous le bénéfice de la même dénégation aussi faite par ledit Claude-Marie Matton, comme encore de la déclaration qu'il fait, qu'il n'a jamais courtisé, ni fréquenté ladite Taulin, servante de ladite dame Dumont, qu'il n'est jamais alléchez elle, qu'il ne connaît pas sa demeure, et même qu'il n'a jamais vu ladite Taulin, qu'à notre présente audience.
En donnant acte à ladite Taulin desdites dénégations et déclarations, avons mis et mettons les parties hors de cour.
Ainsi jugé et prononcé, en présence de toutes lesdites parties, par nous juge de paix, en notre demeure à Auxonne, les jour et an ci-dessus.
Signé à la minute : Serdet, Serguel, prêtre, Besson et Gilles, secrétaire-greffier, et à l'extrait signé : Serdet et Gilles, greffier.
N° 5.
Nous Jean Maria, premier officier municipal de la ville de Pontailler, faisant cette part les fonctions de maire pour les empêchements de l'ordinaire ; certifions et attestons à tous qu'il appartiendra, que M. Jean Noirot, ci-devant receveur des gabelles à Auxonne, a fait un voyage audit Pontailler, le 15 octobre dernier, qu'il y a été vu ledit jour, ainsi que le lendemain 16, jour auquel il est reparti pour Auxonne, que depuis cette époque, il n'a point reparu audit Pontailler; en foi ae quoi nous nous sommes soussignés avec le secretaire de cette municipalité, et avons fait apposer le sceau au bas des présentes.
A Pontailler, ce 3 décembre 1791. Signé : Maria, et par ordonnance Simon, secrétaire.
Enregistré à Dijon, le 10 décembre 1791, reçu 20 sols.
Signé : bancal.
N° 6.
Par-devant les notaires de la ville d'Auxonne, district de Saint-Jean-de-Lône, département de la Côte-d'Or.
Furent présents dame Jeanne Chevalier, veuve du sieur Claude Dumont qui était traiteur et aubergiste en cette ville, y demeurant, et Anne Taulin, fille majeure, sa servante.
Lesquelles ont expressément requis lesdits notaires en vertu de la loi, de leur donner acte de ce qu'elles déclarent librement et sans contrainte, induction ni suggestion de la part de qui que ce soit, mais seulement dans l'intention de rendre hommage à la vérité.
Qu'il est de leur connaissance et notoriété intime et personnelle, que M. Jean Noirot, originaire de Pontailler, département susdit, receveur du grenier à sel à Auxonne, pensionnaire et locataire de ladite dame Dumont, ne s'est aucunement absenté de ladite ville depuis le 18 octobre jusqu'au 16 novembre dernier.
Desquelles déclarations que les comparantes ont demandé à affirmer par serment sincère et véritable, ce qu'elles ont fait entre les mains desdits notaires, acte leur a été octroyé, pour valoir et servir ce qu'il appartiendra.
Fait et passé audit Auxonne, étude de Demoisy, ■l'Un desdits notaires, auquel la minute est demeurée, le 4 décembre 1791 : et ont les comparantes déclaré ne savoir signer de ce enquises.
Signé à la minute : Caire et Demoisy, notaires.
Enregistré à Auxonne, le 4 décembre 1791, reçu 20 sols.
Signé: Guiard.
Pour l'expédition'conforme.
Signé : Caire et Demoisy, notaires.
Joseph Carré, officier municipal de là ville d'Auxonne, faisant cette part en l'absence de M. Opinel, maire, certifions et attestons à tous qu'il appartiendra, que MM. Demoisy et Caire, qui ont souscrit l'expédition de l'acté d'autre part, sont vraiment notaires en cette ville ; que foi doit être ajoutée à tous actes qu'ils soussignent en cette qualité, tant en jugement que hors, en foi de quoi, nous nous sommes soussignés avec le secrétaire-greffier de cette municipalité, qui a apposé en suite des présentes le sceau de cette dite ville. Donné à Auxonne, le 4 décembre 1791.
Signé : Carré et Roussel. S. G.
No 7
Par-devant les notaires de la ville d'Auxonne, district de Saint-Jean-de-Lône.
Furentprésents Jean-Baptiste Vollon, marchand commissionnaire pour les fers, et Claude Vollon, serrurier et fabricant de bas, frères et seuls citoyens de ce nom audit Auxonne où ils résident.
Lesquels ont expressément requis lesdits notaires, én vertu de la loi, de leur donner acte de ce qu'ils déclarent spontanément èt sans contrainte, ni induction quelconque, mais seulement dans l'intention de rendre hommage à la vérité ; savoir, ledit Claude Vollon, serrurier, qu'il n'a aucun parent, ni allié à Paris, et ledit Jean-Bap-tiste Vollon, qu'à la vérité il a en ladite ville ae Paris un allie du chef de Anne Noirat sa première femme, mais qu'il n'a jamais eu de correspondance avec lui, et qu'il ne lui a rien écrit ni adressé, soit directement, soit indirectement qui puisse compromettre soit le sieur Varnier, soit le sieur Noirot, ci-devant receveur au grenier à sel d'Auxonne ; déclarant au surplus lesdits Jean-Baptiste, et Claude Vollon simultanément qu'ils n'ont aucune connaissance des faits imputés aux-dits sieurs Noirot et Varnier, et ledit Claude Vollon en particulier, que c'est sans aucune induction, ni suggestion de la part de qui que ce soit, que le 19 novembre dernier, il a fait entre les mains ae la municipalité de cette. ville le dépôt de la lettre que lui a écrite M. Basire, député a l'Assemblée nationale, à la date du 13 du même mois, ainsi que la déclaration qui accompagne ce dépôt.
Desquelles déclarations que lesdits comparants ont demandé à affirmer par serment sincère et véritable, chacun pour ce qui le concerne, ce qu'ils ont fait entre les mains desdits notaires, acte leur a été octroyé pour valoir et servir ce qu'il appartiendra. Fait, lu et passé audit Auxonne, etude de Demoisy, le 4 décembre 1791 ; et ont les comparants signé.
Signé à la minute : Vollon (Jean-Baptiste). Vollon, commissionnaire, Demoisy etCAiRE, notaires.
Enregistré à Auxonne, le 4 décembre 1791, reçu 20 sols.
Signé : Guiard.
Pour expédition conforme : Signé : Caire et Demoisy, notaires.
Joseph Carré, officier de la ville d'Auxonne, faisant les fonctions cette part pour l'absence de M. Opinel, maire, certifions et attestons à tous qu'il appartiendra que MM. Demoisy et Caire, qui ont reçu et souscrit l'expédition de l'acte ci-dessus, sont vraiment notaires en ladite ville ; que foi doit être ajoutée à tous actes qu'ils signent en cette qualité, tant en jugement que hors ; en foi de quoi nous nous sommes soussignés avec le secrétaire-greffier de cette municipalité qui a apposé ensuite des présentes le sceau de cette dite ville. Donné à Auxonne, le 4 décembre 1791.
Signé : Carré et ROUSSEL, S. G.
N° 8.
Copie de la lettre de M. Tardy, inspecteur principal à Quimper, à MM. les régisseurs nationaux des douanes.
Quimper, le
Messieurs,
Avant de me rendre à ma destination, où je suis arrivé le 21 du courant, j'ai vu à Lorient M. Bard,
qui m'a installé. Depuis cette époque, je me suis occupé des devoirs a rendre aux différents membres des corps administratifs. J'ai cru apercevoir des dispositions favorables à votre régie, et d'après cela je dois espérer ne pas éprouver de grandes difficultés pour l'exercice de mes fonctions, etc.
Signé : TARDY.
Certifié l'extrait ci-dessus de la lettre de M. Tardy, inspecteur principal à Quimper, conforme à l'original de cette lettre, resté au bureau de correspondance du service actif. A Paris, le 28 novembre 1791.
Signé : Pommyer de Rougemont, directeur dudit bureau.
Notice des pièces justificatives produites par M. UToîrot, coaccusé de M. Varnier.
N° 1. Extrait des registres de la municipalité d'Auxonne, contenant la dénégation du sieur Vollon, serrurier de ladite ville, d'avoir jamais écrit à M. Basire et d'avoir connaissance des faits contenus dans la lettre dudit sieur Basire a lui adressée de Paris le 13 octobre dernier, et qu'il a déposée au registre de sa municipalité.
« M. Basire croyait avoir reçu du sieur Vollon la lettre qu'il a dénoncée à la séance du 12 novembre, et la dénégation ci-dessus remise le 23 sur le bureau de ^Assemblée nationale, a commencé à dévoiler la trame ourdie pour perdre les accusés. •>
N° 2. Extrait d'une lettre écrite par la municipalité d'Auxonne à M. Basire, qui en a fait lecture à la séance de l'Assemblée nationale du 25 novembre dernier. « La municipalité apprend, par cette lettre,
Qu'elle était instruite qu'à la réception de celle e M. Basire, du 13 novembre, m. Vollon avait publiquement attesté, qu'il n'avait nulle connaissance des faits dont elle était l'objet; ce qui ayant attiré à Auxonne deux parents ou amis de M. Noirot, le si^eur Vollon leur avait donné un acte authentique de cette dénégation; que cette démarche ayant fait soupçonner à la municipalité que la dénégation au sieur Vollon pouvait être le fruit de suggestions et avoir été arrachée, par des sollicitations, elle avait mandé ce citoyen pour en savoir la vérité, et qu'il avait constamment répondu, qu'il n'avait nulle connaissance de l'affaire dans laquelle on l'impliquait. »
N° 3. Extrait d'une lettre écrite par le sieur Vollon à M. Basire, et dont il a fait aussi lecture à la séance du 25 novembre.
Le sieur Vollon y dit ces propres paroles : « Il est très ' vrai que la lettre, vraie ou fausse, de M. Varnier, qui vous a été adressée d Auxonne, ne vient pas de moi; je puis vous attester que je n'ai jamais eu connaissance du complot dont vous avez occupé. l'Assemblée nationale... J'en ai fait la déclaration à la municipalité. »
N° 4. Acte donné par le juge de paix d'Auxonne au sieur Claude-Marie Matton, compagnon du sieur Vollon, de la déclaration qu'il fait, qu'il ne connaît et rCa jamais vu ni Mme veuve Dumont, ni sa servante; que bien loin qu'il soit jamais entré chez elle depuis deux mois et demi qu'il travaille à Auxonne, il ignore même son domicile.
« Dans la lettre par laquelle le sieur Vollon semblait envoyer à M. Basire celle supposée de M. Varnier, on prétendait qu'elle avait été trouvée par le compagnon du sieur Vollon, dans la
chambre de M. Noirot, logé chez la veuve Dumont, dont ce compagnon courtisait la servante ; l'acte susmentionné détruit jusqu'au soupçon qu'on pourrait avoir, que le compagnon se rat servi du nom du sieur Vollon pour faire, cet envoi à M. Basire. »
N° 5. Certificat de la municipalité de Pontailler, attestant que M. Noirot n'y a pas paru depuis le 16 octobre dernier.
N° 6. Acte notarié, par lequel la veuve Dumont, chez laquelle M. Noirot logeait, et sa servante, affirment que, depuis le 18 octobre jusqu'au 16 novembre, M. Noirot ne s'est pas absenté d'Auxonne.
« Il n'est donc pas vrai, comme on le lit dans la prétendue lettre d'envoi de M. Vollon à M. Basire, que celle attribuée à M. Varnier avait été trouvée par son compagnon dans la chambre de M. Noirot, parti pour Pontailler, puisque cette lettre, datée du 30 octobre, dénoncée le 12 novembre suivant, n'aurait pu être prise chez M. Noirot que pendant une absence faite dans l'intervalle de ces deux époques, et que cependant il est notoire que M. Noirot ne s'est pas absenté d'Auxonne depuis le 18 octobre jusqu'au 16 novembre. »
N° 7. Déclaration faite par devant notaires, par Jean-Baptiste et Claude Vollon, seuls de ce nom, habitant Auxonne.
« Par cet acte, Claude Vollon, prétendu correspondant de M. Basire, affirme n'avoir aucun parent ni allié à Paris ; l'autre déclare qu'il a dans cette ville un allié du chef de sa première femme, mais qu'il n'a jamais eu de correspondance avec lui, et ne lui a rien adressé directement ni indirectement; ils attestent, l'un etl'autre, qu'ils n'ont aucune connaissance des faits imputés a MM. Varnier et Noirot; et c'est pour la cinquième fois que Claude Vollon renouvelle cette attestation.
« Preuve nouvelle et surabondante que la lettre par laquelle M. Basire a reçu celle supposée de M. Varnier est pseudonyme, puisque le prétendu Vollon disait l'adresser à un cousin intermédiaire, qui devait la remettre en main propre à M. Basire, qui, sans doute, nous aidera a retrouver ce cousin. »
N° 8. Extrait d'une lettre datée de Quimper, le 25 juillet 1791, qui prouve que M. Tardy y avait été installé, le 21 du même mois, dans l'emploi d'inspecteur principal des douanes.
« Personne ne eroira qu'on ait adressé à M. Tardy, à Quimper, des hommes enrôlés à Auxonne pour les faire passer à Coblentz. »
N° 9. Certificat nominatif conforme aux registres des fermes de la direction de Dijon, qui constate que le nombre des employés de ladite direction était de 118 au 1er octobre 1790.
N° 10. Certificat des municipalités où les employés de la ci-devant direction de Dijon résident, qui attestent leur présence en France au 30 octobre 1791 (date de la prétendue lettre de M. Varnier), en même nombre qu'au 1er octobre
« Puisqu'à la date de la lettre prétendue de M. Varnier (30 octobre 1791), on retrouve en France le même nombre d'employés qu'au 1er octobre 1790, MM. Noirot et Varnier n'en avaient donic pas fait passer 63 à Coblentz le 30 octobre
1791. Le crime dont on les accuse n'existe donc pas. »
Signé : Chabeuf, veuve Noirot.
Messieurs,
Malgré l'assiduité de nos efforts, nous n'avons fait, pour ainsi dire jusqu'à présent que nous préparer ou nous essayer a nos travaux ; et tels sont les malheureux événements qui nous assiègent de toutes parts que les principaux décrets que nous avons rendus ne sont encore que des décrets de circonstances. 11 est temps cependant de mettre la mains au grand œuvre de notre mission, c'est-à-dire à ce plan de législation éconor mique qui doit assurer le bonheur de la France ; et c'est pour y travailler avec succès, que je viens vous proposer d'en tracer les bases.
Peut-être regardera-t-on quelques-unes de mes propositions comme hasardées et systématiques; mais si les systèmes ne recèlent pas la vérité, leur discussion au moins sert à la faire découvrir, et ne sait-on pas que c'est en risquant l'exécution de ses conjectures que Chistophe Colomb a découvert le Nouveau-Monde !
Jene vous rappellerai point, Messieurs, ces placards scandaleux qui, tandis que vous décerniez aux auteurs de notre Constitution le témoignage solennel de la reconnaissance publique, semblaient les provoquer à chaque coin ae rue, et les citer de toutes parts au tribunal du peuple, des hommes qu'on peut regarder à juste titre comme les libérateurs, comme les restaurateurs, que dis-ie? comme les fondateurs de la France; car, qu est-ce qu'un peuple, quelque brillant qu'il soit, lorsqu'il est dans 1 esclavage ? de tels hommes, dis-je, sont au-dessus de toute accusation, et n'auraient d'autres réponses à faire que celle que fit, en pareil cas, le général romain : « Allons-nous-en au temple rendre grâce au ciel. »
Mais il est, Messieurs, des droits plus sacrés encore, auxquels nous devons bien nous garder de porter atteinte. Mandataires du peuple, grands ae son bonheur et de son repos, non seulement nous lui devons tous les comptes qu'il nous demande, mais nous devons encore lui épargner avec un égal soin, et les fausses inquiétudes qu'il pourrait avoir sur son sort et les injustes soup-
çons qu'il pourrait concevoir contre ceux qu'il a chargés de ses intérêts.
Le despotisme, à qui il fallait l'ombre du mystère pour couvrir ses vexations, disait autrefois qu'il n'était pas de la dignité du gouvernement de faire connaître au peuple les affaires de l'Etat. Quelquefois seulement, pour calmer ses murmures, on lui offrait, comme dans une espèce de tableau magique, l'aperçu des finances ; mais ces temps d'illusion sont passés ; chaque citoyen, réintégré dans sa portion de souveraineté, a aroit de connaître les affaires publiques comme celles dé sa maison. C'est d'après ces principes que l'Assemblée constituante a voulu que chaque corps administratif rendît périodiquement au public le compte de sa gestion; elle-même s'est assujettie à cette régie. Elle a publié en conséquence, par l'organe d'un de ses membres, l'exposé des finances de l'Etat. La caisse de l'Extraordi-; naire vous a rendu son compte ; la Trésorerie nationale vous a donné le sien, et elle vient d'y ajouter, depuis peu. un état circonstancié de la dette publique; mais sans soupçonner la bonne foi de leurs auteurs, j'ose dire qu'aucun de ces tableaux n'a rempli son objet, aucun du moins n'est en droit d'imposer silence aux détracteurs, et cela par une raison fort simple, c'est que tous sont appuyés sur des données que nous ne connaissons pas ; que dis-je, sur des données que ne connaissent pas eux-mêmes ceux qui nous les fournissent.
Ecoutons, en effet, M. de Montesquiou lui-même ! partout il nous donne ses bases comme des probabilités, ses résultats comme des approximations, et il finit par nous inviter à nous procurer de plus grandes certitudes. Ecoutons surtout M. de Clavière, ce principal agent des finances du royaume : « La véritable situation des finances, dit-il, est inconnue, nous n'avons à cet égard que des aperçus dont les résultats sont plus oumoinss douteux. »
Consultons enfin le dernier tableau de la dette publique, nous ne voyons partout que des masses dont les parties nous sont à peine connues, et nous ignorons, bien plus encore, la cause et la légitimité de ces diverses parties.
Quelque suffisants que puissent donc être ces différents exposés, pour les esprits droits et éclairés, il s'en faut men qu'ils le soient pour les esprits inquiets et soupçonneux ; or, ce n'est qu'en éclairant, qu'en confondant ceux-ci, que nous pourrons nous flatter d'avoir rempli notre objet ; et c'est pour y parvenir, c'est pour prévenir désormais des soupçons aussi contraires à la gloire des représentants de la nation, qu'au bonheur de la nation elle-même, que je viens vous proposer de faire connaître au public, non pas par des comptes que l'on vous rendra et que vous lui transmettrez, mais, par des comptes qu'il fera lui-même, le véritable état de ses finances, ses dettes, ses possessions, ses charges, ses revenus ; et ennn cette nouvelle branche de la fortune publique, cette ressource ingénieuse qui après avoir sauvé l'Etat, semble devoir être aujourd'hui la cause prochaine de sa ruine, mais dont je veux, au contraire, par le procédé que je vais vous indiquer, faire une source intarissable de richesses et de prospérité.
L'Assemblée constituante voulant liquider promptement la dette publique et faciliter la vente des biens nationaux, s empressa de créer un nouveau signe qui, en augmentant considérablement le numéraire, devait la mettre à même de remplir à la fois ces deux objets. Mais
l'agitation inséparable d'une grande révolution ne lui permit d'en remplir qu'un seul. Les biens nationaux se vendirent avec un succès incroyable ; mais le ralentissement des contributions et l'augmentation des dépenses publiques, forcèrent plus d'une fois de puiser dans la source destinée à la liquidation des dettes, et la caisse de l'Extraordinaire vient encore journellement au secours de la Trésorerie nationale.
Je ne sais point, Messieurs, si ce sont ces besoins extraordinaires qui ont excité les murmures du public, et je n'entrerai point, à cet égard, dans l'examen des comptes qui vous ont été rendus. Je ne vous rappellerai point, par exemple, ces 30 millions d'anticipation sur la régie des impositions ; je ne vous rappellerai point ces 11 millions de reconnaissance de liquidation sur l'arriéré des finances ; une telle nomenclature, où s'exprime assez l'affreux déficit qui était prêt à engloutir la France, serait plus propre à effrayer les esprits qu'à les éclairer, et elle ne servirait, tout au plus, qu'à ranimer notre haine contre ce régime dévorant, dont nous étions sans cesse les victimes renaissantes. Mais laissons de côté ces hideux tableaux, et tâchons de nous reposer sur des idées plus douces.
Oui, Messieurs, quand il serait vrai, comme on l'a insinué qu'on I eût cru devoir déguiser sous d'autres noms des dépenses que les circonstances . ont secrètement provoquées, ne serait-ce pas une injustice de reprocher à nos prédécesseurs de s'être servi, pour achever leur superbe ouvrage, des moyens qui se présentaient naturellement sous leur main ?
On sait assez ce que coûte une guerre, en général ; en fut-il jamais de plus difficile et de plus glorieuse que celle qui.nous a rendus vainqueurs au despotisme ; et regretterions-nous ce qu'il nous en a coûté pour sortir de l'esclavage, lorsque nos tyrans nous faisaient payer mille fois plus cher les chaînes mêmes dont ils nous accablaient !
Ce n'est donc pas ce que nos prédécesseurs ont fait des assignats qu'il s agit de discuter ici ; mais ce que nous en devons faire nous-mêmes; et s'ils n'ont eu que le temps de planter sur des débris l'étendard de notre liberté, c'est à nous d'en profiter le plus tôt possible et de les employer de manière qu'ils puissent fortifier à jamais notre glorieuse conquête.
L'Assemblée constituante, n'osant braver un préjugé encore tout aigri de souvenirs douloureux, ne voulut donner aux assignats qu'une existence passagère ; et mille gens nous pressent encore auiourd hui d'en accélérer l'extinction. Pour moi, Messieurs, ie viens vous proposer un parti tout contraire. 3e viens vous proposer non seulement d'assurer aux assignats cette confiance dont ils ont tant besoin, et que nos ennemis s'efforcent de leur ôter, mais de faire, en quelque façon, une monnaie perpétuelle, et de leur donner une existence aussi stable et aussi heureuse que celle de la Constitution dont ils ont été le principal ressort.
En naus enlevant nos espèces d'or et d'argent, nos ennemis ont cru nous appauvrir, ils ont cru qu'en nous ôtant le véhicule habituel de notre commerce, ils nous forceraient à retomber tôt ou tard sous leur joug. Mais quelle fut leur erreur ! ils n'ont pas senti que, semblables à ces frivoles distinctions dont la perte les irrite, ces vils métaux n'ont de valeur que celle que leur donne le préjugé, et la Révolution, en nous affranchissant des absurdes lois de ce tyran moral, ne
devait-elle pas, par la même raison, nous affranchir de celle-ci?
Eh ! qu'importe, en effet,Messieurs,quel que soit le signe de nos échanges, pourvu que nos échanges se fassent avec assurance et facilité. A une nation courageuse et libre, il ne faut d'autre métal que le fer ; à une nation généreuse et sage, il ne mut d'autre monnaie qu'un signe quelconque qui porte l'empreinte de la foi publique. A peine les nations les plus puissantes et les plus heureuses ont-elles connu l'or, et l'Espagne, avec ses mines, languit dans la misère ainsi que dans l'ignorance.
Peut-être nous dira-t-on que ïes étrangers ne voudront point de notre monnaie dans le commerce qu'ils feront avec nous, eh bien, tant mieux ! Ce sera une raison de plus pour que nous ne fassions avec eux qu'un commerce profitable; et, en effet, s'il est vrai comme cela doit être, que la balance du commerce soit en notre faveur, qu'ont-ils besoin de notre monnaie? N'est-ce pas la leur qui doit venir chez nous? N'avons-nous pas de 1 industrie, de l'amour du travail, enfin un sol fertile qui nous donne plus qu'il ne nous faut, qui nous donne même ce que nos voisins n'ont pas ? Que faut-il de plus pour nous mettre en état de faire la loi à tout le commerce de l'Europe, sans avoir besoin d'une monnaie quelconque ?
Mais il y a plus, Messieurs, ce peuple généreux qui nous a précédés dans la conquête de la liberté, qui est encore notre maître dans l'artdu commerce et de la politique, l'Anglais ne se sert pour ainsi dire, pour ses immenses affaires, que du papier de sa banque. Pourquoi donc ne ferions-nous pas de même ? Mais, que dis-je, considérons l'état de la France, non seulement depuis la création des assignats, mais depuis l'enlèvement de nos espèces ; jamais, j'ose le dire, elle n'a été plus florissante. Nos fabriques sont dans la plus grande activité, nos campagnes sont dans l'abondance, et à l'exception de ceux qui vivaient du luxe des grands et de la misère des petits, à l'exception ae ceux que tourmente la perte de leurs titres et de leurs privilèges, jamais la France n'a été plus heureuse.
Que nos ennemis gardent donc tant qu'ils voudront les espèces qu ils accaparent, ou qu'ils s'en servent même pour armer contre nous de vils stipendiaires. Avec notre fer et notre courage, notre sol et notre industrie, le tout mis en activité par le véhicule de nos fidèles papiers ; nous serons toujours aussi supérieurs aux attaques qu'aux privations et nous n'aurons pas plus à redouter leurs armes que leurs intrigues.
Je me résume donc, et je demande : l°quedansla quinzaine de la publication du décret à intervenir et sous telle déchéance qu'il appartiendra, tout créancier de l'Etat, soit de rente viagère ou perpétuelle, soit pour une somme exigible ou non exigible, soit pour pension ou indemnité, remboursement ou gratification, soit enfin pour charges ou autres objets liquidés ou non liquidés, soit tenu de faire enregistrer sa créance au directoire du département de son domicile, d'y déposer les titres ou expéditions d'iceux dûment en forme, dont il lui sera donné récépissé, et d'en signer l'enregistrement.
Qu'en conséquence et aussitôt ledit délai expiré, le relevé de tous les enregistrements et les titres y relatifs soient envoyés à Paris, à un ou plusieurs bureaux établis à cet effet, pour le tout être vérifié, discuté et ensuite lesdites créances, ' leur nature, leur époque, le nom et le domicile i des propriétaires être rendus publics par la voie
de l'impression ; et qu'enfin jusqu'à l'entier achèvement de cette opération, qui ne pourra durer plus de 6 mois, il soit sursis à tout remboursement, liquidations, même à tous payements de rentes et pensions, à l'exception des rentes payées à l'Hôtel de Ville, des rentes viagères et tontines, des pensions qui n'excéderont pas mille livres, ou du moins de trois cents livres par quartier sur tous les autres, et enfin des jurandes maîtrises des arts et métiers ; interdisant en outre comme il l'a déià été demandé à l'Assemblée nationale, la faculté de donner en payement d'acquisition de biens nationaux, aucune quittance ou acte de liquidation telle qu'elle puisse être.
Je demande, en second lieu, que chaque administration de département soit tenue, dans tel délai qu'il conviendra, d'envoyer au Corps législatif un état de tous les biens nationaux mobiliers et immobiliers, vendus ou à vendre, réservés ou non réservés, même ceux appartenant au roi, qui se trouvent dans son arrondissement; joignant à ce tableau le prix des ventes qui ont été laites, le nom et le domicile des acquéreurs, avec les sommes qu'ils ont payées et celles qu'ils doivent encore ; celles qui ont été envoyées à la caisse de l'Extraordinaire et celles qui restent dans les caisses de district ; et enfin le produit et l'estimation principale de tous les biens qui sont à vendre ou qui sont réservés, ou qui appartiennent au roi, le tout dûment certifié et approuvé par les municipalités des lieux où sont situés lesdits biens, ce qui sera enfin rendu public par la voie de l'impression.
Je demande, en troisième lieu, que chaque administration nationale, c'est-à-dire chacune de celles dont les dépenses sont au compte de la nation en général telles que la marine, la guerre, etc. soit tenue de donner le plus tôt possible l'état détaillé et approximatif de toutes les dépenses ordinaires de son département.
Cette demande semble suffisamment comprise dans la loi qui oblige les ministres de fournir un état des dépenses qu'ils ont faites cette année dans leurs divers départements et de celles qu'ils présument être dans le cas de faire l'année prochaine. Mais, j'ajoute à cette obligation, ceUe d'exprimer le nom et la situation de tous les objets à établir ou à entretenir, et de tous les fonctionnaires ou commis à payer, le tout dûment vérifié par le directoire du département où sont situés lesdits objets; et je demande enfin qu'aucun emploi de deniers ne puisse être fait a l'avenir que sur le vu du directoire de département, dans le ressort desquels sont situés les objets et sont employés les fonctionnaires auxquels lesdits deniers sont destinés.
Je demande, en quatrième lieu, que chaque directoire de département vous envoie, non seulement le tableau des contributions directes de son arrondissement, mais encore la répartition qu'il a dû en faire sur chaque municipalité, ajoutant à ce tableau l'étendue et la qualité du terrain de chaque municipalité, son genre de culture et d'industrie, sa population et en un mot- toutes les propriétés qui la distinguent.
Il serait, sans doute, essentiel de comprendre dans cet état, le montant approximatif des impositions indirectes ; mais outre qu'il n'y a encore rien de généralement établi a cet égard, je me propose d'offrir à l'Assemblée un moyen de les asseoir d'une manière plus simple, plus sûre et plus proportionnée, d'une manière, en un mot,
qui soit tout à la fois profitable à l'Etat et moins onéreuse aux citoyens.
Je demande, en cinquième lieu, que dans la publication du décret a intervenir, tout porteur d'assignat de quelque valeur qu'il soit, soit tenu de le faire enregistrer à un tableau qui sera établi, à cet effet, dans chaque district ou section ; observant de s'adresser aux district ou section de son domicile, sinon, et dans le cas où on se rait obligé pour cause d'éloignement de s'adresser aux autres bureaux, de faire certifier son domicile par deux citoyens actifs, domiciliés audit lieu, ainsi que les motifs de son éloignement, lequel enregistrement se fera ainsi qu'il suit.
Le préposé inscrira sur un registre à ce destiné, la valeur et le numéro de l'assignat, avec le nom et le domicile du porteur, et ïï mettra au dos du billet là mention abrégée de cet enregistrement, avec le timbre propre au département dans lequel ledit bureau sera situé.
Je demande, en outre, que pour assurer constamment la confiance nécessaire à cette nouvelle monnaie, l'enregistrement dont il s'agit se répète tous les 3 mois ; de sorte que nul billet ne puisse être mis en circulation forcée qu'il ne porte la marque de tous les enregistrements précédents, laquelle marque sera facile à vérifier, par le soin qu on aura de déposer dans chaque bureau le type de tous les timbres propres aux différents départements, et par la comparaison qu'on pourra faire, en conséquence de toutes les empreintes dans le premier bureau où l'on voudra s'adresser.
Pour donner enfin à eette opération toute l'efficacité dont elle est susceptible, je demande qu'il soit fait à Paris, ou ailleurs, un recensement général de tous les enregistrements, au moyen duquel on connaîtra par les numéros doublés, les billets qui se trouveraient contrefaits, et l'on sera plus à portée d'arrêter les contrefaçons; contrefaçons, au surplus, qu'on sera d'autant moins dans le cas d'apprehender que les billets auront déjà subi plusieurs enregistrements.
Je ne m'étendrai pas, Messieurs, sur les avantages qui doivent résulter de ces opérations; vous sentez combien il importe de porter enfin la lumière dans ce dédal fiscal où s'est perdue tant de fois la fortune publique ; vous sentez combien il importe de donner aux assignats cette authenticité qui les garantisse de toutes les atteintes que s'efforcent de leur porter les ennemis de la patrie.
Je ne m'arrêterai pas plus aux autres dispositions dont ce projet est susceptible ; on sait qu'en général plus les lois sont simples et mieux elles valent. A force de les détailler on ne les rend souvent que plus équivoques. Les dispositions principales forment un ensemble qu'on saisit facilement, et d'une manière assez juste. Les détails, au contraire, sont des parties délicates, qui ne se présentent presque toujours que sous des rapports incertains et sous de fausses couleurs. D'un autre côté, les inconvénients qui les accompagnent, étant dans les mêmes proportions, échappent à la vue; ainsi, au lieu de prévenir les difficultés, on ne fait, pour ainsi dire, que les multiplier par la facilité que l'on offre à la prévention d'appliquer à ses fausses vues des dispositions qui, par leur analogie, paraissent leur convenir, et qui cependant ne leur conviennent pas.
Tel est l'inconvénient dans lequel étaient tombés nos anciens tribunaux. On y citait comme des lois les décisions particulières des cours souveraines, et les opinions alambiquées de
nos commentateurs: les unes pouvaient être bonnes pour les circonstances; les autres pouvaient 1 être pour les rapports sous lesquels leurs auteurs avaient envisage la question principale, mais aucunes souvent ne convenaient précisément à l'espèce dont il s'agissait, et leur analogie avec cette espèce ne faisait qu'en rendre la discussion plus difficile. M. d'Aguesseau, dont l'unique défaut fut de vouloir trop perfectionner ses ouvrages, gâta ses lois en s'efforçant des les détailler. Plût à Dieu que cet inconvénient ne se retrouvât pas quelquefois dans nos lois nouvelles. Laissons donc à l'expérience le soin de nous indiquer ce que nous aurons à ajouter aux nôtres : laissons aux corps administratifs et judiciaires le soin de suppléer aux dispositions de détails, et persuadons-nous enfin, non seulement qu'il vaut mieux être dans le cas d'ajouter à une loi, que d'être obligé de la restreindre; mais que si la raison humaine est souvent insuffisante pour résoudre les questions qui se présentent à ses yeux, à plus forte raison doit-elle l'être pour discuter celles qu'elle croit devoir prévenir.
Je vais donc passer à l'examen des difficultés qui semblent s'opposer à l'exécution des articles que je viens d'exprimer, persuadé d'ailleurs que cette discussion fera mieux connaître les avantages et les détails du projet qu'ils composent.
La plus grande, ou plutôt même la seule difficulté qui se présente sur le premier article de ce projet, est relative aux créanciers de l'Etat qui sont hors du royaume; mais de cette difficulté même, je vais tirer un avantage qui est de faire connaître et de faire punir nos perfides transfuges; et cela en ne permettant de faire enregistrer, par des fondés de pouvoir, qu'à ceux qui justifieront ou d'un domicile acquis au dehors, avant une certaine époque, ou d'une absence passagère pour cause légitime.
Cette disposition vous paraîtra contraire, Messieurs, aux vues dilatatoires que vous avez cru devoir adopter sur les émigrés. En les déclarant suspects de conjuration, vous leur avez montré de loin le glaive de la justice, comme pour les avertir d'en éviter les coups, et la sévérité que vous avez déployée contre eux est celle d'une mère qui semble ne s'irriter que pour engager ses enrants à saisir ses pardons.
A Dieu ne plaise que je veuille ici contredire un décret, qui, quoi qu'on en dise, semble plutôt puisé dans la bonté de votre cœur, que la sévérité du droit public. Je vous rappellerai seulement que dans un imprimé que j'ai eu l'honneur de vous faire distribuer dans les temps, i'ai, conformément aux principes que je viens d exposer, borné à quatre dispositions tout ce qui concernait les émigrés ; les notifications à faire aux puissances qui favorisent leur rassemblement, les réquisitions à faire aux princes suivant l'acte constitutionnel, l'exécution des règlements contre les fonctionnaires qui ont indûment quitté leur poste ; et enfin la saisie-arrêt de tous les revenus des absents, sauf les exceptions et modifications qu'il convient : la première de ces dispositions vient d'être adoptée ; la seconde est déjà exécutée; la troisième est la suite des anciennes lois. Reste la quatrième dont je vais essayer la justification, parce qu'elle tend à justifier elle-même le premier article du projet principal dont il s'agit dans ce discours.
Personne n'ignore, Messieurs, quel est, dans ce moment-ci, l'emploi que les émigrants font de leurs revenus. Je ne vous dirai point, à ce sujet, qu'il est contre la politique de laisser consommer
au dehors les revenus qu'on tire d'un pays, ie ne vous parlerai pas non plus des droits de la guerre; on ne manquerait pas de me répondre que nous ne sommes pas en guerre; mais j'invoquerai, au moins, les droits de la nature et celui des nations, et je dirai que les revenus des émigrés devant leur servir à se procurer des forces contre nous, nous pouvons arrêter ces mêmes revenus de la même manière que nous enlevons à un homme l'arme qui lui appartient et dont il menace de nous frapper; de la même manière, en un mot, que les nations, sous les apparences d'une guerre prochaine, s'interceptent provisoirement tous les moyens respectifs d'executer leurs dispositions hostiles. Le moment où nous sommes marqués pour l'échéance des revenus fonciers, semble devoir encore favoriser l'adoption de cette mesure, et si elle n'est pas entrée dans les vues de l'Assemblée, ce ne serait pas une raison pour qu'on ne l'adoptât pas, au moins relativement aux créances sur l'Etat.
Le second article n'offre autre chose qu'un décret déjà rendu, auquel il ajoute quelques amendements qui tendent à remplir d'autant mieux les vues de l'Assemblée nationale.
La troisième n'est encore, en quelque façon, que la répétition de la loi qui oblige les ministres à rendre compte ; et la seule différence qu'on y remarque, c'est qu'il assujettit à la vérification des départements, non seulement la reddition de ces comptes, mais encore les dépenses à faire à l'avenir.
Le quatrième article, extrêmement simple en lui-même, offrant au public l'avantage de juger de la justesse des répartitions de 1 impôt, met chaque citoyen à même d'instruire une administration qui ne peut bien agir qu'autant qu'elle est éclairée par des connaissances locales.
Restent enfin les dispositions relatives aux assignats. La plus grande difficulté qu'offre cet objet est de procéder, en un court délai, à un aussi grand nombre d'enregistrements, de les classer et enfin d'en faire le recensement général qu'exige leur vérification.
Je conviens que cette difficulté déjà si grande aujourd'hui, augmenterait infiniment et rendrait même l'opération impossible, si l'on suivait le projet des comités, qui, d'après M. de Clavière semblent demander que l'on convertisse tous les assignats en assignats de cinq livres ; mais loin de voir la nécessité de cette conversion, i'y trouve, au contraire, un inconvénient considérable.
N'est-il pas vrai, d'abord, que quelle que soit la quantité des petits assignats qu'on mette en émission, on n'en sera pas moins obligé, pour la facilité des soultes et des menues emplettes, de recourir à un papier de plus petite valeur. Or, s'il est vrai, comme je le prouverai dans un instant, qu'il soit tout à la fois plus simple et plus sûr ae se servir à cet égard de ces papiers locaux qu'ont établis divers départements, que d'employer un papier national, tel qu'on vous l'a proposé, rien n empêche qu'on en crée une assez grande quantité, non seulement pour satisfaire au commerce des choses usuelles, mais pour suppléer aux gros assignats qu'il convient de supprimer.
N'est-il pas vrai, d'un autre côté, Messieurs, que l'on n a eu l'attention de numéroter les assignats, que pour se procurer par la rencontre fortuite des mêmes numéros, la découverte des billets contrefaits. Or, si vous les multipliez à tel point qu'ils soient forcés de s'engorger dans
les caisses, ou de n'en sortir qu'en masse ; à tel point, en un mot, qu'il en résulte un ralentissement quelconque dans leur circulation individuelle, ne vous ôtez-vous pas les moyens deBarvenir à la découverte que vous cherchez ! es milliers de faux billets circuleraient dans le public sans qu'il s'en rencontre avec les bons, et l'Etat se trouverait ruiné avant qu'on s'en aperçoive.
Un inconvénient enfin plus funeste encore que tous ceux-ci, c'est que cette énorme quantité d'assignats rendrait impossible la vérification que je propose ; et cependant, cette vérification est d autant plus instante, que nos ennemis, dit-on, ont résolu de vomir bientôt sur nous une multitude de faux assignats : opération infernale, et indigne sans doute du caractère individuel de la plupart des émigrés, mais trop à redouter, néanmoins, lorsque l'on considère qu'elle est digne de servir de précurseur à une armée de rebelles.
Il s'en faudrait bien au contraire, Messieurs, que les billets de confiance propres à chaque département offrissent les mêmes désavantages. Leur circulation circonscrite, leur extrême activité, toujours proportionnée aux besoins multipliés qu'on en a, ne pouvant guère manquer de faire tomber dans les mêmes mains quelques duplicatas, on connaîtrait bientôt les contrefaçons, et cette circonstance jointe au peu d'appât qu'ils offriraient aux contrefacteurs, suffit pour rassurer sur cet inconvénient.
On dit, à la vérité, Messieurs, qu'il circule dans cette capitale une multitude de ces faux mandats. Mais outre que cette quantité n'est certainement pas aussi considérable qu'on le prétend, à quoi doit-on en attribuer la cause, si ce n'est à la négligence des corps administratifs et municipaux, qui, souffrant que des maisons particulières, sans autre gage qu'un crédit équivoque, fassent à leur gré les plus énormes émissions, n'ont pas même daigné surveiller cette dangereuse opération.
Les choses enfin, Messieurs, en sont venues au point que certains politiques osent dire qu'il serait imprudent de tirer le peuple de sa sécurité ; comme s'il ne valait pas mieux éveiller un homme en sursaut, que de le laisser écraser dans son sommeil par le coup qui le menace. Eh ! qui peut calculer, en effet, le parti que nos ennemis peuvent tirer d'un affreux dénouement qui doit nécessairement éclater tôt ou tard. Rien ne doit être indifférent à leurs yeux de ce qui peut nous entraver et nous embarrasser. On nous parle sans doute avec raison de la force d'un peuple immense dont le sort est attaché à celui de la Constitution ; mais qui ne sait pas que les plus petits réseaux souventmultipliéssuffisentpouren-chaîner la force des lions. L'intérêt du peuple, celui de la Constitution, tout vous engage donc, Messieurs, à porter sur ces objets l'œil le plus attentif, et je vais avoir l'honneur, en conséquence, de vous exposer quelques observations.
La caisse de l'extraordinaire fait journellement des envois de petits assignats dans les départements. Les hôtels des monnaies s'envoient aussi périodiquement de la monnaie de billon. Soins inutiles S Des gouffres secrets semblent engloutir ces fonds à mesure qu'ils arrivent, et la disette du petit numéraire afflige de plus en plus nos villes et nos campagnes. J'ai déjà eu l'honneur de vous faire voir qu'il serait plus avantageux de parer à cet inconvénient par la création d'un papier local que par l'émission d'une plus
grande quantité de petits assignats ; il est question d'exposer maintenant comment on peut donner à ceux-ci une existence qui les mette à l'abri des abus qu'on pourrait en faire.
Je demande donc que chaque département soit autorisé à créer, comme plusieurs l'ont déjà fait, des billets de petite valeur suivant le mode et la quantité qu'il jugera lui convenir, lesquels billets seront délivrés, en échange d'assignats, aux premiers particuliers qui se présenteront. Lorsque l'émission sera terminée, les assignats qui en seront provenus, seront délivrés aux municipalités de chaque chef-lieu de district, en proportion de leur population, pour être employés par elles en acquisitions de biens fonds, ou au payement de quelques dettes hypothécaires. Or, par ce moyen, non seulement l'émission de ces petits billets aurait pour sûreté le privilège sur les biens acquis, ou la subrogation sur ces créances acquittées ; mais tandis que les villes gagneraient le produit de leurs acquisitions, ou la décharge de leurs dettes, la société profiterait de la création d'une espèce locale, sans éprouver de diminution sur l'espèce nationale.
A l'égard de cette multitude de petits mandats, que des maisons ou associations particulières ont jetés dans le publie, il conviendrait de les retirer peu à peu en commençant toutefois par s'assurer de leur quantité, ce à quoi il serait facile de parvenir, en employant une simple vérification, c'est-à-dire le simple enregistrement et recensement de leurs numéros.
Pardonnez, Messieurs, si je me suis laissé entraîner ainsi hors de mon sujet; mais n'est-ce pas toujours être dans la véritable route, que de marcher vers le bien public? Je reviens cependant à la vérification des assignats.
Il me semble, Messieurs, surtout d'après les précautions que je viens avoir l'honneur de vous indiquer, que l'on peut sans inconvénient fixer invariablement à 1,500 millions la somme totale des assignats à mettre en circulation. Or, quoi- ue vous ayez déjà résolu, comme on vous l'a emandé, l'extinction des assignats de 2,000, de 1,000 et de 500 livres, sommes qu'il est question de remplacer par des objets de plus petite valeur; quoique, dun autre côté, vous ayez décrété une émission nouvelle de 100 millions d'assignats de 5 livres, je crois que l'on peut tellement combiner ces différentes émissions, que tous les assignats ne forment ensemble qu'une quantité de 60 millions de billets; et comme il y a en France 550 et quelques districts, à quoi il convient d'ajouter les 48 sections de Paris ; cela ferait 600 bureaux qui auraient, l'un dans l'autre, 100,000 billets à vérifier tous les 3 mois.
Cette quantité serait, sans doute, encore trop considérable, s'il était question de la vérifier tout à la fois; mais je divise les 60 millions en 3 lots distincts l'un de l'autre, soit par la couleur, soit par la valeur des billets qui les composent. Chacun de ces lots se vérifierait dans l'un de.s 3 mois qui lui serait affecté, et au moyen de cette répartition, non seulement la masse entière des assignats se trouverait vérifiée par chaque trimestre, mais les employés qu'on aurait établis, à cet effet, se trouveraient occupés toute l'année, sans l'être presque plus dans un temps que dans un autre.
On dira, sans doute, qu'il y a tant de différence entre le commerce, la population, et par conséquent entre la quantité de numéraire qui se trouve dans les différents districts, que les uns
auront infiniment plus de billets à vérifier que les autres ; cela se peut, mais il est une chose également certaine, c'est que cette différence tenant aux localités, elle doit toujours être à peu près la même, et il résulte de la qu'il ne serait question que d'établir un plus grand nombre d'employés dans un bureau que dans un autre; ce qui certainement n'augmenterait, ni ne varierait pas plus leur nombre total que leur distribution, puisque, comme il est aisé de le sentir, il doit toujours êtré en proportion de la masse totale des assignats : or, s'il est vrai, comme l'expérience semble l'annoncer, que deux employés puissent aisément vérifier 2,1)00 billets par jour, il suffira qu'ils employent 20 jours par mois à cette opération, et 2,000 employés se trouveront en état de faire la vérification de chaque mois, et par conséquent celle de toute l'année.
On dira peut-être encore que le public, intéressé à cette vérification, se portera en foule aux bureaux, dès les premiers jours du mois, et qu'ainsi il ne faut pas compter sur 20 jours de travail; mais je ne vois pas ce qui porterait le public à exiger cette vérification dès les premiers jours du mois. Il n'y a guère que les chefs d'ouvriers, qui, ayant un besoin pressant dé distribuer leurs petits assignats, pourraient occasionner quelque affluence; mais on sait que ces
Êarticuliers se servent plus ordinairement de iïlets locaux que d'assignats. A l'égard des capitalistes, ou ils seraient en état d'attendre la commodité des bureaux, ou bien ils y prendraient en échange, soit des billets d'un autre mois, soit des billets qui seraient vérifiés d'avance; et en effet, il ne serait question pour cela que d'autoriser les bureaux à puiser dans les caisses publiques de quoi donner en échange des billets particuliers qu'ils n'auraient pas le temps de vérifier sur-le-champ.
Ce serait, Messieurs, abuser de vos moments que d'entrer dans de plus longs détails sur une opération que l'expérience seule a droit de perfectionner; je ne m'arrêterai plus qu'aux dépenses qu'elle occasionnerait; mais quoi, serait-il donc un homme, je ne dis pas assez mauvais citoyen, mais assez insensé pour se refuser à donner une modique somme, un demi pour- cent par exemple, à l'effet de garantir la partie la plus claire de sa fortune des inconvénients auxquels elle est journellement exposée!
Mais il y a plus, Messieurs, et je vous prie de faire attention à cette remarque : je soutiens que quand les citoyens ne seraient pas portés à ce léger sacrifice par leur intérêt personnel, ce n'en serait pas moins une raison d'établir une espèce d'imposition qui est sans contredit la plus naturelle, la plus légitime et la moins onéreuse de toutes.
Quel est l'homme qui ne sente, en effet, que le numéraire, quel qu'il soit, dès qu'il a une existence assurée, et nécessairement le plus profitable et le plus commode de tous les ronds, aucun ne rapporte davantage et n'exige moins de soins, aucun n'est moins sujet à inconvénient et n'est, en même temps, plus a la disposition de son maître. Aucun, par conséquent, n'est plus dans le cas de supporter sa part des contributions. S'il en a été exempt jusqu'à cette heure, c'est par l'impossibilité qu'il y avait de l'atteindre; mais aujourd'hui que je présente ce moyen, je ne vois pas pourquoi on ne s'empresserait pas de le saisir.
En établissant demi pour cent à chaque vérification, cela ferait un produit de 2 0/0 par an, sur la
totalité des assignats, et si vous les faites monter à 1,500 millions, comme il vous l'a été proposé, cela ferait un produit de 30 millions par an. Que l'on prenne donc sur ce produit 3 millions pour le traitement des vérificateurs ; que l'on prenne encore si l'on vèut 2 millions pour les recensements, papiers, avis au public et autres frais accessoires, il resterait encore 25 millions pour la nation; à quoi il faut ajouter que vous trouverez en cela, lé moyen de fournir non seulement des emplois à quantité de gens que la Révolution a privés de ceux qu'ils avaient chose si importante pour une nation généreuse qui ne doit faire le bonheur commun qu'en faisant, autant qu'il est possible, celui de tous les individus qui la composent; mais ce qui n'est guère moins essentiel, de faire contribuer aux charges publiques ces avares, qui, s'ils se privent ainsi que la nation du produit de leur trésor, doivent au moins supporter la peine de leur bizarre cupidité.
Tels sont enfin, Messieurs, les avantages de ce projet, que quand bien même il ne faudrait pas procéder à la vérification des assignats pour leur assurer la confiance dont ils ont tant besoin, je conseillerais de les établir, ou un autre papier quelconque, afin que par leur vérification, on puisse enfin assujettir le numéraire à l'imposition qu'il doit si légitimement supporter.
Je dis ou autre papier quelconque, et en effet, Messieurs, voici une chose à laquelle je vous prie de faire attention et qui est une nouvelle marque de l'utilité de mon projet, c'est qu'en donnant aux assignats une telle authenticité, une telle certitude qu'ils n'aient plus besoin de l'hypothèque qu'on leur adonnée sur les biens nationaux, mon avis serait qu'on employât directement à la liquidation de la dette publique, non seulement ce qui reste à payer sur le prix dés biens vendus, mais encore le prix entier de ceux qui restent à vendre. Or, on sent qu'alors ni le mot, ni la signification d'assignats ne conviendraient plus au papier qu'on mettrait en circulation.
Je ne parlerai point, à ce sujet, de la manière dont on pourrait opérer les remboursements, non plus que des créances qu'on serait dans le cas de préférer. Il est aisé de sentir qu'il ne serait question, au premier cas, que de déléguer purement et simplement, aux créanciers de l'Etat, au prorata de leurs créances, les annuités qui restent à payer, ainsi que celles qui se feront par la suite. A l'égard des créances à acquitter, il est un principe simple, c'est que celles qui ont le plus ae droit à la préférence, sont celles qui sont à la fois les plus anciennes, les plus authentiques, et celles surtout qui, ayant été constituées sur le public, sont évidemment les plus légitimes. Peut-être que quelque politique nous objectera le besoin que nous aurions des annuités dans le cas où les émigrés nous feraient la guerre; mais alors, nous aurons bien d'autres ressources, et ceci s'entend assez pour n'avoir pas besoin d'explication.
Malgré le soin que j'ai pris de répondre d'avance aux objections que j'ai pu prévoir, je ne doute pas que mon projet ne trouve encore beaucoup ae contradicteurs. Les gens d'affaires qui se plaignent de tout et qui tirent parti de tout, ne man-queront pas de m'objecter -les embarras et les rais qui en résulteront pour les commerçants, les banquiers, les capitalistes et dépositaires; mais je répondrai déjà avec tout le public, que l'on peut s en rapporter à l'industrie de ces messieurs, pour être assuré qu'ils ne seront pas plus
dupes de cet établissement qu'ils ne l'ont été de tous les autres. A l'égard de ceux dont les fonds restent dans une inaction forcée, c'est un malheur qu'ils s'efforceront de prévenir, et dont ils s'empresseront de se délivrer. Les maisons et autres biens-fonds qu'il était si aisé d'excepter, n'en étaient pas moins assujettis, autrefois aux vingtièmes et autres impositions, quoiqu'ils fussent en décret et en chômage. En général, une loi qui fait le bien public, ne doit point s'arrêter à quelques inconvénients particuliers ; et certes, Messieurs, j'ose le dire, jamais il n'en fut de plus utile, de plus nécessaire même que celle que j'ai l'honneur de vous proposer. Notre Constitution ne peut se soutenir que par la confiance publique ; jamais peut-être cette confiance ne fut plus ébranlée ; jamais, par conséquent, il ne fut plus nécessaire de la raffermir, et il n'est certainement pas de plus sûr moyen d'obtenir cet avantage, que de faire connaître, que de faire palper au peuple le véritable état des finances au royaume. Or, si vous voulez, Messieurs, que la nation connaisse véritablement ses dettes, il faut, je le répète, qu'elle connaisse tous ses créanciers ; si vous voulez qu'elle connaisse véritablement ses charges annuelles, il faut qu'elle connaisse tous les objets qu'elle a à entretenir, tous les fonctionnaires qu'elle a à payer, ce que chacun d'eux lui coûte; si vous voulez enfin qu'elle connaisse ses possessions et ses revenus, il faut qu'elle sache la position, l'étendue, la nature et la valeur de chacun de ses domaines, il faut qu'elle voie le montant de ses contributions avec la répartition qui en est faite. C'est lorsque les Français verront d'une manière non équivoque toute l'étendue de leurs besoins et de leurs ressources qu'ils commenceront à regarder la chose publique comme la leur propre ; c'est alors que jouissant, à la fois, des droits du souverain et de ceux du citoyen, plus sacrés encore, ils s'attacheront véritablement à leur patrie, et s'identifieront avec elle.
Ah ! que ne puis-je voir ces jours fortunés où le cultivateur, l'artisan, le journalier revenant de ses travaux, assis au coin ae son feu prendra le tableau des finances de l'année actuelle et le comparant avec celui de l'année précédente, se dira a lui-même : Voilà où nous en sommes; puis se retournant vers sa femme, vers ses enfants, s'écriera avec un doux transport : Béni soit le ciel\; mes amis, notre pays prospère aussi bien que notre maison !
Lettre du ministre de la marine (1).
Paris, le
Monsieur le Président,
J'apprends par les papiers publics que la dénonciation adressée au roi par le département du Finistère, et que je croyais avoir suffisamment réfutée dans le discours que j'ai prononcé à
l'Assemblée nationale le 5 de ce mois, a été l'objet d'un rapport qui contfent beaucoup de reproches contre moi, et dans lequel il me paraît qu'il n'a été tait aucune mention des explications que j'avais déjà données.
J'ignore s'il a été produit à l'appui de cette dénonciation quelques pièces, que je ne puis combattre puisque je ne les connais pas ; mais ie suis très assuré qu'elles ne peuvent affaiblir les preuves résultant de ce que j'ai déjà exposé, et de ce que je vais y ajouter. Je suis loin de craindre l'examen de ma conduite et des motifs qui l'ont dirigée, je le désire au contraire. Sûr de mes principes, fort de ma conscience, comptant sur la justice de l'Assemblée nationale, je désire seulement qu'elle veuille bien m'entèndre, et accorder quelque attention aux explications que je vais avoir l'honneur de lui présenter. Elles exigeront des développements peut-être un peu longs, mais qui certainement dissiperont jusqu'à l'ombre du doute sur les accusations portées contre moi.
L'une a pour objet la nomination de M. de la Jaille. On m'accusait d'avoir proposé cet officier au roi pour le commandement d'un vaisseau, quoiqu'il existât contre lui une dénonciation faite a l'Assemblée nationale, et de laquelle il ne s'était pas justifié. Je joins ici un certificat du comité de la marine, qui atteste qu'il n'y a aucune dénonciation contre M. de la Jaille. Je pourrais ajouter quelques explications, qui prouveraient que les autres reproches faits à cet officier n'ont pas plus de fondement; mais je crois inutile d insister davantage sur cet objet.
Toutes les autres accusations ont pour base la lettre insérée dans une des feuilles du Moniteur national. On me reproche d'avoir faussement avancé qu'aucun officier de la marine n'avait déserté son poste, et d'avoir voulu, par là, ménager à ces officiers la facilité de se soustraire aux lois; mais j ai dit et je répète encore que je n'avais eu connaissance, jusqu'à présent, d'aucun officier qui étant en service effectif, soit à la mer, soit dans les ports, eût déserté ; et cette affection simple n'est pas affaiblie par les moyens indirects et compliques qu'on emploie pour en obscurcir la vérité. Je sais trop bien, comme je l'ai déjà dit, que beaucoup d'officiers de la marine ont abusé de leurs congés, ou de la faculté légale qu'ils avaient d'être absents des ports, pour passer en pays étranger. Alarmé des progrès rapides de cette émigration, voyant avec douleur que plusieurs de ces officiers étaient entraînés par l'exemple de leurs camarades, par l'opinion qu'on répandait que les principes de l'émigration étaient adoptés généralement dans le corps de la marine, j'ai voulu, et j'ai cru devoir opposer une autre opinion et d'autres exemples à ceux qui les égaraient. J'ai désiré de leur présenter ce motif si puissant sur les militaires, celui de l'attachement inviolable à leur poste, et j'ai tâché de leur faire considérer le parti pris par plusieurs de ceux qui passaient en pays étranger, non comme le résultat d'une résolution générale, mais plutôt comme la suite de craintes personnelles et d'événements particuliers qui, ainsi que celui relatif à M. de Gas-tellet, étaient trop connus pour qu'on pût les dissimuler. J'ai osé me flatter que je parviendrais à arrêter ainsi le départ de plusieurs d'entre eux, et même que lorsque le moment arriverait d'assigner des postes a chacun, en publiant les listes de la nouvelle formation, beaucoup d'émigrés s'empresseraient de venir rejoindre
leurs camarades restés fidèles à leurs devoirs dans les ports. J'ai profité avec empressement du moyen que me présentait cette circonstance, que j'ai regardée comme heureuse; et bien loin de craindre qu'on me fasse un crime de cette démarche, ie crois au contraire que, si on pouvait mériter des éloges lorsqu'on ne fait que remplir ses devoirs, je devrais me flatter d'obtenir ceux de l'Assemblee nationale, dès qu'elle aura bien reconnu comment j'ai agi dans cette circonstance. Il serait absolument impossible d'assigner à ma conduite d'autres motifs que ceux qui Font réellement dirigée ; il ne le serait pas moins de trouver que cette démarche, dont on devait attendre des effets avantageux, pût, dans quelque supposition que ce fût, produire un mal : mais au contraire, en cherchant à détruire mon assertion, on s'expose au danger de persuader à quelques officiers encore irrésolus, qu'ils peuvent céder à l'exemple déjà trop dangereux de leurs camarades émigrés, et on fera agir en faveur de l'émigration, cet esprit de corps et cette force de 1 exemple que j avais essayé de tourner contre elle. Je viens d'établir que j'ai rempli un devoir important en annonçant qu'aucun officier n'avait déserté son poste, et j'ai pu le dire avec vérité, puisque je n'avais et que je n'ai encore reçu aucun avis d'une semblable désertion.
Mais on prétend que, dans les revues, il se trouve beaucoup d'officiers qui sont notés absents sans congé. Cette observation n'est établie que sur des équivoques faciles à éclaircir, et sur l'abus de quelques formes. Suivant les précédentes ordonnances, les capitaines de vaisseau qui n'étaient pas employés à la mer, et qu'il serait inutile ae retenir constamment dans les ports, n'y étaient en service qu'à tour de rôle, chacun pendant quatre mois ae l'année. Après leur temps de service fini, ils étaient libres d'aller chez eux, et leur absence, étant autorisée par la loi, n'avait pas besoin de l'être par un congé; on les notait cependant alors comme absents sur les rôles de revue2 quoique cette absence fût au moins aussi légitime que celle des officiers en congé. Il en est de même dés officiers généraux qui n'étaient astreints à résider dans les ports que lorsqu'ils y étaient appelés et retenus par des ordres particuliers; et ces règles sont aussi celles que les nouvelles lois établissent, puisqu'elles déterminent que les officiers de la marine, à l'exception des enseignes entretenus, seront libres de s absenter des ports lorsqu'ils ne seront pas de service sur mer ou dans les arsenaux : ainsi les officiers notés suivant l'usage actuel sur les revues, comme absents sans congé, sont pour la plupart ceux qui n'ont pas eu Desoin de l'autorisation particulière d'un congé pour motiver leur absence, parce que les dispositions générales des ordonnances en tenaient lieu. Dans ce moment, il se trouve aussi plusieurs officiers qui ont déclaré vouloir quitter le service et se retirer ; ils sont cependant encore inscrits sur les listes ; parce que leurs traitements de retraite n'ont pu être réglés, cet objet ayant dû être renvoyé au travail général de la nouvelle formation. Tous les officiers de la marine qu'on a lieu de croire hors du royaume, sont sans doute dans l'un ou l'autre de ces cas ; et peut-être aussi il s'en trouve quelques-uns qui, dans l'incertitude s'ils seront compris dans la nouvelle formation, n'ont pas rejoint depuis l'expiration de leurs congés, quoique j'aie prescrit aux commandants
des ports de leur en donner l'ordre. Mais jusqu'à ce qu'il m'ait été rendu compte que quelque officier en service a réellement déserté son poste, et que je sois informé qu'il a abandonné son service sans dispense légale de résidence, je serai fondé à croire le fait simple que j'ai exposé : on chercherait inutilement à l'obscurcir en compliquant la question et en la traitant d'une manière indirecte. Une vérité aussi nettement présentée, ne peut être affaiblie par des conjectures et des déclamations; il faut ou l'attaquer directement et la détruire par des assertions positives et prouvées, ou convenir de sa réalité.
Aussi mes dénonciateurs paraissent se méfier du succès de leur attaque principale, et ils cherchent déjà des moyens particuliers de l'étayer. On expose qu'afin de pouvoir dire avec vérité que tous les officiers émigrés n'ont fait qu'abuser de leurs congés, j'en fais expédier depuis quelque temps à tous ceux qui en sollicitent, pour mettre ainsi à l'abri du blâme ceux d'entre eux qui auraient omis de se mettre en règle avant leur départ.
J'ai un moyen assuré d'anéantir cette assertion vague, et je vais l'employer en remettant ci-joint la liste très complète de tous les congés et prolongations de congés expédiés pour des officiers de la marine depuis le 13 octobre, date de la lettre du roi aux commandants des ports, relative aux émigrations, avec des notes qui expriment les niotifs de chacun de ces congés. J'y ai même fait joindre une autre liste des congés accordés à des élèves, quoique leur situation soit bien différente à cet égard, de celle des officiers, que l'incertitude de leur sort relativement à la nouvelle formation, rende leurs demandes bien favorables, et qu'ils n'aient aucun service à remplir dans les ports. Je ne crains pas qu'on trouve dans l'examen de ces listes, aucun motif à des inculpations fondées: la plupart des congés qui y sont énoncés, ont été accordés à des officiers revenant de la mer, suivant les règles établies dans la marine, et qui autorisaient a donner un temps de repos égal à la moitié de la durée des campagnes, mais sans excéder cependant un an. Le seul changement que j'aie cru devoir faire à cet égard, a été de limiter ces congés à l'époque très prochaine de la nouvelle organisation, afin que ceux qui les auront obtenus ne puissent s'en Taire un titre pour se dispenser d'obéir aux ordres qu'ils recevront alors de se rendre dans les ports. J'observerai que ces congés, au retour des campagnes, ne devront avoir lieu à l'avenir que pour les enseignes entretenus, les autres officiers devant, suivant les nouvelles lois, ne jouir de la totalité de leurs appointements, que lorsqu'ils seront en service réel ; il suffira de porter ceux d'entre eux qui auront besoin de repos, sur la liste d'inactivité.
Plusieurs autres congés sont accordés pour des raisons de santé, et presque tous pour des suites de blessures ou d'infirmités contractées dans le service de mer. On en trouvera aussi quelques-uns qui ont pour motif des affaires personnelles et importantes, particulièrement à des officiers qui ayant des propriétés à Saint-Domingue, ont demandé dernièrement à y passer, pour veiller à la conservation de ces propriétés, ou chercher les moyens de réparer les pertes qu'ils ont éprouvées dans les derniers malheurs ae cette colonie. Je n'ai pas cru devoir refuser des demandes fondées sur de pareils motifs, et dont il n'y avait pas lieu de croire qu'on voulût abuser; mais j'en ai rejeté
beaucoup d'autres qui ne m'ont pas paru présenter des raisons aussi fortes, et j'ai même annoncé depuis quelques jours dans les ports, que ie me remserais à toute demande jusqu'à la prochaine organisation; j'ai en même temps autorisé les commandants à retenir même les officiers qui auraient des congés, s'ils étaient nécessaires au service.
On paraît vouloir me reprocher aussi d'avoir accordé des rappels d'appointements à des officiers absents, et on a cité particulièrement ceux expédiés à deux d'entre eux. L'un (M. du Boëxic), est attaqué d'incommodités graves causées par les fatigues d'une longue campagne ; il a été obligé d'aller aux eaux de Bagnières pendant plusieurs saisons de suite, et il a été ensuite très dangereusement malade pendant près d'un an. Le mauvais état de sa fortune, surtout depuis la mort de M. de Guichen son oncle, qui le soutenait au service, lui rendait le secours de ses appointements indispensablement nécessaire, et je n'ai pas cru devoir les lui refuser pour tout le temps où une maladie, contractée au service, l'a empêché de se rendre dans le port.
M. d'Echallard est un officier des troupes de la marine, major de la seconde division: son absence de Brest n'est point volontaire ; on l'a fait éloigner pour le soustraire aux dangers dont il était menacé, par la suite d'une prévention qu'une partie des canonniers-matelots avaient conçue contre lui. Il a demandé plusieurs fois à retourner à son poste, mais les commandants craignant que cette prévention ne fût pas encore entièrement dissipée, ont cru utile de différer son retour, qui aurait pu être l'occasion de quelque trouble. Le zèle de cet officier toujours prêt a venir reprendre ses fonctions, et auquel on n'a reconnu aucun tort réel, m'a paru mériter le rappel d'appointements qu'il sollicitait, et que sa position lui rendait nécessaire.
Je crois inutile de présenter de semblables explications sur les autres articles de rappel d'appointements : je joins la liste peu nombreuse de tous ceux qui ont été accordés sous mon ministère avec leurs motifs ; je me réduirai ici à présenter une observation générale, mais très décisive à cet égard.
Il est expressément défendu à tous les trésoriers et payeurs, de faire aucun payement à des fonctionnaires publics, s'ils ne présentent un certificat de la municipalité du lieu de leur résidence, qui constate leur présence, et on a donné des ordres pour l'exécution de cette loi ; ainsi, aucun des officiers qui ont passé en pays étranger, n'a pu toucher la moindre partie de ses appointements, et si quelque trésorier avait osé contrevenir à la loi, en faisant un payement irrégulier, ce serait à son préjudice personnel, puisque cet article de dépense ne pourrait être alloué. Si j'avais eu la démence coupable d'en donner l'ordre, il n'aurait pas été exécuté, puisqu'il ne pourrait excuser les trésoriers, et les garantir de la radiation des articles payés d'une manière illégale.
J'ajouterai que je ne puis avoir personnellement aucune connaissance du détail des payements qui se font dans les ports, et voir les pièces qui sont présentées par les parties prenantes ; ce ce sont les ordonnateurs locaux qui doivent veiller, pour cet objet, à l'exécution des lois, et je n'ai reçu aucun avis qui me donne lieu de penser qu'ils ne remplissent pas exactement ce devoir. Je ne crois pas non plus que des officiers émigrés aient pu tromperies officiers munici-
paux, qui devaient leur délivrer le certificat de résidence : si j'avais été informé qu'on eût conçu quelque soupçon à cet égard, j'aurais averti la municipalité trompée, et pris des précautions pour prévenir des abus aussi dangereux; mais j'observerai que si la sagesse de notre Constitution ne laisse pas aux ministres le droit de disposer arbitrairement des fonds confiés à leur administration, elle ne leur laisse pas non plus le droit d'arrêter ou de suspendre le payement d'un légitime créancier, qui remplit toutes les conditions que la loi lui impose.
J'ai fait voir que je n'avais pas, ainsi qu'on me l'a reproché, accordé des congés pour favoriser l'émigration, ni fait payer aux fonctionnaires émigrés, des traitements dont leur absence ne les met pas dans le cas de jouir, et ie suis même dans l'heureuse impuissance de le faire ; mais il n'est que trop vrai, que beaucoup d'officiers de marine sont actuellement en pays étranger : on a cité plusieurs offieiers généraux, et d'après l'opinion publique, on pourrait y ajouter les noms de plusieurs autres : aucun cependant n'a déserté un poste, et M. Hector, qui avait été commandant au port de Brest, ne 1 é-tait plus depuis longtemps, à l'époque de son départ.
L'émigration était certainement connue le 13 octobre, lorsque le roi a écrit une lettre sur cet objet aux commandants des ports ; mais on savait aussi qu'aucun officier n'avait déserté, et c'est par cette raison que les expressions de cette lettre ont été différentes de celle qui fut écrite pour l'armée de terre. Je ne doutais pas non plus de l'émigration, lorsque la lettre qu'on me reproche a été insérée dans le Moniteur, puisqu'elle avait pour objet d'en arrêter les progrès.
Sans doute, dans cette circonstance, il fallait d'abord essayer tous les moyens de persuasion pour ramener les officiers égarés, et empêcher, autant qu'il était possible, que leur exemple n'en séduisît d'autres ; c'est ce que j'ai fait. Il fallait empêcher aussi que ces émigrés ne pussent recevoir des traitements, qui sont le salaire de fonctions qu'ils se mettaient hors de portée de remplir ; la loi y a pourvu, et on a veillé à son exécution. Enfin, si ces officiers persistent à se refuser à venir faire leur service, ils doivent certainement perdre des qualités auxquelles ils renoncent par le fait ; c'est ce qui reste à faire, et dont il a été impossible de s'occuper plutôt.
Le corps de la marine, détruit par la loi du 15 mai, doit être recomposé par une formation nouvelle ; l'Assemblée nationale connaît les motifs qui ont retardé jusqu'à présent cette formation, et plusieurs des lois nécessaires pour diverses parties de la nouvelle organisation de la marine, ne sont pas encore décrétées. J'ai devancé cependant le rapport du comité de la marine, en exposant à 1 Assemblée nationale la nécessité de publier incessamment les listes de cette nouvelle formation, afin de pouvoir donner, à tous ceux qui seront désignés pour ce nouveau corps, des ordres de se rendre aux postes qui leur seront assignés : ceux qui n'obéiraient pas dans le délai fixé seraient rayés des listes, à moins mi'ils ne fussent à la mer, ou retenus par une maladie bien constatée ; c'est le seul moyen d'établir légalement leur désobéissance et leur refus de servir. Aujourd'hui, on ne pourrait connaître les émigrés que d'après l'opinion publique et des bruits incertains; et si on rayait tous
ceux qu'on dit être dans le cas, on pourrait commettre beaucoup d'injustices, et priver la marine de plusieurs braves officiers, disposés (comme ie me plais à le Croire) à remplir leurs devoirs, a donner des preuves de leur civisme ; enfin on s'exposerait aussi à en laisser subsister sur les listes beaucoup d'autres, sur l'absence desquels on n'a aucun renseignement.
Les listes de la nouvelle formation seront prêtes à être publiées au 1er janvier prochain, comme je l'avais proposé, ou même Beaucoup plus tôt, et même dans très peu de jours, si cela est jugé nécessaire ; les ordres particuliers seront expédiés aussi sans délai. Je m occuperai ensuite avec la plus grande activité du remplacement des officiers qui ne se rendraient point à ces ordres après le délai qui pourra être fixé, et suivant le mode qui sera réglé pour ces remplacements. Les mêmes motifs qui m'ont porté a faire tout ce qui m'a paru possible pour arrêter les progrès d une émigration dangereuse, m'animeront dans le travail nécessaire pour réparer les maux qu'elle aura causés. J'ai rempli un de mes devoirs, en tâchant de ramener des officiers égarés ou séduits; j'en remplirai un autre en punissant ceux qui s'obstineront à manquer à leur service, et en les privant de l'avantage le plus précieux pour des citoyens : celui de défendre et de servir leur patrie.
L'exposé que je viens de présenter ne laisse certainement aucun doute sur mes démarches ni sur mes motifs; ie crois avoir suffisamment démontré que si la lettre insérée dans le Moniteur pouvait m'exposer à des reproches , je n'aurais dû les attendre que de la part des ennemis de la nation, qui cherchent à y répandre le trouble par les émigrations, et a former près de nos frontières des rassemblements hostiles. Je suis très disposé à croire que mes dénonciateurs eux-mêmes ont été trompés par des aperçus vagues, mais que ramenés par les explications claires et précises que je viens d'offrir, ils reconnaîtront leur erreur. J'espère surtout que ceux des membres de l'Assemblée nationale, qui ont paru frappés de la force de cette dénonciation, et de tout ce qu'on y ajoutait sur les congés, les rappels et les payements d'appointements, lorsqu'ils verront ces assertions si nien détruites par les faits, rendront justice à la pureté de mes motifs et à la loyauté de ma conduite. Bien déterminé à .remplir més devoirs avec une constante fermeté, tant que j'occuperai le poste important qui m'est confie, jedoism'attendreàdes dénonciations, à des tracasseries de tout genre ; mais sûr de ne mériter aucune inculpation réelle, toujours en état de détruire par des explications simples, celles qui ne seront pas fondées ; la crainte de ces vaines attaques ne m'ébranlera jamais, et je n'aurai à regretter que le temps que je suis forcé de consumer à ma défense, et qui serait bien mieux employé aux travaux multipliés que le service public exige de moi.
Je suis avec respect, etc.
Signé : De Bertrand.
Séance du
La séance est ouverte à 6 heures du soir.
Voici une adresse des amis de la
Constitution delaville de Neufbrisach, qui offrent à l'Assemblée l'hommage de leur reconnaissance ; elle est ainsi conçue :
« Législateurs,
« Dans tous les points de l'Empire, la voix de la patrie avait anticipé votre décret contre ses ennemis. Nous n'avons pu que le lire... Quand en verrons-nous l'exécution ? Vous êtes investis de la souveraineté du peuple; quand exigerez-vous en souverain? Le salut du peuple est la suprême loi ; peut-il être, sera-t-il longtemps compromis par des intérêts particuliers? Vous avez mesure la hauteur de votre caractère ; atteignez-y. Vous le méritez. ; nous le méritons.
« Nous sommes avec respect, etc.
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !
D'autres membres : La question préalable !
J'insiste sur la mention honorable au procès-verbal. Cette pétition est signée de 40 citoyens, et ce nombre ne doit point paraître faible, par la raison que la vilfe de Neufbrisach n'a pas plus d'étendue que la moitié des Tuileries et que sa population est peu considérable.
(L'Assemblée rejette la question préalable et décrète qu'il sera fait mention honorable de l'adresse au procès-verbal.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pétitions suivantes :
1° Pétition des citoyens de la commune de Marthe, district de Saint- Omer, département du Pas-de-Calais, qui demandent que l'ancienne église de leur paroisse soit conservée pour leur servir d'oratoire.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de division.)
2° Pétition du sieur Dulau, ancien militaire, qui réclame une pension.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
3° Pétition des sieurs Louis Devilliers et Pierre Henry Cornet qui réclament une pension. .
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
Un membre : Nous avons' chargé nos comités colonial et de marine réunis de nous faire un
rapport sur l'insurrection de l'équipage de la frégate l'Embuscade (1). Il y a longtemps que
ces comités ont arrêté les Dases de leur rapport. La vérité est que l'équipage de l'Embuscade
doit profiter du décret d'amnistie. Je suis très surpris que l'on tarde tant à vous mettre à
même de prononcer sur cette affaire. Cependant j'ai appris hier, d'un membre de l'Assemblée,
que le ministre de la marine voulait faire retourner au Antilles la frégate l'Embuscade, avec
le même équipage et sous les ordres de M. d'Orléans, comme cet officier le demande au
ministre dans la lettre qui vous a été communiquée. Les gens de l'équipage de l'Embuscade, au
contraire, demandent à grands cris à être jugés par une cour martiale, plutôt que de subir
une punition arbitraire et cruelle qui, en les faisant retourner en Amérique, leur ferait
recommencer une station qu'ils avaient presque remplie, et les arracherait pour toujours
Messieurs, ou le ministre de la marine regarde l'équipage ae l'Embuscade, comme dans le cas de profiter du décret de l'amnistie, ou il croit le contraire. Dans le premier cas, doit-il infliger une peine arbitraire et ministérielle pour des faits relatifs à la Révolution, à des hommes que la loi absout? Dans le second cas, en les faisant partir, n'est-ce pas les soustraire au jugement d'une cour martiale et les arracher à la vengeance de la loi ? Je demande le rapport de cette affaire dont le comité de marine est saisi, et qu'il vous soit présenté incessamment, afin de prononcer sur le sort des braves ét malheureux marins pour lesquels l'humanité et la justice sollicitent une prompte décision.
Un membre, rapporteur des comités colonial et de marine réunis. Mon rapport est prêt. Je propose de le présenter à la séance de mardi soir.
(L'Assemblée ajourne la lecture du rapport et la discussion de cette affaire à la séance de mardi soir.)
J'ai à vous faire part d'un fait touchant à l'économie des finances. Le voici :
Le 24 septembre 1791, au matin, l'Assemblée constituante a rendu un décret portant création de 87 payeurs généraux de la guerre et de la marine dans les départements, lesquels doivent être nommés par les commissaires de la Trésorerie nationale et doivent avoir depuis 1,800 livres jusqu'à 10,000 livres d'appointements. Je regarde cette création comme très inutile, car nous savons qu'il y a des receveurs dans tous les districts qui peuvent aisément remplir les mêmes fonctions. Il me semble, Messieurs, bien singulier, que dans un moment de disette pécuniaire, dans un moment où la nation est dans le cas de faire des dépenses extraordinaires, on multiplie les créations de ce genre. Je ne demande point la révocation de ce décret; mais je vous prie, attendu que les commissaires de la Trésorerie nationale sont sur le point de faire les nominations de ces 87 payeurs généraux, je vous prie, dis-je, d'ordonner qu'ils suspendent ces nominations et de renvoyer aux comités réunis de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, pour vous faire un rapport motivé sur l'utilité ou l'inutilité de cet établissement et permettre à l'Assemblée de prendre une détermination ultérieure. La création de ces nouvelles places ne tend qu'à multiplier les rouages d'une administration déjà fort compliquée, et qu'à grever en pure perte le Trésor national d'une dépense qui excédera la somme de 400,000 livres. (:Applaudissements.)
Ptusieurs membres : Appuyé! appuyé!
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la motion de M. Rougier aux comités réunis de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances et ajourne la discussion du rapport à la séance de lundi prochain.)
Voici une lettre du sieur Pois-senet qui demande à être admis à la barre pour présenter une pétition.
(L'Assemblée décide qu'il sera admis à la séance de demain.)
Voici une lettre du sieur Bâtir e, procureur-syndic du district de Marner s; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai adressé à l'Assemblée nationale un court exposé des injustices et des persécutions aux-
quelles ie suis constamment exposé depuis mon entrée dans l'administration. Ma pétition a été renvoyée au comité de division. Le rapport en est fait.
J'attends de la justice de l'Assemblée nationale qu'elle voudra bien en fixer la discussion à un bref délai.
Je suis avec respect, etc.
Signé : Bazire.
Plusieurs membres : Le renvoi à mardi prochain !
(L'Assemblée ajourne la discussion à mardi prochain.)
Les capitaines, lieutenants, sous-lieutenants de la division de la gendarmerie nationale résidant à Paris, vous demandent la permission d'être admis ce soir à la barre, avant le rapport qui doit être fait sur la garde nationale; l'Assemblée veut-elle les entendre? (Oui! oui!)
(L'Assemblée décide que la députàtion sera admise sur-le-champ à la barre.) (Voyez ci-dessous.)
, secrétaire. Voici une pétition de plusieurs citoyens de la paroisse de Saint-Jean-de-Luz, qui réclament contre l'illégalité des nominations faites par l'assemblée électorale du département des Basses-Pyrénées, pour le remplacement des curés qui ont refusé de prêter le serment prescrit par la loi et qui demandent qu'on leur rende le curé non assermenté qu'ils préfèrent.
Plusieurs membres : La question préalable !
D'autres membres : L'ordre du jour !
Cette pétition est directement contraire à la Constitution, puisqu'elle tend à détruire l'effet d'une loi. Je demande que l'Assemblée ne la reçoive pas.
Un membre : Je demande qu'avant de porter l'improbation sur cette pétition, on en fasse lecture entière.
(L'Assemblée décrète que la pétition sera lue.) (Voyez page 205).
La députàtion de la gendarmerie nationale de Paris, dont l'admission à la barre vient d'être décrétée, est introduite.
L'orateur de la députàtion s'exprime ainsi : Messieurs, le corps dans lequel nous avons l'honneur de servir, doit son existence à la Révolution. Il a trouvé la récompense de son civisme dans le décret qui l'a transformé en gendarmerie nationale. Gréés pour le maintien ae la Constitution, nous venons auprès des représentants du peuple français, avec 1 attitude qui convient aux soldats de la liberté, demander l'exécution de la loi qui nous concerne.
La loi qui a fixé l'organisation de la garde soldée de Paris, et le mode de son avancement, porte, article 10 du titre 2, que les aides-majors ae la cavalerie parisienne, qui ne pourraient être placés dans la première formation, prendront rang dans l'armée, en qualité de capitaines de cavalerie, pour être remplacés à leur tour, ou au choix, suivant leur grade, et jouiront en attendant de leurs appointements.
Immédiatement après la promulgation de cette loi, MM. les aides-maiors supprimés, pleins de reconnaissance pour la manière distinguée dont l'Assemblée constituante venait de les traiter, parurent s'occuper de leur remplacement dans les troupes de ligne. La preuve en est dans la nomination du moins ancien d'âge et de service d'entre eux, à une place de lieutenant-colonel dans un
régiment de chasseurs à cheval, et il n'y a pas de doute que les trois autres plus anciens ayant droit à nn pareil avancement, ne l'eussent obtenu, s'ils l'avaient réclamé.
Quel a été, d'après cela, Messieurs, notre éton-nement, lorsque les aidés-majors nous ont donné communication d'un mémoire qu'ils avaient adressé au ministre de la guerre, par lequel ils demandaient d'être admis à la suite du corps en qualité de capitaines, pour y occuper les premières compagnies vacantes. Cette prétention, qui contrariait évidemment l'esprit et le texte de la loi, nous força de faire nos représentations au ministre qui, pour rejeter leurs demandes, n'eût eu besoin que d'y opposer la loi même. Peu satisfaits de cette démarché infructueuse, les aides-majors changèrent alors de batteries, et c'est à l'Assemblée nationale qu'ils adressèrent, le 10 de ce mois, une pétition qu'elle a renvoyée à son comité militaire. Ils vous demandaient, Messieurs, la création de trois places d'adjudants-majors dans la division de gendarmerie na-> tionale à cheval, résidant à Paris, lesquelles s'éteindront par leur remplacement ou leur avancement dans l'armée.
Voici les observations que nous avons cru devoir soumettre au Corps législatif. Nous sommes assimilés à toute la gendarmerie nationale du royaume. La loi ne donne d'adjudant-major à aucune des divisions qui la composent; la loi particulière à la gendarmerie de Paris, non seulement ne les admet pas, mais a supprimé les aides-majors qui en tenaient la place; et cette . même loi n'admet dans la gendarmerie résidant à Paris, que deux adjudants sous-officiers dont l'Assemblée constituante avait jugé les fonctions suffisantes pour le service de la capitale.
Cependant, si dans sa sagesse l'Assemblée croyait devoir, pour le bien du service, créer des places d'adjudants-majors, nous invoquerions alors l'exécution des lois sur l'organisation générale de l'armée, qui donnent exclusivement ces places aux lieutenants et sous-lieutenants et sous ce point de vue les aides-majors se trouveraient encore écartés par la loi; mais ces messieurs, dans leur système, demandent que les places soient temporaires pour eux seuls: dans le premier cas, leur prétention, telle qu'elle est présentée, tend à faire renaître les privilèges exclusifs que la Constitution a détruits, et quel'Asssemblée nationale ne fera jamais revivre ; dans le second, si la création de ces places était jugée nécesaire, on ne dira pas, et ces messieurs ne prétendront pas être les seuls capables de les occuper.
A ces considérations, Messieurs, nous en ajouterons une non moins importante, celle de l'état actuel de l'armée. Il offre à ces messieurs les aides-maiors les moyens de remplacement les plus avantageux et les plus propres à remplir le vœu de la loi qui a fixé leur sort.
La patrie, en ce moment, a besoin de la plénitude de sa force; l'ennemi de notre Constitution est aux portes de la France ; tout nous annonce une guerre prochainé qùi, n'en doutons pas, fera triompher la cause de la liberté, mais qui réclame les bras de tous les Français. Il n'en est pas un de nous, Messieurs, qui ne désirât être réformé comme les aides-majors, et courir l'honorable carrière qui leur est ouverte ; mais puisque la loi nous a destinés particulièrement au service intérieur de la capitale, nous saurons défendre notre poste avec courage. Nés de la liberté, nous ne cesserons de combattre pour
elle, et nous mourrons plutôt que de laisser porter la plus légère atteinte aux droits de l'homme et à la Constitution qui les garantit. (Applaudissements.)
Pleins de confiance dans la justice de l'Assemblée nationale, nous finissons, Messieurs, par lui demander, qu'en rejetant la prétention des aides-majors, elle consacre de nouveau le grand principe que, dans un Etat libre, les hommes doivent être faits pour les places, et non les places pour les hommes.
(Suivent plusieurs signatures.)
, répondant à la députation. Messieurs, le courage est votre vertu distinctive, l'amour de la patrie est un devoir précieux que vous chérissez. L'Assemblée nationale pèsera vos vœux dans sa sagesse ; elle vous invite à l'honneur de sa séance.
(L'Assemblée admet les pétitionnaires à la séance et renvoie leur pétition au comité militaire.)
, secrétaire, ainsi qu'il a été ordonné par l'Assemblée, donne lecture de la pétition des citoyens de Saint-Jean-de-Luz ; elle est ainsi cbnçue :
« Les citoyens soussignés remplis de confiance dans la justice adoptée par l'Assemblée législative et fidèles aux principes de religion qui leur ont été transmis par leurs ancêtres, leur vœu le plus ardent est de vivre et mourir dans la religion catholique, apostolique, et de conserver, suivant les conditions prescrites par la loi, leur ancien pasteur, depuis près de 19 ans digne objet de leur vénération.
« A la fin du mois de juin dernier, l'évêque constitutionnel a nommé provisoirement le sieur Fontrouge à la cure de Saint-Jean-de-Luz. Cette disposition était vraiment contraire à la loi, puisque le prétexte de remplacement fut le défaut de communication entre l'évêque constitutionnel et l'ancien curé, et le refus fait précédemment par ce dernier de prêter le serment ordonné, qui lui interdisait tout rapport avec un évêque qu'il ne pouvait reconnaître pour le sien, par les conséquences mêmes du principe qu'il venait de manifester.
« L'Assemblée électorale, le 23 du mois dernier, arrêta qu'elle nommait curé constitutionnel de Saint-Jean-de-Luz le même sieur Fontrouge. Avant de reconnaître la validité ou l'invalidité de l'élection, les soussignés ne peuvent s'empêcher d'observer que loin de réunir les vertus que la religion inspire et qui la font aimer ; loin d'employer les moyens de concilier et de rapprocher par la modération ceux qui sont opposés en principes, le sieur Fontrouge, chargé d'un ministère de paix, a également persécuté ceux dont le seul tort est de ne pas penser comme lui. Cette persécution à leur égard s'étend même au delà des bornes de la vie. Il a rejeté du tombeau de leur père les restes inanimés de certaines personnes, tandis que par une préférence scandaleuse, ses partisans ont reçu l'honneur de la sépulture dans l'enceinte du temple. De là les haines, les divisions, les factions. Peu s'en est fallu même que des scènes orageuses ne devinssent les suites de ces distinctions arbitraires. Quoiqu'elles aient été étouffées, il n'en existe pas moins aujourd'hui un dissentiment entre les concitoyens qui ne forment plus une famille. Ce foyer de discorde est alimenté par les dénonciations sans nombre faites à la municipalité par ce prêtre intolérant. »
(Suivent les signatures.)
' Plusieurs membres : L'ordre du jour !
, secrétaire. Les administrateurs du département, qui sont ici, prétendent que ce sont des calomnies contre le curé constitutionnel.
Un membre : En vous annonçant cette pétition, on vous a dit que son objet était la demande en conservation d'un curé qui a refusé de prêter le serment. Sur cette annonce vous avez cru que cette pétition était inconstitutionnelle, et, pour en juger, vous en avez demandé lecture. J'observe que la pétition renferme deux objets : le premier est la demande de la conservation d'un curé qui n'a point prêté le serment prescrit ; le second est une demande en nullité des opérations du district pour la nomination des nouveaux curés. Cet objet ne doit pas occuper l'Assemblée dans ce moment, et je demande l'ordre du jour.
Plusieurs membres : Appuyé! appuyé!
(L'Assemblée passe à l'ordre au jour sur la pétition des citoyens de Saint-Jean-de-Luz.)
, jeune, au nom du comité militaire. fait un rapport relatif aux invalides retirés a l'Hôtel; aux invalides retirés dans les départements ; aux invalides formant les compagnies détachées, avec soldes, demi-soldes, récompenses militaires et vétérans ; aux gendarmes et grenadiers à cheval retirés; aux officiers à la suite des places; aux veuves et aux enfants des invalides; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, votre comité militaire, qui, jusqu'à ce moment, a presque toujours été forcé ae mettre sous vos yeux des tableaux faits pour affecter
Séniblement les amis de l'humanité, s'empresse e vous annoncer qu'aujourd'hui plus heureux, il fixera vos regards sur des objets auxquels tous les cœurs sensibles applaudiront, il va vous entretenir, en effet, Messieurs, non seulement de la manière d'assurer un sort doux et un repos honorable aux citoyens qui consacreront leurs jours à la défense ae la patrie, mais encore des moyens de réparer les erreurs et les injustices, dont nos anciens administrateurs se sont rendus coupables envers les classes les plus estimables de nos défenseurs.
L'Assemblée nationale constituante, convaincue, qu'une nation ne peut, sans danger, se montrer ingrate envers les citoyens qui se sont voués à sa défense et qu'elle ne peut, sans injustice, leur refuser des récompenses proportionnées aux services qu'ils lui ont rendus, avait commencé à établir entre les récompenses et les services militaires cette proportion que la raison et l'équité commandent, et à réparer les injustices que le despotisme avait commises ; par une fatalité bien singulière, elle n'a point fait pour les soldats, les sous-officiers et les officiérs subalternes, tout ce
3u'elle leur devait, tout ce qu'ils avaient droit 'attendre. Loin ae nous 1'iaée qu'elle ait, par insouciance, négligé de remplir ce devoir sacré, nous savons tous que si les ennemis de la Constitution ne l'eussent point retardée dans sa marche, par les obstacles qu'ils multipliaient sous ses pas, elle ne nous eût point abandonné le soin de mettre la dernière main à cette partie si intéressante de la tâche qu'elle avait entreprise.
Animés des mêmes sentiments que le corps constituant, fidèles à ses principes, mais ne
voulant pas laisser à d'autres la gloire de faire des heureux, en exerçant des actes de
justice, vous
Votre comité, convaincu que vous ne pouvez pas vouloir vous borner à améliorer le sort des invalides retirés à l'Hôtel, puisqu'ils ne forment pas la douzième partie des mortes-payes de l'armée et qu'ils ne sont pas les plus maltraités des défenseurs de l'Etat, convaincu encore qu'en traitant isolément cette partie de l'administration militaire, vous ne pourriez donner à votre travail cette unité, cet ensemble qui en rendront l'aspect plus imposant, la durée plus certaine, l'unité plus grande, a cru devoir embrasser et vous présenter en même temps tout ce qui est relatiî aux militaires retirés du service. Il a espéré, en agissant ainsi, tirer entre l'armée active et l'armée non active, cette ligne de démarcation que tous les bons esprits demandent, depuis si longtemps et qu'on n'a jamais voulu tracer, parce que la confusion est la mère et la sauvegarde des abus.
Le tableau de votre armée non active vous étonnera sans doute, Messieurs, et par son immensité et par la singularité des contrastes qu'il présente : par son immensité, car il est composé de 28,183 hommes qui coûtent à l'Etat 8 millions 345,987 livres, somme qui seule pourrait presque suffire à l'entretien d'une armée telle que nous l'aurons quelque jour; par les contrastes qu'il présente, car il est des hommes qui ont 3,000 livres de retraite, tandis que d'autres ne jouissent que de 40 livres de traitement, et un nombre immense qui n'ont obtenu, pour 30 ans de travaux et de dangers, qu'une pension de 72 livres.
Voici, Messieurs, les détails de ce tableau :
Invalides qui étaient retirés à l'Hôtel à l'époque du 28 mars 1791 ou qui jouissent du bénéfice de cette loi.
Coûtent :
2.888 hommes 2.000.000 liv.
Gendarmes retirés dans l'hospice de Lunéville. 12 23.00
Officiers invalides pensionnés, retirés dans les départements....923 224.170
Sous - officiers invalides pensionnés, retirés dans les départements.3.016 214.088
Soldats invalides pensionnés..4.979 268.866
Compagn. d'invalides détachées.5.330 1.7S9.439
Soldes, demi-soldes, récompenses militaires....9.300 1.322.027
Militaires pensionnés habitant le pays étranger.502 65.832
Suisses retirés dans leur patrie.527 162.410
Officiers retirés à la suite des places ............. 224 178.513
Gratifications an nuelles à des officiers invalides... 23.266
Gendarmes pensionnés ......... 384 54.221
Grenadiers à cheval pensionnés............. 76 18.253
Valets de gendarmes pensionnés............. 22 1.872
28.183 h.coût. 6.345.987 liv.
A ce grand nombre d'hommes, et à cette somme si considérable, il faut joindre une quantité prodigieuse d'officiers de tous les grades, dont le sort a été particulièrement fixé par la loi du 3 août 1790, et dont, par conséquent, vous n'avez plus à vous occuper.
A l'aspect de ce tableau, l'idée qui se serait présentée la première aux agents d'un despote eût été sans (foute de laisser les choses sur 1 ancien pied, car cette idée eût favorisé leur indolence ; mais les représentants d'une nation qui se régénère n'ont pu concevoir le projet de laisser plus longtemps sans récompense et sans secours un grand nombre de citoyens qui ont donné tous leurs beaux jours à la patrie, et ils ne consacreront point, par un acte émané de la volonté générale, les monstrueuses inégalités que le despotisme avait créées.
Dans des temps très heureux, vous auriez pu terminer d'une manière aussi prompte qu'agréable le long travail que vous avez à faire ; car vous auriez pu vous borner à décréter que le liquidateur général vous présenterait le tableau des pensions à accorder a chacun des individus de l'armée non active, en se conformant à la loi du 3 août 1790. Mais le délabrement de nos finances ne nous permet point de sortir, par cette voie, de ce difficile labyrinthe ; nous serions généreux envers 28,000 hommes, mais injustes envers le reste de la nation, car nous lui imposerions une charge qu'elle ne doit ni ne peut supporter.
Un troisième moyen de terminer ce travail se présentait encore, il consistait à ordonner que tôutes les mortes-payes seraient traitées sur le pied fixé par la loi du 28 mars ; mais en adoptant cette manière, nous ajouterions 4 millions à notre dépense annuelle ; nous nous priverions des secours que nous pouvons tirer des 5,000 mortes-payes encore en état de service, et, ce qui serait une véritable injustice, nous accorderions à plusieurs citoyens une récompense qu'ils n'auraient point méritée.
D'après ces réflexions, vous voyez, Messieurs, qu'il ne restait à votre comité d'autre parti à prendre que d'examiner successivement la manière d'améliorer le sort de chacune des classes de nos mortes-payes; et c'est ce qu'il a fait, en ne perdant néanmoins jamais de vue et l'état de nos finances et cette justice distributive qui veut qu'on n'accorde à chacun que ce qu'il a droit de prétendre.
§ 1er. — Des invalides retirés à L'Hôtel.
Les invalides retirés à VHôtel ou pensionnés en
vertu de la loi du 28 mars, étaient au nombre de 2,888, et coûtaient à peu près 2 millions.
Dans le mois de mars 1791, les invalides retirés à l'Hôtel fixèrent les regards du corps constituant; il vit que ces citoyens qui ont de si grands droits à la reconnaissance publique, et pour lesquels l'Etat faisait des dépenses très considérables, se plaignaient presque tous de la manière dont ils étaient nourris, logés et surtout gouvernés ; il reconnut que l'Hôtel institué pour eux était tellement dégénéré, qu'ils ne paraissaient plus en faire qu'un léger accessoire; frappé des abus qu'on lui dévoila, il fut sur le point de détruire cet établissement ; mais, après de longs débats, il se résolut à le conserver, en se proposant toutefois de le ramener, par une administration nouvelle, à sa primitive et véritable institution. Vain espoir! les événements à jamais célèbres qui précédèrent et suivirent l'époque du 21 juin, l'ont empêché d'effectuer ses projets, car il ne nous a laissé que le décret du 28 mars qui n'est, si je puis m'exprimer ainsi, que le frontispice du monument qu'il se proposait d'élever.
Après avoir reconnu, comme le corps constituant, que l'Hôtel des invalides, ramené à son institution primitive et dégagé des abus monstrueux dont le despotisme et une basse cupidité l'avaient comblé, est digne de la nation française et même nécessaire à sa gloire (1), votre comité militaire a examiné si vous devez n'y admettre, aux termes de la loi du 28 mars, que des hommes qui auront été estropiés ou qui auront atteint l'âge de caducité sous les armes; il est résulté de cet examen que ces premières dispositions de la loi sont pleines de sagesse, et il vous proposera de les consacrer. 11 n'en est pas de même de la dernière condition de ce premier article ; elle veut qu'on ne puisse recevoir aux Invalides que des hommes qui n'auront, d'ailleurs, aucun moyen de subsister. Cette condition ayant paru à votre comité, injuste, immorale, impraticable, et faite d'ailleurs pour servir de prétexte à des actes répétés de pouvoir arbitraire, il vous en demandera la radiation ; mais il vous proposera des précautions qui préviendront les abus auxquels une trop grande latitude pourrait donner naissance.
Votre comité a cru devoir faire encore un autre amendement à cet article : ce changement consiste à permettre aux invalides qui auront opté pour la pension de rentrer à l'Hôtel, et même d'en ressortir ensuite, s'ils en ont le désir. Cette grande liberté accordée aux invalides ne vous, étonnera point, Messieurs ; vous savez que le vieillard aime, comme l'enfant, à changer de place et qu'il croit comme le malade, être mieux là où il n'est point; cette condescendance trouvera grâce à vos yeux avec d'autant plus de facilité, que nous avons pris des précautions pour qu'elle ne devienne point à charge à l'Etat.
Votre comité vous aurait proposé d'ajouter à la quotité de chacune des pensions fixées par
le décret du 28 mars, si la situation fâcheuse de nos finances ne le lui eût sévèrement
interdit : avant d'être généreux, il faut être équitable.
Votre comité aurait encore plus vivement désiré pouvoir vous proposer d'ouvrir la porte de l'Hôtel ou des pensions à tous les militaires qui y ont des droits ou des prétentions, mais il a été arrêté par la plus puissante des raisons, par la crainte d'ajouter un nouveau poids à celui dont les Français sont déjà surchargés. Il vous proposera cependant d'augmenter le nombre des places ou des pensions d'environ un tiers ; et il vous fournira le moyen d'ajouter chaque année à ce nombre, sans ajouter aux dépenses de l'Etat. Oui, Messieurs, si votre comité ne s'est point grossièrement trompé, l'Hôtel des invalides ne coûtera, ainsi qu'il coûtait jadis, que la somme de 2 millions, et cependant les pensions des soldats auront reçu un léger accroissement; le nombre des places et des pensions sera considérablement augmenté et les militaires respectables qui auront fixé leur demeure à l'Hôtel se croiront transportés dans un autre asile que celui qu'ils habitent.
N. B. ~ Pour convaincre ceux qui pourraient craindre que les 2 millions affectes à l'Hôtel ne suffiront point au payement des pensions et à l'entretien des invalides qui y seront retirés, il suffira de la note suivante.
Les pensions que paye actuellement l'Hôtel, pour 1,756 pensionnaires, coûtent. 563,740 liv.
Il lui en coûtera pour 244 pensions d'augmentation............. 82,000
Total. 645,740 liv.
Supposons que les 2,000 places de l'Hôtel seront occupées, moitié par des soldats, moitié par des hautes payes, ce qui ne sera jamais ; supposons encore que la dépense, pour chaque individu, s'élèvera aussi haut qu'elle s'élève aujour- d'hui, ce qui ne sera point :
Les 1,000 soldats, à 400 livres.. 400,000 liv.
Les 650 sous-officiers, à 430 livres........................................................279,500
Les 150 maréchaux des logis, à 450 livres............................................67,500
Les 200 lieutenants, à 1.000livres 200,000
' Les 60 capitaines, à 1,100 livres. 66,000
Les 30 commandants de bataillons, à 1,300 livres...................39,000
Les 10 lieutenants-colonels, à 1,400 livres........................................14,000
1,066,000 liv.
Les pensions................. 645,740
Total. 1,711,740 liv.
Il restera donc, en cavant tout au plus fort, ainsi que je l'ai fait, 300,000 livres au moins, pour 1 administration générale, ce qui sera plus que suffisant puisque l'on n'aura plus à payer, ni les rentes viagères dont l'Hôtel était grevé, ni des étrennes aux gens des ministres, ni des pensions pour services rendus qui s'élevaient à 82,000 livres; ni un grand état-major qui coûtait 84,000 livres, ni une foule de gratifications extraordinaires , ou d'autres faux frais qui absorbaient une somme énorme.
§ 2. — De Vadministration de l'Hôtel.
Comme tous les abus dont les invalides retirés à l'Hôtel étaient les victimes, avaient pris leur source dans la manière dont cet établissement était administré, et comme il est extrêmement difficile d'empêcher qu'il ne se glisse de grands vices dans toute grande administration, c'est à cet objet que votre comité a donné le plus de soins et qu'il vous proposera de faire éprouver les plus grands changements. Bannir de l'administration de l'Hôtel, toute espèce,de dilapidation et de gaspillage, de son gouvernement, toute espèce ae despotisme, de son régime, ces formes sévères et ces petites règles que l'esprit monaca et militaire y avait introduites, tel a été le but que votre comité s'est proposé d'atteindre. Pour v parvenir, il a cru devoir transformer l'Hôtel des invalides en une petite cité qui aura son corps municipal, son conseil général de la commune, son tribunal de conciliation et de paix, il a cru encore que tous les officiers de ce peuple militaire, qui doivent administrer pour lui? doivent être immédiatement choisis par lui, en transportant ainsi dans l'Hôtel des invalides toutes nos formes constitutionnelles, votre comité a satisfait au vœu formel des invalides, et il a espéré rendre à ces hommes vénérables une famille, une patrie et tous les sentiments affectueux que ces objets inspirent.
Votre comité n'ayant pu se dissimuler que si les invalides étaient constamment abandonnés à leurs propres moyens, il serait à craindre qu'ils ne commissent souvent dans leur administration des erreurs qui deviendraient préjudiciables à leur bonheur et à l'Etat, il a été forcé de leur donner des surveillants ; mais, constant dans son plan général, votre comité n'a point cherché ces surveillants immédiats parmi les agents directs du pouvoir exécutif ; c'est parmi les délégués du peuple qu'il les a pris, et vous prévoyez d avance que la municipalité de la capitale remplira auprès de cette cité nouvelle le rôle de l'administration de district, tandis que le directoire du département de Paris y jouera celui qui lui est propre. Comme le pouvoir exécutif doit tout voir, tout surveiHer, il aura aussi auprès de cet établissement un commissaire nommé par lui, ce commissaire aura toute l'autorité nécessaire pour observer les lois ; mais il sera dans l'heureuse impuissance de faire le mal, parce qu'il ne pourra jamais ordonner, et, par conséquent, user d'un pouvoir arbitraire.
Je ne m'arrêterai pas, Messieurs, à vous montrer en détail les avantages de cette nouvelle forme d'administration ; vous les avez, j'en suis certain, déjà tous découverts. S'il vous reste néanmoins quelques doutes, ils disparaîtront, j'ose l'espérer, à la lecture du projet de décret, que je dois vous soumettre; vous y reconnaîtrez économie pour l'Etat, extirpation des abus, perfectibilité des moyens, intérêt et bonheur des administrés.
§ 3. — Des compagnies détachées.
Les invalides formant les compagnies détachées sont au nombre de 5,331 ; ils coûtent actuellement plus d'un million sept cent mille Livres.
Après avoir assuré une existence heureuse aux militaires retirés à l'Hôtel des invalides, votre comité s'est occupé de ceux qui, après avoir obtenu l'agrément a'être admis dans cet asile, ont
consenti à être dispersés dans des corps militaires, connus aujourd'hui sous le nom de compagnies détachées. Votre comité n'a pas besoin de se perdre dans les détails pour vous inspirer un grand intérêt en faveur de cette classe de nos concitoyens; il lui suffira de vous dire que ces hommes respectables auraient pu consumer, dans l'inutilité, les jours qui leur restaient à vivre, mais qu'ils ont demandé, se sentant encore un peu de vigueur et de force, d'être transportés sur les frontières pour avoir l'occasion de donner de nouvelles preuves de leur courage, et de verser, en servant l'Etat, le reste de sang qui coulait dans leurs veines. Ces militaires sont au nombre d'environ 5,000 dont 352 officiers; ils coûtent environ 17,000,000 de livres, ils sont divisés en 89 compagnies et 3 détachements, savoir : 16 compagnies de sous-officiers de toutes les armes, 8 ae canonnière, et 65 de fusiliers.
Votre coihité a trouvé dans les cartons de l'Assemblée constituante un très grand nombre de pétitions présentées par les compagnies détachées; et vous-mêmes, Messieurs, vous lui en avez renvoyé une quantité assez considérable. Quelques-uns de ces pétitionnaires prétendent que vous devez licencier les compagnies détachées, et en traiter les membres comme les invalides retirés à l'Hôtel. D'autres disent qu'ils ont un service aussi pénible que celui des troupes de ligne, et qu'ils ont un traitement moins favorable; d'autres, enfin, qu'ils sont toujours placés dans des garnisons peu agréables, dans des châteaux isoles, sur de hautes montagnes, dans des endroits dêserts? tandis que leur âge et leurs infirmités exigeraient un air doux, des soins nombreux et les secours que les villes présentent.
Votre comité, bien convaincu que votre intention n'est point de fermer votre cœur à la voix de ces citoyens respectables, a cherché à allier ce que vous leur devez de reconnaissance avec ce que l'intérêt de l'Etat et la situation pénible de nos finances exigent impérieusement de vous ; il a examiné, en) conséquence, si vous pouvez, si vous devez licencier les compagnies d'invalides détachées ; un court examen lui a prouvé que vous en deviez conserver un certain nombre ; voici les motifs qui l'ont déterminé :
L'Assemblée nationale constituante ayant décrété, le 3 août 1790, qu'il ne sera accordé à l'avenir des récompenses pécuniaires qu'à des militaires qui auront 30 ans de services et 50 ans d'âge, à moins de blessures considérables reçues a la guerre ; le corps constituant ayant décrété encore qu'on ne sera admis à l'Hôtel dès invalides que lorsqu'on sera inutile, ou qu'on aura atteint l'âge de caducité, il est certain que si vous ne formiez pas un établissement intermédiaire, vous seriez forcés ou de laisser votre armée surchargée d'hommes faibles et valétudinaires, ou d'être cruellement injustes envers ces mêmes hommes, ou enfin, ce qui sera.it un mal tout aussi grand, de violer la loi relative à l'admission à l'Hôtel. Comme votre comité a été convaincu que votre intention ne peut être ni de paralyser votre armée, ni de condamner un citoyen a la dernière indigence, parce que la faiblesse de son tempérament ou des accidents particuliers ne lui permettent point de rester dans la carrière active jusqu'à ce qu'il l'ait parcourue; ni, enfin, d'admettre à l'Hôtel des hommes qui en banniraient ceux qui ont des droits incontestables à y être admis, il vous proposera de former des compagnies détachées dans les-
quelles les militaires faibles ou valétudinaires conserveront leur activité et l'espérance d'arriver, par des chemins plus doux, aux récompenses qu'ils avaient entrevues en entrant au service, mais il vous soumettra, en même temps, des mesures qu'il a jugées indispensables pour qu'il n'y soit jamais admis que des hommes réellement faits pour y avoir entrée.
Décidé sur cet objet important, votre comité s'est occupé de l'emploi du traitement et de tous les autres détails relatifs à ces compagnies.
Il a cru qu'il est de votre justice d'accorder aux invalides une paye égale a celle du reste de l'infanterie, parce qu'ils ont déjà rendu de longs services à la patrie, parce qu ils ont atteint un âge avancé; et parce qu'ils sont tous dans un état d'infirmité ou de faiblesse réelle : il a imaginé encore d'améliorer leur sort en leur destinant pour garnison les villes, chefs-lieux de département. Il a pensé qu'une compagnie com-
gosée de 50 vieux soldats serait une force pu-lique, qui aurait rarement besoin d'user de ses armes, parce qu'elle en imposerait par son âge et ses vertus ; que la loi, lorsqu'ils lui serviraient de force, acquerrait, si l'on peut s'exprimer ainsi, un nouveau caractère de grandeur, il a pensé que cette compagnie serait, dans les moments ae trouble, un noyau autour duquel tous les bons citoyens viendraient se rallier ; il a pensé que ces militaires respectables seraient bien propres à entretenir l'ardeur militaire parmi nos gardes nationales et qu'ils deviendraient pour eux d'excellents instituteurs militaires ; le comité a vu enfin qu'un grand nombre d'invalides, après s'être adonnés de nouveau au métier que dans leur jeunesse ils avaient appris pour vivre, donneraient peut-être à l'Etat de nouveaux citoyens de nouveaux défenseurs.
Comme les compagnies de vétérans feront encore partie de la force publique, votre comité a cru devoir les laisser sous la direction du ministre de la guerre'; mais il n'en a pas moins tracé les grands linéaments de leur administration, afin de les mettre à l'abri de certaines formes militaires, trop austères pour eux, mais auxquelles l'armée en grande activité doit être nécessairement soumise.
Votre comité vous proposera, en conséquence, de décréter que les vétérans de Varmée, car c'est le nom qu'il a pensé que vous deviez donner aux compagnies d'invalides détachées, seront composées de 5,000 officiers, sous-officiers ou soldats, et divisées en 100 compagnies de 50 hommes chacune ; qu'elles formeront deux classes ; savoir : 12 compagnies de canonniersl et 88 compagnies de fusiliers, et que les officiers, sous-officiers et les soldats de ces compagnies jouiront d'une paye égale à celles des troupes de ligne.
Parmi les compagnies d'invalides actuellement sur pied, il en est plusieurs employées à la garde des maisons royales et au service des frères du roi. Ces compagnies reçoivent, indépendamment de leur solde, une gratification annueUe équivalente à leurs appointements. Pour fixer le sort de ces compagnies, il faut faire deux suppositions : la première, le roi jugerà-t-il que ces compagnies sont nécessaires a la garde de ses maisons?la seconde, croira-t-il qu'elles lui sont inutiles? dans la première hypothèse, vous penserez sans doute, que ne faisant plus un service national, ces compagnies ne doivent plus être payées par le Trésor public; et dans la seconde, que ces compagnies étant désormais inutiles, doivent être refondues ou réformées. Ainsi, avant
de prononcer sur ces compagnies, vous devez inviter le roi à vous faire connaître son opmion;: cette opinion comme le sort de ces compagnies sera bientôt définitivement fixé.
§ 4. — Des invalides retirés dans les départements.
Ces invalides sont au nombre de 8,918, savoir : 923 officiers qui ont 224,170 livres de pension; 3,016 sous-officiers qui ont 214,018 livres de pension; et 4,979 soldats qui ont 268,866 livres de pension.
Au moment où votre comité militaire a jeté les yeux sur les invalides retirés dans les départements, il a été affecté de la manière la plus douloureusé, car il a vu que 4,979 hommes qui ont tous ou presque tous servi 30 ans la patrie, n'ont obtenu chacun que 54 livres de pension viagère, et que 2,313 qui l'ont servie en qualité de sous-officiers, n'ont retiré non plus, pour tout fruit de leurs services, que 72 livres de pension. Est-il quelqu'un parmi nous qui osât renvoyer avec ce modique salaire un citoyen qui l'aurait servi si longtemps, et qui aurait aussi souvent exposé sa vie pour lui? Améliorer le sort des invalides retirés dans les départements, telle a été, vous le jugez bien. Messieurs, Topinion unanime de votre comité l Leur rouvrir avec prudence les portes de l'Hôtel et des pensions destinées à les récompenser, a été le premier parti proposé et adopté : leur rouvrir aussi, avec des précautions, la porte des compagnies détachées, a été le second avis ouvert, et il a été de même adopté. C'était beaucoup sans doute, mais ce n'était pas assez ; votre comité l'a senti ; et il a cherche les moyens de pourvoir à une amélioration plus considérable. Il a cru l'apercevoir dans la formation d'une espèce de tontine, dont le fonds annuel sera égal a la solde payée par l'Etat en 1790, et qui sera divisé, chaque année, entre les survivants. Au moyen de cette tontine, les invalides verront chaque année, leur sort s'améliorer d'une manière sensible; ils le verront même atteindre avec promptitude celui qu'ils ambitionnent, je veux dire le traitement de l'Hôtel ; et, cependant, les dépenses de l'Etat n'éprouveront aucune augmentation. Votre comité ayant reconnu, après de mûres réflexions, que ce moyen est le seul qui puisse concilier en même temps ce que vous devez aux invalides retirés, et à la situation du reste de vos concitoyens, il vous le propose avec quelque confiance; il vous priera même d'en faire l'application au reste des mortes-payes de l'armée, en lui faisant éprouver, cependant, les petits amendements qu'exige la position différente des diverses classes de militaires pensionnés.
S'il s'élevait des hommes qui osassent vous dire que vous ne devez rien aux invalides retirés dans les départements; qu'ils ont volontairement abandonné l'Hôtel; qu'ils savaient, avant d'en sortir, quel traitement leur était réservé, et qu'ainsi ils ont tort de faire entendre des réclamations, je répondrais à ces hommes endurcis par de vieux préjugés : la nation française, en se régénérant, a promis d'acquitter toutes les dettes que le despotisme avait faites ; et ceUe-là est, sans doute, des plus sacrées ; je leur dirais : le Corps constituant a bien réparé les injustices que les officiers pensionnés avaient éprouvées ; je leur demanderais, enfin, si un contrat que signe un esclave, pour échapper à la tyrannie, est obligatoire pour lui, ou, mieux encore, si un tu-
teur sage 4-Oït ratifier les engagements que le pupille a pris, lorsque ces engagements n'ont été ni libres ni calculés. On nous dira peut-être aussi que tous les hommes, qui portent le titre glorieux d'invalides ne l'ont point tous mérité, et
3ue cet habit rèspectable couvre, et des valets e nos ci-devant grands, et des espions de police. Je né nierai point ces faits; mais je répondrai à cette objection, commé y avait répondu le rapporteur au corps militaire du Corps constituant : lé mot invalides est le complément de tous les sentiments de,respect et de commisération. J'ajouterai, si vous voulez en venir à faire des distinctions, vous seriez obligés de perdre un temps énorme, et d'employer de bien grands moyens pour obtenir .de bien petits résultats.
On me demandera peut-être aussi si la tontine que nous vous proposons sera indéterminée; à cette demande, nous nous hâterons de répondre d'une manière négative. D serait, en effet, presque ridicule de laisser à un homme qui ne jouit aujourd'hui que de 54 livres de traitement, l'espoir de jouir de 600,000 livres de revenu : il serait d'ailleurs abusif de priver l'Etat pendant longtemps d'une somme si considérable, aussi votre comité n'a-t-il pas laissé une latitude indéfinie à l'espoir des invalides: il l'a borné au traitement accordé par loi du 28 mars aux invalides retirés à l'Hôtel : ainsi l'Etat commencera à bénéficier du moment où ils auront tous atteint cé maximum. Comme le point d'où votre comité est parti pour ses calculs est l'époque du 1er janvier 1791, comme dans le cours d'un an, le temps aura moissonné plusieurs invalides pensionnés ; comme il en sera entré un nombre considérable ou dans les compagnies de vétérans ou à l'Hôtel, ceux qui resteront dans les départements jouiront des le commencement de l'année 1792, d'une augmentation de solde assez sensible pour exciter leur reconnaissance ; l'espoir qui luira à leurs yeux ajoutera à leur gratitude ; et enfin la manière dont leur pension leur sera payée, vous assurera des droits imprescriptibles à leurs senti-timents affectueux.
§ 5.Des soldes, des demi-soldes, des récompenses militaires et des vétérans.
Ces militaires sont au nombre de 93,000; ils coûtent 1,322,027 l. 10 s.
Vous pourriez, Messieurs, sans donner lieu à une seule réclamation fondée, ne point chercher à améliorer le sort des soldes, des demi-soldes, des récompenses militaires et des vétérans ; ils ont tous accepté librement le traitement dont ils jouissent ; ils n'ont aucune prétention légitime à former sur l'Hôtel ; mais votre comité n'en a pas moins cru devoir leur ouvrir avec réserve, il est vrai, la porte des compagnies de vétérans ainsi que celle de l'Hôtel, et créer pour eux une tontine à laquelle ceux qui jouissent d'un traitement supérieur ne participeront que lorsque le sort des classes inférieures aura été amélioré. En agissant ainsi, les charges de l'Etat ne seront point accrues, et cependant vous adoucirez la situation d'un grana nombre de militaires, qui n'ont obtenu que 40 ou 50 livres pour fruit de leurs services.
§ 6. — Des grenadiers à cheval, des gendarmes et de leurs valets.
Les grenadiers à cheval sont au nombre de 76 ; ils jouissent de 18,253 l. 19 s.
Les gendarmes sont au nombre de 384 ; ils jouis- \ sent de 54,221 t: 13 s. 4 d.
Les valets de gendarmes sorit au nombre de 22; ils jouissent de 1,872 livres de pensiori.
Les grenadiers à cheval et les gendarmes qui avaient obtenu leur retraite ont aussi fixé les regards de votre comité. Ayant vu que parmi les premiers il y a des hommes qui ne jouissent crue ae 108 livres de pension et qu'il en est parmi les seconds qui ne jouissent que de 78 livres ; qu'il est des valets de gendarmes, qui n'ont que 36 livres de retraite, il a cru devoir vous proposer d'appliquer encore à ces trois classes ae militaires retirés l'espèce de tontine dont je vous ai parlé plus haut, en Misant toutefois subir à cette institution les modifications que la différence des services présente.
§ 7. Des officiers retirés à la suite des places.
Ces officiers sont au nombre de 224 ; ils ont 178,523 livres de pension.
Parmi les mortes-payes, votre comité acru devoir classer aussi les officiers retirés avec des pensions à la suite des places. Ces militaires ne sont, en effet, que des officiers retirés, mais à qui le despotisme* se méfiant lui-même de sa loyauté, a voulu assurer un traitement constant en les laissant attachés à l'armée active. Votre comité bien convaincu que de pareilles craintes doiyent disparaître aujourd'hui, et ne peuvent plus renaître, a pensé qu'il était de son devoir ae s'occuper de cette classe d'anciens militaires, presque tous étrangers et maltraités par la fortune; et cela, afin d améliorer leur sort et d'achever ae tirer la ligne de démarcation qui doit exister entre l'armée active et l'armée non active.
Les officiers retirés à la suite des places sont au nombre de 224; on trouve parmi eux tous les grades d'officiers depuis le maréchal de camp, jusqu'au porte-drapeau; on y trouve même des infirmiers, des guides et des caporaux de guides, ils jouissent de 178,000 livres de pension. Si cette somme était divisée en parties égales, chacun d'eux jouirait d'environ 600 livres de retraite, et tous auraient par conséquent à peu près de quoi vivre : mais comme il en est qui n ont que ^00 livres de pension ; comme il en est même qui n'en ont que 180, comme les infirmiers jouissent encore d un traitement beaucoup plus faible, votre comité a présumé que vous voudriez ajouter à ceux de ces traitements qui sont manifestement insuffisants, et il a fait, pour y parvenir une nouvelle application de la tontine militaire.
§ 8. Des militaires pensionnés, retirés en pays étrangers.
Ces militaires sont au nombre de 1,029 et coûtent 228,242 livres de pension.
Les militaires étrangers qui, après avoir consacré leurs jours à la défense de nos foyers, se sont retirés dans les leurs pour y jouir au fruit de leurs travaux, n'ont point échappé aux regards de votre comité : ils sont au nombre ae 1029 et jouissent de 228,242 livres de pension. Ces militaires ayant été traités conformément aux anciennes capitulations avec la nation helvétique ou aux anciennes lois militaires, n'ont aucune juste réclamation à faire, mais comme ici une exacte justice touche presque à l'injustice, votre comité vous proposera d'améliorer lè
sort de ceux d'entre cès étrangers qui rentre^ ront en France pour y finir leurs jours. Il a pensé qu'en mettant cette condition à vos bienfaits vous feriez un acte de législation conforme aux vrais principes de l'économie politique.
§. 9. Des veuves et des enfants d'invalides.
Les veuves et les enfants des invalides sont les derniers objets qui ont fixé l'attention de votre comité; il a pensé que vous le verriez avec plaisir vous présenter le moyen d'améliorer le sort de ces deux classes de nos concitoyens qui, par leurs infortunes, ont des droits à la commisération publique, et qui, par les vertus et les travaux de leurs époux ou de leurs pères, ont acquis des titres à la reconnaissance de la patrie. Oui, Messieurs, en attendant le moment où votre comité militaire vous présentera, comme le comité de marine a présenté au Corps constituant, le moyen d'assurer le sort de toutes les veuves et de tous les enfants des sous-officiers et des soldats, nous avons cru devoir fixer provisoirement celui des veuves et des enfants des mortes-payes. Constants dans nos principes, nous avons obéi à la voix d'une large économie, en évitant de grever dans ce moment l'Etat par de nouvelles charges ; mais la perspective que nous avons montrée, prouvera la bonté de nos intentions et allégera les peines que nous n'avons pu calmer. L'espérance, vous le savez, Messieurs, est la source des jouissances les plus douces et le calmant le plus sûr de tous les maux et de toutes lé infortunes.
Telles sont, Messieurs, les vues générales qui ont guidé votre comité dans le projet de décret que je suis chargé de vous présenter; il a espéré Sue vous approuveriez le dessein qu'il a conçu 'établir un ordre régulier dans l'armée, en séparant d'une manière invariable la force active d'avec les mortes-payes ; l'idée qu'il a eue de mettre de l'ordre dans nos finances, en distinguant avec soin tout ce qui tient à l'ancien régime, d'avec ce qui appartient au nouveau ; le désir qu'il a montré d'améliorer le sort de tous ceux ae nos anciens défenseurs qui avaient à se plaindre dés injustices des ministres, et enfin son attention à ne pas ajouter aux charges que la nation supporte.
Je ne terminerai pas, Messieurs, un rapport qui a la justice rigoureuse pour principal ODjet sans payer à M. le rapporteur du comité militaire de l'Assemblée nationale le juste tribut que je lui dois. C'est à lui qu'appartiennent la plupart des idées que je viens de vous présenter, heureux si, en tirant quelques conséquences des grands principes qu'il avait posés, je ne les ai pas assez défigurés pour leur enlever cette évidence qui m'a frappé, et qui aurait entrâîné sans doute les suffrages du Corps constituant, comme elle avait obtenu l'assentiment de son comité militaire. (Vifs applaudissements.)
Messieurs, le projet de décret a 192 articles.
Plusieurs membres : L'impression du rapport!
Un membre : La loi exige la lecture du projet de décret, je demande qu'elle soit faite comme première lecture et l'ajournement à huitaine.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
donne lecture de son projet de décret. Il est ainsi conçu :
PROJET.
PROJET DE DÉCRET
Sur les invalides retirés à VHôtel; les invalides retirés dans les départements; les invalides formant les compagnies détachées, les soldes, demi-soldes, les récompenses militaires, et les vétérans; les gendarmes et grenadiers à cheval retirés; les officiers à la suite des places ; les veuves et les enfants des invalides (1).
TITRE PREMIER.
Art. 1er. L'établissement connu sous le nom d'Hôtel des
invalides est conservé.
Art. 2. Il ne sera désormais reçu à l'Hôtel des invalides que des officiers, sous-officiers ou soldats qui auront été estropiés ou qui auront atteint l'âge de caducité, étant sous les armes, du service tant de terre que de mer.
Art. 3. Il sera créé un nombre déterminé de pensions militaires destinées aux officiers, sous-officiers et soldats, tant de terre que de mer, qui. étant susceptibles, par leur âge ou leurs blessures d'être reçus à l'Hôtel des invalides aimeront mieux jouir de ces pensions ou ne pourront être, alors, admis à l'Hôtel, parce que toutes les places en seront occupées.
Art. 4. Seront, dès à présent, admissibles à l'Hôtel, ou aux pensions destinées à le représenter :
1° Les invalides actuellement retirés à l'Hôtel; 2° Les gendarmes retirés dans l'hospice militaire de Lunéville ;
3° Les invalides formant des compagnies détachées y
4° Les invalides retirés dans les départements; 5° Les sous-officiers et soldats qui ont obtenu la récompense militaire ;
6° Ceux qui ont obtenu le brevet de vétéran de l'armée ;
7° Ceux qui ont obtenu la pension de retraite, désignée par le mot solde ;
8°Enfin ceux qui ont obtenu la pension de retraite, connue sous le nom de demi-solde.
Art. 5. Il sera versé annuellement, par la trésorerie nationale dans la caisse de l'Hôtel des invalides une somme de deux millions, qui sera destinée à l'entretien des édifices de l'Hôtel, à l'habillement et l'équipement des invalides qui y seront retirés aux frais de l'administration générale de cet établissement, et au payement des pensions destinées à le représenter.
Art. 6. La somme de deux millions ne sera susceptible d'aucune espèce de retenue, elle sera payée d'avance, mois par mois, en 12 payements égaux.
Art. 7. Le nombre des militaires qui seront admis à l'Hôtel sera annuellement fixé par le Corps législatif. Il sera, pour l'année 1792, porté à 300 places d'officiers et à 1,700 pour les sous-officiers et soldats.
Art. 8. Le nombre des pensions destinées à représenter l'Hôtel sera fixé chaque année par le Corps législatif, d'après les besoins de l'armée et le compte que lui rendra le ministre chargé de cet établissement. Dans aucune circonstance, les militaires qui les auront obtenues ne pourront en être privés, les réductions ne devant jamais être opérées que dans le cas de vacance.
Pour l'année 1792, le nombre des pensions sera fixé à deux millë.
Art. 10. Les officiers, sous-officiers ou soldats qui auront été admis à l'Hôtel des invalides, auront toujours la liberté d'en sortir avec la pension qui le représente.
Art. 11. Les officiers, sous-officiers ou soldats qui, ayant été jugés admissibles à l'Hôtel, auront opté pour la pension destinée à le représenter, auront toujours la faculté d'y rentrer; mais ils concourront pour cet objet avec le reste des officiers, sous-officiers et soldats.
Art. 12. Les officiers, sous-officiers et soldats qui auront été jugés admissibles à l'Hôtel ou à la pension, qui le représente, seront conduits à l'Hôtel, ou dans le lieu qu'ils auront choisi pour leur retraite, aux dépens de la caisse des invalides. Il en sera de même de ceux qui, après être entrés à l'Hôtel, demanderont à jouir de la pension, et enfin de ceux qui ayant opté pour la pension, obtiendront d'entrer a l'Hôtel.
Art. 13. Les officiers, sous-officiers et soldats qui, après avoir été admis à l'Hôtel des invalides et en être sortis pour jouir de la pension, demanderaient à y rentrer, pourront en obtenir l'agrément, mais ils s'y rendront à leurs frais. Ceux qui, après avoir opté pour la pension, auront obtenu d'entrer à l'Hôtel, et demanderont néanmoins de nouveau à jouir de la pension qui le représente, voyageront de même a leurs frais.
Art. 14. Les pensions destinées à représenter l'Hôtel seront :
Pour les colonels de....... 1,500 1. s. d.
Pour les lieutenants-colonels de.....................1,200 » »
Pour les commandants de bataillon....................1,000 » »
Pour les capitaines........ 800 » »
Pour les lieutenants, sous-lieutenants et porte-drapeaux.600 » »
Pour les maréchaux-des-logis en chef et sergents-majors...422 3 4
Pour les sous-officiers.....300 10 »
Pour les soldats...........240 » »
Art. 15. Les invalides admis à l'Hôtel ou à la pension n'obtiendront, dans aucun cas, après leur admission, une pension ou un traitement plus fort que celui du grade auquel ils étaient élevés au moment de leur admission.
Art. 16. Les pensions destinées à représenter l'Hôtel seront payées mois par mois, toujours d'avance, sans aucune espèce de retenue, aux dépens audit établissement, et à la diligence de ses administrateurs, par le trésorier de la commune dans laquelle le pensionnaire fera sa résidence.
L'administration de l'Hôtel présentera au Corps législatif les moyens d'exécution du présent ar-tide, pour en obtenir l'approbation.
Art. 17. Tout payement fait par anticipation à un invalide pensionné sera regardé comme non-avenu.
Art. 18. Les trois quarts des pensions destinées à représenter l'Hôtel seront insaisissables, même pour fourniture d'aliments.
Art. 19. L'Assemblée nationale confie les invalides pensionnés aux soins paternels de tous les fonctionnaires publics, et plus particulièrement, à ceux des officiers municipaux et des procureurs des communes.
Art. 20. Immédiatement après la réception du
Présent décret, le directoire du département de
aris s'occupera de la formation du tableau général des officiers, sous-officiers et soldats qui devront être admis à l'Hôtel des Invalides ou à la pension destinée à le représenter. Il se conformera, dans la composition de ce tableau, aux dispositions des articles suivants :
Art. 21. Seront admis à l'Hôtel ou à la pension qui le représente :
1° Tous les invalides qui étaient retirés à l'Hôtel à l'époque du 28 mars 1791 ;
2° Les gendarmes retirés dans l'hospice militaire de Lunéville ;
3° Les invalides formant les compagnies détachées qui seront reformées ;
4° Les invalides formant les compagnies détachées qui seront dans le cas prévu par l'article 2 du présent décret;
5° Les officiers, sous-officiers et soldats, actuellement en activité de service, tant dans les troupes de ligne et les gardes nationales volontaires que dans les troupes et gens de mer, qui se trouveront dans le cas prévu par ledit article 2 ;
6° Les invalides retirés dans les départements.
7° Les sous-officiers et soldats qui se sont retirés avec la solde;
8° Les sous-officiers et soldats qui se sont retirés avec la demi-solde.
On observera d'accorder la préférence aux plus âgés de ceux gui auront été mutilés à la guerre, jusqu'au dernier, ensuite, par rang d'ancienneté de service, en préférant, à égalité de service, ceux qui seront les plus âgés.
Les invalides qui ont été admis à l'Hôtel depuis l'époque du 28 mars 1791, ne devant point être considérés comme faisant partie des invalides retirés à l'hôtel, ne seront point compris dans le premier paragraphe de cet article; ils ne concourront qu'avec ceux de la classe dans laquelle ils se trouvaient à l'époque du 28 mars 1791.
Art. 22. Pour mettre le directoire du département de Paris à portée de composer ce tableau, les ministres de la guerre et de la marine adresseront, sous 15 jours, à ce corps administratif l'état ae tous les officiers, sous-officiers et soldats qui, conformément au présent décret, seront dans le cas d'être admis à l'Hôtel ou à la pension qui le représente.
Art. 23. Les états que les ministres de la guerre et de la marine adresseront au directoire du département de Paris, seront conformes aux modèles annexés au présent décret.
Pour accélérer et assurer encore davantage la confection du tableau des invalides, l'administration de l'Hôtel remettra, immédiatement après la publication du présent décret, les contrôles de J'Hôtel au directoire du département.
Art. 24. Le directoire du département de Paris ne portera, ainsi qu'il est prescrit, articles 7 et 8, le tableau général de l'année 1792, qu'à quatre mille places, y compris les pensions représentant l'Hôtel ; mais il joindra un état, rédigé dans le même ordre, de 500 militaires destinés à occuper les places qui vaqueront dans le cours de l'année. Les suppléants entreront en jouissance au plus tard un mois après la vacance de la place ou de la pension.
Art. 25. Avant de former l'état particulier des invalides qui devront être admis à l'Hôtel et de ceux qui jouiront de la pension, le directoire du département s'assurera au vœu de chacun d'eux, et pour cela, il leur adressera une invitation d'opter entre l'Hôtel et la pension.
Art. 26. Tout invalide qui n'aura pas fait connaître son vœu dans l'espace d'un mois, à dater du jour de l'invitation, sera censé avoir préféré la pension.
Art. 27. Un mois après le départ des invitations d'opter, le directoire du département dressera l'état définitif des invalides qui devront habiter l'Hôtel, et de ceux qui jouiront de la pension.
Art. 28. Si le nombre des invalides qui désireront habiter l'Hôtel est plus grand que celui des places à donner, le directoire choisira parmi eux, et donnera la préférence à ceux qui, par leur âge, leurs infirmités, leurs blessures et leur isolement social, mériteront le plus d'obtenir les places de l'Hôtel.
Art. 29. Si le nombre des invalides qui désireront habiter l'Hôtel est moins grand que celui des places à donner, lesdites places resteront vacantes; et il leur sera de suite substitué un nombre au moins égal de pensions.
Il en sera usé de même toutes les fois qu'un invalide, habitant à l'Hôtel, aura demandé, par écrit et 8 jours d'avance, l'agrément, qui jamais ne pourra lui être refusé, d'aller jouir de la pension.
Art. 30. Dès que la liste que le directoire du département de Paris aura dressée, en vertu du
{présent décret, aura été approuvée par le Corps égislatif, eUe sera rendue publique par la voie de l'impression, et 3 exemplaires en seront adressés à chaque district du royaume par l'intermédiaire de leurs départements respectifs. Cette liste contiendra tous les détails qui auront été fournis au directoire par les ministres de la guerre et de la marine et par l'administration de l'Hôtel.
L'impression de ladite liste sera faite aux dépens de l'administration de l'Hôtel.
Art. 31. Le directoire du département de Paris formera de même chaque année, dans le cours du mois de décembre, sur la présentation de l'administration de l'Hôtel, une liste semblable, qui sera mise sous les yeux du Corps législatif par le ministre chargé de l'Hôtel des invalides.
Art. 32. Le directoire du département de Paris pourra, lorsque l'expérience l'aura éclairé, et lorsque, par ses soins, il aura amélioré le régime intérieur de l'Hôtel des invalides, porter a un nombre plus considérable la liste des invalides, fixée, pour cette année, à 4,000, en observant de réserver toujours les 200 places ou pensions prescrites par l'article 9, et de ne point oublier qu'une administration sage ne se permet jamais aucune espèce d'anticipation.
Art. 33. Une des listes que le directoire du département de Paris aura fait passer à chaque district de l'Empire sera, à la diligence du procureur syndic du district, successivement adressée à chaque municipalité de son territoire, et y restera déposée pendant 15 iours, afin que tous les citoyens, et surtout tous les militaires qui pourront avoir des prétentions à l'Hôtel ou a la pension, puissent juger de la validité de leurs droits.
Ceux qui se croiront lésés, ou qui penseront avoir des réclamations à faire les adresseront à leurs municipalités, qui, après avoir délibéré sur les faits exposés, les feront passer au directoire du département, par l'intermédiaire du district : le directoire du département les adressera, avec son avis, à l'administration générale de l'Hôtel.
Art. 34. Le ministre de la guerre et celui de la marine adresseront chaque année, et le 1er décembre au plus tard, à 1 administration de l'Hôtel, un état visé et signé par ceux des officiers,
sous-officiers et soldats qu'ils jugeront devoir être admis à l'Hôtel. Cet état sera rédigé de la même manière que celui qui est prescrit article 23 du présent décret.
A cet état seront jointes les pièces suivantes :
1° Le mémoire de l'officier, sous-officier ou soldat dans lequel il fera connaître son âge, le nombre de ses années de service, le grade dans lequel il sert, les campagnes qu'il a faites, les blessures qu'il a reçues, les infirmités dont il est affecté : il y exposera encore l'objet de sa demande et les motifs sur lesquels elle est fondée.
2° L'opinion des officiers de la compagnie sur cette demande ;
3° L'opinion des officiers de santé du régiment et de l'hôjpital militaire ;
4° L'opinion du conseil d'aministration ;
5° Le vu du commissaire des guerres ;
6° L'approbation de l'officier général chargé de l'inspection.
Ces différentes opinions ou certificats seront mis au bas du mémoire et dans l'ordre ci-dessus indiqué.
Art. 35. Si les faits énoncés dans les pièces mentionnées article 34 étaient reconnus et constatés ou faux ou exagérés, les signataires en seraient personnellement et solidairemént responsables et, en conséquence, condamnés, à la diligence de l'administration de l'Hôtel, à verser dans la caisse dudit hôtel et pendant la vie du militaire pensionné une somme égale à la pension qui lui aura été indûment attribuée. Les signataires contribueront au payement de cette pension au prorota de leurs appointements.
Art. 36. Au moyen de 2 millions, affectées par l'article 5 du présent décret, les indemnités dont jouissait l'Hôtel des invalides sur les fermes générales sont supprimées ; il en est de même aes pensions d'oblats. Les 2 millions placés sur l'Etat sont censés acquittés. Les terrains ci-devant en location au profit de l'Hôtel sont déclarés nationaux et seront vendus ou loués comme tels, en observant néanmoins de conserver tous ceux qui Êourront contribuer à l'agrément ou à la salu-rité de l'Hôtel.
Art. 37. Toutes les pensions qui étaient ci-devant payées par la caisse des Invalides, le seront à l'avenir sur les fonds destinés aux pensions : il en sera de même de toutes les retraites qui seront accordées à l'état-major actuel des invalides, et aux agents de l'administration qui ne seront point conservés dans leurs fonctions.
Il ne pourra, à l'avenir et sous aucun prétexte, être accordé aux agents de l'administration aucune espèce de pension de retraite sur les fonds de l'Hôtel, et nulne pourra en tirer un traitement plus fort que celui qui aura été fixé par les décrets du Corps législatif.
Art. 38. Les invalides demeurant à l'Hôtel recevront, pour leurs menus besoins, indépendamment des fournitures ordinaires, les pensions suivantes :
Les colonels................501. par mois. 600 liv.
Les lieutenants-colonels.................................30 — 360
Les commandants de
bataillon.................20 — 240
Les capitaines............16 — 192
Les lieutenants..........12 — 144
Les maréchaux de
logis chef............ 8 — 96
Les sous-officiers... 6 — 72
Les soldats.........5 — 60
TITRE II.
De Vadministration intérieure de l'Hôtel.
SECTION Ire.
Du conseil d'administration.
Art. 1er. Les citoyens admis à l'Hôtel des invalides ne seront
tenus à aucune espèce d'exercice ni service militaire; chacun d'eux conservera néanmoins, à
l'instar des vétérans nationaux, un esponton pour arme.
Art. 2. A dater du jour de la publication du présent décret, l'Hôtel des invalides fera partie au département du ministère de l'intérieur.
Art. 3. L'administration générale de l'Hôtel sera confiée, sous la surveillance du département de Paris, à un conseil électif composé ainsi qu'il sera dit ci-après. , ,
Art. 4. Les membres de l'administration générale de l'Hôtel seront divisés en deux sections : l'une connue sous le nom de çonseil général, et l'autre sous celui du bureau administratif.
Art. 5. Le conseil général sera composé de 37 membres, savoir: deux administrateurs du département de Paris, 4 officiers municipaux ou notables de la ville de Paris, 1 commissaire du roi inspecteur, et 30 militaires retirés à l'Hôtel.
Art. o. Les 2 administrateurs du département de Paris seront élus au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages, par le conseil du département; il en sera renouvelé un chaque année, la première fois au sort, et ensuite au tour d'ancienneté.
Art. 7. Les officiers municipaux ou notables de la commune de Paris seront élus par le conseil général de ladite commune au scrutin individuel et à pluralité absolue des suffrages. U en sera renouvelé 2 chaque année, la première fois au sort, et ensuite à tour d'ancienneté.
Art. 8. Les militaires résidant dans l'Hôtel, qui devront, avec les administrateurs du département et les membres de la commune de Paris, former le conseil général de l'Hôtel, seront élus
Ï>ar tous les invalides au scrutin individuel et à a pluralité absolue des suffrages.
Art. 9. Les assemblées tque les invalides devront tenir pour élire leurs administrateurs, se formeront le premier lundi de chaque année; eHes seront soumises aux mêmes lois que le reste des assemblées électorales du royaume.
Art. 10. Les conditions nécessaires pour être éligible seront de résider dans l'Hôtel depuis deux ans, et de savoir lire et écrire.
Art. 11. Les administrateurs élus seront renouvelés par moitié tous les ans, la première fois au sort, et ensuite à tour d'ancienneté.
Art. 12. Les administrateurs pourront être continués par une nouvelle élection ; mais ensuite ils ne pourront être réélus qu'après un intervaUe de deux ans.
Art. 13. Le commissaire du roi, inspecteur de l'Hôtel, sera nommé à vie par Sa Majesté; il ne pourra être destitué que pour forfaiture dûment jugée par juges compétents.
Art. 14. Le conseil général nommera, dès sa première séance, un président ; mais il ne pourra le choisir qu'entre les deux administrateurs du département de Paris, membres dudit conseil.
Le conseil nommera ensuite un vfce-président, mais il ne pourra le choisir que parmi le 4 membres de la commune de Paris, membres dudit conseil.
Art. 15. Le conseil nommera ensuite, au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages, un économe de l'Hôtel et un secrétairé-trésorier.
Le premier sera élu pour 4 ans, le second pour 6 ans ; l'un et l'autre pourront être continués par de nouvelles élections.
Art. 16. L'économe dë l'Hôtel fournira un cautionnement en immeubles qui s'élèvera à la somme de 40,000 livres.
Le secrétaire-trésorier fournira un cautionnement qui s'élèvera à la somme de 250,000 livres.
Ces différents cautionnements seront soumis aux mêmes formalités que les cautionnements des receveurs de district. Ils seront vérifiés à la diligence du commissaire-inspecteur.
Art. 17. Le traitement de l'économe sera de 5,000 livres, celui du secrétaire-trésorier sera de 8,000 livres; l'un et l'autre seront logés à l'Hôtel.
Art. 18. Le conseil d'administration tiendra une séance le premier lundi de chaque mois, et plus souvent s il le juge convenable, ou s'il en est requis, soit par le bureau soit par le commissaire-inspecteur.
Art. 19. Le conseil fixera les règles de l'administration, ordonnera les dépenses, et prescrira les règles générales de police. Il recevra, tous les mois, les comptes du bureau, et vérifiera l'état des différentes caisses.
Art. 20. Le commissaire du rOi, inspecteur de l'Hôtel, assistera à toutes les séances du Conseil et du bureau, mais sans voix délibératiye. Il ne pourra être pris aucune délibération sans qu'il ait été entendu, Il fera toutes les réquisitions qu'il croira utiles. Ces réquisitions, sur lesquelles le conseil délibérera toujours, seront si le commissaire du roi te demande, inscrites sur lé registre des délibérations.
Art. 21. Le commissaire du roi, inspecteur de l'Hôtèl, ne sera chargé d'aucune partie d'exécution et n'aura, dans aucun Cas, aucun ordre à donner.
Art. 22. Le traitement du Commissaire du roi sera dé 10,000 livres. Il sera logé à l'Hôtel.
Art. 23. Lorsque le commissaire du roi sera absent, il sera remplacé par l'un , des1 officiers municipaux ou notables de la commune de Paris, membres du conseil.
Arti 24. Le commissaire du- roi pourra* lorsqu'il le jugera convenable, s'opposer à l'exécution des arrêtés pris par le conseil d'administrà-tion. Son opposition 'motivéé sera présentée au directoire du département de Paris,- qui jugera en dernier ressort, après avoir entendu contra-dictoirement le commissaire du roi et l'un des membres du conseil général de l'administration de l'Hôtel.
Lorsque le commissaire du roi aura laissé écouler deux jours sans s'opposer à une délibération, il ne pourra plus en suspendre directement l'effet ; mais il pourra se pourvoir, dans le mois, par devant le directoire du département de Paris, afin d'en obtenir la cassation.
Art. 25. Le secrétaire-trésorier sera chargé de rédiger les délibérations du conseil et du bUreati administratif ; il pourra se faire suppléer par un commis qu'il salariera.
La place de secrétaire, pourra même, si le conseil le jugé convenable, être distincte de celle du trésorier.
Le trésorier ne fera aucun achat ni marché, et il ne pourra, dans aucun cas, faire un payement au-dessus de 100 livreé, si le mandat dé l'éco-
nome n'est visé par le président ou le vice-président du bureau administratif.
Art. 26. Le secrétaire-trésorier recevra de la Trésorerie nationale tous les fonds qui seront confiés par les décrets à l'administration de l'Hôtel. H fera tous les payements d'après les mandats de l'économe ae l'Hôtel, visés, ainsi qu'il est dit ci-dessus.
Art. 27. L'économe de l'Hôtel sera chargé de tous les achats, mais, dans aucun cas, il ne sera fait aucun payement. Les comptes seront vérifiés sur pièces et registres, le premier lundi de chaque semaine, par le bureau administratif; ils seront visés par le conseil le premier lundi de chaque mois et définitivement arrêtés chaque année par le directoire du département de Paris.
Les marchés faits par l'économe, qui s'élèveront au-dessus de 1,000 livres, ne seront obligatoires que lorsqu'ils auront été approuvés par le bureau administratif.
Art. 28. L'économe et le trésorier seront entendus dans le conseil et dans le bureau, toutes les, fois qu'ils le demanderont, sur les objets de leur administration, ou lorsqu'ils seront requis de aonner des renseignements. Ils pourront, lorsque le conseil ou le bureau le jugeront convenable, être entendus sur des objets étrangers à ceux qui leur sont confiés.
Art. 29. Les séances du conseil et du bureau seront publiques. Toute délibération prise à huis clos sera nulle, et les dépenses qui en auront résulté seront à la charge du commissaire du roi, s'il ne s'y est pas formellement opposé. Dans le cas d'opposition de la part du commissaire du roi, elles seront à la charge des membres du conseil qui né Se seront point inscrits contre la délibération, en refusant de la signer.
Art. 30. Le directoire du département de Paris vérifiera et arrêtera, chaque année, les comptes de recette et de dépense de l'Hôtel sur registres, journaux et pièces ; et il prescrira les règles d'ad-rpmistration. Nulle dépense extraordinaire ne pourra être faite sans son autorisation préalable.
LeS comptes de recette et de dépense de l'Hôtel seront, chaque année, rendus publics par la voie de l'impression.
SECTION II,
Du bureau administratif.
Art. 1er. Le bureau administratif de l'Hôtel sera composé de
l'administrateur du département de Paris, qui n'aura pas été élu président, du conseil, d'un
officier municipal, Ou notable de la commune de Paris, et de 6 militaires, membres du conseil
d'administration.
L'administrateur du département de Paris sera président du bureau, et l'officier municipal en
sera vi ce-président.
Art. 2. Les membres du bureau seront élus au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages par le conseil d'administration et parmi ses membres.
Art. 3. Les fonctions du bureau seront :
1° De faire jouir les invalides des avantages attachés à la salubrité de l'air, et à la propreté des édifices, cours, etc. ;
2® De veiller sur la quantité, la qualité, la préparation et la distribution des aliments et des remèdes:
3° De raire donner aux malades, aux estropiés et aux infirmes tous les soins que leur état exige et que l'humanité commande ;
4° De surveiller les achats et toutes les consommations ;
5° De porter une attention particulière à l'achat des habits et du linge;
6° D'empêcher les petites dégradations des édifices, et de prévenir les grandes par une continuelle surveillance ; en un mot, de faire exécuter, avec exactitude et ponctualité, les lois et les règlements, ainsi que les ordres donnés, soit par le directoire du département, soit par le Conseil d'administration.
Art. 4. Le bureau distribuera, entre ceux de ses membres pris dans l'Hôtel, les différents détails d'administration, afin que chacun d'eux soit plus particulièrement chargé d'une ou plusieurs Earties, dont il sera personnellement responsa-le au bureau.
Art. 5. Le bureau s'assemblera les lundi et jeudi de chaque semaine; il s'assemblera plus souvent, s'il le juge convenable, s'il en est requis par le commissaire-inspecteur, ou si l'ordre lui en est donné par le conseil.
Art. 6. Chacun des membres du bureau administratif et du tribunal de famille, pris dans l'Hôtel, recevra pour indemnité une somme de 288 livres ; la totalité de ces différents traitements sera payée mois par mois, et en raison du nombre des séances du bureau et du tribunal auxquelles chaque membre aura assisté.
Les deux administrateurs du département de Paris et les quatre membres de la commune auront, pour indemnités, les premiers un traitement égal à Celui qui est accordé par la loi du 11 septembre 1790 aux membres du directoire du département de Paris, et les seconds à celui qui est accordé aux membres d'un directoire de district.
SECTION III.
De la force publique de l'Hôtel des invalides.
Art. 1er. Il sera chaque jour fourni pour la garde de l'Hôtel,
par la garde nationale parisienne ou les troupes de ligne en garnison à Paris, un détachement
composé de 50 fantassins et de 10 cavaliers; le tout commandé par un capitaine.
Art. 2. Ce détachement fournira, pour la tranquillité et la sûreté de l'Hôtel, le nombre de sentinelles ou vedettes qui auront été fixées par le conseil d'administration. , Ce détachement obéira à toutes les réquisitions qui lui seront faites par écrit, soit par le conseil d'administration, soit par le bureau, soit par le tribunal dont il sera parlé ci-après.
SECTION IV
Du tribunal de famille.
Art. Toutes les contestations qui s'élèveront dans l'Hôtel des invalides entre les militaires qui y seront retirés, seront portées, en première instance, par devant un tribunal qui sera désigné par le nom de tribunal de famille.
Art. 2. Le tribunal de famille sera composé de deux officiers municipaux, ou notables de la commune de Paris, qui n'auront point été choisis pour le bureau ou le conseil et 6 des militaires qui habiteront dans l'Hôtel.
Art. 3. Les 6 militaires qui devront composer le tribunal de famille seront élus après les membres du conseil d'administration, par les mêmes électeurs, pour le même temps et de la même manière.
Art. 4. L'un des deux officiers municipaux ou notables sera président et l'autre vice-président du tribunal de famille. En l'absence des officiers municipaux au notables, le tribunal de famille sera présidé par le militaire le plus ancien d'âge.
Art. 5. Le tribunal de famille s'assemblera deux fois par semaine, le lundi et le jeudi.
Le tribunal s'assemblera extraordinairement toutes les fois qu'il en sera requis par un des habitants de l'Hôtel ou par le commissaire du roi, Art. 6. Le tribunal de famille prononcera dans les affaires contentieuses, après avoir entendu les parties, pris les connaissances qu'il croira nécessaires, et entendu le commissaire du roi.
Art. 7. Toutes les fois qu'un habitant de l'Hôtel aura contrevenu aux règlements de police ou de discipline intérieure, il sera traduit devant le tribunal de famille qui, après avoir entendu les témoins, fait vérifier les faits et ouï le commissaire du roi, prononcera : l°si la faute a été commise; 2° si le citoyen accusé en est coupable; 3° quelle est la peine que le coupable a encourue.
Art. 8. Les jugements portés par le tribunal de famille seront exécutoires par provision, sauf appel, dans l'ordre prescrit ci-après.
Art. 9. L'appel de toutes les affaires contentieuses sera porté par devant le tribunal de district, dans l'arrondissement duquel l'Hôtel des invalides est situé.
L'appel des contestations relatives à l'administration sera porté devant le conseil administratif, il en sera de même des appels des jugements contre les habitants de l'Hôtel, accusés d'avoir manqué au règlement de l'Hôtel.
Art. 10. Le tribunal de famille renverra aux tribunaux compétents tous les coupables accusés d'actions placées par les lois du royaume au rang des délits ou des crimes.
Art. 11. Le tribunal de famille ne pourra, sous aucun prétexte, connaître que comme arbitre, des affaires dans lesquelles un citoyen étranger à l'Hôtel serait impliqué ou intéressé.
Art. 12. Toutes les fois qu'un habitant de l'Hôtel aura des plaintes à porter contre l'un des membres du nureau, ou contre le bureau lui-même, il se pourvoira par devant le conseil d'administration.
Art. 13. Toutes les fois qu'un habitant de l'Hôtel aura des plaintes à porter contre les membres du conseil, ou contre le conseil lui-même, il se pourvoira par devant le directoire du département de Paris, qui prononcera définitivement et en dernier ressort.
SECTION V.
De la formation des règlements de police et d'administration intérieure, du Code pénal et de la réception des comptes des précédents administrateurs.
L'Assemblée nationale voulant assurer le redressement de tous les griefs dont les invalides peuvent avoir à se plaindre; faire disparaître tous les abus qui se sont introduits dans l'administration dudit établissement, et en prévenir le retour, pourvoir à ce que l'Hôtel soit régi par les règlements les plus analogues à la Constitution française, aux mœurs et à la position des hommes qui doivent l'habiter ; faire rentrer enfin dans les coffres de l'Etat toutes les sommes qui pourraient être entre les mains des anciens administrateurs, décrète ce qui suit :
Art. 1er. Le comité militaire adressera au conseil
d'administration de l'Hôtel des invalides, im-
médiatement après sa formation, toutes les plaintes, pétitions et mémoires gui lui ont été envoyés, soit par les citoyens qui ont voulu concourir à la perfection de cet établissement, soit
§ar les invalides qui ont porté des plaintes, ou
énoncé des abus, soit par le ministre delà guerre. Les précédents administrateurs de l'Hôtel remettront de même au conseil, lors de la première session, tous les papiers, cartons, livres et registres relatifs à l'administration : les créanciers ae l'Hôtel lui feront parvenir, sous quinzaine, la note des sommes qu ils ont à répéter.
Art. 2. Immédiatement après son organisation, le conseil procédera, par des commissaires pris dans son sein, à l'inventaire général des meubles, effets et denrées existant dans l'Hôtel. Ces commissaires en fourniront leur récépissé auxanciens administrateurs qui, dès lors, cesseront toutes les fonctions dont ils sont actuellement chargés.
Art. 3. L'une des premières fonctions du conseil sera de rédiger les règlements qu'il jugera nécessaires, soit pour faire disparaître les anciens abus, soit pour prévenir la naissance de nouveaux. Il s'occupera principalement de la police intérieure, du Gode pénal, de l'ordre à établir dans la comptabilité, des détails de l'administration, de tous les objets en un mot qui pourront assurer aux citoyens retirés dans cet asile, la tranquillité et le sort agréable que la patrie leur doit et dont elle veut les faire jouir.
A mesure que le conseil statuera sur chacun des différents objets qui lui sont délégués, il en prescrira l'exécution, et il en adressera une copie en forme au département de Paris.
Art. 4. Le directoire du département de Paris, après avoir, entendu ceux ae ses membres qui auront été nommés administrateurs de l'Hôtel, adressera au roi lesdits règlements, avec son avis, afin d'en obtenir l'approbation définitive.
Art. 5. Dès que le conseil d'administration aura rédigé tous les règlements nécessaire à l'Hôtel ; il s'occupera de la réception des comptes des précédents administrateurs. Ces comptes, lorsqu'ils auront été visés par le conseil, seront vérifiés par le directoire du département de Paris, et Sar lui adressés au Corps législatif, pour être éfinivement arrêtés.
Art. 6. Le conseil présentera de même, chaque année, au roi, par 1 intermédiaire du directoire du département de Paris, la note des changements qu'il croira utiles, afin de conduire avec promptitude cet établissement au degré de perfection qu'il est susceptible d'atteindre.
TITRE III.
Des compagnies de vétérans.
Art. 1er. Il sera formé un corps composé de 5,000 hommes,
destiné à remplacer les compagnies d'invalides détachées.
Art. 2. Nul ne devant être admis dans ce corps avant d'avoir servi 20 ans et obtenu la vé-térance militaire, les membres qui la composent seront nommés vétérans nationaux.
Art. 3. Le corps des vétérans sera divisé en 100 compagnies de 50 hommes chacune, y compris les officiers, sous-officiers et tambours.
Art. 4. 12 de ces compagnies seront uniquement formées d'officiers, sous-officiers et soldats, qui auront servi dans l'artillerie ; et les 88 restantes d'officiers, sous-officiers et soldats qui auront servi dans les autres corps de l'armée.
Art. 5. Chacune de ces compagnies sera composée de :
Capitaine..................................................1
Lieutenant......................1
Sergent-major...................1
Sergents..................................................2
Caporal-fourrier...................1
Caporaux................................................4
Tambour..................................................1
Fusiliers..................................................39
Total............50
Art. 6. Lors de la prochaine formation des compagnies de vétérans, on n'y admettra que des officiers, des sous-officiers ét soldats actuellement employés dans les compagnies d'invalides détachées. Iîans le cas où les compagnies détachées ne pourraient fournir un nombre assez grand d'officiers, sous-officiers et soldats pour compléter les corps des vétérans, on y admettra des invalides retirés dans les départements.
Art. 7. Pour former les compagnies de vétérans, on donnera la préférence aux officiers, sous-officiers et soldats les plus en état de servir. Le choix des hommes qui devront les composer, est confié au ministre ae la guerre.
Art. 8. Les places de capitaine seront toujours données à des capitaines ; celles de lieutenant à des lieutenants ; celles de sergent-major à des sous-officiers désignés par le nom de maréchaux de logis en chef, ou sergents-majors ; celles de sergent à des sergents ou maréchaux de logis ; et celles de caporal à des caporaux ou ûri-gadiers.
Art. 9. Les militaires qui seront compris dans les compagnies de vétérans seront considérés comme en activité de service, et en cette qualité, ils seront susceptibles d'obtenir les décorations militaires et les autres récompenses, que la nation accorde aux défenseurs de la patrie.
Art. 10. Les vétérans, lorsqu'ils ne pourront plus continuer leurs services, obtiendront ou l'hôtel s'ils doivent y être admis, ou leur pension de retraite, sur le pied fixé par la loi du 3 août 1790. Tout militaire qui sera admis dans les compagnies des vétérans nationaux, aura l'hôtel ou sa retraite du moment où il aura atteint sa 60e année.
Art. 11. Les officiers, sous-officiers ou soldats, formant actuellement les compagnies d'invalides, qui ne seront point compris dans la nouvelle formation des compagnies de vétérans seront, à leur choix, admis ou à l'hôtel des invalides ou à la pension qui le représente.
Art. 12. Jusqu'au moment où tous les invalides, retirés dans les départements, auront été appelés à l'Hôtel ou à la pension qui le représente, ils concourront pour moitié dans les remplacements à faire dans les compagnies de vétérans. Les sous-officiers et soldats qui ont obtenu la vétérance, la récompense militaire, la solde ou la demi-solde, concourront dans le même remplacement pour un quart, et l'armée pourl'autre quart. Du moment où les différentes classes de militaires retirés seront épuisées, la totalité des remplacements appartiendra à 1 armée.
Art. 13. On n'occupera jamais, en entrant dans les compagnies de vétérans, que le grade que l'on remplissait dans l'armée depuis 2 ans au moins ; celui qui n'aura pas 2 ans de services dansée grade, ne sera employé que dans le grade inférieur.
Art. 14. La moitié des places d'officier et sous-
officier, qui, à l'avenir, deviendront vacantes, sera donnée dans chaque compagnie au plus ancien officier ou sous-officier du gradé inférieur : l'autre moitié sera à la nomination du roi, en suivant les formes prescrites par les articles 2 et 8 du présent titre.
Art. 15. Nul militaire en activité ne sera admis dans les compagnies de vétérans, qu'il n'ait 24 ans de services révolus et qu'il n'ait été reconnu dans l'impossibilité de continuer son service dans. l'armée de ligne. Cette . impossibilité sera constatée dans les formes et certifiée de la manière prescrite, dans les articles 34 et 35 du titre premier du présent décret.
Art. 16. La solde des compagnies de Canonniers sera réglée sur le pied de celle du corps d'artillerie; celle des compagnies de fusiliers le sera sur le pied de celle de l'infanterie ; il en sera de même des masses d'habillements, de réparations, de boulangerie, de bois et lumière, et d'hôpitaux. Les appointements des capitaines seront les mêmes que ceux des capitaines de la 5e classe, et ceux des lieutenants les mêmes que ceux des lieutenants de la seconde classe.
Art. 17. Il sera versé chaque année par la trésorerie nationale en 12 payements égaux, entre les mains du ministre de la guerre, une somme égale à la totalité de la solde et des masses destinées aux compagnies de vétérans nationaux. La totalité de cette somme sera répartie entre les différentes compagnies et versée par le ministre de la guerre entre les maiiis des receveurs de districts dans lesquels ces compagnies seront en garnison.
Art. 18. Chaque compagnie sera administrée par un conseil compose ae 2 officiers, 2 sous-officiers et 2 soldats vétérans. Ce conseil sera présidé par l'un des membres du directoire de district, le procureur-syndic y assistera, et sera entendu sur toutes les affaires qui s'y traiteront.
Le secrétaire du district servira auprès de ce conseil et en tiendra les registres.
Art. 19. Ce conseil sera chargé de tout Ce qui concernera la nourriture, l'habillement, l'équipement et le logement. Les règlements de discipline et de police des vétérans nationaux seront faits par le roi.
Art. 20. Les directoires des départements vérifieront chaque année les comptes de l'administration des compagnies et les arrêteront définitivement.
Art. 21. Les compagnies de vétérans nationaux ne changeront de garnison et ne sortiront de l'étendue du département dans lequel elles seront fixées, qu'en vertu d'un décret du Corps législatif, les commandants militaires pourront néanmoins, sur la réquisition des directoires des départements voisins, lès transporter, momentanément où la tranquillité publique l'exigera.
Art. 22. Les commandants militaires inspecteront les compagnies de vétérans au moins deux fois chaque année ; les commissaires des guerres les passeront en revue 4 fois par an, et aux mêmes époques que les troupes ae ligne.
Art. 23. Le commandant militaire fixera, de coucert avec les corps administratifs, le service ordinaire des vétérans nationaux ; il l'établira de telle manière qu'ils ne montent jamais la garde plus d'une fois par semaine, et qu'ils ne fassent de patrouilles que lorsqu'ils seront de garde.
Art. 24. Cet ordre ne sera interverti que lorsque la tranquillité publique l'exigera, et d'après les réquisitions formelles du directoire du département.
Art. 25. Le logement sera fourni aux compagnies de yetérans par les départements dans lesquels elles seront en garnison.
Art. 26, Les invalides seront reçus dans les hôpitaux du lieu de leur résidence au moyen de leur pavé journalière.
Art. 27. II sera placé une compagnie de vétérans nationaux dans chacun des cnefs-lieux de département.
Les 12 compagnies de canonniers seront répandues sur les côtes, et les 5 compagnies restantes seront placées là où le ministre de la guerre le jugera convenable, en se conformant néanmoins à l'esprit des articles suivants.
Art. 28. Les compagnies détachées seront remplacées, dans les villes et châteaux qu'elles gardent actuellement et où il sera nécessaire de tenir une garnison, par des détachements de troupes de ligne fournis par les garnisons les plus voisines.
Art. 29. Les compagnies de canonniers seront placées sur les côtes et répandues dans les différents ports, de préférence dans les lieux où il n'y a point de troupes de ligne en garnison ; elles ne pourront néanmoins, hors le temps de guerre, être placées dans les forts ou châteaux bâtis dans la mer, tels que le château du Taureau, le mont Saint-Michel, Porquerolle, etc.
Art. 30. Les compagnies de canonniers vétérans nationaux seront administrées et régies de la même manière que les compagnies de fusiliers-vétérans nationaux.
Art. 3j. Chaque compagnie de vétérans nationaux sera désignée par un riuméro différent, à commencer par le numéro 1. Leur rang sera tiré au sort.
Art. 32. Les vétérans nationaux porteront l'habit national avec boutons blancs sur lesquels OU lira ces mots : vétéran national.
Art. 33. On placera, autant que faire se pourra, les vétérans nationaux dans les départements pour lesquels ils opteront, ou dans lesquels ils auront pris naissance.
Art. 34. Le roi sera invité de faire connaître s'il veut conserver pour son usage et à sa solde des Compagnies de vétérans nationaux, et le nombre dont il a besoin.
Art. 35. Les vétérans nationaux jouiront dans tout le royaume des prérogatives accordées par l'article 34 de la section 2 au décret du 28 juillet; mais ils ne pourront prétendre à être placés et appelés qu'immédiatement après les vétérans des gardes nationales du lieu.
Art. 36. Il sera donné, par forme d'indemnité, lors du prochain changement de garnison, un demi-mois de solde à chacun des invalides formant les compagnies détachées; un mois entier à ceux qui sont mariés ; un mois et demi à ceux qui ont des enfants, et 2 mois entiers à ceux qui ont plus de 3 enfants.
TITRE IV.
Invalides retirés dans les départements.
Article lor. Les militaires qui se sont retirés dans les départements après avoir été admis à l'Hôtel des invalides, ou en avoir obtenu le brevet, seront appelés a l'Hôtel ou à la pension qui le représente, à mesure qu'il y aura des places ou des pensions vacantes, pourvu toutefois que par leur âge, leurs infirmités, leurs blessures et leurs services, ils se trouvent dans le cas prévu par les articles 2 et 21 du titre I*r du présent dé-
cret. Ils pourront de même, aux termes des articles 12 et 14 du titre III du présent décret, être admis dans les compagnies de vétérans.
Art. 2. Il sera verse, chaque année, dans la caisse des invalides, une somme de 707,124 livres destinée au payement des pensions de retraite, dés officiers, sous-officiers et soldats invalides retirés dans les départements. Avec cette somme, on payera d'abord les pensions de retraite sur le pied actuel, et l'excédent sera réparti de la manière suivante.
Art. 3. Cette somme sera divisée en trois portions, savoir : 224,170 livres pour les officiers invalides, 214,088 livres pour les sous-officiers et 268,866 livres pour les soldats.
Art. 4. N'auront un droit à la répartition de l'excédent les officiers invalides, qui ont 225 livres de pension, que du moment où tous ceux qui n'ont que 2^0 livres jouiront de 225 livres, ceux qui jouissent dé 250 livres, que lorsque lés classes inférieurés jouiront de 250 livres, ainsi de suite.
Art. 5. La somme de 224,170 livres sera accordée pour les pensions des officiers d'invalides jusqu'au moment où ils jouiront tous d'une pension égale à celle qui est accordée par l'article 14 du titre Ier du présent décret aux officiers retirés à l'hôtel.
Art. 6. N'auront une part à la répartition de l'excédent, les sous-officiers invalides qui ont 90 livres de pension, jusqu'au moment Où toùs ceux qui n'en ont que 72, jouiront de 90, ceux qui jouissent de 96 livres, que du moment où toutes les classes inférieures jouiront de 96 livres, ainsi de suite.
Art. 7. La Sommé de 214,088 livres sera accordée pour les pensions des sous-officiers
invalides jusqu'au moment où ils jouiront tous d'une pension égale à celle qui est accordée
par l'article 14 du titre Ier du présent décret.
Art. 8. L'excédent de la somme de 268,866 livres sera répartie également entre tous les soldats invalides retirés, jusqu'au moment Où ils jouiront tous d'une pension égale à celle qui leur aurait été attribuée s'ils eussent habité l'Hôtel.
Art. 9. L'Etat ne bénéficiera sur la somme totale destinée aux invalides que du moment où tous les officiers, sous-officiers et soldats jouiront de la pension fixée par l'article 14 du titre Ier du présent décret.
Art. 10. Si l'excédent ne suffit point, pour porter une classe entière au taux d'une classe supérieure, il sera également réparti entre tous les membres de ladite classe.
Art. 11. Jusqu'au moment où les officiers, sous-officiers et soldats invalides jouiront de la totalité de leurs pensions, il leur sera payé chaque année une somme de 9 livres pour leur habillement. Cette somme leur sera payée de la même manière que leurs pensions : les fonds en seront faits annuellement ; par la trésorerie nationale sur le pied de l'effectif.
Art. 12. Du moment où un invalide entrera à l'Hôtel, il recevra un habillement complet de drap bleu de roi, dont les revers, collet, passepoil et parements seront les mêmes que ceux qui sont fixés pour les gardes nationales ; les boutons seront blancs et timbrés de ces mots vétéran national. Cet habit devant durer trois ans. les invalides qui sortiront de l'Hôtel avant l'expiration desdites 3 années ne recevront point pendant lesdites années la somme fixée par l'article 11 pour leur habillement.
Art. 13. Du moment où tous les invalides retirés dans les départements seront parvenus à la pension fixée par les articles précédents, les pensions qui deviendront vacantes soit par mort, soit par l'admission à l'Hôtel ou à la pension tourneront au profit de l'Etat, et leur montant sera défalqué sur la somme totale accordée par l'article premier du présent titre.
Art. 14. L'administration de la caisse des invalides retirés dans les départements sera confiée à l'administration générale de l'Hôtel.
Art. 15. Les articles 16, 17, 18 et 19 du titre I8r du présent décret, relatifs aux pensions des invalides admis à l'Hôtel, sont communs aux invalides retirés dans les départements.
Art. 16. Les officiers invalides retirés à l'Hôtel ou dans les départements, ou à la suite des places, ou formant les compagnies détachées, qui, en vertu du décret du 29 août 1790, ont dû être payés des gratifications qui leur avaient été accordées par une ordonnance du roi du 15 décembre 1766, continueront à jouir desdites gratifications jusqu'au moment où leurs pensions auront été portées par des accroissements successifs au maximum fixé pour leur grade; en conséquence, il sera versé, chaque année, dans la caisse générale des invalides, d'après les états que l'administration de l'Hôtel fournira, une somme égale à celle qui aura été évaluée par elle, pour lesdites gratifications. Il ne sera plus, sous aucun prétexte, accordé de gratification de cette nature.
TITRE V.
Des soldes, demi-soldes et vétérans.
Art. 1er. Les militaires qui ont obtenu la solde, la
demi-solde, ou le, brevet de vétéran seront appelés à l'Hôtel ou à la pension qui le
représente, lorsque, par leur âge, leurs blessures, leurs infirmités et leurs services, ils
se trouveront dans le cas prévu par les articles 2 et 21 du titre Ier du présent décret. Ils
pourront de même, aux termes des articles 12 et 14 du titre III du présent décret, être admis
dans les compagnies de vétérans.
Art. 2. H sera versé, chaque année, dans la caisse des invalides, une somme de 1,322,028 livres pour servir au payement des soldes, demi-soldes, pensions et récompenses militaires accordées avant le 1er août 1790.
Art. 3. Avec cette somme, on payera d'abord des militaires retirés, la solde, demi-solde, pension ou récompense qu'il a précédemment ODte-nue, l'excédent sera réparti ainsi qu'il suit :
Art. 4. La récompense militaire des citoyens retirés avec 45 livres de pension, ne sera
augmentée que lorsque ceux qui ne jouissent actuellement que de40 livres, jouiront de 45
livres, ceux qui ont 46 1. 10 s. que lorsque ceux des classes inférieures jouiront du même
traitement ainsi de suite toujours en remontant jusqu'au moment où ils jouiront tous de la
pension attribuée aux invalides par l'article 14 au titre Ier du
présent décret.
Art. 5. Du moment où tous les militaires dénommés ci-dessus jouiront de la pension fixée
par l'article 14 du titre 1er, l'excédent sera divisé par égale
portion entre tous les vétérans de l'armée qui se sont retirés sans aucune pension.
Lorsque ces vétérans jouiront tous d'une pension égale à celle des invalides, la somme qui excédera tournera au bénéfice de l'Etat.
Art. 6. Du moment où les citoyens retirés avec
la solde, demi-solde ou récompense militaire jouiront de la pension fixée par l'article 14
du titre Ier, ils seront tenus de s'habiller à leurs dépens, et
jusqu'à cette époque, il leur sera payé chaque année pour leur habillement une somme de
71ivres, au moyen de laquelle ils seront tenus de se fournir d'nabits. Cette somme leur sera
payée de la môme manière que leur solde, et les ronds en seront faits annuellement par la
tréso-
rerie nationale sur le pied de l'effectif.
Art. 7. L'administration de la caisse, des soldes, demi-soldes, etc., sera confiée à l'administration générale de l'Hôtel des invalides.
Art. 8. Les articles 16,17, 18 et 19 du titre 1" du présent décret, relatifs au payement des pensions des invalides, sont et demeurent communs au payement des soldes et demi-soldes, etc.
TITRE VI.
Des Suisses et des autres étrangers retirés hors de France avec une pension militaire.
Art. 1er. Les officiers, sous-officiers et soldats étrangers,
retirés hors du royaume avec une pension, continueront à en jouir; elle leur sera payée de la
même manière qu'elle l'a été jusqu'à ce jour.
Art. 2. Les officiers, sous-officiers et soldats étrangers qui, après avoir obtenu une pension de retraite, s'établiront en France, obtiendront une augmentation de pension égale au tiers de celle dont ils jouissent.
Art. 3. Les officiers, sOus-officiers et soldats étrangers pensionnés par l'Etat, qui s'établiront en France, avec leur femme et des enfants, obtiendront une augmentation égale à la moitié de celle dont ils jouissent.
Art. 4. Du moment où les officiers, sous-officiers, ou soldats étrangers habiteront hors du royaume, ils seront réduits à leur pension primitive.
Art. 5. Les retraites des officiers, sous-officiers et soldats étrangers seront dorénavant payées par la caisse des pensions et par les soins des agents de la nation auprès du corps helvétique et des autres puissances : en conséquence, les sommes accordées jusqu'à ce jour à la personne chargée de faire payer lesdites pensions, et les faux frais que leur payement occasionne seront rayés des états de dépense.
TITRE VII.
Des gendarmes retirés dans Vhospice militaire de Lunéville.
Art. ler. L'hospice militaire de Lunéville, destiné aux
invalides de la gendarmerie, est réformé; les terrains, édifices, meubles et effets qui lui
appartiennent sont déclarés nationaux.
Art. 2. Les gendarmes du ci-devant corps de la gendarmerie, retirés dans ledit hospice, seront considérés comme habitant l'Hôtel des invalides avant l'époque du 8 mars 1791. Lesdits gendarmes seront, en conséquence, placés par le directoire du département de Paris dans le tableau qu'il dressera en vertu de l'article 24 et suivants du titre Ier du présent décret. Les maréchaux des logis seront traités comme les lieutenants-colo-nels, les brigadiers comme capitaines et les gendarmes comme lieutenants, le chirurgien-major de l'hospice sera traité comme capitaine, et le portier-invalide comme maréchal aes logis en chef.
TITRE VIII.
Des gendarmes retirés dans les départements.
Art,- 1er. Il sera versé, chaque année, dans la caisse des
invalides une somme de 54,300 livres, pour servir au payement des retraites des gendarmes de
la ci-aevant gendarmerie française. Avec cette somme, on payera d'abord les pensions de
retraite sur le pieu actuel, et l'excédent sera réparti de la manière suivante :
Art. 2. Les gendarmes qui ont obtenu une pension de 81 livres n'auront part à la répartition que lorsque ceux qui n'ont obtenu que 78 livres jouiront de 81 livres; ceux qui jouissent de 100 livres, que lorsque les classes inférieures jouiront de 100 livres; ainsi de suite.
Art. 3. Ne pourront plus prétendre à la répartition et augmentation annuelles prescrites par l'article précédent, les gendarmes qui jouiront d'une pension de 600 livres.
Art. 4. Au moment où tous les gendarmes jouiront de la pension de 600 livres, fixée par l'article précédent, il ne sera plus versé chaque année, pour eux, dans la caisse des invalides, que la somme nécessaire à l'acquittemeut desdites pensions ; l'excédent tournera au profit de l'Etat.
Art. 5. Les gendarmes seront payés de la manière prescrite dans les articles 16, 17, 18 et 19 du titre Ier du présent décret/
Art. 6. Il sera versé, chaque année, dans la caisse des invalides une somme de 1,872 livres pour servir au payement des valets de la ci-devant gendarmerie. Avec cette somme on payera d'abord leurs pensions de retraite sur le pied actuel, et l'excédent sera réparti ainsi qu'il suit :
Art. 7. Les valets de gendarmes qui ont obtenu une pension de 108 livres, n'auront part à la répartition que lorsque les classes inférieures jouiront de cette somme.
Art. 8. Au moment où tous les valets de gendarmes jouiront d'une pension de 108 livres, l'excédent sera également réparti entre eux, et ce, jusqu'au moment où ils jouiront chacun d'une pension de 200 livres ; et alors il ne sera fait à la caisse des invalides, que les fonds nécessaires pour l'acquittement desdites pensions de 200 livres.
Art. 9. Les valets de gendarmes seront payés ainsi qu'il est dit dans les articles 16, 17,
18 et 19 du titre Ier du présent décret.
TITRE IV.
Des grenadiers à cheval.
Art. Ier. Il sera versé, chaque année, dans la caisse des
invalides une somme de 18,300 livres, pour servir au payement des pensions de retraite des
ci-devant grenadiers à cheval. Avec cette somme on payera d'abord les pensions de retraite
sur le pied actuel et l'excédent sera réparti ainsi qu'il suit :
Art. 2. Les grenadiers à cheval, qui ont obtenu une pension de retraite qui s'élève au-dessus de 117 livres, n'auront part à la répartition que lorsque les grenadiers qui n'ont que 110 livres jouiront de 117 livres, ceux qui ont 134 1. 8 s., que lorsque les classes inférieures jouiront de cette somme; ainsi de suite.
Art. 3. Ne pourront plus prétendre à la répartition et augmentation annuelles les grenadiers à cheval qui jouiront d'une pension de 600 livres.
Art. 4. Du moment où tous les grenadiers à cheval jouiront d'une pension de 600 livres, il ne sera plus versé dans la caisse des invalides que la somme nécessaire à l'acquittement desdites pensions ; l'excédent tournera au profit de l'Etat.
Art. 5. Les grenadiers à cheval seront payés de la manière prescrite par les articles 16, 17, 18 et 19 du titre Ier du présent décret.
TITRE X.
Des officiers retirés à la suite des places.
Art. 1er. Il sera versé, chaque année, dans la caisse des
invalides une somme de 178,523 livres, destinée au payement des pensions ae retraite des
officiers, guides et infirmiers, retirés à la suite des places.
Art. 2. Avec la somme de 178,523 livres, destinée aux officiers retirés à la suite des places, on payera d'abord les pensions de retraite sur le pied actuel; l'excédent sera réparti ainsi qu'il sera dit ci-après.
Art. 3. Ce qui excédera le payement des pensions actuelles sera destiné a ajouter auxdites pensions dans l'ordre suivant :
1° A porter les pensions des infirmiers à..................................200 liv.
2° Les pensions des guides à............300
3° Les pensions des sous-lieutenants et porte-drapeaux à....................400
4° Les pensions des lieutenants à. 500
5° Les pensions des capitaines à.. 600
6° Les pensions de commandants de bataillon à..........................................1,100
7° Les pensions de majors à............1,200
8° Les pensions de lieutenants-colonels à......................................................1,500
9° Les pensions de colonels à..........1,800
10° Les pensions des officiers généraux à........................................................3,000
Art. 4. Les classes supérieures ne pourront prétendre à une augmentation, que lorsque les classes inférieures jouiront du minimum fixé par l'article précédent.
Art. 5. Si l'excédent ne suffit point à porter une classe entière au minimum fixé par l'article 7, la somme à répartir sera divisée par égales portions entre tous les membres de ladite classe qui n'aura point atteint ce minimum.
Art. 6. Le maximum pour les différentes classes de militaires retirés à la suite des places, sera :
Pour les officiers généraux....... 4,100 liv.
Pour les colonels................ 3,100
Pour les lieutenants-colonels..... 2,400
Pour les majors.................. 2,000
Pour les commandants de bataillon. 1,500
Pour les capitaines............... 1,200
Pour les lieutenants.............. 800
Pour les sous-lieutenants et porte-
drapeaux ..................... 600
Pour les caporaux de guides...... 400
Pour les guides.................. 300
Pour les infirmiers............... 200
Art. 7. Du moment où les différents militaires, retirés à la suite des places, jouiront des pensions fixées par l'article précéaent, l'Etat ne versera plus pour eux dans la caisse des invalides
Sue la somme nécessaire à l'acquittement des-ites pensions.
Art. 8. Les pensions des militaires, retirés à la
suite des places, seront payées de la manière prescrite, articles 16, 17, 18 et 19 du titre 1er au présent décret.
TITRE XI.
Des veuves et des enfants des mortes-payes.
Art. 1er. Du moment où les différentes classes d'invalides
jouiront du maximum de traitement qui leur est accordé par le présent décret, et où PEtat
commencera ànénéficier par la diiriinution du nombre des individus, il sera accordé des
pensions aux veuves des invalides de toutes les classes, ainsi qu'à celles des militaires qui
ont obtenu des soldes, demi-soldes et récompenses militaires ou la vétérance; il sera accordé
de même des suppléments de solde aux invalides ou autres mortes-payes qui, privés de moyens
de subsister, auront des enfants à élever.
Art. 2. Les fonds destinés aux pensions des veuves pourront progressivement s'élever à 100,000 livres, mais ne dépasseront point cette somme.
Art. 3. Les fonds destinés aux suppléments de solde pour les invalides qui auront aes enfants, pourront progressivement s'élever à 100,000 livres, mais ne dépasseront jamais cette somme.
Art. 4. Les premiers bénéfices que l'Etat fera par la diminution du nombre des invalides pensionnés, seront également répartis dans la classe des veuves et celle des enfants.
Art. 5. La pension destinée à une veuve d'invalide, ne s'elèvera jamais au-dessus de 100 livres et ne pourra être moindre de 50 livres.
Art. 6. Le supplément de solde pour un enfant d'invalide, ne s'élèvera jamais au-dessus de 36 livres et ne pourra être moindre de 24 livres.
Art. 7. Les veuves des invalides pourront obtenir des suppléments de solde pour les enfants qu'elles auront eus de leur mariage avec des mortes-payes.
Art. 8. Les enfants des invalides, orphelins de père et mère pourront obtenir de même des suppléments de solde; ils leur seront accordés de préférence.
4 Art. 9. Les suppléments de solde pour les enfants des invalides cesseront du moment où lesdits enfants auront atteint leur douzième année.
Art. 10. Les suppléments de solde seront accordés de préférence aux invalides qui auront un plus grand nombre d'enfants, à nombre égal à ceux qui auront le moins de moyens de subsister.
Art. 11. L'administration générale de l'Hôtel des invalides est chargée de distribuer et de faire payer les pensions des veuves et les suppléments ae solde pour les enfants des invalides. Lesdites pensions et lesdits suppléments seront payés ainsi qu'il est prescrit, articles 16, 17, 18 et 19 du titre Ier du présent décret.
TITRE XII.
De Vadministration des pensions de retraite.
Art. 1er. Le conseil général de l'Hôtel des invalides fera
dresser, dès ses premières séances, un contrôle général de chacune des classes militaires
pensionnées; ce contrôle contiendra :
1° Le nom du pensionnaire ;
2° Son grade ;
3° Son âge;
4° Le lieu de sa résidence .
5° La pension dont il jouit.
Ces différents états seront imprimés aux frais des différentes classes de pensionnaires : un exemplaire en sera envoyé à chacun d'eux et un à chaque district du royaume.
Art. 2. Chaque année, l'administration de l'Hôtel fera imprimer le nom des pensionnaires de chaque classe qui seront morts, ou qui n'auront plus droit à la pension de cette classe^ Dans une seconde colonne on placera le montant de la pension dont chacun d'eux jouissait. Au bas de chaque état, on imprimera le résultat de l'augmentation qu'aura produit, pour les autres individus de cette classe, l'extinction des pensions pendant l'année.
L'administration générale de l'Hôtel fera connaître enfin, dans ces états annuels, les dépenses auxquelles l'administration de chaque classe aura donné lieu.
Je demande l'impression, non seulement du projet de décret, mais encore du rapport qui font également honneur à l'humanité et à la sensibilité de leur auteur.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret de M. Lacuée, au milieu des plus vifs applaudissements.)
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre du sieur Malvoisin, lieutenant-colonel du 13e
régiment de dragons, détenu à Orléans (1), qui demande à TAssemblee nationale de hâter le
rassemblement de la haute cour nationale; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Je suis en arrestation depuis le 6 de ce mois; je suis dans la prison d'Orléans depuis le 9 ; je dois être interrogé dans les vingt-quatre heures ; mais la haute cour nationale n est point rassemblée. Que va devenir un malheureux qui n'a point à se reprocher d'avoir rien fait contre ce que prescrit l'honneur, ni contre ce qu'il doit à sa patrie, ni contre les lois ? Je vous prie, Monsieur le Président, de prier l'Assemblee nationale de rassembler la haute cour pour procéder à mon jugement.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Malvoisin. »
Un membre : Je demande que le rapport sur les difficultés que vous a présentées le ministre de la justice relativement à la formation de la haute cour nationale soit fait lundi.
(L'Assemblée décrète que le comité de législation fera son rapport à la séance de lundi prochain sur les difficultés qu'éprouvent les décrets de l'Assemblée nationale relativement à la convocation de la haute cour nationale.)
2o Adresse de la municipalité d'Evron, qui se plaint de la
conduite du commissaire du roi près le tribunal de district séant à Sainte-Suzanne ; elle
est ainsi conçue :
« Evron, l'an troisième de la liberté !
Si sua sunt cœlo, sua sunt et numina terris.
« Messieurs,
« C'est vous, oui c'est vous, sages législateurs, que les maires, officiers municipaux et
notables de la commune d'Evron, district du même lieu,
Plusieurs membres : Le renvoi au comité! '
Je demande qu'on ne s'arrête qu'aux faits et qu'on en juge par les motifs.
, secrétaire, continuant la lecture :
« Oh! quevotresanctuaireestgrand, sages législateurs ! Que de gloires lui sont dues ! Là régnent la réalité des talents et la pureté des intentions.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
, secrétaire, continuant la lecture :
« Représentants de la nation, du corps des émi-grants vous avez porté vos Tegards sur celui du clergé, et vous n'avez pu voir sans effroi les maux dont il veut parsemer la France»; vous lui avez opposé une digue insurmontable, dont le seul aspect doit effrayer les malfaiteurs et déconcerter les coupables.
« 0 vous qui faites vertu d'anéantir le mal dont l'aristocratie nous afflige, soyez-nous propices. Il en est encore un qui existe dans ces mur&ï c'est le mauvais exemple que donne à une partie de notre commune le commissaire du roi au tribunal de notre district, séant à Sainte-Suzanne. Ce commissaire, qui habite notre ville, refusé son secours à sa patrie quand il la voit en danger, quand les magistrats, revêtus de leurs écharpes, se présentent eux-mêmes chez lui, et le prient de vouloir bien les seconder à secourir la ville que des désordres fanatiques exposent au carnage. En vain lui représente-t-on que s'il prête une main secourable, son exemple animera le reste des citoyens indolents; mais le barbare est sourd à la voix des officiers publics qui le supplient au nom de la loi. Il répond qu'il est en vacance (Rires.) et censé par conséquent dans sa maison de campagne.
« Quelle noble idée nous donnent ces décrets de l'Assemblée législative, où se trouve réuni ce que le sang de la sagesse a de plus pur, ce que la grandeur peut étaler de plus imposant. G'est là que la nation ne voit que des amis fidèles, des amis dignes du titre de dieux de la terre, prononcer des oracles sur les têtes les plus distinguées; une telle réponse n'est autre chose qu'une image odieuse de la plus affreuse aristocratie, et une infraction au serment qu'il a fait d'être fidèle à la nation.
« Tout fonctionnaire public salarié, coupable de cette rupture, mérite d'être couvert de honte. « Il est dans sa maison de campagne! Réponse infâme qui ne manifeste que trop qu'il regarde son serment comme une cérémonie frivole, sans force aux veux de la nation et de la loi.
« Il est dans sa maison de campagne! Réponse outrageante ; car il est bon que vous sachiez, Messieurs, que cette maison situee au milieu de notre ville est son manoir ordinaire, qu'il ne quitte que pour se rendre au tribunal deux fois par semaine.
« Législateurs équitables, la municipalité d'Evron aime l'ordre, le bon exemple, le vrai patriote ; elle respecte les lois et adore la Constitution. (Applaudissements.) Voilà son objet: elle marchera toujours vers ce but, et certes elle ne reculera pas. (Applaudissements.)
« Vous venez, représentants de la nation, de
terrasser l'hydre noire; aidez-nous, nous vous en conjurons, aidez-nous à combattre d'une main victorieuse cet ennemi qui, par ses procédés honteux et inhumains, nous fait environner d'une foule d'aristocrates gui nous, font gémir et désolent nos bons patriotes. »
(Suivent les signatures, et M. Chevreuil, notable, a dit ne savoir signer.)
Un membre : Je demande que M. le président soit chargé d'écrire à cette municipalité que son style d'esclave est aussi déshonorant pour l'Assemblée nationale que pour elle, et qu elle ferait bien d'apprendre à parler le langage delà liberté.
Plusieurs membres : Le renvoi au pouvoir exécutif!
(L'Assemblée renvoie cette adresse aii pouvoir exécutif.)
3° Pétition de la municipalité de Mane, département des Basses-Alpes, qui demande à être autorisée à faire un emprunt de la somme de 5,400 livres pour faire le rachat d'une rente très onéreuse.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de l'extraordinaire des finances !
Avant de renvoyer à ce comité, il faut savoir si cette municipalité est soumissionnaire de domaines nationaux, parce qu'on lui imposerait les mêmes obligations qu'à celle de Nantes.
Eh bien, le comité examinera cela.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances.)
4° Lettre du sieur Roubleau qui demande à être admis à la barre pour présenter à l'Assemblée une pétition,
(L'Assemblée décide qu'il sera admis à la séance de demain.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret sur les gardes nationales volontaires (1).
jeune, rapporteur. Dans la séance du 10 décembre au soir, où vous vous occupâtes de la garde nationale, on vous observa que l'article 4 pourrait être plus précis et on l'adopta sauf rédaction. Voici la manière dont je propose de le rédiger :
Art. 4.
« La somme qui, en vertu de l'article précédent, reviendra à chacun des gardes volontaires nationaux, ne sera remise à leur libre disposition, que dans le cas où ils auront rembourse les avances que les directoires auront pu leur faire, tant pour leur subsistance, avant qu'ils passassent à la charge du département de la guerre, que pour leur habillement et leur équipement. »
(L'Assemblée adopte cette nouvelle rédaction de l'article 4.)
jeune, rapporteur. L'article 7 avait été aussi renvoyé à la rédaction. On a demandé qu'on y mit le serment des troupes décrété le 17 septembre ; le voici :
Art. 7.
« Immédiatement après la première revue, chaque garde nationale volontaire prêtera le
Serment des officiers et sous-officiers.
« Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi ; de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution, d'exécuter et de faire exécuter les règlements militaires. »
Serment des volontaires gardes nationales.
« Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi ; de défendre la Constitution, de ne jamais abandonner mes drapeaux, et de me conformer en tout aux règles de la discipline militaire. »
(L'Assemblée adopte cette nouvelle rédaction de l'article 7.)
jeune, rapporteur. La rédaction de l'article 9 avait aussi été renvoyée. On fit sur cet article plusieurs obsérvations, d'après lesquelles voici la rédaction nouvelle :
Art. 9.
« Les gardes volontaires nationaux obtiendront les récompenses militaires, conformément aux règles prescrites par le décret du 3 août 1790.
« Celui qui aura servi sans interruption, depuis l'époque du rassemblement de son bataillon jus-qu au moment de son licenciement, jouira de la plénitude des droits de citoyen actif, pourvu qu'il ait atteint l'âge de 25 ans, et chaque mois de service qu'il aura fait lui sera compté pour deux mois, tant pour obtenir la décoration militaire, que pour les récompenses pécuniaires.
Un membre : Je demande la question préalable sur la deuxième partie de l'article 9. Devez-vous, en effet, accorder aux citoyens qui marchent a la défense de la patrie, ces avantages portés dans la deuxième partie de cet article, en misant un service que tous les citoyens doivent faire? C'est une très grande question. (Murmures.) Lorsqu'il serait nécessaire d'inculquer à tous les citoyens qu'ils doivent servir librement la patrie, lorsqu'il sera peut-être nécessaire, si nous avons la guerre, d'ordonner à tous les citoyens de marcher a la défense de la patrie, à peine de n'être pas citoyens actifs, je ne sais s'il est politique de leur donner l'espoir de la décoration militaire, c'est-à-dire de leur donner l'espoir d'une distinction qui n'appartient point à nos mœurs.
Rappelez-vous, Messieurs, l'exemple de ces généreux citoyens qui, ayant marche à Nancy, ont refusé toute décoration militaire. C'est ce principe qu'on doit inculquer à nos concitoyens. Je demande la question préalable sur la seconde partie de l'article ; et je crois, en cela, exprimer le vœu de ces braves citoyens.
La seconde disposition de cet article compte double les mois ae leur service pour les décorations militaires et les récompenses pécuniaires.
On s'est élevé contre cette disposition; d'un côté, en ce qu'elle assimile les volontaires aux troupes de ligne, et leur donne la décoration militaire ; de l'autre, parce qu'on établit une différence entre leur service et celui des troupes de ligne.
La première objection ne peut un instant arrêter; il n'est pas ici question de décréter gue la décoration militaire sera donnée par recom-
pense au service ordinaire de la garde nationale; il n'est pas question d'assimiler ce service ordinaire à celui des troupes de ligne; mais il est question de comparer aux troupes de ligne, des bataillons formés sous un régime militaire, qui font le même service que les troupes de ligne, et qui, par conséquent, doivent suivant les règles de la justice, avoir droit aux mêmes récompenses.
Mais, par les mêmes motifs que j'assimile le service des bataillons à celui des troupes de ligne, je crois essentiel que la comparaison soit entière, et je regarde comme impolitique et injuste de faire compter ce service double. Je demande donc que cette partie soit rayée de l'article.
Certainement, les gardes nationales qui vont défendre nos frontières méritent bien d'être citoyens actifs ; mais il me semble que l'article ne dit pas qu'ils ne pourront jouir de ce droit pendant le temps qu'ils seront en garnison et qu'il sera suspendu pour eux. Vous ne voulez pas, et l'Assemblée constituante n'a pas voulu que les forces militaires puissent délibérer, Or, je voudrais que l'on dise dans l'article qu'ils ne jouiront pas de ce droit ; si vous ne le dites pas, il s'en suivra qu'ils en jouiront.
J'observe au préopinant qu'il ne se rappelle pas qu'il existe une loi du Corps constituant, qui prononce que la force armée ne pourra exercer les droits de citoyens actifs dans l'étendue du canton où elle sera en garnison ; il est donc inutile de rendre un décret a cet égard.
Quant aux autres observations qui viennent de vous être immédiatement présentées, je les combats en rendant justice au sentiment qui les a dictées. Sans doute, les dispositions qui étaient renfermées dans la première rédaction du comité militaire, que j'ai combattu, présentaient de graves inconvénients ; mais serait-il digne de la justice des législateurs, de refuser aux gardes nationales volontaires le prix attaché aux services des troupes de ligne? Et à cet égard, j'observe aux préopinants que ce n'est qu'au bout de 24 années de services, ou après 12 campagnes de guerre, et lorsque les volontaires nationaux, ainsi que les soldats de ligne, auront obtenu le rang d'officiers, qu'ils seront susceptibles de décorations militaires.
Il est un cas d'exception, c'est celui des graves blessures; et certes vous ne voudriez pas alors
?[u'il n'existât dans la loi aucune prévoyance en aveur de ceux qui auraient versé leur sang pour leur pays.
Je demande donc que, sous le rapport des avantages militaires, les gardes nationales volontaires soient en tout assimilées aux troupes de ligne, et je réclame la priorité pour la dernière rédaction du comité militaire.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion sur l'article 9.)
Plusieurs membres demandent la question préalable sur la seconde partie de l'article 9.
(L'Assemblée rejette la question préalable.)
Un membre : Je voudrais que, dans le cas où les gardes nationales se retireraient, s'il n'y avait plus d'apparence de guerre, et serviraient après l'interruption du service des gardes nationales volontaires, on ne put pas leur opposer cette in-
terrnption de service comme un moyen de déchéance pour les récompenses militaires.
jeune, rapporteur. J'adopte l'amendement.
(L'Assemblée, consultée, adopte l'amendement et décrète l'article 9 sauf rédaction.)
jeune, rapporteur, donne lecture des articles 10,11,12 et 13, qui sont adoptés sans discussion dans les termes suivants :
Art. 10.
« Les gardes volontaires nationaux, que des affaires instantes ou majeures obligeront à suspendre momentanément leur service, pourront dans tous les temps, d'après des certificats de leurs municipalités, visés par les directoires de district, obtenir la permission de s'absenter pour un temps déterminé. »
Art. 11.
« Il sera remis à chaque garde volontaire national, au moment où il quittera le service, un certificat qui attestera le temps pendant lequel il aura servi ; ce certificat sera signé par le capitaine, visé par le commandant de bataillon, contrôlé par fe commissaire des guerres, et approuvé par l'officier général sous les ordres duquel le bataillon servira. »
Art. 12.
« Il sera remis de même à chaque garde volontaire national, qui sera forcé de suspendre momentanément son service, un certificat qui indiquera l'époque de son départ, et celle où il devra rejoindre son bataillon. »»
Art. 13.
« Tout garde volontaire national sera tenu, au moment où il rentrera dans son domicile, dé faire inscrire au greffe de sa municipalité le certificat de service qu'il aura obtenu, ou la permission de s'absenter qui lui aura été accordée, afin de n'être point confondu avec ceux qui auront abandonné, sans une autre autorisation légale, les drapeaux de la patrie. »
jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 14, qui est ainsi conçu :
Art. 14.
« Tout garde volontaire national, qui quittera le service avant le licenciement du bataillon, sera tenu de rembourser, avant d'obtenir son certificat, toutes les avances que la nation lui aura faites pour son habillement et son équipement. »
Un membre : Je dois dire à l'Assemblée que l'on a formé partout les volontaires nationaux sans prévoyance et sans aucune précaution ; et que I on a voulu vêtir et équiper 100.000 hommes en deux mois. Qu'en est-il résulte, Messieurs ? D'abord une dépense inouïe, occasionnée par le renchérissement de tous les objets manufacturés et de la main-d'œuvre, la pénurie sensible des différents objets nécessaires, au point que des bataillons ne seront pas encore équipés complètement au mois de février prochain. Et si, par les événements qu'il est de votre sagesse de prévoir, nous sommes obligés de maintenir les volontaires nationaux sur le pied de guerre et
de leur fournir un second habillement, faudrait-il suivre la même marche ? Non, sans doute. Que faudrait-il donc faire? Etablir des masses d'habillement à partir du 1er janvier prochain, et suivre en tout la rigide économie pratiquéé dans les troupes de ligne.
Je demande donc avec la plus vive instance qu'à partir du 1er
janvier prochain, il soit décrété un fonds extraordinaire sous le titre de masse générale
d'habillement, d'entretien et de réparations, payée tous les mois sur le pied complet, à
raison ae deux sols par jour et par homme, ce qui fera une somme ae 1,620 livres par mois et
par bataillon, et par an 19,440 livres, qui sera remboursée par une retenue sur la solde
journalière.
Je demande, en outre, qu'à partir de la même époque, il soit retenu, sur la solde des sous-offi-ciers et soldats des bataillons de garde nationale, 16 deniers par jour pour servir au remplacement des bas, souliers, linge et autres petites fournitures à l'usage particulier des troupes, de laquelle retenue sera fait un décompte personnel tous les trois mois.
jeunej rapporteur. Je demande que cette motion soit renvoyée au comité, et je prie l'opinant de vouloir bien communiquer au comité ses observations, la plupart très justes, pour qu'il puisse les adopter.
Un membre présente de nouvelles observations et demande l'ajournement et le renvoi de l'article 14 au comité.
(L'Assemblée décrète l'ajournement et le renvoi au comité de l'article 14.)
jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 15 qui est ainsi conçu :
Art. 15.
« Tout garde volontaire national, qui abandonnera son bataillon sans avoir obtenu une autorisation légale, sera, par le fait seul, privé pendant 10 ans du droit de citoyen actif, et de l'honneur de servir dans la garde nationale pendant le même nombre d'années; en conséquence, son nom sera rayé, en présence du corps municipal, de la liste prescrite par la section IV du chapitre 1er de la constitution française; il sera de plus, à la diligence du procureur de la commune, condamné, par toutes les voies de droit, à rembourser à la nation les avances qu'elle lui aura faites pour son habillement et son équipement.
« Les procureurs des communes sont personnellement responsables de l'exécution du présent article. »
Messieurs, c'est offenser la garde nationale du royaume que de supposer qu'il y ait un homme en état de quitter son poste avant que le bataillon soit licencié. (Murmures.)
Un membre : Il ne faudrait donc pas de lois pénales.
Je demande donc que la question préalable soit mise aux voix.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer.)
Un membre : Je demande qu'après les mots : « de servir dans la garde nationale », on ajoute ceux-ci : « et les troupes de ligne ».
jeune, rapporteur. J'adopte.
Un membre: Je demande la suppression des mots : « en présence du corps municipal ».
jeune, rapporteur. J'adopte.
Je demande qu'au lieu de rendre les procureurs de commune responsables, ils soient seulement tenus de veiller à l'exécution de cet article.
jeune, rapporteur. J'adopte.
(L'Assemblée, consultée, adopte les amendements et décrète l'article 15.)
jeune, rapporteur. Voici plusieurs articles que je propose en même temps à la discussion:
Art. 16.
« Le 15 octobre, tout garde volontaire national aura la faculté de remettre à son capitaine sa déclaration pour quitter le service au 15 décembre suivant, celui-ci la transmettra au commandant du bataillon, et ce dernier en donnera incessamment avis a l'officier général de la division militaire et au procureur général syndic du département dans lequel le garde volontaire national résidera. »
Art. 17.
« Dès le moment où le procureur général syndic aura reçu l'avis prescrit par l'article précédent, il le transmettra au procureur syndi du district dans lequel il croira que le remplacement s'effectuera avec le plus de facilité; celui-ci pourvoira de suite à ce remplacement parles moyens les plus prompts et les plus sûrs.
Art. 18.
« L'étape et le logement seront fournis au garde volontaire national de remplacement, qui ira joindre son bataillon, sur une route qui lui sera délivrée par le directoire de son département; il jouira de plus de la solde, sauf la retenue fixée article 29 pour le prix de la ration de vivres qu'il recevra. »
Un membre ; Je crois qu'il serait impolitique d'adopter de pareilles dispositions, parce qu on ne sait pas à quelle époque finit la campagne. Il m'est arrivé à moi de faire une campagne pendant tout un hiver, dans la guerre de 1757. Si les soldats de la garde nationale avaient le droit de s'en aller au mois de novembre ou de décembre, il arriverait par là que vous n'auriez plus un effectif raisonnable dans vos bataillons. Je ne leur suppose pas cette intention, mais cela peut arriver. Il faut dire, pour éviter ce danger : « A la fin de la campaane, sans déterminer le mois, comme on l'a fait a l'article 16.
Plusieurs membres : C'est juste ! c'est juste !
aîné. L'article 8 détruit les obser -vations que l'on vient de faire. C'est pour donner un moyen de remplacement aux départements qui ont fourni ceux qui. voudront se retirer que 1 Assemblée a décrété, par l'article 8, qu'il y aurait un terme fixe pour la fin de chaque campagne. Elle a imaginé que ce terme devait être fixé au 15 décembre. En conséquence, je demande que les articles soient décrétés.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)
Plusieurs membres proposent sur l'article 17 divers amendements qui sont écartés par la question préalable.
(L'Assemblée décrète les articles 16,17 et 18.)
jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 19, qui est adopté sans discussion dans les termes suivants :
Art. 19.
« Dès le huitième jour de l'absence non autorisée d'un garde volontaire national, le commandant de son bataillon en préviendra le procureur général syndic du département, et lui enverra l'état de ce que le volontaire redevait à la nation pour les habits ou autres effets qu'il avait reçus ; le procureur général syndic (Tonnera de suite des ordres afin que les articles 15 et 17 du présent décret soient exécutés sans délai. »
jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 20, qui est ainsi conçu :
Art. 20.
« Les remplacements des officiers et des sous-officiers se feront dans les bataillons de gardes nationales volontaires suivant les formes qui ont été prescrites par les articles 13, 14, 15 et 16 du décret du 4 août 1791.
J'ai à vous présenter des observations sur l'article 20, qui tombent également sur l'article 22. Suivant ces articles, les remplacements des officiers, adjudants-majors, et adjudants sous-officiers seront faits conformément au décret du 4 août, c'est-à-dire élus par les volontaires. Cette manière pourrait être bonne pour une formation ; mais elle me paraîtrait essentiellement vicieuse pour des remplacements. Considérez que si ceux qui commandent sont mis sous la dépendance de ceux qui obéissent, le devoir ne pourra se faire; les bataillons sont une force armée, par conséquent essentiellement obéissante : le sous-officier qui aura devant les yeux la pensée que son avancement est à la disposition de celui qu'il commande, pourra ne pas faire son devoir, ne pas montrer la sévérité nécessaire. Je propose, en conséquence, de modifier ces articles en décrétant que le choix ne pourrait tomber que sur ceux qui auraient obtenu, ou obtiendraient un certificat constatant leur conduite et leur capacité, donné par les officiers supérieurs et 9 autres de tous grades.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Prouveur et adopte l'article 20.)
Plusieurs membres : La séance levée!
(La séance est levée à dix heures.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 17 décembre au malin.
Cette lecture a donné lieu à quelques observations, en suite desquelles la rédaction a été adoptée.
Un membre rend compte des mesures que le directoire du département de Maine-et-Loire a cru devoir prendre relativement à des troubles élevés dans le district de Villiers, à l'occasion de la translation des vases sacrés et des cloches.
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de législation.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des citoyens de Noyon, qui protestent de leur respect aux lois.
(L'Assemblée décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
Trois officiers de la gendarmerie nationale du département de Paris, ci-devant officiers de la maréchaussée de la compagnie de VIle-de-France, sont admis à la barre et présentent une pétition relative à la diminution de traitement que la nouvelle formation leur a fait éprouver; Ils demandent, à l'instar des officiers ae la garde nationale parisienne, un supplément de traitement qui les dédommage et présentent l'hommage de leur dévouement et de leur fidélité.
répond aux pétitionnaires et les invite à la séance.
(L'Assemblée renvoie leur pétition au comité militaire.)
fait lecture d'une pétition de ci-devant employés des fermes supprimés qui demandent, par forme d'indemnité, le traitement de 38 livres par mois dont ils jouissaient.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des pétitions.)
donne lecture de la pétition d'un particulier relativement aux avoués.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des pétitions.)
Une députcction des officiers et soldats de l'artillerie nationale parisienne est admise à la barre.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
Législateurs, les canonniers volontaires de la garde nationale de Paris nous ont chargés de la mission honorable de vous assurer de leur soumission àla kti, et de vous présenter leurs félicitations sur les décrets que votre sagesse a rendus contre les prêtres séditieux et les émigrés, ennemis implacables de l'égalité, qui, rassemblés à nos frontières, ont la téméraire audace de menacer 25 millions d'hommes.
Nous demandons la révocation du décret rendu par l'Assemblée constituante le 29 septembre dernier comme impraticable et ne servant qu'à enchaîner notre zèle et notre courage. Nous vous prions, pères de la patrie, vous qui avez seuls et sans partage le pouvoir de faire parler la loi, de donner aux canonniers une organisation conforme à vos principes. Qu'ils sachent, nos ennemis communs, que plus les obstacles qu'on nous oppose sont puissants, et plus notre persévérance s^ccroît. Nous n'attendons que le signal de la loi pour porter l'épouvante et la mort parmi les bandes d assassins qui osent menacer le temple de la liberté. (Applaudissements.) Nous préférons tous la mort à 1 esclavage. (Applaudissements.)
, répondant à la députation. Messieurs, l'artillerie française fut toujours célèbre; elle unit la science au courage; vous soutiendrez sa gloire. L'Assemblée nationale examinera votre demande et vous invite à sa séance.
(L'Assemblée décrète le renvoi de la pétition au comité militaire et ordonne qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
Le sieur Collot d'Herbois, auteur de l'Alma-nach du père Gérard, est admis à la barre; il s'exprime ainsi (1) :
« Messieurs,
« J'ai l'honneur de vous offrir un petit ouvrage auquel vous donnerez un grand prix si vous le jugez utile à l'instruction des citoyens de nos campagnes, auxquels il est destiné. C'est 1' « Aima-nacli au père Gérard » (Applaudissements.), le voici; je vous l'offre, Messieurs, tout simple (2), humble et modeste comme celui dont il porte le nom, tel qu'on le verra souvent peut-être au milieu des nommes les plus vertueux ; et si c'est là sa destinée lorsqu'il se trouvera placé sur votre bureau, elle sera déjà remplie. (Il remet l'almanach à un huissier.) (Applaudissements.)
« Le père Gérard lui-même ne fut pas plus heureux. Cet homme respectable nous a prouvé qu'avec des sentiments purs et les lumières de la raison, on peut coopérer dignement à faire de bonnes lois. Il ne prononçait pas de longs discours, mais souvent un mot dicté par le bon sens, une de ces expressions proverlriàles que les hommes francs et naturels savent rendre si éloquentes, eut, en sortant de sa bouche, une puissante autorité. C'est ainsi qu'il dit un jour à certains partisans du despotisme qui, plus d'une fois, ont excité dans cette salle de violents orages : « Messieurs, vous avez beau faire ; comment « qu'on s'y prenne, l'égalité s'établira malgré « vous, et la Constitution s'achèvera ; le peuple « la demande, et la voix du peuple est la voix «de Dieu. » (Applaudissements.) Simples, mais sublimes expressions, qu'on ne peut trop souvent répéter ! Pourquoi ce ton de naïveté n'est-il pas toujours dans l'ouvrage que je présente ici sous ses auspices? Il serait plus digne de l'honorable adoption que je viens solliciter.
« J'oserai dire cependant que l'opinion publique semble m'encourager, je dirai qu'une société, célèbre par son patriotisme (3), a décerné à l'almanach au père Gérard le prix qu'elle avait proposé pour un ouvrage dont le but serait de faire toujours plus chérir notre sainte Constitution* c'est-à-dire de la faire toujours mieux connaître. En couronnant les principes du père Gérard, cette société a consacré les siens, puisque ce vénérable vieillard a vécu longtemps dans son sein. Malgré son âge, nous l'avons vu courageux et fort, lorsque le salut de la patrie commandait de grands sacrifices et de solides résolutions.
« Eh ! Messieurs, qui sait mieux que vous que dans dé pareils moments tout homme libre est
entraîné par l'impulsion d'une âme brûlante ; comme le disait Mirabeau: « Son cœur
bouillonne, » son dévouement est entier, son courage est intrépide, ses yeux étincellent, et
sa tête touche aux cteux. C'est ainsi que la nation se plaît à contempler ses représentants;
c'est dans cette attitude nère et imposante qu'elle les verra affermir la Constitution,
foudroyer ses ennemis, remplir toutes les espérances, et garantir à tous les Français un
bonheur éternel, immuable, puisqu'il sera fondé sur le culte des lois et sou-
, répondant à Vorateur. Monsieur, vous présentez à l'Assemblée nationale un ouvrage utile au peuple. 11 y apprendra à aimer la Constitution en la connaissant et à devenir heureux en obéissant aux lois. Vous ayez bien mérité de la patrie. L'Assemblée nationale vous accorde les honneurs de la séancé.
traverse la salle au milieu des plus vifs applaudissements.
Je demande l'insertion et la mention honorable au procès-verbal du discours de M. Collot d'Herbois.
. Plusieurs membres : Et du discours du président.
J'appuie la motion de M. Albitte, mais j'ajoute que c'est ici le cas d'appliquer un décret que vous avez rendu, et d'accepter son offre comme un bienfait public. C'est dans ces termes que je désirerais que l'Assemblée nationale exprimât qu'elle accepte l'hommage de M. Collot d'Herbois, et ordonne l'insertion ae son discours.
(L'Assemblée décrète l'impression et l'insertion au procès-verbal avec mention honorable du discours de M. Collot d'Herbois et de la réponse du président.)
Un membre : Je demande le renvoi de l'ouvrage à l'examen du comité d'instruction publique et l'ajournement de la proposition faite de l'accepter comme bienfait public pour être statué sur le rapport de ce comité. (Applaudissements.) (L'Assemblée décrète cette motion.) Les administrateurs du bureau de charité deVhôpital de Lille sont admis à la barre et présentent une pétition tendant à obtenir, à titre de prêt, la somme de 100,000 livres, sous le cautionnement de la même ville pour soutenir, pendant les dix premiers mois de 1792, cet hôpital actuellement dénué des anciennes ressources qui l'alimentaient.
répond aux pétitionnaires et les invite à la séance.
(L'Assemblée renvoie leur pétition au comité des secours publics.)
Le sieur Jean-Baptiste Cazln est admis à la barre et se plaint de diverses détentions arbitraires qui l'ont retenu en prison pendant 12 ans. 11 réclame un jugement qui le condamne s'il est coupable, et qui rétablisse sa réputation s'il est innocent.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie sa pétition au comité de législation.)
Le sieur Bubn (de Longehamp), citoyen français et colon de Saint-Domingue, est introduit à la barre.
Monsieur, je vous invite à exposer succinctement les motifs et l'objet de votre pétition.
Messieurs, un colon qui paye ses créanciers, qui a travaillé dans toutes les révolutions, qui respecte les pouvoirs constitués, qui aime la loi, qui lui obéit, vient vous demander justice. Les amis des noirs sont nos ennemis, mais ils ne sont pas les seuls. Ils ont fait disparaître ma propriété, mes ressources et mes moyens d'acquittement. Soumis
à vos décrets, je ne chercherai pas les opinions qui ont pu être prononcées dans l'Assemblée; mais je soutiens que les amis des noirs, dequelque rang, de quelque qualité qu'ils soient, sont coupables de haute trahison envers la France et qu'ils sont coupables d'un délit immense envers chacun des particuliers de la colonie. Je sais que l'insurrection de Saint-Domingue tient à plus d'une cause; j'attaque la principale, et j'attaquerai tous les coupables, quels qu'ils soient, parce que je tiens le fil qui nous a perdus.
Il s'agit de savoir si vous prononcerez vous-miêmes sur le décret d'accusation ou si vous renverrez devant les tribunaux ordinaires. Les amis des noirs ont demandé des faits; eh bien, je demande à lire une réclamation appuyée sur des faits. Jé la lirai par extrait, pour obéir à la loi que vous avez portée hier. Je la déposerai signée sur le bureau. Législateurs, à Rome, un soldat avait le droit de réclamer au milieu du Sénat. L'Assemblée constituante, en vous inculquant les principes de la liberté, a laissé à vous, ses successeurs, la tâche honorable de nous rendre justice ; je la demande.
veut répondre au pétitionnaire.
J'observe à M. le président que le pétitionnaire désire et doit même lire un extrait de sa dénonciation.
Je m'y oppose. Le pétitionnaire, qui a toujours demeuré dans la capitale, ne peut pas connaître les faits.
Il y a un décret qui porte que les pétitionnaires liront un extrait de leur pétition. J observe qu'il y a 150 pétitionnaires au moins qui demandent iustice, et je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
Voix diverses : Le renvoi au comité colonial ! — La lecture des pièces !
Je consulte l'Assemblée pour savoir si M. Dubu sera autorisé à lire un extrait de son mémoire.
(L'Assemblée décide que M. Dubu sera entendu.)
J'ose supplier l'Assemblée de m'écouter avec indulgence, avec bonté. J'ai l'honneur de l'assurer que je ne l'occuperai qu'un instant, parce que, malgré la longueur de mon mémoire, je ne le lirai qu'en masse.
Ce mémoire n'a pas besoin d'exorde. Je dénonce à la vindicte des lois les amis des noirs, écrivains fanatiques, les amis des .noirs, écrivains payés, les amis des noirs, coupables de l'assassinat des colons. En point de fait, j'ai à démontrer que les amis des noirs ont écrit pour les noirs contre les blancs, que les amis des noirs on été payés pour assassiner les blancs ; que dès lors, ils sont criminels de lèse-nation et coupables de trahison au premier chef. En point de droit, j'ai à démontrer que la liberté ae la presse ne peut avoir ici d'application ; que les amis des noirs sont responsables non seulement du mode de leurs écrits, mais des effets qu'ils ont produits ; qu'ils doivent être soumis à une haute cour nationale, parce qu'il y a lieu à accusation et qu'ils doivent être jugés et punis.
Dès l'année 1788, au moment où des nommes célèbres cherchaient à s'instruire sur des points de Constitution... (Exclamations.)
Monsieur,présentez l'abrégé, vous ne devez lire qu'un simple extrait.
Voici, Messieurs, mon accusation.
J'articule que les amis des noirs sont la cause des malheurs des colonies; j'articule en mon particulier qu'ils m'ont fait perdre ma propriété; j'articule en point politique qu'ils ont été payés par les Anglais pour arracher à la France les colonies et pour démembrer la France à l'aide de leur système.
Je mets au défi les amis des noirs de m'atta-quer en justice réglée et de me nier ces faits. Qu'ils choisissent un tribunal, qu'ils y paraissent armés de leurs poignards et ae leurs torches ! Et moi aussi, je serai armé de mes preuves et ie tiendrai suspendu sur leurs têtes le glaive de la loi. Je demande la permission de déposer sur le bureau mon mémoire (1), dont je ne vous ai qu'indiqué les conclusions pour être renvoyé au comité colonial.
Donnez des preuves!
Un membre : Vous ne voulez pas laisser lire le mémoire ; vous ne pouvez pas les connaître.
Le pétitionnaire ne présente rien du tout à l'Assemblée; il ne lui propose aucun projet de décret, pas même d'accusation. (Rires.) Que fait le pétitionnaire, il vient seulement provoquer, au sein du Corps législatif, les amis des noirs, il leur fait à eux une interpellation, et certes ce n'était pas la barre de l'Assemblée qu'il devait choisir comme champ de bataille. (Oh! oh!) Ce n'est pas là le langage d'un pétitionnaire; je demande que sa conduite soit improuvée. (Murmures,)
Plusieurs membres : Non! non!
Voix diverses : Le renvoi au comité colonial ! — L'ordre du jour!
Si le mémoire qui vient de vous être présenté contient des renseignements sur les affaires des îles, il faut le renvoyer au comité colonial ; mais, si ce mémoire est une accusation, le comité colonial n'est certes pas chargé de recevoir les accusations. Si le pétitionnaire vient porter accusation contre quelque citoyén, qu'il s'explique et qu'on sache ce qu'il veut absolument. Alors, vous agirez d'après les lois que vous déterminerez lorsqu'il y aura une accusation à porter contre quelques individus.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Vous n'avez pas entendu la demande du pétitionnaire, vous ne pouvez donc pas prononcer. Les circonstances ne vous ayant pas permis de l'entendre au long, comme l'exigeait l'importance de sa demande, je propose le renvoi au comité colonial, qui en fera l'examen et en rendra compte à l'Assemblée, car sur une pareille affaire vous ne pouvez passer à l'ordre du jour.
M. Dubu dénonce ies amis des noirs à l'Assemblée nationale; il propose contre eux un
décret d'accusation. Tout citoyen peut dénoncer un crime contre la sûreté publique. Il est
soumis au jugement de l'Assemblée nationale. La dénonciation est formelle, la demande
d'accusation est manifeste ; par conséquent, la chose doit être prise en considération. Je ne
suis pas en peine que les amis des noirs se justifient parfaitement; mais, puisqu'ils sont
accusés, ils doivent eux-mêmes désirer que l'on examine très attenti-
Un membre : Et au comité colonial réunis.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets aux voix le renvoi.
Je demande la priorité pour la motion tendant à l'improbation de la pétition.
et plusieurs autres membres. La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion tendant à improuver le pétitionnaire.)
réclame avec énergie contre cette décision.
Monsieur, je vous rappelle à l'ordre au nom de l'Assemblée.
Un membre Je demande que M. Dubu soit reconnu pour un calomniateur s'il ne donne des preuves.
Je propose, par amendement, d'exigerdeM. Dubu qu'il remette toutes les pièces sur le bureau.
Un membre : J'observe au préopinant que cette demande est de droit et que M. Dubu a remis les pièces.
On a proposé le renvoi au comité colonial et on a ensuite proposé d'y adjoindre le comité de surveillance. Je mets d abord aux voix le renvoi au comité colonial.
(L'Assemblée renvoie le mémoire et les pièces au comité colonial.) ,
Je mets maintenant aux voix le renvoi auxomité de surveillance.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu il n'y a pas lieu à délibérer sur le renvoi au comité de surveillance.)
demande que M. Dubu (de Long-champ) soit admis à la séance.
, s'adressant à M. Dubu de Longchamp. Monsieur, l'Assemblée vous invite à assister à sa séance.
entre dans la salle.
Et moi, je soutiens qu'un homme qui se présente à la narre, avec des accusations sans preuves, contre les amis des noirs, dont plusieurs sont nos collègues, et qui, tous, sont des amis de l'humanité, ne doit pas être reçu au sein de cette Assemblée.
Plusieurs membres : L'ordre du jour ! ; (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Une députation nombreuse de citoyens de la ville de Liège est admise à la barre pour exposer à l'Assemblée les vexations qu'ils ont éprouvées de ïa part de leur évêque et du roi de Prusse.
, orateur de la députation, s'exprime ainsi : Législateurs, nos concitoyens sont déjà venus présenter leurs hommages à l'Assemblée nationale. Nous étions libres alors, mais les efforts que nous avons faits pour conserver cette liberté, ont été la première source de nos maux. Les tyrans ont pâli de notre résistance. Nous avons été écrasés par une,masse de leurs satellites. Les puissances qui nous avaient d'abord protégés, nous ont abandonnés honteusement, après avoir retiré de notre situation tout le fruit que se promettait leur astucieuse politique. On nous a li-
vrés au système le plus atroce de haine, de vengeance, de proscription. Les cachots se sont remplis de citoyens généreux. Nous n'avons pu nous résoudre à rester sur cette terre où nous avions combattu pour la liberté; et, nous osons le dire, il y a peut-être une sorte de courage à savoir supporter la vie, quand on a l'espoir de la rendre funeste aux tyrans. Nos bras né peuvent plus nous être utiles, nous vous en faisons l'offrande; et en combattant pour vous, nous rappellerons toujours cette ancienne devise du peuple Liégeois :
Mieux vaut mourir, de franche volonté, Que du pays perdre la liberté.
(Applaudissements.)
Nous vous prions donc de décréter qu'il sera formé une légion de volontaires Liégeois, pour la défense des frontières. (Vifs applaudissements.)
, répondant à la députation. L'Assemblée nationale applaudit à vos sentiments. Votre offre mérite un examen sérieux : elle s'en occupera avec intérêt et avec prudence; elle vous invite à sa séance. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète le renvoi de la pétition des citoyens de Liège aux comités militaire et diplomatique réunis, et ordonne qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
(Une députation des citoyens du bataillon de la section du Faubourg-Montmartre est admise à la barre.)
, orateur de la députation, s'exprime ainsi (1) :
« Législateurs, vous voyez devant vous ces mêmes soldats de la Révolution, qui, tant de fois dans cette enceinte, qui deux fois au champ de la Fédération de tous les Français, ont promis fidélité à la Constitution et tout leur sang à la liberté. Ils viennent, dans ce même sanctuaire, devant le simulacre auguste de la patrie, renouveler ce même serment, le premier vœu de tous les cœurs français, et demander qu'il leur soi enfin permis de l'accomplir.
« La colonne sainte de la Constitution est debout : elle a pour base l'intérêt et la volonté de la nation, la force des principes, l'autorité de la raison; elle a pour sauvegarde la fidélité du Corps législatif, du roi et des juges, l'affection des jeunes citoyens, le courage ae tous les Français. (Applaudissements.)
« Une horde gothique et barbare, l'éternelle ennemie des peuples et des rois, mais surtout d'un roi constitutionnel, et redevenu libre avec nous, veut renverser ce monument de sagesse et de gloire. L'ignorance féodale veut tuer la raison; l'orgueil chevaleresque veut arracher à la philosophie cette grande famille de 25 millions d'hommes (Applaudissements.), qu'il ose retraire comme la propriété usufruitière, l'inaliénable patrimoine des rois et de patriciat.
« Législateurs (Ils lèvent tous la main.), nous le jurons à la patrie, nous le jurons à vous qui la représentez : non elle ne sera plus la vile proie, le vil troupeau de ces pasteurs dévorants.
« L égalité! l'égalité ! voilà l'apanage commun de tous ceux qui veulent bien n'être que
des hommes; voilà le cri de ralliement de tous les Français ; voilà les sacrés caractères qui
seront empreints sur nos étendards. La guerre est là,
« Nous avons solennellement proclamé à la face de l'Univers, que tous les Français étaient libres, ces innombrables générations de Français, appelés à recueillir les fruits de tant de travaux, de sollicitudes et de sacrifices. L'Europe nous contemple et va nous juger. Sans doute, le Français ne sera point avare ae ce sang qu'il a tant de fois promis à la patrie; sans doute, il saura mourir, puisqu'il a voulu être libre; il ensevelira, s'il le faut, avec lui, ces générations à venir, qui n'auraient à recevoir de lui que la mort de l'esclavage. (Applaudissements.)
« Représentants du peuple franc, vous repousserez avec indignation ces viles terreurs, dont on vous assiège, pour vous empêcher d'écraser sur-le-champ, nos ennemis de tout le poids de la puissance nationale : ces terreurs, si lâches, si elles existent; si criminelles, si elles n'existent pas! En serons-nous plus forts et plus redoutes, si nous montrons à nos ennemis si peu de confiance en nos forces? Les traîtres les plus à craindre ne sont-ils pas les ennemis intérieurs de l'ordre et des lois? (Applaudissements.) S'il y en avait d'autres sous les drapeaux de la liberté, quel mal nous feraient-ils en les abandonnant? Auraient-ils combattu pour elle? Est-ce bien en France qu'elle manquerait de défenseurs?
« C'est à vous, législateurs, c'est à vous qu'il appartient de livrer à nos ennemis la plus formidable guerre, en affermissant sur sa base cette Constitution qu'ils abhorrent (Applaudissements.); en rétablissant l'ordre, le créait et la fortune publique; en fondant, en comblant toutes les profondeurs de ce gouffre fiscal crêusé par eux.
« Combien vous ajouterez à notre force et à notre audace, quand., donnant à tous l'exemple du respect pour la Constitution, vous repousserez ceux qui oseront emprunter un langage et des formes proscrites par elle, pour faire mentir, jusqu'au milieu de vous, la volonté nationale (Applaudissements.) ; quand, secondant, de toute la puissance de la votre, ce roi des Français, dont la volonté ne peut être que la volonté ae tous, et qui vient de renouveler l'engagement de n'écouter qu'elle, vous ferez respecter de concert les lois, les personnes, les propriétés, les opinions, les mœurs? (Applaudissements.)
« Si les peuples libres sont invincibles, serait-on libre là où vivrait encore une des cent têtes de l'anarchie? Car l'anarchie n'est-elle pas aussi un despotisme? (Applaudissements.)
« Vous le vaincrez, législateurs, cet ennemi, bien plus redoutable que céux que nous allons combattre : vous montrerez aux nations étrangères le Français libre, le Français armé de toutes les vertus de la liberté (Applaudissements.]); vous n'arrêterez point cetélan généreux qui le précipite au combat et à la victoire, vous nous donnerez la « guerre » ; la « guerre « que viennent vous demander des soldats, qui l'ont promise aux ennemis et à tous les ennemis de l'égalité et de la Constitution. » (Vifs applaudissements.)
(Suivent les signatures des différents citoyens de la section.)
, repondant à la députation. Premiers fondateurs de la liberté, vous en serez aussi les plus intrépides défenseurs. La patrie compte sur votre courage, la Constitution sur vos serments, les lois sur votre respect. Les hon-
neurs de la séance vous sont accordés. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : L'insertion au procès-verbal avec mention honorable !
J'appuie cette motion; mais je demande, en outre, l'impression et l'envoi à tous les bataillons des gardes nationales et à toute l'armée française. (Applaudissements.) ,
(L'Assemblée décrète successivement ces différentes motions.)
La parole est à M. le ministre de la marine, qui l a demandée.
, ministre de la marine. Je viens réclamer la justice de l'Assemblée nationale, à l'occasion du renvoi qu'elle a fait hier, au comité de marine, de la lettre que j'ai eu l'honneur d'écrire à M. le Président, le 13 de ce mois (1), en réponse aux inculpations faites contre moi, relativement aux états de revue des officiers de la marine de Brest, et dont je demande que la lecture soit faite à l'Assemblée. Voici les motifs sur lesquels ma demande est fondée. Le 4 de ce mois, le roi me fit l'honneur de me remettre, au conseil, une dénonciation qui lui était adressée contre moi par le département du Finistère. Le lendemain 5, je vins à l'Assemblée, et je réfutai cette dénonciation par les explications les plus claires, par les faits les plus positifs (2). Le mardi 6, la même dénonciation qui avait été envoyée à l'Assemblée fut lue et renvoyée au comité de marine. Elle y est devenue la matière d'un rapport, qui a été fait, et je dois observer que dans ce rapport, il n'est fait aucune mention des faits explicatifs, ni des éclaircissements que j'avais donnés, qui cependant devaient être connus du comité, puisquel'Assemblée avait ordonné l'impression de mon discours et que cette impression était faite.
L'Assemblée reconnaîtra, sans doute, que dans un rapport, on ne doit pas se borner à faire mention des défenses d'une seule partie, autrement on ne fait que la moitié d'un rapport, ou pour mieux dire, on n'en fait point du tout.
Comme ce rappqrt a eu la plus grande publicité, non seulement parce qu'il a été lu dans l'Assemblée, mais parce qu'il a été imprimé, je demande que ma lettre soit lue et imprimée aussi, parce qu'il est de toute justice que la justification ait le même degré de publicité. (C'est juste! c'est juste!) Je demande aussi que les pièces sur lesquelles ce rapport est fondé me soient communiquées, afin que je sois à portée de juger du degré de confiance qu'elles méritent. Je vois, dans ce rapport, que la principale pièce qui en a fait la base, est un état de situation fait sur les lieux, d'après l'extrait même de la revue. Je ne connais pas cette pièce, mais tout ce que je puis attester, c'est que c'est la même qui a été imprimée dans le Moniteur du dimancne 4, la pièce est absolument fausse ; et cependant, Messieurs, au bas de cette lettre (3), je lis ces mots : Je vous prie en grâce de l'imprimer, et je vous réponds de l'opération sur ma tête. Bellanger, de la société des amis de la Constitution, etc... »
Or, Messieurs, cette pièce si bien garantie contient 26 ou 27 faussetés, aperçues au
premier
re sér. t.
XXXV, séance du lundi 5 décembre 1791. au malin, p. 587.
Un membre : Je demande que le ministre ait communication des pièces, et que lecture soit donnée à l'Assemblée de la lettre qui contient ces moyens.
Je demande que l'Assemblée nationale renvoie à son comité la proposition qui lui est faite par le ministre. L'Assemblée nationale doit se souvenir que lorsque le rapport dont il est question fut fait, je fis moi-même la motion de communiquer au ministre de la marine, non seulement les pièces qui contenaient les faits dont on l'inculpait, mais encore le rapport, afin qu'avant de prendre un parti sur cet objet, on eut du ministre de la marine des éclaircissements très positifs.
L'Assemblée nationale a rejeté par la question préalable la proposition que je lui fis.
Un membre : On eut tort.
Vous eûtes tort ce jour-là; vous aurez raison aujourd'hui, parce que le ministre est ici! et qu'il n'y était pas ce jour-là.
Plusieurs membres : L'ordre du jour.
Je rappelle l'opinant à la question. La présence des ministres n'a aucune influence sur l'Assemblée.
J'avais fait ces demandes parce que je crois que lorsqu'il est question de dénoncer la conduite d'un ministre, ou d'un citoyen, il faut d'abord lui donner la facilité de s'expliquer et de se justifier; voilà quels étaient les motifs de ma proposition. Je me souviens encore qu'à une des séances où elle avait été adressée, l'Assemblée demanda que, pour ne pas perdre un instant précieux qui amenait l'ordre du jour sur les assignats, on renvoyât ^ cette lettre au comité de marine, pour en faire incessamment son rapport; et je me souviens que cette lettre a obtenu la publicité qu'elle devait avoir, puisque l'Assemblée nationale en a ordonné l'impression et la distribution qui en a été faite : la voici. {Il la montre.)
Plusieurs membres : C'est de l'imprimerie royale.
Si la lettre du ministre qui a été distribuée, n'est pas la même, je demande qu'on en ordonne l'impression et la distribution à tous les membres, auparavant que le rapport en soit fait; et avant qu'on ouvre une discussion sur cet objet, le ministre doit faire passer au comité de marine les éclaircissements qui peuvent établir sa justification lors du rapport qui sera fait par le comité de marine, et qui vous présentera, sans doute, et les inculpations faites au ministre et la manière dont elles auront été réfutées parle ministre; mais puisque vous avez rejeté ma proposition par la question préalable, vous ne pouvez pas revenir sur ce décret.
Un membre : Je demande l'impression et la distribution des lettres justificatives du ministre.
Je demande qu'on passe aux pétitionnaires qui sont à attendre.
(Après quelques débats, l'Assemblée décrète le renvoi du tout au comité de marine et communication des pièces au ministre de la marine.)
La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
, ministre de l'inté-
rieur . Messieurs, je me proposais de vous donner lecture de quatre mémoires, si l'Assemblée nationale avait eu le temps de m'entendre; mais comme il lui reste beaucoup de pétitionnaires
semblée croira-t-elle cette lecture suffisante pour les renvoyer aux comités qui le concernent.
Le premier des mémoires que je me proposais de lire regarde le canal de Bourgogne, et me paraît devoir être renvoyé, si l'Assemblée le croit nécessaire, au comité des secours. (Non! non!)
Plusieurs membres : Aux comités d'agriculture et de commerce !
(L'Assemblée renvoie ce mémoire aux comités de commerce et d'agriculture réunis.)
, ministre de l'intérieur. Le second de ces mémoires concerne les deux écoles vétérinaires établies, une à Alfort, près Charenton, l'autre à Lyon.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire aux comités d'instruction publique et d'agriculture réunis.)
, ministre de l'intérieur. Le troisième mémoire explique les inconvénients provenant de la multiplicité des fabriques d'amidon dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire aux comités de commerce et d'agriculture réunis.)
, ministre de l'intérieur. Enfin, Messieurs, le quatrième mémoire explique les inconvénients de la même multiplicité des eaux-de-vie de genièvre dans le même département du Nord.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité de commerce.)
Le sieur Lecomte, maire de Cormeilles, député extraordinaire, est admis à la barre et présente des réclamations sur la division du territoire et celle des contributions publiques, relativement au district de Pont-Audemer dont sa municipalité fait partie.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de division en ce qui concernela division du territoire, et au comité de l'ordinaire des finance^, en ce qui concerne les contributions publiques.)
Deux officiers des volontaires nationaux du second bataillon du département de l'Yonne sont admis à la barre et exposent que le commissaire de leur département pour la conscription des gardes nationales les ayant autorisés à se fournir de vêtements dans le lieu de leur garnison, il ne les paye pas, ce qui les empêche de se fournir d'armes, de fourniments, de vêtements, même de ceux nécessaires à la décence. Ils démandent que l'Assemblée nationale veuille bien leur faire donner les habillements nécessaires.
répond aux pétitionnaires et les admet à la séance.
Il faut que l'Assemblée prenne en très grande considération la demande des pétitionnaires; la négligence et l'insouciance des administrateurs des départements sont causes que nos volontaires désertent. (Murmures.)
Des volontaires ne désertent pas.
Dans le département des Landes, on laisse depuis deux mois languir deux bataillons sans vêtements et sans fourniments.
Plusieurs membres : À l'ordre du jour !
(Après quelques débats, l'Assemblée renvoie la
pétition au comité militaire pour en faire incessamment le rapport.)
Le sieur Jean-François II a thé, ancien militaire invalide, est admis à la barre;il réclame contre les injustices qu'il a éprouvées et se plaint de ce qu'on lui refuse une pension d'invalide.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie sa pétition au; comité militaire.)
Le sieur Joseph Charton est admis à la barre et offre à l'Assemblée nationale ses vues pour l'établissement d'une nouvelle école de musique.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de son adresse au comité d'instruction publique avec mention honorable au procès-verbal^
Un membre lit une 'pétition de plusieurs maîtres de poste pour obtenir un troisième cheval pour conduire la malle.
(L'Assemblée renvoie cette pétition aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
Le sieur Prévost de Beaumont est admis à la barre et demande une indemnité pour les vexations et l'emprisonnement arbitraires qu'il s'est attirés en découvrant les quatrième et cinquième pactes de famine générale, exécutés depuis 1728 entre le ministère, le clergé et le Parlement de Paris. Il dépose sur le bureau un exemplaire d'un mémoire imprimé.
(L'Assemblée décrète le renvoi de ce mémoire aux commissaires des lettres de cachet.)
Le sieur Liot est admis à la barre.
Un de MM. les secrétaires lit, en son nom, une pétition dans laquelle il se plaint d'avoir été victime de vexations arbitraires exercées contre lui, tant par la municipalité que par le tribunal du district de Saint-Malo, et annonce qu'il ne s'est échappé du cachot où il gémissait depuis un an, sous le poids de 50 livres de chaînes, que pour réclamer justice auprès de l'Assemblée nationale, et lui demander un tribunal contre ses oppresseurs.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité des pétitions !
Un membre du comité des pétitions : Le comité des pétitions a déjà été saisi de cette affaire et a rénvoyé le plaignant au tribunal de cassation.
cadet. L'homme qui vous présente cette pétition a été arrêté à la tete d'une émeute qui se portait* contre la municipalité de Saint-Malo, émeute qui avait amené la publication de la loi martiale. Il s'est échappé de prison et se présente devant l'Assemblée.
demande à répondre et insiste pour se faire entendre.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour et refuse au pétitionnaire les honneurs de la séance.)
Une députation de 300 citoyens de la section du Palais-Royal est introduite à la barre et présente une adresse où ils appellent la vengeance de la loi sur les membres du directoire au département de Paris, signataires de la pétition au roi, tendant à provoquer son veto sur le décret contre les prêtres. Ils s'appuient sur le principe constitutionnel que l'Assemblée nationalè législative a seule le droit de se rendre l'organe du peuple et que les corps administratifs ne peuvent, en conséquence, faire de pétitions. Ils accusent les membres du directoire du département
de Paris d'avoir voulu attenter à l'ordre établi par l'Assemblée nationale constituante et établir une marche intermédiaire entre le Corps législatif, autorité suprême, et le roi, autorité secondaire.
Plusieurs membres : Mention honorable au pro-cès-verbal !
D'autres membres : La question préalable !
Je demande qu'on ne fasse mention honorable de cette adresse qu'après qu'elle aura été renvoyée au comité de législation. Le comité se convaincra, par un examen approfondi, que cette adresse, parmi des sentiments très patriotiques, contient des principes inconstitutionnels. (Murmures.)
Il faut la motiver cette question préalable. Il est absurde. de dire qu'il y a dans une adresse des principes inconstitutionnels, lorsqu'il n'y en a pas; c'est une calomnie contre l'adresse. Je demande que M. Jaucourt, qui vient d'accuser des citoyens pétitionnaires d'attaquer la Constitution, soit rappelé à l'ordre, et qu'il soit réputé calomniateur, s'il ne prouve à l'instant ses allégations.
Je ne répondrai pas à l'éloquence persuasive et modérée de M. Couthon. (Au fait ! au fait /), et à l'appel infiniment honnête qu'il fait à un de ses collègues. (Au fait ! au fait !). Je répondrai à l'Assemblée nationale, à qui je dois compte de nos sentiments, au peuple qui m'a envoyé ici pour le représenter, et auquel je dois compte de sa majorité et de sa puissance ; mais je mépriserai les vaines diatribes et les personnalités qui peuvent aller m'at-tendre hors dé l'enceinte ae ce temple sacré.
Je prie d'observer que j'ai demandé que l'on renvoyât au comité de législation pour examiner, et pour qu'il ne fut fait mention qu'après l'examen de cette pétition...
Un membre : Citez les erreurs inconstitutionnelles !
Voici une des expressions qui m'ont frappé dans l'adresse et que je présente comme inconstitutionnelle : « Et qui ne voit, dans cette pétition insidieuse, le projet perfide de séparer a jamais les deux pouvoirs établis par la Constitution, en provoquant l'autorité secondaire de l'un, contre l'autorité suprême de l'autre. » (Murmures.) Quelles que soient les fonctions que la Constitution attribue à ces deux pouvoirs constitués, elle n'a pas réglé leur rang... (Bruit prolongé; les murmures couvrent la voix de Vorateur)
Voix diverses : L'ordre du jour ! Fermez la discussion !
quitte la tribune.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres à droite : L'ordre du jour !
Plusieurs membres à gauche : La question préalable sur l'ordre du jour et mention honorable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion ae passer à l'ordre du jour, ordonne la mention honorable au procès-verbal de l'adresse des citoyens du Palais-Royal et renvoie cette adresse au comité de législation.)
Je demande qu'enfin l'on fixe le jour où le comité de législation doit faire son rapport sur les pétitions.
Plusieurs membres : Vendredi !
(L'Assemblée décide que le comité de législa-
tion présentera vendredi un rapport sur les différentes pétitions qui lui ont été renvoyées.)
Je vais introduire des citoyens , députés extraordinaires de Perpignan, qui demandent à rendre compte à l'Assemblée d'une conspiration qui a pensé livrer la citadelle de cette ville aux ennemis de la patrie.
Un membre, député du département des Pyré-nées-Orientales. Il n'y a rien de nouveau relativement à Perpignan. Le comité militaire vous fera incessamment un rapport sur les troubles arrivés dans cette ville dans les journées du 7 et du 8 de ce mois. 9 officiers du 20° régiment d'infanterie et du 12® régiment de chasseurs ont été en insurrection et ont voulu porter leurs corps respectifs à des mesures de violence; mais la municipalité et la garde nationale se sont conduites avec tant de vigueur que tout a été déjoué, et que les officiers ont été mis en état d'arrestation à la citadelle. Les procès-verbaux ont été remis au comité militaire.
, ministre de la guerre. Je n'ajouterai rien au détail que l'on vient de donner sur tout ce qui s'est passé à Perpignan. II me paraît démontré que l'affaire est parfaitement terminée. 11 m'est arrivé également des libelles sur ces troubles. Ce n'est que par un post-scriptum d'une lettre de M. Chaulet, commandant de division, que j'ai appris l'arrestation des officiers. Je crois, comme l'a dit le préopinant, qu'on ne peut trop donner d'éloges à la conduite de la municipalité et de la garde nationale.
Je vais remettre à M. le Président une lettre du roi contresignée par le ministre de la guerre et portant demande d'un fonds extraordinaire de 20 millions pour le service du département de la guerre. (Il remet la lettre au président.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue :
« Sur l'aperçu qui vient de m'être donné, Monsieur le Président, par le ministre de la guerre, des approvisionnements qui doivent précéder toutes dispositions ultérieures, je pense qu'un fonds extraordinaire de 20 millions devient indispensable et doit être le plus promptement possible remis au ministre, qui, sous sa responsabilité, en présentera incessamment l'emploi détaillé à l'Assemblée. Je vous prie donc, Monsieur le Président, de vouloir bien mettre cet objet, très instant par sa nature, à l'ordre du jour des plus prochaines délibérations de l'Assemblée.
« J adopte volontiers pour vous faire cette demande, la forme qui prévient toutes les difficultés ! Je ne persiste pas moins à croire que celle qui a été employée par le ministre de la marine, dans l'affaire des colonies, est tout aussi constitutionnelle et plus expéditivè.
« Signé : louis.
« Et contresigné : louis de Narbonne. »
(L'Assemblée renvoie cette demande aux comités militaire et de l'extraordinaire des finances réunis.)
Je demande que le ministre de la guerre nous donne, avec les états de cette dépense extraordinaire, l'aperçu de celle nécessaire au département de la guerre pour l'année 1792.
, ministre de la guerre, fait n rapport sur l'aperçu des dépenses à faire dans osu département pour Vannée 1792 ; il s'exprime
ainsi : Messieurs (1), l'Assemblée nationale a décrété, le 29 du mois dernier, que les ministres lui présenteraient, le 15 décenibre, l'aperçu des dépenses à faire pour l'année 1792, dans leur département : je vais, Messieurs, m'acquitter de ce devoir.
J'ai l'honneur de vous présenter en conséquence :
1° L'état du complet de l'armée d'après les décrets des mois d'août et juillet derniers ;
2° Celui des dépenses auxquelles l'entretien de l'armée donnera lieu pendant le cours de l'année prochaine, sans y comprendre les dépenses extraordinaires que les circonstances pourraient nécessiter;
3° L'état de la dépense relative à la gendarmerie nationale, pendant cette même année, d'après les décrets rendus à ce sujet.
Ce travail très soigné est l'ouvrage de mon prédécesseur, à qui je dois, Messieurs, en faire nommage devant vous. Vous verrez sans doute avec satisfaction le développement des projets qu'il avait formés pour assurer la défense du royaume, et vous penserez, je crois, que je n'aurai rien de mieux à faire que de les mettre à exécution, en leur donnant, d'ailleurs, toute l'extension et toute l'activité que les événements commanderont.
De ce travail qui ne présente dans toutes ses parties que l'exécution littérale des décrets de l'Assemblée nationale, il résulte que la totalité des fonds pour le département de la guerre s'élève pour l'année 1792 à la somme de 190,862,615 livres, non compris 10,529,050 livres pour la gendarmerie nationale.
Je m'empresse d'ajouter qu'un tel état de dépenses ne doit point être regardé comme permanent ; car il comprend 63,000 hommes d'augmentation pour l'armée de ligne, qui forme un accroissement de dépenses ae 36 millions; et 115,000 gardes nationales, dont la dépense est de 42 millions. Or, toutes ces dépenses cesseront évidemment au moment où la paix sera assurée. Cet état comprend aussi 22 millions de dépenses extraordinaires pour les travaux de l'artillerie et du génie, qui ne doivent avoir lieu que cette année seulement.
J'ai d'ailleurs été moins effrayé en apercevant qu'un seul département allait absorber une aussi grosse partie de la fortune publique, que vous ne devez tous l'être, Messieurs, en considérant ce qu'a coûté le simple état de défense absolument insuffisant pour le retour 'de la situation habituelle ; convaiucu qu'il vaut mieux par un effort momentané et seul capable de terminer cette crise, nous mettre en état d'assurer le succès et la fin de la guerre, si elle devient forcée, que de continuer à nous épuiser vainement sans arriver à aucun résultat, ainsi que nous venons de le faire par une dépense montant, en 1791, à 175 millions.
Vous penserez donc, Messieurs, que rien n'est plus raisonnable, plus politique, plus économique et surtout plus indispensable que cette augmentation momentanée ae dépenses.
C'est d'après cette conviction que le roi vous a demandé un fonds extraordinaire de 20
millions qu'exigent les préparatifs nécessaires à l'ouverture aune campagne. Je dois ajouter
que
Le projet de dépenses pour le service de l'année 1792 est la suite des décrets rendus pour porter l'armée au pied de guerre de 420,000 nommes, mais il est nécessaire d'observer que près de 50,000 hommes manquent encore à ce complet et que ce déficit tient surtout à ce que le travail des récrues s'est trouvé nécessairement ralenti par la levée des gardes nationales. Leur solde de 15 sols et la liberté de quitter à la fin de la campagne, doivent y porter la classe de ceux qui fournissent le plus de recrues dans les temps ordinaires. On ne peut guère remédier à eet inconvénient que par une augmentation momentanée dans le prix des engagements.
L'artillerie et la cavalerie sont les deux armes le moins rapprochées du complet ; leur utilité, la difficulté ae les composer d'hommes faits et instruits, nous a fait penser qu'il serait utile de recourir au patriotisme des gardes nationales et de les y admettre. La différence de la paye ne formerait aucun obstacle ; cette différence étant à l'avantage de l'artillerie et de la cavalerie.
Au nombre des dispositions militaires confiées à mon département sont celles relatives à l'armement des batteries établies pour la défense des côtes.
Une milice particulière était, jusqu'à ce jour, destinée à remplir ce service ; mais une Constitution libre ne saurait se concilier avec des enrôlements forcés. J'ai pensé que le rassemblement des soldats auxiliaires inscrits dans les départements maritimes, combinés avec les compagnies de canonniers invalides, offrirait un moyen naturel et avantageux d'y pourvoir. J'ai déterminé les bases de ce travail, qui sera mis incessamment, dans tous ses détails, sous les yeux de votre comité militaire.
D'après les aperçus que je viens, Messieurs, de vous soumettre, il vous paraîtra extrêmement urgent de vous faire rapporter et de disi uter le plus tôt possible le projet de dépenses pour 1792 que je remets en ce moment.
11 aeviendra nécessaire de décréter qu'à compter du 1er janvier
1792, les fonds au service courant du département ae la guerre seront mis à la disposition du
ministre, sous sa responsabilité le 1er de chaque mois, à raison
d'un douzième par mois.
Je prie l'Assemblée de daigner s'occuper sans délai de l'augmentation des officiers généraux demandée par M. Duportail : les rassemblements ordonnés rendent indispensable leur plus prochaine activité. J'ajoute à cette demande celle de quatre adjudants-généraux et huit commissaires des guerres également nécessaires.
J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée qu'il m'a paru indispensable d'attacher au ministère de la guerre, deux aides de camp généraux ; ce secours devient nécessaire à celui qui doit correspondre militairement avec toute la partie militaire de l'Empire ; mais la considération la plus puissante est celle de mettre le ministre à
portée de pouvoir, toutes les fois que des rapports contradictoires lui seraient adressés sur ie même fait, envoyer sur-le-champ découvrir les motifs de cette différence.
Vous approuverez sans doute aussi, Messieurs, que des officiers destinés à remplir des fonctions importantes, réunissent tous les genres de considération qui peuvent ajouter à l'utilité de leur service : j'ai l'honneur de vous proposer de leur accorder le grade de coioneL
Tels sont, Messieurs, les différents objets sur lesquels j'ai cru devoir solliciter votre attention; leur importance me répond de celle que vous, voudrez bien y donner. Je soumettrai au comité tous les détails qui y. sont relatifs; je me bornerai à vous faire observer que de la célérité de votre délibération dépend peut-être le succès de toutes les mesures qui viennent de vous être présentées.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité militaire !
(L'Assemblée décrète le renvoi des propositions du ministre de la guerre au comité militaire.)
Je demande le renvoi de l'état des dépenses au comité de l'extraordinaire des finances.
,(L Assemblée décrète que le comité militaire se réunira, en ce qui'concerne les fonds, aU comité de l'extraordinaire des finances.)
Plusieurs membres : L'impression du discours du ministre!
, ministre de la guerre. Je demande à observer à l'Assemblée nationale qu'il est indispensable que l'Assemblée charge son comité de rendre, le plus tôt possible, compte de l'aperçu des dépenses.
Je demande non seulement l'impression du discours du ministre, mais l'impression et la distribution des états de dépenses.
Je demande le renvoi au co^ mité sur l'impression des états. Il y a plus de danger que vous ne pensez à imprimer des tableaux comme ceux-là.
On se plaint que les contributions ne se payent pas assez promptement. Voulez-vous en accélérer la perception ? Mettez dans les dépenses publiques la plus grande publicité. (Applaudissements.) Quand le peuple de France saura à quels objets sont destinées les sommes qu'il paye, il ne fera jamais de difficulté de 1- s payer, et vous aurez bientôt recouvré toutes les impositions. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète l'impression du discours du ministre et des états de dépenses.)
Un membre : Je demande que le comité diplomatique soit adjoint aux comités militaire et de l'extraordinaire des finances.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Le sieur Mengin est introduit à la barre. Il sollicite de l'Assemblée une loi sur les hypothèques et offre à l'Assemblée un plan nouveaux sur les hypothèques (1).
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète le renvoi du mémoire au Comité de législation, et ordonne qu'il sera
fait mention honorable au procès-verbal du zèle de M. Mengin.)
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de législation et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
Une députation des citoyens de la section des Thermes-ae-Julien est admise à la barre et présente une pétition ayant le même objet. Ils désavouent les principes des membres du directoire, improuvent leur conduite et demandent qu'ils soient mis en état d'accusation.
Des députatioris de 187 citoyens de la section du Ponceau, de plusieurs citoyens des sections Poissonnière et1 des Gravilliers sont successivement admises à la barre et expriment les mêmes sentiments de reconnaissance pour les décrets de l'Assemblée et d'indignation contre la pétition des membres , du directoire du département de Paris.
répond aux différentes dépu-tations et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de ces adresses au procès-verbal.)
(La séance est levée à trois neures et demie.)
LETTRE du sieur Bellanger, de la Société des amis de la Constitution de Brest, et chef de bataillon de la garde nationale, au rédacteur du « Moniteur. » '
Au rédacteur (1).
A Brest, le
J'ai l'honneur de vous faire passer, Monsieur, une expédition abrégée de la revue extraordinaire qui a eu lieu ici le 20 pour les officiers de la marine ; il y en aura assez pour vous convaincre de la fausseté de l'assertion du ministre de ce département, consignée dans votre np 321, page 1339, article Mélanges (2).
Vous y verrez une liste exacte des officiers qui ont déserté leur poste, et un article de l'ordonnance qui vous indiquera suffisamment le nombre d'officiers de tout grade qui doivent être constamment au département.
Je finis comme le ministre, et j'attends de votre zèle pour la vérité, la publication de cette pièce dans votre feuille la plus prochaine. Je vous en prie, de grâce, et je vous réponds de mon opération sur ma tête.
Bellanger, de la Société des amis de la Constitution, et chef de bataillon de la garde nationale.
(lj Moniteur du 4 décembre 1791.
(2) Voy. la lettre du ministre de la marine à ce sujet, Archives parlementaires. T. XXXY, annexe de la séance du jeudi 8 décembre, au soir, p. M>7 et ci-dessus, séance du dimanche 18 décembre, p. 230.
Liste des officiers de la marine affectés au département de Brest, absents sans congé ni permission quelconque, le 20 novembre 1791, époque d'une revue extraordinaire demandée par pétition des citoyens actifs.
Capitaines de vaisseau.
Peinier.
Cuverville.
Suzannet, cadet.
Kersaint, l'aîné.
Capellis.
Baudran.
Galles.
Verdun.
Blachon.
Medine.
Lagalissonnière.
Suzannet aîné.
Villeneuve-Cillart.
Keroulas-Cohars.
Kerguern.
Kergariou-Lœmaria.
Coeffier-Breuil.
Vaugirauld.
Puget-Bras.
Lamotte-Groult.
Belizac.
Amé-Lalaune.
Trogoff.
Senneville.
Granchain.
Laprévalaye.
Vintimille.
Rochegude.
Launay-Tromelin.
Kersauson - Goasmel quin.
Majors de vaisseau.
Montboisier.
Lostanges.
Lomenie.
L'Etangparade.
Latullaye.
Duclesmeur.
Trederne.
Nompère.
Dulou.
Degrigny.
Meherenc.
Roquefeuil.
Huon, cadet.
Artur-Keralio.
Châlenet-Puiségur.
Levasseur-Villeblanche.
Luzignan.
Lanugny-Tromelin.
Ferrières.
Lieutenants de vaisseau.
Mœliens.
Lavilléloays.
Graspréville.
Kersaint.
Latourelle.
Porret-Berjou.
OUivier Sàint-Félix.
Lacrosse.
Keret-Keravel.
Molé.
Labourdonnaye-Varen- nes.
Saiut-Pern.
Forestier-Boiséon.
Rasily.
Bertrandy.
Lafort-Carneville.
Dozouville-Beuzeval.
Lyveree.
Darlais.
Montullé.
Latullaye.
Kerancisant.
Kersalaun.
Dethan.
Dufay-Carsix.
Dandigné-Saint-Gemme.
Gilbert-Chauvigny.
Tillaye.
Farcy.
Santo-Domingo.
Drucourt.
Laroche-Saint-André.
Larochefoucault.
Fournier-Dutreto.
Hippolyte Lasalle.
Poulainmanny.
Rieux.
Morteaux.
Livenne.
Kergrist.
Maudet.
Labourdonnaye.
Barbier-Laserre.
Rouault-Dutrèquel.
Boubée.
Saint-Ligier.
Leveneur.
Lauréal.
Pinel.
Savournin.
Saint-Pair.
Bernard.
Châteauneuf.
Dargences.
Mahée-Labourdonnaye.
Gefl'roy-Villeblanche.
Pannat.
Beaussier.
Lamotte.
Morrard.
Lafronchaye.
Desmares.
Geslin-Châ teausur.
Vaultier.
L'Advocat.
Belleville.
Ferron.
Belzin.
Lamonneraye.
Guerry.
Davignaud.
Goataudon.
Pasquier.
Trederne.
Cottignon.
Clarke.
Tardieu.
Rogon.
Lollivier.
Bihaunic.
Guyard.
Dumoulin.
Négrier.
Roquefeuille.
Villermont.
Dàniel-Boisdenemets.
O-Gorman.
Royrand.
Duparc-Bellegarde.
Urbain Watronville.
Berulle.
Beufveuyer.
Farouille.
Grenne ville.
Dutrevoux.
Ferrary.
Fontaine.
Salha.
Viella aîné.
Derval.
Vasselot.
Lârochefonteuille.
Patty.
Dupeyroux.
Dizier-Motlévaux.
Auguste Lepelletier.
Carné.
Ducouedic.
Chermont.
Dufou.
Pinsum.
Dupeyronx aîné.
Boutouille - Lavillego nan.
Lourmel.
Fraussures.
Achille-Gheffontaines.
Duguiny.
Duvergier.
Larocnefoucault.
Leseige-Lavillebrune.
Mauville.
Daugier.
Hue-L'Erondelle.
Magon.
Hardi villiers.
Bouvet.
Moucheron.
Duquengo.
Bouhersaîné.
Legac-Lansalut.
Dubourgblanc.
Maudat.
Goataudon, ainé.
Legroing-Laromagere.
Cherval.
Lascases.
Brie.
Laroche-Kerandraon.
Laronsière.
Laporte.
Darmissan-Ghefdubien.
Pelletier.
Gigault.
Bremoy.
Lecomte.
Imbert.
Dodart.
Olimpe-Nervo.
Dubouexic-Guichen.
Luzeau.
Duquesne.
Dugres.
D'Hais.
Vallongues.
Penfuntenio.
Blois-Lacalande.
Lavillegouricau.
Geril-Dupapeu.
Kermellec.
Sous-Lieutenants.
Labat.
Texier-Lavilleaufeuv.
Goyon. Dannet.
Mottard.
Villeneuve-Bruilhac.
Porlodec.
Duplessis-Compadre.
Louis Kerseaux.
Patris-Dowelin.
Courville.
Kernops.
Clément.
Lenormand-Larue.
Lejeune.
Lacarrière fils.
Micault-Lavieville.
Flouet.
Furie.
Fustel-Lavillehéoux.
Thorel.
Riboulet.
Barry.
Dufay.
Peronne.
Leroi.
Richard.
Charon-Duportail.
Lesguen, Pottier.
Falaise.
Rolland.
Leblond.
Duplessis-Compadre.
Tréhouarts.
Loz.
Philippe.
Hautraye.
JoUet-Lathuillerie.
Benoist.
Goyon.
Ducandas.
Coquet.
Samuel-Snock.
Bazire.
Couaridouc.
Bidard-Delanoé.
Fromment.
Beaupte.
Indépendamment de ces Messieurs.
Deculleville.
Selve.
Deschallard.
Malherbe.
canonniers-matelots, absents temps avec appointements.
depuis très long-
Direction d'artillerie bien servie.
Senneville n'a jamais joint, et Dubouchage en congé, pourquoi l'aire ?
RÉCAPITULATION
ABSENTS
Présents. Détachés Embarqués. ----—--- Qui ont TOTAL
Par congé. Sans congé. demandé
leur retraite.
Capitaines de vaisseau........ 4 » 5 4 30 3 46
Majors de vaisseau............ 3 5 . 7 20 7 44
L'amenants de vaisseau....... 19 8 48 160 17 334
Sous-lieutenants de vaisseau... 49 9 69 43 49 1 220
Total.............. 75 19 161 m 259 28 644
389
L'article 8 du titre 6 de l'ordonnance de 1786, auquel il n'a point été encore dérogé, dit : il sera toujours employé dans chacune des 9 escadres, dans le port, indépendamment du commandant et du major, deux capitaines de vaisseau, les-
quels seront relevés tous les mois; et il sera pareiHement employé la moitié des] lieutenants qui seront à terre, lesquels seront pris sur les premiers à être embarqués.
lettre du sieur Bellanger, de la Société des amis de la Constitution de Brest, au rédacteur du « Moniteur » (1).:
« Brest, le
Je me hâte, Monsieur, de vous indiquer les noms de quelques-uns des officiers de marine non présents à la revue du 20 novembre dernier, qui sont jaloux qu'on ne les soupçonne pas émigrés. M. Trogolf, capitaine de vaisseau, me fait inviter à aller manger la soupe à sa campagne; M. Basire, sous-lieutenant de vaisseau, m'écrit de Lorient, et me fait connaître qu'il est de service dans ce port, et que je devais ignorer, puisque l'état de la revue n'est parvenu a la connaissance du bureau des revues, qu'en décembre. M. Coquet, aussi sous-lieutenant, se trouve maintenant à Brest, mais il ne s'était pas personnellement présenté à l'amiral, lors de la revue, pour y répondre; et M. Bidar Delanoë me fait connaître que M. son frère, qui a un congé, doit être ou à Rennes ou à Lorient ; cet officier, qui n'était pas de ce département, vient d'y être affecté tout récemment, et n'y a point encore paru. Voilà le sujet de cette erreur.
D'ailleurs, je serai toujours aussi empressé de faire savoir a la France entière la présence ou la résidence du petit nombre de ces Messieurs qui pourront m'en donner connaissance ; ils peuvent être aussi bien persuadés que le désir de la calomnie n'entre pour rien dans mon opération, et elle est si peu fausse, que le commandant de la marine ne peut trouver en ce port de quoi compléter l'état-major de deux vaisseaux et quelques gabarres qu'on s'est fort hâté d'armer. Je compte que vous ne me refuserez pas, Monsieur, la publicité de ma lettre dans un ae vos prochains numéros.
« Signé : BELLANGER. »
Plan nouveau sur les hypothèques, présenté à VAssemblée nationale législative, le 18 décembre 1791, et renvoyé, par elle, à son comité de législation, par M. Mengln.
avertissement.
Ce plan avait été présenté à l'Assemblée nationale constituante, dès le mois de janvier 1791, et par deux décrets successifs elle en avait renvoyé l'examen à plusieurs de ses comités réunis. La multiplicité de leurs travaux ne leur a pas permis de s'en occuper, non plus qu'à l'Assemblée constituante, de changer l'ordre admis
parmi nous, sur les hypothèques. Mais la plupart de ses membres ont vivement applaudi à ce plan qu'ils ont connu ; plusieurs de ceux dont la reconnaissance publique a plus spécialement consacré les noms, réunis en comité particulier pour l'examiner, s'étaient promis ae le présenter eux-mêmes individuellement à l'Assemblée, tant son exécution leUr paraissait devoir être avantageuse. L'auteur de ce plan a reçu" depuis, de l'Assemblée nationale législative, des récompenses aussi honorables de ses efforts ; lorsqu'il le lui a présenté, elle a daigné insérer dans son procès-verbal le témoignage de sa satisfaction.
plan nouveau stir les hypothèques.
Les champs se trouvent séparés les uns des autres par des baies ou par des murailles. c'est une sage institution que de désigner , comme on fait, eeux qui sont hypothéqués, par de petites colonnes chargées d'une inscription xjui rappelle les obligations contractées avec un premier créancier. De pareilles colonnes, placées devant les maisons, montrent à tous les yeux qu'elles sont engagées, et le preneur n'a point à craindre que les créances obscures fassent tort à la sienne.
(Anacharsis, t. V. chap. LX, p. 2.)
De tout temps, on a reconnu que la conservation des fortunes dépendait de la sûreté dés hypothèques, et celle-ci de leur publicité, qui seule peut conserver au créancier son gage, et à l'acquérèur la jouissance paisible de sa possession. Le peuple de l'antiquité, le plus recom-mandable par la sagesse de ses lois, a le premiers consacré cette vérité. Une loi de 1673 nous apprend que dès lors on l'avait senti parmi nous. Depuis, il y a eu divers changements relatifs à cet ODjet; enfin, en 1771, sous le ministère Maupeou et Terray, parut un édit qui a fixé jusqu'à cè moment nos usages sur ce point. Tous ceux à gui l'expérience a appris à connaître cette loi,, savent combien elle est vicieuse et incomplète : un de ses moindres inconvénients est de manquer complètement le but auquel elle paraît tendre, et de laisser, au débiteur infidèle, les facilités les plus commodes de tromper ses créanciers, sans autres embarras que de trouver un complaisant qui le seconde. L'inquiétude toujours active du créancier, et sa surveillance exacte, ne le mettent pas à l'abri du danger. L'acquéreur peut sè libérer sous ses yeux, et sans qu'il le sache, le débiteur voler impunément le prix de la vente, quand ce malheureux créancier a ignoré, pendant deux mois, la friponnerie dont on le rend victime.
On a bien d'autres reproches encore à faire à cette loi : chacun de ses articles présente une erreur, et chacun de ses effets un inconvénient. Dans son exécution, le créancier court tous les risques, et l'acquéreur supporte toutes les charges : tout pèse sur celui-ci ; il se trouve maîtrisé sans cesse par une foule de circonstances qu'il ne peut diriger, dont il est toujours la victime, et qui devraient cependant lui être étrangères du moment qu'il paye le prix de son acquisition. La liste des vices de cette loi serait longue, mais on n'aurait rien à apprendre à ceux qui l'ont lue avec quelqu'attention : il est donc inutile de la dénoncer à l'opinion, chacun connaît le besoin de lui en substituer une moins imparfaite. Celle qu'on propose paraît assurer tous les avantages que celle-ci avait promis; elle en présente beaucoup d'autres bien pré-
cieux, et ne fait craindre aucun de ses incon-. vénients.
Le projet de décret ci-joint en énonce les détails : on va sommairement en indiquer le mode, l'objet et le but.
Dans chaque district, il sera établi un bureau particulier tenu par un officier ministériel que nous nommerons commissaire aux hypothèques : tout créancier sera obligé-de faire inscrire dans le bureau de son district, le titre de sa créance qu'il fera viser. L'inscription énoncera la nature au titre, sa date, son ordre, le montant de la créance et le terme du payement. Toutes hypothèques, les douaires, les substitutions ne seront conservés qu'au moyen de cette inscription.
Tout propriétaire foncier débiteur sera tenu de faire inscrire également dans le bureau du district de son domicile et dans ceux dans l'étendue desquels les immeubles sont situés, si ses créanciers l'exigent, l'estimation volontaire ou judiciaire de ces mêmes immeubles. Les procès-verbaux de ces estimations contiendront la désignation et l'état de tous les bâtiments, les quantités, nature et qualité des biens : tous ces actes seront uniformes dans tout le royaume; le modèle en sera donné par le bureau général d'administration qui sera établi à Paris, et auquel, par une correspondance suivie, tous les bureaux ae district adresseront chaque mois l'état exact des inscriptions et estimations qu'ils auront reçues dans le mois.
Le commissaire aux hypothèques, dépositaire, par ce moyen, du secret et des titres de toutes les fortunes, n'ouvrira ses registres qu'à ceux qui justifieront qu'ils ont intérêt à connaître l'état de celui avec lequel ils auront contracté. Cet officier public, placé par ses fonctions entre le débiteur et ses créanciers, devient le gardien de leurs droits respectifs : sa surveillance assure à ces derniers une tranquillité absolue; il veille pour eux ; il les connaît tous ; il connaît l'ordre et le rang de leur hypothèque; et, au moment de la vente d'un immeuble, sur lequel il y en a d'affecté, il en instruira le créancier qui ne
Eourra être payé qu'en sa présence. Si le dé-iteur ne peut se libérer que par la vente de ses biens, elle se fera (par une suite naturelle et simple de ce système), à l'acquit du débiteur et au profit du créancier; puisque cette loi nouvelle rend inutiles les consignations, les saisies réelles et les trop dangereux secours des ministres inférieurs de la justice. En effet, le commissaire aux hypothèques fera seul les poursuites. Circonscrit, comme on le verra dans le projet de décret, dans des limites très étroites, il ne pourra trouver qu'un très léger bénéfice dans les plus fortes discussions; et il doit craindre celles des petits objets qu'il aura dès lors un intérêt personnel à éviter.
Il serait difficile de trouver un plan, qui aussi simple dans son exécution, fût en même temps aussi vaste ; et présentât une union aussi intime des avantages privés et de l'intérêt général. Jetons d'abord un coup d'œil sur ses avantages les plus immédiats : pour cela on va comparer un moment ce système avec celui de 1771, sous lequel nous sommes encore asservis.
Dans le régime actuel, le créancier est obligé de veiller sans cesse à la porte du lieu où se trouve exposé le tableau des nypothèques ; deux mois sont le terme fatal, passé lequel il perd tous ses droits : personne n est tenu de l'avertir de la vente ; et son absence, l'ignorance de ses droits, ou la mauvaise foi seule de son débiteur,
lui enlèvent son gage et sa créance : il paye des droits pour acquérir une sûreté que la loi lui a promise, et la loi elle-même fournit mille moyens de la lui enlever.
L'acquéreur a peut-être autant à se plaindre encore que le créancier; il achète et il ignore s'il est propriétaire : pour acquérir cette certitude, et ne point s'exposer à payer deux fois le prix de la vente, il faut qu'il se soumette à payer des droits considérables, et à attendre la fin des longues discussions de son vendeur avec ses créanciers. Ce n'est pas tout ; des mineurs, un douaire, une substitution sont d'insurmontables obstacles à la solidité, qu'au moyen de tant de précautions, il voudrait au moins acquérir.
Le vendeur enfin, soit qu'il soit débiteiir ou non, a également à se plaindre de cette loi. S'il ne doit rien et que l'acquéreur exige que les frais des lettres de ratification soient imputés sur la vente; la loi est injuste, puisqu'elle lui fait supporter une peine qui ne devrait être infligée quà celui qui a des créanciers. S'il est dans ce cas, la difficulté qu'éprouvent ceux-ci de connaître l'ordre de leur hypothèque, les rend sévères en cas de retard dans les payements ; ils n'ont, pour assurer leur créance, ae ressources qu'en le livrant sans pitié à la voracité des ministres exécuteurs de la justice ; de là les poursuites, les saisies réelles, les consignations ; et cette foule de fléaux que dans l'exécution de ce plan, une loi simple et un seul homme chargé ae son exécution, vont faire disparaître.
Le registre du commissaire aux hypothèques devient un tableau qui offre sous un même aspect, l'état du débiteur et sa solidité, l'ordre des créances et leur sûreté. L'inscription de tous ces titres garantit à chacun l'exercice de tous ses droits. Le créancier sommeille avec tranquillité ; la loi veille pendant son repos : il a reçu en prêtant ses fonds la certitude qu'ils ne couraient aucun risque : cela ne suffit pas à la loi ; elle a en quelque sorte reçu elle-meme le prêt, et elle devient garante du remboursement, en exigeant qu'il ne puisse s'effectuer qu'en présence de son ministre, chargé seul de tout ce qui doit l'assurer.
L'acquéreur, de son côté, acquiert une certitude aussi absolue : il achète, et pour lui tout se borne à se libérer. Peu lui importe que son vendeur ait des créanciers ou non, il n'a dans aucun cas rien à en redouter : si le besoin d'assurer leurs droits, met quelquefois des entraves au payement, il le fait avant d'acquérir ; il en fait une des conditions de la vente, qui dès lors ne peuvent plus être onéreuses que pour le débiteur.
Enfin, ce débiteur lui-même ne sera plus tenu dans ce nouveau régime qu'à se libérer envers ses créanciers : il ne peut devoir que jusqu'à la concurrence de la valeur de ses fonds, et il ne se trouvera plus réduit à la triste nécessité d'en réserver une partie pour alimenter la horde nombreuse des agents ae la loi. Elle n'en connaît plus qu'un; et par une heureuse innovation, elle ne lui laisse plus que la ressource d'être honnête homme.
Si dans ce système, il y a des droits à acquitter, du moins ils ne ne le seront qu'au profit de la nation ; et ils ne le seront jamais que par celui qui trouvera à les payer, un très grand avantage : les droits très faibles que paye le créancier, lui assurent son payement : l'acquéreur en sera exempt, et aura sa propriété à l'abri de toute atteinte : ceux qui seront payés par le débiteur, de-
viennent presque nuls, si on les compare à ceux qu'il a payés jusqu'à ce moment ; un seul exemple le justifiera. La saisie réelle d'un immeuble de 100,000 livres en coûte 5,000 de consignation ; et pour peu qu'il y ait de discussion entre plusieurs créanciers, les frais peuvent se porter de 15 à 20,000 livres.
Il est bien peu de gens de loi qui auraient le droit d'accuser ce calcul d'exagération : dans le régime nouveau la discussion du même immeuble ne coûtera que 750 livres ; et on l'a déjà annoncé, les discussions des propriétés modiques, devenant presque onéreuses au commissaire des hypothèques personnellement, il n'est pas à craindre qu'il les recherche et les favorise ; disposition précieuse pour les malheureux, dont le ministre de la loi devient, par là, le défenseur né et le premier appui.
Prouvons maintenant qu'autour de lui vont s'asseoir désormais la bonne foi, la confiance et la tranquillité publique.
J'examine d'abord son influence sur l'agriculture, que l'on doit regarder sans contredit comme le premier anneau de la chaîne électrique qui communique à un Etat la vie et la fécondité.
On peut réduire à deux classes les citoyens dépositaires de la fortune publique ; les capitalistes et les propriétaires d'immeubles. Jusqu'à ce moment ces derniers ont toujours éprouvé par nos lois et le vice de notre Constitution, un sort infiniment rigoureux : ils supportaient presque seuls les impôts et ne retiraient que dé très faibles produits. Près d'eux les capitalistes jouissaient librement et sans aucune charge des fruits de l'industrie commune.
On distingue deux sortes de capitalistes : les uns oisifs qui retirent un intérêt légal des fonds qu'ils placent sur la nation et sur des particuliers. Ceux-là ne sont utiles que par leur consommation, à défaut de pouvoir négocier avantageusement le signe représentatif de leur fortune .
. Les autres sont ceux qu'on nomme négociants spéculateurs, qui mettent leurs fonds en circulation, et retirent de grands bénéfices à travers les hasards auxquels ils s'exposent. Ils transportent où ils veulent leur argent et leur crédit, et se placent facilement partout où ils trouvent un gain assuré .
Les propriétaires d'immeubles, au contraire, sont attachés au sol qu'ils cultivent : sans argent, sans crédit, ils n'ont de revenus que celui qu'ils doivent à leurs peines et à leurs longs travaux. Heureux souvent, quand des causes physiques leur laissent encore de quoi subvenir aux charges publiques et à l'entretien de leurs journa* fiers.
Si l'on ne parvient à détruire cette inégalité, à rapprocher au moins ces divers états, en mettant dans un équilibre plus exact leurs charges et leurs avantages, l'Assemblée nationale aura complètement manqué son but. Car, certes, les inégalités morales sont les plus dangereuses de toutes.
La classe la plus intéressante peut-être de la société ne serait donc plus comme autrefois à la merci de toutes les autres, toutes pourraient se procurer un crédit proportionnellement égal, toutes enfin supporteraient également les charges publiques. Car sans doute, les capitalistes préféreront ce papier, qui leur procurera sur leurs débiteurs, des sûretés que jamais sans cela ils n'auraient pu obtenir.
Dans l'exécution de ce plan, on acquerra une connaissance certaine de la valeur des propriétés immobilières et surtout de celle des capitalistes oisifs ou hypothécaires ; ce qui donne la faculté d'assèoir l'impôt dans une égale proportion, sans qu'on puisse craindre que les propriétaires fassent de fausses déclarations, pour étendre leur crédit, puisqu'ils en porteraient à l'instant la peine, par une augmentation d'impôt ; et qu'ils seront d'ailleurs contenus par l'estimation qui sera faite sous les yeux ae l'administration dont les fonctions tendront toujours à la diminuer, pour que la confiance publique ne se trouve jamais altérée.
Nous voilà donc possesseurs du moyen d'atteindre un jour les capitalistes, et de pouvoir les imposer avec certitude ; et ce moyen peut paraître plus infaillible et moins inquisitorial que celui de l'appréciation des fortunes par les loyers. Ainsi d'un côté, nous soulageons l'agrioulture sur laquelle seule portait presque le fardeau des charges publiques, en y faisant concourir dans une égale proportion toutes les richesses de l'Etat ; tandis que de l'autre, nous la favorisons, en en faisant la première source et la plus sûre des richesses particulières. En effèt, par ce moyen, on attache chaque propriétaire au sol qu'il cultive : son intérêt est d'en étudier toutes les ressources, puisque l'étendue de son crédit sera proportionnée à la valeur de sa propriété.
On vient de parler ae l'impôt, et l'on conçoit facilement que sous son rapport ce plan présente les plus grands avantages; non que l'on doive en considérer l'établissement, comme un impôt indirect; ce serait une grande erreur : il contribuera seulement à donner de l'extension aux droits de timbre et d'enregistrement; et cette charge ne pesant que sur les bénéfices du commerce, elle n'affecte que ceux des particuliers, qui y trouvent des ressources et des avantages qui peuvent bien passer pour un dédommagement. Son influence est spécialement relative a l'impôt direct, dont il doit faciliter et assurer surtout la perception ; en ne laissant plus ni moyens ni prétextes de retard, dès que la valeur des fonds se trouvera en circulation comme les revenus : bienfait inappréciable, dont nous n'éprouvons que trop aujourd'hui le besoin.
La suite de cet établissement sera aussi de faire supporter partie de nos impôts à l'étranger, sans l'effrayer ni l'éloigner de nous, dès que la confiance qu'il prendra un jour dans ces engagements sera complètement établie et les lui aura fait adopter : comme autrefois il recherchait les effets royaux, qui ne présentaient pas la même solidité. Un numéraire immense en circulation, la sûreté dans nos engagements seront un appât séduisant pour l'étranger ; mais cette sûreté, on ne la devra qu'à cette monnaie nouvelle, qu'il recevra, qu'il recherchera peut-être, puisgu elle porte toujours son gage avec elle. 11 est vrai qu'en même temps elle porte le signe d'une réduction en faveur de l'Etat; ce sera si l'on veut le payement de l'assurance, puisque ce sont les lois de l'Etat qui en garantiront la solidité : et cette perte légère, qui tournera à notre profit, ne peut compenser tous les autres avantages que lui procurera chez nous le bon marché dans le prix de l'intérêt de l'argent. Dès lors, le bon marché dans l'établissement de nos fabriques ; et par une suite nécessaire de la supériorité que nous pourrons acquérir par ce moyen dans nos opérations de commerce, l'aisance avec laquelle nous vendrons nos marchandises.
L'influence de ce système sur l'industrie est la conséquence naturelle et immédiate de son effet sur l'agriculture. Dans tous les métiers, l'aisance qui permet d'appeler des auxiliaires en adoucit la fatigue et en multiplie les produits. On achète tout, même la vie des nommes : et on trouve toujours des bras quand la récompense est sûre.
Dans des gouvernements tyranniques, les vues d'un ministre despote et corrompu le portent toujours à avilir l'agriculture, à détruire la conr fiance, et à étouffer l'industrie ; parce qu'alors il ne laisse plus aux capitalistes que la ressource des emprunts, au moyen desquels il augmente sa puissance de toutes les forces de l'Etat et de la faiblesse de chaque citoyen.
Une nation libre doit avoir des principes et des calculs différents : son premier objet doit être de mettre pour tous, les charges publiques dans un juste équilibre ; d'offrir à l'artiste, à l'agriculteur, au commerçant, les mêmes ressources qu'au capitaliste : rien ne peut conduire plus sûrement a ce but que le plan nouveau, sur les hypothèques ; puisqu'il offre à tout propriétaire des facilités et un espoir d'amélioration que n'a pas même le capitaliste hypothécaire, qui ne jouit que de ses revenus. Tous peuvent mettre leur fortune entière en circulation, et en augmenter leur crédit. Porteurs également du signe représentatif d'un gage solide, ils assurent chacune de leurs opérations bien mieux que ne le font les négociants, qui, trop souvent, n'apportent pour hypothèque qu'un crédit idéal.
Ces idées viennent naturellement se fixer sur le commerce et indiquent déjà les avantages qu'il pourra retirer aussi de l'exécution de ce plan *. le premier de tous, c'est que rien ne le forcera à l'adopter. Ceux des négociants que d'anciens usages et les préjugés de l'habitude détourneraient de ce système, en sont parfaitement les maîtres; rien ne peut les y contraindre, et ils sont libres de se refuser à son influence. Mais serait-il de leur part, d'une sage politique, de chercher à s'y soustraire? On sera loin de le penser, pour peu qu'on médite sur cet objet.
Le commerce n existe que par la confiance. On sait combien tous ses rapports sont intimes ; tout y est en équilibre, et chaque branche reçoit le contre-coup des contrariétés qui en énervent une autre : il entrelace les peuples, les fortunes, les échanges : il ressemble, a-t-on dit, au corps humain, dont toutes les parties sont affectées, lorsque l'une d'entre elles ne remplit pas les fonctions qui lui étaient destinées.
Déjà, l'Assemblée nationale, abdiquant d'anciennes erreurs, a rendu notre commerce libre : elle a détruit toutes ces murailles, ces barrières, monuments odieux de la fiscalité, qui reproduisaient à chaque pas les signes de la faiblesse et de l'esclavage. Cela ne suffit pas, elle n'a rien fait, si elle ne ranime l'activité du commerce. Quel moyen plus efficace que celui qui offrira toujours pour gage dans tous les échanges une hypothèque assurée sur des immeubles ?
Par l'effet de la loi nouvelle sur les hypothèques, tout propriétaire peut prendre des enga-fements jusqu'à la concurrence des deux tiers de estimation ae son bien, qui répond de sa solvabilité. Par ce moyen, nous faisons entrer en circulation avec notre numéraire, un numéraire fictif, qui sera toujours le signe représentatif d'un immeuble ou de la partie de cet immeuble qui sera libre. On se rappelle comment, au premier aperçu, on reconnaîtra s'il est libre et jusqu'à quel point il l'est.
Alors le commerce ayant des moyens dè circulation plus étendus, et reposant sur des bases plus solides, les achats des marchandises premières se feront à meilleur marché, et nos fabriques gagneront davantage, en vendant moins cher. Mais ce qui concourra à rendre au commerce toute son énergie, c'est la sûreté que va y répandre ce nouvel établissement. Les ténèbres dont la mauvaise foi s'entoure avec tant de facilité, y ont semé la défiance, les terreurs ; et ce sont, on le $ait, les entraves les plus cruelles qu'il ait à redouter :. le créancier trop confiant est toujours près d'être téméraire : il effraye par ses pertes le capitaliste propriétaire qui garde ses fonds : dès lors, la circulation cesse, les canaux qui devaient étendre partout la fécondité, s'obstruent; et cet engorgement funeste, en faisant refluer toutes les sources vers un petit nombre de parties du corps politique, laissé tous les autres membres sans mouvement et sans vie.
C'est pour cela que dans un Etat libre, le premier objet des lois doit être de favoriser et de protéger le commerce. L'exemple de l'Angleterre nous prouve jusqu'à quel point son influence est étendue. On regarde avec raison sa banque comme la source de sa prospérité; c'est elle qui l'alimente, l'étend, et fécondé au loin son sol. Mais cette banque, à combien de dangers et à quels dangers terribles n'est-elle pas exposée? S'il est vrai, comme on le prétend, qu'elle ne doive sa solidité et son extension qu'à son crédit ; s'il peut s'éteindre ou se ralentir par une foule d'événements publics et même particuliers; si enfin le sort de l'Angleterre est attaché à celui de cette banque; si elle est le pivot unique sur lequel porte et tourne cette machine immense qui fixe sans cesse nos regards et force notre admiration : devons-nous envier des avantages auxquels sont attachés tant de périls? L'établissement qu'on propose peut procurer au commerce les mêmes ressources, à l'Etat la même splendeur, sans l'exposer aux mêmes dangers; sans l'effrayer par les mêmes craintes. La loi nouvelle sur les hypothèques remplacera cette banque; comme elle, et mieux qu'elle, puisque les moyens en serontplus étendus ; elle fécondera, elle vivifiera sans cesse le commerce, sans jamais pouvoir nuire à la chose publique. En Angleterre, le commerce va puiser ses ressources dans la banque; parmi nous, il les trouvera infailliblement chez le propriétaire, chez le capitaliste hypothécaire, qui ne lui offriront qu'un papier solide ; et qui, pleins de confiance en le lui offrant, ne compromettent ni leur intérêt particulier ni l'intérêt général. On ne verrait plus alors le crédit courir après les capitalistes; et nous serions délivrés, par là, de la nécessité des escomptes usuraires de la banque (1).
Le défaut de confiance, qui depuis quelque temps surtout a semé, en quelque sorte, les faillites parmi nous, a dû se communiquer bien davantage à l'étranger, et détruire notre commerce extérieur. Le négociant français qui achète hors du royaume, ne peut payer, puisque nous n'avons pas de numéraire. Il ne peut donc donner qu'un papier, timbré, pour ainsi dire, du sceau de notre faiblesse. De la viennent le prix excessif qu'il est obligé de mettre à ses achats, la perte sur le change, et toutes les entraves dont ce marchand étranger l'entoure pour diminuer au moins les sujets de sa frayeur et assurer son
Mais si, à l'avenir, ce gage se trouve imprimé sur le papier qu'on lui donnera en payement; ce qui arrivera, dès qu'il aura acquis toute l'authenticité de la loi; dès que la nation entière l'aura pris sous sa sauvegarde; si cet acheteur français paye le prix de sa marchandise, qu'on me pardonne cette expression, avec un immeuble portatif, dont le marchand étranger sera toujours sûr de se défaire avec avantage, puisqu'il est préférable à du papier sur un simple particulier, alors nous n'aurons plus à payer les frais de banque, de commission, de change ; puisqu'avec ce papier hypothécaire on payera comptant : alors le négociant français n'aura plus besoin du dépôt de ses fonds pour assurer son crédit; ni d'un papier à perte sur un tiers, à qui il est obligé de dévoiler le secret de ses opérations.
Nous reprenons par la vente de nos marchandises ce papier, qui facilite, comme on le voit, nos achats et nos ventes. Au moyen des relations intimes qui peuvent s'établir entre nos consuls chez l'étranger et le bureau général des hypothèques, partout où il y aura un Français, la loi de cet établissement viendra à son secours ; elle le suivra pour lui prêter son appui. Ainsi, notre commerce qui ne se fait aujourd'hui qu'à grand frais, dissiperait par ce nouveau régime toutes les craintes qui l'entravent; aucune autre nation ne pouvant présenter une masse plus grande de moyens, ni une solidité plus étendue, nos achats seront plus avantageux, notre commerce prendra toute son extension, et le change ne tardera pas à revenir au pair pour nous, peut-être même, à tourner en notre faveur.
Et qu'on ne s'effraye pas des difficultés qu'il faudrait surmonter, ou au long temps qu'il faudrait employer pour inspirer à l'étranger de la confiance dans ce papier territorial : l'établissement de nos consuls, leur correspondance suivie avec le bureau général, ne tarderont pas à en assurer toute la solidité. D'un autre côté, le consul par ce moyen devient l'agent général du commerce; il acquiert le secret de toutes nos opérations, et ce secret vient se concentrer dans son sein ; pour nous instruire et nous guider, il n'a besoin que de connaître la quantité du papier qui est sur la place; ce sera pour lui un thermomètre sûr de la balance du commerce, d'après lequel il peut instruire l'administration, et concourir à régler toutes nos opérations.
Ainsi l'exécution de ce plan assure à notre commerce économie, solidité, sûreté : doutons-nous qu'il ne s'empresse à adopter de pareils
avantages. Mais encore une fois il en est le maître; qu'il s'y refuse s'il le veut, il le peut à son gré : il peut établir une ligne de démarcation qui arrête pour lui l'influence heureuse que ce système étendrait toujours sur l'agriculture et l'industrie.
Ce plan rencontrera des adversaires et des contradicteurs. Quels sont-ils? Voyons s'ils méritent assez de confiance pour qu'on les croie, si leurs objections sont assez frappantes pour qu on les écoute. On peut, je crois, les ranger tous dans deux classes; les premiers seront ceux dont le système nouveau dérangerait les calculs par sa simplicité, en rendant inutile le gain auquel ils sont habitués; les autres seront les débiteurs qui se verront contraints de faire connaître la situation de leurs affaires. Occupons-nous d'abord de ces derniers.
On ne perd pas de vue qu'il n'y a que les débiteurs seuls qui seront tenus à présenter l'estimation de leurs immeubles, et qu'elle ne sera connue que des créanciers seuls qui auront droit à s'assurer de la solidité de leur gage. On n'oublie pas surtout que ce plan ne concernant que les rentiers et les propriétaires d'immeubles, il n'a pas de rapport positif avec le commerce, pour qui seul cette pumicité pourrait quelquefois être fâcheuse; l'influence qu il peut y avoir n'est qu'indirecte; c'est celle que produit la sûreté dans les engagements, et une confiance absolue, fondée sur ce que l'on aura bien moins à redouter les ruses et les attaques de la mauvaise foi. Et certes dès lors, loin de redouter l'exécution de ce plan, les négociants doivent être les premiers à la hâter par leurs vœûx et leurs efforts. Mais quel sera son effet sur les autres classes de la société?
Sans doute un homme honnête et solvable n'hésitera jamais à donner à ses créanciers tous les moyens d'affermir leur confiance et leur tranquillité. Il n'en est pas de même de ceux qui doivent la valeur de ce qu'ils possèdent et de ceux qui doivent plus ; c'est-à-dire de ceux qui veulent acquérir avec rien ou avec moins que rien. J'avoue que l'aveu public de leur détresse ne leur laissera plus guère qu'une sorte de crédit, celui de leur industrie connue et de leurs talents.
D'après cela, en réduisant à d'autres termes plus simples la question qui nous occupe, je demanderai qui est plus digne de la surveillance et des secours de la loi, dé celui qui, abusé par son débiteur, s'expose eh lui prêtant ses fonds ; ou de celui qui veut tromper et qui le peut impunément; qui cherche à le faire au moins, parce qu'il ne peut offrir aucun gage à son j créancier, et qu'il n'a lui-même aucune certitude de remplir ses engagements. Heureux encore, quand celui qui agit ainsi n'expose l'homme trop confiant qu'il abuse, qu'à la chance des accidents.
J'avoue que l'on a vu quelquefois des hommes s'élancer de l'abîme où les eût retenus la publicité de leur détresse; mais combien plus souvent l'on en voit qui y précipitent avec eux des citoyens estimables, des pères de famille que cette publicité en eût affranchis; et qui ne tombent que parce qu'ils n'ont pas vu le danger, au milieu des ténèbres dont les avaient enveloppés, et leur débiteur, et la loi vicieuse qui paraît être leur complice. Celle que l'on propose sera pour eux, au contraire, un guide certain : son flambeau percera le nuage que tenterait d'élever la mauvaise foi ; et s'ils tombent, c'est parce qu'ils au-
ront refusé d'ouvrir les yeux etde voir la lumière.
Mais les jeunes gens qui s'établissent, et qui n'ont d'autres gages à offrir que leur industrie, leur zèle et leur bonne conduite, seront donc réduits, dira-t-on peut-être, à l'impossibilité de trouver des fonds; s'ils sont réduits à déclarer qu'ils ne peuvent fournir d'hypothèque qui en réponde.
Cette objection peut paraître un moment spécieuse : on l'a trouvée dans quelques esprits, et il faut y répondre.
Admettons l'hypothèse que l'on propose; et voyons ce qui, dans ce cas, arriverait aujourd'hui et avant l'exécution de la loi nouvelle. Ou ce jeune homme fait connaître au créancier dont il implore le secours, la situation dans laquelle il se trouve, ou il la lui cache. Dans ce second cas, il trompe l'homme confiant auquel il s'adresse; il lui fait courir les dangers auxquels il s'expose lui-même ; et il est sage de venir au secours de cet homme abusé. Ne fut-ce que pour ce seul cast il faudrait admettre la loi proposée.
Si ce créancier sait à quoi il s'engage ; s'il connaît le défaut de faculté du jeune homme auquel il abandonne ses fonds; que fait alors cette loi? Elle n'est pas prohibitive, elle ne défend pas aux créanciers d'exposer leur fortune, ni même de la sacrifier: elle ne leur interdit pas la facilité de venir au secours de ceux qui les implorent. Elle n'a qu'un but, c'est de les garantir de la mauvaise foi ; c'est de répandre, sur tous les engagements qu'ils contractent, une lumière à laquelle ils puisseut voir le chemin qu'ils veulent choisir. Us sont après cela, s'ils le veulent, les maîtres de s'égarer.
On tomberait donc dans une grande erreur, si l'on pouvait penser que l'exécution de ce plan nuirait àceux qui entreprendraient quelque genre de commerce, et arrêterait leurs efforts. Loin de là, il leur devient infiniment avantageux, comme il le serait à tous ceux des négociants détaillistes, qui auraient besoin d'un crédit au delà de leur sûreté apparente. La raison en est bien simple : si les fabricants sont forcés de leur faire des avances et de se fier à eux, dans des moments où il y a tant de doute et d'obscurité répandus sur toutes les fortunes, à combien plus juste titre auront-ils la même confiance, lorsque ces détaillistes ne courront plus de risques à leur tour, lorsqu'ils s'assureront avec tant ae facilité de la solidité de leurs acheteurs, lorsque dès lors ils ne seront plus exposés à des pertes Fréquentes ; et qu'ils pourront justifier à leur tour des sûretés qu'ils auront acquises, qu'ils les livreront même en payement aux fabricants. Ainsi, sous tous les rapports, cette
Ïiublicité, qui ne peut déranger que les calculs de a mauvaise foi, protège le commerce, loin de lui nuire ; et assure partout la confiance et la tranquillité.
On a dit que l'admission de ce système trouverait aussi des contradicteurs parmi les banquiers, les notaires, quelques gens de loi et les agioteurs. Non que l'on veuille tous les ranger sous la même ligne ; on ne les confond dans cette liste que parce qu'ils auraient à cet égard le même genre d'intérêt, l'intérêt personnel.
Sans doute, les premiers sont dignes de toute considération, et il est tout simple qu'ils retirent le fruit de leurs travaux et des bienfaits qu'ils répandent : mais ces bienfaits leur sont quelquefois un peu trop utiles à eux-mêmes. Le bénéfice immense des banquiers est une diminution de produit pour le commerce, qui ralentit beaucoup son activité et nuit à sa circulation. C'est la première
cause de la baisse des fonds publics; puisque tandis que le négociant anglais ne paye l'argent qu'à 5, le hollandais qu'à 3 ou 4 0/0, le nôtre est obligé de sacrifier pour les frais communément jusqu'à 10: car on ne parle pas ici de notre triste et douloureuse situation actuelle.
Nous n'aurons plus à craindre cette défaveur, dès l'instant où toutes les richesses du royaume seront en circulation. La solidité de nos crédits attirera parmi nous le superflu du numéraire étranger, et en fera hausser le prix chez eux : et si ce régime nouveau parvient à établir seulement parmi nous, comme il n'est pas permis d'en douter, le prix de l'argent à 4 ()/0, on verra tous les acquéreurs des biens nationaux se hâter, pour leur intérêt, de devancer leurs payements.
Alors les créanciers de la nation, plus confiants et plus tranquilles, seront convaincus que l'exécution de ce système affermira et hâtera leur remboursement.
Quant aux notaires, il serait fâcheux de diminuer la plus belle prérogative de leur charge, celle d'assurer les hypothèques. Mais si on peut y parvenir également par des actes plus simples et moins dispendieux, 1 intérêt général commande ce sacrifice, les bénéfices qu'ils font sur les particuliers sont le patrimoine public avant d'être devenu le leur.
On conçoit comment l'exécution de ce plan détruira l'agiotage, comment elle enlèvera a la chicane ses plus beaux privilèges. Du moins alors les débiteurs seront discutés au profit de leurs créanciers, ce qui n'arrive pas toujours dans le régime actuel.
Ce plan, paraît donc tout à la fois, vaste dans son ensemble, puisqu'il embrasse tous les intérêts et unit étroitement ceux de la nation et des citoyens : simple dans son exécution, il suit la chaîne des divisions établies par l'Assemblée, pour l'administration générale : il rassemble tous les principes de notre Constitution, et il sert beaucoup à l'affermir; il ôte à l'agiotage ses espérances, à la mauvaise foi ses ressources; il multiplie celles des citoyens et les richesses de la nation: il assure la tranquillité publique, et réserve au commerce les moyens de se procurer une immense étendue : il resserre enfin nos liaisons avec tous les peuples, et les rend nos tributaires. Il leur apprendra que la nation rendue à elle-même n'a joui de ses droits que pour faire régner la bonne foi, la justice ; et assurer à tous les citoyens le repos et la jouissance tranquille de leur fortune. Si les nations voisines ne nous imitent pas, nous acquérons sur elles la supériorité due aux bénéfices et aux avantages de notre commerce ; nous leur apprenons à connaître la masse imposante de nos richesses territoriales : nous reprenons enfin dans la balance politique, le rang qui nous est dû ; et nous assurons la tranquillité publique en nous environnant de notre puissance.
Si ces peuples sont tentés d'apprendre de nous, en suivant cet exemple, à jouir ae la liberté et à multiplier leurs ressources, dors, il faut en convenir, ils pourront contre-balancer les avantages que nous devons nous promettre de cet établissement : ils ne rétabliront pas l'équilibre, parce qu'aucun ne peut offrir de richesses territoriales aussi étendues : ils diminueront beaucoup au moins la force du contre-poids : mais nous leur aurons donné l'exemple ; nous leur aurons appris à connaître cette nouvelle source d'abondance : et certes ! c'est un assez beau dédommagement que d'étendre ses lois et ses bien-1 faits sur l'univers.
projet de décret.
TITRE Ier. — Administration générale des hypothèques.
Art. Ier. L'édit du mois de juin 1771, sur les hypothèques, et
les édits, arrêts et règlements y relatifs, sont et demeurent supprimés, à compter du Ie'
janvier 1792.
Art. 2. Il y aura une"administration générale des hypothèques.
Art. 3. Cette administration entrera en exercice au —, et sera sous la surveillance du ministre de la justice.
Art. 4. Il sera établi à Paris un bureau général et central.
Art. 5. Il sera établi un bureau particulier auprès de chaque tribunal de district.
Art. 6. Les villes qui renferment plusieurs districts, n'auront néanmoins qu'un seul bureau.
Art. 7. Chaque bureau correspondra avec le bureau général.
Art. 8. Il sera préposé dans chaque bureau un commissaire, dont les fonctions sont déterminées dans les titres suivants.
Art. 9. Le préposé de chaque bureau particulier-sera choisi par le roi.
Titre II. — Des biens susceptibles d!hypothèque, et des titres emportant hypothèque.
Art. 1er. Les immeubles corporels, généralement quelconques,
continueront, comme par le passé, d'être susceptibles d'hypothèque.
Art. 2. A compter du jour de la promulgation du présent décret, toutes rentes dues par le Trésor public, ou par des particuliers, seront susceptibles d'hypothèque.
Art. 3. Il n'y aura de créances hypothécaires sur les immeubles réels et sur les rentes, que celles résultant d'actes notariés ou des jugements, sauf l'exception portée au titre IX.
TITRE III. — De la conservation des hypothèques.
Art. 1er. Le commissaire aux hypothèques tiendra un registre
sur papier timbré, paraphé par le juge du tribunal de district, sur lequel seront écrits,
sans interligne, les inscriptions ci-après établies.
Art. 2. Tout créancier hypothécaire ou privilégié sera tenu, pour la conservation de ses droits, de présenter au commissaire des hypothèques, un mois après la date de l'acte passé par-devant notaire, ou du jugement, le titre original de sa créance, avec un extrait sur papier timbré, du même titre. Le créancier aura pourtant la faculté de faire inscrire son titre ; mais la date de son hypothèque n'aura lieu que du jour de son inscription. Cet extrait sera signé du créancier, ou d'un fondé de pouvoir spécial. L'un ou l'autre élira domicile.
Art. 3. Cet extrait portera la date du titre, le montant de la créance, la quotité des intérêts ou arrérages dus, le terme du payement, et les noms de baptême et de famille des parties.
Art. 4. Lors de la présentation du titre et de l'extrait, le commissaire aux hypothèques délivrera, sur papier timbré, un certificat de remise, dont la date sera celle de l'inscription.
Art. 5. Ce certificat ne sera délivré que sur la justification de la quittance des droits auxquels l'inscription du titre donnera ouverture.
Art. 6. Le commissaire aux hypothèques conservera cette quittance.
Art. 7. Le commissaire aux hypothèques, après avoir collationné l'extrait avec le titre, inscrira l'extrait, en faisant mention de la collation par lui faite, et le conservera.
Art. 8. Sur le titre même sera écrit l'extrait d'inscriptions, signé par le commissaire aux hypothèques.
Art. 9. Cet extrait d'inscription énoncera les sommes résultant des titres antérieurement inscrits, et le prix des estimations ou déclarations, si elles ont été faites par le débiteur, conformément au titre VII.
Art. 10. Tout cessionnaire fera inscrire son acte de transport dans la forme ci-dessus.
Art. If. Si l'inscription est formée par le fondé de procuration d'un créancier, il sera joint à l'extrait du titre un extrait notarié de la procuration.
Art. 12. A compter du..., toutes hypothèques, même celles ci-devant acquises, les douaires et les substitutions établis et à établir, ne pourront être conservés que par l'inscription dans la forme ci-dessus, et celles qui n'auront pas été faites dans les trois premiers mois du jour de l'exercice de la loi, ne conserveront leur hypothèque que du jour de leur inscription.
Art. 13. Les inscriptions ne conserveront les droits des créanciers que sur les immeubles réels, situés dans l'étendue du bureau de district où les inscriptions auront été formées. line pourra en être formé plusieurs sur différents immeubles, pour raison de la même créance, excepté pour les créances actuellement existantes.
Art. 14. Le bureau particulier de Paris, seul, recevra les inscriptions sur les rentes dues par le Trésor public; à 1 égard des inscriptions qui porteront sur des rentes dues par des particuliers elles seront faites au bureau du domicile du propriétaire de ces rentes.
Art. 15. Nul ne pourra se faire représenter les registres d'inscription, qu'en produisant son titre de créance.
Art. 16. Les inscriptions ne seront prescrites qu'après 30 ans.
Art. 17. Le commissaire aux hypothèques sera autorisé à refuser à tous créanciers l'inscription de son titre sur un immeuble vendu, lorsque la signification au commissaire des hypothèques aura été faite conformément à l'article 1er du titre VI.
Titre IV. — Des inscriptions en sous-ordre.
Art. Ier. Tout créancier pourra former inscription sur les
biens du débiteur de son débiteur, en se conformant aux dispositions du titre précédent sur
les inscriptions directes.
Art. 2. Le commissaire aux hypothèques aura un registre séparé, timbré et paraphé par le juge du tribunal de district, sur lequel seront inscrites les inscriptions en sous-ordre, de la manière déterminée au titre précédent.
Titre V. — Mainlevè des inscriptions.
Art. 1er. Les mainlevées des inscriptions ne pourront être
données que par actes passés devant notaire, ou seront prononcées par jugements. - 3
Art.2. Il sera fourni au commissaire des hypothèques une expédition de l'acte ou du jugement portant mainlevée.
Art. 3. Le commissaire aux hypothèques inscrira, par extrait en marge de l'inscription, l'acte ou le jugement portant mainlevée.
Art. 4. Il délivrera, sur papier timbré, une copie de cette inscription signée de lui, et gardera en dépôt l'acte ou le jugement.
Titre VI. — Liquidation des hypothèques.
Art. 1er. A compter de... l'acquéreur de tous bien immeubles
réels, à tel titre et de quelque manière que ce soit, huitaine après son acquisition, la
notifiera juridiquement au commissaire des hypothèques au bureau de district et dans
l'étendue duquel l'immeuble acquis sera situé. Dans 4 mois, à dater du jour de son
acquisition, il sera tenu d'en payer le prix principal et les intérêts, en présence du
commissaire aux hypothèques, dans la forme ci-après ; et à défaut de payement, il sera
procédé contre lui par les voies indiquées au titre VIII.
Art. 2. A compter de la même époque, tout acquéreur de rentes dues par le Trésor public,
huitaine après son acquistion, la notifiera au commissaire des hypothèques du bureau de
Paris, et tout acquéreur de rentes dues par des particuliers, notifiera également son
acquisition, dans le même délai, au préposé du bureau du domicile du propriétaire desdites
rentes. L'acquéreur se conformera au surplus des dispositions de l'article 1er.
Art. 3. Dans 3 semaines, à compter du jour de la notification du titre d'acquisition au commissaire des hypothèques, le commissaire sera tenu de le dénoncer juridiquement aux créanciers du vendeur, au domicile par eux élu, dans l'extrait de leurs titres inscrits : et dans le mois suivant, il dressera sur papier timbré l'ordre des créanciers directs et en sous-ordre, d'après leurs titres inscrits.
Art. 4. S'il n'y a pas de créanciers hypothécaires, les créanciers chirographaires qui seront inscrits, seront payés sur le prix et sur les intérêts, sans qu'il soit besoin d'ordre entre eux; ils seront payés également de la même manière, si, après le payement des créanciers hypothécaires inscrits, le restant du prix principal et des intérêts suffit pour acquitter leurs créances ; et en cas d'insuffisance de cet excédent, il sera contribué entre les créanciers chirographaires au marc la livre.
Art. 5. Tout créancier inscrit aura la faculté de venir, pendant le mois suivant, prendre communication du cahier d'ordre ou de contribution.
Art. 6. L'ordre ou la contribution sera homologué dans la première quinzaine du quatrième mois, par les juges du tribunal de district, sur la réquisition du commissaire aux hypothèques, et sur la représentation du registre d'inscriptions des titres des créanciers.
Art. 7. Le greffier du tribunal délivrera au commissaire aux hypothèques une expédition du jugement d'homologation, qui ne contiendra que la mention du prix de l'immeuble, et les noms du vendeur et ae l'acquéreur. Cette expédition sera annexée, par le commissaire des hypothèques, au cahier d'ordre ou de contribution.
Art. 8. S'il s'élève entre les créanciers quelques contestations sur la priorité de leurs hypothèques ou privilèges, elles seront jugées dans la formé ordinaire.
Art. 9. Dès que la contestation sera engagée,
le commissaire aux hypothèques en notifiera juridiquement l'objet a l'acquéreur, qui sera tenu de garder son prix, ou partie de son prix, si mieux il n'aime en laisser le dépôt dans la caisse nationale.
Art. 10. Les quittances de payement seront passées devant notaire, et les créanciers payés signeront le cahier d'ordre ou de contribution, dont le commissaire aux hypothèques restera dépositaire.
Art. 11. Si pour quelques causes légitimes un créancier utilement colloqué ne pouvait recevoir son payement, la somme à lui revenant restera pendant un an entre les mains de l'acquéreur, si mieux il n'aime la déposer dans la caisse nationale.
• Art. 12. Si l'acquéreur ne s'était pas libéré, et que le créancier se présentât pour recevoir la somme laissée en ses mains, dans le cas prévu, par l'article 11, l'acquéreur ne pourra être contraint au payement que 6 mois après la sommation judiciaire qui lui en aura été faite.
Art. 13. Tous payements faits par un acquéreur au préjudice des créanciers inscrits de son vendeur, seront nuls ; et ils pourront le contraindre, par la voie indiquée au titre VIII,* au payement au prix de la vente, en principal et intérêts, qui ne pourra être fait que dans la forme déterminée par les articles du présent titre.
Art. 14. Lorsqu'il n'y aura pas d'inscription sur un immeuble ou sur une rente aliénée, le commissaire aux hypothèques sera tenu d'en délivrer son certificat à toutes réquisitions du vendeur et de l'acquéreur, quinzaine après la notification qui lui aura été faite du contract d'acquisition.
Titre VIL — Des estimations des immeubles réels et des déclarations des rentes.
Art. 1er. Dans un mois, à compter du... tout créancier inscrit
d'un propriétaire d'immeubles réels ou de rentes, pourra exiger que son débiteur fournisse
l'estimation de ses immeubles réels, ou la déclaration de ses rentes.
Art. 2. Le débiteur sera tenu, un mois après la réquisition légale qui lui aura été faite, de faire inscrire sur un registre timbré et paraphé par le jugé du tribunal, et tenu par le commissaire aux nypothèques, l'estimation de ses immeubles réels au bureau de district dans l'étendue duquel chacun de ses immeubles sera situé.
Art. 3. Cette estimation sera faite sur papier timbré, et signée par le propriétaire. Le commissaire aux hypothèques la conservera en dépôt.
Art. 4. Le débiteur sera tenu de faire inscrire au] bureau du lieu de son domicile, sur un registre timbré, paraphé par le juge du tribunal, et tenu par le commissaire aux hypothèques de ce bureau, l'extrait d'enregistrement de son estimation, qui lui aura été délivré par le commissaire du bureau de la situation de son immeuble.
Art. 5. Il sera tenu, dans le même délai d'un mois, (de faire inscrire sur un registre timbré, paraphé par le juge du tribunal, et tenu par le commissaire aux hypothèques, la déclaration de ses rentes au bureau particulier de Paris, si elles sont sur le Trésor puDlic, et au bureau du lieu de son domicile, si elles sont sur particuliers. Il fera également inscrire en ce dernier bureau, sur un registre timbré, paraphé par le juge du tribunal, et tenu par le commissaire aux hypothèques, l'extrait d'inscription de la déclaration qu'il aura faite au bureau de Paris, et qui lui aura été dé-
livrée par le commissaire aux hypothèques de ce bureau.
Art. 6. Cette déclaration sera faite sur papier timbré, et signée par le propriétaire; le commissaire aux hypothèques en restera dépositaire.
Art. 7. Si 1 estimation volontairement faite par le débiteur est contestée par un créancier, le créancier pourra en requérir une officielle, qui sera faite dans la forme ci-après.
Art. 8. Les estimations officielles seront faites par des arpenteurs, estimateurs et experts en bâtiments, dont les vacations seront réglées par le commissaire aux hypothèques, et payées sur son mandat. Ils seront choisis par le directoire du district ; ils prêteront serment devant le juge du tribunal, et leurs noms seront inscrits sur deux tableaux, dont l'un sera placé dans l'auditoire du tribunal et l'autre dans le bureau particulier des hypothèques.
Art. 9. Les estimations ne pourront être faites que sur la réquisition du commissaire aux hypothèques, qui, lui-même, ne pourra les requérir que d'après la demande du propriétaire, ou d'un de ses créanciers inscrits.
Art. 10. Le procès-verbal d'estimation officielle sera fait sur papier timbré, signé par l'arpenteur estimateur ou expert, inscrit par extrait, par le commissaire aux hypothèques, sur un registre timbré et paraphé par le juge du tribunal. Le procès-verbal restera en dépôt au bureau du commissaire aux hypothèques.
Art. 11. Ce procès-verbal contiendra la désignation et l'état de chaque bâtiment, et les quantités, nature et qualités des terres, bois, étangs et autres espèces de propriétés.
Art. 12. Les estimations volontaires ou offi • cielles et les déclarations seront rédigées uniformément, suivant les modèles qui seront fournis par l'administration générale.
Art. 13. Chaque mois, les bureaux de district adresseront au bureau central la 'feuille des. inscriptions, estimations et déclarations qui auront eu lieu, le tout par un simple extrait, dont l'administration générale fournira le modèle.
Titre VIII. Des poursuites.
Art. 1er. A défaut de payement du prix d'un immeuble réel ou
d'une renté, conformément aux dispositions du titre VI ; et à défaut de payement d'une
créance échue, soit en principaux, soit en intérêts, dont le titre aura été inscrit, le
créancier pourra suivre la vente de l'immeuble ou de la rente hypothéquée à sa créance dans
la forme ci-après :
Art. 2. Après deux commandements, dont un recordé de témoins, faits au propriétaire, à 8 jours d'intervalle, le créancier présentera au juge une requête, à fins d'autoriser le commis^ saire aux hypothèques à faire procéder à la vente de l'immeuble ou de la rente.
Art. 3. Cette ordonnance sera notifiée juridiquement, par le créancier, au commissaire aux hypothèques et au propriétaire, à compter du jour de la notification au propriétaire, tous actes translatifs de la propriété de l'immeuble, en tout ou partie, sous quelque forme et dénomination que ce puisse être, seront nuls ; seront également nuls, à compter dudit jour, tous baux, renouvellement de baux, ventes d'usufruits, cessions, délégation, transports des loyers, fermages et arrérages à échoir, suivant la nature de l'immeuble.
Art. 4. Le commissaire aux hypothèques fera notifier, dans troisjjours au plus tard, ladite ordonnance, soit aux fermiers, soit aux locataires de l'immeuble, soit au payeur de la rente, avec défense de payer au propriétaire des loyers, fermages ou arrérages, à compter du jour de cette notification.
Art. 5. Ces loyers, fermages, ou arrérages seront, d'après,un état annexé à l'enchère, abandonnés à l'acquéreur, à ses risques, périls et fortune, et l'acquéreur sera chargé d'en payer le montant en sus du prix de l'immeuble.
Art. 6. Le commissaire aux hypothèques établira également dans trois jours, au plus tard, après la notification à lui faite de l'ordonnance du juge, un gardien de la conservation des bâtiments, par un procès-verbal contenant leur état dont l'administration générale fournira le mo-r dèle.
Art. 7. Si le propriétaire régissait lui-même, le gardien sera chargé de 1 exploitation des propriétés territoriales dépendant de l'immeuble.
Art. 8. Il ne pourra faire aucune coupe de bois, aucune pêche d'étang ou canaux ; mais il fera les récoltes et les conservera suivant leur nature.
Art. 9. Au moment de la vente de l'immeuble, le gardien remettra au commissaire aux hypothèques un état estimatif des fruits recueillis, et un état des frais de culture et de récolte. Ces deux états seront sur papier timbré, signés du gardien, et annexés à l'enchère. Les fruits seront abandonnés à l'acquéreur, à la charge de payer, en sus du prix de l'immeuble, le montant des deux états; et de plus, les frais du procès-Verbal d'établissement au gardien, et ses droits, qui seront fixés par les juges du tribunal.
Art. 10. Le gardien sera déchargé, par l'acquéreur, des objets confiés à sa garde après la vérification qui en sera faite sur le procès-verbal d'établissement du gardien, et sur l'expédition de l'état estimatif des fruits recueillis.
Art. 11. Dans la huitaine qui suivra la notification faite au commissaire aux hypothèques, de l'ordonnance du juge portant autorisation de vendre, il déclarera juridiquement au propriétaire, que dans un mois il fera procéder aux opérations préalables de la vente de l'immeuble ou de la rente.
Art. 12. A l'expiration du mois, le commissaire aux hypothèques fera afficher des placards imprimés, indicatifs de la vente de l'immeuble ou de la rente. Ces placards seront sur papier timbré, et signés du commissaire aux hypothèques ; ils contiendront les noms du propriétaire, la désignation, ainsi que l'estimation de l'immeuble (si elle a été faite) ; et s'il s'agit d'une rente, le capital de sa constitution, sa nature, et le nom du payeur.
Art. 13. Ces placards seront apposés dans tous les chefs-lieux de cantons, dans le chéf-lieu du district, et dans celui du département, sauf aux parties intéressées à requérir qu'il en soit affiché à leurs frais dans tous les lieux qu'elles indiqueront.
Art. 14. Après trois affiches ainsi apposées, de quinzaine à autre, il sera procédé, quinze jours après la dernière, sur le cahier d'enchère qui aura été dressé par le commissaire aux hypothèques, et en sa présence, à l'adjudication sauf le mois de l'immeuble ou de la rente, au plus offrant et dernier enchérisseur, pardevant le tribunal dans le ressort duquel l'immeuble sera si-
tué, ou pardevant le tribunal du propriétaire, s'il s'agit d'une rente sur particulier.
Art. 15. Le commissaire aux hypothèques du bureau particulier de Paris sera seul chargé de poursuivre la vente des rentesdues par le Trésor public. Les placards indicatifs de cette vente serontapposés dans Paris et dans l'étendue du bureau de district du domicile du propriétaire, à la diligence du commissaire aux hypothèques de ce bureau.
Art. 16. L'adjudication des rentes dues par le Trésor public se fera pardevant le tribunal des criées au département de Paris.
Art. 17. L'adjudication définitive sera indiquée, de nouvelles affiches apposées dans la forme établie par les articles précédents.
Art. 18. Les oppositions, à fin de distraire, ne seront pas reçues après l'adjudication, sauf le mois.
Art. 19. Elles seront formées au bureau particulier dans l'étendue duquel sera situé l'immeuble à vendre, et inscrites sur un registre timbré, paraphé par le juge du tribunal, et tenu par le commissaire aux hypothèques.
Art. 20. Le commissaire aux hypothèques les notifiera juridiquement au domicile élu par le créancier poursuivant, et la vente restera suspendue jusqu'après le jugement de la contestation.
Art. 21. En cas de folle enchère, elle sera poursuivie par le commissaire aux hypothèques, sans qu'il soit besoin de la réquisition d'un créancier.
Art. 22. Dans ce cas, après deux affiches, de quinzaine en quinzaine, apposées dans la forme ci-dessus établie, il sera procédé à l'adjudication sauf quinzainè.
Art. 23. L'adjudication définitive sera indiauée par une troisième affiche, qui sera également apposée de la manière déterminée aux précédents articles.
Art. 24. Le prix de l'immeuble sera payé et distribué suivant les dispositions du titre VI.
Art. 25. Les commissaires aux hypothèques, sur la réquisition des directoires de districts, feront les poursuites, dans la même forme, pour le recouvrement des deniers nationaux.
Titre IX. — Des cédules hypothécaires.
Art. Ier. Tout propriétaire qui aura fait inscrire l'estimation
officielle de ses immeubles réels, pourra faire, sous sa signature privée et à son ordre,
jusqu'à la concurrence des deux tiers libres du montant de l'estimation, des cédules dont
l'administration générale fournira le modèle et le papier.
Art. 2. Ces cédules seront signées par le propriétaire, en présence du commissaire aux hypothèques, et inscrites par lui le même jour; cependant elles resteront entre les mains du commissaire aux hypothèques, pendant 5 semaines, à l'expiration desquelles il ne les délivrera au propriétaire, qu'autant qu'il n'y aura point eu d'inscription de titre antérieure à celle des cédules.
Art. 3. Si, lors de l'expiration des 5 semaines, il arrivait que le commissaire aux hypothèques, au terme au titre 2, article 3, eût" inscrit des créances, ayant hypothèques avant l'inscription des cédules, et que les nouvelles inscriptions par leur enregistrement, missent le propriétaire dans le cas d'avoir excédé le crédit de sa propriété, alors le commissa,ire aux hypothèques annulerait d'abord la portion des cédules, dont le crédit du propriétaire se trouverait excédé,
mais encore tous les droits auxquels cette création dé cédules annulées aurait donné ouverture, resteraient à sa charge.
Art. 4. Chaque cédule portera l'indication du département, au district, au canton, de la municipalité dans le ressort desquels l'immeuble affecté au payement de la cédule sera situé; elle contiendra de plus le nom et le prix de l'estimation dudit immeuble.
Art. 5. L'hypothèque de la cédule datera du jour de l'inscription.
Art. 6. Chaque cédule contiendra la quantité de celles faites à la même époque, le montant des créances inscrites qui pourraient exister, et leur ordre d'hypothèque.
Art. 7. Elle aura une marque particulière, au moyen de laquelle tous les porteurs, en pourront vérifier l'autnenticité, soit au bureau de district de sa création, soit au bureau central à Paris.
Titre X. — Des objets liquidés et à liquider, payables à la caisse de Vextraordinaire.
Art. 1er. A compter du..., le commissaire aux hypothèques du
bureau particulier de Paris recevra, sur un registre timbré et paraphé par le juge du
tribunal, les. oppositions qui seront formées sur les capitaux liquidés et à liquider,
payables à la caisse de l'extraordinaire.
Art. 2. Les gardes des rôles seront tenus de remettre dans le courant du mois de... au commissaire des hypothèques du bureau de Paris, leurs registres depuis trois ans : il en sera dressé un inventaire, au bas duquel le commissaire des hypothèques donnera décharge desdits registres.
Art. 3. Le commissaire aux hypothèques du bureau de Paris se conformera, pour la réception et la radiation desdites oppositions, à ce qui est prescrit par les décrets des 30 octobre et 28 novembre 1790. Les droits de radiation seront perçus d'après le tarif annexé au présent décret.
Tarif des droits du nouveau bureau d'hypothèque.
Frais de poursuite à la charge des propriétaires, pour tous les actes relatifs à la vente d'immeu-oles, notification, affiches, cahiers d'enchère, et frais d'ordre dont les avances seront faites par le commissaire des hypothèques',
Il lui sera payé personnellement, savoir :
1° Pour une vente de 1,000 livres (et au-dessous) jusqu'à 5,000 livres, 3 O/O;
2° Pour une vente depuis 6 jusqu'à 10,000 livres, 2 1/2 0/0;
3° Pour une vente depuis 11 jusqu'à 30,000 livres, 1 1/2 0/0;
4° Pour une vente depuis 31 jusqu'à 100,000 livres,3/40/0;
5° Pour toutes les autres ventes au-dessus de 100,000 livres, 1/2 0/0;
6° Toutes les notifications à faire aux créanciers seront payées à raison de 2 livres, non compris les frais de déplacement.
Frais d'enregistrement des titres hypothécaires à payer par les créanciers.
1° Pour le certificat du commissaire aux hypothèques, lors de la présentation des titres à l'effet d'obtenir date d?enregistrement, 15 sous;
2° Pour l'enregistrement des titres anciens, 1/8 0/0.
Nota. — La voie de l'enregistrement assurant
aux anciens titres une hypothèque pendant 30 années consécutives, on a cru pouvoir les taxer à 1/8 0/0, par la raison que ces titres sont exempts, par leur date, du droit d'enregistrement national, et que d'ailleurs, le commissaire aux hypothèques sera chargé de veiller, sans frais, à la sûreté et à la rentrée de leurs deniers.
3° Pour l'enregistrement des nouveaux titres passés pardevant notaire, et jugement, 1/4 0/0.
Nota. — Ce droit a paru devoir n'être fixé qu'à 1/4 0/0, attendu que ces nouveaux titres seront sujets à l'enregistrement national.
4° L'enregistrement des cédules payera 1/4 0/0.
Nota. — La cédule devant être également sujette au droit d'enregistrement national, on doit le traiter de même que les nouveaux titres à passer devant notaire.
5° Les droits ci-dessus payeront en outre 1/20 pour papier timbré et visa d'extrait d'enregistrement.
Frais d'estimation à payer par les propriétaires d'immeubles réels et fictifs.
6° Les estimations volontaires des immeubles réels payeront 1/8 0/0.
7° Les estimations officielles 1/4 0/0.
8° Ces deux derniers droits seront augmentés en outre d'un vingtième pour le papier timbré, tant de procès-verbaux, que pour celui de l'enregistrement, 1/20 desdits droits.
9° L'enregistrement d'extrait d'estimation au domicile du propriétaire coûtera, par chaque extrait de district, 1 livre.
Frais d'enregistrement des oppositions et des certificats.
1° L'enregistrement des oppositions à fin de distraire, payeront pour chacune 2 livres.
2° Tous les certificats de radiation et autres payeront chacun 2 livres.
3° A l'égard des radiations relatives à la caisse extraordinaire, il sera perçu comme il est dit ci-dessus.
Adresse présentée à l'Assemblée nationale ie 18 décembre 1791, par MM. les officiers des bailliage et grurie de la ci-devant principauté de Soin-ville (1).
Messieurs,
L'Assemblée constituante a renvoyé à la première législalure la question relative au remboursement de la finance des offices seigneuriaux.
Les officiers des bailliage et grurie de la ci-devant principauté de Joinville, pourvus en finances, vous supplient, Messieurs, de porter votre attention sur cet objet, et de lui donner quelques-uns de vos moments.
Depuis longtemps le sort des officiers royaux est fixé, et déjà presque tous ont reçu leur remboursement ; avec les sommes que la nation a versées dans leurs mains, ils ont pris les arrangements les plus propres à les indemniser de la perte de leur état; et les officiers seigneuriaux, dont la créance est aussi sacrée, puisqu'elle reposé également sur la foi publique, ignorent encore non seulement le mode et la quotité de leur remboursement, mais de quelle manière sera résolu le doute que l'on a voulu élever sur la nécessité de rembourser leurs finances.
Cependant cette incertitude agite leurs créanciers, et par la vente successive des biens nationaux, ils voient chaque jour passer en d'autres mains les objets qui, par leur convenance, leur présentaient l'indemnité la plus satisfaisante.
L'existence des justices seigneuriales était un abus, l'Assemblée constituante a pensé que le temps n'avait pas pu les légitimer, et elle les a supprimées sans dédommagement.
L établissement des officiers seigneuriaux doit être envisagé d'une manière bien différente.
Cet établissement, qui remonte au xne siècle, forme une grande époque dans l'histoire de notre jurisprudence, c'est celle de la renaissance de l'ordre dans ces tribunaux, qui alors couvraient toute la surface de la France.
Auparavant les seigneurs jugeaient eux-mêmes exclusivement ; livrés à la possession des armes, ils mêlaient l'esprit et les formes militaires aux discussions civiles, et tous les jugements étaient dictés ou par la passion ou par l'ignorance.
A ce désordre a succédé le règne de la loi, lorsque les seigneurs ont été forcés de remettre à des prud'hommes l'exercice du pouvoir judiciaire.
Ainsi les officiers seigneuriaux méritent tous les égards que l'on doit à des hommes qui ont substitué l'ordre à l'anarchie et la règle à l'arbitraire.
Quant à ceux de ces offices aliénés ou plutôt engagés moyennant finance, sans doute leur vénalité, de même que celle des offices royaux, était proscrite par les anciennes ordonnances; mais comme, pour ces derniers, elle était tolérée par deslois postérieures, notamment par l'ordonnance de Roussillon, dont l'article 27, après avoir donné aux seigneurs la faculté de révoquer leurs juges, ajoute : Sinon au cas où lesdits officiers eussent été pourvus pour récompense de service, ou autre titre onéreux.
Cette disposition est très remarquable non seulement elle reconnaît qu'il y a des offices seigneuriaux en finance, non seulement elle ne rejette pas les transactions de cette espèce, mais elle leur accorde une faveur toute particulière en leur imprimant un caractère irrévocable.
La vénalité des offices seigneuriaux était donc, comme celle des offices royaux, tolérée par les lois du royaume. Les officiers des seigneurs, semblables sur ce point à ceux du roi, ont donc le même droit à une juste indemnité.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la séance du dimanche 18 décembre.
J'observe, sur la rédaction du procès-verbal de la séance d'hier, que M. Dubu, l'un des pétitionnaires admis à la barre, a ajouté à son nom celui de Longchamp ; il s'est annoncé comme ami de la Constitution, et cependant lui-même a violé la Constitution. Le décret du 19 juin .1790 défend à tous les citoyens de prendre d'autres noms que ceux de leur famille. Je demande que l'Assemblée ordonne la radiation au procès-verbal de cette expression inconstitutionnelle et qu'à l'avenir les pétitionnaires ne puissent prendre d'autre nom que celui de famille.
Plusieurs membres appuient cette proposition.
Un membre : Nous avons aussi entendu M. Collot allonger'son nom de celui d'Herbois, et cette expression n'a pas été supprimée dans la rédaction du procès-verbal. Je demande que l'Assemblée en ordonne la radiation.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée, consultée, décide qu'elle ne passera pas à l'ordre du jour.)
Je demande à l'Assemblée la permission de lui rappeler l'article 2 du décret du 19 juin 1790 ; il est ainsi conçu :
« Aucun citoyen ne pourra prendre que le vrai nom de sa famille; personne ne pourra porter, ni faire porter des livrées, ni avoir d'armoiries ; l'encens ne sera brûlé dans les temples que pour honorer la divinité, il ne sera offert à qui que ce soit. »
J'observe que les membres de l'Assemblée doivent donner eux-mêmes l'exemple de l'obéissance à la loi, et je fais la motion qu'aucun d'eux ne prenne à l'avenir d'autre nom que celui de famille, notamment M. Condorcet dont le nom de famille est Caritat.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Thuriot avec l'amendement de M. Jahan.)
, secrétaire, (km\& lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Pétition du sieur Rebut, adjudicataire de 1,150 arpents de bois de marine et de construction de la forêt nationale de Tronçays.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de marine.)
2° Pétition du sieur Vigier, commis au bureau des classes, qui réclame contre la fausse application que l'on fait du décret du 21 septembre dernier, relatif à l'organisation des bureaux de la marine.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de marine.)
3° Pétition de plusieurs propriétaires des offices de notaires royaux supprimés, qui demandent que ce s oit à eux, et non pas aux fermiers de ces offices, que la jouissance en soit réservée.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de législation.)
4° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, par laquelle il informe l'Assemblée nationale, d'une difficulté à laquelle donnent lieu les ac-
quisitions faites par le roi en exécution d'un arrêt du conseil du 3 juin 1787.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
5° Adresse de M. Arnoult, peintre en bâtiments, rue du Plâtre, et commissaire de la section de Sainte-Geneviève, qui fait à la patrie une offrande de 25 livres, dans l'objet de contribuer, autant qu'il est en son pouvoir, aux dépenses nécessaires pour faire triompher la France des projets de ses ennemis.
(L'Assemblée ordonne la mention honorable, au procès-verbal, de l'offre de M. Arnoult.)
Messieurs, la loi portant l'institution des jurés, et celle du 29 septembre dernier, qui fixe au 1er janvier prochain, l'époque à laquelle ils doivent entrer en fonctions, n'ont point réglé le sort des procès criminels qui, à Vépoque au 1er janvier 1792, seraient pendants devant les tribunaux de district, et les tribunaux criminels provisoires établis à Paris.
Il est cependant essentiel, il est urgent que l'Assemblée nationale s'occupe de cet objet important, pour que les instructions -criminelles ne souffrent aucun retard, et que les tribunaux suivent, à cet égard, une marche uniforme.
Quelques réflexions fort simples paraissent devoir aplanir les difficultés qui naissent à cet égard du silence des lois.
Lorsque la procédure n'est point assez avancée pour que l'on puisse regarder la preuve comme acquise contre l'accusé, il ne peut v avoir aucun inconvénient à renvoyer l'accusé devant les iurés, pour que son procès soit continué suivant la nouvelle forme.
Quand, au contraire, les preuves sont acquises par le recollement et la confrontation des témoins, il semble, en ce cas, que les tribunaux saisis de l'instruction doivent rendre le jugement, sauf l'appel, comme par le passé.
Le jugement qui règle le procès à l'extraordinaire parait devoir être la ligne de démarcation qui sépare les procès criminels dont les tribunaux devront continuer l'instruction après le 1er janvier, de ceux qu'ils devront renvoyer aux jures.
A l'égard des procès criminels portés par appel, soit dans les tribunaux de district, soit dans les tribunaux criminels provisoires de la ville de Paris, ces appels qui ne donnent lieu qu'à l'examen de l'instruction faite en première instance, sont dans le cas d'être juges par les tribunaux qui s'en trouvent actuellement saisis ou qui pourront l'être par la suite.
J'ai donc l'honneur de proposer à l'Assemblée, pour lever tous les doutes, le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, considérant que les lois qui ont établi la procédure par jurés, et fixé l'époque à laquelle elle commencerait à avoir lieu, n'ont rien statué sur la suite des procès criminels qui, au 1er janvier 1792, se trouveraient commencés par les tribunaux ae district et dans le 6 tribunaux criminels provisoires établis dans la ville de Paris ; qu'il est néanmoins indispensable de tracer un mode uniforme de conduite pour les tribunaux dans lesquels il se trouvera des procédures criminelles, pendantes par appel ou commencées au 1er janvier prochain, pour que le jugement ou l'instruction ne souffre aucun retard, décrète qu'il y a urgence.
« Après avoir décrété l'urgence, l'Assemblée nationale décrète :
« Art. 1er. Les procès criminels dont les appels sont portés, ou
le seront par la suite, devant les tribunaux de district, ou devant les 6 tribunaux criminels
provisoires, établis à Paris, seront jugés par les tribunaux qui seront saisis de ces appels.
« Art. 2. Les procès criminels portés en première instance, devant les tribunaux de district, ou devant les tribunaux criminels provisoires, dans lesquels il sera intervenu un jugement de règlement à l'extraordinaire à l'époque du 1er janvier 1792, continueront d'être instruits et seront jugés par les tribunaux qui s'en trouveront saisis, sauf l'appel, tel que ae droit.
« Art. 3. A l'égard des procès qui, au 1er janvier prochain, sauront pas été réglés à l'extraordinaire, la suite de l'instruction en sera dévolue aux tribunaux criminels de département, pour être faite suivant les formes prescrites par la loi portant instruction des jurés.
« Art. 4. Le présent décret sera porté incessamment à la sanction. »
Un membre : Je demande le renvoi du projet de décret au comité de législation pour en faire le rapport incessamment. (L'Assemblée décrète cette motion.) Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Lasalle, ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Mon nom a été inculpé dans l'Assemblée (1) : je ne puis mieux répondre aux injustes soupçons dont cette équivoque pourrait me rendre victime, qu'en envoyant à l'Assemblée la quittance du double de mes contributions. Donnons volontairement une partie de notre bien, et notre courage défendra -l'autre. » « Je suis avec respect, etc.
« Signé : Lasalle.
Plusieurs membres : L'ordre du jour ! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Je demande que le comité militaire soit chargé d'examiner les ordonnances de 1777, relatives a la réception des armes, attendu que les manufactures d'armes du royaume, ainsi que les ouvriers, se plaignent que, par des détails minutieux, dont l'exécution ne tient en rien à la fonte de l'arme, la fabrication se trouve tellement gênée, qu'ils ne sont plus en état de faire le tiers des fusils qu'ils feraient si ces entraves étaient écartées. Je demande qu'après avoir pris sur ces plaintes les renseignements nécessaires, le comité en fasse le rapport le plus promptement possible, car les manufactures liégeoises n'ont pas tenu leur engagement.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Daver-hoult.)
Un membre, au nom du comité de commerce, annonce que ce comité a plusieurs rapports à présenter qui portent tous sur des questions qu'il importe essentiellement de décider sans délai.
(L'Assemblée ajourne à jeudi soir les rapports du comité de commerce.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre. L'Assemblée nationale ignore encore quel
est le nombre des membres qui la composent. Quel est le motif du retard
des uns, de l'absence des autres? C'est ce qu'il importe à l'Assemblée nationale de connaître, et ce qu'elle a jusqu'ici trop longtemps négligé. Nous ne pouvons le connaître qu'en exécutant ce que la loi sur l'organisation du Corps législatif nous prescrit. Nous sommes dans un moment où la France a besoin de tous ses conseils et de tous ses défenseurs. Ce serait un crime de n'être pas à son poste, ou de l'avoir abandonné, et ce crime involontaire, sans doute, il faut le prévenir. (Applaudissements.) Je fais donc la motion expresse qu'il soit fait demain, à l'ouverture de la séance, un appel nominal de tous les membres de cette Assemblée, et que les motifs de l'absence de ceux qui ne s'y trouveraient pas soient énoncés au procès-verbal. (Applaudissements..)
Je demande que l'appel nominal soit retardé jusqu'à dimanche.
Un membre : Je propose de fixer l'appel nominal à jeudi, 10 heures du matin.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Chéron et fixe à jeudi matin, 10 heures, l'appel nominal.)
Je proposerai encore à l'Assemblée la mesure suivante :
« L'Assemblée nationale, considérant que 492 députés seulement ont juré, sur l'Acte constitutionnel, d'en assurer le maintien, que cette cérémonie religieuse ne peut qu'ajouter encore au respect dû au serment; que 253 députés n'ont pu être admis à le prêter avec la même solennité, décrète que le 1er janvier 1792, le garde des archives sera invité ae se rendre dans le sein de l'Assemblée, d'y apporter l'Acte constitutionnel, sur lequel les députés absents le 4 octobre dernier prêteront le serment. »
Plusieurs membres: L'ordre du jourl
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Je demande à faire lecture d'un arrêté du département de la Loire-Inférieure relatif aux troubles que suscitent dans son territoire les prêtres non assermentés et qui diffère sensi blement de la pétition du directoire du département de Paris.
Plusieurs membres : Demain soir!
(L'Assemblée ajourne cette lecture à la séance de demain soir.)
Je dois annoncer que, ce j matin, on a reçu une caisse venant de Lorient qui était adressée à l'Assemblée. On l'a ouverte. Il s'y est trouvé emballé, avec beaucoup de soin, une très grosse racine qu on a jugé être une racine de rhubarbe ; c'est peut-être un envoi précieux.
Un membre : C'est pour purger l'Assemblée ! (Rires.)
Plusieurs membres en demandent le renvoi au Jardin des Plantes, et observent que cette racine, curieuse par sa grandeur, pourrait servir à provoquer des expériences propres à naturaliser la culture de cette plante en France.
Il n'y avait aucune lettre d'envoi ; mais la racine paraît être dans un état qui fait croire que l'on veut faire un essai pour la naturaliser en France. Un célèbre voyageur nous a donné des plants de girofle et de muscade, qui vaudront plusieurs millions à la France. Je propose à l'Assemblée de la faire porter au Jardin des Plantes.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité d'agriculture !
(L'Assemblée charge son comité d'agriculture
de lui présenter des vues sur l'usage qu'on peut faire de cette plante.)
Un membre présente un projet de décret concernant la dette publique.
(L'Assemblée renvoie la lecture de ce projet à demain.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret du comité de Vordinaire des finances sur les moyens à prendre pour établir des caisses d'échange des assignats de 5 livres dans les districts (1).
Je n'entrerai dans aucune discussion ; je me bornerai à présenter à l'Assemblée le projet de décret suivant :
« Art 1er. Les 60 millions d'assignats de 5 livres destinés à
l'échange, formant le cinquième des impositions foncières et mobilières, seront répartis et
envoyés à chaque département, à raison du cinquième des susdites impositions, et les
directoires des départements, sitôt qu'ils auront reçu ladite somme, la diviseront ensuite
dans la même proportion en chaque district, et la feront parvenir à la caisse du receveur.
« Art. 2. Ils en donneront avis au directoire du district qui constatera de suite sur ses registres et sur celui du receveur, le montant de la somme qui aura été versée dans la caisse, de laquelle il demeurera chargé pour en faire l'emploi, et il ne pourra en être déchargé, que de la manière expliquée ci-après.
Art. 3. Les directoires de district feront de suite une adresse à chaque canton ou commune, portant le montant de toutes les impositions de l'année 1791, avec une énumération à peu près, du nombre et de la somme que le change leur procurera en petits assignats. Ils le ferait imprimer, publier et afficher dans chaque commune, et les citoyens qui seront dans le cas de profiter de l'échange verront, au plus juste, ce qui revient à leur commune, et ne seront alors exposés à aucun voyage inutile.
« Art. 4. Pourront les directoires, s'ils le jugent à propos, n'allouer aux communes que les cinq sixièmes de la somme revenant, pour le sixième restant demeurer à la disposition du receveur pour faire les appoints du traitement des fonctionnaires publics, ou pour servir aux échanges des assignats de forte somme dont-il sera parlé ci-apr s.
Art. 5. Tous citoyens seront admis à porter en échange chez "le receveur du district, les assignats depuis 50 livres jusqu'à 300 livres, qu'ils voudront convertir en assignats de 5 livres, en se conformant aux articles ci-après. . « Art. 6 Pendant un mois, a com ptèr de la publication du présent décret, lés citoyens qui voudront profiter du bienfait de l'échange n'y pourront être admis qu'en vertu d'un certificat ae leur municipalité qui atteste de leurs besoins ou la quantité d'ouvriers qu'ils occupent, lequel certificat sera en outre visé par le directoire du district.
« Art. 7. Les municipalités feront attention, pour prévenir les accaparements, de ne délivrer aux particuliers des certificats que pour des sommes proportionnées à leurs besoins, afin que la somme assignée à leur commune soit dispersée "sur un plus grand nombre.
« Art. 8. Les assignats depuis 50 livres jusqu'à
« Art. 9. A compter du 2 février prochain, jusqu'à la fin du même mois, il sera libre à tous citoyens, porteurs d'assignats de 500 livres, de de 1,000 livres et de 2,000 livres en se conformant aux articles 6 et 7 ci-dessus, d'aller chez les receveurs de district les faire changer contre ceux de 300 livres et au-dessous.
« Art. 10. Dans le susdit cas, les receveurs seront tenus d'annuler les assignats de 50 livres et au-dessus, en présence même de ceux qui auront fait faire ledit échange, auquel échangé les receveurs ne pourront se refuser qu'après en avoir échangé et annulé, à concurrence de la même somme dont ils sont comptables, conformément à l'article 2 du présent décret.
» Art. 11. Les receveurs ne seront libérés de la somme qu'ils auront reçue, en assignats de 5 livres, qu après que la même valeur en assignats de 300 livres et au-dessus sera annulée, et qu'ils l'auront fait parvenir à la caisse des brûlements, suivant les mêmes usages établis pour ceux provenus de la vente des biens nationaux. »
Je demande la question préalable sur le projet de décret qui vous est présenté par le comité de l'ordinaire des finances, pour échanger, dans les départements, les assignats de 5 livres et au-dessous, contre ceux de plus forte somme. Je pourrais motiver la question préalable sur 10 moyens,» je n'en emploierai que deux. Je démontrerai : 1° que les mesure- qui vous sont proposées pour 1 é-change sont absolument destructives des dispositions bienfaisantes que vous aviez manifestées pour les départements. En effet, Messieurs, rappelez-vous que quand vous avez décrété, le 1er novembre dernier, une émission de 100 millions d'assignats de 5 livres, vous les avez décrétés pour être employés à l'échange dans les départements contre des assignats de sommes plus fortes. Vous n'avez donc pas voulu que des décrets détruisissent cette disposition bienfaisante et si désirée par tous les départements.
Voilà cependant ce qui résulterait, Messieurs, et des décrets qu'on vous a déjà fait
rendre, et du dernier qu'on vous propose en ce moment, et je le prouve. Le 1er décembre,
vous aviez ordonné l'échange de 100 millions en assignats de 5 livres ; mais votre comité
vous ayant annoncé qu'il ne pourrait y en avoir de disponibles jusqu'à la fin de ce mois que
pour 85 millions, on vous a lait accorder, le 11 novembre,sur cette somme de85 millions, 10
millions pour la Trésorerie nationale (1). Le 28 novembre, on vous a fait accorder encore
une somme de 15 millions (2), en sorte que voilà bien 25 millions déjà prélevés sur les 85
millions d'assignats de 5 livres que vous aurez de disponibles; il ne reste donc que 60
millions d'assignats de 5 livres à échanger. et sur ces 60 millions, M. Cambon veut faire
prélever : 1° le huitième des frais de culte, guerre,
« Art. 1er. Les 60 millions en assignats de 5 livres qui sont
disponibles en ce moment seront, conformément au projet du décret présenté le 1er décembre
dernier, affectés seulement à l'échange des gros assignats répandus dans les départements,
et ne pourront pas être employés à payer les frais à la charge de la trésorerie nationale.
« Art. 2. Le trésorier de la caisse de l'extraordinaire les adressera très promptement par les voitures publiques aux administrations des différents départements, suivant l'état de distribution qui sera annexé au présent décret. Le roi sera prié de prendre des mesures pour faire escorter suffisamment les voitures par lesquelles les assignats seront envoyés.
« Art. 3. L'état de distribution sera formé par le comité des assignais et monnaies d'après les trois bases de la population, de l'étendue et de la contribution foncière.
« Art. 4. Les administrations de départements répartiront d'après les mêmes bases entre les différents districts, la somme des assignats qui leur seront adressés.
« Art. 5. Les administrations de districts feront la même répartition aux municipalités.
Art. 6. L'état de ce qui reviendra à chaque municipalité sera adressé aux officiers municipaux , et les habitants de chacune de ces municipalités viendront demander aux administrations et directoires de district, le mandat d'échange d'après lequel ils seront autorisés à toucher des receveurs.
« Art. 7. Les assignats de 5 livres ne seront échangés que contre ceux de 50 à 60 livres ; et ces mêmes assignats le seront ensuite dans la même proportion, d'après les mêmes bases, contre les assignats de 500 a 2,000 livres. »
, rapporteur. J'observe que les 60 millions de petits assignats restant de la dernière création ne suffisent pas pour fournir à la fois et au service des caisses, et aux échanges dans les départements : qu'en conséquence, c'est une mesure provisoire impérieusement commandée par les circonstances, et à l'abri de toutes les objections théoriques, que de faire là distribution de cette somme dans les départements, par la voie des payements que la caisse de l'extraordinaire et la trésorerie doivent faire à la fin du trimestre.
Messieurs, le mode d'échange proposé par M. Cambon présente def;rands avantages, et me paraît préférable à ce-ui du comité.
11 opère sans intermédiaire, à la caisse de
l'extraordinaire, l'échange direct, celui par lequel les gros assignats sont annulés, et cette forme évite la foule d'inconvénients qu'on redoutait pour les échanges faits par les receveurs de districts.
Il évite surtout les dangers et les frais d'un double envoi dans les départements, et il appelle à l'échange les citoyens qui n'ont qu'un assignat de 50 livres, aussi bien que ceux qui en ont de 2,000 livres.
Ces avantages peuvent bien balancer les inconvénients, mais ils ne les effacent pas.
Lorsque, le 1er novembre, vous décrétâtes que sur la nouvelle création d'assignats de 5 livres, il en serait destiné 1 million pour chaque département, vous pensiez que cette somme serait indépendante de celle des frais de culte et d'administration que la trésorerie nationale fournit; le projet de M. Cambon enlève donc ce précieux avantage aux départements.
Mais il y a plus, ces départements n'auront pas même leur part proportionnelle, je ne dis pas des 100 millions, mais même des 75 auxquels vous fûtes forcés de réduire provisoirement cette distribution, pour favoriser le service de la trésorerie nationale; car au lieu de partager 75 millions il n'en emploie que 60. Un autre vice bien essentiel du plan de M. Cambon, c'est la mesure arbitraire qu il a adoptée pour fixer le contingent de chaque département dans la distribution.
La base des dépenses n'est proportionnelle ni aux contributions, ni même à la population à laquelle il a voulu l'assimiler; aussi, résulte-t-il du table u de partage de M. Cambon, comme on l'a justement observé, que son département, l'Hérault, aurait une quote-part bien plus considérable que d'autres qui lui sont supérieurs en contribution, en industrie et en agriculture.
Mais M. Cambon offre lui-même les moyens de parer à cet inconvénient; il a laissé en réserve une somme d'environ 5 millions pour réparer les inégalités résultant de sa division ; cette somme n'est pas assez considérable ; mais l'activité actuelle ae la fabrication permettra de disposer, avant le 15 janvier prochain, des 15 millions qui reviennent aux départements, et dont M. Cambon a négligé de leur faire compte.
Je propose donc d'adopter le mode d'échange de M. Cambon et la mesure de partage proposée par le comité, en prenant sur les 20 millions restants les sommes nécesaires pour compléter le contingent de chaque département, sans préjudice du complément des 100 millions décrétés le 1er novembre, qui sera fourni dès que la fabrication le permettra.
Si l'Assemblée se bornait à l'échange proposé par M. Cambon, au nom du Comité de l'ordinaire des finances, les engagements envers les départements et les districts ne seraient pas remplis. Les besoins des départements accrus chaque jour sont portés au comble, et ils sont annonces par un nombre infini de pétitions et d'adresses renvoyées au comité des assignats et monnaies, dont quelques-unes portent un caractère alarmant sur la tranquillité publique. Je ne vous citerai que les expressions des administrateurs du département de la Drôme : Un plus long retard d'abondantes circulations, disent-ils, ajouterait aux mur mures qui éclatent déjà, et qui ne tarderont pas à prendre les caractères les plus effrayants. Les commissaires de la Trésorerie nationale
et ceux qui peuvent comme eux vous donner des renseignements à cet égardj ne cessent de vous dire que les assignats de 5 livres, employés au payement des fonctionnaires publics produisent le même effet que l'échange de ceux qui sont également mis dans la circulation ; mais je sais qu'ils se trompent et que bien loin d'être mis promptement en circulation, ces assignats ne voient le jour que très lentement; je sais que tous ceux des fonctionnaires qui ont quelques ressources, au lieu de les répandre et de les faire servir à leurs payements, les gardent et les resserrent comme dans l'abondance du numéraire, ils gardaient et ils resserraient l'or. Ce serait donc un abus de penser qu'il devient égal d'employer des assignats de 5 livres au besoin du service public ou de les appliquer à l'échange. Le moyen le plus propre à en porter l'abondance dans les départements, à en écarter l'agiotage, comme à en prévenir les accaparements, était, sans contredit, d'y répandre à la fois 100 millions et d'en faire 1 échange suivant les procédés qui nous étaient proposés, parce que ces 100 millions, répartis d'après les bases présentées par le comité des assignats, assuraient à chaque département un moyen suffisant pour faire parvenir dans toutes les mains une portion de petits assignats de 5 livres capables d'entretenir la circulation et d'étouffer l'agiotage.1
Quelque séduisant que paraisse le projet de M. Cambon, il est loin ae présenter ces avantages. Avec l'insuffisance des moyens, il porte un vice de répartition qui laisse subsister, dans le plus grand nombre des départements, les mêmes besoins et la même disette.
Je sais qu'on a fortement appuyé sur la dépense pour s'opposer à l'envoi dans les départements ; mais je ne pense pas que cette dépense soit moindre par la voie employée par la Trésorerie nationale. Cette voie est tellement coûteuse, que i'avais depuis longtemps l'intention d'engager l'Assemblée nationale a exiger de ses comités de finances une surveillance particulière sur les conditions faites entre les commissaires de la trésorerie et les fermiers de la messagerie, et je n'avais pas douté qu'on pût faire à un prix plus économique les envois dans les départements. L'expiration du bail des postes arrivant dans la fin de l'année, j'engagerais l'Assemblée à porter son attention sur les ressources qu'elle peut trouver dans le service des postes pour l'envoi des fonds publics dans les départements.
A ces raisons d opposition, on a ajouté encore celles du rapprochement des envois que fait la Trésorerie nationale; mais j'observe que le premier envoi qu'elle aura à faire après ceux de janvier, n'aura lieu qu'au mois d'avril ; que, par conséquent, les échanges à faire de cette manière ne pourront s'effectuer qu'au mois de mai suivant, et que tous vos ateliers marchant avec la plus grande rapidité, je pense que l'Assemblée pourra, dès le mois de février, remplir dans toute son étendue l'espérance des départements sans nuire aux besoins du service. Je dis même qu'il est de son devoir comme de sa justice d'en hâter le moment, et d'empêcher que, sous aucun prétexte, on puisse annuler les dispositions de son décret du 1er novembre. J'adopte donc, quant à présent, le projet présenté par M. Cambon, au nom du comité de l'ordinaire des finances, et j'ajoute que je croirais dangereux de fermer la caisse de M. Delamarche jusqu'au moment où les envois dans les départements seront complètement achevés.
, rapporteur. Je tiens à me disculper du reproche personnel qui concerne la portion des petits assignats destinée au département de l'Hérault. J'assure l'Assemblée que la plus grande impartialité a présidé à la répartition que je propose.
Un membre : Je demande que la discussion soit fermée et que le projet soit mis aux voix, article par article. (Appuyé! appuyé!)
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La question préalable sur le projet de M. Cambon!
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le projet de décret ae M. Cambon.)
Plusieurs membres : La priorité pour le projet du comité des assignats et jn°nnaies '
D'autres membres : La priorité pour le projet de M. Cambon !
(L'Assemblée accorde la priorité pour le projet de décret de M. Cambon et décide qu'if sera discuté article par article.)
, rapporteur. Voici le décret d'urgence :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est de son devoir de procurer à toutes les citoyens les moyens les plus prompts de suppléer à la rareté du numéraire, en facilitant l'échange, dans les départements et districts, des assignats de 5 livres contre ceux de plus forte somme, et de concilier cet échange avec le service des caisses publiques, décrète qu'il est urgent de délibérer sur cet objet. » ~
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence.)
, rapporteur. Voici l'article 1er : « L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le commissaire du roi auprès de la caisse de
l'extraordinaire, remettra à la Trésorerie nationale au fur et à mesure de la fabrication,
et d'ici au l®r janvier prochain, 60 millions en assignats de 5 livres en échange de ceux de
plus forte somme, qui seront brûlés et annulés. »
Un membre combat l'ensemble du projet sous prétexte de n'en attaquer que le premier article.
(L'Assemblée ferme la discussion sur l'article 1er.)
Un membre: Je demande, par amendement, que le brûlement n'aille pas jusqu'aux assignats de 100 livres.
J'appuie l'amendement, car je crois qu'il ne faut pas s'exposer à des dépenses inutiles en brûlant des assignats si avantageux dans la circulation, puisque tous ceux de 200 et au-dessous sont appelés à l'échange et exposés consé-quemment au brûlement. (Appuyé ! appuyé !)
, rapporteur. J'adopte l'ameûde-ment et je propose de mettre dans l'article que l'échange sera fait contre des assignats de 500, de 1,000 et 2,000 livres, lesquels seront brûlés.
propose un amendement.
en présente un autre.
met aux voix l'article 1er amendé par M. Lafon-Ladebat et prononce qu'il est adopté.
Plusieurs membres réclament, croyant s'être levés pour l'article du comité seulement.
Un membre : Je demande que vous consultiez une seconde fois l'Assemblée pour savoir si elle
entend adopter l'article 1er avec l'amendement de M. Lafon, ou l'article seulement.
consulte l'Assemblée.
(L'Assemblée adopte l'article du comité modifié par M. Cambon, mais sans l'amendement de M. Lafon.)
Suit la teneur de l'article 1er, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal. ,
L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le commissaire du roi près de la caisse de l'extraordinaire fera remettre, au fur et à mesure de la fabrication, et d'iei au 15 janvier prochain, à la Trésorerie nationale, 60 millions en assignats de 5 livres, en échange de ceux de 500 livres, 1,000 livres et 2,000 Livres, qui seront brûlés et annulés, en observant les formes actuellement établies. »
J'accorde la parole à M. le ministre de la marine qui l'a demandée pour lire un mémoire relatif aux troubles des colonies et aux mesures qui pourraient être prises pour en réparer les désastres :
, ministre de la marine, Messieurs, je vous ai rendu compte des mesures prises par le roi pour venir au secours des habitants de Saint-Domingue, aussitôt que leurs malheurs et leurs dangers ont été connus de Sa Majesté. Insuffisants en eux-mêmes, sans doute, leur succès dépendait uniquement ae leur célérité, et de l'assurance qu'ils seraient suivis de plus importants. Mais avant de les déterminer, il a fallu connaître les véritables causes des troubles qui ont amené cette grande catastrophe; je n'ai rien négligé pour les découvrir, parce que cette découverte pouvait seule diriger dans l'application des moyens qui doivent en prévenir le retour.
Les uns accusent les côlons d'avoir voulu se donner aux Anglais : « Depuis qu'on a détruit (disent-ils) la féodalité en France, les planteurs ont justement redouté chez eux la destruction d'une tyrannie plus barbare encore ; et prévoyant que la terre classique de la liberté et de l'égalité ne pouvait protéger l'esclavage, ils veulent rompre tous leurs liens avec elle ».
On cite, à l'appui de cette accusation, des démarches inconsidérées de quelques-uns d'entre eux; des discours tenus dans un mouvement de colère, par des hommes, dont les passions terribles sous un ciel brûlant, sont d'autant plus faciles à s'irriter de la moindre contrariété, qu|ils sont moins accoutumés à en éprouver, moins habitués à se contraindre...
D'autres, au contraire, ne voyent la cause de leurs maux que dans les écrits incendiaires répandus dans les colonies à dessein de soulever tes nègres; dans les correspondances entretenues depuis longtemps entre les gens de couleur et une société dite de Philanthropes, fondée sur un système destructeur, disent-ils, de toutes propriétés coloniales, et dont voici l'origine et les principes.
On conçoit sans peine que, pour un peuple libre, et qui a toujours été digne de l'être,
les premières jouissances qu'il devait à ces établissements aient été troublées par le
regret de ne les devoir qu'au malheur de l'esclavage.
C'est là que se bornèrent d'abord les effets d'un sentiment si naturel et si sage. L'esprit philosophique qui dominait en France, plus ambitieux, crut devoir pousser plus loin la conquête, et rendre ces regrets plus productifs; il appuya de toutes les forces du raisonnement la théorie d'un sentiment qu'il eût peut-être suffi d'éprouver.
D'après leur système, les colonies, ces possessions pour lesquelles on faisait gémir l'humanité et fléchir les principes, n'avaient pas l'importance que la cupidité leur avaitprêtée jusqu'alors, et elles étaient ruineuses pour la nation abusée. La possibilité de les remplacer par des possessions plus rapprochées, sous un climat de même température (celui de l'Afrique et des îles de la Méditerranée, par exemple), la nécessité de se détacher un îour de ces terres éloignées, habi-. tées par des nommes dont tout faisait prévoir et l'ingratitude et l'infidélité, etc. ; tous ces motifs réunis ne firent envisager, dans cet abandon volontaire, qu'une anticipation d'événements auxquels on devait s'attendre, et l'avantage de s'y préparer, en ouvrant d'avance des sources d'une utilité plus durable. Nos voisins, plus sages, avaient fait de pareils calculs par rapport à leurs colonies du nord de l'Amérique, pour prouver, par les sommes employées à les soutenir, qu'elles leur étaient onéreuses; mais c'était pour se consoler de les avoir perdues; mais, c'étaient des colonies continentales, qui n'avaient de ressemblance que le nom avec les colonies de l'archipel américain.
Cette différence ne frappa point tous les esprits ; et quand les intérêts du commerce parurent seconder l'intérêt de l'humanité, le nombre des philanthropes s'accrut de tous ceux dont la sensibilité avait besoin pour être émue, d'autres motifs que ceux de la philanthropie.
« C'est ce système (disent les colons) dont l'erreur et les jeux cruels ont produit les scènes sanglantes dont nous avons été les victimes. Suivez à la trace, disent-ils, les mouvements et les effets de ce zèle prosélitique, qui avait d'abord prêché l'abolition de l'esclavage et la liberté absolue des nègres; qui, modérant ensuite ses prétentions, pour mieux graduer ses progrès, sut les borner à la suppression de la traite, et qui enfin par une marche plus adroite et plus sûre, parut avoir circonscrit son intérêt au sort des gens de couleur, pour nous perdre plus sûrement. Croirait-on impossible qu'un système dont l'humanité semble être la base, fût capable de produire des effets aussi cruels ! L'histoire de ces mêmes climats ne fournit-elle pas un trait dont l'analogie et la ressemblance ne peut qu'honorer les philanthropes les plus délicats ! N'est-ce pas au sensible et pieux Las-Cazas, que l'Amérique doit ses nègres ! n'est-ce pas ce vertueux Espagnol qui, touché des maux que ses concitoyens faisaient souffrir aux naturels du pays, en les accablant de travaux, courut en Afrique chercher des hommes qui, déjà dévoués à l'esclavage, pussent sans aggravation de maux et par un simple échange de chaînes, sous un climat pareil à celui de leur pays natal, remplacer l'Aiiié-
ricain faible qui, aussi peu fait à la fatigue qu'à l'esclavage, succombait également sous le poids du travau et sous celui des fers ! Si ce pieux missionnaire se repentit du moyen que lui suggéra son humanité trompée, il n'en est pas moins vrai que, pour avoir voulu sauver quelques Caraïbes qui avaient survécu à tant de peines, il y dévoua des milliers d'individus, que la cupidité, excitée par ses nombreux achats d'esclaves en Afrique, fit condamner à le devenir. Supposez aux philanthropes modernes des intentions aussi pures, il n'en sera pas moins vrai que pour avoir tenté d'abolir l'esclavage des noirs, ils auront réduit au désespoir, à la misère 5 ou 6 millions d'individus blancs, leurs concitoyens, leurs amis, leurs frères, et renversé une des plus fortes colonnes de la puissance nationale : il n'en sera pas moins vrai qu'ils n'auraient pas même fait le bonheur de ceux qu'ils avaient voulu servir; qu'il eût fallu pour l'opérer, le concours de tous les Etals qui possèdent des colonies, et que l'abolition de l'esclavage devait être l'action simultanée de toutes les puissances intéressées. Sans cet accord d'action et de volonté que l'on suppose si facile à obtenir, les colonies n'ont que le choix d'un protecteur, et les esclaves celui d'un maître. Ces derniers peuvent bien partiellement, et comme ils nous l'ont trop cruellement prouvé, nous égorger, nous, nos femmes, nos enfants et tous ceux qui les commandent; mais ce sera
{»our obéir à d'autres, et sur cette espèce de ga-ère que de tristes destinées ont placée au milieu des mers, sur ces bancs où la philanthropie aveugle a conduit elle-même et fixé l'esclavage, le soulèvement de la chiourme ne fera que rendre son sort plus misérable. »
Tels sont, Messieurs, les moyens de défense et d'attaque tour à tour employés par les planteurs et par les antagonistes. C'est sous le rapport purement administratif que j'ai dû examiner les causes, quelles qu'elles soient, qui ont amené les troubles de Saint-Domingue, afin de mettre en usage les moyens propres à les prévenir.
Quant à l'inculpation, faite aux colons, d'avoir voulu se donner aux Anglais, aux Américains, je ne connais rien, je n'ai rien vu, qui annonce un projet aussi coupable. D'ailleurs, comment seraient-ils arrivés à cette fin, en soulevant les nègres contre eux, en faisant piller et ravager leurs possessions? Pourquoi, en s'offrant à une nouvelle métropole, auraient-ils voulu ne lui présenter qu'un monceau de cendres et de ruines!... Quant au dessein de se rendre indépendants, aucun fait de leur part n'annonce un projet aussi extravagant; et leur position et leur faiblesse, et leur nature même leur fait un devoir, un besoin de la dépendance... On les a même accusés de vouloir opérer une contre-révolution ; j'avoue que pour quiconque ne peut croire à la possibilité d'une contre-révolution en France, les moyens de l'opérer à 1,800 lieues de la mère-patrie paraissent encore plus étranges, et appelleraient le ridicule sur l'accusation, si le spectacle de tant de maux pouvait permettre d'autres sensations que des affections douloureuses. Quant à l'accusation portée contre les partisans de la liberté des noirs, je ne puis pas dissimuler qu'elle parait beaucoup plus fondée; mais, quelle que soit la cause de ces désastres, par quels secours faut-il les réparer, par quels moyens faut-il en empêcher le retour?
Le premier de tous et le plus utile sans doute, est la connaissance de nos véritables intérêts et de nos vrais rapports commerciaux avec les co-
lonies, puisque l'ignorance de ces principes est la première source de tant d'erreurs et de tant de calamités.
Il faut considérer nos colonies à sucre comme autant de manufactures établies à 1,800 lieues de la métropole; et la métropole elle-même comme une société de capitalistes qui ont fourni aux frais de cet établissement d'agriculture et d'industrie, soit pour le fonder, soit pour l'entretenir, soit pour le protéger. Tous les membres de la métropole sont actionnaires de cette importante spéculation : pour en partager les bénéfices, on n'a besoin que de naître en France, et tous les citoyens français, tous, oui, tous sont intéressés à sa prospérité, quoiqu'à des titres différents ; les uns comme agriculteurs et propriétaires de terres, qui, en tout ou en partie, sont cultivées pour fournir aux besoins de ces consommateurs lointains, et qui seraient ruinés sans cet important débouché de leur denrée ; les autres, comme possesseurs de quelque genre d'industrie, exerce en tout ou en partie pour les besoins des colons, et dont les produits seraient invendus ; les autres enfin, comme commerçants, navigateurs, caboteurs, etc., troisième classe chargée de leur apporter les productions des deux autres. Quelque place qu'on occupe dans cette société, quelle que soit la somme et la nature d'actions qu'on y porte, depuis le cultivateur laborieux jusqu'au capitaliste oisif, depuis l'industrieux manouvrier, jusqu'à l'agioteur stérile, depuis le hardi spéculateur, jusqu'au timide rentier, tous, oui, tous sont intéressés au sort de ces riches établissements;.et, comme on l'a dit encore, il n'est pas jusqu'à la calomnie qui, par eux, ne débite avec profit ses poisons.
De quelque manière qu'on les dirige ou qu'on les administre, ces établissements conservent toujours leur caractère primitif d'entreprise formée par la métropole, dont elle seule doit recevoir le Bénéfice et supporter les pertes. Dans le temps même où le gouvernement, abusé si l'on veut, en accordait la jouissance ou le commerce exclusif à des sociétés particulières, à des compagnies, il ne faisait que céder à quelques-uns le droit de tous, mais à des conditions qui devaient tourner au profit de tous. C'était une mine que l'Etat affirmait, au lieu de l'exploiter lui-même; peut-être diminuait-il les avantages de la grande société en faveur d'une plus petite : ie ne cite cet exemple qu'afin de prouver que, même dans ces contrats exclusifs, les produits de nos colonies ont été une entreprise à laquelle toute la nation était intéressée.
Quant aux calculs des sommes que ces établissements ont coûté, en supposant qu'ils ne fussent pas exagérés, comment apprécier, par de l'or et des chiffres, les avantages que les Européens retirent de leurs colonies ? Peut-on ne pas voir dans l'accroissement sensible de notre population, le seul signe certain de prospérité publique, signe infaillible, qui marque tout à la fois l'abondance des denrées et le besoin de bras (car les hommes naissent toujours là où les subsistances abondent, là, où le travail les appelle)? ne voit-on pas que l'obligation de ne vendre ses productions qu'à des membres de la société ou de la métropole, et de n'acheter que d'eux seuls les objets de leurs besoins, forme une double source de richesses, dont la mesure est inappréciable ? Si l'on considérait les colonies, ou comme des provinces de l'Empire, ou comme des Etats alliés, ce double monopole serait l'impôt le plus onéreux et le plus injuste, le commerce le plus désavantageux, l'é-
change le plus inégal qui ait jamais été proposé entre deux parties d'un même Empire, ou entre deux Empires différents. En effet, les colonies sont obligées de n'acheter que de nous les objets de leur consommation, et ce premier monopole nous les fait vendre à un prix bien avantageux; elles s'obligent ensuite à ne livrer qu'à nous seuls tous leurs riches produits, et nous procurent à un prix modique, non seulement ce qui suffit à la consommation de 25 millions d'hommes, mais encore un excédant immense que ceux-ci vendent avec bénéfice aux nations qui n'ont pas de colonies. Et tous ces avantages s'estimeraient par une série de chiffrés qui, n'exprimant que des vérités de quantité, ne peuvent s'appliquer avec succès qu'à aes objets inanimés, matériellement susceptibles de retranchement ou d'addition, d'autant plus certaines, qu'elles sont plus isolées, plus abstraites, et bornées à leur unique fonction de mesures : mesures dont l'application rigoureuse à la prospérité publique, aux gouvernements, à tout ce qui tient aux hommes réunis en société, présente les résultats les plus absurdes, et qui nous expliquent, pour le dire en passant, comment les sciences les plus exactes, une fois sorties du cercle des objets auxquels elles sont applicables, deviennent, entre les mains de guides ambitieux, des signaux trompeurs qui ne servent qu'à égarer l'esprit qu'ils devaient éclairer.
Ooservez, Messieurs, que ces erreurs funestes donneraient nécessairement à la fortune publique une marche rétrograde ; ce ne serait plus le mouvement de cette roue de puissance qu il faudrait modérer, c'est son mouvement même qu'il faudrait brusquement arrêter : c'est à l'instant qu'il faudrait condamner à la plus grande inertie ces millions de bras employés jusqu'ici à la faire mouvoir, qu'il faudrait couper tous les fils qui servent à nous amener cette immensité de richesses. Vous apprécierez, Messieurs, les terribles effets de cette subite intersection.
C'est en considérant les colonies sous leur véritable rapport, qu'on sent la nécessité de déterminer pour elles un régime qui diffère des lois applicables à la France entière, ou à un département, sans que cet exemple fasse même une exception. Combien l'Assemblée constituante montra de sagesse, lorsqu'elle laissa à votre décision l'admission ou le refus des représentants des colonies, qu'on pouvait regarder comme des représentants d'une corporation ou d'une manufacture ! Tout s'explique en les examinant sous ce rapport. En effet, a les considérer comme portion ordinaire de l'Empire seulement, les sommes immenses qu'on exige d'elles par le monopole seraient un impôt injuste et onéreux; c'est seulement à titre de produit et d'intérêts d'avances faites pour elles, qu'on peut en tirer autant de richesses. On comprena ainsi, comment plus elles nous fournissent de productions, plus elles s'enrichissent (et ce n'est pas, comme on sait, l'effet ordinaire de l'impôt) ; et comment enfin cet accroissement dans la masse de leurs fournitures, nécessitant un plus grand nombre de demandes de nos denrées, donne la mesure réciproque de la prospérité de la colonie et de la métropole.
Cette réciprocité d'échanges et de richesses, si avantageuse pour la France, nous fait un devoir dans ce moment de réparer les désastres
au'un de ses plus riches établissements vient 'éprouver. La perte totale à Saint-Domingue est estimée se monter à un capital de 500 à 600 millions, dont le revenu fournissait au chargement
annuel de 150 vaisseaux. Mais cette plaie, quelque profonde qu'elle soit, se réparera par la fécondité du sol et l'activité industrieuse des colons, si l'on reunit à la fois des secours gratuits, des secours à titre de prêt; si le commerce, éclairé sur ses intérêts, qui se lient ici en totalité avec l'intérêt général, se prête aux malheurs des circonstances, s'il donne du temps à ses débiteurs ruinés, et s'il fait suspendre ses profits, pour les rendre plus assurés et plus durables. Il en a pris l'engagement généreux dans les nombreuses adresses que ses députés ont présentées au roi, et je ne crains pas de me porter pour garant de l'exactitude avec laquelle cet engagement sera rempli.
Les premiers secours les plus appropriés aux circonstances, les plus rapprochés des besoins, sont l'abandon de notre créance sur les Rtats-Unis de l'Amérique. Cette manière de se libérer convient tout à la fois aux Américains et aux colons. Les premiers peuvent, à des conditions raisonnables, fournir, aux habitations ravagées, les objets de la nécessité la plus urgente, tels que des bois, des vivres, des bêtes de somme, aes animaux domestiques, et des maisons qui, taillées dans les forêts du nord de l'Amérique, vont s'élever à l'instant, et remplacer à moins de frais les bâtiments en pierres détruits ou incendiés.
Quelle plus utile destination pour des sommes que la nation généreuse avait sacrifiées à procurer l'indépendance de ses alliés, et dont elle se croyait payée avec usure par leur indépendance même ! Quel spectacle touchant pour le vrai philosophe, que celui que lui présentent les premiers biens de la liberté, réparant les maux de la licence !
Une des grandes mesures qui coûteront d'autant moins à Sa Majesté qu'elles lui sont présentées par la Constitution, c'est de s'en rapporter à l'intérêt des colons eux-mêmes, pour régler les formes de distribution et répartition de ces mêmes secours à ceux qui ont souffert de l'incendie et du ravage, ainsi que le mode de contribution convenable à établir entre ceux dont les possessions ont été épargnées.
Les mesures de prévoyance forment la seconde classe de secours, etsans doute la plus importante.
A peine avait on connu les sources de prospérité que les colonies ouvraient à l'Europe, que chaque puissance chercha à s'assurer la possession exclusive de ces richesses. Toutes les fortifications qu'on y établit, furent dirigées par cet esprit jaloux de conserver, et d'après un système de défense sur les côtes, pour s'opposer aux invasions du dehors. Comment, en effet, prémunir l'intérieur de la colonie, contre des ennemis auxquels ont ne devait pas s'attendre ! Une triste expérience vient de prouver que ce sont les plus à craindre : elle doit nécessairement operer quelque changement dans le premier système ae fortifications, qui d'ailleurs, insuffisant par lui-même, peut être suppléé par des moyens plus puissants. Les fortifications qui, de loin en loin, bordent les côtes, plus effrayantes pour la terre qui les porte, que pour l'ennemi qui les évite, pourraient être avantageusement remplacées par des vaisseaux. Les premières pourraient être utilement appuyées de plusieurs petites redoutes placées plus avant dans l'intérieur, pour empêcher, en cas d'insurrection, la communication par les mornes : ces postes de sûreté, sans danger pour la liberté, suffiraient contre la licence.
L'établissement d'une gendarmerie coloniale, mieux organisée que les anciennes milices de Saint-Domingue, composée uniquement de propriétaires, dont la masse entière, à l'exemple de nos gardes nationales, serait prête à marcher au premier signal, et dont une portion seulement ferait un service actif et régulier... ; des lois de police exécutées avec prudence et fermeté, qui s'appliqueraient à toutes les classes d'individus, aux hommes de toutes les couleurs...; un code complet de législation, qui concilierait à la fois et la confiance que l'on doit aux colons propriétaires, administrateurs nés de ces établissements, et la protection due aux hommes qui cultivent , contre des traitements d'une rigueur capricieuse, exagérée ou inutile; qui préviendrait et punirait les révoltes, comme les abus d'autorité qui les provoquent, et qui traiterait plus sévèrement encore l'insensé ou plutôt le coupable qui trompe, que le malheureux abusé qu'il soulève... un règlement nouveau sur la manière de faire la traite, qui défende et punisse les excès de la cupidité, afin que ces tristes et malheureuses victimes de nos intérêts politiques, ne le soient plus du moins des intérêts particuliers, et qu'elles.n'aient pas à gémir, tout a la fois, et des rigueurs d'un sacrifice devenu nécessaire pour prévenir de plus grands maux, et des cruautés privées d'une sordide économié : tels sont les moyens que le roi me charge de vous proposer, et que vous pèserez dans votre sagesse. Rendons hommage à la vraie philanthropie, dont les abus seuls et les fausses applications peuvent avoir eu les conséquences funestes dont on l'accuse. C'est à la sollicitation^ à la
Persévérance touchante de quelques amis de humanité en Angleterre, qu'on doit les deux derniers biils du parlement, relatifs à la traite, qui améliorent le sort des nègres, fixent le nombre que doit contenir chaque bâtiment négrier, et font la part de l'avarice pour l'empêcher de se la faire elle-même. Un peuple dont la sensibilité naturelle avait devancé la loi, cherchera à les surpasser encore par des lois plus douces et plus humaines. Si vous joignez aux moyens que je viens de proposer, renvoi de troupes pour garnir ces différents points fortifiés, en combinant l'influence funeste à la longue, d'un climat si différent du nôtre, si dangereux surtout, et si propre à relâcher les liens de la discipline militaire, peut-être sera-t-il utile de ne laisser les mêmes corps que 2 ou 3 ans au plus; peut-être aussi que la crainte fondée de taire passer la mer à une grande partie de l'armée par ces changements successifs et triennaux, vous déterminera à d'autres mesures que les circonstances vous présenteront.
Quant à la défense extérieure, les principales fortifications qui conviennent à des colonies, , sont des escadres toujours subsistantes, nombre de vaisseaux toujours en croisières : voilà les citadelles qu'il nous importe d'employer à cet objet; elles ont l'avantage d'élever des matelots et des officiers, d'entretenir notre marine, et de faire respecter le pavillon national sur toutes les mers.
Si, au milieu de ces grands intérêts, il m'était permis, Messieurs, de vous parler de mon zèle, je renouvellerais ici l'assurance qu'aucune des entraves dont on cherche à l'embarrasser ne pourra le ralentir. Les soins de l'administration la plus importante peut-être, mais à coup sûr la plus compliquée, suffiraient sans doute pour remplir tous mes moments. Observez, Messieurs,
qu'elle réunit tous les genres d'intérêt, tous les autres genres d'administration, outre ceux qui sont propres : qu'elle embrasse dans ses détails les hommes de toutes les nations, de toutes les couleurs, de tous les préjugés, les militaires de toutes les armes, qu'elle nécessite toutes les espèces de comptabilité, qu'elle exige sur tous ces objets la vigilance la plus active et la plus soutenue. Jugez s'il est possible que l'homme chargé de cette tâche immense, et qui s'y livre tout entier, ose espérer de la remplir, s'il est sans cesse détourné de ces grands intérêts, par des dénonciations multipliees et minutieuses, au point de dégrader le moyen puissant et nécessaire de la dénonciation fondée. Et ne croyez pas, Messieurs, que je veuille, par là, détourner vos regards de celle qui existe contre moi ; je veux seulement prémunir votre sagesse contre celles que nous attendons tous, et qui seront nombreuses sans doute, parce que notre sévère exactitude à faire exécuter les nouvelles lois, et à réformer les abus qu'elles ont condamnés, ne manquera pas de susciter contre nous tous les individus qui vivaient de ces abus, et qui souffriront de ces réformes. Vous croirez sans peine, Messieurs, que ces mêmes individus seraient nos prôneurs les plus zélés, si moins occupés de l'intérêt national que des intérêts particuliers, nous étions capables de composer avec les principes, et ne pas envisager l'estime publique, comme la seule récompense que des ministres citoyens puissent ambitionner. (.Applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne l'impression du mémoire du ministre de la marine et le renvoi aux comités colonial et de commerce réunis.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes :
1° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de Vextraordinaire, qui est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prévenir qu'il sera brûlé vendredi prochain, à la caisse de l'extraordinaire, 7 millions d'assignats provenant des rentrées sur les domaines nationaux, lesquels, joints à 355 millions déjà brûlés, font en total d62 millions. Je vous prie d'en donner connaissance à l'Assemblée nationale.
». Je suis avec respect, etc.
Signé : Amelot. »
2° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de Vextraordinaire, qui envoie le relevé approximatif des domaines nationaux vendus et à vendre dans 239 districts, au 1er no-! vembre dernier. Ce relevé présente un total de 1,233,264,528 livres.
3° Lettre du roi qui renvoie à l'Assemblée nationale le décret du 15 novembre dernier, ce décret lui paraissant violer les lois constitutionnelles, en ce qu'il n'a pas été soumis aux trois lectures prescrites par la Constitution : cette lettre est ainsi conçue :
« L'Assemblée nationale, par son décret du 15 novembre, Monsieur le Président, a pris les mesures les plus sages pour accélérer la perception des contributions foncière et mobilière de 1791. Mais quelque désir que j'aie de donner à ce décret une prompte exécution, je ne saurais y apposer le mandement sans faire une violation des lois constitutionnelles, et M. le garde des sceaux ne pourrait le sceller et le faire promulguer sans
s'exposer, d'après la Constitution, à une responsabilité qui durerait 6 années.
« Le décret se divise nécessairement en deux parties, la première concerne la perception des contributions publiques, et l'article 8 de la section III du chapitre III du titre III de la Constitution, le dispense de sanction.
« La deuxième établit des peines autres que des amendes et contraintes pécuniaires, et doit, par le vœu du même article, être revêtue de ma sanction. Le décret d'urgence, préalablement rendu par le Corps législatif, peut, sans doute, affranchir cette dernière partie de la formalité des trois lectures; mais la partie purement relative à la perception des contributions publiques, la partie ae ce décret que la Constitution déclare exempte de sanction, est par là même soumise à la formalité des trois lectures à deux intervalles dont chacun ne pourra être moins de 8 jours. L'article 8, que j'ai déjà rappelé, le veut impérieusement; voici ses termes :
« Les décrets du Corps législatif, concernant l'établissement, la prorogation et la perception des contributions publiques, porteront le nom et l'intitulé de lois. Ils seront promulgués et exécutés sans être sujets à la sanction, si ce n'est pour les dispositions qui établiraient des peines autres crue des amendes et contraintes pécuniaires. Ces décrets ne pourront être rendus qu'après l'observation des formalités prescrites par les articles 4, 5, 6,7, 8, 9 de la section II du présent chapitre, et le Corps législatif ne pourra y insérer aucunes dispositions étrangères à leur objet. »
« Ainsi, la volonté de la loi constitutionnelle est évidente. Les actes du Corps législatif, relatifs aux contributions, ne sont pas soumis à ma sanction ; mais ils sont sujets à La sage formalité des trois lectures, et ce décret d'urgencè ne peut les en affranchir. Je renvoie donc à l'Assemblée nationale ce décret; je l'invite à le soumettre, dans le plus court délai, aux formes constitutionnelles qui sont prescrites, et je la préviens que j'ai déjà chargé nos ministres de prendre à l'avance les mesures nécessaires pour en assurer la prompte exécution, et que j'ai suppléé, par d'autres dispositions, aux dispositions de cette loi, de manière que je suis certain que le retard qu'a apporté cet examen nécessaire, n'a causé aucun préjudice à la chose publique.
« Signé: LOUIS. »
«« Et contresigné : M.-L.-F. Duport. »
Je demande que la seconde lecture du décret soit faite sur-le-champ.
Plusieurs membres: Non! non! Le renvoi au comité de législation.
(L'Assemblée renvoie la lettre du roi au comité de législation.)
4° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui réitère la demande qu'il a déjà faite à l'Assemblée d'une décision relative au mode de remplacement praticable pour le maintien des tribunaux criminels dont les membres ont été portés à la législature; cette lettre est ainsi conçue:
« Monsieur le Président,
« Dans plusieurs départements, les électeurs assemblés pour élire un évêque, crurent pouvoir, après cette opération, procéder à l'élection d'un président du tribunal criminel, d'un accusateur public et d'un greffier. Quelques ambiguïtés dans la rédaction de la loi les induisirent en erreur sur
l'époque où ces nominations devraient être faites ' L'Assemblée nationale, consultée, les déclara valides par un décret. Les citoyens choisis alors pour remplir des places dans les tribunaux criminels, ont été depuis nommés à la législature. La loi n'a pas prévu ce cas; et n'a indiqué aucun mode de remplacement, soit provisoire, soit définitif. J'ai déjà eu l'honneur d écrire à l'Assemblée nationale pour la prier de statuer sur cet objet. L'approche du terme où les tribunaux doivent entrer en fonctions m'engage à lui renouveler mes instances, et la prier de s'occuper incessamment d'un point aussi essentiel à l'administration de la justice criminelle.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé: duport. »
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la justice au ministre de l'intérieur.)
5° Lettre de M. de Narbonne, minis tre de la guerre, qui fait parvenir à l'Assemblée nationale les marchés passés par son prédécesseur, pour le service dès vivres et des fourrages en temps de paix. Il rendra compte incessamment des renseignements qu'il aura pris par lui-même pour des mesures relatives au service des armées qui doivent être rassemblées.
(L'Assemblée renvoie l'examen de ces marchés au comité militaire.)
6" Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui adresse à l'Assemblée nationale Y état des officiers des classes supprimées par la loi du 7 janvier, et qui sont sans traitement depuis le 1er avril de cette année, cette lettre est ainsi conçue:
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur d'adresser à l'Assemblée nationale l'état des officiers des classes supprimées par la loi du 7 janvier, et qui sont sans traitement depuis le 1er avril de cette année. Il comprend les pensions dont ils jouissaient sur le Trésor public, et celles que plusieurs d'entre eux avaient obtenues sur la caisse des Invalides. En exposant à l'Assemblée nationale la situatiçn de ces officiers, je me propose d'intéresser sa justice en leur faveur, et de solliciter pour eux la continuation du payement de leurs pensions jusqu'au 1er avril, jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur le traitement qu'ils doivent avoir.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé : Bertrand. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre et l'état aux comités de marine et de l'ordinaire des finances réunis.)
7° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui adresse à l'Assemblée un aperçu de la situation de son département, avec divers états qui constatent les fonds qui lui ont été affectés en 1791, ceux qu'il a consommés et ceux qui restent en caisse ou qui restent à recevoir; cette lettre est ainsi conçue:
« Monsieur le Président,
« Conformément au décret de l'Assemblée nationale du 29 novembre dernier, j'ai l'honneur de vous adresser un aperçu de la situation de mon département avec 2i états qui constatent les fonds qui lui ont été affectés, ceux qu'il a consommés, ceux qui restaient en caisse ou qui restent à recevoir. Je vous prie de les mettre sous les yeux de l'Assemblée, de l'engager à s'en occuper et de
prononcer sur les exceptions que j'ai proposées par mon mémoire du 1" de ce mois, relativement à quelques parties des dépenses de 1789 et. des années antérieures, et à l'exercice entier de 1790, et de la prier de prendre en considération la demande que je fais d'un supplément de 300,236 livres pour être employé avec 771,985 livres restant en caisse, aux armements extraordinaires de 1790, à l'acquit des dépenses de ladite année, et d'assurer aussi les demandes précédentes faites pour les 13,151,355 livres qui manquent à l'exercice de 1791.
« J'ai l'honneur d'être, avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé: Bertrand. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre et les états qui l'accompagnent aux comités de marine et de 1 ordinaire des finances réunis.)
8° Lettre de MM. Moreau de Saint-Méry et Dillon, anciens députés de la Martinique à l'Assemblée nationale constituante, qui transmettent à l'Assemblée diverses pièces relatives à la conduite qu'a tenue l'équipage de la frégate l'Embuscade.
Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« La colonie de la Martinique qui nous avait honorés de sa confiance, se croit encore représentée par nous à l'Assemblée constituante. C'est ainsi que nous avons reçu ces commissaires colons qui, pendant la suspension de L'assemblée coloniale, agissaient pour la colonie, avec l'agrément des commissaires civils nommes par le roi. Elle vient de nous adresser deux lettres des 4 et 6 octobre dernier, qui nous apprennent l'insubordination de lafrégate l'Embuscade. Comme nous ne pouvons plus faire entendre notre voix parmi les représentants de la nation, et que notre colonie n'en a point qui aient été choisis par elle pour parler en son nom dans le Corps législatif, nous croyons de notre devoir, Monsieur le Président, de vous adresser les deux lettres en original, ainsi que les pièces qui l'accompagnaient, avec prière de donner connaissance du tout à l'Assemblée nationale. Il est très important qu'elle voie, par la proclamation des commissaires civils, les nouvelles révoltes et les nouveaux malheurs qui menacent une île qui a déjà souffert 6 mois et demi la guerre civile.
« Nous sommes, avec respect, Monsieur le Président, etc., etc.
« Signé : Moreau de Saint-Méry et Dillon. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité colonial.)
9° Pétition du sieur Humbert Voyo ayant pour objet d'obtenir de l'Assemblée la remise de certains plans et mémoires qu'il a confiés au ministre de l'intérieur.
(L'Assemblée, attendu que les voies ordinaires sont ouvertes à M. Humbert-Voyo, passe à l'ordre du jour sur cette pétition.)
La discussion au projet de décret du comité de l'ordinaire des finances sur les moyens à prendre pour établir des caisses d'échange des assignats de cinq livres dans les districts est reprise.
, rapporteur, donne lecture de l'article 2 qui est ainsi conçu :
« Les commissaires de la Trésorie nationale emploieront les 60 millions d'assignats de 5 li-
vres qui leur seront remis, dans les envois des fonds qu'ils doivent faire d'ici au 1er janvier prochain aux départements, et aux payements et échanges journaliers de leur caisse, en se conformant à l'état de répartition annexé au présent décret. »
Je propose à l'Assemblée de suspendre la discussion pour entendre la lecture de plusieurs documents importants. Voici d'abord une note de M, Duport, ministre de la justice, qui envoie à l'Assemblée la notice des décrets sanctionnés par le roi, de ceux non sujets à la sanction dont il a ordonné l'exécution et de ceux auxquels il a refusé son consentement.
, secrétaire, donne lecture de cette note qui est ainsi conçue :
« Le ministre de la justice a l'honneur d'adresser à M. le président à l'Assemblée nationale la note (1) des décrets sanctionnés par le roi, et dont Sa Majesté a ordonné l'exécution.
M. le secrétaire donne ensuite lecture des décrets qui ont été présentés à la sanction. Au nombre de ces décrets se trouve celui relatif aux prêtres non assermentés, sur lequel il est dit : Le roi examinera.
Plusieurs membres : Voilà l'œuvre du département de Paris !
Voici maintenant des dépêches très importantes du département du Nord, relatives à l'arrivée subite d'un grand nombre de Brabançons sur le territoire de France. M. le secrétaire va vous en donner lecture.
, secrétaire, donne d'abord lecture d'une lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'Intérieur, relative à ces rassemblements; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Je m'empresse de vous faire passer les éclaircissements que j'ai reçus sur un événement qui arrive, dans ce moment, dans le département du Nord. Samedi, au soir, un courrier extraordinaire qui m'avait été expédié le 16 par le directoire du département, m'apporta deux procès-verbaux dressés le 16, à l'occasion d'un grand nombre d'étrangers qui se rassemblaient a Lille et à Douai, et qui paraissaient sortir du Brabant. Le directoire me communiquait les inquiétudes que ce rassemblement imprévu lui inspirait, et me faisait part des mesures qu'il avait prises pour la sûreté des départements et la tranquillité des citoyens, j'écrivis aussitôt au directoire une lettre dont je vous remets copie.
« Hier, je rendis compte de cette affaire au roi, qui m'a recommandé d'ordonner au directoire de département la plus exacte vigilance, et qui, au surplus, approuve les mesures prises par le directoire. J'allais transmettre au directoire les ordres du roi, lorsqu'un courrier extraordinaire m'a apporté trois autres procés-ver-baux, un du 17 et deux du 18, qui m^thnoncent la continuité de ce rassemblement et l'accroissement de l'inquiétude qu'il occasionne.
« Je ne vous renvoie, Monsieur le Président, aucun de ces procès-verbaux, parce que le
courrier est chargé d'en porter le double à l'Assemblée nationale, qui les a sans doute déjà
reçus. Et nulle certitude n'étant encore acquise sur le
« Je suis, avec respect, Monsieur le Président, etc. »
« Signé : cahier. »
Un membre : Il n'y a pas de lois à faire sur les émigrants puisqu'elles ne sont pas sanctionnées.
, secrétaire, donne lecture des pièces suivantes annoncées par la lettre du ministre de l'intérieur.
1° Lettre des administrateurs du directoire du département du Nord,
« Monsiëur le Président,
« Nous avons l'honneur de vous faire passer la nouvelle que dans la ville de Douai et dans celle de Lille, un très grand nombre de particuliers qui se disent patriotes brabançons, quittent leur patrie pour fuir la persécution. Les circonstances qui paraissent mériter le plus d'attention sont que ces prétendus émigrés sont presque en totalité des jeunes gens qui arrivent successivement depuis le 16 de ce mois. Aucun événement majeur n'annonce la nécessité d'une fuite précipitée. Tous se rendent à la même auberge, et ensuite se dispersent pour se loger en différents quartiers de la ville. Ils paraissent former un corps puisqu'ils sont commandés par des chefs qu'on indique. Cependant ils sont sans armes et n'ont rien tenté jusqu'à présent contre la tranquillité publique. Nous joignons ici les procès-verbaux que nous avons tenus relativement à ces rassemblements. Vous y trouverez tous les détails que nous avons pu recueillir sur leur nature. Vous y trouverez également la preuve des mesures que nous avons cru devoir prendre pour les dissiper. De puissantes considérations nous ont déterminés ; nous avons pensé que ces rassemblements sont de nature à menacer la sûreté de l'Etat, et qu'il était instant de prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces pour arrêter les suites funestes qui pourraient en résulter. La ville de Douai a des approvisionnements de guerre très considérables. Son arsenal et sa fonderie sont des objets de la plus grande importance qui peuvent exciter la cupidité des ennemis de 1 Etat; et le projet de s'en emparer par surprise qui pouvait être ourdi par des étrangers suspects méritait d'être prévenu par des mesures rigoureuses.
« La garnison de cette ville n'est pas à* beau-coupprèsassez nombreuse pour fournir aux gardes de surveillance qui nécessita les circonstances. Nous espérons que l'Assemblée nationale approuvera les mesures que le salut de l'Etat exigeait impérieusement. Nous avons rendu un compte exact des faits au ministre de l'intérieur et à M. de Rochambeau.
« Nous sommes, avec respect, Monsieur le Président, etc... » •
(Suivent les signatures.)
2° Extrait du registre des délibérations du directoire de département du Nord, séance du 16 décembre.
« M. le vice-président a dit que M. le procureur général syndic avait reçu ce matin, de M. de Béthune-Charost, une lettre par laquelle ce dernier demande une conférence avec le directoire, pour dissiper les inquiétudes que l'on con-
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cevait sur l'arrivée dans ce pays d'un certain nombre de Brabançons; que, sur le vu de cette lettre, il avait cru devoir faire indiquer à M. dé Béthune l'heure de 5 à 6 heures du soir, pour la conférence par lui demandée.
« M. de Béthune s'est fait annoncer et a été introduit. Il est convenu du rassemblement d'un certain nombre de Brabançons dans cette ville; il a dit qu'il priait le directoire de ne voir en eux que des gens qui, craignant les troubles de leur patrie, venaient se réfugier èn France; qu'il les connaissait en grande partie, et qu'il fournissait même, à quelques-uns d'entre eux, des secours pécuniaires ; qu'il était sûr du civisme de chacun d'éux; qu'aucun d'eux n'était armé, et que l'on n'avait rien à craindre ; qu'il ne serait pas étonné cependant que les impériaux envoyassent parmi ces réfugiés, des personnes chargées de les exciter à faire quelques sottises qui pussent indisposer contre éux le gouvernement français, afin qu'on les chassât, mais qu'il espérait que ces manœuvres seraient inutiles, que les patriotes brabançons ëmigrésétaiéntprévenus, et, par suite, s'en garantiraient; qu'au surplus il était certain qu'on ne pouvait leur supposer des desseins contraires à la France, parce que leur cause est celle du patriotisme, qu'a la vérité, les patriotes brabançons formaient entre eux deux partis, et que l'un des deux différait toujours d'opinion, mais que ces partis mêmes ne pouvaient inspirer d'ombrage, par la raison que si la Constitution française était renversée, ils se trouveraient absolument à la merci des puissances qu'ils avaient bravées; en conséquence qu'on pouvait regarder les Brabançons comme des amis de la Constitution française. D'après cette explication, il a réclamé protection et sûreté pour eux, en assurant que tous verraient avec plaisir que l'on sévît contré ceux d'entre eux qui troubleraient l'ordre, il a pourtant prié le directoire de prendre les moyens propres àdissiper les inquiétudes qu'il paraissait que la ville de Lille avait conçues.
« M. le Président a répondu à M. de Béthune que les administrateurs allaient prendre en considération ses réclamations, et de suite le directoire a fait demander deux commissaires de la municipalité. Les commissaires ont été introduits avec le procureur de la commune, le procureur-syndic du district de Lille a été introduit en même temps. Les officiers municipaux ont dit que l'état des choses n'avait exigé d'eux qu'une simple surveillance; qu'il était arrivé à la vérité une quarantaine de personnes qui toutes s'étaient rendues à l'auberge du Nouveau-Monde, d'où elles s'étaient ensuite répandues dans différentes auberges, mais qu'il paraissait que c'était tous gens tranquilles et sans armes, qu'on ne croyait pas qu'ils pensassent à des enrôlements ; ils ont dit qu'au surplus le corps municipal allait se partager cette nuit pour faire des patrouilles et surveiller l'exécution des règlements de police concernant les étrangers et s'assurer du bon ordre.
« M. le procureur-syndic dû district de Lille a dit ensuite qu'ayant su qu'il arrivait beaucoup de Brabançons dans Lille, et que ces étrangers étaient soupçonnés d'enrôlements, il avait porté son attention sur cet ohj et, mais qu'il n'avait vu dans ces étrangers que des gens paisibles et sans armes, qu'ils n'étaient qu'environ 60 qui fuyaient la proscription, et dont plusieurs même avaient été pendus en effigie dans leur pays ; qu'à l'égard des enrôlements, il semblait que ce pouvait être une erreur; que peut-être on les confondait avec des enrôlements qu'on dit se faire
secrètement pour les émigrés français ; que, pour découvrir quelque chose sur cet objet, il s'était rendu hier, vers les 3 heures après midi, à une conférence à la municipalité, conférence à laquelle M. d'Aumont, lieutenant général, commandant à Lille, s'était aussi rendu ; qu'on y avait appelé plusieurs personnes qui avaient été indiquées comme pouvant déposer sur les enrôlements, mais que toutes avaient rapporté des faits si invraisemblables, si contradictoires, si disparates qu'on ne pouvait concevoir d'inquiétude; que parmi les réfugiés brabançons on avait surtout soupçonné un nommé Bouvier, ci-devant capitaine dans les patriotes brabançonnais et qui demeurait dans l'un des faubourgs de la ville. Cet homme, appelé ce matin devant M. le maire et M. le procureur de la commune de Lille, avait dit qu'il s'était réfugié en France, parce qu'il était persécuté chez lui où il avait été même «.endu en effigie ; qu'il vivait au faubourg, parce ùu'il lui en coûtait moins qu'en ville et qu'il était faux qu'il eût fait aucun enrôlement pour qui que ce fût, mais qu'à la vérité il avait donné quelques légers secours à quelques-uns des réfugiés, mais que tout se bornait à de minces dettes aont on pourrait voir chez lui les quittances. »
(Suivent les signatures.)
3° Extrait du registre des délibérations du directoire du département du Nord, séance du il décembre 1791.
« Deux commissaires du district de cette ville, demandés par le directoire du département, ont été introduits. On leur a fait part des procès-verbaux d'hier, et on leur a recommandé de prendre toutes les mesures nécessaires pour contribuer, avec le département et la municipalité, au maintien de la tranquillité publique. Deux commissaires de la municipalité aussi demandés par le directoire, ont pareillement été introduits, et ont dit qu'il résultait de leurs recherche qu'il était arrivé en cette ville 235 soi-disant émigrés de Brabant ; que quelques-uns d'entre eux avaient dit qu'ils en attendaient 400 aujourd'hui, et qu'il en viendrait successivement plus de 4,000 dans la quinzaine ; qu'ils attendaient plusieurs familles entières, qu'en outre ils avaient protesté de ne jamais s écarter des règles de la justice la plus exacte ; qu'ils étaient ici sous les ordres de chefs qu'ils ne connaissaient pas encore, qu'ils reçoivent 10 patards par jour de M. Bouvier, qui leur a payé un mois d'avance, et qu'il doit se rendre incessamment à Douai pour ce rassemblement ; ajoutant que ce rassemblement a pour unique ODjet de recouvrer leur liberté, à l'imitation des Français. »
(Suivent les signatures.)
4° Extrait du registre des délibérations du directoire du département du Nord, séance du 17 décembre 1791, 5 heures de relevée.
« L'an 1791, le 17 décembre, 5 heures de relevée, deux officiers municipaux sont venus en députation, pour nous prévenir que des prêtres de mission étrangère, établis en cette ville, observaient qu'ils ne se croyaient pas assujettis à se faire inscrire au greffe de la municipalité, ainsi que les prêtres français sermentés ou non ser-mentés, étant exempts des formalités auxquelles ces derniers sont assujettis. On leur a répondu qu'effectivement l'arrêté du département ne les regardait pas, cependant qu'il était à propos de prendre des déclarations particulières de nombre
des personnes dont leurs maisons respectives étaient composées.
« Trois commissaires de la municipalité se sont présentés à notre assemblée, et nous ont prévenus qu'étant au district, ils ont entendu M. de Béthune qui demandait qu'on leur accordât une maison religieuse pour loger plusieurs étrangers arrivés dans cette ville, sous le spécieux prétexte que ces personnes ne trouvaient que difficilement à se loger, et ail prix exorbitant de 30 sols par nuit. D'après cet avis, il a été arrêté qu'on écrirait sur-le-champ aux administrateurs de district et à M. le commandant de la place, pour les inviter à se rendre au directoire, pour conférer avec eux sur tous ces objets.
« Il a aussi été écrit à la municipalité, pour l'engager à rester assemblée jusqu'à ce que le directoire lui eût manifesté ses intentions, et d'envoyer 3 commissaires pour l'informer des résolutions qui pourront être prises à cet égard.
« M. de Longueville, commandant, est entré. Il m'a fait part des dispositions qu'il avait faites pour le maintien de la tranquillité; il a observé que, quoique la garnison fût déjà fatiguée par le service ordinaire, cependant il tenait toujours 200 hommes prêts à marcher sur la réquisition des corps administratifs. D'après la conférence tenue avec M. le commandant, il a été délibéré que le directoire du département requerrait ce dernier de doubler les postes, et de faire faire pendant la nuit des patrouilles de troupes de liane.
« La réquisition a été faite et remise à M. de Longueville à 9 heures du soir, les 3 commissaires municipaux qui étaient arrivés dans l'intervalle de la conférence tenue avec M. de Longueville ont été instruits de ces mesures, et ont été chargés de nouveau de veiller avec le plus grand soin à la tranquillité publique, de surveiller les étrangers et interroger demain matin ceux qui passent pour en être les chefs, sur les motifs de leur arrivée et de leur séjour en cette ville. Les commissaires municipaux se sont retirés, les administrateurs des deux directoires, de département et de district réunis sont entrés en conférence pour trouver les moyens les plus propres d'assurer la tranquillité des citoyens. Il a été proposé de faire sortir de la ville, dans les 24 heures, les étrangers inconnus qui s'y étaient introduits, et de les faire conduire sur la frontière. Les moyens ont été balancés mais on est revenu à l'avis de prendre cet arrêté qui a été rédigé sur-le-champ et dont la teneur suit :
« Les administrateurs composant le directoire « du département du Nord, informés que depuis « hier, un grand nombre d'étrangers se sont « rendus dans différentes villes du département, « et notamment celles de Lille et de Douai, que « ces étrangers qui se disent Brabançons, ne sont « porteurs d'aucuns passeports ni d'aucunes preu-« ves qui indiquent la cause de leur réunion « dans leurs villes, considérant que, s'il est con-« forme aux principes du droit des gens d'ac-« corder l'hospitalité et asile à des hommes que « leurs affaires ou leurs besoins obligent de ve-« nir sur le territoire français, on ne peut néan-« moins méconnaître que, suivant les règles éta-o blies dans le royaume, les rassemblements et « attroupements, qui pourraient troubler l'ordre « et la tranquillité publique, ne doivent pas être « autorisés par une bonne et sage police ; que d'un autre côté, ces rassemblements portent « atteinte à la sûreté d'une place de guerre ; « après avoir pris l'avis du directoire du district « de Douai et lui avoir communiqué les avis
« donnés par la municipalité dudit lieu, ouï le « procureur général syndic du département, « avons arrête et arrêtons les points et articles « suivants :
« 1° Les officiers municipaux des communes « de ce département veilleront et tiendront la « main à ce qu'il ne soit fait dans leur terri-« toire, aucun rassemblement de troupes du « royaume.
« 2° Les étrangers qui se présenteront à l'en-« trée des villes et communes seront conduits à « la municipalité, qui examinera leur passeport, « et réglera s'ils doivent, ou non, demeurer dans « leur territoire.
« 3° 11 sera fait, dans les municipalités, le re-« censement des étrangers résidant dans les « communes respectives, et la liste des étran-« gers sera envoyée exactement au district de « 1 arrondissement pour nous être rendu compte, « par ledit district, des mesures que les muni-« cipalités auront prises pour empêcher les ras-« semblements des étrangers.
« Dans la ville ou commune où il existera des « étrangers, les officiers municipaux requerront « la garde de surveillance et prendront tous les « moyens d'assurer la police la plus exacte à l'é-« gara desdits étrangers.
« Enjoignons aux officiers municipaux de re-« quérir la garde nationale de veiller à l'exécu-« tion du présent arrêté, lequel sera imprimé, « publié et affiché partout ou besoin sera.
« Fait en la séance du directoire le 17 décem-« bre 1791. »
« 11 a été délibéré, en outre, que copie du procès-verbal et de l'arrêté serait envoyée au ministre avec tous les procès-verbaux relatifs au même objet, ainsi qu à M. de Rochambeau. » (Suivent les signatures.)
5° Extrait du registre des délibérations du directoire du département du Nord (in 18 décembre 1791.
« Les commissaires municipaux ont été invités de se rendre au directoire pour donner connaissance à l'administration des diligences faites depuis hier au soir, pour le maintien de la tranquillité publique, et pour avoir des renseignements sur les personnes étrangères qui se trouvent depuis quelque temps dans cette ville. Les commissaires municipaux sont entrés, et ont dit
3ue jusqu'à ce jour, 20 ou 30 étrangers entrés ans la ville, étaient venus faire leur déposition au greffe, que cependant le nombre de ces étrangers était de 4 a 500, ayant des chefs qui leur distribuent de l'argent; que ceux qui ont été interrogés et entendus, ne donnent point de réponses satisfaisantes sur l'objet de leur arrivée et sur les causes de leur séjour en cette ville, et que la bourgeoisie paraissait s'inquiéter de ce séjour. D'après ce rapport, et pour éviter les suites fâcheuses que pourrait occasionner le
glus long séjour de ces étrangers, il a été déli-éré qu'il serait ordonné aux officiers municipaux de faire sur-le-champ une proclamation pour ordonner à toutes personnes qui sont en cette ville, et qui ne sont point munies de certificats suffisants, dont la bonne conduite ne serait pas suffisamment connue, d'en sortir sur-le-champ, sous peine d'être conduites hors de son enceinte ; pour faire défense à tout aubergiste et bourgeois de donner asile auxdites personnes étrangères, sans une permission spéciale des officiers municipaux, sous peine d'une amende et d'emprisonnement. »
6° Copie de la lettre écrite par M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, aux administra• teurs du département du Nord.
« Paris, le
« J'ai reçu votre lettre datée d'hier, ainsi que vos deux procès-verbaux également datés d'hier, que vous avez jugé à propos de m'envover par un courrier extraordinaire. Je ne puis, Messieurs, qu'applaudir à tout ce que vous avez fait. Vous ne pouviez refuser l'hospitalité à des étrangers qui la réclamaient de la générosité française, mais vous deviez vous prémunir contre la possibilité d'une manœuvre criminelle. Vous avez parfaitement rempli ces deux devoirs. Je vous invite à continuer votre surveillance avec tout le soin qu'exige notre situation actuelle et l'importance des places de votre département. Je vous invite aussi de la manière la plus expresse à prévenir tout ce qui pourrait déplaire raisonnablement à l'empereur notre allié, avec qui la nation française a le plus grand intérêt de vivre avec amitié.
« Au surplus, je rendrai compte demain, s'il est nécessaire, à l'Assemblée nationale, des faits dont vous m'avez donné connaissance, et je vous ferai parvenir les instructions qui auront été jugées convenables. J'espère que vous m'informerez avec exactitude des suites de l'émigration que vous m'annoncez; mais j'espère que vous prendrez provisoirement les mêmes précautions pour la sûreté du pays et pour la conservation de notre union avec 1 empereur.
« Signé : cahier. »
Pour vous prouver l'importance qu'il y a de surveiller les Brabançons émigrés, je dois vous communiquer une lettre datée de Londres, le 13 de ce mois, à moi adressée par un patriote français qui y est pour raison de son commerce. Il me marque qu'il a diné dans une maison de commerce avec trois émigrés, le marquis de la Marche et le marquis de Croï; que le troisième, commerçant de Lille, dont il ne sait pas le nom, fit lecture de trois lettres qu'il avait reçues de Lille, par lesquelles on lui marquait que le nombre des recrues, dans ce moment-ci, se portait à 245; que ces 245 recrues étaient les premiers commerçants de la ville, qui étaient tous engagés par leurs signatures et qui attendaient le moment d'ôter le masque du patriotisme pour servir la cause de la contre-révolution. Ajoutez à ce nombre celui de leurs adhérents, et vous verrez que le complot est assez fort pour espérer de réussir dans leurs projets. Je conclus donc de là, Messieurs, qu'effectivement il existe un complot contre la ville et la citadelle de Lille, puisque, outre ce que j'ai l'honneur de dire à l'Assemblée, il arrive journellement des Brabançons. Je demande que toutes les pièces soient renvoyées au comité de surveillance, auquel je remettrai copie de la lettre que j'ai.
(Charente). J'ai reçu hier soir une lettre datée de Lille, le 15 décembre; elle est d'un militaire du civisme duquel je puis répondre. Il me marque que non seulement il y a des étrangers brabançons à Lille, mais que 1 on recrute pour eux à découvert. 20 hommes ont été engagés ; on les a conduits par Douai à Givet et de la à Luxembourg. On leur a fait croire qu'ils étaient destinés à faire une révolution dans le Brabant; on leur disait même qu'on leur ferait porter l'habit de garde nationale de France avec les couleurs de Van der Noot. Mon correspondant
me marque que rien ne paraît indiquer une révolution dans le Brabant et il désigne M. de Bé-thune comme chef de ces enrôlements ; il ajoute que dimanche les enrôleurs se sont montrés sur la place et ont fait leur métier à découvert.
Je demande que les pièces soient renvoyées aux comités de surveillance et diplomatique réunis. Je fais en outre la motion que la Conduite des administrateurs du département du Nord soit approuvée et que provisoirement il leur soit enjoint de déclarer et de faire afficher, dans tout le département du Nord, que, ne pouvant refuser l'hospitalité à ceux qui viennent la réclamer de la générosité française, l'intérêt du royaume exige impérieusement qu'on leur indique leur séjour a 20 lieues des frontières.
Un membre : Cette mesure ressemblerait à l'introduction du cheval des Grecs dans la ville de Troie; je demande qu'on ne reçoive aucun émigré.
J'ai reçu 15 ou 16 lettres particulières sur le même objet; toutes certifient l'existence de ces enrôlements. Je demande que tous les membres qui ont des renseignements à donner soient invités à les porter aux comités de surveillance et diplomatique pour présenter demain un projet de décret. .
et plusieurs autres membres attestent qu'à Bruxelles et à Gand il se fait publiquement tous les jours des enrôlements pourles émigrants français.
L'Assemblée nationale, profondément affligée des troubles intérieurs et des menaces du dehors, avait rendu deux décrets vigoureux. Leur exécution a été paralysée par un veto, et il en résulte tant d'inconvénients, l'audace des émigrés s'accroît à un tel point... (Murmures.)
Plusieurs membres: Il n'est pas question de cela.
qu'ils ont envoyé dans toutes les parties dé l'Empire des enrôleurs. Il y en a jusque dans les villes de l'intérieur, et ce mâtin j'ai reçu de mon département une lettre officielle qui annonce que deux erirôleurs ont été pri^, et par le prochain courrier, vous recevrez l'instruction qui a été commencée par le tribunal de district. D'un autre côté, à Cette audace des chefs
émigrés, se joignent les effets perfides, les manœuvres diaboliques, s'il m'est permis de me servir de ce terme dans l'Assemblee, des prêtres réfractai res qui travaillent partout à propager ce système affreux conçu par les émigrés déporter le fer et le feu dans leur patrie.
Je demande, en raison des circonstances, que les trois comités de surveillance, diplomatique et militaire se réunissent ce soir pour prendre en considération non seulement les pièces envoyées par le département du Nord, mais encore toutes celles que les différents députés peuvent avoir reçues, afin de nous faire demain un rapport après la lecture du procès-verbal. S'il en était temps, et ce temps arrivera bientôt, je demanderais que tous les princes français, que le cardinal de Rohan, que le sieur Mirabeau, le sieur Calonne, le sieur. Bouillé, le sieur Broglie fussent mis en état d'accusation. {Applaudissements dans les, tribunes.)
J'appuie la motion de M. Gouthon d'adjoindre le comité militaire aux Comités diplomatique et de surveillance pour rendre compte, demain, immédiatement après la lecture du procès-verbal, du nombre des soldats qui composent dans cet instant l'armée du Nord. L'éloge des talents militaires, de l'activité et du civisme de M. Rochambeau n'est plus à faire. Les mesures sages quepourra prendre ce générai seront faiblement secondées s'il n'a pas sous ses ordres une force suffisante surtout en cavalerie. Je demande qu'indépendamment de la mention honorable à faire au procès-verbal de la conduite très louable du directoire du département du Nord, du district et de la municipalité de Douai, M. le Président soit chargé d'écrire, au nom de l'Assemblée nationale, une lettre de satisfaction à ces. corps constitués.
Plusieurs membres: Non! non! la mention honorable suffit!
(L'Assemblée décrète la mention honorable de la conduite qu'a tenue dans cette occasion le directoire du département du Nord et renvoie les dépêches aux comités diplomatique, militaire et de surveillance réunis, pour en faire demain le rapport.) (Voir ci-après, page 267.)
(La séance est levée à quatre heures.)
NOTÉ des décrets sanctionnés par le roi ou reçus par lui pour les faire exécuter, depuis
le 4 jusqu'au
NOTE DES DÉCRETS.
date des décrets. 3 novembre.
Décret relatif à la rectification des minutes et des expéditions des décrets relatifs à la vente des biens nationaux.
3 novembre.
Décret relatif à la fabrication de nouveaux coins de timbre des assignats de 5 livres.
14 novembre.
Décret relatif à la distribution, à tous les députés de l'Assemblée nationale, des exemplaires in-4° de toutes les lois sanctionnées.
24 novembre.
Décret relatif à une difficulté élevée entre le département des Vosges et celui de la Haute-Saône, par rapport à la commune de Passavant.
DATES
DES SANCTIONS.
7 décembre.
7 -décembre.
Non sujet à la sanction. Le roi en a ordonné l'exécution le 18 novembre.
4 décembre.
date des décrets.
11 et 28 novembre.
29 novembre.
29 novembre.
29 novembre.
29 novembre.
30 novembre.
l,f décembre. l,r décembre.
1« décembre.
2 décembre.
3 décembre.
3 décembre. 8 décembre. 8 décembre. 13 décembre.
8 décembre.
3 et 8 décembre. 10 décembre.
16 décembre.
17 décembre.
note des decrets.
Décret qui ordonne une distribution de 15 millions d'assignats de 5 livres, pour subvenir aux besoins de la caisse de l'extraordinaire et de la Trésorerie nationale.
Décret portant que le sieur Jacques Henri Moreton étant dans le cas exprimé par la loi du 5 septembre dernier, doit être réintégré dans la place dont il a été arbitrairement destitué.
Décret concernant la formule de proclamation des décrets de l'Assemblée nationale, portant accusation contre les sieurs Varnier, Tardy et Noireau, et relatif à la formation de la haute cour nationale.
Décret relatif aux remplacements à faire dans l'armée.
Décret relatif aux troubles excités sous le prétexte de religion.
Décret qui autorise les commissaires de la Trésorerie nationale à fournir des assignats de 5 livres à la caisse d'échange du sieur de La Marche.
Décret qui enjoint aux quatre grands juges et aux deux procurateurs nationaux de se rendre dans quatre jours, à Orléans.
Décret portant qu'il sera remis à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 225,788 livres, 3 deniers, pour subvenir au payement des frais des mois de nourrice, contractés par les pauvres pères de famille de Paris.
Décret relatif à la distribution des lois imprimées à l'Imprimerie royale.
Décret relatif à la translation à Orléans du sieur Tardy, de Dijon, inspecteur des domaines à Quimper.
Décret relatif à la distribution d'une somme de 70,000 livres entre 16 artistes qui se seront montrés les plus dignes d'encouragements parmi ceux qui ont exposé, cette année, leurs ouvrages au salon du Louvre.
Décret portant rectification d'une erreur commise dans l'état des gratifications accordées aux secrétaires-commis de l'Assemblée nationale constituante.
Décret portant que les maîtres des quais, s'ils sont âgés au moins de 30 ans, pourront être nommés, pour la première fois seulement, capitaines et lieutenants de port.
Décret portant qu'il sera procédé de suite à la fabrication du papierj pour 100 millions en assignats de 10 livres et 100 millions en assignats de 25 livres.
Décret relatif au certificat de résidence depuis 6 mois, exigé, pour recevoir, dans toutes les caisses nationales, le payement des traitements, pensions, créances ou rentes, de quelque nature qu'ils soient.
Décret qui fixe le mode d'avancement des officiers et sous-officiers, tant des troupes de ligne, que de la ci-devant maréchaussée, qui sont entrés dans la gendarmerie.
Décret qui proroge jusqu'au 1er mai 1792, le terme fixé par le décret du 27 avril, aux acquéreurs des domaines nationaux.
Décret portant que la chapelle de la commune de Bercy sera érigée en église paroissiale.
Décret portant qu'il y a lieu à accusation contre les sieurs Loyauté, Silly et Méyet et qu'ils seront transférés dans les prisons d'Orléans.
Décret qui fixe à 1,600 millions la somme d'assignats à mettre en circulation, et ordonne la création et l'émission de 300 millions d'assignats de 25 livres, 10 livres et 5 livres.
Paris, le
dates des sanctions.
9 décembre.
7 décembre.
Non sujet à la sanction, Le roi en a ordonné l'exécution le 2 décembre.
11 décembre. Le roi examinera.
11 décembre.
Non sujet à. la sanction. Le roi en a ordonné l'exécution le 2 décembre.
11 décembre.
4 décembre.
Non sujet à la sanction. Le roi en a ordonné l'exécution le 4 décembre.
7 décembre.
Non sujet à la sanction. Le roi en a ordonné l'exécution le 7 décembre.
11 décembre.
9 décembre.
17 décembre.
15 décembre.
15 décembre.
14 décembre.
Non sujet à là. sanction. Le roi en a ordonné l'exécution le 18 décembre
18 décembre.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
donne lecture d'une adresse des citoyens du bourg d'Attichy, département de l'Oise. Ils offrent à la patrie une somme de 6,000 livres à prélever sur le bénéfice résultant de soumission pour l'acquisition de domaines nationaux à eux adjugés par décret du 14 avril 1791, pour être employée à l'entretien des gardes nationales qui sont aux frontières. Ils félicitent l'Assemblée des décrets qu'elle a rendus contre les émigrés et contre les prêtres séditieux, s'élèvent contre la pétition des membres du directoire du département de Paris, annoncent que l'augmentation subite du prix des grains leur cause les plus vives alarmes et sollicitent l'attention de 1 Assemblée sur ce point.
(L'Assemblée accepte l'offre de la municipalité d'Attichy et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
Il y a bientôt six semaines que j'ai réclamé la justice de l'Assemblée à l'égard des Suisses du régiment de Châteauvieux qui sont détenus aux galères de Brest (1). Vous avez depuis longtemps chargé votre comité diplomatique de vous faire un rapport sur cet objet. Je demande qu'il soit ajourné à une époque fixe.
. (L'Assemblée fixe 1 ajournement à la séance de samedi soir.)
L'Assemblée a décrété que les procès-verbaux de la ville de Montaigu (2), concernant la nomination des officiers municipaux, lui seraient remis. On m a fait parvenir ces pièces bien en forme, je suis prêt à faire mon rapport, quand l'Assemblée voudra m'ac-corder la parole.
(L'Assemblée s'ajourne à samedi soir.)
Un membre demande que le Comité d'instruction publique présente son rapport sur les bibliothèques nationales.
(L'Assemblée ajourne ce rapport à la séance du soir.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 19 décembre, dont la rédaction est approuvée.
, député du département des Ardennes, demande un congé pour dix jours.
(L'Assemblée accorde le congé demandé.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Retz, médecin, qui fait hommage à l'Assemblée nationale d'un exemplaire du septième volume des Annales de fart de guérir, où il est question particulièrement des réformes qu'exige l'enseignement de la médecine et de la cnirurgie.
(L'Assemblée agrée cet hommage, renvoie l'ouvrage au comité d'instruction publique, et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
a la parole pour présenter des observations relatives aux conséquences du « veto » ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous êtes les représentants du peuple français, c'est dans vos mains qu'il a déposé la souveraineté législative, vous devez donc remplir la mission qui vous a été confiée ; mais l'exercice de ce pouvoir souverain est tempéré par celui du pouvoir royal, à qui la Constitution attribue la sanction des lois qui émanent du Corps législatif. Il s'agit d'examiner aujourd'hui quels sont les cas où la sanction royale peut et oit être nécessaire.
L'article 2 de la section III de l'Acte constitutionnel attribue au roi ce droit, le droit de sanctionner les décrets du Corps législatif. Ils ne peuvent avoir force de loi qu'après la sanction, dont le refus suspend l'exécution. Mais le roi peut-il la refuser dans les cas d'urgence? C'est là la question que je soumets à votre sagesse.
Je connais comme vous là ligne de démarcation des pouvoirs, et je la respecte ; mais, partout où ie vois un abus ae la loi, je dois le dénoncer aux législateurs, et provoquer leur décision interprétative. Le roi a incontestablement le droit de sanctionner les lois ; mais ce droit ne frappe que sur les objets d'administration générale, sur les lois destructives des anciens ou créatrices des nouveaux règlements. Ce droit doit finir là où des circonstances imposantes, où un danger imminent provoquent des mesures actives. Le roi ne peut et ne doit sanctionner que les lois dont l'existence et la promulgation doivent être requises ou reproduites par trois législatures consécutives ; mais il n'a pas le droit de suspendre celle dont l'exécution est pressante et provoquée par des circonstances impérieuses. Telles sont celles que vous avez décrétées, Messieurs, contre les émigrànts et contre les prêtres réfractaires et leurs adhérents, que le roi a également paralysés par son veto. Ces deux décrets sont moins des lois civiles et générales d'administration qu'une vraie loi martiale. Ils en ont la cause et le caractère, ils doivent produire un même effet. Or, la loi martiale est indépendante de la volonté, de la sanction du roi. D'où je conclus que, dans le décret que vous avez rendu, la sanction du roi était inutile.
Je ne vous rappellerai pas, Messieurs, cette proclamation ministérielle et astucieuse (Murmures.) qui a suivi le premier de ces décrets; elle est sans doute attentatoire aux droits du peuple et de ses représentants, elle doit être l'objet d'une dénonciation particulière du ministre, son rédacteur. Je passerai sous silence cette annonce trompeuse qu'on a eu soin de répandre dans le sein de cette Assemblée même, cette annonce fausse et inofficielle de refus de la sanction de ce décret, ie ne m'arrêterai pas à l'adresse ou pétition individuelle de quelques membres du département de Paris que la cour a provoquée et obtenue par la même voie qu'elle a si heureusement employée lors de la revision de la Constitution. Les sections de Paris vous ont vengés de ce dernier outrage; elles en ont appelé à vos droits; souffrez qu'en qualité de votre collègue, je vous rappelle l'exercice de votre autorité légitime et constitutionnelle.
Je dis que la sanction royale ne doit appartenir qu'aux objets généraux, qu'aux lois aadminis-tration publique qui doivent désormais faire partie du droit commun de la France. Voilà le droit de son veto. U est le surveillant du Corps législatif, comme le Corps législatif l'est du pou-
voir exécutif. Entre ces deux pouvoirs s'élève le pouvoir suprême, le souverain, c'est la nation ; mais dans des lois de circonstance, dans les lois répressives du moment, dans des lois qui ne sont applicables qu'à certaines personnes et qui ne sont exécutables qu'en certains lieux et qu'en certains moments, le roi ne doit pas en arrêter l'exécution. Elles sont indépendantes de sa volonté ou de son caprice ; s'il en était autrement, votre pouvoir, Messieurs, serait nul, votre souveraineté illusoire et la liberté perdue.
On va, sans doute, invoquer la lettre de la Constitution pour soutenir le droit du veto royal; j'y oppose lés termes mêmes de cette Constitution qui ne sont applicables qu'aux lois de droit commun. On me répondra encore que l'Acte constitutionnel ne contient pas cette distinction, mais ces faibles moyens sont bons dans le barreau et sont inadmissibles dans l'Assemblée législative.
L'Assemblée constituante n'a pu et n'a du faire que ce qui était fondé sur la raison et sur la justice, que ce qui lui était dicté par le plus grand intérêt du peuple; or, l'intérêt au peuple est que les rebelles qui attentent à sa liberté soient actuellement réprimés. Les décrets que vous avez rendus sont raisonnables et justes, donc ils n'ont pu être paralysés par le veto royal. Oublie-t-on que l'Assemblée législative est, comme l'Assemblée constituante, composée des représentants du peuple, qu'ellea les droits délégués du souverain, et qu'elle peut et doit parler en son nom. S'il s'élève entre le délégué héréditaire et les délégués élus un conflit ae juridiction, ou une lutte ae prétentions entre les deux pouvoirs délégués, le souverain prononce sur les prétentions respectives. Celui-là seul peut être admis, lui seul a le droit de juger ses mandataires.
Je conclus donc, Messieurs, à ce qu'il soit fait une adresse au peuple français, expositive de ce que l'Assemblee nationale législative a fait pour réprimer les rebelles émigrants et les prêtres factieux, de ce que fait le pouvoir exécutif
fiour arrêter l'exécution de ces deux décrets sa-utaires, et que la nation française prononce en souverain, et marque les limites invariables des pouvoirs délégués ; à cet effet, que les corps électoraux des 83 départements soient convoqués à
la rèquête des procureurs-généraux-syndics.....
(Murmures prolongés.)
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour !
Un membre : Monsieur le Président, rappelez l'opinant à l'ordre, il s'écarte de la Constitution.
Je mets aux voix si Monsieur sera entendu. (L'Assemblée est dans une vive agitation.)
Plusieurs membres : Monsieur le Président, consultez l'Assemblée! (Non! non!)
Un membre : Ce Monsieur veut déchirer la Constitution et provoquer la guerre civile.
Je demande que l'opinant ne soit pas entendu, parce qu'il propose des choses contraires à la Constitution; je demande que l'Assemblée soit consultée à cet égard. (Bruit.)
Plusieurs membres à Vextrême gauche : Qu'il soit entendu jusqu'à la fin!
Je vais consulter l'Assemblée.
Plusieurs membres à Vextrème gauche : Non ! non!
Je demande que les corps électoraux des 83 départements soient convoqués à la
requête des procureurs-généraux-syndics, pour le
10 janvier prochain, à 1 effet de délibérer sur les deux décrets rendus contre les émigrants et les prêtres séditieux. Ils émettront leur vœu qui sera adressé à l'Assemblée nationale pour être par elle statué en dernier ressort ce qu'il appartiendra. (Applaudissements à l'extrémité gauche de la salle et dans les tribunes.)
Je ne vois point qu'il soit nécessaire de faire une adresse aux Français. L'Assemblée... (Le bruit couvre la voix de l'orateur.)
Un membre : Je demande que M. Delcher soit rappelé à l'ordre ; c'est un appel à la révolte qu'il vous propose de décréter.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
On demande à passer à l'ordre du jour. (Non! non!)
Un membre : On a entendu celui qui a attaqué la Constitution : il faut bien qu'on entende ceux qui veulent la défendre.
demandent la parole pour combattre la motion de M. Delcher.
Plusieurs membres : L'ordre du iour!
L'Assemblée, consultée, passe à 1 ordre du jour. (.Applaudissements.)
Un membre ; Je demande que M. Delcher soit rappelé à l'ordre et censuré.
Un membre : Pour avoir manqué à son serment et excité au parjure.
Voix diverses : Oui ! oui 1 Non ! non !
Plusieurs membres : L'ordre du jour ! (Tumulte.)
(L'Assemblée, consultée au milieu du bruit, décide qu'elle passe à l'ordre du jour sur la motion de censurer M. Delcher.)
(de la Charente), au nom du commissaire aux archives, fait un rapport sur les mesures à prendre pour assurer la conservation des pièces déposées aux archives par les comités de l'Assemblée constituante et pour leur communication; il s'exprime ainsi (1) : Messieurs, l'Assemblée nationale a renvoyé a ses commissaires aux archives l'éclaircissement des questions qui lui ont été faites par son archiviste et qui doivent leur naissance aux demandes de quelques-uns de ses comités. Nous allons, Messieurs, vous rendre du tout un compte très sommaire, destiné à motiver le décret que nous avons l'honneur de vous proposer. Il n'est pas besoin de rappeler que, purement relatif à votre police intérieure,
11 n'exige ni déclaration d'urgence ni sanction.
L'établissement de vos archives doit remplir
également deux objets : l'un d'assurer, dans un dépôt inviolable la conservation de tout ce qui émane de l'Assemblée nationale, ou qui lui ayant été adressé est jugé devoir être conservé, l'autre, de rendre ce trésor de lumière accessible ou public, et spécialement aux législateurs qui doivent y puiser une facilité particulière. C'est avec l'inviolabilité de ce dépôt qu'il s'agit de concilier avec sa libre communication, en partant des principes déjà consacrés, tant par les décrets de l'Assemblee constituante que par les vôtres.
Tout le monde sait, Messieurs, qu'entre beaucoup d'autres services rendus a la patrie par
M. Camus, nous lui sommes redevables d'avoir, dès l'origine des travaux de nos prédécesseurs,
« Les actes et pièces déposés aux archives ne pourront être emportés hors des archives, qu'en Vertu d'un décret exprès de l'Assemblée nationale. »
Indépendamment de tout ce qui peut être compris sous la dénomination d'actes et pièces, les archives se trouvent renfermer un très grand nombre de papiers de toute espèce, parmi les-
3uels il faut distinguer ceux qui, aux termes du écret du 21 septembre, ont été déposés par les différents comités de l'Assemblée constituante. Ce décret ordonnait que la remise des registres, états, renseignements et papiers serait accompagnée d'une description sommaire du nombre et au contenu des cartons. Le peu de temps qui restait du 21 septembre, jusqu à la clôture l'Assemblée, ne permettait pas ae compter su r dès inventaires très exacts de la part de ses comités, à moins qu'ils n'eussent d'avance adopté la précaution de tenir un répertoire de leurs travaux. Les comités de salubrité, d'agriculture et de commerce se trouvaient dans ce dernier cas ; aussi sont-ilib à peu près les seuls qui, en satisfaisant à la lettre du décret, en aient vraiment atteint: le but et rempli l'esprit. Les autres comités, et particulièrement celui de Constitution, ont remis un nombre prodigieux de cartons, dont le contenu est à peine soupçonné, d'après les étiquettes trop vagues, ou même entièrement insignifiantes.
Il importe infiniment, Messieurs, de connaître promptement, par un inventaire, quelles sont nos véritables richesses, et dé les distinguer d'avec ce mélange confus de productions, de projets, de demandes enfantées, ou par l'intérêt particulier, ou par un patriotisme quelquefois dépourvu de lumières. Et que la dépense ni la longueur de cette opération inévitable ne vous effrayent point : le même esprit d'économie sévère et d'activité infatigable qui préside à la formation de vos archives surveillera les travaux qui sont à faire, en abrégera la durée et en restreindra le prix, sans retarder l'usage que vos comités pourront faire des pièces à mesure qu'elles seront inventoriées.
Il ne s'agit plus que de déterminer quelles pièces pourront, en tout temps, être déplacées sur la demande de vos comités ; Car eux seuls jouiront de ce droit, comme d'un moyen de faciliter leurs travaux, et ils n'en demeurent pas moins soumis à la loi qui défend le déplacement des actes et pièces originales, à moins d'un décret particulier.
Votre décret du 23 octobre porte que les cartons, pièces, instructions, travaux, rapports et projets de décrets relatifs aux objets attribués à chacun de vos comités, et dont étaient saisis ceux de l'Assemblée constituante lors de la cessation de leurs fonctions, seront remis aux commissaires nommés par chaque comité, sous le récépissé dè ces derniers, nous avons pensé, Messieurs, qu'une loi si sage et si nécessaire était susceptible néanmoins de quelque développe-
ment, pour qu'en aucun cas il ne puisse s'élever de doute ni de retard sur son exécution.
Nous emprunterons volontiers la distinction qui nous a paru heureuse, et que nous avons entendu proposer par un membre du comité de législation : elle consiste à séparer toutes les pièces laissées par l'Assemblée constituante, en deux classes,1 dont il appelle l'une les monuments et l'autre les intentions.
A la première se rapportent non seulement les minutes des lois et des procès-verbaux, mais aussi toutes les pièces qui, par leur nature et leur importance, inspirent un grand intérêt. Pour la conservation des originaux nous pensons, Messieurs, qu'un très grand nombre de pièces remises par les différents comités des finances et des impositions, comme aussi par les comités des recherches, que des lettres de cachet sont de ce genre, et que si vos comités doivent en avoir une pleine et libre communication, ce doit être sans déplacement, à moins que vous ne l'eussiez ordonné dans quelques cas particuliers en connaissance de cause, et après nous avoir faitl'honneur de nous entendre.
Sous le titre d'intentions nous comprenons tous les travaux, projets, rapports tant commencés qu'achevés par les 'comités de l'Assemblée constituante; tous les mémoires, renseignements, éclaircissements qui avaient été fournis pàr des Citoyens instruits de toutes les. parties ae l'Empire ou par l'effet d'un zèle libre, ou d'après l'invitation qui leur en avait été faite. Il est juste, Messieurs, que ces matériaux passent promptement dans les mains habiles destinées à les mettre en œuvre, et que non seulement les plans, mais jusqu'aux esquisses des premiers architectes, soient connus de ceux dont la mission est d'affermir l'édifice.
Du triage et de l'inventaire, il résultera, Messieurs, une troisième classe qui ne sera peut-être pas la moins volumineuse : ce sera celle des pièces qui seront jugées entièrement inutiles. C'est faciliter vos travaux que d'écarter par cet examen auquel on ne reviendra plus, des pièces qui ne serviraient, en les conservant, qu'à égarer votre attention ; et c'est en quelque sorte s enrichir que d'épurer son trésor de tout alliage.
Ainsi trois sortes de pièces sont déposées présentement aux archives :
Les unes destinées à n'en sortir jamais ;
Les autres, qui doivent en être rejetées pour toujours;
Les troisièmes, qui, enfin peuvent être déplacées à la disposition des seuls comités, avéc les précautions auxquelles ils sentiront la nécessité ae s'assujettir, et d'où dépend la certitude du retour de ces pièces dans le dépôt auxquel elles appartiennent.
En conséquence, nous vous proposons le projet de décret (1) suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses commissaires aux archives, décrète ce qui suit :
« Art. lw. Les minutes et originaux des actes émanés des Assemblées nationales ou de leurs
comités ; les minutes, les originaux et collections de lois, les actes authentiques et
pièces déposés aux archives en vertu de décrets des Assemblées nationales ; les pièces
originales pouvant servir, soit à constater la situation des finances
« Art. 2. Il sera procédé sans délai au triage et à l'inventaire général sommaire de tous les papiers réunis aux archives par les comités de 1 Assemblée constituante, et encore existants dans ce dépôt. L'inventaire sera fait en double; une copie demeurera aux archives: les cahiers de la seconde copie, à mesure qu'ils seront achevés, séront communiqués aux comités respectifs qu'ils intéresseront comme étant relatifs à l'objet de leurs travaux, à l'effet par chacun d'eux de désigner les pièces qui, n'étant pas de la nature de celles que spécifie l'article premjer, pourront leur être communiquées avec déplacement.
« Art. 3. Pour dresser cet inventaire, l'archiviste est autorisé à prendre, de concert avec les commissaires* aux archives, des commis extraordinaires dont le traitement cessera aussitôt l'achèvement de l'inventaire. Les divers comités de l'Assemblée pourront nommer chacun un ou deux membres à l'effet d'assister^ comme commissaires, si bon leur semble, au triage et à l'inventaire, sans néanmoins que l'opération des progrès et de l'état de laquelle il sera rendu compte à l'Assemblée par les commissaires aux archives le 20 janvier prochain, puisse être retardée par le défaut de nomination des commissaires des comités, ou par leur absence.
« Art. 4. Il sera tenu aux archives un registre en parties, doubles, dont chaque feuillet sera divisé en deux colonnes, dans l'une desquelles sera inscrite la sortie de toutes les pièces déplacées à la demande des comités, et dans la colonne parallèle immédiatement à côté, et sous le même numéro, la rentrée de ces mêmes pièces, à mesure qu elles seront rétablies.
« Art. 5. La note des pièces demandées par les comités contiendra le numéro sous lequel elles seront cotées dans l'inventaire; la demande en sera formée par une délibération du comité, la-1 quelle indiquera ceux de ses membres auxquels les pièces devront être remises : ils en donneront leur récépissé sur le registre dont a été parlé au précédent article, avant qu'elles puissent être remportées des archives, et après que les notes ou états de demandes auront été communiqués par l'archiviste aux commissaires surveillant les archives.
« Art. 6. Les membres délégués par les comités pour recevoir de l'archiviste, sous leur récépissé, les pièces demandées en vertu de délibérations, veilleront à leur conservation aux archives et les feront remettre, lorsqu'elles ne seront plus nécessaires aux comités. L'archiviste fera mention de la rentrée, sur le registre, dans la colonne voisine de celle qui sera chargée de sa sortie.
« Art. 7. Les divers comités de l'Assemblée qui trouvent avoir présentement en leur possession des pièces appartenant aux archives en feront faire des inventaires dont ils feront passer copie aux archives pour compléter l'inventaire général. A l'égard des pièces qui leur seront à l'avenir envoyées par l'Assemblée, chaque comité les fera
inventorier à mesure qu'elles lui arriveront, fournira tous les trois mois un double de son inventaire aux archives pour y rester en dépôt, et y fera remettre à la même epoque toutes les pièces qui concerneront les affaires terminées dans 1 intervalle.
« Art. 8. Aucune expédition, autre que celles qui son données sous la signature des secrétaires-de l'Assemblée, ne sera délivrée, que sous celle-de l'archiviste, ou, dans le cas prévu par l'article 4 des décrets des 4 et 7 septembre 1790, sous celle des commissaires aux archives, il ne sera fait usage d'aucun autre sceau que de celui de l'Assemblée pour les extraits des procès-verbaux, et de celui aes archives pour toutes autres expéditions. La recherche, communication, collation des pièces, signatures et appositions du sceau, , continueront à être absolument gratuites. «
Plusieurs membres : L'impression et l'ajournement à samedi !
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport. et du projet de décret de M. Blanchon et en ajourne la discussion à samedi.)
, J'ai demandé la parole pour une-motion relative aux mesures à prendre pour la sûreté intérieure du royaume; mesures qui doivent être en harmonie, avec celles que le roi a prises pour la sûreté extérieure. Demain, je développerai cette motion, et je présenterai uni projet de décret; je demande seulement qu'elle soit appuyée aujourd'hui.
(L'Assemblée ajourne la motion à demain après• la lecture du procès-verbal.)
J'ai reçu une adresse signée de plusieurs citoyennes de Dijon qui remercient l'Assemblée du décret qu'elle a rendu contre les prêtres -et censurent la pétition du département de Paris. Je l'avais remise sur le bureau; je ne sais pas-pourquoi M. le Président n'a pas jugé à propos ae la faire lire. Je demande à l'Assemblée qu'elle-en ordonne la lecture. Elle est conçue en très peu de mots et elle servira à prouver combien ont été rapides les progrès de la philosophie et des connaissances au droit public.
Quand on m'a présenté l'adresse, je me suis conformé au décret de l'Assemblée et j'ai dit de la porter, ainsi que plusieurs-autres, au comité de législation pour les joindre -au rapport qu'il doit présenter sur cet objet.
Plusieurs membres : Bien ! bien ! L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom des comités de surveillance, diplomatique et militaire réunis, fait un -rapport et présente un projet de, décret sur les-rassémblements d'hommes se disant Brabançons, dans les villes de Lille et Douai et lieux voisins; il s'exprime ainsi :
Vos trois comités de surveillance, diplomatique et militaire, se sont rassemblés hier au soir et itérativement,ce matin, pour prendre en considération les objets dont il vous a plu de les. charger. Je ne vous présenterai qu'un très rapide exposé des faits qui, certainement, n'ont pas échappé à votre mémoire. Il s'agit cependant d'établir une suite dans ces faits, attendu que l'ordre de la date des pièces a été interverti dans, la lecture qui vous en a été faite hier.
Les différents arrêtés pris par le directoire du* département du Nord, au district et de la municipalité de Lille, aux dates des 16, 17 et 18 du mois, renfermant ceci : qu'un certain nombre de-
personnes étrangères, n'étant d'abord que 50 à 60, et qui ont monté successivement jusqu'à 400 environ, a paru dans les villes de Lille et de Douai ; que ces personnes réunies se sont dites patriotes brabançons; que M. Gharôst-Béthune, ci-devant duc, avait imploré pour ces personnes la protection de la municipalité de Lille, avait demandé pour elles un couvent pour les caserner ; que ces personnes suspectées d'enrôlement avaient été interrogées; que nulle preuve de ces enrôlements n'avait été administrée, mais qu'il résulte des interrogatoires, qu'il y avait une grande probabilité, si ce n'est certitude qu'elles recevaient une solde que l'une d'elles distribuait, et qu'elles reconnaissent des chefs qu'elles ne nomment point.
. Dans cet état de choses, il a été pris différentes mesures que vous avez approuvées hier, et qui ont eu pour résultat, le 18, de faire évacuer la ville de Lille à ces émigrants.
Ces faits posés, vos comités ont pris en considération les différentes probabilités qui se sont offertes. D'abord des lettres particulières qui ont été lues à l'Assemblée, et reproduites au comité, avaient indiqué que ces personnes pouvaient être considérées comme des émigrés français bu tenant eh quelque chose à la contre-révolution. J'observerai en passant que ces lettres particulières ont une date antérieure aux différents arrêtés pris par le directoire de département, de district et la municipalité; qu'en conséquence, ce qu'on avait cru, dans ces lettres, être des preuves d'enrôlement, se trouve détruit par lés arrêtés postérieurs. Cette première hypothèse ayant été examinée, vos comités ont été facilement convaincus que dans ce système rien ne pouvait être si dangereux qu'un rassemblement de 3 ou 400personnes, qui paraît rapidement s'augmenter dans les villes frontières, qui sont, pour ainsi dire, les points principaux d'un grand camp, sur lesquelles vous fondez une grande partie de la défense nationale, et qui renferment le premier dépôt de munitions de guerre et d'artillerie, qu'on ne pourrait livrer aux ennemis, sans les dangers les plus imminents pour le reste du royaume.
Une seconde hypothèse a été examinée. On a supposé que ces personnes étaient réellement des Brabançons. Vous n'avez point ignoré quels furent les principes qui ont prévalu dans la révolution du Brabant. Vous n'ignorez pas que l'aristocratie nobiliaire et sacerdotale en a fait tous les frais. Vous savez que les personnes qui étaient à la tête de cette révolution, tendaient à l'indépendance, et non à la liberté ; vous n'ignorez pas non plus que l'aristocratie sacerdotale et nobiliaire de nos départements flamands voyait avec envie une révolution dans laquelle ses pareils jouaient le premier rôle.
Vous n'ignorez pas que, dans notre révolution, les aristocrates du département du Nord et des départements voisins ont paru toujours avoir d'étroites liaisons avec ceux qui faisaient la prétendue révolution du Brabant. D'après ces données, il n'est pas difficile de penser qu'un rassemblement de personnes dont les chefs peuvent être précisément les chefs de la révolution brabançonne, présente des dangers redoutables, même à la liberté française, lorsque ces rassemblements sont faits dans une province, dans laquelle il est naturel de penser que les chefs ont des relations très étroites et très intimes ; tous ces rapports, vos comités réunis ont encore pensé que le séjour de ces personnes, dans des places ae guerre, devait être suspect.
Il se présente encore une troisième hypothèse, qui a été également examinée. Il est possible, quoique peu probable, que ces 3 ou 400 réfugiés soient effectivement des patriotes brabançons du système populaire. Je dis que cela n'est pas probable, car les déclarations faites par M. Charost-Béthune au département et à la municipalité, attestent assez, et par la qualité de la personne et par ses opinions, par la nature de ses propriétés, par une continuité de faits et de probabilités, et surtout par les expres-
du Brabant, que des intérêts du peuple.
Quoi qu'il en soit, en considérant ce rassemblement sous le point de vue le plus favorable, vos comités ont eu à examiner ce que l'Assemblée nationale devait au droit des nommes, au droit des gens et à la sûreté nationale.
Il n'est point de doute que l'hospitalité ne tienne aux premiers fondements du droit des hommes ; il n'est point de doute que la nation française ne peut ici, aux termes de la Constitution, fondée tout entière sur les principes du droit naturel, refuser un asile à ceux qui viennent le lui demander, et que ce refus à la loi, inhumain et maladroit, serait plus particulièrement impolitique dans le moment où il1 est probable que les prochaines révolutions des peuples qui nous environnent, feront affluer chez nous les richesses des pays qu'elles agiteront. Mais, Messieurs, après avoir fixé ce que nous devons au respect du droit des gens, après avoir établi qu'il est impossible que l'Assemblée nationale souffre et par conséquent ordonne que ces réfugiés soient rejetés ae la France, commencent à se présenter les considérations du droit public; il y a une différence si notable entre les hommes
3ui viennent vivre sous la protection des lois 'un pays, et des hommes qui n'en Empruntent le territoire que pour menacer leur patrie, que je n'ai pas besoin de vous présenter là-dessus en détailles réflexions du comité. Il est évident que ceux qui sortent de leur patrie et qui, attroupés sur le territoire voisin, y préparent des conspirations, ne partagent probablement point l'opinion de la majorité du pays qu'ils quittent. S'ils la représentaient, s'ils étaient investis de l'opinion publique ; ils affronteraient le danger là où le danger existe ; car le volcan qui doit engloutir un despote, ne s'ouvre pas ailleurs que sous ses pieds.
Je vous présenterai une considération également pressante : la nation française adopte, comme une base de sa Constitution et de ses relations avec les puissances étrangères, la volonté de ne jamais porter chez elles la guerre que pour le maintien de sa liberté ; elle doit, par conséquent, accueillir les étrangers qui se présentent dans son sein, sans favoriser ce que les rassemblements auraient d'hostile contre les puissances voisines ; ceci posé, vos comités ont pensé qu'il fallait réunir dans le projet de décret les mesures qu'exige la sûreté de l'État: et celle que nécessite l'observation du droit des gens. Quant à la sûreté, vous ne serez point surpris que, nonobstant les règles générales de l'hospitalité, vos comités vous proposent de faire évacuer les villes de guerre à ces étrangers. Nous sommes dans un état de guerre; sitôt qu'il existe, de nouvelles lois prévalent dans les lieux
au'elle menace. Nos villes frontières sont autant e points importants placés sur les angles d'un
camp immense, et si nous n'avions point, dans les officiers municipaux de ces villes, une confiance qu'ils ont si bien méritée, il n'y a point de doute que nous n'eussions, pour le salut de l'Etat, le droit de faire prévaloir dans leur enceinte les maximes de la loi militaire. Quant au droit des gens, vous croirez également, Messieurs, que nous y avons satisfait, lorsque nous réduisons à la simple hospitalité les nouveaux habitants que le département du Nord vient de recevoir, et lorsqu'en les dispersant nous environnons tout ce qu'il pourrait y avoir de suspect dans leur démarche, de la surveillance des corps administratifs.
voici le projet de décret que vos comités vous proposent :
« L'Assemblée nationale, instruite qu'il se fait dans les villes de Lille et Douai et autres lieux voisins, des rassemblements d'hommes se disant Brabançons, qui paraissent avoir des chefs, et dont les projets sont inconnus ;
« Voulant concilier avec les devoirs de l'hospitalité, la sûreté des places frontières, le droit des gens et les égaras du bon voisinage, après avoir décrété l'urgence;
« Décrète que lesdits rassemblements seront dissipés, et que les personnes qui les composent, quoique libres de vivre sous la protection des lois françaises, seront provisoirement tenues de choisir leur domicile hors des villes de guerre, à moins qu'elles n'y forment des établissements permanents ou qu'elles n'y trouvent des cautions ;
« Enjoint aux corps administratifs et municipaux ae veiller à ce qu'en aucun lieu, ni ces personnes, ni autres étrangers, ne forment aucun rassemblement en corps, soit armé, soit sans armes.
« Approuve les mesures prises par le directoire du département du Nord, et les districts et municipalités de Lille et Douai, connues par les arrêtés des 16,17 et 18 de ce mois. »
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
Messieurs, j'ai une seule observation à faire. Nous serions inconséquents avec nous-mêmes, avec nos propres actions, si nous adoptions une caution. Elle ne serait pas suffisante pour rassurer la France entière sur les sentiments d'un grand nombre d'hommes rassemblés dans une ville de guerre. D'ailleurs il serait possible, dans l'hypothèse où ces rassemblements seraient hostiles pour nous, que chacun de ceux qui lescomposent trouvassent, parmi les aristocrates du pays, des cautions plus dangereuses encore pour la France que si elles n'existaient pas. Il faut que le seul moyen que ces hommes aient de rester en France soit un établissement durable et la caution me paraît devoir être rejetée.
, rapporteur. J'adopte le retranchement.
J'adopte les observations de M. Daverhoult, et je pense que nous devons d'autant plus éloigner tout cautionnement qu'un de nos collègues nous a déclaré hier qu'il y avait des coalitions dans les villes de l'intérieur. Ainsi, à Lille, dont on vous parle, on vous assure que 245 négociants notables ont pris entre eux la résolution d'entrer dans les complots des émigrés. Or, certainement, ces hommes-là seraient les cautions de ces étrangers qui viendraient louer à Lille. Je demande qu'il n'y ait point de cautionnement.
J'ajoute une autre observation,
c'est de ne pas permettre que les émigrants brabançons fassent des établissements dans les villes frontières, attendu que, sous ce prétexte, il se ferait des rassemblements qui se reuniraient aux émigrés. Je demande qu ils soient obligés de quitter les frontières et de venir s'établir dans 1 intérieur.
Un membre : Je demande que l'Assemblée fixe la distance à laquelle ces étrangers seront tenus de se retirer dans l'intérieur du royaume. Je propose, par exemple, que les établissements permanents ne soient pas soufferts à plus de 12 ou 15 lieues des frontières.
La plupart des préopinants supposent que les patriotes brabançons sont des ennemis de notre Constitution, ou ont des relations avec nos rebelles. Cela n'est pas prouvé; mais ce qui est certain, c'est que Leopold a dissous les Etats de Brabant, et que ce pays est rempli de mécontents. Un grand nombre de personnes persécutées fuient le pays. En se conformant, avec les souverains voisins, aux égards qu'exige le bon voisinage, nous ne devons point persécuter ces bons patriotes qui viennent chercher chez nous la liberté; d'autant plus que l'empereur, d'après une lettre du second bataillon du département du Nord, ne prend point de mesures pour dissiper les émigrants français sur les terres d'Allemagne. Je ne vois pas pourquoi vous empêcheriez rétablissement d'un homme qui présenterait la caution d'un parent, d'un ami; je ne vois pas pourquoi vous repousseriez chez eux des hommes qui fuient la tyrannie. Nous ne devons pas mettre tant d'entraves à cette liberté qu'ils viennent chercher. Je demande, en appuyant le projet de décret, que l'on mette les mots « établissements de commerce », et je conclus à ce que vous ne persécutiez point, comme on vous l'a proposé, les patriotes du Brabant.
jeune. L'Assemblée paraît n'être en dissentiment que sur deux objets. Celui des cautions et celui des établissements. La radiation du mot caution a été généralement appuyée, et je crois en effet qu'il faut annuler ce mot parce qu'il pourrait prêter aux ennemis du bien public de puissants moyens de vous nuire ; mais il n'en est pas de même de l'autre objet. Vos comités réunis avaient demandé d'abord qu'il fût défendu aux habitants du Brabant de s'établir sur les frontières; cependant, il est bientôt revenu de cette idée, parce qu'il a été prouvé qu'un grand nombre de patriotes brabançons ou d'autres étrangers avaient déjà formé des établissements en France et devaient incessammenty transporter leur maison de commerce; que, sous ce rapport, si vous ne donniez point la permission de former un établissement, les dépôts qui y sont déjà devraient être détruits, puisque ces citoyens n'auraient plus la permission de s'y établir, et qu'ainsi vous perdriez une source abondante de richesses.
C'est pourquoi, Messieurs, en me résumant, je dis qu'on doit effacer le mot caution ; mais qu il faut soutenir les établissements, parce qu'ils sont d'accord avec les principes de la saine politique et qu'ils ne peuvent pas nuire à la sûreté de l'Etat.
Je crois qu'il faut établir une distinction entre des établissements et des rassem-I blements. Je distingue les émigrés brabançons ou prétendus émigrés brabançons, qui se rendent à Douai ou à Lille et qui ont une solde par jour. Ces gens-là ne viennent certainement pas
former des établissements et doivent être suspects ; nous ne devons point les repousser, cela n'est pas dans les intentions du comité ni de l'Assemblée, mais nous devons les contraindre à :se rendre dans l'intérieur du royaume à 20 lieues «des frontières.
Nous ne devons pas faire et nous ne devons pas souffrir que l'on fasse ce que nous reprochons aux puissances de faire; nous ne devons donc pas permettre des rassemblements sur nos frontières sous quelque prétexte que ce soit. Nous ne devons pas non plus repousser des citoyens qui, comme on l'a dit, fuient la tyrannie pour venir vivre sur la terre de la liberté. Mais cette liberté existe dans l'intérieur du royaume comme sur les frontières ; par conséquent, ces prétendus émigrés ne peuvent pas trouver mauvais qu'on exige d'eux, pour la sûreté de l'Etat, d'entrer dans 1 intérieur et à 20 lieues des frontières. Je ne suis pas d'avis qu'on puisse dispenser de cette disposition ceux qui pourraient faire des établissements, parce que, sous prétexte de faire des établissements, on resterait sur les frontières pour aider les projets hostiles des contre-révolutionnaires.
D'ailleurs, Messieurs, si, sous prétexte d'établissement, vous permettiez sur vos frontières de grands rassemblements, il en résulterait que les émigrants dont vous demandez la dispersion aux puissances et aux princes voisins, pourraient rester réunis et assemblés sous ce même prétexte d'établissement. Depuis la Révolution, nous sommes en quelque sorte en convalescence. Je ne crois donc pas qu'il y ait lieu d'adopter ni la disposition de la caution, ni celle de l'établissement, et je pense que ces particuliers ne doivent recevoir l'hospitalité que dans l'intérieur du royaume.
Il n'est pas bien prouvé que les Brabançons mécontents qui se trouvent a Lille et dans nos départements frontières, aient le projet de bouleverser le gouvernement des Pays-Bas autrichiens. Ils n'y forment point d'attroupements séditieux ; mais ils viennent de préférence s'établir sur nos frontières parce qu'étant plus près de leur patrie, ils ont plus de facilité pour toucher les revenus dont ils ont besoin pour vivre en France. (Murmures.) Ils ne doivent pas inquiéter l'Empereur, comme les rassemblements de Worms et de Coblentz inquiètent la France. Il est bien étonnant, Messieurs, que l'on soit si fort empressé de rendre la nation française l'instrument des vengeances et de la haine de Léo-pold. (Murmures.)
Quoi qu'il en soit, quant à présent, la matière ne me paraît pas assez éclaircie, pour que l'Assemblée puisse rendre un décret, il ne faut pas prodiguer les décrets d'urgence. (Murmures.) Je ne crois pas que, dans la circonstance, le décret d'urgence soit absolument indispensable; cette mesure doit être réservée pour les cas extrêmement pressants. Je demande que le décret soit rendu dans les formes de la Constitution : c'est-à-dire après les trois lectures.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
On demande que la discussion soit fermée. (Non! non!)
Je demande la parole.
Messieurs, un fait hâtera sansdoute votre délibération. J'ai reçu ce matin une lettre du Brabant. dont je crois le contenu fait pour intéresser 1 Assemblée. Il y est positivement arti-
culé que les États du Brabant et des Pays-Bas se sont séparés sans payer les subsides demandés par le gouvernement de l'empereur, En conséquence; l'empereur a fait contre eux une proclamation où il les rend responsables de tous les événements et qui, entre autres mesures, révoque l'amnistie donnée ci-devant à ceux qui avaient eu part à la révolution précédente. La même lettre annonce que la fureur de l'émigration est si grande, parmi les jeunes gens de Bruxelles, que les pères prudents prennent le soin de les enfermer pour empêcher leur éloignement.
Un membre : Je crois^que le moyen de concilier toutes les vues, c'est de ne prendre qu'une mesure provisoire jusqu'à ce qu'on soit certain des rassemblements. Nous devons sans doute à la tranquilité publique la plus grande surveillance; mais nous ne devons jamais la séparer du droit des gens et des devoirs de l'hospitalité.
, rapporteur. On a fait plusieurs objections au projet des comités. La première est relative aux cautions. Je l'admets et je raye le mot caution, parce qu'il pourrait devenir une source d'abus pour les mauvais citoyens.
La seconde objection porte sur le mot établissement. Je ne répéterai point ce qui a été dit très sensément et très judicieusement par plusieurs préopinants sur l'impolitique qu'il y aurait de rejeter du sein de la France des étrangers qui viendraient y faire des établissements. Mais je vais opposer cette réflexion au sentiment d'un des préopinants : c'est que dans le cas où la loi serait absolue et où elle n'excepterait point les établissements, les municipalités et corps administratifs ne pourraient apporter aucun adoucissement, ne pourraient l'expliquer en aucune manière et seraient contraints de l'exécuter avec la plus grande rigueur, même envers les citoyens dont les établissements sont utiles. Si, au contraire, la loi renferme l'expression d établissement, le corps administratif et la municipalité conservent le droit d'examiner, le droit de reconnaître si se sont des établissements utiles, ou seulement des ligures d'établissement. Aussi, le mot établissement n'est nullement à rejeter dans lè projet de décret et doit être conservé.
Une troisième objection a été faite et elle est résumée par la motion de M. Emmery tendant à renvoyer les émigrés brabançons dans l'intérieur du royaume. Cette opinion a été discutée dans les comités réunis, et la grande majorité de ceux qui les composent a été convaincue que c'était donner à l'arbitraire une trop grande étendue : que c'était faire un sacrifice trop grand à notre situation que de ne point permettre aux Brabançons d'habiter dans le voisinage des fron-tièrs ; que l'exception que subissent à cet égard les principes, en considération de notre situation actuelle, ne pourrait être étendue sans une souveraine injustice et qu'enfin il serait temps de prendre à cet égard des mesures, si les rassemblements augmentaient et s'ils devenaient plus dangereux.
Enfin je réponds au dernier opinant, sur son désir que le décret soit provisoire, que sa con-texture même le rend tel, et que le mot provisoirement se trouve dans le dispositif du décret, puisqu'il est dit : «... seront provisoirement tenues de choisir leur domicile hors des villesde guerre... »
En conséquence, voici comment serait rédigé le projet de décret (1) :
« Voulant concilier avec les devoirs de l'hospitalité, la sûreté des places frontières, le droit des gens et les égards du bon voisinage, après avoir décrété l'urgence ;
« Décrète que les dits rassemblements seront dissipés, et que les personnes qui les composent quoique libres de vivre sous la protection des lois françaises, seront provisoirement tenues de choisir leur domicile hors de la ville de guerre, à moins qu'elles n'y forment des établissements permanents et reconnus utiles.
« Enjoint aux corps administratifs et munici-pauxde veiller en ce qu'en aucun lieu, ni ces personnes, ni autres étrangers, ne forment aucun rassemblement ou corps, soit armé, soit sans armes.
« Approuve les mesures prises par le directoire du département du Nord, et les districts et municipalités de Lille et Douai, connus par les arrêtés des 16, 17 et 18 de ce mois. » Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix ! Un membre : Il n'y a pas lieu au décret d'urgence et je le prouverai. Messieurs, vous n'avez point encore de décrets qui soient d'une nature plus importante, qui méritent une attention plus sage, plus réfléchie que celui que vous avez à porter. L'article du projet de décret définitif, qui éprouve avec raison des contestations dans l'Assemblée, est relatif à la question de savoir si, par des circonstances du moment, que nous n'envisageons pas tous de la même manière, on peut violer les Droits de l'homme. (Murmures.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
Je demande la parole là-dessus. (Bruit.) ,
Je mets aux voix la proposition de fermer la discussion. (Il s'élève ae violentes réclamations).
Monsieur le Président vous avez accordé la parole à Monsieur, vous devez la lui maintenir.
Le même membre qui combat Vurgence. On vous rappelle, Monsieur le Président, que vous n'avez pu mettre aux voix si la discussion serait fermée sur le décret d'urgence au moment où je proposais mon opinion contre ce décret. Le projet du comité mérite une attention plus réfléchie que celle que nous avons apportée. Vous ne pouvez disconvenir qu'il n'est permis en aucune circonstance de violer les Droits de l'homme. (Murmures prolongés.) Plusieurs membres parlent dans le tumulte.
Le même membre : Vous devez considérer les Brabançons ou comme en état de rassemblement ou comme des citoyens ayant adopté le pays dans lequel ils doivent vivre. Dès que vous avez une disposition qui dissipe le rassemblement et sur laquelle tout le monde est d'accord, vous ne pouvez plus les considérer que comme des étrangers naturalisés en France et vous ne pouvez pas les condamner à habiter une portion ae territoire plutôt qu'une autre, ils sont les maîtres d'habiter partout où ils voudront. (Murmures.)
La question préalable sur le décret d'urgence! (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres demandent à grands cris que la discussion soit fermée.
, se précipitant au milieu de la salle. Je demande la parole sur la clôture de la discussion. (Rires et bruits prolongés.)
et plusieurs autres membres parlent au milieu du tumulte.
Un membre : Je demande que M. Garran soit renvoyé au pouvoir exécutif, parce qu'il y a un décret sanctionné qui l'appelle à Orléans (1).
insiste pour avoir la parole. (Non ! non !)
Voix diverses : A l'ordre ! A l'abbaye ! — A Orléans!
, s'adressant à M. Garran-de-Coulon. Monsieur, je vous rappelle à l'ordre.
Vous ne pouvez refuser d'entendre la proposition de M. Garran.
Après avoir été rappelé à l'ordre, j'ai le droit de parler... (Le bruit couvre la voix dé Vorateur.)
Si M. Garran-de-Goulon veut parler sur la question de fermer la discussion, ie vais consulter l'Assemblée ; sinon il ne parlera qu'à son tour.
Mais laissez-moi donc parler, vous ne savez pas ce que j'ai à dire.
Monsieur Garran-de-Cou-lon, je vous rappelle une seconde fois à l'ordre.
Un grand nombre de membres demandent la parole pour faire des motions d'ordre.
Un membre : Parlez donc, Monsieur Garran.
Je donne la parole à M. Garran pour s'expliquer et je rappellerai à l'ordre ceux qui l'interrompront.
Je demande que M. Garran soit entendu pour qu'il puisse justifier son obstination à ne pas se rendre aux ordres de M. le Président.
C'est un fait qui m'est personnel. Je sais parfaitement qu'en demandant à parler sur la clôture de la discussion, l'Assemblée a le droit de m'entendre ou de ne pas m'entendre. Ainsi à cet égard, je ne réclame pas. Ce sur quoi je réclame, Monsieur le Président, et ce sur quoi j'ose dire que vous avez eu tort ae me rappeler a l'ordre, quand je répétais sans cesse que vous n'entendiez pas ce que je vous disais, que vous énonciez mal mon opinion, c'est qu'à côté de vous, un membre qui n'a pas été rappelé à l'ordre, s est permis de dire que je désobéissais au décret de 1 Assemblée en ne me rendant pas à Orléans. (Rires.) Il croit que je manque à mon devoir. (Non! non!) Oui, Messieurs, j'irai à Orléans remplir mes fonctions quand il en sera temps et je les remplirai avec exactitude. Il n'existe point encore de décret qui m'enjoigne d'aller à Orléans, et j'ai dû le dire.
Plusieurs membres : A la question !
Je demande maintenant, Monsieur le Président, que l'Assemblée décide si vous avez le droit de me rappeler à l'ordre, ou tout au moins que le membre qui m'a inculpé y soit rappelé.
Plusieurs membres : A la question!
quitte la tribune.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je demande la question préalable sur le décret d'urgence.
Je demande la question préalable sur le projet présenté par M. Ramond. C'est une mesure qui me paraît très fausse, très injuste, très imprévoyante, que de considérer comme un rassemblement l'arrivée de certaines personnes qui ne sont pas même en armes. Je demande seulement que l'on approuve la conduite des corps administratifs, et que l'on passe à l'ordre du jour.
Je demande à faire une motion d'ordre sur la délibération afin de supplier l'Assemblée de ne pas s'écarter aujourd'hui d'une forme extrêmement sage, celle ne jamais délibérer sur un projet de décret, précédé d'un décret d'urgence, sans que ce projet ait été imprimé. J'ai écouté très attentivement ce qui a été ait pour et contre le mot établissement; et je déclare que mon opinion n'est pas formée, parce que je ne sais pas former mon opinion sans des méditations très réfléchies, très mures, dans mon cabinet.
Il est consigné dans les procès-verbaux que les personnes composant les rassemblements sont protégées par le ci-devant duc de Charost-Béthune, aristocrate enragé depuis la Révolution : elles sont donc suspectes. Il est d'ailleurs démontré que ce qu'on appelle dans les Pays-Bas les amis de la liberté, les véritables Vonckistes, désapprouvent ces attroupements, et attendent de la raison et du temps, le moment et l'époque de leur liberté. Par conséquent, Messieurs, fl importe à la liberté française de prononcer le plus tôt possible sur la dispersion de ces attroupements. Quand bien même nous n'aurions que aes soupçons, soupçons qui, certes, sont fondés, puisque M. de Béthune se présente pour protéger ces rassemblements, je conclurais toujours au décret d'urgence et à l'adoption du décret, en supprimant le mot caution.
Un membre : Je rappelle à l'Assemblée qu'il existe une loi ordonnant l'impression des projets de décret.
Plusieurs membres : L'ajournement à demain et l'impression du projet de décret !
D'autres membres : La question préalable !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer, ordonne l'impression du projet de décret et ajourne la suite ae la discussion à demain.)
Je rappelle à l'Assemblée qu'elle doit s'occuper aujourd'hui de la nomination d'un vice-président.
(L'Assemblée se retire à deux heures dans ses bureaux pour nommer un vice-président, et se réunit un quart d'heure après.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre des administrateurs du département de l'Yonne qui demandent à être entendus à la barre.
(L'Assemblée décide qu'ils seront admis à la barre à la séance de ce soir.) . 2° Lettre des sieurs Duprat et Demandres qui demandent également à être entendus à la barre.
(L'Assemblée décide qu'ils seront admis à la barre à la séance de ce soir.)
La parole est à M. le ministre de la marine, pour donner communication à l'Assemblée de certains faits relatifs à l'insurrection de l'équipage de la frégate l' « Embuscade. »
, ministre de la marine. Messieurs, j'ai eu l'nonneur de vous communiquer, le 23 novembre dernier (1), les copies des lettres qui m'avaient été écrites de Rochefort, sur le soulèvement de l'équipage de l'Embuscade et le retour de cette frégate en France. Vous avez vu que le roi m'avait ordonné de faire juger la conduite de cet équipage, suivant les formes établies par les lois. Je crois devoir informer l'Assemblée nationale des raisons qui ont retardé jusqu'à présent l'exécution de ces ordres.
Quelques personnes ont pensé que la loi d'amnistie n ayant pas été publiée dans les îles du Vent, où cette frégate était stationnée, avant l'époque du soulèvement de l'équipage, les délits dont il peut s'être rendu coupable, quoique commis postérieurement à la date de cette amnistie, devaient y être compris. La municipalité de Rochefort a cru même devoir adopter cette opinion, puisqu'elle a fait publier l'amnistie à bord de la frégate; mais il est possible aussi que les officiers municipaux, qui se sont d'ailleurs conduits avec beaucoujp de zèle et de fermeté, aient cru ce moyen indispensablement nécessaire pour parvenir à calmer l'équipage, à faire renaître l'ordre et faire mettre en liberté le capitaine et les officiers.
Quels qu'aient été les motifs de cette publication, le roi n'a pas pensé qu'il fût possible de donner à l'amnistie une pareille extension ; il est certain qu'une loi n'est obligatoire que du moment qu'elle est connue de ceux qui doivent l'exécuter ; mais ce principe ne paraît pas susceptible d'être appliqué aux déterminations du genre de celles d'une amnistie, qui doivent, par leur nature même, avoir une date précise, commune à tous les lieux, et qui ne peuvent se rapporter qu'à des faits antérieurs à cette date. Il serait extrêmement dangereux de les appliquer à des faits postérieurs, puisque dans le cas où l'on serait instruit de l'existence de cette loi quelque temps avant sa publication officielle, comme cela arrive souvent, on pourrait, dans cet intervalle, commettre des crimes avec l'assurance de l'impunité. Et je puis d'autant plus faire cette observation qu'il y a à la mer, dans ce moment-ci, des bâtiments à bord desquels on pourrait prétendre que cette amnistie n'est pas légalement publiée, et se livrer aux plus grands excès.
J'ai pensé qu'il était nécessaire que l'Assemblée nationale voulût prononcer de la manière
la plus formelle sur une opinion dont les conséquences paraissent être aussi nuisibles à la
sûreté de l'Etat; et en attendant cette décision, j'ai cru ne devoir rien proposer au roi
pour changer cette disposition ; mais le capitaine et l'état-major de l'Embuscade qui
devaient, suivant la loi, former la plainte, m'ont écrit pour représenter que l'équipage de
cette frégate s'était toujours bien conduit jusqu'au moment de son insurrection, qu'il avait
été conduit en France par des suggestions étrangères, et trompé par les faux avis qu'on lui a
donnés, et qui avaient pour objet de
Les officiers croient, par conséquent, que cet équipage, séduit et trompé, est susceptible d'indulgence, et ils demandent à être dispensés de porter la plainte. Le capitaine, M. d'Orléans, est venu lui-même à Paris, présenter la demande de son état-major et l'appuyer des plus vives sollicitations. Je joins mes instances a celles de ces généreux officiers; et je désire ardemment que PAssemblée ne pense pas qu'il est impossible, dans cette circonstance, de ne pas armer la sévérité des lois. On préviendrait le mauvais effet qu'on pourrait craindre de cet exemple d'impunité en constatant parfaitement les motifs de cette indulgence, et en ne laissant subsister aucun doute sur l'improbation de la conduite de cet équipage.
J'attendrai la décision de l'Assemblée nationale, pour le faire congédier et remplacer par un autre ; et j'observe qu'il est bien nécessaire que cette mesure soit prise le plus tôt possible, afin de faire cesser les dépenses que la conservation de cet équipage entraîne, et pour rendre aux gens de mer qui le composent, fa liberté de retourner chez eux, et de s'y reposer des fatigues de leur campagne.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de marine!
Vous avez renvoyé à votre comité colonial différentes pièces qui vous ont été adressées relativement aux troubles qui ont eu lieu à la Martinique, à la Guadeloupe et à Sainte-Lucie, pour qu'il vous en fît le rapport, et je n'en entends point parler.
Un membre, rapporteur des comités colonial et de marine réunis : Il est prêt!
Or, Messieurs, il est impossible que l'Assemblée prenne une détermination sur les affaires de Saint-Domingue, sans avoir en même temps une parfaite connaissance de celles de la Martinique et de la Guadeloupe, parce que ce rapport, combiné avec l'autre, donnera la suite d'un plan général de contre-révolution dans les colonies. Je demande donc que la question sur la Martinique et la Guadeloupe soit ajournée à demain en huit, et que le rapport qui vient d'être fait par le ministre de la marine soit renvoyé au comité colonial.
M. le rapporteur des comités colonial et de marine réunis. Le rapport sur l'insurrection de l'équipage de la frégate l'Embuscade était mis à l'ordre au jour de ce soir; il était prêt à vous être présenté
Èar les deux comités que vous en avez chargés. [. le ministre de la marine vient réclamer une décision sur la conduite de cet équipage, et l'état-major paraît demander une espèce ae grâce. Si vous jugiez à propos de renvoyer à vos comités le mémoire que M. le ministre ae la marine vient de vous lire, cela n'arrêterait pas le rapport que j'aurai l'honneur de vous présenter ce soir en leur nom.
Un membre : Si on accorde une espèce de grâce à l'équipage de l'Embuscade, ce sera accorder une espèce de grâce à l'état-major.
L'état-major qui demande grâce
pour les autres en a peut-être plus besoin que l'équipage.
Un membre : Je demande que le rapport des comités colonial et de marine réunis soit fait en même temps que celui sur les troubles de la Martinique.
J'appuie cette motion. L'insurrection de l'équipage de l'Embuscade a des rapports très intimes avec les troubles de la Martinique. Les deux rapports doivent donc être faits en même temps. Je demande que ce soit dans un bref délai, car on profite de ces renvois pour jeter dans les esprits les idées les plus fausses sur l'état et les affaires des colonies.
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion, renvoie le mémoire du ministre de la marine aux comités colonial et de marine réunis, et décrète que le rapport relatif à la frégate l'Embuscade se fera mercredi de la semaine prochaine, en même temps que le rapport sur les colonies.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret au comité de Vordinaire des finances sur les moyens à prendre pour établir des caisses d'échange des assignats de cinq livres dans les districts (I). •
, rapporteur. Messieurs, en examinant les différentes objections que l'on a faites hier au projet du comité de l'ordinaire des finances, votre comité en a admis plusieurs, et il s'est déterminé à adopter, pour base de la répartition, la base des impositions. Voici les deux articles qu'il m'a chargé de vous proposer en remplacement de l'article. 2 du projet primitif; ils deviendraient les articles 2 et 3 :
Art. 2.
« Sur les 60 millions en assignats de 5 livres, mentionnés en l'article ci-dessus, 50 millions seront employés dans les départements, dans la proportion au sixième de leurs contributions directes, et 10 millions seront employés aux payements journaliers de la trésorerie nationale. »
Art. 3.
« Les 50 millions à envoyer dans les départements seront répartis dans les proportions de moitié des frais qui doivent être payés pour la guerre, d'un quart pour ceux de la marine et d'un quart pour les irais du culte. »
Plusieurs membres demandent la priorité pour l'ancien article 2 du projet du comité.
J'appuie la nouvelle rédaction du comité, comme plus juste et moins susceptible d'inégalité et de faveur; mais je demande qu'il soit fait un fonds de 10 millions pour réparer les inexactitudes et être distribués sur les demandes motivées des directoires.
Je ne suis pas de l'avis du comité. Je pense, au contraire, que la répartition doit être
faite, non pas dans la proportion des contributions, mais en raison inverse des
contributions. A qui devez-vous accorder une plus grande quantité de petits assignats ?
C'est sans doute à ceux à qui des besoins de tous le moments les ren-
Les.départements qui payent le plus d'impositions sont les plus riches ; ils auront toute la faveur, ceux qui en payent le moins sont ceux qui vivent de produits industriels; ils ne sont pas aussi riches que ceux qui ont dp grands produits .territoriaux, e,t ils seront les plus mal partagés. Le département de la Lozère, par exemple, ne compte que des manufacturiers. C'est là que l'ouvrier pauvre réclamé, une plus grande quantité de numéraire. C'est donc à celui-là, si vous voulez favoriser le commerce et l'indieence, que vous devez une plus grande portion dé petits assignats dans la répartition. Je demande donc que l'on suive la base de la population.
Plusieurs membres : Cette motion n'^st pas appuyée 1 , .
Pardon, elle l'est!
Je soutiens, comme vient de le dire M. Chabot, que la base la plus sûre est celle des besoins, c'eSt-à-dire de la population : il faut mettre le plus promptement possible en circulation une grande quantité d'assignats de petite valeur ; il faut que les receveurs de district soient promptement mis en état de faire leurs payements;, or, dans l'hypothèse du dernier projet de décret, le département de la Lozère qui ne paye que 600,000 livres n'aurait pas de quoi faire ses appoints, tandis que celui ae la Cote-d'Or, qui passe 4 millions, en aurait trop»
Je demande que l'on substitue à ces combinaisons partielles et fautives, la proportion plus sûre de la représentation nationale : que 10 millions soient affectés au service des caisses ; que 10 millions soient employés aux appoints dans les départements de la guerre et de la marine; que les 40 autres millions soient, Comme le comité le propose, distribués entre les départements, dans la proportion de la représentation nationale, pour être employés aux payements du culte, des ponts et chaussées, etc.
Je demande que le directoire ne soit point compris dans les bases de cette distribution.
Un membre, député du département de la Corse. Si l'Assemblée adopte la proposition de la population et des contributions, ie département de la Corse qui n'entrerait que pour une partie infiniment petite dans le diviseur commun, n'aurait peut-être pour sa part proportionnelle que 60 ou 80,000 livres en petits assignats, tandis qu'il a à solder 4,000 hommes de troupes, 2,000 nommes de gardes nationales. Lorsque les assignats parurent dans ce département, il fut difficile de faire croire au peuple qu'un morceau de papier pouvait remplacer l'argent. Ce n'est qu'en lui disant que du crédit du papier dépendait le succès de la Révolution, qu il obtint en effet un crédit réel, «t que le peuple l'accueillit avec le même enthousiasme, avec lequel il avait applaudi à la Révolution elle-même ; à présent encore les assignats perdent moins en Corse qu'au Palais-Royal ou sur la place de Paris. Si vous voulez soutenir ce crédit, qui est plus fondé sur l'enthousiasme et sur l'opinion que sur la connaissance qu'a le peuple de la théorie des assignats et de leur hypothèque, facilitez les échanges ; que nos pauvres prêtres, qui sont aussi patriotes que ceux ae beaucoup d'autres départements, ne soient plus obli-
gés d'attendre neuf mois pour recevoir un assignat de 500 livres qui, étant indivisible par le défaut de papiers de moindre valeur, ne peut s'accommoder à des payements de trimestre.
Je suis humilié de demander une exception dans iine matière où tous les départéments sont intéressés; j'ai cru devoir en donner les motifs. La quantité d'assignats de 5 livres, qui me paraît nécessaire pour le service des caisses dans mon département, est de 4 à 500,000 livrés. Si toutefois cette exception pouvait avoir le moindre inconvénient, comptez assez sur le patriotisme des Corses pour croire qu'ils se condamneront volontiers à tous les sacrifices. (Applaudissements.)
, rapporteur, propose de faire une exception en faveur du département de la Corse.
Il faudrait faire plus de trente exceptions si l'on voulait être d'accord avëc les besoins particuliers. Mais il s'agit de prendre une mesure générale, et je demande que l'on suive dans la répartition la double base de l'impôt et de la population. .
L'Assemblée me paraît convaincue que pas une des solutions de la question soumise à sa délibération n'est exempte d'inconvénients; elle devait aussi se convaincre que, puisqu'il ne s'agit que d'un mode provisoire de distribution qui doit nécessairement se faire par le canal des caisses publiques, cette question n'a pas réellement l'importance qu'on y attache. Comme on doit naturellement présumer que là où la population et la contribution sont plus considérables, là aussi le besoin des appoints dans les caisses et les besoins de la circulation sont plus grands : cette base me paraît la moins fautive. Je demande que la nouvelle rédaction des articles soit adoptée.
Quelques membres se livrent à de nouveaux développements systématiques en faveur de différents modes de répartition.
D'autres membres parlent sur les subdivisions de la répartition dans les districts et dans les cantons et demandent que, pour cela, on s'appuie sur les trois bases de la population, des contributions et du territoire.
s'oppose à ce qu'on prenne comme base de répartition la base de territoire.
résumé les diverses propositions-
(L'Assemblée,consultée, décrète que là répartition se fera entre les départements, d'après les bases de leur représentation à l'Assemblée nationale, et entre les districts, d'après celles de leur population et contribution.)
Après quelques débats et divers amendements adoptés, les articles 2, 3 et 4 (nouvelle rédaction du comité)^ destinés à remplacer les articles 2 et 3 du projet primitif, sont adoptés dans les termes suivants :
Art. 2.
« Sur les 60 millions mentionnés en l'article ci-dessus, les commissaires de la Trésorerie nationale en enverront, d'ici au 15 janvier prochain, 50 millions dans les départements, d'après la répartition qu'ils en formeront, en prenant pour base la représentation nationale, les 10 millions restant devant être employés aux payements journaliers de la Trésorerie nationale.
Art. 3.
« Sur les 50 millions qui seront envoyés dans les départements, 8,850,500 livres serviront au
payement de moitié des frais de la guerre du mois de janvier prochain, 1,328,587 livres au payement du quart du service de la marine, et 40,121,813 livres seront adressées aux directoires de département.
Art. 4.
« Les directoires de département répartiront, d'après les bases combinées de la population et des contributions directes, entre les districts de leur ressort, les 40,121,813 livres en assignats de 5 livres ci-dessus mentionnés. Ils enverront aux receveurs de district le contingent de la répartition, qui reviendra à leur district^ et ils en donneront avis aux directoires de district. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 5 (ancien art. 4 du projet du comité) qui, après quelques amendements proposés et rejetés, est décrété dans les termes suivants :
Art. 5. (Ancien article 4.)
« Les receveurs de district emploieront les assignats de 5 livres qui leur seront adressés par les directoires de département : 1° au payement du huitième des frais du culte, ponts et cnaussées, et autres dépenses qu'ils auront à acquitter dans le trimestre de janvier prochain: 2°'a l'échange des assignats de 50 livres jusqu'à 300 livres. »
(La suite de la discussion est renvoyée à demain.)
Voici le résultat du scrutin poffl là nomination d'un vice-président. Sur 346 votants, la majorité était dè 174. M. François de Neufchâteau a réuni 202 voix. Je le proclame vice-président. (Applaudissements.)
(La séànce est levée à trois heures et demie.),
Opinion de M. Jacques-Claude Beugnot, député à l'Assemblée: nationale, sur la conduite à tenir envers les brabançons émigrés (1).
L'Assemblée nationale a sagement différé de statuer sur le projet de décret qui lui a été présenté par ses trois comités, car un intérêt politique de la plus haute importance peut être attaché à la détermination qu elle va prendre. La Révolu-
doutent ; tous voudraient arrêter, dès sa naissance, l'affranchissement du genre humain. C'est en présence de cètte grande considération que l'Assemblée nationale doit décider de sa conduite envers les émigrés brabançons, et en leur accordant ce qu'elle ne peut pas leur refuser il faut encore qu'èfle consulte ce qu'elle doit à ses propres principes, à ceux d'une politique sage, à la défense de l'Empire, et enfin au droit des gens. L'état actuel des choses doit d'abord être rap-
Belé. 5 à 600 Brabançons arrivent à Lille et à ouai ; par une sorte ae mouvement spontané, ils
ne sont précédés par aucun événement politique qui ait provoqué lèur déplacement, ils paraissent avoir des Chefs, des points de ralliement, recevoir une paye. Ils abordent le territoire de France sous (les auspices d'un homme dont les titres passés et les opinions présentes sont également suspects. M. Decharost, ci-devant duc.
Quelle partie de la France adoptent-ils potir leur rassemblement ? Celle qui, par sa position, appelle davantage la sollicitude au moment, les deux villes du département du Nord qui, én renfermant les plus puissants moyens de défense contre nos ennemis, renferment par cela même les moyens les plus dangereux de surprise contre nous-mêmes ; enfin, et u faut surtout peser cette considération, ils adoptent la partie de la France
3ui a produit les deux antagonistes les plus actifs e la Révolution, deux hommes trop profondément versés dans l'intrigue (1) pour né pas conserver des intelligences, et se ménager des sectateurs dans un pays dont, naguère, ils partageaient l'empire.
Quels sont les projets de ces émigrés? ils Sont inconnus. L'Assemblée nationale en est donc réduite à consulter sur la vraisemblancé (2);
La première qui se présente à uné défiance civique, et pardonnable sous ce rapport, c'est qu'un rassemblement aussi subit, une arrivée tellement inattendue, ayant trouvé place parmi les manœuvres des ennemis qui menacent nos frontières'; l'art de la guerre n est pas seulement affreux ; il est souvent perfide, ét les intelligences du dedans peuvent aider aux attaques du dehors. Cette hypothèse est pénible sans doute, màis, au sein des circonstances qui nous agitent, lé soupçon se change en vertu, et, ici, le.'soupçon est fondé Sur le moment, le lieu, le 'caractère du rassemblement, Pignoranèe de ses motifs et la connaissance de l'homme qui le protège.
La deuxième hypothèse ne présente peut-être pas moins de danger, mais elle consolé au moins les amis de la liberté de ce que la première a de douloureux; elle consisté à supposer que Ces Brabançons cherchent un abri contre le despotisme, sur une terré libre et hospitalière/ et
Su'ils précèdent les autres peuples de l'Europe ans 1 hommage qu'ils apportent, par leur présence, à la sagesse de nos lois et à l'excellence de nos institutions. De nouveaux changements dans le gouvernement des Pays-Bas autorisent cette conjecture et il est bien naturel que des Français aiment à y croire.
Mais, soit que l'on adopte la première ou la deuxième hypothèse, devez-vous, Messieurs, rester indifférents devant leur rassemblement? Non, sans doute. Dang lé premier Cas, les règlèà de la plus simple prévoyance vous commandent de le dissiper promptement de dessus vos frontières, et de faire rentrer, dans l'intérieur du royaume, des hommes que l'impuissance de Vous nuire obligera de vous sérvir, et qui deviendront utiles, dès qu'ils ne seront plus placés de manière à être dangereux. Si vous réfléchissez à l'importance naturelle des villes de Lille et de Douai, et à cellè plus grande qu'elles reçoivent des cirçonstànces, vous serez pénétrés de plus en plus de la nécessité de ne pas différer d'un instant cette mesure. Nous ne sommes point, et il faut bien nous èn pénêtrët,; dans un temps ordi-
naire. Nous sommes dans la crise d'une guerre de révolution, les deux villes de Lille et de Douai sont les deux points d'un camp, leur territoire forme le centre d'une armée; et la défense de l'Etat, qui est aussi une loi suprême, ne vous autorise pas seulement, mais vous commande d'en écarter tout ce qui peut être justement soupçonné.
Je ne vois pas même qu'il soit permis de composer, comme le fait votre comité, avec la rigueur des circonstances et de laisser dans les villes de guerre ceux de ces émigrants qui y formeraient des établissements; certes, s'ils ont des intentions perfides, il leur sera bien facile de former des établissements, d'assurer ensuite des relations dont ils auront un prétexte, d'aider les intrigants du dehors de la confiance qu'ils obtiendront au dedans etjl suffirait de l'un de ces établissements richement fondé, ou plutôt richement soudoyé, pour ouvrir devant nos ennemis l'une des portes de l'Empire. J'en ai dit assez sur un article qui ne peut pas être, dans l'Assemblée, le sujet de deux opinions différentes.
Dans la deuxième hypothèse, les émigrés se présentent sous un rapport aussi favorable que le premier l'est peu. Chassés de leur terre natale par le despotisme, ils viennent embrasser le sol ae la liberté. Et pourraient-ils être repoussés par le même peuple qui a proclamé les droits de f'homme à la face de tous les tyrans de la terre?
Il n'est point étonnant que ce beau mouvement ait agité l'Assemblée ; nous ne serions pas dignes de la liberté, si nous ne l'eussions pas ressenti ; mais, Messieurs, une juste réflexion vient en arrêter les effets. Que voulez-vous, que désirez-vous pour tous ces peuples qui vous regardent? une Constitution fondée sur les bases éternelles de la liberté et de l'égalité. Tout peuple qui aspire à une telle Constitution, a droit à vos vœux, et je dis plus, à vos secours. Mais ce n'est point ' là ce que le Brabant a voulu, ce qu'il voudra encore aujourd'hui. Où. faut-il chercher la cause des soulèvements qui ont agité ce beau pays ? dans une malheureuse querelle de séminaire, des discussions théologiques, un appel au pape ; vous avez vu la double aristocratie des prêtres et des nobles, diriger ces soulèvements, se partager les rôles et faire entrer, dans leurs impertinentes intrigues, jusqu'à la critique de vos propres principes.
Aussi, lorsque des députés de ces agitateurs ambitieux se présentèrent à l'Assemblée nationale Constituante, y furent-ils constamment repoussés, et ils reçurent pour réponse que la nation française ne reconnaîtrait et ne protégerait la révolution de Brabant, que quand elle serait faite par le peuple et pour le peuple, et quand elle reposerait sur son inaliénable souveraineté. Je doute que le Brabant ait depuis mûri pour la liberté, et un indicateur sûr, la nature inévitable des choses, m'atteste que son heure n'est pas encore arrivée; ainsi donc, en protégeant des rassemblements de Brabançons sur vos frontières, vous vous exposez à préparer une armée à l'aristocratie sacerdotale ou nobiliaire, une armée qui combattra vos principes, qui portera au peuple des fers plus durs que ceux qu'il reçoit aujourd'hui, car le despotisme sert quelquefois les peuples pour son propre intérêt, mais raristocratie ne les servit jamais.
Mais ce qui devient encore plus décisif, c'est que le respect de vos principes s'accorde ici avec les règles d'une sage politique. Tant qu'il n'exis-
tera pas un véritable droit des nations, il faudra bien raisonner suivant le droit public des gouvernements. Or, vous ne pouvez.pas, sans violer, avec l'empereur, les égards du bon voisinage, sans rompre la paix subsistant entre cette puissance et vous, souffrir sur vos frontières un rassemblement de Brabançons émigrés. Ce n'est pas dans cette enceinte que le principe sera contesté, puisqu'à l'instant vous en sollicitez l'application auprès de l'empereur lui-même ; et si vous hésitiez de votre côté, vous fourniriez à ce prince le sujet d'une dangereuse réponse. Calculez, Messieurs, quel poids l'intervention de Léopold pourra vous mettre dans la balance des événements qui vous attendent. Il est entouré, pressé sollicité par vos ennemis. Je crois néanmoins qu'il a voulu la paix jusqu'ici, parce qu'il était de son intérêt de la vouloir. Mais si l'aristocratie brabançonne excite de nouveaux soulèvements et que vous les protégiez, le même intérêt qui le porte à la paix doit le porter à la guerre. Je sais, Messieurs, combien des combinaisons de la politique sont importunes à un peuple régénéré; il faut cependant y descendre encore pour l'existence meme de la liberté.
Craignez de compromettre, dans une guerre inutile, le plus beau triomphe qu'elle ait encore remporté, et vous êtes comptables, je ne dirai pas à la patrie mais au genre humain, du dépôt que la philosophie vous a confié ; prévenez-la donc des atteintes que lui prépare la perversité et n'allez pas faire croire aux peuples qui ont les yeux fixés sur vous, que la liberté n est qu'un pnos-phore trompeur qui nous éblouit un instant pour nous précipiter dans un abîme.
Vous voulez, et avec raison, que la forme de votre gouvernement soit respectée; vous vous élevez, et avec raison, contre le scandaleux refuge que l'on donne à des factieux qui osent les menacer ; vous invoquez contre eux les principes du droit des gouvernements : mais pour en obtenir une prompte application, il se présente un moyen sûr, c'est d'en donner les premiers l'exemple. •
Mais en même temps que je prétends que le respect de vos principes et de ceux d'une politique sage que le soin ae votre propre défense, que tous les intérêts combinés vous obligent impérieusement à dissiper les rassemblements des Brabançons émigrés ; je crois que les saines maximes du droit des gens, que la justice, l'humanité et la générosité nationale sollicitent pour eux l'hospitalité. Il n'est pas sûr que ce soit des ennemis, mais il est sûr que ce sont des hommes ; à ce titre seul, il faut les accueillir. S'ils sont venus avec des intentions louables , ils en recevront le prix ; s'ils sont venus avec des intentions perfides, ils apprendront parmi nous à être francs et généreux.
J'appuie donc le projet du comité avec cet amendement, que les rassemblements seront dissipés, et que les personnes qui les composent, quoique libres de vivre sous la protection des lois françaises, seront provisoirement tenues de choisir leur domicile hors des villes de guerre.
Séance du mardi
La séance est ouverte à six heures du soir.
fait lecture d'une adresse du directoire du district de Saint-Fargeau, département de V Yonne, qui félicite l'Assemblée sur ses décrets contre les émigrants et les prêtres réfractaires ; ils demandent en outre des petits assignats pour accélérer le payement de l'impôt.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité des pétitions.)
a la parole pour présenter un arrêté du conseil général du département de la Loire-Inférieure : Lorsque les agents du pouvoir exécutif inondent les départements de lettres insidieuses, pour extorquer des témoignages particuliers, qu'ils s'empressent ensuite ae produire comme des témoignages de la volonté générale, il n'est pas, je crois, inutile, de vous dire ce que pensent, dans la circonstance présente, un nombre infini de citoyens d'une des plus grandes villes du royaume, recommandables, dès le commencement de la Révolution, par leur attachement aux bons principes.
Lorsque le département de Paris, au grand scandale de la capitale, je puis dire de la France entière, provoquait le veto du roi sur l'un des plus salutaires décrets que l'Assemblée nationale ait rendus, il est nécessaire de vous parler des mesures qu'a prises le conseil général au département de la Loire-Inférieure, mesures devenues indispensables dans un pays où le fanatisme lève, plus que jamais, une tête audacieuse, et menace, au premier moment, de renverser la Constitution.
Oui, Messieurs, il ne faut plus songer, à Nantes et dans tous ses environs, au maintien de la Constitution, si l'on n'envoie pas des administrateurs, chargés par état de la raire respecter, dans un pays où les manœuvres criminelles des prêtres séditieux n'ont plus de frein; où, par eux, la perception des impôts est interrompue; où, par eux, les municipalités se désorganisent, les gardes nationales mettent bas les armes ; où, par eux, les familles, jusqu'alors les plus unies, sont divisées, les tribunaux languissent, et où les ministres du culte, élus par le peuple, se voient forcés d'abandonner des fonctions que la loi les oblige de remplir, où enfin tbut est bouleversé, si l'Assemblée nationale n'approuvé pas l'arrêté provisoire dont je vais lui donner lecture :
« Du
« Le conseil général du département, considérant l'état de fermentation et de troubles où sont actuellement les habitants des campagnes, séduits par des hommes qui. abusent ae leur confiance, en mettant leurs idées religieuses en opposition avec leur soumission aux lois, a arrêté :
« 1° Que les ecclésiastiques qui ont été ci-devant amenés au chef-lieu du département, en exécution des arrêtés du directoire, et qui en sont sortis, seront tenus, dans le délai de huitaine, à compter de la publication du. présent, d'y revenir et d'y fixer leur résidence, à faute de
quoi ils y seront conduits par la force publique.
« 2° Que lesdits ecclésiastiques seront tenus de constater chaque jour à midi, leur présence, au directoire du département, en s'inscrivant sur un registre qui sera ouvert à cet effet dans un des bureaux du département.
« 3° Que tous ecclésiastiques non assermentés, qui par leurs discours, leur conduite ou leur présence, inspireraient la désobéissance aux fois, l'éloignement du culte salarié par la nation, et l'esprit de sédition et de révolte et qui égareraient les esprits, seront arrêtés et conduits au chef-lieu du département, pour y résider et y constater leur présence, Comme ci-dessus, sans préjudice de la dénonciation aux tribunaux.
« 4° Dans le cas où l'exécution des articles ci-dessus laisserait les paroisses dépourvues de ministres, il y sera sur-le-champ suppléé par M. l'évêque.
« 5° ) Charge les gardes nationaux et la gendarmerie nationale de prêter mainforte pour l'exécution du présent, et les directoires de départements et de districts de le faire exécuter en ce qui les concerne.
« Expéditions du présent seront envoyées à l'Assemblée nationale et au roi, pour être soumises à leur approbation ; au surplus, ordonne que le présent arrêté sera provisoirement exécuté, imprimé, publié et affiché. »
Suivent ces mots : « C'est le vœu général des citoyens » et 10 pages de signatures. (.Applaudissements dans les tribunes.) Je demande que le présent arrêté, que je vais déposer sur le bureau soit approuvé et que mention honorable soit faite au procès-verbal.
Voix diverses : L'ordre du jour! — Le renvoi au comité de législation !
Je demande à combattre la demande de la mention honorable.
Plusieurs membres à gauche: Non! non!
D'autres membres : Monsieur le Président, consultez l'Assemblée pour savoir si M. Duval sera entendu.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Duval sera entendu.)
J'ai été surpris, lorsqu'après lecture faite de cet arrêté, M. Goupilleau a demandé qu'il en fût fait mention honorable. Je l'ai été hien davantage lorsque j'ai vu que cet acte, parfaitement inconstitutionnel, trouvait des approbateurs.
Je ne me dissimule pas de quels dangers les prêtres factieux menacent la chose publique; mais je ne me dissimule pas non plus combien il est. dangereux que des administrateurs qui n'ont d'autorité que celle de la loi, qui ne doivent parler qu'en son nom, ressuscitent le monstre que l'Assemblée nationale a étouffé dans son sein; je veux dire l'arbitraire. (Applaudissements.) L'homme juste ne doit pas s'effrayer des dangers; il doit mourir, comme dit Horace, plutôt que d'abandonner son poste. Si on n'avait pas demandé la mention honorable, j'aurais gardé le silence; mais les administrateurs de la Loire-Inférieure ont fait, de leur autorité privée, un acte qu'ils n'ont pas plus de caractère pour faire que l'Indien, que le Japonais, un acte qui sort des bornes de la loi, et je suis monté à la tribune pour proposer à l'Assemblée de passer à l'ordre du jour. (Applaudissements.)
Les administrateurs n'ont pris cet arrêté que parce qu'il y avait de
grands troubles religieux dans le département, fis ont opposé ce remède que vous-mêmes vous aviez pris par un décret qui a subi le veto, le fatal veto. Je dis donc que puisque les administrateurs n'ont fait que suivre les dispositions du décret rendu par l'Assemblée nationale, il en soit fait mention honorable.
Plusieurs membres : La'discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Voix divérses : L'ordre du jour 1 — La question préalable !
(L'Assèmblée rejette la question préalable et passe à l'ordre du jour sur la motion de la mention honorable.)
Une députàtion du conseil général du département de l'Yonne est admise a la barre.
, orateur de la députàtion, s'exprime ainsi :
Messieurs, le conseil général du département de l'Yonne, avant de se séparer, nous a- chargés de vous présenter l'adresse dont nous allons avoir l'honneur de vous faire lecture (1) :
« Législateurs, au moment où la loi nous réunit pour acquitter les devoirs civiques que la Constitution nous impose ; au moment où des circonstances importantes fixent l'attention de tous les Français, nous vous offrons le compte des soins principaux dont nous avons été occupés ; nous vous devons laprofession publique des sentiments qui nous animent.
« Si, trop souvent, votre sollicitude est affectée par le récit pénible des désordres qu'excitent encore les ennemis de la Constitution et de la patrie, votre attention se reposera volontiers sur le tableau plus consolant d'une partie de l'Empire où la liberté s'est établie sans orage et où elle a, jusqu'à présent, régné sans licence.
« Ici, la loi a été rarement méconnue, ou bientôt la voix de ses organes lui a rendu toute sa force.
« La propriété des citoyens a été respectée, leur personne a été sacrée, la tolérance civile s'est constamment maintenue.
« Nos soldats citoyens ont volé à la frontière au delà du nombre qui leur était prescrit; deux fois autant s'enrôlaient, impatients de les suivre; ils n'attendent encore que le signal. {Applaudissements.)
« L'établissement des contributions a principalement fixé nos regards: à cette époque, les malintentionnés ont redoublé leurs efforts, ils nous ont averti de redoubler notre surveillance; l'un de nos premiers soins a été d'adresser une instruction aux habitants de nos campagnes pour les prémunir contre de funestes insinuations.
« Dans, le payement de la contribution, leur disons-nous, est la force publique ; dans la
force publique, est la garantie de cette Constitution que vous chérissez, défiez-vous de ces
ennemis perfides, qui vous flattent aujourd'hui, qui vous excitent à refuser cette dette
légitime ; bientôt, à la suite de l'anarchie, leur seule espérance, ils ramèneraient la
gabelle, les aides, les dîmes, le régime féodal, les privilèges et tous ces genres
d'oppression, sous lesquels vous avez gémi, dont votre courage vous a délivré, dont le
payement d'une contribution modérée et justement repartie, peut seule vous assurer à jamais
l'affranchissement, (Applaudissements.)
Eressement à acquitter provisoirement la contri-
ution qui nous est assignée, que nous voulons rendre a vos yeux notre demande plus favorable.
« Ici, les effets de l'émigration sont presque insensibles ; quelques hommes faibles ou dangereux ont disparu ae nos contrées ; ils ont emporté loin de nous un levain funeste.
« Les maux qu'entraîne le fanatisme nous sont encore plus étrangers.
« Dans quelques-uns de hos districts, il n'est pas un seul fonctionnaire public ecclésiastique qui ait quitté son poste.
« Dans les autres, un très petit nombre a réfusé son serment.
« Nous aimons à vous le dire* lorsque la Constitution a été proclamée, nos prêtres étaient au milieu de nous, nous les avons vus partager nos fêtes en bons citoyens ; fidèles à la foi, l'opinion publique les honore... et nous plaçons l'opinion, non pas au milieu de quelques coteries prétendues distinguées, cercles étroits plutôt que choisis, tous composés d'êtres enchaînés à d'anciens préjugés ou se traînant à l'entour de leurs vieilles habitudes-, faibles ennemis de la Constitution ou froidement indifférents pour, elle, qui, se vantant d'être l'élite de la nation, en sont a peine la superficie; atôme de peuple, imperceptible pour nous, nul aux yeux ae l'avenir.
« Nous appelons opinion publique, le sentiment ferme et profond de ceux qui servent la patrie dans les différents postes où la confiance les a placés, de ces bons et laborieux cultivateurs qui, sous l'influence heureuse de la liberté, fécondent nos campagnes affranchies ; des commerçants, dont l'industrie ranimée trouve dans nos lois bienfaisantes une vie nouvelle, enfin de ces hommes essentiellement nécessaires à l'Etat, qui vivent du travail de leurs bras et à force de sueurs élèvent encore leur famille ; c'est dans ces classes utiles que nous voyons le peuple français; c'est là que nous cherchons son opinion; c'est parmi ces hommes que la Constitution a trouvé des cœurs pour l'aimer et des bras innombrables pour la défendre,
« Messieurs, le dépôt de cette belle Constitution est placé entre deux gardiens : votre sagesse et votre courage ; pleins de confiance dans l'un et dans l'autre, nous bannissons loin de nous cette incivique impatience, au gré de laquelle est toujours trop tardive la marche des législateurs.
« Nous n'avons pas oublié que l'Assemblée constituante détruisait avec rapidité, mais qu'elle n'a recréé qu'avec une sage lenteur.
« Lorsqu'il existe des abus il ne faut, pour agir, que les connaître et avoir la force de les vaincre c'est ce qu'ont fait vos prédécesseurs à l'entrée de leur carrière.
« Aujourd'hui ce champ est moissonné, et a gloire qui vous appelle est attachée au perfectionnement des institutions civiles, économiques, commerciales : il faut de longues méditations, le concours des meilleurs esprits, la réunion et la combinaison des lumières. De cette longue et utile préparation sortira le corps des lois si désirées, mûries dans le silence, complet dans toutes ses parties, cette ouvrage imposant remplira l'attente de la nation et, semblable à Minerve, il naîtra un jour tout armé.
« Voilà, Messieurs, le but que vous atteindrez avec calme et sécurité. Hé ! où [donc est la puissance qui pourrait vous en détourner?
« Serait-ce un monarque, lié à la Gpnstitution par sa volonté, par son intérêt, par l'exercice le plus libre de sa prérogative?
« Séraient-ce des ministres perfides? Une responsabilité sévère les menace; vous les surveillerez, mais sans défiance, car vous êtes trop sages pour les réduire à l'inaction, et vous êtes trop forts pour être soupçonneux. (.Applaudissements.)
« Seraient-ce des prêtres hypocrites? Mais votre juste fermeté va bientôt faire tomber le masque et ils ne seront plus redoutables.
« Seraient-ce quelques clameurs dont les échos du Rhin retentissent? L'antre ( dé l'agiotage les répète, assurant des gains impurs sur le jëu. des terreurs et des espérances... mais vous, vous êtes couverts de vos armes et toute la France a applaudi.
« Seraient-ce enfin des rois étrangers? Messieurs, non loin de nous il existe un grand exemple et une bien redoutable leçon : dans les plaines de Morat, chez les Suisses-, nos bons alliés, quatre simples murailles forment une assez vaste enceinte, où on lit cette inscription : Le duc de Bourgogne, étant entré en Suisse avec son armée, a. laissé ces seules traces de son passage... Ces traces sont les ossements de 40,000 Bourguignons.
« Puissent la justice et la liberté triompher dans cet Empire, sans élever à la vengeance un aussi terrible monument. ( Vifs applaudissements.)
« Les administrateurs du département de V Yonne,
Signé : LEPELLETIER, président; BONNE VILLE, secrétaire-adjoint. " »
répond :
Messieurs, plus les circonstances deviennent difficiles, plus l'Assemblée nationale déploiera ce caractère de sagesse et de grandeur que votre confiance vient reconnaître en elle. Son courage sera fécondé, surtout par les vrais citoyens, qui, comme vous, Messieurs, sentirent l'intérêt que la nation a, aujourd'hui plus que jamais, d'environner ses réprésentants de l'influence auxiliaire de l'opinion publique. C'est à ces traits que l'on distingue les administrateurs du département de l'Yonne.
Les tableaux que vous venez de tracer delà situation satisfaisante de ce département; la profession dès sentiments patriotiques que vous avez développés; les exemples que vous avez heureusement choisis dans les annales du peuple de notre Europe, qui est devenu libre le premier, ont attiré également l'attention de l'Assemblée nationale.
Elle se plaît à partager vos sollicitudes en faveur des bons citoyens des campagnes, si dignes de tout son intérêt ; à cet égard, elle a retrouvé dans votre discours les dispositions dont elle est animée.
Vous avez rendu avec la même justesse les vues qui la dirigent constamment, soit dans les rapports du Corps législatif avec les autres autorités constituées, soit dans la modération des grands objets et la préparation des lois importantes dont elle est occupée.
L'Assemblée nationale vous a déjà répondu par les applaudissements dus à vos sentiments, et à la manière dont vous les avez exprimés. Elle reçoit avec plaisir l'hommage que vous venez lui onrir et vous invite à assister à sa séance. {Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète l'insertion de l'adresse au procès-verbal avec mentiou honorable, l'im-
pression et distribution de cette adresse, ainsi que de la réponse de M. le Président.)
est introduit à la barre et s'exprime ainsi :
Messieurs, j'ai présenté à l'Assemblée nationale constituante une machine pour enlever les rochers et faciliter ainsi la navigation. J'ai présenté à l'Assemblée actuelle une pétition pour lui observer que mes moyens ne me permettaient pas de poursuivre cette entreprise. J'ai obtenu des encouragements de l'Assemblée nationale. Je suis parvenu à retirer du lit de la Marne 150 rochers depuis 20,000 jusqu'à 50,000 livres pesant. Plusieurs de MM. les députés en sont témoins. (.Applaudissements.)
répond au pétitionnaire et l'inyite à assister à la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Deman-dres aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
Une députation de tailleurs de pierre, qui ont travaillé à Védifice de Sdinte-'Geneviève, maintenant le Panthéon français, est admise à la barre. Elle réclame les secours ae l'Assemblée nationale, et'la prie de décréter, comme le Corps constituant, une somme fixe par mois pour la continuation des travaux et pour venir au secours de 50 d'entre eux qui ont été renvoyés.
répond aux pétitionnaires et les invite à assister à la séance.
Il y a trois mois que l'Assemblée constituante a renvoyé à l'Assemblée actuelle les mesures à prendre pour l'achèvement de ce monument. Il y a bientôt trois semaines que le département vous a présenté un devis que vous avez renvoyé au comité, des dépenses publiques. Le rapport sur cet objet est prêt Je demande, que vous veuilliez l'ajourner a la séance de samèdi soir.
(L'Assemblée renvoie la pétition des tailleurs de pierre au comité de l'ordinaire * des finances pour en faire le rapport à la séance de samedi soir.)
, ancien capitaine d'artillerie au service de la Hollande, est admis à la barre pour présenter de nouveaux éléments de fortification et pour demander qu'on nomme des commissaires pour des expériences de nouvelles bouches à feu et de nouvelles cartouches de son invention, dont la portée est double.de celles qui sont actuellement mises en usage. (Applaudissements.) Il annonce que les procès-verbaux des expériences doivent faire trembler nos ennemis, et il offre de donner de nouveaux renseignements sur sa découverte.
répond au pétitionnaire et l'invite à assister à la séance.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fàit mention honorable au procès-verbal de l'hommage de M. Belair et renvoie l'examen dé son ouvrage au comité militaire.)
, député des Apdennes, demandeun congé de 8 jours qui lui est accordé. ,
Une députation du conseil général, du département de la Corrèxe est introduiteJx la barrç.
, orateur de la députation, s'exprime ainsi (1) :
« Représentants, le fatal veto paralyse la loi du
« Apôtres de la liberté dans l'Assemblée constituante, nous les avons bénis. Déclamateurs hypocrites au pied du Trône, nous les vouons au mépris du peuple qu'ils trompaient, au reproche éternel de la postérité qui les regarde.
« Représentants, le département de la Gorrèze nous envoie vous dire, et tous les Français s'expriment avec nous;: incapable de fraude, inaccessible à toute corruption, le peuple est tel que vous l'avez laissé; il crie de toutes parts : la Constitution ou la mort !
« Législateurs, le vaisseau de l'Etat est dans vos mains : dirigez-le hardiment, consultez pour partir les vœux de l'équipage, et dédaignez les murmures des vils insectes qui en rongent les planches. Le directoire du département de Paris avait trompé le roi ; nous avons fait 100 lieues pour le désabuser; l'événement a trompé notre espoir. Notre diligence n'a pu prévenir une détermination fatale. Législateurs, nous respecterons la loi. Nous lui obéirons, mais ne nous accusez pas des malheurs dont l'inexécution du décret du 29 novembre nous menace, et dont nous avons déjà ressenti les secousses. Enfin, [tandis que nos frères d'armes attendent aux frontières 1 ennemi ou la mort, nous, nous allons reprendre notre poste, et quand les torches du fanatisme auront pu embraser notre département, nous aurons cessé d'être.
« Les administrateurs composant le conseil du département de la Gorrèze,
« Signé : Lidon, président; Ghauffour, Ghambon, commissaires. »
Messieurs, et cette considération vous touchera sans doute, dans le département de la Corrèze, les facultés sont presque nulles ; cependant, l'impôt de 1790 y est presque entièrement recouvré; les 6 premiers mois de 1791 le sont également (.Applaudissements) et si nous avons éprouvé des retards, si désormais nous trouvons des obstacles, nous devrons tout aux troubles religieux. (.Applaudissements.)
, répondant à la députation. Messieurs, l'Assemblée nationale pèsera, dans sa sagesse ce que vous venez de lui présenter. Elle a aéjà ajourné cette question; mais elle est surtout sensible à l'expression du sentiment de soumission pour la loi, et aux protestations de son exécution que vous venez lui présenter de la part des administrateurs du département de la Corrèze. Elle vous invite à assister à sa séance. (Applaudissemen ts. )
Un membre : Je demande qu'il soit fait mention honorable de l'adresse.
J'en demande l'impression et la distribution. Il est rare de voir une adresse aussi patriotique et aussi sage. Les derniers traits en sont d'autant plus louables que le département de la Corrèze est très pauvre.
(L'Assemblée décrète que l'adresse sera insérée au procès-verbal avec mention honorable et que cette adresse sera imprimée et distribuée.)
le jeune, citoyen d'Avignon, est introduit à la barre.
Voulez-vous, Monsieur, énoncer les motifs de votre pétition.
J'en ai donné les motifs au comité des pétitions ; elle est relative à des malheurs qui me sont particuliers, ainsi qu'aux af-
faires d'Avignon et du Comtat. Je prie l'Assemblée de me laisser lire mon mémoire en entier.
Plusieurs membres : Le renvoi à dimanche!
Je mets aux voix si vous serez entendu.
(L'Assemblée, consultée, décrète que M. Duprat sera entendu.)
J'aurai fini en moins d'une demi-heure. (Murmures.)
Le pétitionnaire dit qu'il sera moins d'une heure. (Murmures.)
Vous vous êtes trompé, Monsieur le Président ; j'ai dit que j'aurai fini dans moins d'une demi-heure.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Messieurs, je 'demande à l'Assemblée que le pétitionnaire soit entendu : ce qu'il vient présenter à l'Assemblée peut m'in-culper : j'insiste pour qu'il ait la parole.
Un membre: Voilà comme on nous fait perdre notre temps pour des' affaires particulières, tandis qu'on néglige les affaires générales. Je demande que Monsieur ne soit pas entendu.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
D'autres membres : • On pourrait l'entendre dimanche (Oui ! oui !)
(L'Assemblée décide que M. Duprat sera admis de nouveau dimanche et qu'il lira ce jour-là son mémoire à la barre.)
, au nom du comité de division, fait un rapport et présente un projet de décret sur les difficultés qui se sont. élevées entre les anciens officiers municipaux de Versailles, et trois des nouveaux qui ont été nommés pour les remplacer (1). Le projet de décret est ainsi conçu :
Décret d urgence (2).
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, sur la réclamation des sieurs Lebas, Charbonnier et Haudanger, nouvellement élus membres du conseil municipal de Versailles, et empêchés dans leur installation ; considérant qu'il s'agit d'officiers municipaux suspendus dans l'exercice provisoire de leurs fonctions, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, considérant :
« 1* Que la contestation élevée par les citoyens d'une des treize sections de la ville de Versailles, contre l'élection des sieurs Lebas, Charbonnier et Haudanger, comme officiers municipaux, n'est pas susceptible d'être soumise à la décision de l'assemblée primaire des citoyens de cette ville qui les a nommés et proclamés ;
« 2* Que l'installation de ces officiers ne peut, sous ce prétexte, être retardée, et qu'aux termes de l'article 9 de la seconde section de la loi du 27 mars 1791, ils doivent demeurer dans l'exercice provisoire de leurs fonctions ;
« 3° Et enfin que le seul droit des opposants n'est, aux termes de la loi, que de se
pourvoir
« Après avoir décrété l'urgence, décrète définitivement que, nonobstant l'arrêté du directoire du département de Seine-et-Oise, du 9 présent mois, la municipalité de Versailles sera tenue de procéder, sans délai, à l'installation de tous les membres nouvellement élus à cette municipalité, sauf aux opposants de se pourvoir devant le tribunal judiciaire, en la forme prescrite par la loi, et sans qu'à raison de ce, aucune section des citoyens de la ville puisse rester assemblée ni convoquée de nouveau. »
(L'Assemblée, après quelques débats, ordonne que le projet de décret sera imprimé et ajourné à samedi.)
, au nom du comité de marine, fait un rapport et présente un projet de décret sur Voffre faite par M. Benjamin Dubois, négociant à Saint-Malo, de céder à VEtat le port de Montma-rin, dont il est propriétaire, moyennant le remboursement de ses avances, et l'honneur d'être associé à ceux qui seront chargés d'achever son ouvrage : le projet de décret est ainsi conçu (1) :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de marine, sur l'offre faite par le sieur Benjamin Dubois de céder à la nation la propriété du port de Montmarin et des établissements qu'il y a formés, moyennant une indemnité relative à ses frais et avances, décrète que le roi sera prié de nommer des commissaires qui se transporteront sur les lieux, vérifieront le plan topographique que le sieur Benjamin Dubois a déposé au comité de la marine, évalueront les travaux commencés, examineront les avantages que le commerce et la navigation pourraient en retirer, afin que, sur leur rapport, l'Assemblée nationale puisse prononcer si l'Etat doit où ne doit point accepter l'offre du sieur Benjamin Dubois. »
(L'Assemblée ordonne l'impression de ce projet de décret et l'ajournement à huitaine.)
La suite de la discussion du projet de décret sur les gardes nationales volontaires (2) est reprise.
(Mathieu). Je demande la parole pour une motion d'ordre. Depuis longtemps, l'organisation des volontaires nationaux qui sont sur les frontières ou qui doivent y aller se traîne en longueur et ne s achève point, malgré l'instance de notre situation actuelle. Je demande que, tout autre objet cessant, vous vous occupiez d'un projet de décret qui a déjà été adopté en partie.
(L'Assemblée décrété cette motion.)
jeune, rapporteur. La dernière fois vous en êtes resté à l'article 21 ; il est ainsi conçu :
« Il suffira à l'avenir que l'un des deux lieute-nants-colonels ait servi pendant 6 ans, en qualité d'officier, dans les troupes de ligne. »
Je demande la question préalable sur cet article. Il mé paraît plus prudent de laisser le
champ libre aux gardes nationales volontaires. Dans plusieurs bataillons, on n'a pas trouvé
d'officiers qui eussent les qualités requises, ou s'il y en avait, ils n'avaient pas la con-
jeune, rapporteur. La loi du 4 août est trop sévère : mais si vous y dérogez aujourd'hui, il arrivera que vos gardes nationales volontaires pourront, par leurs choix, exposer eux et l'Etat aux plus grands malheurs.
Q est question de savoir s'il faut que les lieutenants-colonels aient servi 6 ans dans les troupes de ligne. Les Français ont-ils été souvent vaincus? L'expérience prouve que la plupart de nos colonels ne connaissaient la guerre que de nom, et cependant ils volaient presque toujours à la victoire.
Si le lieutenant-colonel a la confiance de ses subordonnés, c'est l'homme qu'il faut. Je demande que l'article soit ainsi rédigé : « Les gardes nationales pourront choisir leurs seconds lieutenants-colonels, soit dans la garde nationale, soit dans les troupes de ligne. »
(Mathieu). Je demande la priorité pour la rédaction du comité. Peu importe que les lieutenants-colonels aient servi pendant un certain temps, dans un certain grade, dans une certaine arme, pourvu qu'ils aient servi. La nomination d'un lieutenant-colonel des gardes nationales qui n'auraient jamais servi, lui donnerait évidemment le commandement sur tous les plus anciens capitaines de l'armée de ligne. Qu'il ne soit pas dit qu'un capitaine qui a passé 30 ans dans sa garnison, qui a appris son métier et qui s'est distingué par son patriotisme et par un patriotisme plus difficile qu'on ne pense, celui de tenir dans un corps rempli de préjugés, ne mérite pas quelque confiance. (Murmures.)
Messieurs, l'on compromettrait ici le salut de l'armée et par conséquent celui de la patrie, si l'on ne vous disait pas que vous n'avez nulle part de plus braves officiers que ceux qui sont restés à la tête des compagnies dans les régiments, qui sont restés fermes dans leurs corps. Ils enseigneront ceux-là le métier de la guerre à nos braves gardes nationales, si dignes de les suivre ; mais il ne faut point leur donner le désagrément, dans un poste important, dans un détachement, d'être commandes par un homme qui, étant sans expérience, compromettra le salut de la chose publique. (Applaudissements )
Les gardes nationales ont toujours pris pour les commander, ceux en qui ils avaient plus de confiance et dont ils ne suspectaient pas les opinions, et de plus
3ui avaient vraiment des talents. Ainsi, en éten-ant la faculté de choisir, soit dans les gardes nationales, soit dans les troupes de ligne, vous n'excluez pas les troupes de ligne, et vous laissez aux bataillons la liberté ae se donner pour chefs ceux qu'ils jugeront mériter leur confiance. La raison présentée par M. Dumas n'est pas admissible. C'est l'orgueil qui lutte parmi les capitaines des troupes de ligne (Applaudissements), et lorsque je me trouverai dans un poste avec un lieutenant-colonel des gardes nationales à qui mes concitoyens auront cru assez de talents pour la placer dans un grade supérieur, ce sera toujours avec plaisir que je lui obéirai.
(Mathieu). Mes principes ne me sont point dictés par l'orgueil militaire. J'ai parlé de la
sûreté de l'Etat, de la; sûreté d'un poste ; et je demande au préopinant lui-même, s'il aura la même confiance dans un poste en avant-garde, si ce poste est confié à un homme qui n'aura aucune expérience des armes, qu s'il est confié à un ancien militaire.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Àssembléei ferme, la discussion.!)
Voix diverses : La priorité pour l'article,du comité ! -r La priorité pour la rédaction de M. Delmas !
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à la rédaction de M. Delmas.)
(Mathieu). Ce que je n'ai point peut-être assez expliqué, c'est que je désire que l'officier qui sera choisi ait servi dans l'armée, n'importe dans quel grade. Je demande par amendement qiïe le lieutenant-colonel ne puisse être choisi que parmi des hommes qui aient servi dans quelque arme, dans quelque grade que ce soit. (Non ! non !)
M. Delmas a fait une observation très judicieuse en disant : s'il a la confiance, c'est l'homme qu'il faut. Je lui réponds, moi : éclairons cette confiance ; faisons en sorte qu'elle ne puisse pas être appliquée d'une manière nuisible au bien du service. Il faut qu'on ne puisse choisir parmi les candidats qu'un homme qui ait quelque expérience antérieure. Je trouverai tout simple de me trouver aux ordres d'un vieux soldat. Il n'y a pas un de nous qui, à la guerre, n'ait consulté avec fruit, avec quelque respect, un vieux sergent, un vieux caporal. Que celui-là soit élevé au grade de lieutenant-colonel, fort bien. 11 n'y a pas un brave homme qui commande une compagnie d'infanterie qui ne le trouve tout simple ; mais celui que la seule faveur, que la seule popularité, que je respecte, élèvera à ce grade sera peut-être le moins propre au commandement. Je sais bien qu'il ne iaut s'arrêter à aucun préjugé, et moins encore aux préjugés militaires ; mais ce à quoi il faut regarder de très près, c'est à la sûreté des opérations militaires. Voilà ce qui me fait motiver l'amendement que je propose.
Je combats l'amendement de M, Dumas, et je le combats avec les propres principes qu'il vient d'exposer. M. Dumas vous a dit pour base de son opinion, qu'il fallait porter une loi telle que la garae nationale choisît un homme qui ait quelque expérience, et pour prouver son assertion, il a ajouté -qu'il fallait alfer chercher cet homme dans l'armée de ligne.
(Mathieu). Je n'ai pas dit cela.
Vous avez voulu tout au moins restreindre le choix de nos gardes nationales, sur des hommes qui auraient l'habitude du service.
Je demande à l'Assemblée, je demande à la nation, si tous les Français n'ont pas, depuis deux ans,l'expérience du service militaire..(Eh! eh!) Je demande si Washington avait servi, avant la révolution de son pays, autre part que dans les troupes patriotes....
Plusieurs membres : Oui ! oui I II avait servi !
Nous ne devons point limiter le droit d'élection. La garde nationale doit avoir le droit de choisir ses chefs, soit dans les citoyens des troupes de ligne, soit dans les gardes nationales.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement de M. Dumas !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de ML Dumas.)
Voici la rédaction de l'article de M. Delmas:
Art. 21.
« Les deux lieutenants-colonels de chaque bataillon des gardes nationales pourront à l'avenir être choisis, soit. dans les. troupes de ligne, soit parmi les citoyens servant dans les gardes nationales, et qui réuniront les qualités exprimées dans le décret du 29 novembre, l'Assemblée nationale dérogeant à l'article 10 de la loi du 4 août dernier. »
(L'Assemblée décrète cette rédaction.)
jeune, rapporteur, donne lecture des articles 22 et 23, qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 22.
« L'adjudant-major et l'adjudant sous-officier seront remplacés, ainsi qu'il est dit du quartier-maître, article 16 du décret du 4 août dernier. »
Art. 23.
« Lorsque les bataillons et les compagnies de gardes nationales volontaires se formeront en assemblée électorale, pour le choix de leurs officiers ou sous-officiers, ils seront soumis aux règles prescrites par les articles 1 et 2 de la section IV du titre III de la Constitution française, pour la tenue des assemblées électorales. »
jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 24, qui est ainsi conçu :
Art. 24.
« Les bataillons des gardes nationales volontaires seront logés de préférence chez les habitants, et à raison d'un lit par homme ; lorsqu'il y aura des casernes vacantes, ils {les occuperont, afin de diminuer la charge des citoyens. »
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable.)
Après une longue discussion et l'adoption de deux amendements tendant, le premier à introduire dans l'article les mots : « d'un lit pour deux gardes nationales », le'second tendant à la suppression des mots : «de préférence », l'article 24 est adopté, sauf rédaction.
jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 25, qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 25.
« On ne fera préparer, qu'en vertu d'un décret du Corps législatif, lé logement des gardes nationales volontaires dans les édifices nationaux, et on n'obligera jamais pour ce même objet les citoyens à donner des fournitures. »
jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 26, qui est ainsi conçu :
Art. 26.
« Lorsque les gardes nationales volontaires seront logées chez les habitants, ils auront place au feu et à la chandelle ; lorsqu'ils seront logés à la caserne, ils recevront le bois et la lumière
ainsi que le reste des fournitures des casernes, sur le même pied que les troupes de ligne. Le département de la guerre sera chaque année, en vertu d'un décret au Corps législatif, remboursé des sommes qu'il prouvera avoir dépensées pour cet objet, »
(Mathieu). J'observe que nos bataillons de gardes nationales volontaires étant actuellement répandus dans des cantonnements sur la frontière, étant déjà restés plusieurs mois, et vraisemblablement devant rester encore longtemps dans des villages qui ne sont pas très riches, où if n'y a pas beaucoup de commodités, ont certainement des raisons très fondées pour demander cette fourniture de bois et de chandelle. Ceci a été tiré de l'usage des ordonnances, mais cet usage, est plutôt pourdes marches de régiment que pour des cantonnements fixes. On ne peut pas assimiler cela à un casernement. Ainsi je trouve que si on rembourse les frais de bois et de lumière fournis aux gardes nationaux, il est certain qu'on doit traiter demême ceux qui seronten cantonnement. Il y a déjà eu des plaintes à cet égard, et il faut faire en sorte que les habitants ne soient pas trop foulés par la fourniture du bois et de la lumière pour les gardes nationaux.
Je demande que, dans ceci, il soit tenu compte aux citoyens, à raison des masses qui ont été réglées pour les bois et chandelles, des fournitures qu'ils auront faites aux gardes nationaux, ou au moins que cela soit renvoyé au comité pour présenter un moyen.
(L'Assemblée, consultée, renvoie l'article 26 au comité pour présenter une nouvelle rédaction.)
jeune, rapporteur, donne lecture des articles 27,28,29 et 30, qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 27.
« Le logement des officiers des gardes nationales volontaires leur sera fourni sur le même pied et de la même manière qu'aux officiers des troupes de ligne. Le département de la guerre sera, chaque année, et en vertu d'un décret du Corps législatif, remboursé des sommes dépensées pour cet objet. »
Art. 28.
« Lorsque les gardes nationales volontaires seront campées, ils recevront les mêmes fournitures que les troupes de ligne ; ils éprouveront, pour raison desdites fournitures, la retenue qui sera alors fixée pour les troupes de ligne. »
Art. 29.
« L'étape sera fournie aux gardes nationales volontaires dé la même manière et sur le même pied qu'aux troupes de ligne, à la charge d'une
«mue de 6 sols par place de vivres. »
Art. 30.
« Il sera fourni, en route, à chaque officier des gardes nationales volontaires qui en demandera, un cheval de selle qui sera payé par lui, avant le départ, à raison de 25 sols par jour, et sur le même pied que les troupes de ligne. »
jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 31, qui est ainsi conçu :
Art. 31.
« Les lieutenants-colonels des bataillons des gardes nationales volontaires jouiront du même nombre de places de fourrage que les lieutenants-colonels d'infanterie; elles leur seront payées sur le même pied et de la mêmp manière, »
Je demande un effet rétroactif de cet article, à compter de la formation des bataillons des gardes nationales. Il y a des bataillons de gardes nationales qui sont cantonnés dans
3 ou 4 Villages. Il est impossible que le lieutenant-colonel et le commandant surveillent la discipline et la police de ces bataillons sans avoir des chevaux, parce qu'il est impossible qu'ils fassént tous les iours ou tous les 2 jours, 3 ou
4 lieues à pied. Plusieurs ont acheté des chevaux et les ont nourris sur leur solde. Ainsi, iL est nécessaire d?accorder aux commandants de gardes nationales volontaires, le nombre de rations de fourrages qui est accordé aux lieutenants-colonels des troupes de ligne, et cela depuis la formation des bataillons; D'après celai, je demande qu'il soit accordé une indemnité aux lieutenants-colonels pour les rembourser des dépenses qu'ils ont déjà faites.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Gouvion, et en renvoie la rédaction au comité.)
(L'article 31 est adopté, sauf rédaction.)
jeune, rapporteur, donne lecture des articles 32 et 33, qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 32.
« Les gardes nationales volontaires seront reçues dans tous les hôpitaux de l'Empire moyennant une retenue de 6 sols par jour. »
Art. 33.
« Les gardes nationaux volontaires, qui entreront dans les hôpitaux, ne recevront de décompte à leur sortie que dans le cas où ils. auront remboursé les avances qui leur auront 3té faites par la nation, pour leur habillement et leur petit équipement. »
jeune, rapporteur, donne'lecture de l'article 34, qui est ainsi conçu :
Art. 34.
« La moitié de la solde des gardes nationales volontaires, qui auront obtenu la permission de s'absenter momentanément, appartiendra à ceux qui ne se seront pas absentés. Le décompte en sera fait de manière que les officiers bénéficieront des soldes des officiers, les sous-officiers des soldes des sous-officiers, les simples volontaires de celles des volontaires : l'autre moitié appartiendra au garde national qui se sera absenté ; mais elle ne lui sera remise que dans le cas où il aura remboursé les avances qui lui auront été faites, et où son habillement et équipement seront complets et en bon état.
« L'état-major des bataillons et les quartiers-maîtres trésoriers sont personnellement responsables de toutes les retenues prescrites par le présent décret. »
(L'Assemblée renvoie l'article 34 au comité pour présenter une nouvelle rédaction.)
jeune, rapporteur, donne lecture
des articles 35 et 36, qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 35.
« Du moment où les bataillons des gardes nationales volontaires seront campés, il y sera attaché un aumônier à leur choix ; cet ecclésiastique sera salarié ainsi que ceux des troupes de ligne. »
Art 36.
« Il sera constamment attaché un chirurgien-major à chaque bataillon de gardes nationales volontaires ; le choix en sera fait la première fois par le directoire du département et ensuite par les bataillons eux-mêmes dans la forme prescrite, article 22, pour l'élection du quartier-maître. »
jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 37, qui est ainsi conçu :
Art. 37.
« Il sera délivré aux officiers des gardes nationales volontaires, pour leur tenir lieu de brevet, un extrait collationné du procès-verbal de leur élection, cet extrait sera certifié par le conseil d'administration du bataillon.
(L'Assemblée renvoie cet article au comité pour en représenter une nouvelle rédaction à la séance de jeudi soir.)
jeune, rapporteur, donne lecture des articles 38, 39, 40,41,42, 43 et 44, qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 38.
« Il sera alloué à chaque bataillon une somme de 120 livres, une fois payée, pour l'achat d'une caisse militaire et des registres nécessaires à la comptabilité.
Ladite caisse et les registres seront, lors du licenciement du bataillon, remis, ainsi que les drapeaux, au directoire du département ; le quar-tier-maître trésorier sera comptable de ces différents objets. -
Art. 39.
« 11 sera payé, par mois, à chaque bataillon, une somme de 50 livres, pour être employée à la solde de tous les frais de bureau; cette somme sera à la disposition du conseil. »
Art. 40.
« Dans aucun cas, on n'admettra à la solde, dans les bataillons ou compagnies de gardes nationales volontaires, un plus grand nombre d'officiers, sous-officiers ou volontaires, que celui qui est porté par le décret du 4 août : pourront néanmoins les conseils d'administration admettre deux surnuméraires par compagnie auxquels le logement sera fourni. »
Art. 41.
« Les départements ne pourront, à l'avenir, lever un plus grand nombre de bataillons que celui qui leur sera prescrit par les décrets du Corps législatif. Le ministre de la guerre fera connaître, dans le compte qu'il rendra le 1er janvier, de tout ce qui concerne les gardes nationales volontaires, le nombre de bataillons qui ont excédé celui qui est fixé par le décret du 21 juin dernier. »
Art. 42.
« Les directoires de département adresseront, quinze jours après la réception du présent décret, au ministre de la guerre, un état détaillé et certifié par eux de toutes les dépenses qu'ils auront faites pour l'habillement et l'équipement des gardes nationales volontaires. Le ministre mettra les résultats de ces comptes, par département, sous les yeux du Corps législatif. ».
Art. 43.
« Toutes les fois que des gardes nationales se trouvent réunies a des troupes de ligne, le commandement général raetera déféré, à grade égal, aux officiers et sous-officiers des troupes de ligne ; mais il appartiendra aux officiers et sous-officiers de gardes nationales volontaires lorsqu'ils occuperont un grade plus élevé que les officiers ou sous-officiers des troupes de ligne. •
Art. 44.
• Lorsque les gardes nationales volontaires de différents bataillons seront réunies, le commandement général sera déféré à l'officer du grade le plus élevé ; à grade égal, il appartiendra à celui qui aura servi dans les troupes de ligne ; si nul n'a servi dans les troupes de ligne, au plus ancien du service, et en cas d'égalité au plus ancien d'âge ; s'ils ont servi dans les troupes de ligne, il sera déféré à celui qui aura servi dans le grade le plus élevé et à égalité de grade à celui qui aura servi le plus longtemps. »
jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 45, qui est ainsi conçu :
« Tous les bataillons qui ont aû être levés en vertu du décret du 28 juillet 1791, seront, parles soins des directoires de département, rassemblés, habillés, équipés le 15 janvier au plus tard.
« L'Assemblée nationale charge le pouvoir exécutif de faire usage de l'autorité que la loi lui confie afin que cette organisation n'éprouve désormais aucun retard. »
Un membre : Je propose de remettre, non pas aux corps administratifs, mais au pouvoir exécutif, le soin de l'équipement et de l'habillement des gardes nationales.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement).
Un membre : Je demande qu'on remplace les mots : «... le 15 janvier au plus tard » par ceux-ci : « quinze jours après la réception du présent décret. »
(L'Assemblée adopte cet amendement.)
En conséquence, l'article 45 est adopté dans les termes suivants :
Art. 45.
« Tous les bataillons qui ont dù être levés en vertu du décret du 28 juillet 1791, seront, par les soins des directoires de département, rassemblés, habillés, équipés quinze jours après la réception du présent décret :
« L'Assemblée nationale charge le pouvoir exécutif de faire usage de l'autorité que la loi lui confie, afin que cette organisation n'éprouve désormais aucun retard. »
Un membre présente un article additionnel qui est renvoyé au comité.
jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 46, qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 46.
« L'Assemblée nationale charge de même le pouvoir exécutif de donner tous les ordres nécessaires, afin que les bataillons de gardes nationales volontaires soient, au 1er de février, portés dans tous les lieux où ils peuvent être utiles à la sûreté et à la défense de l'Etat ; le charge encore de pourvoir sans délai à leur armement et à leur équipement ; le charge enfin de prendre les moyens les plus prompts et les plus sûrs, afin que les citoyens qui ont si généreusement volé au secours ae la patrie, reçoivent, en arrivant dans leurs quartiers, toutes les instructions militaires propres à seconder leur courage. »
jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 47, qui est ainsi conçu :
« Le ministre de la guerre sera tenu de rendre, le Ier janvier, un compte détaillé de tout ce qui concerne les gardes nationales volontaires ; en conséquence, il fera connaître au Corps législatif:
« 1° Le nombre de bataillons que chaque département aura fourni :
« 2° Le nombre d'hommes dont chaque bataillon sera formé ;
« 3° L'Etat de son habillement et de son équipement •
« 4° L'état de son équipement militaire ; « 5° L'état de son armement en distinguant les modèles ;
« 6" Les progrès qu'il aura faits dans l'instruction et la discipline militaires ;
« 7° L'emplacement des bataillons formés : la destination de ceux qui ne le seront pas encore ;
« 8° Le nombre de bataillons ou de compagnies que chaque département pourrait encore fournir;
« 9° Les bataillons qu'il serait nécessaire de lever;
« 10° Enfin tous les détails qui pourront mettre le Corps législatif à portée de juger avec connaissance de cause de tout ce qui concerne les
gardes nationales volontaires, cet espoir de la onstitution et de la patrie. » Un membre: Je demande qu'au lieu du 1er janvier. on mette le 1er février. (L Assemblée adopte cet amendement.) Un membre : Je demande la suppression des mots : « ... cet espoir de la Constitution et de la patrie. » parce qu'ils renferment un éloge qui n'est pas dans le style d'une loi.
(L'Assemblée décrète la suppression de ce membre de phrase.)
En conséquence, l'article 47 est adopté dans les termes suivants :
Art. 47.
« Le ministre de la guerre sera tenu de rendre, le 1er février, un compte détaillé de tout ce qui concerne les gardes nationales volontaires; en conséquence, il fera connaître au Corps législatif :
« 1° Le nombre de bataillons que chaque département aura fourni :
« 2° Le nombre d'hommes dont chaque bataillon sera formé ;
, «i 3° L'état de son habillement et de son équipement;
« 4e L'état de son équipement militaire ;
« 5° L'état de son armement en distinguant les modèles;
« 6° Les progrès qu'il aura faits dans l'instruction et la discipline militaires ;
« 7° L'emplacement des bataillons formés ; la destination ae ceux qui ne le seront pas encore ;
» 8° Le nombre de bataillons ou de compagnies que chaque département pourrait encore fournir;
« 9° Les bataillons qu'il serait nécessaire de lever;
« 10° Enfin tous les détails qui pourront mettre le Corps législatif à portée de juger avec connaissance de cause de tout ce qui concerne les gardes nationales volontaires. »
Plusieurs membres proposent des articles additionnels.
(L'Assemblée renvoie ces articles additionnels au comité militaire.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du sieur Joachim Gauthier, juge de paix et officier de police du canton de Rennes, qui annonce l'arrestation de Vabbé Poulmy, ci-devant chanoine de Saint-Claude, prévenu d enrôlement pour les princes émigrés; cette lettre est ainsi conçue :
« Rennes, le
« Monsieur le Président.
« J'ai l'honneur de vous adresser l'expédition de mon procès-verbal d'interrogatoire et d'arrestation d'un sieur abbé Poulmy, prévenu d'embauchage et de recrutement pour les émigrants, ennemis de la Constitution et traîtres à la patrie, pour que vous veuillez, Monsieur le Président, en donner connaissance à l'Assemblée. J'attends ses ordres pour m'y conformer.
« Je reçois à l'instant une lettre des officiers municipaux de Saint-Brieuc qui m'annoncent avoir remis la procédure à l'accusateur public de leur tribunal qui l'a adressée à M. le ministre de la justice. Sans doute que le ministre sera empressé de faire passer le tout à l'Assemblée nationale. Je me hâte d'y joindre la copie de mon procès-verbal. Je charge mon paquet à la poste. Veuillez, Monsieur le Président, excuser cette précaution de ma part, n'ayant aucune certitude que les papiers très pressants que j'ai eu l'honneur de vous adresser les 30 novembre et 4 de ce mois vous soient parvenus. Les papiers publics, et surtout le Logographe, n'ayant fait aucune mention de ma pétition concernant la police, j'ai lieu de croire que mes papiers ont été interceptés, un député m'ayant ait les avoir inutilement fait chercher dans votre secrétariat.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc...
u Signé : Joachim Gauthier, officier de police et juge de paix. »
M. le secrétaire donne lecture du procès-verbal d'arrestation dont voici le résumé :
M. l'abbé Poulmy avait passé quelques semaines dans la ville de Saint-Brieuc. Après son départ, 2 soldats du 36e régiment, ci-devant Anjou, le dénoncèrent pour avoir voulu les enrôler et les emmener chez les émigrés, en les faisant passer pour ses domestiques. Sur cette dénonciation, la municipalité de Saint-Brieuc instruite, que M. l'abbé Poulmy allait à Rennes, s'empressa
d'en écrire à celle de cette ville. En conséquence de cet avis, M. Gauthier, juge de paix de la section dans laquelle cet ecclésiastique résidait, rendit un décret d'amener.
M. l'abbé Poulmy parut devant lui, subit son interrogatoire et nia tous les faits articulés contre lui, et il ajouta que son intention était de rester chez sa mère, résidant habituellèmeht à Rennes. L'interrogatoire a été suivi d'un décret d'arrêt, et les scellés ont été apposés sur les effets du détenu.
(L'Assemblée renvoie la lettre de M. Gauthier et le procès-verbal d'interrogatoire au comité_ de surveillancé et décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite de M. Gauthier,)
(La séance est levée à 10 heures et demie*)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures dû matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 20 décembre 1791, au matin.
Je demande que le procès-verbal exprime l'indignation avèc laquelle l'Assemblée a repoussé la motion inconstitutionnelle de M. Delcher...
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Ce n'est point de l'indignation; à l'ordre du jour.
La rédaction du procès-verbal n'est pas exacte ; il ne rend pas tout ce qui se fait ici...
Plusieurs membres réclament l'ordre du jour avec instance.
Je dis que le procès-verbal n'est pas exact, puisqu'il n'exprime pas l'indignation de l'Assemblée contre une motion détestable, séditieuse, inconstitutionnelle... (Murmures prolongés.)
Un membre: Je demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre et qu'on passe à l'ordre du jour.
Plusieurs membres s*adressant à M. Jahan. Non ! non! Parlez!
L'Assemblée reste quelques minutes dans l'agitation et passe à l'ordre duJour. (Applaudissements.)
(Le procès-verbal est adopté.)
Un membre demande qU'il soit rendu compte des troubles survenus dans la commune de Mon-taigu (Vendée) à Voccasion de Vinstallation du curé constitutionnel, affaire dont l'ajournement avait été prononcé jusqu'à l'arrivée de nouveaux documents. (1)
(L'Assemblée ajourne à samedi soir l'affaire de la commune de Montaigu.)
Un membre : Le rapport sur les secours publics à fournir aux départements a déjà été mis
trois fois à l'ordre du jour, sans y pouvoir arriver : cependant rien n'est plus urgent.
Quand nous
L'Assemblée ajourne ce rapport à samedi matin.)
Je me suis aperçu que les ministres Contractaient l'habitude ae remettre sur le bureau leurs mémoires sans être signés d'eux. Comme il est très intéressant de pouvoir comparer ce qu'Un ministre a dit à telle époque, avec ce qu'il vient vous dire à telle autre, je demande que les ministres soient tenus de signer tous les mémoires qu'ils remettront à l'Assemblée.)
(L'Assemblée adopte la motion de M. Thuriot.)
Un membre, au nom du comité dé division, propose de déclarer vérifiés et valides les pouvoirs de M. Dequeux, député suppléant du département de la Somme, et conclut à son admission en remplacement de M. Loyeux, que sa santé a forcé de donner sa démission, acceptée dans la séance du 3 décembre.
(Ces conclurions sont adoptées.)
est, en conséquence, admis et prête le serment individuel prescrit par la Constitution.
Voilà quatre jours de suite que je sollicite la parole pour faire un rapport, au nom du comité de surveillance, sur un abbé arrêté à Poitiers pour fait d'embauchement, je demande que l'Assemblée me fixe un jour pour le présenter.
(L'Assemblée ajourne ce rapport à demain soir.)
, au nom du comité des secours publics, présente un rapport et propose un projet de décret ayant pour objet de suspendre provisoirement l'adjudication définitive du bail de l'Ecole militaire jusqu'à ce qu'il ait été décidé si cet établissement sera ou ne sera point transformé en hospice ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez, par votre décret du 27 du mois dernier, renvoyé à votre comité des secours publics, le mémoire d'un citoyen de Paris, sur la nécessité de la translation de FHôtel-Dieu de cette ville. Votre comité, s'occupant maintenant d'un travail général sur l'organisation des hôpitaux du royaume, a cru qu'il devait différer de vous proposer ses vues relativement à l'Hôtel-Dieu de Paris, jusqu'à l'époque où il sera en état de vous offrir un travail acnevé. Mais ce mémoire lui a procuré la connaissance de deux faits importants qui sollicitent une mesure prompte, et qui sont PObjet du rapport que je suis chargé de vous faire en son nom.
Il est nécessaire d'abord, Messieurs, de vous tracer un historique fidèle et rapide de diverses circonstances, qui ont précédé.
Depuis longtemps, le besoin d'une réforme dans le régime intérieur de l'Hôtel-Dieu de Paris s'était fait sentir. Le défaut absolu d'ordre et d'économie, l'inconvénient de laisser subsister au centre d'une capitale immense un foyer perpétuel de contagion et surtout l'insuffisance de l'emplacement où l'on , entasse plutôt que l'on y recueille les infortunés auxquels il est destiné; tout, depuis un laps de temps considérable, se réunit pour presser cette réforme. Avant la Révolution, la philosophie s'était appliquée à en démontrer l'urgence. Le cri de l'humanité s'était fait entendre, et le gouvernement, même prenant en considération la nécessité de substituer
promptement à l'Hôtel-DieU de Paris des emplacements plus commodes et mieux aérés, en avait ordonné la translation par arrêt du conseil du mois de juillet 1787. Du nombre des quatre maisons où devait s'opérer cette réunion se trouvait l'ancienne Ecole militaire, laquelle, aux termes d'un règlement du 9 octobre de la même année, fut accordée par le roi en pur don à la ville de Paris.
Ces dispositions, conseillées par l'humanité elle-même, furent accueillies avec un vif intérêt par les habitants de Paris. Il s'agissait de faire les fonds de la dépense que leur exécution devait occasionner. Une souscription libre fut ouverte à cet effet, on s'y porta de toutes les parties de la capitale, et une multitude de citoyens se disputèrent l'avantage de se faire inscrire en tête des listes honorables où devaient être recueillis les noms des fondateurs de ces établissements. En peu de temps, la somme s'en éleva, ainsi qu'il résulte de ces listes imprimées, à 2,248,149 livres, dont le sixième environ fut versé dans le trésor de la ville, et y doit encore attendre son emploi.
Indépendamment de cette souscription, il fut ouvert par le gouvernement, un emprunt de 12 millions en forme de loterie dont le sixième devait être appliqué aux dépenses de l'établissement des nouveaux hôpitaux. C'était beaucoup d'oser proposer un emprunt qui ne devait produire aucun intérêt et tellement combiné que sur 5 actionnaires 4 perdaient leurs mises ; c'était beaucoup, surtout de le risquer à une époque où le gouvernement avait perdu toute confiance et toute considération, et où les emprunts, au taux le plus usuraire, tombaient en s'ouvrant dans l'avilissement. On avait compté, il est vrai, que la condition du prélèvement en faveur des pauvres qui y était attachée, ne manquerait pas d'en assurer le succès, et il fut eh effet rempli en partie. - *
Mais l'époque où le remboursement devait s'effectuer pour lës actionnaires concourut avec celle où le gouvernement, après avoir épuisé les ressources les plus ruineuses, fut forcé enfin d'ordonner la suspension de tous les remboursements et la réduction de deux cinquièmes sur les rentes et sur les intérêts des capitaux sûspendus. Cette opération désastreuse ne semblait pas pouvoir intéresser les hôpitaux, puisque, suivant les conditions de l'emprunt, le dixième du produit devait rester dans la caisse du trésorier de la ville, et n'en sortir que pour aller à sa destination ; mais déjà le fisc s'était empâré de ce fonds, et depuis lors il ne fut plus question de la translation.
Vôtre1 comité, Messieurs, aurait voulu pouvoir étendre un voile épais sur ces détails, et il vous eût épargné le sentiment douloureux et pénible qu'il a éprouvé lui-même, si l'impossibilité d'obtenir la réparation de cette injustice autrement qu'en l'exposant à vos regards, et la nécessité de ne pas différer plus longtemps de rétablir dans le trésor des pauvres des sommes dont l'emploi devait être sacré et suivre la destination, ne lui eût fait une loi de ne vous rien taire à cet égard. C'est d'ailleurs dans le souvenir de faits pareils que les bons citoyens peuvent puiser de nouveaux motifs de s'attacher à notre Constitution et de bénir l'ordré de choses qui nous a délivrés d'un régime aussi oppressif et aussi déplorable.
Ce fut à peû ae distance de l'époque que nous venons de vous rapporter que les Etats généraux furent convoqués et réunis, et que la Révolution
arriva, mais au milieu de la multitude et de la rapidité des événements qui se sont succédé, l'Assemblée constituante né put s'occuper définitivement des grandes mesures à prendre sur l'objet important de la répression de la mendicité et sur le nouveau plan cPorganisation des hôpitaux ; et l'affaire de la translation, qui était subordonnée à ces mesures, demeura encore suspendue.
Cependant il paraît qu'aujourd'hui on a entièrement oublié la destination respectable à laquelle devaient être appliqués les bâtiments de l ancienne Ecole militaire, puisque l'agence des domaines nationaux vient ae faire apposer des affiches qui annoncent que le bail va en être fait par adjudication, et que même cette adjudication doit avoir lieu définitivement le 29 de ce mois. Le pétitionnaire, auteur du mémoire qui vous a été présenté, vous donne avis, Messieurs, que la liste civile veut établir dans ce lieu la maison militaire du roi, et se propose de s'en faire adjuger le bail.
C'est dans cet état de choses que votre comité des secours vient vous soumettre les motifs sur lesquels il appuie le décret d'urgence qu'il va vous proposer. [Ht a d'abord pensé que rien ne pouvait autoriser l'adjudication de la ci-devant Ecole militaire et de ses appartenancès, au préjudice de l'exécution d'un règlement de bienfaisance fait avant la Révolution, et qu'aucune loi ultérieure n'a abrogé. Cette vérité s est présentée à lui avec un tel degré d'évidence, qu'il a cru inutile de lui donner des développements, et qu'il en a immédiatement tiré la conséquence que l'adjudication du bail de cet emplacement devait être suspendue jusqu'à ce que l'Assemblée nationale eût arrêté une mesure définitive relativement à un plan général d'organisation des hôpitaux.
Et votre comité, Messieurs, a pénsé que toutes les considérations sur lesquelles on pourrait fonder la nécessité de l'adjudication annoncée, devaient céder à des considérations d'un ordre supérieur. Ainsi vainement on dirait, par exem-ple? que l'économie fait une loi de chercher à retirer la valeur du loyer de cet emplacement jusqu'à ce qu'il soit en état de remplir sa destination, 3 mois, 6 mois de non-valeur n'offrent pas un inconvénient grave, au lieu que si l'ad-ludication s'en faiti et que la liste civile y réalise la dépense de l'établissement de la maison militaire du roi, dépense que sans doute elle élèvera très haut, vous concevez, Messieurs, qu'elle ne manquera pas ensuite de prétexte pour retenir cet emplacement, lorsqu'il s'agira de le retirer de ses mains.
Vainement dirait-on encore que ces bâtiments n'ont pas été destinés à un semblable usage et et que leur magnificence et le luxe de leur construction s'accorderaient mal avec la simplicité d'un établissement tel que celui que l'on voudrait y porter. Ce n'est pas encore le moment de présenter à votre discussion le fonds de cette question. Mais sous ce rapport même vous auriez un motif de plus pour assurer invariablement à l'indigence cette propriété; et puisqu'enfin cet édifice avait été construit pour une caste privilégiée, Vous seriez trop heureux de pouvoir la rendre à sa véritable destination et faire qu'elle devînt un asile sans cesse ouvert à la pauvreté souffrante, classe sans doute plus privilégiée que la première n'a jamais mérité (Têtre et dont les titres ne sont pas écrits sur des parchemins antiques et poudreux, mais en caractères indélébi-
les dans tous les cœurs humains et compatissants ; vous seriez trop heureux de pouvoir rendre à l'humanité cet hommage touchant, et de lui élever un monument près de l'autel de la patrie et du temple de la liberté.
Mais, Messieurs, une considération non moins puissante vient encore fortifier les motifs qui vous sont présentés par votre comité pour suspendre l'adjudication ; il a pensé sans doute, comme lui, Messieurs, et vous jugerez qu'il serait profondément impolitique de souffrir, lorsque vous pouvez l'empêcher, la réunion, dans un même lieu, de 1,800 hommes à la disposition du pouvoir exécutif, et confier ainsi à la maison militaire du roi la garde du champ de la Fédération. L'examen de cette nouvelle question n'était pas du ressort de votre comité, mais le patriotisme dont il est animé ne lui a pas moins fait un devoir de vous la proposer, afin que vous puissiez la renvoyer à celui de vqs comités à qui la connaissance en appartient, et qu'il examine si la prudence, si la surveillance, toujours mesurée, toujours conforme à la dignité suprême du Corps législatif, mais toujours active dont il convient d'entourer le pouvoir exécutif, ne vous avertit pas d'interdire à la liste civile, le choix de cet emplacement, ou même de tout autre emplacement unique où la maison militaire du roi se trouverait tout entière rassemblée.
Quelle que soit, au reste, Messieurs, votre détermination à cet égard, votre comité a pensé qu'il était indispensable de suspendre provisoirement l'adjudication dont il s'agit jusqu'à ce qu'il soit en état de vous faire un rapport général sur l'organisation des hôpitaux : il a pensé que, s'il est vrai de dire que les engagements de la nation prennent un caractère plus respectable lorsqu'ils intéressent une classe de créanciers aussi recommandables, l'Assemblée nationale doit se hâter de rétablir intégralement les sommes qui leur sont dues, dans le dépôt sacré d'où elles ont été tirées.
En conséquence, votre comité vous propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics sur la nécessité d'une mesure provisoire tendant à arrêter l'adjudication du bail de la ci-devant Ecole militaire et appartenances, considérant que ladite maison avait été précédemment destinée à recevoir un des hôpitaux projetés en remplacement de 1 Hôtel-Dieu de la ville de Paris, et
3ue l'intérêt public exige qu'il n'y soit fait aucune isposition nouvelle jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur 1 organisation des hôpitaux du royaume ; considérant que l'honneur national n'est pas moins intéressé que l'humanité, à faire rentrer, sans délai, dans le trésor des hôpitaux, le dixième du produit de l'emprunt du mois d'octobre 1787, qui leur avait été garanti sous le sceau de la foi publique ; après avoir décrété l'urgence, décrète :
« Art. 1er. L'adjudication définitive du bail de la ci-devant Ecole militaire et appartenances, fixée au 29 de ce mois, demeure provisoirement suspendue, et ce, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné ;
« Art. 2. Le comité de liquidation se fera remettre, dans le plus bref délai possible, toutes les pièces relatives aux droits a exercer par les hôpitaux de la ville de Paris, sur le Trésor national, pour raison du dixième à eux dû des sommes effectives payées en conséquence de l'emprunt du mois d'octobre 1787, à l'effet d'opérer,
dans les formes prescrites, la liquidation desdites sommes, ensemble les intérêts, et de les faire rétablir dans le Trésor des hôpitaux de la ville de Paris.
« Art. 3. Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
Un membre : Cette adjudication doit se faire le 29 de ce mois; il est urgent que la suspension soit décrétée et signifiée.
(L'Assemblée ajourne la discussion à la séance de demain soir et ordonne l'impression et la distribution du projet de décret.) '
a la parole pour faire une motion relative aux mesures à prendre pour assurer la tranquillité intérieure, hâter le recouvrement des impositions et arrêter l'émigration :
Il ne suffit pas de se tenir en mesure sur les frontières, il faut encore déconcerter les trames, les pièges qui sans cesse vous sont tendus. Tous vos ennemis ne sont pas à Worms et à Coblentz. Il est indispensable de prendre dans l'intérieur de la France des mesures sages, prudentes et efficaces qui seraient en harmonie avec celles qui vont être prises contre le dehors. La majeure partie des vues que j'ai à vous proposer je les ai puisées dans les décrets rendus par l'Assemblée constituante à des époques bien orageuses pour la liberté.
De grands maux appellent de grands remèdes, il n'est plus temps d user de tempéraments, de palliatifs ; il faut trancher dans le vif. L'état de langueur où nous avons vécu jusqu'à présent est désormais intolérable. Félicitons-nous de ce que le moment de la crise est arrivé, et, s'il le faut, périssons plutôt que d'être consumés à petit feu, mais non, il n'en sera pas ainsi, quand 150,000 citoyens-militaires et militaires-citoyens, commandés par Luckner, Rochambeau et Lafayette, volent à la défense de la patrie ; l'harmonie qui va régner entre les pouvoirs constitués, l'union fraternelle et imposante des représentants de la nation, qui tous vont se rallier autour de la patrie en danger, le courage des Français, leur naine pour la tyrannie, la justice de leur cause qui ne peut manquer d'être protégée par celui qui tient entre ses mains le sort des combats, tout m'annonce que nous survivrons à tous les périls, à toutes les attaques. Oui, nous serons vainqueurs et la France sera sauvée. (Applaudissements.) Mais pour hâter cet heureux dénouement, il faut-, je le répète, que les mesures internes répondent aux mesures externes; il faut, dès ce moment, commencer par interdire la libre sortie du royaume à toutes personnes avec les exceptions que nécessitent la liberté du commerce, le droit des gens et l'intérêt de l'Etat. (Murmures.) Cette nouvelle précaution pourra nuire à bien des enrôlements, empêcher l'adjonction des recrues déjà faites, arrêter en partie les émigrations. Vous mettrez par là bien à leur aise des ci-devant nobles que le préjugé de l'honneur appelle à Coblentz et que f amour du repos retient en France. Il faut rétablir l'usage des passeports, dissiper les brigands, avoir des signes caractéristiques pour distinguer les bons citoyens d'avec les mauvais ; il faut empêcher que des ennemis perfides, sous le voile trompeur d un patriotisme dissimulé, ne livrent vos citadelles; il faut employer les moyens les plus rigoureux et les plus sévères pour accélérer le recouvrement de 1 impôt. Vous le savez, c'est le nerf de la guerre. H faut travailler à diminuer la masse des forces de nos ennemis et augmenter la masse des nôtres. Q faut,
enfin, si bien concerter nos mesures au dehors et au dedans, que si, par quelque surprise, nos ennemis, Germains ou Français, dépassaient nos frontières, ils soient convaincus que nos 150,000 hommes ne sont qu'un détachement d'une grosse armée française, composée de 4 millions de citoyens, qui campés dans l'intérieur du royaume, doit présenter à leur rage impuissante un rempart insurmontable. (Applaudissements.)
Telles sont, Messieurs, les idées, tels sont les sentiments dont je me suis fortement imprégné avant de rédiger le projet de décret relatif aux mesures internes que nous avons à prendre dans les circonstances actuelles. Il n'est personne* je crois, qui ne pense combien les mesures que je vous propose, si elles viennent à se réaliser, peuvent devenir avantageuses à la France. Je n'ai donc plus qu'une chose à prouver, c'est qu'elles n'offrent rien de contraire aux principes contenus dans notre évangile politique.
La Constitution garantit, il est vrai, à tout hommé la faculté d'aller, de rester, de partir ; mais cette même Constitution prévoyant l'abus
Sue l'on pourrait faire de cette faculté indéfinie ans des temps de crise et d'orage, a aussi posé les limites dans lesquelles on devait la circonscrire. Elle a déclaré formellement que là où la chose publique était en danger, devait s'arrêter l'exercice des droits naturels et civils de l'homme en société. Je l'ouvre cette Constitution, et j'y vois que la liberté ne consiste qu'à pouvoir faire tout ce qui ne nuit ni à autrui, ni à la sûreté publique. La loi peut donc établir des peines contre les actes qui seraient nuisibles à la Société ; et dans la position actuelle où se trouve la France, la libre sortie du royaume, les voyages faits sans passeports sont des actes qui attaquent la sûreté publique. Si cette faculté d'aller, de venir, de partir, n'était pas restreinte en temps de guerre, il serait donc libre aux citoyens d'abandonner le poste où l'honneur et le cri de la patrie doivent exiger qu'ils restent, il leur serait libre de déserter la France pour aller grossir le nombre de nos ennemis, et de se réunir aux bandits qui composent ce qu'on appelle l'armée noire; si, dans cet instant on venait vous annoncer que la capitale est investie d'ennemis qu'une partie de ses habitants, au lieu de défendre ses foyers, se préparent à aller s'ensevelir dans une retraite honteuse, jusqu'à ce crue le péril soit passé... ; qu'une autre partie a des intelligences avec les assiégants, croiriez-vous violer la Constitution, en défendant à tous les habitants de sortir de l'enceinte de cette ville ? Eh bien, Messieurs, la France n'est autre chose, dans le moment actuel, qu'une immense cité environnée d'ennemis, et d'ennemis attachés à sa perte ; je vous laisse la conséquence à tirer.
Si l'opinion que je propose ici est une erreur, du moins i'y suis entraîné invinciblement, puisqu'elle m est commune avec les plus grands politiques, avec nos anciens législateurs. Le 28 juin 1891, rappelez-vous, Messieurs, de cette époque, les Droits de l'homme et de la Constitution étaient décrétés ; et cependant nos prédécesseurs n'ont pas cru enfreindre la Constitution en défendant la sortie du royaume à tous les Français, et en mettant en pleine vigueur l'usage des passeports, ne nous écartons point de l'Acte constitutionnel, ne souffrons point qu'il y soit porté la moindre atteinte.
Un membre ; Je demande que l'opinant veuille bien conclure.
Divers membres : Oui, oui, le décret!
C'ést un devoir sacré qui vous est prescrit par votre serment; mais aussi prenons
tarde que la Constitution prise à contresens, ne evienne un jour, entre les mains de nos ennemis, une arme puissante pour la renverser de fond en comble.
Telles sont, Messieurs, les observations que j'ai cru devoir vous offrir, et voici le projet de décret que je propose :
«» L'Assemblée, considérant que dans la circons-tancè critique où se trouve la France, il est instant de concerter les mesures intérieures de défense avec les mesures extérieures; considérant que si la Constitution permet à tout citoyen d'aller et venir partout où bon lui semble, elle restreint aussi cette faculté dans les cas de péril imminent pour la patrie, après avoir adopté l'urgence, décrète ce qui suit :
1° La libre sortie du royaume sera interdite, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné. (Murmures.)
2° Sont exceptés les négociants et agents du pouvoir exécutif auprès des puissances étrangères.
3" Pourront sortir du royaume les étrangers qui seront munis de passeports, et auront rempli les formalités prescrites par le décret du 28 juin 1791. (Murmures.)
4° La sortie du numéraire et des armes est aussi interdite.
5° Les voyageurs sur toutes les routes seront tenus d'être munis de passeports. (Murmures prolongés).
6° Les étrangers qui arriveront en France, et les Français qui y rentreront, seront tenus de faire à la municipalité la plus voisine des frontières, la déclaration prescrite par le décret du 28 juin, et il en sera fait mention sur les passeports.
7° Les citoyens qui n'ont pas encore payé leur contribution, recevront un avertissement portant que si, au terme qui leur sera fixé, ils n'ont pas acquitté leurs dettes envers la patrie, ils seront tenus de payer le double. (Murmures.)
8° L'Assemblée déclare dès ce moment que la patrie est en danger. (Murmures.) En conséquence, elle enjoint à tout citoyen non enrôlé, âgé de 18 ans, et de moins de 50, d'aller offrir ses services à sa municipalité.
9° Ceux qui ne se seront pas fait inscrire seront surveillés d'une manière spéciale.
10° Les étrangers résidents dans le royaume, munis de passeports, et dont l'honnêteté sera reconnue, pourront s'enrôler dans la garde nationale.
11° Les étrangers enrôlés qui auront fait le ser vice pendant une année, s'ils veulent se fixer en France, seront exemptés des cinq ans prescrits pour la naturalisation, et jouiront des droits de citoyen, en prêtant le serment civique. Ceux qui ne voudront pas rester, recevront une médaille portant ces mots : Aux défenseurs de la Constitution. (Murmures.)
Je demande la question préa lable. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande l'ordre du jour. (Applaudissements.)
Un membre: Les mesures proposées par le préopinant l'ont déjà été lors ae fa question sur les émigrànts, et vous les avez sagement reietées. J'appuie la proposition de passer à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour. (Applaudissements.)
reparait à la tribune. C'est une indignité! (Mm)
. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret' des comités militaire, diplomatique et de surveillance réunis, relatif aux rassemblements d'étrangers se disant Brabançons, dans lès villes de Lille et de Douai et aufres lieuk doi* sins (1).
, rapporteur, fait une nouvelle lecture de ce projet de décret qui est ainsi conçu (2) : !
« L'Assemblée nationale, instruite qu'il se fait dans les villes de Lille et Douai et autres lieux voisins, des rassemblements d'hommes se disant Brabançons, .qui paraissent Savoir des chefs, et dont les projétssont inconnus.;
« Voulant concilier avec les devoirs de l'hospitalité, la sûreté dès places frontières, le droit des gens et les égaras dù bon voisinage, .après avoir décrété l'urgence,
« Décrète que lesdits rassemblements seront dissipés, et que les personnes qui lès composent, quoique libres de vivre sojus . la protection des loià françaises, seront provisoirement tenues de choisir leur domicile hors des villes de guerre, à moins qu'elles n'y forment des établissements permanents et reconnus utjlçs.
« Enjoint aux Corps administratifs et municir paux, de veiller à ce , qu'en aucun lieu, ni ces personnes^ ni autres, étrangers, ne forment aucun rassemblement ou corps, soit armé, soit sans armes.
« Approuve les mesures prises par le directoire au département du Nord, et les municipalités de Lille et Douai, connues par les arrêtés des 16, 17 et 18 de 6e mois. »
Messieurs, le rapport qui vous a été fait hier par vos trois comités diplomatique, militaire et de surveillance, sur l'arrivée (f un nombre assez considérable d'étrangers à Lille répond-il à ce que les circonstance exigent de vous ?; car, Messieurs, c'est sous ce seul point de vue que vous devez envisager là conduite que vous avez à tenir. En vain a-t-on voulu ôppqser les Droits de l'homme aux moyens que vous présente ce rapport. Nous sommes dans un état d'hostilités imminent : Lille est un des boulevards de l'Empire; ce sont donc les lois de la guerre qu'il faut suivre vis-à-Yis d'étrangers quiÇaraissent enrôler et ont des chefs inconnus.
Ont doit paraître suspect dans l'arrivée de ces hommes. On sait depuis assez longtemps que 4 Gantois de naissance, et ayant tous servi le parti aristocratique en Brabant, recrutent dans les environs de Gand pour les corps que les princes français font lever à Liège ; on sait encore que ces 4 particuliers font des voyages fré-^
Suents à Lille et y entretiennent des relations.
es hommes arrivés à Lille ne sont ni des voyageurs ni des commerçants, ni des citoyens
abandonnant leur patrie pour s'établir sur le sol de la liberté ; car, il paraît par les
procès-verbaux qu'ils reçoivent un traitement et ont des chefs et qu'ils veulent se former en
corps, en état d'attroupement, puisqtfe M. de Béthune voulait les ca-serner dans les. anciens
couvents.
Ce sont des instruments qui doivent servir d'après un plan quelconque. Mais est-ce contre nous ? Est-ce contre l'empereur qu'on veut faire agir? Dans l'une comme dans l'autre hypothèse, nous devons prévenir les attroupements. Si c'est contre l'empereur nous sommes en paix avec lui : il défend aux Français émigrés de s'attrouper dans ses Etats ; nous avons demandé qu'il déployât son autorité cpmme chef de l'Empire, pour faire disperser ceux de Worms et. de Coblentz. Nous ne pouvons donc, sans être inconséquents, tolérer che? nous des attroupements faits contre lui, à moins que nous ne voulions tourner contre nous-mêmes le reproche d'agression que nous sommes en droit de faire aux princes ecclésiastiques d'Allemagne. J'approuve donc, le rapport des trois comités réunis, en tout ce qui concerne les moyens de dissipér les attroupements.
Mais dans la seconde hypothèse, dans le cas où ces attroupements seraient formés contre nous, le projet du comité est trop faible, par l'exception, qu'il y a établie. Il a voulu allier les droits de l'hospitalité avec ceux de la guerre. Malheureusement cette alliance n'est pas toujours possible parce que la guerre est un état antisocial. Combien de fois a la guerre, n'est-on pas obligé de violer les propriétés et la liberté des individus pour conserver celles de la société? Et n'est-ce point une atteinte aux droits de l'homme quand on fait sortir des bouches inutiles d'une place assiégée dont la prolongation de défense est essentielle à la sûreté d'un empire? Et ne serait-ce pas un raisonnement absurde si l'on mettait les droits de l'homme en avant pour recevoir dans les forteresses les soldats ennemis qui viendraient en habits ordinaires et sans armes ? Et qui répond qu'il n'existe déjà des dépôts d'armes à Lille? Je demande donc la radiation de ces mots : « A moins qu'ils n'y forment des établissements permanents et reconnus utiles », parce que ces établissements serviraient de prétexte pour éluder la loi. Et de quelle autre nature pourraient être des établissements formés par des hommes soldés, ayant des chefs inconnus. Risquerez-vous, Messieurs, que, sous prétexte d'un établissement utile qui demanderait un grand nombre d'ouvriers, on livrât à l'ennemi une place importante ? Vos ennemis, dont un grand nombre sont au milieu de vous, applaudiraient 6ans doute à ce manque de prévoyance. Et dans quel autre sens peut-on prendre la démarche de M. de Béthune? Sa démarche tendrait à vous compromettre si les attroupements étaient dirigés contre l'empereur, ou à faciliter la trahison si c'est contre vous.
Je demande donc qu'on adopte ce projet de ! décret, en substituant à l'exception qu'il renferme, ces mots : « Sont exceptes de la présente disposition les commerçants ou manufacturiers I étrangers qui transporteraient en France, leurs manufactures ou maisons de commerce établies. pH
, rapporteur. J'adopte : cette proposition ; elle remplit le même Objet, dn pourrait rédiger ainsi le premier paragraphe du projet de décret :
« Décrète que lesdits rassemblements seront dissipés, et que les personnes qui les composent, quoique libres de vivre sous la protection des lois françaises, seront provisoirement tenues de choisir leur domicile hors des villes; de guerre, excepté les négoci ants ou marchands, qui s s'établiraient: avec leurs maisons de commerce ou d'industrie. »>
Un nombre considérable d'étrangers arrive en ce moment sur nos frontières. Ils se rendent en foule à Lille, à Douai,: et le département du Nords'est empressé de; vous témoigner ses solhcitudés.
Sans doute, la terre la liberté doit être une terre hospitalière; mais.les émigrants rassem-blés à Lille n'auraient-ils. pas voulu faire de cette ville u^ point de reniement, un dépôt d'armes, un poste convenu'?,c'ést là-dessus qu'il s'agit de s'entendre. Ils sorti lés enfants de la liberté ; leur nombre, leur courage, leur industrie, peuvent augmente^ vôtre, force ; mais, dans aucun cas, il ne convient de recevoir, dé laissèr se rassembler sur les frontières des fugitifs dortt les jntentions, qui peuvent être bonnes, ne sont pas garanties, votre situation vis-à-vis dé l'empereur,vous en fait une loi expresse ;. les favoriser, ce serait enfreindre les traités mêmes subsistants entre la France et un princé avec lequel nous sommes en paix.
On me dira peut-être quel l'empereur autorise chez lui les rassemblenients des émigrés français, à Aht, à Tournay ; qu'il n'interpose pas son autorité auprès des électeurs du Haut et au Bas-Rhin. Je crois que cette observation n'est pas sans fondement ; mais c'est une raison pour être plus sur nos gardes nous-mêmes.
En effet, de quel droit lui demanderez-vous de disperser les. attroupements qui nous inquiètent, si vmis laissez former ceux qui l'alarment lui-même? J'imite votre exemple, aura-t-il droit dé répondre à votre réquisition ; et on ne peut nier que sa réponse sera juste. Si, au contraire, il enfreint le traité à votre égard, vous aurez tout l'avantage pour vous.
Mais quels soupçons ne peut-on pas former contre ces émigrés ? Un M. de Béthurte, dont le civisme n'est pas bien connu, un Ci-devant duc se présente pour eux : je demanderai caution dé cette caution-là. 11 proposé de les caserner : une aussi étrange proposition a bien le droit d'être suspecte. Les ^principaux agents de la Révolution belge sont à Douai ; mais ce sont des partisans de l'aristocratie nobiliaire et sacerdotale, ce sont des intrigants qui préfèrent bien plutôt l'indé-
ftendance pour s'arroger les pouvoirs, que la
iberté; ce sont ceux là mêmes qui ont vendu lés malheureux Yonckistes à l'empereUr ; de pareils hommes sont loin d'être les adorateurs d'une révolution qui veut que tous les hommes soient égaux; que les prêtres, les ministres du culte soient de simples citoyens et non pas une puissance, un corps politique dans l'Etat.
Suivez l'exemple que nous donna l'Assemblée constituante dans cette même occasion. Elle leur accorda un- asile, mais sans armes, sans leur permettre de; se* rassembler ni surtout de séjourner dans nos villes frontières. Voilà ceque la politique, le droit des gens exigent à la fois qu'on leur âccorde sûreté, protection des lois et hospitalité, rien d'avantage. J1 ne s'agit pas ie? d'admettre des cautions. La meilleure caution en pareil cas est insuffisante. Quelquefois ceci n'est qu'une perfidie ; et la situation de la grince rhenacée au dehors, inquiétée au dedans par des prêtres séditieux, sur le point d'être obligée de faire la guerre, sa situation la force à prendre des mésures dont on peut regretter la rigueur, mais que la nécessité légitime.
Vorateur propose un projet de décret conforme aux observations qu'il vient de présenter.
Plusieurs membres : Là discussion fermée ! fL'Assemblée ferme la discussion, puis adopte le décret d'urgence.)
rapportevr, donne lecture du premier paragraphe amendé par M. Daverhoult et qui est ainsi conçu : « Et ayant décrété l'urgence, « Décrète que lesdits rassemblements seront dissipés, et que les personnes qui les composent, quoi que libres dé Vivre sous la protection des lois françaises, seront provisoirement tenues de choisir leur domicile hors des villes de guerre, excepté les négociants du marchands qui s'établiraient avec leurs maisons de commerce ou d'industrie. »
Jè demande la question préalable sur l'amendement de M. Daverhoult; car il y aurait un très grand inconvénient à permettre à ces gens-là dé rester dans les villes frontières, en témoignant seulement l'intention d'établir des maisons de commerce. Il faut;au moins 2 mois pour former des établissements de commercé, pour acheter les matériaux nécessaires, et dçtns 2 ou 3 mois il serait possible qu'on exécutât contre la Constitution des projets très funestes.
Je demandé que les mots i[Ui accordent aux Brabançons, ou soi-disant-Brabançons, la faculté de rester dans les villes de guerre, sous prétexte de former des établissements dé commerce, soient absolument supprimés et qu'on dise simplement qu'ils pourront fixer leur demeure dans les villes de l'intérieur.
Messieurs, M. Lecointe a mal compris mon amendement. Il ne s'agit point de donner aux Brabançons la faculté d établir des maisons de commerce ou manufactures ; mais il s'agit de donner aux commerçants étrangers qui ont à l'étranger des maisons dé commerce ou des manufactures déjà établies, la facilité de pouvoir se transporter en France avec leurs maisons.
, Je demande la question préalable sur l'amendement de M. Daverhoult ; car, Messieurs, si vous l'adoptez, il en résultera que malgré la disposition de notre décret, tous ceux qui sont réunis pourront rester sur les frontières en prenant des patentes et dire: nous sommes ici pour faire des établissements, nous faisons un commerce, nous y vendons des allumettes; et alors on restera malgré la disposition de votre décret.
Messieurs, il faut que l'Assemblée nationale se montre grande et loyale. Il ne faut pas de disposition inutile, impolitique : il ne faut pas laisser
à des hommes qui nous paraissent suspects et que vous voulez faire rentrer dans l'intérieur pour leur donner l'hospitalité, il ne faut pas, dis-ie, leur laisser les moyens d éluder Votre loi. Je demande donc que l'article des trois comités réunis soit adopté sans parler d'établissements de commerce ; car il n'est pas besoin de loi pour cela.
Il est peut-être possible de concilier les craintes de quelques opinants, que je partage moi-même, car la disposition qu'on nous propose pourrait être interprétée par nos ennemis, de manière à ce qu'ils se crussent autorisés à former, eux aussi, des établissements quelconques. Voici comment je propose de rédiger la dernière phrase :
«... à moins que les corps administratifs ne leur permettent ae former des établissements permanents de commerce. »
Plusieurs membres : La question préalable !
Je demande la question préalable sur tous les amendements. J'observerai qu'avant l'événement dont il est question, il y avait des lois existantes, il y avait une surveillance des corps administratifs sur tous les étrangers qui arrivaient en France et apportaient leur industrie. Les lois subsistent encore, la même surveillance n'a point cessé. Je ne vois pas la nécessité de laisser dans le projet de décret le mot établissements. Il suffit que ce mot puisse donner à nos ennemis des armes contre nous, pour que nous adoptions unanimement la radiation ! ;
Plusieurs membres : La question préalable sur la radiation !
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable sur la radiation, et décrété en conséquence que les mots : « ... excepté les négociants ou marchands qui s'établiraient avec leurs maisons de commerce ou d'industrie », seront retranchés.)
Un membre : Je propose de fixer à 6 lieues la distance à laquelle les étrangers seront tenus de s'éloigner des frontières.
Voix diverses : 10 lieues 1 — 15 lieues!
Un membre : Je demande la question préalable sur la fixation de la distance à laquelle ces étrangers seront tenus d'habiter dans les villes frontières.
Quand des étrangers ne sont en rassemblement ni dans les places de guerre, ni dans les villes frontières, je ne sais pas pourquoi vous voulez encore fixer la distance où ils devront se retirer des frontières.
consulte l'Assemblée sur la question préalable relativement à la fixation de la distance et prononce qu'il y a doute.
J'appuie la question préalable, et je demande à la motiver. Avant d'admettre la question préalable sur une proposition qui n'aurait pas dû être accueillie, il faut se rappeler l'obligation sacrée de respecter les droits naturels des hommes. Certes, Messieurs, les Français ne veulent pas donner de prisons à des étrangers, peut-être persécutés pour l'amour de la liberté ; ils ne veulent point tourmenter des familles ou des négociants qui viennent jouir sur leur sol des bienfaits de la Constitution ; ils ne veulent pas répandre parmi eux l'inquiétude. Adopter une pareille disposition, ce serait écarter de la France tous les étrangers qui auraient le désir de s'y établir et nous priver ainsi des avantages que leur naturalisation pourrait nous procurer. Je demande si l'on peut croire, un instant,
qu'un peuple puisse se permettre de cantonner des hommes dans une certaine partie de son territoire.
Les précautions qu'exige la sûreté publique sont prises ; vous les faites sortir des villes frontières et vous dissipez partout les rassemblements ; mais vous ne pouvez pas faire plus sans violer les principes de la liberté, et sans déchirer la déclaration des droits et la Constitution française. Je demande la question préalable sur cette împolitique et effroyable proposition. (Applaudissements.)
, rapporteur. Les rassemblements des étrangers Brabançons sont suspects ; ils sont visibles, et vous pouvez faire en sorte de les dissoudre ; mais ces rassemblements une fois fondus, il n'y a plus que des individus, et je demande quelle est l'espèce de pouvoir inquisito-rial qui pourra les reléguer à 6 lieues des frontières? (Applaudissements.) ;
Un membre : Ce serait une lettre de cachet.
Je mets de nouveau aux voix la question préalable sur l'amendement tendant à fixer la distance.
(L'Assemblée; consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)
Je demande à présenter des observations sur le mot provisoirement. L'expérience vous a prouvé qu'il ne dépendait pas de vous que vos décrets fussent exécutés quand bon vous semblerait. Si vous laissez subsister une pareille loi indéfiniment, quoiqu'elle ne soit manifestement qu'une loi de circonstance, vous voudrez peut-être la révoquer dans peu de temps, et cependant il ne dépendra pas de vous de la révoquer. La raison en est sensible à apercevoir. Il y a toujours des rassemblements et enrôlements d'émigrants français â Bruxelles; on assure même qu'A y en a d'armés, ce qui doit nous faire considérer la conduite de l'empereur à notre égard comme au moins très équivoque. Je demande donc que nous nous tenions dans les plus justes mesures avec lui, et que par cette raison, annonçant que nous ne voulons faire qu'une loi provisoire, elle ne puisse avoir d'effet que pour un temps limité. Je demande donc que le mot provisoirement soit remplacé par ceux-ci : « pendant trois mois. »
Un membre : J'appuie l'amendement de MvGar-ran, et je propose de le rédiger ainsi :
« Seront provisoiremeut tenus, et jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par l'Assemblée nationale, de choisir... »
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement!
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Garran-de-Coulon.)
En conséquence, le premier paragraphe est adopté dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence :
« Décrète que lesdits rassemblements seront dissipés, et que les personnes qui les composent, quoique libres de vivre sous la protection des lois françaises, seront provisoirement tenues de choisir leur domicile hors des villes de guerre. »
, rapporteur, donne lecture du second paragraphe, qui est adopté dans les termes suivants :
« Enjoint aux corps administratifs et municipaux de veiller à ce qu'en aucun lieu, il ne se
forme nul rassemblement d'étrangers, soit armés, soit sans armes. »
Vous ne voulez sûrement pas repousser ceux qui vous apportent de l'industrie et des richesses; vous devez donc, après avoir pourvu à tout ce qui Concerne les rassemblements, adopter-ce paragraphe additionnel :
« Les établissements déjà commencés et entre-
Eris seront conservés par les maisons étrangères.
es corps administratifs pourront permettre aux négociants étrangers déjà connus, de former des établissements de commerce, après qu'ils auront constaté leurs noms, leurs maisons,.leurs projets d'établissements. »
Plusieurs membres : La question préalable!
J'appuie l'amendement de M. Caminet; mais voici comment je propose de le rédiger:
« Sans que les présentes dispositions puissent déroger aux lois antérieures qui protègent les établissements des étrangers dans le royaume. »
Les amendements présentés, et sur lesquels on propose à l'Assemblée de délibérer, ont été déjà rejetés par la question préalable. On a démontré que dans une loi qui n'a-Tait d'autre objet que de disperser des étrangers en état de rassemblement, il était inutile de faire aucune disposition relative aux établissements de commercé.
Or, il est de principe certain "que : l°tant qu'une loi n'est pas abrogée, elle sunsiste et doit etre exécutée de plein droit ; 2° que nulle loi ne doit avoir d'effet rétroactif. Les étrangers qui ont des établissements en France ou qui veulent en former sont donc suffisamment protégés par les lois anciennes. Les deux paragraphes additionnels sont par suite absolument inutiles ; je demande sur l'un, comme sur l'autre, la question préalable.
appuie l'amendement de M. Chabot.
Ce qui devient très inutile au sens de M. Delacroix, devient très sensible à ceux qui pèsent, avec beaucoup d'exactitude, le sens aes deux dispositions qui ont été décrétées. Sans doute, si l'Assemblée n'avait pas prononcé, en rejetant formellement l'exception, qu'on ne pourrait pas former des établissements dans les villes de guerre, il ne serait pas nécessaire dans ce moment-ci d'adopter une mesure pour empêcher de porter atteinte aux maisons de commerce établies, avant que les Brabançons pussent passer en France.
Mais, je vous le demande, lorsque des citoyens ont désiré venir respirer l'air de la liberté, lorsqu'ils se sont fixés en France et sous la protection des lois, pouvez-vous laisser leur existence dans une espèce d'incertitude? Cela est absolument impossible. Or, Messieurs, il n'y a pas de doute que, si vous ne faites point une disposition particulière, l'état des citoyens étrangers établis dans les villes de guerre sera absolument incertain. Les corps administratifs, saisissant l'esprit du décret, diront : Le vœu de l'Assemblée nationale est que les Brabançons qui sont passés en France ne puissent point y former des établissements. Il n'y a donc nul inconvénient à adopter la proposition de M. Chabot ; il y en aurait à la rejeter. Je demande qu'elle sont mise aux voix.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion sur l'amendement de M. Chabot.)
Je demande la question préalable sur le paragraphe additionnel de M. Chabot, en la motivant sur ce que le décret ne déroge pas avec les lois anciennes, protectrices du commerce des étrangers.
met aux voix la question préalable sur le paragraphe additionnel de M. Chabot et prononce que l'épreuve est douteuse.
J'observe que les corps administratifs en voyant que l'Assemblée a décrété qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur la proposition d'excepter de la loi les établissements de commerce, ne manqueront pas de croire qu'en effet tous les établissements de commerce des étrangers sont compris dans cette exception. J'appuie donc l'article additionnel de M. Chabot.
Après quelques débats, M. le Président met purement et simplement aux voix le paragraphe additionnel de M. Chabot.
(L'Assemblée adopte le paragraphe additionnel de M. Chabot, ainsi que la dernière partie du projet de décret des' trois comités et décide ensuite que le décret sera porté dans le jour à la sanction.)
Un membre : Je demande que votre décret soit envoyé aux puissances étrangères qui toléreront des rassemblements.
(Cette motion n'a pas de suite.)
Suit la teneur du décret, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
« L'Assemblée nationale, instruite qu'il se fait dans les villes de Lille et de Douai, et autres lieux voisins, des rassemblements d'hommes, se disant Brabançons, qui paraissent avoir des chefs et dont les projets sont inconnus ; voulant concilier, avec les devoirs de l'hospitalité, la sûreté des places frontières, le droit des gens et les égaras du bon voisinage, décrète qu'il y a urgence. .
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence,
«Décrète que lesdits rassemblements seront dissipés, et que les personnes qui les composent, quoique libres de vivre sous la protection des lois françaises, seront provisoirement tenues de choisir leur domicile hors des villes de guerre.
« Enjoint aux corps administratifs et municipaux ae veiller à ce qu'en aucun lieu il ne se forme nul rassemblement d'étrangers, soit armés, soit sans armes.
« Sans que les présentes dispositions puissent déroger aux lois antérieures qui protègent les établissements des étrangers dans le royaume :
« Approuve les mesures prises par le directoire du département du Nord, et les districts et municipalités de Lille et Douai, connues par les arrêtés des 16, 17 et 18 de ce mois.
« Décrète que le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
L'ordre du jour appelle suite de la discussion du projet de décret au comité de Vordinaire des finances sur les moyens à prendre pour établir des caisses d'échange des assignats de 5 livres dans les districts (1).
Messieurs, je demande la parole pour une motion d'ordre qui n'est pas étrangère à la
délibération qui va nous occuper.
Il n'est aucun de vous, Messieurs, qui ne sente la pressante nécessité d'anéantir les billets de confîancequi courent la France,par leur échange avec des papiers nationaux de valeur correspondante et par la perception de l'impôt, mais il est, dans les circonstances où nous nous trouvons, un obiet qui doit fixer votre attention. Beaucoup de villes du royaume,: dont plusieurs renferment une garnison nombreuse, n'ont point formé de caisses patriotiques. Les troupes étant payées eii assignats de 5 livres, et ne trouvant point de valeurs inférieures, perdent jusqu'à 15 0/0 dans l'échange avec l'argent. Sans doute, la nation doit accorder une confiance sans mesure à la fidélité de l'armée et des gardes nationales volontaires ; mais le soldat souffre, et c'est assez pour que vous ayez le devoir de prendre sa situation en grande considération.
Je demande donc que, d'une part, vous ouvriez le plus promptem,ent possible la discussion sur la coupure des assignats, en la suivant sans interruption, et d'une autre, que vous chargiez votre comité militaire de vous présenter des mesures provisoires pour venir au secours des troupes de ligne et des gardes nationaux volontaires.
J'appuie la motion de M. Théodore Lameth, et je demande par amendement que l'on ait égard à l'état des officiers des grades subalternes, qui, dans le payement de leurs appointements, ne reçoivent qu'un quart en petits assignats : c'est trop peut-être pour les officiers généraux, mais c'est trop peu pour les simples officiers.
(L'assemblée renvoie les motions de MM. Théodore Lameth et Lacombe-Saint-Michel au comité militaire et revient à la discussion du projet de décret du comité de l'ordinaire des finances.)
, rapporteur. Soumet à la délibération la suite de soii projet de décret.
L'article 6 (ancien article 5 du projet dû comité) est mis aux voix et adopté sauf rédaction.
Suit la teneur de' cet article tel qu'il a été adopté lors de là lecture du procès-verbal :
« Art. 6 (ancien art. 5).
« Les assignats de 50 jusqu'à 300 livres qui prot-viendront de l'échange des assignats de 5 livres, et ceux de 50 à 100 livres que la Trésorerie nationale enverra à certains départements, pour compléter les fonds pour le trimestre de janvier prochain, seront employés au payement que les receveurs de district seront chargés d'acquitter. »
Les articles suivants sont successivement mis aux voix et adoptés :
( « Art. 7 (nouveau).
« Les receveurs de district qui, d'après les bases adoptées pour la répartition, recevront un fonds excédant celui nécessaire pour le service de janvier prochain,- emploieront les assignats de 50 livres jusqu'à 300 livres de cet excédent, à un second échange contre des assignats de 500 livres, 1,000 et 2,000 livres, qu'ils seront tenus d'envoyer, dans le mois de janvier prochain, à la Trésorerie nationale, aprèsles avoir annulés et estampillés. »
« Art. 8 (ancien art. 6).
« Les citoyens qui auront des assignats à échanger s'adresseront au directoire de leur district, munis d'un certificat de leur municipalité, qui constatera leur domicile, leur profession et le npmbre des ouvriers qu'ils occupent. »
« Art. 9 (ancien arti 7).
« Tous les citoyens, sans exception, seront admis aux échanges; mais les directoires de district auront cependant égard aux demandes formées par les cultivateurs, fabricants, chefs d'ateliers èt armateurs, en proportion du nombre de leurs ouvriers. »
« Art. 10 (ancien art. 8).
« Les directoires de distriet remettront un bon aux citoyens qui seront admis aux échanges, lequel contiendra le nom de la personne, le nombre et la valeur des assignats à remettre et à recevoir, et la déclaration, si la personne sait signer. »
« Art. 11 (ancien art. 9).
c Les receveurs de district ne pourront remettre des assignats en échange qu'aux porteurs des bons du directoire qu'ils feront acquitter par ceux qui auront déclaré savoir signer. »
« Art. 12 (ancien art. 10).
« Les receveurs de district rendront compte au directoire, dans le mois de janvier prochain, des échanges qu'ils auront faits. Ces comptes, et les pièces justificatives, seront envoyés par le directoire du district, après les avoir vérifiés et donné son avis au directoire de département qui les arrêtera. »
, rapporteur. Je vais vous donner lecture de l'article 13, auquel je propose d'ajouter qu'il sera envoyé au département de la Corse 100,000 livres en sus de la répartition fixée par le
... «Art. 13.
« Les 10 millions réservés pour le service de la. Trésorerié nationale serviront :
« 1® Au payement des appoints et du huitième des sommes au-dessous de 600 livres à acquitter dans le mois de janvier prochain ;
« 2° Aux appoints des payements de 600 livres et au-dessus à acquitter dans le même mois, lesquels ne pourront être moindres de 80 livres;
« 3° Au payement des sommes à acquitter par la Trésôjçerie., dans le mois de janvier prochain, pour les avances sur les 12 millions, pour les enfants trouvés, hôpitaux et prisons, et pour les douanes nationales ;
. « 4° 100,000 livres en sus de la répartition adoptée par le .présent décret, seront envoyées au département de la Corse, lesquelles seront employées conformément aux articles 4, 5, 6 et 7 au présent décret;
5° Enfin, pour fournir 3 millions, à raison de 150,000 livres par jour, à la caisse d échange établie à Paris, pour les échanges à faire aux agriculteurs, fabricants, chefs d atelier et armateurs du royaume, lesquels seront continués d'après l'ordre et le mode actuellement établis. »
Un membre : Je demande que la caisse de M. La-marche soit supprimée. ...
Un membre : Je rends justice à la probité de M. Lamarche et à son attention soutenue, mais il est certain qu'il est souvent trompé. De grands chefs d'atelier se présentent à ses Caissës pdur échanger de gros,assignatssous^prétexte dë payer leurs ouvriers ; mais jamais ceux-ci ne voient de petits assignats; ils vont tous à la rue Vivienne.
Lé préopinant né demande la suppression de la caisse ae M. Lamarche quë pour verser dans les départements les assignats de 5 livres, et j'observe que, pour remplir ses, intentions, il est àbsolùmént nécessaire, au niPîiuS provisoirement, de conserver cette caisse. Je demandé donc que l'on mette aux voix ^article du comité.
Il faut au moins fixer un terme très court; je proposé de la supprimer au 1er janvier, par exemple. Plusieurs membres : Au moment de l'envoi !
, rapporteur. Par l'article, cette caisse ne doit subsister que 20 jours, puisque vous n'accordez que 3 millions à raison de 50,000 écus par jour.
Plusieurs membres : La question préalablé sur l'amendement de M. Roux !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer surTamende.meïit de m. Roux-Fasillac tendant à supprimer là caisse de M. Lamarche au 1er j anvier prochain, et adopte l'article 13.)
, rapporteur, donné lecture dé l'article 14, qui est ainsi conçu :
Art. 14.
«« Les coinmissaires dé la Trésorerie nationale» rendront compte, à la fin du mois dç janvier prochain, à l'Assemblée nationale, des assignats dé 5 livres qu'ils auront employés,.et des causes de leur emploi. ». , Plusieurs membres : La question préalable ! (L'Assemblée réjette la question préalable et adopte, l'article ,14»).
, rapporteur. Voici un article additionnel/qui deviendrait l'article 15 ;> il est ainsi conçu : .
« La caisse d'échange, établie àParis^ régie par m. Lamarche, sera chargée des échanges des districts de Paris. Il tiendra un compte particulier de ces échanges qui seront surveillés par le département qui en recevra les comptes. »
Un membre : Les échanges ont toujours été confiés aux receveurs de district. Ainsi, je demande la question préalable sur l'article proposé ar M. le rapporteur* ou bien je propose que l'on ise à la fin de cet article que les assignats en échange seront remis entre les mains des receveurs nommés par la municipalité qui remplacé le district, afin que le peuple soit à portée de faire ces échanges.
C'est à la Trésorerie nationale à faire cet échange et à en charger les commis qu'elle jugera les plus propres à remplir cet emploi.
, rapporteur. J'adopte et propose la rédaction suivante :
Art. 15.
« La caisse d'échange, établie à Paris sous la surveillance des commissaires de la Trésorerie
nationale, fera les échanges du district (de Paris, sous les ordres du directoire dé département, qui en vérifiera et arrêtera le compte de l'emploi.»
(L'Assemblée adopte cet article additionnel qui deviendra l'article 15.)
Plusieurs mmftmproposent différents articles additionnels dont l'Assemblée ajourne la discussion au 15 janvier.
Un membre : Jé demande que les administrations dé département et de district soient tenues de fàire .imprimer, et afficher l'état des distributions et des échanges.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée rejette la question préalable.)
Cette mesure est impraticable p^rce qu'elle donnerait lieii à dé,s frais considérables. Je; demandé qué les/receveurs de district soient seulenierit tenus dé1 conserver' Sur un .registre à èe destiné,1 et oùVçrt à tphte réqyisitiorlJles états de tous leâ échangés et d'envoyer un double de ces états au dirèetdire de département.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée rejette la* question préalable et adopte la motion ae M. Dorizy.)
La rédaction de cette motion, qui forme l'article 16 au décret, est ainsi conçue :
Art. 16.
« Les, états d'échange qui auront lieu seront consignés dans un registre à ce destiné.,, qui sera tenu par les directoires de district, qui sera ouvert à toutés réquisitions. La copie de ce registre sera adressée par le directoire, chaque quinzaine, au département. »
Je demande que ceux qui auront obtenu des bons des directoires, pour l'échange des assignats soient tenus de signer le registre.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Lagrévol.)
Un membre:,le demande que l'Assemblée charge son comité de l'ordinaire des finances de lui présenter. sous 8 ; jours, un mode moins onéreux que celui aont, jusqu'ici^ s'est servi la Trésorerie nationale pour l'envoi des. assignats dans les départements.
(L'Assemblée adopté cette motion.)
Suit le texte définitif du décret tel qu'il a été soumis à la sanction :
, Décret relatif à la répartition des petits assignats dans les départements.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est ; de son devoir de procurer à tous les citoyens les moyens les plus prompts de suppléer à la rareté I du numéraire, en facilitant l'échange, dans les dé-; partements et les districts, des assignats de 5 livres contre ceux de plus forte somme, et de con-j cilier cet échange avec le service des caisses , publiques, décrète qu'il est urgent de délibérer j sur cet objet.
L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit : .
Art. 1er.
Le commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire fera remettre, au fur et à mesure de la fabrication, et d'ici au 15 janvier prochain, à la I Trésorerie nationale, 60 millions en assignats de I 5 livrés, eû échange ae ceux de 500 livres, 1,000 li-
vres et 2,000 livres, qui seront brûlés et annulés, en observant les formes actuellement établies.
Art. 2.
Sur les 60 millions mentionnés en l'article ci-dessus, les commissaires de la Trésorerie nationale en enverront, d'ici au 15 janvier prochain, 50 millions, dans les départements, d'après la répartition qu'ils en formeront, en prenant pour base la représentation nationale : les 10 millions restants devant être employés aux paiements journaliers de la Trésorerie nationale.
Art. 3.
Sur les 50 millions oui seront envoyés dans les départements, 8,550,000 livres serviront au paiement de moitié des frais de la guerre du mois de janvier prochain, 1,328,687 livres au paiement du quart du service de la marine pour le même mois, et 40,121,813 livres seront adressées aux directoires de département.
Art. 4.
Lés directoires de département répartiront d'après les bases combinées de la population et des contributions directes, entre les districts de leur ressort, les 40,121,813 livres en assignats de 5 livres ci-dessus mentionnés ; ils enverront aux receveurs de district le contingent de la répartition qui reviendra à leur district.et ils en donneront avis aux directoires de district.
Art. 5.
Les receveurs de district emploieront les assignats de 5 livres.
Art. 6.
Les assignats de 50 livres jusqu'à 300 livres, qui proviendront de l'échange des assignats de 5 livres et ceux de 50 livres à 100 livres que la Trésorerie nationale enverra à certains départements pour compléter les fonds nécessaires pour le trimestre de janvier prochain, seront employés aux payements que les receveurs de district seront chargés d'acquitter.
Art. 7.
Les receveurs de district qui, d'après les bases adoptées pour la répartition, recevront un fonds excédant celui nécessaire pour le service du tfimestre de janvier prochain, emploieront les assignats de 50 livres, jusqu'à 300 livres de cet excédent, à un second échange contre des assignats de 500 livres, 1,000 livres et 2,000 livres qu'ils sont tenus d'envoyer, dans le mois de janvier prochain, à la Trésorerie nationale, après les avoir-annulés et estampillés.
Art. 8.
Les citoyens qui auront des assignats à échanger s'adresseront au directoire de leur district, munis d'un certificat de leur municipalité, qui constatera leur domicile, leur profession et le nombre des ouvriers qu'ils occupent.
Art. 9.
Tous les citoyens, sans exception, seront admis aux échanges ; mais les directoires de district auront cependant égard aux demandes formées
par les cultivateurs, fabricants, chefs d'atelier et armateurs, en proportion du nombre de leurs ouvriers.
Art. 10.
Les directoires de district remettront un bon aux citoyens qui seront admis aux échanges, lequel contiendra le nom de la personne, le nombre et la valeur des assignats à remettre et à recevoir, et la déclaration si la personne sait signer.
Art. 11.
Les receveurs de district ne pourront remettre des assignats en échange, qu aux porteurs des bons du directoire, qulls feront acquitter par ceux qui auront déclaré savoir signer.
Art. 12.
Les receveurs de district rendront compte au directoire, dans le mois de janvier prochain, des échanges qu'ils auront faits. Ces comptes et les pièces justificatives seront envoyés par le directoire du district, après les avoir vérifiés et donné son avis, au directoire du département, qui les arrêtera.
Art. 13.
Les 10 millions réservés pour le service de la Trésorerie nationale, serviront :
1° Au payement des appoints et du huitième des sommes au-dessous de 600 livres à acquitter dans le mois de janvier prochain ;
2° Aux appoints des payements de 600 livres et au-dessus, à acquitter dans le même mois, lesquels ne pourront être moindres de 80 livres ;
3° Au payement des sommes à acquitter par la Trésorerie, dans le mois de janvier prochain, pour les avances sur les 12 millions, pour les enfants trouvés, hôpitaux et prisons, et pour les douanes nationales ;
4° 100,000 livres, en sus de la répartition adoptée par le présent décret, seront envoyées au département de la Corse, lesquelles seront employées conformément aux articles 4, 5, 6 et 7 au présent décret ;
5° Enfin, pour fournir 3 millions, à raison de 150,000 livres par jour, à la caisse d'échange établie à Paris, pour les échanges à faire aux agriculteurs, fabricants, chefs d'atelier et armateurs «du royaume, lesquels seront continués d'après l'ordre et le mode actuellement établis.
Art. 14.
Les commissaires de la Trésorerie nationale rendront compte, à la fin du mois de janvier prochain, à l'Assemblée nationale, des assignats de 5 livres qu'ils auront employés et des causes de leur emploi.
Art. 15.
La caisse d'échange, établie à Paris sous la surveillance des commissaires de la Trésorerie nationale, fera les échanges du district de Paris, sous les ordres du directoire de département, qui en vérifiera et arrêtera le compte de l'emploi.
Art. 16.
Les états d'échange qui auront lieu seront consignés dans un registre à ce destiné, qui sera tenu par les directoires de district, qui sera ou-
vert à toute réquisition. La copié de ce registre sera adressée par le directoire, chaque quinzaine, au département.
(La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires, en vertu d'un décret rendu dans la séance de lundi dernier, fait Vappel nominal pour constater le nombre des membres présents et connaître les motifs de l'absence de ceux qui ne se sont point rendus à leur poste.
L'appel nominal a manqué son but qui était de faire connaître le nombre des députés inscrits aux archives. Je demande que l'Assemblée charge ses comités de législation et de division réunis de lui présenter un projet de loi pour forcer ceux qui sont absents à se rendre à leur poste.
M. Valadier, député du département de l'Àrdèche, est malade depuis longtemps ; cependant, on fait espérer qu il sera bientôt rétabli. Je demande que l'Assemblée lui donne un délai pour se rendre ou qu'il donne sa démission, et qu'alors son suppléant soit appelé.
La mesure proposée par M. Lacombe n'est qu'une mesure individuelle, et il faut prendre celle qui est tracée par la Constitution.
L'article 4 de la section V du chapitre Ier de l'Acte constitutionnel porte :
« L'Assemblée pourra prendre un arrêté pour . enjoindre aux membres absents de se rendre à leurs fonctions dans le délai de quinzaine au plus tard, à peine de 3,000 livres d'amende, s'ils ne proposent pas une excuse qui soit jugée légitime par l'Assemblée. » ^
En conséquence de cette disposition, je demande que le comité, chargé de l'expédition des mandats, soit chargé de présenter à 1 Assemblée, dans le délai de 8 jours, le tableau des députés absents, pour, sur son rapport, être statué conformément à la Constitution.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Tarbé.)
L'Assemblée renvoie à la séance du soir la lecture du procès-verbal de la séance de la veille.
, député du département de l'Aube, demande un congé de 10 jours qui lui est accordé.
annonce que divers pétitionnaires demandent à être admis à la barre.
(L'Assemblée décrète crae ces pétitionnaires seront admis à la séance ae ce soir.)
Un courrier, arrivé de la ville du Puy (Haute-Loire), annonce l'incendie de la maison où le département tenait ses séances; on va vous donner lecture de la lettre qu'il a écrite à ce sujet.
, secrétaire, donne lecture dejcette lettre qui est ainsi conçue :
Monsieur le Président,
« Nous nous empressons de vous informer de l'incendie qui s'est manifesté aujourd'hui à deux
heures du matin, à la maison du département, qui a été consumée en entier dans 1 espace de 3 heures. La majeure partie des papiers et des titres a été garantie des flammesi par le zèle des gardes nationales et des troupes de ligne, et par la surveillance de la municipalité. Nous ne pouvons à l'instant vous instruire précisément des causes d'un si fâcheux événement; les différentes présomptions nous amènent à croire qu'il est l'effet aun complot des ennemis de la chose publique. Nous nous sommes de suite constitués en assemblée permanente jusqu'à ce que nous ayons reçu les ordres de l'Assemblée nationale et du roi à qui nous donnons le même avis. Le tribunal s'occupe, de son côté, à faire des informations.
« Nous sommes avec respect, etc...
« Le président du département de la Haute-Loire.
« Signé : PRIEUR. »
(L'Assemblée renvoie la lettre et les pièces au comité de division.)
Messieurs, les nouvelles officielles et particulières que la députation de la Haute-Loire a reçues de 1 événement malheureux qui afflige ce département, n'ajoutent rien aux détails que vous a donnés le directoire, si ce n'est qu'au moment où l'incendie s'est manifesté, on a vu un grand nombre de fusées volantes jetées sur la maison.
Cet événement, Messieurs, doit affliger les vrais amis de la Constitution. Il tient à des causes majeures qu'on ne peut que soupçonner, mais qui sans doute seront connues par l'information qu'a déjà commencée le tribunal du Puy, et qui sera suivie avec célérité. Vous avez renvoyé, Messieurs, la lettre du département à votre comité de division : vous avez en partie rempli ce que vous aviez à faire. Il reste à donner au conseil général du département, qui a de suite envoyé des courriers extraordinaires aux départements voisins, pour les prévenir de l'événement et les avertir d'être en garde, à la municipalité du Puy, qui a déployé un zèle et un courage dignes de son patriotisme ; au détachement de Languedoc, qui y est en garnison, et à la garde nationale, qui ont sauve par leurs efforts une partie des papiers, des marques de satisfaction. J'ajoute, Messieurs, qu'aucune garde nationale n'a eu plus à lutter contre le fanatisme, que celle du Puy, et qu'aucune n'a triomphé avec plus de sagesse et avec plus de succès. Je demande donc que, nonobstant le renvoi que vous venez de décréter, M. le Président soit chargé de marquer la satisfaction de l'Assemblée à la garde nationale,' aux troupes de ligne, à la municipalité et à l'administration du département. (Appuyé ! appuyé!)
(L'Assemblée approuve la conduite du directoire du département de la Haute-Loire, de la municipalité du Puy, de la garde nationale et des troupes de lignes de cette ville.)
demande que l'on commence immédiatement la discussion du projet de décret relatif à la coupure des assignats au-dessous de 5 livres.
L'ordre du jour écarte sans cesse le rapport du comité de marine, sur les inculpations faites contre le ministre de la marine. Vous avez entendu deux ou trois fois ce ministre venir dire à l'Assemblée que MM. les officiers municipaux de Brest, ainsi que les membres du comité de marine l'avaient calomnié. Votre co-
mité de marine est prêt à vous faire ce rapport depuis 8 jours. Il lui a été expressément ordonné de se tenir prêt pour faire ce rapport au premier jour : il avait été ajourné à samedi dernier. Je ne sais par quelle fatalité cè rapport a été encore renvoyé ; cependant, il est pressant; il faut savoir si les membres du comité sont des calomniateurs ou non. Je demande que ce rapport soit mis à l'ordre du jour pour la séance: de ce soir.
Un membre : La séance dé ce soir est déjà surchargée; je demande qu'on passe à l'ordre du ]OUT (Appuyé! appuyé!)
(L'Assemblée passe a l'ordre du jour.)
(Joseph), au nom du comité de législation, fait un rapport et présente un projet de décret sur la formation de la Haute-Cour nationale ; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, une conjuration menace la sûreté de l'Etat et sa Constitution. Là voix publique en dénonce les chefs, des événements particuliers en ont indiqué plusieurs complices ou agents subalternes.
Ces perfides complots, quelle que doive être leur impuissance* ont excité toute l'attention du Corps législatif, et forcé vers, des actes dé rigueur la direction dé ses premiers travaux, qu'il destinait à l'affermissement de l'ordre et du bonheur public-
Vous avez voulu, Messieurs, concerter avec le roi l'emploi de la grande mesure politique qu'exige la dispersion des chefs et des corps des conjurés.' Vous avez porté des décrets d'accusation contre les complices ou agents subalternes qui vous ont été dénoncés.
Cette dernière mesure appelait l'établissement de la Haute-Cour nationale, et; vous en avez décrété la formation et la convocation.
Mais les premiers regards que vous avez portés sur la loi relative à ce tribunal extraordinaire, vous ont fait penser, qu'elle manquait de détails et de développements essentiels..
Votre comité de législation, Messieurs, que vous avez chargé de. vous les présenter, a .dû méditer profondément cette importante matière.
La justice criminelle intéresse essentiellement la sûreté particulière, et par conséquent la sûreté publique, puisque l'une repose entièrement sur 1 autre.
La liberté individuelle et la liberté politique exigent donc toute l'application du génie législatif, dans l'organisation du pouvoir nécessaire mais terrible, ae poursuivre et de punir les crimes.
L'art de cette, institution délicate, c'est quelle soit réglée de manière à ne jamais servir qu'à son véritable usage,, c'est-à-dire à la répression des crimes et à la protection de l'innocence.
Et combien ces principes ne doivent-ils pas s'attacher jà la pensée du législateur, lorsqu'il s'occupe de réprimer les grands crimes qui attaquent directement la sûreté générale du corps social, lorsque la gravité du délit, celle des prévenus, celle de la peine, excitant un plus grand intérêt et de plus grandes inquiétudes nécessitent, par là même, la combinaison de plus grands moyens pour faire punir les coupables, sans compromettre la sûreté des innocents.
C'est en se fixant sur ces grandes vues, que votré comité à examiné les lois existantes sur
l'établissemen
Votre comité a pensé que ce serait peut-être s'exposer à en embarrasser les mouvements, que d'y joindre de nouveaux ressorts avant de 1 avoir éprouvé.
Le rapport que j'ai l'honneur dé vous faire se divise ainsi en deux parties : l'une relative aux articles qui ajoutent de nouvelles dispositions à la loi du 15 mai 1791, l'autre aux articles qui doivent expliquer les premières !
Le ministre de, la justice vous a proposé des difficultés qui, rentrent dans l'une et l'autre : votre comité avait prévu les plus considérables, et j'aurai l'honneur de vous présenter son opinion sur .toutes.
Et d'abord, Messieurs, quant à celles qui por-tent sur la nécessité de nouvelles dispositions^ on ne peut se dissimuler que la loi au 15 mai ne soit en défaut , sur beaucoup d'objets plus ou moins essentiels, niais tous nécessaires pour son intelligence et son exécution.
Elle ne règle rien sur le mode de la remise à faire, soit aux grands juges, soit aux grands procurateurs, des actes ae leur nomination. Votre comité pense que les grands procurateurs doivent recevoir leur titre de l'Assemblée elle-même, et les grands juges par l'intermédiaire du. pouvoir exécutif, comme chargé de donner le mouvement et l'exécution à tous les actes du Corps législatif. Si lé ministre de la justice, Messieurs, pense, comme il vous l'a déjà observé, que les formes ne lui donnent aucun moyen de correspondance avec des individus, il pourra employer, à son tour, l'intermédiaire du commissaire au roi auprès du tribunal de cassation, d'eùles quatre grands juges ont été tirés.
Une question d'un ordre supérieur, sur laquelle la loi du 15 mai n'a encore rien disposé, est celle de savoir si le pouvoir exécutif doit entretenir quelque correspondance soit avec la Haute-Cour nationale, soit avec les grands procurateurs* et quel en sera le mode. De puissantes raisons semblent militer pour et contre la nécessité de cette correspondance.
Le roi est, par la Constitution, le chef suprême du pouvoir exécutif. C'est de lui, ou des agents qu'il institue, que doivent émaner tous les mouvements nécessaires pour l'exécution des lois dont il est l'organe.
La Haute-Cour nationale est un tribunal existant par des formes particulières, mais soumis, dans ses actes, aux règles communes de l'ordre judiciaire. Lès grands procurateurs exercent auprès de ce tribunal les fonctions d'accusateur public, ét, sous ce rapport, ils sont encore sujets aux mêmes règles. ,
Si, selon la pensée très juste d'un des membres de cette Assemblée, dans son discours sur la responsabilité des ministres, dès l'instant où la loi est revêtue de toutes ses formes, 'il; s'élève dans VEmpire une autorité supérieure à toutes les autres (la loi qui vient d'être faite), le magistrat suprême, investi du pouvoir de la faire exécuter, ne doit-il pas veiller constamment, et partout à cette exécution ; et la chaîne de cette sur-
veillance, ne serait-elle pas rompue, s'il existait dans l'Etat un corps purement exécuteur de la loi, et cependant hors de l'atteinte des organes du pouvoir exécutif?
Les principes de l'institution de la Haute-GoUr nationale semblent venir eux-mêmes à l'appui de ces premières idées puisqu'ils admettent, et le concours du roi dans le tirage au sort des quatre grands juges, et l'établissement d'un commissaire royal auprès de cette cour.
Cependant, Messieurs, l'opinion de Votre comité n'est pas que les ministres du roi doivent communiquer avec elle ni avec- les grands procurateurs.
La Haute-Cour nationale est sans doute un tribunal, mais un tribunal extraordinaire et hors des règles communes, un tribunal soumis aux lois qui régissent l'ordre judiciaire, mais investi, pour leur application, de toute l'autorité nationale, et indépendant du Corps législatif lui-même.
Les grands procurateurs exercent auprès de ce tribunal suprême les fonctions d'accusateurs publics, mais ils les exercent non pas seulement au nom du Corps législatif qui les a élus, mais au nom de la nation même, puisqu'ils portent le titre de grands procurateurs de la nation : et certes, l'idée de pouvoirs existants sous Ces grands caractères, et sous la plénitude d'autorité et d'indépendance qu'ils annoncent, impliquerait avec celle d'une surveillance exercée par les organes du pouvoir exécutif, qui n'est lui-même qu'une branche de la grande division des pouvoirs constitués ! Elle impliquerait encore avec le droit que la Constitution donne à la Haute-Cour nationale de connaître des délits des ministres et des principaux agents du pouvoir exécutif.
Le sort de ces accusations serait compromis, si les ministres pouvaient avoir sur le tribunal qui doit les juger l'influence que donne l'autorité qui surveille ; et remarquez, Messieurs, que le délit d'un ministre pouvant être celui de tous ses collègues, celui du chef même du pouvoir exécutif qui, par la fiction de la loi, n'est jamais
rait pas le danger de l'influence attachée aux agents conservés et à la permanence indestructible du chef. .
Ces réflexions ne permettent pas d'attribuer au ministre de la justice, organe de cette partie du pouvoir exécutif, aucune surveillance ni sur la Haute-Cour nationale, considérée comme tribunal, ni sur les grands procurateurs, considérés comme accusateurs publics : et s'il fallait appuyer de l'autorité de l'exemple les principes qui ont déterminé cette opinion de votre comité, nous rappellerions ici ce que la loi, relative à l'organisation du ministère, a déjà réglé à l'égard du tribunal de cassation qui est formé sur les mêmes éléments que celui de. la Haute-Cour nationale, en bornant la correspondance du ministre de la justice au seul commissaire du roi établi auprès de ce tribunal, en même temps qu'elle lui accorde le droit d'entretenir une correspondance habituelle avec les autres tribunaux et de donner aux juges les avertissements nécessaires, de les rappeler à la règle, et de tailler à ce que la justice soit bien administrée.
Les mêmes principes, et des motifs plus puissants encore, doivent faire admettre icila même limitation. Votre comité pense donc que le
ministre de la justice ne doit correspondre qu'avec le commissaire du roi auprès de la Haute-Cour nationale.
La loi du 15 mai attribué ces fonctions à celui qui se trouve auprès du tribunal du district, dans le territoire duquel la Haute-Cour nationale s'ftssemblera. Elle ajoute qu'elles seront les mêmes, respectivement à l'instruction et au jugement, que celles qu'il exercera auprès du tribunal criminel ordinaire.
Cette disposition annonce évidemment que, si les tribunaux criminels et les commissaires du roi auprès de ces tribunaux, eussent existé à l'époque de cette loi; elle aurait préférablement appelé ces officiérs à l'exercice des mêmes fonctions auprès de la Haute-Cour nationale. Aujourd'hui qu ils existent et vont être incessamment en activité, en vertu d'une création postérieure, il faut revenir à l'esprit de la loi.
La disparité des fonctions des commissaires du roi auprès des tribunaux criminels avec les fonctions des mêmes officiers auprès dés tribunaux de district qui vont devenir purement ciyils et leurs grands rapports avec celles que doit remplir l'officier, chargé du même ministère. auprès de la Haute-Cour national^, ne semblent laisser àucun doute sur la nécessité du changement, ou de l'interprétation de cette partie de la loi du 15 mai.
Votre comité pense donc, Messieurs, que c'est au commissaire du roi du tribunal criminel que doit être attribué l'exercice des mêmes fonctions auprès de la Haute-Cour nationale.
Après avoir examiné la question de la correspondance du pouvoir exécutif avec la Haute-Cour natipnale, votre comité, Messieurs, s'est occupé de ceUe du Corps législatif avec les ..grands procurateurs qui sont ses agents immédiats.
Cette correspondance peut être nécessaire, soit pour l'envoi de nouvelles pièces à la charge des accusés, soit pour de nouveaux décrets d'accusation à porter contre des complices indiqués par l'instruction ; et elle ne saurait porter sur d autres objets.
La poursuite de l'accusation est confiée aux grands procurateurs, le jugement sur l'existence du délit et la conviction du coupable, aux hauts jurés, et l'application de la peine aux grands juges. C'est sur leur religion mutuelle que reposent les trois divisions de ce triste ministère. Toute influence étrangère, celle du Corps législatif surtout doivent en être soigneusement écartées. Autant il s'est armé de sévérité pour l'accusation, autant il doit s'armer de sagesse et de réserve pour laisser aux juges toute la liberté de leur opinion, et aux accuses toute la latitude des moyens de défense.
Le Corps législatif peut, sans doute, régler les principes et les formes de l'existence du pouvoir judiciaire ; mais il doit s'abstenir scrupuleusement de toute influence sur ses actes particuliers ; il le doit surtout à l'égard des délits pour lesquels il s'est rendu lui-même accusateur. Il ferait une confusion monstrueuse de pouvoirs, il exercerait le ministère le plus redoutable, si, après avoir porté l'accusation, il pouvait encore influencer le jugement.
Votre comité pense que la correspondance du Corps législatif avec les grands procurateurs, dans les cas où elle sera nécessaire, doit être directe, et nullement embarrassée de l'intermédiaire du pouvoir exécutif.
La loi du 15 mai manque encore de quelques
détails moins importants à la vérité, mais nécessaires pour l'activité du tribunal.
Elle ne parle ni de la nomination du greffier, ni de celle des huissiers qui* doivent servir auprès de la Haute-Cour nationale. Le comité, Messieurs, vous propose d'y établir un greffier et quatre huissiers, dont la nomination sera faite par les grands iuges, et qui auront pour traitement, savoir : le greffier, 300 livres par mois, indépendamment des frais des commis qui pourront lui être nécessaires, et les huissiers. 125 livres chacun aussi par mois. L'instabilité de ce tribunal a déterminé le comité à ne pas vous proposer des traitements à l'année.
Un article additionnel est encore nécessaire pour fixer la question de savoir si les grands procurateurs pourront agir concurremment ou séparément dans le cas de la suspension momentanée et forcée des fonctions de l'un d'eux ; votre comité s'est décidé pour l'affirmative.
Il est nécessaire aussi de déterminer la place
3u'occuperont les grands procurateurs auprès e la Haute-Cour nationale. Le comité pense qu'on doit leur assigner une place distinguée, mais quelque opinion qu'il Ait conçue de l'importance et de la grandeur ae leur caractère, il croit que celle des grands juges, dans l'ordre des choses et des idées, doit être supérieure.
Les fonctions de ceux-ci sont encore plus émi-nentes : investis de toute la représentation nationale, comme les grands procurateurs de la nation, ils sont de plus les distributeurs de sa justice, et tel est l'orange pouvoir qu'ils exér-cent, que la nation qui l'a créée vient elle-même s'y soumettre, et livrer ses plus grands intérêts au sort de ses jugements.
Le Corps législatif s'empressera peut-être de saisir l'occasion de ce grand exemple, pour ap-
{(rendre aux peuples que tel est le respect dû à a justice, telle est sa supériorité que la nation même doit toujours la voir au-dessus d'eUe.
Enfin, Messieurs, il convient de régler le costume des différents officiers de la Haute-Cour nationale. Votre comité vous propose de laisser aux grands juges, au commissaire du roi, au greffier et aux nuissiers, celui que la loi donne aux juges, commissaire au roi, greffiers et huissiers des autres tribunaux. Il pense que les grands procurateurs ne doivent avoir aucun costume, soit qu'on les regarde comme restant toujours membres du Corps législatif, qui n'en a pas; soit qu'on les compare aux accusateurs publics, qui sont également sans costume.
Maintenant, Messieurs, il reste à examiner les difficultés qui ont été élevées sur le sens et l'objet de quelques dispositions de la loi du 15 mai.
Les premières consistent à savoir quelle est la durée et la compétence d'une Haute-Cour nationale? Ne peut-elle être saisie que d'une seule accusation, ou doit-elle connaître de toutes les accusations qui sont portées par le Corps législatif.
Les doutes sur ce point peuvent naître de l'article 23* chapitre V, titre III de la Constitution, et de l'article 15 de la loi du 15 mai, qui parlent de la formation d'une Haute-Cour nationale, et qui, par là, semblent annoncer qu'il peut en exister plusieurs.
Ils naissent encore des dispositions du même article de la Constitution, et ae l'article 1er de la loi du 15 mai, conférées avec celles de l'article 19 de cette loi. L'article cité de la Constitution et l'article 1er de la loi du 15 mai portent : que la Haute-Cour nationale sera formée de hauts jurés et de membres du tribunal ae cassation, sous
le titre de grands juges. L'article 19 de cette même loi veut que celui qui a rempli une fois les fonctions de haut juré ne puisse plus les remplir pendant le reste de sa vie. De là on tire cette conséquence que puisque les grands juges et les hauts jurés forment un seul et même corps, et que la mission des hauts jurés, d'après ce dernier article, paraît devoir se consommer par le premier exercice de leurs fonctions, il doit' en être de même de celle des grands juges.
Enfin les doutes, et des doutes plus sérieux encore naissent de la nature même de cette grande institution, de la suprématie de son pouvoir, et du danger que l'on a cru voir pour la liberté politique à laisser une trop longue existence à un corps aussi puissant, formé de tous les éléments de la représentation du peuple, investi de la plénitude de l'autorité nationale, et supérieur en quelque sorte au Corps législatif lunmême, puisqu'il n'existe dans l'Etat aucune puissance qui ait le droit d'arrêter les actes émanés de la science.
Votre comité, Messieurs, malgré toutes ces considérations, n'a pu adopter le système de l'existence simultanée de plusieurs Hautes-Cours nationales ; et voici les motifs qui ont déterminé son opinion.
Il a cru cTabord que ce système serait contraire au système d'unité que la Constitution, et toutes les lois nouvelles ont sagement établi dans les diverses branches de l'Administration.
Il a vu ensuite, d'après l'article même cité de la Constitution et l'article 11 de la loi du 15 mai, que les circonstances pourraient en rendre l'exécution impossible, puisque ces 2 articles veulent que les officiers, chargés d'exercer les fonctions de grands juges auprès de la Haute-Cour nationale, soient pris parmi les membres du tribunal de cassation, et qu'il est aisé de prévoir le moment où le nombre des décrets d'accusation aurait entièrement épuisé cette ressource.
Votre comité a pensé aussi que le système proposé était contraire aux dispositions formelles du même article de la Constitution, et de l'article 4 de la loi du 15 mai, puisque, loin de borner l'attribution de la Haute-Cour nationale à la connaissance d'une seule accusation, ces articles portent, l'un, que cette cour connaîtra des délits aes ministres et agents principaux du pouvoir exécutif,, et des crimes qui attaqueront la sûreté générale de l'Etat; l'autre, de tous les crimes et délits dont le Corps législatif se .portera accusateur.
Enfin, votre comité a vu dans les rapports dangereux sous lesquels on peut envisager ce redoutable établissement un nouveau motif pour ne pas le multiplier. Si l'existence d'un seul peut effrayer la liberté publique, quelle terreur ne jetterait pas dans l'Empire le nombre indéfini de ces tribunaux qui auraient partout le même caractère de représentation nationale, le même pouvoir, la même indépendance.
Votre comité, Messieurs, pense donc que la Haute-Cour nationale une fois formée sur un premier décret d'accusation, toutes les accusations postérieures lui sont spécialement attribuées, et par l'Acte constitutionnel et par la loi du 15 mai.
Il pense aussi que dès le moment où l'instruction et le jugement des premières accusations sont terminés, ce tribunal extraordinaire et d'une existence fugitive doit se séparer, et qu'il faudrait en former un nouveau pour les accusations postérieures qui pourraient survenir pendant le cours de la législature.
Il pense enfin que, dans tous les cas, les fonctions de la Haute-Cour nationale doivent expirer avec celles du Corps législatif qui l'a établie et que la législature qui suit doit en former une nouvelle si les accusations n'ont pas été jugées, avec cette modification, néanmoins, que la première doit continuer ses fonctions jusqu'à son remplacement effectif.
Tout ce raisonnement s'applique au tableau du haut juré, et il y a même ici cette différence que ce tableau dans toutes les hypothèses doit être conservé pendant toute la durée de la législature sous laquelle il a été formé, sans subir les changements auxquels les grands juges et les grands procurateurs peuvent être exposés dans le même intervalle.
Cependant, Messieurs, la disposition de l'article 19, déjà cité, de la loi du 15 mai, portant que celui qui aura rempli une fois les fonctions de haut juré, ne pourra plus les remplir pendant le le reste ae sa vie, fait naître, sur ce point, une grande et importante question.
L'article doit être entendu de telle manière que les hauts jurés, qui auront été employés dans une première accusation, doivent être rayés de la liste, et ne puissent plus concourir a d'autres tirages pour ae nouvelles "compositions de jurés? ou bien faut-il l'entendre dans ce sens que les fonctions du haut juré doivent durer pendant toute la législature, et peuvent être conséquem-ment exercées dans plusieurs accusations, si le tirage au sort fait sortir plusieurs fois les mêmes individus?
De cette première hypothèse, il s'ensuivrait qu'il suffirait d'un très petit nombre d'accusations pour épuiser la liste du haut juré, ce qui entraînerait la nécessité d'un grand mouvement à donner à toutes les parties de l'Empire, peut-être plus d'une fois, pendant le cours d'une législature, pour renouveler cette liste. Il résulterait encore de ce système, qui produirait la réduction successive, et enfin l'épuisement de la liste, que la chance aes derniers accusés serait plus fâcheuse
Sue celle des premiers, puisque la composition u juré serait faite sur un nombre moindre d'individus, puisqu'il serait possible encore de supposer que les premiers rayés de la liste fussent aussi ceux que les accusés auraient pu désirer, avoir réellement pour juges.
Votre comité, frappé de tant d'inconvénients et de bizarreries, n'a pu croire que cet article pût être entendu, moins encore exécuté dans le sens matériel qu'il paraît présenter.
U l'a comparé avec l'ensemble et l'esprit de la loi : il s'est fixé surtout sur une disposition de l'article 2, qui porte que les hauts jurés élus par les départements demeureront inscrits sur le tableau du haut juré, pendant tout le cours de cette législature; et cette disposition claire et précise lui a paru propre à dissiper les doutes que pour-. rait faire naître la rédaction de l'article 19. Ainsi il s'est décidé à vous proposer un nouvel article qui ne permettra plus de les élever et qu'il eût été nécessaire d'ajouter à la loi du 5 mai, quoiqu'il ne fût pas entré dans son intention.
Le comité, Messieurs, en convenant de la nécessité de cet article, ne s'est pas dissimulé le danger qui y est attaché. C'est celui de donner une sorte de permanence à des fonctions qui, dans l'esprit de 1 institution des jurés, doivent être temporaires et momentanées, et d'exposer les mêmes individus à faire plusieurs fois l'essai de. ce ministère redoutable, si les circonstances forcent le Corps législatif à multiplier les accu-
sations; et avec les troubles, les agitations, les perfidies qui nous entourent, il est difficile d'en prévoir le terme.
Cependant, quelque vigilance, quelque zèle que ie Corps législatif doive mettre à la poursuite des délits qui menacent la Constitution, il reconnaîtra peut-être que ce n'est qu'avec la plus grande circonspection qu'il doit user du moyen extraordinaire qu'elle lui donne pour en déterminer l'instruction et le jugement, parce que l'efficacité des remèdes tient aussi, en politique, à* leur bonne application. Peut-être même que cette considération portera l'Assemblée nationale, lorsque les délits qui lui seront dénoncés ne se présenteront pas avec un grand caractère de gravité, ni surtout avec un péril imminent pour la sûreté générale, à renvoyer les premières poursuites ordinaires, et à suspendre les décrets d'accusation, jusqu'à connaissance du résultat de ces premières informations.
Elle éviterait ainsi et la précipitation toujours dangereuse dans des déterminations aussi importantes, et les entraves, les lenteurs nécessairement attachées à la poursuite simultanée d'un grand nombre d'accusations devant la Haute-Cour nationale, et surtout le danger du retour des fonctions importantes du haut juré sur les mêmes personnes. .
Les événements malheureux qui nécessitent cette discussion auront leur terme. Ces temps d'erreur et de désordre doivent passer et passeront plus vite qu'on ne pense. Le sort commun des grandes révolutions, c'est de faire naître avec elles des dissidences, des haines, des factions ; mais tel est aussi l'effet de celles qui s'opèrent par le seul mouvement de l'opinion, et par l'empire éternel de la raison et de la justice, qu'elles rallient bientôt les esprits et triomphent promptement des obstacles.
Vous avez. Messieurs, pour accélérer ce triomphe et ce ralliement salutaires, des moyens plus puissants que ceux de la force et de la justice nationale. De grands exemples sont dus, sans doute, à la nation outragée, menacée par tant de coupables desseins; mais à côté de ces actes de rigueur, que la nécessité, l'humanité même commandent, hâtez-vous de faire marcher les lois nécessaires pour l'accord et la direction de tous les pouvoirs constitués vers le bonheur commun, pour le rétablissement de l'ordre et de la confiance, pour la sûreté constante et égale de tous les citoyens et de toutes les propriétés, et vous verrez bientôt ces mêmes hommes si inquiets, si agités aujourd'hui, souffrant des remords de leur perfidie et du supplice de leur impuissance, oublier non seulement la perte des biens chimériques que la Constitution leur a ravis, mais reconnaître et bénir les biens réels qu'elle assure à tous, et trouver dans cette égalité même qui n'est que celle des droits à la justice, à la protection et à la bienfaisance nationale, des secours et des avantages qu'ils n'auraient jamais obtenus de la chance bizarre et versatile des anciens privilèges.
Alors le Corps législatif n'aura plus d'embarras et les sollicitudes qu'il éprouve aujourd'hui pour l'organisation de la Haute-Cour nationale, et peut-être que, dans ces jours heureux, il ne nous en restera que le souvenir et le nom.
Voici, Messieurs, le projet de décret que votre comité a l'honneur de vous proposer :
DECRET.
Dèctèt d'urgence.
L'Assemblée nationale, considérant que les "décrets d'accusation qu'elle a portés contre différents particuliers prévenus de complots contre la sûreté générale de l'Etat, et les arrestations qui ont été faites en conséquence, exigent que la Haute-Cour nationale, qui doit connaître de ces délits, soit incessamment mise en activité, que l'intérêt public et celui des prévenus ne permettent pas ae mettre des retards aux dispositions nécessaires pour la prompte" organisation de ce tribunal, décrète l'urgence, u
Décret définitifs
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 4*r. La Haute-Cour .nationale formée et convoquée pour juger une première accusation, connaîtra.ae toutes les accusations subséquentes qui seront portées par le Corps législatif, avant qu'elle se sépare et tant qu'elle sera en activité.
Son existence ne pourra néanmoins être prolongée au delà de la session du Corps législatif qui l'aura établie, sauf le cas prévu par l'article suivant.
Art. 2. Si les accusations portées par le Corps législatif n'ont pu être jugées dans l'intervalle de sa session, une nouvelle Haute-Cour nationale sera formée sans délai : par la législature suivante; et cependant la première continuera ses fonctions jusqu'à son remplacement effectif.
Art. 3. Dans chaque accusation, la composition du haut juré se fera par le tirage au sort sUr les 166 membres formant le tableau du haut juré.
Ceux qui auraient déjà . été . employés en cette qualité, ne pourront, pendant le cours de la législature, s'excuser, par ce motif, d'entrer dans la composition de nouveaux jurés, si le sort les y appelle.
Art. 4. Il sera remis aux grands procurateurs, par les secrétaires de l'Assemblée nationale, et aux grands juges, par la voie, du ministre de la justice, des expéditions des actes respectifs constatant leurs nominations.
Art. 5. Les grands procurateurs communiqueront directement avec l'Assemblée nationale, sans l'intermédiaire du pouvoir exécutif.
Art. 6. Les fonctions de commissaire du roi auprès de la Haute-tCour nationale, seront exercées par le commissaire du roi auprès du tribunal criminel du département dans le territoire duquel elle s'assemblera.
Art. 7. Le ministre de la justice aura, avec le commissaire du roi auprès ae la Haute-Cour nationale, la même correspondance qu'avec les commissaires du roi auprès des autres tribunaux.
Art. 8. Les grands procurateurs pourront agir, concurremment ou séparément, dans le cas d'une suspension momentanée et forcée des fonctions de l'un d'eux.
Ils auront une place distinguée dans l'intérieur du parquet, à la droite du tribunal, en face de celle occupée par lè commissaire du roi.
Art. 9. Un greffier sera établi auprès dé la Haute-Cour nationale. Il sera âgé de 25 ans au moins. Les grands juges le nommeront au scrutin. Il pourra choisir les commis nécessaires pour le service du tribunal, et il en sera civilement responsable. Ils prêteront, ainsi que lui,
entre les mains des juges, avant d'entrer en fonctions, le serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et d'exercer avec exactitude leurs fonctions.
Le greffier ne sera révocable que pour prévarication jugée; mais ses fonctions cesseront avec celles au tribunal.
Son traitement, indépendamment des frais de ses commis, sera de 100 écus par mois.
Art. 10. Quatre huissiers seront établis auprès delà Haute-Cour nationale; ils seront nommés par les grands juges et prêteront devant eux le même serment que le greffier et ses commis : le traitement : de chacun • des huissiers sera de 125 livres par mois.
Art. 11. Les grands juges, le commissaire du roi, le greffier et les huissiers auront le même costume que les juges, commissaire du roi, greffiers et huissiers des autres tribunaux. • Les grands procurateurs n'auront aucun costume.
Art. 12. Dès que la Haute-Cour nationale se séparera, les pièces et procédures des affaires jugées et (terminées seront incessamment transférées, à ia diligence des grands procurateurs, aux archives de l'Assemblée nationale.
Art. 13. La loi du 15 mai, concernant la Haute-Cour nationale, sera exécutée dans-toutes les dispositions auxquelles il n'a pas été dérogé par le présent décrets
(L'Assemblée décrète Fimpression et la distribution du rapport et du projet de décret, et en ajourne la discussion à lundi.)
Un de MM. les Secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Dufresne de Saint-Léon, commissaire-liquidateur, relative à la dénonciation faite à l Assemblée d'un traitement continué à un officier décédé(1),; cette lettre est ainsi conçue:
« Monsieur le Président,
« On a dénoncé à l'Assemblée nationale le paiement fait par le Trésor public d'une pension
a un homme mort depuis 30 ans. Le comité de liquidation m'a indiqué un sieur de La Motbe,
ancien commandant de bataillon au régiment de la Fère, comme étant l'objet de la
dénonciation. J'ai reconnu en effet que l'état des pensions, avant mon établissement, portait
un M. René-Remy de La Mothe, commandant de bataiUon au régiment de lacère, retiré en 1761,
après 35 ans de services et 12 ans de campagnes : que sa pension qui était de 560 livres, a
été récreée par le comité, pour 2,1651.10 sols qui lui appartenaient en raison de ses
services. J'ai vérifié au Trésor public, que M. d'Emery, en qualité de fondé de procuration
de M. de La Motne, et sur un certificat délivré le 28 mai 1790, a touché l'année 1789 de sa
pension, et j'ai remarqué qu'il n'avait pas touché l'année 1790. Il m'a paru qu'il y avait
quelque différence entre la signature du pensionnaire, mise au bas de son certificat de vie
pour l'année 1788, et celle du certificat de vie pour l'année 1789. Enfin j'ai vérifié avec
M. d'Emery, comme fondé de procuration de ce même Rémy de La Mothe, sa procuration du 14
février dernier et son certificat de vie du 5 mars suivant, qui prouvent qu'il a touché pour
lui les décomptes de sa pension qui ne lui avaient pas été payés, et qui avaient été
accumulés et arriérés a 1 époque de 1779.
« Voilà, Messieurs, les renseignements que j'ai recueillis sur la dénonciation faite à l'Assemblée nationale. J'ai cru devoir: les lui soumettre. (Applaudissements.)
« Je suis avec respect, etc.
« Signé: dufresne de saint-léon, commissaire-liquidateur. »
Je demande la parole.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je ne sais par quelle fatalité, il semble qu (bn prenne plaisir à trouver calomniateur un membre de l'Assemblée nationale, tandis qu'on ne ne veut pas permettre au comité de marine de mettre à l'ordre du jour un rapport sur... (Murmures).
Je dis que je ne sais par quelle fatalité, lorsqu'un agent au pouvoir exécutif demande à être entendu Contre un membre de l'Assemblée nationale, ses motions sont accueillies avec empressement, tandis que lorsqu'un membre de l'Assemblée nationale demande à être entendu contre un agent du pouvoir exécutif, il ne peut obtenir la parole sans qu'on lui oppose l'ordre du jour ? C'est une vérité que vous devez1 entendre. Je passe à présent à la chose.
Il semole qu'on se réjouisse déjà d'avoir fait vivre pendant 25 ans M. de La Mothe. Celui dont M. Dufresne-Saint-Léon vous parle n'est pas ce La Mothe dont je vous ai parlé. Le procès-verbalMoit faire mention que j'ai dénoncé a l'Assemblée M. de La Mothe, major du régiment ci-devant Boulonnais et non pas M. de La Mothe, capitaine-commandant au régiment de la Fère ; et pour prouver à M. Dufresne-Saint-Léon que ceux qui l'ont averti officiellement, ne l'ont pas bien averti, j'offre dans l'instant de produire à l'Assemblée nationale deux témoins qui attesteront que le sieur La Mothe, que j'ai dénoncé, est mort dépuis plus de vingt-cinq ans. L'un de ces témoins a assisté aux funérailles de M. de La Mothe (Murmures.), et l'autre a assisté, il y a 42 ans, aux funérailles de son frère, lequel frère était son héritier.
Messieurs, on devrait croire que je ne me suis pas légèrement mêlé de cette affaire. Quand j'ai fait cette dénonciation je l'ai appuyée sur une lettre du lieutenant-colonel du régiment ci-de-vant Boulonnais, qui faisait ;connaltre cet abus,
lettre qui était adressée à un de nos collègues. Celui-ci n'ayant pas une bonne voix, j'ai été chargé de porter la dénonciation à la tribune et
i'e l'ai fait après avoir communiqué cette lettre à 1M. Antonefie et Coustard.
Ce M. de La Mothe n'était pas de Reims, mais de Béziers. J'ai écrit dans cette dernière ville pour avoir son extrait mortuaire et la note précise de la liste des pensions sur laquelle il est porté et du temps de son service. Je demande à l'Assemblée nationale, si elle est pressée sur cet article, qu'elle me fixe un délai pour rapporter ces pièces à l'appui de la dénonciation que j'ai faite. Si au bout de ce délai je ne rapporte pas lés pièces précises, je déposerai &ûr le bureau la lettre du lieutenant-colonel pour éviter toute difficulté. Vous savez la distance qu'il y a d'ici à Béziers; ie demande 18 .«jours ^pour remettre ces pièces au comité de législation..
Un membre du comité de liquidation demande la parole ; j,e la lui accorde.
Le membre du comité de liquidation : Nous avons parcouru la liste des pensions qui est déposée au comité de liquidation et nous n'y avons pas trouvé de M. de La Mothe» major du régiment ci-devant Boulonnais. (Rires prolongés.)
quitte la tribune.
(L'Assemmée renvoie la lettre du commissaire-liquidateur au comité de liquidation.)
(Joseph), au nom du comité de législation. Messieurs, Votre comité m'a chargé de vous présenter l'acté d'accusation contre le sieur Oelattre (l) ; il est ainsi conçu :
« Acte d'accusation contre le sieur Delattret professeur en droit de la ville de Paris.
« Une lettre annonçant des projets hostiles contre l'Etat a été dénoncée à l'Assemblée nationale dans sa séance du 24 novembre 1791.
« Cette lettre, signée Delattre, professeur en droit de la Faculté de Paris, datée du 22 octobre 1791, et adressée au sieur Calonne à Coblentz, est conçue en ces termes :
« Monsieur,
« Oserai-je iqe flatter que, malgré, l'importance des affaires qui vous occupent, vous voudrez bien vous souvenir d'un professeur en droit, qui, lié à Paris par son état, encore existant, quoique ruiné, retenu par son âge, et ne pouvant s'aller joindre aux fidèles serviteurs de son roi, envoie a sa place son fils unique, plein de zèle pour la bonne cause, et prend la liberté de le recommander à votre protection.
«_ Ce fils était contrôleur général des fermes ; il a travaillé sous M. de Neuilly, fermier général, qui a l'honneur d'être connu de vous, et qui vous en rendra bon témoignage si vous l'exigez. Il a de plus l'honneur d'être connu très particulièrement de M. le président Gilbert de Voisins, auquel il vous est bien plus aisé de vous informer.
« Puissent, Monsieur, les projets que vous avez conçus, s'exécuter bientôt pour la délivrance du monarque et le rétablissement de l'ordre et de la tranquillité dans le royaume !
« Je suis avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : Delattre, professeur en droit de la Faculté de Paris.
« 22 octobre 1791. »
Su'il y avait lieu à accusation contre le sieur elattre ; et en conséquence, elle l'accuse, par le présent acte, devant la Haute-Cour nationale, comme prévenu de complot contre la sûreté de l'Etat. •»
(L'Assemblée décrète cette rédaction*)
Je demande la parole pour faire une motion d'ordre.
Vous avez la parole.
C'est pour une motion d'ordre que j'ai demandé la parole. Le salut et la prospérité de l'Empire dépendent de l'ordre que vous mettrez dans les finances. On l'a dit avec beaucoup de vérité : vous avez à créer cet ordre comme vos prédécesseurs avaient à créer la Constitution. Cependant, il faut l'avouer, et je le dissimulerais en vain, nous avons peu fait encore pour ce grand objet. Il est facile d'en indiquer les causes.
L'Assemblée n'a pu s'en occuper de suite, parce que les événements du jour ont, chaque jour, entraîné son attention ; et ses comités de finances avaient besoin d'une première expérience avant de lui proposer de perfectionner leur organisation.
De là, il est résulté que les disscusions ouvertes sur les plus importantes questions, ont été ajournées ae séance en séance, et qu'il n'a été formé de délibération que sur les objets auxquels il était le plus urgent de pourvoir.
Que l'on ne pense pas pour cela que ce temps ait été inutile pour l'instruction; si vous n'avez pu accorder la parole aux rapporteurs de vos comités de finances toutes les fois qu'ils l'ont réclamée, ces comités n'ont pas cessé de poursuivre le travail dont vous les avez chargés pour préparer vos résolutions. Ils ont bien senti qu'ils vous devaient un tableau fidèle de la situation des finances à l'ouverture de votre session, pour que Vous puissiez apprécier, et toute la France avec vous, les doutes sinistres que l'esprit de parti avait osé répandre jusque dans le sein de l'Assemblée nationale constituante; ils ont senti que vous attendiez d'eux un compte exact de l'état présent, et pour l'avenir le cadre d'une balance assez complète pour fixer enfin cette opinion qui mènera toujours à sa suite le crédit, malgré les vains efforts de la perfidie et de la cupidité.
Pour remplir cette tâche, vos comités des finances se sont appliqués à rassembler de toute part les renseignements qui pouvaient servir de base à leurs calculs ; ils ont vérifié les caisses, examiné les registres des comptables ; ils ont tiré des archives les pièces originales; ils ont interrogé tous les agents; plusieurs citoyens, aussi estimables par leurs lumières que par leur zèle, ont publié ieurs observations et leurs vues. Vos comités les ont recueillies avec empressement ; ils en ont comparé les faits, médité les principes, approfondi les conséquences.
Tout, jusqu'à ces écrits où des hommes vains n'ont pu dissimuler leur chagrin de voir réussir ce qu ils n'avaient pas conseillé, tout a été lu, étudié, afin de rechercher et de démentir par
des preuves ce qui pouvait entretenir des inquiétudes.
; Les ennemis de la liberté et de notre Constitution oseront-ils répéter encore que toutes nos espérances ne portent que sur des hypothèses, que nos opérations n'ont pour bases que de simples aperçus et de la masse de la dette, et de la valeur du gage, et du produit des contributions? Nous leur répondrons, ou plutôt nous dirons aux citoyens de bonne foi qu'ils veulent égarer : Oui, sans doute, on n'eut dans le principe que de simples aperçus, parce qu'on ne lit dans 1 avenir qu'a travers le prisme des probabilités : mais 1 époque où ces aperçus furent formés est déjà éloignée ; le temps en a déjà réalisé une partie, et les réalités sont devenues les bases de nouveaux calculs qui commandent désormais la confiance de tout homme raisonnable. (Applaudissements.) ,
Nous dirons à ceux qui pourraient s'alarmer du peu de produit des contributions jusqu'à ce jour : considérez avec nous toutes les causes, toutes les circonstances qui ont concouru à ralentir ces recouvrements : dans la plupart des départements, il a fallu rapprocher les payements en impositions, arriérés de deux ou trois années; partout, la contribution patriotique, quoiqu'elle n'ait pesé que sur les gens aisés, a exigé des sacrifices qu'il n'est pas possible d'accumuler dans le même moment; partout, on s'est resfeenti plus ou moins de la crise inséparable de toute révolution et des efforts des ennemis de la liberté pour en prolonger, pour en aggraver les effets ; partout, le passage de l'ancien régime à un nouvel ordre a produit des chocs, occasionné des frottements qui ont retardé la marche : des impositions à asseoir sur des bases toutes nouvelles des administrateurs à qui le zèle n'a pu tenir lieu d'èxpérience, voilà les causes de ce retard.
Mais il n'y a certainement ni mauvaise volonté, ni impuissance des contribuables.
Point de mauvaise volonté : les rôles de l'année ne sont pas même encore envoyés; on ne peut payer ce qui n'est pas déterminé.
11 n'y a pas impuissance : qui est-ce qui pourra croire qu'une nation qui a supporté une masse d'impositions et de perceptions qui s'estplevée à 769 millions dans les années qui ont précédé la Révolution, ne puisse aujourd'hui en fournir 586. La Frarïce n'a pas changé ; son sol n'a pas émigré, il ne cessera pas d'être productif précisément à l'époque où l'on vient de rendre la vigueur de la liberté aux bras qui le fertilisaient! (Applaudissements.)
Mais quelque satisfaisants que soient ces premiers résultats de l'examen des différentes parties de nos finances, du rapprochement des epo-ques et du progrès des opérations ordonnées pour amener l'équilibre des recettes et des dé-
Penses, il est certain qu'ils n'acquerront toute influence qu'ils doivent avoir sur l'opinion, que quand l'Assemblée nationale aura donné à cette partie toute l'attention qu'elle mérite et que sollicite l'intérêt si pressant de la fortune publique; que lorsqu'elle aura déterminé elle-même, après une discussion approfondie, le degré de confiance que les citoyens peuvent prendre dans ces résultats, qu'elle aura fixé la mesure des espérances ; qu'elle en aura fait entrevoir le terme, en mettant en activité tous les moyens qui sont en son pouvoir pour hâter la fin de toutes les opérations préparatoires, et avancer l'époque si désirée où le peuple français, en pleine jouissance des heureux fruits de la Révolution, trouvera dans le senti-
ment même de son bonheur le plus sûr garant de la sagesse de ses représentants. Ne perdons donc point de temps, ou plutôt abrégeons sa durée par notre prévoyance; jetons, si je l'ose dire, derrière nous les délais qui peuvent nous retenir dans une inaction forcée et pénible. Je ne parle pas seulement des délais qu il faudra donner aux créanciers de la nation pour qu'ils se fassent enfin tous connaître, à tous les agents de l'Administration pour qu'ils puissent recueillir les renseignements ultérieurs que nous avons à leur demander; je parle encore des délais qui tout-à-l'heurevont suspendre la délibération par laquelle vous voudriez arrêter ces mesures.
Plusieurs projets de décret ont été présentés à l'Assemblée, concernant le mode à établir pour le remboursement des liquidations, des délais à fixer aux créanciers de l'Etat pour produire leurs titres, et les mesures à prendre pour obtenir dans le plus court intervalle la réunion complète des renseignements qui doivent fixer avec certitude la valeur des biens à la disposition de la nation. Un autre projet, relatif à ces objets et au mode de remboursement, a été présenté par M. Brissot (1), à la séance du 24 novembre. Le même jour, M. Cambon vous en a présenté un troisième qui, indépendamment de quelques dispositions relatives à l'augmentation de la somme des assignats en émission, que vous avez depuis décrétée, et de la proposition de créer de nouvelles coupures d'assignats, contient également des dispositions sur le mode de remboursement, et sur les mesures à adopter pour arriver à la connaissance certaine du montant de la dette exigible et de la masse des biens à aliéner (2).
Vous avez ordonné l'impression et la distribution de ces deux projets. Dès le 20 novembre, votre comité de la dette publique a fait imprimer et distribuer deux projets de décret : l'un pour prescrire à tous les corps administratifs les mesures les plus efficaces, à l'effet de procurer à la nation, à une époque très prochaine, les états de toutes les propriétés qui sont le gage dé ses créanciers. Le second projet fixe des délais pour la remise des titres non encore liquidés.
Je ne crois pas qu'il puisse être dans l'intention de l'Assemblée de délibérer sur ces objets, en suite d'un décret d'urgence. Ce n'est pas seulement leur importance qui doit nous engager à donner à cette délibération toute l'attention, toute la maturité que garantissent les formes constitutionnelles ; le temps même qui s'est déjà écoulé depuis que la discussion a été entamée sur ces objets, offrirait un contraste avec les motifs qu'il faudrait donner au décret d'urgence, et en général il peut exister un très grand intérêt à ne pas différer de prendre une détermination, sans qu'il en résulte toujours un juste motif de se dispenser des formes établies pour en préparer la sagesse par la lenteur de la réflexion. Cela posé, il est aisé de voir que l'Assemblée perdrait, pour ces mêmes objets, tout le temps qui s'écoulerait jusqu'à ce que le procès-verbal de ses séances eût fixé la date des différentes lectures.
Comme il paraît que le vœu de l'Assemblée s'est déjà suffisamment manifesté, relativement
à ces deux objets, particulièrement à la séance du 9 de ce mois (3), où, en décrétant
Comme il est également certain qu'il faut enfin déterminer une époque, passé laquelle ceux des créanciers qui n'auront point fourni leurs demandes, et produit leurs titres, seront constitués en retard, comme il importe enfin de faire courir ces délais, à partir du 1er janvier prochain, et qu'il ne reste plus que le temps nécessaire pour que la loi puisse être connue, du moins de tous les créanciers qui sont en France, je demande que la seconde lecture des projets de décret, ou plutôt des articles de projets de décret, relatifs à ces objets, soit mise à l'ordre de ce jour, et que la troisième lecture en soit ajournée à huitaine.
Un membre du comité de Vextraordinaire des finances : Les deux projets de décret qui vous ont été soumis au mois de novembre dernier ont excité quelques contestations qui ont nécessité des changements. Le comité de l'extraordinaire m'a chargé de vous faire un rapport à ce sujet. L'Assemblée veut-elle l'entendre?
Plusieurs voix ; Non ! non ! il faut l'ajourner après la troisième lecture.
Dans la discussion sur les finances, je proposai un projet de décret; mais l'Assemblée ne le regarda pas comme une première lecture; ainsi, nous ne pouvons pas établir comme existant ce qui n'a pas existé. Je demande que le rapport du comité de l'extraordinaire soit imprimé et la lecture renvoyée à demain, et que l'on s'occupe aujourd'hui de la coupure des assignats.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Cambon.)
accorde la parole à M. De-lèssart, ministre des affaires étrangères, qui l'a demandée pour présenter ses moyens de justification contre la dénonciation portée contre lui par M. Fauchet, à raison de ses précédentes fonctions comme ministre de l'Intérieur (1).
, ministre des Affaires étrangères. Messieurs, j'ai été dénoncé à l'Assemblée nationale de la manière la plus grave. J'étais impatient d'apporter ma réponse ; depuis 15 jours, elle est prête ; mais ma santé ne m'a pas permis de me présenter à l'Assemblée et je la supplie de croire que c'est ce qui m'a fait le plus souïfrir.
Lorsqu'à l'instant même où j'ai appris que je venais d'être dénoncé à l'Assemblée nationale, je me suis présenté à elle pour l'assurer que je justifierais également mes actions et mes principes, je ne croyais pas, je l'avoue, avoir à répondre à cette multitude d'inculpations que i'ai trouvées accumulées sur ma tête. Suivant M. Fauchet, je suis coupable de deux crimes de haute trahison : le premier consiste à n'avoir pas envoyé à temps la loi pour le répartement de l'impôt ; le second est d'avoir trahi la cause de la nation, en diffamant solennellement, au nom du roi, dans une proclamation, la première des autorités constituées.
Suivant lui, je suis animé de l'esprit d'agiotage et d'aristocratie de M. Necker; dès le
commencement de la Révolution j'ai travaillé à affamer Paris; depuis que j'ai été appelé au
ministère, j'ai tout calcule pour réduire la France à la disette ; c'est moi qui suis cause
que les grains, les farines, tous les comestibles s'écoulent par tous les côtés, par toutes
les frontières du royaume.
Les ennemis de' la chose publique sont à mes yeux les premiers des hommes ; je tiens dans mes mains le fil de toutes les trames qui se sont ourdies contre la Révolution, dans quelque partie qUé ce soit de l'Empire. C'est par ma faute que les massacres horribles d'Avignon ; ont été commis; c'est moi qui suis l'auteur des troubles du Calvados,; et c'est avec le procureur général syndic du département, mon ami, et avec la major ritédes administrateurs de ce même département, que j'en ai formé le i complot. J'avais tout préparé avec une perfection admirable pour mon système de contre-révolution tout se tenait dans mon plan d'un bout de la .France à l'autre; tout était disposé de manière qu'au milieu de ces crises, rien ne fût prêt pour l'assiette de l'impôt, et que les contributions publiques venanj; à. manquer tout; à cpup, les desordres en tout genre fussent portés à leur cônible.. Alors, après avoir bouleversé le royaume je n'aurais .quitté le département de l'intérieur, que pour servir au dehors des tyrans étrangers etpqur achever là ruine de
l'Etat.
Telles sont, Messieurs,;les imputations que vous m'avez entendu faire; et certes,5 si elles étaient fondées, l'histoire ne fournirait pas d'exemple doutant dé crimes commis en aussi peu de temps, par Un' setil homme. Mais, Messieurs, sérait-il apnc Vrai que, j'eussè été rése'rvè poUr présèntér au monde un tel phénomène ? ai 4 je dbn'c foulé aux pieds tous les droits de l'humanité ? aHe trahi ines serments et mes devoirs 1 Non, Messieurs; je les ai remplis tous : j'ai été à la fbi&, citoyen et ministre; je me Suis dévoué tout, entier au rétablissement de l'ordre et au maiirtieh de la Constitution/J'ai respecté les lois, je lés ai fait exécuter de tout mon pouvoir; et lorsque je croyais avoir acquis quelques droits à l'estime publique, l'Assemblée nationale va juger s'il a été permis1 dé chercher à me la ravir partant d'imputations ét par tant d'outrages.
Je1 commencerai par lé premier chef d'accusa-satiort, qui est relatif au retard de la loi concernant le département dés-contributions publiqués. Le Conseil général du Calvados se plaint de ce que cette loi; qui est du 14 octobre, ne lui est parvenue que le 25 novémbre : ma réponse sera simple. Le ministre de l'intériéur ne peut envoyer des lois aux départements que lorsque le ministre de la justice les lui fait parvenir en forme : or, c'est le 22 novembre que j'ai reçu de lui la loi dont il est question : ét c'est le même jour 22 novembre que je l'ai adressée à tous les départements.
J'observerai que dans le nombre de ,59. qui jusqu'à Ce iour fin ont accusé la réception, le dépar-témeht du CÉvados ést le seul qui aiticrii pouvoir porter des plàintès. Au reste, M. le ministre de la justice attestera à l'Assemblée que je h'airien négligé pour presser auprès de lui l'expédition de cette loi ; et M. le ministre des-contributions publiques, que l'exécution de çèttemême loi con-cferne dirébtement, fera connaître k l'Assemblée nationale, si c'est avec fondement que le conseil général du Càlvados met tant d'importance à ce prétendu retard.
M. le ministre de la justice demande ia parole! (Murmures à 'gauche.)
Un membre à gauche : Le renvoi au comité!
ministre de; la justice. Messieurs, je vais.expliquer d'une manière bien simple à l'Assemblée, le retardqui a été reproché à M. De-lessart, et dont il ne peut êtré-nullement responsable. À cette époque,. il; existait à l'Imprimerie royale, 45 presses en activité, non compris 12 ou 14 imprimeurs; qu'elle emploie habituellement; iliexistait disije alors Autant que je puis me lerap7 peler, 5f5- lois ipresque toutes msyeures,; presque j toutes longues, à imprimer. C'était le moment de j l'expédition des travaux.accumulés de l'Assem- blée nationale constituante. Le, décret dont il estj ici question, regardait) particulièrement M.; le mir; nistre de l'intérieur et M. le ministre des con-: tributions publiques. J'atteste qu'ils envoyaient i tous les jours chez moi: pour faire hâfer ces im-! pressions, et presque tous les jours on partait de | mes bureaux pour presser l'Imprimerie royale. Le 1 directeur me répondait sans cesse qu'il ne perdait pas un moment, mais qu'on ne pouvait I tout faire à ia.fois, jl est effectivement impossible de;faire plusid'opvrage qu'il n'en a été fait; et 1 je puis dire à l'Assemblée nationale que dans le nombre de près de 2,000 ,lois que j>'ai eu à expédier, il n'y en a pas actuellement 14 ou 15 en retard. Je remets sur le bureau la note des décrets qui étaient .alors à l'expédition. Je demande à 1 Assemblée la permission d'ajouter que le jour même où la loi est sortie de l'Imprimerie royale, elle,a été adressée à M. le ministre de l'intérieur, dont les lettres d'envoi étaient prêtes dès la Teille.
, ministre dès contributions publiques.
"L'Assemblée nationale Coùstituante connaissait à la fin de ses séances dans quel état était le ré-partemènt dés impôsitions ae 1791. Elle avait bien prévu que le répartement de 1792 ne pourrait succéder aux opérations' de 1791, qu'après un certain intervalle; mais elle a pensé sans doute, qu'avant de terminer le cours de ses séances, elle; devait ' laisser à ses 'successeurs l'exemple de ne point se Réparer sans avoir décrété1 les impositions de l'année suivante. C'est de motif très important qui; lé 29 septembre 1791, l?â; déterminée1 sans doute à décréter la somme totale des impositions de 17921 II était nécessaire en même temps qu'elle fît la distribution de cette somme entré les quatre-vingt-trois départements; mais elle ne piit qu'adopter absolument les mêmes calculs qui avaient été décrétés pour 1791. La loi n'a pu être adressée que le 22 novembre, par les ■raisons qui ont été développées par M. le ministre de la justice. Cettè loi ëst assez tôt parvenue aux départements, pour qu'ils reconnussent l'impossibilité où ils étaient, d'adopter d'autres opérations que celles qui avaient eu lieu pour 1791. fi'ëst effectivement ce qu'ont fait les conseils généraux des départements ; de Sorte que leur travail ne consiste qu'à transcrire les mêmes calculs de 1791, et à apposer leurs signatures à ce travail. J'obsèrvërai qu'à l'époque où le conseil gériéral du Calvados s occupait avec tant d'impatience de recevoir la loi de 1792, ses opérations n'étaient pas fort avancées pour 1791; les rôles d'acomptes n'étaient pas encore entièrement terminés, et à cëtte époque, deux districts seulement avaient fait la répartition de la même année 1791 : c'était, je crois, sur ces objets infiniment plus pressants, que devaient porter son attention et son activité. •
, ministre des affaires étrangères. Maintenant, Messieurs, qu'il est constant que le retard d'envoi de la loi du 15 octobre ne peut m'être imputé, et que ce retard même n'a été susceptible d'aucun inconvénient réel, je dois passer au second chef d'accusation, qui porte sur la proclamation du roi. '
J'aurais pu garder le silence sur cet' objet,
mes motifs et mes principes sur dès actes que j'ai cru devoir contresigner, et auxquels1 j'ai pù
concourir; . 1 «
, On a attaqué, dans cette proclamation", lé peu de mots par lesquels le roi indique-les motifs qui l'ont engagé a ne pas donner sa sanction aù décret, de l'Assemblée nationale. :
Je répondrai d'abord, Messieurs,' que dans; la rigueur du droit, aucune loi n'a interdit d'exprimer les motifs du refus de sanction. La Constitution a donné au roi -le droit de suspendie la loi, comme un appel au peuple de la part1 de son représentant héréditaire contre la loi proposée par ses représentants électifs. La ConstitutiOpla voulu que l'opinion du peuple s'exprimât souverainement par la troisième législature s puisque cette opinion doit décider, il ne peut pasêtre interdit de l'éclairer; et le représentant qui Suspend la loi, doit avoir le droit de faite connaître ses motifs comme les représentants qui l'ont fàite. La prohibition de faire connaître au peuple les motifs d'un refus de sanction, ne serait donc applicable que dans le système du veto ^absolu, parce qu alors la volonté du roi suffisant toujours, il n'aurait jamais besoin d'expliquer ses motifs. ■ tfb V . '
Ces principes peuvent-ils se concilier avec les égards que se doivent réciproquement lê Corps législatif et le roi? La Constitution1 n'en a pas douté, puisqu'il est des cas où la volonté du roi est soumise au Corps législatif,1 Où lé Corps législatif peut la rejeter et en donner les raisons, sans que la Constitution ait paru craindre que la majesté royale en fût blessée.
Le roi doit faire les traités avec les puissances étrangères, et les présenter ensuite au Corps législatif pour obtenir sa sanction : si l'Assemblée nationale la refuse, ses motifs sont exprimés dans la discussion, elle pourrait même les insérer dans fié préambule du décret ^Pourquoi cé droit qui appartient au Corps législatif, lorsqu'il refuse sa ratification à un traité fait par le roi, serait-il interdit au roi, lorsqu'il a refusé sa sanction à uù décret du Corps législatif? aucun article de la Constitution n'a prononcé- cette défense."- '
Je reconnais cependant; Messieurs,' que pour le bien public, pour l'harmonie et la cOnsidétotion des deux pouvoirs, l'application de ce principe doit /être soumise à de grands ménagements; mais ja crois qu'ils ont été observés- dans l'acte dont il est question.
Cette proclamation n'a point été faite pour exprimer les motifs du refus de Sanction, mais pour faire connaître que le roi, en refusant son consentement à la loi, était loin d'approuver la conduite de ceux; contre qui elle était dirigée; et pour montrer qu'il les rappelait à leurs devoirs par tous les moyens que la Constitution lui donne. Le roi voulant faire voir qu'il approuvait et qu'il adoptait le but de la loi; a été ôhligé de dire que s il ne l'avait pas sanctionnée, c'est
qu'elle fie lui avait pas paru remplir son objet, ni pôilvoir.'s'accorder avec les principes de la Constitution. S'il s'était tu sur ses raisons, on aurait été fondé à 'croire qu'il avait refusé la loi pour favoriser 'les émigrants. On' devait à l'intérêt de la yérité, au caractère du roi, et surtout à l'intérêt'public, de né pas autoriser cette erreur. On l'a mit par une proclamation, où une seule phrase est employée a indiquer les motifs du refusé'ët'doht.tput,le reste est rempli par les sollicitations les plus'pressantes, par les témoignages lés plus , forts d'attachement à la Constitution, et par l'adoption la plus formelle de l'objet que les législateurs s'étaient proposé.
Messieurs, pour que cet acte fût reprochable, il faudrait que le roi' fût condamné à voir toute la France s abuser sui; ses sentiments et sur les intentions qui!l'ont déterminé; or, cette idée ne serait si juste, ni compatible avec l'intérêt publie, qué tious dèvbité pajvdéSsus tout avoir en vue.
Ce n'était point assez pour mon dénonciateur, d'accumuler sur ma tête les imputations et les injures, il a fallu qu'il outrageât encore le nom de M. Necker. M. Necker, quand il le voudra, saura bien repousser de semblables attaques; pour moi; dans ce moment douloureux, j'éprouve, je l'avoué, quelque satisfaction à pouvoir déclarer ici que je m'honorerai toute ma vie du titre de son ami, parce que toute ma vie je l'ai vu aimer la, liberté et pratiquer la vertu. (Applaudissements.)
Fâut-il maintenant que je me défende du projet horrible et insensé^ d'avoir tout calculé pour affamer le rbyaume ? Déjà, dans cette assemblée, un grand nombre de membres a rendu témoignage de mes efforts et de nion zèle : les preuves, n'en sont point équivoques ; elles sont consignées dans ma correspondance, dont une partie a été rendue publique; elles le,sont dans les diverses proclamations du roi, dans une suite de mesures particulières,; dans des dispositions de détail adaptées aux circonstances, et qui souvent ont produit d'heureux effets. Enfin, l'impossibilité de l'exportation à l'étranger est. démontrée par la seule comparaison dés prix respeçtifs, puisque dans tous lés pays qui nous environnent, à Bruxelles, à Luxembourg, en Irlande, en Italie, les' grains, toute compensation faite, sont a meilleur marché que dans le nord et dans le midi de la France.
Dans cette matière, j'ose le dire, je n'aurais pas cru avoir fait mon devoir, si je m'étais renfermé rigoureusement dans les limites de mes obligations. J'ai été au delà, et si le succès ne répond pas à mes soins, si les obstacles se multiplient, si des embarras, surviennent, j'aurai mis à couvert nbn Seulement ma responsabilité légale, mais encore cette responsabilité morale, la plus redoutable de toutes pour ceux qui respectent l'opinion publique, et qui placent leur bonheur dans la paix de, leur conscience*
M. Fauchet m'accuse .encore d'avoir favorisé les traitements des prêtres u,on assermentés, et d'avoir contrarie lé payement des prêtres constitutionnels.
J'ai reçu, à la Vérité,'beaucoup de plaintes de la part des premiers, et je me suis toujours borné à les renvoyer aux départements, que j'ai exhortés en même temps à leur faire justice. Quant au retard qu'ont pu éprouver. momentanément les traitements ecclésiastiques dans plusieurs départements, j'ai eu occasion d'en faire connaître la cause à 1 Assemblée : elle a su que ce retard
tenait au défaut de petits assignats, et elle a jugé qu'il n'avait nullement dépendu de moi d'y pourvoir. Au reste, je ne craindrai pas d'être aémënti en assurant que s'il y a eu en effet quelque préférence, quelque faveur sur cet objet, "ce n'a pas été pour les prêtres non assermentés.
M. Fauchet renouvelle et il étend l'imputation qui m'avait déjà été faite, d'avoir allumé les troubles du Calvados. Cette imputation, lorsqu'elle a été présentée pour la première fois à r Assemblée, était fondée sur unelettre dans laquelle je recommandais à la fois de maintenir la liberté du culte, et dè veiller sur les prêtres non conformistes ; de protéger ceux qui restaient paisiblement attachés à leurs opinions religieuses, etde déférer aux tribunaux ceux qui troublaient l'ordre public; de se conformer à l'esprit de la religion, qui ne respire que la charité et l'induJgencé, de chercher enfin a établir entre lès différents citoyens la concorde et l'union, qui doivent être un des plus précieux résultats de nos lois. L'Assemblée se rappellèra que, sur la lecture qui fut faite de cette lettre, elle y donna son approbation, et repoussa la dénonciation à laquelle on avait voulu la faire servir de base.
Aujourd'hui M. Fauchet ajoute que je me suis entendu avec la majorité des administrateurs du département, dans la vue de seconder de coupâmes desseins. Je suis loin de croire à l'existence de ces desseins : mais je l'avouerai, dans le département du Calvados comme dans tous les autres, j'ai tâché de m'enténdre avec la majorité des administrateurs, non pour formèr des complots, mais pour le rétablissement de l'ordre, pour l'observation des lois, pour le maintien de fa Constitution ; et l'une de mes plus grandes satisfactions a été de voir que, presque toujours, ces administrateurs ont rendu justice à mes intentions et à mon zèle.
L'Assemblée nationale n'exigèra sûrement pas que je me défende sur ce prétendu plan de contre-révolution concerté avec tant d'art, sur ces combinaisons profondes qui s'étendaient d'un bout du royaume à l'autre, et embrassaient toutes les parties de l'Administration : des imputations si vagues, appuyées sur des bases démontrées si fausses et si impossibles, ne sont susceptibles d'aucunes réponses précises. Mais ce qu'il m'importe de repousser, et ce que je ne peux rappeler sans horreur, c'est l'accusation d'avoir contribué aux massacres d'Avignon : eh ! sur quoi M. Fauchet fonde-t-il cette accusation cruelle? Vous avez entendu, dit-il, M. Mulot s'excuser en disant : « Je manquais de forces pour contenir lés divers partis dans Avignon : j ai demandé avec instance au ministre de l'intérieur qu'il m'accordât quelques bataillons de volontaires des départements voisins ; il m'a refusé, sous le prétexte que ces bataillons partaient pour les frontières. » Qui ne croirait que ce sont là les propres paroles de M. Mulot, recueillies avec soin, et rapportées avec fidélité? Cependant, Messieurs, voici de quelle manière il s'est effectivement exprimé : Je ne pouvais pas employer les gardes nationales organisées ; M. le ministre de Vintérieur m'avait écrit qu'elles avaient une destination particulièrei, fixée par l'Assemblée nationale, et qu'il ne pouvait pas les en détourner.
Rien n'était plus vrai, Messieurs; les gardes nationales n'étaient point à ma disposition, et leur mouvement avait été déterminé par un décret ; d'ailleurs, c'est le 13 septembre que M. Mulot m'écrivaity qu'il serait plus avantageux que les
gardes nationales fussent employées dans le Com-tat, et que cela lui ferait d'autant plus de plaisir, qu'il était à tout moment embarrassé pour porter aes secours aux villes du Comtat dont plusieurs fermentaient. Il n'est nullement question d'Avignon en particulier dans la lettre de M. Mulot; et à cette époque, je peux bien affirmer que ce commissaire-médiateur, ni personne au monde, ne pouvait prévoir ce qui est arrivé plus d'un mois après dans cette malheureuse ville.
C'est cependant ainsi qu'en dénaturant les faits, en altérant les paroles, en confondant les époques, en multipliant les suppositions, en comptant pour rien la vérité, on est parvenu à créer un fantôme d'accusation, méprisable sans doute aux yeux de la justice et de la raison, mais dont on savait bien que la malveillance saurait tirer quelque avantage ; et c'est sur un pareil fondement qu'on s'est permis d'employer contre moi des qualifications et des expressions que mon respect pour l'Assemblée nationale ne me permet pas de répéter ; et c'est enfin à l'occasion de ces prétendus crimes, qu'on lui a présenté des idées dont je ne veux point rappeler le souvenir, parce que l'Assemblée désire elle-même qu'il soit effacé.
L'Assemblée nationale, j'ose m'en flatter, avait réprouvé d'avance cet amas impur d'accusations, de soupçons et d'outrages ; mais maintenant qu'il ne peut plus lui rester aucun doute, je demande qu'il me soit permis de remonter au principe de cette étrange dénonciation; elle est fondée sur celle que le département du Calvados a adressée à l'Assemblée nationale et au roi, à l'occasion du retard qu'avait éprouvé l'envoi de la loi concernant le répartement de l'impôt. Sans doute la dénonciation est un devoir ; mais il est d'autres devoirs encore, et le département du Calvados les a-t-il remplis, lorsque, sans explication, sans m'avoir demandé aucun éclaircissement préalable, il m'a faussement accusé et m'a désigné comme criminel sur un fait dont il n'avait pas vérifié les circonstances ! Messieurs, j'ose le dire, et c'est principalement pour mon successeur et pour mes collègues ; les détails de l'administration sont tellement variés, tellement multipliés, tellement pressants, que s'il fallait que les ministres regardassent les 83 départements comme autant d'ennemis occupés à épier leurs actions et à peser leurs paroles, il leur serait impossible d'agir et d'écrire avec cette liberté d'esprit si nécessaire, qui naît du témoignage d'une bonne conscience, mais qui ne garantit pas toujours de quelques négligences et ae quelques erreurs. Et que serait-ce, si les ministres, ae leur côté, dénonçaient les départements toutes les fois qu'ils en trouveraient,l'occasion! que deviendrait la chose publique au milieu de cette lutte d'incon-sidération et de méfiance ! Est-ce là ce qu'a voulu la Constitution ? elle a placé les corps administratifs sous l'autorité au roi, et son vœu sans doute a été qu'il s'établît, entre eux et les organes de cette autorité, des rapports intimes de subordination, de confiance et ae zèle.
Mais, Messieurs, j'ai bien acquis le droit de le dire : pour que cet ordre de choses s'établisse effectivement, pour que les ressorts du gouvernement prennent la consistance et l'activité dont ils ont besoin, il ne faut pas que l'Assemblée nationale accueille avec trop de facilité ces dénonciations vagues et inconsidérées, qui se multiplient d'autant plus qu'on croit, en les lui présentant, seconder ses intentions et ses vœux. Et quel serait donc le sort des ministres, s'ils étaient
constamment désignés comme le but vers lequel doivent se diriger tous les soupçons, toutes les accusations, toutes les haines ! Les ministres sont-ils donc des ennemis publics ! non, Messieurs, ils sont comme vous Français, comme vous ils connaissent la sainteté de ce mot patrie, ils ont fait leurs preuves de civisme et de courage ; ils se sont liés pour jamais au sort de la Révolution, et c'est pour eux surtout qu'il est vrai de dire : la Constitution ou la mort. (.Applaudissements.)
Le temps arrivera, sans doute, où il sera utile qu'au milieu de la tranquillité et de la prospérité générale, il s'établisse entre les différents pouvoirs une sorte de rivalité nécessaire peut-être pour entretenir leur propre équilibre, pour exciter leur surveillance mutuelle, pour tenir la nation constamment éveillée sur ses intérêts et ses droits ; mais nous ne sommes point encore à cette heureuse époque. Nous avons des ennemis communs à combattre, et de grands obstacles à surmonter. Messieurs, le salut du peuple le demande : rallions-nous; marchons ensemble au même but, que la confiance succède aux préventions injustes; ayons tous, les mêmes amis et les mêmes ennemis. (Applaudissements.) Pour moi, ie m'estimerai heureux si la circonstance douloureuse qui vient de m'obliger à prendre la parole, peut devenir l'époque d'un accord si essentiel pour la gloire, pour le bonheur et pour la tranquillité de l'Empire. (Applaudissements.)
Je demande le renvoi au comité.
et plusieurs autres membres : L'ordre du jour !
demande la parole et monte à la tribune. (Applaudissements a gauche et dans les tribunes.)
Il n'est pas de la dignité de l'Assemblée d ouvrir dans son sein une lutte entre l'accusateur et l'accusé.
et plusieurs autres membres demandent que M. Fauchet soit entendu.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Nous demandons que l'on passe à l'ordre du jour, et je vous prie, Monsieur le Président, de consulter l'Assemblée.
Voix diverses : L'ordre du jour ! — Le renvoi au comité ! — L'impression !
Il est de la dignité de l'Assemblée de ne pas croire que le ministre... (Murmures prolongés dans VAssemblée. — Applaudissements dans les tribunes.)
Un membre ; La dénonciation a été renvoyée au comité ; je demande que la réponse y soit aussi renvoyée.
On a demandé de passer à l'ordre du jour, d'entendre M. Fauchet et d'imprimer le discours du ministre. Si l'Assemblée passe à l'ordre du jour, elle décidera par cela même que M. Fauchet ne sera pas entendu.
(L'Assemblée passe à l'ordre au jour et ordonne le renvoi du mémoire justificatif du ministre au comité de législation déjà saisi de la dénonciation.)
Plusieurs membres : L'impression du mémoire !
D'autres membres : La question préalable!
Un membre : J'observe que la justification ne peut être imprimée puisque la dénonciation elle-même n'a pas été approuvée.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'impression.)
Quelques membres : Il y a doute.
Messieurs, il n'y a point de doute et la question préalable est bien adoptée. La parole est à M. le ministre de l'intérieur pour présenter divers mémoires.
, ministre de Vintérieur, présente un premier mémoire ayant pour objet la régie générale des étapes; il s'exprime ainsi :
Messieurs, les régisseurs généraux des étapes et commis militaires pour le compte du Trésor national, viennent de me représenter qu'il était instant qu'ils assurassent le service de l'année 1792. Il était d'usage, par le passé, d'imposer à ces entrepreneurs, pour ce double service, la condition de le continuer deux mois après l'expiration du marché qu'ils avaient souscrits. On ne peut aujourd'hui exiger l'exécution de cette clause de la part des entrepreneurs actuels, parce qu'il est possible que les circonstances donnent lieu à des mouvements considérables de troupes pendant l'hiver, tandis que, précédemment, ces mouvements cessaient au mois de décembre et ne ' recommençaient qu'au printemps, ce qui rendait le service presque nulles deux premiers mois de l'année.
En second lieu, les étapiers, établis dans les départements frontières, fatigués par les pertes qu ils ont faites sur les assignats pour l'acquisition des denrées, et sous prétexte d'une prétendue indiscipline des troupes de ligne et des gardes nationales, ont déclaré formellement qu'ils quittaient leur service au mois de janvier. L'époque de décembre et janvier est la plus favorable aux traités, parce que c'est celle où les marchés étant plus garnis, le prix des denrées prenant un cours fixe, les entrepreneurs profitent de ce moment pour assurer les approvisionnements relatifs au service du printemps.
Les régisseurs demandent, par ces considérations, à être autorisés dans ce moment au renouvellement des traités: mais ils désirent être à portée de faire actuellement connaître avec certitude, aux fournisseurs, la forme dans laquelle ils seront payés de leurs fournitures. Les régisseurs pensent qu'on ne peut se dispenser de composer les payements des étapiers des départements frontières, formés des ci-devant provinces d'Alsace, de Lorraine, de Franche-Comté, des Trois Evêchés de Flandre, Hainaut et Artois, d'un tiers en argent et de deux tiers en assignats de 5 livres et au-dessus ; ceux des étapiers des autres départements frontières, d'un quart en argent et des trois quarts en assignats de 5 livres et au-dessous, et ceux des étapiers des départements formés des provinces ae l'intérieur, d'un cinquième en argent et des quatre cinquièmes en assignats de 50 livres, de 5 livres et au-dessous.
Les régisseurs demandent donc qu'il leur soit permis de stipuler dans leurs traités les remboursements au profit des étapiers, de l'escompte qu'ils auront subi pour l'achat de leurs denrées, dans le cas où les circonstances deviendraient trop difficiles pour que l'on pût se procurer des espèces dans les proportions ci-dessus déterminées. J'ai pensé que ces objets devaient être soumis à l'Assemblée nationale et je la supplie de les prendre le plus tôt possible en grande considération.
(L'Assemblée renvoie le mémoire du ministre de l'intérieur aux comités militaire et dé l'ordinaire des finances réunis, à charge d'en faire le rapport samedi soir.)
, ministre de Vintérieur, présente un second mémoire relatif à la police,des routes, et s'exprime ainsi :
Je demande à l'Assemblée nationale de lui soumettre un deuxième mémoire. L'administration reçoit des plaintes si fréquentes du défaut de police sur les grandes routes, et des [accidents qui en sont la suite, que ie crois qu'il-est de mon devoir de recourir à 1 Assemblée nationale pour obtenir une loi qui est devenue nécessaire au maintien du bon ordre et à là sûreté publique. La négligence et l'obstination des rouliers donnent lieu tous les jours à ces plaintes, parce que.les rouliers refusent de céder la moitié du pavé aux diligences, aux messageries et autres voitures publiques; ainsi qu'aux voitures particulières conduites en poste. Souvent, ils accablent de propos insultants les maîtres et conducteurs de ces voitures ; ils se permettent même des voies de fait qui lès obligent à se détourner, au risque de s'embourber dans les ornières. Ils les exposent à verser, ce qui est déjà arrivé plusieurs fois, 'et mettent ainsi la vie des voyageurs dans un danger évident. Les règlements qui avaient été observés jusqu'à présent sont devenus impuissants; les tribunaux qui avaient l'attribution particulière de la police des routes n'existent plus; il faut donc de nouveaux règlements, de nouveaux tribunaux, ou plutôt une nouvelle police,'dont l'exécution sera confiée à la surveillance des corps administratifs;
Dans l'ancien Ordre de choses, la police des routes avait deux objets celui de leur 'conser^ vatioil, et celui d'une libre circulation. Cette
SOliCe était sous l'inspection et administration es intendants, comme commissaires d'Etat et sous celle du bureau des finances. Il existe peu de règlements généraux dû conseil: sur cette partie. Les intendants et les bureaux des finances réunissaient les pouvoirs d'administration et de juridiction dans leurs ressorts respectifs. Je supplie l'Assemblée nationale de prendre eet objet en considération, et de me permettre de lui observer qu'il est d'autant plus essentiel de mettre un frein aux désordres qui se Commettent sûr les routes et qui se passent loin des yeux de ceux qui pourraient provisoirement lès réprimer s'ils y étaient autorisés par1 une loi posi-tivè_, que, dans différents lieux, bientôt la force deviendrait 'le droit.
(L'Assemblée renvoie le mémoire du ministre de l'intérieur aux comités d'agriculture yet, de commerce réunis;)
,ministre de l'intérieur, présente un troisième mémoire dont l'objet est une captation de suffrages exercée par un prétendant à une place de receveur de districtil s'exprime ainsi,
Messieurs, l'élection d'un receveur de district se trouve attaquée par la raison que celui qui a été nommé à cette place, avait, avant son élection et dans le dessein de déterminer les suffrages en sa faveur, promis aux administrateurs de son district une déclaration signée de lui, par laquelle il se soumettait à faire la recette pour moitié des frais fixés par les décrets, consentant que l'autre moitié tournât au profit des administrateurs. (Murmures.) Aucune disposition des nouvelles lois n'a prévu précisément ce cas ; mais il m'a semblé que l'on pourrait considérer la conduite de ce receveur, comme une captation de suffrages aussi contraire aux différentes lois sur les élections, qu'au serment que
font les électeurs de ne choisir que ceux qu'en leur âme et conscience , ils -connaissent plus dignes de la confiance publique, sans avoir été déterminés par des dons, promesses, sollicitations ou menaces. L'influence que de pareilles conventions pourraient avoir sur les élections, si l'exemple que je viens de vous citer venait à être imité, et les «suites dangereuses qui en résulteraient pour la chose publique, m'ont déterminé à fixer l'attention de l'Assemblée sur cet objet important, afin qu'elle vît s'il ne serait pas de sa sagesse de réprimer toute convention qui aurait rapport à une élection quelconque, et qui lui serait antérieure.
(L?Assemblée renvoie le mémoire du ministre de l'intérieur au comité de division.^
La parole est à M. le ministre de là marine.
, ministre de la marine. J'ai été informé qu'on â proposé ce matin à l'Assemblée de méttre à l'ordre dû jour le rapport du comité de marine'sur la dénonciation du département du Finistère, qui mé concerne (1). Je suis bien éloigné de demander le retard de ce rapport ; mais jé prie l'Assembléé ,de vouloir bien ne l'ordonner qu'après que lé décret qu'elle a rendu pour que ;les pièces me soient communiquées, sera exécuté,, et j'annonce qu'il ne l'est pas encore.
Je demande que la communication soit donnée sans déplacer... (Murmures.)'
C'est moi qui ai demandé que le rapport fût mis à l'ordre du jour de ce soir.et je dis que ce n'est pas au ministre à venir deman-dèr FeXécution du décret; afin qu'on lui apporte officiellement chez lui les pièces. Lorsque M. La-jaille a été inculpé à l'Assemblée, il a envoyé un procureur fondé, qui s'est transporté au comité de marine et qui a demandé communication des pièces qui pouvaient être contre lui. Le bureau au comité de marine est ouvert au ministre comme aux autres particuliers; il ne doit pas y avoir de différence. Si le ministre de la marine veut venir au comité, on lui donnera communication, des pièces (Applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : L'ordre dû' jour ! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité diplomatique, soumet à nouveau à l'Assemblée un projet de décret (2) relatif à Vargent du canton de Soleure, arrêté à Belfort, et donne lecture du décret d'urgence qui est adopté dans les termes suivants : « L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité diplomatique, et après s'être assurée, comme l'avait fait l'Assemblée constituante, que l'argent arrêté à Belfort appartient à l'Etat de Soleure ; considérant que l'inexécution de la loi du 30 juillet priverait injustement des alliés de la France de leur propriété, et qu'un plus long retard augmenterait les frais que le Trésor public doit supporter au moins provisoirement, décrète qu'il y a urgence. »
, rapporteur, donne lecture du décret définitif qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
« 1° Que la loi du 30 juillet, n'étant point révoquée par celle du 28 septembre, sera
exécutée sans délai ;
Plusieurs membres demandent la radiation'de la clause du troisième, paragraphe tendant à improuver la municipalité de Belfort. et s'appuient sur ce que la loi, qui révoquait la prohibition de la sortie du numéraire, n était pas publiée dans le département à l'époque de cette; arrestation.
Le premier paragraphe est adopté dans les termes suivants : .
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète : :,
« 1* Que la loi du.30 juillet,,n'étant point rén voquée par celle du 28 septembre, sera exécutée sans délai. »
(L'Assemblée ajourne la suite de la discussion à la séance de ce soir,) (Voir page 313.) j (La séance est levée à 3 heures et demie.)
Séance du
La. séance est Ouverte à six heures du spir.
(Joseph), Messieurs,un citoyen infortuné, un père malheureux, m'a adresse une dénonciation que je vous demande la permission de vous lire; - • . Plusieurs membres ; Oui l'oui !
(Joseph). La voici '
« Messieurs, je Viens vous dénoncer une trahison qui intéresse tous les [citoyens autant que moi-même, dont l'exemple est le plus dangereux qu'ait à craindre la société, et qué les sages législateurs de la France ^empresseront sans doute de réprimer d'une manière exemplaire.
« J'avais un seul fils que'j'aimais, qui,me donnait les plus douces espérances, et sur lequel je fondais 1 appui et la consolation de mes vieux jours p Je veillais sur lui comme sur le plus précieux et l'unique bien que j'eusse au mondei Ma surveillance a été vaine ; mes espérances sont trompées.
« Le dinaanche'2 octobre dernier, mon fils étant à souper avec trois dé ses amis, à l'auberge de Jean JichL de, cette viHe des Vaux; le sieur Thomas fils, de fy paroisse de Brahïe, survint avec un paysan, pour la même fin. La conversation s'engage sur les affaires du temps ; Thomas aperçoit un bouton national au chapéau de mon fils ; il le traite de patriote | il l'injurie; lui saisit son chapeau, veut en arracher le bouton; mon fils n'a pas le temps de l'en empêcher: Ils se saisissent, la table se renverse, la lumière s'éteint; et dans : l'obscurité mon* pauvre enfant reçoit deux coups de couteau dans le sein, et l'assassin
disparaît- Mpn fils,, mon malheureux fils crie qu il est percé, et nageant dans son s#ng, il va expirer à dix pas dé la scène... j ]
« Je ne vous peindrai poini mon .désespoir, lorsque je vis mon enfant en cet état ; je ne vous parlerai point de la douleur d'une mère éplorée qui me le demandait sans cesse : souvenir affreux ! jè ne puis me le rappeler sans verser un torrent dé larmes.
« La nouvellè dé cet événement déplorable, en se répandant dans la ville, y sema l'alarme, et la consternation. Le jugé y est appelé ; il lance contre le coupable un mandat d'amener. Un officier municipal, un détachement ' dé troupes de ligne et ùn huissier vont le saisir dans sa maison, à minuit ou une heure.
« Traduit au tribunal de la ville de Tanargue. on trouve lé moyen dé rompre ses fers, mais il est repris 'à Chambonas par le peuplé indigné de son crime, et persuadé qu'il échappait à la punition. Ramené à la maison d'arrêt du tribunal) il est condamné à être pendu sur- la place de. la grève dé la ville des Vaux* Il se rend, appelant au tribunal de Villefort.
« C'est ici, Messieurs, , qu'est exercée la plus coupable indulgence, celte, ville est ,1e siège .et le repaire du fanatisme. Ce mionstre, l'apologiste des criminels, s'empresse d'être celui de Thomas, son suppôt. Il lanee dans le cœur des* magistrats le poison subtil de4ses.insinuations perfides, parvient à arracher le coupable/ap^^ive de la loi, et ne! rend la, liberté à ce criminel àffàiné de sang, dont les; crimes prépédents àvaiéttt déjà effrayé là côhtréé, que pour s'en servir'dans ses fureurs contre la raison et l'humanité.
« Thomas, conduit à Villefort, est traduit dans une maison ."bourgeoise, dégagé dé ses fers, et gardé seuïèflient par un homme. LjL touslès jôprs se rendaient dè^ amis dé ce Crimî'nél, qui buvaient, mangeaient; et* jouaient avec lui; et qui méditaient Sans doute }es moyéns de son évasion. Quelle IndulgenCë1 coupable de la part des magistrats ! pès que 'feh 'Stiië1 instruit, je cours à Villefort, ie presse, je sollicite le tribunal èt la municipalité de le-'serrer selon la gravité de son crime;-je leur èxpose ;combien il lui était facile de s'évaderpour toute réponse* le sieur Gha-bert, maire,-mé dit : « Mon ami, votre fils était patriote et soutenait les protestants; il est mort et l'a mérité. » Trois heures après, le] gardien de Thomas - vint avec tranquillité m'apprendre qu'il avait disparu. ;
' « Cet événement excite les cris d'indignation de tous les hommes qui pensent; certes où serait la sûrété que garantit la sagesse de vos lois, si les magistrats étàblis pour les faire exécuter, conni-vaient impunément avec les coupables.
» Je vous dénonce donc le tribunal et la municipalité de Villefort, fauteurs de l'évasion de l'assassin Thomas, afin que vous daigniez chercher, dans vbtre sagesse, des moyens de sévir contre dé telles prévarications, et que vous songiez, par un éxemple rigoureux, à en prévenir de pareilles dans la suite.
« Signé : ALEZEIN. i>
Messieurs* je vous demande de vouloir bien renvoyer cétte lettre au ministre de la justice et à celui de l'intérieur, pour qu'ils s'informent par quelle raison on a laissé échapper ce prisonnier, et qu^ls en rendent compte dans làjours.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aupouvoir exécutif à la charge par le ministre de la justice d'en rendre compte dans quinzàinè.)
Un membre : Je demande que les rapports ajournés à cette séance et qui ne pourront être faits à cause de l'admission ae certains pétitionnaires, soient renvoyés à demain par ordre de liste.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Des chasseurs nationaux de la ville de Corbeil, chargés de présenter une pétition au nom de leurs camarades, demandent à être entendus à la barre.
(L'Assemblée décide qu'ils seront entendus de suite.)
La députation est introduite et demande la révocation de la loi qui prononce la réunion des compagnies de chasseurs aux autres compagnies de la garde nationale. Elle supplie l'Assemblée de maintenir provisoirement les chasseurs nationaux jusqu'à ce qu'elle ait décidé définitivement du sort de leurs frères d'armes de Paris.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
annonce que la dame vèuve Vicaire demande à paraître à la barre pour communiquer à l'Assemblée les découvertes qu'elle a faites en faveur de l'humanité.
(L'Assemblée décide que la dame Vicaire sera entendue de suite.)
La dame Vicaire est introduite à la barre et présente à l'Assemblée un long mémoire contenant le projet d'établissement d'un hospice, dans lequel elle s'offre de consacrer à dés indigents infirmes, ainsi qu'à un nombre égal de malades aisés, le talent qu'elle possède pour la guérison de toutes sortes ae vices de conformation.
répond à la pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée applaudit au zèle de la dame Vicaire, ordonne qu il sera fait mention honorable au procès-verbal de l'offre de cette dame et renvoie le mémoire au comité des secours publics.)
, au nom du comité de division. Messieurs, je suis chargé par votre comité de division de soumettre à votre délibération des difficultés survenues sur la nomination d'un député à la législature dans le département de la Haute-Marne (1).;
L'assemblée électorale du département de la Haute-Marne avait élu, pour quatrième député, M. François-Joseph Henry. Cette élection excite des réclamations. Plusieurs personnes prétendirent que M. Henry ne payait pas une imposition égale au marc d'argent. M. Henry se présenta a l'assemblée électorale et dit qu il n'avait pas cru qu'il fût nécessaire qu'un citoyen payât le marc d'argent, lorsque ses parents le payaient ; que d'ailleurs le projet de l'Acte constitutionnel rendait éligibles tous les citoyens ; mais que pour faire cesser toute discussion, il renonçait au droit qu'il pouvait avoir à être représentant de la nation et donnait sa démission, H exigea toutefois qu'on fit mention au procès-verbal que ce n'était que par le défaut de justification d'une imposition égalé à la valeur au marc d'argent, qu on prétendait qu'il ne payait pas, qu'il donnait sa démission.
L'assemblée électorale procéda à une nouvelle nomination, et M. Landrian fut élu. Depuis,
Sur cette lettre, M. Henry rendit à ceux qui l'avaient chargé de leur confiance comme défenseur officieux, tous leurs papiers, donna sa démission de commandant de la garde nationale, fit transporter tous ses effets et se prépara à venir à Paris. D'un autre côté, l'assemblée électorale a confirmé les pouvoirs de M. Landrian. Ce dernier, sur une lettre que M. Henry lui a adressée, répondit qu'il regardait sa nomination comme non-avenue. En même temps, il félicitait M. Henry de la justice qui lui avait été rendue par le comité des pétitions et l'engageait à venir tenir sa place dans l'Assemblée nationale.
D'après cela, le comité de division, après avoir examiné tous ces faits, a cru que la démission de M. Henry n'était que conditionnelle, et que, puisqu'il représentait des lettres qui détruisaient les reproches qui lui avaient été faits et pour lesquels il avait donné sa démission, elle devait être considérée comme non-avenue et ne pouvait le priver d'un poste où il est appelé par une majorité si imposante de ses concitoyens. En conséquence, le comité vous propose ae décréter que M. Henry prêtera son serment et sera admis dans l'Assemblée.
Je crois que M. Henry ne peut prétendre à remplir cette place. M. Henry a été nommé, mais il n'a pu s'autoriser du projet de l'Acte constitutionnel, puisqu'un projet n'est pas une loi; puisque d'ailleurs la loi a voulu que la condition du marc d'argent fût exigée pour la première législature. Je crois encore que le comité est dans "erreur quand il considère comme purement conditionnelle la renonciation de M. Henry. Je prétends que cette renonciation est positive. On ne peut, en pareil cas, faire de renonciation conditionnelle. D'ailleurs, si vous déclariez nulle la nomination de M. Landrian, ce serait à un suppléant, et non pas à M. Henry à le remplacer. Je demande donc la question préalable sur le projet du comité.
Un membre : Il est affreux qu'on dénature le procès-verbal de l'assemblée électorale. On vous dit que ce procès-verbal contenait une renonciation formelle ; et moi ie n'ai entendu qu'une renonciation conditionnelle. (Applaudissements.) Je demande une lecture du procès-verbal.
, rapporteur, relit le procès-verbal où se trouvent ces mots : « En demandant néan-
prouver qu'il avait une imposition égale à la valeur du marc d'argent. »
Plusieurs membres : La discussion fermée! (Non! non!)
(L'Assemblée décide que la discussion continuera.)
Je ne puis concevoir comment on élève des doutes sur la nomi-
nation de M. Henry, comme député du département de la Haute-Marne à la législature, quand je considère qu'il réunit toutes les qualités qui donnent le droit d'éligibilité. Et d'abord, pour prononcer avec certitude sur cette question, il n est pas hors d'oeuvre de se reporter à l'instant où il a été nommé, à une très grande et presque absolue majorité, quatrième député du aéparte-mentdelaHaute-Marne.Avantsa nomination, personne n'eut l'idée de révoquer en doute les droits d'éligibilité de ce citoyen qui, à la qualité de défenseur officieux près le tribunal de Bournon, joignait celle de commandant de la garde nationale de cette ville. Ce ne fut que lorsque cette élection fut proclamée, que l'intrigue s'agita pour détruire l'ouvrage de la confiance. On suscita à ce député nouvellement élu, des difficultés sur son éligibilité, en mettant en avant qu'il ne payait pas le marc d'argent. M. Henry n'avait pas alors sur lui ses quittances de contributions, dont il était dispensé de justifier à l'assemblée électorale, qui n'étaitpoint compétente,en cette matière. L'intrigue alors redoubla de clameurs. Entraîné d'un côté par un sentiment de délicatesse, ce citoyen crut devoir dire aux électeurs de la Haute-Marne qu'il renonçait à sa nomination, mais il eut soin de motiver cette renonciation sur la circonstance particulière où il était de ne pouvoir en ce moment justifier de ses quittances d'impositions, d'où il suit qu'eHe n'est que conditionnelle, et en tout événement subordonnée à la justification du payement du marc d'argent. Or, M. Henry a justifié à votre comité de ses quittances d'impositions qui montent à 64 livres. Ù est donc parfaitement en règle, et toutes difficultés ultérieures ne pourront égarer votre sagesse.
Ce n'est plus le cas de peser les hommes au poids de l'argent, mais à celui du mérite, dans la balance du patriotisme.
Je demande donc que les pouvoirs de M. Henry soient déclarés valides et que, suivant l'avis de votre comité de division, il soit admis au serment. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La discussion fermée 1
(Après quelques débats, l'Assemblée ferme la discussion et déclare vérifiés et valides les pouvoirs de M. François-Joseph Henry. (Applaudissements.)
prête le serment individuel prescrit par la Constitution. (Applaudissements. )
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret du comité diplomatique relatif à l'argent du canton de Soleure, arrêté à Belfort (1).
, rapporteur. Messieurs, vous avez déclaré ce matin l'urgence du projet de décret sur la somme de 480,000 livres appartenant au canton de Soleure, arrêtée à Belfort. Vous avez adopté également le premier paragraphe du décret définitif qui porte qu'on exécutera sans délai la loi du 30 juillet qui charge le ministre de l'intérieur de donner les ordres nécessaires pour l'expédition et le départ de l'argent, cette loi n'étant pas abrogée par ceUe du 28 septembre qui prohibe la sortie des espèces monnayées au coin du royaume.
Voici les deux autres paragraphes qui ont donné lieu à des réclamations; ils sont ainsi
conçus :
« 3° L'Assemblée nationale, en rendant justice à la conduite du directoire du département du Haut-Rhin et de celui du district de Belfort, improuve la municipalité de cette ville pour n'avoir pas, comme elle le devait, donné ses soins à l'exécution de l'arrêté du district en date du 16 août dernier. »
J'ai demandé la parole pour combattre les deux derniers articles du projet de décret que le comité diplomatique vient de soumettre a la discussion de l'Assemblée.
Il est de mon devoir de la prémunir contre le piège qui est tendu à sa justice; je n'accuse pas le comité, mais je dis qu'il a été trompé.
Le principal tort, dans cette affaire, appartient au ministre qui n'a point envoyé le aecret du 1er août dans le département du Haut-Rhin ; et je vais vous prouver en peu de mots, Messieurs, que, si la municipalité de Belfort, qui s'est conduite avec beaucoup de sagesse dans cette circonstance difficile, ne mérite pas l'improbation qu'on vous sollicite de manifester contre elle, il s en faut bien aussi que le directoire de district puisse vous paraître digne des éloges qu'on vous propose de lui décerner.
Lorsque la somme de 480,000 livres fut expédiée de Paris pour la Suisse, par la route de Baie, il existait une loi très positive, qui défendait la sortie des matières d'or et d'argent, et principalement du numéraire hors du royaume ; c'est en vertu de cette loi que le Trésor fut arrêté une première fois à Bar-sur-Aube, par la garde nationale qui en jugea la destination plus que suspecte. Le ministre de l'intérieur exposa au comité que cette somme était un remboursement fait à l'Etat de Soleure.
Le comité, en conséquence, proposa et l'Assemblée constituante décréta, le 1er août dernier, que le numéraire suivrait sa destination et que les frais de retard en seraient supportés par le Trésor public, n ne suffisait pas au ministre d'envoyer ce décret à Bar-sur-Aube, il était encore de son devoir de le faire parvenir dans tous les départements de la route que le Trésor devait suivre, sans quoi, il fallait prévoir qu'à chaque pas il pouvait être arrêté en vertu de la loi générale et prohibitive. Il semble, Messieurs, que le ministre n'a négligé son devoir que pour donner occasion à de nouveaux incidents ; et en effet les plus grands malheurs ont failli être la suite de cette insouciance du ministre.
Le directoire du district de Belfort y a travaillé de son mieux, et sans la prudence et la sagesse des officiers municipaux, la ville de Belfort fût, peut-être, devenue le théâtre de quelques scènes sanglantes dont il parait qu'on avait conçu le dessein. Le directoire du district a cherché à compromettre, dans cette affaire, les citoyens de la ville les plus connus par leur civisme. Il a pris, le 16 août, un arrêté inconstitutionnel sous' tous ses rapports ; car la Constitution défend aux corps administratifs de suspendre l'exécution des lois : or, la loi était précise, elle défendait la sortie du numéraire, donc le directoire a mis sa volonté particulière à la place de la loi, en ordonnant que le Trésor partirait pour l'étranger;
donc, il a non.iseulement suspendu-1 l'exécution de la loi, mais même violé ouvertement les dispositions prohibitives qu'elle renferme. En vain cherchérait-on à justifier, cette violation par le motif que le décret ..du Ie* août était rapporté dans les papiers,'publics, quoiqu'il ne fût point alors officiellement énvové dans le département du Haut-Rhin, où la seule loi prohibitive était connue; je dis que des administrateurs ne doivent avoir égard qu'aux, lois qu'ils, ont officiellement reçues; je dis que les journaux ne doivent point être les régulateurs de leur conduite administrative; je dis que sans les formalités constitutionnelles de l'envoi, de l'enregistrement et de la publication, une loi n'oblige personne; je dis que la loi reçue doit avoir lapréférence sur celle qui n'est qu'annoncée dans les papiers publies ; je dis que, dans cet état des choses, le directoire n'a pas pu ordonner que le Trésor passerait outre, quand la loi prononçait au contraire; je dis que la municipalité n'était pas tenue de désobéir à la loi^ pour obéir à l'arrêté du 16, qui était destruc-j tif de la loi, car c'est encore la Constitution qui nous apprend que nulle autorité en France n'est supérieure à celle de la loi ; la loi défendait de laisser passer le numéraire, le directoire ordonr nait, tout au contraire, par son arrêté ; je demande laquelle des deux autorités devait paraître plus respectable à la municipalité? C'est encore la Constitution qui vient résoudre ce problème; car elle porte expressément, qu'on ne peut exiger obéissance que lorsqu'on.commande au nom de la loi. 1 " ; ; : '
Il est donc évident qu'une municipalité comme celle de Belfort, dont le patriotisme est aussi sincère que celui des, administrateurs d'alors était douteux, n'avait pas à balancer surtout si Fon considère les circonstances., D'un côté, le peuple fondait: son opposition sur la loi même; de l'aur tre, il, murmurait avec raison de voir sortir du royaume une masse de numéraire aussi considérable dans un temps où la pénurie des espèces rend le pauvre, etle, riche tributaires de Agiotage infâme qui se fait partout sur nos assignats. Ce peuple était convaincu que la somme en question était destinée aux émigrés; il le croyait parce que nos émigrés se vantaient eux-mêmes, a Bâle et' dans les environs, que l'argent était pour eux; parce que ces ennemis de la chose publique vomissaient d'horribles. imprécations contre les citoyens de Belfort, et menaçaient plus particulièrement leur ville du massacre et de l'incendie, pour avoir eu l'audace de surveiller la frontière du royaume, pour avoir eu l'audace de se conformer à une loi rendue, pour avoir eu l'audace d'obstruer un instant le canal destiné à leur porter les secours qu'ils attendaient avec impatience.;
L'Assemblée nationale prodiguera-t-elle des éloges à des administrateurs qui ont bravé l'opinion publique et vioié ouvertement la loi et la Constitution? C'est pourtant, Messieurs, ce que votre comité diplomatique vous propose! Lance* rez-vous un décret d'improbation contre une municipalité qui, soumise à la loi, a conservé et fait garder, par sa prudence, un Trésor qu'il eût peut-être été fort dangereux d'exposer dans de telles circonstances? C'est encore, Messieurs, ce que le comité sollicite de faire!
Enfin, donnerez-vous, Messieurs, aux agents du Trésor public un recours contre cette municipalité, tandis qu'on ne vous propose seulement pas d'improuver la conduite du ministre qui, en aisant son devoir, aurait prévenu tous les acci-
dents, et qui^ en ne le faisant pas, a occasionné l'arrestation des espèces, et tous les retards et lesi frais, qui en ont été la suite hécessaire ; qui >a failli de compromettre la considération! due aux autorités, légales du département ; qui a donné lieu à cette lutte des autorités entre elles et par conséquent à un choc toujours préjudiciable a la chose publique, qui même a failli faire cou-ler, au nom de la loi, le sang des citoyens qui s'appuyaient de la loi même; car, Messieurs, on en seraitIvenu là sans la prudence de la municipalité et la sage retenue du directoire du département et du commissaire par lui envoyé1 sur les lieux; non, Messieurs, l'Assemblée Nationale ne donnera pas dans un tel piège ; elle ne compromettra pas sa dignité jusqu à louer l'incivisme. (Applaudissements.) D'ailleurs, Messieurs, faites attention que l'arrêté du 14 août n'est pas seulement inconstitutionnel sous le rapport que iè viens de vous montrer, il est encore entaché au vioe d'incompétence, car il n'appartenait pas au directoire de juger si l'arrestation de la somme dont s'agit était ou n'était pas légale; cette question était, par sa nature, tout entière du ressort des tribunaux. Il n'y avait rien là qui fût administratif; et c'était encore de la part du. directoire usurper sur les fonctions1 judiciaires et sur le ministère des juges, que de se mêler de pareille chose ; ce qui n'est pas moins inconstitutionnel que ce que j'ai déjà dit plus haut.
Enfin, Messieurs, on vous propose de donner un recours au Trésor public, contre qui il appartiendra,,pourrécupérer les frais de retard et lès intérêts ae la somme arrêtée. Je soutiens qu'en le décrétant de la sorte, l'agent du Trésor public serait fondé à exercer ce recours contre les officiers municipaux; car improuver leur conduite,» ce serait assez dire qu ils sont responsables des événements, et il paraît qu'en effet on voudrait ménager ce nouveau moyen de persécution aux ennemis connus de la municipalité pour la punir de son patriotisme ; et c'est è. quoi îe m'oppose de toutes mes forces, parce que j'ai la conviction intime que ce serait une. injustice, et qu'il est de mon devoir de prémunir l'Assemblée contre le nouveau piège qui est tendu à sa bonne,foi. : . . / ! -
Croyez, Messieurs, qu'il faut avoir un grand courage, qu'il faut bien aimer la chose publique, pour se résoudre à rester officier municipal a Belfort, et sous la coupe d'un directoire comme celui du district; la municipalité y compte des ennemis implacables; ce sont eux qui sont les auteurs de tout ceci ; et certes, vous ne devez pas leur préparer de nouveaux triomphes en leur ménageant de nouveaux moyens de persécuter la municipalité.
Je demande donc la question préalable contre les paragraphes 2 et 3 du projet de décret de votre comité diplomatique.
Un membre observe que M. Delaporte était officier municipal à Belfort au moment de l'arrestation.
Si la municipalité de Belfort avait moins d'animosité et plus de subordination dans sa conduite, vous n'auriez pas aujourd'hui à accuser son insubordination ; et l'Etat, par suite de cette insubordination, ne se trouverait pas grevé mal à propos d'un intérêt de 10,000 livres. Le fait est que le décret du 30 juillet 1791 n'a pas reçu son exécution. Voyons si c'est à cause ae l'incivisme du .directoire du district, comme on vous l'a dit, ou si cela provient de la conduite
de la municipalité de Belfort, car la faute doit tomber quelque part.
A l'arrivée de 1 argent dont U s'agit, la municipalité sans s'informer d'où il venait, où il allait, en ordonne le déchargement et le dépôt dans la salle muhi'cipale. La voilà donc pérèonnellement char-gée de cet objet. Elle prétexte aujourd'hui qu'elle a cru cela nécessaire pôur la sûreté même des espèces, vu qu'il y avait un grahd rassemblement de nuit ; mais ce prétexte, ihj urieux aux citoyens mêmes, est bien mal imaginé, puisque le peuple n'était assemblé que par Curiosité, et non pàs pour s'opposer au passage de cet argent. Au lieu de l'arrêter, si la municipalité eût pris les mesures convenables pour protéger son passage, l'argent serait parti, le lendemain. Je demande que le projet de décret du comité diplomatique soit adopte.
Un membre fait observer que M. Baumliff était membre du directoire de district au moment où ce directoire a pris l'arrêté du 14 août.
S'il në s'agissait que de donner des éloges à certains Administrateurs, et d'en improuver d'autres, je garderais le silènce ; mais si vous approuvez le district de Belfort, si vous blâmez la muiiicipâlité ; si vous chargez le Trésor public de payer les intérêts des, 480,000 livres; si vous lui attribuëz un recours contré qui il appartiendra, il s'en suit que c'est à la municipalité de les payer. Il s'en suit que vous faites en l'y condamnant l'office de juges. Or, je le demande, le titre produit par la maison de Rougèmont n'est-il pas suspect? Peut-on croire qu'un Etat qui a de l'ordre dans ses affaires, qui a des agents responsables, ait pu prêter une sommé aussi forte a des particuliers sur un simple billet sous si?* gnature privée? Mais supposons que cette somme appartienne réellement à la ville de Soleure, avant d'être en droit de blâmer la municipalité de Belfort, il s'agit de savoir si elle a formé opposition au départ de cet argent. Or, jé dis au côntraire que la municipalité ne s'est jamais opposée à ce passage. Je dis qu'elle a fait tout ce qui dépendait (Telle pour le favoriser. Bien plus, les Citoyens de Belfort ne s'y sont opposés eux-mêmes, que parce qu'ils ont crU que cet argent était destiné pour les rebelles. Ils savaient qu il existait une loi qui défendait la sortie du numéraire hors du royaume. Ils ne connaissaient pas la loi qui y déroge, et s'ils l'avaient connue, croyez qu'ils se seraient empressés de s'y soumettre, eux qui avaient protesté hautement de leur soumission à la loi, eux qui avaient déclaré qu'en existât-il une qui leur ordonnât de protéger M. Bouillé, ils l'auraient exécutée. Si quelqu'un doit répondre dès intérêts et des frais, certes c'est le ministre qui n'a pas fait à temps parvenir la loi. On vous propose d'approuver la conduite du district. Je vous le demande, approuvez-vous l'emprisonnement arbitraire qu il a fait faire dé deux particuliers ? L'approuverez-vous d'attenter à la liberté des citoyens? Je demande, comme M. Delapbrte, la question préalable sur les paragraphes du projet au comité.
Je demande la parole pour rétablir l'affaire sous son véritable point de vue. L'Assemblée nationale constituante l'a dénaturée complètement en la renvoyant au comité diplomatique, car elle n'était point susceptible de ce renvoi. De quoi s'agit-il? La maison de Rouge-mont devait une somme à l'Etat de Soleure. Jusqu'à ce que la maison de Rougèmont eût payé a Soleure, l'argent appartenait à la maison de
Rougèmont;, et sur tous;les obstacles que pouvait éprouver le départ de l'argént, c'était à la maison de Rougèmont à se pourvoir devant les tribunaux.
L'Assemblée nationale constituante a rendu un décret,qui n'a point été exécuté; c'était encore à la maison de Rougèmont à se pourvoir devant les tribunaux- Ensuite l'Assemblée nationale a rendu un décret par lequel elle a mis. aux frais du Trésor public la perte et les intérêts ; mais jusques à quand ? Jusqu'au décret qui a permis cette sortie- Depuis, dé nouveaux troubles ont empêché le départ : c'est encore, dans ce cas, à la maison de Rougèmont à se pourvoir, et ce; n'est pas à nous à décider si c'est la municipalité ou fe district qui a eu tort. Ce ;. serait, préjuger l'action de M. de Rougèmont. Je dëmanaé la question préalable sur les deux paragraphes. (.Applaudissements).
, rapporteur. Si M. Daverhoult avait lu les engagements contractés entre la maison de Rougèmont et la République de Soleure, il aurait vu que la somme était payable à Paris. Or, du moment où l'argent est payé à Paris, il appartient à l'Etat de Soleure, ce qui est prouvé par deux lettres de l'Etat de Soleure qui réclame, près du ministre des affaires étrangères, cet argent comme lui appartenant.
Je réponds maintenant au doute, qui, s'est élevé relativement à la propriété de l'Etat de Soleure sur l'argent à lui envoyé par là maison de Rougèmont. Le "comité diplomatique, après s'être convaincu qu'il n'y avait aucun doute à élever sur cet objet, a prié cependant Mi de Rougèmont d'apporter ses livres au comité. M. de Rougèmont l'a fait ; tout e6t parfaitement en règle. Il a remis au comité un extrait de ces mêmes livres, et ceux qui ont des doutes là-dessus pourront aller: consulter cette pièce au comité. A l'égard de l'inculpation faite au ministre, elle n'est pas mieux fondée, car la loi était] envoyée le 2 août.
Le comité avait cru devoir, dans son projet de décret, proposèr l'imprObation de la municipalité de Belfort et le recours du Trésor public contre qui il appartiendra, parce que cette municipalité, lorsque le directoire de district l'invita à faire partir le convoi, répondit qu'ellé ne pouvait lé faire parce que c'était le directoire de district qui en était chargé par le département. Mais, Messieurs, comme il me paraît que cette discussion traînerait en longueur sans qu'on pût l'éclairer, à moins que l'Assemblée ne voulût se résoudre à entendre la lecture de plus de 50 pièces, je proposerai que l'Assemblee, sans préjuger de quelle part vient la faute, l'ensevelisse dans l'amnistie...
Quelques membres : Cela n'est pas. possible.
, rapporteur.... en retranchant du deuxième paragraphe la clause du recours et en supprimant le troisième paragraphe tout entier. (Oui ! oui!)
Quelques membres : La question préalable sur ce retranchement!
Un membre : Voici un fait que M. le rapporteur ne connaît peut-être pas, et qu'il importe ae communiquer a l'Assemblée. Lors de l'arrestation faite à Belfort, le directoire du département du Haut-Rhin a reçu plusieurs procès-verbaux du district de cette ville, qui accusaient la municipalité; et de la municipalité, qui accusaient le district. Le directoire du département a envoyé un commissaire pour vérifier les faits. U résulte
de son procès-verbal que ce n'est la faute ni du district, ni de la municipalité, mais de quelques citoyens qui croyaient que cet argent passait aux rebelles. J'appuie la dernière proposition que vient de vous faire M. le rapporteur.
Je demande la question préalable sur le blâme de la municipalité et sur l'approbation du district. Pour approuver le district, il faudrait qu'il ne se fût pas laissé égarer par un excès de zèle? en voulant faire exécuter une loi avant sa publication. Or, c'est ce que l'Assemblée constituante a sagement défendu. L'aristocratie a ses journaux comme le patriotisme, et l'on aurait pu se servir avec succès de la voie d'un journal aristocratique, pour faire répandre dans l'Empire une loi qui n'aurait jamais existé.
Je ne crois pas non plus qu'il faille improuver la municipalité. Il faudrait pour cela être bien sûr qu'il n'y a pas d'excuse à sa conduite. Or, les otfîciers municipaux n'étant point salariés, n'exerçant leurs fonctions que par l'impulsion du patriotisme, on ne doit pas supposer qu ils fassent des fautes de bonne volonté. (Applaudissements.) Nous devons donc croire que la municipalité de Belfort, dont d'ailleurs le civisme est généralement attesté, a eu des raisons pour ne pas presser le départ de cet argent, et ces raisons je les trouve dans l'opposition qu'elle a eu lieu de craindre de la part des citoyens, opposition qui est prouvée par les pièces mêmes...
Plusieurs membres : Aux voix! la question préalable !
Elle a donc agi avec prudence et humanité. En effet, la violence aurait produit la fermentation, la révolte ; il eût fallu peut-être
Êublier la loi martiale contre les citoyens. Il y a ien des gens qui, peut-être, l'auraient voulu; mais il était de la prudence d'officiers patriotes de céder à un premier mouvement d'effervescence dans un temps de révolution, plutôt que de s'exposer à faire usage d'une loi ae sang qui ne doit être promulguée que dans le cas de la nécessité la plus urgente. (.Applaudissements dans les tribunes.) Ainsi, voilà une excuse très probante en faveur de la municipalité. Dès lors, il n'y a plus lieu à la blâmer et s'il n'y a plus lieu à la blâmer, il n'y a plus lieu au recours des intérêts. Je demande donc la question préalable sur le troisième paragraphe et ,sur le membre de phrase suivant du second paragraphe : « sauf le recours du Trésor public contre qui il appartiendra. » (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.) M. le Président. Je mets aux voix la question préalable sur le membre de phrase du second paragraphe : « Sauf le recours du Trésor public contre qui il appartiendra. »
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas à délibérer sur ce membre de phrase.)
, rapporteur. En conséquence, le second paragraphe ainsi amendé serait conçu comme suit :
« Les frais et intérêts occasionnés par l'arrestation nouvelle de l'argent de l'Etat ae Soleure à Belfort, seront, d'après les états et les procès-verbaux arrêtés par les commissaires de la Trésorerie nationale, payés par le Trésor public. » Plusieurs membres : La question préalable! D'autres membres : Aux voix le paragraphe ! (L'Assemblée rejette la question préalable et adopte le paragraphe amende.) (Applaudissements.)
Plusieurs membres réclament avec énergie contre cette décision.
Un membre : Monsieur le Président, vous avez mis aux voix quand personne n'écoutait!
Plusieurs membres : L'ordre du jour! (Vive agitation.)
Puisque l'on réclame, je renouvelle l'épreuve.
(L'Assemblée décrète, à une grande majorité, le second paragraphe amendé.) (Applaudissements.)
Je mets maintenant aux voix la question préalable sur le troisième paragraphe.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le troisième paragraphe.)
Suit la teneur de ce décret, tel qu'il a été présenté à la sanction du roi :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité diplomatique, et après s'être assurée, comme l'avait fait l'Assemblée constituante, que l'argent arrêté à Belfort appartient à l'Etat de Soleure; considérant que l'inexécution de la loi du 30 juillet priverait injustement des alliés de la France de leur propriété, et qu'un plus long retard augmenterait les frais que le Trésor public doit supporter, au moins provisoirement, décrète qu'il y a urgence.
« L Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
« 1° Que la loi du 30 juillet n'étant point révoquée par celle du 28 septembre, sera exécutée sans délai ;
" « 2° Les frais et intérêts occasionnés par l'arrestation nouvelle de l'argent de l'Etat de Soleure à Belfort, seront, d'après les états et les procès-verbaux arrêtés par les commissaires delà Trésorerie nationale, payés par le Trésor public. »
, au nom du comité des pétitions, présente l'analyse d'un grand nombre d'adresses envoyées à l'Assemblée (1) ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, le comité des pétitions m'a chargé de vous rendre compte des différentes adresses qui lui ont successivement été remises jusqu'à ce moment d'après un décret.
Les citoyens signataires y plaident « la loi à la main », la cause de la patrie avec une énergie et un zèle qui leur mériteront, à tous égards, les beaux jours que vous leur promettez par vos travaux. (Applaudissements.)
Les administrateurs des conseils de départements des Basses-Alpes, de la Charente, de la
Charente-Inférieure, d'Eure-et-Loir, de l'Hérault, de la Loire-Inférieure, de la Marne et de
Maine-et-Loire, consacrent leurs premiers travaux à s'exprimer uniformément en faveur des deux
décrets que vous avez rendus contre les émigrés et les prêtres non assermentés.
{Applaudissements.) Quelques-uns de ces administrateurs ont fait parvenir des adresses au roi
; ceux de la Charente se plaignent de la conduite du directoire du département de Paris: ceux
de la Charente-Infé-rieure offrent à la patrie, d'un vœu unanime, un deuxième bataillon de
volontaires nationaux pour la défense des frontières: (Applaudissements.) « Notre embarras en
le formant, ajoutent-ils, ne consistera que dans la peine que nous ressentirons de ne pouvoir
pas admettre tous ceux qui demanderont à y entrer. » (Applaudissements.) « Faire régner la
loi, dit le conseil de départi)
« Comptez sur notre patriotisme, ajoutent-ils ; il vous garantit, et la vigilance des administrateurs à presser les recouvrements, et le zèle des administrés à payer la part des contributions qui leur a été assignée. » (Applaudissements.)
Les conseils de district de Gannat, Caen, Ta-rascon et de Vézelise, se servent des mêmes expressions • leurs sentiments sont les mêmes : celui de Gannat rend hommage au zèle des administrateurs du directoire; crest avec satisfaction qu'il a vu que ces administrateurs s'étaient pénétrés des décrets immortels de l'Assemblée constituante, et qu'aujourd'hui les administrés, phis attachés à la Constitution, commençaient à jouir d'une douce administration. (Applaudissements.)
Les conseils généraux des communes de Besançon, Caen, Marseille et Taverny, protestent de rattachement invariable de leurs concitoyens à la Constitution ; ils jurent de vivre libres ou mourir ; (Applaudissements.) ils font l'éloge des travaux de l'Assemblée nationale. (Applaudissements.)
« Confiants dans les grandes mesures que vous allez prendre, dit celui de Caen, nous attendons en silence et avec courage ce que votre haute sagesse va déterminer ; nous sommes préparés à tous les événements qui peuvent s'offrir, et nous ne cesserons de guider nos concitoyens dans les sentiers de la gloire et de la liberté. » (Applaudissements.)
« Mais, dit le conseil général de la commune de Besançon, quelle voix lugubre se fait entendre !
Plusieurs membres : Ah! ah! ah!
, rapporteur. « La colonie de Saint-Domingue est en proie à tous les fléaux destructeurs; elle est menacée de sa ruine entière, elle éprouve la réalité de ces ravages que la fureur de nos ennemis voudrait porter dans la métropole : l'amour qui unit tous les Français, nous laisserait-il insensibles à tant de maux? verrions-nous avec indifférence les infortunes de nos frères? (Applaudissements.) Ah ! nous en partageons les sentiments avec eux et nous voulons en adoucir le poids.
« Représentants de l'Empire, décidez de la nature et de l'étendue des secours dont ils ont un si pressant besoin : nous y contribuerons avec le plus vif empressement; un renfort de guerriers nationaux vous est-il nécessaire? parlez, et les nôtres voleront à la défense de Saint-Domingue. » (Applaudissements.)
Les amis de la Constitution des villes d'Arras, d'Aurillac, du Havre, Givet, Honfleur, Issoudun, Issoire, Luçon, Noyon, Nancy, Soissons, Port-Louis, Saint-Sever-Cap et Strasbourg, disent qu'ils ne perdrons jamais de vue que l'obéissance à la loi est le plus solide fondement de la félicité publique, et la sauvegarde des empires ; en rendant unanimement nommage aux travaux de l'Assemblée nationale et à son énergie pour les deux décrets frappés du « veto », ils renouvellent en ses mains le serment de maintenir de tout leur pouvoir cette précieuse Constitution, confiée
à la fidélité et au courage de tous les Français. « La Constitution, disent ceux d'Issoudun, est notre divinité tutélaire. Veillez à la garde de ce dépôt qui vous est confié. » (Applaudissements.)
« Si les précautions, disent ceux de Soissons, que le pouvoir exécutif a substituées à une loi nécessaire et juste, ne sont qu'une illusion, une astuce de ministériels, pour endormir la nation (Applaudissements.) laisser le temps à ses ennemis d'acquérir des forces pour la subjuguer, la déchirer par des guerres intestines, sacnez que les citoyens soussignés, avec une multitude innombrable de leurs frères, surtout du bataillon des volontaires d'Indre-et-Loire, du 33e régiment applaudissent, adhèrent à vos décrets, qui les eussent garantis de tous les dangers. » (Applaudissements.)
Les amis de la Constitution de Strasbourg s'expriment en ces termes à la fin de leur adresse :
« Vous avez constamment témoigné un respect invariable pour les Droits de l'homme et du citoyen et surtout pour l'un des plus précieux : le droit de pétition, que vous avez appelé à raison un droit sacré; vous n'en gênez point l'exercice, et vous ne l'assujettissez point aux entraves par lesquelles l'intrigue avait voulu en affaiblir ou en anéantir les effets. »
« Il vous reste un moyen, disent ceux de Givet: « Nous vous conjurons au nom de la patrie, au nom d'une Constitution ébranlée dans sa base, que vous nous avez promis d'affermir et de défendre, de la sauver sans retard ; lancez contre ces rebelles, ces princes lâches et audacieux, des décrets d'aCcusation. (Applaudissements.) Chargez-nous de les exécuter : notre courage les sanctionnera et, s'il le faut, nous jurons d'aller à Coblentz, à Worms, les arracher des mains de leurs protecteurs, pour les livrer à toute la vengeance des lois. » (Applaudissements.)
Les citoyens des villes d'Angers, Aigueperse, Avesnes, Aubagne, Brest, Cahors, Châteaudun, Chalon-sur-Saône, section de l'Hôtel-de-Ville de Paris, Mâcon et Nantes, ont les mêmes vues, le même esprit de subordination, de courage et de civisme; tous voudraient voler aux frontières; (Applaudissements.) ils fondent leur bonheur dans l'affermissement de la Constitution : ils auraient désiré que vos décrets sur les émigrés et prêtres non assermentés fussent sanctionnés. La section de l'Hôtel-de-Ville de Paris se plaint de la conduite du directoire du département de Paris, qui a manifesté un vœu contraire.
« C'est en vain, disent ceux d'Angers, que par des démarches astucieusement colorées, on cherche à vous enlever la confiance publique, continuez et l'on n'y réussira pas. (Applaudissements.)
« Nous le repétons avec les citoyens de Bordeaux, dans nos départements nous aimons la patrie de bonne foi ; nous avons du sang dans les veines pour la défendre; une exacte surveillance pour reconnaître ses ennemis quel que soit le masque dont ils se couvrent, et des armes pour les punir. » (Applaudissements.)
« Toujours fidèles au serment qui nous lie, assurent ceux d'Avesnes, nous saurons affronter la mort pour exterminer ceux qui oseraient porter la plus légère atteinte à notre Constitution ; fermes et inébranlables au milieu des orages qui agitent encore l'Empire français, votre sagesse et nos bras feront échouer les perfides complots de ces monstres avides de sang qui ne respirent que les malheurs de leurs frères. » (Applaudissements.)
Les citoyens de Brest s'expriment ainsi :
« Vous ayez, mis un frein aux téméraires entreprises des émigrés ; les prêtres séditieux ont appris de vous quel était le pouvoir d'une grande nation ; et cédant à la sollicitude de l'Empire, vous venez d'ordonner le remplacement des officiers qui refusent de servir leur patrie ; continuez ; que.rien jie vous arrête, quela Révolution se Consomme par vous ; ët s'il ne faut que .des bras pour fairë respecter la loi et . ses organes, tournez lés yeux du côté de nos murs j (Applaudissements.) nos femmes et nos enfants prennent l'engagement sacré de voler au secours de la patrie quand nous aurons tous eu le bonheur de perdre la vie pour elle. » (Applaudissements.)
Ceux de Chateaudun disent que les ennemis de la liberté ont perdu l'espoir dont ils se fondaient, en croyant trouver parmi les législateurs actuels des hommes faciles à séduire ou, à. corrompre,
« Recevéz, surtout, ajoutent les, citoyens de Chalon-sur-Saône les témoignages de notre vive reconnaissance pour votre message au roi. »,
Les citoyens de Lorient témoignent, dans leur adresse, le désir qu'il y ait aussi une revue générale pour constater les officiers de marine qui sont restés à leur , poste ; ils se fondent sur çe que ce corps a aussi fourni des traîtres» Ceux de Nantes s'énoncent en. ces termes : 1 « Législateurs,
« Vous venez de justifier la confiance du peuple-, Votre décret sur les émigrants mérite les eloges des amis de la liberté ; vous avez rempli votre devoir et nos espérances ; déployez toujours la même fermeté, et toujours vous pourrez compter sur nos bénédictions et sur nos baïonnettes. » (Applaudissements J)
A ces différentes adresses dont je viens d'avoir l'honneur de vous entretenir se joignent celles des soldats volontaires des villes et districts de Mar-mande,'des bataillons des volontaires des départements de l'Hérault, dé l'Aube, de la Charente-Inférieure, de l'Indre et de la garde nationale de Rayonne. Le bataillon du département de l'Indre sollicite de l'Assemblée nationale, la faveur d'aller à Saint-Domingue y planter l'étendard de la liberté, y arrêter l'effusion du sang, et ramener l'ordre et la paix. Tous brûlent du désir de vaincre ^par les armes les conspirateurs émigrés; ils promettent attachement inviolable à la Constitution et obéissance à leurs chefs. (Applaudissements.)
Le bataillon du département de l'Hérault voudrait être rapproché des frontières pour partager avec leurs frères d'armes des départements du Rhin et du Nord, les dangers de la guerre, et concourir par,Ce moyen à leur gloire-
La garde nationale de Bayonne, dans son adresse, déclare êt^e douloureusement affectée des faux bruits répandus contre, les grenadiers du régiment ci-devant Ângoumois, que l'on a dit s'être rendus au nombre de 36 vers les frontières d'Espagne, elle assure l'Assemblée nationale que ces grenadiers, leurs camarades, donnent jour-nellemènt et dans toutes les occasions, les preuves les plus sûres de leur obéissance, à la loi et de leur amour pour la Constitution.
Votre comité pense qu'il doit être fait mention honorable, au 'procès-verbal, de ces différentes adresses. (Vifs applaudissements.),
Plusieurs membres demandent la mention honorable des adressés et l'insertion du rapport au procèS'-verbal. {Oui! oui!)
Jamais on n'a inséré de [rap port au procès-verbal. (Murmures.)
(L'Assemblée décrète la mention honorable des adresses et l'insertion du rapport de M. Gossuin au procès-verbal. (Applaudissements.)
Une députation des volontaires nationaux d'un des bataillons du département de la Manche, en garnison à Valognes, est introduite à la barre.
V.orateur de la députation expose que leur bataillon excède d'une compagnie le nombre de celles nécessaires pour composer un bataillon ; que cependant cette compagnie est en activité et fait le service depuis deux mois. Le département n'ayant pas voulu rejeter des citoyens qui s'étaient présentés àvéc tant d'ardeur pour voler au secours de la patrie, le ministre de la guerre, M. Duportail, a ordonné, le 4 de ce mois, de cesser la solde de cette compagnie et de la licencier. Au reçu de cette nouvelle, les neuf autres compagnies du bataillon ont arrêté de partager leurs neuf soldes en dix compagnies. Us demandent gue l'Assemblée conserve cette compagnie en activité à la suite du bataillon, ou qu'elle la convertisse en compagnie de canonniers, pour faire le service des Jbatteries de canon qui sont à Granville et le long des côtes de la Manche, et protestent dé leur fidélité à la loi et de leur courage à maintenir la Constitution. (Applaudissements).
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité militaire,,qu'elle charge d'en faire le rapport samedi.)
, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, demande que l'Assemblée fixe à la séance de samedi soir le rapport sur la demande d'emprunt formée par les administrateurs du bureau de la Charité générale de Lille pour subvenir aux dépenses des hôpitaux de cette ville (1).
(L'Assemblée décrète l'ajournement de cette discussion à la séance de samedi soir.)
, au nom du comité de surveillance, fait un rapport et présente un projet de décret sur l'arrestation faite à Poitiers, d'un sieur Dutréhan, soupçonné d'enrôlements en faveur det émigrants; il s'exprime ainsi :
« Messieurs, c'est une vérité constante et dont on ne peut plus douter, qu'il n'est point dé moyens que nos ennemis ne mettent en usage pour renverser la Constitution, pour écrasef la patrie aux risques de s'ensevelir sous ses ruines.' 11 n'est peut-être point de villes dans le royaume où ils n'aient des émissaires. Dans beaucoup d'endroits ils vendent, même à bas prix, ' ce qu'ils possèdent, pour en faire passer le montant au-delà des frontières ; partout ils accapa-» rent le numéraire, excitent des éditions, empêchent la perception de l'impôt, diffament la Constitution, multiplient les libelles, fomentent le fanatisme sur lequel ils fondent leurs plus chères espérances, abusent des hommes faibles et crédules qu'ils rassemblent autour d'eux, auxquels ils font partager leur haine et leur désespoir, et qu'ils destinent à être les instruments de leurs vengeances:
Déjà, il vous a été transmis par les municipalités, corps administratifs et par de bons
citoyens,
Le sieur Dutrehan, chancelier de l'université de Poitiers, trésorier-dignitaire d'une église dont le roi était abbé, et regrettant infiniment les prérogatives abusives attachées aux deux ordres auxquels il tenait, a constamment, depuis les lois qui les ont supprimés, témoigné beaucoup de ressentiment contre la Révolution. Habitant de Poitiers, où les armes de l'ancienne milice de la ville ont, été scandaleusement vendues à des hommes qui sont passés au delà du Rhin, où les enrôlements se multiplient, et où'les jeunes gens disparaissent, où des propos incendiaires, des relations entre plusieurs citoyens et les émigrés ont excité la vigilance de la municipalité; ses soupçons ont encore augmenté, lorsqu'elle s'est convaincue que le sieur Dutrehan recevait habituellement jçhez lui les gens les plus suspects et les ennemis déclarés de la Révolution..
Depuis longtemps, cette municipalité avait résolu de s'assurer delà personnedusieurDutrehan, lorsqu'un, événement uâta l'effet de cette résolution.
Le 10 décembre, trois gardes nationaux volontaires de Poitiers voulurent sa voir par eux-mêmes si les bruits publics étaient fondés, s'il était vrai que le sieur Dutrehan enrôlât pour le compte des émigrés, Le sieur Prieur-Ferrand, l'un'd'eux, ne pouvant parvenir à parler au sieur Dutrehan, lui fit remettre une lettré par laquelle il lui manifestait son désir de s'enrôler. Les détails sont contenus dans le, procès-verbal qui vous a été lu à une de nos dernière séances au matin.
Le sieur Ghazel, témoin, ne répond que par des ouï-dire. Et qu'est-ce que ces ouï-dire? Il ne suffit pas, pour constater un enrôlement, qu'un témoin affirme qu'un particulier lui a dit qu il avait reçu de l'argent pour une personne. Il faudrait au moins qu'un témoin dît et déposât lui-même qu'il a reçu cet argent. Quand-bien même il le déposerait, cela ne suffirait pas encore, parce que, suivant tous nos principes, il faut au moins deux témoins uniformes sur le même fait. En écartant 4ohc les hypothèses, il ne résulte de toute l'information et des procès-Verbaux faits contre le sieur Dutrehan, rien autre chose, sinon que les citoyens de Poitiers le considéraient comme un homme suspect d'enrôler pour le Compte des émigrés; de la déposition du sieur Ferrand, que le sieur Dutrehan lui à promis protection auprès des émigrés; des dépositions des sieurs Gervais et Allaume qu'il leur a fait donner 6 livres par son cuisinier. Il résulte encore du proeès-verbal d'apposition de scellés sur les effets du sieur Dutrehan, qu'on a trouvé chez lui plusieurs brochures anticonstituonnelles qu'on a remises entre les mains du procureur de la commune.
i Voilà donc à quoi se réduit toute l'âffaire du sieur Dutrehan, et quoiqu'il ne soit certainement pas sans reproches, que sa conduite ait été indiscrète et suspecte en bien des occasions, que la municipalité ait mérité votre àpprobation, soit par sa surveillance en ce qui regarde l'intérêt de la patrieysoit en sauvant, par une arrestation provisoire, le sieur Dutrehan d'une effervescence populaire dont il aurait pu être victime. Votre
comité n'a pas cependant pènsé que ce fût ici le cas de le mettre en état d'accusation.
De simplet présomptions ne doivent pas suffire pour priver un/citoyen de sa liberté, et l'assujettir aux terribles épreuves d'une procédure criminelle, pour une accusation de haute trahison. Le législateur, quoique entièrement dévoué aux intérêts de sa patrie, ne doit jamais s'écarter, dans de pareilles circonstances, des règles de la probabilité.
lin homme ne doit pas être présumé coupable, parce que quelques discours ou quelques actions l'ont rendu suspect à ses concitoyens.;
Un homme ne doit pas,être présumé coupable pour avoir donné ùn écu de 6 livres, à un particulier, qui est revenu plusieurs fois.à la charge, et l'on doit regarder cette action Comme déterminée plutôt par la commisération, que pour fait d'enrôlement, car cé n'ést pas avéc 6 livres qu'on enrôle un .homme pour Coblentz.
Le sieiir Ferrana est encore le, seul qui dépose que: le sieur Dutrehan lui a promis protection auprès des éipigrés et sa déposition sûr ce fait ne doit être, par conséquent, d'aucuné considération.
Enfin, ce n'est pas parce qu'o.n a trouvé Chez le sieur Dutrehan des brochures inconstitutionnelles, que vous le présumerez coupable. La liberté ae la presse est établie, il est donc permis à tout citoyen de se procurér les ouvrages qu'elle produit , et quel est celui ^ui n'en a pas, quel est même le bon citoyen qui; prisse s'affecter des critiques de quelques écri,vàihs soudoyés pour dire du mal de notre Constitution, qui s'aftecte des blasphèmes qu'ils vomissent contreellé, des invectives lancées contre les patriotes, et du ridicule qu'on s'efforce inutilement.de répandre sur les lois les plus sages et les plûs Salutaires? Laissons, laissons cette triste satisfaction à tous ces écrivains impurs ; il en est de leurs imprécations contre la Constitution comme des ombres d'un tableau qui n'en font que mieux ressortir les beautés, voici le projet de décret que le comité m'â chargé de vous présenter (1) : ; •- ' f ' ' « L'Assemblée nationale: après avoir entendu le rapport de son comité de surveillance, décrète qu'il n'y a pas lieu à accusation contre le sieur Dutrehan: (Applaudissements.)
Il faut simplement dire que l'Assemblée nationale, outie rapport de son comité de surveillance, passe à l'ordre du jour.
Un citoyen est dénoncé par une municipalité comme coupable d'un crime contre la sûreté de l'Etat. Si l'Assemblée nationale, après avoir fait examiner les faits par son comité, trouve l'accusation dénuée de fondement, elle doit déclarer que le prévenu n'est pas coupable du fait de la dénonciation, et par conséquent qu'il n'y a pas lieu à accusation. Je demande donc à l'Assemblée de repousser la motion de M. Gran-geneuve.,
Plusieurs membres : La .discussion fermée ! . (L'Assemblée ferme la discussion, accorde la priorité au projet du comité et l'adopte.)
Un membre, au nom du comité des secours publics, soumet à nôuvéau à l'Assemblée unprojet de décret sur une pétition adressée par les habitants de la commune de Saint-Sauveur, département de la Haute-Saône, ruinés par un incendie; il s'exprime ainsi: * ,
Messieurs, vous avez été instruits que le village
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, çonsidérant la cruelle position où se trouvent les habitants du village ae Saint-Sauveur, département de la Haute-Saône, district de Luxeuilt dont les maisons, les meubles et effets ont été incendiés; le besoin pressant qu'ils ont de secours pour se procurer les objets de première nécessite, et la rigueur de la saison, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, et vu le décret qui porte qu'il y a urgence, décrète qu'il sera Accorde au département de la Haute-Saône une somme de 12,000 livres, pour être distribuée à titre de secours provisoires, par le directoire du département, sur l'avis de celui de district, aux habitants de Saint-Sauveur, qui ont été incendiés ; et pour être statué définitivement, l'Assemblée nationale renvoie le procès-verbal qui constate les pertes, au p >uvoir exécutif.
« L'Assemblée nationale décrète que le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
Un membre : Je propose par amendement d'ajouter ces mots .* « Provisoirement et à titre d'avance. »
(L'Assemblée adopte le projet de décret avec l'amendement.)
Suit la teneur de ce décret, tel qu'il a été présenté à la sanction du roi :
« L'Assemblée nationale, considérant la cruelle
Sosition où se trouvent les habitants du village e Saint-Sauveur, département de la Haute-Saône, district de Luxeuil, dont les maisons, les meubles et effets ont été incendiés, le besoin pressant qu'ils ont de secours pour se procurer les objets de première nécessité et la rigueur de la saison, décrète qu'il y a urgence;
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, et vu le décret qui porte qu'il y a urgence, décrète qu'il sera accorde, provisoirement et à titre d'avance, au département de la Haute-Saône, une somme de 12,000 livres, pour être distribuée par le directoire du département, sur l'avis de celui de district, aux habitants de Saint-Sauveur, qui ont été incendiés ; et pour être statué définitivement, l'Assemblée nationale renvoie le procès-verbal qui constate les pertes au pouvoir exécutif.
« L'Assemblée nationale décrète que le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
, au nom du comité de marine, fait un rapport et présente un projet de décret relativement à l'expédition projetée par M. Dupetit-Thouars, pour aller à la recherche de M. de Lapey-rouse, et tenter des établissements et des découvertes utiles à la navigation, au commerce, à l'humanité ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, M. Aristide Dupetit-Thouars. lieutenant de vaisseau, vous a présenté, le 4 de ce mois, un mémoire et une pétition dont l'objet est de vous demander, à titre d'avance ou autrement,, une somme de 10,000 livres pour compléter la mise dehors de l'armement de deux na-
vires qu'il expédie sous son commandement en chef et sous celui de M. Bruné, connu sous le nom de la Charrie, aussi lieutenant de vaisseau. Cet armement est fait, partie aux frais de M. du Petit-Thouars, partie avec les fonds qui sont provenus d'une souscription. Son but principal est la recherche de M. de Lapeyrouse. et en même temps on se propose de suivre ses observations et celles des autres navigateurs dans la mer du Sud, et particulièrement sur les côtes de la Nouvelle-Hollande et celles Nord-Ouest de l'Amérique ; de tenter ou des établissements ou des ouvertures de commerce dans ces parages.
Le comité de marine, à qui vous avez renvoyé cette affaire, m'a chargé de vous présenter le résultat des discussions auxquelles elle a donné lieu.
M. Dupetit-Thouars représente qu'il est né avec cette trempe de caractère qui rend l'homme avide de danger, enthousiaste des grandes découvertes. H avait, dans son enfance, dévoré les voyages maritimes romanesques et dans sa jeunesse la lecture des campagnes de Cook, ayant développé ses dispositions naturelles, il les cultiva au service de la marine, et se forma pendant la dernière guerre à l'école de nos meilleurs capitaines.
Aussitôt qu'à la fin de l'année 1790 il vit cesser dans nos ports les mouvements qui lui donnaient l'espoir d'être utile à la patrie, il demanda au ministre un aviso pour aller à la recherche de M. de Lapeyrouse. La désolante incertitude qui régnait déjà, qui règne encore sur le sort de cet illustre et infortuné navigateur, est un supplice pour les cœurs sensibles : elle devait être un aiguillon bien puissant pour l'homme destiné par la nature, par son goût, par son état, à braver fes mêmes périls, à ambitionner la même gloire. Sa demande ne fut pas accueillie.
C'est alors que 1 Assemblée nationale constituante, sur le rapport qui lui fut fait au nom de ses comités d'agriculture, de marine et de commerce, profondement affecté des malheurs du Cook français, mais saisissant encore avec avidité l'espérance d'y mettre un terme, décréta unanimement et comme par acclamation que le roi serait prié de faire expédier un ou plusieurs bâtiments sur lesquels seraient embarqués des savants, des astronomes, des dessinateurs pour continuer les observations faites par M. de Lapeyrouse sur la navigation, le commerce, l'agriculture et les arts, en même temps faire les recherches nécessaires pour découvrir cet officier et ses malheureux compagnons. Il fut fait un fonds extraordinaire de 1 million pour cet armement.
L'expédition de deux flûtes qui fut ordonnée par le roi en exécution de ce décret était trop importante pour que M. Dupetit-Thouars, jeune encore au service, pùt se flatter d'y avoir part comme chef. H désira d'y être employé comme subalterne, mais ce vœu fut trompé comme le premier.
Cependant l'attrait était irrésistible. Il voyait des mers inconnues à parcourir, des peuples neufs à visiter, le vaste champ d'un commerce ignoré d'une industrie nouvelle à défricher. Des connaissances sans bornes à acquérir, des colonies à établir, et pardessus tout d'aussi vastes projets, celui qui l occupait le plus. C'est le désir et 1 espoir d'arracher des Français, des camarades, aux horreurs de la famine et d'un exil plus affreux que la mort : « Je trouverai plus beau, disait-il, de retrouver un seul de nos Français que de découvrir un nouveau continent. »
Rempli de ces idées sublimes, M. Dupetit-Thouars sollicita et obtint un congé du roi pour faire une expédition à son compte et sous son commandement. Il ouvrit une souscription qui, avec ses propres moyens, le mit en état d'acheter et d'équiper une des chasse-marée de la nation, qui servait au transport des pierres pour la fameuse digue de Cherbourg. Le navire est petit, mais les grandes expéditions maritimes dont l'objet principal était les découvertes, ont été souvent faites avec des petits bâtiments. L'officier dont je parle obtint la confiance de ses intéressés en leur observant que le vaisseau de Magellan, qui, le
Eremier, a iait le tour du monde, que ceux de e Maire et de Schouten qui tentèrent de se frayer une route au sud de la Terre de feu, que les navires des flibustiers qui firent tant d'actions héroïques sur les rives de l'ithsme de Panama n'étaient pas plus grands que le Diligent sur lequel M. Dupetit-Thouars va tenter les mêmes aventures. 11 aurait pu leur dire qu'il y 2,400 ans des bateaux d'écorce d'arbres sortis de la mer Rouge dans celle des Indes ont fait le tour de l'Afrique et doublé le fameux cap des Tempêtes pour rentrer par notre océan dans la Méditerranée.
Ce ne sont pas les dimensions des vaisseaux qu'il faut considérer pour la plus grande entre-
{>rise qu'on médite, mais leurs qualités, mais eurs formes, mais leur solidité, mais surtout le système de leur voilure. Le choix que M. Dupetit-Tnouars a fait d'un bâtiment à bonnettes a paru, à quelques membres du comité, fondé en principes; d'autres l'ont désapprouvé; mais l'avis général a été que cet objet n'était pas de sa compétence. Le succès de l'entreprise dépendrait aussi du nombre des navires qu'on y consacrerait; et cette considération a déterminé notre officier à faire armer un autre bâtiment; il s'est, pour cet effet, procuré une goélette à Cherbourg. Tout est prêt, u n'y a plus qu'à mettre à la voile ; il est instant de le faire pour profiter des moussons favorables. Mais les fonds de la souscription sont absorbés, la fortune de M. Dupetit-Thouars et celle de son frère ont été employées en totalité, elles étaient modiques, enfin, il se trouve un déficit de 10,000 livres, et faute de moyens pour le combler, il faudra renoncer à ses grandes espérances, et vendre tout avec perte des trois quarts, si 1 Assemblée ne se détermine point, dans sa sagesse et sa munificence, à décréter un léger sacrifice pour le succès d'une opération dont le but est de chercher au bout du monde des citoyens précieux à la patrie, chers àtousles Français, dont le sort intéresse l'numanité entière, et de tenter en même temps des découvertes qui pourraient un jour procurer à la marine et au commerce national des avantages incalculables.
L'avis du comité de marine est qu'il n'y a pas à balancer d'après les observations qui viennent de vous être présentées, et que les représentants du peuple français ne peuvent se refuser à une demande fondée sur d'aussi puissants motifs. Tout le .monde sait que les encouragements accordés aux grandes expéditions maritimes sont des fonds placés à un intérêt avantageux. Il ne se fait pas un armement pour la traite, pour les pêches éloignées, sans que le spéculateur reçoive du Trésor public une prime proportionnellement plus forte que celle qu'on sollicite. Dans tous les temps, le gouvernement a prêté des navires au commerce pour faire la navigation des Indes et de la Chine. Quand des officiers ont voulu faire de longs voyages dans les mers inconnues, ils
n'ont jamais manqué de trouver dans les ports de l'Etat les secours les plus puissants. M. de Bou-gainville renouvela dans le port de Brest, aux frais de la nation, tout le grément et les voiles des navires qu'il avait équipés à son compte comme M. Dupetit-Thouars, pour faire comme celui-ci le tour du monde. M. de Kerguelin a fait deux voyages aux terres australes sur des vaisseaux et des frégates, de guerre, et cependant aucun de ces voyages n'avait des titres aussi puissants aux faveurs du gouvernement que l'expédition dont il est question aujourd'hui. Il ne s'agit que d'observations et de découvertes ; mais ici, Messieurs, vous trouverez sans doute une raison déterminante, dans cette seule idée qu'avec 10,000 livres de gratifications ou d'indemnités données à un officier que l'amour de l'humanité, plus encore que celui de la gloire, appelle à l'autre pôle, vous doublerez les probabilités du succès de l'entreprise faite par la nation pour la recherche de M. de Lapeyrouse, et qui a coûté un million.
Il ne (faut pourtant pas, Messieurs, que cette considération, si puissante qu'elle paraisse à votre comité, vous en fasse perdre de vue une autre qui mérité aussi votre attention.
M. Dupetit-Thouars a des projets d'établissements sur divers points des côtes de la Nouvelle-Hollande, une colonie formée avec plus d'intelligence et moins de précipitation que celle de la Guyane, administrée avec plus de sagesse que celle de Botany-Bay, pourrait un jour nous procurer des moyens d'étendre notre navigation. En respectant dans ces contrées lointaines les droits de l'homme, nous pourrions y former des établissements fondés sur la confiance et tirer un parti avantageux des productions de la Nouvelle-Guinée sans renouveler contre de braves habitants les horreurs dont les Européens ont souillé leur entrée dans le Nouveau-Monde. En longeant la terre des Arsacides où M. de Lapeyrouse pourrait bien se maintenir au milieu des Indiens par sa constance, sa sagesse et son courage ; en côtoyant le nord-ouest de l'Amérique, on pourrait espérer d'y acheter des fourrures, on pourrait y tenter avec succès la pêche de la baleine. Enfin pourquoi» ne se flatterait-on pas d'établir aisément des relations commerciales très utiles sur les parages fertiles en poissons, en loutres, en castors? Pourquoi n'ambitionne-rions-nous pas de partager les bénéfices que les Anglais se promettent de leur fameux établissement de Nooktcaland?
Tant et d'aussi vastes desseins sont, il est vrai, soumis à bien des événements, mais ce n'est que par des essais qu'on peut parvenir à leur exécution. Elles sont combinées d'avance, elles sont prises toutes les précautions dont la prudence humaine est capable pour maîtriser ces événements s'il est possible et pour se ménager des ressources dans le cas où des obstacles, où des revers ne permettraient pas de parvenir au terme de cette immense carrière I
11 ne faut pas se le dissimuler non plus, les navires choisis pour un voyage aussi long, présentent uns idée si effrayante par leur petitesse, qu'on a peine à se défendre d'un sentiment d'inquiétude sur le sort de ceux qui vont avec de pareils moyens affronter les plus grands dangers ; mais il semble aussi qu'on doive avoir ouelaue
qu'on doive avoir quelque confiance dans l'opinion des gens de l'art qui ont combiné l'opération avec celui qui se charge de l'exécuter.
Le commandant est muni des cartes et jour-
naux nécessaires. Il a reçu de M. Laborde d'utiles renseignements. M; d'Entrecasteaux qui commande les bâtiments armés par la nation pour le même objet lui a donné des instructions pour faire concourir avec intelligence leurs opérations respectives, et convenir des points de ralliement et des moyens de correspondance. M. de.Puysé-gur lui a confié sa montre marine et son cercle. On n'ignore pas quel est le prix de ces objets. M. de Lamana n'a pas dédaigné de concourir à la rédaction du projet de campagne, en communiquant les savantes observations faites par lui-même dans les mers de l'Inde.
Voilà les moyens de M. Dupetit-Thouars, voici ses ressources, dans le cas où ili ne pourrait pas exécuter la totalité de son projet. Il emmène de jeunes artistes remplis de zèle et de connaissances : son frère est très instruit en histoire naturelle. Un jardinier du jardin du roi fera cette très intéressante campagne. Il a déjà placé à bord une caisse, énorme, pleine d'arbres précieux destinés à enrichir les pays où l'on relâchera, qui donneront en retour d'autres végétaux inconnus. Il faudrait être bien contrarié pour qu'avec, autant d'espoir, autant de moyens d'être utile à son pays, à ses Camarades infortunés, à l'humanité entière avec tant d'envie de rapporter dés connaissances importantes pour les progrès des sciences, des arts, de la navigation, de l'agriculture, un officier qui a le courage de tenter une pareille entreprisé, n'en pût pas retirer assez de fruits pour dédommager d'une mise dehors aussi médiocrej et de sacrifices d'une aussi faible importance.
M. Dupetit-Thouars et M. Bruné qui, sous ses ordres, commande le second bâtiment, sont tous deux lieutenants de vaisseaux. Leurs appointements sont suspendus par le congé qui leur a été nécessaire pour faire une expédition particulière. Il paraîtrait peut-être convenable pour cette campagne, qui ne peut être regardée comme une spéculation mercantile, de les faire jouir de leurs appointements, et du traitement fixé par les lois pour les officiers dé leur grade, quand ils commandent des bâtiments de l'Etat. M. Dupetit-Thouars offrirait dans ce cas de laisser les sommes qui en proviendraient pour caution de celle de 10,000 livres qu'il demande et qui ne lui serait donnée qu'à titre d'avance.
Mais le comité ae la mariné a pensé, Messieurs, que des détails de cette espèce ne sont pas compatibles avec la dignité d'une grande nation, et jugeant d'ailleurs qu'il pourrait y avoir quelqués inconvénients à imprimer par cette disposition, à l'expédition de M. Dupetit-Thouars, une importance qui pourrait donner lieu à des abus, il a préféré de s'en tenir à la ^première demande de cet officier, et il vous propose le projet de décret suivant, qui doit être précédé de celui d'urgence, parce que chaque jour entraîne de nouvelles dépenses pour la nourriture des équipages dans les ports :
Décret iïurgence.
« L'Assemblée nationale, voulant donner à M. Dupetit-Thouars, lieutenant de vaisseau, les moyens de prendre promptement la mer pour uue expédition dont l'objet principal est la recherche de M. deLapeyrouse et de ses compagnons, vu que l'armement de deux navires du commerce destinés pour cette mission est fait; que les frais journaliers du séjour des équipages dans les ports exigent de grandes et mutiles dépenses, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
L'Assemblée nationale, considérant qu'il convient à une grande nation d'encourager toutes les expéditions maritimes qui offrent ae grandes vues d'utilité; que celle de M. Dupetit-Thouars ne peut manquer d'intéresser- tous les Français* sous le rapport des avantages qu'elle doit procurer à la navigation, aux sciences et aux arts, et tous les hommes sensibles de quelque nation qu'ils soient, parce que son but principal est la recherche d'officiers et de marins dont la perte serait Universellement regrettée 5 voulant participer à cette noble ét généreuse entreprise, et multiplier par cet exemple celles que des armateurs ou navigateurs pourraient tenter dans des vues aussi louables ; après avoir entendu le rapport de son comité dé la marine, et décrété l'urgence, décrète qu'il sera délivré à M. Dupetit-Thouars, par la caissede la Trésorerie nationale, à titre de gratification, pour subvenir aux frais de son armemeut, une somme de 10,000 livres, et que le présent décret sera, dans ce jour, porté à la sanction du roi. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence et adopte ensuite le projet de décret du comité.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des citoyens de la section des Lombards, qui demandent à présenter à l'Assemblée une adresse sur un objet qui intéresse essentiellement la sûreté intérieure et extérieure de l'Empire.
(L'Assemblée décrète qu'ils seront entendus à la séance de dimanche.)
(La séance est levée à dix heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
pétition de M. Aristide-Aubert Dupetit-Thouars, lieutenant de vaisseau, d VAssemblée nationale (1).
Paris, ce
Messieurs,
Dans un temps où la paix semblait pour quelque temps rendue à l'Europe, où l'honneur, après avoir dicté à la nation française le devoir de se déclarer pour ses anciens alliés, lui permettait d'applaudir à la fierté avec laquelle le gouvernement anglais revendiquait le aroit que les hommes de toutes les nations ont aux pays incultes, et dont le commerce, sans aucun pavillon, n'a pas encore vivifié les trésors, je formai le projet de chercher M. de La Peyrouse, et de prendre assez de connaissance des parages inhabités de la mer du Sud, pour pouvoir, à mon retour en France, travailler enfin à fonder une colonie dont l'organisation existe dans ma tête depuis plus de 20 ans.
L'expérience des hommes, des climats, des dangers de la mer et de tous ceux qu'il faut es-
suyer dans l'exécution des grandes teiitatives ont changé peu de chose à mes idées, et n'ont servi qu'à me prouver, de plus en plus, que ce n'était point un roman que j'avais conçu.
J'ai demandé à tous mes compatriotes de concourir à mes projets; j'ai pris des engagements sacrés avec tous ceux qui m'ont secondé de leur argent ; j'en ai pris de plus sacrés encore avec ceux qui veulent me suivre ; ma fortune est consommée, celle d'un frère qui se dévoue (1) avec bien plus d'abandon que moi, à la gloire de son pays, puisqu'il n'est pas marin, a de même servi tout entière aux préparatifs de l'entreprise; il y a un an que je les ai commencés, je demande aux représentants d'une nation entreprenante et généreuse, de les rendre efficaces.
Il me faut 10,000 livres pour satisfaire entièrement les fournisseurs auxquels je me suis adressé. On peut juger, à la modicité de cette demande, avec quelle économie j'ai pourvu à la multitude de besoins que.ma position nécessitait.
J'ai soumis tous mes plans ; j'ai rendu compte de toutes mes opérations au comité de la marine : l'honorable membre de ce comité, qui doit vous rendre compte de ma pétition,1 est un ingénieur de la marine dont l'habileté m'est connue ; je n'ai craint ni ses connaissances, ni sa pénétration, ni son extrême intégrité : vous écouterez son rapport; vous songerez qu'en l'appuyant vous faites fructifier plus 60,000 francs de dépense ; que 60 hommes (2), aussi audacieux qu'intelligents, attendent votre décret pour commencer une carrière dont l'essai seul est un titre de gloire; qu'ils vont faire éclater leur reconnaissance dans, toutes les parties du globe ; que s'ils sont heureux ils ne manqueront pas de rapporter au Trésor public le produit de leurs travaux.
Messieurs, j'ai l'honneur de prendre en leur nom, vis-à-vis de vous tous en général et en particulier, vis-à-vis du grand peuple dont vous présentez l'image imposante, tous les engagements du devoir et de la reconnaissance.
Votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : Aristide-Aubert Dupetit-Thouars, _ lieutenant de vaisseau.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des procès-verbaux des séances du mardi 20 décembre, au soir, du mercredi 21 décembre et du jeudi 22 décembre au matin et au soir.
La rédaction du procès-verbal de la séance d'hier au soir donne lieu à quelques observations qui sont adoptées.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de MM. Oudet père et fils qui font hommage à l'Assemblée nationale d'un ouvrage intitulé : Observations et projet de loi sur les successions, les testaments et les substitutions.
2° Lettre de M. Osselin qui présente à l'Assemblée une première épreuve de Valmanach du juré français.
(L'Assemblée ordonne la mention honorable de ces offres et renvoie les deux ouvrages au comité de législation.)
3° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'Intérieur, qui transmet à l'Assemblée nationale une pétition de la ville d'Avignon, ayant pour objet d'obtenir dès secours pécuniaires qui la mettent en état de faire face à ses dépenses; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président.
« J'ai l'honneur de vous envoyer une adresse que la municipalité d'Avignon a faite à l'Assemblée nationale, pour lui exposer la position fâcheuse où elle se trouve; et lui demander des secours pécuniaires qui puissent la mettre en état de faire face aux dépenses publiques auxquelles elle est indispensablement obligée, et auxquelles elle est dans l'impossibilité de subvenir, par la spoliation des caisses sur lesquelles ces dépenses étaientprises ci-devant. Les commissaires du roi, en me faisant passer cette adresse, m'annoncent qu'ils vont rédiger un mémoire sur le même objet. Aussitôt qu'il me sera parvenu, j'aurai l'honneur de vous l'envoyer.
« Je. crois, Monsieur le Président, devoir vous exposer, en outre, que les commissaires du roi me marquent qu'ils éprouvent eux-mêmes beaucoup de retard, par rapport aux dépenses dont ils sont chargés, faisant les fonctions de directoire de département. Obligés d'adresser toutes les lois à toutes les municipalités, leurs frais d'impressions sont déià très considérables, et il serait important que 1 Assemblée nationale voulût bien pourvoir aux moyens d'acquitter les dépenses.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : CAHIER. »
(L'Assemblée renvoie la pétition de la ville d'Avignon au comité de 1 extraordinaire des finances.) ,
40 Lettre de M. deNarbonne, ministre delà guerre, qui adresse à l'Assemblée la copie des lettres qu'il a reçues de Perpignan, relativement aux troubles qui ont agité cette ville; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée nationale s'est déjà occupée des troubles qui ont agité la ville de Perpignan, et elle a voulu que je lui rendisse compte de la part que les troupes y ont eue. Déjà, j'ai mis sous les yeux de l'Assemblée nationale les détails qui étaient à ma connaissance, et des lettres que je reçois à l'instant me forcent à croire certains faits dont on ne peut encore développer l'objet. Je me fais un devoir d'en soumettre des copies à l'Assemblée nationale, et de mettre en même temps sous ses veux celle que je viens d'écrire au commandant des troupes du département des Pyrénées-Orientales.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : DE NARBONNE. h
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la guèrre et la copie de sa correspondance au comité militaire.) f
5° Lettré de M. Cahier de Gerville, ministre de l'Intérieur, qui présente à l'Assemblée un rapport sur la nécessité de faire, à quelques départements, des avances qui leur fournissent les moyens de continuer les travaux des routes : cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer un rapport sur les dépenses que nécessitent les avances à faire à Certains départements, relativement aux travaux des routes. Dans la crainte d'abuser des moments de l'Assemblée, je n'entrerai dans aucun détail. Ellé le jugera sans doute de nature à être renvoyé à son comité d'agriculture, qui est déjà chargé en cet instant de l examen de ce qui concerne les Ponts et chaussées.
« Je suis avec rèspect, etc.
« Signé : Cahier. »
(L'Assemblée renvoie le rapport du ministre de l'Intérieur au comité d'agriculture.)
6° Lettre de M. Amelot, commissaire au roi près la caisse de Vextraordinaire, relative à l'arriéré des décimes et à une indemnité réclamée par la mère du sieur Caissin, ci-devant receveur des décimes de la Chambre ecclésiastique du diocèse de Troyes.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)
7° Lettre des commissaires ae la Trésorerie nationale qui font parvenir à l'Assemblée l'état des recettes et des dépenses faites à la Trésorerie nationale pendant les quinze premiers jours du présent mois. Le total des recettes en numéraire, assignats et effets particuliers se monte à cent millions neuf cents et quelques mille livres. Celui des dépenses est de soixante-seize millions huit cent quarante et quelques mille livres.
(L'Assemblée renvoie cet état au comité de l'ordinaire des finances.)
8° Lettre de M. de Narbonne, ministre de la guerre, qui renouvelle auprès de l'Assemblée nationale les instances faites par son prédécesseur, pour obtenir une décision relative à ce qui reste à payer des dépenses de son département pour l'année 1789.
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la guerre au comité de liquidation.)
9° Lettre des grands juges à la Haute-Cour nationale qui demandent qu'on leur fasse parvenir les lois et décrets qui leur sont nécessaires pour remplir leur mission, et que le local destiné à leurs séances soit mis dans un état convenable; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Nous avons vu, à notre arrivée, le commissaire du roi auprès du tribunal de district. Il n'a point reçu, parmi les décrets qui lui sont parvenus, celui qui nous nomme individuellement grands-juges près la Haute Cour nationale, ni aucun décret formel d'accusation. Cet officier nous a exposé d'ailleurs qu'il ne pourrait nous délivrer ni les décrets qui sont entre ses mains, ni en faire usage pour nous mettre en activité, vu les fonctions journalières et multipliées qui exigent sa présence au tribunal de district. Nous vous prions de nous faire parvenir ces dé-
crets avec les exemplaires des lois qui nous sont nécessaires, tant pour nous conduire nous-mê-mes que pour les représenter aux accusés et aux jurés qui auront droit de demander cette représentation dans l'instruction de la procédure.
« Le local destiné à nos séances est absolument indécent et peu convenablement disposé. Nous en prévenons l'Assemblée nationale, et nous vous prions de vous réunir à nous pour que tous les ordres soient donnés afin que l'Administration pourvoie à tout ce qui sera indispensable.
(Suivent les signatures.)
« Nous sommes avec respect, etc... »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
10° Lettre de M. de Narbonne, ministre de la guerre, qui adresse à l'Assemblée nationale un état de différentes pensions de nouvelles retraites réglées tant par lui que par son prédécesseur, d'après la loi du 22 août 1790.
(L'Assemblée renvoie cet état au comité de l'ordinaire des finances.)
11° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'Intérieur, qui adresse à l'Assemblée nationale un mémoire relatif à la régie et recette générale des ci-devant économats.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité des domaines.)
12° Lettre de M. Gamon, premier député suppléant du département de l'Ardèche, qui observe que M. Valaaier, l'un des députés de ce département ne s'est point encore rendu à l'Assemblée nationale. Il demande que ce député soit tenu de déclarer s'il doit ou ne doit pas s'y rendre.
(L'Assemblée renvoie la lettre de M. Gamon au comité de division.)
Messieurs, j'ai i présenter à l'Assemblée dont je deux questions à demande le renvoi au comité de législation.' Le premier est de savoir, dans le cas a 'appel des sentences de polices rendues sur les réquisitoires des procureurs de commune, quel sera 1e ministère public que la partie pourra intimer. Sera-ce le procureur de la commune, ou le commissaire du roi ?
Un membre : C'est le commissaire du roi ; il existe une loi formelle à ce sujet.
Je ne le crois pas. Quant à ma seconde question, elle est encore plus minutieuse. La loi sur l'ordre judiciaire, en déterminant le costume des huissiers audienciers, qui doivent faire le service auprès de chaque tribunal de district, ne dit pas par qui et comment ils doivent être nommés. Je pense qu'ils doivent l'être par le tribunal.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de ces deux questions au comité de législation, pour en faire incessamment son rapport.)
Un grand nombre de pétitionnaires demandent à être admis dimanche ; mais l'Assemblée doit décider auparavant si, contre l'usage de l'Assemblée constituante, elle tiendra sa séance dimanche prochain, jour de Noël.
Voix diverses : Oui ! oui î Non ! non l
Un membre : Il faut remettre la séance au soir. (Non! non!)
(Après une épreuve déclarée douteuse, l'Assemblée décrète qu'il y aura dimanche une séance le soir, à l'heure habitueUe.)
Il est survenu, dans le département de Ta Haute-Loire, une espèce de contesta-
tion entre un district et le département, au sujet des nominations de sept curés qui ont été déclarées provisoires, ce qui fait que les prêtres ne se rendent pas a leur destination. Je demande que vous ajourniez le rapport sur cette affaire à demain soir.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Lagrévol.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur une émission d'assignats au-dessous de 5 livres.
Un membre : Je demande la parole pour une motion d'ordre, dont l'objet est d'accélérer les travaux de l'Assemblée. Vous avez entendu les plaintes des départements sur notre inaction...
Et moi je me plains des leçons trop fréquentes que l'on donne au Corps législatif.
Je demande que ce nouveau discours serve de supplément à celui de M. Sédil-lez et que l'on passe à l'ordre du jour.(Ouil oui!)
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) s
, rapporteur. Messieurs, sur le rapport qui vous fut fait par le comité de l'extraom-naire des finances, qui vous avait présenté un projet de décret sur les petits assignats, l'Assemblée a décidé qu'il y aurait des coupures d'assignats de 5 livres (1).
Actuellement, il nous reste à décider de quelle somme seront les coupures. Votre comité vous a proposé des assignats de 10, de 15 et de 50 sols. Tous les opinants qui ont parlé sur ces coupures ont paru (l'accord sur celle de 50 sols. Quelques-uns ont contesté celle de 10 sols et ont demandé des coupures de 25 sols. Pour ne pas embarrasser la discussion, il me paraîtrait essentiel de décréter préalablement cette question : Y aura-t-il des coupures de 50 sols, oui ou non?
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! ,
J'accuse les membres des comités de finances de venir ici enlever les décrets sur les finances avec une précipitation coupable et sans une délibération préalanle. Je demande que la proposition de M. Cambon soit discutée.
Quelqu'un demande-t-il la parole contre la coupure ae 50 sols?...
Personne ne demandant la parole, je mets la proposition aux voix.
(L'Assemblée décrète qu'il y aura des assignats de cinquante sols.) (.Applaudissements.)
, rapporteur. Il faut maintenant savoir si l'Assemblée adoptera la coupure de 15 sols proposée par le comité, ou celle ae 25 sols qu'un membre a proposée.
Un membre : Non seulement j'appuie la proposition du comité, mais même je crois qu'il en faut fabriquer de 30 et 40 sols. Ce qui nous a décidé à fabriquer des coupures d'assignats c'est la nécessité. Il existe des fractions cPassignats dans les billets de confiance. Cette existence vous prouve la nécessité d'avoir des assignats de 30 et 40 sols. Je conclus donc à ce qu'il y ait des assignats de 40, de 30, de 15 et de 10 sols. (Non! non! (Murmures.)
J'observerai à l'Assemblée qu'avant de décider s'il y aura des assignats de 25 sols, il faudrait décider préalablement si, en outre de la coupure de 50 sols, il y aura deux, trois ou quatre coupures.
Je demande que la discussion ne s'ouvre que sur la question de savoir s'il y aura des coupures de 25 sols.
Un membre : Votre comité ne vous propose pas de faire des coupures de 25 sols ; il vous dit seulement que certaines personnes ont proposé dé faire des coupures de 25 sols. Je dis que si vous faites des coupures de 25 sols, il en faudra faire de 15 sols; elles sont absolument nécessaires et je demande qu'il y ait des coupures de 25 et de 15 sols.
M. le rapporteur a posé ainsi la question :. Y aura-t-il des coupures de 25 sols, ou y en aura-t-il de 15 sols? Eh bien, moi. je dis qu'il doit y en avoir de 25, de 15 et de 10 sols. Vous avez résolu d'avoir des coupures au-dessous , de 5 livres pour faciliter les échanges et suppléer au défaut ae la petite monnaie, vous avez créé des assignats de 50 sols pour faciliter l'échange des assignats de 5 livres ; il faut dônc mainte-? nant créer des coupures pour faciliter l'échange des billets de 50 sols. Or, avec les seules coupures de 15 sols, vous n'arriveriez jamais à cet échange. Je demande donc que pour faciliter l'échange des assignats de 50 sols, vous décrétiez et les coupures de 15 sols et les coupures de 25 et de 10 sols. (Applaudissements.)
Je crois qu'il faut être extrêmement modéré sur le nombre des coupures. Vous voulez de petits assignats, vous en voulez beaucoup ; vous les voulez promptement, vous les voulez avec le moins de frais possible : cependant si vous multipliez les fractions, vous augmentez la dépense,! et vous retardez la fabrication. Vos comités avaient pensé que 3 coupures pouvaient suffire à .tous les échangés. J'appuie très fort cette opinion, parce; que c'est le moyen d'éviter les frais et d'accélérer l'émission. La grande question sur laquelle vos comités ont été divisés, a été de savoir si la coupure intermédiaire entre les assignats de 10 sols et de 50 sols serait de 15 ou de 25 sols. 11 est certain qu'avec des coupures de 10, de 15 et de 50 sols, vous remplissez tous les échanges intermédiaires. (Applaudissements). J'appuie fortement, puisque vous avez décrété des assignats au-dessous de b livres, qu'ils soient de 50 sols comme vous venez de le décréter, et ensuite de 15 et de 10 sols.
Plusieurs membres : Appuyé! appuyé!
Je conçois, comme M. Dorizy, que la multiplication des coupures nécessitera un plus grand nombre d'ateliers et augmentera les irais ae fabrication ; mais je ne pense pas, comme lui, que cette multiplication prolongera la fabrication. Et au contraire je crois, moi, que quand vous aurez 4 ateliers au lieii de 3, vous ferez plus de coupures, et que, par suite, quand vous aurez des coupures de 25 sols, coupures qui seront fabriquées dans le même délai que celles de 15 sols, vous avancerez singulièrement cette fabrication. D'autre part, il y a un trop grand intervalle entre la coupure de 15 sols et celle de 50 sols, et la coupure de 25 sols rendra le payement de l'ouvrier plus commode.
Par ces considérations, je me déciderai à adopter 4 coupures au lieu ae 3, et j'ajouterai qu il ne faut pas être effrayé par l'augmentation de dépense que l'établissement de vos 4 ateliers occasionnera. En effet, il est d'abord à peu près démontré que vous ne devez fabriquer que pour une somme quelconque d'assignats, et dépenser 500,000 livres en un mois, ou les dépenser en
deux, la dépense sera toujours la même. Mais, Messieurs, il y aura un, très grand avantage pour l'Etat, si, en dépensant les 500,000 livres, dans un temps beaucoup moindre, vous donnez à la circulation des signes d'échange commode dans un délai plus court. Je crois donc que l'intérêt général exige que dans le moment présent vous adoptiez 4 coupures, et ces 4 coupures seraient, selon moi, de 50, 25, 15 et 10 sols. {Applaudissements.)
Vous avez commencé par décréter qu'il y aurait des coupures .d'assignats; vous venez de fixer le maximum de ces coupures, en décrétant qu'il y en aurait de 50 solsj je crois que, pour mettre de l'ordre dans la discussion, vous devez en fixer le minimum, c'est- â-dire "décider s'il y aura des assignats de 10 sols; en-suité la discussion doit s'établir dans l'ordre de la coupure, savoir si vous admettrez des coupures décimales, purement et simplement, ou des intermédiaires, tels qu'on vous le propose, de 15 et de 25 sols.
Il paraît, Messieurs, qu'en adoptant l'opinion de M. Tarbé, de multiplier les coupures, en multipliant les ateliers, vous n'augmentez pas la dépense et vous servez bien plus promptement le public dont les besoins sont extrêmes, mais les coupures de 25 et de 15 sols me paraissent s'éloigner du système qu'a voulu établir l'Assemblée constituante. Il y a déjà un travail qui a été fait
Ear l'Académie des sciences et par les savants de ondres, pour que les mesures du système monétaire soient décimales. Il faut donc, Messieurs, faciliter ce système et je vois que les coupures de 30, de 20 et de 10 sols rempliraient parfaitement l'objet proposé. (Murmures.)
Les billets de 15 et de 10 sols me paraissent avoir des inconvénients majeurs. Assez longtemps on s'est occupé des riches, c'est maintenant les pauvres que nous avons pour objet. Or, remarquez, Messieurs, que s'il y a des assignats de 10 et de 15 sols, le manœuvre journalier, qui aura dans sa journée gagné 10 ou 15 sols, ne sera évidemment payé qu avec un assignat de petite valeur. Or, lorsqu'il sera obligé d'aller chez le marchand détailleur pour prendre des objets quelconques de première nécessité, et qui n'iront pas jusqu'à cette somme, il arrivera que le fournisseur ne pourra pas lui rendre. (Murmures). Messieurs, autre inconvénient plus grand encore, c'est que ces coupures de petits assignats feront absolument disparaître la monnaie qu'on fabrique actuellement. Je demande donc qu'on ne fabrique pas d'assignats de 10 et de 15 sols. (Murmures.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion!
(L'Assemblée, consultée, décrète que la discussion sera continuée.)
Un membre : Je demande à parler contre toute espèce de coupures. Il est étonnant que l'Assemblée nationale veuille juger tout le royaume par Paris, et par quelques autres villes où l'agiotage est dans toute sa force. Dans la plupart des campagnes, les habitants ne savent pas lire : premier inconvénient. Dans les départements où il n'y a pas de grandes villes, il y aencore de la monnaie, vos coupures la feront disparaître, comme les gros assignats ont faitdisparaître l'Or et l'argent. (Murmures.) Eh! ne craignez-vous pas que, lorsque le paysan verra la monnaie se resserrer par la faute ae vos petits assignats, il ne s'élève de nouveaux troubles? (Murmures.) Je vous demande si c'est
la nation qui sollicite ces coupures. A l'exception de 4 ou 5 départements, où il y a des grandes villes, et par conséquent beaucoup d'agioteurs, le reste de l'Empire n'a point demande de petits assignats. (Murmures.) Et d'ailleurs si vous décrétiez ces coupures, on les donnerait à l'ouvrier pour son salaire ; et comment, lorsqu'il n'y aurait plus de monnaie, pourrait-il se procurer les denrées de première nécessité, si elles excédaient son assignat ? Je demande donc la question préalable, sur les coupures de 10,15 et 25 sols.
Un membre : Si l'Assemblée décrète des coupures, dont l'expérience seule prouvera les avantages ou les inconvénients, je demande au moins qu elle ne fasse pas un double emploi du papier, en admettant la coupure de 25 sols. Car avec deux assignats de 10 sols, vous avez 20 sols ; avec deux de 15, vous en avez 30. Voilà l'échange de notre assignat de 50 sous. Je propose donc à l'Assemblé d'opter dans sa sagesse entre les coupures de 15 et de 25 sols, mais de ne pas les admettre toutes les deux.
Je crois qu'il faut des assignats de 50 et de 25 sols; mais je ne crois pas qu il en faille de 15 et de 10 sous. (Murmures.) Je propose, à leur place, de décréter une nouvelle émission de monnaie debillon au titre de 10 deniers : c'est le seul moyen d'éviter les accaparements qui se font aujourd'hui. Vos monnaies nationales ne passeront pas chez l'étranger. Alors l'ouvrier, le journalier recevront de l'argent, et auront plus de facilité pour leur usage. (Murmures.)
Un membre : Vous devez, Messieurs, faire en sorte que les coupures puissent s'ajuster de manière qu'il n'y ait pas de grands intervalles pour faire les appoints en numéraire métallique, afin que ces appoints ne soient point difficiles à opérer.
Je conclus donc à ce qu'il y ait quatre coupures d'assignats ; savoir : ceux de 50, 25, 15 et
10 sols. (Applaudissements.)
, rapporteur. II s'est élevé beaucoup de contestations sur les fractions à adopter.
11 y en a qui ne veulent que des assignats de 10 et de 15 sols, d'autres qui n'en veulent que de 25 sols, d'autres qui n'en veulent pas du tout. Il faut mettre les opinions d'accord sur tous les objets. Actuellement le seul moyen à suivre pour éviter de perdre le temps de l'Assemblée, c'est de prendre successivement les trois systèmes. ... .
Si quelqu'un réclame la question préalable sur quelqu'un de ces systèmes, l'Assemblée décidera, et nous aurons une décision quelconque, car on a discuté successivement ces trois questions etl'Assemblée doit être éclairée sur les trois divisions. Je demande donc que la discussion soit fermée, que l'on décide ensuite s'il y aura des coupures au-dessous de 50 sols, et si cela est décidé, que l'on mette successivement aux voix les trois coupures qui sont proposées.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets d'abord aux voix la question préalable sur la motion de faire des coupures au-de-sous de 50 sols.
(L'Assemblée rejette la question préalable.)
La meilleure manière de poser la question, c'est de demander s'il y aura des assignats d une coupure inférieure a celle de 25 sols, qui paraît généralement adoptée. (Non! non!) Messieurs, je demande que la question soit posée ainsi : 1* Y aura-t-il des assignats
de 10 sols? 2° Y en aura-t-i!de 15 sols? 3° Y en aura-t-il de 25 sols?
Je mets aux voix la coupure de 10 sols.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée rejette la question préalable et décrète successivement les coupures de 10 sols et de 15 sols).
(La coupure de 25 sols a été 'de nouveau combattue, les avis étaient très partagés et les opinants pour et contre reproduisaient les mêmes objections. L'Assemblée a fermé la discussion, et après deux épreuves douteuses, a décidé qu'il y aurait des assignats de 25 sols. (Vifs applaudissements dans l Assemblée et dans les tribunes.)
, rapporteur. Il reste maintenant à l'Assemblée à décréter la somme qui sera fixée pour chacune des coupures.
L'Assemblée a décidé le principe qu'il y aurait des assignats au-dessous de 5 livres ; elle vient de déterminer le rapport de ces coupures avec le numéraire réel; il s'agit maintenant de déterminer à quoi doit se monter l'émission. Or, à cet égard, Messieurs, je soutiens que la somme de 100 millions qui vous est proposée par votre comité est visiblement insuffisante. En effet, quel est le but que se propose l'Assemblée par cette création de petits assignats? C'est premièrement, ce rne semble, de faire disparaître de la circulation les billets de confiance, qui sont forcés par le défaut de numéraire, c'est-à-dire de faire' disparaître le brigandage des caisses particulières ; et secondement, de fournir aux transactions commerciales.
Je ne sais pas précisément, et je crois qu'il est difficile de déterminer la masse de billets que les caisses particulières ont jetés dans la circulation. Cependant on évalue a une somme de quarante millions ceux qui circulent seulement dans Paris, et ce n'est peut-être pas aller à une proportion trop forte que d'évaluer à cent millions ce qui circule dans le reste du royaume. L'Assemblée ne peut faire disparaître ces billets de la circulation, qu'en mettant en concurrence des effets préférâmes sous tous les rapports ; mais si l'on ne met en concurrence qu'une somme inférieure, ou même une somme égalé à celle qui circule dans l'intérieur du royaume, au lieu de faire disparaître ces billets de caisse, on n'aura fait qu'accroître l'agiotage ; car l'agiotage s'exerce partout où des quantités égales en droit et en titres sont en effet rendues inégales par le crédit ; et l'art de varier les circonstances qui produisent ces inégalités compose la source de l'agiotage. Ainsi donc, au lieu d'avoir détruit l'agiotage)!'Assemblée nationale lui aurait fourni un aliment de plus, si elle ne mettait "pas dans la circulation une somme supérieure à celles des billets particuliers. Maintenant, Messieurs, il s'agit de savoir si une somme de 100 millions est suffisante pour les transactions commerciales, d'abord pour la France en général, ensuite pour les circonstances particulières où se trouve maintenant le commerce de la France. Je supplie l'Assemblée nationale de remarquer que les assignats dont elle vient de décréter l'émission,-ne représentent pas seulement les billets de caisse jetés dans la circulation, mais qu'ils ont encore pour objet de représenter les pièces de 3 livres, de 24 et de 12 sols.
On a trop généralement imputé aux assignats disparition du numéraire. Cependant, a l'é-
poque où les assignats sont entrés en activité, le numéraire avait déjà disparu en partie et il est important de noter que cette disparition tient à plusieurs causes principales étrangères aux assignats, d'abord à l'absurdité de notre système monétaire, ensuite au fatal commerce des Indes et enfin au funeste traité de commerce entre la France et l'Angleterre. Déjà, à cette époque, une bonne partie de notre numéraire avait disparu ; depuis, le mal s'est encore aggravé. 11 faut donc y remédier promptement, car il est certain que jamais les manufactures de France n'ont eu besoin de plus de numéraire que dans les circonstances actuelles. Et pourquoi ? Il faut remonter au principe des assignats ; ils sont un signe représentatif, une denrée ; et en économie politique, il est constant qu'un numéraire fictif a toujours plus d'activité qu'un numéraire réel : la hausse du change, dont on s'effraie si mal à propos, loin de nuire à nos manufactures, leur a donné une nouvelle énergie ; l'étranger, forcé de recevoir des capitaux de France, et ne pouvant ou ne voulant pas prendre de nos assignats les reçoit en marchandises de fabrication française ; le consommateur, le négociant français ne pouvant plus recourir aux denrées étrangères à cause de la hausse des changes, sont obligés de s'approvisionner dans les manufactures françaises. Ainsi, sous ces rapports, cette hausse des changes dont on s'est tant alarmé, ne peut être, au contraire, que le thermomètre ae l'activité de notre commerce et de la prospérité de nos manufactures ; c'est par ces principes qu'il faut juger de l'économie politique dp la France, et non pas par les agitations de la rue Vivienne, dans le Cours de ses effets. (Applaudissements).
Mais si lés manufacturés françaises ont un degré d'activité qu'elles n'ont jamais eu, si elles ont plus de commandes que jamais, il est sùr qu'une somme de 100 millions de numéraire subdivisé est évidemment insuffisante à leurs besoins. Il est encore vrai que si les assignats Sont pour nous, sans danger, un signé représentatif d'échange, nous nous exposons à laisser tomber cette activité si précieuse de nos manufactures, nous nous exposons à! gêner nos transactions commerciales, si par une frayëiir ou une craintë que rien ne justifie, nous n'en portons pas dans la Circulation une somme suffi-/-santé. D'après ces considérations, je propose de porter la somme des coupures des assignats au-dessous de 5 livres à 200 millions au lieu de 1U0 millions, chiffre offert par votre comité. (Applaudissements.)
J'appuie les observations de M. Reu-gnot. Les transactions commerciales exigent une grande quantité de numéraire; on estime que le commerce seul de Paris en absorbe pour 80 millions. D'après cela, lasomme de 1Ô0 millions ne sera pas à beaucoup près suffisante pour le rovaume. Je conclus pour la fabrication. de 200 millions en toutes coupures.
Je ne suis pas tout à fait de l'avis des 2 préopinants sur la quantité d'assignats de valeur au-dessous de 5 livres qu'il faudra fabriquer. II nous faut connaître crabord ia proportion du petit numéraire avec la masse de celui qui circulait avant sa disparition; pour mieux fixer la somme du numéraire fictif, qui doit le remplacer. Or, si nous examinons les rapports qui existaient autrefois entre la petite monnaie et la masse du numéraire en circulation dans le royaume, nous verrons que la somme entière du
numéraire était d'environ 2 milliards 500 millions, et celle de la petite monnaie n'en était que la dixième partie. Comme je crois que cette fabrication doit absorber beaucoup de temps, et que d'ici 2 à 3 mois nous connaîtrons le vœu des départements, l'Assemblée nationale pourrait à present, sans décréter une somme trop modique, prendre cependant un terme moyen qui ne l'entraînerait pas inutilement dans une dépense que les circonstances rendront peut-être inutile lorsque dans 2 mois les provinces auront manifesté leur vœu. Vous aurez vos ateliers tout montés; et vos manufactures, étant en activité, vous serez toujours à même de décréter une nouvelle émission.
Je demande donc que l'Assemblée, afin de se donner une base plus fixe et plus sure, se contente de décréter, pour le moment actuel, l'émission de 150 millions de petits assignats. Cette somme, jointe à la monnaie en espèces qui est encore en circulation, suffira pour fournir aux transactions commerciales, et remplira la proportion qui existait autrefois et qui doit toujours exister entre la petite monnaie et la masse entière du numéraire.
Un membre : Il faut non seulement remplacer les billets des caisses particulières, mais soulager les villes qui n'en ont pas encore, et empêcher qu'il en soit fait de nouveaux. Je demande qu'il soit fait une émission de 300 millions d'assignats en petites coupures.
, rapporteur. Nous ne discutons pas ici une nouvelle émission d'assignats ; vous avez déjà décrété qu'il en serait fait pour 300 millions, et je demande que ces 300 millions soient fabriqués en coupures au-dessous de 3 livres, afin que bientôt tous les citoyens de l'Empire puissent en jouir.
Une autre considération me fera encore demander de porter cette fabrication à 300 millions. Vous voulez éviter l'agiotage. [Vous avez été témoins de celui qui a eu lieu sur les assignats de 5 livres. D'où vient cet agiotage ? C'est que l'Assemblée nationale constituante, en décrétant la fabrication des assignats de 5 livres, les réduisit à 100 millions. Ces 100 millions se sont écoulés peu à peu ; les agioteurs les ont fait désirer à tous ceux qui en ont eu besoin, et dès lors l'agiotage s'est introduit.
D'autre part, il faut que vous fassiez correspondre la coupure des assignats à l'ancien système monétaire, afin de dégager leur circulation des entraves des assignats de 2,000 livres jusqu'aux assignats de 100 livres. Il faut que les assignats de 50 livres remplacent les doubles louis, ceux de 25 livres les louis, et ainsi de suite. Il faut donc que nous n'ayons plus en circulation d'assignats de plus forte valeur que ceux de 50 livres, afin de proportionner l'état du numéraire fictif à celui du numéraire métallique, et par suite que les assignats de petite valeur soient aussi multipliés que l'était le numéraire métallique. (Applaudissements.)
Je demande donc qu'il soit créé 40 millions en assignats de dix sols, 60 millions en assignats de 15 sols, 100 millions en assignats de 25 sols et 100 millions en assignats de 50 sols. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
L'Assemblée ferme la discussion et adopte, à la presque unanimité, la proposition de M. Cambon dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il y aura 100 millions d'assignats de 50 sous; 1(K) millions de ceux de 25 sous ; 60 millions de 15 sous ; 40 millions de 10 sous. »
Un membre : Je demande qu'il soit présenté à jour fixe, par le comité de 1 extraordinaire des finances, un projet de décret sur la manière dont ces assignats seront fabriqués, d'après les principes qui pourront concilier la promptitude d'exécution avec l'économie.
Un membre : Je {représente à l'Assemblée combien il importe de redoubler de surveillance, lorsque les détails de la fabrication vont se multiplier en raison des coupures qui ont été décrétées, et du nombre des [ateliers que l'on va être obligé d'établir. Je demande que vos comités de finances vous présente un projet de décret sur le mode de surveillance qui sera établi pour les ateliers de fabrication.
Je puis dire, âu nom du comité des assignats et monnaies, que depuis 15 jours il s'est occupé de ces différents objets; qu'un grand nombre d'artistes sont venus le consulter, et qu'il serait même trop heureux s'il n'avait pas été accablé de charlatans qui ont entravé sa marche.
aîné. Vous avez rendu un décret : l'Assemblée constituante avait rendu plusieurs décrets pour ordonner aux directeurs des monnaies de fourRir l'état de l'argenterie qu'ils ont reçue, et que le ministre des contributions publiques rendrait compte des progrès de la fabrication ; ces décrets sont restes sans exécution, le peu de monnaies qui se fabrique est absorbé par l'administration des postes et loteries qui perçoivent en argent, et payent en assignats ; c est là que les traîtres vont chercher le numérairepour le faire écouler hors du royaume. Je demande que le ministre des contributions publiques remette, dans quinzaine, l'état de toutes les pièces d'or, d'argent, de cuivre et de bronze provenant des églises et maisons supprimées; qu'il justifie des obstacles qui ont empêcné l'exécution du décret du 3 août, et des mesures qu'il a prises pour accélérer la fabrication des monnaies, et particulièrement la monnaie des cloches. Je demande, en outre, que le comité des assignats et monnaies présente, dans huitaine, ses vues pour accélérer la fabrication des monnaies, et pour établir, s'il le faut, un plus grand nombre de balanciers dans les différentes villes du royaume.
Un membre, au nom du comité des assignats et monnaies, annonce qu'un rapport est prêt sur cette matière.
(L'Assemblée renvoie ces diverses motions à l'examen du comité des assignats et monnaies.)
Voici des pièces que la députation du Nord vient de recevoir et qui sont relatives aux Brabançons émigrants : elles sont ainsi conçues :
« Extrait du registre du directoire du département du Nori, du 19 décembre 1791.
> Deux commissaires de la municipalité de Douai ont été introduits. Ils ont fait part de leurs précautions pour la sûreté de la ville. Qs ont dit que plusieurs des étrangers se disant Brabançons, qui étaient venus en cette ville, s'étaient déjà retirés à Orchies; qu'ils ne croyaient pas qu il en restât plus de 250, qu'aujourd'hui il n'en est arrivé que 25.
« M. Biron, maréchal de camp, employé dans
le département, a été introduit. Il a dit être envoyé par M. de Rochambeau pour prendre les ordres du directoire, et il est convenu de faire venir 100 hommes de cavalerie à Douai pour soulager la garnison, fatiguée par les patrouilles continuelles qu'elle est obligée de faire.
« On a fait prier M. de Bethune-Charost de se rendre au directoire ; il a donné différents détails pour assurer le département, et M. Biron, que l'on avait rien à craindre des émigrés brabançons. On lui a proposé de les engager à ne pas se tenir rassemblés dans un seul endroit, et surtout dans une place de guerre. Il a dit qu'il leur annoncerait cette disposition non seulement sans peine, mais avec plaisir.
« M. de Béthune a dit ensuite qu'un particulier, se disant négociant à Bruxelles, et se nommant Vidal, venait de se présenter à 1 instant chez lui ; qu'il lui avait communiqué un pouvoir des princes français, en date du 2 juillet dernier, pour un emprunt de 3 millions de livres, signé Louis-Stanislas-Xavier et Charles-Philippe.
« Le directoire a mandé cet homme; il s'est présenté et a été entendu : il a dit se nommer Vidal, être d'auprès de Carcassonne en Languedoc, et être établi à Bruxelles, depuis 4 ans, ou il fait le commerce de vins, qu'il est venu à Douai, qu'il est passé par Lille, qu'il n'a encore eu en cette ville aucun logement, qu'il est arrivé avec le sieur Bouvier, le même qui paye les Brabançons dans le faubourg, et qui demeure actuellement dans le faubourg de Lille, qu'il ne connaît pas cependant, et avec lequel il avait soupé la veille ; qu'il s'était réfugié dans cette ville pour fuir la tyrannie de son pays, et être utile, s il le pouvait, aux Brabançons qui étaient ici; qu'il était allé chez M. de Béthune pour lui faire voir ce
Su'il était; que son dessein est de retourner à ruxelles pour y joindre sa famille et l'amener aussi dans ce pays. Sur la demande à lui faite d'indiquer les- personnes qu'il connaît, ou avec lesquelles il est en relations, il n'a pas hésité ; et, après avoir nommé quelques marchands, il a dit qu'il ne connaissait aucun des Brabançons étant dans cette ville, et qu'il ne croyait pas être connu d'eux.
« On lui a fait présenter le pouvoir qu'il avait donné à M. de Béthune, pouvoir que M. de Biron avait reconnu dans l'intervalle, pour être écrit de la propre main de M. de Calonne ; mais qu'il n'avait fait aucune démarche pour remplir 1 objet; qu'il était mécontent des princes; qu'il ne s'était d'ailleurs chargé de la commission que pour ne pas déplaire à M. de Galonné qui l'avait chargé, d une autre part, d'échanger des assignats sur lesquels il gagnait.
« Sur différentes demandes qui ont motivé la déclaration ci-dessus, et notamment sur ce que M. de Béthune a dit au sieur Vidal, qu'il le regardait comme un espion; il a répondu qu'il ne l'était pas, et qu'il pourrait le traduire devant les tribunaux pour en avoir réparation. Enfin, M. de Béthune ayant observé, en outre, que la signature de son passeport était contrefaite, ledit sieur Vidal, ou soi-disant tel, a plusieurs fois répété que les soupçons que l'on pourrait avoir contre lui ne ralentiraient pas son patriotisme.
« On lui a observé de plus qu'il a voulu s'enfuir de chez M. de Béthune, où ce dernier l'avait laissé : il a répondu que c'était à cause de l'impatience qu'il avait d aller retrouver sa famille pour la mettre en sûreté.
« M. de Béthune étant alors sorti, ledit sieur Vidal a dit que, comme M. de Béthune se fâchait
toujours contre lui, il n'osait s'expliquer, et que l'un des motifs de son voyage était d acheter des armes pour les Brabançons; qu'il était associé pour cela avec d'autres négociants ; sur la demande qui lui a été faite de nommer ces négociants, il a dit que le sieur Genalla, demeurant à Bruxelles, et Kenau, demeurant à Ostende, devaient en être, et il n'a pu néanmoins présenter aucun acte passé entre eux, disant qu il n'y en avait pas.
« On lui a observé qu'il avait déjà nommé un sieur Carré, en parlant de l'association ; à quoi il a répondu que ce sieur Carré n'était que pour la négociation, et il a montré une note, sans aucune marque d'authenticité, partie en allemand, partie en français, et dont la partie française contenait les prix auxquels on pouvait porter des mors, des étriers, des eperons, dans les 30 lieux aux environs de Liège.
« Tous ces faits réunis, les contradictions aue présentaient les déclarations du sieur Vidal, l'invraisemblance de quelques autres, la circons-t tance qu'il était porteur d'une commission des princes français émigrés, commission qui prouve
Su'il est, à certains égaras, l'homme de confiance u sieur de Calonne, ont déterminé le directoire à demander le procureur de la commune qui, vu lesdites circonstances, a requis que ledit sieur Vidal fût mis en état d'arrestation ; et pour réitérer cette réquisition par devant le corps municipal, le sieur Vidal Fa accompagné à la maison commune. Lecture faite du présent procès-verbal, etc... »
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : Mention honorable de la conduite du département du Nord.
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite du département au Nord et renvoie les pièces au comité de surveillance.)
J'ai à communiquer à l'Assemblée des pièces envoyées par le conseil général du département de la Loire-Inférieure à la dèputation de ce département et qui dénoncent à l Assemblée le refus fait par un, ci-devant président du parlement de Bretagne de payer les impositions; les voici :
« Messieurs, nous vous faisons passer une copie de la déclaration du sieur Charrette. Vous verrez, par cette production audacieuse, que le ci-devant président au parlement de Bretagne, n'a pas perdu tout espoir d'une contre-révolution prochaine. C'est cet espoir, quelque ricicule qu'il soit, qui l'a porté à se déclarer d'avance rebelle au décret sur les contributions. On aurait peut-être pu s'assurer de sa personne, peut-être même aurions-nous dû le faire pour en tirer quelques renseignements sur les projets de nos émigrés ; mais la réputation dont jouit le sieur Charrette, généralement reconnu pour un frénétique, a empêché le conseil de département de prendre contre lui cette mesure provisoire; cependant il n'a pas cru pouvoir se dispenser d'appeler un décret d'accusation sur la tête d'un homme dont l'exemple pernicieux pourrait avoir des suites funestes pour le recouvrement de l'impôt. C'est pour obtenir ce décret, que nous envoyons à l'Assemblée, copie de la déclaration ci-jointe avec une expédition de l'avis du district de Nantes, et de l^r-rêté de notre conseil général. Nous vous prions, Messieurs, de seconder les vues patriotiques de notre administration.
« Extrait des minutes du .directoire du département de la Loire-Inférieure. »
« 1° M. le Président de La Colinièrè déclare qu'il ne refusera jamais de contribuer selon sed facultés aux impositions légalement: établies et perçues suivant les formes anciennes et constitutionnelles de la province de Bretagne; mais qu'il regarde comme concussion toute levée de deniers dans cette province, à moins qu'elle ne soit consentie par les Etats de Bretagne.(Rires) et revêtue de l'enregistrement au Parlement. Il a, dans tous temps, manifesté son attachement à ces principes invariables et si chers aux Bretons, et il proteste de ne jamais s'en écarter.
« 2° Il déclare qu'il,a le droit de prétendre au remboursement des impositions qu'il a payées depuis que sa terre de la Gascherie a tombé aux mains du roi ; qu'il a fourni sa quittance de rachat à la commission intermédiaire; et que, néanmoins on le força, l'année dernière, de payer la somme, à laquelle il était imposé au rôle, sans égard à la répétition parfaitement juste qu'il faisait et qu'il ne cessera de faire.
« 3° M. le Président de La Colinièrè observe que si les contributions ont continué d'être réparties en proportion des revenus des fonds, sans égard aux accidents, il n'en doit pas être de même des terres spoliées et livrées au pillage; qu'il est notoire que par les discours et les propos de Robert et Ragot, maire et procureur de la commune de
la paroisse de.....les domaines de la Gascherie
ont éprouvé depuis la Révolution toutes sortes de dégradations et d'usurpations : les propriétés les plus anciennes n'ont pas été respectées, les rentes et dîmes inféodées, représentatives de la propriété des seigneurs de la Gascherie, et appuyées ae titres n'ont pas été payées, en sorte que M. le Président de La Colinièrè a à peine retiré de sa terre de quoi l'entretenir. » (Rires et exclamations.)
Voix diverses : L'ajournement! — Le renvoi au comité de salubrité! (Rires.)
Je demande le renvoi des pièces à la municipalité de Nantes qui convoquera uii conseil de famille pour mettre M. le Président de La Colinièrè eh tutelle.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Je demandé que l'on renvoie les pièces au pouvoir exécutif ; c'est à luiàfaire exécuter les lois. Il serait d'un dangereux exemple que l'Assemblée passât à l'ordre du jour sur un refus de paver les impôts.
(L'Assemblée renvoie les pièces au pouvoir exécutif pour assurer le maintien des lois relatives au payement des contributions publiques.)
Un de MM. les Secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Junker, capitaine au 36® régiment d'infanterie, qui s'est présenté pour prêter son serment civique dahs la municipalité, et qui n'y a point été admis, parce que la loi1 n'était pas encore parvenue officiellement ; cette lettre est ainsi conçue :
Monsieur le Président»
« En conséquence du décret de l'Assemblée nationale qui prescrit le serment individuel, je me suis présenté à l'Hôtel-de-Ville pour m'acquititer de mon devôir. J'y ai appris que tous les jours grand nombre de militaires s'y présentaient dans les mêmes intentions que moi; mais que le décret n'ayant pas été notifié à l'Hôtel-de-Ville, on n'y pouvait recevoir ledit serment. J'ai l'honneur
de vous en prévenir, Monsieur le Président, afin que l'Assemblée nationale avise aux moyens de faire exécuter les lois.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : JUNKER, Capitaine au 36e régiment d'infanterie. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des décrets.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret du comité de liquidation (1) tendant à assujettir à la retenue d'impositions les intérêts des capitaux liquidés (2)..
, rapporteur. Il vous a été fait trois lectures au projet de décret tendant à assujettir à la retenue d'impositions les intérêts des capitaux dus au corps et communautés supprimés et remboursés par la caisse de l'extraordinaire. Je demande que la discussion s'ouvre. (Oui! oui!}
Je vais vous en rappeler brièvement les motifs. L'article 4 de la loi du 5 novembre 1790, porte que des reconnaissances de liquidation seront délivrées aux titulaires d'offices et autres créanciers de l'Etat, que ces reconnaissances produiront un intérêt de 5 0/0, à compter du jour de la remise des titres. La loi ne dit pas qu'il sera fait de retenue sur ces intérêts; mais elle ne les en exempte point. Elle a été interprétée par le caissier de l'extraordinaire en faveur des créanciers. Vers la fin des travaux de l'Assemblée constituante, le comité central de liquidation fit un projet de décret pour stipuler cette retenue, c'est ce projet que votre comité de liquidation soumet à votre délibération. Il pense que ces intérêts doivent être soumis à la retenue des contributions directes. Les capitaux sont de plusieurs natures; les uns représentent la valeur des offices supprimés, les autres des créances exigibles dues par les corps religieux supprimés et que la nation remplace dans leurs droits.
Vous savez que dans les actes de bonne foi, lorsque le prêteur n'abuse point des besoins de l'emprunteur, l'intérêt n'est ordinairement que de 5 0/0, avec la retenue de l'imposition foncière; si quelquefois l'ancien gouvernement a excédé Cette taxe, il fallait cette dérogation pour compenser la crainte qu'occasionnait aux créanciers la dilapidation des deniers publics ; mais la nation qui donne à ses créanciers un gage certain, qui ne met aucun retard dans ses payements, si ce n'est celui qui est nécessaire pour constater la dette, ne doit pas donner un intérêt usuraire qui favorise, l'immoralité des capitalistes, et qui prolongerait l'éloignement pour les propriétés foncières. L'intérêt des créances des titulaires d'office doit payer le même impôt auxquels les offices eux-mêmes étaient assujettis.
Les créances sur les corps religieux doivent être soumises à la retenue que ces corps
eux-mêmes auraient faite depuis l'abolition des privilèges, cela est si vrai que les domaines
nationaux sont grevés de cette retenue envers les débiteurs. Si la nation ne faisait pas à
son tour la même retenue, les domaines nationaux éprouveraient une dégradation sensible. Le
projet que nous vous présentons peut produire un bénéfice
Voici ce projet de décret :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de Son comité de liquidation, après avoir entendu les trois lectures du projet de décret dan» les séances des 25 octobre, 3 et 19 du présent mois, et après avoir décrété qu'il serait décidé définitivement;
« Considérant que l'intérêt des capitaux, valeur des offices supprimés doit supporter une retenue représentative des impositions que les offices en nature auraient supportées;
« Considérant que la nation succédant aux dettes des divers corps supprimés, n'en doit les intérêts qu'au taux auquel ces corps les auraient payés, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
» L'intérêt des sommes dues aux titulaires d'offices et aux créanciers des corps et communautés ecclésiastiques pour dettes exigibles, à compter du jour où cet intérêt est dû suivant les lois antérieures, continuera d'être calculé à 5 0/0, mais sera sujet à la retenue des deux vingtièmes et 4 sols pour livre du premier vingtième jusqu'au 1er janvier 1791, et, depuis cette époque, a la retenue du cinquième, conformément a la loi du 10 juin dernier.
Art. 2.
« L'intérêt des sommes adjugées judicielle-ment, soit aux créanciers de l'Etat, soit à ceux des corps et communautés ecclésiastiques ou laïques, sera calculé, sur le même pied» et sujet à la même retenue.
Art. 3.
. « Cette retenue sera pareillement faite sur les intérêts dus pour raison des contrats souscrits parles communautés religieuses, les corporations judiciaires, les communautés d'arts et métiers, les pays d'Etats, et généralement sur tous les intérêts dus par la nation comme succédant au débiteur originaire, dans tous les cas où les débiteurs n'auraient pas été autorisés, par lettres patentes dûment enregistrées, à stipuler la non-retenue d'impôts, ainsi que sur tous intérêts moratoires.
Art. 4.
« Les rentes à 4 0/0 seront exemptes de la retenue, lorsque les parties l'auront ainsi stipulé. »
Je me propose de combattre le projet de décret; il contient des dispositions que la sévérité des principes du système actuel semble justifier ; il paraît maintenir cet esprit d'égalité distributive que la philosophie a propagé. Cependant, si l'on se rappelle qu'à différentes époques ce projet a été puissamment controversé et qu'il a toujours été écarté, le désir de s'éclairer sur cette matière redouble, et on cherche à pénétrer et à saisir les motifs de cette controverse, je vais donc entreprendre, Messieurs, la discussion de ce proiet, et je tâcherai de le faire avec brièveté et méthode.
lime semble que les,circonstances où nous sommes doivent nous déterminer à l'écarter; il
me semble qu'adopté comme il vous est présenté il serait infiniment nuisible à l'achèvement d'une grande opération sur laquelle repose le salut de l'Etat; il me semble qu'il blesse les grands principes de loyauté dont la nation française s'enorgueillit; il me semble qu'en même temps qu'il présente une petite économie; il est absolument injuste dans ses principes, injuste encore dans l'effet rétroactif qu'on lui donne, et par cela seul, impossible dans son exécution. Ces considérations sont assez puissantes, Messieurs, pour que l'Assemblée nationale daigne s'y arrêter un instant et qu'elle doive les bien peser dans sa sagesse.
Si j'embrassais dans toute son étendue là question intéressante que présente ce projet, je serais peut-être trop long. Obligé d'analyser nos principes actuels sur les intérêts conventionnels des intérêts moratoires, et faire l'application de ces principes aux différentes possessions des créanciers de l'Etat;mais, Messieurs, ie me contenterai de vous présenter, au précis, les réflexions que ce décret m'a suggérées ; et si elles ne suffisaient pas, elles auraient au moins l'utilité d'engager une discussion profonde sur un objet important, surtout à l'instant, Messieurs, où vous allez fixer le mode de remboursement.
On a cru, Messieurs, en vous proposant une réduction en faveur du Trésor national, vous présenter un plan d'économie que vous saisiriez avec empressement; on a cru que cette partie de la dette, dont on s'occupe dans ce projet, n'ayant rien de commun avec cette dette ancienne, triste débris des banqueroutes successives du régime des despotes, il ne contenait rien d'injuste, rien d'impolitique. On se disait: ce n'est pas cette dette que l'Assemblée constituante a mise sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté française, ce n'est point de cette dette, que le 27 août 1789, l'Assemblée constituante entendait parler, lorsqu'elle déclara que, dans aucun cas et sous aucun prétexte, il ne pouvait être fait aucune retenue ni réduction quelconque sur aucune partie de la dette publique. ->
Cela est vrai. A cette époque, toutes les corporations subsistaient encore, les officiers n'étaient pas supprimés, le clergé jouissait encore des biens ecclésiastiques qui furent mis à la disposition de la nation par le décret du 2 novembre 1789 ; mais, Messieurs, si le 17 juin, si le 13 juillet, si enfin le 27 août 1789, l'Assemblée constituante ne pouvait avoir pour objet que cette dette ancienne, qu'avait-elle pour but dans son décret du 7 novembre 1790, par lequel elle fixa l'intérêt de la dette publique à 5 0/0 ? Qu'on ne se le dissimule donc pas, Messieurs, la nouvelle tentative que l'on fait aujourd'hui est entièrement contraire à l'esprit des décrets du corps constituant : que l'on ne s'imagine pas que, dans une question aussi grande, tous les petits froissements des intérêts particuliers doivent céder au bien général, qu'il soit indifférent d'altérer le sort des créanciers des corps supprimés, devenus créanciers de l'Etat ; qu'on ne croie pas exciter des réclamations sans atténuer la confiance que la nation doit avoir en elle-même et dans ses représentants, et qu'on puisse enfin réduire en quoi que ce soit la dette publique.
Nous pouvons, Messieurs, changer les décrets du corps constituant, et tout ce qui n'appartient point à la Constitution peut cesser d'être loi de l'Empire, mais est-il en notre pouvoir de changer l'opinion publique? Pouvons-nous, en réduisant l'intérêt de la dette publique, conserver aux yeux
de l'Europe le caractère national dont nous avons le droit de nous enorgueillir? Non, Messieurs, non ; ainsi qu'un saint respect pour la Constitution fait frissonner un bon citoyen lorsqu'un parjure ose y porter atteinte, de même la loyauté nationale doit nous éloigner de tout ce qui tendrait à rompre nos engagements. (Applaudissements.)
Mais, Messieurs, il ne suffît pas de vous avoir prouvé que cette mesure blesse les principes de la justice, il faut encore vous démontrer qu'elle est impossible et impolitique.
Quelle dette vous propose-t-on aujourd'hui d'assujettir à la retenue au vingtième et du cinquième? La dette exigible qui porte intérêt; des contrats passés sur la foi de l'existence des corps et communautés ; une dette qui est le fruit d'un travail manuel ou d'une entreprise commerçante. En vain vous dira-t-on que si ces corps ou communautés, soit ecclésiastiques, soit laïques, existaient encore et étaient encore en possession de leurs biens, ils auraient prétendu assujettir leurs créanciers à cette retenue ; en vain vous dira-t-on que si, d'après le nouvel ordre de choses, il n'existe plus d'intérêt légal, il en existe un que les tribunaux doivent adopter. En vain vous objectera-t-on que s'il est de l'intérêt des citoyens de contracter à 4,5,6 0/0, sans retenue, l'intérêt moratoire est toujours de 5 0/0 et est toujours assujetti à la retenue ; on répondra que les circonstances où nous sommes, les engagements que nous avons pris, l'intérêt que nous-mêmes avons exigé de nos acquéreurs, s'opposent d'une manière irrésistible à l'emploi de ces maximes.
Je me crois également fondé à vous dire, Messieurs, que les circonstances rendent cette mesure impolitique, qu'elle nuira à l'achèvement de l'aliénation des biens nationaux, et qu'enfin elle vous gêne dans les mesures de sagesse que vous devez prendre pour régler le mode de remboursement.
En effet, Messieurs, croyez-vous qu'il est difficile de vous engager à proportionner les remboursements à la dette exigible, aux rentrées des aliénations ? Ne croyez-vous pas que si vous aviez assujetti l'intérêt de cette dette à la retenue du vingtième ou du cinquième, vous vous seriez en quelque sorte ôté le droit de délibérer sur cette mesure importante sur laquelle vos comités doivent vous présenter incessamment un plan. Oui, Messieurs, ce serait pour vous un obstacle invincible : car de quel œil la nation pourrait-elle voir une loi qui constituerait à 4 0/0 des capitaux presque entièrement destinés à acquitter ou à rembourser d'autres capitaux dont vous avez exigé l'intérêt à 5 0/0. D'ailleurs, on vous dirait qu à peine la vénalité proscrite, vous avez retiré ce faible bienfait qui forçait ceux-mêmes qu'elle faisait souffrir, à y trouver de grands principes d'équité*
L'acquéreur des domaines nationaux vous dirait : quoi ? j'ai pensé qu'avec le capital de mon office, je pourrais acquérir un domaine national : je croyais que l'intérêt de ce capital se compenserait au pair avec celui que je dois pour mon acquisition, et j'en suis privé; mon acquisition me devient plus onéreuse ; je paye l'impôt foncier sur l'immeuble que j'ai acquis ; je supporte la retenue du cinquième sur l'intérêt que me paye la nation, et je paye sur mon acquisition des intérêts rigoureux, j'éprouve des retards inévitables dans ma liquidation ; je souffre du retard qu'on apporte a mon remboursement : on vous dirait enfin, quoi ! sur la foi des lois de
l'Etat, j'ai compté sur des intérêts sans retenue depuis plus d'une année ; j'ai vu des remboursements immenses effectués suivant ce mode ; ma créance sera liquidée, je ferai la perte du vingtième jusqu'en 1791, ou du cinquième jusqu'au jour de mon remboursement, tandis que j ai vu mes concitoyens recevoir toute leur créance.
Non, Messsieurs, non, vous ne rejetterez pas les plaintes dont vous sentez la justice : l'impossibilité d'effectuer l'exécution de ce décret, suffirait pour vous arrêter; comment, en effet, pour-raît-ifêtre exécuté dans son effet rétroactif; il existe des reconnaissances provisoires de liquidation employées, soit en totalité, soit partiellement, au payement des domaines nationaux; tous les jours il s'en délivre aux bureaux de liquidation ; il existe des liquidations de tous les genres, et que des décrets ont admises ; d'autres sont arrêtées depuis longtemps et sont prêtes à être décrétées ; certaines ne peuvent être réalisées à raison des oppositions qui subsistent. Comment serait-il possible d'adapter, d'une manière juste et conséquente, les dispositions du projet qui vous est présenté aux différentes positions des créanciers ? Partout les lois de l'égalité, les principes de l'équité et l'intérêt des citoyens seraient compromis. Je le répète, Messieurs, vous ne donnerez pas lieu à des plaintes dont vous sentez d'avance la justice, et vos lois frappant également sur tous les citoyens n'admettront aucune disparité, dans leurs droits et dans leurs liquidations.
Je demande donc la question préalable sur le projet. (Applaudissements.)
insiste pour l'adoption du projet du comité.
Messieurs, ie trouvai si contraire aux principes, que 1 Assemblée constituante eût passé à l'ordre du jour, chaque fois qu'on lui avait présenté à décider la question qui nous occupe, ainsi qu'on le dit et que l'a renouvelé le préopinant, que j'ai voulu m'en assurer et en connaître les motifs; eh bien, Messieurs, j'avoue qu'après avoir vu et revu toutes les discussions, ie n'ai rien trouvé qui fût spécialement relatif à cet objet. J'ai trouvé, il est vrai, nombre de décrets sur les retenues à faire sur les créanciers, mais rendus dans un sens bien opposé à celui que donnèrent les opinants. Je m'explique.
L'Assemblée constituante, après avoir anéanti les privilèges, après avoir établi que l'impôt serait également réparti et payé, en raison du revenu net, aurait Tait une grande injustice aux propriétaires fonciers, les aurait exposés évidemment à une double surcharge, si elle n'avait décrété que ces propriétaires seraient autorisés à faire sur les rentes de toute nature, sur les intérêts des créances, des retenues égales à celles du taux de l'impôt qu'ils payaient, et les dispositions des décrets, ont paru, à cet égard, si générales, qu'on est convenu depuis qu il n'y avait aucune exception, pas même en faveur des maisons de charité; mais ces lois, d'une si grande justice, doivent-elles recevoir une application toute contraire, parce que c'est la nation qui est intéressée? Je ne le pense pas, Messieurs, et j'ose dire qu'à cet égara la nation n'est pas dans une situation différente de celle d'un père de famille : elle doit, il lui est dû; elle a des biens, elle en administre une partie, elle en vend une autre; et, dans l'un et l'autre cas, on retient sur
elle comme sur un particulier, quoique les décrets portent que les acquéreurs payeront l'intérêt à 5 0/0, sans retenue, les acquéreurs ne manquent pas de faire entrer en considération cette non-retenue, dans le prix qu'ils donnent des héritages et la nation ne gagne jamais rien.
Aussi nul doute que, dans ce cas. les lois ne doivent atteindre la nation et qu'elles ne doivent retenir sur les intérêts des sommes dues aux titulaires d'offices non liquidés. Quant aux dettes des ci-devant pays d'Etats, des communautés, corporations, etc, il est bien moins douteux encore que la retenue doit être faite. La nation s'est mise à la place des débiteurs ; les débiteurs auraient pu retenir, quand même les non-retenues auraient été stipulées dans le principe, et cela par deux raisons également péremp-toires. La première, parce queles lois nouvelles frappent indifféremment contre tous les individus, font dérogeance à toutes celles qui auraient porté une exception contraire. La seconde, parce que les stipulations des non-retenues autorisées, dans certains cas, seulement par quelques lois bursales, n'auraient pas tenu contre le grand principe général, dans un temps de lumières et ae justice surtout.
Aussi, Messieurs, quelle fut l'objection la plus forte contre le projet de décret? Celle-ci : On vous dit déjà : plusieurs créanciers ont été liquidés; ils ont reçu les capitaux avec les intérêts sans retenue. La condition de ceux à liquider, et qui ont apporté peut-être plus de zèle, va devenir pire, c est une injustice. La conséquence est fausse de ce que la nation aurait payé à Pierre 1,000 livres au-dessus de ce qu'elle lui devait : elle ne ferait pas à Jean une injustice, en ne lui payant au juste que ce qu'elle lui doit ; d'autre part, de ce que la nation a méconnu son droit, ae ce qu'elle a fait une erreur et même une faute, s'ensuit-il nécessairement qu'elle doit continuer, et qu'elle fasse des injustices en se corrigeant et en se conformant à la loi? Ce serait eh raisonnement une bien grande hérésie. Au surplus, Messieurs, quels que soient nos sentiments en faveur des créanciers nationaux, par rapport aux retards qu'ils éprouvent, ils ne doivent pas nous faire ounlier qu'en fait de finances surtout, nous sommes plus particulièrement encore les administrateurs de la nation, comptables de toutes nos actions, de toutes nos opérations.
La nature et la solidité des moyens qui ont été développés par M. Dorizy, me dispenseront d'entrer dansunlong détail. Je vais, en discutant les principaux points, serrer mon opinion.
Je dis que la loi proposée est injuste et contraire à la loi existante. D'abord, elle est injuste. Je distingue dans l'article lep les titulaires d'offices d'avec les créanciers des dettes exigibles. A l'égard de ces derniers, il ne leur est du bien légitimement que des intérêts moratoires qui, adjugés en justice ne l'auraient été qu'avec la retenue des impositions; il n'en est pas de même des autres.
Et, en effet, Messieurs, on ne saurait trop le répéter; le capital qui est dû aux acquéreurs des offices supprimés, faisait leur fortune, leur état, leurs moyens d'existence. Il a fallu que les plus pressants intérêts de la nation parlassent, pour déterminer l'Assemblée constituante à les en priver; et le capital que vous leur procurez aujourd'hui, ne leur sert peut-être qu à payer des dettes contractées. Or, aux termes de la dé-
claration des Droits de l'homme, que leur devait l'Etat? Il leur devait non point une rentej mais une préalable et juste indemnité de la privation de leur propriété, et c'est parce que la nation n'a pas pu leur payer cette juste, cette préalable indemnité qu'elle ne leur restituerait _pas aujourd'hui l'intérêt du capital? Non, Messieurs, ce serait trop injuste.
J'ajoute un second moyen : Je dis que le projet de décret aurait un effet rétroactif, puisqu'on ferait la retenue sur les intérêts échus. Tous les créanciers qui se sont présentés jusqu'ici à la liquidation, ont été liquidés de la totalité du capital et des intérêts; et aujourd'hui, l'on vous propose de faire une retenue ! principe d'inégalité que vous n'adopterez jamais. Tous les brevets ae retenue, cette créance si injuste, qui n'a pour principe que la fraude et l intrigue, ces brevets ont été liquidés sans retenue ; pourriez-vous faire une exception pour des créances beaucoup plus légitimes ?
J'ai prouvé que la loi serait injuste, qu'elle aurait un effet rétroactif; j'ajoute qu'elle est contraire à la loi existante ; et, en enet, Messieurs, le décret que M. Dorizy vous a cité, a dû vous en convaincre; enfin, Messieurs, que si le citoyen à qui vous faites une retenue sur les intérêts légitimes d'une créance exigible, possède une autre propriété, il en résulte qu'il paye deux fois la contribution foncière.
Un membre : Cela n'est pas vrai !
Je demande la division de la loi, et je demande qu'il n'y ait de retenue que sur les créanciers des dettes exigibles auxquels il n'est dû que des intérêts moratoires.
(L Assemblée ajourne la suite de la discussion à demain.)
(La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 23 décembre.
. Je crois que M. le secrétaire s'est un peu trop étendu sur la folle déclaration de M. le Président de La Colinière.
Un membre : J'observe que la rédaction du procès-verbal contient une erreur relative à la quantité d'assignats de 10 sols que l'on pourra émettre. L'Assemblée en a décrété pour 40 millions et le procès-verbal porte 50 millions.
Plusieurs membres : C'est juste ! C'est juste !
(La rectification est ordonnée et le procès-verbal est adopté.)
Un de MM. les commissaires-inspecteurs de la salle soumet à l'Assemblée des observations sur la question de savoir si les membres du Corps légis latif, le roi, les ministres, les membres des corps administratifs et judiciaires, les ordonnateurs et autres fonctionnaires publics du royaume, notoirement à leurs postes, ainsi que les personnes attachées au service de leurs bureaux, les habitants des colonies françaises, les Français domiciliés en pays étrangers avant l'année 1789, et les propriétaires de rentes au-dessous de 100 livres,
devaient être soumis, pour toucher aux caisses publiques, aux formalités exigées par le décret du 13 du présent mois (1), et présente le projet de décret suivant (2) :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que lé décret du 13 de;ce mois tend principalement à arrêter les manœuvres des Français émigrés, qui, abusant des termes de la loi du 24 juin dernier, parvenaient à en éluder les dispositions à la faveur d'une apparition passagère en France, retiraient des caisses nationales les pensions et traitements, dus seulement à la résidence habituelle, et s'appropriaient ainsi la substance du peuple et l'or de la nation.
. « Que les membres du Corps législatif, le roi, les ministres, les membres des divers corps administratifs et judiciaires, les ordonnateurs et autres fonctionnaires publics du .royaume .sont notoirement à leur poste, ainsi que les personnes attachées au service de leurs bureaux.
« Que les habitants des colonies françaises et les Français qui ont transféré leur résidence ou leur domicile dans les pays étrangers avant l'an* née 1789, ne doivent pas être assimilés aux conspirateurs dont la conduite a motivé le décret du 13 décembre.
« Qu'enfin, le décret du 10 juillet dernier ayant nommément excepté des formalités exigées par la loi du 24 iuin, les créanciers de rentes au-des-sous de 100 livres, il serait, rigoureux de les assujettir à celles portées par le décret du 13 de ce mois.
« Décrète l'urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les membres du Corps législatif, le roi, les
ministres, les membres des divers corps administratifs et judiciaires, les ordonnateurs et
autres fonctionnaires publics, ainsi que les personnes attachées au service de leurs bureaux,
et dont les traitements, indemnités ou pensions ne sont payés que sur mandats ou ordonnances,
délivrés seulement aux personnes présentes, et dont la résidence et le service sont de
notoriété publique, sont et demeurent exceptés des dispositions du décret du 13 de ce mois,
sous la responsabilité de ceux qui délivrent lesdits mandats ou Ordonnances.
« Art. 2. Sont pareillement exceptés des dispositions du même décret les habitants des colonies françaises, et les Français qui ont transféré leur résidence ou leur domicile dans les pays étrangers avant l'année 1789.
« Art. 3. La même exception aura lieu en faveur des créanciers de rentes au-dessous de 100 livres.
« Art. 4. Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
Plusieurs membres : L'ajournement à lundi prochain !
(L'Assemblée ajourne la discussion de ce projet de décret à lundi prochain.)
Je suis chargé de présenter à l'Assemblée un arrêté imprimé du directoire du
Un.membre : M. le ministre des contributions publiques vous a dit que, dans le département du Calvados, deux districts seulement avaient fait la répartition ; cependant, il est vrai que la moitié des municipalités du département ont à présent leurs rôles en recouvrement.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Bréard.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret du comité des secours publics ayant pour objet de suspendre provisoirement l'adjudication définitive du bail de l'Ecole militaire jusqu'à ce qu'il ait été décidé si cet établissement sera ou ne sera point transformé en hospice.
, rapporteur, donne lecture du décret d'urgence, qui est adopté dans les termes suivants .
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, sur la nécessité d'une mesure provisoire, tendant à arrêter l'adjudication du bail de la ci-devant Ecole militaire et appartenances ; considérant que ladite maison avait été précédemment destinée à recevoir un des hôpitaux projetés en remplacement de l'Hôtel-Dieu de la ville de Paris, et que l'intérêt public exige qu'il n'y soit fait aucunes dispositions nouvelles, jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur l'organisation des hôpitaux du royaume, considérant que l'honneur national n'est pas moins intéressé que l'humanité à faire rentrer sans délai, dans le trésor des hôpitaux, le 10e du produit de l'emprunt du mois d'octobre 1787 qui leur avait été garanti sous le sceau de la foi publique, décrète qu'il y a urgence.
, rapporteur, donne ensuite lecture du décret définitif, qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
Art, 1er.
« L'adjudication définitive du bail de la ci-de^ vant Ecole militaire et appartenances fixée au 29 de ce mois, demeure provisoirement suspeifo due, et ce, jusqu'à ce qu il en ait été autrement ordonné. »
Art. 2.
« Le comité de liquidation se fera remettre, dans le plus bref délai possible, toutes les
pièces relatives aux droits à exercer par les hôpitaux de la ville de Paris, sur le Trésor
national, pour raison du 10* à eux dû des sommes effectives payées en conséquence de
l'emprunt du mois d'octobre 1787. à l'effet d'opérer dans les formes prescrites la
liquidation desdites sommes, ensemble des intérêts, et de les faire rétablir dans le trésor
des hôpitaux de la ville de Paris. »
« Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. »
J'ai à rendre compte à l'Assemblée d'une protestation faite au nom des Lazaristes de Lyon, contre la vente de la majeure partie des biens dépendants de leur maison, par le directoire du district de Bourg. Je demandé le renvoi de l'acte au comité des domaines, et que ce comité s'occupe sans délai du sort des communautés séculières et des mesures nécessaires pour faire cesser ces contestations.
Le travail du comité d'instruction publique sur cet objet est déjà prêt ; mais le comité aes domaines, qui travaille avec lui, n'a pas encore rempli la tâche qui le concerne.
J'annonce à l'Assemblée que le comité des domaines, qui a rencontré beaucoup d'obstacles dans cette opération, sera en état d'en présenter le résultat avant quinzaine.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Caminet.)
Un membre, au nom du comité de division, propose à l'Assemblée d'approuver les élections de hauts-jurés:y faites dans les départements qui n'avaient pas encore envoyé leurs listes et présente un projet de décret qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, décrète que les nominations faites des hauts-jurés, dans chacun des départements des Bouches-du-Rhône, de la Charente, de la Corse, de l'Hérault, de l'Isère, de la Moselle, au Haut-Rhin et du Var, dénommés en l'état ci-après, sont valables, et qu'elle tient leurs pouvoirs pour vérifiés; elle ordonne, en conséquence, que les noms desdits hauts-jurés seront ajoutes aux états déjà dressés et joints à ses décrets des 15 et 24 novembre derniers.
noms des départements. noms des haxts-jcrés.
Bouches^du-Rhône... .j [ MM. Leroy. [ Leblanc.
Charente.............1 [ Chancel. [ Fouchier.
Corse................j Hérault..............j Isère................ j Moselle..............j i Tortoroli. 1 Pasqualini. Dupin. Roger. [ Maillefaux. [ de Laloy. Remale. j Marc.
Haut-Rhin............ J [ Solomon. [ Monnin.
Var.................J [ Fedon. [ Barras.
Un membre demande que le rapport sur la fabrication, la couleur et le matériel de la forme des assignats, dont l'émission a été précédemment décrétée, soit ajourné à lundi.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
(L'Assemblée, consultée, dïécrèle cette motion.)
Un membre, au nom du comité des assignats et monnaies, expose que la multiplicité des travaux
de ce.çomité l'oblige de prendre un second commis.
(L'Assemblée autorise le comité des assignats et monnaies à prendre un second commis.)
, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, fait une seconde lecture (1) du projet de décret relatif au délai dans lequel les propriétaires d?offices de dîmes inféodées,de droits ci-devant seigneuriaux et. autres créances sur l'Etat devront produire leurs titres, sous peine de déchéance: ce projet de décret est ainsi conçu (2) :
L'Assemblée nationale, considérant que, malgré les décrets qui enjoignaient aux propriétaires des offices et des dîmes inféodées supprimées, et autres créanciers de l'Etat, de produire leurs titres de créances pour én faire reconnaître et fixer la valeur, plusieurs d'entre eux n'y ont pas encore satisfait; considérant qu'un plus long retard, contre lequel réclame l'intérêt public, ne pourrait avoir d'excuses légitimes ; considérant combien il importe à la tranquillité publique d'avoir une connaissance parfaite de l'étendue des dettes de l'Etat, et combien, par conséquent, il est urgent de savoir l'importance de tous les titres non liquidés, pour pouvoir former, en même temps et dans le plus court délai, l'état de toutes les dettes et de toutes les ressources de la nation, et aussi pour pouvoir établir un plan général de liquidation, fondé sur des bases certaines : en confirmant, autant que de besoin, le décret de l'Assemblée nationale constituante, du 17 juillet 1790, qui fixe l'époque de la déchéance des créanciers prétendant à être portés dans l'arriéré des départements, qui n'agiraient pas produit leurs titres de créances ; et en ajoutant aux dispositions de ce décret, celles qui nécessitent le renvoi à l'arriéré des dépenses non acquittées sur les dépenses de 1790, à la Trésorerie nationale, aux termes du décret du mois de septembre dernier; décrète :
« Art 1er. Les propriétaires d'offices et de cautionnement
d'emplois et de dîmes inféodées, supprimés par les différents décrets rendus sur ces objets
par l'Assemblée nationale constituante, ceux qui ont à réclamer des droits ci-devant
seigneuriaux, et autres rachetables par la nation; et enfin tous autres propriétaires de
créances a la charge de la nation, pour telle cause que ce soit, qui n'ont pas encore fait
connaître leurs titres, sont tenus de les produire dans le délai porté à l'article 3.
Art. 2. Les propriétaires de créances sur l'arriéré, ceux des offices, charges et
cautionnements supprimés, fourniront leurs titres au commissaire du roi, directeur général
de la liquidation ; les propriétaires de créances exigibles sur les ci-devant biens, corps
et communautés ecclésiastiques, de dîmes inféodées; ceux des différents droits féodaux ou
fonciers, dus sur les domaines nationaux, ou supprimés avec indemnité, les produiront aux
directoires des districts, ou aux municipalités,-suivant qu'il aura été prescrit par les
précédents décrets.
« Art. 3. Le terme de rigueur pour la production desdits titres, sera le 15 mars prochain; et, avant le 30 du même mois, les directoires de département seront tenus d'adresser audit commissaire du roi, directeur général de la liquidation, un état sommaire d'eux certifié, du capital des sommes réclamées aux termes des titres qui auront été portés sur les journaux d'enregistrement des districts et municipalités; lesquels journaux resteront déposés aux archives des départements.
« Art. 4. Tous ceux qui, dans ces délais, n'auront pas effectué lesdites productions de titres, seront déchus de fait et de droit de toute répétition sur le Trésor public; ils ne pourront être admis sous aucun prétexte, ni dans aucun temps, dans aucune classe, ni état de remboursement : sauf aux porteurs des créances admissibles, à se pourvoir pardevant l'Assemblée nationale, pour en obtenir, s'il y a lieu, la conversion en un contrat de rentes perpétuelles, à 3 0/0 du capital liquidé, et dont les intérêts ne commenceront néanmoins à courir que de la date du décret de liquidation.
« Art. 5. Sont exceptés de la rigueur du présent décret les créanciers qui justifieront, d une manière authentique, être domiciliés dans les îles, ou au delà du cap de Bonne-Espérance, à l'égard desquels il sera incessamment statué. »
Plusieurs membres lobservent que des changements ont été apportés à ce projet de décret et demandent l'impression de la nouvelle rédaction et l'ajournement à huitaine pour la troisième lecture.
(L'Assembléëdécrète l'impression de la nouvelle rédaction et l'ajournement à huitaine pour la troisième lecture.)
Un membre, au nom du comité des décrets, propose de continuer au sieur Argeas, qui s'occupe ae la traduction des décrets en toutes langues la permission de les copier au bureau des procès-verbaux de l'Assemblée pour la collection qu'il a déjà commencée.
(L Assemblée accorde cette permission.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport sur la proposition d'élever au grade de maréchal de France les généraux de Rochambeau et Luckner ; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, dans votre séance du 14 de ce mois, le ministre de la guerre vous dit que (2) : « Le roi eût désiré que l'organisation militaire lui permît de donner le grade de maréchal de France aux généraux Rochambeau et Luckner. L'Assemblée ne pensera-t-elle pas que la loi suprême est de sauver la liberté ? et ne m'autorisera-t-elle pas à répondre au roi qu'elle verra cette mesure avec plaisir? »
Cette proposition, convertie en motion par un membre de l'Assemblée, fut renvoyée à votre comité militaire, pour en faire son rapport dans le plus court délai.
votre comité, Messieurs, a examiné la question de savoir si cette mesure pouvait
s'accorder avec les lois de l'organisation ae l'armée ; il a ensuite pesé les motifs qui
pouvaient la déterminer.
Il n'est pas question d'augmenter pour l'avenir le nombre des places de maréchal de France, mais de prendre une mesure extraordinaire sans sortir du cercle même des décrets réglementaires, qui fixent le nombre des emplois de l'armée.
Il suffirait, sans doute? Messieurs, pour justifier cette promotion provisoire, de l'assimiler à l'augmentation déjà décrétée, et à celle qui doit vous être proposée d'un nombre d'officiers généraux proportionné à la force actuelle de l'armée : l'âge, les infirmités, les blessures graves de la plupart des maréchaux de France, conservés même après la réduction, motivent suffisamment cette augmentation qui devra cesser aux deux premières vacances.
Mais si l'Assemblée nationale trouve que les formes seront ainsi remplies, et que la loi ne sera point violée, elle accueillera sans doute les motifs particuliers et personnels aux généraux Rochambeau et Luckner et les titres qu'ils ont à cette faveur nationale. Votre comité, Messieurs, se plaît à vous retracer le souvenir des services rendus par le général Rochambeau à la cause de l'indépendance américaine; époque célèbre de la première déclaration des droits de l'homme. Heureux les soldats de la liberté qui peuvent compter parmi leurs travaux, ceux qui servirent au premier triomphe de la justice universeUe, et qui furent le présage et le principe de notre glorieuse Révolution. Le succès des armes françaises pour la cause américaine, auquel le général Rochambeau eut tant de part, n'est-il pas un gage de nos succès dans notre propre cause?
Le général Luckner, en consacrant à la France libre les talents qui firent souvent triompher nos ennemis, marche l'égal des grands capitaines de notre siècle; il avait illustré sa carrière, il la prolonge, il l'honore en combattant pour la liberté.
La France, depuis plus d'un demi-siècle, n'avait pas déployé de telles forces, et jamais les préparatifs de guerre n'ont été si complets ni si réguliers.
L'organisation des trois armées et leur rassemblement derrière la plus formidable ligne des places fortes qui existent, peuvent, sans doute, nous préparer des avantages aussi solides oue notre cause est juste; mais jamais aussi l'habileté et la prudence des trois généraux ne durent avoir plus de part au succès des opérations d'une active défensive. Il faudra contenir, pour le mieux diriger, le bouillant courage des Français provoqué par la plus indigne trahison, en prouvant à l'Europe que la science de la guerre n'est pas, plus que le courage, un privilège féodal. Il faudra montrer à nos présomptueux ennemis que la discipline exacte, la sobriété, la patience, ^obéissance dans les combats, toutes les vertus militaires ne sont pas étrangères au citoyen-soldat qui veut la Constitution ou la mort. (Applaudissements.) Ainsi, plus nos généraux seront environnés de l'estime et de la confiance nationale, puis ils fixeront celle de leurs armées. Les troupes verront avec satisfaction et prendront leur part
de ces marques d'honneur accordées à nos premiers généraux ; elles verront surtout avec intérêt marcher à la tête de la troisième armée, destinée, sans doute, à porter les premiers coups, l'élève et le fils adoptif du général Washington, mettre en pratique les leçons qu'il alla puiser le premier à l'école du fondateur et du defenseur de la liberté américaine.
Votre comité vous propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, sur le vœu du roi, manifesté par le ministre ae la guerre, d'élever les lieutenants généraux, Rocbambeau et Luck-ner, au grade de maréchal de France, considérant l'avantage qui en résultera pour le bien du service, et voulant donner à ces généraux, au moment où une grande partie des forces nationales leur est confiée, une preuve authentique de la confiance de la nation ; après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. ler. Deux officiers généraux, commandants d'armée,
pourront être élevés au grade de maréchal de France, sans que les places qu'ils occuperont
puissent être considérées comme Une augmentation permanente au nombre de six, auquel a été
borné, par le décret du 4 mars dernier, celui des maréchaux de France en activité;
« Art. 2. Lorsque, par la suite, il viendra à vaquer une place de maréchal de France, il ne pourra être pourvu au remplacement que conformément à la loi du 4 mars 1791, et sans que le nombre des maréchaux de France puisse excéder celui de six. »
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix!
D'autres membres demandent l'impression du rapport et du projet de décret et l'ajournement à mardi soir.
, rapporteur. S'il était question d'une modification à une loi, si cela pouvait donner lieu à une discussion, il y aurait lieu sans contredit d'imprimer le projet de décret et de le discuter ultérieurement, mais il n'y a rien de tout cela: je demande que le projet de décret soit mis aux voix.
Si l'on ne veut pas discuter, je demande la question préalable sur le projet.
, rapporteur. Je demande, au moins, qu'on discute aujourd'hui.
Nous n'avons pas besoin tout à l'heure de deux maréchaux de France; il faut exécuter le règlement. J'appuie la motion d'impression et l'ajournement à mardi soir.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à la séance de mardi soir.)
Je reçois à l'instant la lettre suivante de M. de La Fayette :
« Monsieur le Président,
« Le roi m'ayant confié le commandement d'une des armées destinées à la défense de la Constitution, je supplie l'Assemblée de permettre que ie vienne aujourd'hui offrir aux représentants de la nation l'hommage de mon dévouement. (Vifs applaudissements.)
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : La fayette. »
Plusieurs membres : A l'instant! à l'instant!
M. de La Fayette sera admis à deux heures. (Voir ci-après, p. 356.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret du comité de liquidation tendant àassujettir àlaretenued'impositions les intérètsdes capitaux liquidés (1).
(2). Messieurs, lorsque j'ai proposé à l'Assemblée de décréter la retenue des impositions sur les intérêts des capitaux liquidés, j'ai annoncé qUe la question avait été agitée au comité central de liquidation de l'Assemblée nationale constituante; qu'il y avait été arrêté un projet de décret pour être présenté à l'Assemblée, et que la multiplicité des affaires qui avaient occupé les derniers jours de sa session était la seule cause qui avait empêché de prononcer sur cette question. Ces faits, qui m'ont été attestés par plusieurs membres de ce comité, en m'exprimant leurs regrets sur un retard aussi préjudiciable à la chose publique, sont prouvés encore par la remise qué j'ai faite sur le bureau, lors de la première lecture, du mémoire du commissaire liquidateur sur ces questions, et de la minute du projet de décret écrite de la main du rapporteur du comité central de liquidation.
En appelant la sollicitude de l'Assemblée, dès les premiers instants, sur la nécessité de faire cesser un abus qui devait coûter plusieurs millions à l'Etat, j'ai rempli mon devoir ; je n'ai pas dissimulé l'importance de la question. Aussitôt que les comité^ ont été formés, j'ai demandé moi-même que l'examen du projet de décret fût renvoyé au comité de liquidation pour en faire son rapport : ce rapport a été fait.
La discussion a été ouverte le 19 novemhre sur la troisième lecture; elle a été continuée au surlendemain, et depuis successivement ajournée.
La question a-t-elle donc changé de face, depuis qu'elle avait été agitée au comité de l'Assemblée constituante, depuis qu'elle avait reçu la même résolution dans votre comité de liquidation ? Non, Messieurs, elle est la même, elle est aussi facile à décider; mais cette discussion blessait des intérêts individuels, ils se sont agités pour l'obscurcir ; ils sont parvenus, en l'entourant de suppositions et de subtilités, à égarer ceux qui se sont présentés pour les défendre.
Quelques réflexions suffiront pour rétablir les principes, et ramener vers l'intérêt général les opinions qui auraient pu en être détournées par la considération de quelques intérêts particuliers.
J'observe d'abord que c'est principalement en faveur des créanciers pour liquidation d'offices, que l'on réclame le payement des intérêts sans retenue : c'est aussi sur cette partie du projet de décret que je dirigerai particulièrement votre attention.
Est-ce la loi? Est-ce une convention que l'on invoque pour les titulaires d'offices ? Non, Messieurs, il n'y a ni loi, ni contrat, dont on puisse induire même implicitement que leurs créances doivent jouir de cette exemption de la charge commune de l'imposition.
Que l'on examine les dispositions des décrets des 30 octobre et 7 novembre 1790, et 29
mars 1791, qui forment précisément les titres de ces créanciers; on y verra que les
reconnaissances, qui leur seront données en payement, doivent porter intérêt à 5 0/0 ; on y
verra déterminer
Sur queî fondement donc pourrait-on prétendre cette immunité ? Une voix s'éleva cependant au comité des finances de l'Assemblée nationale constituante pour appuyer ce système. Une voix s'éleva, je ne veux pas le dissimuler, pour soutenir que l'argent étant devenu marchandise, que n'y ayant plus en conséquence d'intérêts usuraires, et la nation ayant mis la dette de l'Etat sous la sauvegarde de sa loyauté, ces intérêts devaient être acquittés sans déduction ; mais cet argument ne fit pas fortune, et il y a lieu de croire qu'il ne sera pas écouté aujourd'hui plus favorablement.
En effet, que la nation ait déclaré se charger d'une dette immense, il n'en résulte pas qu elle doive payer sans compter. Que l'argent n'ait de prix que celui .qu'il reçoit par la [convention, que la stipulation d'un intérêt au-dessus du denier 20 soit aujourd'hui licite, il ne s'ensuit pas que les créanciers de l'Etat aient droit à un intérêt excédant le taux courant, sans qu'il y ait ni convention ni stipulation. ,
Osera-t-on dire Que nos lois à cet égard sont phangées, qu'il n'y a plus de denier courant, ou au moins qu'il n'est plus besoin de stipulation cour affranchir les intérêts de la retenue des impositions ? Je nie formellement ces assertions ; elles sont démenties par les articles 6 et 7 du titre II de la loi du premier décembre 1790, concernant la contribution foncière, qui autorisent les débiteurs d'intérêts et de rentes perpétuelles à faire la retenue à leurs créanciers dans la proportion de la contribution foncière.
Elles sont démenties d'une manière encore plus positive par l'article 9, qui, disposant, non plus pour les rentes constituées par le passé, mais pour celles à constituer, s'explique en ces termes : « A l'avenir, les stipulations sur la retenue seront entièrement libres, mais elle aura toujours lieu, à moins que le contrat ne porte la condition de non-retenue. » . Ces assertions sont démenties par le décret du 7 juin dernier, qui, rappelant et confirmant les dispositions de la loi au premier décembre, fixe la quotité de la retenue proportionnelle à la contribution, en n'en exceptant toujours que les contrats faits sous la condition de la rion-retenue des impositions; ce sont les termes de l'article premier de ce décret.
Les mêmes principes ont été de nouveau consacrés par l'article 9 du titre II de la loi du 14 octobre dernier, relative à la liquidation des dettes passives des communautés supprimées, qui porte que les reconnaissances contiendront dénonciation des rentes et des retenues auxquelles elles étaient ou devaient être assujetties, ainsi que des exemptions desdites retenues autorisées par la loi.
Ainsi, c'est toujours la retenue qui est de droit, et l'exemption qui doit être prononcée.
Voilà bien certainement les décrets d'aprèsles-quels la question doit être décidée, et non d'après celui du 4 décembre 1790 qui rejeta la motion laite par M. Lavenue, d'établir une imposition particulière sur les rentes dues par l'Etat. Il y a de la part de ceux qui l'ont invoqué pour les titulaires d'offices, confusion manifeste de faits et de principes. Qui est-ce qui ne voit la différence
frappante entre des rentes, soit viagères, soit perpétuelles, constituées par l'Etat, en vertu d'anciens titres, qui avaient déjà souffert des réduc-; tions de capitaux, des retenues sur les arrérages^ et les intérêts que la nation a promis aux créanciers de la dette, exigible, jusqu'à leur remboursement ? Il y a Confusion de principes, car il s'agissait alors de savoir si l'on changerait, par l'effet de l'imposition, la nature d'un contrat préexistant ; c'est en ce sens que plusieurs des opinants soutinrent que ce serait violer la foi publique et manquer aux conventions ; c'est en ce sens que Mirabeau disait : que la nation, souveraine lorsqu'elle impose, n'est plus que débitrice lorsqu ellepaye; qu'elle est brigande quand elle ne paye pas. Or, de quoi la nation est-elle ici débitrice? C'est de ce qu elle a promis, c'est d'un intérêt à 5 0/0 sur lequel la retenue est.de droit, puisqu'il n'y a pas clause de non-retenue. La question est jugee en sa faveur sans qu'elle ait besoin d'user de sa souveraineté, comme elle devrait l'être de particulier à particulier.
Il suffirait donc déjà d'appliquer le texte de la loi pour trancher la question contre les porteurs de liquidation d'offices, dès que l'on est obligé d'avouer qu'ils ne sont pas dans la condition ae l'exception, et qu'ils n'ont en leur faveur ni convention, ni stipulation, ni aucune disposition quelconque qui puisse en tenir lieu.
Mais je prendrai à tâche de lever tous les doutes, d'écarter jusqu'aux considérations qui auraient pu faire quelque impression.
On a voulu fonder une objection sur ce que les intérêts de la dette constituée se payaient !sans retenue. Que l'on jette un côup d'œu sur l'état de la dette publique, au 31 août dernier, imprimé par ordre de l'Assemblée nationale ; on verra dans le chapitre des rentes qui se payaient à l'Hôtel de ville, qu'il y a une colonne destinée précisément à indiquerle montant des retenues sur les rentes, et que des 29 articles composant la première page, 23 sont indiqués comme sujets à une retenue. Dans le surplus de ce chapitre, 13 articles sont réunis sous le titre de rentes des offices sur les ports; un seul est exempt de la retenue. On trouve a peu près la même chose dans le chapitre des anciennes dettes liquidées. Enfin, si l'on en excepte les 3,500,000 livres d'intérêts portés sous le titre de rentes perpétuelles, dont la plupart encore ont pour origine des cessions, des réunions, des échanges, on ne trouvera dans l'état entier de la dette nationale que des preuves multipliées du principe établi, que les rentes constituées ont toujours été et ne peuvent cesser d'être sujettes à la retenue, à moins qu'il n'y en ait stipulation expresse dans le titre, soit qu'elle y ait été mise comme faisant partie de la convention, dans le cas de vente de fonds ou rachat de droits, soit que le besoin d'argent en ait fait une condition pour appeler les prêteurs.
Ainsi l'examen de l'objection fournit de nouveaux motifs de déclarer les intérêts des capitaux liquidés sujets à la retenue, puisqu'il n'y a ici ni loi ni stipulation qui les en affranchisse.
Objectera-t-on qu'il ne s'agit pas ici de rentes constituées, mais d'intérêts dus pour cause de retard de payement d'un capital exigible ? Je suis loin de contester que ce soit là le vrai point de vue sous lequel il faut les considérer ; oui, sans doute, c'est une pure indemnité du retard de remboursement (comme le disait le rapporteur du comité de iudicature, en présentant le projet de décret aaopté le 30 octobre 1790); ce sont des intérêts moratoires : toute la suite des décrets ren-
dus en matière de liquidation le prouve, et il me suffira de citer celui du 6 mars dernier, qui, en ordonnant que ces intérêts cesseront dans la quinzaine après, la sanction des décrets portant reconnaissance, ajoute cette disposition remarquable : « Ce qui aura lieu tant que le payement des reconnaissances définitives de liquidation se fera à bureau ouvert, et sauf l'exécution de l'article 8 du ;décret du 7 novembre, dans le cas où les remboursements n'auraient lieu que par ordre de numéros. »
Or, si ces intérêts ne sont dus qu'à titre d'indemnité, si ce sont des intérêts moratoires'; c'est une raison de plus de les assujettir à la loi commune, parce que, suivant les règles de la plus exacte justice, ces intérêts ne doivent être que la représentation des fruits que dans le cours ordinaire des choses les deniers eussent portés, s'ils avaient été comptés; parce qu'il répugnerait, à leur nature de les élever à un taux qui ne peut être que l'effet d'une convention expresse ; aussi voyons-nous que l'Assemblée nationale constituante, lorsqu'elle a accordé des intérêts de cette espèce pour d'anciennes créances exigibles, a ordonné en même temps la déduction des impositions ;\e décret rendu le j6 mars dernier en faveur de M. Gonstantini, pour le payement de fournitures par lui faites pendant la guerre de Corse, en fournit un exemple.
Si cette déduction n'est pas littéralement exprimée dans les décrets de liquidation, c'est que, quand il y a une loi générale, il n'est pas besoin de la refaire dans chaque disposition de détail ; c'est que, dans le cas particuliér, la loi générale avait prononcé que le défaut de stipulation de non-retenue emportait l'obligation de s'y soumettre. Le pluë souvent ces décrets ne rappellent
Eas même la prestation des intérêts jusqu'au rem-oursement effectif ; ils se réfèrent à cet égard aux décrets généraux antérieurs, de même que sur la retenue des impositions.
Quels seraient, au surplus, les motifs sur lesquels on pourrait fonder ce nouveau privilège des anciens titulaires d'offices, de soustraire à l'imposition les intérêts de leurs capitaux liquidés ? Les gages attachés à ces offices ne supportaient-ils pas aussi une part dans les contributions publiques ? Combien de ces offices étaient loin de rendre, même avec les émoluments ca-suels, le denier de la finance liquidée ! En un mot, les reconnaissances de liquidations sont, entre leurs mains, une propriété utile qui doit, comme toute autre,. être sujette à l'impôt ; et quelque placement, quelque emploi qu'ils en fassent, ils ne pourront s'affranchir de cette obligation qu'en la reportant sur un autre par l'effet des conventions.
Ils les emploieront, me dira-t-on, à éteindre des capitaux, dont ils payent les intérêts sans retenue à la nation, pour prix d'acquisition de domaines nationaux; c'est-à-dire, en adoptant ce système, qu'il faut que l'indemnité dû retard du remboursement soit portée au pair de l'avantage qu'ils pourront retirer du remboursement effectif; même avant que la liquidation ait pu être définitivement décrétée d'après l'examen des titres qu'ils ont produits. Qui est-ce qui ignore que, dans les contrats pour vente de fonds, la clause de non-retenue représente réellement une augmentation de prix, dont le vendeur ne s'est départi qu'à cette condition? Qui est-ce qui ne voudrait aussi éteindre les intérêts qu'il paye sans déduction, en obtenant le remboursement d'un capital dont les intérêts ne lui sont payés
qu'avec retenue? Mais ce désir ne produit aucun droit, et né change la nature ni ae l'un ni ,de l'autre contrat. Remarquons bien que ce n'est que.parce que la loi pour la vente aes biens nationaux porte que les intérêts seront payés sans retenue, que la nation les reçoit sans aéauction ; faute de cette énonciation, et par cela seul, les acquéreurs seraient endroit de lui faire supporter là déduction, et cette différence seule est une solution sans réplique.
Je n'imagine pas que l'on insiste sérieusement sur cette autre objection, que les propriétés ne seront pas pour cela affranchies de toute imposition, que les porteurs de ces reconnaissances seront atteints par la contribution mobilière ; ceux qui se prévalent de cette circonstance ne font pas attention qu'ils sont obligés de supposer que la cote de contribution mobilière sera plus forte par cela même que ces intérêts sont payés sans retenue par la nation, au : lieu d'être payés par tout autre débiteur. Or, c'est ce qu'il leur serait difficile de prouver et même de faire entendre.
On a opposé enfin la faveur dont avaient joui ceux qui ont été remboursés jusqu'à ce jour du montant de leur liquidation; on en a fait un titre à ceux qui ne l'ont pas encore reçu, sur le fondement qu'ils ne devaient pas être traités différemment, qu'il leur serait dur de subir une autre condition, il doit être bien plus dur, sans doute, à un créancier qui a reçu : longtemps sans retenue des intérêts volontairement offerts par son débiteur, de se voir reprendre tout d'un coup toutes ces retenues accumulées qui absorbent une année entière de son revenu, qui entament quelquefois le capital; et cependant il est justement contraint à le souffrir, dès qu'il n'y a pas de stipulation expresse que les intérêts lui seront payés sans déduction.
On a pavé de cette manière les premiers créanciers liquidés, je le sais, et cette erreur coûtait déjà, au 30 novembre près de 1,700,000 livres; mais a-t-on dû payer ces intérêts sans déduction? Voilà le point de la question; car, s'il est reconnu que l'on a payé indûment, ce serait une absurdité révoltante d'asseoir sur cette habitude d'erreur la nécessité ,de continuer les mêmes , payements. On n'a pas osé dire encore que l'erreur acquît un droit irrévocable à celui qui a reçu et disposé de bonne foi; et l'on irait aujourd'hui jusqu'à étendre ce droit à ceux qui n'auraient encore rien reçu ! Non, c'est bien assez d'avoir à déplorer les pertes que cette erreur a déjà occasionnées sans en . conclure la nécessité d'en souffrir de plus grandes.
J'ai dit que l'on avait payé indûment : cela est démontré, puisque aucun décret de liquidation n'a ordonné le payement des intérêts sans retenue, et qu'il y avait, avant toute liquidation, une loi. générale, une loi assortie au nouvel ordre, qui assujettissait tous intérêts à la retenue, s'il n'y avait clause contraire.
Je ne m'arrêterai pas à rechercher quelle peut avoir été la cause de cette erreur, et par quel enchaînement de circonstances elle a pu se soutenir si longtemps contre l'évidence de la loi. Que ces circonstances servent, si l'on veut, à excuser ceux qui l'ont commise et ceux qui en ont profité; mais du moins que l'on cesse de se prévaloir de sa durée pour nous empêcher d'y mettre un terme. Ne perdons pas de vue qu'une faveur pour quelques-uns est une injustice pour tous ; car il faudrait bien à la fin augmenter la masse des contributions, pour retrouver le défi-
cit occasionné par des générosités indiscrètes.
Je dis, générosités indiscrètes :
10 projets ont été publiés depuis quelques jours sur la question importante des liquidations. Parmi leurs auteurs, combien en est-il à qui il soit venu en pensée de proposer un intérêt au-dessus de 4 0/0? Un seul; et en rendant hommage à ses talents et à ses connaissances, je dirai qu'il était dans l'erreur, quand il a cru que cet intérêt, qu'il avoue devoir paraître excessif , a déjà été décrété; j'ai démontré que le contraire était décrété.
Je dirai que je ne puis convenir avec lui que ce soit une petite économie que celle de 2 à 3 millions (pour la réduire à ses expressions). Y a-t-il donc de petites économies, même pour un Etat, quand on parle de millions? On ne me fera jamais comprendre que l'administration des finances d'un gouvernement doive avoir pour base une autre morale, une autre arithméthique que celle d'un bon père de famille; et quand il veut mettre de l'ordre dans ses affaires, il commence par s'interdire toute prodigalité.
Je dirai enfin que si, quand il est question de savoir si la nation doit ou ne doit pas, il était permis de consulter son intérêt, cet intérêt ne serait pas à beaucoup près de rendre la condition des porteurs de reconnaissances de liquidations tellement avantageuse qu'ils né pussent pas être tentés d'en faire l'emploi en biens nationaux, puisque ce serait détruire cette heureuse concurrence qui élève la masse des ressources à la hauteur du montant de la dette.
Mais laissons là ces considérations qui ne peuvent ni augmenter ni diminuer le droit acquis aux porteurs de reconnaissances de liquidations.
C'est sur les titres, c'est d'après la loi existante que vous vous déciderez, et je ne puis trop m'étonner que l'on ait essayé de faire valoir a cette tribune des considérations d'un ordre bien inférieur, des motifs de faveur, comme s'il s'agissait d'obtenir une grâce, au lieu de juger un procès entre la nation et quelques-uns de ses créanciers.
A quels dangers ne serait pas exposée la fortune publique, si les suffrages des législateurs n'étaient décidés que par des mouvements de sensibilité, s'il suffisait de leur présenter dans des phrases pathétiques un des côtés favorables de l'objet pour distraire leur attention et déterminer un vœu qui ne doit avoir pour base que la froide raison et l'étroite justice !
J'opposerai cependant avec avantage considérations à considérations.
On a invoqué, en faveur des ci-devant titulaires d'offices, votre loyauté, votre fidélité à vos engagements, votre humanité; et moi aussi je réclamerai votre loyauté envers vos commettants, qui ne vous ont point confié l'administration des finances de la nation pour en faire des prodigalités.
Et moi aussi je réclamerai votre humanité, mais ce sera en faveur de cette classe tout autrement nombreuse de citoyens laborieux, qui n'avaient jamais pensé à acheter du fisc le droit d'écraser leurs concitoyens par leur orgueil, ni l'odieuse prérogative de rejeter sur eux leur part de la charge commune, et qui seraient obligés de remettre dans le Trésor public ce qu'il en faudrait tirer pour indemniser plus largement cette classe privilégiée.
On vous a ait que vous risquiez de grossir le nombre des mécontents : je ne crois pas que eette menace ait pu faire sur vous grande im-
pression ; encore une fois vous ne devez que justice à tous. Ceux qui mettent à prix leur patriotisme ne sont pas dignes de la liberté, et n'aiment pas la Constitution : ils ne valent pas la peine qu'on les achète.
Qu'il me soit permis, en finissant, de rapprocher en peu de mots les temps, et de considérer les différences.
Sous le régime du despotisme, il y a à peine 20 ans, nous avons vu supprimer arbitrairement des offices, des compagnies entières ; nous avons vu liquider leurs offices au prix d'une finance primitive, qui n'était pas la moitié du prix d'acquisition ; nous avons vu ces officiers obligés de recevoir en payement des constitutions de rentes, sans gage déterminé/sans espoir de remboursement. Nous avons vu à d'autres époques les créanciers de l'Etat (dont les droits n'étaient pas sans doute moins sacrés que ceux des titulaires d'offices, puisqu'ils avaient reçu leurs titres pour prêt de deniers) ; nous les avons vus souffrir d'abord une réduction considérable sur les intérêts, puis un réduction du capital pour le ramener au niveau du denier réduit, puis des droits de mutation, puis toujours quelque retenue sur le produit annuel ; et tout cela au gré des agents du fisc, sous le vrai prétexte des besoins de l'Etat, et pour fournir aux déprédations des courtisans.
Aujourd'hui que la nation ne supprime les offices que pour supprimer les abus; aujourd'hui qu'elle en établit la liquidation sur les bases les plus favorables, qu'elle tient compte encore des irais de provision, qu'elle assure le remboursement du tout en effets que les titulaires peuvent convertir en fonds ; aujourd'hui que tous les efforts devraient tendre au même but de l'ordre et de la prospérité générale ; il n'y a plus de mesure, je dirais volontiers plus de pudeur dans les prétentions ; comme si les créanciers de l'Etat, oubliant leurs véritables intérêts, travaillaient eux-mêmes à réduire la nation à l'impuissance d'acquitter la dette immense dont elle s'est chargée- (Applaudissements.)
Ces réflexions me semblent avertir le Corps législatif de s'armer d'une juste sévérité, s'il veut assurer le salut de l'Empire.
Je me résume : Aucun intérêt n'est exempt de la retenue, s'il n'y a loi ou stipulation : aucune loi n'affranchit les intérêts des capitaux liquidés de la loi commune de la contribution ; il n'y a aucun motif, aucune considération particulière, capables de déterminer une exception. En dernière analyse, je vois ici, d'un côté, quelques créanciers de la nation qui sollicitent une immunité en pur gain ; d'autre côté, la nation qui cherche à diminuer ses pertes : il m'est impossible d'hésiter.
Je conclus à l'adoption du projet de décret. (Applaudissements.)
L'impression du discours et la distribution. (Appuyé t appuyé !)
(L'Assemblée décrété l'impression et la distribution du discours de M. Guyton-Morveau.)
Un membre : Je demande que les membres de cette Assemblée, propriétaires de créances exigibles sur la nation, ne puissent prendre part à la délibération. (Murmures.)
Plusieurs membres : La question préalable ! — L'ordre du jour !
Je suis bien éloigné de soupçonner que l'intérêt personnel puisse influencer en aucune manière la délibération ; mais je pense
que pour mettre l'Assemblée à l'abri de tout reproche, il faut que les membres intéressés soient priés de ne pas prendre part à la délibération.
Plusieurs membres : La question préalable 1
(L'Assemblée décrète qu il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Basire.)
Pour éviter de faire croire que j'ai une intention personnelle dans la question, je déclare que Je ne suis en aucune manière créancier de l'Etat. Je rends hommage au zèle ardent qui a porté le préopinant à defendre le projet du comité par le pur intérêt général de la nation ; et moi aussi je me présente pour le combattre par le même zèle, parce que j'imagine que l'intérêt général de la nation, son premier principe, est et doit être d'être juste envers ses créanciers.
Le projet qui vous est présenté a été, à la vérité, conçu par un comité de l'Assemblée nationale constituante ; mais aussi M. Morveau doit convenir que ce projet a été retiré presque aussitôt qu'il avait été conçu, et qu'il n a été reproduit que par le commissaire-liquidateur.
Les préopinants ont pour la plupart confondu les faits et les principes. Il faut en revenir sur la division des espèces d'intérêt. On n'en connaît que de trois sortes : l'intérêt conventionnel, l'intérêt moratoire ou judiciel et l'intérêt compensatoire. A l'égard des créanciers de la dette constituée, il n'est pas douteux que l'intérêt est purement conventionnel. Il est également incontestable que les lois d'emprunts, les édits, les arrêts du conseil et les autres titres, sur la foi desquels ils ont contracté, soit en rente viagère, soit en rente constituée, avec la nation, ont assuré à ses créanciers un intérêt fixe, immuable, sans aucune clause de retenue d'aucune imposition : et tous ont contracté sous le sceau de cette immutabilité de leurs intérêts, tous ont compté et ont dû compter sur cet intérêt jusqu'au remboursement du capital ; et je maintiens que leur faire des retenues, après avoir consacré pendant si longtemps l'obligation de ne point leur en faire supporter, ce serait une infraction formelle aux principes qui dirigent les intérêts conventionnels et aux conventions faites entre la nation et ses créanciers.
Sous le règne du despotisme, un gouvernement déprédateur faisait ressource des moyens les plus immoraux pour couvrir ses dilapidations; il faisait des retenues sur les rentes, c'étaient des réductions vexatoires; et quand M. Morveau invoque ces exemples, ce n'est pas son intention de vous proposer d'en flétrir la nation devenue libre : ce serait insulter à sa loyauté. On ne peut porter aucune atteinte aux intérêts conventionnels, parce que ce serait véritablement violer la foi sur laquelle l'argent a été prêté. La nation qui doit peut-elle changer quelque chose à l'hypothèque, peut-elle changer quelque chose à la nature des créances et à celle des intérêts conventionnels auxquels les créanciers ont droit de prétendre? Non, Messieurs, la nation est à cet égard dans l'hypothèse des créanciers particuliers. Ce sont les mêmes principes qui doivent diriger ses créances; il est clair qu'elle ne peut faire à ses créanciers des retenues qu'ils ne peuvent faire eux-mêmes à leurs propres créanciers.
Mais à l'égard des propriétaires de brevets de retenue et autres porteurs d'office à liquider, l'injustice de la retenue serait encore plus frappante. Et pourquoi? parce que les intérêts dus à
ces propriétaires d'offices ou de brevets de retenue, sont des intérêts compensatoires et à l'égard desquels il n'est pas besoin d'avoir stipulé, dans les contrats, la liberté de retenir ou de ne pas retenir les impôts. Parmi les propriétaires, les uns ont acquis en argent comptant, les autres ont acquis en constitution de rentes. L'intérêt de liquidation que la nation leur paye est une représentation de l'intérêt qu'eux-mêmes doivent à leurs créanciers.
Il est clair comme le jour que la nation ne peut pas faire à ces propriétaires des retenues qu'eux-mêmes ne peuvent pas faire à leurs créanciers. La loi défend cette retenue dans les intérêts compensatoires et ceux-là sont évidemment de cette nature. J'ajoute que de l'avis de nos deux comités de finances, les assignats qui sont la monnaie dont les rentiers et tous autres créanciers sont payés, doivent se confondre dans l'acquisition de6 domaines nationaux, et l'on voudrait les assujettir à des retenues en recevant la monnaie avec laquelle ils sont forcés à payer, sans retenue, le prix et les intérêts de ces adjudications! Il n'y aurait, dans un tel système, aucune trace d'équité; il y aurait au contraire une infraction manifeste aux contrats tacites qui lient la nation à ses créanciers, à quelque titre que ce soit.
Mais, Messieurs, une dernière considération, quand bien même la question serait problématique, doit nous faire décider en laveur des créanciers, c'est que ceux qui ont déjà touché le prix de leur liquidation sont des créanciers aisés, des propriétaires d'offices considérables, et ceux qui restent à liquider sont des propriétaires d'offices ministériels, des porteurs de petits brevets de j urande, des artisans, et conséquemment la classe la moins aisée. Ne serait-il pas bien injuste que l'on réduisît les droits des citoyens de cette classe, tandis que la classe riche aurait touché les siens tout entiers. On a objecté que l'Assemblée constituante n'avait, par aucune loi, déclaré que ces intérêts seraient exempts de là retenue des impositions ; mais cela même est contre le système de ceux qui prétendent faire la retenue, car la loi ne peut avoir d'effet rétroactif; et ce serait lui donner un effet rétroactif que de s'en prévaloir pour admettre le projet du comité. Je ne crois pas, Messieurs, que votre cœur puisse se porter à faire des retenues si injustes. La nation doit être juste, généreuse, et vous impose la loi de l'être en son nom.
Pluieurs membres : Elle doit être économe.
Je persiste donc à demander la question préalable sur ce projet.
Il ne fallait qu'un mot pour qu'il n'y eût qu'une opinion dans l'Assemblée nationale, et ce mot n a pas été dit. On vous a proposé d'exercer une retenue sur les titulaires cl'of-lices et autres créanciers de l'Etat; jusque-là il n'y a rien d'injuste." L'injustice serait que les mêmes créanciers supportassent une retenue à raison d'une partie de leur imposition mobilière, et qu'ils payassent, d'un autre côté, la totalité de leur impôt mobilier. Mais M. Guyton nous a fait observer qu'il n'entendait pas excepter ces créanciers de l'ordre général établi pour les créanciers particuliers dans le système général des impôts décrété par l'Assemblée constituante. De sorte qu'il faut tirer de là cette conclusion : que les créanciers de l'Etat, à qui vous avez fait subir une retenue à raison des intérêts dont la nation sera débitrice envers eux, pourront impu-
ter le montant de cette retenue sur leur contribution mobilière, et alors vous sentez qu'il ne peut y avoir deux opinions dans l'Assemblée et qu'il "n'y a aucune injustice à forcer ainsi le créancier à payer ses contributions. La seule chose, au reste, et je dois le faire remarquer, que la nation gagnera à cela, c'est de s'assurer que les ci-devant propriétaires d'offices et autres créanciers de l'Etat, sur lesquels la retenue Bera exercée, n'échapperont pas à la contribution mobilière. Il ne faut pas croire cependant qu'elle gagnera 3 millions sur cette opération. Elle n'y gagnera qu'en ce qu'elle aura la certitude que ces revenus seront atteints par la contribution. Je crois donc qu'il ne peut pas y avoir de difficulté à décréter le projet du comité. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
Vautres membres : Non ! non !
Tous les principes ont été posés sur cette matière ; la discussion doit être fermée.
insiste pour que la discussion continue.
(Après une assez longue agitation, l'Assemblée décide que la discussion sera continuée.)
(de la Charente) (1). On trouve qu'il y aurait de 1 injustice à assujettir à la retenue des vingtièmes les créanciers de la dette exigible. On donne en faveur de cette opinion deux grandes raisons.
L'une est que si les capitaux sont encore dans les mains de la nation, ce n'est pas de la faute des créanciers de la dette exigible, mais bien celle de la nation elle-même, qui n'a pu suffire à ses remboursements; et que s'ils eussent été effectués dans le temps de la suppression les capitaux eussent été placés de manière à ce que leur produit fût franc de retenue.
L'autre est que ceux de ces créanciers qui ont acquis des biens nationaux payent à la nation l'intérêt sans retenue du capital qu'ils lui doivent; que conséquemment s'il leur en était fait une pour raison des intérêts qui leur sont dus par la nation, ils se trouveraient assujettis à une double imposition, au moyen de ce qu ils supportent une contribution pour raison des ODjets qu'ils ont acquis.
J'avoue que j'ai été tellement frappé d'abord de la force de ces objections, que je n aurais pas songé à les réfuter, si ceux mêmes qui voulaient les affermir ne les eussent ébranlées.
La dernière que j'ai rappelée est juste en partie; mais je suis loin d'en conclure qu'il
faille rejeter le projet du comité. Je conviens qu'il y aurait de l'injustice, qu'il y
aurait de l'oppression à ce que ceux cpii sont en même temps créanciers et débiteurs de la
nation souffrissent, d'une part, une retenue qu'ils ne pourraient pas faire supporter de
l'autre ; mais je suis aussi d'avis qu'il y aurait de l'injustice à éviter cet inconvénient,
par un autre qui tendrait à grever la nation de la manière la plus vexatoire ; puisque,
d'une part, il est très possible que les créances des particuliers qui ont acquis d'elle,
soient au-dessous de ce qu ils lui doivent; et que de l'autre, il est très probable que tous
ses créanciers ne sont pas devenus ses débitéurs, par l'acquisition de domaines nationaux;
car, comment
Il est un moyen simple de faire justice aux particuliers, sans nuire a la nation ; c'est ce que nous devons faire et noUs n'avons pas droit de faire autre chose. Pour cela, il suffit, à mon sens, de ne pas perdre de vue que la nation, soit qu'elle doive, soit qu'il lui soit dût doit être regardée Comme un simple particulier et agir de même ; en conséquence, il faut qu'elle retienne l'imposition sur les intérêts qu'elle acquitte, comme elle doit souffrir qu'elle soit retenue sur ceux qu'elle reçoit : sans cela, Messieurs, la nation sera toujours dupe, comme elle le fut toujours ; car, en cas de chance, il ne faut pas s'attendre qu'elle tourne en faveur de la nation contre des particuliers.
Qu'on ne m'objecte pas que, de mon principe, il en faudrait conclure que tous les acquéreurs des biens nationaux n'ayant pas de créance sur l'Etat se trouveraient dans le cas de proposer aussi la retenue; ils ne pourraient point se l'appliquer parce que l'une des conditions de l'aliénation qui leur a été faite est précisément que la nation ne souffrirait point de retenue et la nation a pu faire cette condition sans paraître injuste, quand d'un autre côté elle agit différemment pour son avantage, parce qu'elle en laisse un bien grand à ses débiteurs en recevant les capitaux qu'ils lui doivent en annuités. La même loi a bien, à la vérité, été faite aux acquéreurs des créanciers, et ils jouissent également des avantages des annuités ; mais l'objection qui leur reste, qu'ils n'en profitent que par le fait que la nation est leur débitrice, me paraît détruire la parité : on pourrait dire aux uns : payez la nation, si vous voulez retenir sur les intérêts que vous lui payez, et ils n'auraient rien à répondre ; si on le disait aux autres, ils répliqueraient avec avantage : que la nation nous paye aussi !
J'ignore si, dans cette occasion, elle bénéficiera, ou si elle perdra, je n'ai pu le calculer, et quand je l'aurais pu, je ne l'aurais pas fait, il me suffit que mon idée soit conforme à la vérité ; peu m'importe à qui elle sera utile, je sais seulement qu'elle doit l'être, puisqu'elle est puisée dans la justice.
Il est vrai qu'il n'a pas dépendu des créanciers de la dette exigible qu'ils en aient fait le recouvrement ; je conviens aussi qu'il n'est pas impossible qu'ils eussent placé leurs capitaux de manière à mettre les intérêts à 1 abri de toute retenue.
D'abord je ne crois pas devoir m'arrêier à prouver que la nation ne doit pas supposer une immoralité, une infraction à la loi, pour dédommager l'agioteur de la perte qui en résulterait. Il suffit, jepense, derappeler qu'en principe d'équité, toute espèce de revenu doit supporter une portion déterminée de la contribution publique.
Je reviens à la difficulté, et je demande, Messieurs, pourquoi les capitaux de la dette exigible sont-ils encoré entre les mains delà nation. Est-ce parce qu'il faut que des liquidations soient faites des charges, offices supprimés ? et je le demande encore, pourquoi est-il nécessaire de liquider ? Pourquoi ? C est parce que la nation, agissant avec une générosité exemplaire comme sa révolution, ne s est point contentée de rembourser aux propriétaires de charges et offices, les simples capitaux employés à leur acquisition
primitive : C'est qu'elle n'a point voulu les restreindre à la valeur que les propriétaires leur donnèrent, quand le nsc qui lés leur avait vendus voulut les soumettre a un taux d'imposition plus élevé ; c'est que la nation a voulu que les charges fussent remboursées d'après leur valeur actuelle ; c'est qu'elle a voulu être plus juste, elle a voulu être généreuse ; de ce qu'il faut prendre des précautions pour se mettre à l'abri de l'exagération ; de ce qu'il est impossible de rembourser, dans le même instant, une têlle masse de capitaux, faut-il conclure qu'ils doivent être affranchis de toute imposition? Vous exigez .des quittances de payement de captation pour payer des arrérages de pensions de cent écus; cinq cents livres gagnées par trente années de travaux militaires, vous les soumettez pour l'avenir à uné'retenue quelconque et vous en affranchissez des hommes qui, pour la plupart, comme on l'a avoué, bénéficient à la suppression de leurs charges, j'aime que la nation se soit montrée libérale; mais je désire qu'elle se borne à présent à être juste.
Il y avait, on en est convenu, des charges purement honorifiques, qui rapportaient à peine 10/0, sujettes à de fortes capitations, au centième denier, assurément ceux qui en étaient propriétaires, loin d'avoir à se plaindre doivent se réjouir : on les a cependant représentés comme extrêmement grevés; ils ont perdu un état civil! Ce n'est donc rien que l'état de citoyen que la Révolution leur donne, état qu'ils n'avaient pas alors qu'ils possédaient ces charges honorables, qu'on leur avait vendues souvent à vil prix, et que nous rachetons si chèrement.
Si on me réplique que cet avantage n'est pas pour eux seuls, je remarquerai que l'observation n'est pas faite pour me ramener à l'opinion qui leur est favorable, et je n'en serai que mieux fondé dans celle qu'il ne doit exister de privilège pour personne, surtout en matière d'impôt sition.
Ceux à qui est dû le remboursement des charges lucratives, sont comme les précédents, traités avec générosité, et la plupart, quand on les rembourse, conservent les mêmes états dans lesquels ils peuvent faire les mêmes bénéfices s'ils se livrent aux mêmes travaux, et l'intérêt qui leur est servi en attendant leur capital est un véritable surcroît de bénéfice.
Il n'y a donc point dans la retenue de l'impôt sition sur les créanciers, l'injustice qu'on essaye de faire soupçonner; c'est une justice incontestable, au contraire, qu'ils partagent le fardeau des propriétaires fonciers, que tous les genres de contributions atteignent si sûrement et d'une manière si directe.
Je n'attendrai pas qu'on m'objecte que le faillible foncier peut acquitter une portion de sa contribution mobilière par la preuve de l'acquit de la contribution foncière, parce que je réclame la même justice pour celui qui aura acquitté une contribution pour raison de l'intérêt de ses capitaux.
Je ne sais, Messieurs, si j'ai erré dans mon opinion; mais j'attestequeie suis prêt de l'abandonner, dès qu'on me démontrera qu'il n'est pas juste que le propriétaire d'un revenu provenant de l'intérêt dun capital, soit soumis aux mêmes charges que le propriétaire d'un revenu égal provenant de fonds territoriaux. Jusque-là je ne cesserai de soutenir que le décret du comité doit être adopté en y ajoutant ces deux dispositions :
1° Que les propriétaires d'offices non remboursés qui ont acquis des biens nationaux retiendront, comme il leur sera retenu, le vingtième pour les années déjà écoulées, et les cinquièmes pour celles à venir sur les intérêts qu'ils doivent;
2° Que les quittances de la retenue auront le même droit de compensation pour l'acquit de la contribution mobilière, que celles d'acquittement d'imposition foncière.
Pour éclairer cette matière, ie demande, comme motion d'ordre, qu'on lise le discours qu'a prononcé Mirabeau dans la séance du 4 novembre 1790, pour faire rejeter la motion de M. Lavenue.
Je demande la question préalable sur la motion de M. Emmery.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Emmery.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
, rapporteur. Voici l'article 1er avec le préambule:
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son coinité de liquidation, et les trois lectures du projet de décret par lui présenté dans les séances des 25 octobre, 3 et 19 du présent mois, et après avoir décrété qu'il serait décidé définitivement;
« Considérant que l'intérêt des capitaux, valeur des offices et des dîmes inféodées supprimés, doit supporter une retenue représentative des impositions que leur produit aurait supportées ;
« Considérant que la nation, succédant' aux dettes des divers corps supprimés, n'en doit les intérêts qu'au taux auquel ces corps les auraient payés, décrète cè qui suit :
Art. 1er.
L'intérêt des sommes dues aux titulaires d'offices et aux créanciers des corps et communautés ecclésiastiques pour, dettes exigibles, à compter du jour où cet intérêt est dû suivant les lois antérieures^ continuera d'être calculé à 5: 0/0, mais sera sujet à la retenue des 2 vingtièmes et 4 sols pour livre du premier vingtième jusqu'au 1er janvier 1791, et, depuis cette époque, à la retenue du cinquième, conformément ,a la loi du 10 juin dernier. »
Voix diverses : Aux voix! aux voix !—La question préalable !
Je demande la parole. (Murmures prolongés.) Monsieur le Président, mettez aux voix si je serai entendu.
(L'Assemblée décide que M. Vergniaud sera entendu.)
Il paraît que, par l'article 1er, on veut assimiler les conventions de la nation avec les particuliers aux conventions de particulier à particulier, et c'est là, Messieurs, une très grande erreur. Dans les conventions de particulier à particulier, on peut stipuler telle ou telle retenue d'intérêt que l'on veut, et pourquoi? C'est que lés deux parties contractantes jouissent d'une égale liberté dans les conventions. Au contraire, dans les conventions de la nation avec les particuliers, telles surtout que celles dont il s'agit aujourd'hui, cette liberté n'existe pas.
Je m'explique. Au moment où les créanciers de la nation ont contracté avec elle, soit en acquérant un office, soit d'une autre manière, ils ont joui alors de leur liberté, et la convention qu'ils ont faite doit être tenue à leur égard. La nation
a été obligée, pour se régénérer, d'anéantir plusieurs institutions qui tenaient au régime abominable de la vénalité. Elle a été obligée de changer sa position à l'égard des créanciers; elle a usé de sa souveraineté en faisant ce changement de position; mais elle cesse d'être sou-veraine^ et elle n'est plus que débitrice lorsqu'il s'agit de payer le montant de ces sommes. Ainsi, si un homme est titulaire d'nne charge, la nation a pu la supprimer, parce qu'elle a pu supprimer lé vénalité des charges, mais au même moment, elle devient débitrice,
Cela posé, la nation rembourse sur-le-champ le prix, ou elle ne le remboursé pas... si Un membre : M. Vergniaud répète tout ce que M. Dorizy a déjà dit. (Bruit.) '
Si elle né rembourse pas sur-le-champ, elle peut faire une nouvelle convention avec le créancier; mais si elle seule fait elle-même cette convention, sans y appeler la partie intéressée, alors il est évident qu il n'y a plus de liberté pour le créancier, que la convention n'est plus réciproque : or, c'est ce qui est arrivé ici. Elle a fixé le mode de liquidation: elle a déterminé, sans consulter ses créanciers, la quotité de l'intérêt. Du moment où le créancier n'est pas libre de stipuler ou de ne pas stipuler cette retenue, du moment que cette bonvention serait forcée, Vous ne pouvez l'établir par une clause rétroactive. Si la loi, qui a établi 1 intérêt, n'a pas parlé de la retenue, puisque cette loi n'a pas été convenue avec lui, puisque ce n'est pas une convention libre et réciproque, vous ne pouvez lui imputer cette nbn-retenue ; la nation doit le payer comme si la. stipulation de non-retenue avait été faite.
Encore une considération décisive. Pourquoi sur les intérêts de créances de particulier à particulier la retenue a-t-elle lieu ? le voici : Je suis débiteur, je fais Valoir un capital qui m'a été prêté; je paye une contribution relative à ce capital, parce que ce capital est censé faire partie de ma fortune, tandis, au contraire, que mon créancier n'est pas connu comme le propriétaire de ce capital qui existe entre mes mains, que par conséquent il ne paye pas la contribution. (Murmures.)
Plusieurs membres : Là discussion fermée !
- Or, il n'est pas juste que; jè paye cette Contribution pour lui. (Murmures et interruptions.) Mais au contraire, lorsque c'est la nation qui est débitrice, cette raison s'évanouit, et ce n'est plus alors le cas de faire l'application de ce principe, parce que la nation qui retient le capital n'est pas obligée de payer elle-même la contribution.
La loi que l'on propose à l'Assemblée de rendre est une loi absolument injuste et véritablement indigne d'elle, et voilà en deux mots comme je le prouve. Remarquez bien le rôle que l'on voudrait faire jouer à la nation. Les biens nationaux sont affectés au payement des créanciers de l'Etat. Si un créancier Ou si un particulier quelconque qui achète un bien national n'en acquitte pas sur-le-champ la valeur, on lui en fait payer l'intérêt à 5.0/0, sans qu'il ait la faculté de faire aucune retenue. (Murmures.) Est-il juste que la nation seule abuse de son autorité pour faire des profits de cette espèce? ne serait-ce pas une démarche indigne d'elle, que de faire des retenues sur des intérêts aussi sacrés que la dette elle-même^ puisqu'ils en font partie ? (Applaudissements.)
Je conclus donc à la question préalable sur l'article 1er et je demande maintenant que ceux qui m'ont interrompu me réfutent.
(1). Messieurs, la question qui fait en ce moment l'objet de votre délibération est de la plus haute importance ; car il ne s'agit de rien moins que de grever le Trésor public, ou de le soulager de plusieurs millions.
En effet, les intérêts de la dette exigible à liquider s'élèvent à près de 50,000,000 de livres; et en déduisant les objets sur lesquels elle ne devra pas s'exercer, la retenue montera à une somme de près de 8,000,000 de livres.
J ai entendu hier les diverses opinions qu'on a annoncées dans cette tribune contre le projet de décret qui vous est proposé par votre comité de liquidation, et je n'ai point changé celle que je m étais déjà formée; j ai jugé seulement devoir un peu plus la développer. Je crois. Messieurs, la disposition générale adoptée par votre comité, conforme à la justice, ainsi qu'aux sages principes qui fondent notre système de contributions publiques.
On a réclamé la justice pour soustraire les créanciers de l'Etat à la contribution foncière; je la réclame aussi à l'égard de tous les citoyens, qu'il faudrait surimposer pour être généreux à l'égard des premiers, qu'on ne peut exempter d'une retenue sur les intérêts que la nation leur paye, sans rétablir à leur égard un privilège pécuniaire, le plus odieux de tous ceux dont nous venons si heureusement de nous affranchir.
Je dis d'abord que la nation peut, sans injus-ticer exercer une retenue sur les intérêts qu elle attribue à la dette exigible, parce que les revenus que ces intérêts représentent étant déjà assujettis aux anciennes impositions^ ils ne doivent pas échapper aux nouvelles contributions.
En effet, la dette exigible résulte surtout de la liquidation des offices, des dîmes inféodées, des droits féodaux supprimés avec indemnité, des dettes du clergé et des pays d'Etats, que la nation prend à sa charge : eh bien ! les gages attribués aux offices étaient sujets au centième denier, au vingtième des offices et droits; les dîmes inféodées, les droits féodaux, étaient soumis au vingtième noble.
On a dit que c'était par abus que l'ancien régime avait établi des taxes sur ces espèces de propriétés? eh! n'était-ce pas par abus aussi que nous étions tous écrasés par des impôts que nous n'avions pas consentis?
Si la nation n'avait pas mis à sa disposition les biens du clergé, celui-ci, en vertu ae la loi du 1er décembre, aurait fait la retenue que vous pouvez exercer aujourd'hui que tous ses droits ont passé dans vos mains ; les dettes que vous prenez à votre Charge, sont de même catégorie que celles contractées par les débiteurs ordinaires ; et, Messieurs, la loi, la sainte loi de l'é-galité, peut seule rétablir l'ordre dans les finances, en faisant contribuer aux besoins publics chacun en proportion de ses facultés.
Aucune aes lois qu'on a déjà citées, n'a ici d'application; elles ne regardent que les
rentes consenties par l'ancien gouvernement, ou sous sa garantie, avec la stipulation de la
non-retenue ; et comme les adversaires du comité, je réclame, à l'égard de ces anciens
créanciers, la loyauté de la nation.
Cette disposition de la loi est dans les règles de la plus stricte justice.
En effet, la nation ayant voulu appliquer aux besoins publics une quotité du revenu net foncier du royaume, toutes les rentes, quelle que soit leur nature, ont dû être assujetties à Cette contribution, parce qu'elles sont une portion quelconque du revenu net, car tout vient de la terre : il est même vrai de dire que les rentiers sont les véritables propriétaires des fonds.
Si donc le possesseur du fonds grevé d'une rente doit payer la contribution à raison de son revenu net, le créancier la doit aussi, à raison de la rente qui est une portion du revenu net du débiteur qui en fait l'avance pour le créancier.
Ici, Messieurs, que sont les nouveaux créanciers de l'Etat ? ne sont-ils pas les véritables propriétaires des biens nationaux qui ont été spécialement affectés à leurs créances ?
D'un autre côté, que fait la nation ? elle paye aux créanciers des intérêts représentatifs du revenu net de ces biens, et sur le revenu des biens invendus, elle se paye à elle-même l'impôt foncier; sur le revenu des biens vendus, l'impôt foncier lui est payé par les acquéreurs qui ont bien su faire entrer en considération, dans leurs spéculations, la diminution du revenu que doit opérer la contribution.
Si, au lieu de vendre ces biens pour le compte de ses créanciers, la nation les eût d'abord mis en possession réelle, que serait-il arrivé? ils auraient eux-mêmes acquitté la contribution; eh bien ! la nation qui la paye pour eux, se la fait restituer.
On a dit que la nation, exigeant 5 0/0 des acquéreurs qui ne payent pas comptant, devait ce même intérêt à ses créanciers; mais, Messieurs, on n'a pas voulu voir que par les diverses combinaisons employées dans la vente des biens nationaux, les acquéreurs ne payent pas réellement à la nation plus de 4 0/0 de la vraie valeur des biens.
La condition des créanciers est-elle moins favorable que celle des propriétaires, ou des acquéreurs des biens nationaux ? non, Messieurs, car quoique le maximum de la cotisation soit fixé au sixième, il est vrai de dire que les sols additionnels pour les dépenses de l'administra-ion et pour celles des municipalités, élèvent la contribution au delà du quart au revenu net ; et cet excès compense encore l'espèce de défaveur qu'on suppose éprouvée par le rentier, de ne pouvoir ontenir une réduction sur sa cote mobilière, à raison de la retenue qui lui est faite.
D'après ces diverses considérations, Messieurs, je conclus à l'adoption du projet de décret du comité, avec quelques changements que je propose à l'article 1er; changements légers en apparence, mais que je crois dignes de quelque considération.
D'abord je propose qu'après ces mots, l'intérêt des somnœs dues aux titulaires d'offices, il soit
ajouté ceux-ci : et aux ci-devant possesseurs des dîmes inféodées et droits féodaux supprimés avec indemnité.
Le projet de décret ne comprend ces créanciers ni implicitement ni explicitement ; et cependant leurs créances ne sont pas un objetà négliger; car, par un premier aperçu, on en porte l'évaluation à 130,000,000 de livres, dont les intérêts à 5 0/0 montent à 6,500,000 livres, et la retenue procurera une économie de 1,300,000 livres.
Je propose, en second lieu, de supprimer les derniers mots qui terminent l'article 1er, et d'y Substituer ceux-ci : et depuis cette époque la retenue sera faite conformément aux dipositions de la loi du 10 juin 1791.
Cette loi au 10 juin, Messieurs, est celle qui règle, en exécution des articles 6,7 et 8 du titre II de la loi du 1er décembre 1790,1e taux et le mode delà retenue à faire sur les rentes. Elle porte expressément : « que la retenue sur les rentes, au cinquième de leur montant, n'aura lieu que pour tout le temps pendant lequel la contribution foncière restera dans les proportions fixées pour l'année 1791 ».
En effet, Messieurs, dans notre système de contribution foncière, on doit déterminer chaque année la quotité du revenu net, que l'impôt ne peut outrepasser; cette - quotité aoit se régler dans la proportion qui existe entre la somme fixe de la contribution foncière et le revenu net foncier de tout le royaume ; ce maximum de la cotisation est donc variable comme cette proportion ; et, par une conséquence nécessaire, le taux delà retenue à faire sur les rentes doit varier comme le maximum de la cotisation : ainsi, pour être conséquent dans les principes, vous ne pouvez aujourd'hui déterminer d'une manière absolue, pour 1791 et les années subséquentes, le taux de la retenue sur les nouvelles créances de l'Etat ; mais vous devez hausser ou baisser le taux, suivant que le maximum de la cotisation sera porté à un taux plus fort ou plus faible.
Si la contribution foncière venait à diminuer, il serait juste que les rentiers participassent à cet avantage ; il ne le serait pas moins, si, par des circonstances extraordinaires, vous étiez obligés d'augmenter la contribution foncière, que les rentiers supportassent leur part de cet accroissement.
En troisième lieu, je propose une exception en faveur des jurandes et maîtrises. Messieurs, cette exception me paraît de toute justice; en effet, l'Etat avait exigé des acquéreurs de ces sortes d'offices, une finance pour les faire jouir du droit d'exercer exclusivement leur profession ; le nouvel ordre de choses leur enlève ce privilège, et cependant les assujettit à un droit de patentes, pour les autoriser à exercer les mêmes professions, concurremment avec tous ceux qui acquittent le même droit : il me semble donc que retenir une portion de leur finance serait faire payer un double droit de patente aux propriétaires de ces offices.
Si vous regardiez, Messieurs, cette exception, non comme un acte de justice, mais comme une faveur, considérez qu'elle s'appliquera à des citoyens peu fortunés, et que ce sacrifice ne serait pas considérable pour une grande nation ; le capital de la finance des jurandes et maîtrises a été liquidé à 30,000,000 de livres dont les intérêts montent à 1,500,000 livres, et la retenue formerait seulement un objet de 300,000 livres.
Enfin, Messieurs, en résumant, je propose par amendement au projet du comité :
1° Que les intérêts des sommes dues aux ci-devant possesseurs des dîmes inféodées et droits féodaux supprimés avec indemnité, soient sujets à la retenue ;
2° Que la retenue se fasse depuis 1791, conformément aux dispositions de la loi du 10 juin dernier ;
3° Que les intérêts dus pour finance de jurandes et maîtrises en soient formellement exceptés.
, rapporteur. Je demande à poser la question que la discussion n'a fait qu'obscurcir. Votre comité vous propose de faire les retenues sur les intérêts des capitaux liquidés. Quels sont ces capitaux liquidés ? Ils proviennent ou de remboursements d'offices ou qe remboursements de . dîmes inféodées. Si les offices, si les dîmes inféodées subsistaient encore, les propriétaires de ces offices et dîmes inféodées payeraient sur leurs revenus une imposition à l'Etat. Vous remboursez à ces propriétaires la valeur de leur propriété» il faut donc que-l'intérêt de ces capitaux qui représentent la propriété, supportent au profit de l'Etat une imposition. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion sur l'article premier.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'article 1er!
Dautres membres : Aux Voix ! aux voix l'article!
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'article ler4 (
, rapporteur. Au lieu de mettre : « L'intérêt des sommes dues aux titulaires d'office », je propose de mettre : « L'intérêt de tous-les capitaux liquidés ou. à liquider... » (Oui! oui!)
Je demande, par amendement, qu'au lieu du 1er janvier 1791, on mette : « à compter du 1er janvier 1792. »
Il existe une loi qui a accordé à tout titulaire d'office des intérêts à raison de 5 0/0. Ceux qui ont été liquidés jtisdU'*à ce moment, et ceux qui ne sont pas liquides, ont l'intérêt à raison de 5 0/0; attendu que1 vous n'avez pas lé droit de décider qu'une loi qui a eu son effet jusqu'à ce moment ne l'aura pas. La retenue ne peut avoir lieu que du moment où vous faites la loi qui imposé la retenue.
' Plusieurs membres : La question préalable ! (L'Assembléé décrète qu il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Boscary.)
Un membre : Je propose, par amendement, que la retenue n'ait heù qu'à compter du jour de la promulgation. (Appuyé ! appuyé !)
Plusieurs membres : La question préalable ! - (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à . délibérer sur cet amendement.)
Un membre : Je demande, par amendement, que les créanciers soient autorisés à imputer la retenue sur leur contribution mobilière. . M. Basire. Jç demande la question préalable, sur cet amendement.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)
L'article 1er amendé par le rapporteur ainsi que le préambulè sont ensuite adoptés dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation, et les trois lectures du projet de décret par lui pré-
sent dans les séances des 25 octobre, 3 et 19 du présent mois, et après avoir décrété qu'il serait décidé définitivement;
« Considérant que l'intérêt des capitaux, valeur des offices et des dîmes inféodées, supprimés doit supporter une retenue représentative des impositions que leur produit aurait supportées;
c Considérant que la nation, succédant aux dettes des divers corps supprimés, n'en doit les intérêts qu'au taux auquel ces corps les auraient payés, décrété ce qui suit :
« Art. 1er
« L'intérêt de tous les capitaux liquidés et à liquider, et dès sommes dues aux créanciers des çorps et communautés ecclésiastiques, pour dettes exigibles, à compter du jour où cet intérêt est dû suivant les lois antérieures, continuera d'être calculé à 5.0/0, mais sera sujet à la retenue * des 2 vingtièmes, et 4 sous pour livre du 1er vingtième, jusqu'au 1er janvier 1791, et depuis cette époque à la retenue du cinquième, conformément à la loi dU 10 juin dernier.
Messieurs, M. de La Fayette, en vertu du décret de ce matin (1), attend l'instant d'être admis à la barre.
Un grand nombre de membres : Tout de suite!
(L'Assemblée décide que M. de La Fayette sera introduit de suite.)
est introduit à la barre au milieu des applaudissements d'une très grande partie de l'Assemblée et des tribunes. Il est en uniforme d'officier général. Après avoir salué de divers côtés, il s'exprime ainsi :
Messieurs, l'Assemblée nationale Connaît mes principes et mes sentiments. Je me bornerai donc à lui exprimer ma sensibilité pour les signes d'approbation qu'elle a daigne donner au choix du' roi, et je joindrai cet hommage à ceux de mon respect pour l'Assemblée nationale et de mon dévouement inaltérable pour le maintien et la défense de la Constitution. (Vifs applaudissements.)
, répondant à M. de La Fayette Monsieur, le nom de La Fayette rappelle la liberté et la victoire ; elles le suivaient sous les drapeaux américains, elles l'accompagneront à la tête de l'armée française. Les gardes nationales, dont vous avez créé les premiers mouvements, reconnaîtront votre voix et seront dignes d'elles et de vous.
Si tel est l'aveuglement de nos ennemis, qu'ils veuillent éprouver la force d'un grand peuple régénéré, marchez au combat ; guidez dans les sentiers de la victoire les Français qui vous seront confiés ; ils ont juré de vaincre ou de mourir pour les lois de leur pays. La nation française présentera toujours avec confiance et avantagé, aux tyrans ses ennemis, comme aux peuples ses allies, la Constitution et La Fayette. L'Assemblée, Monsieur, vous iuvite aux honneurs de la séance. (Vifs applaudissements).
entre et va prendre à la gauche de M. le Président et au-dessous la place qu'il avait coutume d'occuper près du bureau lorsqu'il était membre de l'Assemblée constituante.
J'interromps avec regre* les '
et un grand nombre de membres. L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
La parole est à M. le ministre de la marine pour faire lecture d'un mémoire sur le rachat des Français esclaves en Barbarie.
, ministre de la marine. Messieurs, un objet intéressant confié ci-devant à la surveillance du ministre de la marine était le rachat Hes esclaves sur les côtes de Barbarie. Peux ordres religieux, la Trinité1 et la Mercy étaient dévoués à cette œuvre d'humanité, lesquels en fournissaient les fonds, et lorsqu'ils étaient insuffisants, il y était suppléé par le Trésor public, et quelquefois par des emprunts que faisaient les religieux eux-mêmes.
Tant que. nos traités subsisteront avec les puissances barbaresques, nous n'avons pas à craindre de leurs corsaires ; mais il survient des ruptures soudaines, et quelquefois des naufrages jettent des équipages entiers entre les mains de peuples errants, qui ne sont point soumis à aucune des puissances avec lesquelles nous sommes liés par des traités. Il en est particulièrement sur la partie de la côte qui s'étend des limites du royaume de Maroc jusqu'au Sénégal,
Nous avons encore'en ce, moment quelques esclaves à Alger, reste d'un rachat stipulé à l'époque de notrè dernier traité, dont l'exécution sur ce point a été différée par le dey, jusqu'à ce que la remise des sommes convenues soit effectuée, et tout récemment un équipage français est tombé au pouvoir des Caraïbes, peuple barbaresque qui ne reconnaît pas le souveraineté d'Alger. Le dey a offert sa médiation pour obtenir leur liberté ! Ce double rachat épuisera, et bien au delà, les fonds qui avaient été versés dans les caisses de la marine pour cette destination, lors de notre dernier traité. J'ignore si les ordres dé la Trinité et de la Mercy ont laissé, à l'époque de leur suppression, quelques fonds pour l'œuvre dont ils ont été chargés, et quel a été, depuis la même époque, le produit des quêtes qui se faisaient pour cet objet dans toutes les paroisses.
Quoi qu'il en soit, Messieurs, cet objet présente plusieurs questions également importantes. Les quêtes pour le rachat des captifs continueront-elles? Comment et par quelle voie? Le produit sera-t-il versé dans la caisse de la marine? Sera-ce par les départements que s'opèrerônt désormais ces rachats?
Le roi, constamment occupé du soin des malheureux, me charge de voUs soumettre ces questions importantes. Elles sont bien dignes d être prises en grande considération par les représentants d'une nation généreuse et libre, et nos frères infortunés, languissants dans les fors, n'attendront pas longtemps sans douté le décret qui va les briser.
A l'égard des rachats futurs, vous aurez à décider, Messieurs, si les quêtes continueront comme par le passé, ou si le Trésor public doit être chargé de cette dépense. Si les quêtes doivent toujours avoir lieu, il faudra encore prendre des moyens, soit pour en assurer le produit, soit pour le faire parvenir dans la caisse destinée à les recevoir; et j'observerai à cet égard que les religieux charges du rachat des esclaves, mettaient une grande industrie dans les quêtes, qu'ils excitaient la commisération des paroisses
par des processions où ils donnaient en spectacle les infortunés qu'ils avaient délivrés, et que sans cet appareil, le produit dès quêtes eût toujours été très modiques.
Je dois ajouter que le département de la mariné semblé naturellement devoir être chargé de l'opération des rachats. C'est par les consuls seuls qu'ils peuvent être négocies, parce qu'ils sont les seuls qui puissent connaître le nombre et la situation des Français qui sont réduits à l'esclavage. Ce serait donc dans la caisse de la mariné que devraient être versés les fonds destinés à cet Objet, à la charge par le ministre de justifier de la dépense.
Vous penserez sans doute, Messieurs, qu'il est souverainement juste que les étrangers employés sur les bâtiments français et tombés dans l'esclavage, soient compris dans ces états, comme ils l'orit toujours été. Peut-être jugerez-vous aussi que malgré la'rigueur des principes, il est d'une juste politique j dans les circonstances actuelles d'étendre ce secours aux Français attachés aux puissances étrangères; nos alliées. La patrie doit aujourd'hui plus que jamais ouvrir à tous ses enfants les moyens de rentrer dans son sein.
En soumettant Ces différentes idées à la sagesse et à la prudencè de l'Assemblée nationale, je recommande à son humanité des infortunés qui attendent leur délivrance, et èn conséquence je la prie de décréter provisoirement que le produit des quêtes déjà faites et lés fonds laissés par les, religieux de la Trinité et de la Mercy, en cas qu'il y en ait, seront versés dans la caisse, pour-être fait l'emploi de ces fonds; et qu'en cas d'insuffisance de ces fonds, le supplément nécessaire sera fourni par le Trésor public.;
tJn membre : Le comité des secours publics à un rapport tout prêt sur cet objet. Je demande le renvoi au comité des secours publics.
Je demande d'abord le renvoi de cet objet au comité de marine et je demande, en outre, que l'on mette aujourd'hui a l'ordre du jour le rapport du comité des domaines en ce qui concerne l'ordre de Malte, qui, comme vous le voyez, malgré les biens prodigieux dont il jouit en France pour purger la Méditerranée des pirates, ne fait rien absolument pour cet objet. Quand nous aurons les biens (Applaudissements.) nous pourrons très facilement purgér les mers des brigands qui,les infestent. Ma motion est que cèt objet soit mis à jour fixé à l'ordre du jour.
Plusieurs membres : A quinzaine !
Je demande à faire un amendement. Lorsque nous nous occupons d'arracher les citoyens français à l'esclavage dans lequel ils sont détenus chez les nations étrangères, nous ne devons pas, nous, retenir dans les fers des citoyens français qui y . gémissent depuis longtemps, tels que les soldats du régiment de Cha-teauvieux. Par conséquent, je demande... (Murmures.)
Un membre; J'observe que le rapport relatif aux soldats de Châteauvieux doit être fait ce soir.
Un membre : Je demande que le rapport provisoire sur le rachat des Français actuellement esclaves soit fait sous trois jours.
(L'Assemblée renvoie le mémoire du ministre de la marine au comité des secours publics pour qu'il fasse, dans trois jours, son rapport sur le
provisoire, et ajourne à quinzaine le rapport du comité des domaines sur la question desavoir si les biens de l'ordre de Malte, situés en France, seront déclarés à la disposition de la nation et vendus ou administrés à son compte.)
, ministre de la marine. Messieurs, j'ai eu l'honneur d'exposer à l'Assemblée nationale, le 31 octobre dernier, que plusieurs lois de détail étaient encore nécessaires pour compléter la nouvelle organisation de la marine J'ai présenté en même temps un aperçu de ces objets et j'ai remis plusieurs mémoires particuliers sur ceux dont la décision paraissait la plus pressante. Depuis cette époque, j'ai eu l'honneur d'en donner quelques autres, et je supplie l'Assemblée nationale de me permettre d'observer qu'il n'a été rendu aucun décret sur ces divers mémoires, et entre autres sur l'organisation des troupes ae la marine. Je continuerai à donner des éclaircissements successifs sur les objets indiqués dans mon compte rendu le 31 octobre.
Le mémoire que je présente aujourd'hui a pour objet 1 % règlement du service militaire, tel qu'il devra être rempli par les officiers de la marine dans les ports, et par ceux qui y seront employés sous leurs ordres. Il est d'autant plus pressant de déterminer ce service, que je me dispose à donner des ordres sous très peu de jours pour la nouvelle organisation et a prescrire a chaque officier de se rendre sans délai dans le port où il devra subir la première revue de formation.
Il serait très nécessaire qu'à l'appui de cette revue, je puisse savoir quel doit être le nombre de capitaines et de lieutenants de vaisseau qui devront demeurer en service dans les ports, et le nombre de ceux auxquels il faudra laisser la liberté de se retirer chez eux avec la moitié de leurs appointements ; conformément à la loi de l'organisation, il ne serait pas moins important que le service dont les officiers dans les ports seront chargés, fût réglé avec précision. Ces détails sont expliqués dans le mémoire que je présente, et dont je désire que l'Assemblée veuille bien s'occuper incessamment, afin qu'aucune difficulté de détail n'arrête, n'embarrasse l'exécution des lois concernant la nouvelle formation du corps de la marine que les circonstances rendent très pressantes et que je tâche d'accélérer autant qu il est possible.
Le travail sur la marine va être incessamment présenté à l'Assemblée.
J'observe que ce n'est pas un travail aussi court qu'on peut le croire. Je suis chargé, avec MM. Théodore Lameth et Granet, de présenter ce rapport au comité de la marine. Nous serons prêts mercredi prochain et nous aurons besoin ae la semaine pour le présenter au comité qui pourra adopter, rejeter ou modifier les moyens que nous proposerons. Je demande l'ajournement de ce rapport àaujourd'hui en huit.
(L'Assemblée renvoie le mémoire du ministre de la marine au comité de marine et ordonne que ce comité fera, samedi prochain, son rapport général.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Anthoine,membre de l Assemblée constituante, député par un armd nombre de citoyens de la ville ae Metz, qui demande à présenter une adresse dont l'obiet est de repousser les calomnies répandues dans le public contre le civisme des habitants de cette importante forteresse.
(L'Assemblée décrète que M. Anthoine sera admis à la barre à la séance du soir.)
La parole est à M. ministre des affaires étrangères.
, ministre des affaires étrangères. Le roi m'a chargé de donner connaissance à l'Assemblée nationale de divers actes et de plusieurs faits que Sa Majesté a jugé devoir lui être Communiqués; je commencerai par les réponses que le roi a reçues aux lettres par lesquelles il a fait connaître aux puissances son acceptation de la Constitution, et qui sont parvenues depuis le dernier compte que j ai rendu à l'Assemblée sur cet objet (1).
Voici la réponse du roi de Sardaigne (2) :
« Du
« Monsieur mon frère et cousin, j'ai reçu la « lettre qu'il a plu à Votre Majesté ae m'écrire « le 25 au mois de septembre proche passé. La « justice qu'elle rend à mes sentiments, en ne « doutant pas de l'intérêt que je prends cons-« tamment à tout ce qui la concerne personnelle-« ment, ainsi qu'au bonheur de sa maison et de « ses sujets (Murmures prolongés) me sera toujours » de la plus grande satisfaction...
J'observe que cette lettre du roi de Sardaigne a déjà été lue à l'Assemblée; elle y a excité le même mouvement; et elle n'est pas assez intéressante pour être lue de nouveau. (Applaudissements.)
, ministre des affaires étrangères. Je ne crois point que Cette lettre ait été lue à l'Assemblée ; j ai lu d'autre lettres où les mêmes expressions peuvent se rencontrer, mais je n'ai pas lu celle-la; elle est datée du 9 novembre. Je vais'continuer:
« Je prie Votre Majesté d'être également per-« suadée de ma sensibilité aux nouvelles assu-« rances qu'elle veut bien me donner de la con-« tinuation de son amitié. Celle que je lui ai vouée « ne saurait jamais se démentir ni s'altérer, et « rien ne pourra diminuer mon empressement à « l'en convaincre.
« Je suis, etc. »
Réponse du roi de Danemarck.
« Ce
« Monsieur mon frère, j'ai vu, par la lettre que « Votre Majesté a bien voulu m'écrire en
date « du 19 septembre, qu'elle s'est déterminée à « accepter 1 Acte constitutionnel,
puisqu'elle de-« vaitle regarder comme le résultat des vœux de « la grande majorité de la
nation. J'ai toujours « applaudi aux démarches qu'elle a faites « pour en assurer le bonheur,
et je me flatte • qu'elle rendra également justice à l'empresse-*> ment avec lequel je
répondrai toujours à « l'amitié dont elle vient de me répéter les assu-« rances qui sont d'un
très grand prix pour moi « et aux sentiments de la haute considération « avec laquelle je
suis,Monsieur mon frère, etc. » « (Applaudissements.)
«11 novembre.
« Monsieur mon frère, cousin et beau-frère, j'ai reçu la lettre que Votre Majesté a jugé à propos de me faire parvenir, en date du 25 septembre, pour me communiquer l'événement qui la concerne particulièrement dans l'état actuel de la monarchie française. Votre Majesté sera sûrement persuadée de l'intérêt sincère, autant qu'empressé, que j['ai pris et prendrai constamment a tout ce qui a rapport à sa personne. Je la prie de croire à ce sentiment inaltérable.
« Je suis, Monsieur mon frère, cousin et beau-frère, de Votre Majesté,
« Son frère, cousin et beau-frère.
« Signé : Ferdinand. »
Réponse de Charles Théodore, électeur Palatin.
« Munich, le
« Monseigneur,
« La lettre dont Votre Majesté a bien voulu m'ho-uorer pour me notifier l'acceptation qu'elle a faite de la nouvelle Constitution décrétée par la nation française, m'a été rendue en son temps par son ministre résident à ma cour. Non seulement l'invariable attachement que j'ai voué à Votre Majesté, la proximité du Palatinat à quelques-unes des provinces de son royaume, et la bonne intelligence qui a régné jusqu'ici entre les sujets respectifs, sont de sûrs garants de l'intérêt tout particulier que je prends à cet important événement, mais excitent encore en moi le vif désir qu'il puisse contribuer au parfait contentement et à la tranquillité de Votre Majesté et de toute sa royale famille, à l'affermissement de la monarcnie française, et influer bénignement sur le repos des Etats de l'Europe, tant limitrophes qu'éloignés: il ne me reste donc plus qu'à supplier Votre Majesté de continuer à rendre justice au dévouement respectueux avec lequel je suis,
« Monseigneur, de Votre Majesté, le très humble et très obligé serviteur,
« Signé : Charles Théodore, électeur. »
Réponse de Varchiduchesse, gouvernante des Pays-Bas.
« Rruxelles, le 21 novembre.
« Monsieur mon frère, beau-frère et cousin, j'ai bien reçu, en son temps, la lettre que Votre Majesté m a fait remettre par M. de La Gravière, pour m'informer du parti qu'elle a pris d'accepter et de sanctionner une nouvelle Constitution pour son royaume. Je désire bien vivement que cette résolution de Votre Majesté lui procure une satisfaction durable, et qu'elle devienne, pour Votre Majesté, pour sa maison et pour sa monarchie, une source de bonheur. Les liens du sang et les rapports du bon voisinage m'y font prendre un intérêt également vif et sincère. « Je prie Votre Majesté d'agréer les sentiments d'attachement et de considération avec lesquels je suis, Monsieur mon frère, beau-frère et cousin,
« De Votre Majesté, la très humble servante, sœur, belle-sœur et cousine,
« Signé : Marie. »
, ministre des affaires étrangères. M. le duc Albert de Saxe-Teschen, époux de madame l'archiduchesse, gouvernante des Pays-Bas, a aussi fait une réponse au roi ; mais elle est absolument conçue dans les mêmes termes. Je pense qu'il est inutile d'en faire lecture (1).
Réponse du Landgrave de Hesse-Cassel, datée de Cassely le 12 novembre 1791.
« Sire,
« La part respectueuse que je prends à tous les « événements qui intéressent Votre Majesté, égale « les sentiments de vénération et d'attachement « dont je suis pénétré par son Auguste Personne, « et c'est en vous renouvelant, Sire, l'assurance « de mon inviolable dévouement, que je sup-« plie Votre Majesté de vouloir bien daigner « agréer celle de ma plus parfaite et vive recon-« naissance de la lettre de notification dont il lui « a plu m'honorer à l'occasion de l'acceptation « de la nouvelle Constitution.
« Je fais constamment les vœux les plus ardents « pour tout ce qui peut tendre à la gloire et fé-« ficité de Votre Majesté, ainsi qu'au bonheur de « son règne? et c'est en me recommandant à la « continuation de ses bontés, que j'ai l'honneur « d'être avec un très profond respect,
« Sire, de Votre Majesté, le très humble, etc... « et cousin.
« Signé : Guillaume. »
Réponse du duc de Mecklembourg.
« Du 8 novembre.
« Sire,
« M'intéressant très sincèrement pour la prospérité de Votre Majesté, je souhaite de tout mon cœur que son acceptation de la Constitution, qui lui a été présentée au nom de la nation, porte à Votre Majesté toute la satisfaction possible, et ce sort heureux qu'elle mérite à tant de titres.
« Agréez, en attendant, Sire, mes très humbles remerciements pour la notification de cet
événement mémorable, et l'assurance de l'atta-
« Sire, de Votre Majesté, le très dévoué cousin « et très obéissant serviteur,
« Signé : Frédéric-François, duc de « Mecklembourg. »
Réponse du duc de Wurtemberg.
«« De Hohenheim, le
« Sire,
« C'est avéc une respectueuse reconnaissance « que j'ai reçu la lettre que Votre Majesté a bien «« voulu m'aaresser en date du 19 septembre de « l'année courante. Je vous supplie, Sire, d'être «« persuadé de l'intérêt que je prendrai toujours « a tout ce qui regardera la personne sacrée de «« Votre Majesté; et cela par une suite toute « naturelle des sentiments de l'attachement res-«« pectueux, avec lequel j'ai l'honneur d'être,
« Sire, de Votre Majesté, lé très humble et très « obéissant serviteur et cousin. '
« Signé : charles. »
Réponse du Margrave de Bade.
« De Calsruhe, le 3 novembre.
« Sire,
«. Votre Majesté vient de me donner derechef, « par sa lettre du 19 septembre, une nouvelle « preuve de l'attention gracieuse qu'elle a bien « voulu marquer à ma maison en toute occa-« sion.
« Elle ne doit point douter des sentiments en-« tièrement dévoués que je conserverai toujours » pour sa personne sacrée, et des vœux que je « formerai inviolablemënt pour sa haute satis-« faction.
« Agréez, Sire, cet hommage, comme celui du « dévouement très respéctueUx aVéc lequel j'ai « l'honneur d'être ,
« Sire, de Votre Majesté, le très humble, etc.
« Signé : Gharles Frédéric, Margrave de « Bade. » "
Réponse de la République de Venise.
« Les gracieuses expressions d'amitié cons-« tante et de singulière bienveillance, conte-« nues dans la très précieuse lettre de Votre « Majesté, du 25 septembre dernier, ont été ac-« cueillies par lé Sénat avec la plus grande con-« sidération et la plus vive reconnaissance. La «« République, stable dans son habitude invétérée « de regarder les prospérités de la Couronne de « France comme les siennes propres, ne cesse « de former les vœux les plus ardents pour la « plus grande gloire de Votre Majesté et le bon-» neur de son règne, et elle a de précieux mo-« tifs de se complaire dans la juste persuasion « où Votre Majesté témoigne être de la sincérité « de ces sentiments de notre part. Nous nous fe-« rons une étude constante d'en donner en toute « occasion, à Votre Majesté, les preuves les plus « signalées, et nous saisissons de bon cœur celle-« ci pour souhaiter à Votre Majesté une suite «« d'années longues et heureuses.
« Donné dans le Palais-Ducal, le 19 novembre 1791. »
Réponse de la République de Gènes.
«
Traduction.
« Nous avons reçu la lettre que Votre Majesté « a daigné nous écrire, en date du 25 septembre » dernier, et dans laquelle elle a bien Voulu nous « faire part qu'elle avait accepté l'Acte constitu-« tionnel qui lui avait été prescrit par sa na-« tion. Nous sommes très sensibles à la nouvelle « marque d'amitié et de bienveillance que Votre « Majesté vient de donner à notre République, « en l'informant de cet événement, et nous nous « faisons un devoir de lui en présenter nos res-« pectueux remerciements.
« Nous saisissons cette occasion pour assurer «« Votre Majesté que nous ne cessons de prendre un « vif intérêt à tout ce qui concerne son auguste « Personne et la prospérité de son règne. Remplis « de confiance dans les sentiments royaux que « vous avez daigné nous renouveler encore ré-« cemment, nous réitérons nos instances à Votre « May esté, pour la. conservation de nos droits ré-» sultant des traités et des rapports qui unissent « les deux nations dans Une parfaite correspon-« dance, et que nous nous ferons toujours gloire « de maintenir.
« Donné dans notre Palais-Royal, le 16 no-« vembre 1791. »:
Réponse de la République du Valais, à la lettre du roi, au 20 septembre 1791.
« 29 novembre.
« Sérénissime, etc.,
« Votre Majesté très chrétienne ayant bien « voulu nous faire part qu'elle a accepté la Cons-« titution qui lui a été présentée au nom de la «« nation française, nous avons l'honneur d'as-« surer Votre Majesté que nous prenons la part « la plus vive à tout cè qui peut contribuer à « l'honneur et à la gloire de Votre Majesté et de « la nation française, ainsi qu'à l'affermissement « des liens de l'alliance.
« Nous formons les vœux les plus ardents et « les plus sincères pour la conservation et la « prospérité de la Personne sacrée de Votre Ma-« jeste très chrétienne et de toute la famille «« royale.
« Nous avons l'honneur d'être, avec le respect «« le plus parfait, de Votre Majesté très chrétienne, « les très, etc... »
, ministre des affaires étrangères. Je passe maintenant à Vaffaire des soldats du régiment
de Châteauvieux (1), détenus aux galères de Brest. En conséquence d'un décret de l'Assemblée
nationale constituante du 15 septembre 1791, le roi a fait faire les démarches convenables
pour que ces soldats fussent compris dans l'amnistie. Le roi n'a point encore reçu de
réponse ; mais il paraît qu'un des principaux cantons s'est déjà explique sur cet ODjet. Je
ne crois pas pouvoir mieux faire que de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale un
extrait de la lettre que le chargé d'affaires en Suisse m'a
« Le directoire de Zurich vient dé faire circu-« 1er en celui-ci la lettre ci-jqinte, qui ren-« ferme l'opinion négative d'un des premiers « cantons, sur le décret sanctionné par le roi qui « a pour objet d'engager le corps hélvétique à « étendre l'amnistie générale aux soldats suisses « coupables de quelques délits relatifs à la Révo-« lution. Cette opinion a été adoptée par le direc-« toire de Zurich et il faut s'attendre incessam-« ment qu'elle le sera par la majorité, des cantons « avant la fin du mois. »
Il paraît que le: directoire de Zurich n'a pas nommé le canton dont il a reçu la lettre; la voici, elle est du 26 novembre 1791 :
« Nous avons reçu avec votre lettre celle de « M. Bocquen adressée au louable corps helvéti-« que, qui renferme la demande que l'amnistie gé-« nérale qui a été proclamée en France puisse « aussi s'étendre aux soldats des régiments suisses « qui, depuis la Révolution, ont été condamnés « aux galèrds en vertu des lois militaires des « Suisses pour des faits relatifs à la Révdlu-« tion. Nous aVons examiné cette lettre avéc le « plus grand soin et atténtion. Quelque disposés « que nous soyons à donner à Sa Majesté très « chétienne toutes les preuves possibles de notre « dévouement confédéral et de .notre empresse-« ment illimité à lui plaire, cependant par les « considérations importantes que les délits dont « les soldats du régiment de Châteauvieux au « service royal de France, se sont rendus cou-« pablès, ont porté une atteinte sensible à l'hon-« neur militaire, à la fidélité avéc laquelle le sol-« dat suisse s'est toujours distingué par son atta-« chement envers son officier, de même qu'à la « réputation nationale qui lui est intimement liée; « que ces désordres n'ont proprement point rap-« port à la révolution de France, mais qu'ils sont « une rébellion honteuse des soldats suisses en-« envers leurs capitâinespour leur extorquer hon-« teusement et violemment de l'argent ; qu'ils ont « été condamnés en vertu de la justice militaire « suisse aux peines encourues, les uns à perdre « la vie, les autres, aux galères ; que le maintien a intact de'nîotre discipline militaire privilégiée, « importe autant aux autres cantons qu'au corps « des officiers suisses au service de France, exem-« pie absolument nécessaire eu égard, tant aux « circonstances du temps actuel, qu'au maintien de « la discipline militaire, pour prévenir à l'ave-« nir des effets aussi scandàleux : que ce but « salutaire serait enfin manqué si on se laissait « aller à faire grâce et qu'il pourrait en résulter « les fautes les plus sérieuses pour la tranquillité « intérieure des Etats du roi, Ceci nous a fait « naître les réflexions les plus sérieuses contre la « demande qui est relative à cette affaire.
« Incités par vous, nous nous trouvons obligés « de vous communiquer en réponse ces réflexions « bien intentionnées, en vous priant convena-« blement de vouloir bien en faire part à tous « les autres Etats qui prendront tous le même in-« térêt à cette affaire, tant par rapport à son im-« portance qu'au maintien des privilèges com-« muhs dont nous attendrons volontiers l'opinion « pleine de sagesse, de même que la vôtre ; et « nous ne trouverons àucune difficulté de consen-« tir à tout ce qui sera trouvé conforme à la con-
« sidération de l'honneur militaire et, au : repos « intérieur de la Suisse.
« Nous croyons seulement devoir déclarer pro-« visoirement que quant à nous, dans le cas où « on consentirait à faire grâce, nous ne consen-« tirons jamais à ce que ces mutins puissent « rentrer dans leurs compagnies, ni dans notre « canton ; et que s'il y paraissaient , on leur « instruirait, sans autre forme, ieur procès. »
Voici la lettre circulaire de Zurich, en date du 7 novembre, aux autres Etats de la Suisse :
« En communiquant cette lettre aux autres Etats, « comme nous croyons aussi de notre côté que « les réflexions bien intentionnées dont le louable « canton de.....nous a fait l'ouverture, .méritent« l'attention et l'approbation des autres louables « Etats ; nous ne voulons pas différer de vous « en faire part confédéralement, et de vous de-« mander votre opinion à ce sujet aussi promp-« tement que vous le jugerez à propos. »
Il paraît nécessaire d'attendre la réponse positive que doit faire incessamment le directoire de Zurich' ; et comme, à cette époque, l'ambassadeur queJ le roi envoie près le corps hèlyé-tique sera rendu à sa destination, le roi le chargera de reprendre cette affaire, et de la suivre de manière à remplir, autant qu'il sera possible, les intentions de Sa Majesté.
L'Assemblée nationale sentira que, dans les circonstances présentes, U ne serait peut-être pas prudent d agir avec précipitation, et qu'il faut tout attendre de la sagesse du corps helvétique et du désir qu'a sûrement cet essentiel et fidèle allié de satisfaire la nation et le roi.
, ministre des affaires étrangères. A la nouvelle que la cour d'Espagne a eue des troubles arrivés à Saint-Domingue, elle a cru devoir donner des ordres à son gouverneur. Je vais vous lire un extrait de la dépêché de M. de Florida-Blanca, qui m'a été communiquée par M. le chevalier de Villiarté...
Plusieurs membres (avec violence). Point de chevalier !
, ministre des affaires étrangères... chargé des affaires d'Espagne en France. Cette dépêche, datée du 3 décembre est ainsi conçue :
« J'ai reçu l'ordre de Sa Majesté, Monsieur, de « vous communiquer les ordres qui ont été « donnés, par une circulaire, aux chefs et gou-« verneurs de ses domaines en Amérique, afin « de vous mettre en état de donner connaissance « au ministère, des ordres et des arrangements « pris par Sa Majesté, dans lesquels on ne peut « pas s empêcher de reconnaître sa prudence et « son humanité.
« Ces ordres portent qu'ayant appris par les « nouvelles qui sont arrivées les commotions « des îles et établissements français, ainsi que « l'insurrection des nègres du Cap et dépen-« dances, lesdits gouverneurs doivent avoir pour « règle constante, dans leur conduite, de ne pas « se mêler de soutenir un parti plutôt qu'un au-« tre, et d'observer sur ce point la plus parfaite « neutralité ; mais que si parmi ces désordres « il se formait des corps de malfaitéurs ou de « pirates sur les mers ou de noirs contre les « blancs pour détruire ceux-ci, ou pour com-« mettre des atrocités et des vols, ils tâchent « d'agir conformément aux règles ae l'humanité « envers ceux qui seraient persécutés, leur don-« nant, autant qu'il sera possible, de vivres, des « armes et des munitions, et de se présenter en « leur faveur avec les forces maritimes et ter-
« restres qu'on pourra se procurer, employant « une attention particulière à ce que la conta-« gion de la révolte ne se communique pas aux « possessions espagnoles.
« A cette fin, le gouverneur de Saint-Do-« mingue établira un cordon de troupes sur la « frontière.
« Signé : Le comte de Florida-Blanca. »
Indépendamment de cette communication, le ministère espagnol ayant été informé que l'on prenait ombrage en France de l'envoi d'un ministre espagnol près des cantons helvétiques, a autorisé le chargé d'affaires d'expliquer confidentiellement le motif et l'objet de cette mission. La personne à qui elle a été confiée est désignée depuis 5 ans. Ce n'est que pour accomplir la promesse qui lui a été faite qu'on l'a autorisé à se rendre a sa destination. Le principal objet de son instruction est de maintenir les recrutements que l'Espagne fait en Suisse.
, ministre des affaires étrangères.. Maintenant, j'ai à faire part a l'Assemblée d'autres dépêches plus importantes. Il s'agit de la lettre que l'empereur a écrite au roi, au sujet des princes possessionnés qui réclament des indemnités, ou qui réclament pour mieux dire le rétablissement de leurs droits en Alsace et en Lorraine.
L'empereur avait déféré au roi, au mois de janvier dernier, les plaintes portées à la diète générale de l'empire, au sujet de l'abolition au régime féodal, dans les terres que plusieurs princes allemands possédaient dans les ci-devant provinces d'Alsace et de Lorraine.
Sa Majesté, dans sa réponse, a justifié les décrets de l'Assemblée nationale, décliné l'intervention du Corps germanique et renouvelé l'offre d'unejuste indemnité pour les parties intéressées. Cette réponse a été soumise aux délibérations de la diète de Ratisbonne ; et le « conclusum » pris par cette assemblée, portait en substançe que les choses, tant au temporel qu'au spirituel, devaient être remises dans leur ancien état, conformément aux traités et aux conventions.
Il est à observer que l'Assemblée nationale avait aboli toute juridiction métropolitaine et diocésaine exercée par des prélats étrangers. Ce décret a frappé sur les archevêques de Mayence et de Trêves et sur les évêques deSpire et de Bâle.
La lettre que l'empereur vient d'adresser au roi est conséquente au « conclusum » qui vient d'être cité. Indépendamment de cette lettre qui est datée du 3 décembre et dont je vais donner lecture à l'Assemblée nationale, il y a une lettre, circulaire aux cercles relativement à l'empereur confirmative du « conclusum » de la diète, ie demande à l'Assemblée la permission que M. le ministre de la marine en fasse lecture parce que je suis un peu fatigué.
M .Bertrand,ministre delamarine, lisant: «Léo-« pold II, empereur et roi des Romains, etc.
« Conformément à nos lois constitutionnelles, « nous n'avons pas manqué de commuuniquer « aux électeurs, princes et Etats de l'Empire « d'une part, les plaintes des vassaux de notre « Empire, que, d'après le vœu de notre collège « électoral, nous avons porté amicalement à « votre connaissance le 14 décembre dernier, et « de l'autre part la réponse que Votre Majesté y « a faite. Plus nous nous étions appliqué a « prendre en considération ce qui était relatif à « .cet égard, et plus nous devons regretter que « cette réponse ae Votre Majesté n'ait pas rempli
notre juste attente. En effet, outre qu'elle était rédigée dans un idiôme qui n'est pas usité dans les affaires qui surviennent entre l'Empire et votre royaume, nous avons aussi remarqué que l'on y mettait s'il pouvait être permis aux vassaux de l'Empire d'implorer une intervention auprès de la diète à l'effet de leur assurer, vis-à-vis de votre Couronne, la continuation de cette même protection de l'empereur et de l'Empire qui avait protégé leurs intérêts lors des pacifications publiques.
« A en juger par le contenu de sa réponse, Votre Majesté, supposait sans doute que les possessions de nos vassaux sur lesquelles il y a contestation, ont été soumises à la suprématie de votre Couronne ; de manière qu'il lui est libre d'en disposer selon que l'utilité publique semble le désirer, pourvu qu'il soit accordé une juste indemnité aux lésés. Mais pour peu que Votre Majesté veuille bien examiner plus attentivement les pacifications publiques dont il s'agit,, ainsi que tous les autres traités qui ont été conclus entre l'Empire et la France depuis 1648, il n'échappera sûrement point à sa perspicacité que cette supposition ne saurait avoir lieu.
« L'on y voit en effet, très clairement, d'une part, quelles sont les terres qui, jusqu'à présent, ont été transportées sous la suprématie de votre Couronne, en vertu du consentement des i empereurset des ordres de l'Empire, et de l'autre : part que les possessions de nos vassaux, situées en Alsace, en Lorraine et ailleurs, qui n'ont pas été transportées à votre couronne par l'effet d un : pareil consentement doivent demeurer dans leurs anciens rapports avec notre Empire et ne i peuvent, par conséquent, être soumises à au-i cune des lois de votre royaume. Mais à l'égard même des districts, dont la cession est le plus : expressément stipulée dans les traités, la i France ne peut ignorer que ces traités ont mis i l'exercice de votre suprématie, à l'égard des vassaux de l'Empire, différentes restrictions i soit au spirituel, soit au civil, lorsqu'elles ne peuvent en aucune façon être renversées arbi-: trai rement par l'effet de nouveaux décrets de votre nation.
« Nous avons donc toute raison de nous plain- dre des dérogations qu'à partir du commencement du mois d'août 1789, on a fait souffrir auxdits traités, et des lésions qui s'en sont : suivies au préjudice de nos droits, de ceux de l'Empire et de nos vassaux. Et nous recon-t naissons, en conséquence, que nous sommes obligé, non seulement d'interposer en leur faveur la protestation la plus solennelle, tant en notre nom qu'en celui de l'Empire, mais I aussi à porter aux lésés tous les secours que la i dignité de la couronne impériale et le main-i tien de la Constitution actuelle de l'Empire i exigent.
« Telle est la résolution dont nous sommes i convenus avec les Etats de notre Empire, et nous nous empresserions de l'exécuter de la i manière la plus efficace, si les sentiments de justice et d'équité de Votre Majesté, qui nous sont parfaitement connus, ne nous laissaient r pas l'espoir d'obtenir par une négociation « amiable, en faveur des vassaux de notre Em-> pire, une réintégration plénière et conforme t aux dispositions de ces traités.
« La prudence de Votre Majesté apercevra fa-« cilement les atteintes que porterait au titre en « vertu duquel différentes contrées de l'Alsace
« et de la Lorraine lui ont été successivement « transportées, la violation des promesses synal-« lagmatiques faites réciproquement à notre Em-« pire par votre Couronne, et garanties par cette « dernière elle-même. Elle découvrira facilement « les suites incalculables que produirait, tant en « Europe que dans les autres parties du monde « où il existe des nations qui ont traité avec la « vôtre, une preuve aussi manifeste que la « France, sans avoir aucun égard à la sainteté « des promesse publiques, se croit permis de les « violer dès que son propre intérêt le lui fait ju-« ger convenable.
« Le désir que vous avez de faire observer la « justice entre les nations et de maintenir les « rapports de bonne amitié qui subsistent entre « votre royaume et notre Empire, l'emportera « sans doute sur cette prétendue dignité qui ne « pourrait être obtenue qu'au détriment des trai-« tés et ne nous permet point de dissimuler que « les instances que nous vous renouvelons au-« jourd'hui, tant en notre nom qu'en celui de « l'Empire, ont pour objet que Votre Majesté « effectue la cessation de toutes les innovations « qui ont été entreprises depuis le commence-« ment du mois d'août 1789, en tant qu'elles tou-« chent les Etats et vassaux de notre Empire, « qu'elle opère le rétablissement de ces derniers « dans la jouissance de tous les revenus qui leur « ont été enlevés, et enfin qu'il en résulte le « retour de toutes choses sur le pied que les « traités ont déterminés.
« Nous prions Votre Majesté de nous faire sa-« voir si telle est son intention efficace. Plus sa « réponse sera prompte et conforme aux usages « reçus, et moins nous aurons de doute sur la « sincérité de son désir et de celui de sa nation « à cultiver avec l'Empire les rapports de paix « et de bonne amitié. Nous lui souhaitons tout « ce qui peut contribuer à son bonheur. »
« Donné à Vienne, le 3 décembre 1791.
Décret de commission et de ratification, daté du 10 décembre, et porté à la dictature par le directoire de Mayence, le 12 dudit mois 1791.
« Nous Charles Anselme, commissaire prin-« cipal, etc...
« Donnons à connaître aux conseillers et « ministres assemblés en diète que Sa Majesté « Impériale a appris avec satisfaction, par 1 avis « de l'Empire au 6 août, que la diète a mûre-« ment délibéré sur les griefs des Etats, et leurs « ayants-cause, lésés par les décrets de l'Assem-« blée nationale, lesquels griefs ont été portés à « la diète par un décret de commission du « 26 avril ; que, de plus, la diète a témoigné sa « reconnaissance de la lettre du 14 décembre 1790, « adressée préalablement par Sa Majesté impé-« riale à Sa Majesté très chrétienne, aux ins-« tances du collège électoral, pour la satisfaction « des parties intéressées ; et faisant preuve de ses « soins paternels, en fixant surtout, quant aux « mesures à prendre à l'avenir, son attention « sur les traites subsistants entre l'Empire et la « France, qu'on aurait pu à la vérité s'attendre, « vu l'instabilité des choses en France, qu'on « prendrait de soi-même quelques mesures plus « justes pour ne plus donner lieu à l'Allemagne « de se plaindre de l'infraction des traités ; mais « la Constitution française ayant été sanctionnée « le 14 septembre, sans l'exception demandée, « et par là les innovations dans l'Alsace et la « Lorraine, au préjudice des Etats, étant toujours « subsistantes, Sa Majesté impériale a enfin jugé « qu'il fallait procéder aux mesures proposées
par la diète; à cet effet, elle a formé dans une affaire aussi importante pour l'Empire germanique, le décret consultatif qui suit : « Art. Ie*. On adhérera fermement aux traités subsistants entre l'Empire et la France; en conséquence, l'empereur et l'Empire n'auront aucun égard aux soumissions des Etats respectifs et de leurs ayants-cause qui seront censés non préjudiciables à l'empereur et à l'Empire, non obligatoires et non-avenus. « Art. 2. L'exécution illimitée des décrets de l'Assemblée nationale qui a eu lieu depuis le mois d'août 1789, et leur extension aux Etats, sont des usurpations arbitraires, des infractions, des violations enfin de la supériorité tdï-ritoriale de l'empereur et de l'Empire et de leur suzeraineté. C'est pourquoi les entreprises faites par l'Assemblée nationale sur les Etats de l'Alsace et de] la Lorraine, de leurs ayants-cause au détriment de leur territoire, droits, revenus, soit temporels, soit spirituels, de leur possessoire en un mot, doivent être regardées comme contraires aux traités et comme étant de nature à exiger non seulement une réservation formelle des droits de l'empereur et de l'Empire, mais encore conformément aux liens généraux entre tous les Etats de secours constitutionnels pour le bien des parties intéressées. « Art. 3. Sa Majesté Impériale a vu avec peine que la réponsé de Sa Majesté très chrétienne, quant à la forme, se soit éloignée de l'observance reconnue; qu'elle n'était pas conçue dans Tidiôme d'ailleurs conservé dans les actes publics entre les deux Empires ; qu'enfin elle n'ait nullement répondu à l'attente générale ; touchant son contenu essentiel, surtout à l'é- gard des rapports de l'Empire avec les Etats i lésés ; comme cependant on espère de l'amour i personnel pour la justice et des lumières de i Sa Majesté très chrétienne, que sur des remon-: trances réitérées de Sa Majesté Impériale et de i l'Empire, elle voudra bien se prêter amiable-i ment au redressement des griefs et à l'indem-; nitérdes Etats privés jusqu'ici de leurs revenus, [ à leur réhabilitation conformément aux traités.
« Sa Majesté Impériale a encore adressé une : nouvelle lettre au roi, son frère et beau-frère, où elle a fait sentir surtout combien c'est une supposition erronée de prétendre les possessions en litige, tellement soumises à la supériorité territoriale de la France, que, sauf à dédommager les intéressés, elle puisse en disposer librement, toutes les fois qu'elle le jugera convenable à ses intérêts, Sa Majesté Impériale a insisté au contraire à ce que telles possessions qui n'ont pas été cédées du consentement de l'empereur et de l'Empire, restent dans leurs rapports antérieurs à l'un et à l'autre, et que quant aux possessions cédées il faut remplir les engagements stipulés. Or, la France étant contrevenue à ces deux principes, Sa Majesté Impériale, tant en son nom qu'en celui de l'Empire, proteste solennellement contre toutes mesures à ce contraires qui peuvent avoir été prises depuis le mois d'août 1789. « On se serait déjà empressé de secourir le plus efficacement les Etats, conformément à la dignité dé la Couronne impériale, ou bien de l'Empire et à sa Constitution, si la justice connue de Sa Majesté très chrétienne ne faisait espérer que toutes choses seront encore : rétablies aimablement dans l'état où elles i doivent être, en vertu des traités et des con-[ ventions.
« Sa Majesté très chrétienne est avertie en « mêiiiè temps,'dans la même lettre de réfléchir T 'prudemment sur les1 con'séquencès dont, elle « serait menacée à l'égard ,de ses propres titres « sUi* l'Alsace et la Lorraiïiè,, si lés conditions! « saintement promises lors de la prise de posses-« sion de ces proyinç'és et maintenues sur la « garantie de là Françeellè-même; ne sont plus « respectées, et si. toutçs les natiçns de l'Europe « et ail monde avec lesquelles la France ait ja-« m^is transigé, sont à se convaincre quç cette « mbnàrchie ne ', respecte plus ses transactions « toutes les fois queuntérét jlu moment lui fait « désirer un changement.
« Sa Majesté Impériale ajoute qu'elle espère que « cette seconde lettre aura l'enet que toute» les « innovations,faites depuis le mois d août 1789, se-« ront redressées, què les Etats seront indemnisés, « et qii'en général tout sera rétabli dans l'état con-« forme aux conventions èt aux traités, Sa Ma-« jèsté Impériale finit par la réflexion que plus « elle sera instruite à temps par une lettre conçue « dans là formé accoutumée des sentiments « justes et efficaces du roi à cet égard, moins « ellè aura lieu de douter du désir sincère de Sa « Majesté très chrétienne et de sa nation, de cul-« tiver la paix avec l'empereur ét l'Empire.
« Sa Majesté Impériale fera communiquer de « temps en temps a la diète, les suites de sa dé-« marche, afin qu'elle puisse procéder à des dé-« libérations plus précises et passer un nouveau « décret.
« Sa Majesté Impériale n'a pu voir au reste, « qu'avec la plus grande indignation, qu'on « prend à tâche de semer plusieurs écrits tant « étrangers qu'allemands, ^t des principes ten-« dant uniquement à inspirer aux sujets l'ésprit « de désobéissance et de révolte contre les ma-« gistrats.....
Plusieurs membres ; Ah! ah!
, ministre de la marine, continuant la lecture... « L'empereur a la confiance que « les sujets, de l'Empire ne; se'laisseront pas « ébranler par de pareilles insinuations, dans leur « loyauté germanique et obéissance due aux ma-« gistrats; que bien moins encore ils se laisseront « induire à des mutineries si notoirementdestruc-« tives de la chose publique et sévèrement punis-« sables, et si pernicieuses pour tous les indivi-« dus ; afin cependant d'éviter avec plus de sûreté, « que des gens faciles à égarer ne soient entrai-« nés par de faux raisonnements, à la; haine de « ees magistrats ou de qui que ce soit, ou même « contre toute attente, à des troubles publics : afin « de prévenir encore plus efficacement le mal dans « le cas d'une émeute réelle, Sa Majesté impériale « se rappelant les promesses faites par l'article 15 « suivant de la capitulation impériale n'a pas « manqué, en père et chef de l'Empire, d'adresser « à tous les cercles le monitoire proposé par les « électeurs, princes et Etats dont copie est sous « le n° 2, et de les sommer de contribuer tous et « un chacun à la suppression des écrits et prin-« cipes séditieux, et à l'établissement d'un acte « constitutionnel, d'attaque et de défense pour le « maintien de la sûreté et de la tranquillité pu-« blique. Et sur ce, Son Altesse, etc... »
Un membre : Eh bien! qu'est-ce que tout cela nous fait? Gela ne nous regarde pas.
, ministre de la marine. Circulaire aux princes convoquant des cercles respectifs :
« Votre diléction n'ignore plu§ que les élec-« teurs, princes et Etats de l'Empire nous ont
dûment requis le 6 août de l'année courante qu'il nous plût de faire prendre à tous lester? cles de l'Empiré lps mesurés les plus convenables pour prévenir d'une nj,apièfe uniforme, et , par des démarches réciproques, le débit des écrits ét" principes séditieux, sans d'ailleurs déroger aux droits de police inhérents à la sou-, veraineté, et pour maipténir dans l'Empire l'obéissance,jl'orare, là tranquillité et la sûreté publique, en rétablissant de concert et partout l'état constitutionnel d'attaque et de défense.
« Comme, dès le commencèmentde 'nôtre règne, nous nous sommes proposé pour but de contribuer l.e plus, efficacement au maintien de la tranquillité dans l'Empire, d'accorder cbnstitu-tionnellement à tous et à chacun notre protection, Impériale, èt celle de l'Empire contre toute violence; comme d'ailleurs ce nut ne peut être atteint qu'en empêchaiit le débit des écrits séditieux, ce qui sans cèla est enjoint à tous les magistrats par les lois de l'Empire, notamment par les rescrits de 1570, et de roraonnance de la police de l'Empire ; si, de plus, pour le maintien de la paix publique et la défense commune de l'Empire on ne met à exécution ce qui est prescrit par le reécrit de Spire de 1526, paragraphe 9, et celui d'Augsbourg de 15^0? paragraphe 70, par l'ordonnance d'exécution de 1555 et,traites de Wesphalié... Si enfin conformément à ces lois, tous électeurs, princes et Etats ne pourvoient tellement à la chose publique que dans les premiers mouvements d'une invasion subite, il puisse s'en garantir lui et ' les siens, assister promptemeni ses voisins, et attendre leur assistance à son tour.
« Nous requérons Votre diléction de mettre ce que dessus, sous les yeux des JEtats du cercle et de les exhorter^ à ce qu'ils empêchent, au moyen de surveillance réciproque, la circulation de tous les écrits et principes favorisant les insurrections, particulièrement de ceux qui tendent au bouleversement de la Constitution actuelle et à la perturbation de la tranquillité publique, par une inspection vigilante et la poursuite des instigateurs, auteurs, etc... par des punitions exemplaires et la confiscation ; desdits écrits ; de plus à ce qu'ils veillent avec soin que les désordres ou les émeutes ne puissent naître huilé part dans l'Empire ; que chacun soit contenu dans l'obéissance et porté à i se soumettre en tout aux décisions d'une jus-i tice exacte ; qu'enfin, dans le cas d'une insur-i rection ou émeute, tous les Etats de l'Empire, i selon que l'exige le maintien de la paix pu-oblique accourent à main armée, et qu'en se i chargeant de protéger tous les fidèles sujets ■ de l'Empire et dé leur conserver leurs propriétés intactes, ils maintiennent la sûreté, l'ordre et i tranquillité de l'Empire.
« Pour que le maintien de l'ordre dans l'Empire soit efficace et qu'on y concoure avec d'autant plus d'accord, nous nous attendons que, Votre diléction et tous les Etats du cercle « effectueront avec patriotisme les mesures sus- dites ; qu'ils seront zélés à rétablir par tout » l'Empire fëtat constitutionnel et commun d'at-« tàque et de défense, et qu'à cet effet, ils vou-« (Iront s'entendre confidemment avec les autres t cercles.
« En attendant, nous espérons et nous confions « à Votre diléction que, comme Etat d'Empire et « comme prince convoquant du cercle, elle con-t courra avec empressement à un but si géné-t ralement utile, et qu'elle nous fera part au plus
« tôt de la manière dont on y aura procédé. »
, ministre des affaires étrangères. Ces différentes pièces ont paru au roi mériter la plus sérieuse attention, et il s'en occupe en effet avec l'attention qu'elles exigent. Le roi m'ayant ordonné de m'occuper d'une manière très suivie de ce qui concerne les réclamations des princes prossessionnés en Alsace, jé vais rendre compte a l'Assemblée nationale aie l'état où se trouve cette affaire.
Il y avait, avant la fin de l'Assemblée constituante, des articles convenus avec le prince de Lœwenstein ; l'Assemblée constituante en avait eu connaissance; elle n'a pas pu à cause de ses travaux s'en occuper ; je les mettrai, au premier moment, sous les yeux de l'Assemblée nationale, parce qu'ils sont susceptibles d'exécution. Il importe sans doute de donner suite des mesures 3ui conduiraient à terminer cet objet; indépeû-amment de cette affaire-là, le prince de Honen-lobe est également disposé à traiter pouf1 ce qui le concerne; et il paraît que les arrangements convenus avec le prince de Lœwenstein lui conviendront également; le prince de Salm a manifesté des intentions pareilles ; enfin, le prince Salm-Salm paraît aussi disposé à traiter, de manière que dès qu'un traité aura été mis à exécution, il y en aura plusieurs autres qui pourront suivre immédiatement.
Mais ce qui est plus important, c'est que des négociations entamées, avec M. le prince de Wurtémberg sur des droits assez considérables, sont encore en pleine activité, et on sera bientôt en état d'en mettre le résultat sous les yeux de l'Assemblée nationale. Pourtant il est à observer que M. le duc de Wurtem.bejg a demandé, conformément au décret du 23 juin dernier, le remboursement des revenus non perçus depuis le 4 août 1789, époque de la suppression du régime féodal. La même demande avait été faite Sar M. le duc des Deux-Ponts, et par M. le prince aximilien, son frère, et ces deux princes l'avaient présentée comme un préliminaire à la négociation; sur le fond de, leur réclamation, mon prédécesseur, pour satisfaire ces deux princes, ainsi que M. Je duc de Wurtemberg, avait, demandé qu'il fût mis à sa disposition la somme d'un million dont il rendrait compte ; mais cette demande n'ayant pas été soumise à l'Assemblée (c'était au comité diplomatique que M. de Montinorin en avait fait connaître la nécessité), la négociation n'a pu être suiviç- il paraîtrait nécessaire de revenir à cette mesure, parce qu'en effet, ces princes insistent sur, cette justice préalable avant d'entrer en négociation définitive sur le fond de leur prétention; mais relativement à M. le duc de Wurtemberg, l'affaire est extrêmement avancée.
En conséquence. des intentions prononcées dans le discours du roi. Sa Majesté a chargé le nouveau ministre qu'elle envoie à Trêves, de renouveler à l'électeur la demande qui lui avait été faite, pour la dispersion des rassemblements formés dans ses Etats, et de déclarèr à ce prince que, si au 15 de janvier prochain, cet objet n'était pas rempli, sa conduite serait regardée comme hostile. J-,e ministre est èn chemin, le roi a en même temps réclamé de nouveau et dè la manière la plus pressante, l'intervention de l'Empire auprès de l'électeur, et lé roi a exposé à Sa Majesté Impériale les conséquences qu'Un nouveau refus de la part de l'empereur pourrait entraîner. Sa Majesté a envoyé dans la même vue,
M. de Ségur à la cour de Berlin, et elle a chargé ses ministres, auprès des principales cours d'Allemagne, de faire connaître à ces cours ses motifs.
Dans les choix que Sa Majesté vient de faire elle s'est attachée à donner sa confiance à des personnes dont elle connaissait les sentiments et les principes et elle ne doute pas qu'elles ne répondent à ses intentions, par leur zèle pour les intérêts de la nation et pour le maintien de la dignité du peuple français.
Je dois dire à cette occasion que le ministre de Liège m'a adressé une lettre relative aux préparatifs qu'on croyait exister à, Liège. \oici sa lettre :
« Son Altesse le prince-évêqué de Liège vient de me charger de démentir formellement le bruit qu'on se plaît à répandre dans quelques feuilles (ceci est avec dés guillemets ;) « que son Altesse « aurait prétendument prêté la citadelle ou le « couvent des capucins aux émigrés français, « pour leur servir de demeure ou de lieu de ras-« semblement. »
« Pour remplir cet ordre, monsieur, je crois ne pouvoir mieux m'adresser qu'à vous, en vous priant de donner toute la publicité convenable à cette lettre, par laquelle j ai ordre de vous assurer* par ordre même de Son Altesse qu'elle ne reçoit les Français dans ses Etats que comme des voyageurs et des étrangers, qui s'arrêtent où ils trouvent leur convenance.
« J'ose espérer, monsieur, que vous voudrez bien en rendre compte au roi et au gouvernement.-»
J'en ai» en .effet, rendu compte au roi, mais il n'a pa,s, trouvé que. cette lettre fût encore parfaitement suffisante; Sa Majesté avait déjà donné des ordres au chargé d'affaires de Liège, pour demander qu'aucun rassemblement ne se fît, qu'aucun secours ne fût fourni ; elle veillera à fexécutiori de ces ordres, et elle y apportera toute la suite nécessaire.
Maintenant» Messieurs, l'état actuel des affaires politiques me paraît exiger que j''observe à l'Assemblée nationale que le fonds décrété par l'Assemblée constituante pour le département aes affaires étrangères, est divisé en deux parts, l'une, affectée aux dépenses ostensibles, et l'autre, aux dépenses secrètes.
Je ne dois pas laisser ignorer à l'Assemblée nationale que la somme décrétée pour ces dernières dépenses suffit à peine aux objets auxquels elle est destinée; je ne peux d'après cela que laisser à la sagesse de l'Assemblée nationale à examiner siles circonstances présentes ne sont point de nature à exiger une addition de fonds pour cet objet.
Il est bien certain que les prétentions de Léopold ne sont qu'une véritable querelle d'Allemand...
Plusieurs membres : Bah! bah!
sans doute pour cimenter le pacte de famille qu'ont dû faire tous les rois et princes.
Plusieurs membres : Allons donc, allons donc 1 le renvoi au comité !
Je demande que l'Assemblée nationale déclare formellement qu'elle improuve ceux de ses membres qui ne parlent point des puissances étrangères avec les égards qui leur sont dus, et que la dignité de notre caractère exige. Ces propos n'atteignent point les puissances contre lesquelles on se per-
met des épigrammes, et ne peuvent que donner à nos commettants une idée très désavantageuse du ton de nos discussions.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Denaussy-Robecourt.)
jeune. Je demande l'impression des actes de l'empereur au roi des Français.
Plusieurs membres : Non! non! le renvoi des pièces au comité diplomatique !
(L'Assemblée renvoie tous les objets présentés par le ministre des affaires étrangères au comité diplomatique.)
Un membre : Je demande que le comité de l'extraordinaire des finances soit adjoint au comité diplomatique, en ce qui touche la demande de fonds pour la dépense du département des affaires étrangères. (Appuyé! appuyé!)
(L'Assemblée décrète cette motion.)
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
La séance est ouverte à 6 heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du sieur Mandra qui demande à être admis à la barre.
(L'Assemblée décrète que le sieur Mandra sera admis à la séance de demain.)
demande un congé de huit jours qui lui est accordé.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une pétition du sieur Mortier, procureur général syndic du département de la Sarthe, dans laquelle il combat les motifs qui ont déterminé le directoire du département de Paris à demander au roi d'apposer son veto sur le décret relatif aux prêtres non assermentés.
Voix diverses : Mention honorable au procès-verbal 1 — L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Voici un procès-verbal de la municipalité de Sainte-Menehould, par lequel cette ville réclame 500 fusils et une pièce ae canon qui lui ont été accordés pour ses gardes nationales, par un décret de l'Assemblée constituante du 18 août dernier, en reconnaissance de la conduite qu'elle avait tenue à l'époque du 21 juin. Je demande que le ministre rende compte de l'emploi de ces armes.
Un membre : La pareille récompense avait été accordée par le même décret à la municipalité de Glermont, qui n'a encore rien reçu.
Plusieurs membres : Le renvoi au pouvoir exécutif.
Un membre : Je demande que le ministre de l'intérieur soit tenu de rendre compte, dans trois jours, des causes du retard qu'il a apporté à l'exécution de cet ancien décret.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
, ancien député de Metz à l'Assemblée constituante, est introduit à la barre, en vertu d'un décret rendu ce matin, et présente une adresse dont l'objet est de repousser les calom-
nies répandues dans le public contre le civisme des habitants de cette importante forteresse; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, au moment où les Français secouant le joug honteux du despotisme, ont fondé la liberté sur les bases inébranlables de la raison et de l'intérêt général, une grande conspiration s'est formée contre cette Constitution universelle plutôt que nationale, dont les racines implantées dans le sol heureux de la France, couvriront bientôt de leurs ramifications l'univers entier. Les satellites du despotisme, les égoïstes, les mécontents de toute espèce, les despotes surtout se sont ligués contre la nation restauratrice des droits imprescriptibles de l'homme. Non contents de rassembler des armées au delà des frontières, ils ont allumé dans l'intérieur les torches du fanatisme ; ils ont essayé de corrompre une partie des autorités constituées ; ils ont tenté de diviser les amis de la Constitution ; ils s'épuisent journellement en efforts pour avilir le Corps législatif, et pour accroître le crédit du pouvoir exécutif, de l'influence qu'ils tâchent d'ôter aux délégués des Français, ennemis du roi, autant que du peuple, ils veulent administrer au nom du monarque et exercer la souveraineté au nom de la nation. Leurs cohortes d'outre-Rhin sont moins nombreuses et moins dangereuses sans doute que celles qu'ils entretiennent dans l'intérieur du royaume; mais, Messieurs, dévoiler leurs odieuses trames, c'est en rendre l'exécution impossible; nommer les conspirateurs, ce serait les vouer à l'infamie et à la mort. L'instant n'en est pas encore venu, ét nous espérons qu'ils craindront de le hâter.
« Nous avons reposé notre confiance sur votre sagesse, si les obstacles presque insurmontables que les contre-révolutionnaires opposent tous les jours à votre patriotisme, vous ont quelquefois empêché de vous élancer et de vous maintenir invariablement dans la carrière, nous savons vous tenir compte de vos efforts ; nous vous pressons de notre amour, et nous saurons vous environner de l'inébranlable rempart de l'opinion publique. (.Applaudissements.)
Les sages mesures que vous aviez prises contre les lâches déserteurs de la bannière nationale
nom d'un Dieu de paix, ces lois vigoureuses etjustes vous ont vengés de vos ennemis ; et Louis XVI, à qui de nouvelles protestations de civisme, faites au milieu de vous, concilieront notre estime, dès qu'il les aura réalisées, eût mieux mérité de la patrie, en confirmant par sa sanction des décrets appelés parle vœu unanime de tous les bons citoyens.
Législateurs, si vous n'avez pas été à l'abri des traits de la calomnie, comment
aurions-nous pu nous en garantir? Les ennemis de la Révolution ont cherché à flétrir notre
civisme ; ils ont répandu que les coupables frères du monarque et l'infâme Bouillé avaient su
ménager des intelligences dans nos murs, et que la ville de Metz deviendrait leur place
d'armes. Législateurs, la ville de Metz, jadis république, a connu la liberté avant vous ;
elle a reçu des fers avec vous, elle les a brisés comme vous. Aucune place de 1 Empire ne
peut s'enorgueillir d'avoir vu briller dans son sein plus de patriotisme, ni d'avoir fait
avec plus d'enthousiasme des sacrifices plus pénibles à l'in-
, répondant à M. Anthoine. Les noms des députés a l'Assemblée nationale constituante, qui ont défendu constamment la cause de la liberté et l'intérêt national, sont consacrés dans les annales de la France. C'est sur cet éternel tableau, qu'est gravé le nom du citoyen que les habitants de la ville de Metz ont chargé de présenter leurs hommages à l'Assemblée nationale. Cette mission est honorable et vous en étiez digne. Notre confiance dans le boulevard de la ville de Metz est fondée sur sa célébrité dans notre histoire. Charles-Quint échoua devant ses murs. Ce n'est pas Charles-Quint qui les menace aujourd'hui ; et s'il était possible que les ennemis des Français s'avançassent au pied de ses remparts, les efforts de ces ennemis, leurs intrigues, leurs perfidies, ne prévaudraient pas contre le patriotisme et la bravoure reconnue ae vos concitoyens. L'Assemblée nationale a entendu avec intérêt l'assurance de leurs sentiments dont elle ne pouvait douter ; elle vous invite à assister à sa séance. (.Applaudissements.)
Je demande l'insertion de l'adresse de la ville de Metz au procès-verbal avec, mention honorable, et de la réponse de M. le Président.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Albitte.)
Voici une adresse des citoyens de la ville de Pont-du-Château, département du Puy-de-Dôme, qui félicitent l'Assemblée sur les décrets concernant les émigrants et les prêtres réfractaires et improuvent la conduite du directoire du département de Paris. J'en demande la mention honorable au procès-verbal.
(L'Assemblée ordonne qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de l'adresse des citoyens de la ville de Pont-du-Château.)
, député de Vile de Bourbon (1), est introduit à la barre et réclame son admission dans VAssemblée comme représentant. Envoyé par la colonie de l'île de Bourbon pour concourir à la confection des lois relatives à son régime intérieur, il s'est présenté depuis plus de 2 mois pour faire vérifier ses pouvoirs. Depuis longtemps, le comité a fait son rapport; l'impression en a été ordonnée, et il n'a pas encore été soumis à la discussion. Il expose à l'Assemblée combien il importe à ses commettants que cette question soit promptement décidée, et il la prie, au nom de cette colonie, de décider le plus tôt possible si elle doit ou non être représentée.
répond à M. Bertrànd et lui accorde les honneurs de la séance.
Un membre : Je crois qu'on doit aux commettants de ce député ce qu'on doit aux commettants de chacun de nous, de mettre sa pétition sur-le-champ à la discussion sans la soumettre, comme on l'a déjà prétendu, à la discussion sur le rapport des colonies. (Murmures.) Cette question est indépendante de celle qui doit être agitée sur les colonies. Je propose donc que sans attendre la suite du rapport sur les troubles de Saint-Domingue, on décide si les députés des colonies seront, ou non, admis dans le sein de l'Assemblée. Je suis prêt d'ailleurs à retirer ma motion si quelqu'un me prouve d'une manière plus certaine qu'on ne l'a fait jusqu'ici l'intimité qui se trouve entre l'île de Bourbon et les troubles de Saint-Domingue.
Un député ne peut être admis au Corps législatif qu'en vertu de la Constitution. Or, les colonies n'ont pas de Constitution; les bases n'en sont pas posées. Il faut donc, pour admettre le réclamant, attendre que vous ayez décidé cette question. Les principes réclament en faveur de la discussion préalable de la question sur les colonies ; et ce n'est qu'après qu'elle aura été traitée, qu'on pourra s'occuper de" la pétition qui est faite à 1 Assemblée. Sans doute, nous devons regretter de ne pas voir au milieu de nous le député de l'île Bourbon ; car d'après le patriotisme qu'a montré la colonie, nous devons le croire excellent patriote; mais ie demande qu'avant tout l'Assemblée soit fidèle aux principes et que le rapport sur les colonies soit fixé à nuitaine. (Applaudissements.)
Il n'y a aucun rapport entre la question des colonies et celle de savoir si le député de l'île de Bourbon sera admis dans le sein ae l'Assemblée. Cependant, si l'Assemblée juge le contraire, j'offre de faire mon rapport, non pas dans 8 jours, mais à l'instant, pour ne pas priver T s longtemps cette colonie de son représent,
Je pense, au contraire, que ces deux que& is ont entre elles un rapport très direct. Déjà, r un décret, l'Assemblée a renvoyé la discu sion de cette pétition après le rapport du comité colonial. Je demande que ce décret soit exécuté et que le rapport sur les colonies soit fixé à lundi.
(L'Assemblée ajourne à lundi matin le rapport du comité colonial et l'ouverture de la discussion.)
Je demande qu'en attendant, M. Bertrand soit admis aux honneurs des séances. (Murmures.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour 1
(L'Assemblée passe à l'ordre au jour sur la motion de M. Chabot.)
, au nom\ du comité diplomatique, fait un rapport sur la détention aux galères de Brest de
40 soldats du régiment suisse de Château-vieux (1), pour faits relatifs à la Révolution
française; il s'exprime ainsi (2) :
La nation française n'oubliera jamais que ces soldats de ligne protégèrent ou respectèrent le berceau de sa liberté. Mais aussi, que n'eurent-ils pas à souffrir du ressentiment de leurs officiers ! Le régiment de Châteauvieux devait surtout s'attendre qu'on ne lui pardonnerait pas d'avoir donné, dans la mémorable journée du 14 juillet, le premier exemple d'une fidèle désobéissance aux ordres sanguinaires et convulsifs du despotisme. (Applaudissements.)
La fédération générale, en resserrant les liens qui attachaient les soldats à la cause du peuple, acheva d'irriter ceux de leurs chefs qui n'avaient
Êas su plier leur orgueil à la déclaration des roits de l'homme et du citoyen.
De là ces troubles qui s'élevèrent successivement dans plusieurs villes de garnison, de là les discussions qui ensanglantèrent la ville çle Nancy, et dont la cause resta longtemps couverte d'un voile impénétrable.
Trois régiments formaient la garnison de cette ville; savoir : le régiment du Roi, celui de Mestre-de-Camp et celui ae Châteauvieux. Dès lés premiers jours du mois d'août 1790, les soldats des régiments du Roi et de Mestre-de-Camp demandèrent un règlement de comptes, et la restitution des deniers qui devaient leur revenir. Rebutés, aigris par les réponses les plus dures, ils s'emparèrent de la caisse, et furent dénoncés à l'Assemblée nationale, qui, par un décret du 6 du même mois, assura aux soldats de chaque régiment le moyen de faire vérifier leurs comptes depuis 6 ans, et d'obtenir justice sur tous leurs griefs.
Ce décret fut connu le 9 août à Nancy; le 10, les soldats de Châteauvieux, qui jusqu'alors avaient gardé le plus profond silence, rédigèrent un mémoire contenant leurs réclamations. Cette démarche fut envisagée comme un acte de révolte. La loi, disait-on ensuite pour justifier le jugement qu'on s'empressa de rendre, n'avait pas encore été publiée ; et c'était un crime que d'en avoir anticipé l'exécution : quel barbare subterfuge ! Lorsque la loi établit un droit nouveau, il faut sans doute attendre qu'elle soit pro. mulguée pour pouvoir jouir de ses bienfaits;
mais il n'en est pas ainsi d'une loi, qui ne fait que confirmer ou rappeler des principes d'équité, gravés par la nature dans le cœur de tous les nommes. Quand, du haut de cette tribune, la raison appela les Français à la liberté, les soldats de Châteauvieux devaient-ils attendre que les décrets régénérateurs fussent revêtus de toutes leurs solennités, pour se déterminer en faveur de la nation contre les agents du despotisme? Les réclamations de ces soldats n'étaient-elles pas fondées aussi sur le droit naturel ? Ils réclamaient ce qu'on avait pris et ce que l'on continuait de prendre sur des aliments acquis au prix de leur sang.
Ces motifs de justice ne furent point écoutés. 2 grenadiers suisses qui avaient rédigé ou copié le mémoire, furent condamnés arbitrairement et sans aucune forme de procès. Rangés en double haie sur la place publique pour exécuter ce jugement, les soldats de Châteauvieux savent que s'il y a un crime à punir, c'est celui de toute la troupe; ils trouvent dans leur propre cœur l'innocence de leurs camarades ; et, cependant ils ont obéi ; ils ont vu raser ia tête de ces malheureux ; ils ont même laissé armer leurs mains des fatales courroies qui doivent les déchirer : tant ils sont éloignés des principes de révolte dont on les accuse 1 Enfin, le cri de la justice devient plus fort que celui de la discipline : leurs mains refusent de frapper; une force irrésistible les a comme enchaînées. Bientôt le peuple et les gardes nationàles de Nancy se livrent à l'indignation que leur a inspirée ce spectacle. Les soldats de Châteauvieux sont accablés de reproches et d'insultes pour avoir laissé humilier les 2 grenadiers; ceux-ci sont portés en triomphe dans la ville ; leur innocence est solennellement reconnue par les auteurs mêmes de leur condamnation. Ils demandent qu'il leur soit, permis de quitter le service et se retirent dans leur patrie avec les congés les plus honorables.
Le 12 août, la municipalité de Nancy proclama le décret du 6 à la tête de çhaque régiment ; le 13, les soldats dé Châteauvieux présentèrent leur mémoire à leurs chefs, qui en reconnurent la justice. Il fut convenu qu on leur délivrerait un acompte de 27,000 livres.
Le calme était entièrement rétabli ; mais les ennemis de la Constitution ne voulaient pas perdre le fruit de leurs manœuvres. Ils ont un double objet à remplir: la vengeance qui les anime contre les soldats de Châteauvieux, et le besoin d'entretenir et de propager les troubles. Lorsque tout est tranquille à Nancy, ils persuadent à l'Assemblée nationale que tout y est en feu, et lui arrachent le funeste décret du 16, qui frappe d'opprobre la garnison, et ordonne au tribunal de cette ville ae poursuivre et de punir comme coupables du crime de lèse-nation tous ceux qui, dans 24 heures, ne seront pas rentrés dans le devoir. Ce décret est porté et proclamé le 17 à Nancy. Rien n'est plus propre à irriter les esprits qu'une rigidité provoquée par la calomnie. Cependant les soldats persistent dans leur soumission. Qs renouvellent le serment de fidélité. Ceux de Châteauvieux adressent à l'Assemblée une lettre avouée et signée par leur lieutenant-colonel. Le régiment du Roi fait partir vers cette même Assemblée une .députation chargée de lui présenter le véritable tableau des faits.
Un commissaire est envoyé sur les lieux, au nom du roi : c'était M. Malseigne. Chargé d'aller apaiser à Nancy des désordres imaginaires, ou qui, du moins, n'existent plus, il y porte des
troubles réels : telle sera la marche de tout agent du pouvoir exécutif, gui n'aura pas été choisi par les amis de là Constitution. (Applaudissements.)
Le premier acte que fait M. Maiseigne, annonce, non pas urt conciliateur, mais un despote qui ne reconnaît d'autre loi que sa volonté'. 11 ordonne au régiment de Châteauvieux de partir pour Sar-relouis dans 24 heures ; les soldats lui répondent qu'il doit régler auparavant leurs comptés, il y consent. Il est d'abord forcé de convenir que tous les articles de leurs réclamations sont justes, et qu'il faut leur donner satisfaction ; il renvoie néanmoins sa décision aU lendemain 26. Ce jour-là il déclare aux soldats qu'il ne croit pas pouvoir prononcer sur le dernier article de leurs réclamations ; qu'il faut le soumettre à l'Assemblée nationale, et partir de suite pour Sarrelouis. Malheureusement le bruit venait de se répandre à Nancy que les députés du régiment au Roi, partis aVéc le consentement de leurs chefs, et avec un passeport de la municipalité, avaient été arrêtés et pendus à Paris. Ils avaient été arrêtés en effet ; maison né tarda pas à leur rendre la liberté. Aigris par Cette nouvelle, qui annon-
ait les projets les plus sanguinaires, les soldats
e Châteauvieux répondent à M. Malseigne qu'il est muni de tout le pouvoir nécessaire pour régler leurs comptes, et persistent à demander que ce préalable soit rempli. M. Malseigne réplique par des emportements, s'éloigne, plonge, en passant, son épée dans le corps de deux factionnaires voisins, est poursuivi par le peuple, indigné de cette férocité, et se retire chez le sieur Denoue, commandant de Nancy.
De grands mouvements semblent se préparer contre cette ville ; on y voit arriver, dans la journée du 27, divers détachements de gardes nationales. Le soin avec lequel on cache l'objet de ce rassemblement, porte dans les esprits l'inquiétude et la tonsternation. Le bruit court en même temps que M. Malseigne entretient des relations suspectes avec le prince de Nassau et avecLam-besc. D'un autre coté, on apprend qu'il a secrètement expédié des courriers ; on les arrête : les lettres sont portées à, la municipalité, et lues en présence des soldats ét des citoyens. Elles étaient conçues en termes mystérieux; qui semblaient indiquer un grand projet contre la chose publique. Les craintes étaient surtout justifiées par le choix qu'on venait de faire de M. Bouillé pour réduire, disait-on, les trois régiments. Il n'en fallait pas tant pour alarmer, pour désespérer les amis de la Constitution i ce fut bientôt un cri général qu'il fallait s'assurèr des sieurS Malseigne et Denoue. Ce dernier fut arrêté. Quant à M. Malseigne, il s'était furtivement retiré à Lunéville : ce qui confirma de plus en plus l'idée qu'on avait de sa trahison. Plusieurs cavaliers de Mestre-de-Camp coururent à sa poursuite, mais, bientôt après, on apprit qu'ils avaient été massacrés par son ordre.
Aussitôt les trois régiments et les gardes nationales dé Nàrtcv'partent pour Lunéville; ils s'arrêtent devant les portes, et envoient des députés pour réclamer M. Malseigne. II demande une sauvegarde et promet d'être rendus à Nancy trois heures après que les régiments y seront réunis. Les régiments se retirent; ensuite M. Malseigne est conduit à Nancy, et gardé à vue.
Tel était l'état des choses, lorsque le 31 août, on apprit à Nancy que BOuillé s'avançait à la tête d'une grande armée. D'abord il avait craint que la réputation de son incivisme ne portât les troupes à lui désobéir; il avait demandé à l'As-
semblée nationale dé le faire accompagner pâir deux commissaires destinés à être comme les garants de ses intentions ; mais lorsqu'à force d'hypocrisie il fut parvenu à s'assurer des dispositions de l'armée, il ne fut plus question d'attendre lès commissaires, qui étaient déjà nommés.
A la nouvelle de l'arrivée de Bouillé, tous les bons citoyens prennent les armes à Nancy. Ceux qui sont suspects d'aristocratie, restent seuls renfermés dans leurs maisons. Les soldats des trois régiments se présentent à la municipalité, comme n'ayant d'autre esprit que d'exécuter fidèlement ses ordres ; et c'est elle, en effet, qui ordonne toutes les dispositions défensives.
Cependant une députation de la garnison court au-devant de Bouillé. Il impose deux conditions qui, après quelques difficultés opposées parle peuple, sont acceptées et exécutees. Les sieurs Malseigne et Denoue sont mis en liberté, et les trois regiments défi lent, vers la plaine pour se rendre aux lieux qui leur sont indiqués.
Là devait être tout terminé, et Bouillé n'avait plus qu'à se féliciter de voir la paix entièrement rétablie ; mais ce n'est pas çe genre de gloire qu'il ambitionne. II làisse ignorer à èon armée la soumission des trois régiménts, ét fait continuer la marche avec la plus grande rapidité. Les gardés nationales qui faisaient partie de ses forces, avaiènt demandé et obtenu de former l'avant-garde ; au lieu de se mettre à leur tête pour les retenir à propos, il les abandonne à toute leur impétuosité. Elles croyaient défendre la bonne cause, et il savait que toutes les fois qu'il s'agira de combattre pôur la Constitution, la France aura autant de héros' que de gardes nationales. (Applaudissements.) Il comptait sur leur courage trompé, pour se venger du patriotisme de la garnison, et amener les citoyens au point de s en-tr'égorger i le succès répondit à sa féroce attente.
Les portes de la ville étaient ouvertes. Une seule restait fermée et défendue, parce qu'on n'avait pas eu le temps de lever la consigne. C'est devant cette porte que le hasard, ou peut-être la barbare prévoyance de Bouille conduisit les gardes nationales. Les soldats qu'on'y avait portés, surpris èt alarmés; se proposèrent de vendre chèrement leur vie. De leur côté, les gardes nationales, voyant le canon près de tirer, se livrent au courage qui les anime. Le combat s'eti'gàge, devient bientôt général, parce qu'alors les régiments retournent sur leurs pas, et la ville ést inondée du sang des vrais défenseurs de la patrie, à la grande satisfaction du perfide Bouillé.
La nature de cet événement partagealongtemps les opinions dans le royaume, Le peuple, par un instinct de vérité qui le troffip^-terçment, pleurait sur le sort des soldats de Châteauvieux, sur celui des citoyens qui avaient péri àVtk\eux et vouait lé nom de Bouillé à l'opprobre et à l'exécration. (.Applaudissements.) Cettè opinion fut insensiblement justifiée, et la dernière trahison de Bouillé acheva de dessiller les yeux. Tout le monde est convaincu aujourd'hui que le régiment de Châteauvieux ne cessa pas un iûstant d aimer la Constitation française, et qu'il fut entraîné à sa perte par les manœuvres les plus criminelle^. Les officiers de çè régiment avaient été subjugués par Bouillé. C'était lui qui avait déterminé les procédés qui réduisirent leurs soldats au désespoir. Ce fut lui qui, le lendemain du combat, fit tormer un conseil de guerre par lès deux régiments suisses de Costella et de Vigier. Ce fut lui qui, par l'ascendant de son expérience militaire, par de faux prétextes d'exemple et d'intérêt pu-
blic, fit illusion à la pureté de leurs intentions, abusa de leur dévouement à tout ordre ou vœu censé émané du gouvernement français, les fit dévier de leurs principes, et leur arracha ces jugements dont la précipitation suffirait seule pour intéresser les cœurs sensibles en faveur des malheureux qui en furent l'objet.
Tous les soldats de Châteauvieux qui pouvaient être envisagés comme coupables, avaient disparu. Le corps du régiment était parti pour le lieu de sa nouvelle destination. Il ne restait que ceux qui s'étaient trouvés de service pour escorter les équipages. Un fut condamné à la roue, 7 furent pendus, et 41 envoyés aux galères pour 30 ans. Un d'eux y a péri.
Vous pressentez déjà, Messieurs, que ces sanglantes condamnations n'avaient été précédées d'aucune de ces formalités qui, dans tous les pays policés, sont la sauvegarde de l'honneur, ae la vie des citoyens, et dont les plus grands scélérats, lors même qu'ils ont été pris en flagrant délit, ont droit de réclamer la plus scrupuleuse observation.
Je ne connais aucune des pièces de la procédure qui dût être faite contre tant de malheureuses victimes; mais il suffit de comparer le temps employé à leur condamnation avec le tableau des formalités prescrites par les lois helvétiques, pour être convaincu que ces formalités n'ont pu être observées. Or, les voici les formalités essentielles dont les officiers suisses, lorsqu'ils jugent criminellement leurs soldats, ne peuvent jamais s'écarter sans exposer leurs jugements à une nullité radicale.
Les Suisses ont adopté, ou plutôt continué de suivre, dans leurs procédures criminelles et dans leurs conseils de guerre, les règles prescrites par le code criminel de l'empereur Charles-Quint, vulgairement appelé la Caroline, qui n'est qu'une collection des lois qui étaient en vigueur dans l'Allemagne longtemps avant qu'ils s en fussent détachés pour établir leur indépendance et leur confédération politique. Ils y ont ajouté, pour les troupes auxiliaires qu'ils fournissent a la France, des lois de convenance ou de rapprochement par rapport à la discipline militaire qui s'observe dans cet Empire. Ces lois se ressentent de l'humeur guerrière, de la franchise, de la simplicité des mœurs qui caractérisent les Suisses. Elles sont sévères, mais toujours fondées sur quelque motif d'équité ou de sagesse, elles livrent les soldats qui ont violé leurs devoirs, au jugement, et souvent aux passions particulières de leurs officiers; mais eues interdisent à ce tribunal redoutable la clandestinité qui ensanglanta et dégrada si longtemps les tribunaux français. Elles veulent que le conseil de guerre ne puisse prononcer qu'après la consommation et la lecture publique des procédures qui doivent les précéder, et dont l'objet est d'empêcher autant qu'il est possible, que l'innocence ne soit égorgée au nom ae la loi.
D'abord le colonel, comme chef de la justice, ou celui qui commande à sa place, a seul le droit de recevoir la dénonciation d'un crime commis par un ou plusieurs soldats du régiment, ou d'en ordonner la poursuite d'office. Dans l'un et l'autre cas, il donne ordre au grand-juge de prendre les informations ; et le grand-juge nomme deux ou trois officiers qui doivent l'assister conjointement avec les officiers de la compagnie à laquelle appartientle soldatjaccusé. C'est a ces|divers commissaires que le chef de la justice délègue son pouvoir pour toute l'instruction de la procédure.
La première opération inquisitionnelle, est l'interrogatoire de l'accusé, qui n'est alors qu'une déposition simple et volontaire, soit qu'il nie, soit qu'il avoue le crime, il faut en chercher ultérieurement la preuve par des informations. Les témoins doivent être entendus séparément, puis récolés, et enfin confrontés avec l'accusé. Quand ces objets, avec toutes leurs formes, sont remplis, si le crime est constaté, si l'accusé a été pris en flagrant délit ; s'il est présumé coupable par des indices pressants ; si ces circonstances sont établies par la déposition de deux témoins irréprochables ; si d'ailleurs l'accusé a confessé le crime, et qu'il persiste dans son aveu, il n'en faudra pas davantage pour passer à la condamnation. Si, dans les mêmes circonstances, l'accusé nie le crime, la loi, barbare dans ce point, veut qu'il soit appliqué à la question. Mais si, de la déposition des témoins, il résulte une conviction pleine et entière, l'aveu ou la dénégation de l'accusé sont indifférents pour la. condamnation définitive.
Les informations ainsi dressées, le grand-juge qui en devient le dépositaire, doit les communiquer au colonel ou a celui qui commande à sa place. Le colonel en prend d'abord connaissance, ensuite il assemble les capitaines, qui, après avoir entendu la lecture, décident, à la pluralité des suffrages, si le procès est suffisamment instruit, et le délit assez grave pour que le coupable soit livré à un conseil de guerre. Si la décision est pour l'affirmative, le colonel fixe le jour auquel ce conseil doit se tenir.
Au jour indiqué, tout le corps s'assemble pu-bliquemént et forme un bataillon carré, dans le centre duquel se trouvent les membres qui doivent composer le conseil, c'est-à-dire tous ceux qui ont grade d'officiers dans le régiment. Quant au colonel, au lieutenant-colonel et aux capitaines, comme c'est dans leurs mains que chaque canton a immédiatement déposé l'autorité qu'il exerce sur la vie et la mort de ses soldats-citoyens pendant la durée de leur service, ils forment séparément un tribunal supérieur destiné à infirmer ou à ratifier la sentence du conseil. Il n'y a qu'un capitaine qui assiste à ce premier tribunal, non pour y délibérer, mais pour y veiller en qualité de président-député du tribunal supérieur, à l'exacte observation de la loi.
Le grand-juge, qui doit diriger toutes les fonctions du conseil, en fait l'ouverture par un discours. Après quelques autres formalités, l'officier, chargé des fonctions du ministère public, demande communication de la procédure, s'écarte, pour en délibérer avec une députàtion que le conseil de guerre lui accorde, et qui est composée de tous les lieutenants, se représente à l'entrée du conseil et requiert, 1° que le coupable soit amené devant ses juges ; 2° que toutes les charges soient lues publiquement. Ces deux chefs lui sont accordés par deux sentences différentes. Le criminel amené, le grand-juge ordonne à son défenseur de se placer à côte de lui pour entendre les chefs d'accusation.
Puis vient la lecture des charges. Ensuite le vengeur public demande que le coupable soit interrogé s'il reconnaît les informations et les faits qu il a confessés. Enfin, il consent que le défenseur du criminel obtienne une députàtion du conseil, pour délibérer avec son client sur les moyens lés plus propres à rendre sa cause favorable. Cette députàtion est composée de tous les enseignes du régiment, parce qu'ils sont encore dans l'âge où l'on est plus disposé à s'atten-
drirsur le sort des malheureux. (.Applaudissements.)
Dès que ces députés sont rentrés dans le conseil, le défenseur fait le rapport de ce qu'ils ont délibéré, il reconnaît pour son client la vérité des faits dont il a entendu la lecture, fait tous ses efforts pour le justifier, et conclut, sinon à une indulgence entière, du moins à une modération de peine. Son discours esf vivement combattu par le vengeur public, qui requiert que le coupable soit puni selon la nature du crime et la rigueur de la loi. Lorsqu'il est parvenu à faire rendre une sentence conforme, il conclut à la mort, si c'est le cas, d'après la loi. Alors le défenseur reprend la parole pour tâcher de faire soustraire son client à la peine capitale. Cette dernière défense et la réplique du vengeur nécessitent une nouvelle sentence qui exclut toute commutation de peine.
Il reste à déterminer le genre de supplice. Le vengeur public demande, pour délibérer sur cet objet, une nouvelle députation du conseil.
Après que les députes ont repris leurs places, le vengeur public donne sa conclusion définitive sur laquelle le grand-juge recueille les voix de tout le conseil; et aussitôt que la sentence qui détermine le genre de mort est rendue, il la dicte au greffier, la fait lire publiquement, et la remet au capitaine-président, qui la porte au tribunal supérieur. En attendant que le capitaine rapporte la décision souveraine de ce tribunal, le conseil de guerre reste assemblé. Si le tribunal supérieur a confirmé la sentence de mort, le grand-juge, pour marquer qu'il n'y a plus de recours pour le criminel, rompt le bâton de la justice et la sentence s'exécute en présence du conseil toujours séant.
Enfin, soit que la peine de mort ait été confirmée, soit qu'elle ait été modérée, ou entière-, ment remise par le tribunal supérieur, le grand-juge, fait rendre une dernière sentence, par laquelle le conseil déclare qu'il a été pleinement satisfait à la justice.
Tel est le résultat très sommaire, quoique long, des formalités que les lois des Suisses commandent impérieusement à leurs conseils de guerre. D'un autre côté, vous savez. Messieurs, que, dans un jour, dans un seul jour, dans quelques heures, un soldat fut accusé et rompu ; que sept furent accusés et pendus; que quarante furent accusés et condamnés aux galères. Or, je le demande, est-il dans la classe des choses humainement possibles que, dans un si court espace de temps, toutes ces formalités aient été observées? Est-il dans la classe des choses possibles, qu'on ait fait seulement une ombre de procédure ?
Dira-t-on que le choix des coupables, qu'on devait punir pour la vindicte publique, ait été confié au sort, les formes d'une procédure devenaient inutiles? Une pareille allégation serait abominable. Ne fallait-il pas toujours commencer par instruire le procès, et opérer la conviction ae tous ceux dont on voulait jeter les noms dans l'urne qui devait vomir au hasard la condamnation du nombre déterminé]?
Dira-t-on encore qu'il est des cas où les lois de la guerre permettent de faire subir sur-le-champ aux soldats rebelles la peine attachée à leur crime? Je réponds qu'il n'y a qu'un cas où elles tolèrent une telle monstruosité, c'est lorsque la nécessité d'arrêter les progrès de la sédition dans une garnison ou dans une armée, est tellement urgente, que le moindre délai pourrait évidemment compromettre le salut de l'Etat.
Etait-on dans une semblable circonstance? y avait-il même une ombre de danger à craindre, après que l'armée triomphante ae Bouillé se fût emparee de Nancy, et que tout ce qui lui avait résisté eût péri, ou pris la fuite ou fut tombé en son pouvoir ? Toute la ville, avec ce qui restait de la garnison, n'était-elle pas plongée dans le calme de la mort ? S'il y avait des coupables, si l'on désirait en faire des exemples, il fallait suivre la marche tracée par la loi : alors seulement ils laissent dans l'âme des impressions salutaires ; au lieu que, dans le cas contraire, ils n'y excitent que des sentiments d'indignation et de révolte : mais une instruction juridique aurait pu porter la lumière dans la conspiration que Bouillé couvait depuis longtemps dans son cœur ; et c'est ce qu'il fallait éviter. (Applaudissements.)
Si vous n'étiez pas déjà convaincus que les troubles de Nancy avaient été fomentés par Bouillé et ses agents, en haine des principes de civisme qui animaient la garnison, et notamment les soldats de Châteauvieux, et dans la vue de former un noyau de guerre civile, ou de fortifier vers les frontières le parti des émigrés, je vous dirais : voyez comme on traite ceux que le sort avait épargnés. On le força de prendre des congés déshonorants. On les fit partir dans un état presque absolu de nudité et d'indigence. Lorsqu'on renvoie des étrangers vagabonds, l'usage est de leur accorder trois sols par lieue jusqirà la frontière la plus voisine de leur terre natale. D'après ce calcul, on devait donner 9 livres à chacun des soldats suisses congédiés, qui ont presque tous leur patrie; du côté du Jura; et cependant ils n'eurent chacun que 3 livres 12 sols, c'est-à-dire 3 sols par lieue, en suivant la route la plus courte de Nancy en Allemagne.
Ne reconnaissez-vous pas toujours le même esprit? Ne voyez-vous pas qu'on cherchait à pousser ces malheureux dans les excès du désespoir;
3u'on voulait les réduire à l'affreuse nécessité ou
e se faire stipendier dans le royaume par les perturbateurs du repos public, ou d'aller se jeter, au delà du Rhin, dans les bras d'une horde de brigands encore plus infâmes.
Je l'ai dit, mais j'aime à le répéter : ce n'est point aux chefs militaires suisses qu'il faut imputer les combinaisons, les injustices qui occasionnèrent et suivirent le massacre de Nancy ; ils ne furent qu'entraînés par les perfides agents de l'autorité. C'est Bouillé qui a tout conduit; c'est cet homme affamé de troubles, de guerre civile, de despotisme, qui a conçu et commandé toutes ces horreurs.
Voilà ce qui excite, depuis si longtemps, l'indignation et le zèle des amis de la justice et de la Constitution. S'ils n'ont que des larmes à donner à ceux qui ont péri, ils voudraient du moins sauver ceux qui n'ont survécu à leurs compatriotes, que pour traîner des chaînes dans le séjour du crime et de la douleur. Témoins de ce spectacle, le district, la municipalité et les citoyens de Brest firent, les premiers, éclater la noble ambition de restituer à la liberté des hommes faits pour vivre avec elle et pour elle.
Au mois de mai dernier, ils s'adressèrent au ministre de la justice, qui fit passer leur pétition au ministre des affaires étrangères, et la lui recommanda par une lettre du 14 du même mois.
Après un silence de plus de quinze jours, M. Mont-morin envoya cette pétition à M. d'Affry, commandant général des troupes suisses, qui lui répondit, « qu'il désirerait abréger la peine des « soldats détenus aux galères de Brest; mais qu'il
« était inoui qu'un tribunal militaire suisse, qui « seul pouvait infirmer son jugement l'eût jamais « fait. »
Ensuite le ministre, qui croyait ou feignait de croire que la grâce devait être sollicitée auprès du corps helvétique écrivit à M. Vérac, ambassadeur de France en Suisse; mais au lieu de lui transmettre les ordres précis qu'il avait pris du roi, il se contenta de lui faire une prière qui ne disait rien. M. Vérac répondit qu'une démarche à ce "sujet auprès des cantons, aurait été inutile, et n'aurait pu aboutir qu'à les irriter contre la France.
Cependant M. d'Affry, ayant écrit au canton de Zurich, à la prière des députés extraordinaires de Brest, en reçut une réponse qui annonçait des dispositions bien différentes.
Les députés de Brest communiquèrent cette réponse à M. Montmorirt, qui ne chercha qu'à les jouer, comme je l'établirai ailleurs.
Le 15 septembre, l'Assemblée constituante décréta, « que le roi serait prié d'entrer poser ses «bons'offices près des cantons suisses, afin que « ceui qui avaient été condamnés pour faits rela-« tifs à la Révolution frariçâise, par les loissuis-« ses, pussent participer aux bienfaits de l'amnis-« tie accordée à tous les citoyens français. »:
Le 1er novembre, on vous dénonça l'inexécution de ce décret.
Pour se justifier, M. Montmo-rin vous envoya, avec uhé lettre du 5 du même mois, adressée à
M. le Président, le tableau des démarches qu'il avait faites avant et après l'époque de cette
même loi.
Avant d'apprécier sa justification et d'agiter la demande en responsabilité, formée par les députés de Brest, hâtons-nous de voir ce que nous pourrons faire pour subvenir enfin, d'une manière efficace, aux malheureux dont ils réclament la liberté. Pour cela, il faut jeter un coup d'œil rapide sur les traités passés avec les Suisses, relativement à la justice qu'ils exercent en France sur leurs troupes auxiliaires. On y verra que M. Mont-morin ne devait point s'adresser au corps helvétique; on y verra que l'Assemblée constituante, trompée par les fausses démarches que le ministre avait déjà faites, tomba elle-même dans une grande erreur lorsque, par son décret du 15 septembre, elle chargea le roi d'agir auprès des cantons suisses, pour faire rejaillir les bienfaits de l'amnistie sur les victimes détenues à Brest. On y verra que les sociétés les plus éclairées qui ont agité cette grande question de droit national et politique, ne l'ont point envisagée sous ses véritables rapports ; on y verra l'erreur de ceux qui pensent que le décret du 16 août, qui chargeait le tribunal de Nancy de poursuivre tpus les auteurs des troubles survenus darçs cette ville, s'appliquait au régiment de Châteauvieux, comme au reste de la garnison : qu'au moins la sentence du conseil de guerre suisse, étant remplie de nullités et de contraventions aux lois respectives de la Suisse et de la France, l'Assemblée nationale pourrait porter un décret, pour en ordonner la revision; que d'ailleurs l'amnistie, embrassant tous les crimes relatifs à la Révolution, devrait indistinctement profiter dans le royaume à tous ceux qui peuvent s'être rendus coupables de sem-bables délits.
C'est un principe de droit public commun à toutes les nations qu'un Etat, en fournissant à une autre puissance des troupes auxiliaires, ne se dépouille point de l'autorité qu'il a sur elles, et que, de leur côté, ces troupes, en passant au service d'une puissance étrangère, ne renoncent
Tioint aux droits qu'elles tiennent originairement ae la Constitution de leur patrie. De là il résulte évidemment que les soldats suisses qui viennent servir en France, Conservent toujours' leur état et leur qualité de citoyens suisses, et par conséquent leur domicile naturel et ordinaire. De là Cette autre conséquence, que toute action criminelle ou civile «contre un Suisse auxiliaire, doit être portée devant ses juges naturels conformément à la maxime triviale et universelle que le domicile du défendeur détermine la juridiction. Or, l'autorité qu'ont les cântons sur les biens et sur la vie des troupes qu'ils fournissent à un Etat étranger, ils Pont solennellement déposée entre les mains des chefs de ces troupes pour tout le temps qu'elles restent au service de cet Etat, c'est donc par le tribunal composé de ces chefs que tout Suisse auxiliaire doit être jugé.
Ce droit de juridiction a d'ailleurs été consacré par les traités passés entre les Suisses et notre ancien gouvernement. On en trouve le principe dans le traité de paix perpétuelle Conclu avec François Ier, et renouvelé par tous les traités postérieurs; on le trouvé en termes plus formels encore dans la seconde lettre annexée à l'article 8 du traité de l'an 1653, laquelle a àutant de force que le traité lui-même, et qui porte que Injustice sera administrée par les juges ae la nation et non par d'autres;on le trouve non moins spécialement exprimé dans la capitulation générale accordée, en 1764, aux troupes suisses, et dans le traité d'alliance conclu en 1777, où il fut stipulé que les régiments continueraient à jouir du libre exercice de la justice, comme par le passé.
Et qu'on ne dise pas qu'il est des cas où line interprétation d'ordre public ou d'équité peut faire "admettre des exceptions favorables; c'est un principe tacitement convenu entre les puissances, que les articles d'un traité passé entre deux Etats doivent toujours être entendus en faveur de celle des parties contractantes pour laquelle ils ont été stipulés. 1
Qu'on parcoure au surplus le recueil dé tous les anciens rapports de la France avec les Suisses, dressé avec des notes lumineuses par Yogel, grand-juge des gardes-suisses de Louis XV, on y verra que, dans tous les cas, dans toutes les espèces, les chefs militaires des Suisses servant en France ont exercé la, juridiction criminelle sur leurs soldats, et que toutes les fois qu'ils ont été troublés soit directement, soit indirectement, dans ce droit, ils s'y sont fait maintenir par l'ancien gouvernement.
Notre Constitution même ne respecte-t-elle pas ce genre de privilèges ? En soumettant tous les étrangers qui se trouvent en France aux mêmes lois criminelles et de police que les citoyens français, n'a-t-elle pas formellement excepté de cette disposition les conventions arrêtées avec les puissances étrangères?
Ces divers principes nous forcent naturellement à reconnaître non seulement que le droit de revision établi en France, ne peut point s'appliquer au jugement qui retient dans les galères ae Brest les malheurex, objets de nos sollicitudes ; mais encore que nous n'avons pas le droit d'étendre sur eux les bienfaits de l'amnistie accordée aux Français, car, s'ils ont dû être jugés par les organes de la loi qui régit leur pays, il est sensible que la révision du jugement ne pourrait appartenir qu'à un tribunal émané de la même source. S'ils n'ont pas cessé d'être citoyens et dépendants des lois de leurs cantons, s'ils ont invariablement conservé leur état et leur
domicile naturel, une amnistie prononcée en France ne peut pas plus s'appliquer à eux qu'à ceux de leurs concitoyens qui ne sont jamais sortis de leur patrie.
A qui faut-il donc s'adresser pour obtenir leur grâce ? au corps helvétique ? Non, ce corps n'a rien de ce qui caractérise la souveraineté ou l'exercice de la souveraineté : point d'administration fixe, point d'autorité centrale, point de pouvoir exécutif, point de revenus assignés pour la défense commune. C'est une simple confédération entre diversEtatsindépendants les uns des autres. Toute son activité politique est dans les diètes générales, annuelles ou extraordinaires composées des députés de tous les cantons et des Etats associés; et ces diètes ne sont que des congrès de délégués qui ne portent avec eux que des instructions limitées ; ae sorte qu'ils sont communément obligés de référer à leurs commettants les matières qu'on y discute, et qui roulent uniquement sur les moyens à prendre pour la sûreté commune et particulière, sur les conditions des traités, sur quelques conventions de police générale.
Quelquefois les objets généraux et communs se traitent par correspondance et par l'organe du canton de Zurich, qui est en possession de recevoir les propositions à lui adressées par les puissances étrangères ou par quelque canton particulier, de les communiquer aux autres cantons, et de recueillir, par leurs réponses, leur adhésion ou leur refus.
Il y a aussi des diètes particulières, où deux ou plusieurs cantons agitent par leurs délégués les intérêts qui leur sont Communs, mais distincts et séparés de ceux du corps hèlvétique.
Ainsi, chaque canton a son existence civile et politique, chacun a ses lois qu'il fait et révoqué à son gré. Chacun traite de la paix et de la guerre, forme des alliances, les dissout, les renouvelle, pouvu qu'il rte blessé ni les traités fédératifs, soit généraux soit partiels, ni la liberté ou la sûreté des autres membres que la confédération est essen-tielleihent destineè à protéger. Enfin chacun a sa justice souveraine, civile et criminelle, qu'il fait exercer par des tribunaux qui'jugent en dernier ressort, et qui, dans aucun cas, né peuvent être comptables de leur administration envers le corps helvétique, mais seulement envers le canton Ou l'Etat, qui lés a établis.
Jusque-là il est évident que ce n'était point au corps helvétique qu'il faut soumettre la demande des citoyens de Brest.
En vain argumenterait-on ici de la lettre en réponse que le canton de Zurich écrivit, le 16 juillet dernier, à M. d'Affry, et dont j'ai parlé plus haut. Elle est conçue en Ces termes : « Nous « avons reçu dans le temps les différents avis « que vous avez bien voulu uous donner de la « suite des affaires les plus nouvelles de France, «. et nous n'avons pas manqué de les communi-« quer, commé c'est notre devoir, à tout le corps « helvétique ; et nous nous sommes surtout em-« pressés de lui donner communication de votre « lettre dû 10 de ce mois, par laquelle vous nous « marquez, qu'à la poursuite du département de « Brest, ledit corps helvétique, et principale-« ment ceux desdits cantons qui ont faitjlacapi-. «« tulation de 1764, en vertu de laquelle le rëgi-« inent de Châteauvieux sert en France, pourraient « être sbllicités par la voie ordinaire de l'am-« bassade, pour accorder la grâce aux 41 soldats « de ce régiment, qui sont actuellement à Brest, « et qui, après 1'insurreetion de Nancy, ont été
* condamnés par le conseil de guerre des régi-« ments suisses de Castella et aé Vigier réunis, « à 30 ans de galères ; et qu'on vous a prévenu, « afin que vous ne mettiez par d'obstacle à cette « intercession, le corps helvétique ayant reçu cet « avis préalable, attendra tranquillement ce qui « pourra lui être adressé ministériellement à « ce sujet. »
Vous voyez, Messieurs, que cette lettre ne fait que rappeler l'avis qui avait été adressé par M. d'Affry au canton de Zurich; elle ne préjuge rien sur la nature de la question. S'il y est dit que le corps helvétique attendra ce qui pourra lui être officiellement proposé, c'est que ce corps ne connaissait ni les motifs de la demande qui lui était annoncée, ni la mesure de l'intérêt qu'on pouvait y prendre en France, et qu'il ne savait point pourquoi l'on songeait à s adresser à lui plutôt qu'à ceux qui exercent le droit de faire grâCe en pareille circonstance.
Je viens d'établir que la souveraineté réside dans chaque canton et que chaque canton a, selon ses lois particulières, droit de vie et de mort sur tous ses citoyens. D'après Ce principe originaire, les soldats suisses qui servent en pays étranger, devraient être juges chacun par le tribunal supérieur du canton d'où il dépend, et ceux qui exercent la souveraineté de ce canton auraient seuls le droit de modérer ou de remettre entièrement la peine. Mais que d'inconvénients dans cette marche ordinaire ! Un régiment, auxiliaire suisse est composé dç citoyens pris dans lés différents cantons qui ont traité avec, la puissance qu'il sert. Il faudrait donc qu'ils fussent jugés par autant de différents tribunaux, il faudrait que des soldats du même régiment, coupables des mêmes crimes, fussent punis d'après des lois différentes. De là, jl arriverait aussi que, dçtns les cas graciables, les urts subiraient leur peine, les autres trouveraient indulgence, selon que leurs cantons respectifs seraient plus on moins sévères. Les Suisses étaient trop sages, trop conséquents dans leurs principes, pour s'exposer à des contrastes aussi choquants ; voilà pourquoi ils ont établi dans chaque régiment le tribunal souverain dont j'ai parlé. Le colonel, lé lieutenant-colonel et les capitaines ont été investis par les cantons d'Un pouvoir illimité sur la vie et la mort de leurs soldats pendant toute la durée de leur service auxiliaire. Ils confirment, cassent ou modifient les sentences du conseil de guerre; ils commuent la peine, la modèrent, ou accordent la grâce entière, selon qu'ils le jugent à propos. Si l'Etat qu'ils servent accorde une amnistie, ils peuvent, à leur volonté, la rendre commune à leurs soldats; et leur silence est une exclusion. En un mot,, ils représentent, ils exercent, relativement à l'administration de la justice militaire, la souveraineté des cantons dans toute sa plénitude. C'est ce qu'on peut voir dans les observations de Vogel sur la Caroline, et dans son recueil, déjà cité, des traités conclus par notre ancien gouvernement avec les Suisses.
Entre une infinité de passages, je me contenterai d'en rapporter un. Après avoir rappelé une décision du conseil de guerre de Louis XV, Vogel s'exprime ainsi : « Le contenu de cette décision » indique un privilège dont les Suisses qui ser-« vent en France jouissent, en vertu de leurs « traités, au sujet ae l'amnistie que le roi juge « à propos d'accorder de temps à autre aux sol-« dats déserteurs pour les rappeler dans le « royaume. Ceux de cette nation ne sont point
« à couvert des peines attachées à la désertion, « en vertu de ces grâces que Sa Majesté fait pu-« blier par ses déclarations; et pour quils « n'aient rien à craindre au retour dans les « régiments dont ils ont déserté ; il faut, dit « toujours l'oracle de la justice helvétique, que « les officiers, chefs de ces troupes, aient pro-« noncé eux-mêmes sur l'amnistie, et qu'ils « l'aient acceptée en faveur de leurs mili-« taires (1). »
Ce sont les chefs des régiments suisses de Castella et de Vigier, qui ont condamné souverainement les soldats détenus aux galères de Brest; c'est dans leurs mains que réside toute l'autorité des cantons sur le sort de ces malheureux. C'est donc à eux qu'il faut s'adresser pour solliciter le terme de la peine, ou, pour mieux dire, l'extension de l'amnistie française.
M. d'Afïry, dans sa lettre à M. Montmorin, disait : « qu'il était inoui qu'un tribunal militaire « suisse, qui seul peut infirmer son jugement, « l'eût jamais fait. »
Mais il n'est pas précisément question d'infirmer ou de révoquer un jugement : il s'agit simplement de rendre commune aux soldats suisses l'amnistie accordée à tous les Français.
N'en doutons point, les chefs des régiments de Castella et de Vigier s empresseront d'accueillir le vœu de la nation et de son roi. Eh! pourquoi s'y refuseraient-ils? Serait-ce par la crainte ae relâcher les ressorts de la discipline helvétique? Nous savons combien les Suisses sont attachés à la rigoureuse exécution de leurs jugements militaires; et, en effet, cette nation, a qui certains philosophes reprochent de vendre à l'étranger le sang de ses concitoyens, et qui ne fait cependant qu'obéir aux conseils d'une sage et nécessaire politique; cette nation, qui ne s'endort point dans une trompeuse et funeste sécurité, qui a une surabondance d'hommes courageux pour la défendre, mais peu de ressources pour les nourrir; qui, en fournissant des troupes auxiliaires aux autres Etats, et surtout à la France, recueille trois avantages inappréciables; celui de se faire de puissants alliés; celui de corriger l'ingratitude de son sol par des traités à la fois politiques et commerciaux; celui d'entretenir sans frais, et de former, à la solde des étrangers, des armées nombreuses, toujours prêtes à rentrer dans leur pays si l'intérêt de la sûreté le commande, cette nation, disons-nous, a dû sans doute se faire un système d'être ferme dans la sévérité de sa discipline militaire, pour que ses soldats ne perdent pas l'habitude des lois et des .mœurs fortes et austères de leur patrie. Mais cette considération est étrangère au cas présent : si les soldats de Châteauvieux étaient coupables, plusieurs d'entre eux ont expié leur crime, les autres ont subi une partie de leur peine ; l'exemple est donné ; il a produit son effet.
Je vais plus loin, et je dis que l'impunité même, funeste à la discipline lorsqu'elle est le résultat de la faiblesse ou de l'excessive indulgence, peut lui être salutaire quand elle est provoquée par des motifs d'un certain ordre. Eh ! quels motifs
Slus puissants que ceux qui parlent ;'en faveur
es victimes encore vivantes des troubles de Nancy ! Satisfaite de voir la nation et son roi
liés au bonheur l'un de l'autre par un contrat sacré, l'Assemblée constituante voulut
célébrer, par un grand acte d'humanité cet heureux terme de ses travaux : elle voulut que
tous les crimes relatifs
Faites connaître les motifs qui vous animent aux chefs des régiments de Castella et de Vigier, et soyez sûrs que vous ne-tarderez pas à voir tomber les chaînes que traînent les 49 soldats de Châteauvieux. Faire grâce dans de pareilles circonstances, ce ne sera pas relâcher la discipline helvétique; ce sera donner un témoignage éclatant de son austérité-; ce sera faire voir qu il ne faut pas moins que le vœu exprimé du premier' peuple de l'univers, pour déterminer des chefs ae troupes suisses à faire plier à un sentiment d'indulgence la rigidité de leurs jugements militaires.
En suivant la marche indiquée par votre comité, vous satisferez, Messieurs, et a ce que l'humanité sollicite de vous, et au respect que vous devez aux traités. N'oubliez pas que vos ennemis du dedans et du dehors tentent tous les moyens possibles pour rompre les antiques liens qui attachent la France à la Suisse, et qu'il vous importe de les maintenir. Ce n'est pas que je les croie nécessaires à la sûreté nationale ; la France, si l'on ose l'attaquer, a tout ce qui rend invincible, le nombre, le courage, la liberté, la justice. (Applaudissements.)
Mais ces grands leviers n'excluent pas, ils appellent, au contraire, la prudence et la politique. La nature semble avoir destiné la Suisse et la France à s'aimer, à s'entre-secourir : par leurs rapports avec les autres puissances, elles ont toujours eu à peu près les mêmes ennemis; et.par leur position physique, elles se servent de rempart 1 une à l'autre.
Lorsque la France était esclave,. et que le sol helvétique était presque le seul de la terre où la liberté fut honorée, on y disait publiquement « que s'il existait un Suisse qui ne fût point l'ami « des Français, il ne fallaitpas qu'il fut connu. » Aujourd'hui que la liberté française a laissé loin derrière elle la liberté helvétique, pourquoi les deux nations ne resteraient-elles pas également unies? Qu'importe à leurs liaisons politiques le degré de liberté dont elles jouissent respectivement ? N'est-il pas d'ailleurs des cantons où le peuple jouit, comme en France, de toute l'intégrité de ses droits? Et si, dans les autres, il n'est point opprimé, s'il ne se plaint pas de son gouvernement, dans combien d'Etats de l'Europe son sort ne doit-il pas être envié.
Non. rien ne sera capable de désunir deux nations franches et loyales, dont les intérêts politiques ont la plus grande connexité, relativement aux autres Etats de l'Europe et que tout invite à persévérer dans cette estime réciproque, dans cette vieille et respectable amitié, qui fait, depuis plus de trois siècles, le désespoir ae leurs ennemis communs. (Applaudissements.)
Il me reste à discuter la demande en responsabilité formée par M. Montmorin, par les dé-
putés extraordinaires de Brest. Mon travail est prêt. Je l'ai, soumis à votre comité diplomatique. Mais, dans ce moment tous les membres n'avaient pu se rendre. Ceux qui étaient présents ont cru que cette question, qui présente quelques difficultés, exige le concours des lumières de tous leurs collègues : et pour ne pas retarder cependant le décret qui doit venir au secours, des malheureux soldats détenus aux galères de Brest, ils m'ont chargé de vous le présenter sans délai et de solliciter l'ajournement de la demande en responsabilité à l'époque la plus rapprochée que vous jugerez à propos. Quoique je me sente particulièrement convaincu de la justice de cette demande, je n'ai point hésité de donner mon assentiment à un examen ultérieur du comité. Je conviens, en effet, que les objets de ce genre doivent être pesés et mûris avec la plus grande attention. Je conviens qu'il faut se tenir en garde contre les dénonciations vagues pour ne pas relâcher les liens du respect nécessaire à l'activité du pouvoir exécutif : je dis, d'un autre côté, qu'il n'en faut pas être moins attentif à surveiller ses agents dont les intérêts et les affections peuvent, à chaque instant; entrer en opposition avec ceux du peuple; je dis que, tant qu'ils n'auront pas appris, par un exemple, que leurs délits, leurs fautes, leurs manquements, leurs négligences mêmes ne doivent pas rester impunis, ils croiront que leur responsabilité n'est qu'un mot vide de sens ou d'effet ; mais plus un tel exemple serait important par sa nature, plus les bases doivent en être sûres, et elles ne peuvent l'être que par une profonde réflexion.
En vous priant donc d'ajourner à une époque fixe la demande en responsabilité, votre comité vous propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité diplomatique, sur la continuité de la détention de 40 soldats du régiment suisse de Châteauvieux aux galères de Brest, pour faits relatifs à la Révolution française ;
« Considérant que rien n'est plus urgent qu'un acte d'humanité ou d'extension à l'amnistie, décrétée par l'Assemblée nationale constituante ;
« Décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale après avoir décrété qu'il y a urgence ;
« Considérant qu'il importe à la générosité, à la gloire de la nation d'effacer toutes les traces des troubles qui étaient inséparables de la dévolution française; que le sort des 40 soldats suisses détenus aux galères de Brest pour des faits relatifs à cette révolution, est d'autant plus intéressant, qu'ils appartiennent à une nation liée à la France par les traités les plus respectables et les rapports les plus intimes ;
« Considérant que les cantons ont déposé entre les mains des chefs de leurs régiments auxiliaires le droit le plus illimité de vie et de mort sur les troupes pendant tout le cours de leur service en pays étranger;
« Décrète que le pouvoir exécutif sera chargé d'intervenir pour engager les chefs des régiments de Castella et de Yigier, à accepter l'amnistie accordée à tous les Français, et à la rendre commune aux 40 soldats de Châteauvieux, détenus aux galères de Brest pour faits relatifs à la Révolution française. » (Applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne l'impression de ce rapport et du projet de décret et en ajourne la discussion à jeudi.)
Un membre, au nom du comité militaire, fait
un rapport sur la compagnie qui forme la garde des ports, quais et îles de la ville de Paris, et présente un projet de décret sur cet objet, tendant à former des gardes des ports quatre compagnies adjointes a la gendarmerie nationale qui continueront le service qu'elles faisaieut avant cette incorporation.
(L'Assemblée renvoie ce rapport au comité militaire pour une nouvelle rédaction.)
Je me suis aperçu ce matin que les puissances étrangères, dans leur correspondance, se permettaient de traiter les Français de sujets.....
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité de l'ordinaire des finances (1), fait un rapport et présente deux projets de décret relatifs à la continuation des travaux pour l'achèvement de Sainte-Geneviève ou Panthéon français : il s'exprime ainsi :
Messieurs, le Panthéon français a été destiné par l'Assemblée nationale constituante à réunir les monuments des grands hommes qui auront bien mérité de la patrie.
Par l'article 4 du décret du 4 avril, le directoire du département de Paris fut chargé de mettre promptement l'édifice de Sainte-Geneviève en état de remplir sa nouvelle destination.
Le 16 juin 1791, l'Assemblée constituante, sur le rapport ae ses comités des domaines, des finances, de commerce, d'agriculture et de mendicité, décréta qu'il serait fait un fonds particulier pour l'achèvement de l'édifice de Sainte-Geneviève, confié, comme dépense nationale, aux soins du département de Paris.
Le 15 août, elle décréta que la trésorerie nationale verserait dans la caisse du receveur du département de Paris 50,000 livres par mois, pour juillet, août et septembre : et le département fut tenu de présenter incessamment les projets et devis d'achèvement.
Le département présenta les projets qu'il avait arrêtés ; mais le 27 septembre l'Assemblée constituante ajourna à la législature actuelle le décret à porter sur la demande du directoire de Paris, et elle décréta une somme de 50,000 livres pour continuer les travaux du Panthéon pendant le mois d'octobre.
Enfin, Messieurs, le 2 de ce mois; le ministre de l'intérieur vous a adressé le devis général des ouvrages restant à faire au 21 de novembre, pour mettre à perfection l'édifice du Panthéon français. Ce devis, fait avec beaucoup de soin et vérifié par le département de Paris, porta la dépense à 1,519,478 1.11 s. 10 d. Le ministre a joint a cet envoi la pétition du directoire et son avis particulier.
D'ailleurs, les ouvriers employés à ce monument vous ont présenté à la barre une pétition
pour vous demander que leurs travaux ne fussent pas interrompus, puisque c'était le seul
moyen qu'ils eussent pour fournir à leurs besoins. Vous avez été touehésde leur situation, et
au milieu des objets importants, qui vous occupent, vous avez pensé qu'il était de votre
justice de prononcer sur leur demande. Vous avez chargé votre comité de l'ordinaire des
finances de vous présenter aujourd'hui son rapport. Le Panthéon avait été construit pour être
un
Cette nouvelle destination a exigé des changements considérables dans la disposition intérieure et les ornements de ce temple. Il a fallu que tout fût analogue à la gloire d'une nation qui, en brisant ses fers, a dû jurer de prendre le grand caractère de vertu, d'ordre et ae justice que doit déployer un peuple libre.
Ce sont ces changements et les travaux qui étaient encore à faire qui exigent la dépense dont je vous ai rendu compte : tous les articles paraissent calculés avec la plus grande exactitude.
Cet édifice a déjà coûté plus de 16 millions; et vous jugerez sans doute. Messieurs, qu'une somme de 1,500,000 livres qui doit en procurer l'achèvement, serait une dépense nécessaire, quand même vous ne considéreriez le Panthéon que comme un monument élevé aux arts. On a reproché à la nation française de ne rien achever et de laisser les plus beaux monuments imparfaits. Il en devait être ainsi lorsqu'on ne les élevait que pour l'orgueil des princes ou de leurs ministres. Le terme de leur vie était aussi celui de leurs projets ; mais une nation libre est plus durable; et si elle est détruite, les monuments de sa gloire peuvent rallumer le flambeau de la liberté.
Enfin, Messieurs, ces ouvriers que les circonstances rendent malheureux parce que les arts sont sans activité, ces ouvriers qui sont venus implo-rervotre humanité, qui ont mieux aimé servir leur patrie que d'aller chercher des travaux hors de son sein, méritent toute votre attention, et vous pressent de remplir le vœu de l'Assemblée constituante, en décrétant les fonds nécessaires pour l'achèvement du Panthéon. 6 à 700 ouvriers y étaient employés : presque tous sont pères ae famille; les sculpteurs et les ornementistes ne trouvent point d'autres travaux. On a commandé des granits dans les Vosges pour le pavement de l'édifice, et il faut payer les ouvriers et les entrepreneurs qui ont été chargés de les fournir.
C'est pour la patrie et la liberté que cet édifice s'achève. C'est dans ce sanctuaire de la reconnaissance publique que pourront être célébrées les fêtes nationales que vous instituerez. C'est dans ce temple enfin que vous pouvez décerner les triomphes dus à ceux qui auront vaincu pour la patrie.
Ct estd'après ces considérations. Messieurs, que votre comité a cru qu'il était d'abord nécessaire de décréter d'urgence une somme de 50,000 livres pour les travaux du mois de janvier, et de vous proposer ensuite la première lecture d'un décret pour assurer les fonds nécessaires à l'achèvement du Panthéon.
PREMIER PROJET DE DÉCRET (1).
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des
finances
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète qu'une somme de 50,000 livres sera versée par la Trésorerie nationale dans la caisse du receveur qu'indiquera le directoire du département de Paris, pour être employée pendant , le mois de janvier aux travaux du Panthéon français, sous la surveillance et les soins du département de Paris, comme dépense nationale. »
DEUXIÈME PROJET DE DÉCRET (2).
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de 1 ordinaire des finances, voulant assurer l'achèvement du Panthéon français, consacré par l'Assemblée constituante à la mémoire des grands hommes qui auront servi la patrie et la liberté, décrète :
« Art. 1er. Que la somme de... ....... 1,469,478 1. 11 s.lOd.
formant avec celle de.... 50,000 » » décrétée le 24 de cé mois pour les travaux de cet
édifice pendant le mois-C-'-de janvier celle de.... 1,519,478 1. 11 s. 10 d. montant du devis
estimatif des travaux d'achèvement présenté par le directoire du département de Paris, sera
versée aux époques ci-après indiquées, par la Trésorerie nationale, dans la caisse du
receveur que désignera le département de Paris.
« Art. 2. Cette somme de 1,469,4781.11 s. lOd. sera pavée par la Trésorerie nationale, à raison de 50,000 livres par mois pendant 29 mois consécutifs, et de 19,478 1.11 s. 10 d. le trentième mois, sur les ordonnances du ministre de l'intérieur, qui en rendra compte à l'Assemblée nationale.
« Art. 3. Cette somme sera employée à l'achèvement du Panthéon français, sous la surveillance et la responsabilité du directoire du département de Paris, qui rendra compte, chaque mois, au ministre ae l'intérieur, des progrès des travaux, et des dépenses qui auront été faites. »
Un membre : Je me plains de ce qu'on décrète l'urgence sur un commencement de dépense de 1,500,000 livres au moment où la sûreté du royaume va exiger des dépenses considérables. Je demande l'ajournement jusqu'après la question sur la paix ou sur la guerre.
La dépense demandée par le comité de l'ordinaire des finances n'est qu une suite d'un décret de l'Assemblée constituante qui l'a ordonnée. D'ailleurs, ce n'est pas aux approches d'un hiver rigoureux qu'on peut fermer un atelier qui occupe journellement 1,500 ouvriers à un travail dont la cessation réduirait à la misère plusieurs pères de famille. Je demande que l'on aille aux voix sur le premier projet du comité.
(L'Assemblée, après avoir décrété l'urgence, adopte le premier projet de décret et ajourne le second entendu pour première lecture.)
, au nom du comité de division, sou-
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, sur la réclamation des sieurs Lebas, Charbonnier et Haudan-ger, nouvellement élus membres du corps municipal de Versailles, et empêchés dans leur installation ; considérant qu il s'agit d'officiers municipaux suspendus dans l'exercice provisoire de leurs fonctions, décrète qu'il y a urgence. » « L'Assemblée nationale considérant : « 1° Que la contestation élevée parles citoyens d'une des treize sections de la ville de Versailles, contre l'élection des sieurs Lebas, Charbonnier et Haudanger, comme officiers municipaux, n'est pas susceptible d'être soumise à la décision de l'assemblée primaire des citoyens de cette ville qui les a nommés et proclamés ;
« 2° Que l'installation dé ces officiers ne peut, Sous ce prétexte, être retardée, et qu'aux termes de l'article 9 de la seconde séctiOn de la loi du 27 mars 1791, ils doivent demeurer dans l'exercice provisoire de leurs fonctions;
« 3° Et enfin que le seul droit des opposants n'est, aux termes de la loi, que de se pouvoir devant l'ordre judiciaire (s'agissant d'un prétendu défaut de qualité), sans que, pour raison de ces contestations, aucune section des citoyens puisse rester assemblée.
« Après avoir décrété définitivement que, nonobstant l'arrêté du directoire du département de Seine-et-Oise, du 9 présent mois, la municipalité de Versailles sera tenue de procéder, sans délai, à l'installation de tous les membres nouvellement élus à cette municipalité, sauf aux opposants à se pourvoir devant le tribunal judiciaire, en la forme prescrite par là loi, et sans qu'à raison de ce, aucune section des citoyens de la ville puisse rester assemblée ni être convoquée de nouveau. »
(L'Assemblée, après avoir décrété l'urgence, adopte le projet de décret sans discussion.)
Un membre : Je demande qu'il soit tenu, dans chaque comité, un registre pour Vordre des rapports et que les présidents des comités se concertent avec le Président de l'Assemblée nationale, pour placer les rapports, selon leur rang, à l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
jeune, au nom du comité militaire, fait un rapport sur le compte rendu à VAssemblée nationale, par le ministre de la guerre, le 16 novembre 1791 (2), relatif à l'état actuel de la qendarmerie nationale; il s'exprime ainsi (3) : Messieurs, l'Assemblée nationale constituante termina, le 16 janvier 1791, les décrets relatifs à l'organisation de la gendarmerie nationale. Ces decrets, articles 6 et 7 du titre Ier, s'expriment ainsi :
« Le nombre moyen des brigades de gendar-« merie nationale sera de 15.
« Et néanmoins il y aura des départements « réduits à 12, et d'autres qui en auront 18,
selon
Et article 11 du titre VII : « La gendarmerie nationale sera formée provisoirement dans cba-« cun des départements autres que ceux de Paris « Seinè-et-Oise et Seine-et-Marne sur le pied « de 15 brigades, sauf à faire ensuite les distri-« butions définitives, conformément aux articles « ci-dessus. »
D'après ces decrets, sanctionnés le 16 février, chaque département devait organiser 15 brigades; et aUcune loi postérieure n'y ayant dérogé, l'on ne peut qu être étonné que cette organisation ne soit pas encore achevée. Il s'est, a la vérité, présenté quelques difficultés, mais aucune d'elles n'a paru à votre comité militaire de nature à empêcher l'organisation provisoire de 15 brigades pour chaque département; et s'il y avait besoin de preuves à cet égard, elles seraient fournies par les départements qui se sont portés à ce nombre de brigades, tels que ceux du Tarn, de l'Ariège et quelques autres ; l'on ne peut donc attribuer qu'à une indifférence répréhensible, ou à des travaux forcés d'un autre genre, le peu d'activité qu'ont mis à l'exécution ae cette loi quelques départements du royaume.
L'Assemblee nationale constituante, depuis le décret général, sur l'organisation de la gendarmerie, en a rendu, à différentes époques, quelques autres pour accélérer le travail des départements : et notamment le 18 septembre dernier, elle décréta l'article 6 « que faute par les direc-« toires d'exécuter ce qui leur était prescrit, dans « le délai de troissemaines,leminîstredelaguerre « était autorisé à présenter un état du nombre « des brigades dans les départements, dont les « directoires ne se seraient pas conformés au « décret, ainsi que des augmentations et des « placements qull jugerait plus convenables au « Dien du service, sur l'avis des colonels. »
D'après ces décrets successifs et l'intérêt qu'attachait l'Assemblée nationale à l'organisation de la gendarmerie, elle devait sans doute s'attendre à voir enfin ce corps organisé définitivement, soit par l'intermédiaire des départements, soit par celui des colonels de la gendarmerie nationale. Mais aujourd'hui, au. contraire, non seulement le travail définitif n'est pas prêt à être mis sous les yeux de l'Assemblée nationale, mais même les 15 brigades provisoires décrétées depuis le 16 janvier, ne sont point encore toutes, à beaucoup près, formées.
Le 16 novembre, le ministre de la guerre est venu vous proposer de rendre un decret pour autoriser cette formation provisoire.
Mais, Messieurs, que signifierait un décret qui, en ordonnant l'exécution d'un autre décret absolument semblable, rendu un an auparavant, ne ferait que sanctionner la négligence qu'ont mise quelques départements dans l'exécution du premier, et les inviterait, pour ainsi dire, à mettre la même indifférence dans l'exécution du second.
Votre comité militaire a pensé, Messieurs, que ce ne serait point ainsi que vous réussiriez à faire exécuter là loi. Pour être certain d'y parvenir, il à cru devoir rechercher la cause de cette inaction, et vous proposer des moyens prompts de la faire cesser et d'organiser enfin définitivement la gendarmerie nationale.
L'Assemblée nationale constituante avait fixé lé nombre d'hommes qui devaient former ce corps à 7,455, y compris les deux compagnies en remplacement de celle de la ci-devant Robe-Gourte; elle avait aussi fixé le nombre moyen
des brigades à 15 par chaque département : ce qui faisait en tout 1,281 brigades, y compris 24 pour chacun des départements de Corse, Paris, Seine-et-Oise et Seine-et-Marne. Depuis, l'Assemblée nationale constituante a porté à 36 le nombre des brigades de Corse, et elle a créé 2 nouvelles compagnies de gendarmes, pour faire le service près de l'Assemblée nationale, et du tribunal de cassation : ce qui a porté le nombre des brigades des 28 divisions seulement à 1,293; et celui des hommes y compris les 4 compagnies de service près l'Assemblée nationale et les tribunaux de Paris, à 7,627.
L'Assemblée nationale constituante a encore créé, par son décret du 28 août dernier, deux divisions de gendarmerie nationale à Paris, l'une à pied, l'autre à cheval, composée de 913 hommes, en tout 1,826; mais ces deux divisions sont uniquement destinées à la garde de la ville de Paris.
Celles qui le sont à être réparties dans les 83 départements du royaume, pour y maintenir la police et assurer la tranquillité publique, devraient donc être composées, d'après les décrets de l'Assemblée nationale constituante de 7,329 hommes, y compris les officiers de tout grade, et les greffiers attachés à chaque département; ces 7,329 hommes divisés en 1,293 brigades de 5 hommes chacune.
La dépense de ce corps peut être évaluée à environ 9 millions. Les retraites à accorder, le casernement et le défaut de fixation précise du nombre des brigades à pied et à cheval, ont empêché jusqu'à présent ae connaître l'état exact et précis ae cette dépense.
D'après cet expose sommaire, l'Assemblée nationale s'apercevra aisément de l'incompatibilité, au moins apparente, qui existait entre deux des décrets principaux de l'Assemblée nationale constituante sur cet objet ; l'un, article 3 du titre premier, portant le nombre des hommes à 7,455 ; et le deuxième article 11, titre 7, qui ordonne que «. là gendarmerie nationale sera provisoirement « formée dans chacun des départements, autres « que ceux de Paris, Seine-et-Oise et Seine-et-« Marne, sur le pied de 15 brigades. »
En effet, si chaque département, dont le nombre des brigades se trouvait au-dessous de 15, se fût porté à ce nombre, ainsi qu'il lui était ordonné par l'article 11 ci-dessus, le nombre total des brigades aurait été trop considérable, puisque l'Assemblée nationale n avait rien statué sur l'emploi des brigades des départements qui en avaient un plus grand nombre que 15; ces départements étaient autorisés à supposer que l'intention de l'Assemblée n'était pas de diminuer, même provisoirement, le nombre de brigades qu'ils avaient eues jusqu'alors, tandis qu'elle augmentait considérablement celui des autres départements.
L'Assemblée nationale constituante eût pu faire cesser cette contradiction, soit en indiquant un certain nombre de départements qui n'auraient organisé que le minimum des brigades fixé à 12, soit en disposant des brigades au-aessus du nombre de 15, qui pouvaient se trouver dans quelques départements, soit enfin en laissant le nombre total des hommes indéterminé; mais faute de s'être expliquée à cet égard, chaque département a fait, en vertu de l'article 11 du titre 7, des dispositions pour porter le minimum des brigades à 15 au lieu de celui de 12 décrété par l'article 7 du titre premier.
Cette difficulté devait nécessairement embarrasser le ministre de la guerre, et ralentir l'organisation si urgente des 15 brigades par dé-
partement ; mais elle n'a jamais été mise sous les yeux de l'Assemblée nationale, non plus que quelques autres qui ont également arrêté l'activité de la formation de ce corps.
L'Assemblée nationale constituante, en supprimant, titre 4, article 1er. « les compagnies » connues sous le nom des Monnaies, de la « Connétablie, des voyages et chasses du roi, du « Clermontois et de l'Artois, avait décrété qu'elles « feraient partie de la gendarmerie nationale « dans laquelle elle les a déclarées incorporées, « pour les officiers, sous-officiers et cavaliers « être placés chacun suivant leurs grades et « rangs. » ,
Mais elle n'avait point fixé comment se ferait l'incorporation de ces compagnies ; si elles seraient réparties dans tous les départements du royaume, ou si chacun des gendarmes de ces compagnies serait employé de préférence dans le département où elles étaient placées.
Ce n'est que le 18 septembre que l'Assemblée nationale a rendu un décret, sanctionné le 29, qui « autorise, article lor, le ministre de la guerre « à ordonner à tous les officiers, sous-officiers « et cavaliers de la ci-devant maréchaussée, qui « doivent être employés sur le pied de gendar-« merie, de se rendre dans les départements et « les résidences qu'il leur assignera, les officiers « chosis par les directoires de département de-« vant occuper dans ceux où ils auront été nom-« mes, les résidences dans lesquelles ils seront « nommés suivant leur grade, par le ministre de « la guerre. »
Mais à l'époque de ce décret, la plupart des directoires de département avaient déjà nommé un grand nombre ae sujets pour remplir les places de gendarmes, sans égard au nombre de cavaliers incorporés dans le corps de la gendarmerie.
L'Assemblée nationale constituante n'a pas pourvu non plus au sort d'environ 250 surnuméraires, créés par l'ordonnance du 28 avril 1778, concernant la maréchaussée, article 21, titre Ier(l), et qui ont un droit incontestable au remplacement; elle s'était seulement occupée, par un décret postérieur à l'organisation générale, de celui des surnuméraires de la ci-aevant compagnie de Robe-Courte, dont elle a fixé le mode de remplacement.
Il résulte, Messieurs, des différentes dispositions qui viennent de vous être mises sous
les yeux, qu'il s'est présenté de très grands embarras dans la distribution des ci-devant
cavaliers de maréchaussée, chaque département ayant nommé des gendarmes, en remplacement de
ceux qui manquaient dans son arrondissement tant pour compléter les brigades existantes que
pour former celles d'augmentation; quelques-uns même d'entre eux se sont permis de nommer un
nombre de gendarmes supérieur à celui
Ces diverses difficultés, qui ont retardé jusqu'à présent l'organisation définitive de la gendarmerie nationale, n'ont cependant pu empêcher le ministre de la guerre de faire un travail préparatoire à cet égard prêt à être exécuté aussitôt après la décision de l'Assemblée nationale sur ces différents objets.
En vous mettant sous les yeux quelques-uns des obstacles qui, jusqu'ici, ont empêché la formation de la gendarmerie nationale, votre comité doit aussi vous faire part qùe, d'après les tableaux des brigades d'augmentation, adressés aujninistre de la guerre, en vertu de l'article 4 du décret du 18 septembre, par 76 départements, et par analogie pour 7 autres encore en retard, il en résulte une demande en augmentation au-dessus de celle décrétée par VAssemblée nationale constituante, de 340 à 350 brigades; ce qui fait celle de 17 à 1,800 hommes, et occasionnerait une dépense d'environ 1,800,000 livres.
Pour mettre l'Assemblée nationale à même de prononcer sur cette demande des départements eh augmentation de brigades, le comité militaire lui rappellera que l'Assemblée nationale constituante a fixé le maximum des brigades à 18, et le minimum à 12 dans chaque département, qu'au moment où l'Assemblée nationale a rendu le décret qui porte la gendarmerie nationale à 7,455 hommes, la maréchaussée n'était que très inférieure à ce nombre. Cependant, dans l'ancienne composition, quelques départements avaient plus de 18 brigades de maréchaussée ; et votre comité a pensé qu'en augmentant considérablement cette troupe, votre intention ne serait sûrement pas de diminuer le nombre des brigades dans les départements qui en avaient un au-dessus du maximum fixé par l'Assemblée nationale constituante, et qui, aujourd'hui, en réclament un nombre plus considérable encore que celui qu'ils avaient.
Les départements, au reste, qui sont dans ce cas sont peu nombreux, ainsi que ceux qui en avaient au-dessus de 15.
Ceux au-dessus de ce nombre le sont beaucoup plus, et parmi eux, il y en avait quelques-uns qui n'avaient que trois brigades et même deux.
D'après cet exposé, votre comité militaire a pensé qu'il ne pouvait vous proposer de réduire le nombre des brigades dans les départements, qui, dans l'ancienne composition, en avaient plus de 18. Il a cru, au contraire, qu'il serait plus convenable de l'augmenter dans quelques-uns d'eux, tant à cause de leur nombreuse population, qu'à cause de leur étendue, de leur situation géographique, et des accidents de terrains coupés ae rivières ou de canaux, de forêts et de montagnes.
Votre comité a pensé aussi que chaque département ayant organisé, ou s'occupant dans ce moment d'organiser au moins 15 brigades, il serait convenable d'en fixer le minimum par chaque département à quinze, au lieu de douze fixé par l'Assemblée nationale constituante : ainsi, sans adopter dans leur entier les demandes inconsidérées de quelques départements, votre comité
vous proposera cependant de décréter une augmentation considérable dans la gendarmerie nationale, augmentation qui ne portera que sur les gendarmes et brigadiers seulement, le nombre des officiers étant déjà fort considérable, et plus que suffisant encore pour supporter une très grande augmentation ae brigades.
D'après ce développement, vous apercevrez, Messieurs, que votre comité ne pourra vous présenter un travail définitif sur le nombre et l'emplacement des brigades dans chaque département, que lorsque vous aurez prononcé préalablement sur le projet de décret qu'il vous proposera aujourd'hui en conséquence des observations ci-dessus, qui sont le résultat des différents mémoires et renseignements donnés, tant par les départements que par les colonels de la gendarmerie nationale, et par un grand nombre de membres de cette Assemblée.
En attendant ce travail définitif si désiré et si urgent, le comité vous proposera de décréter quelques bases qui tendront beaucoup à l'accélérer.
Il viendra un temps, et sans doute il n'est pas éloigné, où une force aussi imposante ne sera plus nécessaire pour maintenir la tranquillité publique ; mais dans ce moment où les ennemis de la liberté et de l'égalité emploient tous les moyens pour les détruire, où ils qualifient de devoirs les actions les plus basses et les plus flétrissantes, où l'embauchage, le parjure et les crimes les plus méprisables sont les éléments de leur nouvelle morale, nous avons besoin d'une force, immense pour les réprimer. Des esclaves qui ne peuvent ^accoutumer aux bienfaits de la liberté doivent être contenus par la crainte des châtiments.
Au moment où une partie de cette force deviendrait inutile, la gendarmerie nationale, dont les soldats ne contractent aucun engagement, pourra être enrégimentée, et devenir ainsi le type et un des premiers éléments de la force publique à l'extérieur, comme dans l'intérieur du royaume ; car bientôt tous les défenseurs de la patrie n'en prendront d'autres pour la servir? que ceux de l'honneur, de l'amour de la liberté et de la haine des tyrans.
L'essai heureux que la France en fait dans ce moment, prouverait seul à l'Europe entière, s'il en était encore besoin, que la nation française est mûre pour la liberté ; 100,000 gardes nationales volontaires sur pied, souffrant la plupart toutes les privations qu'entraîne nécessairement un nouvel établissement qu'exige un état si éloigné de celui auquel ils étaient accoutumés, qu'aggrave la criminelle audace ou la coupable négligence des ennemis secrets de la Constitution; plus de 100,000 citoyens répartis loin de leurs foyers pour la défense des frontières, un plus grand nombre encore qui demandent à en partager la gloire et les dangers ; ceux des villes et des campagnes, qui, sans aucune rétribution, soutiennent depuis longtemps la Révolution les armes à la main, leur dévouement généreux, leurs sacrifices sans nombre qui sont devenus pour eux le devoir, le besoin même le plus impérieux; tout vous donne, Messieurs, l'espérance ae voir bientôt l'armée française composée tout entière d'hommes dévoués, sans aucun engagement, au soutien de la chose publique; et un des plus grands maux peut-être que puissent causer, dans ce moment au royaume, les ennemis de la liberté, c'est de retarder encore quelque temps ce bienfait ; la plupart de nos soldats en sont
dignes. Leur attachement à la Constitution et les services signalés qu'ils lui ont rendus, leur sont uil sur garant que vous ne tarderez pas à les en faire jouit, lorsque, par leur contenance et leur valeur, ils auront dissipé ses ennemis et anéanti pour jamais leurs coupables espérances.
En conséquence, nous vous proposons le projet de décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant qué les ennemis du bien public cherchent par toutes sortes dé moyens a corrompre lès citoyens les plus attachés à leur patrie ét à leur devoir; qu'ils exercent leurs manœuvres criminelles sans aucun respect pour les autorités constituées ; et qu'il est instant enfin de les forcer à se soumettre à des lois dont ils affectent de méconnaître le caractère ; après avoir entendu le rapport de son comité militaire sur la Situation et l'organisation actuelle de la gendarmerie nationale, a décrété qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété préalablement l'urgence, décrète définitivement ce qui suit :
« Art. 1er. Le nombre dés brigades de la gendarmerie nationale,
fixé par différents décrets à 1,293, sera porté à celui de 1,560 : chaque brigade, soit à
pied, soit à cheVal, demeurera composée d'un maréchal des logis ou brigadier et de quatre
gendarmes.
« Art. 2. 1,500 brigades seront réparties entre tous les départements, de manière qu'il n'en soit pas établi moins de 15, ni plus de 21 dans chaque département, à là réserve de ceux de Corse, Paris, Seine-et-Oise et Seine-et-Marne exceptés par les décrets antérieurs.
Lt-s 60 brigades ' Testantes seront divisées par le Corps législatif, lors du travail général, entre les départements dont il jugera que les localités, la population ou les circonstances pourront l'exiger.
« Art. 3. En attendant l'organisation générale et définitive le ministre de la guerre donnera des ordres pour que, sur le nombre de brigades existant, dans chaque département, il y en ait une incessamment établie dans chaque chéf-lieu réunissant en même temps une administration et un tribunal dé district, l'Assemblée nationale l'autorisant â choisir provisoirement dans l'étendue du département, les brigades qu'il devra placer en vertu du présent article.
« Art. 4. Les brigades actuellement existant dans les chefs-lieux de département, et dont quelques directoires ont demandé la translation afin qu'elles fussent plus utilement employées, seront, sous les ordres du ministre de la guerre, transférées le plus tôt possible, dans les lieux indiqués par les directoires de département, et conformément aux mémoires et tableaux qui lui ont été adressés par eux, en vertu de l'article 3 du décret du 18 septembre dernier.
« Art. 5. Les directoires de département ne pourront nommer de gendarmes que le nombre nécessaire pour compléter les brigades qui leur auront été affectées, et d'après la connaissance qui leur aura été donnée, par le ministre de la guerre, du nombre d'anciens cavaliers qui doivent être employés dans leurs départements.
« Art. 6. Le ministre distribuera aussi comme
gendarmes dans les différentes brigades, les surnuméraires de la ci-devant maréchaussée qui y ont fait un service actif avant la formation ae la gendarmerie nationale.
« Art. 7. La distribution des ci-devant cavaliers de maréchaussée se fera, de manière qu'il y ait au moins un de ces cavaliers placé dans chacune des brigades à former lors de la publication du présent décret; et ce, sans y comprendre le brigadier. '
« Art. 8. Les anciens cavalièrs de maréchaussée qui auraient été renvoyés par les directoires de département, sous quelque prétexte que ce soit, notamment celui de ne savoir lire ni écrire, reprendront leurs places et seront payés de leurs appointements comme s'ils n'eussent point été destitués ; et cela conformément à l'article 17 du titre III, et à l'article 1er du titre VII de -la loi sur l'organisation de la gendarmerie nationale.
« Art. 9. Si les directoires avaient nommé un plus grand nombre de sous-officiers et gendarmes, qu'il ne leur était prescrit par l'article 11 du titre VII qui fixe provisoirement le nombre des brigades a .15 par chaque département, ou que celui qui leur serait .indiqué par le ministre de la guerre, d'après la fixation définitive du nombre des brigades dans chaque département et la distribution des cavaliers et surnuméraires de la ci-devant maréchaussée, dans les différentes brigades, les dernières nominations qui porteraient le nombre fixé au-dessus du complet, seront annulées. Les sujets qui auraient quitté leurs régiments pour occuper ces places, pourront, s'ils le veulent, y reprendre leur rang et ancienneté.
« Art. 10. Les officiers, sous-offiGiers et gendarmes nommés en vertu des décrets sur l'organisation de la gendarmerie nationale, et qui ne faisaient point partie de la ci-devant maréchaussée seront payés* à dater du jour de leur prestation de serment, de leurs appointements, conformément au titre IV de loi du 16 février rendue sur cet objet, sans qu'il puisse être apporté dorénavant aucun retard dans leur paiement.
« Art. 11- Les lettres dé passé, autorisées dans la gendarmerie nationale par l'article 7 de la loi du 28 juillet 1791, ne pourront avoir lieu pour les gendarmes que dans les résidences de leur département, et pour les sous-officiers dans celles de leur division, à moins que, sur les demandes des départements respectifs, et sur les propositions des colonels, il n'en soit décidé autrement, ikns tous les cas, aucune lettre de passe ne sera donnée que sur les demandes précises et motivées des directoires de département.
« Art. 12. Les maréchaux des logis de la ci-devant maréchaussée, en activité de service, qui ont obtenu des brevets de sous-lieutenants dans ce corps avant la formation actuelle de la gendarmerie nationale, auront droit, dans leur division, à une place de lieutenant, alternativement avec les maréchaux des logis choisis conformément à l'article 7 du titre II ; la première place vacante dans chaque division sera donnée au plus ancien maréchal des logis, breveté de sous-heu-tenant; la deuxième au choix, et ainsi de suite. »
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret de M. Carnot et ajourne la discussion à samedi.)
, secrétaire. Le ministre des affaires étrangères s'est présenté, ce matin, avec des lettres en réponse à celles écrites par le roi, qui annon-
çaient son acceptation de la Constitution. De ces lettres, il en a remis au bureau des copies, mais elles ne sont point signées. Le ministre1 des affaires étrangères a présenté à l'Assemblée di-> verses observations. La première était relative aux prétentions des princes étrangers possessionnés en France ; les secondes à l'augmentation de fonds qu'il sollicitait pour son département; et la troisième enfin était relative à l'affaire des Suisses de Châteauvieux.
Le ministre des affaires étrangères devait, conformément au décret, et conformément à la marche naturelle, remettre les copies de lettres signées, les mémoires signés, et le ministre des affaires étrangères n'a remis ni copies de lettres signées, ni mémoires signés, de manière que ie me trouve très embarrassé pour la rédaction du procès-verbal. Je ne puis pas mettre dans le procès-verbal l'extrait des lettres dés princes étrangers, sans que ces lettres soient signées et certifiées conformes aux originaux par le ministre dés affaires étrangères, car il serait très possible qu'un jour, les princes étrangers désavouassent les énori-ciations qui seraient faites dans les procès-verbaux. D'un autre côté, je ne peux énoncer dans lè procès-verbal, et les observations et les demandes au ministre, sans avoir pu me faire remettre ses mémoires bien signés et bien datés, de manière, Messieurs, que je me trouve dkns une position délicate. (Murmures.)
J'ai envôyé deux exprès au ministre des affaires étrangères, deux huissiers, pour lui annoncer que, conformément à un décret de l'Assemblée nationale j il devait remettre les copies de lettres signées, et les mémoires, datés et signés. Il m'avait promis de me les envoyer, mais il m'a fait remettre des lettres non signées. Je demande à l'Assemblée si, sur des actes absolument informes, j'en dois faire l'énonciation dans le procès-verbal.
Il n'est pas besoin de discussion pour un objet aussi clair. Il faut que M. le Président fasse prier le ministre de signer ses lettres.
H faut que le ministre certifie les copies qu'il a remises sur le bureau; mais il n'en est pas moins vrai que* toutes les fois qu'un procès-verbal énoncera une pièce comme remise par leministre, et comprendra telle ou telle énonciation, le ministre sera, par là, convaincu l'avoir remise, et il sera incontestable que l'énonciation qui se trouvera au procès-verbal sera digne de foi, parce que le procès-verbal de l'Assemblée fait foi. Pourtant le ministre est tenu, par le respect qu'il nous doit, de certifier véritables les copies qu'il dépose sur le bureau, parce qu'il doit faire son devoir dans toute son étendue. (Applaudissements.)
Je demande qu'on renvoie au ministre des affaires étrangères toutes ces pièces pour qu'il les renvoie certinéés véritables, sinon qu'on les laisse chez lui et qu'il n'en soit pas fait mention au procès-verbal.
Je conclus à ce que le ministre soit tenu de certifier les lettres qui sont sur le bureau et à ce que le procès-verbal se fasse comme à l'ordinaire, bien que cette attestation n'y soit pas jointe.
Monsieur Thuriot, si vous aviez voulu ménager les moments de l'Assemblée, vous n'auriez pas fait un discours écrit sur un fait aussi simple.
U n'est pas écrit.
Monsieur le Président, j'ai la
parole et je conclus à ce que l'Assemblée ne s'occupe pas plus longtemps de ce fait qui peut être réparé très facilement par une lettre de vous au ministre des affaires étrangères.
Je m'oppose formellement à ce que M. le Président écrive au ministre des affaires étrangères. Il faut lui envoyer les pièces par un huissier.
Plusieurs membres : La, discussion fermée î
, secrétaire. Il y a trois mémoires que le ministre n'a pas remis; or, je demande à M. Gérardin comment il est possible que je fasse une mention de ces pièces au procès-verbal..
(L'Assemblée ferme la discussion et adopte la motion de M. Grangeneuve.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui annonce l'opposition formée par les dépositaires au transport dans le greffe du tribunal de cassation, des arrêts et autres papiers du conseil dont lè public demande journellement des expéditions. Il propose,que l'Assemblée prenne une mesure à cet égard, çn même temps qu'elle en prendra une générale pour former un dépôt général dans chaque département, de toutes les minutes et papiers de toutes les anciennes cours du royaume, et un dépôt plus considérable pour Paris; où seraient réunies les minutes et expéditions du conseil privé, du dépôt du Louvre, du dépôt des Grands-Augustins et du dépôt du conseil de Lorraine.
(L'Assemblée renvoie l'examen de cette demande au comité de législation.)
,secrétaire. Voici une note écrite non au bureau, mais à l'un des huissiers :
« M, Delessart prie l'un de MM. les huissiers de rAssémblée de vouloir bien s'informer du nom et de la demeuré de celui de MM. les secrétaires de l'Assemblée chargé de la rédaction du procès-verbal de la séance d'aujourd'hui, afin que le ministre pùisse lui faire passer les notes qui lui sont nécessaires, »
J'observe à l'Assemblée que ce ne sont point des notes dont elle doit avoir besoin, mais les mémoires qu'il a lus.
(La séance est levée à 10 heures.)
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
, au nom du comité des pétitions, fait un rapport contenant Vanalyse de plusieurs adresses et pétitions ; il s'exprime ainsi (l) :
Messieurs, je suis chargé, par le comité des pétitions, de vous offrir une multitude d'adresses envoyées par un très grand nombre de départements, de districts, de municipalités, de sociétés patriotiques, de gardes -nationaux et de soldats ae troupes de ligne, etc., etc.
« L'Assemblée* y verra avec satisfaction l'expression sincère des sentiments de ces vrais
« Adresse du conseil général du département des Vosges, du Haut-Rhin, du directoire du même département, du conseil général de celui d'Indre-et-Loire, de celui de la Vendée et des Côtes-du-Nord, qui félicitent l'Assemblée nationale sur la fermete qu'elle a déployée contre les émigrànts et les prêtres séditieux, adhèrent et applaudissent à ses décrets, et dévouent au mépris et à l'indignation des bons citoyens les solliciteurs de veto, qui ont osé convier le roi de refuser sa sanction a celui qui tendait à réprimer l'audace de ces faux fanatiques.
«; Celui de la Mayenne joint à ses hommages la demande d'une loi qui oblige les fonctionnaires publics à assister aux assemblées publiques.
« Celui des Vosges dit que le vœu de tous les citoyens de ce département a été bien exprimé par les applaudissements avec lesquels le décret contre les prêtres séditieux a été accueilli. Ils sont affligés de l'inexécution de ce décret; mais ils protestent de leur fidélité à la Constitution, et jurent de mourir pour la défense de la liberté.
« Le département du Haut-Rhin désapprouve la démarche du directoire de Paris ; il le charge de tous les maux qu'entraînera le refus de sanction, et s'exprime ainsi :
« Se peut-il que des rebelles à la Constitution, qui nous mettent dans la plus cruelle perplexité, trouvent des défenseurs dans les membres du directoire de la: capitale, et jusque dans les conseils du roi? car il est bien évident que les membres de ce directoire n'ont joué qu un rôle concerté. Dans les premiers instants que le décret a été rendu, la pluralité des prêtres avait déclaré qu'ils prêteraient le serment civique; et le peuple, convaincu qu'il n'avait rien de contraire a la religion, espérait d'avoir enfin la paix; mais la funeste démarché de ces chefs de partis les a dissuadés de se soumettre à la loi.
« Celui d'Indre-et-Loire adresse au roi une pétition tendant à obtenir la sanction sur le décret contre les prêtres séditieux, et vous envoie copie de son adresse.
« Le conseil général du département de la Vendée a fait au roi une semblable pétition. Il se plaint que ces séditieux incendientle royaume, et que pour les favoriser on taxe d'inconstitutionnel un décret qui ordonne à ceux que la nation paie et nourrit, de prêter serment de lui être fidèles.
« Le département des Côtes-du-Nord annonce que l'insolence et l'esprit de sédition des prêtres insermentés est à son comble et qu'il est à craindre qu'ils ne dépouillent de leurs emplois les prêtres établis en exécution de la loi.
« Les administrateurs du district d'Arnai félicitent l'Assemblée sur les décrets qu'elle a rendus contre les émigrànts et les prêtres séditieux. Ils se sont soumis à la loi qui permet au roi de suspendre le vœu du peuple exprimé par ses représentants, mais ils ne dissimulent pas qu'ils ont été affligés de l'usage que le roi en a fait; au reste, ajoutent-ils, nous espérons assez de sa loyauté et de son amour pour la Constitution, pour penser qu'il ne s'opposera pas à celui qui
a frappé l'audace de ces prêtres qui secouent les torches de la guerre civile.
« Les soldats-citoyens composant la garnison de Valenciennes dénoncent à l'Assemblée nationale, et repoussent avec horreur une invitation qui leur a été envoyée de Bruxelles pour les engager à déserter le royaume, et passer dans le parti des rebelles. Sourds à ces lâches insinuations, ils renouvellent le serment de s'enterrer sous les débris de la France avant de la laisser retomber dans la servitude.
« Le deuxième bataillon du département du Nord, en garnison à Bouchain, dénonce la conduite artificieuse et perfide du gouvernement des Pays-Bas relativement aux Français émigrés ; ils s'indignent de notre trop longue tolérance à endurer les outrages de ces princes mitrés et cros-sés de la Germanie, et sollicitent l'honneur d'être commandés des premiers pour aller purifier, par le fer et la flamme, les pays qu'infeste la croisade aristocratique.
« Les officiers municipaux et notables des villes de Ruffec, Fresne, Vannes, Moissac, Montbrison; les citoyens composant les sections de Paris témoignent leur reconnaissance à l'Assemblée sur les décrets contre les prêtres séditieux et les émigrànts : ils témoignent la plus formelle im-probation de la démarche inconstitutionnelle au directoire de la capitale.
« La commune de Fresne applaudit à vos décrets contre les émigrànts et les prêtres, et sollicite l'émission des coupons d'assignats.
« La,commune de Moissac assure l'Assemblée nationale que les décrets contre les perturbateurs du dedans et du dehors de l'Empire, lui ont acquis des droits à une reconnaissance immortelle. Ils ajoutent que l'Assemblée ne dédaignerait pas leur hommage, si elle pouvait lire dans le fond de leur cœur.
« Les citoyens des diverses sections de Paris protestent contre l'acte immoral, inconstitutionnel et séditieux du directoire de ce département. Je n'entrerai pas dans les détails de leur contenu, pour ne pas tomber dans des redites ; il suffira de dire que toutes exhalent le plus ardent patriotisme, et renferment le serment de mourir pour la Constitution.
« Adresses des citoyens composant les sociétés des amis de la Constitution de Saint-Pol, Besançon, Honfleur, Thionville, Mazamet, Dijon, Vannes, Landerneau, Strasbourg, Chartres, Fontenay-le-Comte, Dôle, Quimperlé, Béthune, Autun, Argentan, Limoges, Caen, Ruffec, Avesnes, et plusieurs autres sans nom de lieu, mais revêtues d'un nombre très considérable de signatures ; ils applaudissent aux décrets que vous avez rendus contre les fanatiques du dedans et les croisés féodaux du dehors. Ils témoignent leur sollicitude au sujet de l'usage que le roi a fait de son veto, et vous consolent au refus de son suffrage en vous assurant de celui de l'Empire.
« Ceux de Saint-Pol approuvent le message fait au roi pour l'engager a faire cesser l'insolente protection accordée par quelques princes aux émigrés français; ils applaudissent surtout à l'éloquence et au patriotisme d'un de vos orateurs, M. Isnard.
« C'est, disent ceux de Besançon, c'est aux représentants d'un peuple souverain à fixer les articles de la profession de foi civique, ce n'est point une injustice, c'est un devoir ae priver des bienfaits de la société ceux qui refusent de lui être fidèles ; quiconque, ajoutent-ils, est incapable d'aimer les lois, sa patrie et d'immoler
sa vie pour elle, doit en être banni comme un être vil, inutile, insociable.
« Les citoyens d'Honfleur vous envoient la copie d'une adresse au roi , relative à l'application de son veto sur le décret contre les fanatiques ; en voici les principales expressions : Sire, vous êtes dans une alternative qui n'en peut faire une pour un bon roi ; la paix intérieure ou .la guerre civile, voilà votre cnoix, vous pouvez faire régner l'une et prévenir l'autre, votre sanction ou votre veto sur les décrets relatifs aux troubles religieux, sera le signal de la tranquillité et de la félicité publique, ou de la discorde et l'anarchie la plus funeste. C'est à vous de prononcer, le sort ae la France est aujourd'hui dans vos mains.
« Les citoyens de Thionville applaudissent à vos décrets contre les membres ae la caste nobiliaire et ceux de la 'hiérarchie sacerdotale; ils se consolent de l'opposition du veto royal au premier de vos décrets, en considérant que le refus du roi a trouvé sa pleine et entière liberté.
« Ceux de Mazamet expriment le plus sincère respect pour la loi, le vœu de mourir pour la défendre, et la résolution de ne pas survivre à la perte de la liberté.
« Les citoyennes de la ville de Dijon provoquent votre juste vengeance contre les membres au directoire du département de Paris, et demandent la réduction des communautés de filles. Au nom de la patrie, disentrelles, au nom sacré de la patrie déployez la puissance qu'elle vous a confiée, et faites disparaître d'un regard ces faibles audacieux, qui osaient colomnier la sagesse de vos décrets et s'opposer à leur exécution. Réduisez le nombre de ces maisons religieuses, asile du fanatisme. C'est dans les antres du cagotisme, que des lâches hypocrites ourdissent les trames funestes à la tranquillité publique, et préparent leurs poisons.
« Les amis de la Constitution d'Ornans, département du Doubs, demandent aussi qu'on réduise tous ces couvents de filles, inutiles à l'Etat, nuisibles sous une infinité de rapports.
« Les citoyens de Vannes adhèrent à vos décrets, et vous transmettent le titre de pères de la patrie, qu'ils avaient déjà donné à vos prédécesseurs.
« Les citoyens de Strasbourg se plaignent 'de l'assoupissement du pouvoir exécutif : dans ces moments de guerre imminente, ils se plaignent de son silence sur les intentions manifestées des puissances allemandes ; et, la Constitution à la main, rappellent les cas où, faute de s'être opposé à des entreprises hostiles faites en son nom contre Paris, le roi lui-même serait déclaré responsable. Enfin ils applaudissent aux décrets que vous avez rendus contre les ennemis connus et cachés de la Constitution, et vous supplient de ratifier le concordat passé entre les blancs des colonies et les gens de couleur libres.
« Nous ne nous sommes pas mépris, disent les citoyens de Chartres, sur les motifs qui ont déterminé les administrateurs de la capitale à solliciter un veto funeste contre le plus sage de vos décrets, ce n'est pas le désir ae maintenir la Constitution, ce n est pas non plus l'intérêt que leur inspirent de vils fanatiques. C'est un motif plus coupable, plus odieux, c'est l'affreux désir ae vous faire perdre la confiance publique, qui les a précipités dans une démarche qui la leur a ravie pour toujours à eux-mêmes.
« Les amis ae la Constitution de Fontenay-le-Comte accusent les émigrants et les prêtres insermentés, de tous les maux de l'Empire; ils
adhèrent à vos décrets, et au défaut de la sanction du roi, ils vous accordent celle de la vénération publique.
« Vous avez, disent ceux de Dôle, surpassé presque leur attente, vous méritez les bénédictions de 20 millions de Français. Continuez avec la même énergie, déployez bientôt le glaive de la justice, et qu'un décret d'accusation frappe tous les rebelles, en atteignant à la fois les têtes les plus basses et les plus élevées.
« La France a tressailli de joie, vous disent les citoyens de Quimperlé, lorsqu'elle vous a vus, prenant une attitude convenable à votre dignité et à votre mission, prononcer contre les rebelles d'au delà et d'en deçà du Rhin, l'anathème civique, bien plus redoutable que l'autre, dont, ajoutent-ils, on ne s'occupera guères plus désormais.
« Les citoyens de Béthune vous offrent ce qu'ils appellent, a l'imitation de leurs braves frères d'armes ae Paris, la liste civile du peuple, c'est-à-dire des bénédictions et des applaudissements à vos décrets.
« Ceux d'Autun, d'Argentan, de Limoges, de Ruffec et d'Avesnes, expriment les mêmes sentiments et font serment de conserver précieusement le dépôt de la Constitution.
« Les citoyens de Caen proposent de faire inscrire le nom des émigrants dans leurs districts respectifs, de les mettre en accusation et de séquestrer leurs biens.
« Suivent plusieurs adresses sans noms de lieu, mais revêtues d'un grand nombre de signatures et contenant le même vœu.
« Le sieur Grassoux, curé de Montmeyran, département de la Drôme, adhère avec un grand nombre d'ecclésiastiques de son département au décret sur les troubles religieux.
« Les sieurs Vézier, Chamnarliat, Boisilliot, Du-clos, Hézon, Mulet, Ducros, ont remis divers ouvrages à l'Assemblée, et lui annoncent que l'opinion des divers départements est en faveur de ses décrets contré les émigrants et les prêtres séditieux.
« Ces diverses adresses, Messieurs, et plusieurs autres que l'importance de vos moments ne me permet pas de vous présenter, même par extrait, renferment les témoignages du plus pur patriotisme, d'un amour impérissable pour la Constitution, de la résolution de la maintenir ou de périr avec elle : satisfait de la pureté des principes qu'elles contiennent, votre comité a pensé qu'elles étaient dignes d'une mention honorable dans le procès-verbal, et je vous propose de le décréter. » (Applaudissements.)
Un membre : Je demande qu'il soit fait mention honorable dans le procès-verbal de ces diverses pétitions et que le rapport du comité y soit inséré.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Un membre, au nom du comité de Vordinaire des finances, fait un rapport sur une pétition de quarante-huit citoyens ae Paris (1), tendant à obtenir le recensement des frais faits pour le remboursement et la visite des hôtels garnis de Paris et propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des
finances sur une pétition de 48 citoyens de Paris, tendant à obtenir le payement de 2,400
livres, pour le
« Considérant que ce recensement, ordonné par la loi du 16 juillet 1791, est un acte de police municipale, qui ne doit pas être à la charge du Trésor public, que les frais que ce recensement a occasionnés doivent être acquittés par la caisse dé la municipalité de Paris, renvoie la pétition au pouvoir exécutif. »
(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)
, au nom du comité de la marine, fait un rapport sur une omission commise dans le décret du 9 août 1791 concernant la police de la navigation et des ports, relativement à la forme des congés des bâtiments de commerce; il s'exprime ainsi (1) t
Messieurs, une omission faite dans le bureau des procès-verbaux, arrête l'exécution de deux lois sur un objet de la dernière importance. Il s'agit des passeports nationaux qui doivent être délivrés à nos navires de commerce, dans la forme constitutionnelle.
L'Assemblée constituante, par son , déeret du 22 avril dernier sur l'organisation de la marine, a supprimé la charge dè grand amiral. Voici les dispositions de l'article 6 de ce décret.
« La charge de l'amiral de France est supprimée ; et néanmoins les passeports, congés et autres expéditions qui sont actuellement signés par M. de Penthièvre, et qui seront signés en sa qualité d'amiral jusqu'au jour de la sanction, vaudront jusqu'au 1er janviér 1792. »
Par un autre décret du 9 août dernier, relatif à la police de la navigation et des ports de commerce, l'Assemblée a déterminé la nouvelle forme des congés qui doivent être délivrés à l'avenir aux enseignes, pilotes, maîtres ou patrons français, en substitution de ceux qui sont encore délivrés au nom de l'amiral.
L'article 2 du titre II de ce décret est conçu en ces termes :
« Les congés seront faits à l'avenir dans la forme suivante. »
Or, Mèssièurs, quelle est cette forme, et où est cette forme ?La voici (2). Mais elle n'a été ni transcrite, ni annexée à cette loi, et c'est là l'omission qui a empêché le ministre ae la marine d'en préparer jusqu'ici l'exécution.
Votre comité de la marine s'est assuré de la vérité de ce fait.M. Coppens et moi,nommés commissaires pour cela, noUs avons reconnu que cette formule n'avait pas même été jointe aux minutes originâles, qui sont la matrice des procès-verr baux et des décrets. M. Camus, archiviste, nous en a donné communication ainsi que de l'original du décret sanctionné où cette pièce aurait dû être annexée.
Vous jugez, Messieurs, qu'il est indispensable de réparer au plus tôt cette omission : mais
cette mesure ne suffit pas pour prévenir tous les
Voici, en conséquence, le décret que j'ai l'honneur de vous proposer comme très urgent.
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, sur le compté qui lui a été rendu d'une omission faite au décret du 9 août dernier, concernant la police de la navigation et des ports de commerce, auquel on a oublié d'annexer la nouvelle forme des congés désignée par l'article 2 du titre II de -ce décret ;
« Considérant que cette omission a empêché le pouvoir exécutif de préparer jusqu'ici l'exécution et l'application de 1 article 6 du décret du 22 avril dernier, qui, en supprimant la charge d'àmiral de France, a fixe l'époque du 1er janvier prochain pour la substitution des nouveaux congés à ceux qui sont encore délivrés au nom et avec la signature de M. de Penthièvre ;
« Considérant qu'il est à la fois et très instant et d'une nécessité absolue de réparer l'erreur commise et de proroger le délai qui va échoir, afin de prévenir les retards et les accidents qui pourraient s'ensuivre au préjudice de la navigation marchande, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de la marine sur l'omission relative à la nouvelle forme des congés, adoptée par l'Assemblée constituante, le 9 août dernier, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. La nouvelle forme des congés, adoptée et désignée
par l'article 2, titre II du décret du 9 août dernier, sera annexée au présent décret.
Art. 2. Le décret prescrit par l'article 6 du décret du 22 avril dernier, qui devrait prendre fin au 1er janvier 1792, est prorogé jusqu^au ^'juillet de la même année. En conséquence, les dispositions de cet article continueront d'avoir lieu jusqu'à cette époque.
« Art. 3. Les nouveaux congés seront alors substitués aux anciens ; et, dans l'intervalleî le pouvoir exécutif en donnera la communication officielle à toutes les puissances maritimes.
« Art. 4. Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. •
LAMBREQUINS ARMES
ou de France. ORNEMENTS,
Ornements.
CONGÉ
de batiment de commerce français.
Louis, par la grâce de Dieu et la loi constitutionnelle de l'Etat roi des Français; A tous ceux qui les présentes verront ; Salut.
Le bâtiment nommé le du port de (en toutes lettres) tonneaux, enregistré et domicilié au port de "ayant été reconnu français, nous déclarons qu'il a droit de naviguer sous le pavillon national x de France, et avons donné congé et passeport à (nom et qualité du capitaine ou maître) com- m mandant ledit bâtiment, pour partir du port, et havre de °(Ici, on énoncera, pour les voyageurs de long cours, la destination du bâtiment, en terminant g w ainsi : et suivre ce voyage avec le présent congé jusqu'au retour dans un des ports de France. a h — Pour le cabotage, on dira seulement : Et naviguer au cabotage pendant un an avec le pré- g g sent congé) à la charge dé se conformer aux lois du royaume et aux règlements de la navi- -w g gation. ë
Prions et requérons tous souverains, amis et alliés delà nation française et leurs subor-8" donnés ; mandons et ordonnons à tous fonctionnaires publics sous nos ordres, aux comman- «> dants des bâtiments de l'Etat et à tous autres qu'il appartiendra de laisser sûrement et libre- " ment passer ledit avec son dit bâtiment, sans lui faire? gni souffrir qu'il lui soit fait aucun trouble rii empêchement quelconque ; mais au contraire de lui g donner toute faveur, secours et assistance partout où besoin sera. En témoin de quoi nous 2 avons mis notre seing, et fait apposer le sceau de l'Etat au présent congé, et icelui fait contresigner par le ministre de la marine.
Sceau LOUIS,
de
l'Etat Le ministre de la Marine,
N.....
Expédié au bureau général des classes, à Paris, sous le n° (en toutes lettres).;..'.et envoyé au bureau des classes de.....
N....
Enrègiètré et délivré par nous, commissaire des classes au port de......................... le................. -
N.........................................Reçu pour droit d'expédition............... N..............
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion de ce projet à la séance de demain.)
Une députàtion des volontaires du second bataillon de la Charente est introduite à la barre.
L'orateur de la députàtion s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, nous venons au nom de nos frères d'armes, les volontaires du second bataillon de la Charente, vous offrir le tribut de notre respect et de notre dévouement ; nous venons épancher dans votre sein le sentiment profond qui nous dévore et nous alimente : l'amour de la liberté. C'est ce sentiment qui nous arrache de nos foyers, qui nous soutient dans nos travaux, et qui sans aoute nous conduira à la victoire. La victoire est amante de la liberté, elle s'en sépare rarement.
Représentants du peuple français, honorez-nous de votre confiance, ne craigne^ pas de nous
la prodiguer, nous saurons nous en rendre dignes ; nous la règarderons comme un dépôt sacré
dont tout notre sang vous répondra. Ah! que de vils esclaves fuient devant leurs ennemis,
nous ne voyons rien là qui nous étonne; l'ignorance est leur partage, et des lers embar-
Les volontaires du second bataillon de la Charente, pénétrés de ces grands objets, ne se contentent pas d'une vaine théorie ; ils savent que des guerriers doivent moins parler qu'agir : une discipline exacte règne parmi.nous: l'éclat de nos armes ne nous a point éblouis au point de nous faire oublier que tous les citoyens sont nos frères. Aussi, dans tous les lieux qui nous ont vu passer, l'ordre et la paix ont été maintenus ; aucune plainte ne se fait entendre, aucune absolument; et maintenant que nous touchons au lieu de notre destination, l'impatience de voler aux frontières nous tourmente ; nous brûlons de rencontrer ces enfants parjures, ces ennemis superbes que nous sommes venus chercher de l'extrémité de l'Empire ; nous brûlons de montrer à l'Europe attentive ce que peuvent des hommes libres, qu'environne l'égide de la sagesse. Ah! puissions-nous avoir l'honneur suprême de pa-
raître des premiers dans la lice! Sans doute l'arbitre des combats penchera en notre faveur sa balance ( éternelle ; sans doute, il protégera ceux qui l'honorent en défendant les droits'qu'il leur a donnés; mais, si le sort trahissait notre courage et la justice de notre cause, nous l'avons tous juré, nous demeurerons du moins sur le champ de bataille ensevelis sous les débris de nos armes; et la postérité, qui en verra les monuments, dira : ils vécurent et'moururent libres ; ils n'ont point été vaincus. (Fi/s applaudissements.)
, répondant à la députation. La présence des volontaires nationaux dans le sanctuaire des lois, est un spectacle jusqu'à présent inconnu dans l'histoire. C'est toujours avec transport que l'Assemblée accueille dans son sein les citoyens-soldats, qui donnent l'exemple d'un dévouement si sublime et si nouveau.
Les troupes que le despotisme armait autrefois allaient combattre aveuglément pour une cause qui n'était point la leur; vous, Messieurs, vous allez par choix, vous allez dé vous-mêmes défendre votre liberté, votre patrie, vos familles; la raison, la réflexion dirigent votre courage, et nous devons en attendre des prodiges supérieurs à ceux mêmes que nous admirons dans les fastes de l'antiquité.
Marchez sous ces auspices favorables ; marchez à la victoire, et dites à ceux de vos frères d'armes, qui n'ont pu comme vous paraître dans ce temple de la loi, dites-leur que vous avez vu les représentants de la nation occupés de préparer les lois qui doivent la rendre heureuse, tandis que vos exploits vont la faire triompher. (Vifs applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne l'impression de l'adresse des volontaires de la Charente et de la réponse de M. le Président et en ordonne l'insertion au procès-verbal avec mention honorable.)
Le sieur Mallard est introduit à la barre; il vient, au nom d'un grand nombre de citoyens de Châlon-sur-Saône, faire hommage à l'Assemblée nationale de leur entière soumission aux lois et la féliciter de ses deux décrets sur les émigrants et sur les prêtres réfractaires ; il témoigne leurs regrets de ce que le roi a mis son veto sur ces deux décrets.
répond à M. Mallard et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.)
Le sieur Bazin est introduit à la barre et lit une pétition dont l'objet est de solliciter l'Assemblée nationale pour obtenir le rapport de la réclamation qu'il a faite contre un jugement du directoire du département de la Sartne, qui a déclaré inconstitutionnelle son élection à la place de procureur-syndic. Il demande que le rapport de cette affaire soit mis incessamment à l'ordre du jour.
répond à M. Bazin et lui accorde les honneurs de la séance.
Le rapport dont il s'agit est prêt; je demande qu'il soit mis à l'ordre du jour ae demain.
(L'Assemblée décrète que le rapport de l'affaire du sieur Bazin sera fait à la séance de demain.)
Le sieur Delattre fils est introduit à la barre ainsi que sa mère et sa grand1 mère; il s'exprime ainsi :
Messieurs, c'est au nom de la Constitution et des lois, c'est sur la foi des serments que vous avez solennellement prêtés; c'est avec les droits d'une mère âgée de 94 ans, d'une épouse et d'un fils, que je viens réclamer la liberté de mon père (1), et demander le rapport d'un décret qui ne peut subsister, sans que la Constitution et les lois ne soient violées. Je ne me permettrai rien pour cet accusé qui m'est cher. Je voudrais qu'il fût en mon pouvoir d'acquitter, aux dépens de ma vie, tous les bienfaits que j'en ai reçus; mais il ne s'agit point de le justifier. Je ne viens pas vous proposer de rendre un jugement ni de remplir aucunes fonctions judiciaires. Je viens, dans le temple sacré de la Constitution, chercher un asile contre un décret qui nous blesse et qui la blesse elle-même. Vous avez voulu mettre le coupable sous le glaive de la loi, et le glaive de la loi s'égarerait sur une tête innocente, si je ne venais ici l'appeler sur la mienne. Je viens dénoncer à votre justice, à votre patriotisme, à votre amour pour cette Constitution à laquelle vous avez promis de mourir fidèles, un décret rigoureux qui lui porte atteinte et qui l'ébranlé dans ses fondements.
Je pourrais cependant vous protester, Messieurs, qu'il n'existe point de crime : mais si la lettre écrite par mon père est un crime, le criminel est celui qui l'arracha à la faiblesse paternelle. C'est moi qui ai pressé mon père. J'avais formé de mon propre mouvementée projet de passer à Coblentz. Pour me blâmer, il faudrait avoir éprouvé ce que j'éprouvais alors. Mon père a vivement combattu cette imprudence. J'ai persisté, j'ai vaincu sa résistance et surpris a sa tendresse une lettre en ma faveur, lettre dans laquelle il s'est permis quelques mots dans le sens de la personne à laquelle elle était adressée. Cette lettre fatale, remise par lui dans mes mains, arrachée de mes mains par un crime, est devenue le corps du délit et la preuve sur laquelle votre décret a été rendu et mon père privé de sa liberté.
De quelque manière qu'on envisage cette marque de sa bonté, je dirai de sa faiblesse, je ne suis point parti. J'ai manifesté même la résolution ae rester en France, la volonté dé n'en point sortir. J'en pourrrais donner des preuves évidentes ; mais la meilleure de toutes, c'est ma présence, mon retour à Paris, aussitôt que les papiers publics m'ont appris l'arrestation ae mon père. Si réellement il eût existé un soupçon de crime, ce retour volontaire et libre l'aurait anéanti.
Comment donc une lettre inutile, qui ne pouvait jamais parvenir à son adresse, une lettre
qui ne renferme aucun complot, mais seulement une pensée — encore ne peut-on assurer que
cette pensée exprime les sentiments de celui qui l'a écrite — comment, dis-je, une pareille
lettre a-t-elle pu vous être dénoncée? Comment a-t-elle pu devenir le sujet d'une accusation
capitale? Comment avez-vous pu la regarder comme indiquant elle seule un crime de
lèse-majesté nationale? Il y a là une violation formelle de la Constitution. De qui tient-on
cette lettre? Elle a, dit-on, été trouvée dans un bateau : mais elle n'a pas été seule dans
ce bateau. Où l'a-t-on prise? Pourquoi l'a-t-on décachetée? Le fait est
Je veux bien croire que tout cela s'est fait dans le bateau; mais il est constant que la malle ayant été chargée de Paris à la diligence, je ne me suis point occupé de la suivre. Je suis allé près de Troyes, en Champagne, chez M. Deré-chaux, qui m'a fait mille instances de rester chez lui autant que je voudrais. Il est constant que j'y suis resté six semaines, et que j'y serais encore sans l'événement cruel qui m'a fait revenir. 11 est certain que j'avais alors perdu toute idée de voyage et que j'avais manifesté l'intention de rester en France; et cette lettre qui ne pouvait être présentée comme un crime, que d'après l'usage qui en aurait été fait, cette lettre ne devait jamais me servir. Comment donc une lettre saisie dans une malle fermée, une lettre décachetée, une lettre inutile et qui ne pouvait plus parvenir à son adresse, a-t-elle pu devenir le chef d'une accusation? Et s'il existe un crime, ce crime peut-il être autre que celui de la violation du secret de ma lettre? Il est évident, par la lettre même, qu'il n'existait aucun complot ni de conspiration, ni d'enrôlement, ni de projet contre l'Etat. Tout au plus pourrait-on dire qu'une seule pensée sans aucun fait y était contenue ; elle n'avait été exprimée par mon père que pour obtenir quelque protection à mon inexpérience. Lé projet de partir venait de moi seul, etie l'ai abandonné lorsque l'Assemblée nationale a rendu le décret contre les émigrànts. J'atteste sur ma vie que le projet n'en doit être imputé qu'à moi seul.
Or, Messieurs, la déclaration des Droits de l'homme est le titre sacré sur lequel je m'appuie pour solliciter votre justice. Elle porte, article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas 1 ordre public établi par la loi. » Or la lettre ne renferme qu'une pensée, qu'une opinion. En supposant même que mon père eût voulu faire à M. de Galonné une profession de foi de ses sentiments, il n'y a point de manifestation de pensée, l'ordre public n'est pas troublé, il ne peut donc exister de motif d'accusation.
L'article 11 porte : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Or nous ne sommes dans aucun des cas déterminés par la loi, donc il ne peut pas subsister d'accusation.
L'Assemblée constituante a craint, Messieurs, de n'en avoir pas assez dit, et, dans le titre 1er de la Constitution, elle a placé la liberté de parler, d'écrire, de penser et l'inviolabilité du secret des lettres au nombre des dispositions fpn-damentales garanties par la Constitution. Ce titre porte : « La Constitution garantit pareillement, comme droits naturels et civils, la liberté à tout homme de parler, d'écrire, d'imprimer et publier ses pensées, sans que ces écrits puissent être soumis à aucune censure ni inspection avant leur publication, etc. » Bien plus, comme si l'Assemblée constituante avait craint ne pas assurer la
liberté civile par une garantie aussi formelle pour rendre à jamais nos droits immuables et sacrés, elle a voulu les placer elle-même hors des bornes du pouvoir législatif; en conséquence, elle a revêtu le titre Ier des dispositions fondamentales de cette clause expresse : « Le pouvoir législatif ne pourra faire aucunes lois qui portent atteinte et mettent obstacle à l'exercice des droits naturels et civils consignés dans le présent titre et garantis par la Constitution, etc. »
Fidèle à ses principes, le Corps constituant a réprimé plusieurs fois le zèle indiscret de ceux qui, même dans des circonstances critiques, se permettaient de violer le secret des lettres. La municipalité d'Angoulême avait saisi les lettres des sieurs abbé de Blignières et marquis de Ba-raudin et mis leurs personnes en état d'arrestation. Par décret du 5 décembre 1789, l'Assemblée déclara que ces particuliers étaient sous la sauvegarde des lois, ils n'avaient été accusés d'aucun délit, ils n'auraient pas dû être arrêtés, ni le secret des lettres viole. « Déclare, au surplus, porte le décret, que, conformément aux principes adoptés par l'Assemblée, le secret des lettres cfoit être constamment respecté ».
L'Assemblée constituante a toujours saisi l'occasion de ramener à ces principes, qui sont la base de toute société, et sur lesquels repose la tranquillité publique. Non seulement l'Europe, mais même les peuples de toutes les parties du monde où la Constitution française a été connue, ont remarqué ce principe de l'inviolabilité des lettres, et lors du concordat devant la Croix-des-Bouquets, les gens de couleur ont réclamé formellement l'inviolabilité et le secret des lettres, conformément à la Constitution française. La France vient d'admirer la conduite que vous avez tenue lorsqu'un dénonciateur vous a fait parvenir une lettre confiée par un prisonnier de l'Abbaye avec promesse de la mettre à la poste. L'infidélité, l'abus de confiance, la violation du secret d'une lettre décachetée vous ont transportés d'une juste indignation, et vous avez manifesté ce sentiment dans le décret que vous avez rendu. Je réclame aujourd'hui, Messieurs, ces mêmes principes en faveur de mon père. C'est par un attentat contre la Constitution et les lois que cette lettre vous a été dénoncée, c'est un vol que de l'avoir prise dans ma malle fermée, c'est un crime de l'avoir décachetée, c'en est un autre de s'en être emparé et de l'avoir envoyée pour la dénoncer à l'Assemblée nationale. Si cette conduite est répréhensible, défendu par nos lois et par celles de toutes les nations policées, ne serait-ce pas vous-mêmes participer au délit, vous en rendre complices, ne serait-ce pas attaquer la Constitution que de laisser subsister un décret d'accusation fondé sur une pareille accusation I
Considérez, Messieurs, les conséquences qui peuvent en résulter...
Un membre : Le renvoi à Orléans 1 (Murmures.)
Dans aucun temps, sous aucun prétexte, il ne peut être porté atteinte, ni par les individus, ni par les corps, à l'inviolabilité des lettres. La loi, qui ne peut pas vous empêcher de penser, a bien senti qu'elle ne pouvait pas vous empêcher de communiquer vos pensées. Aussi déclare-t-elle qu'elle les respecte, quelles qu'elles soient, tant qu elles sont secrètes, et ce n'est que lorsqu'on les publie qu'il peut y avoir un crime ; mais mon écrit que j'ai dans mon portefeuille, dans mon secrétaire, dans ma malle, quelque chose qu'il renferme, est à moi seul. Je suis le maître de le jeter au feu quand je voudrai. Tous
les moments qui précèdent celui où je veux, en faire usage sont en ma faveur ; et l'homme qui, m'arrachant ce papier par violence ou par surprise, dirait : Vous êtes- coupable, vous n'avez pas écrit cela sans intention, vous l'avez au moins pensé, attenterait à la liberté du citoyen, à la Constitution.
La lettre trouvée dans le bateau était cachetée : le cachet est la sauvegarde du secret, le titre de ma propriété, la sauvegarde de ma
fensée, une défense à qui que ce soit d'ouvrir enveloppe qui la couvre. Cette défense et la loi n'ont pu la garantir de la violence et d'un zèle indiscret. Voilà le seul crime. Eh bien, Messieurs, je viens la redemander cette lettre, car elle est a moi, elle n'est sortie de mes mains que par un crime. J'en suis seul le maître, on ne peut pas me la refuser; je demande à la brûler moi-môme sous vos yeux (Murmures.), parce que j'ai seul le droit d'en disposer.
Je prends l'univers à témoin de là justice de ma demande. La lettre est à moi ; la démarche que je fais est approuvée par mon père; je réclame cette lettre au nom de la Constitution. J'embrasse avec ardeur ce monument sacré de nos droits. Pour me faire lâcher prise, il faut, Messieurs, que vous la renversiez et que vous m'écrasiez sous ses ruines. Non, Messieurs, la Constitution et votre décret ne peuvent tenir ensemble, il faut que l'un des deux tombe. Je vous le demande, lequel des deux doit subsister.?. Je viens avec confiance vous demander le rapport du décret, et j'ai de sûrs garants que je l'obtiendrai. Quels sont-ils, Messieurs, votre justice et la Constitution ? Jamais peut être aucune démarche ne vous honorera plus que celle que j'ose réclamer.
Je ne ferai point parler ici la tendresse d'une mère dont cet événement abrège les jours, celle d'une épouse accablée de désespoir, ni la tendresse filiale, ni les malheurs qui nous accablent. Je ne viens pas ici pour surprendre votre sensibilité. Je ne crains point de condamnation, mais je crains jusqu'au jugement l'effet de la douleur et du désespoir dont une épouse et une mère est accablée. Une lueur d espérance la soutient, l'arrête sur le bord de la tombe, et je vais demander la vie de celle qui me l'a donnée. Ne souffrez pas que je devienne parricide, je le suis si vous me refusez.
Mais, Messieurs, c'est de votre justice seule que je dois obtenir le rapport du décret; ne craignez point d'affaiblir, ae compromettre votre autorité; vous ne ferez que l'affermir davantage ; la France vous saura gré de l'avoir rendu, c'est une preuve de votre vigilance ; mais elle vous saura gré de l'avoir révoqué, ce sera la preuve de votre respect pour la Constitution, pour la justice et les lois. L'Assemblée constituante vous a donné cet exemple en corrigeant plusieurs fois ce que depuis elle avait jugé dangereux, contraire à la Constitution et à la justice. Vous aurez fait à son imitation, législateurs, vous ferez chérir, vous ferez respecter vos lois, puisque vous adopterez cette maxime d'un législateur célèbre : « Nous sommes sujets à l'erreur, c'est un tribut que nous payons à l'humanité ; mais c'est en quelque sorte se rapprocher de la divinité même, que de corriger une loi lorsqu'elle blesse la justice. » Ici, ce n'est
Eas seulement la justice, c'est la déclaration des roits de l'homme, c'est la Constitution, c'est le serment que vous avez prêté, c'est votre justice enfin que j'invoque. Sauvez une famille entière,
qui voit sous le coup d'une accusation terrible un de ses membres les plus précieux, à qui l'on ne peut faire d'autre reproche que d'avoir trop aimé son fils ; soyez justes, et que mon père soit libre; soyez compatissants et que ma mère ne succombe pas sous la douleur qui l'a frappée ; enfin, Messieurs, soyez cléments en faveur d'un fils infortuné qui vous demande de rendre la vie à1 ceux qui la lui ont donnée.
, répondant à M. Delattre. L'Assemblée nationale a écouté avec une impartialité tranquille, votre pétition d'un genre nouveau ; vous demandez le rapport d'un de ces décrets que le salut public lui a dictés dans la grande crise de l'Etat. Vous rassemblez sous ses yeux le spectacle le plus fait pour parler au cœur, une épouse, une mère, un fils, les titres les plus chers à la nature et les plus sacrés pour l'humanité. L'Assemblée nationale, en rendant justice au devoir que vous remplissez, ne peut néanmoins s'arrêter aux premiers mouvements que lui inspirait votre piété filiale et oublier que aes devoirs de même nature, mais plus sacrés encore, lui sont prescrits envers la patrie. Elle est la mère commune; les législateurs lui doivent aussi une piété filiale bien plus étendue et à laquelle ils seront fidèles. L'Assemblée nationale pèsera les deux sentiments ; elle verra s'il est possible de les concilier avec votre demande; elle examinera votre pétition avec la sévérité de la justice, mais avec l'intérêt qu'inspirent et votre infortune et les sentiments que vous venez d'exprimer : c'est ce qu'elle vous promet par mon organe. (Applaudissements.)
Je demande la parole !
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Je crois qu'il n'est personne qui me refuse la parole.
(On fait retirer les pétitionnaires.)
Voix diverses : L'ordre du jour ! Le renvoi au comité de législation 1
(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Delattre au comité de législation.)
insiste pour avoir la parole.
Plusieurs membres : L ordre du jour !
(L'Assemblée décide que M. Masuyer ne sera pas entendu et passe à 1 ordre du jour.)
Le sieur Gosselin est introduit a la barre et réclame le traitement qui doit être alloué, en vertu des décrets, aux premiers commis aux aides ; il dit avoir été destitué illégalement de cette place.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la seance.
(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Gos-selin au comité de liquidation.)
Une députation de la garde nationale du bataillon des Filles-Saint-Thomas est introduite à la barre.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, le bataillon des Filles-Saint-Thomas, 2e bataillon de la 5® légion de la garde nationale parisienne, vient offrir à cette auguste Assemblée l'hommage de son dévouement à la patrie, de son amour pour la liberté, de son inviolable attachement à la Constitution et de son entière et constante soumission aux lois.
« Dans les temps d'orages, nous avons toujours dû le salut de l'empire à la réunion et au
zèle courageux des bons citoyens : toujours fermes au milieu de tous les partis opposés, ils
ont mar-
« Un génie protecteur avait rassemblé dans le Sénat français tout ce que peuvent produire de lumière la saine philosophie, la justice, l'humanité, l'expérience des temps passés, les convenances des temps actuels, les succès et les fautes des gouvernements anciens et modernes. De ce foyer est sorti lé grand et sublime ouvrage de notre Constitution.
« Nos législateurs nous l'ont présentée, et nos bras se sont levés pour jurer d'y être soumis et fidèles et d'en maintenir l'exécution au péril de notre vie. Ces mêmes bras se lèveront pour la défendre. C'est en vain que les partisans de l'aristocratie conjurent et rassemblent contre elle tous les despotes de la terre; e'est en vain qu'elle est attaquée par des factieux qui ne rougissent point de chercher dans les troubles de l'anarchie une célébrité criminelle. Nous la soutiendrons. Les soldats de la liberté ne savent point composer avec leur serment. Nous ne reconnaissons pas de vrai patriotisme en deçà ni au delà de. la Constitution. ( Vifs applaudissements.) Nous nous rallierons autour d elle; nous l'entourerons de phalanges impénétrables à tous ses ennemis. Nous mourrons, s'il le faut; mais qu'ils tremblent, ils seraient écrasés même par notre défaite. La liberté trouvera dans la génération qui nous suit, des défenseurs d'autant plus terribles qu'ils auraient à nous venger.
« Législateurs, vos serments vous lient comme nous à la Constitution ; le peuple attend que vous le fassiez jouir du bonheur qu'elle lui promet. Déjà la France, armée par vos soins, reprend l'attitude qui lui convient et sa place dans la balance politique de l'Europe; elle désire la paix, mais elle est prête à la guerre, et malheur à qui la forcerait de déployer les forces, les ressources immenses et l'infatigable énergie d'un peuple libre et puissant ! Après l'avoir rendue redoutable au dehors, vous assurerez la paix au dedans; vous travaillerez à donner à tous les pouvoirs constitués la force et la considération dont ils ont besoin pour faire exécuter les lois ; vous exciterez la surveillance et l'activité des tribunaux en les entourant, par des lois sages, du respect et de la confiance dus aux organes de la justice. Vous rétablirez le crédit public et l'ordre dans nos finances. Vous rendrez aux habitants des villes et des campagnes la tranquillité si nécessaire aux succès de l'agriculture, au commerce et à tous les travaux de l'industrie, votre fermeté constante et éclairée dans les principes de la Constitution, rendra à la France ses enfants égarés, et nous ne serons bientôt plus qu'un peuple de frères.
« C'est en remplissant, Messieurs, ces fonctions dignes de vous et de votre caractère, que vous appellerez sur vous les applaudissements et les
bénédictions des vrais patriotes, et que vous forcerez vos ennemis mêmes à vous estimer et à vous admirer.
« Le bataillon des Filles-Saint-Thomas supplie l'Assembléénationale de permettre qu'il joigne les témoignages de sa reconnaissance et de sa satisfaction aux applaudissements qu'elle a donnés à la nomination de M. de La Fayette pour commander une partie de nos forces sur les frontières. Combattre pour la liberté et pour la patrie est la seule récompense digne du général qui, par ses talents, ses vertus et son courage, a si puissamment contribué au succès de la Révolution, » (Applaudissements.)
Suivent plusieurs signatures.
,répondant à la dèputation. L'adresse que vous venez d'offrir à l'Assemblée nationale, embrasse trois grandes époques : le passé, le présent, l'avenir.
Le passé nous rappelle les obligations que la liberté française a eues au zèle et au courage des gardes nationales parisiennes, obligations consignées dans nos fastes, et gravées dans nos cœurs.
Le présent nous met sous les yeux un spectacle nouveau dans l'histoire de l'Europe moaerne, le dévouement des citoyens devenus tous soldats pour la défense de leur patrie et de leur liberté.
L'avenir nous promet des vengeurs et nous trace des devoirs.
L'Assemblée nationale a suivi avec attention le développement que vous avez donné à ces trois époques importantes. Vous l'avez également intéressée en rappelant le souvenir de ce général dont le nom se trouve heureusement lié à la résurrection de la liberté dans les deux mondes. (Vifs applaudissements.)
L'Assemblée reçoit votre hommage et vous invite à sa séance.
Plusieurs membres demandent l'insertion au procès-verbal avec mention honorable de l'adresse et de la réponse de M. le Président.
D'autres membres demandent l'impression.
Je demande la question préalable sur l'impression.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'impression et ordonne l'insertion au procès-verbal avec mention honorable de l'adresse du bataillon des Filles-Saint-Thomas, ainsi que de la réponse de M. le Président.)
Une dèputation de citoyens de la section des Lombards, dont l'admission à la barre a été décrétée le 22 décembre au soir (1), est introduite.
, orateur de la dèputation, s'exprime ainsi (2) :
« Messieurs, jamais nous n'avons senti mieux qu'en ce jour combien est grand et précieux le droit que la Constitution assure à tout individu de venir dans cette enceinte auguste, même pour des objets d'intérêt public, soumettre aux représentants du peuple, ses inquiétudes, ses vœux et ses espérances.
« Des hommes qui se disent Français, méditent la perte de la France. Ils la tourmentent au
dedans, ils la menacent au dehors ; et bientôt, peut-être, la vengeance nationale ira, par
vos ordres,
?u'ils veulent des distinctions, les barbares! onnez-leur-en qui soient impérissables; donnez-les-leur telles qu'ils les ont méritées. Mais leurs chefs, Messieurs, leurs chefs surtout ont comblé la mesure du crime. A Versailles, l'univers le sait, ils voulurent, aidés d'une armée étrangère, étouffer la liberté dans son berceau. Paris fit un mouvement, et soudain les satellites de la tyrannie reculèrent du centre de l'Empire à ses extrémités. Saisis d'épouvante, les modernes Ca-tilina, qui n'avaient de l'ancien que la rage, s'enfuirent. Nous, trop magnanimes, prêts à tout
Pardonner, nous les rappelions; ils coururent Europe pour nous y susciter des ennemis. Nos bienfaisantes mains continuaient de les nourrir ; ils cherchèrent à nous affamer; ils s'efforçaient de nous couvrir d'opprobre, et nous consentions à repaître leur vanité d'un titre pompeux. (Applaudissements.) Ils nous voulaient esclaves, et nous les faisions princes. (Applaudissements répétés. Bravo! bravo!) Enfin, après avoir cent fois outragé la majesté du peuple, ils osent aujourd'hui provoquer insolemment sa puissance! Messieurs, nous venons vous déclarer qu'ils ont lassé sa longanimité. Imprimez sur leurs fronts le sceau de sa sainte colère; rendez contre eux et leurs complices un décret d'accusation. (Bravo ! bravo !)
« Certes, nous ne l'avons point oublié : votre décret contre les émigrés renfermait des dispositions vigoureuses; mais aujourd'hui suffiraient-elles? D'ailleurs, ce décret que la nation recevait avec allégresse, un mot a pu l'anéantir, un seul mot que nous respecterons tant qu'il sera constitutionnel. (Applaudissements.) Cependant lorsqu'un ministre, très hardi ou très malheureux, motivant le veto royal, vous accusait de trop de sévérité, nous...—(Souffrez le langage des hommes libres; leur mâle franchise a quelquefois une sorte de rudesse, jamais, jamais elle n'exclut le respect), — nous, Messieurs, nous vous reprochions un excès d'indulgence. (Applaudissements.)
En effet, que des particuliers, sans crédit, sans fortune, sans le fardeau d'un nom célèbre, sans alliance avec les rois, que de simples particuliers, obscurs comme celui qui vous parle, rassemblés seulement 10,000, eussent osé, depuis six mois, affliger la France de leurs ridicules menaces; messieurs, daignez vous interroger vous-mêmes, et répondre à vos consciences : nous eussiez-vous déclarés seulement suspects de conjuration? Nous eussiez-vous laissé deux mois pour nous séparer? (Applaudissements répétés.) Eh bien ! pourquoi cette différence entre des hommes et des hommes? quoi! sous le nouveau régime, y a-t-il aussi deux lois, deux justices? Est-ce parce qu'on nous aurait trouvé moins coupables que nous aurions été moins ménagés? Existerait-il encore une caste privilégiée, même pour le crime? Qui pourrait donc retenir désormais votre équité sévère? Quand l'Eurore vous les dénonce, quand leurs propres fureurs les trahissent, avez-vous encore besoin d'être soutenus par une de ces autorités dont le poids immense emporta quelquefois l'opinion publique même? Eh bien! nous nous en souvenons tous : près d'une année s'est écoulée, depuis que l'un des instituteurs du peuple français, et, ae tous les ennemis du despotisme, le plus redoutable, Mirabeau, là, dans cette tribune que son éloquence a rendue célèbre, appela sur Condé la vengeance nationale; et quand le fier tribun du peuple dénonçait le vil serviteur des rois, qu'avait fait celui-ci ? Il est bien vrai qu'il préparait un manifeste ; il est bien vrai que l'Europe retentissait déjà de ses cris séditieux ; mais l'odieux libelle n était pas publié ; mais vingt mille émigrés ne se trouvaient point en armes, sous d'infâmes drapeaux; mais aes deux frères de Louis XVI, le plus jeune semblait dormir dans son exil; l'autre... l'autre! fidèle à la politique des princes, il nous trompait par des serments ! (Les applaudissements recommencent et se prolongent avec transport.) Néanmoins Mirabeau, qui connaissait les hommes, voulait que dès lors on poursuivît... Mais quel déchirant contraste m'est offert par ce souvenir! celui qui fonda chez nous la liberté, celui qui nous eût si puissamment aidés à la défendre, Mirabeau ne vit déjà plus, et Condé respire encore pour conspirer contre mon pays! ô Ciel, où donc est ta justice!... Messieurs, qu'au moins elle vous inspire le généreux dessein de corriger un arrêt en apparence si cruel. Les mânes d'un grand homme errent au milieu de vous ; que son esprit vous saisisse, que son courage vous entraîne; pour l'honneur de sa mémoire, pour le maintien de son ouvrage, pour le salut du peuple, rendez le décret d'accusation. (Applaudissements.)
« Ce coup, n'en doutez pas, sera le signal de leur perte. Loin de nous l'affreux désir ae souiller nos mains de leur sang ! Ah ! que plutôt la terreur, compagne tardive, mais sûre, des forfaits, entre enfin dans leurs âmes ; qu'ils n'attendent point nos braves légions ; qu'ils fuient, mais qu ils emportent avec eux le signe de la réprobation. Que, pour leur supplice, la liberté, chère à nos cœurs, hideuse à leurs yeux, pour nous tutélaire, pour eux persécutrice, s'atta-chant constamment à leurs pas, les environne des progrès rapides; que, pour leur désespoir, ils la retrouvent dans toutes les cours où ils iront mendier un asile (Applaudissements.); qu'ils la retrouvent inquiétant des despotes, réveillant des esclaves ; que, pour leur opprobre éternel, au moment glorieux que nous nous bornions à
désirer, mais que des tyrans précipitent, à ce moment où les nations régénérées ne verront plus qu'avec orgueil et reconnaissance un citoyen français, il ne se rencontre personne qui consente à leur en donner le titre; qu'en vain ils gémissent des succès de la patrie commune, qui ne sera pas la leur ; qu'en vain ils frémissent du changement des peuples ; qu'ils voyent enfin le monde entier libre, et que seuls dans la nature ils languissent, ils meurent esclaves ! Hâtez-vous, Messieurs : pourquoi différer une vengeance légitime, utile à la France, nécessaire au monde ? Hâtez-vous : dès demain, tout à l'heure, s'il est possible, rendez un décret d'accusation. (Applaudissements.)
« Et si, lorsque ces mesures de rigueur et de prudence auront été prises, si les nouveaux Tar-quins trouvent des Porsenna, Messieurs, en pareille conjoncture, un coin de l'Italie produisit Scévola. Mon immense pays vous en fournirait mille ; mon pays, plus heureux, n'en aura pas besoin. S'il se trouve des Porsenna, forts de notre masse et de notre cause, nous vous demanderons que cette éternelle Providence, enfin lassée du long avilissement d'un grand peuple, soit interrogée sur les destinées de tous. Nous vous demanderons qu'entre nous et les rois, Dieu soit appelé pour juge, et qu'il décide irrévocablement s'il fit le monde pour quelques hommes ou si plutôt il ne voulut pas que quelques hommes appartinssent au monde. (Applaudissements.) Nous vous demanderons un fléau terrible, mais indispensable : nous vous demanderons la guerre.
« La guerre 1 et qu'à l'instant la France se lève en armes. Se pourrait-il que la coalition des tyrans fût complète ? Ah ! tant mieux pour l'univers ! Qu'aussitôt, prompts comme l'éclair, des milliers de nos citoyens-soldats se précipitent sur les nombreux domaines de la féodalité 1 Qu'ils ne s'arrêtent qu'où finira la servitude ; que les palais soient entourés de baïonnettes ; qu'on dépose la Déclaration des droits dans les chaumières; que l'homme, en tous lieux instruit et délivré, reprenne le sentiment de sa dignité première ! Que le genre humain se relève et respire! (Applaudissements.) Que les nations n'en fassent plus qu'une ; et que cette incommensurable famille de frères envoie ses plénipotentiaires sacrés, jurer sur l'autel de 1 égalité des droits, de la liberté des cultes, de 1 éternelle philosophie, de la souveraineté populaire, jurer la paix universelle. » (Plusieurs salves d'applaudissements.)
(Suivent les signatures au nombre de soixante-dix.)
, répondant à la députation. Les sentiments que vous venez de peindre étaient gravés dans tous les cœurs ; mais la manière de les rendre leur donne un nouvel intérêt, et jamais plus beau diamant ne fut mieux mis en œuvre. (Applaudissements.) Vous avez vanté le droit de pétition inséré dans nos lois constitutionnelles, et vous avez donné un bel exemple de sa grande utilité. Le droit de pétition, en effet, appelle dans le sanctuaire des lois le génie et le talent qui pourraient n'y avoir pas eu entrée ; ce droit ae pétition met au profit de la nation et de ses représentants toutes les lumières, toutes les vues ; et s'il était possible de joindre encore à l'impression du discours que vous venez de prononcer, l'accent mâle et vraiment libre que vous y avez joint, son effet dans la France entière serait tel que celui qu'il a pro-
duit dans cette assemblée. (Applaudissements.)
Je fais la motion qu'il soit envoyé dans les quatre-vingt-trois départements.
, continue. Vous avez rappelé à l'Assemblée nationale qu'elle avait des ennemis qui, par des phrases insidieuses, cherchaient à décrier ses opérations : jusqu'à présent elle n'a pas daigné s'en apercevoir.
Vous avez présenté avec la plus grande éloquence un vœu et des accents qu'on pourrait, appeler prophétiques en faveur de la liberté, en faveur ae la paix universelle, amenée par une guerre nécessaire : l'Assemblée nationale s'est occupée de cette grande mesure : elle la suivra avec constance.
Enfin, Messieurs, vous avez dit un nom qu'il n'a pas été donné à tout homme de rappeler impunément ; et ce qui achève votre éloge, c'est que vous avez été dignes de le prononcer. (Applaudissements. )
L'Assemblée nationale vous invite à sa séance.
(1). Je convertis en motion la pétition que vous venez d'entendre. Oui, je demande que l'Assemblée mette en état d'accusation les princes émigrants et tous les chefs des conjurés. Vous ne pouvez plus, Messieurs, différer ce décret, sans fouler aux pieds la Constitution, sans insulter aux lois, sans trahir tous vos devoirs. Il n'est plus possible d'objecter que le crime des révoltés est douteux ; la France, l'Europe, l'univers le publient ; et le roi vous a dénoncé lui -même ses frères, le jour qu'il est venu là vous demander cent cinquante mille hommes pour les combattre. (Applaudissements.)
Quoi ! les Varnier, les Tardi sont aux fers ! et les Gondé, les d'Artois ne sont pas même accusés !.....0 honte des représentants du peuple! ô puissance des grands ! ô impuissance ae lu justice !... Ah ! que le philosophe Anacharsis avait bien raison, lorsqu en parlant des lois, il les comparait aux toiles d'araignée qui ne prennent que les mouches, tandis que, comme a très bien ait Raynal, la loi doit être un glaive qui se promène sur toutes les têtes, et qui abat tout ce qui s'élève au-dessus du plan horizontal sur lequel il se meut.
Il s'en faut bien que jusqu'ici nous ayons imprimé ce mouvement au glaive de nos lois. Vous venez, Messieurs, de voir à cette barre un fils, une épouse, une mère qui vous demandaient la délivrance de M. Delattre, de cet homme que vous retenez au secret, parce qu'il a eu seulement la volonté d'envoyer son fils auprès de M. de Calonne, tandis que ce même Galonné, dont la vie n'est qu'une longue conspiration, n'est point encore accusé. Pourquoi ces égards ? Serait-ce parce qu'il a dévoré vos trésors, creusé l'abîme du déficit sur les bords duquel la France demeure encore suspendue ? Non, c'est parce qu'il est un ces hommes qu'on appelait grands, et qui, à ce titre, avaient le droit de commettre impunément tous les crimes. (Applaudissements.)
Je vous dis, Messieurs, que vous ne pouvez, sans être lâches et parjures, différer plus longtemps le décret d'accusation, et je demande que la discussion s'ouvre sur-le-cnamp, ou bien qu'elle soit renvoyée à un jour très prochain.
Plusieurs membres demandent l'impression et l'insertion au procès-verbal avec mention
hono-
(L'Assemblée décrète cette motion.)
J'aurais conclu comme le préopinant; mais pour que la délibération soit plutôt prise, je demande que M. le Président pose ainsi la question : Rendra-t-on le décret d'accusation contre les princes émigrés, oui ou non?
Je demande moi-même l'ajournement au 1er janvier.
Rendra-t-on le décret d'accusation proposé? Je me rappelle très bien, Messieurs, que vous avez renvoyé, la première fois qu'il a été question de prononcer le décret d'accusation, à prononcer définitivement à une époque qui n'est point encore arrivée. Mais , c'est que vous n'aviez pas alors les renseignements que vous avez eus depuis...
Ûn membre : L'ajournement au 8 janvier!
Le roi n'était pas venu vous dire, par la voix de ses ministres, qu'il vous fallait exposer 150,000 des vôtres pour repousser les projets des princes émigrés. Aujourd'hui le complot n'est plus douteux ; il est avoué par le pouvoir exécutif lui-même ; il faut au roi 150,000 Français pour détruire les comploté de ses frères, voilà la vérité. (Applaudissements.)
Il faut que la vérité se fasse enfin entendre au mileu de la nation française. Oui, vous aviez résolu de séquestrer les biens des émigrés, de les forcer de rentrer en France, de renoncer à leurs complots. Eh bien ! les mesures que vous aviez prises ont été arrêtées et l'on vous a proposé, en contre-échange, d'exposer aux fureurs et aux canons des ennemis 150,000 des vôtres. Voilà, comment l'affaire se terminera. Aujoùrd'ui que ces nouveaux renseignements vous sont acquis, on vous propose de mettre les princes en état d'accusation; et moi, je demande que M. le Président mette aux voix la question en ces termes : « 11 est proposé de mettre les princes en état d'accusation ; si quelqu'un s'oppose à cette proposition, qu'il se lève et qu'il ose se nommer. »
Un grand nombre de membres se levant ; Moi! moi!
Un membre : Je demande que la discussion soit fermée et qu'on passe à l'ordre du jour !
C'est moi-même qui. sur des pièces auxquelles toute foi devait être donnée, ai demandé le premier un décret d'accusation contre les princes. Aujourd'hui, j'élève une seconde fois la voix pour la demander encore. Je suis porteur d'un procès-verbal authentique qui prouve que Glinglen est à la tête des Français émigrés, et que ces émigrés sont non seulement rassemblés, mais qu'ils sont casernés et armés, qu'ils montent la garde et qu'ils font l'exercice aux portes d'une de nos villes frontières. Je demande que, pour que nous ne rendions pas une décision qui paraisse tenir à l'enthousiasme ; pour que le Sénat français prenne, pour juger, l'attitude qui lui convient, je demande, ais-je, que demain, après la lecture du procès--verbal, on prononce solennellement le décret d'accusation. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Je crois qu'il n'est pas de la dignité de l'Assemblée nationale de délibérer actuellement sur cette question. Le décret d'accusation est désiré par tous les membres de l'Assemblée, et s'il ne s'agissait que de le voter, je
serais le premier à me lever et à demander qu'il fût porté. Mais il faut bien se garder qu'il ne paraisse être un décret d'enthousiasme; je crois qu'il n'est pas temps encore de le prononcer. (Murmures.) Vous ne pouvez devancer un délai accordé par vous-mêmes; le décret, prononcé dans l'état actuel, serait une loi inutile et il n'appartient pas à l'Assemblée de prononcer une loi inutile. Ce n'est pas contre les Condé et les d'Artois, contre les Rohan que nous devons porter le décret d'accusation, c'est contre les puissanees dé l'Empire que nous devons agir... (Rires ironiques et exclamations.)
Voix diverses : — L'ajournement! — La discussion fermée ! (Bruit.)
Messieurs, je suis bien loin de craindre, comme plusieurs préopinants l'ont dit, que le décret d'accusation que vous porteriez aujourd'hui contre les princes, puisse être considéré comme un décret d'enthousiasme ; ce serait bien plutôt un décret provoqué par l'indignation profonde dont, depuis trois mois, nous sommes tous saisis. (Applaudissements.) Je crois cependant, que pour être conséquents avec vous-mêmes, vous devez suspendre encore la vengeance des lois. 6 jours seulement nous séparent de cette époque si impatiemment attendue par la nation. Je dis 6 jours, Messieurs, parce que vous ne pourriez dans ce moment, sans tomber en contradiction avec vous-mêmes, porter ce décret d'accusation. Votre décret précédent, le décret frappé par le veto du roi, accordait aux chefs de la révolte jusqu'au 1er janvier pour rentrer en France ; et j'observe que cette clause comminatoire, étant purement relative au décret d'aceusation, subsiste malgré le veto royal, car tout ce qui concerne les actes d'accusation est indépendant de la sanction royale. Votre décret, d'ailleurs, qui n'est que suspendu dans son exécution, peut etre sanctionné demain; et si, ce que je suis bien loin de croire assurément, les chefs des révoltés rentraient le 29 décembre en France, vous ne pourriez donner suite au décret d'accusation porté contre eux.
Il faut donc nécessairement attendre jusqu'au 1er janvier, puisque vous-mêmes avez mis. en quelque sorte, cet obstacle à l'explosion de la vengeance de la nation. Mais je demande que, toute affaire cessante, parce qu il ne peut pas y en avoir de plus grande que celle que commande la sûreté nationale, le 1er janvier, l'Assemblée donne au peuple, pour étrennes, le décret d'accusation. (Applaudissements.)
Si la Révolution a déjà marqué dans le temps l'année 1789 pour la première année de la liberté française, le décret que vous rendrez au 1er janvier 1792, marquera peutrêtre cette année pour la première de la liberté universelle. Je demande, en outre, qu'on ajourne à la même époque la motion que je fais de porter un décret de séquestre, à litre d indemnité pour la nation (Applaudissements.), des biens de tous les Français qui portent ou qui ont pris les armes contre leur patrie.
J'en demande le renvoi aux comités de surveillance et de liquidation réunis.
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à la motion de M. Guadet ét l'adopte.) (Applaudissements universels.)
La dame Couppey, épouse du sieur Vanney, est admise à la barre.
Elle dénonce à l'Assemblée la détention illégale de son mari qui a été arrêté et conduit de
Franche-Comté dans les prisons dé l'Abbaye à Paris, pour avoir logé chez lui un homme suspect de crime. Elle demande que le sieur Vanney, gui est au secret, depuis 7 mois sans avoir été interrogé, soit jugé et qu'il cesse d'être au secret.
répond à la pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
Je demande, Monsieur le Président, que le ministre de la justice nous rende compte de cette affaire sous trois jours et par écrit.
, (L'Assemblée décrète la motion de M. Delacroix.)
, le jeune, citoyen d'Avignon dont l'admission à la barre a été décrétée le '20 décembre dernier (1) est introduitp il s'exprime ainsi (2) :
Messieurs, si un citoyen qui a fait à la cause de la liberté tous les sacrifices qu'elle peut attendre de l'homme le plus dévoué, est digne d'exciter l'attention des représentants du peuple français, je me flatte que vous'entendrez avec intérêt le récit de mes malheurs.
J'ai paru plusieurs fois dans le sein de l'Assemblée f constituante, revêtu d'abord du titre de député de là ville d'Avignon, et ensuite de celui des Etats-Unis d'Avignon et du Gomtat. Resté pur au milieu des crimes qu'a produits la révolution de mon pays; crimes que la malveillance et la calomnie ont su atténuer ou exagérer arti-ficieusement, pour justifier la continuelle agression des conspirateurs, et dénigrer la légitime défense des amis de la liberté: loin d'en rougir je tiens à gloire d'avoir eu la plus grande part à cette révolution.
La destruction de ma fortune, la proscription, les procédures iniques, le poison, l'assassinat, les périlleux hasards des combats, la noire trahison de ceux que j'avais cru mes amis; l'ingratitude de mes ennemis* arrachés par ma générosité, à la mort et à l'échafaudy que leurs crimes avaient mérités, sont les moindres des peines, des dangers et des malheurs que j'ai éprouvés, si je les compare aux persécutions dont m'accablent aujourd'hui les agents du pouvoir exécutif.
Après avoir chassé les tyrans dè ma patrie; après avoir purgé la France des'vils, des atroces Italiens, j'ai lutté pendant près de .deux annéès contre les ennemis de la Constitution. Les traîtres, qui ne s'àvent qu'assassiner, ont toujours fui devant les armes victorieuses de ses défenseurs. Enfin, après avoir présenté à l'Assemblée constituante le vœu d'Avignoù, j'ai recueilli trois fois celui du Comtat, et malgré lés efforts des contre-révolùtiorihaires, j'ai rendu à l'Empire français ces deux Etats, et leur réunion semblait avoir renversé toutes les espérances qUe les mécontents avaient fondées sur cette terre asservie à toutes les erreurs politiques et religieuses.
Mes vœux étaient accomplis ; la confiance dont mes concitoyens m'avaient honoré n'avait
pas été vaine. Je quittai Paris le 11 octobre dernier, après avoir fait, auprès de
l'Assemblée et des ministres, toutes les démarches qui auraient dû assiirer le bonheur et la
tranquillité de ma patrie. C'était là le terme de mes plus ardents souhaits; et ma
satisfaction personnelle, la joie de mes compatriotes, les témoignages de leur
Quelle était mon erreur! Le sort de l'infortuné l'Ecuyer m'était aussi destiné ; la mort m'attendait au premier pas que je devais faire sur la terre qui m'a vu naître! je ne dois la vie qu'à des retards éprouvés dans ma route. Des hussards, travestis en paysans, étaient postés à la Palud, première ville du Comtat, pour m'assas-siner; et leur sinistre mission eût été remplie avec succès si les mauvais chemins ne m'avaient déterminé à m'embarquér à Vienne, le 16 octobre, à deux heures du matin; enfin, Messieurs, si j'avais pu parcourir le chemin de Paris à Avignon avec la rapidité que je m'étais proposée, y y serais arrivé le dimanche 16 à l'heure même où les factieux, maîtres de toutes les portes de la ville, massacraient sans pitié sur les marches de l'autel, le patriote l'Ecuyer, et j'eusse été égorgé comme lui, en mettant le pied sur lé seuil de ma patrie. J'ai passé toute cette journée, dont j'ignorais les désastres, à me féliciter de la réunion d'Avignon et du Comtat à la France, avec M. Durand de -Maillane, député du département des Bouches-du-Rhône à l'Assemblée constituante que j'avais rencontré à Condrieux. J'ai soupé avec lui et couché dans la même maison, à 2(5 lieues d'Avignon, la nuit du 16 au 17 : je n'y suis arrivé que le _18, à une heure du matin; ainsi, Messieurs, je n'ai pu participer, en aucune manière, à la conspiration et à l'assassinat de la journée du 16, ni aux crimes vengeurs de la nuit du 16 au 17.
Je n'étais revêtu à Avignon d'aucun caractère public : je n'y avais alors d'autre qualité que celle de bon citoyen. Toute mon influence sur les Avignonnais a été employée, jusqu'à l'arrivée des commissaires, à rétablir l'ordre, la paix et l'union; j'ai obtenu l'ouverture des portes, l'élargissement de plusieurs prisonniers échappés au massacre; j'ai empêché qu'on ne s'opposât à l'entrée de certains régiments et d'un commissaire justement suspects aux patriotes ; je n'ai prêché que la soumission à la loi. Il vous paraîtra, Messieurs, que, d'après une telle conduite, je devais jouir, au moins de la liberté et de la sûreté que la Constitution accorde à tous les citoyens. Point du tout : l'arrivée des commissaires a été pour moi l'époque d'une persécution jusqu'alors inouïe.
Le 7 novembre, les troupes de ligne, au nombre d'environ 4,000 hommes, la majeure partie allemands, entrèrent dans la ville, ayant à leur tête le sieur Choisy, lieutenant général ; les hussards du 5e régiment, qui y avaient eu plusieurs rixes avec des patriotes avignonnais et marseillais qui en étaient sortis après avoir assassiné un citoyen tranquille, ouvraient la marche d'une des colonnes de cette armée. On distinguait un corps considérable d'émigrants avignonnais, composé des assassins du 10 de juin, des meurtriers de l'Ecuyer, enfin de tous ceux qui, constamment ennemis de la Constitution et de l'égalité civile, s'étaient opposés, par toutes sortes ae crimes, à la réunion à la France. Ils étaient tous armés de gros bâtons, et se présentaient dans une attitude et avec des regards provoquants; les postes étaient évacués ; la garde nationale patriote était suspendue, j'ose même dire abolie par les ordres arbitraires des commissaires civils. Le sieur Choi-sy fut complimenté à la porte de la ville. Sa réponse porte avec elle le caractère de férocité qui a distingué depuis lors ce Bouillé du Midi : i « Malheur, ait-il, à ceux qui seront du mauvais
parti! » Paroles foudroyantes qui annonçaient, aux patriotes le sort qui les attendait.
Une troupe soldée, établie depuis plus de 200 ans à Avignon, s'y était conduite dans la Révolution, avec le même patriotisme que les gardes françaises, à Paris; quelques soldats avaient obtenu, a raison de leurs services, des logements dans le fort; le premier exploit du sieur Choisy est de les en chasser sans pitié; insensible à leurs justes plaintes, il ne leur laisse pas même le temps ae se procurer un asile. « Sortez, leur dit-il avec inhumanité, vous êtes des scélérats, vous avez abandonné votre souverain ! »
Les patriotes sont impunément outragés et menaces par les hussards et les émigrants. Les commissaires civils arrivent le 8, sont accueillis, complimentés par 1 administration provisoire, acceptent les cles de la ville qui leur sont présentées, se rendent à la commune, y reçoivent le serment des administrateurs. Le 9, ils rétablissent à main armée une municipalité accusée et suspendue de ses fonctions. Ces détails, quoir qu'ils me soient étrangers, peuvent servir à vous faire connaître l'esprit et le caractère de mes persécuteurs.
Averti de toutes parts que je touche au moment d'être égorgé, voyant un mouvement inattendu de troupes, et des escouades de cavalerie sortir par toutes les portes de la ville, je pars sur les 4 heures du soir ; mon épouse, mes parents, mes amis, tous les patriotes me déterminent avec peine à les délaisser; je couche à deux lieues d Avignon. Le 10, je prends la route d'Orange, où je devais trouver ma voiture et les effets nécessaires pour me rendre à Paris, dans l'intention de dénoncer à l'Assemblée nationale les oppresseurs de ma patrie.
A peine avais-je fait une demi-lieue, que j'aperçois , à 20 pas de moi, 80 hussards et dragons, ayant à leur tête le sieur Bigonnet fils, le même qui a apporté ici les dépêches des commissaires civils. Heureusement pour moi, une grande bataille s'était engagée entre ces 81 cavaliers et un seul homme, qui, malgré une courageuse défense, fut maltraité, dévalisé, pillé et enchaîné. Le temps employé à ce combat et au partage du butin entre les vainqueurs me permit d'échapper à ce danger. Au reste, Messieurs, le sieur Uu-portail n'a pas laissé sans récompense les preuves de bravoure et de désintéressement données par le sieur Bigonnet dans une affaire aussi périlleuse; il l'a gratifié d'une sous-lieutenance dans le 5e régiment de hussards, quoiqu'il n'eût pas les qualités requises par la loi pour être élevé à ce grade militaire.
J'apprends bientôt que toutes les routes, les passages de toutes les rivières sont couverts et gardés par une cavalerie fornidable, ayant à sa tête pour indicateurs les conspirateurs du 10 de juin et les assassins de l'Ecuyer. Réduit à me cacher dans une masure, j'y suis joint par quelques patriotes qui fuyaient, comme moi, les fers et la mort. Atteint par la bande victorieuse de Bigonnet, je me creuse un tombeau dans la paille et je m'y ensevelis, au péril d'être étouffé. Mes compagnons d'infortune sont investis, saisis et garrottés. Suivant leur louable coutume, les hussards et leur digne commandant dépouillent de leurs assignats, de leur argent et de tous leurs effets les malheureux qui sont tombés entre leurs mains. Cependant, après tant de prises, après avoir fait un tel butin, Bigonnet et sa bande n'étaient pas satisfaits, une victime manquait à sa fureur; il me demandait à grands cris; il était
chargé, disait-il d'offrir 150 louis à qui lui découvrirait l'asile qui me dérobait à sa rage. Oui, messieurs, j'ai entendu ce chef de bandits mettre ainsi ma tête à prix, et dire que les commissaires civils avaient mis à ses ordres toute leur cavalerie, et lui avaient donné plein pouvoir de charger ae fers tous les citoyens comtadins et avi-gnonnais dont il croirait l'emprisonnement nécessaire. Une faible barrière me séparait de mes bourreaux; la mort allait être mon partage; je recommandai mon âme à l'Etre suprême, et ma vengeance à l'Assemblée nationale. Jugez, Messieurs, des sentiments que j'éprouvai, lorsqu'en-fin cette horde se retira ; Je versai des larmes sur le sort de mes infortunés compagnons, et je bénis le ciel de m'en avoir préservé.
Après avoir passé 48 heures enseveli dans la paille, je me détermine à me travestir en mendiant; je quitte ma retraite et m'achemine vers Marseille, au risque de tomber entre les mains de mes ennemis : je m'éloigne des routes ordinaires ; je traverse des montagnes escarpées, en évitant même les sentiers les moins pratiqués. Des torrents débordés se présentent a moi; je me dépouille des guenilles qui me couvrent, et préférant la mort à la servitude, je me iette à l'eau, au hasard de m'y perdre. Ainsi en rayant les hommes et leurs habitations, après une marche de 36 heures consécutives, ne recevant de nourriture que l'eau du ciel, à laquelle j'ouvrais avec avidité une bouche desséchée, je suis arrivé à Marseille, où j'ai trouvé la liberté et des amis.
Je m'étais proposé de me rendre auprès des législateurs français, pour demander justice contre mes exécrables persécuteurs ; les précautions qu'ils ont prises pour m'empêcher d'arriver jusqu'à vous, sont sans exemple ; les plus insignes scélérats n'ont jamais été recherchés et poursuivis avec un tel archarnement ; toutes les maisons des patriotes d'Avignon et du Gomtat ont été scrupuleusement fouillées ; des hussards et des dragons ont été envoyés à ma poursuite sur toutes les routes, à 30 lieues à la ronde ; mon signalement est répandu dans les départements, comme celui des plus grands criminels ; et ce n'est qu'en traversant les mers que j'ai pu me rendre ici avec sûreté.
Vous n'avez encore entendu, Messieurs, qu'une partie de mes infortunes et des attentats dont ie suis la victime ; ma personne était échappée aux cannibales qui oppriment, au nom de la nation et du roi, ma malheureuse patrie. Mon épouse, ma maison et tous mes biens restaient à leur merci ; ils ont éprouvé les terribles effets de la rage que leur a inspirée mon évasion. Des émigrants et des hussards effrénés enlèvent mon épouse, la traînent par les cheveux au milieu d une populace égarée ; des coups meurtriers lui sont portés de toutes parts ; son arrêt de mort est prononcé, et c'en est fait d'elle, si des grenadiers de Boulonnois ne prennent sa défense. Cette scène horrible se passe sous les fenêtres et sous les yeux mêmes des commissaires civils qui ont l'inhumanité d'en demeurer froids spectateurs.
Mon épouse infortunée arrive enfin aux prisons, couverte de sang et de meurtrissures : des barbares officiers de hussards accourent autour d'elle pour l'outrager sans pitié, et l'insulter dans sa douleur : « Consolez-vous, lui disent-ils? Vous aurez bientôt compagnie ; votre mari va arriver chargé de fers.—Eh pourquoi emprisonner mon mari ! s'écrie mon épouse éplorée ? il
est irréprochable, il était absent lorsque les crimes du 16 se sont commis ! — Nous le savons, lui répondent les scélérats, et nous ne voulons pas qu'il périsse ; nous nous contenterons de lui couper les poignets et de lui arracher la langue, pour qu'il ne puisse ni parler ni écrire. » Ah, tigres ! ma langue me reste pour dénoncer vos forfaits à l'univers entier, et mes mains que vous n'avez pu couper, seront tendues vers l'Assemblée nationale, jusqu'à ce qu'elle en ait donné la poursuite. Enfin, après plusieurs heures de prison, après avoir essuyé mille outrages, mon épouse obtient sa liberte ; mais quelle liberté, grands dieux! des gendarmes nationaux l'escortent ; une voiture est préparée, elle est expulsée de sa patrie et de sa maison !
Bientôt des assassins et des voleurs, que les commissaires ont décoré de l'écharpe nationale, se transportent chez moi, font appeler une de mes sœurs, et mettent, en sa présence, le scellé sur tous mes appartements, font enlever mes chevaux, et emportent avec eux toutes les clés. En vain, ma sœur leur représente qu'ils violent les lois, qu'il ne leur est pas permis de mettre ainsi le scellé chez un citoyen; qu'ils ne peuvent pas avoir à la fois les clés d'une maison et le scellé qu'ils y ont apposé; aucune considération ne les arrête dans leur brigandage ; on les voit depuis lors entrer et sortir journellement de chez moi ; cette méthode de voler est, sans contredit, la plus sûre, et j'ai lieu de croire qu'elle n'a été encore mise en pratique qu'à mon égard. Figurez-vous, Messieurs, l'état d'un négociant, d'un banquier dont les marchandises, les livres, le portefeuille et la correspondance sont ainsi envahis ! Telle est cependant ma situation et, certes, j'espère que vous ne souffrirez pas que ma fortune et mon crédit me soient impunément enlevés.
Un crime manquait à mes atroces oppresseurs, celui de violer, à mon égard, le secret de la correspondance, que vos lois ont rendu impénétrable, même dans les circonstances les plus critiques pour l'Etat : ma sœur avait retiré quelques lettres qui m'étaient adressées ; les prétendus maire et officiers municipaux lui ordonnent, sous peine de prison, de les lui remettre; elle obéit a la force, le cachet de ces lettres est violé ; elles sont livrées à une publicité qui ne couvre de honte que les téméraires qui se sont souillés de cet attentat. Le bureau des postes se prête volontiers à ces atrocités, et toutes les lettres à mon adresse sont remises, par le facteur, à ces indignes magistrats. L'infidélité de ce bureau est telle, qu'il n'est aucun patriote qui ne remette et n'adresse à un bureau étranger ses dépêches d'Avignon, ou destinées pour cette ville.
L'objet de tant de cruautés doit sans doute s'être couvert des plus odieux forfaits, on n'accablerait pas ainsi un citoyen vertueux. Telle est, Messieurs, l'idée qui pourrait se présenter à vous; cependant, je le dis avec l'assurance qui convient à l'homme honnête, aucune action criminelle, soit dans ma vie publique, soit dans ma vie privée, n'a encore porté le remords dans mon âme ; l'idée même du crime n'a pas souillé ma pensée ; j'ai toujours fait le bien quil m'a été permis de faire; j ai empêché toutes les injustices auxquelles j'ai pu m'opposer ; il me serait facile de trouver parmi vous, plus d'un garant de ce que j'avoue; mais un témoignage seul me suffit. L'homme qui a le plus calomnié la Révolution et les révolutionnaires de nos contrées, qui a surpassé même l'abbé Maury dans l'art de mentir
avec une audacieuse effronterie sur les événements qui s'y sont passés, un agent du pouvoir exécutif accusé devant vous de malversations punissables, et bien éloigné encore de se justifier : le sieur Valentin Mulot, n'a pu refuser de dire à plusieurs de vous, que je [suis un citoyen probe et irréprochable.
Le tableau que je viens de tracer m'a présenté à vos yeux comme le plus malheureux des hommes. Qu'il me soit permis, Messieurs, de vous en offrir un mille fois plus affligeant, et qui vous convaincra que je suis le moins infortuné de 10,000 patriotes avignonnais et com-tadins. L'anarchie la plus complète, la guerre civile ont produit, dans ma patrie, moins ae déchirements et de crimes que la présence des agents du pouvoir exécutif, envoyés, par ordre de l'Assemblée, pour exercer un ministère de paix et de bienfaisance. Les massacres horribles de Garoub, roux,l'Ecuyer ; les vengeances affreuses qu'il a produites, ont fait dans quelques mois plus de 200 victimes. Dans un seul jour, l'atroce Le Scène et ses collègues ont permis, ordonné l'emprisonnement, la proscription de plus de 10,000 citoyens. AhJ Messieurs, souffrez que je présente un instant à vos yeux le spectacle hideux des prisons d'Avignon. Vous y verrez plus de 400 prisonniers, hommes et femmes, tenus au secret, nourris au pain de munition et à l'eau, privés même de paille, et réduits à se coucher sur le carreau ; vous en verrez beaucoup et surtout les deux Minvielle, dont l'un a la cuisse cassée ; l'infortuné Tournale dont l'épouse a été, comme la mienne, traînée par les cheveux, et blessée dangereusement de plusieurs coups de sabre ; le fils coupable, il est vrai, du malheureux L'Ecuyer ; vous les verrez, dis-je, dans des cachots affreux, et chargés de chaînes : vous apprendrez qu'ils sont privés avec inhumanité, des secours qu'on ne refuse pas aux plus grands criminels, même lorsqu'ils sont convaincus. Des couvertures leur sont refusées ; il ne leur est pas permis de changer de linge : vous saurez qu'ils ne sont visités que par des officiers de nussards, qui les outragent et les donnent en spectacle a tous les voyageurs aristocrates qui passent à Avignon. Vous verrez le patriote Tournale périssant de fièvre, peut-être de poison ; vous y verrez tous les représentants de la nation comtadine, qui n'ont pu échapper à la rage du sieur Le Scène. Vous y verrez quatre municipalités, et précisément celles qui une année avant le reste du Gomtat ont émis le vœu de réunion à la France : vous y trouverez plusieurs prêtres assermentés, 16 citoyens de Sorgues, emprisonnés arbitrairement par les ordres au sieur Mullot. Le fils de l'officier municipal, massacré sur ses-toits, le 20 septembre, par les satellites de cet agent du pouvoir exécutif ; vous y trouverez le maire de cette petite ville, âgé de 75 ans, qui a dévoilé courageusement les attentats de ce tyran : vous y trouverez à peine 12 personnes qui aient assisté ou coopère aux massacrés des prisons; vous y chercherez vainement un seul assassin de l'Ecuyer.
Si'de là, vous parcourez les maisons des patriotes, vous les verrez abandonnées et dévastées : vous trouverez celle de M. Minvielle. négociant riche et estimable, pillée et saccagee ; vous y verrez les débris de ses meubles, les lambeaux des habits de garde national de ses fils déchirés et foulés aux pieds par les officiers des hussards.
Vous verrez celle de l'infortuné Tournale sous le scellé, comme la mienne. Vous y trouverez une épouse, une mère éplorée, sortant de maladie, allaitant un jeune enfant, blessée de plusieurs coups de sabre, n'ayant pas même un lit pour se coucher. On a eu l'inhumanité d'apposer le scellé jusque sur sa chamfere. Le Gomtat et les départements voisins ne présentent que les traces des cruautés des commissaires civils et des satellites du sieur Choisy ; vous apprendrez que, sans permission des corps administratifs, une cavalerie formidable s'y est répandue, qu'elle y a enlevé, sans avoir rempli les formalités requises envers les autorités constituées, des citoyens qui n'étaient ni accusés ni décrétés. Ces malheureux ont essuyé toutes sortes d'outrages et les traitements les plus barbares. Quelques-uns ont déjà péri de leurs blessures. Il n'est plus dans le Gomtat, un seul homme qui obe se dire patriote; on voit avec inquiétude cette contrée, que l'énergie de quelques citoyens avait rendue le boulevard de la Constitution, devenue la retraite des prêtres réfractaires et de tous les ci-devant nobles, qui n'ont pas eu le courage de se rendre à Worms ou à Coblentz. Quatre évê-ques supprimés, dont deux Italiens, y sont rentrés dans leurs fonctions. Les chapitres, les religieux sont remis en possession de leurs biens, et rentrent dans leurs cloîtres, d'où la loi les avait fait sortir.
Enfin, oii ne rencontre presque plus, à Avignon et dans le Comtat, soit parmi ceux qui exercent les fonctions civiles, administratives, judiciaires et militaires, soit parmi les habitants de ces contrées, que des fanatiques et des conspirateurs qûi appellent à grands cris la contre-révolution, et se disposent a la seconder. Déjà on se prépare à émettre un nouveau vœu pour retourner sous la domination du despote de Rome, et les commissaires civils, qui provoquent ce vœu, par le désarmement, la proscription, l'emprisonnement et le meurtre des patriotes, cherchent vainement à voiler leurs criminelles machinations par des proclamations astucieuses. Leur conduite n'est qu'un tissu de perfidie et de cruauté : au moment de faire exécuter une nouvelle Saint-Barthélemy sur les patriotes, ils font défense à qui que ce soit de sortir avec des armes ostensibles ou non, et laissent attrouper tous les émigrants armés de sabres et de pistolets.
Le procès-verbal qu'ils vous ont adressé n'est qu'un piège maladroit, tendu à votre sensibilité, rempli des plus hardis mensonges, et des plus évidentes contradictions. Il vous présente sous les couleurs les plus noires, les crimes horribles de la nuit du 16 au 17 ; il n'y est pas dit un seul mot de la conspiration infernale et du massacre commis aux Cordeliers.
Ces commissaires partiaux ne'vous disent pas, dans leur rapport, que dans le temps qu'ils voyageaient avec le maire et deux officiers municipaux d'Avignon, deux membres de cette municipaliié, les sieurs Lami et Guillaume, étaient, dans l'église des Cordeliers, les chefs des assassins ; qu'ils excitaient leurs satellites au meurtre en leur disant qu'ils étaient sous une amnistie.
Les détails de cet assassinat médité et préparé par la malveillance et le fanatisme, exécuté froidement au pied de l'autel, auraient pu vtous attendrir sur l'égarement de ceux qui l'ont vengé avec tant de cruauté. Il fallait vous taire que ce patriote infortuné qui, le premier, a prononcé les
mots de « liberté, Constitution, réunion à la France », a péri, percé de 37 coups de sabre, et meurtri de plus de 400 coups de bâton. Il fallait vous taire que chacune de ses blessures avait été déchiquetée avec des ciseaux ; que son nez, ses lèvres avaient été coupés, sa langue percée et ses dents cassées à coups de briques. Il eût été maladroit de vous dire qu'il a vécu plusieurs heures dans cet état, et que les cannibales qui l'avaient ainsi massacré, demandaient encore il 2 victimes pour les immoler avec la même barbarie.
On vous a peint son fils comme un jeune tigre : Eh, Messieurs! quel est l'homme sensible qui a un père, et qu'une telle cruauté n'eût pas rendu féroce et criminel comme le jeune L'Ecuyer? En vain la calomnie a poursuivi l'âme errante de ce patriote jusque dans le sein de cette Assemblée; en vain a-t-on voulu vous le présenter comme un brigand, coupable de vols et de malversations ; sa mémoire est irréprochable. Après avoir sacrifié à la Révolution son travail, son état et sa fortune, il a péri misérablement ; il est mort insolvable.
Fasse le ciel que je me trompe ! mais je crains bien que les prisonniers qui sont détenus, au mépris de toutes les lois, ne soient tôt ou tard, massacrés ou empoisonnés. Les commissaires civils ne négligent aucun des moyens qui peuvent exciter contre eux la fureur du peuple français et des troupes de ligne ; les victimes de la nuit du 16 au 17 ont été déterrées avec éclat; on a prodigué à leurs mémoires les plus grands honneurs : sans doute l'humanité devait des larmes aux restes mutilés de ces infortunés. Ces honneurs qu'on leur a rendus sont, en quelque sorte, une espèce de réparation ; mais fallait-il précipiter dans cette tour, séjour effroyable de la putréfaction et de la mort, 4 prisonniers présumés innocents, puisqu'ils ne sont ni accusés, ni décrétés, et les condamner à en extraire tous les cadavres que la fureur et le crime y avaient entassés ; supplice plus cruel mille fois que la mort, et dont l'histoire des tyrans ne fournit pas d'exemples ? Fallait-il employer 8 jours entiers à des cérémonies funéraires et à des processions de pénitents de toutes les couleurs ? Fallait-il laisser sous les yeux des soldats et du peuple des catafalques ou sont représentées les scènes les plus tragiques, ornés d'inscriptions qui appellent encore la vengeance et le crime ? De telles mesures ne doivent-elles pas éterniser dans cette ville déplorable les haines et les assassinats ? Pourquoi élever des monuments de gloire à des hommes qui ne peuvent inspirer que la pitié ? Pourquoi transmettre sur des colonnes leurs noms à la postérité ? N'ont-ils pas massacré L'Ecuyer? Je frémis lorsque ces souvenirs viennent remplir mon âme, et surtout lorsque je considère qu'a Toulouse on préparait, par de telles cérémonies, le meurtre juridique au vertueux Calas.
Permettez-moi, Messieurs, avant de conclure ma pétition, une seule réflexion : Pourquoi les ministres ont-ils été moins expéditifs a faire mettre à exécution le décret de réunion, qu'à établir le tribunal qui doit juger les crimes commis à Avignon depuis le 23 septembre ? Le décret de réunion a été prononcé le 14 septembre ; il n'était point soumis à la sanction du roi ; cependant il n'a été proclamé dans le Comtat, que deux mois après.
Le tribunal criminel, d'après votre décret, devait être établi le 10 de ce mois ; les juges
sont arrivés le 8 à Avignon : quel intérêt a donc pu déterminer, à deux époques différentes, une conduite si opposée? Comment les ministres justifieront-ils leur criminelle lenteur, cause principale de tous les malheurs, de tous les crimes qui ont désolé ma patrie ?
Je ne vous parlerai pas ae la composition précipitée de ce tribunal, et de l'accueil qu'on lui a fait. On distingue parmi les juges un sieur Salomon, natif de Carpentras, anobli et baro-nifié par la cour de Rome, qui a exercé pendant longtemps à Avignon les fonctions de secrétaire d'Etat et d'archiviste du pape. Les plus grandes fêtes ont été scandaleusement prodiguées à l'arrivée de ces juges, ils ne sont circonvenus que par les meurtriers de L'Ecuyer, et par ces commissaires que les contre-révolutionnaires peuvent bien appeler des commissaires civils, et que j'appelle, avec tous les bons citoyens, des commissaires exterminateurs. On n'a pas oublié de promener leurs regards sur des sarcophages, sur des tombeaux, sur des cadavres, et la tête de l'infortuné L'Ecuyer, cette tête si chère aux patriotes qui la conservaient avec soin : cette tête mutilée qui portait les empreintes et les traces des crimes de 800 assassins, a été soustraite à leurs yeux ; ses restes déplorables sont, dit-on, devenus le jouet des chiens et la pâture des oiseaux de proie.
Tant de malheurs ont jeté, au milieu de vous, le deuil et la consternation, et vous me demandez, Messieurs, quelle en est la cause, et quels en sont les auteurs ?Ici, je laisse aux hommes faibles, aux lâches qui ne connaissent pas le prix de la liberté, le ton larmoyant de la plainte. Je me rends accusateur, et je dénonce comme auteurs et coupables de tous ces attentats, les ministres qui ont laissé exercer au sieur Mulot seul, un ministère que la loi avait confié à trois médiateurs, qui se sont obstinés à ne pas retirer d'Avignon et du Comtat des troupes animées d'un esprit de parti, et dont on avait demandé le rappel; qui, au lieu de remplir le vœu de l'Assemblée constituante, en faisant mettre promptement à exécution les lois des 14 et 2Z septembre ont laissé Avignon et le Comtat dans l'incertitude et l'anarchie, pendant deux mois entiers; qui y ont envoyé pour commissaire, un sieur Le Scène des Maisons, que ses liaisons avec les contre-révo-lutionnaires du Haut-Gomtat et ses abus de pouvoir auraient dû leur rendre suspect, autant qu'il l'était aux patriotes comtadins et avignon-nais ; qui ont autorisé tous les attentats dont je viens de vous faire la peinture, qui ont récompensé d'un brevet de sous-lieutenance, les crimes et les brigandages du sieur Bigonnet.
J'accuse et je dénonce les sieurs Le Scène, Champion et d'Albignac, commissaires civils, qui ont négligé leurs commissions au point qu'ils ont resté pour se réunir, depuis le 6 jusqu'au 25 octobre, tandis que s'ils eussent rempli leur devoir avec zèle, ils eussent prévenu les malheurs du 16.
Je les accuse, ces commissaires, d'avoir introduit dans Avignon, les hussards du 5e régiment, contre le vœu des habitants et malgré leurs sages représentations. Je les accuse d'avoir outrepassé les bornes que les lettres patentes du 6 octobre ont fixées à leur pouvoir, d avoir fait précisément l'opposé de ce qu'ordonnaient les lois dont ils étaient les ministres, en abolissant la garde nationale, en dispersant le corps représentatif de la nation, avant d'avoir fait promulguer la loi, qui portait sa suppression, avant qu'il fût remplacé par
une nouvelle assemblée électorale. Je les accuse d'avoir cassé et emprisonné des administrateurs et un juge légitime, après avoir reçu leur serment; et d'avoir rétabli un maire et des officiers municipaux accusés et suspendus de leurs fonctions, parmi lesquels on distingue un des assassins connus de L'Ecuyer. Je les accuse d'avoir ordonné le désarmement et l'emprisonnement d'un nombre infini de citoyens tant avignonnais que comtadins, sans qu'ils fussent ni accusés, ni décrétés, d'avoir toléré et laissé impunis les attentats, les vols, les brigandages et les dévastations commis sous leurs yeux, dans des maisons particulières et sur toutes les routes. Je les accuse d'avoir institué, dans des formes inconstitutionnelles, un tribunal inquisitorial, dont votre justice a aboli les actes barbares. Je les accuse d'inhumanité envers les prisonniers, et les rends responsables de tout ce qui leur est arrivé, et de tout ce qui pourra leur arriver de fâcheux.
J'accuse le sieur Choisy, lieutenant général, d'avoir exécuté et fait exécuter des ordres arbitraires, d'avoir violé le territoire des départements voisins; j'accuse les officiers du 5e régiment des hussards, d'avoir déchiré et foulé aux pieds des habits des gardes nationales, d'insulter journellement des prisonniers qu'ils devaient respecter, quand bien même ils seraient condamnés.
Je dénonce et j'accuse aussi les prétendus maire et officiers municipaux d'Avignon, d'avoir privé arbitrairement de leur état plusieurs citoyens, en mettant le scellé dans leurs maisons : d'avoir reçu et décacheté des lettres qui ne leur étaient pas adressées.
Laisseriez-vous impunis, Messieurs, tant de forfaits?La loi ne frapperait-elle que des hommes égarés par la vengeance, et son glaive n'attein-dra-t-if jamais les têtes de ses ministres prévaricateurs?
Les délits que je vous ai dénoncés sont des attentats publics, destructeurs de la société et des droits de l'homme. Victime des plus atroces persécutions, je demande que mes injustes oppresseurs, que les persécuteurs de mes concitoyens et les tyrans de ma patrie soient traduits avec moi à la haute cour nationale : c'est là que je veux leur livrer un combat à mort.
Je suis innocent, il n'est pas même possible que je sois coupable à moins qu'on ne me fasse un crime de mon dévouement a la Constitution. Je dois donc rester invariablement attaché à l'Assemblée nationale, jusqu'à ce qu'elle m'ait rendu justice. Je demeure garant de ma dénonciation de celle portée contre l'un de vous, le sieur Valentin Mulot ; ma responsabilité repose sur ma tête. Un devoir sacré me reste encore à remplir; ce n'est pas pour moi seul que je dois implorer votre équité; ie dois la solliciter pour ma patrie opprimée sous le joug que luiimpose, au nom de la nation et du roi, une commission barbare, un odieux triumvirat; je dois la solliciter pour 10,000 patriotes ruinés, proscrits, expatriés, emprisonnés et périssant dans des cachots.
Je vous en conjure au nom de l'humanité, ne laissez pas plus longtemps ces victimes aux mains de leurs bourreaux; faites cesser les persécutions et les outrages, plus douloureux que la mort, dont on les abreuve sans cesse, et prononcez enfin sur une affaire à laquelle tiennent peut-être le repos de vos départements du Midi et le salut de l'Empire.
, répondant à M. Duprat : Mon-
sieur, la pétition que vous présentez à l'Assemblée nationale est extrêmement importante. Au milieu des rapports contradictoires qui sont présentés à l'Assemblée nationale, vous sentez bien qu'il lui est difficile de reconnaître la vérité; mais tel est l'avantage des pays libres, que la vérité se découvre toujours, tandis que dans l'ancien régime, on aurait enseveli dans l'oubli toutes les atrocités dont vous avez fait la peinture. L'Assemblée examinera avec attention tous ces faits.
Plusieurs membres : La séance! la séance! (Non ! non !)
Pour la séance, je dois consulter l'Assemblée.
se retire.
Je ne demande pas la parole pour combattre ce que vient de dire le sieur Duprat... (Murmures.)
, interrompt violemment l'orateur. ((/Assemblée est dans une vive agitation.)
Vous ne savez pas ce que je vais dire.
Je demande la parole pour faire une motion d'ordre. (Murmures prolongés.)
Demander la parole pour une motion d'ordre, c'est une manière adroite de l'escamoter à celui qui l'a.
Je mets aux voix la question de savoir à qui la parole sera accordée, à M. Mulot ou à M. Grangeneuve.
(L'Assemblée décrète que M. Mulot gardera la parole.)
(avec violence). A la barre! à la barre ! (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres : Non! non! (Viveagitation.)
J'observe-à l'Assemblée que Mirabeau, accusé de complicité dans l'affaire des 5 et 6 octobre, s'est justifié à la tribune. M. l'abbé Mulot doit donc être entendu à la tribune.
Plusieurs membres : La question préalable sur la motion de M. Grangeneuve.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Grangeneuve tendant à faire comparaître M. l'abbé Mulot à la barre.)
, s*adressant à M. Grangeneuve. Monsieur, vous n'avez pas le droit de m'interrompre lorsque l'Assemblée m'a accordé la parole. (S'adressant à l'Assemblée.) J'avais l'honneur de dire à l'Assemblée que je n'ai pas demandé la parole pour contredire le sieur Duprat; et dès lors, dans tout état de cause, on ne devait pas demander que je parlasse à la barre ! J'aurais pu dire, à l'appui de l'exemple cité par un de ceux qui ont pris la parole, que dans un instant où le frère du grand Mirabeau avait été accusé d'un crime national, il avait parlé à cette tribune.
Un membre : Oui, mais il est à Goblentz.
Je demande que le mémoire de M. Duprat et les pièces qu'il y a jointes soient renvoyés au comité de législation. Je prie l'Assemblée de vouloir bien suspendre son jugement sur tout ce qu'elle a entendu. Il est des faits qui ne me regardent pas, que je pourrais combattre comme n'étant pas commissaire et comme parlant pour ceux qui ont été nommés depuis que je suis de retour dans la capitale. D'autre part .
il est des faits notoirement faux dans ce que vient de vous avancer le sieur Duprat.
Messieurs, sans entrer dans la discussion, je ne ferai qu'une seule remarque sur un des points de son discours. Il vous a ait que les évêques italiens étaient rentrés dans Avignon et le Gom-tat. Oui, mais c'est en vertu du décret du 23. Si l'Assemblée constituante a fait un décret qui n'a pas prévu tout le mal que la rentrée des évêques italiens pouvait faire, il ne faut pas en accuser les commissaires civils. L'Assemblee constituante a dit, dans son décret du 23, que l'état du clergé resterait tel qu'il était. Ainsi, Messieurs, vous voyez qu'on ne peut fonder un décret d'accusation sur une telle inculpation. Je me résume et je demande le renvoi de toutes les pièces au comité de législation.
(L'Assemblée ordonne le renvoi au comité de législation du mémoire de M. Duprat et des pièces qui y sont jointes.)
Le sieur Louis Mosqueron est introduit à la barre et présente une pétition dont l'objet est d'obtenir une indemnité pour les pertes que lui a occasionnées la descente des Anglais à Cherbourg, en 1758.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Mosqueron au comité des pétitions.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Duport, ministre de la justice, dont l'objet est de solliciter une décision de l'Assemblée sur le salaire qui doit être attribué aux greffiers de la haute cour nationale provisoire et sur quelques difficultés qui s'élèvent sur la remise des papiers et des objets déposés dans son greffe ; cette lettre est ainsi conçue :
Monsieur le Président,
« Les juges de la haute cour provisoire ont ordonné en cessant leurs fonctions que leur greffier remettrait toutes les pièces entre les mains du greffier du tribunal de district. Celui-là s'y est refusé constamment. Il prétend qu'étant nommé dépositaire par une loi, il ne peut se dessaisir de son dépôt qu'en vertu d'une loi. Il est instant de lever cette difficulté. Je la soumets à l'Assemblée nationale.
« Je crois devoir vous observer encore que deux commis greffiers ont été employés au service de la haute cour, l'un pendant 7 mois comme greffier expéditionnaire, l'autre pendant 3 mois comme greffier sermenté. Ils attendent de l'Assemblée nationale la fixation de leur salaire.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : DUPORT. »
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la justice au comité de législation.)
Le sieur Lyon est admis à la barre. Il annonce que sa pétition a pour objet des plaintes contre rassemblée coloniale de la Guadeloupe.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Lyon au comité colonial.)
Le sieur Bascher, accompagné d'un défenseur officieux, est admis à la barre.
Le défenseur officieux s'exprime ainsi : Messieurs, c'est comme défenseur officieux, et attendu la difficulté que M. Bascher a de parler,
que je représenterai à l'Assemblée qu'ayant été renfermé par une lettre de cachet, il a été privé de tous ses biens, par un arrêt du parlement de Rennes. M. Bascher est hors du temps prescrit pour se pourvoir en cassation contre un arrêt qu'il a passé 3 ans à chercher, et qu'il n'a pu se procurer qu'avec tout le pouvoir du ministre de la justice, Il demande les moyens de se pourvoir contre cet arrêt et sollicite un décret qui déclare l'admissibilité d'une requête en cassation.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Bascher au comité de législation.)
Un membre de VAssemblée demande à présenter une pétition dont l'objet lui est personnel.
(L'Assemblée ajourne à un autre jour le moment où il sera entendu.)
Le sieur de Jabin est admis à la barre avec ses enfants. Il se plaint des contrefaçons des portraits des membres de l'Assemblée nationale constituante qu'il a gravés et demande que pour l'indemniser des pertes qu'il a éprouvees, l'Assemblée ordonne renvoi a chacun des 83 dépar-partements d'un exemplaire de la collection complète des portraits, gravés en taille-douce, pour être déposé aux archives de chaque département. Il ajoute qu'il croit que la nation reconnaissante peut donner cette marque de satisfaction aux membres de l'Assemblée constituante.
répond au pétitionnaire et lui accorde, ainsi qu'à ses enfants, les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition de M. de Jabin au comité des pétitions.)
Les membres de Vacadémie d'écriture sont introduits à la barre. Ils présentent une pétition dont l'objet est de réclamer contre le décret de l'Assemblée constituante qui infirme les preuves qu'on tirait de la vérification d'écritures et de demander à l'Assemblée le plus tôt possible une loi relative à cet objet.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
Le sieur Vallain, Vundes membres de Vacadémie Fécriture, offre en même temps à l'Assemblée l'hommage de deux ouvrages qu'il a composés sur l'art d'écrire.
(L'Assemblée agrée cet hommage et ordonne qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
Le sieur Dndéré est admis d la barre. Il présente à l'Assemblée l'hommage d'un ouvrage sur les accouchements laborieux et sur la possibilité de se dispenser du secours du fer.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la seance.
(L'Assemblée ordonne que la méthode de M. Dudéré sera renvoyée à 1 examen des comités d'instruction publique et des secours publics réunis, et qu'a sera fait mention honorable au procès-verbal de cet hommage.)
Une députation des ouvriers des carrières de Paris est introduite à la barre.
, orateur à la députation, présente une pétition dont l'objet est de fixer l'attention de l'Assemblée sur des réclamations des ouvriers employés aux carrières par le gouvernement. Ils se plaignent de ce que M. Guil-loumot, chargé cfu payement des salaires des ouvriers, leur a fait une retenue sur leur salaire
journalier, et ils demandent que cette retenue leur soit remise.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des pétitions.)
, en son nom personnel, présente une seconde pétition par laquelle il réclame aussi contre le sieur Guilloumot qui l'a destitué de sa place de commis employé aux carrières pour avoir découvert à l'Assemblée constituante des abus dans l'administration des carrières. Il ajoute qu'il a été dénoncé au comité de surveillance comme voulant faire sauter la partie méridionale des carrières de Paris ^ui sont entièrement fouillées; qu'il a été arrête, conduit à l'Abbaye, mis au secret et interrogé ; qu'on n'a rien trouvé contre lui et qu'il a été remis en liberté après une détention de deux jours.
dépose sur le bureau l'ordre qui l'a fait arrêter, il est ainsi conçu :
« Un avis du comité de surveillance signé Claude Fauchet, président, et Merlin, député, annonçant à M. le maire qu'une [lettre signée Lamarck, dont on lui envoie copie, apprend qu'on doit faire sauter plusieurs hôtels au faubourg Saint-Germain, il lui indique M. Letail-leur, demeurant rue Saint-André-des-Arts, pour être arrêté et incarcéré comme étant à la tête de cette entreprise. M. le maire et l'administrateur du département de police donnent l'ordre au commissaire de la section du Théâtre-Français d'ar rêter le sieur Letailleur, de le faire conduire aux prisons de l'Abbaye et de mettre le scellé sur ses papiers. »
« Signé : pétion, maire de Paris.
« Perron, administrateur du département de police. »
Plusieurs membres: C'est une lettre de cachet.
répond à M. Letailleur que l'Assemblée prendra sa demande en considération.
Un membre : M. Letailleur a été arrêté en vertu d'un ordre; du comité de surveillance que l'Assemblée ne peut pas ne pas examiner avec attention. Cet ordre est adresse au maire de Paris et lui enjoint de s'àssurer, par tous les moyens possibles, de l'exécution d'un plan de destruction de Paris, formé par M. Letailleur, arrivé de Coblentz pour l'exécuter. Cet ordre est signé Fauchet, président du comité de surveillance, et Merlin, député. Voici maintenant l'ordre de détenir M. Letailleur pendant 24 heures aux prisons de l'Abbaye ; il est signé Pétion et Perron. (Il le lit; il est conçu dans les mêmes termes que ci-dessus.)
C'est évidemment, Messieurs, une atteinte à la liberté individuelle. Un comité de surveillance n'est rien dans le monde qu'un lieu où doivent se préparer les renseignements qui vous seront ensuite transmis. 11 s'est évidemment attribué des fonctions qu'il n'a pas et qui proscriraient à jamais la liberté de la France, si elles pouvaient lui être attribuées. Il est évident que ceux qui ont donné cet ordre ne l'ont fait que parce qu'ils ont cru que leur caractère les mettait à couvert de la responsabilité que M. Letailleur a le droit d'exercer contre eux. Je demandç, quoi qu'il en soit, que MM. Fauchet et Merlin soient mis en état d'accusation et que l'Assemblée se fasse représenter les registres du comité de surveillance pour voir s'il y a encore quelques autres personnes qui aient signé cet ordre, afin qu'elles soient également mises en état d'accusation.
Et moi, je demande qu'il y ait lieu à accusation contre vous.
Si la liberté n'est pas respectée, il n'y a plus de Constitution. Je demande que mardi soir le comité de législation fasse un rapport sur ce qui vient de vous être dénoncé.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Cette dénonciation mérite une grande attention. Jë crois qu'il n'appartient pas au comité de surveillance, par l'attribution que vous lui avez donnée, de prendre des renseignements, de donner ou de provoquer des ordres pour fairé arrêter telle ou telle personne. Je demande le renvoi de cette affaire importante au comité de législation.
, membre du comité de surveillance. Messieurs, votre comité de surveillance n'a donné aucun ordre, n'a provoquéaucpnordre. C'est un point sur lequel vous avez pu vous fixer; voici le fait :
Votre comité de surveillance reçoit une lettre signée Royer, carrier, qui en contenait une autre signée comte de Lamarck, écrite de Coblentz et adressée à M. Letailleur, où on le félicitait des mesures qu'il avait prises pour faire sauter la partie du nord et du sud de Paris. On lui disait qu'il continuât de toucher au Trésor les sommes qui lui étaient nécessaires; que ses projetsâVaient été mis sous les yeux du conseil ae Coblentz et et que le conseil n'avait cru devoir mieux faire que de les accueillir. Cette lettre donnait de grandes préventions ; mais vous pensez hien que votre comité ne les crut pas comme articles de foi. Il s'assura d'abord s'il existait un sieur Royer, carrier. On lui vint dire qu'en effet il existait à Paris un nommé Royer, qui avait pu signer la lettre d'envoi.
Que fit alors votre comité de surveillance? Votre comité, qui ne voulait point juger sur des probabilités, renvoya le tout au maire de Paris. M. le maire de Paris crut, en rassemblant ces dénonciations, pouvoir s'en faire un titre pour faire arrêter le sieur Letailleur pour 24 heures ; mais l'examen des pièces, auquel M. Letailleur s'est prêté de très bonne grâce, parce qu'il voulait prouver son innocence, a duré plus de 24 heures ; c'est la seule raison qui a fait que le M. Letailleur est resté deux jours en prison.
À présent je demande à l'Assemblée si le comité de surveillance pouvait se dispenser de renvoyer les renseignements à M. le maire et s'il pouvait les rejeter. (Applaudissements.)
Messieurs, nous sommes ici pour faire des lois, et non pour recevoir des dénonciations particulières : nous devons les renvoyer toutes aux tribunaux, car tout le monde est justiciable des tribunaux. Laissons-leur donc leur pouvoir et ne l'usurpons jamais. Ce serait attenter directement à la Constitution.
Je demande donc que l'Assemblée, renvoyant le tout devant les tribunaux ordinaires, passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
insiste pour le renvoi des pièces au comité de législation et rappelle les faits.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité des pétitions !
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité des pétitions.)
(La séance est levée à dix heures un quart.)
IMPOSTURE DU SIEUR MULOT, DÉVOILÉE par J.-S. Bovère, député des ci-devant Etats-Unis d Avignon et du Comtat auprès de l'Assemblée nationale (1).
Seigneur, ou vous avez la mémoire peu bonne, Ou vous pratiquez mal les leçons qu'on vous donne.
(Corneille.)
Quel spectacle déchirant pour une nation qui veut être libre, de voir le temple de la Liberté profané par la présence impure du sieur Mulot, couvert du sang des patriotes du Comtat, qu'il a fait massacrer ! (2) d'entendre sa voix criminelle souiller cette tribune où ont retenti les premiers actes de la liberté, de l égalité et de la régénération, en calomniant des hommes aussi irréprochables qu'il est lui même criminel, des hommes qui. après avoir travaillé deux années sans relâche à l'édifice de la liberté, ont sacrifié leur fortune et exposé leur vie pour briser les chaînes des despotes ultramontains ; des hommes qui croyaient enfin s'être élevés à la hauteur de leurs esperances, lorsque le mensonge, les fers, la mort viennent les frapper de toute part, au nom de la nation qui la première a présenté à l'univers ce code dicté par la nature, déchiré et foulé aux pieds pendant tant de siècles par les tyrans de la terre, la déclaration des Droits de l'homme, égide sacrée de la liberté et du droit des gens! Les actions, les pensées les paroles du sieur Mulot sont autant d'infractions à cette loi. Enhardi par l'impunité de ses honteux délits, sous l'ancien régime, il croit échapper encore à la juste vengeance des lois. La lenteur des législateurs français à prononcer sur la dénonciation des excès horribles qu'il a commis dans le Comtat, rehausse sa voix ; l'habitude du crime l'empêche de rougir. Il ose mentir impunément aux représentants du souverain, il ose leur dire que l Assemblée constituante, par son décret du 23 septembre 1791, a autorisé les commissaires civils envoyés dans le Comtat, à rétablir le clergé dansUe même état qu'il était avant la Révolution; que^si quatre évêques, dont deux Italiens, sont rétablis, c'est à l'Assemblée constituante qu'il faut en attribuer la cause.
Jusques à quand, menteur détestable, oserez-vous outrager la vérité? Jusques à quand croirez-vous en imposer aux hommes vertueux que la nation a investis de sa confiance? L'Assemblée constituante, que vous calomniez si lâchement, a enjoint aux commissaires civils de se conformer aux lois de l'assemblée électorale du Comtat, concernant l'organisation du clergé des deux Etats. Les évêques, les chapitres, les religieux étaient supprimés, conformément aux lois françaises que nous avions adoptées et juré de maintenir au péril de nos vies. Vous avez voulu, par cette assertion que vous saviez contraire à la vérité, pallier les torts de ces commissaires de sang et de vengeance dont vous avez été le précurseur, et aux-
quels vous avez transmis les plans infernaux qu'ils mettent à exécution sur une terre qui, la première, a donné à l'Europe entière l'exemple d'adopter la Constitution française.
Les agents du pouvoir exécutif, dont vous étiez l'instrument sanguinaire, ont craint que la conduite des patriotes du Gomtat, dictée par le cri de la raison, n'eût des imitateurs. Vous êtes devenu le geôlier, le bourreau des amis de la liberté. Vous avez voulu dissuader par là les Liégeois, les Belges de rechercher la liberté française, en détruisant à main armée, au nom de la France, les prodiges que notre énergie et notre amour pour la Constitution avaient opérés. Vous avez voulu décourager à jamais les" hommes qui penseraient comme nous, en accumulant tous les maux sur la tête des patriotes comtadins ; mais bientôt vos semblables et vos complices seront effrayés du supplice que la loi, toujours juste, vous prépare.
Quel contraste, en effet, sous l'empire des lois et de la liberté, de voir le sieur Mulot au sein de l'Assemblée nationale, quoique dénoncé, accusé, mandé à la barre pour des crimes qui font frémir l'humanité, la justice et la liberté ; tandis que ceux qui n'ont d'autre tort que d'avoir voulu être libres et Français, et d'être dénonciateurs pervers de ce médiateur, gémissent dans les cachots, sur des débris depaille, privés de pain, de couvertures et de linge, exposés aux insultes journalières des aristocrates, versant des larmes sur la destruction de leur fortune devenue la proie des satellites du sieur Mulot, siégeant parmi les représentants d'une nation juste et loyale, quoique ses habits soient encore teints du sang du sieur Pochi, officier municipal de Sorgues, égorgé par ses satellites, entendant dénoncer la coalition aristocratique entre Avignon et Arles, suite de ses machinations. Législateurs français, ne trompez pas l'espérance crune nation qui a adopté vos lois. Vous avez juré de vivre libres ou de mourir : la liberté de tous les citoyens de l'Empire est confiée à votre surveillance : elle est ravie arbitrairement et inhumainement aux patriotes comtadins : vous leur devez justice.
Vous avez juré d'être fidèles à la nation; vous trahiriez votre serment, si vous en laissiez une fraction dans les fers. Les persécutions qu'elle éprouve vous ont été dénoncées, prouvées par le rapport même de leurs barbares auteurs. Que la foudre vengeresse que vous tenez dans vos mains, les fasse rentrer dans le néant, d'où ils n'auraient jamais dû sortir pour le bonheur de l'humanité.
Signé : J.-S. Rovère, député des ci-devant Etats-Unis d'Avignon et au Comtat auprès de l'Assemblée nationale.
Extrait du procès-verbal de l'Assemblée nationale du
Article 23 du décret concernant Avignon. «• Il ne sera rien statué sur le clergé des ci-devants Etats d'Avignon et du Comtat Venaissin, que par l'organisation définitive; mais il restera provisoirement en l'état fixé par l'assemblée électorale. Les commissaires du roi, de concert avec les administrateurs du district, feront dresser un état exact des biens nationaux qui existent dans les deux Etats, et pourvoiront à ce qu'il n'y soit commis aucune déprédation.
« Collationné et trouvé conforme à l'original déposé aux archives nationales. En foi de quoi
j'ai signé et fait apposer le sceau des archives-« A Paris, le 27 décembre 1791.
« Signé : camus.
Observations sur ce qui concerne le général Fer-rier (1), dans le rapport fait le 19 du mois de novembre à l'Assemblée nationale par M. l'abbé Mulot (2), et dans la dépêche de MM. les commissaires civils envoyés par le roi à Avignon et dans le Comtat Venaissin, dont lecture a été faite à l'Assemblée nationale, dans la séance du jeudi il du même mois de novembre (3).
La lettre que le général Ferrier a adressée au rédacteur de la Gazette nationale ou Moniteur universel, le 1er du mois de novembre, a été imprimée le même jour à Valence et distribuée à Paris, au nombre de près de 1,000 exemplaires ; elle a été insérée dans le Moniteur universel le 17 novembre, et c'est dans la séance extraordinaire du samedi 19 au soir, que M. l'abbé Mulot a fait son rapport à l'Assemblée nationale. Il est donc impossible qu'il n'ait pas eu connaissance de la lettre dont il s'agit, lorsque ce rapport a été fait : or, il n'y a rien avancé qui se trouvât en opposition de tout ce qui est dit dans la même lettre, et par conséquent la vérité de tout ce qu'elle renferme, est reconnue explicitement ou par son aveu tacite ; d'ailleurs, le rapport de M. l'abbé Mulot ne présente rien qui inculpe, en aucune manière, le général Ferrier, et cela suffirait déjà pour anéantir les assertions calomnieuses que quelques journalistes se sont permis de répandre contre lui.
Mais la dépêche, en date du 10 novembre, de MM. les commissaires du roi, occupés dans ce moment des opérations relatives à la réunion de la ville d'Avignon et du Comtat Venaissin, laquelle a été lue à l'Assemblée nationale dans la séance du jeudi 17 du même mois de novembre, justifie pleinement la conduite du général Ferrier. Il y est dit : Mais les préparatifs faits au palais, nous firent craindre ae la résistance, et nous attendîmes de nouvelles troupes. Le 10, M. de Choisy s'y rendit avec 4 bataillons d'infanterie, 3 compagnies d'artillerie et 500 chevaux, etc.
Or, si dans les premiers jours du mois de novembre, on a pu craindre encore que les armes françaises ne rencontrassent de la résistance au palais, il était bien naturel, comme de toute justice, que le général Ferrier demandât une réquisition qui prévît le cas de résistance, et qui l'autorisât à déployer complètement la force mi-litaire? pour vaincre cette résistance : si MM. les commissaires et M. de Choisy ont pensé, dans les premiers jours du mois de novembre, que des troupes aéjà beaucoup plus nombreuses que celles dont le général Ferrier pouvait disposer
dans le courant du mois d'octobre ne suffisaient pas pour s'emparer, même la loi de la réunion à la main, de la ville d'Avignon, et qu'il était nécessaire d'attendre encore l'arrivée de nouvelles troupes, pour exécuter en sûreté cette opération, il n'est pas surprenant qu'avec un moindre nombre de troupes, et dans un temps où l'exécution de la loi de la réunion ne pouvait pas être demandée, le général Ferrier ait cru ne pouvoir ni ne devoir faire ce qui n'est prescrit, dans aucun cas, aux agents militaires, se rendre personnellement responsable des succès d'une attaque : il était donc bien naturel que le général Ferrier pressât M. Mulot de renoncer à la prétention ridicule et inconstitutionnelle de le rendre responsable des événements, et de se borner à le requérir purement et simplement, d'employer tous moyens qui étaient à la disposition, pour entreprendre d'entrer dans la ville d'Avignon, qu'il le priât de lui laisser la faculté de tenter d'obtenir par son intelligence, son courage, par la valeur et là bonne conduite des troupes qu'il avait l'honneur et le bonheur de commander, des succès qu'il pouvait espérer ; mais dont il était vraiment ridicule, déraisonnable et inconstitutionnel d'exiger qu'il répondît en son propre et privé nom.
Il est dit dans la même dépêche : Nous crûmes que les personnes qui avaient été arrêtées le 16 (octobre) existaient encore dans le palais, nous espérions que ces prisonniers seraient restitués; mais, etc. Or, si dans les premiers jours du mois de novembre, MM. les commissaires ont cru que les prisonniers enfermés dans le palais y existaient encore et seraient restitués, il n'est pas surprenant que les 16, 17 et 18 octobre, on n'ait eu aucune certitude des atrocités commises dans ce repaire exécrable, et si aucune preuve capable de constater les faits, même de fixer aucune idée sur la possibilité de telles horreurs, n'a été présentée au général Ferrier, il n'a donc pas dû se croire dans un état de choses assez extraordinaire, pour exiger de sa part qu'il fît ce qu'il n'aurait pas dû faire en d'autres circonstances.
Au surplus, il est annoncé et dans la dépêche de MM. les commissaires et dans le rapport de M. l'abbé Mulot, que c'est dans la nuit du 16 au 17 octobre que le massacre exécrable des prisonniers a été exécuté au palais. Or, ce n'est que le 16, vers les quatre neures et demie de 1 après-midi, que l'on a été averti à Sorgues des mouvements qui avaient lieu dans la ville d'Avignon ; ce n'est que vers les huit heures que l'on y a été informé de l'assassinat de L'Ecuyer, qui en a occasionné tant d'autres : en supposant la plus prompte détermination de la part de M. l'aDbé Mulot, de donner une réquisition pour faire marcher les troupes cantonnées à Sorgues, sur la ville d'Avignon, et la plus grande diligence de la part ae ces troupes, il était de toute impossiblité qu'elles arrivassent le 16, avant la nuit fermée, devant les portes d'une ville que tout annonçait devoir être défendue, et c'est pendant la nuit qu'il fût devenu indispensable, pour la gloire des armes françaises, de s'en emparer à force ouverte. Or, il est facile d'apercevoir tout ce qui aurait pu résulter d'une telle opération, si les vues politiques de M. l'abbé Mulot l'eussent déterminé à donner une réquisition, pour la faire exécuter; l'obscurité de la nuit n'aurait pas permis de distinguer les persécutants et les persécutés ; peut-être aurait-on attribué à l'entrée des troupes, des massacres qui l'eussent précédée; peut-être même aurait-on
accusé les troupes d'avoir apporté le désordre dans une ville où la tranquillité était rétablie, et cette calomnie se serait accréditée d'autant plus facilement, que les administrateurs provisoires ont eu l'imprudence et la scélératesse de prononcer dans les deux lettres qu'ils ont écrites à M. l'abbé Mulot, le 16 et le 17 octcbre, que la tranquillité était parfaitement rétablie et la loi en vigueur dans la ville d'Avignon.
Le 17, jour où la détermination de marcher sur la ville d'Avignon et de s'en emparer à force ouverte, eût présenté des vues d'une plus grande sagesse, et eût pu être exécutée avec plus de sûreté que la veille, pour la réputation des troupes et la gloire des armes françaises, les massacres à jamais exécrables qui ont souillé cette malheureuse ville, étaient déjà consommés, et par conséquent il n'a jamais été, il n'a été dans aucune circonstance et sous aucun rapport dans le pouvoir du général Ferrier, de prévenir ou d'arrêter les atrocités commises dans la ville d'Avignon.
On a dit que la marche des troupes sur Sorgues, et leur établissement dans ce lieu, avait réveillé, augmenté les animosités, et que les événements survenus à Avignon étaient une suite des impressions diverses qu'avait faites dans les différents partis le voisinage de ces mêmes troupes; mais cette présomption est absolument étrangère au général Ferrier; le rapport de M. l'abbé Mulot prouve qu'il ne s'est porté à Sorgues, avec les troupes qui y'ont été cantonnées, que a'après les réquisitions bien positives, qui lui ont été données, et à cet égard, non plus qu'à aucun autre, il n'est pas possible de faire le plus petit reproche au général Ferrier; il a constamment rempli tout ses devoirs militaires, et en toutes occasions il a fait tout ce qui lui était permis par la loi, pour préserver l'humanité des attentats qui l'ont opprimée et dégradée ; tout ce qui était possible à un agent militaire dans un pays livré depuis si longtemps au machiavélisme le plus perfide et le plus barbare qui puisse être imaginé.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 24 décembre 1791, au matin.
Un autre de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 24 décembre 1791, au soir.
J'annonce à l'Assemblée que quatre dames qui ne veulent pas être connues, envoient en don patriotique la somme de 100 livres destinée à Ventretien des gardes nationales volontaires; voici leur lettre :
« Monsieur le Président,
« Quatre dames patriotes, qui désirent être ignorées, font hommage à l'Assemblée nationale,
au nom de la patrie, pour l'entretien des gardes nationaux sur les frontières, d'un billet de 25 livres chacune, comme un faible gage de leur patriotisme, de leur attachement à la Constitution, et de leur reconnaissance envers leurs augustes représentants; elles désirent que cet exemple réveillle dans tous les cœurs l'amour de la patrie, et leur inspire dans ces moments de dépense, le zèle de concourir à son soulagement, à sa paix et à sa prospérité.
« C est le vœu bien sincère des dames patriotes, qui profitent de cette occasion pour offrir à l'Assemblée nationale leurs respectueux hommages, et assurent de leur profond respect, M. le Président. (Applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de cet hommage fait à la patrie, dans le procès-verbal, et que la lettre des quatre citoyennes y sera insérée.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de la municipalité de Pont-à-Mousson, accompagnée d'un procès-verbal, qui dénoncent les abus qui se commettent dans les maisons religieuses, relativement aux sépultures ; ils sollicitent une loi à cet égard.
Je demande qu'on ajourne au terme le plus prochain le rapport du comité de législation sur le mode qui sera employé pour constater les naissances, mariages et sépultures.
Un membre : Je demande que ce rapport soit fait sous huitaine.
Le comité a commencé son travail. Il sera prêt sans doute dans la semaine. Mais l'Assemblée ne doit pas ajourner cet objet à jour fixe.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la lettre et des pièces au comité de législation, et charge ce comité de faire incessamment un rapport sur le mode des sépultures.)
Un membre demande que l'affaire des troubles survenus dans la commune de Montaigu, à l'occasion de l'installation d'un prêtre constitutionnel (1) soit renvoyée au comité de surveillance.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Un membre du comité des Domaines demande que les pièces relatives à l'ordre de Malte soient remises à ce comité.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
, au nom du comité $e l'extraordinaire des finances, fait un rapport sur la demande d'emprunt formée par les administrateurs du bureau de la charité générale de Lille pour subvenir aux dépenses des hôpitaux de cette ville (2); il propose le projet de décret suivant (3) :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï son comité de l'extraordinaire des finances sur la
pétition du bureau de charité générale de Lille, département du nord, tendant à un emprunt de
100,000 livres pour subvenir aux besoins très pressants des établissements de charité de
ladite ville, sous le cautionnement de la commune, décrète qu'il y a urgence. »
« L'Assemblée nationale, considérant que la suppression des octrois et autres droits dont jouissaient les hôpitaux, forme dans leur revenu un déficit annuel de 173,107 livres; que cependant les dépenses qui étaient proportionnées à ces revenus, et fournissaient des secours à 18,000 pauvres, ne peuvent encore être diminuées sans exposer auxplus grands inconvénients une ville frontière aussi intéressante, ce qui nécessite un emprunt, en attendant le nouveau mode d'administration qui doit être adopté pour les établissements de charité, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. L'administrateur de la caisse de l'extraordinaire
remettra à titre de prêt aux administrateurs du bureau de la chanté générale de Lille, une
somme de 81,907 livres, dont ils ont besoin pour subvenir aux dépenses desdits hôpitaux
pendant les 6 premiers mois de 1792, sous le cautionnement solidaire de la commune de Lille,
et l'hypothèque spéciale du seizième revenant à ladite commune dans le prix des ventes des
biens nationaux dont elle s'est rendue adjudicataire.
« Art. 2. Le prêt sera fait par la caisse de l'extraordinaire en 6 payements égaux, de mois en mois, dont le premier commencera au 1er janvier prochain; et le cautionnement de la somme sera préalablement fourni conformément aux délibérations prises dans le conseil général de ladite commune les 9 septembre dernier et 5 décembre courant, dûment autorisées du département.
« Art. 3. Le remboursement sera fait dans la forme et dans les termes prescrits par la loi du 14 septembre dernier, pour le premier emprunt déjà lait par ledit bureau pour 1791. »
Ce projet.de décret est mis aux voix et adopté, avec quelques modifications, dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï son comité de l'extraordinaire des finances sur la pétition du bureau de charité générale de Lille, département du Nord, tendant à un emprunt de 100,000 livres, pour subvenir aux besoins très pressants des établissements de charité de ladite ville, sous le cautionnement de la commune, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, considérantjque la suppression des octrois et autres droits dont jouissaient lesdits hôpitaux, forme dans leur revenu un déficit annuel de 173,107 livres; que cependant les dépenses qui étaient proportionnées à ces révenus, et fournissaient des secours à plus de 18,000 pauvres, ne peuvent encore être diminuées, sans exposer aux plus grands inconvénients une ville frontière aussi intéressante, ce qui nécessite un secours provisoire, en attendant le nouveau mode d'administration qui doit être adopté pour les établissements de charité, après avoir délibéré l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. Ier.
« L'administration de la caisse de l'extraordinaire remettra à titre de prêt, aux administrateurs du bureau de la charité générale de Lille, une somme de 81,907 livres, pour subvenir aux dépenses desdits hôpitaux pendant les 6 premiers mois de 1792, sous le cautionnement solidaire de la commune de Lille, et l'hypothèque
spéciale du seizième, revenant à ladite commune dans le prix des ventes des biens nationaux dont elle s'est rendue adjudicataire.
Art. 2.
« Le prêt sera fait par la caisse de l'extraordinaire en 6 payements égaux, de mois en mois, dont le premier commencera au 1er janvier prochain; le cautionnement de la commune sera préalablement fourni, conformément aux délibérations prises dans le conseil général de ladite commune les 9 septembre dernier et 5 décembre courant, dûment autorisées du département.
Art. 3.
« Le remboursement sera fait en 1793, dans la forme prescrite par la loi du 8 juillet dernier. »
Je donne la parole à M. Le-vasseur pour faire lecture de procès-verbaux envoyés par la municipalité de Sarrebourg et relatifs à la désertion de sept cavaliers du 4e régiment, ci-devant de la reine.
aîné. La municipalité de Sarrebourg, département de la Meurthe, située à trois quarts de lieue de l'extrême frontière, m'a charge de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale, le procès-verbal qu'elle a dressé à l'occasion de l'émigration et de la désertion d'un brigadier et de 6 cavaliers du régiment ci-devant de la reine, en garnison en cette ville, qui sont partis avec chevaux, armes et bagages, la nuit du 10 au 11 de ce mois, de concert, et l'on peut dire de complicité avec le ci-devant marquis Despiés, lieutenant-colonel du régiment. Elle a eu soin d'en envoyer copie au commandant de la ville de Nancy et au directoire du département de la Meurthe.
Voici la teneur de ce procès-verbal :
« Ce jourd'hui 12 décembre 1791, 9 heures du matin, nous Pierre-Marie Choffié, maire de la municipalité de Sarrebourg et Charles Collé, officier municipal de cette ville, informés par la voix publique, que la nuit du 10 au 11, il était déserté un brigadier, un maréchal-ferrant et cinq cavaliers du régiment, en garnison en cette ville, avec armes et bagages : voulant nous assurer comment ils avaient pu parvenir à cette désertion, nous nous sommes transportés à chacune des trois portes de la place, le jour d'hier dimanche, 7 heures du matin, pour nous assurer s'il n'y avait aucune fracture et y étant arrivés, les ayant trouvées ouvertes, après en avoir fait une visite exacte et scrupuleuse, tant en dedans qu'en dehors, et notamment des serrures, gonds et bois servant à la fermeture d'icelles, nous n'avons reconnu aucune effraction, ni dérangement quelconque, ni altération dans aucune ae leurs parties. Ce qui nous fait présumer et nous a presque convaincus que les portes de la ville n'avaient pas été fermees cette nuit, contre l'ordinaire, quoique les clefs desdites portes aient été confiées à M. Despiés, lieutenant-colonel du susdit régiment, comme commandant de la place. Nous observons que cette négligence a pu contribuer à la désertion de ces cavaliers, à l'enlèvement des meilleurs chevaux, avec d'autant plus de facilité que, du vu et su des citoyens de cette ville, il n'y a pas eu, depuis longtemps, de garde d'écurie; et ce qui nous a paru d'autant plus extraordinaire, c est que, d'après la connaissance
publique de cette désertion, personne n'a été à la poursuite ; que la gendarmerie nationale n'en a pas été prévenue, et que l'on a paru fort insouciant sur une désertion de cette espèce; M. Despiés nous ayant dit à nous maire susdit, sur les observations particulières que nous lui avons faites, qu'il n'était pas le guichetier des portes. De tout nous avons dressé le présent procès-verbal, etc. »
Je ne m'étendrai pas en longues réflexions sur les justes présomptions qui résultent du procès-verbal de la municipalité de Sarrebourg, contre M. Despiés, lieutenant-colonel du 4e régiment. Cette ville, celle de ma résidence, est ceinte d'un mur ; d'anciennes fortifications forment une clôture qui ne laisse ni entrée ni sortie que par trois portes construites avec la même solidité que celles de toutes les villes de guerre. Cette ville est soumise à un régime miBtaire, et les portes ont toujours été fermées, comme dans les places de guerre, à l'époque de la suppression des commandants des places, et il y en'avait un dans cette ville. Les clefs ont passé dans les mains de l'officier commandant la garnison; elles étaient confiées à M. Despiés, la nuit du 10 au 11 de ce mois et 7 cavaliers en sont sortis pour émigrer avec leurs chevaux, armes et bagages ; et M. Despiés, lieutenant-colonel commandant de la troupe n'a fait aucune démarche ni poursuite pour faire arrêter ces transfuges. Je demande si ce n'est pas là une invitation tacite à tous les cavaliers d'en faire autant ; je demande enfin si, d'après tant de présomptions de la complicité de M. Despiés, il ne doit pas être répute coupable de favoriser ouvertement la désertion des soldats qu'il commande, d'un régiment dont la moitié des officiers au moins sont déjà depuis longtemps à Worms et à Coblentz. Si tel est l'exemple des officiers supérieurs qui commandent la troupe de ligne dans l'ancienne province de Lorraine, sur la frontière du pays de Nassau et du pays de Deux-Ponts, faisant partie des cercles de l'Empire, frontière qui présente 15 lieues d'ouverture sans défense, quelle perspective, quels motifs de confiance et de sécurité sur de tels gardiens pour les malheureux citoyens de cette frontière !
Je dénonce donc le sieur Despiés comme prévenu d'avoir favorisé la désertion et l'émigration de plusieurs cavaliers du régiment, avec chevaux, armes et bagages. Je demande que la conduite de la municipalité de Sarrebourg soit approuvée et que le procès-verbal, dressé par elle, le 12 de ce mois, soit renvoyé au comité de surveillance, pour en faire son rapport demain, si mieux n'aime l'Assemblée nationale, mettre sur-le-champ le sieur Despiés en état d'accusation.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Je ne veux pas défendre M. Despiés de l'accusation portée contre lui par la municipalité de Sarrebourg ; je veux seulement le défendre de l'imputation qu on lui fait relativement aux portes ouvertes ou fermées, et je veux dire que, depuis 40 ans que j'ai passé fréquemment, la nuit, en poste, par cette ville, toujours les clefs ont été remises au portier de la porte et que, sur le coup de fouet du postillon, le portier m'a ouvert la porte. Par conséquent, le droit de remettre les clefs au commandant de place est un droit honorifique, un droit supposé. (Bah ! bah.').,
Soit qu'un usage abusif soit la
seule cause de l'ouverture des portes de Sarre-bourg, par laquelle la désertion des cavaliers du 4e régiment a été favorisée, soit que la négligence ou la connivence soupçonnée du lieu-tenant-colonel Despiés y ait contribué, il y a toujours de sa faute et il serait dangereux de laisser les choses dans l'état où elles sont. Mais je ne vois point dans les actes de surveillance très louables de la municipalité, ni dans les faits exposés, de motifs suffisants pour porter un décret d'accusation, il faut donc en chercher de nouveaux et prendre des précautions. On confondrait les différents pouvoirs si l'on ne renvoyait la connaissance et la poursuite de cette affaire au pouvoir exécutif... (Murmures.)
Je demande à ceux qui interrompent si c'est le Corps législatif ?
Oui, Messieurs, c'est au roi qu'il appartient de veiller à la sûreté extérieure du royaume. Il faut que le pouvoir exécutif procure cette sûreté, et si, d'une omission, d'un délit particulier, quelque important qu'il puisse être, nous nous laissons conduire à une méfiance générale, nous serions dans la position d'un imprudent qui émousserait lui-même le fer qui doit le défendre. Il faut donc que le pouvoir exécutif remplisse son devoir. La conduite du sieur Despiés doit être examinée par ses supérieurs, et son délit militaire poursuivi et jugé par une cour martiale, selon les lois militaires décrétées. S'il n'a pas fermé les portes, [s'il s'est prévalu d'un abus pour négliger ce soin, il n'en est pas moins coupable ; mais avant tout, il faut donner à l'accusé les moyens de se justifier et d'expliquer sa conduite. Voilà les principes, voila les armes de la Constitution ; vous devez y être fidèles en renvoyant cette affaire au pouvoir exécutif pour la faire examiner sévèrement, et pour qu'à l'avenir il prenne les précautions nécessaires pour empêcher ces désertions. (Murmures.)
Quant à l'état des frontières, c'est au pouvoir exécutif encore à vous en répondre. (Murmures.) L'Assemblée apprendra sans doute avec plaisir qu'il est impossible qu'il arrive du côté dont on parle aucune invasion, aucune attaque. J'atteste que dans l'étendue comprise entre Ritche et Sarrebourg, il y a plusieurs postes avancés très bien fortifiés et qui sont gardés par des régiments sur le patriotisme desquels on peut compter.'Ces postes sont soutenus par de fortes garnisons à deux lieues de Metz, de manière a ne laisser aucun sujet d'alarme de ce côté-là.
Un des préopinants vous a dit que le pouvoir exécutif devait nous répondre des frontières. Oui, sans doute ; mais son inactivité ne doit pas beaucoup nous tranquilliser sur sa réponse. (Murmures.) Je dis son inactivité, car l'Assemblée nationale sera d'accord avec moi, que de tous les faits pareils à celui dont on vient de vous rendre compte; vous n'en avez jamais été informés par le pouvoir exécutif. On vous propose, d'un côté, le renvoi au pouvoir exécutif pour former une cour martiale, de l'autre au comité de surveillance pour vous faire un rapport ; mais ce n'est pas l'instant d'examiner si le délit, dont le commandant s'est rendu coupable par négligence ou défaut de surveillance, doit donner lieu à accusation, ou si, au contraire, il doit être renvoyé au pouvoir exécutif pour être jugé par une cour martiale. Je demande qu'à cet égard on renvoie à un de vos comités.
Mais il est intéressant de prendre des précautions contre le défaut de surveillance au pouvoir exécutif, et encore contre le défaut de surveillance des officiers dans les mains desquels est remise la garde des clefs. Je demande que vous renvoyiez à un comité, pour examiner s'il ne serait pas prudent, s'il ne serait pas plus politique dans un moment où la patrie est menacée, de confier la garde des clefs à la municipalité et non pas à un officier suspect. {Applaudissements dans les tribunes.) Messieurs, les clefs des villes ne doivent pas être confiées aux colonels ou officiers qui commandent dans les places, parce que ces officiers ne peuvent agir qu'en vertu d un ordre supérieur, ou en vertu a'une réquisition du corps municipal ou administratif. Les officiers municipaux sont les magistrats du peuple, les officiers, eux, sont nommés par le pouvoir exécutif. Or, les places appartiennent à ia nation, leur conservation, leur garde, doit donc être spécialement confiée aux officiers qui sont approuvés par la nation.
Je fais la motion expresse qu'on renvoie à un comité quelconque la question de savoir s'il n'est pas prudent de confier les clefs des places aux maires des villes plutôt qu'aux commandants qui font les fonctions des 'états-majors supprimés. (Applaudissements dans les tribunes.)
veut prendre la parole.
Monsieur, .vous n'avez pas la parole.
Je me plains : il y a de l'arbitraire dans ce retrait de la parole, Monsieur le Président, je vous rappelle à l'ordre, vous m'ôtez injustement la parole.
Veuillez croire, Monsieur, que je maintiens la parole avec la plus grande impartialité.
Un membre : Je demande qu'on divise les faits. Le commandant de Sarrebourg, pour avoir reçu chez lui les clefs, et pour savoir pas pris des précautions pour que les portes soient exactement fermées, est obligé de rendre compte de sa conduite à cet égard. Ensuite, au sujet de la désertion des cavaliers, il n'est pas excusable parce qu'il n'a pas fait courir après eux. Ainsi, ^e demande que ce commandant soit mandé a la barre pour rendre compte de sa conduite. Les faits rapportés dans le procès-verbal tiennent aux circonstances du moment ; ils doivent être regardés comme crimes de lèse-nation, et, comme tels, poursuivis par la haute cour nationale.
Il existe deux délits bien constatés ; le premier est la désertion du brigadier et des autres cavaliers ; le second est la négligence du lieutenant-colonel, commandant le régiment. D'après le procès-verbal de la municipalité, cet officier est coupable de n'avoir point eu de gardes au quartier et aux écuries et de ne s'être point assuré si les portes, dont les clefs lui avaient été remises, étaient ou n'étaient pas fermées. Ce délit est militaire ou politique. Dans tout état de cause nous devons cnarger le pouvoir exécutif de suspendre cet officier, de faire commander le régiment par l'officier qui le suit en grade, et de lui faire rendre compte de sa conduite. Ce sera d'après ce compte que nous pourrons caractériser son délit, porter le décret d'accusation ou renvoyer devant une cour martiale.
Il n'est pas douteux pour moi que le commandant militaire ne soit complice de la
désertion, et qu'il ne doive être mandé à la barre. On vous a dit que cela devait être renvoyé au pouvoir exécutif, et c'est l'Assemblée nationale seule qui est investie, par la Constitution, des attentats contre la sûreté générale : c'est par conséquent une proposition très contraire à la Constitution que l'on vous a faite.
Mais je dis plus, un des préopinants a cherché à vous rassurer sur l'état de vos frontières. Je dois le dire, car c'est le temps de dire toutes les vérités, et il n'en faut cacher aucune : rien n'est moins rassurant que l'état des frontières, et c'est comme membre du comité de surveillance que je vous parle. J'ai des connaissances à cet égard ; rien n'est moins rassurant que le choix des régiments que le pouvoir exécutif a placés à la défense de nos frontières. M. Dumas vous parlait tout à l'heure des frontières de Nassau, des Deux-Ponts : veut-on bien me dire par quelle fatalité ce sont précisément les régiments hussards de Nassau et des Deux-Ponts qu'on a placés sur les frontières? Depuis Bitche jusqu'à Sarre-louis, vous n'avez absolument que des hussards reconnus par des traits d'incivisme. (Murmures.)
Je demande à répondre.
Je prouverai ce que j'avance. Depuis Bitche jusqu à Sarrelouis, vous n'avez que des régiments ae hussards connus par leur incivisme et qui ont été chassés de Neuf-Brisach et de Thionville pour des raisons de cette nature. A Nancy, ce sont des hussards ; à Metz, ce sont des régiments étrangers et des hussards ; c'est Castella-Suisse, c'est Royal-Allemand du fameux prince de Lambesc. Je dis, Monsieur le Président, que c'est actuellement le temps d'ouvrir sur la conduite du pouvoir exécutif un œil très vigilant. La nation attend dé vous que vous le surveillerez aujourd'hui. Car, depuis deux ans, la nation se demande quelle confiance elle peut avoir en lui. Il ne faut pas vous mêler de l'exécution, mais il faut que vous sachiez parfaitement comment et de quelle manière on exécute. Nous devons. demander un état nominatif des régiments stationnés sur les frontières, et il faut qu il soit connu de la nation par la voie de l'impression, afin que nous prenions nos mesures.
Messieurs, prenez-y §ârde, le moment va être décisif, et nulle venté ne doit être cachée. Quant à moi, je le dis sans détour, je n'ai nulle confiance dans le pouvoir exécutif... (Murmures dans VAssemblée.) — (Applaudissements dans les tribunes.) ; je ne puis en avoir. (Murmures.)
Messieurs, prouvez par votre silence que la sûreté publique ne vous est pas indifférente.
La Constitution ne dit pas que vous vivrez en bonne intelligence avec le pouvoir exécutif, mais que vous le balancerez. (Murmures.) Je suis dévoré de l'amour de mon pays. (Murmures.) Les idées de modération et de paix ne sont point éloignées de mon cœur, mais dans les circonstances actuelles, ces sentiments peuvent nous conduire insensiblement aux plus grands malheurs, et j'ai peur qu'à la fin nous ne soyons amenés à des désordres pfodigieux, à une guerre interminable. Il y a quelque temps que tout le monde disait que Pempereur ne prendrait pas parti dans les affaires de la France, et aujourd'hui, l'empereur y prend part. Le roi lui-même vous le disait, et cependant le roi vous envoie, par son ministre des affaires étrangères, une correspondance officielle qui vous annonce le contraire.
Messieurs, ouvrez les yeux. Je demande que l'on fasse imprimer l'état nominatif de tous les régiments qui sont actuellement placés sur les frontières du royaume, et en même temps que le pouvoir exécutif nous rende enfin un compte très exact, très détaillé de toutes les munitions de guerre, de toutes les mesures qu'on a prises pour assurer nos frontières contre les Allemands ; que cet état soit rendu public pour la satisfaction du peuple que cela intéresse très certainement. Et puis après cela, nous verrons si nous pouvons compter sur le pouvoir exécutif, ou si nous ne le pouvons pas. (Murmures et applaudissements dans VAssembléei — Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres demandent à répondre à M. Basire.
Un membre, chevalier de Saint-Louis : J'appuie la motion de M. Daverhoult, mais ie trouve celle de M. Basire extrêmement impolitique et très dangereuse en ce moment ; elle tend à nous aliéner l'esprit de tous les régiments allemands. J'atteste qu ils sont patriotes et que, dans différentes occasions, ils ont partout donné des preuves non équivoques de leur attachement à la nation et à la Constitution.
Je propose de faire suspendre provisoirement le commandant de Sarrebourg, de le mander à la barre pour rendre compte de sa conduite et de confier les clefs de la ville aux officiers municipaux.
Je ne crois pas que les préopinants aient indiqué les moyens les plus sûrs d'examiner la conduite du pouvoir exécutif dans l'affaire dont il est question. Le procès-ver-bal de la municipalité de Sarrebourg est du 12 décembre. La municipalité annonce qurellea adressé sur-le-champ le même procès-verbal qui vient de vous être lu à M. Witinkhof, commandant à Nancy. Le commandant doit donc s'en être occupé à l'instant et avoir pris en même temps les mesures les plus actives, sans quoi il serait coupable. Cette municipalité a envoyé en même temps une autre expédition du procès-verbal au directoire du département de la Meurthe ; lequel directoire, s'il a rempli son devoir, a dû, sans perdre un instant, envoyer le procès-verbal au ministre. Dans cet état de choses, si M. Witinkhof n'a pas rempli son devoir, il est coupable, et à nos yeux autant peut-être que celui dont le délit vous est dénoncé ; si le départemeni n'a pas sur-le-champ envoyé le procès-verbal au ministre, il a eu tort ; et si le»ministre, l'avant reçu, n'a pas sur-le-champ pris les mesures que son devoir et la loi lui ordonnent, il est, lui aussi, grandement coupable.
Ainsi, Messieurs, je demande que M. le Président soit autorisé à écrire au ministre de la guerre ou à celui qui est chargé du portefeuille par intérim, pour lui demander si le procès-verbal relatif à cette affaire lui a été envoyé, et quels ordres il a donnés à ce sujet. Je demande aussi que l'Assemblée nationale décrète que le ministre ae la guerre sera tenu de lui rendre compte, dans le plus court délai, des mesures qu'a dû prendre le commandant de Nancy. La marche que j'indique est essentielle en ce moment. Il est du plus grand intérêt que les municipalités sachent qu'elles ne doivent pas seulement avertir l'Assemblée, mais tous ceux qui peuvent apporter du remède au mal. En cela, j'approuve autant qu'il est en moi, la conduite de la municipalité de' Sarrebourg.
Mais, Messieurs, j'ai entendu avec beaucoup de
peine exprimer des défiances sur les corps en général. Est-ce parce qu'ils portent le nom de hussards? Est-ce parce qu'ils sont étrangers?Eh quoi, ce qui est arrivé dans le mois de juin doit vous avoir convaincu que ces troupes sont attachées aux intérêts de la France autant que les Français eux-mêmes. (Applaudissements.) Je suis convaincu qu'un des plus grands moyens de servir la chose publique est de surveiller sans soupçons injurieux (Applaudissements.) et de porter dans toutes les ramifications du pouvoir exécutif toute l'attention, toute la vigilance possible, mais non pas de faire retentir cette enceinte d'inculpations sans preuves contre des régiments que tout nous peint animés du plus pur, au plus sincère patriotisme. (Vifs applaudissements.)
Je crois, Messieurs, que l'Assemblée nationale doit être forte et du patriotisme et du courage de tous les Français. Je ne crains pas, moi, que les ennemis de la liberté renversent la Constitution, quand bien même ils seraient secondés par les mains les plus perfides. Soyez persuadés que quand un peuple libre veut la liberté, rien ne l empêche ae la conserver (Applaudissements.) èt s'il faut que nous combattions contre les despotes dé l'Europe, ou la nation française sortira triomphante de cette lutte, ou elle sera la dernière des nations. (\ifs applaudissements.)
Je répète ma motion, c'est qu'il soit écrit au ministre de la guerre pour qu'il déclare s'il a reçu le procès-verbal de la municipalité de Sar-rebourg, et quelles mesures il a prises en conséquence. Je demande qu'elle soit mise aux voix. (Applaudissements.)
Messieurs, c'est avec une douleur amère pour tout homme qui connaît le prix de la liberté, qui sait qu'elle n'est pas circonscrite dans un cercle étroit, qu'elle est l'apanage de tous les hommes, et que ce n'est pas une différence de langage qui rend l'homme libre ami de la liberté, que j ai entendu inculper d'une manière légère et extrêmement vague, les régiments allemands. (Applaudissements.) Je men vais vous en citer plusieurs qui égalent en patriotisme les régiments français.
Le régiment de Hesse-Darmstadt, en garnison à Mézières, s'est montré, dès les premiers moments de la liberté, digne de la servir. Ce régiment, chaque fois qu'on a tenté de le séduire par des biliets qu'on répandait dans les casernes, les envoyait au directoire du département dont j'étais membre. Le directoire en a rendu compte à l'Assemblée nationale constituante, qui lui a adressé des remerciements.
Le régiment ci-devant Alsace, en garnison à tiivet, a toujours disputé de patriotisme avec les régiments français qui y étaient. Non seulement il a donné une partie de sa paye pour le rétablissement des fortifications; mais tous ses soldats ont encore voulu, pendant 6 mois, y contribuer de leur travail sans recevoir de rétribution. Les officiers sont actuellement à Coblentz ; ce sont eux qui les ont fait partir, parce qu'ils n'étaient pas dignes de les commander.
Le régiment Esterhazy a lutté de patriotisme avec les gardes nationales, son civisme n'est pas moins certain que celui des autres. Ils ont été les premiers, ces hussards, à demander la fraternité avec toutes les gardes nationales du département; ils ont envoyé des députations à toutes les fédérations.
Et de même dans toutes les villes, dans tous les départements où' il y a des régiments étran-
gers en garnison, tous les directoires, toutes les municipalités, "tous les bataillons de gardes nationales ne vous ont-ils pas adressé les éloges les plus unanimes sur leur conduite? Voilà les hommes que l'on calomnie au sein. de l'Assemblée nationale! Je demande que l'on ne puisse plus se permettre de semblables écarts, qui ne tendent qu'à inquiéter le peuple sur la fidélité de ses véritables défenseurs. (Vifs applaudissements.)
Je demande à répondre. (Bruit.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
D'autres membres : Non ! non ! (Murmures. — Vive agitation.)
Monsieur le Président, je demande la parole pour un fait.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
insiste pour avoir la parole.
Plusieurs membres : Non! non! La discussion est fermée !
Je ne laisserai pas la plus légère trace d'une inculpation qui pourrait détruire une confiance méritée. (Applaudissements.) Mon devoir est de me sacrifier pour la patrie. Je ne me tairai pas quand il s'agira de repousser une calomnie qui peut avoir des suites funestes pour elle.
Plusieurs membres : La discussion est fermée; à l'ordre ! à l'ordre !
D'autres membres : Nous demandons que M. Dumas soit entendu ! (Bruit.)
Un membre : L'Assemblée a fermé la discussion ; M. Dumas doit s'imposer le droit de se taire. (L'Assemblée est dans une vive agitation.)
Un membre : Monsieur Dumas, je vous prie, pour le bien de la paix, de ne pas prendre la parole,
Non, je ne me tairai pas, lorsqu'il s'agit d'un fait important qui touche à la sûreté de l'Etat; non, je ne me tairai pas lorsque l'intérêt de la patrie veut qu'il soit énoncé, lorsqu'il faut conserver à la France de nombreux défenseurs; non, je ne laisserai pas la plus légère trace de soupçon sur la conduite, sur les sentiments des soldats étrangers...
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Quoi, je me tairais lorsqu'il faut détruire une erreur, une calomnie et annoncer la vérité. Mon devoir est de me sacrifier pour la
patrie.....(Les murmures d'une partie de la salle,
les applaudissements de Vautre partie couvrent la voix ae l'orateur.)
Plusieurs membres : La discussion est fermée ! A l'ordre ! à l'ordre !
Monsieur le Président, de deux choses l'une, ou M. Dumas doit se taire, ou je dois être entendu.
J'insiste pour avoir la parole.
Vous ne pouvez pas parler sans le consentement de l'Assemblée; je la consulte.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Dumas sera entendu.)
Je demande à répondre. (Non! non!)
Si je me suis livré aux mouvements d'une juste indignation, si j'ai insisté si vivement pour avoir la parole, c est qu'il m'a paru que, malgré le zèle et l'énergie aes deux préopinants aux sentiments et aux opinions des-
quels je me réunis, il restait encore quelques traces à effacer de l'impression qu'avaient pu faire les imputations hasardées de M. Basire. J ai cru qu'il convenait d'achever de les détruire par des faits qui, je le veux croire, n'étaient pas connus de lui. Ces faits, les voici :
Lorsque j'ai été honoré de la confiance nationale, et chargé de contribuer à recueillir les débris de nos forces dispersées à dessein par M. de Bouillé sur la frontière du département de la Moselle, j'ai reconnu le zèle, le civisme de ces mêmes troupes étrangères, mais vraiment nationales qu'on voudrait éloigner de nos postes d'honneur qu'elles partagent avec nos braves régiments français. Ici, Messieurs, je prends à témoin les députés du département ae la Moselle. Ces mêmes hussards, qu'on veut vous faire regarder comme des troupes très suspectes, je les ai employées, pendant toute la campagne dernière, dans des postes avancés à l'extrême frontière, formant une chaîne très serrée en face du cordon autrichien, faisant un service extraordinaire et très actif, et pas un seul n'a déserté, pas un n'a quitté son poste, pas un n'a donné lieu à des plaintes.
On a indiqué aussi comme suspect et dangereusement placé sur cette frontière le 89e régiment ci-devant Deux-Ponts. J'avais été le compagnon d'armes des soldats de ce régiment en Amérique, où ils combattirent vaillamment pour la liberté. Je le garantis sur ma tête, jamais il ne leur a été fait ae reproches. Je les ai retrouvés à Metz dans les mêmes sentiments, et j'ai eu la satisfaction de voir, au milieu d'une défection considérable d'officiers, que ceux du régiment des Deux-Ponts étaient restés fidèles à leur devoir malgré les suggestions perfides dont ce régiment a été constamment travaillé par les ennemis de la chose publique; jamais ils n'ont pu être ébranlés dans leur attachement à la Constitution. Voilà cependant les hommes que l'on calomnie !
Après leur avoir rendu la justice que ie leur dois, je déclare, relativement à l'état de défense de nos places frontières, que toutes .celles que je connais sur cette partie de la frontière sont surabondamment pourvues pour une défense absolue et suffisamment pour se prêter des secours mutuels dans une défensive active. Jamais la France n'a déployé une masse de forces plus active. Il faut que la nation connaisse ses forces, et que sa tranquillité, dans cette grande circonstance, soit fondée sur des bases solides. Votre comité militaire s'est occupé de l'examen de l'état de nos frontières, non sur de vains discours, mais sur les pièces originales. Il a puisé dans les meilleures sources ; son rapport est prêt. Je demande qu'il soit fait dans le plus court délai, afin que nous n'ayons plus à comnattre des suppositions.
Oui, Messieurs, je ne crains pas de répéter que j'ai la plus grande confiance dans les efforts que nous pouvons faire pour défendre notre liberté. Je ne crains pas de garantir à la nation, le courage, la fidélité, la subordination de son armée. Que nos ennemis tiennent un langage différent, qu'ils méconnaissent nos moyens, qu'ils cherchent à nous terrifier, à nous diviser! Mais nous, forts de la réunion de la volonté et de nos bras, gardons-nous de douter du succès de la bonne cause. Dans ce moment même, les troupes qui ont appris les grandes mesures prises par l'Assemblée nationale et par le roi, brûlent de combattre pour la Constitution ; les régiments demandent à reprendre, malgré la mauvaise
saison, les exercices militaires, et . les mêmes soldats, qu'on calomnie ici, font retentir nos forteresses, comme nous cette enceinte, du cri de guerre de tous les Français : la Constitution ou la mort. (Applaudissements répétés.)
Je demande la parole.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
Il est très dangereux de fermer la discussion dans ce moment-ci. J'ai annoncé que je voulais répondre à M. Dumas ; et s'il arrivait que je ne sois pas entendu, le public pourrait croire qu'on a craint de m'entendre. (Murmures et exclamations.)
Plusieurs membres : Oh ! non ! non !
Je désire bien sincèrement que M. Dumas ait raison, et je le crois. Je reconnais au feu qui l'anime, le langage de la vérité. Mais cependant il faut le dire : Il ne me suffit pas, et il ne suffira pas non plus au peuple français, qui, dans ce moment, a besoin de plus d'un garant, que M. Dumas lui ait répondu ae la fidélité de ces régiments, que je crois bons, malgré les lettres écrites au comité de surveillance à leur égard. (Ah! ah!) Prenez-y garde, nous agitons ici les plus grands intérêts de la France ; ne nous agitons point en tumulte, écoutons-nous tous les uns après les autres. Jusqu'alors, et seulement alors, la confiance nous avertira. Je dis que je ne révoque pas en doute ce qu'a annoncé M. Dumas. II a promis des états, et tout ce que je demandais, c'était l'impression de ces états. Je conclus à ce que l'affaire de Sarrebourg soit renvoyée au comité de surveillance.
Un membre : Maintenant que M. Basire a dit qu'il n'avait point.de doutes, je demande que la discussion soit fermée.
J'ignore si on a écrit au comité de surveillance sur le compte du 5e régiment de hussards, en garnison à Douai. J'atteste , et je prends pour garants de ce que je dis tous les députés du département du Nord, j'atteste que le 5e régiment de husssards, depuis le commencement de la Révolution, a donné les preuves les plus éclatantes de son amour pour la Constitution française, de son respect religieux pour toutes les lois, et de son dévouement absolu pour la défense de notre patrie qui est aussi la sienne. Le chef et les officiers n'ont avec leurs soldats qu'un même sentiment, qu'un même principe. La conduite de ce régiment, spécialement à l'époque du 21 juin dernier, son civisme éclairé, sa discipline sévère lui ont fait partager, avec toute la garnison de Douai, la bienveillance de tous les corps administratifs, l'affection des citoyens de mon département et la terreur des ennemis de la Constitution. J'en atteste mes collègues.
Je suis membre du directoire du département du Nord. J'atteste que ce que vient de vous dire M. Lejosne est la plus exacte vérité. Ce régiment s'est toujours distingué par son patriotisme.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme une seconde fois la discussion.)
rappelle les différentes propositions qui ont été faites.
Plusieurs membres : La priorité pour la motion de M. Viénot-Vaublanc !
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Viénot-Vaublanc.)
Voici ma motion: Je demande que M. le Président soit autorisé à écrire au ministre de la guerre par intérim pour lui demander si le procès-verbal relatif à l'affaire de Sarrebourg lui a été envoyé, et quels ordres il a donné à ce sujet. Je demande aussi que l'Assemblée décrète que le ministre de la guerre sera tenu de lui rendre compte, dans le plus court délai, des mesures qu'a dû prendre le commandant de Nancy.
Un membre: Je'demande, par amendement, que ce soit par un décret et non par une lettre, que vous demandiez compte au ministre de la guerre.
(Cet amendement est adopté.)
L'Assemblée adopte ensuite la motion de M. Viénot-Vaublanc, dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale décrète que le ministre chargé par intérim du ministère de la guerre, rendra compte sur-le-champ à l'Assemblée des mesures qu il a dû prendre à la réception du procès-verbal de la municipalité de Sarrebourg, du 12 décembre 1791, lequel procès-vèrbal a été envoyé par cette municipalité au département de la Meurthe.
« Le ministre rendra pareillement compte des renseignements qu'il a pu recevoir de M. Witin-khof, commandant dans ce département, et des ordres qui ont dû être donnés par ce général à la réception du procès-verbal de la municipalité de Sarrebourg, contenant la dénonciation de la désertion d'un brigadier et 6 cavaliers du 4e régiment, qui paraissent avoir été favorisés dans ce coupable complot par le lieutenant-colonel dudit régiment. »
(L'Assemblée renvoie ensuite les pièces au comité militaire, pour examiner si les clefs des villes doivent toujours rester dans les mains du commandant militaire, ou seront confiées aux officiers municipaux, et décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite delà municipalité de Sarrebourg.)
Le ministre de la guerre m'a envoyé une lettre écrite de Valenciennes ; j'en fais donner lecture à l'Assemblée ; elle est du 24 décembre.
, secrétaire, donne lecture de cette lettre.
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée nationale a accueilli, avec complaisance, le projet que j'ai conçu de parcourir les différentes frontières. J'en éprouve les heureux effets; et déjà je puis me flatter d'avoir à lui présenter, à mon retour, des résultats satisfaisants sur les villes de Flandre que j'ai parcourues. Mais mon voyage pouvant durer encore près de quinze jours, il est de mon devoir de soumettre des à présent à l'Assemblée, mes observations sur l'un des objets qui ont le plus constamment fixé mon attention.
« Des volontaires nationaux nouvellement organisés, présentent de continuelles réclamations, sur lesquelles le silence de la loi met le ministre de la guerre dans l'impossibilité de statuer. J'ai été informé, Monsieur le Président, que le comité militaire se proposait de rapporter à l'Assemblée un projet ae décret pour déterminer tous les détails de cette organisation. Oserai-je la supplier de s'occuper d'un travail si pressant et lui représenter que le moindre délai augmenterait sensiblement les obstacles que ces corps
éprouvent dans les différentes parties de leur service.
« Je crois, Monsieur le Président, ne pouvoir mieux justifier la confiance du roi et repondre aux intentions de l'Assemblée, qu'en saisissant tous les moyens de rendre plus utile encore le zèle des citoyens armés pour la défense de la liberté.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : louis de Narbonne. »
, rapporteur du projet sur les gardes nationales volontaires. Plusieurs articles ont été renvoyés au comité militaire. Je suis prêt à en faire le rapport. Je demande la parole pour demain.
Plusieurs membres : Ce soir ! ce soir !
(L'Assemblée décide qu'il y aura, ce soir, une séance extraordinaire pour entendre ce rapport.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Carie, qui offre de lever et entretenir une compagnie ae grenadiers et de mener cette compagnie à l'ennemi sous les ordres de M. de La-fayette ; cette lettre est ainsi conçue :
« La force armée ne peut être augmentée que d'après vos décrets ; c'est en conséquence de ces principes constitutionnels, qu'un officier volontaire ae la garde nationale parisienne présente à l'Assemblée la pétition suivante :
« Dans un temps où il y avait apparence de guerre, il a fait offre de fournir 50 nommes à la solde. Aujourd'hui que l'on fait de grandes dispositions militaires, toujours animé des mêmes intentions, il se propose ae former une compagnie de grenadiers de 63 hommes, y compris les officiers. Il offre de déposer au bureau de la guerre les fonds nécessaires pour la campagne. (Vifs applaudissements.) C'est au pouvoir executif à disposer de l'emploi des forces de l'Empire, et son vif désir serait de marcher à la tête de cette compagnie, sous les ordres de son ancien général. Mais c'est à vous, Messieurs, qu'il soumet son vœu, c'est de vous qu'il doit recevoir l'autorisation de lever cette compagnie. Il se trouvera heureux de pouvoir concourir à seconder les vues de l'Assemblée, pour soutenir et défendre la Constitution. » (Vifs applaudissements.)
Signé : Carle, commandant du bataillon d'Henri IV.
Je demande le renvoi au comité militaire pour examiner cette question de savoir s'il est convenable qu'un citoyen solde une compagnie pour la commander. Son offre est louable sous tous les rapports, mais la condition du commandement me semble présenter une grande difficulté.
(L'Assemblée décrète que la lettre de M. Carie sera imprimée, et qu'il sera fait mention honorable de ses offres au procès-verbal et que la proposition sera portée au comité militaire.)
, au nom du comité colonial. Messieurs, le comité colonial m'a chargé de vous rendre
compte des dépèches intéressantes qui sont arrivées des colonies et qui lui ont été
transmises par la société d'agriculture et de commerce de Nantes. Ces dépêches consistent
dans une lettre de Port-au-Prince du 3 novembre dernier (1). Beaucoup de détails vous sont
connus. Ainsi votre
Dans la province ae l'ouest, plusieurs paroisses avaient donné adhésion (1) au concordat passé au Port-au-Prince, sous la date du 11 septembre, et vous serez satisfaits d'entendre le discours prononcé par le maire du Port-au-Prince, le 23 octobre dernier, à la lecture définitive de traité de paix. Le voici :
« Messieurs, qu'il est beau ce jour où nous pouvons dire avec vérité que nous sommes tous frères et amis !
« Qu'il est beau ce jour où deux classes de citoyens, divisés jusqu'ici, se mêlent, et se confondent pour n'en faire à l'avenir qu'une seule !
« Qu'il est beau enfin ce jour où une réconciliation entière, franche, loyale, rapprochant tous les cœurs, éteint tout souvenir du passé, et ne laisse plus voir devant nous que des jours tranquilles et heureux, passés dans la douceur de la confiance et de l'amitié!
« Nous sommes donc de ce jour frères et amis ; nous scellons, en ce moment, la paix et la réconciliation.
« Jurons tous, promettons-nous tous de nous soutenir et de nous défendre mutuellefiient, d'être tous les protecteurs du bon ordre et de la sûreté publique. Unissons-nous pour la cause commune, et ne connaissons d'autres ennemis, que les ennemis du bien public. Jurons de regarder et de traiter comme perturbateurs du repos public tous ceux qui contreviendraient au présent décret, (ici toute la dèputation a crié :
nous le jurons!)
« Citoyens de couleur, mes amis,-vous perdez ici cette dénomination ; il n'existe plus de distinction, plus de différence. (Vifs applaudissements.) Nous n'aurons à l'avenir, tous ensemble, qu'une même qualification : celle de citoyen. (Applaudissements.)
« Que la sincérité préside à un contrat aussi solennel et aussi sacré ; que les expressions de la bouche ne soient point démentes par les sentiments du cœur. Promettons-nous tous amitié, franchise, loyauté, et que les témoignages que nous nous donnons ici soient le gage d'une paix et d'une union durable à jamais, (toute la dèputation a dit : nous le jurons!) (Applaudissements.)
« Et vous braves militaires de Normandie et d'Artois, du corps royal d'artillerie, de la marine royale et marchande, de l'équipage du vaisseau le Borée, vous tous enfin qui êtes ici présents, partagez notre satisfaction et mêlez vos élans aux nôtres.
« C'est à vous que nous sommes redevables de notre état, c'est vous qui, dans tous les
temps, nous avez secourus, soutenus. Vous savez à la guerre
« Il ne manque plus à notre bonheur qu'une chose, c'est de le rendre durable; c'est d'écarter loin de nous tout ce qui peut troubler l'ordre et la paix; c'est de ramener la confiancet la tranquillité, la sûreté publique : Que la loi soit observée; que ceux qui commandent soient obéis : voilà notre vœu à tous ; et pour qu'il soit bien rempli unissons un acte aussi solennel par un serment sacré, et disons tous : Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi et de contribuer de tout mon pouvoir à la tranquillité publique. (nous le jurons !) (Applaudissements.)
Vous avez pu, Messieurs, remarquer dans le dernier paragraphe de ce discours, cette phrase : Il ne manque plus à notre bonheur, etc. Cette phrase est expliquée par l'article suivant de la correspondance qui nous est transmise.
Vous avez vu que les hommes de couleur ne se croyant pas assez forts, d'abord, s'étaient réunis à des noirs esclaves en assez grand nombre. Lorsque le concordat a été signé, les hommes de couleur crurent ne pouvoir pas se dispenser d'amener au Port-au-Prince l'élite de ces noirs auxquels ils avaient donné le nom de Suisses. Les noirs donnaient beaucoup d'inquiétudes aux habitants de Port-au-Prince, inquiétudes que partagaient les hommes de couleur propriétaires, comme les blancs. 11 y a eu, Messieurs, plusieurs conférences entre les hommes de couleur et les blancs, à la suite de cette réunion ; et après une longue discussion, il a été arrêté, à une majorité très grande, que les noirs esclaves sous le nom de Suisses seraient embarqués au nombre de 213, à bord d'un navire nantais qui se trouvait au Port-au-Prince, et qu'ils seraient conduits à la baie des Marquises, sur le continent américain, propriété espagnole, avec des instruments de culture et de jardinage, et des vivres pour trois mois. Cet événement paraît assurer, d'après l'écrivain, la tranquillité parfaite et la paix ae l'ouest de Saint-Domingue. (Applaudissements.)
Par un décret rendu samedi soir, on a ajourné à ce matin la continuation du rapport sur les troubles de Saint-Domingue. Je demande à l'Assemblée la permission de le faire.
Je demande à faire une motion d'ordre.
Je voudrais demander simplement que la lettre du maire de Port-au-Prince aux négociants de Nantes soit insérée au procès-verbal. (Applaudissements.)
J'appuie de tout mon pouvoir cette proposition.
Je demande que l'on donne connaissance de cette lettre au pouvoir exécutil, pour qu'il règle sur ces nouvelles sa conduite dans les envois de troupes qu'il va faire.
Je demande l'impression de la lettre et la distribution aux membres, parce que je le crois très nécessaire pour la discussion de cette affaire.
(L'Assemblée décrète l'impression et l'insertion au procès-verbal avec mention honorable
de la lettre écrite par le maire de Port-au-Prince aux négociants de Nantes (1) et la
communication
, rapporteur. L'Assemblée a ajourné à ce matin la suite du rapport sur les colonies ; je demande à le continuer.
Vos trois comités diplomatique, militaire et de l'extraordinaire des finances sont prêts à vous faire leur rapport sur le discours fait par le roi en réponse au message de V Assemblée et sur la demande a un fonds de 20 millions demandés, au nom du roi. par le ministre de la guerre, pour prendre les dispositions militaires nécessitées par les circonstances. Je demande la priorité en faveur de ce rapport.
J'appuie, car ce rapport est |bien
Slus important encore en ce moment que celui es colonies.
(L'Assemblée accorde la priorité au rapport-des comités diplomatique, militaire et de 1 extraordinaire réunis, et ajourne à mercredi la suite du rapport sur les colonies.)
(L'Assemblée se retire dans ses bureaux pour la nomination d'un Président et rentre en séance un quart d'heure après.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Billecocq, député suppléant de Paris à l'Assemblée nationale, qui fait nommage à l'Assemblée d'une Adresse aux peuples de l'Europe, sur la guerre dont la France est menacée. (Applaudissements.)
( L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
2° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, qui annonce qu'il sera brûlé vendredi prochain, à l'hôtel de la caisse de l'extraordinaire, pour 7 millions d'assignats, ce qui portera à 369 millions la somme des assignats brûlés.
3° Lettres des sieurs Castel, Labadie et Gallet qui demandent à être entendus à la barre.
(L'Assemblée décide que M. Castel sera entendu ce soir et que MM. Labadie et Gallet seront entendus dimanche prochain.)
, au nom du comité de liquidation, présente, en seconde lecture (1), trois projets de décret ae liquidation concernant :
Le premier, l'arriéré des départements de la maison du roi, de la guerre de la marine et des finances, les domaines et les droits féodaux, les créances sur le ci-devant clergé et les jurandes et maîtrises ;
Le second, les offices de judicature et ministériels ;
Le troisième, les charges et offices de perruquiers ;
Ces projets de décrets sont ainsi conçus :
PREMIER PROJET (2).
L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, qui lui a rendu compte
des vérifications et rapports faits par le commissaire du roi, directeur général ae la
liquidation, décrète qu'en conformité des précédents décrets sur la liquidation de la dette
publique et sur les fonds destinés à l'acquit dejadite^dette,
1° ARRIÉRÉ DU DÉPARTEMENT DE LA MAISON DU ROI.
Bâtiments.
A Meudon, journées d'ouvriers et autres menues dépenses pendant l'année 1789 (1 partie
prenante) ci..........3,5261. 5 s. » d.
Saint-Hubert, entrepreneurs , ouvriers et fournisseurs employés au château pendant les années 1779 iusques et compris 1789 (20 parties prenantes)........283,026 7 10
Entrepreneurs, ouvriers et fournisseurs au château de Fontainebleau pendant les années 1787, 1788 et 1789 (11 parties prenantes)..374,270 » 10
Entreprises et fournitures au château de Compiègne pour les années 1793 et suivantes, jusques et compris 1788 (1 partie prenante) — Dépenses fixes, différents employés ou entrepreneurs chargés de l'entretien des maisons royales pendant les années 1787, 1788 et 1789 (135 parties prenantes)..238,748 11 7
Chambre aux deniers.
Différents officiers et fournisseurs de la maison du roi pendant les années 1786, 1787, 1788, et 1789 (27 parties prenantes)................130,335 13 7
Capitainerie de la Varen-ne du Louvre.
Gages et appointements aux inspecteurs brigadiers, gardes à cheval, gardes à pied, gardes faisandiers et fournisseurs de la capitainerie échus au 1er janvier 1790 (8 parties prenantes)................3,319 13
Education de feu M. le Dauphin.
Gages, appointements et traitements à différentes personnes établies pour Péducation et le service de feu M. le Dauphin, pour l'année 1789, (8 parties prenantes)...51,670
Réclamations particu-lières.
Ces réclamations font
Sartie de l'arriéré du
épartement de la maison du roi et n'appartiennent proprement à aucune division de ce département (3 parties prenantes)........... .2,926 1., 5 s. .» d.
2° arriéré du département de la guerre.
Provinces frontières.
Appointements à dif-1 fé re n t s particuliers, dont les créances sont fondées sur des ordonnances signées du ministre de la guerre, et sur des états d'arriéré pour l'année 1789 (5 parties prenantes)...85,545 10 6
Appointements à des gouverneurs de villesl fortes et citadelles pen-f dant les six derniers mois 1788, et l'année 1789 (4 parties prenantes)......T........
Fortifications.
Avances faites pour le service des fortifications de Brest—
3° arriéré du département de la marine.
Brest.
Fournitures de lest de fer au port de Brest en décembre 1789 (1 partie prenante) —.........6,608
Département du Havre.
Ouvrages, fournitures et autres dépenses faites par divers particuliers, pour le service de la marine et des colonies, pendant les années 1787, 1788 et 1789 (36 parties prenantes)--------------30,492 11
Port de Toulon.
Ouvrages, fournitures et autres dépenses faites par divers particuliers, pour les besoins du service de la marine pendant les annéés 1788 et 1789 (5 parties prenantes) ...............
Indes et Colonies.
Appointements et remboursements des avances et fournitures faites pour le service de la marine, par différents employés dans l'Inde et aux colonies (7 parties prenantes)—...............16,315 1. 19 s. 4 d.
4° arriéré du département des finances.
Réclamations particulières.
Réclamations particulières dont il sera rendu compte à l'Assemblée (4 parties prenantes).. .37,203 8 9
École vétérinaire d'Al-fort.
Entrepreneurs, ouvriers et fournisseurs depuis 1781 jusqu'au 1er janvier 1790 (5 parties prenantes)....8,267 9 7
5° domaines et féodalité.
Indemnité pour raison delà résiliation d'un do-, maine (1 partie prenante) ................35,485 7 8
6° créances sur le clergé.
Ces créances consistent en dettes constituées à reconstituer, rentes viagères à renouveler, et la dette actuellement exigible (92 parties prenantes)____....119,638 13 8
7° jurandes et maîtrises.
Indemnités et remboursements à différents maîtres dont l'Etat est annexé au décret.
Cet article contient les villes de Versailles, Saumur, Sainte-Mene-hould, Toul, Lyon, Paris, Noyon, Maubeuge, Tours, Poitiers, Rouen, Fonte-nay, Reims, Nancy, Bar-sur-Aube, Bourges, Verdun et Calais (1,400 parties prenantes)........353,715 17 6
8° supplément a l'arriéré du département de la guerre.
Fournitures de bois et lumières aux troupes
dans le Bugey et dans la généralité de Metz, pendant l'année 1789 (2 parties prenantes)...
47,5151. » s. 2 d.
Total général (1,776 parties prenantes)..... 2,143,7351. 5 s. i l d.
A la charge par les parties y nommées de se conformer aux lois de PEtat, pour obtenir leurs reconnaissances de liquidation définitive et leur remboursement à la caisse de l'extraordinaire.
Différents objets qui ont paru au comité de liquidation devoir être re]etés ou renvoyés à l'agent du Trésor publicj pour se pourvoir par les voies de droit : Créances rejetées (6
parties prenantes)______ 233,328 1. 2 s. 6 d.
Créances contre lesquelles il sera proposé à l'Assemblée nationale de décréter que l'agent du Trésor public se pourvoira................. 7,056 15 »
DEUXIÈME PROJET (1).
L'Assemblée nationale sur le rapport dé son comité de liquidation qui lui a rendu compte dés opérations du commissaire du roi, directeur général de la liquidation dont l'état suit :
Résultat des rapports de liquidation d'offices de jUdicature remis au comité parle commissaire du roi, directeur général de la liquidation le 30 novembre 1791, montant à. 7,849,6181 » s. 7 d. Les dettes passives
sont de.......................439,335 12
Les dettes actives de.. 179,680 8 1
Différence à la charge de la nation (1,034 parties prenantes)___________ 259,6551. 3 s- 11 d.
Décrète que conformément à l'état joint à la minute du présent décret, il sera payé par la caisse de l'extraordinaire, lasomme de7,849,618 1.7d., à l'effet [dé quoi les reconnaissances de liquidation seront expédiées aux officiers liquides, en satisfaisant par eux aux formalitésprescrites par les présents décrets.
TROISIÈME PROJET (2).
L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation qui lui a rendu compte des opérations du commissaire du roi, directeur général de la liquidation dont l'état suit :
Résultats de rapports de liquidation des offices de perruquiers, narbiers, baigneurs,
étuvistes, remis au comité de liquidation par le commis-du roi, directeur général de la
liquidation, le 30 novembre 1791.
Sarlat............... 2,5271. 13s. 4 d.
Montluçon.........: 2,718 13 4
Fargeau............. 282 13 4
Montoire............ 340 » »
Rosoy............... 653 15 »
Nogent-le-Rotrou.... 1,738 » 4
Nantes.............. 302,927 14 11
Paris............... 520,587 2 4
Vendôme........____ 966 13 4
Total (293 parties prenantes.................. 832,7421. 5 s. 9d.
Les dettes passives de la communauté des perruquiers de Nantes excédaient celles actives de 10,456 1. 3 s., laquelle somme a été déduite sur le montant de liquidation de cette communauté.
Décrète que, conformément à l'état joint au présent décret, il sera payé par la caisse de l'extraordinaire la somme de 832,7421. 5 s. 9 d., à l'effet de quoi les reconnaissances de liquidation seront expédiéès âux officiers liquidés, en satisfaisant par eux aux formalités prescrites par les précédents décrets.
, au nom du comité de l'extraordinaire des finances{ demande à faire un rapport sur les formalités a remplir par les créanciers de l'Etat qui fournissent des reconnaissances de liquidation tn payement de biens nationaux. (L'Assemblée ajourne ce rapport à demain.)
, au nom des comités diplomatique, militaire et de Vextraordinaire des finances, fait un rapport sur la demande formée le 14 décembre dernier, par le ministre de la guerre (1), d'un fonds extraordinaire de 20 millions pour les préparatifs militaires commandés par les circonstances (2).
Messieurs, vous avez renvoyé à l'examen de vos comités diplomatique, militaire et de l'extraordinaire des finances réunis, la réponse que le roi a faite à votre message du 29 novembre dernier, le discours du ministre de la guerre, et la demande d'un fonds extraordinaire de 20 millions pour fournir aux frais des préparatifs que les circonstances actuelles commandent
L'importance de cette délibération et l'influence qu'elle peut avoir sur la destinée de la France vous imposent la nécessité de donner à cette discussion toute l'attention qu'exigent les grands intérêts qui vous sont confiés.
C'est principalement dans les circonstances où nous nous trouvons, au milieu des dangers
qui nous environnent, lorsqu'une grande conjuration nous menace au dehors d'une explosion
terrible, lorsque la malveillance des faux amis de la Constitution s'occupe sans cesse à
semer des germes de discorde dans l'intérieur, et à égarer l'opinion publique j lorsque vous
êtes appelés pour la première fois à délibérer sur la guerre et à mire l'essai de l'un des
plus importants articles de votre Constitution naissante, qu'il importe de s'attacher
fortement aux principes de cette Constitution, de donner à l'Europe entière l'exemple le
plus frappant de l'harmonie qui doit régner
C'est d'après ces grandes considérations que vos comités réunis ont cru nécessaire de donner quelque développement à leur opinion, et de vous présenter l'analyse exacte des articles constitutionnels qui doivent en régler les résultats.
L'article 2 du chapitre ifl, section Ire de l'Acte constitutionnel, porte, en premier lieu, que la guerre ne peut être décidée que par un décret au Corps législatif, rendu sur la proposition formelle et nécessaire du roi et sanctionné par lui ;
2° Que dans le cas d'hostilités imminentes ou commencées, d'un allié à soutenir, ou d'un droit à conserver par la force des armes, le roi en donnera sans délai la notification au Corps législatif, et en fera connaître les motifs ;
3° Si le Corps législatif décide que la guerre ne doive pas être faite, le roi prendra sur-le-champ les mesures les plus promptes pour faire cesser ou prévenir les nostilités ;
4° Si le Corps législatif reconnaît que les hostilités commencées sont une agression coupable de la part des agents du pouvoir exécutif, l'auteur de l'agression sera poursuivi criminellement.
L'article 1er de la section III, chapitre VI, porte aussi que le roi seul peut entretenir des relations politiques au dehors, conduire les négociations, faire des préparatifs de guerre proportionnés à ceux des Etats voisins, distribuer les forces de terre et de mer, ainsi qu'il le juge .convenable, et en régler la direction en^cas ae guerre.
Ces deux articles tracent, de la manière la plus claire et la plus précise, les fonctions distinctes et séparées que la Constitution délègue au Corps législatif et au roi, dans le cas d'hostilités imminentes ou commencées, et dans le cas de guerre à déclarer.
C'est au roi seul, et sans le concours du Corps législatif, à suivre nos relations politiques, et à conduire les négociations, ce qui comprend évidemment le soin de réclamer l'exécution des traités, les règles du bon voisinage et la protection qui est due aux citoyens français que le soin de leurs affaires ou tout autre motif légitime, attirent sur le territoire des nations étrangères.
C'est encore au roi seul qu'il appartient de faire et d'ordonner, sous la responsabilité de ses ministres, des préparatifs de guerre, proportionnés aux mesures ouvertes ou cachées que peuvent contre nous les Etats voisins.
Enfin, c'est également au roi seul qu'est confié le droit de distribuer les forces nationales, et d'en régler la direction, selon que la sûreté de l'Etat et les circonstances l'exigent.
D'un côté, en vertu du premier article que j'ai cité, le Corps législatif ne peut délibérer pour la guerre, qu'après la proposition formelle et nécessaire du roi, et son décret sur cet objet est soumis à la sanction.
Si le roi juge à propos de suspendre la proposition de la guerre s'il lui reste encore quelque espoir d'entretenir la paix, et que cependant les hostilités soient imminentes ou commencées, la Constitution veut que le roi en donne connaissance sans délai au Corps législatif; et lorsque cette simple notification n'est pas accompagnée d'une proposition formelle pour délibérer sur la guerre, le Corps législatif parait devoir se borner à exercer sa surveillance la plus attentive sur les agents du pouvoir exécutif. Il peut de-
mander encore au roi de prendre les mesures les
Elus promptes pour faire cesser ou prévenir les
ostilités et poursuivre la responsabilité des ministres, lorsque ces hostilités lui paraissent le fruit d'une agression coupable.
Le rapprochement et la comparaison des dispositions diverses, contenues dans ces deux articles, doit vous convaincre qu'ils ont établi relativement au droit de délibérer, de la part du Corps législatif, sur la guerre? une distinction bien marquée entre la proposition formelle et nécessaire du roi, et la simple notification d'hostilités imminentes ou commencées.
La raison de cette différence est bien sensible. On a reconnu que la nécessité de la proposition formelle du roi donnerait au pouvoir exécutif, sur les délibérations de ce genre, une influence trop directe et trop marquée, si les dernières dispositions de l'article ne lui servaient de contrepoids.
On connaît, en effet, comment il n'existerait plus de concours et de balance entre les deux pouvoirs ; comment l'autorité du roi sur cet objet serait bientôt absolue, si, indépendamment du droit qu'il a d'empêcher, par le seul effet de sa volonté, une guerre que la nation croirait de son intérêt d'entreprendre, il avait encore la liberté de concerter, à l'insu du Corps législatif, la marche des négociations, de manière à rendre la guerre absolument nécessaire, lors même que la nation ne la voudrait pas. C'est aussi pour prévenir cet abus et pour rétablir l'équilibre que la Constitution veut qu'au moment où les négociations que le roi seul dirige, peuvent entraîner des hostilités, le Corps législatif puisse porter sa surveillance la plus attentive sur les démarches des agents du pouvoir exécutif, prévenir la guerre et commander la paix.
L'économie de cette loi repose sur cette grande considération que la nation, ayant renoncé a tout esprit de conquête, à tout projet d'agrandissement du territoire, est censée avoir toujours le plus grand intérêt à éviter la guerre et a maintenir la paix ; de là viént que, sur cet objet, on a cherché à établir, entre les deux pouvoirs, une balance telle qu'elle penchât toujours en faveur de celui des deux qui voudrait la paix. Si le roi peut empêcher que la guerre soit déclarée, en ne la proposant pas; de son côté, sur la notification nécessaire des hostilités imminentes ou commencées, le Corps législatif peut les arrêter ou les prévenir, faire punir les agents du pouvoir exécutif d'une aggression coupable, et forcer le roi, dans les cas possibles, à négocier la paix.
Tel est, Messieurs, le rapprochement exact et l'analyse fidèle des articles de l'Acte constitutionnel qui règlent, dans les circonstances où nous nous trouvons, la conduite du Corps législatif et du roi, et telles sont encore les conséquences immédiates qui en dérivent.
Ces principes établis, il est facile de se convaincre que les deux pouvoirs ont agi dans le sens que la Constitution leur a tracé ; et comme cet accord, cette parfaite harmonie dans leurs mouvements, peuvent seuls ranimer la confiance et donner une juste idée de nos forces et de nos ressources, c'est en nous attachant fortement à ces principes que nous allons examiner quelles doivent être sur ces objets vos déterminations ultérieures.
A l'époque du message que vous avez adressé au roi, le 29 novembre dernier, un cri général, des dénonciations officielles vous avaient ins-
truit qu'il se formait au delà des frontières des rassemblements de Français émigrés, que des princes allemands protégeaient ou favorisaient ces rassemblements ; et que des citoyens français réclamaient en vain, sur le territoire de nos alliés, la protection et la sûreté que le droit des gens leur assure.
Vous avez appelé l'attention du roi sur cette violation de la foi des traités, vous l'avez invité à tenir aux princes étrangers un langage digne du roi des Français, à les sommer de faire cesser dans leurs Etats tout attroupement et toute disposition hostile de la part des Français qui s'y sont réfugiés, et à fixer enfin un terme prochain au delà duquel nulle réponse dilatoire ne serait reçue.
Vous avez encore invité le roi à appuyer ces déclarations énergiques auprès des puissances étrangères, par les mouvements des troupes dont la direction lui est confiée.
Vous avez fait en cela, Messieurs, ce que vous pouviez et ce que vous deviez faire ; votre message au roi, réduit aux termes d'une simple invitation, n'a point excédé les bornes de la surveillance que la Constitution vous donne, et a rempli le vœu de tous les bons citoyens.
C'est un premier exemple de ces communications franches et loyales, qui entretiendront l'accord entre les deux pouvoirs, doubleront leur action et en dirigeront tous les mouvements vers le maintien de la liberté et le salut de la patrie.
(Applaudissements.) Le roi vous annc
annonce, par sa réponse, qu'il a ressenti, comme vous, l'injure faite au peuple français, que vous ne l'aviez pas prévenu et qu'il était pénétré de la nécessite de faire cesser enfin la situation pénible où se trouve la France, et qui compromet plus dangereusement la liberté qu'une guerre ouverte et déclarée.
Lé roi vous a dit qu'il faisait déclarer à l'électeur de Trêves et aux autres princes qui favorisent des rassemblements contraires à la tranquillité du royaume, que si, avant l'époque du lo janvier prochain, ils ne donnaient à la nation, sur cet objet, une satisfaction entière, il ne verrait plus en eux que des ennemis de la France : qu'il écrivait à l'Empereur pour l'engager à continuer ses bons offices, et, s il le faut, a déployer son autorité comme chef de l'Empire, pour prévenir les malheurs qu'entraînerait une plus longue obstination de quelques membres du corps germanique.
Enfin, le roi a ajouté qu'il prenait en même temps les mesures les plus propres à faire respecter ses déclarations, et que, si elles n'étaient pas écoutées, il ne lui resterait plus qu'à proposer la guerre.
Le ministre vous a annoncé dans la même séance, que le roi lui avait donné des ordres pour faire rassembler 150,000 hommes sur nos frontières ; que ces troupes seraient divisées en trois corps d'armée, dont le commandement était destiné à MM. Rochambeau, Luckner et la Fayette, et qu'il partirait incessamment pour s'assurer, par lui-même, de l'état des frontières.
Enfin, le ministre de la guerre vous a annoncé, depuis, que ces préparatifs exigent une masse de fonds extraordinaires de 20 millions.
Vos comités réunis ont pensé, qu'à l'exception de la demande de fonds extraordinaires, vous n'aviez à prendre une délibération expresse sur aucun des objets énoncés dans la réponse que le roi a fait à votre message et dans le discours du ministre.
Vous n'avez point à délibérer sur la guerre. La Constitution exige que cette délibération soit provoquée par la proposition formelle et nécessaire au roi ; et cette proposition n'a point été faite. Le roi l'a seulement annoncée pour le 15 janvier ; et elle dépend d'une condition dont l'événement est encore incertain.
D'ailleurs, il est possible que l'attitude fière et imposante que la nation va prendre, imprime à nos ennemis une terreur salutaire, et que l'intérêt de leur propre sûreté les force à respecter la nôtre.
Il est possible que cette grande conjuration contre la liberté française, formée et entretenue par le seul espoir de nos divisions intestines, se dissipe d'elle-même à l'instant où la France offrira à l'Europe étonnée le spectacle d'un peuple régénéré, voué à la victoire ou à la mort ; (Applaudissements.) d'un peuple dont toutes les opinions, toutes les volontés ont été ralliées à l'intérêt général et au maintien de la Constitution par le danger de la patrie et le saint amour de la liberté. (App laudissements.)
La réponse du roi à votre message ne contient qu'une simple notification d'hostilités peut-être imminentes, quoique à la rigueur, ce ne puisse être qu'au 15 janvier prochain qu'elles prendront ce caractère.
C'est donc ici que doit commencer le concours des deux pouvoirs, mais en observant que jusqu'à la proposition formelle et nécessaire au roi, vos fonctions consistent principalement dans le aroit d'examen, d'improbation, de réquisition pour la paix, poursuite contre les ministres et de refus des fonds demandés pour les préparatifs de guerre.
Y-a-t-il lieu à improuver les démarches déjà faites, à requérir la négociation de la paix et à poursuivre les ministres?
Vos comités ont pensé que ces questions étaient déjà jugées, et que la négative ne pouvait souffrir aucune difficulté, ni donner lieu à la plus légère discussion.
Devons-nous accorder au ministre de la guerre les 20 millions de fonds extraordinaires qu'il demande?
Cette avance paraît, au premier coup d'oeil, considérable, mais est-il nécessaire, est-il de la prudence et de l'intérêt national de la borner?
Il est impossible de prévoir quel sera l'effet des déclarations du roi auprès des puissances étrangères.
Ce qu'il importe par-dessus tout, c'est que cette démarche soit décisive. Nous ne devons, ni ne pouvons retarder une crise, dont l'explosion plus lente deviendrait plus dangereuse etpiusterriole. Il ne faut pas encourager la coalition qui nous menace par une stupiae économie, par des mesures faibles et incertaines, qui seraient à la fois le signe de notre faiblesse et l'obstacle le plus certain à nos succès. Il est nécessaire que nos préparatifs ne soient pas au-dessous des événements quelconques dont nous avons à courir la chance, et qu'ils annoncent que nous les avons tous prévus et calculés.
Ces considérations ont déterminé vos comités réunis à vous proposer d'accorder les 20 millions qui vous sont demandés, à la charge, par le ministre de la guerre, de rendre compte de leur emploi de quinzaine en quinzaine, ainsi qu'il l'a lui-même offert.
Nous vous observons sur cet objet, que cette avance n'exige point de nouveaux efforts, et que l'excédent des fonds décrétés pour le départe-
ment de la guerre en 1791, suffira seule pour la couvrir.
Quant aux autres objets contenus dans le discours du ministre, tels que le rassemblement des troupes sur les frontières, et leur distribution en trois corps d'armée,_ vos comités ont pensé qu'étant exclusivement attribués, par la Constitution, à la puissance exécutive, il ne peut pas y avoir lieu a délibérer.
Ce parti leur a paru le plus propre à marquer la division des fonctions attribuées aux deux pouvoirs et leur accord. D'ailleurs, vous avez déjà, par un nouveau message, remercié le roi de la sagesse des mesures qu'il a annoncées. Une approbation nouvelle et. exprimée par un décret formei, paraîtrait s'éloigner de l'exacte observance des principes de la Constitution. Le roi a fait ce qu il avait le droit de faire, et ce qu'il était de son devoir de ne pas négliger. Votre devoir consiste à le laisser agir, lorsque l'intérêt général dirige le mouvement de la force qui lui est confiée, comme il consisterait à improuver ses agents, s'ils s'étaient écartés du cercle qui leur est tracé.
Vos comités ont également pensé que vous deviez renvoyer au moment,où vous allez délibérer définitivement sur la guerre, à vous occuper des mesures accessoires que cette détermination rend absolument nécessaires.
C'est alors, sans doute, que vous porterez enfin le décret d'accusation contre, les chefs des rebelles; c'est alors qu'investis de toutes les forces de la volonté générale vous leur déclarerez solennellement qu ils ont eux-mêmes brisé les liens qui les attachaient à leur patrie, à cette patrie qui avait tant fait pour eux, et qu'ils veulent livrer à tous les fléaux de la guerre civile et aux horreurs d'une invasion étrangère.
Mais il ne faut pas imprimer à ce grand acte de justice et de sévérité nationale, le caractère de l'irréflexion, de l'impatience et de la colère.
Le délai que vous leur aviez accordé n'expire qu'au 1er janvier prochain. Le soin de votre propre dignité exige que vous n'anticipiez pas cette époque; le « veto » a pu suspendre l'effet de vos résolutions; mais les motifs qui vous ont déterminé n'ont pas dû changer, et la volonté générale que vous avez exprimée est toujours la même.
C'est alors.que vous vous occuperez aussi du sort de leurs complices, que vous songerez à assurer à la nation, sur les biens qu'ils laissent au milieu de nous, une juste indemnité des dépenses que leur révolte occasionne, car si les dommages qui naissent d'un délit sont dus à chaque individu qui les éprouve, comment la société entière n'aurait-elle pas le même droit ? (Applaudissements^
Vous songerez aussi à préserver de l'indignation publique ces femmes et ces enfants qu'ils ont la lâcheté d'abandonner au milieu d'un peuple justement irrité, et dont ils apprécient la générosité, la grandeur d'âme, lors même qu'ils ne cessent de l'outrager. (Applaudissements.) Vous veillerez en même temps à la conservation de ces propriétés sur lesquelles la nation aura bientôt a, exercer des droits incontestables.
Enfin vous prendrez alors les mesures les plus propres à rompre les communications que les conjurés ont pu se ménager dans l'intérieur, et à déjouer. l'espoir que leur donnent les efforts de quelques prêtres fanatiques. L'état de guerre, par cela même qu'il est momentané, sort des règles ordinaires; et, des, dispositions qui pouvaient paraître trop sévères, il y a un mois, deviennent,
en ce cas, des précautions temporaires mais indispensables, que commandent le salut du peuple, et la première de toutes les lois, la nécessité. (Applaudissements.)
Telle est, Messieurs, l'importance des grands événements qui se préparent, que leur issue peut fixer à jamais la destinée de la France. Il n'y a plus d'intermédiaire entre la liberté ou l'esclavage, le maintien de la. Constitution ou la mort. (Applaudissements.) Lorsque les efforts des émigrés étaient presque, ridicules, lorsqu'une attaque extérieure était loin d'être prévue, des opinions diverses ont pu éclater au milieu de nous, et des hommes de bonne foi se ranger à tous les partis; il n'en est qu'un aujourd'hui pour tous les Français; il faut opter entre l'ancien ou le nouveau régime, (Applaudissements.) soit que des opinions exagérées, le désir d'éviter les extrêmes, la crainte que la balance des pouvoirs ne fût pas assez respectée, l'effroi de l'anarchie, ou enfin un reste d'habitude de l'ancien règne, et l'espoir de dominer encore même sous le régime de là liberté ait fait naître et entretenu nos divisions, cette discordance va disparaître et se confondre dans l'intérêt général et le salut de tous. (Applaudissements.) L'ennemi commun est aux portes de la ville, un assaut général nous menace ; il ne s!agit plus de disputer des postes, et de nous occuper à niveler l'intérieur de la place ; courons à la brèche, il faut défendre nos remparts ou nous ensevelir sous leurs ruines. (Vifs applaudissements.)
Voici le projet de décret que vos comités m'ont chargé de vous présenter :,
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique, militaire ét de 1 extraordinaire des finances, réunis;
« Considérant que les mesures ordonnées par le roi pour le rassemblement des forces nationales sur les frontières, et les déclarations qu'il a-fait faire par ses agents auprès des puissances étrangères sont commandées par l'intérêt national et le vœu de tous les Français ;
« Qu'il importe au Succès des négociations et à la promptitude des démarches ultérieures qu'elles peuvent entraîner, de s'assurer à l'avance de tous les moyens de défense et d'attaque qui pourront devenir nécessaires :
« Décrète qu'il y a lieu à urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que les commissaires de la trésorerie nationale tiendront à la disposition du ministre de la guerre 20 millions de fonds extraordinaires, à compter du 1er janvier, et à la charge par le ministre de rendre compte de leur emploi a l'Assemblée nationale, quinzaine par quinzaine. » (Vifs applaudissements.)
(Jn membre : Je demande l'impression du rapport èt du projet de décret, la distribution et l'ajournement de la discussion à jeudi. (Appuyé! appuyé!)
(L'Assemblée décrète l'impression et la distribution du rapport et du projet de décret présentés par M. Gensonné, au nom des comités diplomatique, militaire et de l'extraordinaire des finances réunis, et ajourne la discussion à jeudi.)
, au nom du comité des secours pu-
blics, fait un rapport sur les secours provisoires à accorder aux départements du royaume pour les pauvres valides et les invalides; ils'exprime ainsi (1) :
Messieurs, vous avez chargé votre comité des secours publics, par un décret du 23 novembre, de vous présenter un rapport sur les secours provisoires a assigner pour subvenir aux besoins des divers départements, dans le courant de l'année prochaine et pour faciliter l'administration des hôpitaux et hospices du royaume (2). Les diverses réclamations qui arrivent de toutes parts sollicitent des secours extraordinaires ; votre comité a pensé, qu'avant de vous présenter le résultat de ses délibérations, il était nécessaire de vous soumettre le tableau des moyens pris par l'Assem-1 blée constituante, et des secours qu'elle a répartis dans divers départements.
Quelles que soient vos dispositions généreuses pour assister la classe indigente, vous ne devez pas oublier que l'économie est un des caractères les plus essentiels de la bienfaisance publique; autant vous devez éviter cette épargne impolitique qui retranche des dépenses indispensables au soulagement des malheureux, autant vous devez user de cette sage et juste économie qui, sachant qu'elle n'assiste les indigents qu'avecles deniers du peuple, n'en ordonne que leur indispensable emploi. Il est de notre devoir, Messieurs, d'aider l'infirmité, la vieillesse et l'enfance et de donner du travail à ceux qui en manquent ; mais il faut animer l'activité etla prévoyance, et, surtout éviter de présenter un encouragement au vice, en favorisant la paresse et l'incurie.
Deux espèces de malheureux doivent fixer ici votre attention et diriger vos secours ;.les
pauvres valides et les invalides ; les dépôts de mendicité et les ateliers de secours de
tout genre sont employés pour la première classe; les hôpitaux civils renferment la seconde.
Le ministre de l'intérieur vous a rendu compte, dans la suite de son rapport, de l'état où
était chacune des branches ae ces parties de l'administration générale au mois d'octobre
dernier; je me bornerai à vous retracer les dispositions essentielles des lois rendues par
le corps constituant, de leur exécution et de notre état actuel. Les dépôts de mendicité ont
servi jusqu'à ce jour à renfermer les mendiants, les gens sans aveu et les vagabonds; depuis
1768, époque de leur établissement, on y a reçu les femmes de mauvaise vie, et notamment
celles qui ont été arrêtées pour libertinage, à la suite des troupes. Il y a encore 34
dépôts dont le régime,varie; les uns sont en entreprise, et le plus grand nombre est en
régie ; dans la plupart on y reçoit des insensés de l'un et l'autre sexe ; ils sont dans des
loges séparées ; ces malheureux qui excitent la pitié d'une manière particulière, font
souffrir ceux, qui les voient, et leur sont un objet de terreur ; ce sont des membres perdus
pour la société; il est avantageux de pouvoir les réunir sous une même administration, et il
est essentiel de conserver ces asiles. La dépense de ces établissements a été fixée, pour
Tannée 1791, à la somme de 1,291,277 livres par la loi du 3 avril dernier, article 11, et
conformément à l'article 1er du décret du 18 février précédent, cette somme doit être payée
par le Trésor public, tant sur les re-
er Série, t.
XXXV, séance au 23 novembre 1791, page 306.
Vous serez peut-être surpris, Messieurs, devoir des maisons de correctiou et de renfermement au nombre des établissements de charité ; mais daignez faire attention aux secours physiques et moraux qu'ils procurent aux mendiants et vagabonds, soit en les guérissant des maladies dont As se trouvent atteints, soit en cherchant à les retirer des abîmes du vice dans lequel ils sont plongés; au but essentiel pour le,bon ordre et la tranquillité; aux ressources, enfin qu'y trouvent les malheureux insensés et les vénériens de l'un et l'autre sexe, réduits à l'indigence ; vous sentie rez alors que ces dépôts, devenus des hospices de bienfaisance, doivent être tolérés jusqu'à une très prochaine et indispensable organisation.
Pour prévenir les dangers de la mendicité, il faut procurer du travail, aux pauvres validés ; c'est le plus sûr, le meilleur, et même le seul moyen a'opérer l'extinction de la mendicité ; les défrichements, les ouvertures.de canaux, les dessèchements, les communications sont des travaux utiles, mais ils ne peuvent être établis partout et exigent de grandes dépenses : il convient donc de laisser a la sagesse et à l'intelligence des directoires de département, de former leurs ateliers de secours ; et dans le cas où une calamité désastreuse et imprévue affligerait quelque partie du royaume, vous devez assigner des secours pour en adoucir la cruauté. L'Assemblée constituante accorda à chaque département une somme de 30,000 livres, par son décret du 30 mai 1790, pour être employée aux travaux utiles; les besoins urgents et: sans cesse renaissants, eurent bientôt absorbé ces 2,490,000 livres. Par un second décret du 16 décembre, il fut accordé une somme de 1,5 millions sur les fonds du Trésor public, pour être distribuée, de la manière prescrite par les articles du décret et pour fournir aux dépenses des travaux de secours qui seraient établis dans tous les départements. Il fut alors prélevé une somme de 6,640,000 livres qui a été répartie avec égalité entre les 83 départements. Les directoires de Paris, de Lyon, Rouen et les autres grandes. villes réclamèrent la distribution des 8,360,000 livres restant à répartir : sur les observations du ministre de l'intérieur, et vu l'excessive population des villes qui réclamaient des secours, la loi du 19 juin dernier prononça une répartition partielle de la somme de 2,600,000 livres entre 12 départements; une grande partie de ces fonds ont été versés par la trésorerie nationale, dans les caisses des receveurs des districts, dans l'enceinte desquels les travaux ont été faits ; il ne reste à leur disposition qu'environ 800^000 livres. Mais par la loi du
octobre dernier, la répartition définitive des 5,760,000 livres a été arrêtée entre les 71 départements qui n'avaient point, eu part à la distribution des 2,600,000 livres et trois de ceux qui y avaient participée Pour déterminer les directoires à rendre compte de l'emploi de 110,000 livres qu'ils ont reçues, par les decrets antérieurs, il est dit expressément^ par l'article 11 de cette loi, que le ministre de ^intérieur devra néanmoins, sur sa responsabilité, ne mettre aucune partie des nouveaux fonds à la disposition des départements, jusqu'à ce qu'ils aient rendu compte de l'emploi des 30,000 livres accordées en mai, et des 80,000 livres accordées en décembre 1790 : c'est ici le lieu de rappeler aux divers départements, dont les demandes exagérées pourraient
alarmer, qu'ils n'ont pas épuisé tous les moyens de subvenir à leurs besoins; et qu'ils n'ont qu'à remplir les conditions de la loi pour jouir des secours que la répartition leur accorde.
L'état d'aisance ou de détresse varie dans chaque département. La misère publique tient aux localités, aux saisons, aux accidents, et sans doute aux circonstances dépendantes d'une grande révolution. Le ralentissement momentané dans le travail qui pèse sur la classe indigente, quoique laborieuse ; enfin, les besoins généralement sentis dans les 83 départements, ne le sont cependant pas de la même manière ; l'on pourrait même croire que les sommes qui restent à employer suffiraient à une grande partie des départements pour occuper leurs pauvres d'ici au printemps, si plusieurs, tels que ceux du Nord, de Paris, de la Haute-Vienne, du Puy-de-Dôme, de l'Yonne, de l'Isère, de la Corrèze, de l'Aisne, de la Lozère, de la Haute-Saône, du Gard, et qui se trouvent dans des cas particuliers, ayant éprouvé des incendies, des gelées, des disettes et plusieurs événements fâcheux et imprévus, ne réclamaient des secours que leur triste position vous sollicitera sans doute à leur accorder ; il suffira, Messieurs, d'assurer une bonne application et un emploi utile à ces secours, afin qu ils procurent des résultats avantageux pour les ouvrages qui en seront l'objet.
Il vous reste à pourvoir au soulagement de ceux pour qui la maladie, la vieillesse, l'enfance et les infirmités sont un obstacle au travail. L'administration des enfants trouvés est un des objets les plus intéressants ; ces individus infortunes, sous tant de rapports, méritent toute votre attention, et réclament la plus puissante protection. Le comité de mendicité, pénétré du plus vif intérêt pour l'humanité faible et souffrante, fit un rapport le 29 mars dernier et détermina l'Assemblée nationale à décréter une somme de 4,058,204 livres pour fournir à l'entretien des enfants trouvés, aux dépôts de mendicité et aux secours à donner à certains hôpitaux ; l'article 3 de cette loi, en date du 3 avril, porte que le Trésor public remboursera tous les trois mois les dépenses faites par les hôpitaux pour les enfants trouvés, mais seulement sur le certificat du directoire de district, visé par le directoire de département. Le ministre de l'intérieur vous observe, dans son mémoire, qu'il restait encore 1,185,055 livres à distribuer ; mais, Messieurs, les six premiers mois de la dépense des enfants trouvés n'étaient pas soldés à cette époque et j'ai l'honneur de vous assurer qu'à peine pourra-t-on payer les six derniers mois. Deux motifs puissants me portent à penser que la somme décrétée ne suffira pas pour l'année prochaine; on ne pourra connaître les dépenses de 1791 que dans trois mois, par les états qui seront remis à cette époque; il n'est pas possible d'apprécier encore ce qu'il en peut coûter pour l'entretien des enfants trouvés qui étaient ci-dèvant à la charge des seigneurs; il faudrait aussi calculer la progression qui se fait apercevoir dans la dépense annuelle qu'occasionnent les enfants qui ont été mis à la charge du Trésor public depuis l'année 1779; cette dépense augmente nécessairement jusqu'au moment où la période de 16 années sera révolue ; à cette époque, ils pourront se suffire à eux-mêmes, et ils cesseront d'être à la charge de la nation ; malgré que le calcul de mortalité, que l'on peut suivre et examiner, paraisse avoir diminué leur nombre, les divers hôpitaux qui avaient des abonnements se plaignent journellement de la
modicité du prix, et fatigués par d'autres pertes, plusieurs demandent des augmentations; ces différentes considérations portent votre comité à penser qu'il faut augmenter les fonds affectés à cette branche si essentielle d'administration. Il est de la plus haute importance de suivre ces êtres infortunés dans tous les instants de leurs premières années, et de les arracher à la misère, en les rendant utiles à l'Etat, sous la tutelle duquel ils sont nécessairement placés.
Enfin, Messieurs, l'asile du pauvre infirme, malade et accablé de vieillesse, la seule ressource de l'indigent sans forces et sans travail, les hôpitaux réclament à grands cris des secours et des indemnités, quelques-uns ont encore des revenus, la plupart avaient des propriétés qu'ils ont reçues des dons de la chanté et de la bienfaisance; mais l'Assemblée constituante ayant supprimé les octrois, les dîmes, les droits de nalage, minage et autres privilèges dont jouissaient les hôpitaux, ils ont éprouvé une diminution considérable dans leurs revenus, ils sont encore privés des aumônes qu'ils recevaient les années précédentes; l'aristocratie a pétrifié le cœur des riches, on ne peut évaluer ce que les pauvres y perdent ! L'hôpital de Grenoble assure qu'il perd 110,000 livres ou par les suppressions de ses droits, ou par la privation des secours que les riches absents ou ceux qui sont injustement mécontents, avaient l'habitude de donner. Il résulte d'après les renseignements pris, que les hôpitaux du royaume avaient, avant la Révolution, environ 30 millions de revenus, les divers décrets qui suppriment les droits et les privilèges .dont ils ont joui jusqu'en 1790 les ont réduit à 20 millions : cette évaluation n'est peut-être pas entièrement exacte, mais elle est de la plus grande probabilité ; les dettes exigibles n'excéderont cependant pas une année du.revenu total, elles sont d'ailleurs en général concentrées dans les hôpitaux les plus riches; les secours provisoires qui leur ont été accordés, ont soutenu le revenu des hôpitaux presqu'au point où ils étaient avant la Révolution ; mais ces moyens expirent dans peu de temps, et tous les hôpitaux vont rester à découvert des pertes que leur ont fait éprouver les différentes suppressions : il est donc de la plus urgente nécessité de venir au secours de ces hospices sacrés, et de continuer à leur donner les moyens de soulager l'humanité souffrante. Il est juste de conserver aux hôpitaux de Paris, Rouen et Orléans les secours particuliers qu'ils ont eus sur le Trésor public et d'ordonner que les rentes sur les biens nationaux, dont jouissaient certains hôpitaux, continueront de leur être payées, jus-qu en 1793, et enfin d'assigner une somme conformément aux lois des 25 février, 25 juillet et septembre, pour la même destination et aux mêmes conditions.
La somme des fonds devant s'élever au niveau des besoins, il faudrait avoir plus de connaissance que n'en a dans ce moment votre comité, de la proportion des pauvres que vous avez à secourir. et de la dépense indispensable et précise, pour être justes et bienfaisants avec principes ; la population, la contribution et l'étendue du territoire sont les bases qu'on a employées pour répartir les secours dans les départements ; mais, Messieurs, votre comité n'a pas cru pouvoir faire l'application de ces principes, il se borne à vous demander d'assigner des fonas pour les diverses branches d'établissements employés à soulager et à secourir les pauvres valides et invalides. A quelque élévation que se fût portée la dépense
nécessaire au soulagement "des pauvres, je n'aurais pas craint dé vous la proposer; il ne peut s'élever ici une seule voix pour retrancher une obole aux secours dus à l'humanité souffrante ; la nature, l'intérêt public, la philosophiè ont trop profondément gravé ce devoir dans vos cœurs; d'ailleurs, Messieurs, dans le cas où les états sur lesquels j'ai établi les fonds à assigner, soit aux dépôts de mendicité, soit aux enfants trouvés, auraient été portés à une évaluation trop élevée, le surplus en sera mis en réserve, et rien n'en peut être distribué sans l'avis du ministre de l'intérieur. Ainsi, en procurant du travail, vous assurerez la subsistance et les ressources nécessaires aux hommes qui vivent de leurs bras; en prenant soin de l'enfance abandonnée, en secourant l'indigent sans ressources dans sa vieillesse, dans ses infirmités, et dans l'état de maladie, vous remplirez le plus saint et le plus auguste devoir d'un législateur.
Votre comité a l'honneur de vous présenter le projet de décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, considérant que le soulagement de la pauvreté est le devoir le plus sacré d'une Constitution qui repose sur les droits imprescriptibles des hommes et qui veut assurer sa durée sur la tranquillité et le bonheur de tous les individus ; attentive à pourvoir aux besoins des départements qui ont éprouvé des pertes, des événements fâcheux et imprévus, considérant en outre que la suppression de plusieurs droits et privilèges dont jouissaient les hôpitaux du royaume, a prodigieusement diminué des revenus si précieux; voulant enfin pourvoir à l'état de détresse momentanée qu'éprouvent les divers établissements de chanté, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété qu'il y a urgence, a décrété ce qui suit :
« Art. 1er. Il sera fourni par la caisse de l'extraordinaire au
ministre de l'intérieur et sous sa responsabilité, jusqu'à la concurrence de 15 millions,
pour être employés, ainsi qu'il suit, à subvenir aux dépenses des secours habituels aux
pauvres valides et invalides, aux enfants trouvés, aux maisons de correction et aux avances
et prêts à faire aux hôpitaux du royaume.
« Art. 2. Il sera assigné une somme de 5 millions 300,000 livres; pour ouvrir des communications dans les différents départements, ou pour autres ouvrages utiles; les seuls indigents seront admis à ces travaux sur les certificats des municipalités, visés par les districts.
« Art. 3.11 sera destiné aux dépenses des 34 dépôts de mendicité, la somme de 1,300,000 livres.
« Art. 4. Les fonds pour l'entretien des enfants trouvés seront portés provisoirement à la somme de 2 millions 400,000 livres.
« Art. 5. Les secours accordés par l'Assemblée constituante aux hôpitaux du royaume, auront leur entier effet; il leur sera en outre assigné une somme de 6 millions, et ce, à titre d'avances sur les sols additionnels et le seizième des biens nationaux. Les rentes qu'ils avaient sur ces biens continueront [à leur être payées jusqu'en 1793.
« Art. 6. Toutes les applications de secours indiqués par les articles ci-dessus, pourront
néanmoins être changées dans le courant de l'année, suivant les circonstances et les besoins, et d'après le compte qui en sera rendu à l'As-semblee nationale.
« Art. 7. Les départements ne pourront toucher aucunes sommes, qu'ils n aient rempli toutes les conditions prescrites par les lois des 25 juillet, 9 octobre derniers, et autres antérieures.
« Art. 8. Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
(L'Assemblée ordonne l'impression et la distribution du rapport et du projet de décret présentés par M. Deperet, au nom du comité des secours publics, et ajourne la discussion à vendredi.)
Messieurs, le ministre de l'intérieur me fait parvenir les mêmes pièces dont vous avez eu connaissance tout à lneure par votre comité colonial (1) ; il les reçoit à l'instant par un courrier extraordinaire de la Société de commerce et d'agriculture de Nantes.
(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité colonial.)
, au nom du comité des assignats et monnaies, fait un rapport et présente un projet de décret sur les perfectionnements de la fabrication des assignats (2) : il s'exprime ainsi :
Messieurs, dès l'instant que l'Assemblée nationale a décrété la fabrication de papier pour assignats de 25 livres et 10 livres, votre comité s'est occupé, avec assiduité, des moyens les plus propres à remplir vos intentions et à seconder le vœu impatient de la nation.
Votre comité s'est proposé de réunir les trois conditions suivantes : célérité dans l'exécution, exactitude dans la surveillance, économie dans la fabrication. Ce sont les trois données que je vais vous développer; elles vous paraîtront peut-être minutieuses dans les détails : vous observerez qu'ils sont inséparables de la matière dont j'ai à vous entretenir.
Le premier objet dont votre comité avait à s'occuper était 1 espèce du papier que l'on emploierait à la fabrication des assignats de 25 et de 10 livres. Le papier sera-t-il coloré? sera-t-il mince ou fort? voilà les questions qu'il s'est proposées, et pour la solution desquelles il a consulté les gens de l'art. Les papiers colorés sont presque tous moins forts ; la couleur altérant presque toujours la qualité, la teinte n'est jamais égale, la reconnaissance plus difficile, et l'imitation plus aisée. D'un autre côté, la valeur de ces assignats les mettant moins dans la circulation que ceux de plus petite valeur, ces différentes considérations ont déterminé votre comité à vous présenter le papier qui a servi à la fabrication des assignats de 50 livres, en établissant, dans les formes, des différences, de manière que chaque feuille contienne 10 assignats, observant que les assignats de 25 livres soient un peu plus grands que ceux de 10 livres. Les 200 millions de cette espèce d'assignats nécessiteront une fabrication de 2,840 rames de papier.
Une fabrique très active montée de 12 cuves peut faire ÎDO rames par jour. Nous pouvons
Votre comité pense que l'on doit partager en deux fabriques les assignats de 25 livres, 10 livres et ceux au-dessous de 5 livres que vous avez décrétés. Votre comité a appelé au concours tous les manufacturiers : plusieurs se présentent; i'élôignement de quelques-uns d'eux de la capitale, semble les exclure, parce que votre comité a pensé qu'une surveillance exacte, à 150 lieues de Paris, serait très difficile, et que le transport d'une si grande quantité de papiers présenterait de nombreux inconvénients et ae grands dangers.
Votre comité vous demande d être autorisé à arrêter incessamment toutes conventions conjointement avec les commissaires du roi, lesquelles seront visées par le ministre des impositions, à moins que vous ne jugiez que les décrets de l'Assemblée nationale constituante, des 4 novembre 1790 et 22 mai 1791, sont suffisants à cet égard.
Votre comité a entrevu la possibilité d'une grande économie sur la fourniture du papier; il l'a entrevue comme pouvant être du cinquième sur le papier mince, et de trois quarts pour le papier des coupures au-dessous ;de 100 sols, au moyen de ce qu'il vous propose d'adopter un papier beaucoup moins précieux que celui des assignats de 5 livres, cependant d'une bonne qualité.
Quelque désir qu'ait votre comité d'accélérer la fabrication de ces petites coupures, qui sont attendues avec impatience, il ne peut vous dissimuler que le travail sera long, vu l'immensité de détails. Cette seule partie demandé près de 30,000 rames de papier : d'un autre côté, un plus grand nombre de fabriques présenterait l'inconvénient d'une trop grande surveillance, divisée sur un grand nombre d'individus ; et nous n'avons pas oublié que les assignats sont le crédit public.
Au reste, Messieurs, votre comité ne perdra pas de vue qu'une confiance méritée doit précéder toute convention, et que la sage économie n'est pas de payer au plus bas prix, mais la juste valeur.
Les parties subséquentes de la fabrication des assignats ont encore été l'objet de la sollicitude de votre comité : il a examiné l'impression; ce travail a redoublé d'activité.
M. Didot emploie dans le moment 20 presses, dont chacune imprime par jour 2,000 feuilles d'assignats de 5 livres : ce qui produit une somme de 4 millions.
Mais, quelle que soit cette activité, elle sera loin d'être suffisante au besoin que nous avons de petites coupures : nous engagerons M. Didot à doubler ses ateliers; et cependant une nouvelle imprimerie nous sera encore nécessaire, votre comité se proposant de ne point interrompre la fabrication et impression des assignats de 5 livres, et de faire aller de pair celle des assignats de 25 livres, de 10 livres, enfin ceux de petites valeurs au-dessous de 100 sols, qui sont attendus avec le plus d'impatience.
Ces différents travaux exigeront une plus grande surveillance de la part des membres de la commission des assignats : l'Assemblée leur adjoindra sans doute un nombre de commissai-
res, proportionné au nouveau travail. Chacun de nous, Messieurs,fsé livrante ces occupations fastidieuses sans . doute, mais rigoureusement nécessaires, acquittera une portion de ce qu'il doit à la mission dont il est honoré, puisque sur cette surveillance reposent la richesse nationale et le crédit public.
Votre comité s'est encore occupé des signatures et numérotage : il est assez heureux pour avoir à vous offrir sur cet objet les résultats les plûs.satisfaisants pour la perfection et l'économie;
Frappé de la aepense considérable qu'ajouterait à la fabrication du papier d'assignats de petites valeurs le numérotage de 275 millions de billets de petites coupures au-dessous de 100 sols, laquelle dépense serait, au prix actuel, de 2 millions au moins, votre comité a écouté des artistes qui lui ont proposé dilférents procédés typographiques pour remplir ces deux objets. Ces procèdes ont le précieux avantage de la célérité, de la perfection, et d'une économie dès trois quarts dû prix.
Mais, tandis qu'il s'occupait de recueillir toutes ces connaissances, un homme célèbre dans la carrière des sciences a résolu le problème. Une machine simple, ingénieuse, adaptée à la presse, numérotera, d'une manière égale, les assignats, et rendra ces frais énormes absolument nuls, puisqu'elle n'ajoute aucune difficulté au travail de l'imprimerie, avec lequel elle marche toujours d'accord.
Je ne vous présente cependant pas ce dernier résultat comme le fruit de l'expérience; mais le nom de M. Meunier, membre ae l'Académie des sciences, auteur de l'invention, n'est-il pas un sûr garant que le succès de la pratique couronnera l'habileté de la théorie? L'Assemblée, j'espère, excusera mon empressement à anticiper sur le moment de lui présenter cette idée agréable et utile.
Votre comité, Messieurs, a examiné le timbre sec. Cette partie est très importante dans l'assignat, et lui donne en quelque sorte la représentation monétaire : il iallait donc s'occuper de rendre cette empreinte la plus parfaite et la plus inimitable.
Dans ce genre, Messieurs, comme dans tous les arts, les chefs-d'œuvre de perfection sont les objets les moins imitables. Des procédés ingénieux, qui nous ont été offerts, nous ont mis à même ae croire qu'en joignant à la perfection de l'ouvrage le concours de quelques accidents absolument produits du hasard, si l'inimitabilité n'était pas démontrée, au moins les difficultés étaient multipliées à un point presque impossible à saisir. Différentes expériences, laites sous les veux de commissaires du comité et de gens de l'art, ont eu du succès ; ils s'occupent de les faire répéter de manière à asseoir un jugement sûr.
Enfin, Messieurs, votre comité s'est occupé des moyens d'appliquer le timbre aux assignats; il lui a été propose une machine plus simple que le balancier; des expériences faites ont eu un succès complet de manière à ne rien laisser à désirer.
Maintenant on propose de faire servir la même machine à donner plusieurs empreintes à la fois ; ce qui contribuerait à diminuer de beaucoup les frais. L'application du timbre aux 500 millions dernièrement décrétés, serait un objet de 210 à 212,000 livres, et il est possible de réduire cette dépense à 800,000 livres. Une expérience en grand suffirait pour assurer le succès, qui est plus que probable. La construction de cette machine peut
coûter 1,000 à 1,200 livres ; votre, comité vous propose de l'autoriser à employer jusqu'à concurrence de ladite somme pour la construction de ladite machine, et la suite à donner aux expériences, tant à cet égard que vis-à-vis de plusieurs artistes.
donne ensuite lecture d'un projet de decret.
Je demande qu'on laisse cette mission au pouvoir exécutif puisqu'il doit y avoir une responsabilité et que le comité ne peut pas y être soumis.
(Après quelques débats, l'Assemblée ordonne l'impression du projet de décret et ^'ajournement à mercredi.)
, rapporteur, demande que VAssemblée autorise son comité des assignats et monnaies à suivre les expériences sur les moyens d'améliorer la fabrication des assignats.
Ces dispositions, contenues dans l'article 2 du décret ajourné, ont été décrétées ainsi qu'il suit :
Art. Ier.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des assignats et monnaies, l'autorise, conjointement avec les commissaires du roi, à arrêter toutes conventions nécessaires pour ladite fabrication, lesquelles seront signées par les sieurs commissaires du roi, et visées par le ministre des contributions, pour une copie rester dans ses bureaux, et une autre être déposée aux archives de l'Assemblée nationale.
Art. 2..
« Le trésorier de la caisse de l'extraordinaire est autorisé à délivrer, sur l'ordonnance du com-saire du roi auprès de ladite caisse, jusqu'à concurrence d'une somme de 1,200 livres, laquelle sera employée sous la surveillance du comité des assignats et monnaies, et des commissaires du roi, à des expériences propres à accélérer la fabrication, des assignats et monnaies. »
Un! de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Delessart, ministre des affaires étrangères et ministre,par intérim, delà guerre(\), qui annonce qu'il ne pourra rendre compte que demain 27, des détails demandés au ministre de la guerre sur l'affaire de Sarrebourg; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Je reçois, à l'instant, uh décret de l'Assemblée nationale de ce jour qui porte que le
ministre chargé, par intérim, du ministère de là guerre, rendra compte sur-le-champ, à
l'Assemblée, des mesures qu il aura dû prendre relativement au procès-verbal de la
municipalité de Sarrebourg, au 12, qui a été envoyé par cette municipalité au département de
la Meurthe ; le même décret porte que je rendrai pareillement compte des renseignements que
le département de la guerre a dû recevoir du sieur Witinkhof, relativement à la désertion
d'un brigadier et de six cavaliers de son régiment. Enfin, je reçois un autre décret
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Delessart. »
2° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, relative à V établissement des hauts jurés ; cette lettre est aihsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Le 31 août dernier, un des membres de l'Assemblée appela l'attention du Corps législatif sur plusieurs dispositions de la loi des jurés et proposa des articles additionnels et interprétatifs; cette première motion fut suivie d'une seconde, relative à l'ambulance des tribunaux criminels; l'Assemblée nationale renvoya l'ûne et l'autre au comité de législation, et le chargea, ce sont les termes du procès-verbal, de faire un rapport sur cet objet ; mon devoir, et le désir de voir se naturaliser parmi nous cette belle institution, protectrice de la liberté individuelle, m'ont porté à étudier la loi dans tous ses détails ; et j'attendais avec quelque impatience la discussion qui devait s'ouvrir sur cet objet, pour offrir à l'Assemblée des observations sur quelques articles qui m'ont paru incomplets ou obscUrs ; mais des travaux importants ont occupé, le mois dernier, le Corps législatif ; et je crois devoir lui représenter aujourd'hui l'indispensable nécessité de se livrer promptement à l'examen de cette loi, puisque l'époque de son exécution est fixée au 1er janvier.
.« Je dois rappeler aussi à l'Assemblée nationale que les articles additionnels ou interprétatifs que demandent, soit la loi du 27 septembre, soit celle du 3 juin, ne sont pas les seuls travaux qu'exige ce moment. Le décret du corps constituant, par les articles 12,23, 27 et 30 du titre Ier du Code pénal, a laissé au Corps législatif le soin de déterminerle lieu de la déportation, de statuer dans quel lieu et en quel nombre seront établies les maisons de gènes, de détention et de force. Sans doute, l'Assemblée nationale examinera préalablement s'il est prudent de mettre les tribunaux criminels en activité avant que les lois de leur organisation soient entières et complètes ; elle jugera si dans tous les départements, je ne dis pas la haine du despotisme, mais l'amour de la liberté, sur qui reposent la connaissance et le respect des lois, est assez profondément gravé pour garantir dans tout le royaume l'établissement des jurés i .elle examinera enfin si la saison dans laquelle nous sommes est favorable à l'exécution a'une loi qui force les citoyens au déplacement, et même si, dans certains départements, la neige et les glaces n'opposent pas, au déplace-menthes obstacles absolument insurmontables.
« Mais quelque parti qu'adopte sur objet l'Assemblée nationale, elle peut compter, pour l'établissement des jurés sur tout le développement de mes efforts et de mon zèle. Il ne dépendra pas de moi que cette loi, une des plus belles qu'ait faites ie corps constituant, cette loi qui
partage, entre les mains de plusieurs, le pouvoir criminel si dangereux dans la main d'un seul, cette loi qui laisse au peuple une partie des pouvoirs qu'il était obligé de déléguer; cette loi qui permet à notre caractère national toute son heureuse influence; il ne dépendra pas de moi, dis-je, que cette loi ne soit exécutée. Les ordres que le roi m'a chargé d'adresser aux différents départements pour leur faire sentir et les avantages qu'elle prépare aux peuples et les devoirs qu'elle lui impose, sont prêts. Je n'attends plus que la solution des difficultés sur lesquelles doit prononcer l'Assemblée nationale.
« Je suis avéc respect, etc.
« Signé : DUPORT. »
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de législation !.
Je ne m'oppose pas au renvoi de cette lettre au comité de législation. Je demande que, sous aucun prétexte, on ne puisse retarder l'installation des tribunaux criminels que toute la France désire. Rien n'est plus pressant que l'installation des jurés. C'est une institution d'autant plus nécessaire, que l'on sait assez que la cause des troubles vient précisément de l'inertie des tribunaux de district. Il est peut-être bien extraordinaire, Messieurs, que M. le ministre de la justice vienne vous avertir de ces difficultés le 26 décembre, lorsque la loi porte que l'institution des jurés doit être mise en activité au 1er janvier, il est bien extraordinaire que le ministre n'ait encore rien fait pour accélérer l'établissement de cette sublime institution ; ce serait le moyen de la perdre que la retarder.
Je ne sais si 1 Assemblée a remarqué que, dans cette lettre, on dit que les Français n'ont peut-être pas cet esprit public nécessaire pour avoir maintenant cette institution qui est née de cet esprit public, qui seule maintient la liberté individuelle, est le palladium de tous les peuples libres et qu'elle serait perdue pour nous si nous laissions cet enthousiasme public se ralentir; je demande donc que, par aucune influence ministérielle, l'Assemblée ne retarde l'institution des tribunaux criminels. Je demande le renvoi de la lettre au comité de législation, et je demande que l'on exerce la responsabilité contre le ministre, si les tribunaux ne sont pas en activité le 1er janvier.
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la justice au comité de législation.)
3° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, contenant le procès-verbal détection des hauts jurés du département de VAllier.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de division.)
Messieurs, voici le résultat du scrutin pour Vélection d'un Président. Sur 419 votants, dont la majorité absolue est de 210, M. François de Neufchâteau a obtenu 258 voix. En conséquence, je le proclame Président de l'Assemblée. (Applaudissements.)
(La séance est levée à trois heures et demie.
Traité de paix entre les citoyens blancs et les citoyens de couleur des quatorze paroisses de la province de l'Ouest de la partie française de Saint-domingue (1).
L'an mil sept cent quatre-vingt-onze, et le mercredi dix-neuvième jour du mois d'octobre, à neuf heures du matin, les commissaires de paix des citoyens blancs et des citoyens de couleur, des différentes paroisses de la province de l'Ouest, se sont réunis sur l'habitation Goureau, dépendante de la paroisse de Port-au-Prince, pour faire, entre les citoyens blancs et les citoyens dé couleur de la dite province de l'Ouest, un traité solide et inébranlable.
Les commissaires présents ont pris séance, et ceux des citoyens blancs ont nommé par acclamation pour leur président, à l'effet d'ouvrir l'assemblée et de proclamer le résultat des scrutins, M. Leremboure père, et pour scrutateurs MM. Tiby et Dufour. Ds ont procédé ensuite à la nomination d'un président et d'un secrétaire. Vérification faite des scrutins, il en est résulté que M. Caradeux aîné était nommé président, à la pluralité de 15 voix et M. Dufour, secrétaire, à la pluralité de 13 voix, et ce, pour toute la durée de l'assemblée.
Les commissaires des citoyens de couleur ont nommé par acclamation, pour leur président, M. Pinchinat; pour leur secrétaire, M. Dubourg ; non seulement pour l'ouverture de l'assemblée, mais encore pour toute sa durée.
Lesquels présidents, secrétaires et scrutateurs ci-dessus nommés, ont accepté lesdites charges et ont, en présence de l'assemblée, prêté le serment de se bien et fidèlement comporter en icelles.
Ensuite, il a été procédé à la vérification des pouvoirs des commissaires, ainsi qu'il suit :
Il a été fait remise sur le bureau, par les commissaires des citoyens blancs et de couleur des dites paroisses, lo arrêtés, d'où il est résulté, après lecture et vérification faite d'iceux, qu'il a été nommé commissaires des citoyens blancs avec pouvoirs illimités ; savoir :
MM. D'Arnand et Dufan, pour la paroisse du Grand-Goave, par un arrêté de ladite paroisse du 16 du présent mois.
MM. Caradeux aîné, Vincendon, Dutour, Cathe-rinot, Canfrancq, Leremboure père, Royer, Dufour et Guieu, pour la paroisse ae Port-au-Prince, par ladite paroisse assemblée en 3 sections le 17 octobre présent mois, ainsi qu'il résulte du procès-verbal dudit jour.
MM. Grasset aîné et Drouin, pour la paroisse de Saint-Marc, par arrêté de ladite paroisse du 16 octobre présent mois.
MM. Tiby aîné et de Lagroix pour la paroisse de Léogane, par l'arrêté de laaite paroisse du 16 octobre présent mois.
MM. Leydier et Reaudoulx, pour la paroisse de Mirebalais, par l'arrêté de ladite paroisse du
16 octobre présent mois.
MM. Raboteau et Pongandin pour la paroisse des Gonaïves, par l'arrêté de ladite paroisse du 16 octobre présent mois.
MM. Lathoison, Desvarreux et Hamon de Vâu-joyeux pour la paroisse de la Croix-des-Bouquets, par l'arrêté de ladite paroisse du 17 octobre présent mois.
Et qu'il a été nommé commissaires avec pouvoirs limités ; savoir :
MM. Dupalis aîné et Feneyrol pour la paroisse du Petit-Goave, par l'arrêté de ladite paroisse du 16 octobre présent mois.
MM. Tavet et Ragon pour la paroisse de Jacmel, par l'arrêté de ladite paroisse du 16 octobre présent mois.
Et de la part des citoyens de couleur, avec pouvoirs illimités:
MM. Pinchinat, Borno aîné, Etienne Saljuzan, Alexandre Petit-Bois et Jean-Baptiste Nivard, pour la paroisse de Mirebalais.
MM. Lapointe, Ghanlatte fils, Barbancourt, Hug-ville, Juste Drouillard, Sterlein, Créplanie et Leblanc, pour la paroisse de l'Arcahage.
MM. Deslandes et Lazare Pérodin pour la paroisse de la petite rivière de l'Aribonite.
MM. Jean Baptiste Paul, Jean Jolly fils, Cyprien Jolly et Charles Lépinard pour la paroisse de Verettes.
MM. Beauvais, Rigaud, Lambert, Doyon aîné, Pellerin, Marc Borno, Charles Ollivier, Poisson aîné, Degand, Pétion, Lillavois, Barthélémy Mé-dor, pour les paroisses du Port-au-Prince et de la Croix-des-Bouquets, qui composaient le corps primitif de l'armée campée actuellement au bourg de la Croix-des-Bouquets.
Tous lesdits arrêtés faits audit camp de la Croix-des-Bouquets, par les citoyens de chacune desdites paroisses, le 18 octobre présent mois.
Et MM. Lequinte de Clavin, Louis de Clavin, Pierre Goquillo, pour la paroisse des Gonaïves, par l'arrêté des citoyens de couleur de ladite paroisse, du 16 octobre présent mois.
De la susdite vérification des pouvoirs il résulte qu'il y ail paroisses dont les citoyens blancs sont représentés et qui fournissent le nombre de 28 commissaires ; et qu'il y en a 8 dont les citoyens de couleur 'sont représentés, et qui fournissent le nombre de 31 commissaires : ce qui donne, de l'une et l'autre part, la majorité absolue, tant des paroisses de la province, que des commissaires qu'elles doivent fournir collectivement.
Tous lesquels commissaires ont été présents, à l'exception de M. Boyer, commissaire de la paroisse du Port-au-Prince, et de M. Ragon, commissaire de la paroisse de Jacmel.
Un des commissaires ayant observé que 3 paroisses avaient donné des pouvoirs limités à leurs commissaires blancs, mais que la majorité desdits commissaires n'en était pas moins acquise, puisque, en ne comptant pas ceux qui n'ont que des pouvoirs limités, il en resterait toujours 22, ce qui fait la grande majorité du nombre de 34 que toutes les paroisses devaient fournir.
La matière mise en délibération et mûrement discutée, il a été arrêté à l'unanimité que lesdits commissaires, à qui il n'a été donné que des pouvoirs limités, délibéreraient conjointement avec ceux qui en ont d'illimités, sauf à faire approuver, par un nouvel arrêté de leur paroisse, les articles du traité qui excéderaient leurs pouvoirs.
Après quoi il a été dit, par les commissaires des citoyens de couleur, que le 11 septembre
dernier, ils avaient fait un concordat avec les citoyens blancs de Port-au-Prince.
Qu'au moment où ils croyaient toucher au terme de leur malheur, les ennemis du bien public, jaloux de la prospérité de cette colonie, n'avaient cessé de secouer le flambeau de la discorde et de la guerre civile.
Que, depuis le 11 septembre dernier, fidèles à leurs principes, pleins de zèle pour la conservation des propriétés, ayant tout à craindre d'une insurrection générale, frappés du spectacle affreux de quelques habitants de la plaine qui avaient failli être assassinés au milieu de leur camp et sous leurs yeux, les citoyens de couleur s'étaient adressés a la ville de Port-au-Prince, pour en obtenir des canons, des fusils, des munitions de guerre, afin d'opposer aux ennemis communs des forces capables de leur en imposer ; que, sans avoir égard a la justice et à la légitimité de leur demande, on leur avait refusé avec obstination toute espèce de secours.
Que l'assemblée provinciale de Port-au-Prince, persistant dans ses principes inconstitutionnels, avait envoyé au Cap des commissaires, qui, après avoir mal instruit M. le général sur le compte des citoyens de couleur, en avaient obtenu une proclamation contraire à presque tous les articles du concordat du 11 septembre dernier; une proclamation qui, contre le vœu même des propriétaires de la province de l'Ouest, ordonne la dissolution d'une armée qui, jusqu'aujourd'hui, ne s'est occupée que des moyens d'empêcher les insurrections de toute espèce, dont 1 activité est reconnue nécessaire, et doit être maintenue conformément à l'article 4 du concordat du 11 septembre dernier; d'une armée enfin, dont la dispersion subite, de quelque manière qu'elle fût opérée, entraînerait infailliblement la ruine des provinces de l'Ouest et du Sud.
Que la prétendue municipalité de Port-au-Prince avait, de son autorité privée, et sans consulter le vœu des citoyens de couleur, arrêté qu'il serait fait un serment fédératif, auquel seraient appelés seulement les citoyens de couleur de la paroisse de Port-au-Prince; qu'ayant regardé cet arrêté comme un piège qui leur était tendu par la susdite municipalité, pour faire reconnaître aux citoyens de couleur son existence illégale, ces derniers avaient répondu à l'invitation qui leur avait été faite par MM. Leremboure père, Taxis de Blaireau et Malabar par une lettre où les raisons de leur refus se trouvaient détaillées; qu'ils avaient fait en outre, à cette occasion, des adresses à MM. Desaulnois, de Elie, de Gri-mouard et à MM. les capitaines des vaisseaux du commerce.
Que ce fût alors qu'arriva la proclamation de M. le général; que partagés entre le désir d'obéir à cette proclamation, et la crainte de voir s'effectuer les dangers qui menaçaient les restes chancelants de cette colonie, les citoyens de couleur avaient requis une assemblée des habitants de la plaine du Cul-de-Sac, qui, cherchant à concilier leurs propres intérêts avec l'obéissance qui est due au représentant du roi, s'étaient adressés à M. Desaulnois et aux citoyens de Port-au-Prince, pour travailler de concert à obtenir, de M. le général, la suspension de l'effet de sa proclamation; qu'en conséquence, les habitants du Cul-de-Sac avaient envoyé à Port-au-Prince des députés qui faillirent être les victimes de leur zèle et de leur patriotisme; qu'à la réception des différentes lettres adressees aux citoyens de Port-au-Prince, ils s'étaient aussitôt
assemblés et avaient déclaré nul un concordat solennel et marqué du sceau d'une cérémonie religieuse.
Que, depuis le concordat du 11 septembre dernier, les citoyens de couleur avaient essuyé des refus humiliants de la part des citoyens de Port-au-Prince, qui voulaient leur imposer la loi de s'adresser aux corps populaires pour en obtenir leurs demandes; que, fermes dans leurs principes, et ne voulant en aucune façon dépendre du caprice des hommes, ils avaient mieux aimé se priver de leurs besoins physiques, que de s'adresser, pour les obtenir, à des corps inconstitutionnels, contre l'illégalité desquels ils avaient déjà protesté.
Que tous ces refus, différents avis, des lettres incendiaires, des libelles, l'arrivée des vaisseaux anglais et les bruits d'indépendance qui couraient, avaient depuis longtemps répandu l'alarme et le désespoir parmi les citoyens de couleur au point qu'il a fallu toute la prudence et la fermeté des chefs pour contenir l'impétuosité de leur armée; que, dernièrement encore, après les propositions de paix faites par la lettre do M. Ca-radeux, commandant général de la garde nationale de Port-au-Prince, en date du 12 du courant, et dans un temps où tout devait concourir à faire cesser les malheurs qui affligent cette colonie, les malintentionnés ae Port-au-Prince s'étaient portés à des excès incroyables d'effervescence contre un détachement de l'armée des citoyens de couleur, qui, se reposant sur la loi des promesses et des traités, avaient été chercher des vivres à Port-au-Prince, en sorte que malgré les bonnes intentions et les efforts des vertueux citoyens, ce détachement, après avoir échappé à la fureur de ceux qui le poursuivaient, a été obligé de revenir au camp sans apporter les vivres qui avaient été promis.
Que, néanmoins, le désir ardent d'une réunion sincère, leur attachement aux intérêts de la mère-patrie et à leurs concitoyens, l'aspect de leur patrie prête à être réduite en cendres, leur font accueillir avec des transports d'allégresse les propositions de paix qui leur ont été faites par M. de Caradeux, commandant général de la garde nationale de Port-au-Prince; que, pour parvenir à une réunion générale, dans la province de l'Ouest, ils ont invité toutes les paroisses de sa dépendance à concourir au traité de paix qui doit avoir lieu aujourd'hui.
En conséquence, les commissaires des citoyens de couleur, considérant que la confiance et la justice sont les bases essentielles d'une paix solide et inébranlable, voulant corroborer les dispositions du concordat du 11 septembre dernier, et pourvoir en même temps a leur sûreté individuelle, ont fait les demandes suivantes, auxquelles les commissaires des citoyens blancs ont répondu, ainsi qu'il est mentionné à la fin de chaque article.
Demandes des commissaires des citoyens de couleur.
Art. 1er. Le concordat du 11 septembre dernier entre les
citoyens blancs de la garde nationale de Port-au-Prince, et la garde nationale des citoyens
de couleur, campés au bourg de la C roix-des-Bouquets, sera reconnu légal et conforme à la
Constitution; en conséquence, les articles qui y sont insérés seront exécutés suivant la
forme et teneur qui pourront être faits par le présent traité de paix. (Accepté.)
Art. 2. L'arrêté de la paroisse de Port-au-Prince, en date du U du présent mois, portant
cassation dudit concordat du 11 septembre dernier, sera déclaré nul et de nul effet. (Accepté.)
Art. 3. Il sera reconnu que la proclamation de M. le général, en date du 26 septembre dernier, a été surprise à sa religion, qu il a été mal instruit des raisons, événements et circonstances qui ont donné lieu, qu'elle est absolument contraire aux articles 1, 3, 4, 5, 6, 10 et 11 du concordat du 11 septembre dernier ; en conséquence* l'exécution de cette proclamation sera suspendue, et les citoyens Blancs de la province de l'Ouest, s'obligeront d'employer tous les moyens qui sont en leur pouvoir, pour en obtenir la révocation. (Accepté.)
Art. 4. L'article 1er du concordat du 11 septembre dernier ; sera exécuté selon la forme et teneur, et les citoyens blancs et de couleur s'entendront pour réclamer auprès du représentant du roi, l'exécution littérale de tous les points et articles des décrets et instructions de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi.
Art. 5. Pour parvenir à l'exécution de l'article 5 du concordat du U septembre dernier, l'illégalité des municipalités, assemblées provinciales et coloniales, étant bien reconnue, tous les actes émanés ou qui émaneront de ces corps inconstitutionnels seront déclarés nuls, et leur dissolution sera opérée comme il sera dit dans les trois articles suivants. (Accepté comme il sera dit dans les trois articles ci-après.)
Art. 6. Pour éviter le désordre et l'anarchie, il sera substitué à chaque municipalité de la province de l'Ouest, un bureau de police, qui provisoirement, et en attendant les nouveaux plans d'organisation de l'Assemblée [nationale pour les colonies, exercera les fonctions attribuées aux municipalités, lequel bureau de police sera composé de membres choisis parmi les citoyens blancs et de couleur.
Convenu en ces termes :
« Les municipalités existantes subsisteront pro-« visoirement jusqu'à ce qu'elles aient été rem-« placées par d'autres, à la formation desquelles « tous les citoyens actifs indistinctement seront « appelés, en vertu d'une proclamation que « m. le général sera invité de faire à cet eïfet « dans le délai d'un mois ; et les citoyens de « couleur auront néanmoins, dès à présent, la « faculté de se faire représenter aux municipa-« lités existantes, ainsi qu'aux autres établisse-« ments qui en tiennent lieu, en les subordon-« nant à la nouvelle assemblée coloniale, ou « aux nouveaux plans d'organisation que nous « attendons de 1 Assemblée nationale ; et les « actes desdites municipalités ou des corps qui « en tiendront 'lieu, valideront jusqu'à l'époque « où ils seront remplacés par d'autres, à la « réserve néanmoins des actes qui auraient « porté atteinte au droit des citoyens de cou-« leur, lesquels dès à présent, sont déclarés nuls « et de nul -effet. »
Art. 7. Les assemblées provinciales et administratives, n'étant point d*une nécessité urgente et indispensable, on attendra, pour leur formation, l'arrivée officielle des nouveaux plans d'organisation susdits |; bien entendu que les dispositions du présent article et du précèdent n'auront leur effet, qu'autant qu'une nouvelle assemblée coloniale, légale, constitutionnelle et représentative de toutes les classes des citoyens actifs, ne pourrait, en se renfermant dans les bornes des pouvoirs qui lui sont ou seront délégués par les décrets nationaux, déterminer le mode d'organisation qui convient aux susdites
municipalités et assemblées provinciales et administratives.
Accepté en ces termes :
« Les paroisses qui ont envoyé des députés à « l'assemblée provinciale et provisoirement ad-« ministratives de l'Ouest, les retireront sans « délai, néanmoins tous les actes de ladite « assemblée subsisteront provisoirement tels « qu'ils existent actuellement, dans chaque lieu, « en attendant les nouveaux plans d'organisa-« tion qui doivent être envoyés par l'Assemblée « nationale, ou jusqu'à la décision que portera « à cet égard la nouvelle assemblée coloniale, à « la réserve néanmoins des actes qui auraient « porté atteinte aux droits des citoyens de cou-« leur, lesquels sont dès à présent déclarés nuls « et de nul effet. »
Art. 8. Les citoyens blancs de toutes les paroisses de l'Ouest rappelleront leurs députés à l'assemblée coloniale; révoqueront leurs pouvoirs, et supplieront M. le général d'opérer la dissolution ae cette assemblée, si mieux elle n'aime prononcer sa dissolution.
« Accepté avec la condition que les actes de « ladite assemblée subsisteront provisoirement « et seront soumis en définitive à la décision de « l'Assemblée nationale, à la réserve de ceux qui « auraient porté atteinte aux droits des citoyens « de couleur lesquels sont dès à présent déclarés » nuls et de nul effet. »
Art. 9. M. le général sera prié par MM. les commissaires blancs et de couleur réunis des 14 paroisses de la province de l'Ouest, de faire dans un mois, à compter de ce jour, une proclamation, portant convocation des assemblées paroissiales, auxquelles seront appelés tous les citoyens actifs indistinctement, aux termes de l'article 4 des instructions du 28 mars 1790, à l'effet de nommer des députés à la nouvelle assemblée coloniale, lesquels seront invités à se rendre à Léogane, pour y déterminer le lieu le plus favorable aux séances de ladite assemblée. (Accepté.)
Art. 10. Les citoyens de couleur se réuniront avec les citoyens blancs pour former les assemblées paroissiales, et seront, comme les citoyens blancs, électeurs et éligibles. (Accepté.)
Art. 11. L'inexécution des articles principaux du concordat du 11 septembre dernier, ayant donné lieu à des événements qui peuvent être regardés comme des hostilités de part et d'autre, les dispositions de; l'article 6 dudit concordat seront suivies, pour les événements postérieurs, comme pour ceux antérieurs dudit concordat. (Accepté.)
Art. 12. Les citoyens de couleur, voulant donner à l'article 7 du concordat du 11 septembre dernier, la juste et bienfaisante extension dont il est susceptible, demandent que la mémoire des malheureuses victimes de la passion et du préjugé soit réhabilitée ; qu'il soit pourvu par la colonie aux indemnités et aux pensions aues à leurs veuves et à leurs enfants ; que tous procès criminels, antérieurs à la Révolution, intentés contre les citoyens de couleur pour raisons des rixes entre eux et les citoyens blancs, de même que tous jugements où le préjugé l'aurait emporté sur la justice qui est due à tous les citoyens de l'Empire, soient revisés.
Quoique la province de l'Ouest se trouve seule représentée au présent traité, les citoyens de couleur, désirant que le présent article comprenne tous les quartiers de la colonie en général, et considérant en outre que l'exécution d'une réclamation si juste peut seule éteindre tout sujet de haines et de divisions entre les citoyens;
tous les citoyens de cette province se réuniront pour le faire accepter et exécuter partout où besoin sera. (Accepté.)
Art. 13. Les articles 8 et 9 du concordat du 11 septembre dernier seront exécutés selon leur forme et teneur. (Accepté.)
Art. 14. Les qualifications telles que, le nommé, nègre libre, mulâtre libre, quarteron libre, citoyen de couleur et autres de ce genre, seront à l'avenir sévèrement défendues ; et on ne se servira désormais pour tous les citoyens de la colonie, que des qualifications usitées pour les blancs. (Accepté.)
Art. 15. Les citoyens de couleur, sentant plus que jamais la nécessité de l'article 11 du concordat du 11 septembre dernier, ledit article sera exécuté selon la forme et teneur. (Accepté.)
Art. 16. Pour parvenir à l'exécution de l'article 10 du concordat du 11 septembre dernier, d'une manière juste et uniforme, la province entière de l'Ouest pourvoira aux besoins de l'armée des citoyens de couleur partout où elle sera campée et pendant tout le temps de son activité, ainsi qu'il est dit dans les articles 6 et 10 du susdit concordat. (Accepté.)
Art. 17. Les préposés ae l'administration, les municipalités et autres corps prétendus administratifs, rendront compte de l'emploi des deniers qu'ils ont tirés des caisses publiques et des trésors, depuis le commencement des troubles de la colonie. (Accepté.)
Art. 18. Pour annihiler tout sujet de haine et de divisions, pour éteindre le souvenir des injustices qui ont été commises envers les citoyens de couleur, il sera fait, dans les paroisses ae la province de l'Ouest, un service solennel en mémoire de ceux qui, depuis le commencement des troubles, ont été sacrifiés à la passion et au préjugé. (Accepté.)
Art. 19. Aussitôt que le présent traité aura été signé, une députàtion de la garde nationale de Port-au-Prince, des régiments de Normandie et d'Artois, du corps royal d'artillerie, du corps de la marine royale, ainsi qu'une députàtion de la marine marchande, seront invités à se rendre, sans armes, sur l'habitation Damiens, pour opérer une réconciliation parfaite avec les citoyens de couleur, qui se rendront au même lieu, sans armes et en nombre égal. Cette réunion, pour être plus solennelle, se fera en présence des commissaires de paix, tant des citoyens blancs que des citoyens de couleur, représentant la province de l'Ouest, et de deux membres de la municipalité, qui seront députés à cet effet. Après cette cérémonie, chacun se retirera chez sol Le lendemain, il sera chanté, dans l'église paroissiale de Port-au-Prince, un Te Deum; un détachement de 1,500 hommes de l'armée des citoyens defcouleur, se rendra à Port-au-Prince pour y assister; il entrera tambour battant, drapeaux déployés, et sera reçu avec les honneurs que méritent des citoyens inviolablement fidèles à la nation, à la loi et au roi, et qui n'ont pris les armes que pour faire cesser les troubles qui, depuis longtemps, déchirent leur malheureuse patrie, il se rendra, avec les autres citoyens, à l'église paroissiale de la ville, pour la cérémonie du Te Deum, qui sera chanté en actions de grâce de l'heureuse réunion entre tous les citoyens indistinctement. Ce détachement partagera, dès le jour même, le service de la garde nationale, jusqu'à ce que le régiment des gardes nationaux dont u sera fait mention ci-après, soit formé. (Accepté.)
Art. 20. Il sera formé, avec l'agrément de
M. le général, un régiment de gardes nationales soldées, de deux bataillons de 500 hommes par bataillon ; ce régiment sera composé de citoyens de couleur, qui éliront eux-mêmes leurs chefs, les présenteront à la nomination de M. le général, et seront destinés à la défense de la province de l'Ouest ; alors ceux des citoyens de couleur, mentionnés dans l'article précédent, qui n'entreront point dans ledit corps, cesseront d'être à la charge de la province de l'Ouest. (Accepté.)
Art. 21. Le serment fédératif, décrété par l'Assemblée nationale, qui n'a pu avoir lieu sans la participation de tous les citoyens, sera fait incessamment, {et les 14 paroisses de la province de l'Ouest seront priées d'y participer, ainsi que les autres paroisses de cette colonie, si les circonstances permettent de les y appeler. (Accepté.)
Art. 22. M. le général sera invité à revenir à Port-au-Prince, qui est le siège du gouvernement ou à s'y faire représenter par qui de droit.
Art. 23. M. le général sera en outre prié de donner son approbation à tous les articles du concordat du 11 septembre dernier, ainsi qu'à tous ceux du présent traité de paix, et d'en maintenir l'exécution. M. le commandant pour le roi, l'état-major des bataillons de Normandie et d'Artois, celui de la marine royale et MM. les capitaines de vaisseaux de commerce seront également priés de donner leur adhésion aux susdits concordat et traité de paix (Accepté.)
Art. 24. Le présent traité de paix ayant pour but d'établir, d'une manière, uniforme la reconnaissance et l'exercice des droits des citoyens de couleur dans toute la province de l'Ouest, le concordat du 11 septembre dernier aura sa pleine et entière exécution pour toutes les dispositions d'icelui, auxquelles il n'est pas dérogé par les articles du présent traité, qui, dans tous les cas, servira de règle et de commentaire pour l'exécution dudit Concordat; bien entendu que toutes les paroisses de la province de l'Ouest se conformeront aux dispositions du présent article et de tous ceux insérés dans les susdits concordat et traité de paix. (Accepté.)
Art. 25. Pour ne laisser aucun doute sur la pureté des sentiments qui animent les citoyens de couleur, ils jurent avec les citoyens blancs de soutenir de toutes leurs forces la nouvelle Constitution et de verser la dernière goutte de leur sang pour s'opposer au retour de l'ancien régime. (Accepté.) Nous faisons le même serment.
Art, 26. Les citoyens de couleur, ne voulant s'écarter en aucune manière de la marche prescrite par l'Assemblée nationale pour l'exécution de ses décrets, demandent que le concordat du 11 septembre dernier et le présent traité de paix soient soumis à son approbation, déclarant s'en rapporter absolument à sa décision sur les articles insérés dans ces deux actes. (Accepté.)
Lecture faite des déclarations et demandes des citoyens de couleur, les commissaires des citoyens blancs se sont retirés pour délibérer à part sur icelle, à laquelle délibération ils ont employé le reste de la séance jusqu'à 10 heures du soir.
Alors, tous les commissaires se sont retirés, et la séance a été remise au lendemain jeudi, 20 du présent mois, 7 heures du matin, pour être tenue sur l'habitation Damiens.
Les commissaires se sont réunis lesdits jour et heure indiqués ; sur ladite habitation Damiens, et les commissaires des citoyens blancs ont continué à délibérer jusqu'à 3 heures après-midi pour rédiger leurs observaitons.
Alors, s'étant rassemblés dans un même lieu avec les commissaires des citoyens de couleur, ils ont remis leurs observations sur le bureau.
Lecture ayant été faite desdites observations, la discussion a été ouverte et continuée jusqu'à 11 heures du soir, et la séance a été remise au lendemain vendredi, 7 heures du matin, pour avoir lieu sur la même habitation.
Auxdits jour et heure indiqués, lesdits |com-missaires se sont réunis sur ladite habitation.
A l'ouverture de la séance, s'est présenté M. Picard, comme commissaire de la paroisse de Port-au-Prince, suppléant M. Boyer en vertu du dépouillement des scrutins de l'assemblée de ladite paroisse.
La discussion de la veille a été continuée jusqu'à 6 heures du soir, et les observations et réponses des commissaires des citoyens blancs ont été rédigées et acceptées par les commissaires des citoyens de couleur, et écrites en marge des demandes de ces derniers.
Lecture ayant été faite de nouveau, tant des déclarations et demandes des citoyens de couleur, que des observations des commissaires des citoyens blancs, mises en marges d'icelles, et le tout ayant été mûrement examiné et discuté, comme il a été dit ci-dessus, il a été recon-j nu que les dires de MM. les commissaires des citoyens de couleur contiennent vérité, que leurs demandes sont justes, que leurs précautions n'ont pour but que la sûreté publique et individuelle, et ne tendent qu'à ôter aux ennemis du bien public tous moyens de troubler la paix et la tranquillité, dont cette colonie est privée depuis longtemps, et dont elle a grand besoin de jouir désormais.
En conséquence, il a été arrêté, de la part de MM. les commissaires des citoyens blancs, que tous les articles ci-dessus et des autres parts sont et demeurent arrêtés ainsi et de la manière qu'ils ont été acceptés en marge de chacun desdits articles, et qu ils seront paraphés des présidents et secrétaires au bas de 1 acceptation.
Et de la part de MM. les commissaires 'des citoyens de couleur, il a été déclaré qu'ils agréent l'acceptation et les réponses mises en marge de chacun des articles insérés au présent traité de paix, et consentent, par amour pour la paix et la tranquillité, à ce que lesdits articles, tels qu'ils ont été acceptés, soient exécutés selon leur forme et teneur, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement décidé par les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, et sans que, pour raison de ce consentement, on puisse leur reprocher de s'être écartés de l'esprit des décrets nationaux ; que vu la confiance dont MM. les citoyens blancs viennent de leur donner des preuves authentiques, ils ne s'occuperont désormais que des moyens de leur prouver leur inviolable attachement à leurs intérêts et à leur bonheur ; que plein d'admiration pour ce noble retour aux principes, qui seuls peuvent opérer la prospérité ae tous les colons, et dans l'impossibilité de trouver des expressions qui puissent rendre les sentiments qu'us éprouvent dans ce fortuné moment, ilsjurentdefairecausecommune avec les citoyens blancs, de verser la dernière goutte de leur sang pour la défense de leurs personnes et de leurs propriétés, et de travailler de concert à l'exécution ponctuelle et littérale de tous les décrets et instructions de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi.
Il est convenu, en outre, qu'il sera fait quatre minutes du présent traité de paix ; savoir : une
pour être envoyée à l'Assemblée nationale; une pour les citoyens blancs des 14 paroisses, laquelle sera déposée au greffe de la municipalité du Port-au-Prince ; une pour l'armée des citoyens de couleur, et une pour M. le général ; lesquelles seront toutes signées par chacun des susdits commissaires, et que copie collationnée dudit traité de paix sera envoyée à chacune des 14 paroisses ae la province de l'Ouest.
Arrêté en outre que, tant que le concordat du 11 septembre dernier, que le présent traité de paix, seront imprimés à la suite l'un de l'autre au nombre de 3,000 exemplaires.
Fait sur l'habitation Damiens, en quadruple, ceiourd'hui 21 octobre 1791.
Le présent traité de paix ayant été présenté à la signature, les commissaires des citoyens blancs de la paroisse de Port-au-Prince ont observé que les articles 19 et 23 concernaient plusieurs corps ; que les citoyens n'avaient pas le droit d'obliger à leur exécution, et ils ont demandé à faire lecture desdits articles auxdits corps avant de signer : sur quoi il a été arrêté qu'il serait remis aux commissaires des citoyens blancs de ladite paroisse, une copie des demandes et des réponses ci-dessus, laquelle leur a été remise signée des commissaires des citoyens blancs des autres paroisses ; en conséquence, la signature du présent traité a été renvoyée après le retour desdits commissaires.
Et le dimanche 23 du même mois, à sept heures du matin, les commissaires des citoyens blancs étant de retour sur l'habitation Damiens, et tous les autres commissaires étant réunis, ils ont tous signé le présent en quadruple minute. Signé : d'Oleyres, Leydier, Beaudoulx, Jean Drouin, Grasset, Hugville jeune, J.-J. Raboteau, Pongaudin, Sterlein cadet, Savary aîné, A. Ri-gaud, Cyprien Jolly, Lazare Péroain, Marc Bor-no, Alexandre Petit-Bois, Pétion, P. Pellerin, B. Nivard, B. Médor, Doyon aîné, J. Borno aîné, Caradeuc, G. Lépinard, A. Ducla, Deslandes, J.-B. Paul, E.-J. Guien, Barbancour, Piver, Laquinte deClavin, Poisson, J. Jolly fils, P. Michel Le Blanc, J. Périsse, Gottin, Louis de Clavin, Juste Drouillard, Dupalis, Feneyrol, Da-mand, Dutaud,Saljuzan, Ch. 01Iivier,Tiby aîné, P. Coquillo, J.-B. Lapointe, Beauvais. Avril, Dufour, Hamon de Vaujoyeux, J.-L. Allenet, Camfrancq, Chanlatte fils, Leremboure père, Piccard, Pinson fils, G. Catherinot, Vincendon, Dutour, Delagroix, Lathoison, Desvarreux, P. Pinchinat, Dubourg et Thavet.
L'an mil sept cent quatre-vingt-onze, et le dimanche vingt-troisième jour du mois d'octobre, en exécution de l'article 19 du traité de paix fait entre les commissaires blancs et les commissaires des citoyens de couleur de la province de l'Ouest, les dix-neuf, vingt et vingt-et-un du présent mois et signé ce jour ; les députations de la garde nationale de la paroisse de Port-au-Prince, des bataillons de Normandie et d'Artois, du corps royal d'artillerie, du corps de la marine royale de l'équipage du Borée, du corps de la marine marchande, et un nombre égal de citoyens de l'armée campée au bourg de la Croix-des-Bou-quets, se sont rendus au Pont-de-Valière, et ensuite sur l'habitation Damiens: et lecture ayant été faite par le maire de la municipalité de Port-au-Prince, en présence de M. Cléry, substitut du procureur syndic de la municipalité et de tous les commissaires, du susdit traité de paix en entier à haute et intelligible voix, lesdits citoyens blancs
et de couleur se sont donné réciproquement les témoignages les plus authentiques de réconciliation, et après avoir prêté le serment civique, ils ont tous juré de maintenir ledit traité dans tout son contenu, et de regarder comme ennemi du bien public quiconque refuserait de l'exécuter.
Fait sur l'habitation Damiens, les jour, mois et an que dessus, et ont les susdits commissaires, Signé : d'Oleyres, Leydier, Beaudoulx, Jean Drouin, Grasset, Hugville jeune, J.-J. Raboteau, Pongaudin, Sterlein cadet, Savary aîné, A. Ri-gaua, Cyprien Jolly, Lazare Péroain, Marc Borno, Alexandre Petit-Bois, Pétion, P. Pellerin, B. Nivard, B. Médor, Doyon aîné, J. Borno aîné, J.-B. Paul, E.H. Guien, Caradeuc, Ch. Lépinard, A. Ducla, Deslandes, Barbancour, Piver, Laquinte de Clavin, Poisson, J. Jolly fils, P. Michel Le Blanc, J. Périsse, Cottin, Louis de Clavin, Juste Drouillard, Dupalis, Feneyrol, Damand, Dutaud, Saljuzan, Ch. 011ivier7 Tiby aîné, P. Go-
Suillo, J.-B. Lapointe, Bauvais, Avril, Dufour, amon de Vaujoyeux, J.-L. Allenet, Camfrancq, Chanlatte fils, Leremboure père, Piccard, Pinson fils, G. Catherinot, Vicendon, Dutour, Delagroix, Lathoison, Desvarreux, P. Pinchinat, Dubourg et Thavet,
Port-au-Prince, ce
Messieurs,
J'ai reçu, dans son temps, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 31 mars et j'ai fait passer de suite à M. Hamon et au Cap, les lettres qui y étaient jointes. Depuis ce temps, nous avons été accablés par des événements bien malheureux, dont le détail serait trop long à faire; mais voici en gros et au vrai la manière dont ils se sont succédé. Par une cause quelconque (je la crois très compliquée), les ateliers de la partie du nord de l'île se sont soulevés, ont égorgé tous les blancs dont ils ont pu s'emparer, et ont enfin réduit cette belle et magnifique province en cendres et en débris. Les succès que les blancs ont eu sur eux, ont été successivement plus brillants et plus considérables, mais vçms sentez que de sembables succès sont encore bien malheureux, puisqu'ils ne peuvent avoir lieu qu'en détruisant les ennemis, par conséquent en sacrifiant toutes les propriétés. Ces nègres avaient et ont encore à leur tête (car il s'en faut bien qu'ils soient encore tous détruits) beaucoup de blancs envoyés probablement par les philanthropes, et beaucoup plus d'hommes de couleur libres. D'un autre côté, la plus grande partie des hommes de couleur libres de cette
même province se sont on ne peut mieux conduits dans la circonstance ; ils sont venus s'offrir d'eux-mêmes aux blancs, et demander à ne faire qu'un corps pour combattre l'ennemi commun. Ils ont été bien accueillis, voilà la position de la partie de Cap, et la manière dont les choses s'y sont passées.
Les événements auxquels notre dépendance était exposée étaient absolument les mêmes ; mais cependant, avertis à temps, nous nous en serions, sans donte, entièrement préservés,, si les hommes de couleur qui y habitent s'étaient conduits comme la majeure partie de ceux du Cap, mais, au contraire, au lieu de se coaliser avec nous, dès le principe, pour combattre ou pour nous défendre contre l'ennemi commun, ils ont saisi cet instant pour s'attrouper en armes contre nous-mêmes, pour, disaient-ils, recouvrer leurs droits, et comme leur nombre ni leur capacité ne pouvaient nous effrayer, ils ont soulevé beaucoup d'esclaves, une partie en leur promettant la liberté, une autre partie en les y forçant avec les armes.
Nous avions alors le malheur d'avoir pour chefs populaires des gens qui, se figurant que les hommes de couleur voulaient le retour à l'ancien régime, et qui, ayant beaucoup à craindre de ce retour, préféraient exposer la colonie à sa perte totale plutôt que de faire des sacrifices même impolitiques à la vérité en faveur des gens de couleur. En conséquence, on fit sortir ae la ville contre eux un détachement de 30 soldats de ligne et d'environ 80 hommes, au plus, grande partie mauvais flibustiers, qui jamais ne s'étaient servis d'un fusil, ni n'avaient appris à se battre, non plus qu'à obéir; et ce détachement d'environ 110 hommes n'a pas eu de peine, comme vous pensez, à être défait par 7 à 800 hommes, qui sont venus fondre dessus de tous les côtés dans les broussailles, et sans avoir même la bravoure de se montrer en rase campagne. Les hommes de couleur ne sont forts que dans les halliers.
Ce succès des gens de couleur ne leur a donné que plus de prétentions ; et comme ils savaient que la partie la plus saine et même la plus nombreuse tant de blancs de la ville que de ceux des campagnes étaient constants à leur accorder tout, préférablement à la perte de la colonie, ils ont tenu ferme : enfin on vient récemment de passer un concordat avec eux, leurs prétentions sont bien au-dessus de celles que leur accordent les décrets quoiqu'ils prétendent qu'ils ne font qu'en demander l'exécution littérale. Mais elles en eussent été encore plus exagérées, que nous n'en eussions pas moins dû acquiescer à toutes leurs demandes pour sauver la colonie, parce que si nous les avions attaqués en force supérieure, ils auraient tout soulevé et tout incendié en fuyant; c'étaient les moyens dont ils se servaient et dont ils menaçaient de se servir. Et voilà les gens vertueux de l'abbé Grégoire qui a perdu le plus beau pays de l'univers.
Enfin, nous possédons maintenant les hommes de couleur dans notre ville ; ils y sont entrés lundi dernier en armes, conformément à un article de notre concordat. Jusqu'à présent ils n'ont rien commis contre le traité, mais ils ont amené et introduit avec eux en ville leurs suisses (c'est ainsi qu'ils appellent les esclaves les plus ingambes qu ils ont retenus parmi eux, et que jusqu'à présent ils n'ont pas voulu remettre aux maîtres qui les ont réclamés et ils paraissent vouloir les traiter favorablement ; ce qui serait
bien pernicieux.) Déjà ces suisses disent à nos nègres. — Vois-tu, si tu avais fait comme moi, tu serais comme moi libre ; et le pays serait à nous : nous en aurions expulsé tous les blancs. Vous sentez combien ce langage peut être dan-
§ereux. Les blancs et les nommes de couleur
oivent tenir un comité secret, pour décider sur le sort de ces suisses. S'ils sont remis à leurs maîtres, qui seront alors dans le cas d'en faire tel exemple qu'il leur plaira ; ou s'ils sont remis à la justice, alors il n'y aura plus de mal; mais si, comme on le craint, les hommes de couleur tiennent à ce qu'ils aient leur liberté, alors nous aurons tout à craindre de l'exemple. Vous sentez la politique des gens de couleur, qui, dans le cas de quelque tentative de la part des blancs, pour opérer ici une contre-révolution, veulent se conserver la 3e classe en favorisant ceux qui les ont suivis; ce qui, nécessairement, en encouragerait d'autres à les suivre de même dans une semblable occasion.
Nos négociants viennent d'être avisés, par une dépêche des commissaires du commerce ae votre ville, des efforts qu'elle fait pour obtenir la suspension du décret du 15 mai, auteur de nos maux. Il a été arrêté qu'on répondrait à vos commissaires en leur envoyant simplement une copie de notre concordat avec les citoyens de couleur, car, c'est aujourd'hui leur qualité. Nous pensons qu'il serait aujourd'hui plus dangereux que bienfaisant de contrecarrer les dispositions de ce concordat, parce que toute révolution ici est pernicieuse; et enfin si la France parvenait à connaître et à vouloir établir le seul régime qui puisse publiquement convenir à la colonie et à la conserver et qu'elle voulût remettre les choses sur le même pied qui l'a fait prospérer, il faudrait qu'elle envoyât, en même temps que la loi, des forces supérieures pour la faire exécuter. Tout décret qui peut occasionner ici une révolution, ne doit jamais y parvenir ni même l'avis de ce décret sans des forces pour en assurer l'exécution tranquille. Si l'Assemblée nationale, en rendant le décret du 15 mai, avait envoyé ici sur-le-champ une quantité convenable de troupes, nous aurions été probablement préservés de nos malheurs, au moins pour un temps (car nous devons toujours penser que ce succès des gens de couleur ne sera jamais oublié des nègres, et qu'ils auront plus d'une fois l'envie de chercher a les imiter) : ce n'est pas le seul reproche que nous ayons à faire à la France, et principalement au commerce, qui connaît plus particulièrement notre position. Depuis longtemps, il nous sait dans l'anarchie, et il nous y laisse.
Nous ne devons pas nous dissimuler entre nous que les malheurs mêmes de la partie du Cap ont été occasionnés par plusieurs causes, mais principalement par beaucoup d'hommes de couleur qui ont voulu se venger de la mort d'Ogé, Cha-bannes et autres. Et ceux-mêmes de cette même province qui se sont bien conduits, ne s'en entendaient pas moins avec ceux qui profitaient ici de l'instant pour nous faire la guerre et pour réclamer.
Tous ces événements réduisent de beaucoup la quantité de nos denrées, et principalement du sucre; ce qui n'aura pas peu contribué à en soutenir le prix chez vous et même à le hausser.
Du 30 octobre.
P.-S. — Le comité secret pour les suisses a été tenu avant hier ; ils furent désarmés et en-
voyés à bord d'un navire ; toute la garde nationale était sous les armes. On pense qu'il s'en est évadé beaucoup avant leur désarmement; et cela paraît très vraisemblable : mais enfin on en tient à bord une quantité d'environ 230. Beaucoup de gens de couleur voulaient s'opposer à leur départ, mais l'avis contraire a prévalu : ils devaient mettre à la voile cette nuit, si la brise ne leur eût pas manqué. Vous dire où ils sont, est un secret qui n'a pas encore été pénétré. Le soupçon le plus général, c'est qu'on va les conduire dans la baie des Mousquites, où on les débarquera avecdes vivres pour trois mois. C'est bien une liberté qu'on leur donne, mais au moins ils n'en donneront pas le spectacle aux yeux de nos nègres. Bien des personnes craignent dans ce cas qu'il soit très facile aux gens de couleur de les réintroduire ici par le cabotage. Du reste notre ville est assez tranquille depuis que nous avons ces messieurs parmi nous, et que nous sommes débarrassés de leurs suisses.
Du
Les suisses ont été débarqués et sont partis ce matin sur Y Emmanuel, capitaine Colmin, pour la baie des Mousquites; on doit les y déposer avec des outils propres à la culture, trois mois de vivres et deux rechanges à chacun. Ils sont au nombre de 216.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 25 décembre.
Un membre observe que M. le secrétaire a omis dans le procès-verbal la rédaction du décret relatif à la pétition de 45 citoyens de Paris qui demandent le remboursement des frais faits pour le recensement et la visite des hôtels garnis de la ville de Paris.
Un membre : Je fais la motion que les rapporteurs d'un projet de décret qui aura été adopté soient tenus d'en signer la minute avant de la déposer sur le bureau.
Un membre : Je propose que tout décret soit inséré au long dans le procès-verbal.
L'Assemblée adopte ces diverses propositions dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale décrète qu'aucun procès-verbal ne lui sera présenté qu au préalable le secrétaire ne se soit fait remettre le projet de décret que l'Assemblée aura adopté, et il sera tenu de donner littéralement lecture du décret tel qu'il aura été prononcé. »
Il est dit dans le procès-verbal, relativement à la plainte de M. Letaillèur (1), que le comité de surveillance a donné un ordre, et M. Grangeneuve a prouvé hier que le comité n'avait point donné d'ordre, mais un avis. Je demande que le mot avis soit substitué au mot ordre.
Il a été prouvé hier qu'il n'avait point été donné d'ordre, on cherche à accuser les citoyens du comité de surveillance; mais la faute n'est que dans l'idée de ceux qui voudraient la trouver. Le maire de Paris dit bien dans la réquisition : « en vertu dudit ordre » ; mais il veut dire en vertu de l'ordre qu'il donne, lui maire, et il a ce droit, d'après la Constitution.
Je demande que l'on passe à l'ordre du jour. Si M. Pétion a donné un ordre arbitraire, c'est au sieur Letailleur à se pourvoir devant les tribunaux.
Plusieurs membres réclament une nouvelle lecture de la réquisition du maire de Paris.
(L'Assemblée ordonne la lecture de la réquisition.)
, secrétaire, donne lecture de cette pièce; elle est ainsi conçue :
« Un avis du comité de surveillance signé Claude Fauchet, président, et Merlin, député, annonçant à M. le maire qu une lettre signée La-marck, dont on lui envoie copie, apprend qu'on doit faire sauter plusieurs hôtels au faubourg Saint-Germain. Il lui indique M. Letailleur, demeurant rue Saint-André-des-Arts, pour être arrêté et incarcéré comme étant à la tête de cette entreprise. M. le maire et l'administrateur au département de police, en vertu dudit ordre, enjoignent au commissaire de la section du Théâtre-Français d'arrêter le sieur Letailleur, de le faire conduire aux prisons de l'Abbaye et de mettre le scellé sur ses papiers.
« Signé : Pétion, maire ; Perron, administrateur de la police. »
Malgré les termes très explicites de cette pièce, je persiste à demander que l'on mette dans le procès-verbal qu'un membre du comité de surveillance a déclaré que c'était un avis et non pas un ordre.
(L'Assemblée ordonne la rectification demandée par M. Fauchet.)
(Le procès-verbal est adopté.)
Un membre : Je demande qu'il soit défendu au comité de surveillance de donner à l'avenir de pareilles invitations.
Plusieurs membres : Ce sont des lettres de cachet !
D'autres membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour. — Bruit.)
, député de la Nièvre, prête le serment individuel prescrit par la Constitution.
Un membre : Un établissement considérable a été fait, il y a quelqués années, dans la forêt dii Tronçay par le sieur Rambourg, qui y avait été autorisé par un arrêt du conseil. Les communautés usagères s'étant pourvues à l'Assemblée nationale constituante, le département de l'Allier a été consulté et a donné son avis. Je dépose les pièces sur le bureau et j'en demande le renvoi au comité des domaines.
(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité des domaines.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret sur les gardes nationales volontaires (1).
, rapporteur. Dans la dernière de
Voici les différents articles renvoyés. Le premier est l'article 14 :
Art. 14.
« Tout garde national volontaire, qui sera forcé de quitter le service avant le licenciement de son bataillon, sera tenu de rembourser ce qu'il restera devoir des avances que la nation lui aura faites pour son habillement et son équipement. »
Le comité a cru devoir mettre le mot forcé parce qu'il a pensé qu'il ne pouvait y avoir que ae fortes raisons qui pussent engager un garde national à quitter son bataillon sans congé.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'article 14.)
, rapporteur, donne lecture d'une nouvelle rédaction des articles 26 et 34, qui sont adoptés sans discussion dans les termes sui vants :
Art. 26.
« Lorsque les gardes volontaires nationaux seront logés dans les casernes, ils recevront le bois, la lumière et les autres fournitures des casernes, sur le même pied que les troupes de ligne.
« Lorsque, voyageant dans l'intérieur du royaume, ils seront logés chez les habitants, ils auront, comme les troupes de ligne, place au feu et à la lumière.
« Lorsque, devant tenir garnison dans une ville, bourg, village, ils seront logés chez les habitants, ils seront tenus de se procurer, sur leur solde, le bois et la lumière dont ils auront besoin. »
Art. 34.
« Une moitié de la solde des gardes nationales volontaires qui auront obtenu la permission de s'absenter pendant un temps déterminé appartiendra au bataillon entier, et l'autre au garde volontaire national qui se sera absenté. »
« La partie de la solde attribuée à son bataillon, sera répartie par égales portions entre tous les membres qui le composent.
« La partie attribuée à chaque volontaire qui se sera absenté ne sera mise a sa libre disposition que dans le cas où il aura remboursé la totalité des avances qui auront été faites, et où son habillement et équipement seront complets et en bon état.
« Les conseils d'administration seront particulièrement responsables de l'exécution du présent article.
(La discussion est interrompue par un incident.)
Un membre : J'annonce à l'Assemblée qu'il y a actuellement du trouble aux Feuillants. Leur local fait partie de l'enceinte de la salle. Je crois qu'il serait bon d'y envoyer les commissaires de la salle pour savoir ce qui s'y passe et au besoin y rétablir l'ordre. (Murmures et exclamations.)
Je demande, moi, qu'on passe à l'ordre du jour.
Un grand nombre de membres : Oui! oui ! Appuyé!
Je prends la parole pour dénoncer un fait qui vient de m'arriver. En passant près des Feuillants j'ai été arrêté par deux sentinelles. J'ai montre ma carte de député et la sentinelle m'a refusé le passage en disant que sa consigne ne lui permettait pas de me laisser entrer avec cette carte, qu'il fallait avoir une carte à trois pointes. (Murmures.) Je ne crois pas qu'il faille avoir de cartes à trois pointes pour venir à l'Assemblée nationale. Je demande donc si réellement nous avons la police de notre salle ou si nous ne l'avons pas. Si nous l'avons, je ne crois pas que, sous aucun prétexte, on puisse apposer des sentinelles avec la consigne ae nous arrêter. Je fais la motion que l'Assemblée se fasse rendre compte par qui, et en vertu de quel ordre ces sentinelles ont été placées.
Il me semble que le membre qui vient de faire cette motion n'a pas tenu la conduite qu'il aurait dû tenir. Voyant qu'on l'empêchait de passer, il aurait dû dire au factionnaire qui était là : « Qui vous a donné cette consigne? Menez-moi à l'officier qui vous l'a donnée? » (Murmures.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
J'ai fait tout cela et je n'ai pas pu passer.
Plusieurs membres: Il faut faire lever cette consigne.
Un membre : Il ne doit point y avoir de consigne sans motif. Un factionnaire doit recevoir l'ordre de son caporal et le caporal doit le recevoir de l'officier. Je demande que M. le commandant du poste soit mandé à la barre sur-le-champ, pour que l'on sache de lui qui a donné cet ordre. (Murmures.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Tous les jours vous serez exposés aux mêmes inconvénients; j'appuie la motion et je demande que l'officier soit mandé à la barre.
Je demande que MM. les commissaires de la salle soient chargés d'approfondir cette affaire.
Je demande qu'il soit décrété à l'instant qu'aucun membre de l'Assemblée nationale ne pourra être membre d'un club. (Applaudissements.)
Appuyé! appuyé! (Applaudissements.)
Voix diverses : Aux voix! aux voix! — L'ordre du jour!
(L'Assemblée est du::-, une vive agitation; plusieurs membres sont à la u ijune et parlent dans le tumulte.)
Il est indécent de faire perdre le temps de l'Assemblée en d'inutiles débats, lors-quela séance est destinée à discuter des objets très importants.
L'ordre du jour! (Non! non!)
Je demande la parole.
Si on va aux voix là-dessus, je demande qu'on y aille par appel nominal.
Pour mon compte, Messieurs, je suis étonné qu'on ait fait une motion qui ne
peut en aucune manière regarder l'Assemblée, et qui n'a de rapport qu'avec la vie privée de chacun de ses membres. Je demande qu'on ne traite ici que des objets qui sont relatifs à la nation et à l'intérêt général et que l'on passe à l'ordre du jour.
aîné . Et moi, je demande qu'on mette la motion aux voix et qu'il soit procédé à l'appel nominal. (Murmures prolongés.)
J'appuie ce qui vient d'être dit par M. Daverhoult, et je m'étonne avec lui qu'un membre ait proposé de délibérer sur des entraves à mettre au goût et à la conduite des députés hors le sein de l'Assemblée. Messieurs, nous devons compte de notre conduite à l'Assemblée, mais l'Assemblée n'a pas le droit de prononcer sur es que nous avons le droit de faire ou de ne
Îias faire, lorsque nous sommes hors de son sein, e demande que non seulement on passe à l'ordre du jour sur cette proposition, mais qu'on rappelle à 1 ordre celui qui l'a faite. (Appuyé! appuyé l — Applaudissements.)
Mais, Messieurs, cette motion n'a été faite que pour donner le change à l'Assemblée sur un délit qui a été commis dans son sein par un membre (1) qui est le président du club des Feuillants. (Vifs applaudissements dans les tribunes.) Croyant présider ici, il a donné à l'officier de garae la consigne de ne laisser entrer ici des députés qu'avec une carte à trois pointes, qui sont les cartes des Feuillants. Je demande qu'à l'instant l'officier de garde soit appelé, lui qui ne doit pas recevoir de consigne du président du club des Feuillants, mais du Président de l'Assemblée nationale.
Plusieurs membres : Et de celui des Jacobins.
Messieurs, mon opinion n'est pas suspecte, je ne suis ni des Jaconins ni des Feuillants. (Agitation.) Il est essentiel que l'Assemblée éclaircisse ce fait important. Je lais donc la motion que l'officier de garde soit mandé pour rendre compte de qui il a reçu une consigne opposée à la consigne ordinaire. Je suis sûr que cette consigne lui a été donnée par quelque membre ; je demande qu'il l'indique. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
descend de la tribune et, apercevant un membre à la porte de VAssemblée qui parle à un officier, il court au bureau et il s1 écrie : Voyez-vous 1 Voyez-vous qu'on parle à l'officier, c'est un Feuillant qui lui donne le mot.
Un membre : Je demande que M. Delacroix soit rappelé à l'ordre. (Murmures.)
Je demande la parole.
L'ordre du jour! (Non! non!)
Plusieurs membres : Il faut que M. Chéron soit entendu.
Voix diverses : Oui! oui! Non! non!
J'appuie la motion de M. Delacroix. Je demande comme lui que l'officier de garde soit mandé à la barre et tenu de déclarer ae qui il tient sa consigne. Je me réserve d'ailleurs de répondre aux injures qui m'ont été adressées par M. Delacroix. (Murmures.)
Allons donc! L'ordre du jour!
Les consignes qui
Je demande la parole pour une motion d'ordre. L'Assemblée nationale s'occupe depuis trop longtemps d'une matière qui ne devrait pas faire le sujet de ses délibérations ; j'insiste pour qu'elle passe sur-le-chanp à l'ordre du jour. (Oui! oui ! — Applaudissements.)
J'insiste, Monsieur le Président, sur ma motion ; je demande qu'elle soit mise aux voix.
Ma motion est appuyée; je demande qu'on la mette aux voix. Plusieurs membres : Ouil oui! L'ordre du jour! M. le Président établit l'état de la délibération et met aux voix la motion de passer à l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète qu'elle ne passe pas à l'ordre du jour.)
Plusieurs membres : La priorité pour la motion de M. Delacroix!
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Delacroix tendant à mander l'officier de garde à la barre et la décrète.)
Plusieurs membres montrant M. Delacroix qui s'est levé pour la contre-épreuve : Voyez-vous M. Delacroix qui se lève pour opiner contre sa propre motion ! Un officier de garde est introduit à la barre. M. le Président. Est-ce vous. Monsieur, qui commandez les gardes nationales qui sont de service auprès de l'Assemblée et dans l'enceinte?
L'officier de garde. D'un côté oui, et de l'autre non. Il existe deux postes, l'un de la 3° division, l'autre de la 4e; comme commandant du poste de la 3* division, je commande la porte de la cour du Manège, du côté des Tuileries ; reste à savoir de quel coté l'on se plaint.
C'est dans le cloître des Feuillants que le membre de l'Assemblée se plaint qu'on lui a fait des questions et des difficultés qui ne sont pas à faire.
L'officier de garde. En ce cas, Monsieur le Président, ce n'est pas moi qui commande ce poste.
Huissier, appelez l'officier de garde qui commande du côté aes Feuillants.
, rapporteur du comité militaire. En attendant l'arrivee de l'officier de garde, je propose à l'Assemblée de continuer la discussion du projet de décret sur les gardes nationales volontaires. (Oui! oui!)
, rapporteur, donne lecture d'une nouvelle rédaction des articles 24 et 37 qui avaient été renvoyés au comité et qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 24.
« Lorsque des gardes nationales et des troupes de ligne se trouveront dans un même lieu et ne pourront être logées ensemble dans les casernes, les gardes nationales seront logées chez les habitants, à raison d'un lit pour deux hommes.
Art. 37.
« Les procès-verbaux de nomination des officiers des volontaires nationaux, lors de leur premier rassemblement, leur tiendront lieu de brevet. Ces procès-verbaux seront déposés aux directoires des départements respectifs qui en feront expédier des copies signées de tous les membres du directoire. Quant aux élections qui auront lieu pour le remplacement des emplois qui viendront à vaquer, il en sera dressé procès-verbal. Le procès-verbal sera déposé et enregistré au conseil d'administration desdits bataillons, et copie en forme sera expédiée par lesdits conseils d'administration aux officiers et sous officiers des volontaires pour leur tenir lieu de brevet. »
(La discussion est denouveau interrompue par V arrivée de l'officier de garde du côté des Feuillants.)
, s'adressant à l'officier de garde. Est-ce vous, Monsieur, qui commandez le poste de la 4e division dans l'enceinte du côté des Feuillants ?
L'officier de garde. Oui, Monsieur.
Quelle consigne vous a-t-on donnée aujourd'hui?
L'officier de garde. Nous n'en avons reçu aucune.
Il y a un de MM. les députés qui se plaint qu'on lui a fait des difficultés qui ne sont pas ordinaires et qui ne peuvent venir que d'une consigne particulière.
L'officier de garde. Monsieur, nous n'avons reçu aucune consigne, et nous n'en avons donné aucune; il y avait la consigne ordinaire, et point d'autre.
On prétend que la senti-ïielle a demandé au député une carte à trois pointes.
L'officier de garde. Monsieur, je serais curieux de savoir quel est ce factionnaire, parce que le caporal n'a reçu de consigne que de qous, et nous n'avons donné que celle ordinaire.
La sentinelle qui a arrêté ce député est au bout du corridor des Feuillants, à côté de l'église.
L'officier de garde. Cela ne dépend pas de nous ; nous ne fournissons qu'un poste ici pour les corridors et les tribunes.
, commissaire inspecteur de la salle. J'observe à l'Assemblée nationale que ce n'est point dans le cloître des Feuillants qu'on exige que les députés montrent leurs cartes, parce que c'est un passage extérieur qui est ouvert aux marchands. Il y a des traiteurs, des limonadiers, tout le monde entre là. On ne demande les cartes que pour entrer dans les corridors de la salle.
Voici l'officier qui commande tout le poste.
L'officier y chef de poste, est introduit à la barre.
Monsieur le commandant, il est arrivé une chose extraordinaire. On a voulu 'arrêter plusieurs députés qui se rendaient ici en leur demandant des cartes à trois pointes. On ^demande, Monsieur, si vous avez donné quelque consigne à cet égard, ou si vous avez connaissance de ce qui s est passé à ce sujet ?
L'officier, chef de poste : J'ai reçu des ordres du
chef de légion pour maintenir l'ordre dans l'assemblée séant aux Feuillants. Plusieurs personnes se sont présentées pour entrer. On leur a demandé : « Etes-vous de la société? » et elles ont répondu : « Nous avons des cartes. Alors j'ai dit à la sentinelle : « Puisque ces Messieurs de la Société ont des cartes, vous ne laisserez entrer que les personnes qui auront des cartes. »
Etait-ce pour laisser passer dans le cloître qui mène à l'Assemblée ?
L'officier, chef de poste. Ce n'était que pour la société. Il y avait des cartes triangulaires et des cartes rondes. Or je sais que les cartes rondes sont les cartes de députés et les cartes triangulaires celles des membres de la Société des Feuillants. J'ai craint que des malintentionnés ne se glissassent dans cette société, et j'ai cru devoir donner la consigne, pour observer le bon ordre, de ne laisser entrer que les personnes qui auraient des cartes triangulaires ou rondes. J ai pris sur moi, à la vérité, de donner cette consigne, parce que j'ai cru que la Société des Feuillants avait étaDli cet usage.
Mais comment se fait-il que des députés à l'Assemblée aient été arrêtés?
Lofficier, chef de poste. Cette consigne n'a été observée qu'à la porte de la Société des Feuillants. Quant à l'entrée de l'Assemblée, située du côté des Feuillants, je déclare que je n'ai point donné d'ordres de ce côté-là. Les membres de cette société étaient obligés de montrer une carte triangulaire ou ronde pour éviter que des malveillants n'y entrassent. (Murmures à gauche. — Applaudissements à droite.)
Il résulte des éclaircissements que vous donnez à l'Assemblée, que la consigne n'était point pour empêcher d'entrer à l'Assemblée nationale.
L'officier, chef de poste : Non, Monsieur. Je dirai plus à l'Assemblée : c'est que j'ai prié la société ae faire tenir à la porte deux commissaires qui reconnaîtraient les cartes que je ne connaissais pas moi-même, parce que quand j'ai vu qu'il y en avait de deux manières, j'ai dit : Il faut de toute nécessité qu'il y ait dés commissaires des Feuillants qui reconnaissent les cartes ; mais je n'ai pas du tout parlé de l'Assemblée.
L'Assemblée nationale, satisfaite des explications que vous venez de lui donner, sur ce qui vous regarde, et instruite du zèle avec lequel vous avez maintenu la garde extérieure, vous invite à vous retirer pendant qu'elle va délibérer sur un objet qui ne vous concerne plus.
(L'officier se retire.)
Un membre : Je demande que les clubs soient exclus de l'enceinte des bâtiments de l'Assemblée.
Plusieurs membres : De Paris !
D'autres membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
La discussion du projet de décret sur les gardes nationales volontaires est reprise.
, rapporteur, vous avez renvoyé à votre comité militaire différentes motions sur les gardes volontaires nationaux; voici plusieurs articles additionnels qu'il vous présente :
Art. 1er. (Additionnel.)
« Tout garde volontaire national qui. en abandonnant ses drapeaux sans avoir obtenu une
permission légale, emportera ses armes ou quelques parties ae son équipement militaire, ou des effets appartenant à ses camarades, sera réputé coupable du crime de vol, et, comme tel, livré aux tribunaux criminels. »
Je crois que l'Assemblée nationale a trop bonne idée des gardes nationales pour penser qu'ils abandonneront leurs drapeaux et emporteront leurs armes sans les avoir fait sentir aux ennemis. Je demande la question préalable sur cet article en la motivant en ces termes : » « L'Assemblée nationale, présumant trop bien de la probité des gardes nationales pour les croire capables d'abandonner leurs drapeaux, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer. »
: J'observe que quand l'Assemblée constituante a fait le Gode pénal, elle n'a pas pensé que les hommes seraient féroces, et cependant l'expérience de tous les siècles a prouvé que les hommes sur lesquels on pouvait le plus compter étaient marqués au sceau de l'humanité et par conséquent capables de faire une faute.
Nous ne présumions pas que des soldats de troupes de ligne, qui avaient blanchi sous le harnais, fussent capables de trahir la patrie, et des exemples trop fréquents nous ont prouvé que des hommes caractérisés du nom de gèns a'honneur avaient préféré la théorie exécrable de manquer à leur serment. Nous avons même vu que dans les gardes nationales que j'estime beaucoup et avec lesquelles j'espère combattre pour la liberté, il y en a eu qui ont été assez
{>ervers pour abandonner leurs drapeaux. Le égislateur doit prévoir ce cas. Je demande qu'on mette aux voix l'article.
(L'Assemblée décrète le premier article additionnel.)
, rapporteur, donne ensuite lecture de 16 autres articles additionnels qui sont adoptés sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 2. (Additionnel.)
« Il sera fait sur chaque solde attribuée aux sous-officiers et volontaires nationaux, une retenue de 3 sols par jour, dont il leur sera fait décompte tous les trois mois ; le produit de cétte retenue ne sera mis à la libre disposition que de ceux qui auront acquitté les avances qu'on leur aura faites pour leur habillement et leur équipement, et dont l'habillement et l'armement seront en bon état.
Art. 3. (Additionnel.)
« Il sera fait sur chaque solde attribuée aux sous-officiers et volontaires nationaux, une retenue de deux sols par jour, dont il leur sera fait décompte tous les trois mois.
« Le produit de cette retenue ne sera mis à la libre disposition que de ceux qui auront acquitté les avances qu on leur aura faites pour leur équipement, et dont les armes, le linge et la chaussure seront en bon état. »
Art. 4. (Additionnel.)
« Lorsque la cherté des denrées, ou des circonstances particulières, obligeront à accorder momentanément une augmentation de solde aux troupes de ligne, les gardes nationales volontaires qui se trouveront dans la même garnison
ou dans les mêmes circonstances, obtiendront la même augmentation, ou auront part aux mêmes distributions. »
Art. 5.(Additionnel.)
« Les bataillons des gardes nationales volontaires recevront, au moment de leur formation, ou au plus tard au moment de leur arrivée dans leurs garnisons ou quartiers, un armement complet ; il sera joint à chaque fusil un tire-bourre et un tourne-vis. »
Art. 6. (Additionnel.)
« Lorsque les circonstances obligeront d'armer les gardes nationales volontaires avec des fusils ou des sabres qui auront déjà servi, les armes qu'on leur distribuera seront réparées à neuf.
Art. 7. (Additionnel.)
« Les gardes nationales volontaires entretiendront à leurs frais les armes qu'ils auront reçues ; à cet effet, il sera arrêté, par le conseil d'administration, un tarif que l'armurier du bataillon sera tenu de suivre, pour le payement de chaque pièce à réparer ou à remplacer. »
Art. 8. (Additionnel.)
« Lors du licenciement du bataillon, les gardes nationaux volontaires seront tenus de rendre en bon état les armes qu'ils auront reçues ; ou de payer, conformément au même tarif, les réparations qu'elles exigeront. »
Art. 9. (Additionnel.)
« Il sera formé dans chaque bataillon de gardes nationaux volontaires un conseil d'administration ; ce conseil sera composé des deux lieutenants-colonels, d'un officier et d'un sous-officier de chaque grade, de l'adjudant-major et de quatre gardes nationaux volontaires. »
« Art. 10. (Additionnel.)
« Les officiers, sous-officiers et soldats, membres du conseil, seront choisis par le bataillon entier; ils seront nommés au scrutin individuel et à la pluralité relative des suffrages : ils seront nommés pour un an ; ils pourront être continués par de nouvelles élections. »
Art. 11. (Additionnel.)
« Il sera nommé de la même manière 1 officier, 1 sous-officier de chaque grade, et 4 soldats volontaires destinés à suppléer au conseil les membres qui seront absents ou malades. »
Art. 12. (Additionnel.)
« Le conseil d'administration ordonnera tout ce qui est relatif à l'habillement, équipement et armement; il veillera à ce que les dépenses soient faites avec économie,: toutes les retenues avec exactitude, tous les payements avec ordre ; en un mot, il sera chargé spécialement de diriger tout ce qui coucernera les finances et la comptabilité générale et particulière. »
Art. 13. (Additionnel.)
« Il sera, sous la surveillance du conseil d'administration, ouvert un.compte pour chaque volontaire national, de toutes les retenues que ce volontaire aura supportées,et de tous les payements qu'on lui aura faits. Ce compte sera arrêté tous les trois mois, visé par le capitaine, et signé par le garde ou volontaire national. »
Art. 14. (Additionnel.)
« Lorsque des départements auront fourni des bataillons, et que des circonstances exigeront de nouvelles levées de volontaires nationaux, ces augmentations seront faites en ajoutant un nombre égal de volontaires à chacune des escouades existantes ; mais les augmentations ne pourront avoir lieu que d'après un décret du Corps législatif. »
Art. 15. (Additionnel.)
« Il sera ouvert dans chaque municipalité un registre sur lequel on inscrira chaque citoyen qui se dévouera à la défense de la patrie et de la liberté. On fera mention, sur le registre, de la date de l'inscription de chaque citoyen. »
Art. 16. (Additionnel.)
« L'extrait des registres sera adressé chaque mois, par le procureur de la commune, au procureur syndic du département; et le procureur syndic adressera un relevé des extraits au procureur général syndic du département. »
Art. 17 .(Additionnel.)
« Du moment que le procureur syndic du district aura été averti par le procureur général syndic, qu'il y a une ou plusieurs places vacantes dans l'un des bataillons formés par le département, il donnera des places vacantes aux citoyens
3ui seront inscrits, toujours en suivant l'ordre e leur inscription. Il leur indiquera, en même temps, le lieu où ils doivent se rendre, la route qu'ils doivent suivre et le jour où ils doivent joindre leurs drapeaux. Dans le cas où les citoyens
{iremiers inscrits, ne pourraient pas partir aans e moment ils seront remplacés par ceux qui suivront immédiatement, suivant l'ordre du tableau. »
(Après de légers débats, l'Assemblée décrète que lesdits articles et les 5 articles dont la nouvelle rédaction a été adoptée dans le cours de la séance, seront disposés dans un nouvel ordre, divisés en sections, et lus en entier à la séance du lendemain soir.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre et pour expliquer un fait. (Nonl nonf)
J'observe à M. Merlin que l'ordre du jour appelle la discussion des articles...
L'ordre du jour appellera telle question qu'il voudra. Personne n a le droit de m'empêcher de parler quand je veux faire une motion d'ordre. (Murmures). Je demande qu'il soit décrété qu'aucune force publique n'approchera de l'Assemblée et des établissements qui y tiennent qu'à une distance d'au moins cinquante toises. (Rires et exclamations.) Je plaide ici la cause de
tous les représentants du peuple. Ils ne doivent apporter à l'Assemblée que le résultat des impulsions de leur conscience et de leur propre conviction...
Un membre : Ils doivent apporter un cœur pur.
Ils ne doivent apporter dans cette enceinte que le résultat de leurs combinaisons.
Plusieurs membres : Ce n'est pas l'ordre du jour.
M. Merlin a la parole ; je demande qu'elle lui soit continuée.
Qu'on dise ce qu'on voudra, ie parlerai. Monsieur le Président, je vous prie ae me maintenir la parole, parce que je parle en vertu de la Constitution et pour elle. Je prie les amis de la Constitution de m'accorder le silence, au nom du respect qu'ils lui doivent.
Messieurs, je sortais avec M. Grangeneuve et je me rendais au comité de surveillance par l'allée qui conduit au grand escalier et qui a sur sa gaucne le chœur que l'on dit des Feuillants. Là, Messieurs, qu'ai-je trouvé à la porte ? J'ai trouvé, je ne sais... ce sont des sbires, des janissaires... (Murmures prolongés,).
Voix diverses : A l'ordre ! à l'ordre ! — Au fait ! au fait !
Un membre : Monsieur le Président, je demande que M. Merlin soit rappelé à l'ordre pour avoir insulté à la garde nationale.
Plusieurs membres : A l'ordre du jour !
J'ai le droit de venger ici la dignité du peuple français, outragé dans l'un de ses représentants.
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour!
On demande à passer à l'ordre du jour...? (Oui! oui!)
Monsieur le Président, invitez l'opinant à se renfermer dans son fait et maintenez-lui la parole.
(s"adressant à M. Merlin). L'Assemblée nationale désire que vous vous borniez à l'exposé du fait dont vous vouliez lui rendre compte.
J'y suis. (Rires prolongés.) Je ne crois pas que ce soient des gardes nationales, parce que je crois les gardes nationales trop dans l'esprit de la Constitution.
Plusieurs membres: Passons & l'ordre du jour!
Je vais mettre aux voix l'ordre du jour.
(avec violence). Non! non!
Si vous ne m'écoutez pas, je vais passer à la barre! (Murmures.)
Il a raison, il faut l'entendre.
demandent qu'on ne passe pas à l'ordre du jour et qu'on entende M. Merlin.
(L'Assemblée est dans une vive agitation ; plusieurs membres parlent dans le tumulte. M. Grangeneuve monte à la tribune ; M. Merlin le pousse dehors et y reste seul.)
M. Merlin veut dénoncer un fait ; nous devons l'entendre.
Il est inconcevable qu'on veuille passer à l'ordre du jour.
Je dis qu'en allant au comité de surveillance j'ai été arrêté ; je ne dis pas parles gardes nationales parce que ce sont les amis de la liberté, ce sont les soutiens de la Constitution.
J'ai été arrêté par des sbires, des janissaires (Murmures.), qui m'ont traduit, en déchirant mon habit, au bureau des Feuillants, et qui, là, m'ont voulu forcer à rendre compte de ma conduite, moi qui allais à mon comité avec M. Grangeneuve. Sansla garde nationale, peut-être un représentant du peuple aurait-il été accablé par de mauvais citoyens. (Murmures.) C'est la garde nationale qui m'a arraché à leurs mauvais traitements; c'est la garde nationale qui a protégé mon passage jusqu'au bureau des Feuillants.
Je demande que ce délit soit dénoncé à l'officier de garde et qu'on entende les factionnaires. (Applaudissements dans les tribunes.)
Un membre court vers le bureau et s'écrie : Je demande que dans ce moment-ci tous les représentants du peuple français jurent, dans cette Assemblée, ae ne jamais paraître dans aucun club. (Oui!oui!). L'on vient dans l'Assemblée apporter l'esprit de parti.
Conduit enfin devant M. Guillotin qui présidait l'assemblée des Feuillants, j'ai demandé si j'étais dans le sanctuaire des Droits de l'homme et du citoyen. On m'a répondu : oui. Et dans le même moment où l'on m'assurait de ma liberté individuelle, une multitude effrénée tombait sur moi et m'arrachait hors de la salle par la porte du chœur des Feuillants.
Un membre : Il faut prouver tout cela ! (A Vordre ! à l'ordre !)
Un autre membre : Cela est vrai! (Vive agitation.)
On me conduisit au comité de surveillance où l'on me laissa parce que les commis voulurent bien me reconnaître.
Je demande la parole. (Parlez ! parlez!)
Plusieurs membres : Le renvoi au commissaire de la salle !
D'autres membres : Levez la séance! (Grand bruit.)
On fait plusieurs propositions sur lesquelles je vais consulter l'Assemblée. L'une est que je lève la séance; elle est appuyée (Non! non!)\ la seconde est que M. Grangeneuve soit entendu; la troisième est le renvoi à MM. les commissaires de la salle.
Un membre : Ce sont les commissaires de la salle qui sont les chefs de la Société des Feuillants.
J'appuie le renvoi au comité d'inspection de la salle et je demande que MM. les commissaires se retirent à l'instant pour s'assurer des faits. En vertu de la Constitution, M. le Président de l'Assemblée nationale est chargé de la police de la salle et de l'enceinte où se trouvent les établissements de l'Assemblée. Qu'il s'informe de ce qui s'y est passé, et qu'il se serve de la force publique pour empêcher que l'asile des représentants du peuple ne soit violé.
Un membre : Il ne l'est pas !
Si, il l'est!
Monsieur le Président, je dis qu'il ne doit être introduit, ni dans l'intérieur ni a l'extérieur de la salle, aucune force armée qu'en vertu de votre ordre ; et je demande que vous vous informiez s'il y a maintenant une force armée à l'extérieur de la salle. Si elle existe, je demande qu'elle n'agisse que par votre ordre.
Il est temps de terminer des scènes qui déshonorent l'Assemblée; il est temps de prendre des précautions pour qu'elles ne se reproduisent plus. Il faut que les commissaires s'assemblent sur-le-champ, qu'ils éclaircissent le fait dénoncé par M. Merlin et qu'ils vous en rendent compte.
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Je demande à parler contre la proposition de M. Gérardin. (Ah! ah!) Je demande que M. Merlin fasse par écrit une déclaration qui sera renvoyée aux commissaires de la salle pour prendre les éclaircissements nécessaires. Un représentant du peuple ne doit compte de sa conduite qu'à l'Assemblée nationale. Il ne faut donc pas renvoyer M. Merlin aux commissaires de la salle; mais seulement sa déclaration.
Je vais plus loin que M. Gérardin. Je reconnais comme lui que la police de l'Assemblée et de ce qui l'environne n'appartient qu'au Corps législatif; mais je demande, en outre, que l'Assemblée décrète qu'aucun club, aucune société particulière ne pourra se réunir dans cette enceinte. (Applaudissements dans les tribunes.)
Un membre : J'amende la proposition, et je demande qu'il n'y en ait aucune dans les murs de Paris. (Murmures.) Je crains la tyrannie de ces sociétés.
Je dis que, d'après la Constitution, l'Assemblée ne peut pas se dispenser de rendre le décret qu'on vient de lui proposer, qui est d'exclure toutes sociétés de son enceinte, et en voici la raison. Comme il est déjà arrivé au club des Feuillants des circonstances désagréables, ce serait à l'Assemblée nationale qu'appartiendrait la connaissance de ces sortes ae délits, parce qu'ils sont commis dans l'intérieur des locaux de l'Assemblée. Messieurs, vous l'avez déjà reconnu pour une affaire qui s'est passée à l'imprimerie Baudouin; et ici la raison est la même. (Non!non!) De plus, vous avez des comités dans cette enceinte, et ils ne doivent pas être distraits dans leurs opérations par les bruits qu'entraînent les discussions du club des Feuillants.
Un membre : Et des Jacobins.
Je demande donc qu'à l'instant l'Assemblée nationale décrète qu'aucune société ne pourra s'assembler dans son enceinte. (Applaudissements dans les tribunes.)
(L'Assemblée est dans une vive agitation.)
Un membre : Comme les Jacobins (1) sont la première cause des événements qui se sont passés aux Feuillants et qu'ils troublent tout le royaume, je demande que tous les membres de l'Assemblée se fassent une loi de n'aller dans aucun club.
Un membre : Je demande qu'aucun membre de l'Assemblée ne puisse être membre d'un club, à peine d'être déclaré indigne de la confiance de ses commettants (Applaudissements.)
J'appuie de toutes mes forces la proposition qui est faite à l'Assemblée de charger les commissaires de la salle de prendre connaissance des faits... (Murmures.)
Plusieurs membres entourent la tribune.
Un membre : Monsieur le Président, faites vider la tribune et rétablissez le calme dans
l'Assem-
Un débat scandaleux n'a que trop longtemps rempli cette séance; mais puis-qu'enfin le public a été témoin de ces détails, j ose dire indignes de l'Assemblée, il doit connaître les mesures que vous prendrez pour faire cesser ce scandale, et pour tranquilliser le peuple sur les suites.
Le club des Feuillants, — il faut tout dire sans déguisement, puisque nous sommes sur cette question, — le club des Feuillants a sans doute la prétention d'être dévoué à la Constitution; celui des Jacobins l'aime aussi, puisqu'il a été le berceau de la liberté... (Murmures.).
Un membre : Il n'est pas question de cela..
et qu'il professe les mêmes principes; mais enfin, il s'élève dans Paris une rivalité dangereuse d'émulation, de patriotisme, qui ne peut être qu'un ferment de discorde et de trouble pour tout le royaume.
Je demande la. parole.
Je le dis avec la sincérité d'un bon citoyen, je le dis avec la plus profonde persuasion : tant que les députés ae l'Assemblée nationale se pareront de couleurs différentes de celles qu'ils doivent porter tous, les couleurs purement nationales; tant qu'ils se livreront à des débats particuliers, à des délibérations qui formeront nécessairement coalition et parti, je dis qu'il n'y aura pas de tranquillité dans l'Assemblée nationale, si nous n'y mettons un frein.
Je le demande, Messieurs, non pas comme un décret, non pas comme une loi, mais comme un témoignage de notre union, de notre fraternité mutuelle, de notre dévouement à la Constitution. Je m'engage et je demande que chacun de nous s'engage à ne jamais paraître dans aucune assemblée délibérante hors du sein de l'Assemblée nationale. Je le demande au nom de la patrie à qui nous devons tous nos moments ; et je dis qu'il est sans doute heureux que des citoyens étrangers à l'Assemblée nationale s'éclairent dans ces sociétés, mais qu'il est toujours dangereux, toujours funeste, que des députés de l'Assemblée nationale s'y trouvent. (Appuyé! appuyé ! Vifs applaudissements dans l'Assemblée et dans les tribunes.)
Méssieurs, un député se rendant à son comité par le passage ordinaire qui y conduit a été arrêté...
aîné.Je demande la permission d'interrompre l'opinant parce que cela est faux.
Plusieurs membres: A l'ordre! à l'ordre! (Vive agitation.)
Un membre : J[e demande, Monsieur le Président, que vous rappeliez l'Assemblée au respect qu'elle se doit à elle-même.
Je supplie l'Assemblée de prendre un état plus calme, sans quoi il est impossible de continuer la séance.
Je demande que la séance soit levée, et qu'il n'y ait plus de séance du soir. (Bruit:)
J'ai dit qu'un député se rendant à son comité, par le passage ordinaire qui y conduit, avait été arrêté par des hommes armes. (S'adressant à M. Mosneron.) Monsieur m'a dit que c'était faux.
aíné . Oui! Monsieur.
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre ! (Grand tumulte.)
aîné. On m'interpelle.
Je prends acte de l'interruption, et je demande que Monsieur soit rappelé a l'ordre.
Voix diverses : Appuyé! — Non ! non !
Est-il possible, est-il tolé-rable qu'à llnsu de l'Assemblée nationale et lors-
Su'elle n'a donné aucun ordre dans l'enceinte
es bâtiments qui composent ses bureaux, un membre de l'Assemblée soit arrêté par des trou-
Ses armées? Bien plus, Messieurs, est-il toléra-
le, peut-on supporter qu'un membre de l'Assemblée nationale soit traduit devant une société ?
Un membre : Cela n'est pas vrai ; il a demandé à y entrer lui-même !
Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre !
aîné. Monsieur le Président, je vous somme de rappeler Monsieur à l'ordre; c'est votre devoir. (Appuyé! appuyé!)
Est-il possible qu'un représentant de la nation...
Un membre : Vous l'avez déjà dit.
Un membre : Je demande que le premier qui interrompra soit conduit à l'Abbaye.
Est-il possible qu'un représentant de la nation...
Plusieurs membres à droite : Assez! assez !
(se tournant vers la droite). Si vous m'empêchez de parler je ferai retentir dans toute la France ce que je n aurai pas pu dire ici. Je vous dénoncerai tous, oui, tous. ( Vifs applaudissements dans les tribunes. Murmures et exclamations dans VAssemblée.) Les véritables bornes de l'Assemblée sont celles de l'Empire français. Je réclame ici vengeance pour un outrage fait à un représentant de la nation qui allait à son devoir, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, dans cette enceinte dont la police est tout entière confiée à l'Assemblée nationale elle-même. Il s'agit de savoir aujourd'hui si vous prisez plus le club des Feuillants que les représentants du peuple. (Applaudissements dans les tribunes. Murmures dans l'Assemblée.)
Je demande, parce qu'il faut arriver à quelque chose de précis et qui puisse procurer la justice que l'Assemblée nationale se doit à elle-même, qui puisse la procurer au représentant de la nation dont la personne a été indignement violée; je demande, dis-je, que l'officier de la garde extraordinaire, qui a présenté la baïonnette sur la poitrine d'un député, soit mandé à la barre, pour savoir pourquoi ce membre a été repoussé. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Appuyé! appuyé!
Je demande que la motion ne soit pas mise aux voix, car elle compromet l'officier de garde et M. Grangeneuve lui-même.
Je prie M. Grangeneuve de répéter sa motion.
Je demande que l'officier commandant le poste qui a arrêté M. Merlin, et ils étaient quatre fusiliers qui l'ont touché, qui lui ont présenté le bout du fusil...
In membre : Vous avez d'abord parlé de baïonnettes!
Baïonnettes ou fusils cela ne fait rien; M. Merlin a été insulté. Je demande
que l'officier vienne à la barre à l'instant pour expliquer cette conduite.
Plusieurs membres : Appuyé! appuyé!
[L'Assemblée décrète la motion de M. Grange-neuve tendant à mander l'officier de garde à la barre. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) ]
J'ai des choses à dire dans ce moment à l'Assemblée, et qui sont très importantes au retour de l'ordre et à l'union qui doit régner entre nous, mais qui ne conviennent pas dans l'agitation où nous sommes.
Je viens d'envoyer un des huissiers chercher l'officier de garde.
Je viens d'apprendre que le commissaire de police qui assistait à la séance du club des Feuillants, a dressé un procès-verbal, . et je crois que ce qu'il y a de mieux est de faire lire ici ce procès-verbal. (Non! non!)
Oh! Grands dieux! un procès-verbal des Feuillants !
Je demande que le commissaire de police soit entendu.
J'ai fait exécuter à l'instant le décret rendu par l'Assemblée nationale. J'ai envoyé un huissier, et le compte qui est rendu est que la garde qui était à la porte du club des Feuillants, était une garde uniquement établie pour cette société. L'ordre ayant été rétabli et les portes étant fermées depuis longtemps, il n'y a absolument personne, et on ne peut trouver l'officier commandant.
Plusieurs membres: Monsieur le Président, mettez aux voix le renvoi aux commissaires inspecteurs de la salle.
(L'Assemblée décrète le renvoi de cette affaire aux commissaires de la salle pour en faire le rapport demain.)
(La séance est levée à neuf heures et demie.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la, séance du lundi 26 décembre, au matin.
Je viens réclamer votre attention sur le sort des greffiers des juges de paix. De tous les agents du pouvoir judiciaire, ils sont les plus occupés et les moins salariés ; vous savez que leur traitement ne consiste que dans une somme fixe de 200 livres et dans les émoluments attachés aux expéditions des jugements des juges de paix. D'après un décret de l'Assemblée constituante, ils sont tenus de remettre, le 1er janvier prochain, les minutes de ces jugements. 11 arrivera, par la disposition de cette loi, qu'ils seront prives d'une partie de leur traitement, et que le fruit de leur travail passera entre les mains des greffiers du tribunal. Pour obvier à cette injuste application, qui n'a jamais été dans l'esprit de la loi, je demande que vous prorogiez jusqu'au 1er janvier 1793 l'obligation imposée par la loi du 26 octobre 1790 aux greffiers des juges de paix de remet-
tre au greffe du tribunal les minutes des jugements rendus par les juges de paix, et qu'à 1 avenir ils aient deux ans pour faire cette remise.
(L'Assemblée renvoie la motion de M. Mayerne au comité de législation.)
Un membre ht un projet de décret relatif au payement des arrérages des rentes constituées par le roi aux créanciers tant perpétuels que viagers, de M. Clément Barville, pour prix de la vente de la terre de Montgommery (1); il demande que l'impression du projet soit ordonnée et que la discussion soit ajournée à jeudi.
Un membre expose à l'Assemblée qu'avant la Révolution il avait été fait, en faveur de M. Clément Barville, un échange du domaine de Pont-Audemer et ae la forêt de Montfort, contre le comté de Montgommery ; que cet échange a été annulé, mais que le sieur Clément Barville, pendant qu'il était possesseur du domaine de Pont-Audemer et delà forêt de Montfort, se soumit, en faveur dedivers particuliers, à des rentes viagères que la nation paye depuis le résiliement de l'échange, et qu'elle ne devrait pourtant pas payer.
(L'Assemblée renvoie ces observations et le projet de décret aux comités des domaines et de liquidation réunis.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Oudet, officier municipal de Paris, qui fait hommage à l'Assemblée d'un écrit ayant pour titre : « Observation sur la pétition faite le 5 décembre 1791. » et relatif aux troubles religieux et aux décrets rendus contre les émigrànts et les prêtres.
(L'Assemblée agrée l'hommage de M. Oudet et en ordonne la mention honorable au procès-ver-bal.)
, au nom du comité de la Trésorerie nationale, propose à l'Assemblée d'entendre un rapport qu'il est prêt à lui faire sur le versement de fonds à faire de la caisse de l'extraordinaire dans celle de la Trésorerie nationale.
(L'Assemblée ajourne ce rapport à demain.)
Un de MM. les secrétaires annonce une adresse des citoyens de la ville de Sainte-Foy-sur-Dordogne, qui remercient l'Assemblée nationale de ses deux décrets contre les rassemblements des Français émigrés et contre les troubles religieux; il annonce, en outre, diverses autres adresses et pétitions.
(L'Assemblée renvoie toutes ces adresses et pétitions au comité des pétitions.)
Je demande la parole pour un fait important. Le conseil général du département
d'Iûe-et-Vilaine se plaint ae ce que l'on a supprimé la loi concernant les passeports. Cette
suppression autorise une foule de brigands soi-disant patriotes à se réunir dans les
différentes contrées ae ce département. Lorsque la gendarmerie nationale veut les arrêter,
ils ont en poche un exemplaire de la Constitution, ils font lire l'article qui permet à
chacun d'aller et venir; et au moyen de ce prétexte, ils se donnent parole, se réunissent la
nuit, vont dans les campagnes, se rendent maîtres des maisons des cultivateurs, mettent ces
malheureux à la torture pour obtenir d'eux la déclaration de l'endroit où ils ont déposé leur
argent; et, après les avoir dépouillés, ils finissent par les assassiner et mettre le feu à
leurs maisons.
J'ose vous dire que c'est une manœuvre des ennemis de la chose publique; ils semblent être soudoyés pour s'entendre, pour sonner l'alarme, le trouble et le désespoir dans les campagnes. Je prie donc l'Assemblée de prendre en considération cette demande et de pourvoir aux moyens les plus sûrs et les plus efficaces d'y remédier.
Plusieurs membres formulent les mêmes plaintes, au nom de leurs départements. . (L'Assemblée charge son comité de législation de lui présenter jeudi un projet de décret sur les moyens à prendre pour faire cesserces désordres.)
MM. Buzot, président du tribunal criminel de VEure, et Letellier, ancien maire de la ville d"Evreux, dénoncent à l'Assemblée nationale le directoire et le conseil général du département de l'Eure, pour avoir imposé, en 1791, pour les ponts et chaussées, 500,000 livres sans aucun devis préalable pour les travaux de cette nature. Voilà les pièces qui sont jointes à l'appui, c'est le cas de renvoyer à un comité. (Oui ! oui!)
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de l'ordinaire des finances.)
, au nom des commissaires aux archives. Vos commissaires aux archives vous ont présenté un pfojet de décret (1) sur les mesures à prendre pour assurer la conservation des pièces déposées aux archives par les comités de VAssemblée constituante et pour leur communication; vous avez ordonné l'impression de ce projet de décret; j'ai l'honneur de le soumettre aujourd'hui à la discussion :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses commissaires aux archives, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les minutes et originaux des actes émanés des Assemblées nationales ou de leurs comités;
les minutes, les originaux et collections des lois; les actes authentiques et pièces déposés
aux archives en vertu de décrets des Assemblées nationales; les pièces originales, pouvant
servir, soit à constater la situation des finances à quelque époque que ce puisse être, soit à
l'instruction d'une procédure criminelle ou à la recherche de quelque délit, ne seront jamais
transportées hors des archives, sans un décret formel. Ces pièces seront communiquées aux
membres de l'Assemblée et autres personnes qui les demanderont, mais sans déplacement : si
quelque comité juge nécessaire d'en avoir une copie, il enverra un ae ses secrétaires-commis
pour en prendre dans le
Art. 2.
« Il sera procédé sans délai au triage et à l'inventaire général sommaire de tous les papiers remis aux archives par les comités de l'Assemblée constituante, et encore existants dans ce dépôt. L'inventaire sera fait double; une copie demeurera aux archives; les cahiers de la seconde copie, à mesure qu'ils seront achevés, seront communiqués aux comités respectifs qu'ils intéresseront, comme étant relatifs a l'objet de leurs travaux, à l'effet par chacun d'eux de désigner les pièces qui, n'étant pas de la nature de celles que spécifie 1 article premier, pourront leur être communiquées avec déplacement.
Art. 3.
« Pour dresser cet inventaire, l'archiviste est autorisé à prendre, de concert avec les commissaires aux archives, des commis extraordinaires dont le traitement cessera aussitôt l'achèvement de l'inventaire. Les divers comités de l'Assemblée pourront nommer chacun un ou deux membres, à l'effet d'assister comme commissaires, si bon leur semble, au triage et à l'inventaire, sans néanmoins que l'opération, des progrès et de l'état de laquelle il sera rendu compte à l'Assemblée, par ses commissaires aux archives, à la fin de janvier prochain, puisse être retardée par le défaut de nomination des commissaires des comités, ou par leur absence.
Art. 4.
« Il sera tenu aux archives un registre en parties doubles, dont chaque feuillet sera divisé en deux colonnes, dans l'une desquelles sera inscrite la sortie de toutes les pièces déplacées à la demande des comités, et dans la colonne parallèle immédiatement à côté, et sous le même numéro, la rentrée de ces mêmes pièces, à mesure qu'elles seront rétablies.
Art. 5.
« La note des pièces demandées par les comités contiendra le numéro sous lequel elles seront cotées dans l'inventaire; la demande en sera formée par une délibération du comité, laquelle indiquera ceux de ses membres auxquels les pièces devront être remises : ils en donneront leur récépissé sur le registre dont il a été parlé au précédent article, avant qu'elles puissent être remportées des archives, après que les notes ou états de demandes auront été communiqués par l'archiviste aux commissaires surveillant les archives.
Art. 6.
« Les membres délégués par les comités pour recevoir de l'archiviste, sous leur récépissé, les pièces demandées en vertu de délibérations, veilleront à leur conservation, et les feront remettre aux archives, lorsqu'elles ne seront plus nécessaires aux comités. L'archiviste fera mention de la rentrée sur le registre, dans la colonne voisine de celle qui sera chargée de la sortie.
Art. 7.
« Les divers comités de l'Assemblée qui se trouvent avoir présentement en leur possession des pièces appartenant aux archives, en feront faire des inventaires dont ils feront passer copie aux archives, pour compléter l'inventaire général. A l'égard des pièces qui leur seront à l'avenir envoyées par l'Assemblée, chaque comité les fera inventorier à mesure qu'elles lui arriveront, fournira tous les 3 mois un double de son inventaire aux archives pour y rester en dépôt, et y fera remettre à la même époque toutes les pièces qui concerneront les affaires terminées dans l'intervalle.
Art. 8.
« Aucune expédition autre que celles qui sont données sous la signature des secrétaires ae l'Assemblée, ne sera délivrée que sous celle de l'archiviste, ou, dans le cas prévu par l'article 4 des décrets des 4 et 7 septembre 1790, sous celle des commissaires aux archives ; il ne sera fait usage d'aucun autre sceau que de celui de l'Assemblée pour les extraits des procès-verbaux, et de celui des archives pour toutes autres expéditions. Les recherche, communication, collation des pièces, signatures et appositions du sceau, continueront à être absolument gratuites. »
(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de Vextraordinaire; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
* J'ai l'honneur de vous adresser le relevé approximatif des domaines nationaux vendus et à
vendre au 1er novembre dernier, dans 91 districts, dont les états
sont parvenus depuis le 17 décembre jusqu'au 27 au soir : ce relevé monte à 270,589,714
livres, lesquelles, jointes aux 233,264,528 livres fournies par les 239 districts compris
dans les premiers relevés, forment un total de 1,503,854,242 livres pour 330 districts.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : amelot. »
2° Lettre des commissaires de la garde nationale de Port-au-Prince qui transmettent à l'Assemblée un exemplaire collationné du Concordat (1), par lequel ils ont reconnu les droits des citoyens de couleur; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« En exécution du décret de l'Assemblée nationale, nous avons reconnu les droits des hommes de couleur; nous vous envoyons le Concordat que nous avons fait avec eux. . « Nous sommes avec respect, etc.
« Signé : Les commissaires représentant des gardes nationales de Port-au-Prince. (.Applaudissements.)
, au nom du comité de Vextraordi-
Lorsque l'Assemblée nationale constituante a rendu le décret du 24 juin dernier, concernant les certificats de résidence des créanciers de l'Etat, elle avait en vue, ainsi que vous, Messieurs, lorsque vous avez rendu celui du 13 de ce mois, d'opposer une barrière aux efforts des ennemis de la chose publique, qui intriguent sans cesse pour faire sortir le numéraire du royaume.
Vous avez voulu que les sommes que la nation répand avec tant de munificence pour indemniser les propriétaires d'offices supprimés, ne pussent être employées à soudoyer nos ennemis, et à acheter des traîtres; mais ce but ne sera qu'imparfaitement rempli tant que vous n'assujettirez as les propriétaires de reconnaissances de liqui-ation a justifier de leur résidence, comme les autres créanciers de l'Etat.
En effet, Messieurs, personne de vous n'ignore qu'une très grande masse de la dette exigible appartient aux émigrés. Votre décret du 13 de ce mois empêche bien qu'ils ne soient payés en assignats à la caisse de l'extraordinaire, mais rien ne s'oppose à ce qu'au moyen des reconnaissances ae liquidation, soit provisoires, soit définitives, ils n'emploient leurs fonds au payement ae biens nationaux.
Cette facilité peut anéantir en grande partie l'effet du décret du 13 de ce mois. Les Français émigrés sont à même, dans l'état actuel des choses, de recevoir à chaque instant des reconnaissances de liquidation pour des sommes énormes : ne pouvant pas en obtenir le payement, par le délaut de résidence, ils ont la facilité d'acquérir, des domaines nationaux, et de donner ces reconnaissances en payement; or, Messieurs, ils peuvent revendre ces biens l'instant d'après, et réaliser ainsi leurs reconnaissances de liquidation sans avoir produit de certificat de résidence.
Tel est l'abus que le comité de l'extraordinaire des finances a cru devoir vous dénoncer, il pense qu'il est Urgent de le faire cesser ; dans cette vue, il vous propose, Messieurs, d'astreindre les propriétaires des reconnaissances de liquidation qui veulent les employer en payement des biens nationaux à justifier : 1° de leur résidence dans le royaume depuis 6 mois, conformément au décret du 13 ae ce mois ; 2° de l'acquit de leurs contributions conformément au décret du 29 juillet dernier.
On ne vous objectera pas, Messieurs, que c'est une atteinte portée à la propriété, puisqu'il ne s'agit pas ici de priver des citoyens de la jouissance ae leurs droits, mais uniquement de régler les formalités d'après lesquelles quelques-uns d'entre eux pourront être admis à une faveur de la loi.
Dans l'exacte justice, les propriétaires d'offices n'ont autre chose à prétendre que leur payement à la caisse de l'extraordinaire, après leur liquidation définitive; mais? comme nécessairement, une très grande quantité de porteurs de reconnaissances de liquidation a dû se présenter en mêmetemps, il est arrivé que la caissede l'extraordinaire ne pouvant payer tout le monde à la fois, une partie des créanciers liquidés a été obligée d'attendre. D'un autre côté, des oppositions ae créanciers ont arrêté les payements de quelques autres.
C'est à leur égard que l'Assemblée nationale a décrété que les reconnaissances définitives de liquidation seraient admises en payement des biens nationaux. C'est une faveur qu'elle leur a faite en leur procurant la jouissance directe et immédiate de leur titre avant qu'il fût réalisé.
La faveur est encore plus grande vis-à-vis de ceux qui n'ont que des reconnaissances provisoires : or, Messieurs, personne ne contestera, je pense, que le législateur qui accorde des grâces, des facilités, n'ait le droit de prescrire les formalités et les conditions d'après lesquelles chacun pourra être admis à la jouissance ae ces faveurs.
La proposition de votre comité n'a donc rien de contraire au respect dû à la propriété; et l'Assemblée nationale qui, jusqu'ici, a écarté àvec tant d'énergie les obstacles et les fausses terreurs que les partisans secrets des Français rebelles n'ont cessé de semer à l'entour d'elle, montrera véritablement son respect pour les propriétés, lorsqu'elle prendra des mesures pour que la propriété nationale ne soit pas employée à fournir des ressources à ces hommes qui ont osé former le coupable dessein de porter le ravage au milieu des propriétés de leurs concitoyens. : Ce serait ici le lieu d'examiner s'il convient que le liquidateur général continue d'expédier des titres admissibles au payement des biens nationaux, et s'il doit exercer ainsi des fonctions d'ordonnateur; car une reconnaissance de liquidation n'est autre chose qu'un mandat de payement en domaines nationaux; certes, les principes d'ordre et ceux de la comptabilité réclament contre ces dispositions.
Il faut bien que le liquidateur général atteste que tel homme a des titres suffisants pour être reconnu créancier de l'Etat pour une telle somme, et c'est là l'objet que remplit la reconnaissance de liquidation, mais il ne faut pas que cette reconnaissance soit un titre payable à vue, il faut qu'elle subisse d'autres formalités; et sans doute que l'agent qu'il convient d'employer pour cet objet est le commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire. Celui qui est cnargé de suivre les ventes des domaines nationaux, gage des assignats, doit réunir dans sa main tous les actes qui peuvent en diminuer la valeur : cela est d'autant plus essentiel, qu'à chaque instant, il doit connaître la situation du remboursement, et qu'il ne le peut, dans l'ordre de choses actuel, qu'en obtenant du liquidateur général l'état des reconnaissances qui existent en concurrence avec les assignats.
Votre comité a pensé que ces questions étant naturellement liées au mode de remboursement, ce serait anticiper sur la discussion qui doit avoir lieu à cet égara, que de vous proposer de les décider aujourd'hui : il croit qu'elles doivent être ajournées pour être traitées lorsque le rapport relatif au mode de remboursement des liquidations vous sera présenté ; il se borne actuellement à vous proposer les formalités qui doivent être remplies par les porteurs de reconnaissances de liquidation, jusqu'à ce que le mode de remboursement soit définitivement décrété. Je vous propose, en conséquence, le projet de décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de 1 extraordinaire des
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Tout citoyen français porteur de reconnaissances de
liquidation, soit provisoires, soit définitives, ne pourra être admis à les faire recevoir en
payement de biens nationaux, qu'autant qu'il y joindra les certificats exigés des créanciers
ae l'Etat, par les décrets des 24 juin, 29 juillet et 13 décembre 1791.
« Art. 2. En cas de cession ou transport de reconnaissances de liquidation, les porteurs seront tenus de faire, pour les premiers propriétaires en faveur desquels lesdites reconnaissances auraient été délivrées, les justifications prescrites par l'article précédent.
« Art. 3. Les receveurs de districts seront responsables du montant de toutes les reconnaissances de liquidation qu'ils admettraient, sans que ces formules eussent été exactement remplies.
« Art. 4. Les dispositions portées en l'article 2 seront applicables aux reconnaissances définitives dont le montant doit être acquitté par la caisse de l'extraordinaire.
« Art. 5. Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi.
(L'Assemblée ordonne l'impression du projet de décret et ajourne la discussion à demain.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret du comité de liquidation tendant à assujettir à la retenue d'impositions les intérêts des capitaux liquidés (1).
, rapporteur, donne lecture des articles 2 et 3 qui sont adoptés sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 2.
« L'intérêt moratoire des sommes adjugées judicieusement, soit aux créanciers de l'Etat, soit à ceux des corps et communautés ecclésiastiques ou laïques, sera calculé sur le même pied et sujet à la même retenue. »
Art. 3.
« Cette retenue sera pareillement faite sur les intérêts dus pour raison des contrats souscrits par les communautés religieuses, les corporations judiciaires et les communautés d'arts et métiers, les pays d'Etats, et généralement sur tous intérêts dus par la nation, comme succédant aux débiteurs originaires dans tous les cas où les débiteurs n'auraient pas été autorisés par lettres patentes dûment enregistrées, à stipuler la non-retenue d'impôts, ainsi que sur tous intérêts moratoires.
, rapporteur, donne lecture de l'article 4, qui est ainsi conçu :
Un membre : Je demande qu'après les mots : Les renies à quatre pour cent, on mette « et autres d'un taux inférieur ».
(L'Assemblée adopte l'amendement; puis décrète l'article 4.)
(Suit la teneur de cet article) :
Art. 4.
« Les rentes de 4 0/0 et au-dessous seront exemptes de la retenue, lorsque les parties l'auront ainsi stipulé. »
(L'Assemblée se retire dans les bureaux pour procéder à l'élection d'un vice-président et de quatre secrétaires, en remplacement de M. François ae Neufchâteau, vice-président, nommé président, et de MM. Grangeneuve, Thuriot, Gensonné et Fau-chet, secrétaires sortants.)
(L'Assemblée rentre en séance.)
Je viens de recevoir une lettre de M. Pétion, maire de Paris, relative à la discussion qui s'est ouverte dans la dernière séance (1) sur la force armée qui avait été introduite dans l'enceinte des bâtiments occupés par les comités, pour protéger la Société des Feuillants.
Un membre : L'ordre du jour ; ne renouvelez pas cela !
Plusieurs membres : Non! non! La lecture!
donne lecture de cette lettre, qui est ainsi conçue :
« Paris, le 27 décembre 1791.
« Monsieur le Président,
« 11 m'était difficile de prévoir que des mesures, sollicitées §vec instances par des membres de l'Assemblée nationale, nécessaires pour le maintien de l'ordre et exigées par les circonstances les plus pressantes, deviendraient un sujet de plaintes. Depuis plusieurs jours je remplis un devoir pénible : placé entre le peuple et la société des Feuillants, opposant sans cesse la loi à l'opinion, redoutant à chaque instant les scènes les plus affligeantes ; si j eusse pu croire que ces soins douloureux m'étaient interdits, que les Feuillants étaient placés dans une enceinte où ne s'étendait pas ma sollicitude, avec quel empressement j'aurais embrassé cette idée, et que je me fusse senti soulagé: mais cette pensée ne s'est pas encore présentée à mon esprit. Voidi sans doute ce qui m'en a éloigné.
« Un décret sur la police municipale exige (ce sont ses expressions) que ceux qui
voudraient élever des sociétés ou clubs, soient tenus, à pèine de 200 livres, de faire
préalablement, au greffe de la municipalité, la déclaration des IieuXj jour et heure de la
réunion; en cas de récidive, l'amende est de 500 livres. Toutes les sociétés, comme tous les
individus qui se rassemblent, sont donc sous la surveillance de la police, et ont droit à sa
protection. Une société qui croit sa tranquillité menacée, sa liberté attaquée veut appeler
la loi à son secours ; il faut de toute nécessité ici que ce soit ou l'Assemblée nationale
qui prête son appui aux Feuillants, ou que ce soit la police; car enfin, le trouble doit
être ré-
« Dans une pareille position, si la Société des Feuillants se trouve réunie dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, on peut dire que c'est cette société qui viole cette enceinte, et non pas le magistrat dont on provoque la surveillance, et que son devoir y appelle. Mais les limites de cette enceinte respectable sont-elles clairement tracées? je ne le pense pas. Il serait difficile de dire avec précision, où elles commencent, où elles finissent. La plus légère distribution isolerait absolument l'église des Feuillants des autres bâtiments que l'Assemblée occupe. D'ailleurs, si ces lieux sont connus avec quelque exactitude, c'est par le président de la Société des Feuillants qui a un usage habituel du local, et qui, tant en son nom, qu'en celui de 264 membres du Corps législatif, m'a écrit différentes lettres pour solliciter la présence d'un commissaire de police aux séances de cette société, pour solliciter toutes les précautions de prudence et tous les moyens de répression. Quel était le but des mesures qui ont été prises, de prévenir, d'empêcher que le bruit ne retentisse aux portes de l'Assemblée? Au moindre mouvement, aux plus légères alarmes on double la garde, on environne l'Assemblée d'un plus grand nombre de citoyens armés ; on fait prendre de nouveaux postes sans en frapper les oreilles de M. le président, qui se repose avec une juste confiance sur le zèle, sur la vigilance et sur l'amour de ces défenseurs de la liberté et des magistrats qui dirigent la force publique. Je ne cesserai, dans toute occasion, ae donner à l'Assemblée nationale des preuves du plus entier dévouement.
« Je suis, avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé : PÉTION. »
« P.-S. — Je vous prie, Monsieur le Président, d'engager l'Assemblée nationale à décider promp-tement si elle regarde que le lieu de la séance de la Société des Feuillants est renfermé dans son enceinte. Et si, en conséquence, c'est à elle à y exercer la police. Dans le cas de l'affirmative, vous voudrez bien transmettre directement vos ordres à M. le commandant de la garde nationale parisienne. »
Je demande la parole.
Un membre : Il est clair que l'église des ci-devant Feuillants fait partie de l'enceinte de l'Assemblée nationale. Les comités avoisinant cette église sont dans les mêmes bâtiments, et la Société des Feuillants, par le bruit qu'elle fait tous les jours aux portes, doit nécessairement interrompre ou les membres des comités ou les commis qui y travaillent.
Je renouvelle donc aujourd'hui la motion que j'ai faite hier au soir; c'est qu'il soit décrété qu'aucun club, aucune société ne pourra s'établir dans les dépendances du lieu ou l'Assemblée tient ses séances. (.Applaudissements.)
J'appuie cette motion avec
d'autant plus de raison, que la porte du club des Feuillants est contiguë à celle au comité de surveillance. Hier, la porte du comité était obstruée par une foule de gens armés. Ainsi, de deux choses l'une, ou il faut chasser de l'Assemblée le comité de surveillance, ou il en faut chasser le club des Feuillants.
Je n'ai pas bien compris l'objet de la lettre de M. le maire de Paris. Sans aoute, le maire de Paris s'est toujours conduit d'une manière à ne pas mériter de plainte. Par conséquent, il me paraît extraordinaire qu'il écrive une lettre pour s'ex-cuSer sur cet objet, quand réellement on ne lui a fait aucune inculpation.
Plusieurs membres : Le renvoi aux commissaires-inspecteurs de la salle !
D'autres membres : Non! non! Aux voix la motion!
Je demande que vous mettiez aux voix la motion qui a été faite hier soir et qui a été renouvelée aujourd'hui, à savoir qu'aucune société ne pourra s'assembler dans les bâtiments des ci-devant Capucins ou Feuillants. (Applaudissements.)
Un membre : Et des ci-devant Jacobins. (Murmures.)
Si les Jacobins troublaient les occupations de l'Assemblée, ils s'éloigneraient d'eux-mêmes; j'en ferai du moins la motion.
En appuyant la proposition qui a été faite, ie n'ai pas prétendu demander la dissolution de la Société des Feuillants. Je demande qu'aucun club, aucune société ne puisse se former ni se rassembler dans l'enceinte dépendant de l'Assemblée nationale, et cela, parce que s'il y arrive encore des troubles, il est fort désagréable pour l'Assemblée, qui a la police de son enceinte, de voir, à la porte de la salle, un commissaire de police donner des ordres. Voilà quelles ont été mes intentions.
Je demande qu'on ajourne au moins la motion de M. Delacroix jusqu'après le rapport des commissaires-inspecteurs ae la salle. (Murmures.)
L'un de MM. les commissaires est prêt à faire son rapport ; il est à la tribune.
, au nom des commissaires-inspecteurs de la salle. Messieurs, vous avez chargé vos commissaires-inspecteurs de prendre des informations et de vous faire un rapport sur des voies de fait que deux membres du comité de surveillance se sont plaints d'avoir essuyés hier, de la part de la garde nationale, l'un à la sortie du comité, l'autre en s'y rendant. Vous vous rappelez, Messieurs, quels sont les faits qui vous ont été énoncés, hier, à la séance du soir ; nous ne vous en retracerons pas le tableau.
Ce qui a fixé le plus l'attention de vos commissaires-inspecteurs, a été de remonter à la source, et de savoir par quels ordres a été donnée la consigne, qui a coupé aux députés une communication dont ils avaient joui sans obstacle. Nous nous sommes assemblés hier, après la séance, nous avons écrit à M. le maire de Paris, pour avoir quelques éclaircissements sur la force armée, étrangère à la police ët à la garde de l'Assemblée nationale qui se trouvait, hier au soir, dans le corridor conduisant aux Feuillants. Nous l'avons prié d'ordonner aux officiers qui
étaient de garde et au commissaire de police qui était aux Feuillants, de se rendre aujourd'hui à 10 heures, au bureau des commissaires. Ces Messieurs s'y sont rendus. Nous avons conféré avec eux, et voici ce qu'ils nous ont déclaré.
, chef de la première légion et commandant général de la garde nationale parisienne, nous a dit, qu'en conséquence des ordres de M. le maire,: il avait ordonné à M. Pinon, chef de la 5e légion, de commander des détachements suffisants pour maintenir la police aux environs et dans la Société des Feuillants, dans le cas où il s'élèverait quelque tumulte; qu'il avait recommandé à M. Pinon de confier le commandement de ces détachements, à l'officier en qui il reconnaîtrait le plus de prudence et de fermeté ; qu'il l'avait prié surtout de n'agir que de concert et sur les ordres des commissaires de police qui devaient, d'après les ordres de M. le maire ae Paris, se trouver à la Société des Feuillants. Les factionnaires placés dans le couloir l'ont été par les ordres de M. le commandant général. Le poste placé au haut de l'escalier aans l'intérieur du corridor, au premier étage des Feuillants, a été établi pour empêcher que le peuple, qui se portait en foule dans le chœur des Feuillants, ne formât des rassemblements. Quant à ce qui s'est passé à l'égard de M. Merlin, dans le chœur de l'église des Feuillants, il résulte du procès-verbal dressé par le commissaire de police de la section des Tuileries et des détails qu'il nous a donnés de vive voix, que M. Merlin était fort animé, parce qu'il avait été arrêté par un factionnaire, et que la garde nationale l'a protégé contre les excès auxquels plusieurs citoyens, piqués des propos très vifs qui lui étaient échappés auraient pu se porter.
Votre comité a pensé, Messieurs, qu'après toutes ces explications,les malentendus qui avaient pu arriver dans la consigne, et tout ce qui en avait été la suite, ne devaient pas fixer#otre attention ; mais voici. Messieurs, quelques mesures pour prévenir désormais de pareils inconvénients.
Votre comité, Messieurs, a l'honneur de vous observer qu'ayant été autorisé par un décret à placer les divers bureaux, secrétariats et comités nécessaires aux travaux de l'Assemblée, dans les ci-devant maisons des Feuillants et Capucins, il a laissé à la disposition des administrateurs des domaines nationaux, toutes les parties qui n'étaient pas employées au service de l'Assemblée nationale. 11 en a été fait un état le 10 de ce mois, de concert avec les commissaires de régie. Le chœur intérieur de l'église des Feuillants, la moitié de la nef, le dessous de l'atelier de David et la sacristie, font partie des objets qui ont été jugés inutiles pour l'Assemblée, aont par conséquent il a été permis aux administrateurs des domaines nationaux de disposer par bail ou location.
Votre comité a prévu qu'il serait possible que la régie des domaines nationaux plaçât dans les bâtiments des ci-devant Feuillants et Capucins des citoyens dont le genre de commerce et de métier pourrait incommoder l'Assemblée, et il a mis dans l'acte qui autorise les régisseurs à louer, la clause qu ils ne pourraient le faire sans en avoir prévenu les comités. Aucune partie du bâtiment des Feuillants n'est encore louée par la régie, mais elle a prévenu le comité que, dans le courant de cette semaine, elle ferait procéder à la location de l'église, du chœur des Feuillants, ainsi que de plusieurs autres objets. Dans ces circonstances, votre comité a pensé, d'après ce
qui était arrivé à la Société des Feuillants les 23 et 26 de ce mois, que le rassemblement d'un grand nombre de citoyens qui, par des mesures de police, nécessite pour sa protection une force armée chargée de garder des passages communs aux membres d'une société particulière et à ceux de l'Assemblée nationale, présentait de grands inconvénients; qu'il .était de son devoir de faire cesser non seulement toutes causes, mais encore tout prétexte de trouble dans le voisinage de l'Assemblée. Il s'en est réservé les moyens dans la permission donnée aux administrateurs des domaines nationaux. Il s'agit seulement de leur notifier que l'intention de l'Assemblée nationale est qu'aucune partie des bâtiments des ci-devant Feuillants et Capucins ne soit louée pour y établir des sociétés particulières, et que la clause expresse en soit mise dans l'adjudication ou dans le bail, afin que les locataires ne puissent pas y contrevenir. C'est ce que votre comité fera dans le jour même, si vous l'y autorisez par le décret dont voici le projet :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses commissaires-inspecteurs, les charge de prendre les mesures convenables pour
?ue dans 1 enceinte des bâtiments des ci-devant
euillants et Capucins, il ne soit établi aucune société particulière, et que les parties laissées à la disposition des administrateurs des domaines nationaux ne soient louées qu'à des citoyens dont le genre de commerce ou le métier ne puisse incommoder l'Assemblée ni troubler les travaux de ses comités ».
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé 1 Aux voix!
(L'Assemblée adopte ce projet de décret à l'unanimité.)
, au nom du comité de l'extraordinaire des finances fait un rapport sur une affectation de 30 millions d'assignats à la caisse de l'extraordinaire ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, lorsque votre comité de l'extraordinaire des finances vous proposa, le 19 de ce mois, une nouvelle création de 300 millions en petits assignats, il avait pour objet d'assurer le service des caisses publiques et à fournir à la circulation de nouveaux moyens d'échange que l'agiotage lui rendait chaque jour plus nécessaires. Ce dernier avantage résulte des nouvelles coupures que vous avez adoptées. Le peuple n'aura plus à se plaindre de la disparition des assignats de petite valeur ; il ne sera plus à la merci de ces spéculateurs habiles qui, chaque jour, abusent de ses besoins et pourraient tromper sa bonne foi.
Mais en prenant de sages mesures pour l'avenir, en ordonnant de petits assignats, vous avez, Messieurs, augmenté la difficulté de l'administration. Les anciennes créations d'assignats touchent à leur terme et les nouvelles ne sont pas encore commencées. Cependant, les dépenses habituelles ne sauraient être Suspendues, et les dépenses extraordinaires reçoivent de fréquents accroissements. Il faut donc pourvoir, par des moyens extraordinaires, aux besoins du moment, et arriver à l'époque où les nouvelles fabrications seront en pleine activité. C'est sur cet objet important que votre comité de l'extraordinaire des finances m'a chargé de vous présenter les projets suivants.
Comme, en matière de finances le premier devoir est de bien se faire entendre et que toute opération obscure devient nécessairement sus-
pecte, j'entrerai dans quelques détails dans lesquels je montrerai que les créations d'assignats, antérieurs à votre session, vont être épuisées, et que celles que vous avez ordonnées ne peuvent encore suffire à nos besoins.
Il y a longtemps que les dépenses publiques ont absorbé les assignats de la première création ; et les 600 millions, créés le 19 juin dernier, l'étaient en grande partie, le 1er octobre. Le 21 de ce mois, il ne restait de cette création, à la caisse de l'extraordinaire, qu'une somme de 74,087,063 livres ; sur cette somme, il faut déduire 35,581,063 livres, qui sont dues à la Trésorerie nationale pour les avances qu'elle a faites pendant le mois d'octobre dernier, 22,358,000 livres qu'il faut réserver pour l'échange des billets de caisse d'escompte, qui sont encore en circulation; enfin, 16 millions auxquels on peut évaluer la dépense de la caisse de l'extraordinaire jusqu'au 1er janvier.
A cette époque, il ne restera donc de la création faite le 19 juin, qu'un peu plus de 1,484,628 lix vres, somme insuffisante pour subvenir aux besoins des caisses publiques pendant un seul jour. Les fabrications que vous avez ordonnées par vos décrets des 1er septembre ét 8 décembre derniers, n'auront encore rien produit au 1er janvier, parce que les ateliers n ont été occupés, jusqu'à présent, qu'à achever la fabrication des assignats de la création du 19 juin, et des 100 millions d'assignats de 5 livres créés par le décret de l'Assemblée constituante du 28 septembre, pour être échangés contre les assignats de plus forte valeur.
Vous avez déjà, Messieurs, disposé de 25 millions de ces assignats pour faciliter le service de la Trésorerie, qui, en les recevant, a remis une somme d'assignats de pareille valeur. Vous avez ordonné que 60 millions seraient envoyés dans les départements pour y être aussi échangés. La fabrication de ces 60 millions ne sera achevée que vers la fin de ce mois; et il restera encore a fabriquer 15 millions en assignats de 5 livres, pour compléter les 100 millions décrétés le 28 septembre. La fabrication ordonnée le 1er novembre ne peut donc vous fournir aucune ressource avant le 10 janvier. Cependant, vous voyez que le service de janvier commencera avec une somme de 1,484,628 livres et que vous devez y pourvoir par des moyens extraordinaires.
Plusieurs se sont présenté à votre comité; mais tous ont des inconvénients, et c'en est déjà un très grand que de ne pas suivre la route tracée. Les changements les plus faciles à saisir, dans le moment où l'on opère, deviennent souvent, dans la suite, une cause d'obscurité; et comme il est intéressant que la nation puisse connaître toujours la situation exacte ae ses finances, il est nécessaire de lui présenter toujours cette situation sous une forme assez claire, pour n'être susceptible d'aucun doute.
Vous avez décrété, le 17 de ce mois, une création de 300 millions d'assignats, destinés au service des caisses publiques. Aujourd'hui, ce moyen ne saurait remplir votre objet. Il faut donc trouver une avance quelconque sur ces 300 millions; et lorsque la fabrication en sera faite, vous en déduirez une somme égale à celle qui aura été fournie. Votre comité de l'extraordinaire pouvait trouver une ressource suffisante ou dans remploi de 93 rames de papier pour assignats de 200 livres, déposées aux archives, ou dans les assignats de 300 livres et au-dessous, provenant de réchange des assignats de 5 livres, et destinés
eux-mêmes à être échangés contre des assignats de 2,000 livres et de 1,000 livres; mais en adoptant le premier moyen, c'était renouveler une forme d'assignats déjà très abondante dans la circulation, et que le peuple verrait se multiplier avec peine; en adoptant le deuxième, c'était ressusciter des assignats destinés à être brûlés, et par conséquent jeter des doutes sur la fidélité des brûlements.
Un troisième moyen s'est offert à votre comité; et comme il ne présente aucun inconvénient, comme il sera suffisant, pourvu que les directeurs de la fabrication et ae l'émission des assignats soient fidèles à leur promesse, votre comité a cru devoir vous le présenter. Je vais reprendre les choses plus haut, afin de jeter le plus grand jour sur cette nouvelle mesure.
Peu de temps après avoir décrété la création de 600 millions de livres, l'Assemblée constituante ordonna en sus, le 29 janvier dernier, la fabrication de 30 millions en assignats de 200 livres, destinés à être échangés contre des assignats de 200 livres. A cette époque, la fabrication pouvait à péine fournir aux besoins journaliers. Les assignats de 200 livres, au lieu de servir à l'échange déterminé, furent mis en circulation dans un moment où la caisse de l'extraordinaire était sur le point de cesser ses paiements. Il fut convenu qu'aussitôt que les besoins seraient moins urgents, on prélèverait sur la création des 600 millions pareille somme de 30 millions, laquelle remplacerait dans leur destination les 30 millions dont on aurait fait usage. Depuis cette époque, la caisse de l'extraordinaire n'a jamais eu assez de fonds pour pouvoir sans danger délivrer ces 30 millions d'assignats, et ce n'est qu'à présent que cette mesure a pu être effectuée ; mais, comme il ne restait plus a fabriquer, sur les 60 millions, que des assignats de 100, 60 et 50 livres ; ces 30 millions sont composés de ces trois différentes valeurs, et en plus grand nombre des deux dernières. Ces 30 millions d'assignats destinés à des échanges n'ont point encore été mis en circulation; ils sont neufs, et presque tous de 50 à 60 livres. Votre comité a vu très peu d'inconvénients à s'en servir pour le bien du service.
Votre comité ne croit pas, Messieurs, devoir fixer dès à présent contre quels assignats cette nouvelle somme devra être échangée. Il est très possible que les assignats de 2,000 livres et de 1,000 livres qui, pendant longtemps, ont surchargé la circulation, deviennent successivement très rares, car les grandes affaires doivent naturellement se faire avec des signes représentant de grandes valeurs. D'après ces observations, voici le projet de décret (1) que je suis chargé de vous présenter.
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que, d'après l'état, par aperçu, remis par le
commissaire du roi à la caisse de l'extraordinaire, il ne restera au Ie" janvier prochain,
pour fournir au service de cette caisse, qu'une somme de 1,484,628 livres en assignats de la
création du 19 juin 1791, et que les fabrications ordonnées les 1er novembre et 8 décembre
derniers, ne peuvent fournir aucune ressource pendant les premiers jours du mois prochain,
décrète qu'il y a urgence. »
L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
Art. 1er.
« La somme de 30 millions en assignats, provenant de la création du 29 juillet dernier, et destinée, par le décret de ce jour, à retirer de la circulation pareille somme en assignats de 2,000 livres, sera employée au service de la caisse de l'extraordinaire.
« Ces 30 millions seront remplacés par 10 mil-lions en assignats de 25 livres, fO millions en assignats de 10 livres et 10 millions en assignats de 5 livres, à prendre sur la création des 300 millions, faite par l'article 2 du décret du 17 de ce mois. Cette nouvelle somme servira à retirer de la circulation les assignats de plus forte valeur, qui seront indiqués par l'Assemblée nationale.
Art. 2.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
, au nom du comité de liquidation, fait un rapport et présente un projet ae décret sur l'augmentation des commis au bureau général de la liquidation (1) ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez lu. dans le mémoire du directeur général de la liquidation sur l'état actuel de cet établissement, les motifs qui sollicitent une augmentation de commis au bureau des pensions.
Le directeur général observe qu'il est intéressant, et par justice, et par humanité en faveur des pensionnaires, de donner plus de célérité à cette opération, dont l'exécution est et a dû être soumise à des procédés sévères. Les retards, dans la décision du sort des pensionnaires, n'apportent aucun soulagement au Trésor public, puisque les pensions vérifiées courent du 1er janvier 1790.
Il observe que de cette plus grande rapidité il peut, il doit résultér une économie pour
le Trésor public, qu'il porte à six millions parce que. en attendant la vérification de
leurs pensions, tous les ci-devant pensionnaires (les émigrants exceptés) reçoivent un
provisoire qui peut s'élever à 2,400 livres pour ceux âgés de plus de 50 ans; que, parmi les
ci-devant pensionnaires qui touchent ainsi un provisoire, il y en a une très grande quantité
a qui il ne reviendra rien par le travail définitif qui se fera sur leurs pensions,
lorsqu'on sera arrivé à leur âge : il s'en trouve un exemple dans les listes que nous vous
proposons de décréter. Celle, coté 8e état, comprend des pensionnaires qui, d'après les
vérifications faites tant sur leurs services et leurs facultés, que sur les motifs de leurs
concessions, ne sont pas dans le cas d'obtenir une pension ou secours, mais bien dans celui
d'un rejet absolu: le total de cet état monte à 389,721 1. 2 s. 6 d. Cependant, jusqu'au
jour où votre décret sera rendu, ces pensionnaires pourront toucher, comme
Le commissaire du roi observe qu'un décret de l'Assemblée constituante lui a renvoyé la liquidation des pensions, gratifications et indemnités à accorder, d'après les bases déterminées par ce décret, aux employés ci-devant attachés à la ferme générale, a l'administration des domaines, à la régie, aux intendances, aux administrations des pays d'Etats, et des régimes particuliers d'impôts; qu'on ne lui a point accorde en même temps de fonds, ni de commis, ni d'emplacement, en raison de cet accroissement immense de travail ; qu'il a cependant formé un commencement d'établissement pour cet objet, et loué un bureau où il y a quelques commis choisis, mais trop peu nombreux. Le commissaire du roi demande une augmentation de dépense pour ce bureau ; il la porte à trente six mille livres; votre comité, qui a suivi les détails et l'exactitude de ce travail, ne trouve point la demande exagérée, et vous propose de décréter « que cette somme lui sera allouée par forme d'augmentation aux dépenses annuelles de la direction générale de liquidation, et applicable, savoir : 50,000 livres au bureau des pensions, et 6,000 livres au bureau de la liquidation des maîtrises et jurandes » qui a de même besoin de secours.
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant : 1° combien il est important d'accélérer le travail général et définitif de toutes les pensions à la charge de l'Etat, et de faire ainsi cesser, dans le plus court délai, le payement des secours provisoires attribués par les décrets du corps constituant à un grand nombre d'individus ci-devant pensionnés sur le Trésor public, et qui n'ont aucuns droits, ni par leurs services, aux récompenses nationales, ni par leurs besoins aux secours de l'Etat; 2°, que le travail de la liquidation des maîtrises et jurandes intéresse une classe nombreuse de citoyens, dont les besoins pressants sollicitent la plus prompte expédition; après avoir entendu son comité de liquidation, décrété qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Il sera remis par la Trésorerie nationale, entre les mains et sous la responsabilité du sieur Dufresne-Saint-Léon, commissaire du roi, directeur général de la liquidation, la somme de 36,000 livres, à raison ae 3,000 livres par mois, à partir du 1er janvier 1792 : laquelle somme lui sera allouée par forme d'augmentation, et sera appliquée, savoir : 30,000 livres au bureau des pensions et 6,000 livres au bureau de la liquidation des maîtrises et jurandes. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et en ajourne la discussion à trois jours.)
, au nom du comité de liquidation, fait un rapport et présente un projet de décret relatif à différents pensionnaires de l'Etat, nés en 1715
.EMENT AIRES. [27 décembre 1791.] 435
et dans les années suivantes (1), d'après les états qui en ont été dressés par le commissaire liquidateur. Il s'exprime ainsi :
Messieurs, votre comité de liquidation a entendu les rapports du commissaire du roi, relativement au travail sur les pensions. Afin de pouvoir juger sainement si l'exactitude scrupuleuse qu exige un pareil travail avait été observée, il a d'abord fallu qu'il se pénétrât de l'esprit des décrets rendus sur cette matière par l'Assemblée constituante ; et c'est ce flambeau à la main, qu'il a parcouru les détails de ce genre de liquidation. Le rapport que nous allons vous soumettre, comprenant des pensions et secours de toute nature, sous des dénominations différentes et sur des fonds distincts, nous avons pensé qu'il était de notre devoir de faire précéder ce rapport de quelques développements sur les bases et les conséquences des décrets d'après lesquels se fait cette opération.
La loi du 22 août 1790, qui supprime toutes les pensions, dons, traitements, etc., existant avant le 1er janvier 1790, ou accordés depuis, renferme des dispositions fondamentales, divisées en trois titres.
Le premier titre contient les règles générales sur les pensions et autres récompenses pour l'avenir.
Le titre second contient les règles particulières concernant les récompenses pécuniaires qui
Ïieuvent être accordées à ceux qui ont servi 'Etat dans la guerre, dans la marine, dans les emplois civils, dans les sciences, les lettres et les arts.
Ces deux titres peuvent être considérés comme le code, d'après lequel doivent être jugées toutes les demandes à fin de pensions, gratification ou récompense quelconque à l'avenir. Mais l'Assemblée constituante, qui avait principalement en vue de poser des bases invariables pour la concession des récompenses nationales, et en même temps de réduire les dépenses excessives qui résultaient des masses énormes et désordonnées de pensions et grâces précédemment accordées, a reconnu en même temps qu'il était de l'humanité, et même de la justice de la nation, de ne pas appliquer subitement et sans restriction la rigueur des nouveaux principes à toutes les pensions et grâces alors existantes; et, quoiquelle ait entendu en assujettir la revision à la sagesse des dispositions générales, elle a pensé que l'âge avancé de beaucoup de pensionnaires, la retraite d'un grand nombre d'autres, déterminée par les lois et des règlements particuliers qui leur assuraient le prix de leurs services, quoique cessés plutôt que ne l'exige la loi nouvelle, qui ne pou • vait pas être prévue; que beaucoup d autres circonstances, qui semblaient avoir autorisé un certain nombre de ces concessions ; que la jouissance enfin sur laquelle tant d'individus se reposaient depuis longtemps, et qu'ils ne pouvaient remplacer d'aucune manière; que toutes ces considérations rendaient nécessaires des dispositions d'exception, relativement à la situation de quelques pensionnaires ; et ces motifs ont déterminé le titre III de la loi du 22 août.
Il est bon d'observer cependant que, même d'après ce titre III, il ne peut pas être
accordé une pension plus forte que 10,000 livres, excepté aux vieillards de plus ae 70 ans ;
et que les secours destinés à remplacer les pensions qui ne
Il s'agissait, d'après cette nouvelle loi, de procéder à l'examen et au remplacement ou rejet des anciennes pensions. Le comité de l'Assemblée constituante reçut les mémoires de tous les ré clamants, ét se proposa d'exécuter lui-même cette opération, dont tous les détails qu'elle devait entraîner, n'avaient pas pu être même présumés lors de la discussion théorique des principes. Bientôt surchargés d'une opération trop considérable pour pouvoir être alliée aux devoirs que devaient remplir les législateurs, membres du comité des pensions, ils renoncèrent au partage qu'ils s'étaient fait de l'examen des mémoires des pensionnaires de tout âge, et réunirent leurs efforts à l'effet de consommer le rapport des pensions dont jouissaient les personnes âgées de plus de 75 ans à l'époque de la loi du 22 août 1790; et ils en ont fait décréter successivement trois états, en février, avril et juillet 1791 : encore les pensions de plusieurs personnes de l'âge relatif ne sont-elles pas comprises dans ces trois états, soit parce que leurs mémoires ne se trouvèrent pas produits à cette époque, soit parce qu'ils furent ajournés pour plus ample examen ; et le comité, avant la un de la législature, en a fait remettre les pièces à la direction générale de liquidation, à laquelle le travail sur les pensions avait été réuni par le décret qui l'a institué : C'est donc à la direction générale de liquidation que se fait le travail de Pexamen des pensions.
A ce noyau principal des pensions, Bientôt se sont réunis des objets accessoires, qui ont multiplié à l'infini les opérations du bureau qui y a été destiné : tels sont la liquidation des arrérages accumulés au 1er janvier 1779, connus sous le nom de décomptes ; la reconstitution en rentes viagères des intérêts d'arrérages qui étaient aussi accumulés en 1766, et dont on payait 6 0/0 en viager ; l'examen et la rapport des demandes de toutes les personnes qui prétendaient devoir être reconnues Vainqueurs ae la Bastille et être admises aux récompenses nationales; les secours provisoires décrétés en faveur des personnes qui en avaient précédemment, obtenu sur les fonds de la loterie, sur ceux du Port-Louis, et sur un fonds particulier de la ferme générale. A la répartition de ces secours ont ensuite été admis par décrets, tous ceux qui étaient portés sur des caisses supprimées, dont les fonds ont été reversés au Trésor public : par exemple, les veuves des officiers ministériels, et autres qui étaient employés sur des fonds de communautés supprimées. Avant d'admettre les prétendants à cette répartition, il faut que le commissaire liquidateur ait préalablement fait, auprès des corps administratifs, la vérification des facultés et de la situation des pétitionnaires.
On a encore réuni à ce département l'exécution de la loi du 31 juillet dernier, qui détermine les bases d'après lesquelles on doit accorder des retraites ou gratifications aux employés des fermes et régies, supprimées par les décrets, et prononcer sur les demandes en indemnités formées par ceux qui ont essuyé des pertes. Cette opération intéresse peut-être 25,000 individus.
Le rapport que nous avons l'honneur de vous soumettre renferme à peu près toutes les espèces de concessions autorisées par les lois nouvelles; vous y trouverez :
• Des pensions recréées : ce sont celles accordées
à des fonctionnaires publics à qui la durée et la nature de leurs services ont permis de faire l'application des principes et des dispositions des titres I et II de la loi du 22 août 1790.
Ces pensions doivent être payées sur le fonds invariable de 10 millions, désigné par l'article 14 du titre Ier ;
Des pensions rétablies : ce sont celles qui, d'après le titre III, peuvent être conservées comme ayant été obtenues antérieurement ou conformément à des règlements existans lors de la retraite des pensionnaires.
Celles-ci ne peuvent être accordées qu'à des pensionnaires anciens, et dont le motif disparaîtra avec eux, et ne peut plus être invoqué à l'avenir. Elles seront payées sur des fonds particuliers, aux termes^de l'article 18 du titre III;
Des pensions rejetées : ce sont celles accordées précédemment à des personnes qui, d'après les vérifications du commissaire du roi sur leurs services, et celles faites auprès des corps administratifs sur leurs facultés, ne se sont trouvées dans aucun des termes prescrits, soit pour être recréées suivant les deux premiers titres, soit pour être rétablies en vertu du titre III, soit pour obtenir des secours, d'après l'article 17 du même titre III ; et ces pensions doivent être définitivement rayées de l'état du Trésor public.
Ce rapport contient aussi des sommes accordées à titre ae gratifications, payables sur le fonds de 2 millions à ce destiné par l'article 14 du titre Ier ;
Des sommes accordées à titre d'indemnité, et payables comme dettes de l'Etat, aux termes de l'article 8 du même titre ;
Des sommes accordées à titre de secours viagers, et en remplacement de pensions qui ne peuvent être conservées ; ces secours payables sur le fonds de 2 millions décrétés par l'article 15 du titre ni;
Des sommes accordées provisoirement en remplacement d'autres secours, et payables sur la somme de 150,000 livres distraite du fonds ci-dessus de 2 millions, par décret du 20 février 1791.
Il est bon d'obseryer que ce fonds de 2 millions doit s'éteindre à mesure que les personnes qui y prennent part, mourront ; sauf a l'Assemblée nationale à en conserver une partie, pour être appliquée, d'après les règles qu'elle établira, à des cas inadmissibles suivant la loi, mais impérieux pour l'humanité, à raison de l'urgence des besoins qui les provoquent.
A chaque article du projet de décret, que' nous avons l'honneur de vous proposer, est joint un état nominatif dans lequel sont détaillés les motifs vérifiés de la concession et des services, et les articles des lois qui les autorisent.
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de liquidation, qui lui a rendu compte des états dressés par le directeur général de la liquidation, annexés au présent décret, et des vérifications relatives auxdits états, faites par le directeur général, décrète ce qui suit :
Art. 1er. Les pensions énoncées au premier état montant à la
somme de 537.2031. 1 s. 11 d., pour les personnes nées en 1715 et au-dessus, 1716, 1717,
1719, 1720, 1722, 1723 et 1724, seront recréées et payées sur les fonds ordonnés par
l'article 14 au titre Ier de la loi du 22 août 1790, à compter du 1er janvier de ladite année
1790.
« Art. 2. Les pensions énoncées au deuxième état montant à la somme de 281,431 1. 3. s. 4 d., pour les personnes nées en 1715 et au-dessus,
1716, 1717,1718, 1719, 1720, 1722, 1723 et 1724, seront établies conformément aux articles 5,6,7, 8, du titre III de la loi du 22 août 1890, et payées à compter du 1er janvier 1790, sur les fonds ordonnés par l'article 18 du titre III de la loi susdatée concernant les pensions en général.
« Art. 3. Sur le fonds de 2 millions de secours, établi par l'article 15 du titre III de la loi du 22 août 1790, il sera payé la somme de 17,300 livres aux personne^ comprises au 3e état annexé au présent décret.
« Art. 4. Sur le fonds de 150,000 livres, ordonné par le décret du-20 février 1791, et en conformité, tant dudit décret que de celui du 18 août dernier, il sera payé par le Trésor public:
1° La somme de 36,000 livres aux personnes dénommées au 4e état annexé au présent décret;
2° Celle de 3,600 livres, aux personnes dénommées aux 5e et 6® états, également annexés au présent décret; le 5e état, de $,150 livres; et le 6e, de 450 livres, pour leur tenir lieu des secours dont elles jouissaient précédemment sur les fonds de leurs communautés supprimées, et pour les remplir des sommes qu'elles auraient touchées, jusqu'au 1er janvier 1792 ; sauf à statuer définitivement, d'après le rapport qui en sera fait par le comité de liquidation, sur le remplacement annuel desdits secours : laquelle somme de 3,600 livres sera remise par le payeur du Trésor public au bureau du département de police de la municipalité de Paris, sur le récépissé de son président, qui sera tenu de justifier ae l'emploi de ladite somme au directoire du département ; lequel en certifiera l'Assemblée dans le mois, à compter de la publication du présent décret.
« Art. 5. Sur le fonds de 2 millions, destiné aux gratifications par l'article 14 du titre Ier de la loi du 22 août 1790, il sera payé à Louis-Nicolas Doré, la somme de 1,000 livres par an, sa vie durant, à compter du 1er janvier 1790, pour lui tenir lieu d'une gratification de 10,000 livres, aux termes de l'article 12 du titre III de la loi du 22 août 1790.
A Georges-François Berthereau, ci-devant religieux bénédictin de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, une gratification de 1,000 livres pendant chacune des années 1791 et 1792.
A Charles-Louis-Théodat Taillevis-de-Périgny, lieutenant de vaisseau, une gratification extraordinaire, et une fois payée de 3,000 livres, le tout pour les causes énoncées au 7e état annexé au présent décret.
« Art. 6. Les pensions énoncées au 8e état, annexées au présent décret, montant à la somme de 10,825 livres pour les personnes dénommées audit état, seront converties en rentes viagères sans retenue, à la charge de l'Etat, à compter du 1er janvier 1790, jour de la suppression desdites pensions, conformément à l'article 8 de la loi du 22 août 1790.
« Art. 7. Il sera payé par le Trésor public au sieur Jault, conformément à l'article 8 au titre Ior de la loi du 22 août 1790, la somme de 8,250 livres, en remplacement de deux pensions ; l'une de 500 livres, et l'autre de 300 livres, accordées par brevets de 11 avril 1777 et 10 décembre 1780, pour prix de deux collections de titres originaux concernant le domaine de la Couronne, l'histoire, les fiefs et la généalogie, qu'il a recueillis à grands frais et remis a la bibliothèque du roi,
ainsi qu'il ' est détaillé plus au long dans le 9e état annexé au présent décret.
Tous lesquels payements seront faits de la manière et aux Conditions portées par les précédents décrets de l'Assemblée nationale.
« Art. 8. A l'égard des pensions comprises dans le 10° état annexé au présent décret, montant à la somme de 389,721 1. 2 s. 6 d., et qui étaient partagées entre les personnes dénommées audit état, l'Assemblée décrète que ladite somme demeure définitivement rejetée des états et pensions à la charge du Trésor publia
« Art. 9. Sur la réclamation du sieur Messon-nier de Valcroissant, mestre de camp de dragons, qui demande le payement de différentes sommes : 1° les frais de trois voyages en Corse2 ainsi qu'une indemnité pour la perte de ses équipages ; 2° six mois de ses appointements, comme employé dans l'état-maj or des troupes envoyées en Corse en 1764; 3° 11,400 livres pour le dernier quartier du traitement qu'il avait à l'armée ottomane, traitement que le ministre a fait cesser au 1er octobre 1771 ; 4° un dédommagement pour la perte de 4,150 arpents de terrains, que le roi lui avait accordés par arrêt du conseil du 28 juin 1776, en considération de ses services seuls, relatifs à la Corse, et qui, selon ledit sieur de Valcroissant, ont été joints, de la manière la plus illégale, à la concession faite à M. de Marbœuf. L'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a lieu à liquider les trois premiers articles demandés par ledit sieur de Valcroissant, attendu que ces répétitions paraissent avoir été soldées par des gratifications et indemnités accordées à différentes époques audit sieur de Valcroissant, et, en outre, parce que, suivant une lettre de M. de Vergennes, en date du 1er avril 1775, ce ministre lui annonce qu'en lui allouant : 1° 1,875 livres pour remboursement de frais des courses de janissaires ; 2° le remplacement d'une retenue de 399 livres pour frais d'un interprète à l'armée turque ; 3° une gratification de 2,400 livres pour dédommagement d'une course de M. son frère : le roi a en même temps jugé inadmissibles les autres demandes dudit sieur de Valcroissant, notamment celle d'un quartier de son traitement.
Qu'à l'égard de la quatrième réclamation dudit sieur de Valcroissant, c'est pardevant les tribunaux qu'il doit se pourvoir pour se faire réintégrer dans sa propriété des 4,150 arpents de terrain qui lui ont été concédés en Corse, s'il est vrai qu'il en ait été injustement évincé.
« Art. 10. Quant à la réclamation du sieur Ma-thé, qui se plaint qu'en 1760, lors de son retour en France, un capitaine, commandant pour la compagnie des Inaes à Lorient, lui a supprimé un congé honorable, et qui lui constatait, ait-il, une retraite d'invalide de 252 1. 10 s. par an, l'Assemblée décrète qu'il n'y a lieu à délibérer, attendu que le fait dont se plaint ledit sieur Ma-thé est un délit personnel qui doit être poursuivi dans les tribunaux par les voies ordinaires contre le délinquant ou ses représentants.
« Art. 11. A l'égard au sieur Nicolas Roussel, qui expose que, le 22 juin dernier, un garde national de Beauvais, étant en faction, et voulant montrer l'exercice, son fusil partit inopinément; qu'il atteignit le sieur Roussel père, et l'étendit mort sur la place, ce qui a déterminé le sieur Roussel fils à demander un secours pour aider la veuve et les enfants dudit Nicolas Roussel ; l'Assemblée nationale décrète que ledit sieur Roussel ayant été tué par accident, et non dans l'exercice d'un service public, la demande de son fils
n'est point admissible, attendu qu'aucun des articles de la loi sur les pensions et secours ne peut lui-être applicable. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et en ajourne la discussion à huitaine.)
, au nom du comité de liquidation, fait un rapport et présente un projet de décret (1) relatif à différents pensionnaires de VEtat nés en 1715 et dans les années précédentes; il s'exprime ainsi :
Messièurs, indépendamment de ce décret d'exécution sur ces différents états, nous avons l'honneur de vous en proposer un autre, dont les dispositions nous ont paru devoir procurer l'avantage de tous les pensionnaires. Votre comité a pensé qu'il serait à propos de décréter que les sommes allouées provisoirement, pour 1790 et 1791, aux pensionnaires dénommés dans les trois états rapportés par le comité des pensions de l'Assemblée constituante, et décrétés les 1er février, 24 mars et 2 juillet 1791, demeureront définitivement fixées pour leur tenir lieu de nouvelles pensions ; et qu'il leur en sera expédié de nouveaux brevets sans préjudice aux droits de ceux de ces pensionnaires qui croiront devoir demander la revision du travail qui les concerne.
Voici, Messieurs, les motifs qui nous ont paru devoir déterminer ce décret.
Le travail du comité a été fait conformément aux principes, à l'établissement desquels il avait coopéré lui-même ; et, quand on en ferait la revision, il y a lieu de présumer qu'on arriverait aux mêmes résultats. Cependant ces états comprennent 800 et quelques pensionnaires : l'examen et la vérification de leurs services doivent être longs nécessairement; et comme il faudrait s'y livrer sans aucun délai, ce travail apporterait nécessairement de l'interruption dans le courant ordinaire des autres vérifications, et du retard dans les décisions qui intéressent les autres pensionnaires.
D'ailleurs, le plus jeune des pensionnaires, compris auxdits trois états, a actuellement 77 ans; chacun d'eux est très pressé de jouir, et est dails le cas de profiter du bénéfice ae l'âge, _ même aux termes de la loi.
Il ést d'autres observations auxquelles nous avons été conduits par l'examen que nous avons fait des opérations du commissaire du roi, et par ses propres réflexions, sur des cas où il est fort difficile d'appliquer la loi, sur d'autres qu'elle n'a pas prévus ; enfin, sur des moyens de justice distributive qui nous ont paru mériter d'être réfléchis. Nous n'avons pas assez présumé de nos lumières, pour arrêter et vous présenter aujourd'hui ce plan d'observations. Nous les méditerons de nouveau, en les rapprochant encore de la pratique et des éléments ae cette opération intéressante, et sur laquelle le commissaire du roi, dans son mémoire sur la liquidation, imprimé par ordre de l'Assemblée, a annoncé qu'il donnerait un autre mémoire très détaillé; et nous vous demandons, Messieurs, la permission de vous les présenter lors de notre second rapport.
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que l'humanité lui fait un devoir d'accélérer la
fixation du traitement définitif à faire aux pensionnaires
« Les sommes accordées provisoirement à titre de secours, pour les années 1790 et 1791, [aux pensionnaires nés en 1715 et dans les années précédentes, dénommés dans les trois états décrétés par l'Assemblée constituante, les 1er février, 24 mars et 2 juillet 1791 ? demeureront définitivement fixées pour leur tenir lieu de nouvelles pensions; et il leur en sera expédié de nouveaux brevets par le commissaire du roi, directeur général de la liquidation, sans préjudice aux droits de ceux de ces pensionnaires qui croiront devoir demander la revision du travail qui les concerne, et auxquels il ne sera délivré de nouveaux brevets qu'après qu'il aura été statué par un décret sur leurs réclamations. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et en ajourne la discussion à nuitaine.)
Voici le résultat du scrutin pour Vélection d'un vice-président et de quatre secrétaires. Aucun membre n'a obtenu la pluralité absolue des suffrages pour la vice-présidence^ Les secrétaires nommés sont MM. Mathieu Dumas, Dorizy, Lacuée et Lasource.
Un membre : Depuis un mois, l'ordre des nominations des secrétaires n'est plus réglementaire. Au lieu d'en élire trois chaque quinzaine, nous en nommons deux pour [une quinzaine et quatre pour l'autre. Je demande que nous revenions au règlement et qu'en conséquence, celui des quatre secrétaires élus, qui se trouvera avoir eu le moins de voix, quitte le bureau après quinze jours.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
, au nom du comité de liquidation, fait un rapport et présente un projet de décret concernant les ci-devant employés de la régie des domaines et de l'intendance de l'île de Corse (1) ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, les ci-devant employés de la régie des domaines et de l'intendance de Corse sollicitent, depuis plusieurs mois, la justice de l'Assemblée nationaie, qui leur doit, comme à tous les employés réformés du royaume, un remplacement ou une indemnité proportionnée au traitement fixe qu'ils avaient dans leurs emplois respectifs.
L'Assemblée constituante, surchargée d'occupations dans les derniers mois de son existence, n'a pu disposer d'aucun de ses moments pour l'examen ae la pétition de ces malheureux employés. Cependant, plusieurs d'entre eux, pressés par la misère, ont fait 300 lieues pour venir hâter, par leur présence, la décision de l'Assemblée nationale.
Votre comité de liquidation, auquel vous avez, Messieurs, par votre décret du 4 novembre
dernier, ordonné le renvoi d'un second mémoire
Il présente deux questions à résoudre.
Les employés de Corse peuvent-ils être, en général, assimilés aux autres employés de l'Empire français, et, comme tels, indemnisés de la perte de leurs emplois, d'après les bases portées aux décrets de 1 Assemblée constituante? Première question.
Ceux de ces employés, originaires de France, qui se sont expatriés pour aller fixer leur résidence en Corse, et y exercer les emplois auxquels ils étaient appelés, ont-ils droit a une pension de retraite, basée sur la mesure du temps d'exercice que l'Assemblée constituante a déterminée pour les magistrats et officiers des tribunaux ae l'île de Corse, non originaires de cette île? Deuxième question.
Votre comité de liquidation a pensé que la première de ces deux questions n était susceptible d'aucune espèce de difficulté. Depuis la réunion de la Corse à l'Empire français, tous les habitants de cette île sont réputés regnicoles. Participant aux mêmes charges, ils ont droit à la même protection ; et il serait absurde de supposer qu'un des 83 départements du royaume pût être soumis à des lois plus sévères que celles qui régissent les habitants des 82 autres départements.
Par une conséquence rigoureuse de ce premier principe, il est incontestable qu'il est dû aux employés réformés du département de l'ile de Corse un dédommagement, comme aux autres employés du ;reste au royaume.
Mais quel sera le mode de ce dédommagement ? quelle loi appliquerez-vous, Messieurs, à l'espèce dans laquelle se présentent ces pétitionnaires ? Sera-ce seulement le décret du 25 juillet 1791, gui a posé les bases d'après lesquelles doit ' être réglé le sort de tous les employés réformés en général? Sera-ce ce même décret combiné avec les dispositions de celui du 2 du même mois, relatives aux officiers des tribunaux de l'île de Corse ?
La première de ces deux lois accorde aux employés supprimés, après vingt ans de service révolus,, une pension du quart de leurs appointements, et un vingtième des trois quarts restants, par chaque année de service excédant lesdites 20 années.
L'article 8 dudécretdu2juilletdernierporteque « les magistrats et officiers chargés du ministère public dans les tribunaux de l'île de Corse, qui n'étaient pas originaires de cette île, et qui ne seraient pas rappelés aux même fonctions par les élections faites ou à faire, auront droit à une pension de retraite, s'ils ont servi dans lesdites fonctions pendant 10 années ».
Le même article ajoute que « ces retraites seront fixés d'après les mêmes bases du décret du 3 août 1790, en rapprochant les termes et les époques portées au titre I,r dudit décret; de manière qu'après 10 années de service, lesdits magistrats et officiers obtiennent le quart du traitement dont ils jouissaient, et, pour chacune des années ultérieures, le vingtième des trois quarts restants ».
Ainsi, Messieurs, les magistrats et officiers chargés du ministère public dans les tribunaux de la Corse, qui, d'après la loi générale sur les pensions, du 3 août 1790, n'auraient eu droit à une pension de retraite qu'après 30 années effectives de service, qui, d'après l'article 7 du décret du 2 juillet 1791, relatif aux juges, n'avaient
droit au rétablissement des pensions qu'ils pouvaient avoir précédemment obtenues, qu'après avoir servi dans les tribunaux pendant l'espace de 20 années au moins, et après avoir atteint F âge de 60 ans, sont appelés, par l'article 8, à participer aux récompenses nationales, après 10 années seulement d'exercice, par la seule raison qu'ils ne sont pas originaires de cette île.
L'Assemblée constituante a, sans doute, pensé que l'homme qui quitte sa patrie pour le service ae la chosepublique, a doublement mérité d'elle ; qu'on doit lui tenir compte des nombreux sacrifices qu'il fait, lorsqu'il est obligé d'abandonner ses parents, ses amis, les lieux qui l'ont vu naître ; des dépenses considérables que lui occasionne cette espèce d'émigration civique; des risques qu'il court en allant, au delà des mers, fixer son domaine au milieu d'un peuple dont les mœurs et le caractère contrastent encore si étrangement avec le caractère et les mœurs des habitants des 82 autres départements de la France. Toutes'ces considérations, sans doute, ont déterminé l'Assemblée, constituante à s'écarter un peu de la sévérité des premiers principes qu'elle avait posés, pour ne point s'écarter des lois éternelles de la justice.
Vous ne croirez pas, Messieurs, que ce que vos prédécesseurs ont fait en faveur des magistrats, ils ne l'eussent point fait pour des individus revêtus d'emplois moins honorables peut-être aux yeux du préjugé, s'ils eussent eu le temps de prononcer sur la réclamation des employés de l'île de Corse. Ils connaissaient trop bien les droits de l'homme et du citoyen, pour mettre ainsi une différence entre un homme et un homme, entre un citoyen et un citoyen, entre un fonctionnaire et un fonctionnaire.
Votre comité a pensé, Messieurs, que des employés, nés dans le continent, qui se sont expatriés comme les juges, doivent être traités comme eux ; que les mêmes conséquences doivent dériver du même principe ; que la même cause doit produire le même effet ; que si la loi pouvait avoir deux poids et deux mesures, si elle pouvait admettre une distinction, elle devrait être à l'avantage des pétitionnaires malheureux dont le sort vous occupe en ce moment ; que, sortis pour la plupart d une classe non moins respectable, mais plus indigente que celle qui donnait au peuple ses magistrats, ils ne sont pas comme ceux-ci, payés en considération ; que plusieurs d'entre eux arrivant sans appui, sans recommandation, dans une terre étrangère dont l'idiôme leur était inconnu, ont dû nécessairement être exposés à bien des accidents préjudiciables à leur fortune ; que la modicité ae leurs facultés lorsqu'ils y sont passés, celle des appointements attachés à leurs emplois, n'ont pu que difficile- ' ment leur permettre de se préparer, pour l'avenir. un sort indépendant de leur état.
En conséquence, votre comité m'a chargé de vous proposer, Messieurs, le projet de decret suivant :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que les motifs qui ont déterminé l'Assemblée constituante à abréger; par l'article 8 de son décret du 2 juin 1791, en faveur des magistrats et officiers chargés du ministère public dans les tribunaux de Corse, non originaires de cette île, le temps de service nécessaire pour obtenir une pension de retraite, militent également en faveur des ci-devant employés dans l'administration de cette
île, qui se sont expatriés comme eux, ouï le rapport de son comité de liquidation, décrète cé qui suit :
« Art. 1er. Les ci-devant employés en la régie des domaines et
de l'intendance de Corse, qui n'étaient pas originaires de cette île, et qui ne sont pas
remplacés, auront droit à une pension de retraite, s'ils ont rempli lesdites fonctions
pendant 10 années.
« Art. 2. Ces retraites seront fixées d'après les bases dés décrets des 3 août 1790 et 25 juillet 1791, en rapprochant les termes et les époques portés au titre Ier du décret du 3 août 1790, et l'article 4 du décret du 25 juillet 1791; de manière qu'après 10 années de service, lesdits employés obtiennent le quart du traitement fixe dont ils jouissaient, et, pour chacune des années ultérieures, le vingtième des trois quarts restants.
« Art. 3. Lesdites pensions de retraite commenceront à courir de 1 époque à laquelle ils auront cessé d'être payés, en leur qualité d'employés de la régie des domaines et de l'intendance de Corse, et cesseront au moment où ils seront remplacés.
« Art. 4. Seront, au surplus, exécutées à leur égard j. les dispositions des décrets des 3 août 1790 et 25 juillet 1791, en tout ce qui n'est point dérogé par le présent décret ».
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et en ajourne la discussion à huitaine.)
obtient la parole pour présenter un projet d'adresse au peuple français; il s'exprime ainsi :
Vous avez décrété l'envoi aux 83 départements du discours qui a été prononcé par le roi dans l'Assemblée nationale; ne jugeriez-vous pas aussi, Messieurs, que le moment est venu de parler à la nation de vos sentiments. Vous avez fait des messages au roi, ne jugeriez-vous pas que le moment est venu ae vous mettre, par une adresse, en relation avec le peuple dont vous êtes les représentants. Dans toutes les grandes occasions qui ont signalé la session de l'Assemblée nationale constituante, elle a eu recours à ces communications parce qu'elles ont le double avantage et de ranimer la confiance dans les représentants de la nation et de ranimer l'esprit public dans le cœur de tous les citoyens. Or, Messieurs, à quelle époque croyez-vous avoir plus besoin de ranimer la confiance du peuple en vous, que lorsqu'on cherche, par beaucoup de manœuvres, à vous la ravir? A quelle époque croyez-vous qu'il soit plus important de ranimer .l'esprit public dans le cœur de tous les citoyens, que lorsque la notification faite aux princes d'Allemagne annonce une guerre prochaine, que lorsque vous avez à craindre peut-être quelques troubles intérieurs, que lorsque l'agiotage attaque non seulement vos changes, mais même vos assignats? :
S'il est des citoyens découragés par les fatigues de la Révolution, s'il en est qui cnancèlent dans la carrière du patriotisme, n est-ce pas à vous à les y raffermir? Si le feu de la liberte se refroidit dans quelques cœurs, n'est-ce pas aux représentants ae la nation à l'y ranimer? Et si enfin la liberté est menacée, n est-ce pas autour de son temple que vous devez chercher à rallier tous les Français?
Par toutes ces considérations, j'ai pensé qu'il était important de faire une adresse au peuple
français ; mais, comme rien n'est plus vague que ce mot « adresse », comme elle pourrait être rédigée dans tel sens, qu'il faudrait la rejeter dans tel autre qui remplirait le but que l'Assemblée se propose, j'ai hasardé d'en rédiger le projet, non que j'aie la présomption de Croire qu'il soit digne de l'Assemblée nationale, mais parce qu'il fixera au moins les idées, évitera le vague dans la discussion, et qu'après l'avoir entendu, elle pourra décider si elle veut ou non une adresse.
Je demande que M. Vergniaud lise son projet d'adresse.
Plusieurs membres : Oui ! oui ! Appuyé !
(L'Assemblée décrète que M. Vergniaud lira son projet d'adresse.)
, lisant :
« Français (1),
« L'appareil de la guerre se déploie sur vos frontières ; on parle de complots contre la liberté ; vos armées se rassemblent, de grands mouvements agitent l'Empire. Dans ces conjonctures, dont la malveillance pourrait ou dissimuler ou exagérer les dangers, vos représentants vont vous dire avec franchise quels efforts la patrie attend de votre amour pour elle et de votre courage.
« Les prêtres séditieux préparaient dans le secret des consciences et jusque dans la publicité de la chaire, un soulèvement contre la Constitution; ils assaillaient des dernières torches du fanatisme les lois qui détruisent leur puissance. D'audacieux satellites du despotisme, portant 15 siècles d'orgueil et de barbarie dans leurs âmes féodales, demandaient à toute la terre, à tous les trônes, de l'or et des soldats pour leur reconquérir le sceptre de la France.
« Deux lois martiales nous parurent nécessaires pour sauver la France de ces deux fléaux. Dès lors, elles nous semblèrent justes. Cependant, nos efforts n'ont abouti qu'à faire briller un instant la foudre aux yeux de la rébellion : une main clémente en a suspendu le coup, la sanction a été refusée à nos décrets. Une accusation devant la haute cour nationale pouvait aussitôt mettre les coupables sous le glaive vengeur de la justice, mais l'opinion du roi s'était éloignée de la nôtre; il voulait essayer des mesures de bonté : loin d'en compromettre l'effet par une dissidence de conduite, nous avons préféré de laisser écouler le temps convenable, pour en assurer le succès, et nous attendons encore quelle en sera l'issue. Lorsque, d'ailleurs, on aurait pu les croire divisés, il nous a paru important d'effrayer l'incivisme par une harmonie parfaite entre les pouvoirs constitués.
« Il était une autre démarche que la dignité du Corps national ne permettait pas de différer. Quelques princes du corps germanique couvrent d'une protection éclatante les Français émigrés. Ce n'est pas seulement un asile qu'ils accordent à des malheureux, ce sont des conjurés dont ils servent la haine et la vengeance ; ce sont des secours de chevaux, de munitions de guerre, qu'ils leur fournissent; ce n'est pas une sainte hospitalité qu'ils exercent envers des étrangers, c'est le droit des gens qu'ils violent envers la France.
« On rompt des traités auxquels vous êtes fidèles; on dirige contre vous des préparatifs
Sas pour plier ignominieusement le genoux evant quelques despotes étrangers, et soumettre le système de votre régénération à la politique corrompue de leurs cabinets. Amis de l'humanité, vous ne troublerez jamais, par les fureurs d'une déplorable ambition, le bonheur du monde. Amis de la liberté, vous en aurez toute l'énergie pour réprimer l'audace qui tenterait de troubler la votre; Voilà les sentiments que nous avons trouvés dans nos âmes. Voilà ceux que nous avons trouvés vraiment dignes de vous. Nous avons prié le roi de les manifester au nom de la nation à la diète de Ratisbonne ; déjà, il nous a annoncé qu'il avait déféré à nos vœux, le reste sera confié à votre valeur. Le succès est-il incertain?
Prenez garde cependant, vous êtes environnés de pièges; on cherche à vous amener, par dégoût et lassitude, à un état de langueur qui énerve votre courage. Bientôt peut-être on tentera de l'égarer.
Ici l'intrigue entrave la marche des corps administratifs dans le répartement de l'impôt ; là, celle des tribunaux dans la répression des délits contre la Constitution ; mais surtout on fait avec une activité perfide un plan de calomnie formé contre l'Assemblée nationale, même avant sa réunion. On sait que si on parvenait à lui ravir votre confiance, c'en serait mit de la liberté; mais elle marchera sans s'étonner à travers les tempêtes, elle entendra de la hauteur du poste où vous l'avez élevée, les clameurs séditieuses de ses ennemis ; elle ne leur répondra qu'en déjouant leurs complots et en s'unissant à vous pour sauver la patrie.
D'autre part, on attaque nos plus grandes ressources par des spéculations infernales, on lance le monstre de l'agiotage, non-seulement sur vos changes avec l'étranger, qui n'appartiennent qu'à des rapports commerciaux, mais encore sur vos assignats, d'où dépendent toutes les fortunes individuelles et la fortune publique. Des scélérats sont stipendiés dans les principales villes de commerce pour égarer l'opinion, répandre la terreur, et persuader, s'il était possible, que tout est désespéré parmi vous : Constitution, finance, assignats, commerce, et jusqu'à la terre dont la fécondité seule suffit pour faire échouer tant de manœuvres.
Serait-il à craindre qu'une aveugle crédulité vous rendît les victimes de sa grossière imposture? Et dans quel temps laisseriez-vous donc atténuer votre confiance en vos assignats, dont le gage est sous vos yeux et dans vos mains? Lorsque 600 millions de créances déjà rem-
boursées permettent d'entrevoir le terme où la loyauté française aura généreusement expié toutes les dilapidations du gouvernement despotique ; lorsqu'on doit regarder comme prochaine la rentrée des impôts arriérés, non pas par la stagnation de votre zèle, mais par le travail extrêmement long qui a dû précéder le mode de répartition décrété par l'Assemblée constituante, lorsque cette [rentrée fournira des fonds beaucoup au-dessus des nouvelles émissions d'assignats que le retard passager et inévitable dans les perceptions, a rendu nécessaires ; lorsque la division des assignats en petites fractions va faciliter leur introduction dans la chaumière du pauvre, et le soustraire aux combinaisons dévorantes des agioteurs ; lorsque la valeur des biens nationaux fixée aujourd'hui, dans l'opinion publique. par des estimations éclairées et évidemment doubles de celles des assignats qui en sont le signe représentatif; lorsque de grandes mesures vont faire tomber à vos pieds cette ceinture de conjurés qui soufflait sans cesse dans votre sein la crainte et la discorde, pour harasser votre crédit, votre patriotisme; lorsqu'enfin à travers les nuages qui obcurcissent encore votre horizon, commencent à luire les jours de votre gloire et de votre bonheur.
Ah ! défendez-vous de ces terreurs panniques, qui font à l'Empire une plaie cruelle et ne laisseraient dans votre âme que l'inutile regret d'avoir été vous-mêmes les instruments de vos malheurs. Que vous importe le prix ridicule auquel on achète aujourd'hui votre or! L'expérience ne vous a-t-elle pas appris qu'il était possible de se passer de métaux ; que vous pouviez même les mépriser, tant que leur acquisition ne servirait qu'à vous appauvrir?
Quant à vos changes, si les gouvernements étrangers et l'agiotage ont réuni leurs combinaisons pour les faire tomber à un taux absurde, négociants, au lieu de vous décourager, rendez grâce au génie tutélaire de la patrie. C'est une occasion qu'il vous offre de donner un nouvel essor à l'industrie nationale, de faire fleurir nos manufactures, et de cultiver avec plus de soin les bienfaits que la nature libérale accorde à votre sol. Saisissez-là avec une ardeur civique, et bientôt vous verrez le commerce des autres nations déplorer l'illusoire supériorité de son crédit, bientôt vous le verrez solliciter lui-même, sous la loi de l'égalité, la faveur de s'alimenter de vos richesses territoriales et des fruits de votre travail.
Vous avez à vous préserver encore d'un dernier artifice grossier en apparence et néanmoins dangereux. Vous rencontrerez des hommes qui ne prononcent qu'avec frémissement le mot de Constitution, mais qui se proclament avec une affectation hypocrite les amis de la monarchie ; qui, dans leurs discours et dans leurs écrits, ne parlent que de la monarchie ; et si, à leurs yeux, vous montrez un civisme ardent, si vous vous montrez les amis de la liberté, ils vous dénonceront comme des factieux qui veulent bouleverser l'Empire. C'est ainsi qu'ils remplissent la France de soupçons qu'ils fomentent des haines et sèment la discorde. Ah ! repoussez avec indignation ces prédicants imposteurs, dignes émissaires de Worms et de Coblentz, dignes alliés des prêtres séditieux et des conjurés intérieurs ; ils veulent vous diviser pour vous affaiblir; la monarchie, pour eux, c'est la contre-révolution; la monarchie, pour eux, c'est la noblesse.
La contre-révolution ! c'est-à-dire la dîme sur vos maisons, le ioug de la féodalité sur vos têtes, l'inquisition de la gabelle dans vos foyers désolés, celle des censeurs royaux sur vos pensées, la main rapace et déprédatrice du génie fiscal étendue sur vos propriétés, des bastilles, des exils, des proscriptions, des fers, des bourreaux pour punir les [élans sublimes de la liberté.
La contre-révolution! c'est-à-dire le fléau de la guerre, un désordre effroyable dans l'intérieur de l'Etat, l'horrible banqueroute, engloutissant avec vos assignats vos fortunes particulières et les richesses nationales ; les fureurs de la vengeance, celles du fanatisme, les assassinats, le pillage dévastant vos campagnes, l'incendie embrasant vos cités; enfin le despotisme et la mort se disputant dans des ruisseaux de sang et sur des monceaux de cadavres, l'Empire de notre malheureuse patrie.
La noblesse ! c'était elle, dit-on, qui faisait travailler le pauvre et lui fournissait des moyens de subsistance. Mensonge audacieux! Ce n'est point parce qu'ils étaient nobles que vos satrapes lugitifs salariaient l'indigence laborieuse, mais parce qu'ils avaient de l'or, parce que leur avidité puisait à son gré dans le Trésor national. Le prix des travaux commandés par leur luxe ou leur caprices ne fut, le plus souvent, qu'une portion volée de la substance du peuple qu'ils lui faisaient acheter à la sueur de son front. (Applaudissements.) Il peut se rassurer l'indigent ; cet or, coulant désormais par des canaux plus purs, portera une heureuse fécondité dans toutes les parties de l'Empire, et des secours efficaces à tous les infortunés.
La noblesse ! c'est-à-dire deux classes d'hommes, l'une pour la grandeur, l'autre pour la bassesse, l'une pour la tyrannie, l'autre pour la servitude, et toutes les calamités qui dérivent d'une si horrible distinction. Ah ! ce mot seul est une injure pour l'espèce humaine! Quel autre d'ailleurs, rappellera désormais à la France des parjures plus réfléchis, des défections plus honteuses, des trahisons plus perfides, des conspirations plus atroces ? Et cependant c'est pour préparer une couronne à tant de forfaits qu une partie du Midi s'agite! et que le Nord menace d'envoyer des armées contre nous. L'appareil de la. force et l'astuce des négociations sont tour à tour employés pour relever les faux dieux que nous avons abattus ; une absurde idolâtrie fit le malheur et l'opprobre des générations écoulées ; on tend de mettre l'Europe en mouvement pour y faire condamner sans retour les générations futures ; craignant qu'il ne lui échappe, le despotisme voudrait d'avance dévorer Favenir. {Applaudissements.)
Eh ! bien, il raut détruire ces coupables assurances par une déclaration solennelle. Oui, toute idée d'inégalité entre les citoyens sera constam-mentrejetée avec horreur par la France libre. (Applaudissements.) La France libre ne parlera plus ae noblesse qu'avec le mépris qu'on doit aux préjugés et la haine que méritent la tyrannie et la trahison. (Applaudissements.) Oui, les représentants de la France libre, inébranlablement attachés à la Constitution, seront ensevelis sous les ruines de son temple, avant qu'on vous propose une capitulation inaigne d'eux et de vous. ( Vifs applaudissements . )
Français, vous touchez à l'époque de la Révolution où votre sort va se décider pour jamais; le livre des destins est ouvert, et vous allez y prendre i
une place que vous ne quitterez plus. Des divisions imprudentes, des méfiances sans fondement, des craintes ridicules, un relâchement funeste dans votre zèle peuvent vous ravir le fruit de trois années de courage et de travaux, vous livrer à tous les maux de l'anarchie, aux angoisses de la misère, aux horreurs de la guerre civile, et vous rendre le mépris et peut-être la proie des nations qui vous entourent.
On tente de soulever les nations contre vous ; on ne soulèvera que des princes : il ne vous en restera que le souvenir. La nature vous ménage, dans le cœur des peuples, des intelligences secrètes qui échappent à l'inquisition ae la plus redoutable tyrannie. C'est aussi leur cause que vous embrassez, en défendant la vôtre; c'est aussi pour eux qu'est écrite la déclaration des droits. Respectez les gouvernements t étrangers, mais forcez-les à respecter le vôtre. Abhorrez la guerri et"
rappelez-vous, au contraire, la journée immortelle du 14 juillet! Que ee grand souvenir efface celui de vos dissensions particulières, et ranime votre énergie ! C'est du salut de tous qu'il s'agit aujourd'hui. Hâtez-vous de relever le crédit national et de vous assurer des moyens de défense, par votre empressement à payer les impositions. Si vous êtes fonctionnaires publics, redoublez d'activité ; vous accélérez la marche encore trop lente de notre nouvelle organisation politique; que l'œil de la justice comme celui de la providence soient sans cesse ouverts sur les intrigues du fanatisme religieux ou nobiliaire; suivez tranquillement le choix de votre culte et, sans faire violence à personne sur le choix du sien, l'impulsion de vos consciences. Laissez à l'Etre suprême le soin de juger vos èrreurs. Si quelquefois vos opinions politiques diffèrent, est-ce donc un motif pour vous diviser ? Il est un cri auquel se reconnaîtront aisément les bons citoyens : « La Constitution ». (Vifs applaudissements.) Ralliez-vous tous à ce nom sacré, unis par une tendre fraternité et des dangers communs, brûlant de l'amour de la patrie et fidèles à la devise que vous avez choisie : « Vivre libre ou mourir » (Applaudissements dans VAssemblée et dans les tribunes.) Ainsi conduits par les passions les plus sublimes sous le drapeau tricolore que vous avez si glorieusement arboré sur les ruines de la Bas-tiUe, quel ennemi osera vous attaquer, ou quels triomphes ne vous préparent pas des conspirateurs insensés ; sans vous enorgueillir des succès, suivez le cours de vos grandes destinées; et qui peut prévoir jusqu'où elles étendront la punition des tyrans qui vous auront mis les armes à la main? (Applaudissements.) Tôt ou tard la justice éternelle désigne un terme aux victoires du despotisme, elle n'en désigne aucun aux victoires delà liberté. (Applaudissements.) Union et courage ! la gloire vous attend. Jadis les rois ambitionnaient le titre de citoyens romains ; il dépend de vous de leur faire envier celui de citoyens français. (Applaudissements.)
Je demande l'impression du projet d'adresse de M. Vergniaud.
Un membre : Messieurs, je trouve d'exceUentes choses dans l'adresse que vient de vous lire M. Vergniaud, j'ai applaudi, avec toute l'Assemblée, aux élans patriotiques dont elle est abondamment semée. J'y ai applaudi en particulier, comme contenant encore une espèce aejustifica-
tion de la conduite de l'Assemblée nationale, justification désirable...
Voix diverses : Oh ! oh ! Bah ! bah 1 Elle n'en a pas besoin !
Le même membre: Mais, sous certains points de vue, elle a besoin d'examen, elle a besoin peut-être d'amendements. Je-dis que, sous certains points de vue, elle est purement déclamatoire, et que nous ne devons parler à la nation que le langage des faits, le langage des bonnes lois : j'ajoute qu'elle est encore dangereuse sous un autre point de vue, parce que j'ai cru y voir une espèce de provocation tendant à soulever le peuple contre un droit sacré, contre un droit constitutionnel. J'ai cru y entrevoir, peut-être me suis-je trompé, j'ai cru y entrevoir qu'on pourrait en induire qu'on cherche à présenter le veto comme une arme fatale dans les mains du monarque, comme un privilège ridicule. (Murmures.) Je demande donc que l'adresse, pour être examinée et épurée, soit renvoyée à un comité et qu'on nomme des commissaires pour la revoir. (Quelques murmures.)
Plusieurs membres demandent de nouveau l'impression et la distribution du projet d'adresse.
Avant de nommer des commissaires pour examiner cette adresse, il faut décider s'il y a lieu ou non à envoyer une adresse. Je ne le crois pas, Messieurs, et, par conséquent, elle ne doit pas être imprimée.
Je demande l'impression et la distribution. (Murmures dans VAssemblée. Applaudissements dans les tribunes.)
Nous ne devons envoyer une adresse que dans une circonstance majeure. Nous en aurons bientôt une. Attendons-là. Je conclus à appliquer, quant à présent, la question préalable sur l'impression et l'envoi de l'adresse.
Moi, Messieurs, j'ai aussi écouté avec beaucoup d'attention l'adresse de M. Ver-gniaud. Je parle contre la question préalable invoquée sur l'impression de cette adresse : car, certainement, la question de savoir s'il doit être fait ou s'il ne doit pas être fait une adresse, tient aussi un peu à la manière dont l'adresse est faite. J'avoue qu'en considérant avec attention celle que M. Vergniaud vient de nous lire, ce qui m'a frappé, moi, ce qui m'a frappé, principalement, c'est cette déclaration qu'il me parait si à propos de faire, au nom du Corps législatif, de cet attachement inviolable aux principes d'égalité constitutionnelle. Et s'il est vrai. Messieurs, que quelques dissentiments se sont élevés dans cette Assemblée sur l'esprit de celte égalité, je crois que le moment est arrivé de nous réunir tous. (Applaudissements.) Pour savoir quel effet une adresse produira sur nos commettants, je veux commencer par savoir quel effet elle produira sur nous. Je conclus à l'impression de l'adresse proposée par M. Vergniaud, et à une prompte discussion sur cet objet.
(L'Assemblée ordonne l'impression et la distribution à tous les membres du projet d'adresse de M. Vergniaud (1) et en ajourne l'examen.)
donne la parole à M. Delessart pour faire diverses communications à VAssemblée en sa qualité de ministre de la guerre par intérim.
, ministre des affaires étrangères, chargé par intérim du département de la guerre (1). Monsieur le Président, 1 Assemblée a décrété hier que le ministre chargé par intérim du ministère de la guerre rendrait compte sur-le-champ, à l'Assemblée, des mesures qu'il a dû prendre à la réception du procès-verbal de la municipalité de Sarrebourg, du 10 décembre 1791, lequel procès-verbal a été envoyé par cette municipalité au département de la Meurthe. Le ministre doit pareillement rendre compte des renseignements qu'il a reçus de M. Witinkhof, commandant la division, et des ordres qui ont dû être donnés, par le général, à la réception du procès-verbal de la municipalité de Sarrebourg contenant la dénonciation de la désertion d'un brigadier et de six cavaliers du quatième régiment de cavalerie qui paraissent avoir été favorisés dans ce coupable complot par le lieutenant-colonel dudit régiment.
Voici, Monsieur le Président, les éclaircissements que je me suis procurés dans cette affaire ; ils consistent dans deux lettres écrites par M. de Narbonne, l'une à M. Witinkhof, et l'autre à M. de Valcourt, commissaire-auditeur des guerres. Ces deux lettres sont du 21 décembre 1791. Les voici :
« J'ai reçu, Monsieur, joint à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, le 14 de ce mois, celle de MM. les officiers municipaux de Sarrebourg... »
Il paraît que c'est uniquement par le commandant que M. de Narbonne a été instruit des faits dont il s'agit ; c'est le 14 qu'il lui a été écrit ; il a répondu le 21 ; certainement il n'y a point eu de temps perdu...
« ... celle de MM. les officiers municipaux de Sarrebourg par laquelle ils vous informent que 7 cavaliers au quatrième régiment de cavalerie ont déserté avec leurs chevaux dans la nuit du 10 au 11 et que cette désertion ne peut être attribuée qu'à la négligence de M. Després, lieutenant-colonel de ce régiment, qui, .au mépris des ordonnances, s'est abstenu ae faire mettre des gardes de nuit aux écuries depuis le 19 mars dernier. Ils ajoutent que ce lieutenant-colonel, qui avait chez lui les clefs de la porte Saint-Nicolas, par laquelle ces hommes se sont évadés, n'a pas daigné faire battre des patrouilles de nuit dans la ville, ni envoyer à la poursuite de ces déserteurs, lorsqu'il a été instruit de leur évasion, ni même requérir la force de la gendarmerie nationale.
« Un pareil relâchement de la discipline et un exemple aussi funeste de la part d'un chef de corps ne peuvent rester impunis; j'adresse au commissaire-auditeur des guerres de votre division la lettre des officiers municipaux de Sarrebourg pour que, dans le cas où cet officier supérieur se serait rendu coupable des faits imputés contre lui, cet auditeur ait à informer contre lui pour le faire juger suivant la loi, ainsi que les déserteurs.
« Signé : de narbonne. »
Voici l'autre lettre :
« Je joins ici, Monsieur, une lettre écrite à M. Witinkhof, lieutenant général', commandant
« Vous voudrez bien m'instruire comment cet officier s'est conduit dans cette circonstance et prendre toutes les informations que vous jugerez nécessaires pour constater les faits indiqués dans la lettre des officiers municipaux, afin de le poursuivre s'il y a lieu, en même temps que les cavaliers déserteurs, dans les formes prescrites dans les lois militaires. Vous voudrez bien également me tenir instruit de ce que vous aurez fait.
« Signé : de Narbonne. »
Voilà, Messieurs, tous les élaircissements que j'ai pu me procurer, et je crois qu'ils sont complets.
Maintenant, je dois rendre compte à l'Assemblée nationale de ce qui concerne un autre décret qu'elle a rendu le 24 et qui porte : « On a fait lecture du procès-verbal ae la municipalité de Sainte-Menehould (1} qui demande 500 fusils et une pièce de canon qui lui ont été accordés par un décret de l'Assemblée constituante du 15 août dernier. L'Assemblée a décrété que le ministre serait tenu de rendre compte, dans 3 jours, des causes du retard qui a été apporté à 1 exécution de ce décret. »
Voici, Messieurs, les éclaicissements qui m'ont été fournis sur cet objet. La loi du 22 août, dont il est ici question, porte qu'il sera accordé deux pièces de canon, à la commune de Varennes, et un fusil, etc., à'chaque garde nationale. Pour parvenir à l'exécution de cetteloi, il fallait savoir : 1° De combien d'individus était composée la garde nationale de Varennes, afin de faire distribuer à chacun d'eux un sabre et un fusil ;
2° Comme il n'existe pas de sabres d'infanterie en approvisionnement dans les magasins d'artillerie, parce qu'on n'en fait fabriquer qu'au fur et à mesure qu'on en a besoin, et que cependant il s'en est trouvé à Metz environ 400, mais ayant besoin de réparations, on a autorisé le directeur de l'Arsenal à y faire procéder. Il a donc écrit, le 20 de ce mois, au directoire du département de la Meuse pour qu'il indiquât le nombre de sabres qu'il faudrait procurer à la garde nationale de Varennes, de sorte qu'on n'attend que la réponse de ce directoire et celle du directeur de Metz pour ordonner, par une seule et même opération, l'envoi aux trois villes, des canons et des sabres qui leur sont accordés par la loi. Les ordres sont donnés et ils seront exécutés très promptement.
Je crois, Monsieur le Président, avoir satisfait aux décrets. Maintenant, si l'Assemblée nationale le permet, je lui lirai, comme ayant été ministre de l'intérieur, la portion de mon rapport qui concerne les hôpitaux.
Il y d une séance ce soir et la séance ne peut se prolonger. D'ailleurs, voici une lettre du ministre de l'intérieur, dont ie vais faire donner lecture à l'Assemblée; je lèverai ensuite la séance.
Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser, avec les pièces justificatives "Sous plusieurs numéros, un rapport du directoire du département de Paris qui demande l'autorisation nécessaire de dépasser, pour la dépense qu'exige l'établissement du tribunal criminel à,Paris, la somme de 3,000 livres fixée par la loi du 12 octobre dernier. La nécessité d ouvrir ce tribunal le 1er janvier prochain exige une prompte décision sur cet objet extrêmement urgent, et j'observe que le directoire, dans la lettre du 24 de ce mois, me la demandait dans les 24 heures.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Cahier. »
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de l'extraordinaire des finances pour en faire son rapport demain.)
Un de MM. les secrétaires donne, en outre, lecture des lettres suivantes :
1° Lettre du sieur Porcheron, homme de loi, qui demande son admission à la barre pour faire hommage à l'Assemblée d'un tableau représentant l'ensemble et l'image entière de la Constitution française.
(L'Assemblée décide qu'il sera admis à la séance de ce soir.)
2° Lettre du corps des gardes de la ville de Paris, qui demandent à présenter une pétition sur un objet des plus instants.
(L'Assemblée décide qu'ils seront admis à la séance de ce soir.)
3° Lettre du sieur Buard fils, au nom de pétitionnaires, pour demander leur admission à la barre.
(L'Assemblée décide qu'ils seront entendus dimanche.) (La séance est levée à trois heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
précis pour les créanciers délégués sur le prix de la terre de Montgommery (1).
L'Assemblée nationale a à prononcer sur le sort de 150 créanciers privilégiés ou hypothécaires sur les superbes terres patrimoniales que M. Clément a vendues au roi.
Sa Majesté, en les acquérant, s'est obligé d'acquitter leurs créances ; ils réclament l'exécution ae cet engagement. Il a été originairement arrêté par MM. aOrmesson, Miromesnil et Vergennes, composant alors le comité des finances, exécuté pendant près de huit ans, ratifié par sept ministres des finances, et porté dans tous les comptes des Assemblées constituante et législative.
Leur gage est disparu. Le roi a, depuis son acquisition, aliéné une partie de ces terres, et ce qui en restait a été vendu comme biens nationaux par l'Assemblée nationale.
Le Trésor public faisait tous les 6 mois les fonds nécessaires pour l'acquit de ces créances.
« Un décret du 15 octobre 1790 a ordonné que toutes les rentes assignées sur les domaines ou autres revenus du roi seraient dorénavant acquittées par les payeurs des rentes de l'hôtel de ville ».
La Trésorerie nationale a pensé que ce décret s'appliquait aux créanciers délégués par M. Clément, elle a en conséquence cru ne pouvoir faire directement les fonds ae leurs créances ; mais ne se trouvant pas compétente pour le renvoi aux payeurs, elle en a référé à l'Assemblée, qui a chargé ses comités de l'ordinaire des finances et l'examen de cette affaire.
Ces deux comités, lors de leur examen, n'élevèrent aucune difficulté sur le fonds, ils présentèrent seulement un projet de décret sur la forme ou mode de payement.
Le rapport en fut fait à l'Assemblée nationale. L'un des membres fit une observation qui frappait sur le fonds. L'Assemblée chargea ses comités des domaines et de liquidation d'examiner de nouveau cette affaire.
Ces comités examinèrent le fonds avec le plus grand soin, et c'est d'après un examen très approfondi, qu'ils adoptèrent presqu'en entier le projet de décret proposé par les deux premiers comités.
faits.
La terre de Montgommery a été, en 1773, échangée contre les domaines de Pont-Audemer, Montfort et autres objets.
Quatre arrêts du parlement de Rouen ont successivement suspendu toutes les opérations de l'échange.*
Le gouvernement, fatigué de la résistance de cette cour, a résilié l'échange en 1784. L'arrêt remet les parties au même et semblable état qu'elles étaient avant l'échange.
Les parties sont aussitôt rentrées chacune dans leurs possessions respectives.
Il ne peut plus être question de cet échange, puisqu' à cet égard tout a été consommé en 1784.
L'échange une fois résilié, le roi a acquis par acte du 23 juillet 1784, les ci-devant comté de Montgommery, baronnies d'Ecots, de Saint-Silvain, au Mesle-sur-Sartche, de Vernouillet, de Vignat, d'Annebault et d'Aubigny ; le marquisat de Sainte-Foi, les Bois-Maury, Viel et autres ; une maison a Pont-Audemer, une curanderie, des sergenteries et plusieurs autres objets.
Sur le prix de ces terres, les créanciers viagers ont été délégués, et leur extinction profite a l'Etat. Les créanciers perpétuels l'ont pareille-lement été, et l'Etat a pris des époques fixes de remboursement.
C'est cet acte que les deux comités réunis ont cru devoir examiner avec le plus grand soin. Ils ont vu qu'il avait reçu la plus parfaite exécution, ils Vont regardé comme inattaquable.
moyens.
Si, malgré cette décision, il naissait la question de savoir si l'Assemblée peut s'occuper de la vérification de cette partie de la dette publique, les créanciers invoqueraient avec succès le rapport fait en août 1790, par M. Montesquiou, au nom du comité des finances. Voici comment il s'exprime:
Principes de l'Assemblée nationale.
« La vérification de la dette publique a été sans doute un de nos premiers devoirs.
« Le résultat de cette vérification est renfermé dans trois tableaux imprimés que le comité des finances à fait rédiger avec le plus grand soin. Ces états contiennent tous les détails et toutes les observations dont chaque partie est susceptible: on y voit, avec la dernière précision, en quoi consiste :
« 1° La dette dont les capitaux sont aliénés, et que dans aucun cas on ne peut être obligé de rembourser.
« 2° La seconde partie (portent les comptes) présente l'état de tout ce qui est exigible ou le sera au 1er janvier 1791, en vertu de l'engagement précis contracté par le chef de la nation et implicitement validé par tous les décrets de l'Assemblée sur la dette publique.
« 3° La troisième partie contient les dettes dont le remboursement est promis, mais il ne doit s'effectuer que successivement et à des termes plus ou moins éloignés.
Les créances déléguées sur le cùmté de Montgommery sont portées dans ces trois parties de la dette publique.
Elles ont donc été vérifiées par le comité des finances.
Si cette autorité n'était pas suffisante, les créanciers invoqueraient avec succès ce que disait, au mois de septembre 1790, M. Vernier, au nom du même comité, dans une espèce beaucoup moins favorable que celle des créanciers qui réclament actuellement.
« Ce que l'on a approuvé, ce que l'on a autorisé dans un temps ne peut plus et ne doit plus être désavoué par la suite ; il ne reste plus alors qu'à s'imputer, ou une trop longue patience, ou un défaut de surveillance.
« La nation n'a pas hésité de mettre sous sa sauvegarde tous les créanciers de l'Etat. Quels sont donc ces créanciers ? ce sont ceux dont les titres ont été reconnus, avoués ou souscrits par des administrateurs approuvés.
« Ces engagements ont été souscrits et confirmés par 1 exécution. Tous ceux qui ont écrit n'ont pas hésité de regarder ces dettes comme étant vraiment celles de la nation. Elles l'étaient en effet, puisque le roi en avait fait les siennes propres.
« 1° (Dix) payements ont été faits et exécutés par différents ministres, ils reconnaissaient donc la validité de l'engagement » Six payements ont été faits sous l'Assemblée nationale, elle reconnaissait donc la légitimité de l'engagement ;
« 2° Il est rappelé dans les états fournis a ux notables en 1787, et ils ne l'ont pas improuvé.
« 3° Dans le compte rendu par l'archevêque de Sens.
« 4° Dans le compte général de M. Necker, du 1er mai 1789.
« 5° Dans l'aperçu des dépenses des huit derniers mois 1790.
Il est porté dans les comptes rendus en 1791 par les Assemblées constituante et législative.
Un tiers des rentes viagères s'est éteint au profit de la nation, et près de moitié des capitaux perpétuels est remboursée.
Une dette reconnue par le roi, par sept ministres des finances, par VAssemblée constituante, VAssemblée législative dans ses derniers comptes, est une dette sacrée et inviolable.
Principes de droit.
Cette affaire, considérée d'après les principes de l'Assemblée, n'est susceptible d'aucune nou-
velle vérification ; mais si on l'examine d'après les principes de droit, elle est encore plus inattaquable.
Le titre des créanciers délégués est l'acte du 23 juillet 1784 ; or, cet acte, rapproché de
Transaction.
L'échangiste avait beaucoup amélioré les domaines qui lui avaient été donnés en échange.
Il lui était dû des indemnités.
La terre de Montgommery avait été pendant
10 ans régie pour le compte du roi par les administrateurs du domaine, elle était dépérie én leurs mains.
Si elle fût restée à M. Clément, il lui eût été dû des indemnités.
Il avait fait des acquisitions de convenance très considérables dans l'étendue des domaines échangés. Du moment qu'il n'avait plus ces domaines, elles cessaient d'en avoir aucune pour lui.
Il lui était encore dû à cet égard une indemnité.
C'est sur tous ces objets que l'arrêt du 28 juillet 1784 a entendu transiger.
L'Etat a traité en pleine connaissance de cause,
11 avait fait vérifier les états et estimations ; mais quand on pourrait même supposer de la lésion, « les transactions, suivant les jurisconsultes, ne sont pas résolubles par la lésion que souffre l'un des contractants. Il est de l'intérêt public de ne pas donner atteinte aux transactions par des motifs de lésion, dont l'usage serait trop fréquent ».
Cet acte, en tant qu'il contient transaction, est inattaquable ; mais il contient aussi vente.
VENTE.
Le roi était acquéreur. Or, suivant tous les principes, un acquéreur ne peut se faire restituer. La loi n'accorde le bénéfice de la restitution qu'au vendeur ; elle suppose qu'il a cédé à une dure nécessité.
Le roi connaissait parfaitement la valeur des objets qu'il a acquis, il jouissait depuis 10 ans de la terre de Montgommery et de toutes ses dépendances.
La restitution ne peut avoir lieu.
L'Etat pourrait se faire restituer, qu'il ne pourrait pas réduire le prix des biens vendus.
Une vente est un contrat synallagmatique. Une des parties ne peut détériorer la condition de l'autre et se dispenser d'une partie de ses engagements sans un mutuèl consentement.
Dans l'affaire dont il s'agit, le consentement des deux parties ne suffirait pas. Ce contrat intéresse des tiers (les créanciers délégués), qu'on ne pourrait forcer d'y consentir.
L effet de la restitution est de remettre les parties au même et semblable état qu'elles étaient avant de contracter.
Pour cela, il faudrait que l'Etat rendit tous les domaines par lui acquis.
L'Etat les a tous aliénés.
Il faudrait que l'Etat les rendît tels qu'ils étaient en 1784. Or, différents décrets ont anéanti la féodalité. La mouvance de Montgommery s'étendait dans 232 paroisses. C'était d'elle que ce domaine tirait tout son éclat. Et suivant l'axiome, res périt domino, l'Etat en doit seul supporter la perte.
Les créanciers délégués sur le prix de Montgommery, par M. Clément, ont eu confiance :
1° Jusqu'en 1784, dans 5 arrêts du conseil qui en confirmant l'échange de Pont-Audemer, lui en assuraient la propriété ;
2° Depuis 1784, dans l'engagement (formel de les payer, contracté par le roi, ratifié par ses ministres et par les Assemblées constituante et législative.
Leur gage est successivement disparu.
Depuis 10 mois que l'Assemblée nationale est saisie de cette affaire, les seuls immeubles restants devenus nationaux et affectés hypothécairement à leur créance, ont été vendus.
RÉSUMÉ.
Le roi est rentré, en 1784, dans tous les domaines qu'il avait donnés en échange en 1773.
Il ne peut donc plus être question de l'examen de l'opération faite en 1773.
L'acte du 23 juillet 1784 est inattaquable, d'après les principes de l'Assemblée. Il contient un engagement formel contracté par le roi, ratifié par 7 ministres, validé implicitement par tous les décrets de l'Assemblée constituante et législative, sur la dette publique.
Cet acte contient transaction et vente, il a reçu l'exécution la plus entière.
Enfin, les parties ne peuvent pas être remises au même état où elles étaient.
Le tiers des rentes viagères est éteint au profit de l'Etat, et près de moitié des capitaux perpétuels est remboursée.
Montgommery est sans féodalité. Il n'est plus, ainsi que les autres objets, entre les mains de l'Etat.
On ne peut donc revenir sur l'opération faite en 1784, et la discuter de nouveau; il ne doit être uniquement question que du mode de payement.
Pleins de confiance dans la justice de leur cause, dans l'avis unanime de quatre comités, et dans l'équité des représentants de la nation, les créanciers délégués sollicitent une décision. Les rentes qui leur sont dues par l'Etat font, pour beaucoup d'entre eux, le principal objet de leur fortune.
PROJET D'ADRESSE AU PEUPLE FRANÇAIS (1), présenté à l'Assemblée nationale, le 27 décembre 1791, par M. Vergniaud.
« Francais (2),
« L'appareil de la guerre se déploie sur vos frontières; on parle de complots contre la liberté, vos armées se rassemblent; de grands mouvements agitent l'Empire.
« Dans ces conjonctures, dont la malveillance pourrait ou dissimuler, ou exagérer les dangers, vos représentants vont vous dire avec confiance
et franchise quels efforts la patrie attend de votre amour pour elle et de votre courage.
« Des prêtres séditieux préparaient dans le secret des consciences, et jusque dans la publicité de la chaire, un soulèvement contre la Constitution ; ils assaillaient des dernières torches du fanatisme des lois qui détruisent sa puissance.
« D'audacieux satellistes du despotisme, portant 15 siècles d'orgueil et de barbarie dans leurs âmes féodales, demandaient à toute la terre, à tous les trônes, de l'or et des soldats, pour lui reconquérir le sceptre de la France.
» Deux lois martiales nous parurent nécessaires pour sauver la patrie de ces deux factions conjurées. Dès lors elles nous semblèrent justes ; cependant nos efforts n'ont abouti qu'à faire briller un instant la foudre aux yeux ae la rébellion; une main clémente en a suspendu les coups ; la sanction a été refusée à nos décrets.
« Une autre mesure était commandée par la dignité nationale. Quelques princes du corps germanique, sous les dehors de l'hospitalité, ont fait de leur territoire un repaire de conspirateurs ; ils ont accueilli les Français émigrés, et donné protection à leurs complots ; ils leur ont fourni des secours d'hommes et de chevaux ; ils leur ont permis de se former en corps d'armée : le droit des gens a été violé. Des préparatifs hostiles sont dirigés contre vous : on vous oblige à consumer en mesures défensives une riche portion de votre trésor national.
« Pouviez-vous garder le silence sur tant d'injures et affecter une impassibilité absolue dans une situation aussi pénible? Fallait-il avec une patience suicide, vous laisser conduire à ce degré ae faiblesse, où la victoire n'aurait pas même coûté à vos ennemis les hasards du combat?
« Ah ! sans doute la gloire et le salut de la patrie vous sont toujours chers. Vous avez renoncé aux conquêtss; mais vous ne promîtes point d'endurer d'insolentes provocations. Vous avez secoué le joug de vos despotes ; ce n'est pas pour fléchir ignominieusement les genoux devant quelques despotes étrangers. Amis de l'humanité, vous ne troublerez jamais, par les fureurs d'une déplorable ambition, le bonheur du monde. Amis de la liberté, vous en aurez toute l'énergie pour réprimer l'audace qui tenterait de troubler le vôtre.
Voilà les sentiments que nous avons trouvés dans nos cœurs ; voilà ceux que nous avons crus vraiment dignes de vous. Nous avons prié le roi de les manifester à l'Europe. Déjà, il nous a annoncé qu'il avait déféré à nos vœux ; le reste sera confié à votre valeur ; le succès est-il certain ?
Prenez garde, cependant ; vous êtes environnés de pièges ; on cherche, à vous amener, par dégoût ou lassitude, à un état de langueur qui énerve votre courage : bientôt, on tentera de l'égarer.
Ici, l'intrigue entrave la marche des corps administratifs dans le répartement de l'impôt ; là, celle des tribunaux dans la répression des délits contre la Constitution.
Surtout on suit avec une activité perfide un plan de calomnie formée contre l'Assemblée nationale, même avant sa réunion. On sait que si l'on parvenait à lui ravir votre confiance, c'en serait fait de la liberté. Mais elle marchera, sans s'étonner, à travers les tempêtes ; elle entendra tranquillement, de la hauteur du poste où vous l'avez placée, les clameurs séditieuses de ses ennemis. Elle ne leur répondra qu'en déjouant leurs
complots, et en s'unissant à vous pour sauver la patrie.
D'une autre part, on lance le monstre de l'agiotage, non seulement sur vos changes avec l'étranger, qui ont une si grande influence sur vos rapports commerciaux ; mais encore sur vos assignats, d'où dépendent toutes les fortunes individuelles, et la fortune publique. Des scélérats sont stipendiés dans les principales villes de commerce pour égarer l'opinion, répandre la terreur, et persuader, s'il était possible, que tout est désespéré parmi vous: Constitution, finances, assignats, commerce, et jusqu'à la terre dont la fécondité seule suffit pour faire échouer leurs maneuvres.
Serait-il à craindre qu'une aveugle crédulité vous rendît les victimes de si grossières impostures ? Eh I dans quel temps laisseriez-vous donc atténuer votre confiance en vos assignats, dont le gage est sous vos yeux et en vos mains ;
Lorsque 600 millions de créances déjà remboursées permettent d'entrevoir le terme où la loyauté française aura généreusement expié toutes les .dilapidations du gouvernement despotique ;
Lorsque votre zèle permet de regarder oomme prochaine la rentrée des impôts arriérés ;
Lorsque cette rentrée fournira des fonds beaucoup au-dessus des nouvelles émissions d'assignats, que le retard passager et inévitable dans les perceptions a rendu nécessaire ;
Lorsque les divisions de ces assignats en modiques fractions vont faciliter leur introduction dans la chaumière du pauvre, et le soustraire aux combinaisons dévorantes des agioteurs ;
Lorsque la valeur des biens nationaux fixée aujourd'hui dans l'opinion publique par des estimations éclairées, est évidemment double de celle des assignats.
Ah! défendez-vous de ces terreurs paniques, qui font à l'Empire une plaie cruelle, et ne laisseraient dans vos âmes que l'inutile regret d'avoir été vous-mêmes les instruments de vos malheurs. Que vous importe le prix ridicule auquel on achète aujourd'hui votre or? L'expérience ne vous-a-elle pas appris qu'il était possible de se passer de métaux ; que vous pouviez même les mépriser tant que leur acquisition ne servirait qu'à vous appauvrir ?
Que si les gouvernements étrangers et l'agiotage ont réuni leurs combinaisons pour faire tomber vos charges à un taux absurde; négociants, au lieu de vous décourager, rendez grâce au génie tutélaire de la patrie. C'est une occasion qu'il vous offre de donner un nouvel essort à l'industrie nationale, de faire fleurir nos manufactures et de cultiver avec plus de soin les bienfaits que la nature libérale prodigue à notre sol. Saisissez-là avec une ardeur civique, et bientôt vous verrez le commerce des autres nations déplorer l'illusoire supériorité de son crédit; bientôt vous le verrez solliciter lui-même, sous la loi de l'égalité, la faveur de s'alimenter de vos richesses territoriales, et des fruits de votre travail.
Vous avez à vous préserver encore d'un dernier artifice grossier en apparence, et néanmoins dangereux. Vous rencontrerez dans vos départements des hommes qui ne prononcent qu'en frémissant le mot de Constitution, mais qui se proclament, avec une affectation hypocrite, les amis de la monarchie, qui, dans leurs discours, et leurs écrits ne parlent que de la monarchie. Et si vous manifestez à leurs yeux un civisme ardent; si vous vous montrez les amis de la li-
berté, surtout ceux de l'égalité, aussitôt ils vous dénonceront comme des factieux qui veulent bouleverser l'Empire. C'est ainsi qu'ils remplissent la France de soupçons, qu'ils fomentent des haines et sèment la discorde. Ah ! repoussez avec indignation ces prédicants imposteurs. Dignes émissaires de Worms et de Coblentz, dignes alliés des prêtres séditieux, dignes soutiens d une conspiration infernale, ils veulent vous diviser pour vous affaiblir. La monarchie, pour eux, c'est la contre-révolution; la monarchie, pour eux, c'est la noblesse.
La contre-révolution! c'est-à-dire la dîme, la féodalité, la gabelle, des bastilles, des fers, des bourreaux pour punir les élans sublimes de la liberté, des armées étrangères dans l'intérieur de l'Etat, l'horrible banqueroute, engloutissant, avec vos assignats, vos fortunes particulières et les richesses nationales; les fureurs du fanatisme, celles de la vengeance, les assassinats, le pillage, l'incendie ; enfin, le despotisme et la mort, se disputant, dans des ruisseaux de sang et sur des monceaux de cadavres, l'Empire de votre malheureuse patrie.
La noblesse! c'est-à-dire deux classes d'hommes : l'une pour la grandeur, l'autre pour la bassesse; l'une pour la tyrannie, l'autre pour la servitude.
C'était elle, dit-on, qui faisait travailler le pauvre et lui fournissait des moyens de subsistance. Mensonge audacieux; ce n'est point parce-qu'ils étaient nobles que vos satrapes fugitifs salariaient l'indigence laborieuse, mais parce qu'ils avaient de l'or, parce que leur avidité puisait à son gré dans le Trésor national; le prix des travaux commandés par leur luxe ou leurs caprices, ne fut, le plus souvent, qu'une portion volée de la subsistance du peuple, qu'ils lui faisaient racheter à la sueur de son front. Cet or, coulant désormais par des canaux plus purs, portera une heureuse fécondité dans toutes les parties de l'Empire, et des secours efficaces à tous les infortunes.
La noblesse! Ah! ce mot seul est une injure pour l'espèce humaine. Quel autre d'ailleurs rappellera désormais à la France des parjures plus réfléchis, des défections plus honteuses, des trahisons plus perfides, des conspirations plus atroces?
Et cependant, c'est pour assurer le succès de ces conspirations, préparer une couronne à ces perfidies, qu'une partie du Midi s'agite, et que le Nord menace d'envoyer des armées contre nous. L'appareil de la force et l'astuce des négociations sont tour à tour employés pour relever les faux dieux que nous avons abattus. Une absurde idolâtrie fit le malheur et l'opprobre des générations écoulées. On tente de mettre toute l'Europe en mouvement, pour y faire condamner, sans retour, les générations futures : craignant qu'il ne lui échappe, le despotisme voudrait d'avance dévorer l'avenir.
Eh bien! il faut détruire ces coupables espérances par une déclaration solennelle. Oui, toute idée d'autre distinction entre les citoyens, que celle des talents et des vertus, sera constamment rejetée avec horreur par la France libre. La France libre ne parlera plus de noblesse, qu'avec le mépris qu'on doit aux préjugés, ét la haine que méritent la tyrannie et la trahison. Oui, les représentants de la France libre, inébranlablement attachés à la Constitution, seront ensevelis sous les ruines de son temple, avant qu'on ose vous proposer une capitulation indigne d'eux et de vous.
Français, vous touchez à l'époque de la Révolution, où votre sort va se décider pour jamais. Le livre des destins est ouvert, et vous allez y prendre une place que vous ne quitterez plus.
Des divisions imprudentes, des méfiances sans fondement, des craintes ridicules, un relâchement funeste dans votre zèle peuvent vous ravir le fruit de trois années de courage et de travaux, vous livrer à tous les maux de l'anarchie, aux angoisses de la misère, aux fureurs de la guerre civile, et vous rendre le mépris, et peut-être la proie des nations qui vous entourent.
Rappelez-vous, au contraire, la journée immortelle du 14 juillet! Que ce grand souvenir efface celui de vos dissensions particulières, et ranime votre énergie : c'est du salut de tous qu'il s'agit aujourd'hui. Hâtez-vous de relever le crédit national, et de vous assurer des moyens de défense par votre empressement à payer les impositions. Si vous êtes fonctionnaires publics, redoublez d'activité pour accélérer la marche encore trop lente de notre nouvelle organisation politique; gue l'oeil de la justice soit toujours ouvert sur les intrigues du fanatisme religieux ou nobiliaire. Suivez tranquillement, dans le choix de votre culte, et, sans faire violence à personnne sur le choix du sien, l'impulsion de vos consciences ; laissez, laissez à l'être suprême le soin de juger vos erreurs. Si quelquefois vos opinions diffèrent, est-ce donc un motif pour vous diviser? Il est un cri auquel se reconnaîtront aisément les bons citoyens : la Constitution.
Ralliez-vous tous à ce nom sacré, unis par une tendre fraternité, et par des périls communs, brûlant de l'amour de la patrie, et fidèles à la devise généreuse que vous avez choisie : Vivre libre ou mourir. Ainsi conduits par les passions les plus sublimes sous le drapeau tricolore que vous avez si heureusement arboré sur les ruines de la Bastille, quel ennemi osera vous attaquer, ou quels triomphes ne vous préparent pas des conspirateurs insensés? On tente ae soulever des nations contre vous : on ne soulèvera que des princes. La nature vous ménage dans le cœur aes peuples des intelligences secrètes qui échappent à 1 inquisition de la plus redoutable tyrannie. C'est aussi leur cause que vous embrassez en défendant la vôtre; c'est aussi pour eux qu'est écrite la Déclaration des droits. Respectez les gouvernements étrangers; mais faîtes respecter le vôtre. Abhorez la guerre, elle est le plus grand crime des hommes, et le plus terrible fléau de l'humanité. Mais enfin, si Ton vous y force, sans vous effrayer des revers, sans vous enorgueillir du succès, suivez le cours de vos grandes destinées. Eh ! qui peut prévoir jusqu'où elles étendront la punition des tyrans qui vous auront mis les armes à la main? Tôt ou tard, la justice éternelle désigne un terme aux victoires du despotisme, elle n'en désigne aucun aux victoires de la liberté. Union et courage, la gloire vous attend. Jadis, les rois ambitionnaient le titre de citoyens romains, il dépend de vous de leur faire envier le titre de citoyens français.
La séance est ouverte à six heures du soir.
J'ai l'honneur de
demander à l'Assemblée le renvoi au comité des pétitions, d'une demande faite par le district de Saint-Denis, au nom de plusieurs municipalités qui désirent être admises à faire leur soumission pour Vacquisition de domaines nationaux.
(L'Assemblée renvoie cette demande au comité des pétitions.)
Un membre fait lecture d'une pétition en faveur des enfants du sieur Duchemin, capitaine de dragons, tué le 10 mai 1790, dans les troubles de Mon-tauban.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au Comité des secours publics et le charge d'en faire le rapport incessamment.)
Messieurs, j'ai à vous annoncer des faits très intéressants pour nos finances, et qui par cela même méritent toute votre attention.
Ces faits sont que les commis aux douanes placés aux barrières par la régie, sont si peu vigilants sur les droits d'entrée, qu'il est arrivé, il y a peu de jours, qu'à Forbach, sur la route de Metz, et sur l'extrême frontière du royaume vers le pays de Nassau, des voitures chargées de marchandises ont passé, sans que ces commis s'en soient approches pour les examiner, et pour demander si ceux qui les conduisaient n'avaient* pas quelque déclaration à faire, et qu'il m'est arrivé la même chose à Nieder-Otterbach, sur l'extrême frontière du royaume vers le Palatinat, le 9 du mois de septembre dernier, où j'ai passé sans que ces commis, qui étaient alors à aîner, se soient mis en peine ae venir me joindre pour recevoir ma déclaration. A ces deux faits, j'en ajoute un troisième, savoir : que le royaume est tout à fait ouvert là où le district de Bitche, département de la Moselle, confine au district de Wissembourg, département du Bas-Rhin; que la contrebande se fait ouvertement de ce côté-là, de même que du côté de Forbach, où l'on introduit en plein jour des chariots chargés de marchandises étrangères, par deux chemins différents, qui traversent les forêts de ces environs; qu'il existe à Saarbriick, chef-lieu du comté de Nassau, uné société à la tête de laquelle se trouvent les sieurs Karcher, négociants ae ladite ville, qui se charge des risques que courent les contrebandiers, en s'obligeant aux pertes et dommages qui peuvent leur advenir, moyennant une certaine somme dont ils conviennent, selon le risque qu'il y a à courir ; en un mot, qui passent avec les contrebandiers des contrats d'assurance ; que si cela continue ainsi, vos fabriques ne pourront pas soutenir la concurrence avec les fabriques étrangères et que la fabrication du tabac surtout en souffrira considérablement; car cette fabrication supportant en France 25 livres de droit du quintal, et nos voisins ne payant point de droit, il est tout simple qu'ils pourront vendre à bien meilleur marché que nous, et qu'ils pourront à la fin nous ruiner, si on ne ferme pas sans délai les portes qu'on a laissées ouvertes jusqu'ici. Je crois donc, Messieurs, qu'il est de votre devoir de donner connaissance, le plus tôt possible, des faits que je viens de vous dénoncer, au ministre des contributions publiques, pour qu'il rappelle la régie à son devoir, et pour que celle-ci surveille davantage les commis aux barrières, qui, d'ailleurs, sont suspects à beaucoup de bons citoyens, qui les croient favorables à la contre-révolution, dans l'espérance qu'elle ressuscitera et ramènera la ferme, dont ils sont en grande partie les dignes rejetons. J'aurais moi-même prévenu le ministre de ces faits, si je ne m'étais
interdit sévèrement toute communication immédiate avec les agents du pouvoir exécutif, qui m'ont donné assez de couleuvres à avaler soUs l'ancien régime, pour que je ne sois pas tenté de les aduler, derechef, sous le nouveau. (Applaudissements.')
Je profite de cette occasion pour faire la motion expresse que l'Assemblée nationale veuille bien charger son comité de commerce d'examiner la grande question de la conservation des douanes aux frontières, et qu'à cet effet, le ministre des contributions publiques soit tenu de remettre incessamment l'état exact des produits des douanes, depuis la promulgation du nouveau tarif, ainsi que celui des frais de régie et d'exploitation, pour que, sur le rapport qui en sera fait le plus tôt possible, l'Assemblée puisse statuer ce qui conviendra. L'Assemblée jugera s'il est de l'intérêt bien entendu de la nation de conserver une telle régie, et s'il ne sera pas plus avantageux de rendre au commerce extérieur la liberté illimitée dont il a besoin pour assurer la prospérité de l'Empire. J'observe qu'en général, dans un pays libre, il ne faut que des contributions, et non des impositions indirectes, dont les frais de perception absorbent les produits, et dont la forme réglementaire entretient une véritable guerre intestine entre les percepteurs et les redevables.
Un membre : J'appuie cette motion, mais je demande qu'elle soit renvoyée aux deux comités, réunis, du commerce et de l'ordinaire des finances.
J'acquiesce à cette adjonction. Mieux la question sera examinée, plus tôt l'on se convaincra que l'intérêt national commande la suppression aes douanes.
(L'Assemblée décrète le renvoi de cet objet, ainsi que de la dénonciation, à ses deux comités du commerce et de l'ordinaire des finances.)
Je demande à être mis à l'ordre du jour pour le projet de décret que j'ai présenté, au nom au comité de marine, relativement aux congés de mer (1). Il n'y a pas une minute à perdre, puisque le délai va échoir le 1er janvier. :
Vous serez appelé à votre tour.
Un membre : Je demande que le rapport du comité de l'ordinaire des finances sur la nomination des payeurs ordinaires dans les départements soit ajourné à samedi prochain, séance du soir.
(L'Assemblée décrête cette motion.)
Je demande la parole pour faire une motion relative à l'organisation forestière. Tous les officiers des ci-devant maîtrises des eaux et forêts sont maintenant à Paris pour y solliciter des places, de manière que nos forêts ne sont point administrées, et que ces officiers ne s'acquittent pas des fonctions de surveillance dont ils sont encore chargés. Je demande que le ministre des contributions publiques nous fasse connaître, par écrit, l'exécution qu'a reçue jusqu'à présent le décret concernant l'organisation forestière.
Un membre observe que le comité des domaines est prêt à faire un rapport sur cette matière.
Plusieurs membres appuient la proposition de M. Gossuin.
, au nom du comité des inspecteurs de la salle, fait un rapport sur les modifications à apporter dans Vaménagement de la salle des séances; il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez chargé votre comité d'inspection de s'occuper, avec les deux commissaires que vous lui avez adjoints, et l'architecte de 1 Assemblée, de la révision des trois projets que j'ai eu F,honneur jde soumettre, il y a quelques ipiurs, à votre délibération, sur des changements à faire dans votre salle d'assemblée, et de vous présenter un nouveau plan (1). Après avoir examiné et comparé , ces trois projets, votre comité et les deux. commissaires ont pensé que si la forme demi-elliptique à donner aux banquettes en plaçant le président au centre de l'ellipse, paraissait être, et était de fait la plus avantageuse, Je, grand inconvénient de vous déplacer et de vpiis éloigner de vos comités pour aller pendant trois semaines tenir vos séances à la salle de l'archevêché, devait faire rejeter ce plan. Çette considération les a engagés à adopter le troisième projet, à: quelques modifications près. Ces nouvelles dispositions contiennent neuf articles, qui font l'objet du projet de décret suivant :.
« L'Assemblée nationale voulant établir une circulation facile et commode au sommet des gradins et dans le pourtour de la salle, multiplier les issues, dégager l'arène par la suppression des poêles, et écarter tout ce qui peut distraire l'attention; voulant porter et fixer, ié nombre des places à 760, et les limiter aux deUx extrémités de la salle, pour qu'il y ait. entre les membres plus d'ensemble et de rapprochement, et que le jugement des épreuves par assis et levés soit moins conjectural ; considérant enfin qu'une bonne disposition produit l'accord et l'ordre, et influe essentiellement sur les délibérations, décrète qu'elle-autorise son comité d'inspection à faire exécuter dans le plus court délai, conformément aux plans et devis de l'architecte de PAssemblée, et d'après les soumissions jointes à la minute du présent projet, les articles suivants :
Art. 1er.
« Il sera construit deux corridors à l'extérieur des murs latéraux de la salle, avec un escalier à chacune des extrémités.
Art. 2.
« Les deux poêles apparents seront supprimés, et l'on y substituera des tuyaux distribués horizontalement sous les gradins, avec des ouvertures dans les contre-marches, pour que le même degré de chaleur se maintienne dans la salle, et s'y répande plus également.
Art. 3.
« Trois banquettes à chacune des extrémités de la salle seront retranchées, et l'espace
qu'elles occupent servira à communiquer aux corridors extérieurs par des portes percées dans
le mur et fermées de battants ; au delà de cet intervalle, une banquette qui contiendra 24
places, sera réservée pour les députations; les quatre banquettes au fond seront, par un
appui, séparées
Art. 4.
. « Au haut des petits degrés appelés vomitoires, des baies seront ouvertes et fermées d'autant de portes battantes pour communiquer du sommet des gradins dans les corridors, et établir une circulation au pourtour de la salle.
Art. 5.
« Pour obvier à l'inconvénient qu'aucun des membres de l'Assemblée soit place derrière le président, son fauteuil sera placé près du mur, et une portion de la tribune publique au-dessus de sa tête, sera retranchée. Les deux portions restantes exigeant deux escaliers au lieu d'un, la difficulté de les construire dans l'espace de terrain trop resserré du côté du sud, nécessite la translation du président et des secrétaires du côté du nord, et réciproquement celle de la tribune dés orateurs et de la barre du côté opposé.
Art. 6.
« Les tribunes latérales seront prolongées de 21 pieds à chaque extrémité, et un emplacement distinct y sera destiné pour les journalistes.
Art. 7.
« La loge du Logographe sera conservée à la proximité du président.
Art. 8.
« Une cloison en briques de champ, enduite d'un côté, sera élevée à la place des claires-voies dans les corridors du bas.
Art 9.
« Les deux entrées dé l'arène seront fermées pendant la tenue des séances, et ouvertes à l'instant qu'elles se lèvent.
« L Assemblée nationale, considérant la nécessité de pourvoir à la restauration des banquettes de la salle et , à celle des tribunes, décrète qu'elle autorise en outre son comité d'inspection à faire faire tous les arrangements et réparations nécessaires dans la salle, suivant les devis estimatifs; et que les effets provenant du garde-meuble du roi lui seront remis, et remplacés par d'autres; ; que toutes ces constructions, changements, restaurations seront exécutés dans le plus bref délai, sans déplacer ni interrompre les séances de l'Assemblée nationale. »
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
Un membre : J'appuie seulement la suppression des poêles, et je demande la question préalable sur le projet du comité.
Je propose d'adopter le projet qui, est présenté, mais je demande la question préalable sur l'article qui concerne la loge du Logographe. Ce journal a contracté avec la nation des engagements qu'il ne remplit pas.
Quelques membres : Appuyé! appuyé !
Un membre : Je m'oppose à ce qu'on discute ce projet. Le sénat de Rome s'occupa-t-il jamais de délibérer sur un pareil objet?
Un membre : Avant de mettre aux voix, je de* mande que l'on nous dise combien coûteront ces changements.
Le seul point qui mérite de la considération, c'est de savoir si le projet est bien entendu. Doit-on parler des dépenses lorsqu'il s'agit de recevoir les représentants d'un grand peuple? doit-on» lorsqu'il est certain que Fa salle a [besoin d'être changée, regretter une centaine de mille francs, tandis qu'on à dépensé des millions pour faire, du .marais de Versailles, un château superbe. (Applàu^dissements.)
Sans doute l'économie est la première vertu des peuples libres t ce n'est pas avec de vaines déclamations qu'on paye ses dettes. Il est démontré à tous ceux qui connaissent les arts, qu'on ferait inutilement des dépenses pour trouver dans un pareil vaisseau Un amphithéâtre tel qu'on pût de toutes les parties entendre la voix des orateurs. Au surplus, dans un moment où les impôts sont difficilement perçus, l'Assemblée ne doit pas admettre de confiance un projet |qui tend à lui en faire augmenter la masse. Je voudrais que l'on ne prît aucune détermination sans connaître le prix que coûteront les changements que l'on se propose de faire ; c'est pourquoi je demande l'ajournement à trois jours.
Un membre : Je demande l'impression et l'ajournement à jour fixe.
Plusieurs membres : Discutons sur-le-champ.
Je demande avant tout qu'on décide s'il sera fait des changements à la salle, oui ou non.
Un membre : Cette salle est la maison natale de la liberté; je demande que nous en respections même les lambeaux et que nous n'y changions rien.
Plusieurs membres : La question préalable sur le projet du comité.
Je combats la question préalable. L'Assemblée constituante était composée de 1,?00 membres. Nous ne sommes que ,740. Il est de notre plus grand intérêt d augmenter le nombre des spectateurs de nos travaux.
(L'Assemblee, consultée, rejette la question préalable et décrète qu'elle discutera à l'instant le projet qui lui est soumis.)
Un membre : Je m'étonne que des législateurs s'occupent à discuter un ouvrage qui appartient purement à la connaissance des architectes. (Applaudissements.)
Plusieurs membres demandent line seconde lecture du projet de décret.
, rapporteur, fait une seconde lecture du projet.
Plusieurs membres : Aux voix le projet! . D'autres membres : Article par article !
D'autres membres : Non! non! en masse!
Je demande que l'Assemblée nationale adopte de confiance le projet de décret La discussion n'apportera aucune lumière sUr cet objet dont les détails nous sont inconnus. Nous avons adopté de confiance des projets de finance ; je demande pourquoi nous discuterions un projet auquel nous n entendons rien. Je prie donc l'Assemblée de s'en rapporter à ses commissaires. (Oui ! oui ! Aux voix f)
(L'Assemblée, consultée, adopte presque a l'unanimité le projet de décret.).
Plusieurs membres : Monsieur le Président vous avez mis aux voix le décret avec précipita-
tion ; nous demandons une seconde épreuve.
D'autres membres : L'ordre du jour L
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport sur l'état des frontières du royaume ; il s'exprime ainsi (1) î
Messieurs, vous avez; renvoyé en différents temps à votre comité.militaire plusieurs pétitions et observations qui vous ont été présentées relativement à nos places frontières, ainsi que la demande qui vous a été faite d'envoyer des commissaires tirés du sein de cette assemblée pour constater leur état.
C'est pour vous mettre à même d'apprécier ces différentes pétitions et pour satisfaire à ce que lés circonstances exigent en ce moment, que votre comité militaire m'a chargé de vous présenter un tableau général de la situation de nos forteresses, de leur objet, de leur armement et dé voUs faire connaître enfin toute l'étendue de vos moyens actuels de force et de défense.
Le ministre de la guerre vous a annoncé, il y a peu de jours, que le roi l'avait chargé de donner des ordres, pour que 150,000 hommes puissent être rassemblés sur les frontières, et pour en former 3 corps d'armée. La Constitution attribuant au roi seul la disposition des préparatifs de guerre, votre comité ne croit pas devoir discuter cette mesure ; mais on peut remarquer que, dans la saison où nous sommes, cette réunion de troupes ne sera probablement,: en ce moment, que la répartition de 150,000 hommes avec tout leur attirail de guerre, dans l'intervalle . qui s'étend depuis Dunkerque jusqu'à IluningUe sous les ordres de 3 généraux d armée. Par cette disposition, si les circonstances nécessiteht dans peu une irruption contre le rassemblement des émigrés, il sera facile de faire marcher en peu de temps un corps d'armée central, qui pourra se porter, soit par la Moselle, soit pâr le Rhin, sur le lieu de leur réunion, tandis que le reste de nos troupes, couvrant les parties latérales de nos frontières, veillera sur les démarches des puissances voisines. Tel est le point de vue sous lequel on peut envisager les dispositions annoncées ; mais, quelles qu'en puissent être les suites, ces circonstances doivent jeter plus d'intérêt sur le rapport que je suis chargé depuis longtemps de; vous présenter.
Le ministre de la guerre vous a rendu compte, le 11 octobre dernier, que nos places n'avaient point à craindre une attaque de vive force et qu'elles exigeraient un siège en règle ; cela ne veut pas dire, sans doute, qu'il n'y ait rien à y faire, car une place est toujours susceptible d'augmentation de forces en perfectionnant ses moyens de résistance, il est même quantité de travaux nécessaires, pour soutenir un siège, qui ne doivent s'exécuter qu'au moment du besoin; tels que les coupures, retranchements intérieurs, blindages, la plus grande partie des pa-lissadements ; ennn, il est une infinité de moyens décisifs, qu'on ne peut prendre que dans l'instant imminent, parce que ce n'est qu'alors qu'on ne calcule plus, ni les sacrifices, ni les dépenses.
Mais pour qu'une place soit réputée en premier état de défense, il suffit que le relief et
la masse des ouvrages soient bien prononcés, que tout ce qui sert au mouvement des eaux soit
en état de manœuvrer, que les principaux appro-
Ce n est que de cette manière qu'on peut parvenir à rassembler l'immense quantité d'approvisionnements de tous genres qu'exige le détail d'un siège ; car s'il fallait que chacune des places fût approvisionnée d'avance en. totalité, ae manière à pouvoir soutenir un siège de 3 mois, la dépense dont on grèverait l'Etat serait effrayante, et presque toujours en pure perte. Je n'entre dans ces détails, Messieurs, que parce qu'on vous a souvent manifesté des inquiétudes à ce sujet, qui n'auraient pas eu lieu, si on se fût entendu.
J'ajouterai encore que dans des moments de défiance (bien pardonnable, sans doute), on s'est plaint souvent que telle place n'était pas à l'abri d'une surprise, que telle autre n'était pas à l'abri d'un coup de main ;; ces réclamations ont donné lieu à des alarmes dangereuses, et il faut encore s'entendre à ce sujet.
D'abord nulle place n'est à l'abri d'une surprise, quand elle n'est pas bien gardée. Les Anglais ne se sont rendus maîtres de Gibraltar, la
Elus forte place de l'Europe, que par surprise, 'île Saint-Eustache et son fort, quoique en bon état, ne sont tombés dans la dernière guerre entre les mains des Français que par surprise. Ainsi le danger de la surprise n est pas [précisément relatif à l'état de la fortification, mais seulement au service et à la surveillance des troupes.
D'un autre côté, pour qu'une place soit réputée à l'abri d'un coup de main et d'être emportée de vive force, il suffit qu'elle soit bas-tionnée, qu'elle ait un bon fossé, une escarpe bien revêtue ; que la garnison soit proportionnée à son étendue et qu elle soit surveillante ; car, alors pour s'en emparer, il faut nécessairement faire des approches en règle et suivre les premières formalités d'un siège, ce qui donne nécessairement le temps de renfoncer la garnison et d'augmenter les approvisionnements.
Il ne faut pas s'étonner d'ailleurs de voir des écorchements sur les revêtements de plusieurs de nos places négligées depuis trop longtemps, et ne pas confondre, comme on l'a fait, ces écorchements avec des brèches. L'aspect, à la vérité, de ces revêtements écorcnés n'est pas agréable; mais il n'y n'a rien d'effrayant; car observons que pour les mettre en brèche, il ne faudrait pas deux heures de moins que si leurs parements étaient dans le meilleur état.
Voilà ce qu'il est à désirer que tout le monde sache, afin de ne pas se livrer a des inquiétudes mal fondées, souvent plus dangereuses que le danger même que l'on cherche à éviter.
C'est en effet d'après ces inquiétudes devenues quelquefois trop pressantes, qu'on a été obligé de faire dans plusieurs places quelques dispositions, au moins inutiles, souvent nuisibles, et toujours dispendieuses ; dans les unes, on a mis de l'eau dans les fossés et on a tendu des inondations qui ont de beaucoup retardé l'exécution des travaux les plus presses ; dans d'autreson a
pratiqué des blindages à grands frais, comme si on eût été menacé cPun bombardement très prochain; dans quelques places les palissadements ont été au moins prématurés : car, dans une place bien revêtue, ce n'est pas le palissadement qui peut prémunir contre un coup de main, ou une attaque de vive force ; il n'est utile que dans la suite aes opérations d'un siège en règle.
Enfin presque partout il a fallu faire un étalage immense d artillerie disposée nécessairement au hasard et sans objet d'utilité réelle.
On a dit que ces armements avaient pour objet de prévenir les surprises ; mais quelles surprises pouvait-on avoir à craindre, par exemple, à Strasbourg, où il se trouve plus ae 6,000 hommes de troupe de ligne, autant de gardes nationales, et où l'on a cependant développé plus de 150 pièces de bouches à feu de toutes espèces sur les remparts.
Votre comité n'a donc pu se dissimuler,*Messieurs, que ces inquiétudes peu réfléchies ne soient un grand mal politique, puisqu'elles tendent à paralyser les pouvoirs, ou à les faire mouvoir à leur gré et à détourner l'emploi des fonds de leur objet d'utilité réelle; la loi du 10 août, qui fixe les limites des pouvoirs civils et militaires, préviendra sans doute de pareils inconvénients.
Ce n'est pas tout, en effet, que d'avoir des moyens de force; ils deviendraient bientôt nuls, si nous ne pouvions les diriger vers leur objet d'utilité; ils ne serviraient qu'à enhardir les ennemis de la Constitution. Mais, les détails suivants extraits, en grande partie, des comptes rendus en octobre dernier, par les commissaires inspecteurs de l'artillerie et du génie, nommés en vertu des décrets de l'Assemblée constituante, doivent Vous faire connaître et la grandeur de vos moyens de défense et les principales dispositions faites durant cette campagne pour les employer avec fruit.
Vous savez, Messieurs, que nos places fortes sont divisées en trois classes relativement à leur position, et à d'autres circonstances qui les rendent plus ou moins importantes ; je m'arrêterai davantage sur celles de la lre classe ; moins sur celle de la seconde et je ne parlerai pas de celles de la troisième, vu qu'elles ne peuvent jouer aucun rôle en ce moment.
Je commence cet examen par les places du Nord et de l'Est, comme étant les plus importantes; et de là, parcourant rapidement celle du Sud et de l'Ouest, j'embrasserai ainsi toute la chaîne de nos frontières; cette description graphique, aride et monotone, exige, Messieurs, pour etre entendue, beaucoup d'indulgence de votre part.
Frontière depuis ;.Bunker que jusqu'à Huningue.
Notre frontière du Nord s'étend depuis Dun-kerque jusqu'à Charlemont sur la Meuse, fait face, dans une étendue de près de 40 lieues, aux Pays-Bas d'Autriche ; elle a été pendant 200 ans le théâtre des guerres les plus sanglantes : la nature n'avait rien fait pour la défense de ce fertile pays, ouvert de tous les côtés; mais Tindustrie militaire y a suppléé et la position des forteresses dont il est hérissé, combinée avec le mouvement des eaux, présente une ligne de défense presque continue.
Au contraire, sur la frontière opposée, il n'existe presque plus de places fortes ; l'empereur Joseph II a fait demanteler celles qui pouvaient la couvrir, ou favoriser si puissamment une guerre
offensive contre nous, sans qu'on ait pu connaître le but d'une aussi etrange politique.
Dunkerqne appuie la gauche de notre frontière du Nord ; cette place importante par son commerce et sa position, qui éclaire la rade des dunes, n'est plus défendue aujourd'hui que par des retranchements en terre; mais on l'a mise à l'abri du premier coup de main par le moyen des eaux et des palissades ; il est temps de rendre à cette place toute la force et la splendeur dont elle a joui autrefois.
Le Fort-Louis, le Fort-François et Bergues sont liés avec Dunkerque par le canal de Bergues et présentent dans leur ensemble une bonne tête de frontière.
Le Fort-Louis et le Fort-François sont hors d'insulte au moyen des eaux de leurs fossés, des palissades et des watergands, dont ils se trouvent entourés.
Bergues a été bien réparée, on a achevé l'ouvrage à cornes qui couvre les écluses ; les parapets, chemins couverts et glacis sont en état.
De Bergue3 à Lille, la ligne de défense se trouve fort en arrière de l'extrême frontière ; elle est formée par la Golme, le canal de la Lis à l'Aara et par la Basse-Deule; elle est couverte par les places de Saint-Omer, Saint-Venant et Béthune ; Arras, quoique fort reculé, pourrait défendre l'intervalle entre Béthune et Douai.
Saint-Omer, place d'approvisionnements, tire un grand avantage de ses inondations ; on continue à perfectionner ses chemins couverts et glacis ; les entrées de la place sont palissadées, on y fait des approvisionnements en bois qu'il faut continuer.
Aire, Saint-Venant et Béthune ont aussi leurs chemins couverts réparés; on s'est approvisionné de palissades, on a rétabli des écluses, réparé et fraisé plusieurs ouvrages en terre.
Arras renferme de grands établissements militaires; sa position intérieure a fait négliger ses ouvrages, qui auraient besoin de grandes réparations pour être portées à unbon état de défense.
Lille, ce boulevard de l'Etat, pourrait soutenir un long siège; cependant l'approvisionnement en bois n'est pas complet, quelques terrassements restent à faire; on les continue, mais quelles ressources ne trouverait-on pas pour tous ces objets dans une place aussi importante?
De Lille jusqu'à Valenciennes et Condé, la ligne de défense présente encore un grand rentrant, dans lequel se trouvent les places de Douai, Bou-chain et Cambrai, liées entre elles par les rivières de Deule, de. la Scarpe et de l'Escaut.
Condé, qui est le poste avancé de la droite, a ses deux fronts d'attaque palissadés ; ses écluses et fossés sont réparés; elle est en premier état de défense.
Valenciennes appuie d'une manière respectable la droite de la ligne, son inondation est assurée ; on a rétabli ses contre-mines, palissadé les entrées de la place et de la citadelle ; les ouvrages seraient plus avancés si on n'eût été force à inettre l'eau dans les fossés, non sans beaucoup de dommages et de défenses.
Douai, qui est dans le rentrant de la ligne, est l'arsenal de toute cette frontière ; on a réparé en partie cette place dont le développement est immense ; les parapets, chemins couverts et écluses sont en état; là, comme à Valenciennes, on a eu tort de noyer les fossés, ce qui a beaucoup retardé le travail.
Bouchain est en état de défense, on a assuré
particulièrement ses deux inondations qui font la sûreté de la place.
Cambrai, qui peut servir de place de dépôt, est en troisième ligne ; elle n'exigerait que peu de réparations pour être en état de défense.
De Valenciennes à Maubeuge sur la Sambre, le pays est entièrement ouvert; mais le Quesnoy l'orme et défend un grand rentrant entre eux.
Maubeuge est en bon état, les contre-mines ont été rétablies, l'inondation peut être tendue, les principaux accès de la place sont palissadés, et un camp retranché, formé par dix lunettes fraisées et palissadées, couvre la partie la plus faible de l'enceinte.
Le Quesnoy a été mis à l'abri d'un coup de main, ce qui suffit à sa position; il faut réparer ses revêtements et ses contre-mines. De Maubeuge à Charlemont, qui est le pays entre Sambre et Meuse, le terrain commence à être plus coupé et présente une suite d'obstacles naturels; Philippeville couvre la partie la plus faible entre ces deux places, et Cnarlemont forme la tête de l'aile droite de toute .notre frontière qui fait face aux Pays-Bas ; Landreci et Avesnes sont en seconde ligne.
Philippeville a exigé de grandes dépenses pour la mettre en état, l'avant-chemin couvert est palissadé, les brèches des revêtements et les galeries des contre-mines sont en partie réparées ; on y travaille avec activité ; cette place mérite la plus grande attention.
Charlemont, qui protège les deux rives de la Meuse, est très en état de défense, tout y est préparé ; mais les enceintes des deux Givets et du Montdhaure, qui sont des accessoires de cette importante place, ne présentent pas la même force ; cependant tout y est à l'abri d'un premier coup de main, au moyen des palissadements et des estacades.
Landreci a, comme on sait, deux fois sauvé la France ; elle est en assez bon état, on y a fait un premier approvisionnement de palissades.
Avesnes a été depuis longtemps fort négligé; mais le corps de place est en premier état ae défense, les entrées de la place sont palissadées.
De Charlemont jusqu'à Stenai, la frontière est couverte par la Meuse ; le pays est fort coupé et présente plusieurs bonnes positions bien connues; la frontière opposée offre peu de ressources a raison de sa stérilité; on trouve dans cet intervalle Rocroy, Mézières et Sedan, et en avant de ces places le château de Bouillon sur la Semoi, et le poste de Garignan sur la Chiers.
Rocroy est dans un premier état de défense ; son chemin couvert est palissadé et les communications rétablies.
Mézières, pour être mise en état de résistance, a exigé bien des ouvrages de détail; on n'a pu s'occuper, durant cette campagne, de l'achèvement de'la Couronne de Champagne, qui donnera à cette place une grande consistance.
Sedan, place commerçante et militaire, avait été fort négligée ; on y a fait de grands travaux; l'inondation qui peut couvrir le quart de l'enceinte, doit être soutenue par quelques redoutes ; on travaille aux souterrains qui pourraient contenir 4,000 hommes ; les fosses sont décombrés, les chemins couverts reformés ; les manufacturiers dont les rames gênent la circulation autour des parapets, doivent la rétablir au premier signal.
Stenay est un mauvais poste, situé dans une bonne position ; il était bien fortifié autrefois èt devrait l'être aujourd'hui.
Le château de Bouillon est susceptible de défense ; mais la ville fermée d'un simple mur n'est
pas capable de résistance, quoique ses entrées aient été couvertes par une redoute et des tam1 bours.
'Le Poste de Carignan est en état1 de remplir sa destination actuelle, qui est de protéger les convois de Sedan à Montmédy. ;
Après les places de,la Meuse,'le cordon de notre frontière située entré la Meuse et la Moselle, est formé par Montmédy et Longwy sur la Chiers et )âr l'importante place de Thionville sur laMosélle ; es poètes dé rck ët dé Rodemacksontën avant; en arrière se trouvent lés grandes places d'entrepôt de Metz' et dé Verdun, qui protègent iinê nonne position entre la Meuse et la Moselle.
Montmédy a peu' de capacité, mais elle est dans une forté position ; élle est palissadée, l'enceinte de la ville basse a été réparée.
Longwy, qui se trouve en face de Luxembourg, est eri état de défense ; une partie du pourtour est inaccessible; ses ouvragés extérieurs sont pa-lissadés, ses puits blindés, ses vastes souterrains Offrent les couverts les plus sûrs; on à occupé le plateau du vieux château pour donner plus d'èxtensiOû à cetté place; enfin elle est armée de plus de 75 bouches à feu : c'en est assez pour calmër les inquiétudes dé ceu&qui en ont manifesté. ' " !
Thionville est fort en mesure pour la défense; on y a fait beaucoup d'ouvrages en pèu d'é temps, le front de la Haute-Yntz est en bon état,, la majeure partie deTavànt-çhëmïn couvert ést palissadée, l'achèVement du' cànàl ét du retranchement vers la Haute-Moselle, est indispensable.
Rodertiack et' Sietck, n'étant qùe des postes avancés, ne peuvent avoir la résistance d'une place forte :' ori les à réparés' de manière à cè qu'ils ne puissent êtrè1 emportés d'emblée; les parties les plus exposées sont palissàdées : C'est tout ce qù on peut exiger'. ; " Metz est ùne grande place de dépôt rènommée
Êar ses grands modèles de fortification et par la ëauté dé^ établissémëfitS militaires qu'elle renferme; le .bastion ëcrôulé de la citadelle a été masqué prbvisoiremeiit ; on travaille à son revêtement, ainsi qu^ûx' contre-minës de l'Ouvrage à corne quî couvre ce'bastion'; on palissade les parties accessibles 'des' Chemins couverts, *et l'inonda-tion'dëla Seillepeut être tendue t on ne doit donc avoir aucune inquiétude: raisonnable sur l'état des fortificatièns de cette place. !
Verdun, quoique fort en arrière dé; la première ligne, ne doit pas lêtre négligée ; on a réparé quelques brèches, perfectionné quelques dehors ; on y travaille avec activité.
De Metz et Thionville, jusqu'à Wissembourg et Landau, ôn ne trouve eû prëmièrè ligne quëSarre-louis-'sur la Sarre et' Bitche, située au milieu de l'épaisseur des Vosges ; mais le cours de la Sarre d'un côté'et là chaîne des Vôfeges de l'autre, présentent entre ces deux places une suite de poètes et d'obstacles,' dont on doit se rappeler que CréqM Sut habilement profiter dans la campagne de 1677.
A Sarrelouh on a fait beaucoup de travaux; les parapets; chemins couverts, les cunettés, les soutèrrains sont réparés; le pont éclusé est en bon état et approvisionné de poutrelles pour soutenir l'inondation ; enfin on a pratiqué deè blindages, pâlissâdé les ouvrages les plus exposés, armé les remparts de 84 bouches à1 feu et on vient d'àcCoruër dé nouveaux fonds pour continuer les travaux; les contrescarpes, il est vrai, Vont besoin de réparation : mais leur état actuel ne peut nuiré à la bonne défense. Ces détails sont
suffisants pour répondre à la légèreté dès dénonciations qui Vous ont été faites relativement à cetté place.
Le château de Bitche est en fort bon état : on a palissadé quelques Ouvrages extérieurs, les souterrains sont beaux et suffisants pour la garnison; mais la position importante de cëtte place, qui empêche que la Bassë-Alsacè né puisse être tournée, exigerâit qu'on augmentât un jour son étendue par un camp retranché.
En dedans de la ligne de défensé formée par la Sarre et Bitche, sé trouvent d'un côté les places de Marsal, Nànby ét Toul, qui, eu égard a leur grande distancé de la frontière, n'exigent en ce moment aucuns [travaux ; d'un autrë côté et en arrière de Bitche se trouvent Phalsbourg et les postes de Lichtemberg et de la Petite-Pierre, liés ensemble pour la défense de cette partie des Vosges, qui touche la Basse-Alsace : on a peu travaillé a ces postes, vu qu'ils sont en deuxième et troisième ligne.
Après cette partie des Vosges, et depuis Landau jusqu'à Huningue, notré frontière présente une barrière des plus formidables, formée par le cours du Rhin et par la ligne de nos places fortes situées sur sa rive gauche, Laudau; les postes de Lauterbourg et Weissembourg, le Fort-Louis, Strasbourg, Neufbrisach et Huningue sont en première ligne ; Haguenau, Schelestadt et Belfort peuvent /être regardés comme en deuxième ligne; et en outre la chaîne des Vosges présente plusieurs fortes positions bien reconnues.
Laudau, cette clef importante du royaume, forme avec les lignes de la Queiche l'entrée de la Basse-Alsace entre les Vosges et le Rhin ; elle est en état de faire la plus vigoureuse défense; la manœuvre des eaux est assurée ; les parapets et glacis sont réparés au moyen du curement des Saques ; les parties attaquables sont palissadées; enfin on continue l'approvisionnement en bois.
Wessembourg, quoique situé dans une position intéressante, est une mauvaise place; tout ce qu'on pu faire a été de la mettre à l'abri d'un premier coup de main, en mettant les eaux de la Lauter , dans les fossés ; on ,a pâlissâdé quelques parties plus exposées.
Lauterbàurg, ;ce poste important près le confluent de la Lauter et du Rhin et dont les revête-ménts ne sont qu'en térre, a été réparée ; son chemin couvert, est palissadé; cette place doit être à l'abri d'un coim de main; mais on pourrait aù besoin la renforcer par un camp retranché.
Les lignes de la Queiche et de la Lauter n'ont point été rétablies, vu leur immense étendue et les grandes réparations qu'elles exigent ; on pourrait les faire réparer par des troupes s'il y avait un grand rassémblement dans cette partie; mais observons que dans le. système de defense à établir, il est très possible qu'on renonce à garder un pâreil développement, car on n'est en force nulle part, lorsqu on veut y être partout.
Le Fort-Louis, du Rhin, place intermédiaire entre Strasbourg et Lauterbourg, a été mise, à grands frais, en état de défense; terrassements, palissadement, curement de fosses, nouveaux épis dé bordage, nouvelle redoute à la queue de l'île, tous ces ouvrages ont concouru à la mettre sur un pied respectable.
Strasbourg, cetté grande place qui a un arsenal immënse ét un pont très important sur le Rhin, se défend sur une grande partie de son pourtour par le mouvement des eaux dont toutes les ma-uœuvrés sont en bon état; on travaille aux
cinq fronts du nord-ouest dont on rétablit le relief et les communications : on y, adapte un système de contre-mines et, d'ailleurs, on continue un approvisionnement de bois de toute espèce.
Neufbruach, cette place dont on connaît toute l'importance ae la position, a été mise en état de défense, quoique (railleurs les contrescarpes et gorges des ouvrages soient à rétablir : on s'est occupé surtout des entrées de la place, des communications souterraines, du creusement descu-nettes et de quelques palissadements. >
Le Fort-Mortier, qui n'est qu'un retranchement en avant de Neufbrisach, propre à s'opposer au passage du Rhin, a été aussi réparé et palissadé.
Huningue, qui couvre avec Belfort l'entrée du pays entre le Rhin et les Vosges, a deB revêtements en très mauvais état ; mais on a creusé ses cunettes, où il peut entrer 5 pieds d'eau; on a rétabli et palissadé les chemins couverts ; on a construit une lunette sur l'île Longue et au total on pourrait s'y défendre.
, Belfort} place qui se trouve en seconde ligne relativement à l'Empire, et en première du côté de la Suisse, a aussi besoin d'être réparée ; mais son château, élevé de cent pieds aù-dessus de la ville et qui a de bons souterrains, est susceptible d'une résistance ; on a rétabli ses revêtements et parapets, assuré ses communications, perfectionné et palissadé une partie des chemins couverts, sa position est d'àillleurs favorable pour y établir un camp retranché.
Enfin les places d'Haguenau et Schelestadt, qui sont en arrière des précédentes, assurent des positions intérieures : Haguenau est presque abandonnée; on ne la regarde plus que comme un poste, mais Schelestadt à été;mise en état : l'inondation peut être tendue, les terrassements sont réparés ; on y fait des approvisionnements en bois.
Tèlle est, Messieurs, la chaîne de nos places fortes, qui, depuis Dunkerque jusqu'à Huningue, sur une étendue d'environ 160 lieues,* couvrent les parties de nos frontières près desquelles se trouvent les puissances que nous pourrions avoir le plus à redouter; plusieurs sont dès à présent eh état de soutenir un long siège et continue à perfectionner les ouvrages autant que la saison peut le permettre.
D'ailleurs ces places sont armées de quatre mille quatre cent trois bouches à feu, et approvisionnes de plus de 11'390,000 de poudre; elles sont en outre munies de deux grands équipages dë campagne, composés de 320 bouche à feu chacun, sans compter leur réserve et de 3,000 chevaux d'attelage destinés à leur [transport.
Enfin cette partie de notre frontière était, au mois de novembre dernier, gardée par 124 bataillons de troupes de ligne, 160 escadrons de troupes à cheval et 85 bataillons de volontaires nationaux, y compris la réserve commandée par M. d'Affry, ce qui formait un total d'environ 130,000 hommes effectifs.
Aucune puissance du monde n'eut jamais d'aussi fortes barrières.
Ce serait peut-être ici le lieu de faire observer comment nosîplaces fortes, par leurs positions respectives, servent d'appui constant pour favoriser le mouvement des troupes destinées à la défense de la frontière; de faire sentir comment, à la faveur des forteresses, elles peuvent arrêter un ennemi supérieur, ou l'obliger à épuiser les forces dans une guerre de siège: mais cette digression nous mènerait trop loin ; il suffit de dire que cette combinaison de mouvements est con-
nue et arrêtée à l'avance; je passé donc à l'examen rapide des autres parties de nos frontières.
Frontières depuis Huningue jusqu'au Var.
Notre barrière, après avoir suivi le cours dû Rhin jusqu'à Huningue, se trouve couverte, en grande partie et jusqu'au Var, par cette longile chaîne de montagnes qui nous séparent de la Suisse^ dé la Savoie et du Piémont et qui ne laissent que des débouchés gardés par nos places fortes : les premières, qui sé présentent en face des monts Jura, sont Blamont, Besançon, le château de Joux et le fort l'Ecluse.
Blamont, qui est à portée des débouchés de Porrentruy, a peu de capacité; on a fait tout ce qui était indispensable pour la sûreté de ce poste.
Besançon* qui est à 10 lieues de la frontière, mais qui en est l'arsenal, a de grandes ressources pour sa défense ; on a rétabli ses colnmunica-tioûs et on a occupé les hauteurs dont cette place est commandée.
Lê château de Joux masque le débouché sur Pontarlier et Besançon ; on y fait de nouveaux approfondissements des fossés, dont le déblai forme un chemin couvert.
Le fort l'Ecluse, situé à l'extrémité du Mont-Jura et qui garde le passage de Genève à lyoh, n'est pas susceptible ae grande résistarice ; on a ordonné quelques ouvrages en avant qui pour-ront^servir de batteries détachées, en attendant qu'on leur donne plus de consistance.
Depuis le fort l'Ecluse jusqu'à l'entrée du Rhône en France, ce fleuve nous sert de barrière ; la difficulté du pays la rend naturellement très forte. Le poste de Pierre-Châtel, où l'en a fait quelques établissements, èst le seul qui se trouve dans tout cet intervalle; on en a proposé un autre à Seissel.
Depuis l'entrée du Rhône jusqu'au fort Bar-raux, notre frontière, dans l'espace de 10 lieues, n'est couverte qué par les obstacles naturels du pays et cependant elle est traversée par la grande commuhication du pont de Beauvoisin ; lès commissaires-inspecteurs de l'artillerie et du génie ont senti la nécessité de fermer ce passage, mais l'exécution de ce projet est l'affaire du temps.
Le fort Barraux, qui se présente ensuite, est une très petite place eu égard à sa position à l'entrée de la vallée de Grésivaudan; on a perfectionné ses terrassements, éscarpé les glacis, exécuté le palissadement et on propose d'occuper les dehors par des ouvrages avancés.
Depuis le fort Barraux jusqu'à Briançon, la sommité des Alpes forme notre limite, en arrière de laquelle se trouve Grenoble,
Grenoble, cette place de grand dépôts n'a pas de moyens de dérense proportionnes à son importance ; elle â été réparée ; on a disposé sur la montagne des emplacements d'artillerie et les moyens d'occuper en force les hauteurs.
Briançon est une des plus fortes et des plus importantes placés du royaume, située à peu de distance du Mont-Genève, elle couvre quatre débouchés essentiels à garder; on a rechargé les terrassements, répare les rampes et fait un approvisionnement de palissades autant que la rareté du-bois le permet; pour l'avenir, on propose d'occuper le point dominant et décisif de Vlnferné.
Mont-Dauphin, près Briançon, a encore plus d'importance que cette dernière place, eu égard
à la nature des débouchés qu'elle défend ; elle ne présente qu'un point d'attaque : on y a fait les mêmes ouvrages qu'à la précédente.
Le poste de Quiéras, en avant du Mont-Dauphin, garde encore deux débouchés venant des plus hautes Alpes ; quelques réparations de détail et quelques approvisionnements en bois le porteront dans peu au premier état de défense.
Enfin Embrun, situé en arrière de Mont-Dauphin et sUr la Durance, est un dépôt central pour cette frontière : on a rétabli ses chemins couverts, ses barrières et fait un approvisionnement de palissades.
Après Embrun viennent les petites places de la haute Provence, qui s'étendent depuis [la Durance jusqu'au Var ; elles n'ont pas une forte consistance, mais elles n'ont d'autre objet que de s'opposer à des partis qui pénétreraient à travers un pays fort par sa nature ; ces places sont Saint-Vincent, Colmar et Entrevaux.
Saint-Vincent, situé au bas de la vallée de Barcelonette, en défend les débouchés; on a palissadé son réduit et réparé les entrées.
Le poste de Golmar couvre plusieurs débouchés venant du comté de Nice ; il a été approvisionné en palissades et bois de blindages.
Entrevaux, situé sur le Var, ferme un débouché important ; on y a fait quelques approvisionnements en bois : les inspecteurs proposent d'en faire une place de dépôt et de la fortifier en conséquence.
Depuis Entrevaux jusqu'à l'embouchure du Var a la mer, cette rivière et celle de l'Esteron, qui coule dans un pays très difficile, présentent une forte barrière : on a proposé de couvrir par un poste le passage de Saint-Laurent.
En arrière de l^embouchure du Var se trouve le petit port d'Antibes; cette place sert d'entrepôt et d appui pour la défense du Var ; elle a été mise en premier état de résistance.
Là se termine notre frontière de terre, qui depuis Dunkerque jusqu'à Antibes, sur une étendue d'environ trois cents lieues de développe-mènt, est couverte par plus de soixante places fortes ou postes, principaux, dont la première ligne présente beaucoup de places capables de la plus grande résistance.
Côtes de la Méditerranée.
La Méditerranée forme ensuite notre barrière, depuis Antibes jusqu'à Port-Vendre.
Comme aucune circonstance imminente ne semble en ce moment menacer nos côtes, que d'ailleurs il est difficile de surprendre une place qui ne peut être attaquée que par mer, vu qu'on ne peut dérober la connaissance des armements qui la menacent, nous ne nous arrêterons pas ici à décrire l'état de tous les postes qui défendent cette frontière maritime ; mais nous observons que plusieurs qui couvrent les rades, sont armées, que l'importante place de Toulon, qui renferme tant de ressources, se trouve en premier état de défense, quoique le corps de place ait besoin d'être perfectionné et quoique ses lignes extérieures ne soient pas encore portées au point de perfection désirable pour mettre ce grand dépôt maritime à l'abri d un bombardement; enfin, nous ferons remarquer que les forts de Marseille sont encore entre les mains de la municipalité de cette ville, qui parait les considérer comme sa propriété.
Frontières d'Espagne.
Après nos côtes de la Méditerranée vient notre frontière de terre, située entre la Méditerranée et l'Océan,qui,depuis Perpignan jusqu'à Bayonne, est contiguë à l'Espagne et sur laquelle on a manifesté quelques inquiétudes à votre comité.
Les montagnes des Pyrénées présentent, dans cette partie du sud de la France, une aussi forte barriere que celle des Alpes dans la partie de l'Est ; les débouchés en sont également masqués par des places fortes.
Dans la partie orientale on trouve d'abord Perpignan, Villefranche et Mont-Louis, liées ensemble par la rivière de Tet, et en avant d'elles, le port de Collioure, Port-Vendre, Belle-garde, le fort de Bains et Prats de Moillou.
Perpignan, place de grand dépôt et de point d'appui, est en premier état de défense, surtout par le moyen de sa citadelle ; il est cependant nécessaire de perfectionner ses chemins couverts et de faire des approvisionnements en bois.
La petite place de Villefranche et son château qui masquent plusieurs débouchés, peuvent résister à une attaque : on répare la ville et on prépare des palissades.
Mont-Louis est une place importante et forte par sa position; elle est facile à défendre : on répare ses parapets, chemins couverts et communications.
La place de Collioure est essentielle, tant que le port de Vendre ne sera pas sur un pied respectable : les postes de Saint-Elme et de la hauteur de la Justice qui la commandent ont été mis en état.
Le Port- Vendre n'a que peu de valeUr comme place forte : il n'est défendu que par quelques redoutes qui doivent être palissadées.
Bellegarde, qui couvre Perpignan et forme des passages intéressants, est en bon état : on rectifie les chemins couverts : ou l'approvisionne de palissades.
Le fort des Bains est un petit poste qui assure une communication essentielle, il est capable de résistance : on y fait quelques approvisionnements.
Le fort et la redoute de Prats de Moillou, qui défendent la ville et qui masquent l'entrée de trois vallées, sont aussi en état; ils manquent de quelques approvisionnements.
Depuis Montlouis jusqu'à Saint-Jean-Pied-de Port et Navarreins, dans ,1e département des Basses-Pyrénées, nous n'avons aucune place forte; la chaîne de montagnes qui occupe cet intervalle est impénétrable par. une armée. Mais à l'extrémité de ce département et sur l'Océan, on trouve Bayonne et en avant le fort du Socoa et la redoute d'Andaie.
Navarreins, qui garde un passage sur la rivière d'Oléron, n'est pas susceptible de grande résistance ; on vient d'y ordonner quelques ouvrages en terre et quelques approvisionnements en bois.
Saint-Jean-Pied-de-Port est le poste le plus avancé des Basses-Pyrénées ; sa citadelle est la seule partie capable de résistance : on y a ordonné des retranchements extérieurs.
La redoute d'Andaie, en face de Fontarabie, est une vedette intéressante ; elle est palissadée et ses retranchements sont perfectionnés.
Le fort de Socoa, qui défend la rade de Saint-Jean-de-Luz, est en bon état : on l'a couvert, de
la hauteur qui le domine, par une redoute palis-Sadé6*
Enfin Bayonne, extrémité de notre frontière de terre et qui en est un grand entrepôt de commerce maritime, a la plupart de ses revêtements en bon état; mais elle est commandée de très près et exigerait de grands travaux, si on voulait proportionner ses moyens de résistance à son importance ; on y a fait des terrassements et des approvisionnements en bois; elle demanderait beaucoup de troupes pour la défense.
Mais fl faut observer qu'à Bayonne, comme dans quelques autres places, la perte sur les assignats a retardé le progrès des travaux et l'adjudication des marcnés à passer aux entrepreneurs ; les mesures prises depuis peu à cet égard ont aplani ces difficultés et donneront en ce moment de l'activité, particulièrement aux travaux de cette frontière méridionale.
Au reste, les places ou postes qui se trouvent depuis Perpignan jusqu'à Bayonne, sont armés de plus de 400 bouches à feu; on a donné des ordres pour en augmenter encore le nombre et réparer les affûts.
Cette même frontière est gardée en ce moment par neuf bataillons et demi de troupes de ligne, cinq escadrons de troupes à cheval et sept bataillons de volontaires nationaux. Ces troupes sont réparties depuis Narbonne jusqu'au département des Landes : elles forment un total d'environ 9,200 hommes.
Plusieurs de MM. les députés des départements de cette frontière ont représenté à votre comité, que ces troupes étaient insuffisantes pour garder un aussi grand nombre de places et pour maintenir la tranquillité dans un pays désolé par le fanatisme des prêtres ; tandis que sur la frontière opposée et notamment en Catalogne, un cordon de troupes très considérable et un grand nombre d'émigrés qui s'y réunissent, pourraient favoriser les entreprises des mécontents de l'intérieur.
Mais votre comité a observé que les départements des Pyrénées-Orientales, de l'Ariège, de la Haute-Garonne et des Basses-Pyrénées ont encore à fournir quatorze bataillons de volontaires nationaux, qui joints à six autres bataillons qui sont rassemblés dans le département de la Gironde, formeront au besoin un puissant renfort sur cette frontière ; que cependant il paraîtrait nécessaire de faire passer, en outre, deux bataillons de troupes de ligne dans le département des Pyrénées-Orientales, notamment pour renforcer la garnison de l'importante place de Mont-Louis qui n'est composée que de quelques compagnies, et qu'enfin eu égard aux dispositions connues de la cour d'Espagne, relativement à la Constitution française, il est indispensable de mettre toute cette frontière, trop longtemps négligée, sur le pied le plus respectable.
Côtes de V Océan.
Après les frontières d'Espagne viennent nos côtes de l'Ouest, baignées par l'Océan, et qui, depuis Bayonne jusqu'à Dunkerque, présentent un développement de plus de 300 lieues : elles sont protégées par vos forces navales, par le grana nombre de batteries de côtes, dont plusieurs sont armées, et par plus de trente forts^ou places maritimes fortifiées ; nous n'en donnerons pas ici une description détaillée par les motifs que nous avons déjà indiqués ; mais en voici une notice succincte.
La citadelle de Blaye, qui couvre l'entrée de Bordeaux, est en assez bon état ; le château Trompette, qui a été sacrifié à tort à une spéculation de finances, pourrait être rétabli à peu de frais ; la citadelle de l'île d'Oléron pourrait se défendre : on a travaillé à l'île de Ré et à la Rochelle ; à Belle-Ile on a fermé les brèches que la mer avait faites aux ouvrages. Le château de Nantes qu'on ne considère que comme un dépôt n'a pu être réparé, vu l'opposition que le travail à éprouvé. La citadeUe de ^Port-Louis et les batteries répandues sur la côte assurent suffisamment la rade de ce port qui est aussi celle de Lorient. ;
A Brest, les lignes de Quelerne, qui couvrent le goulet ou l'entrée de la rade, sont palissadées et le camp retranché peut recevoir des troupes ; les forts détachés qui couvrent Saint-Malo sont en état. A Grandville on a pris quelques précautions du moment. Les ouvrages du port de Cherbourg demanderaient seuls un rapport particulier : il suffit de savoir actuellement que les batteries des nouveaux forts sont en état de faire respecter la rade. Le château de Caen, qui est entre les mains de la municipalité, est en état de contenir en sûreté lés approvisionnements nécessaires à la défense des côtes voisines. La place du Havre est ouverte à raison de la nouvelle construction d'une partie de l'enceinte. Le château de Dieppe, très utile à Cônsèrvér, n'est susceptible que d'une faible résistance. L'entrée du port de Boulogne est suffisamment défendue. Calais se défend en grande partie par sa double inondation ; on rétablit l'équilibre entre ses fronts en réparant quelques parties faibles. Gra-velines tire aussi sa principale force du mouvement de ses eaux, l'écluse qui assure leur manœuvre a été couverte par un chemin couvert et un épaulement. Ici se termine, Messieurs, le compte que votre comité m'a chargé de vous rendre de l'état des ouvrages de nos places frontières ; vous voyez qu'il y a été exécuté, durant la dernière campagne, des travaux immenses, tous dirigés vers l'objet immédiat de la défense.
Partout les troupes de ligne, les gardes nationales et les citoyens de tous les états se sont livrés généreusement et à l'envi à ce pénible travail; partout ils ont voulu raffermir de leurs mains les remparts qui assurent notre liberté contre les ennemis du dehors ; ce noble enthousiasme est, sans doute, l'heureux présage de celui dont ils seraient animés pour leur défense. (Applaudis semen ts. )
Des fonds extraordinaires avaient été accordés pour les grands travaux de cette année : il paraît que, d'après les mesures prises pour leur continuation, ces fonds seront consommés à la fin de l'hiver; vous jugerez sans doute convenable, Messieurs, de compléter ces dispositions défensives, en accordant de nouveaux secours pour l'année prochaine, et puisque la France a renoncé à la fausse gloire des conquêtes, puisque nos limites sont invariablement fixées, nous ne devons plus rien négliger de tout ce qui peut concourir à l'affermissement de nos barrières.
Armement.
Nous avons indiqué plus haut, Messieurs, la quantité de bouches à feu qui se trouvent sur quelques parties de nos frontières, afin de rapprocher davantage l'état de l'armement de celui des ouvrages et de faire sentir toute la force qui en résulte; mais voici un état général de
toute notre artillerie de terre, tant de place mie de campagne et celui de la quantité de poudre de guerre et de fusils qui existent dans les différents arsenaux du royaume.
Artillerie de place.
Nombre de bouches à feu.
Sur les frontières de Flandre et de l'Empire, depuis Dunkerque jusqu'à Huningue............................... 4,403
Sur nos autres frontières depuis Hunin-gue jusqu'à Dunkerque..,.,........... 3,343
Total des bouches à feu de l'artillerie de place, dans lesquelles sè trouvent environ 2,000 mortiers ou obusiers....... 7,746
Artillerie de campagne.
Sur les frontières du Nord et de l'Est, trois équipages de campagne complets, pourvus de leurs caissons, pontons et munitions, contenant, avec leur réserve ou dépôt, environ 1,100 bouches à feu, ci...................1,100
Sur lès frontières maritimes quatre petits équipages de campagne, d'environ 50 pièces chacun, total........................200
Total des pièces de campagne, environ.............. 1,300 1,300
Total des bouchés à feu de fonte, tant de l'artillerie de place que celle de campagne. 9,046
Artillerie de côte.
L'artillerie dè côté, tant de la Méditerranée que dé l'Océan, est composée d'environ ,1,800 bouches à feu de fer, non compris celles appartenant à la marine.................................. 1,800
. Ainsile total général des bouches à feu, tant de l'artillerie de place que de celle de campagne et des côtes, non compris celle dela marine, est de...........v. 10,846
Fers coulés.
boulets, bombes et obus.
On estime qu'il faut environ 6,300,000 boulets, bombes ou obus
{)our approvisionner complètement e nombre des bouches a feu ci-dessus ; il s'en trou ve en ce moment dans nos arsenaux plus de 6,000,000, ci............................v.,.. 6,000,000
Poudre de guerre.
livres de poudre.
Dans les magasins des places frontières, qui s'étendent depuis Dunkerque jusqu'à Huningue, il se trouve 11,390,000 livres de poudré, ci...... 11,390,000
Dans les places frontières, depuis Huningue jusqu'à Dunkerque,
5,989,300 livres ci..............,...... 5,989,300
Dans les magasins de l'intérieur du royaume, 1,121,000 livres ci.... 1,121,100
Total de la poudre de guerre, non compris celle de la marine......... 18 ,500,000
Cet état de notre artillerie et de ses approvisionnements doit paraître bien satisfaisant; il est tel qu'il excède probablement tout ce que les deux puissances de l'Europe qui sont le plus en force, pourraient réunir en ce genre, i
Fusils.
Quant au nombre de fusils existants dans nos arsenaux, on doit observer: 1° que la majeure partie des troupes de ligne vient d'être armée à neuf; 2° qu'à dater du 20 novembre dernier 136 bataillons: des gardes nationales volontaires étaient arméâ ou prêts à l'être, d'après les ordres donnés ; c'est dans cet état de choses qu'il restait alors dans nps magasins, savoir :
Fusils de rempart.... —...... 45.441
Fusils d'infanterie..................158.233
Fusils dé dragons—.......... 16.960
Fusils de cavaliers..—............23.736
Fusils de hussards----------.... 1.098
Total des fusils de toute espèce.. 245.468
Mais on estime que le complément de l'armement à neuf (les troupes de ligne et [de 66 bataillons de volontaires qui {restaient à armèr, doit absorber environ 50.000 armes ; aussi, lorsque notre armée actuelle aura son armement au complet, il doit rester dans nos arsenaux 108.233 fusils d'infanterie, dont 75,123 sont bons et 33,110 sont à réparer; il restera en outre 87,235 fusils de rempart, de dragons, cavaliers ou hussards, dont 59,337 sont bons et 27,898 sont à réparer. Ce nombre restant serait évidemment insuffisant pour satisfaire aux besoins d'une longue guerre, mais indépendamment des fournitures habituelles de nos trois grandes manufactures d'armes, votre comité a pris connaissance des marchés que le gouvernement a passés pour un approvisionnement de plus de 200,000 fusils dont les livraisons doivent commencer incessamment, de manière que si votre armée était obligée d'entrer en campagne au printemps prochain, vos magasins d'armes ne se trouvent point au dépourvu.
Tel est. Messieurs, l'état de vos moyens matériels de défense, l'état de vos forces mortes, et quant à vos forces actives qui doivent être les premières en mouvement, elles consistent, suivant, l'état arrêté le 1er de ce mois, en 251,019 hommes de troupes de ligne ou volontaires nationaux, officiers et soldats compris ; mais, dans ce nombre, on ne comprend pas les 15 bataillons d'infanterie étant dans les colonies ou prêts à y passer, non plus que les régiments ci-devant coloniaux, qui doivent être licenciés et recréées, ni les troupes de la marine, ni la gendarmerie nationale, ni enfin les auxiliaires, qui ne sont enrôlés jusqu'à présent qu'en très petit nombre.
Détail :
Nombre d'hommes.
213 bataillons d'infanterie de ligne,
montant à.........................116,246
206 escadrons de troupes à cheval. 31,844 7 régiments d'artillerie, ouvriers et
mineurs compris........................8,794
164 bataillons de gardes nationales volontaires, qui ont joint leur destination, ou qui sont prêts à s'y rendre, formant ensemble................94,136
Total de l'effectif à l'époque du :1e*
de ce mois......................251,019
A quoi il faut ajouter le montant de 38 autres bataillons de volontaires qui doivent être formés incessamment et
qui fourniront.......... ...................21,812
Alors le total des troupes Ide ligne et de 202 bataillons de volontaires sera de..........................272,831
Noms des départements qui doivent fournir lès 38 bataillons de gardes nationales volontaires, dont la formation n'était pas encore annoncée le 1er de ce mois.
Départements. Nombre de bataillons.
Ardennes..... ...................2
Ariège..............................................3
Bas-Rhin........... —...... 6
Bouches-du-Rhône........ ... 2
Côtes-du-Nord—....................2
Finistère..................... 1
Haute-Garonne........;».-.... 7
Hautes-Alpes....... ... — .. 2
Hautes-Pyrénées............. ..3
Haut-Rhin..............................1
Haute-Marne.. .........................1
Ille-et-Vilaine.. ...............2
Pas-de-Calais................... 1
Pyrénées-Orientales'...... — 1
Paris.............................2
Seine-Inférieure...............1
Vendée.................... . 1
Total...............38
Mais observez, Messieurs, que vos troupes de ligne ne sont pas à beaucoup près au complet de guerre, que leur nombre va augmenter chaque jour par le recrutement qui a été jusqu'à présent retardé par la formation des bataillons de volontaires, ae manière que le total de votre armée, lorsqu'elle sera portée au complet fixé par les décrets, s'élèvera à 347,084 hommes, y Compris 202 bataillons dé ivolontaires, ainsi que les régiments de ligne employés aux colonies, mais non, compris les .troupes de marine, ni le régiment d'artillerie coloniale, ni les auxiliaires, sur l'enrôlement desquels il paraît qu'on ne doit pas compter, tant qu il y aura de grands, recrutements à faire dans lés troupes de ligne et tant que l'on formera des bataillons de volontaires.
Observons aussi que nos/troupe^ étaient, au commencement dé ce mois, dispersées tant sur les frontières que dans les parties de l'intérieur où la tranquillité publique l'a exigé ; mais on doit ;bien remarquer ici, que .dans le cas d'une guerre, même défensive, cette disposition ne peut plus subsister, qu'il devient indispensable ae former des corps en masse, des armées d'observations pour se porter en force sur les points d'attaque, secourir les parties faibles et profiter avec avantage de celles qui offrent plus de moyens de résistance pour arrêter les progrès de l'ennemi.
Loin de nous cet esprit de défiance et d'égoïsme qui S'est quelquefois manifesté et qui, concen-
trant les vues générales dans les intérêts particuliers, tendrait à isoler la défense et à maintenir nos troupes dans une funeste dispersion ; il est facile de prévoir quelles en seraient les suites.
Mais, lorsque tous nos moyens de défense seront mis en action, lorsque par leur ensemble, ils pourront concourir à la défense générale, lorsque nos troupes joindront au patriotisme qui les anime, cet esprit d'ordre et de discipline sans lequel il ne peut y avoir d'armée, alors notre Constitution reposant sur ces bases inébranlables, elle triomphera de tous les ennemis du dehors et de ceux du dedans. (.Applaudissements.)
Après les détails que vous venez d'entendre, votre comité a jugé, Messieurs, que l'envoi des commissaires, qui vous avait été proposé pour constater l'état de nos places fortes, serait une démarche dispendieuse, illusoire, et qui ne servirait qu'à diminuer la responsabilité des agents militaires.
Des commissaires, en effet, quels qu'ils soient, ne peuvent saisir d un coup fœil 1 ensemble et leô détails immenses qui constituent le fort et le faible d'une grande place ; ils ne peuvent juger à vue, si tous les ouvrages ont le tracé, le relief et les commandements convenables, si les inondations sont praticables, si les approvisionnements sont proportionnés aux autres moyens de résistance, et ils ne peuvent non plus sans doute compter sur place les bouches à feu, fusils, tonneaux de poudre, affûts et agrès de toutes espèces, qui sont dans nos immenses arsenaux et encore moins en constater les qualités ; un pareil examen est absolument impraticable, à raison du temps qu'il exigerait, même pour un homme de l'art.
Ainsi, vos commissaires ne feraient que vous transmettre les états de situation et les mémoires relatifs à la défense, que les agents militaires leur auraient remis, états que ces derniers font parvenir au ministre de la guerre et qui ont été communiqués à votre comité.
Si donc, dans des moments d'orages, l'Assemblée constituante a cru quelquefois nécessaire d'envoyer dans les départements des commissaires tirés de son sein, pour interposer une grande autorité ou une puissante médiation, certes ils seraient parfaitement inutiles et évidemment insuffisants, si leur mission n'avait pour objét que de constater l'état de nos places fortes.
Je termine ces longs détails, Messieurs, en vous proposant, au nom de votre comité militaire, un projet de décret en trois articles, conçus en ces termes :
Projet de décret.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire sur l'état des frontières du royaume, décrète ce qui suit :
Art. 1er. Sur la demande faite à l'Assemhlée nationale
d'envoyer des commissaires pour constater l'état des fortifications des places fortes du
royaume, l'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Art. 2. Le pouvoir exécutif sera chargé de presser la continuation des travaux de fortification des places fortes du royaume les plus importantes et notamment de celles qui sont sur la frontière d'Espagne, de manière que les places qui s'y trouvent en première ligne soient mises le plus tôt possible dans l'état le plus respectable de la défense.
Art. 3. Le pouvoir exécutif sera également chargé de presser la formation des bataillons de gardes nationales volontaires dans les départements où ils ne sont pas encore prganisés et, notamment dans celui des Pyrénées-Orientales, les troupes de ligne nécessaires pour ta sûreté de cette frontière. ( Vifs applaudissements.)
Le rapport bien satisfaisant qu'on vient de vous faire doit faire cesser toutes les inquiétudes qui ont alarmé jusqu'ici les esprits inquiets et méfiants. Je crois que nous ne pouvons pas donner trop de publicité a ce compte, afin de tranquilliser et de rassurer de plus en plus tous les départements. Je fais la motion que ce compte soit imprimé et envoyé aux 83 départements. (Oui! oui! — Applaudissements.)
J'appuie la motion.
Le rapport qui vient de vous être fait a bien l'air, en effet, d'un compte rendu. Or, comme aucun compte ne peut être rendu à la nation sans que le comptable soit responsable, je demande que l'impression et l'envoi du rapport soit ajourné jusqu'à ce qu'on l'ait communiqué au ministre de la guerre, afin qu'il déclare s'il répond de tous les faits qui y sont énoncés. (Applaudissements.)
, rapporteur. J'ai l'honneur d'observer au préopinant que tous les détails que je viens de présenter dans ce rapport ont été puisés dans les états remis par le ministre la guerre, dans les bureaux des fortifications et dans ceux de l'artillerie.
Un membre : Nous devons faire imprimer ce rapport et en ajourner la discussion à lundi...
Plusieurs membres : Il n'y a pas de discussion.
Le même membre : On prétend qu'il ne doit point y avoir de discussion, et moi je soutiens que ce projet est très fort sujet à discussion ; car le comité militaire ne veut pas qu?il y ait des commissaires qui s'assurent de l'état dans lequel se trouvent les frontières, parce que ce serait blesser la responsabilité du ministre. Je dis que non ; car, ou le rapport, qui est fait par le comité, est son ouvrage, ou il est l'ouvrage bureaucratique du ministre. Les commissaires vérifieront les faits que le comité vient vous apporter dans ce moment-ci, avec la conviction intime que ces faits existent. Je demande donc qu'afin de présenter quelque chose qui soit fait pour fixer l'opinion, l'Assemblée décrète l'impression du rapport et l'ajournement à lundi.
Il me paraît que quelques membres de l'Assemblée sont arrêtés par cette seule considération, que le rapport du comité militaire n'aurait pas une suffisante authenticité, et que peut-être il serait nécessaire que la responsabilité des agents du pouvoir exécutif y fût engagée.
Eh bien ! les sources dans lesquelles a puisé votre comité satisfont à ces deux inquiétudes. L'Assemblée nationale a envoyé des commissaires sur toutes les frontières; des officiers généraux d'artillerie et du génie, spécialement chargés de cette inspection,! ont faite de la manière la plus détaillée, ils en étaient responsables d'une manière absolument hors des formes ordinaires. C'est le travail qu'a produit cette commission extraordinaire, qui a été mis entre les mains de votre comité. Ceci est, si l'on peut s'exprimer ainsi, plus qu'une responsabilité ministérielle; ce sont des pièces authentiques qui ont été re-
cueillies par des commissaires nommés ad hoc. Je ne vois dope aucun lieu à discuter, car il est question d'un tableau de vos forces matérielles et individuelles que pour la première fois, ei c'est le premier exemple qu'il y ait eu dans les nations ae l'Europe, vous osez présenter à vos ennemis. Vous pouvez donc à plus forte raison le montrer dans le plus grand détail à vos concitoyens, lorsque surtout de fausses inquiétudes les agitent.
J'ajoute, Messieurs, que si quelque chose peut en ce moment-ci déterminer le zèle de tous les Français à payer l'impôt, à nous donner les moyens de poursuivre avec vigueur cette grandë querelle, c est la certitude des efforts qu'on a déjà faits, c'est la confiance ; et la confiance naîtra sûrement de la connaissance que les Français acquerront de leur puissant état de défense ; les citoyens du Midi apprendront que ceux du Nord de l'Empire ont tout mis en usage pour mettre nos frontières en bon état, qu'ils ont de leurs bras contribué à réaliser ce qu'avait produit le génie de Vauban ; et ce que le hasard et la nature des enclavements avait fait pour la défense des frontières a été, pour la première fois et par des efforts extraordinaires, mis en valeur. Eh bien ! ils rivaliseront de courage, d'énergie, de zèle avec les citoyens des frontières ; ne pouvant pas s'y porter eux-mêmes, ils s'empresseront de verser dans le Trésor national les moyens de faire la guerre. (Applaudissements.)
Je demande que sur-le-champ on décrète l'impression et l'envoi aux 83 départements. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : L'impression et l'envoi aux départements !
Le rapport qui vient d'être savamment fait par par un membre du comité prouve qu'il y a des places frontières, mais ne peut pas nous assurer véritablement de leur état, et il n'y aurait qu'un commis de bureau ou un ministre qui pût répondre sur sa tête de la vérité des laits (Applaudissements dans les tribunes.)-, mais ce n'est pas à un comité à en répondre sur sa tête, il faut que le ministre nous donne lui-même le compte de l'état et des détails des frontières, afin qu'il puisse, sur sa tête, répondre que l'état en est vrai ; je m'oppose donc a l'impression et à l'envoi aux 83 départements.
Je m'oppose autant qu'il est en moi que l'on décrète, dans cet instant, renvoi aux 83 départements, à moins que l'Assemblée ne veuille seulement envoyer le rapport et non pas lé projet. Si l'Assemblée envoie le rapport aux 83 départements, je me joins à cet avis et pourquoi ? parce que ce tableau est infiniment satisfaisant et je n'ajouterai rien à cet égard, parce que M. Dumas a parfaitement fait sentir à l'Assemblée la nécessité de faire connaître ce rapport aux 83 départements. Mais quant au projet de décret, Messieurs, j'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée, qu'il y a plus d'un mois que ce projet de décret a été discuté et arrêté dans le comité militaire : or, j'observe que depuis un mois, les circonstances sont bien changées. Dans le premier article de ce projet de décret, on nous dit qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'envoi des commissaires dans les différents départements du royaume, et moi, je crois au contraire que l'instant est arrivé où vous serez obligés d'y en envoyer.
Je demande donc l'impression, la distribution, et l'ajournement du projet de décret pour être
«discuté, et l'envoi du rapport aux 83 départements.
Les détails du rapport ont été pris sur des états fournis par le ministre de la guerre.
Plusieurs membres : Ce n'est pas suffisant!
Ces états ont été mis sur le bureau . J'insiste pour l'envoi aux 83 départements et je demande, en outre, qu'il y soit énoncé que ce rapport a été fait sur les pièces èt documents fournis par le ministre de la guerre.
Je ne m'oppose pas à l'envoi dans les 83 départements ; mais si l'Assemblée prend ce parti, je demande une explication pour un article qui intéresse mon département, et qui ne sera pas inutile, je crois, à tous ceux qui ont été désignés comme étant en retard pour former leurs bataillons de gardes nationales volontaires.
Je rappellerai à ce sujet à l'Assemblée que les Îiremiers ordres arrivés dans le département de a Côte-d'Or, lui enjoignaient de former le plus grand nombre de "bataillons possible dans la quinzaine. Le directoire forma cinq bataillons et envoya au ministre l'avis qu'il les avait organisés. Dans l'intervalle, il vint un contre-ordre de ne former que deux bataillons, ce qui mit dans un grand embarras les commissaires qui furent obligés d'user d'artifice pour déterminer ceux qui étaient enrôlés à rester chez eux. Les deux bataillons formés sont partis et sont actuellement dans leurs garnisons.
J'ai entendu diré avec étonnement que le département. de la Côte-d'Or était en retard. Voici, cependant, la conduite qu'il a tenue. Je demande que M. le rapportéur en fasse mention dans son rapport.
Un membre fait une déclaration analogue pour le département des Vosges.
M; le ministre de la guerre fait une tournée après laquelle il fera à l'Assemblée nationale un rapport détaillé qu'il certifiera. 11 a avec lui des officiers d'artillerie et du génie. Ce rapport vraisemblablement sera plus satisfaisant encore et nous offrira une garantie, parce qu'il vous parlera des travaux qui se continuent depuis le mois de novembre. Je demande qu'on attende ce nouveau compte, et que l'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer quant à présent sur l'envoi aux 83 départements. J'appuie du reste l'impression de ce rapport qui peut nous procurer beaucoup de lumières sur notre situation et l'ajournement de la discussion à huitaine.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je Consulte l'Assemblée sur la motion d'impression,
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret de M. Crublier-d'Optère.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'envoi aux 83 départements.
et plusieurs autres membres. Nous demandons la question préalable, quant à présent.
(L'Assemblée décrète la question préalable ainsi motivée, puis ajourne la discussion à huitaine.)
Messieurs, vous avez prononcé par décret Vadmission de plusieurs pétitionnaires; je vais les faire introduire. (Oui! oui!)
, homme de loi, dont l'admission à la barre a été décrétée à la séance du matin, est introduit. Il fait hommage à l'Assemblée d.un tableau allégorique représentant Vensemble et Vimage entière de la Constitution française. Il prié l'Assemblée d'ordonner què la copie de ce tableau servira de frontispice à la Constitution française et que des exemplaires de cette gravure seront envoyés aux 83 départements.
donne des éloges au patriotisme du pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
Sans doute, Messieurs, la Constitution doit se mêler à toutes les idées des Français. Sans doute elle parle à tous les cœurs et elle doit aussi parler à leurs yeux. Je demande le renvoi de l'ouvrage qui nous est présenté au comité d'instruction publique pour en faire le rapport et que la mention honorable de l'offre de M. Porcheron soit faite au procès-verbal. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète la motion de M. Lemontey.)
, au nom du comité militaire. Messieurs, vous avez ajourné à ce jour la discussion du rapport que je vous ai présenté le 24 dè ce mois sur la proposition d'élever au grade de maréchal de France les généraux de Rochambeau et Luckner (1). Je vais vous faire lecture du projet de décret :
« L'Assemblée nationale, sur le vœu du roi, manifesté par le ministre de la guerre, d'élever les lieutenants généraux Rochambeau et Luckner au grade de maréchal de France, considérant l'avantage qui en résultera pour le bien du service et voulant donner à ces généraux, au moment où une grande partie des forces nationales leur est confiée, une preuve authentique de la confiance de la nation, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Deux officiers généraux, commandant d'armée, pourront être élevés au grade de maréchal de France, sans que les places qu'ils occuperont puissent être considérées comme une augmentation permanente au nombre de 6, auquel a été borné par le décret du 4 mars dernier, celui des maréchaux de France en activité. »
Art. 2.
« Lorsque par la Suite il viendra à vaquer une place de maréchal de France, il ne pourra être pourvu au remplacement que conformément à la loi du 4 mars 1791, et sans que le nombre des maréchaux de France puisse excéder celui de six. »
Un membre rappelle les services rendus à la patrie par les généraux de Rochambeau et Luckner. (Vifs applaudissements.)
Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix!
Je propose à l'Assemblée d'entendre ceux de ses membres qui voudraient parler contre le projet.
(Aucun membre ne se présente.)
Est-ce qu'il n'y a personne qui parle contre î
Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux Voix!!
(L'Assemblée adopte le projet de décret presque à l'unanimité.) (Applaudissements.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport relativement au marché passé avec le sieur Guillaume-Augustin Baudouin, pour les transports militaires; il s'exprime ainsi (1) :
Votre comité militaire a examiné la lettre du ministre de la guerre, qui lui a été envoyée le 22 du mois de novembre dernier (2).
Les observations du ministre sont fondées sur les obstacles qui s'opposent à l'exécution d'un décret rendu par l'Assemblée nationale constituante, le 24 septembre dernier.
Ce décret porte la réalisation à compter du 1er janvier 1792 du marché passé par le conseil de la guerre, le 2 mai 1789, au sieur Guillaume-Augustin Baudouin, pour le transport des effets d'habillement, équipement, campement et autres du ressort du département de la guerre, ainsi
3ue pour le transport des effets et munitions 'artillerie.
Le ministre de la guerre a observé que le marché dont il s'agit, ayant été passé pour 3, 6 ou 9 années, et que la première ae ces époques expirant au lor juillet 1792, il serait moins onéreux de proroger jusqu'à ce jour la durée du marché passé avec le sieur Baudouin, que de traiter avec lui des indemnités qu'il a droit de réclamer pour la non-jouissance ae six mois de bail.
Votre comité militaire a trouvé cette considération très juste, et il pense qu'on doit adopter la mesure proposée par le ministre, comme plus économique et plus convenable d'ailleurs, pour donner le temps de monter un nouveau service, gu'il serait impossible d'établir d'ici au premier janvier, soit par régie, soit par entreprise.
En conséquence, il a l'honneur de vous proposer un projet de décret, qui autorise la prorogation au marché du sieur Baudouin, jusqu'au 1er juillet 1792, en conservant au surplus les autres dispositions du décret de l'Assemblée nationale constituante.
Décret â!urgence.
r L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe que le service des transports militaires n'éprouve aucun retard, décrète l'urgence.
Décret définitif.
L'Assemblée nationale, d'après la lettre du ministre de la guerre du 15 novembre dernier, par laquelle il expose qu'il serait plus économique de proroger, jusqu'au 1er juillet 1792, le marché passé par le conseil de la guerre pour les trans-
Sorts militaires ; après avoir entendu le rapport e son comité militaire, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. Le marché passé avec le sieur Guil-
Art. 2. Au moyen de la disposition de l'article ci-dessus, ledit sieur Guillaume-Augustin Baudouin, ou ses ayants cause, ne seront admis à aucune réclamation ou indemnité pour frais de résiliation.
Art. 3. Le pouvoir exécutif prendra les mesures convenables pour assurer le service dès transports militaires, soit par une régie, soit par une entreprise au rabais et adjugée publiquement, conformément aux dispositions du decret de l'Assemblée nationale constituante au 24 septembre.
Art. 4. Ledit décret du 24 septembre aura d'ailleurs son exécution dans toutes les dispositions auxquelles il n'est pas dérogé par le présent décret.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à la séance de samedi soir.)
, au nom du comité militaire, soumet à nouveau à l'Assemblée un projet de décret sur le mode de la revue des gardes nationales et sur le rappel des officiers de ligne à leurs postes (1) ; il S'exprime ainsi :
Messieurs, la discussion que je propose d'ouvrir est sur le point de savoir si les officiers de toutes les armes, qui sont actuellement employés dans les bataillons de volontaires nationaux, doivent conserver les places qu'ils occupaient dans les régiments, et qu'ils n'ont quittées que momentanément dans la seule intention de se rendre plus utiles à leur patrie; ou bien si, pour les conserver, ils doivent abandonner les emplois momentanés qu'ils ont dans les bataillons de gardes nationales volontaires et rentrer dans leurs régiments. Voici l'article lor :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, et rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. La revuè des troupes de ligne, ordonnée par
l'article 13 du décret du 29 de ce mois, aura lieu pour les bataillons des volontaires
nationaux dans les mêmes formes et le même délai. »
Je demande que cette revue ait lieu dans le courant du mois de janvier prochain.
Si vous décrétez ce soir les articles proposés, il serait utile de les insérer dans le décret général qui doit servir à ce code des gardes nationales volontaires dont il ferait partie.
, rapporteur. Au moyen de la proposition de M. Lacuée, il n'y aura pas besoin du décret d'urgence.
(L'Assemblée décrète que les articles du projet de décret présenté par M. Delacroix seront ajoutés comme articles additionnels au décret d'organisation des gardes nationales ; puis adopte l'article 1er avec la motion de Delacroix relative à la date de la revue.)
(Suit la teneur de cet article :)
er.
« La revue extraordinaire ordonnée pour les troupes de ligne par l'article 13 du decret du 29 novembre 1791. aura lieu, pour les bataillons de gardes nationales volontaires, dans le courant du mois de janvier prochain. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 2 qui est ainsi conçu : « Les officiers en activité de toutes les armes,
3ui sont maintenant employés dans les bataillons es volontaires nationaux, rentreront dans leurs corps au plus tard le 1er avril prochain. »
L'intention de l'Assemblée lorsqu'elle n'a pas voulu cisconscrire parmi les officiers de ligne seulement la nomination des lieutenants-colonels, a été de donner toute la latitude possible aux gardes nationaux dans le choix de leurs officiers supérieurs.
Je vous objecte, Messieurs, que si quelques officiers sont à la tête des gardes nationales, quoiqu'ils soient dans les troupes de ligne, il serait injuste de ne pas leur conserver leur emploi, parce que sûrement, si on leur donnait le choix ou de rester dans la garde nationale qui n'est que temporaire, ou de rentrer dans leur corps, ils préféreraient ce dernier parti, ce qui ferait que le bien du service serait lésé. Ainsi, je fais la motion expresse que les officiers des troupes de ligne qui ont été assez heureux pour mériter la confiance des gardes nationaux qui les ont mis à leur tête, soient conservés dans les régiments où ils seraient ordinairement, jusqu'après le licenciement des bataillons des volontaires.
, rapporteur. Il faut sans doute ue les gardes nationaux soient commandés par es officiers patriotes, comme les troupes de ligne; mais, Messieurs, ne nous le dissimulons pas, s'il y avait à balancer, il faudrait nous déterminer en faveur des troupes de ligne; car c'est dans ces corps que les officiers patriotes sont rares.
Je demande à ceux qui soutiennent l'opinion cpntraire, comment une compagnie marcherait à l'armée, sans officiers. Si, par événement, la confiance des volontaires nationaux eût choisi pour lieutènant-colonei et capitaines, tous les officiers d'une même compagnie, cette compagnie resterait donc sans officiers? Le poste d'un officier de ligne est dans sa compagnie surtout.
Je demande donc qu'on éloigne, si l'on veut, l'époque à laquelle les officiers de ligne qui sont dans les gardes nationales doivent rentrer dans leurs régiments; mais je demande que l'Assemblée nationale, conformément à son décret du 29 novembre, décrète qu'ils seront tenus de s'y rendre dans tel délai.
Plusieurs membres demandent que la date du 1er avril soit remplacée par celle du 1er mai. D'autre membres proposent le mois d'août.
La question a déjà été décidée, par l'Assemblée nationale, dans son décret du 29 novembre, conformément à ce que vient de dire M. le rapporteur.
Je dis qu'un ou deux officiers de plus dans un régiment ne sont pas ce qui empêchera d'aller la machine, parce que, par la hiérarchie militaire, lorsque le capitaine ou le lieutenant manquera, il y a des sous-lieutenants, il y a des sergents qui les remplacent.
Je dis ensuite, Messieurs, que tout le monde convient que les gardes nationales seraient sans
doute la meilleure troupe, si les officiers avaient autant d'expérience qu'il y a de bonne volonté parmi elles.
Or, si ces gardes nationales ont été assez heureuses pour trouver des officiers patriotes et qui réunissent des talents, pourquoi les leur ôterait-on?En conséquence, je m'oppose à l'adoption de l'article.
Je crois qu'il faut laisser le principe intact; mais si, d'une part, je pense qu il faut permettre aux officiers de ligne qui sont entrés dans les bataillons volontaires de rester dans les bataillons qui les ont choisis, je demande que, dès ce moment, il soit sévèrement défendu aux bataillons des gardes nationaux de choisir des officiers dans la ligne; car, en principe, cela ne vaut rien.
Je demande que cette exception soit tellement exprimée qu'elle ne puisse point tirer à conséquence ou à un abus ultérieur, mais qu'elle n'ait lieu seulement que pour les officiers qui ont déjà été choisis.
Un membre: Je voudrais que cette exception ne portât que sur les officiers de troupe ae ligne nommés lieutenants-colonels.
Un membre lit une nouvelle rédaction du deuxième article du projet de décret, par laquelle les officiers des troupes de ligne ont la faculté de rester dans les bataillons des gardes nationales jusqu'à leur licenciement, et qui leur conserve leurs appointements d'officiers de ligne, à titre d'indemnité.
Plusieurs membres demandent la priorité pour cette rédaction.
(L'Assemblée, consultée, n'accorde pas la priorité à cette rédaction.)
, rapporteur. En tenant compte de l'amendement relatif aux lieutenants-colonels, voici comment je propose de rédiger l'article 2 ;
Art. 2.
« Les officiers en activité dans les troupes de ligne, qui sont maintenant employés dans les bataillons de gardes nationales volontaires, rentreront dans leurs corps respectifs au plus tard le 1er avril prochain.
« Sont exceptés de la présente disposition ceux des officiers des troupes de ligne qui ont été élus lieutenants-colonels des bataillons de gardes nationales volontaires. »
(L'Assemblée adopte l'article 2 ainsi rédigé.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 3 ainsi conçu :
« Dans l'intervalle de la publication du présent décret au départ desdits officiers, les bataillons des volontaires nationaux procéderont à leur remplacement suivant les formes établies. »
Cet article est adopté dans les termes suivants :
Art. 3.
« Avant le départ desdits officiers, les bataillons de gardes nationales volontaires procéderont à leur remplacement suivant les formes prescrites par le présent décret. »
, rapporteur, M. Briche avait proposé un article additionnel que je vais mettre sous les yeux de l'Assemblée :
« Les officiers qui ont été employés dans les bataillons de volontaires nationaux, et qui rentreront dans leurs régiments, toucheront le traitement accordé aux volontaires nationaux, sui-
vant leur grade et celui attribué au grade qu'ils occupent dans l'armée de ligne, pour les indemniser des frais des voyages.
Plusieurs membres : La question préalable
L'Assemblée nationale devrait voter la question préalable, s'il y avait beaucoup d'officiers dans ce cas; mais on peut vous observer que les appointements des officiers des gardes nationales sont très inférieurs à ceux des officiers qui se trouvent dans la ligne. S'ils ont des routes à fairé, il me semble que 1 As-sembléé.doit décréter que ces officiers sont censés présents à leur corps.
, rapporteur i J'observe à l'Assemblée que, si un officier employé dans les gardes nationales sur les frontières, est obligé de rejoindre son régiment à Une autre extrême frontière, il n'est pas juste de lui faire faire ce voyage à ses dépens, et de le punir de son excès de patriotisme. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
L'Assemblée adopte l'article additionnel de M. Briche dans les termes suivants :
« Au moment où les officiers des troupes dé ligne actuellement employés dans les bataillons des gardes nationales volontaires rejoindrontleurs corps respectifs, ils toucheront, à titre d'indemnité, et sur un relief qui leur sera accordé, les appointements attribues à leur grade, et ce, depuis i'époque de leur élection jusqu'à celle de leur rentrée dans leur corps. »
Je demande à présenter un article additionnel. Parmi les officiers qui ont été choisis dans le département de la Corrèze, un ingénieur a été nommé officier; il est parti sur les frontières. Il serait par conséquent essentiel qu'il conservât son poste. Le département le demande par un arrêt du directoire qui a été envoyé à l'Assemblée nationale. Aussi je demande que ceux qui ont des emplois civils, et qui les ont quittés pour marcher aux frontières, les conservent également.
, rapporteur. Je demande la question préalable sur cet article. Il est impossible qu'on conserve à des officiers civils des emplois qu'ils ne remplissent pas. (Appuyé! appuyé!)
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article additionnel de M. Brival.)
(L'Assemblée décrète ensuite que les quatre articles qu'elle vient de décréter formeront les articles 19, 20, 21 et 22 de la section II du décret d'organisation de gardes nationales, dont la relue entière doit être faite à la séance de demain 28.)
•si Un membre demande que le décret sur l'organisation des gardes nationales soit relu et porté aujourd'hui à la sanction. Plusieurs membres : Non! non! demain! (L'Assemblée ajourne cette lecture à demain.)
, au nom du comité des domaines, fait un rapport et présente un projet de décret sur la réclamation des prêtres et des clercs étudiants de la communauté de Saint-Lazare de Paris (1); il s'exprime ainsi :
Messieurs, l'établissement de la liberté et de l'égalité en France semble avoir été le
signal de la discorde dans le séminaire de Saint-Lazare
à Paris; des dissentiments intérieurs, entre l'ardent amour de la liberté et l'attachement aux règles monastiques, ont troublé l'harmonie et la concorde qui devrait être inaltérable parmi des religieux voués dans la retraite aux exercices de piété et à la pratique des vertus.
Cette maison a été jusqu'ici destinée à former de jeunes missionnaires, qu'on établissait ensuite professeurs et directeurs dans les différents séminaires du royaume ; elle est essentiellement composée d'ecclésiastiques enseignants, ce sont les prêtres : et d'ecclesiastiques étudiants, ce sont les clercs.
Les prêtres administrent exclusivement les revenus communs; les clercs demandent d'y coopérer. Ils ont cru apercevoir des abus : les uns sont onéreux pour eux, ils s'en plaignent ; les autres intéressent la propriété nationale, ils les dénoncent. De là, une animosité mutuelle qui produit à son tour les imputations les plus odieuses, telles que l'insubordination, le despdk-tisme, la spoliation, le faux.
Notre patriotisme, disent à leurs supérieurs ceux des clercs qui réclament auprès de l'Assemblée, est regardé, par vous, comme un déshonneur pour la communauté; il est le principe de votre animadversion pour nous.
La maison est riche au delà de ses besoins ; ses revenus nous sont communs. Cependant vous nous forcez de vous traîner devant le juge pour obtenir des vêtements indispensables.
Vous avez fait des économies considérables, elles ont particulièrement pesé sur nous ; et nous sommes exposés à les voir passer chez les ennemis de la patrie avec des prêtres décidés à ne pas prêter le serment civique, qui regardent l'égalité de droits comme une hérésie.
On enlève des effets pendant la nuit ; le mobilier disparaît; nous demandons à partager une gestion, à laquelle nous avons un droit égal.
Le supérieur général et le restant de la communauté repoussent avec force ces inculpations et cette demande.
L'inexpérience et la trempe d'esprit des jeunes gens ne permettent pas de les admettre à l'administration ; le vœu de la majorité de la communauté, et la loi qui conserve provisoirement le régime des congrégations séculières, rejettent cette prétention hardie, disent les prêtres, et singulière, contre un usage consacré par des siècles.
Accuser les prêtres de Saint-Lazare de spoliation, c'est les calomnier, assurent-ils, après le dénuement où laissa leur maison la journée du 13 juillet 1789.
Ils invoquent l'inventaire remis à l'Assemblée nationale, les ordres précis du général contre toute soustraction : la promesse des supérieurs de rendre bon compte, en cas de suppression ; enfin leur bonne foi connue.
Ils conviennent, à la vérité, de l'enlèvement de dèux caisses ; mais elles contenaient des livres qu'un des professeurs assure lui appartenir.
Quelques effets ont bien été vendus, mais ils étaient inutiles et de peu de valeur ; d'ailleurs on tiendra compte du produit.
Enfin les prêtres reprochent aux clercs une indépendance et une irrégularité scandaleuses dans leur conduite, de manquer aux exercices communs et aux règles journalières, d'opposer l'injure et la menace aux avis et aux représentations de leurs supérieurs, d'insulter à leur modération, à leur âge et à leurs vertus. Plusieurs d'entre nous ont atteint 25 ans, ré-
pliquent les clercs,*la nation n'a pas craint de confier les intérêts les plus chers à des citoyens de cet âge ; et nous ne serions pas dignes de tenir un livre de compte ?
Vous niez les déménagements nocturnes ? mais huit malles ont été enlevées à diverses époques sous le voile de la nuit, et un mobilier considé-dérable est réduit au nécessaire de rigueur.
Vous avez fourni à l'Assemblée nationale une déclaration exacte ; mais de nombreux dépôts d'ornements et de vases précieux ont été faits à cette époque.
On a vendu de l'argenterie, des chevaux, de l'étain, etc., etc., de quel droit disposez-vous d'objets dont vous n'êtes pas les dépositaires?
Vous accusez notre conduite ; notre crime est dans nos efforts pour nous rendre dignes des suffrages de la nation : nous sommes coupables d'avoir osé penser, d'avoir préféré l'étude des lettres à vos longues prières ; l'évangile de la Constitution à la théologie de l'école, et de chérir cette Constitution qui fait votre supplice.
Vous nous taxez d'insubordination ; mais depuis dix ans nous subissons le double joug de la superstition et du despotisme ; est-ce un crime dé le secouer, de hâter, par des vœux, l'époque 2ui nous soustraira à la juridiction arbitraire 'un homme qui a forgé ses foudres au Vatican, et qui, au nom de je ne sais quel pontife, ose nous dire : j'ai un souverain domaine sur les personnes et sur les choses ?
Vous vous présentez à l'Assemblée nationale, au nom des prêtres, des frères et des clercs de la communauté ; mais vous n'avez pas craint de faire signer des prêtres étrangers, chassés de diverses villes à cause de leur refus du serment civique, et auxquels vous donnez refuge à nos dépens.
Les frères ne sont que d'honnêtes domestiques et quant aux clercs étudiants, trois seulement paraissent dans la réclamation, et leurs signatures sont fausses.
L'évidence de ce fait vous force d'en convenir : vous cherchez à pallier la faute en rapportant l'adhésion postérieure de ces étudiants; mais, sur cette même réclamation, plusieurs autres signatures, dont vous ne parlez pas, sont également controuvées ; les pièces sont sous les yeux de l'Assemblée nationale.
Tel est, Messieurs, le résumé sommaire, mais fidèle, des nombreuses observations et répliques des ecclésiastiques de Saint-Lazare; ils les affirment mutuellement sincères, et le caractère respectable dont ils sont revêtus, les rend sans doute également dignes de croyance.
Mais, parmi ces fruits malheureux d'une aigreur réciproque, votre comité n'a vu qu'un seul fait qui puisse être de la compétence ae l'Assemblée ; c'est la dénonce relative au mobilier et à l'emploi des revenus de cette riche et importante communauté; il est urgent de dissiper toute crainte sur cette propriété nationale.
A la veille de statuer définitivement sur le sort des congrégations séculières, le comité pense, Messieurs, que, dans cette conjoncture, vous ne devez prendre qu'une mesure provisoire, qui, en veillant aux intérêts de la nation, puisse calmer des esprits agités par des préventions réciproques; et éviter un éclat, toujours fâcheux, parmi des religieux qui doivent l'exemple de l'union et de la paix.
Cette mesure, d'ailleurs, en mettant, dans toute son évidence, la conduite des supérieurs de Saint-Lazare, deviendra, sans doute, honorable pour
eux, en même temps qu'elle fixera les soupçons et les inquiétudes des ecclésiastiques étudiants.
Décret durgence.
« L'Assemblée nationale voulant pourvoir aux réclamations des prêtres et des clercs-étudiants de la communauté de Saint-Lazare de Paris, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« Art. 1er. L'Assemblée nationale, après avoir décrété
l'urgence, décrète que la municipalité de Paris nommera, dans son sein, deux commissaires
qui, sous la surveillance du directoire du département, procéderont, sans délai, à
l'inventaire du mobilier du séminaire de Saint-Lazare de Paris, et à la vérification de la
caisse de l'emploi des revenus de la maison.
« Art. 2. Cette vérification sera faite en présence du supérieur général, du procureur et de deux clercs-étudiants de la maison, lesquels clercs seront choisis par leurs collègues étudiant actuellement dans la communauté, signeront les procès-verbaux et pourront y faire insérer telles observations qu il appartiendra. »
Il serait sans doute à désirer que le comité des domaines pût présenter à l'Assemblée nationale un plan qui supprimerait actuellement et dans le moment même, la congrégation de Saint-Lazare, livrée aux impulsions des haines réciproques; mais si le comité n'a pas cru cette dernière mesure nécessaire, la seule qui pût amener la paix en divisant les individus, le comité ne me semble pas avoir pris les mesures provisoires nécessaires que demandaient les clercs de Saint-Lazare. En conséquence, je demanderais que l'Assemblée voulût bien .adopter, à la place de l'article 1er du comité, celui-ci :
« L'Assemblée nationale décrète que les clercs-étudiants de la maison de Saint-Lazare, qui y ont été reçus avant le 20 novembre 1789, nommeront entre eux deux administrateurs pour régir le temporel de la maison, conjointement avec le supérieur et le procureur, qui seront tenus de donner sans aucun délai, aux deux nouveaux administrateurs, tous les renseignements qu'ils demanderont; le tout sous la surveillance de la municipalité.
J'appuie la proposition de M. Merlin, quant au désir et à 1 espoir qu'il a de voir bientôt supprimer tous les éta-blissements religieux ; mais puisque vous n'avez pas encore supprimé la maison de Saint-Lazare, je demande que le même régime subsiste et j'appuie de toutes mes forces le projet du comité.
Plusieurs membres demandent l'impression du rapport et du projet de décret et l'ajournement à samedi.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret du comité des domaines et ajourne la discussion à samedi prochain.)
donne connaissance à l'Assemblée d'une pétition des députés représentant, à l'Assemblée nationale constituante, les établissements français dans l'Inde, par laquelle ils demandent que leurs suppléants soient admis à l'Assemblée, les pouvoirs qu'ils avaient de représenter ces établissements leur ayant été conti-
nués dans l'ignorance de la loi prohibitive de la rééligibilité.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité colonial.)
lit l'ordre du jour de la ~éance de demain et lève la séance à dix heures.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heurës du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance de lundi 26 décembre, au soir.
, secrétaire, donne lecture du pro-oès-verbal de la séance du 27 décembre, au matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du pro-cès-verbal de la séance du mardi 27 décembre, au soir.
Un membre : Je demande que, lorsqu'il sera fait mention au procès-verbal d'un citoyen qui aura /été membre de l'Assemblée constituante ou de la législature, on ne rappelle pas Sôn1 titre de député.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Messieurs, il y a à Dijon Une fabrication de flaons en activité. Le ministre des contributions publiques, bien convaincu de la justesse des motifs présentés' par le directoire de ce département pour obtenir un mouton pour le convertir en sols, ne croit pas pouvoir raccorder,sans un décret du Corps législatif, pour les villes qui n'auraient point d'Hôtel des monnaies. Je demande le renvoi de la pétition du département de la Côte-d'Or au comité des assignats et monnaies, pour en faire incessamment son renvoi.
(L'Assemblée décrète le renvoi de cette pétition au comité des assignats et monnaies.)
Il y a quelque temps, il s'est élevé une questiojï sur la manière dont devaient être maniléstées les propositions du roi à VAssemblée. Cette question n'a pas été tranchée. Cependant, dans le préambule du décret d'hier au soir qui accorde le grade de maréchal de France aux généraux Rocnambeau et Luckner (1), vous dites : sur le vœu du roi manifesté par le ministre de la guerre ». Or, j'observe que ce décret n'a été rendu que sur un discours du ministre et que la Constitution ne veut pas qu'il y ait d'intermédiaires entre le roi et l'Assemblée nationale. Dans votre préambule, au contraire,' vous préjugez la question et vous décidez qu'il peut y avoir un intermédiaire entre l'Assemblée et le roi. Je demande que la question reste entière et que vous retranchiez duqaréàmbule du décret ces mots : « sur le vœu du roi manifesté par le ministre de la guerre. »
J'observe que dans la lettre (2) qui a été envoyée à M. le Président, le roi demande qu'on
délibère sur les propositions du
Alors, je demande que le décret le manifeste positivement.
, rapporteur. Cette difficulté est facile à lever : 1° parce que la forme réclamée par M. Cambon est remplie par la lettre du ministre; 2° parce que cette proposition a été convertie en motion par un membre de l'Assemblée; 3° parce qu'elle n'est pas de la nature sur lesquelles le roi exerce son initiative. J'explique ceci.
Il est bien vrai que le roi ne vous a pas fait lui-même de propositions, et que s'il était question de changer la hiérarchie militaire, d'apporter la moindre altération à l'organisation de l'armée, d'augmenter ou de diminuer le nombre des emplois, sans contredit l'initiative du roi serait nécessaire; mais ce n'est point le cas prévu. L'article 2 du décret que vous avez rendu hier explique bien précisément que le nombre des maréchaux de France ne pourra excéder celui de 6, qui est Conforme à l'article de la loi du 4 mars dernier. Il n'y a donc point de changement dans l'organisation militaire, et s'il se trouve momentanément deux emplois de plus dans l'armée, il n'en est pas moins vrai que ces deux emplois ne font pas nombre dans l'organisation militaire ; ils ne sont que temporaires.
Le roi ne pourrait nous proposer un changement stable qu'annuellement, et à l'époque que la Constitution a fixée. Par conséquent, je trouve que l'observation de M. Cambon sur les maréchaux de France, manque de fondement.
La Constitution porte que le Corps législatif statuera chaque année, d'après la proposition du roi, sur le nombre d officiers de chaque grade. Vous ne pouvez, avant la fin de l'année, excéder le nombre d'hommes fixé pour le pied de guerre ; vous ne pouvez surtout déroger, sans 1 initiative du roi, à une loi pour laquelle cette initiative est nécessaire. Au reste, je lie contesterai pas dans ce moment la différence que le préopinant établit pour une augmentation de circonstance ou pour une augmentation annuelle du nombre des maréchaux. Mais ce que j'établis formellement, c'est qu'on n'a point déterminé si les propositions au roi doivent être signées de lui et contresignées du ministre. La loi ayant été rendue sur la motion d'un membre, il n'est pas néceissaire d'insérer dans la rédaction des expressions iqui semblent préjuger une question que vous n'avez pas décidee. Voilà pourquoi, sans considérer si l'initiative du roi est ou non nécessaire à votre décret, il ne faut pas dire que vous aVez délibéré sur la proposition du roi, lorsqu'eUe ne vous a été annoncée que par l'intermédiaire du ministre. Je demande donc la radiation des mots ' « sur le vœu du roi manifesté par le ministre de la guerre. »
Dans la lettre du roi, la proposition ne s'y trouve pas ; elle se trouve dans le discours du ministre, et j'avais confondu la lettre du roi avec le discours au ministre. La lettre du roi, que je viens de vérifier, ne porte que sur les 20 miUions.
, rapporteur. Lorsque le projet de décret vous fut proposé, votre comité militaire a cité, au commencement du rapport,
les termes précis du discours du ministre ; il n'a pas établi différemment la proposition qui tous a été faite, et il vous a rappelé que cette proposition avait été convertie en motion. Je sens toute la valeur de l'observation du préopinant et votre comité, Messieurs, l'avait lui-même très bien sentie, car il n'avait pas voulu mettre dans le préambule : « sur la proposition du roi. » Mais puisque l'Assemblée trouve que cette phrase : « sur le vœu du roi manifesté par le ministre de la guerre » pourrait laisser supposer une'proposition formelle du roi, qui n'a point existé, je me rends à cette observation et je propose la rédaction suivante :
. « L'Assemblée nationalé, sur le vœu manifesté par le ministre de la guerre et converti en motion par l'un de ses membres... »
Plusieurs membres : Non ! non !
, rapporteur. Je cherche à résumer ce qui me semble le vœu de la majorité ; on me combattra après si je ne suis pas assez heureux pour l'avoir saisi. Mais voici ce que je propose. Puisque l'on trouve que la manifestation d'un vœu par le ministre, tient aussi à la proposition du roi et semble la représenter, je propose cette rédaction :
« L'Assemblée nationale, considérant l'avantage qui résulterait pour le bien du service (Bien ! bien !) d'élever les lieutenants-généraux Rochambeau et Luckner au grade de maréchal de France, et voulant donner a ces généraux, au moment où une grande partie des forces nationales leur est confiée, une preuve authentique de la confiance dé la nation, décrète qu'il y a urgence, etc... »
J'observe que ce considérant est inconstitutionnel parce qu'au roi seul appartient le droit de nommer les maréchaux de France, et vous ne pouvez pas dire par votre considérant que vous voulez faire Luckner et Rochambeau maréchaux de France, parce que ce serait les nommer vous-mêmes, et que c est au roi à le faire. Je propose seulement de décréter deux places de maréchaux de France de plus qui seront à la nomination du roi.
, rapporteur. Messieurs, je ne pense pis comme le préopinant que le considérant et le décret soient la même chose. L'Assemblée nationale peut expliquer les motifs qui la déterminent à rendre un décret.Vous avez jugé qu'il était utile au bien du service que les généraux Rochambeau et Luckner fussent faits maréchaux de Francé, et c'est à cause de cela que vous mettez le roi à même de le faire, car il ne pourrait pas le faire sans votre décret. Certes, votre comité n'aurait pas été d'avis de désigner nominativement les deux généraux dans le décret, mais de rappeler seulement les motifs qui vous font désirer qu'il soit créé deux maréchaux de France et que le roi soit mis en mesure d'élever à ce grade MM. Luckner et Rochambeau.
Je me résume à dire que le considérant étant essentiellement séparé au décret, et l'Assemblée n'ayant voulu que rappeler les motifs de votre détermination, il doit rester dans le préambule du décret.
Je fais la motion de la suspension du décret jusqu'à ce que le roi ait fait sa proposition d'une manière constitutionnelle.
Je demande que l'on renvoie le décret au comité militaire : il vous présentera demain une rédaction propre à tout concilier.
Je demande provisoirement le rapport du décret. {Appuyé ! appuyé!)
Plusieurs membres demandent la parole.
Messieurs, je ne voudrais point de considérants : mais je voudrais que, pour mettre le roi à même de faire légitimement son vœu, l'Assemblée saisit les termes mêmes de la lettre du ministre et les exprimât par un article additionnel qui dirait : « Au reste, l'Assemblée déclare qu'elle verrait avec plaisir que le roi y nommâ4 MM. Rochambeau et Luckner. » (Murmures.)
Je crois que tous ces tâtonnements sont indignes de l'Assemblée. Il est manifeste que votre décret d'hier au soir est inconstitutionnel. (Exclamations.)
Monsieur le Président, empêchez ces Messieurs de m'interrompre.
Je dis, Messieurs, que le décret est évidem-ment inconstitutionnel. Il a été rendu, non sur la proposition du roi, mais sur la proposition du ministre qui n'a point le droit de mire de pareilles invitations. D'après cela, si, tous les jours, par des faux-fuyants, si par des moyens dilatoires de l'espèce de ceux qui viennent d'être proposés, nous rendions de pareils décrets, les ministres viendraient bientôt, de leur chef, vous faire des propositions qui paraîtraient faites au nom du roi ; un membre de l'Assemblée ne manquerait pas de dire : je convertis cette demande en motion, et les ministres auraient de cette manière une initiative qui n'appartient qu'au roi.
Vous voulez, et le roi le veut aussi, élever les généraux Luckner et Rochambeau au grade de maréchal de France. Dans mon opinion, il n'y a rien de plus contraire à la liberté que des lois faites en faveur des individus; mais, puisque l'intention de l'Assemblée est contraire, il faut qu'elle énonce ses intentions d'une manière franche, directe et constitutionnelle. Il importe fort peu que, dans le préambule, ou dans le texte même du décret,1 vous nommiez MM. Rochambeau et Luckner, dès que votre intention est de consentir que MM. Rochambeau et Luckner soient nommés maréchaux de France. Je ne trouve également aucun inconvénient à énoncer, soit dans le préambule, soit même dans le texte du décret, qu à cet égard-là vous dérogez à la loi générale de tel jour ; mais je demande que cette dérogation soit faite de la manière la plus expresse, parce que, si elle n'était pas exprimée, on pourrait appliquer votre décret à d'autres personnes qu'à celles sur lesquelles on vous a manifesté 1 intention du roi.
Je demande donc que le décret soit rapporté, sauf au roi à faire telles propositions qu'il jugera convenables dans les formes constitutionnelles que vous devez seules reconnaître.
Plusieurs membres à l'extrême gauche : Aux voix I aux voix /
Voici une rédaction que je propose.
Plusieurs membres : Nous n'en voulons pas.
Voici ma rédaction :
« L'Assemblée nationale, voulant faciliter au roi les moyens d'élever les généraux Luckner et Rochambeau au grade de maréchal de France, et voulant leur donner, au moment où une grande partie des forces de la nation leur est confiée, une preuve authentique de la confiance de la nation, décrète qu'il y a urgence. •
Le respect dû à la Constitution
exige que la motion de M. Garran soit adoptée.
, rapporteur. Je reconnais que les observations faites sur la forme du préambule sont très justes, et j'appuie la rédaction de M. Cambon. Je demande donc que la discussion soit fermée et que cette rédaction soit mise aux voix.
Un membre : Je demande le rapport du décret. Plusieurs membres : La question préalable sur le rapport du décret.
On ne peut pas demander la question préalable sur la Constitution. (L'Assemblée, consultée, ferme la discussion.) Plusieurs membres réclament contre cette décision.
Je mets aux voix la question préalable sur le rapport du décret. (L'Assemblée décrète à une grande majorité 3u'il n'y a pas lieu à délibérer sur le rapport du écret et adopte la rédaction de M. Cambon.) , Suit la teneur du préambule tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
« L'Assemblée nationale, voulant faciliter l'élévation des généraux Rochambeau et Luckner au grade de maréchal de France, et donner à ces généraux, au moment où une grande partie des forces nationales leur est confiée, une preuve authentique de la confiance de la nation, décrète qu'il y a urgence. »
, au nom du comité militaire, fait la relue du décret sur les gardes nationales volontaires (1).
Pendant cette lecture, plusieurs membres ont fait différentes observations ; l'Assemblée a adopté l'addition proposée à l'article 14 de la section II, pour confirmer les élections des lieutenants-colonels déjà faites, et elle a décrété, aussi sur la motion de M. Delacroix, que les retenues seront exercées en assignats et que la partie de la solde qui sera payée en argent restera intacte.
, sur l'article 16 de la section Y, qui -fixe, conformément au décret du 4 août 1791, le nombre des compagnies à 9, observe à l'Assemblée que les volontaires nationaux d'un des bataillons du département de la Manche (2) ont adressé une pétition pour que la 10e compagnie fùt^conservée ou qu'elle fût transformée en compagnie de canonniers. Cette 10e compagnie est entretenue aux dépens des autres; il est juste de s'occuper de son sort.
(L'Assemblée renvoie la motion de M. Gouvion au comité militaire déjà saisi de la question.)
(Suit la teneur du décret):
décret relatif à l'organisation, solde, armement et habillement des bataillons des gardes nationales volontaires, et au remplacement de leurs officiers et sous-officiers.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe au salut de l'Empire de régler, d une
manière définitive et prompte, tous les détails relatifs, tant à la formation, à
l'organisation et à la solde des bataillons des gardes nationaux volontaires, qu'au
remplacement de leurs offi-
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité militaire et rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
SECTION IRE.
De la formation des bataillons.
Art. 1er.
« Les bataillons de gardes nationaux volontaires seront payés de leur solde depuis et compris le jour fixé pour leur rassemblement, jusques et compris le jour de leur licenciement.
« Il sera accordé de plus, à chaque garde volontaire national, trois sols par lieue pour se rendre de son domicile à l'endroit du rassemblement, et de l'endroit du licenciement à son domicile.
Art. 2.
« A mesure que les gardes nationaux volontaires arriveront dans le lieu désigné pour le rassemblement de leur bataillon, ils se présenteront au commissaire du directoire du département chargé du soin de ce rassemblement ; celui-ci inscrira sur un registre à ce destiné, le nom de chaque garde volontaire national, le iour de son arrivée, et le nombre de lieues pour lesquelles il devra être payé. Ce registre servira provisoirement de livret de revue.
Art. 3.
« Les bataillons déjà sur pied recevront, par forme d'indemnité, la solde et le dédommagement auquel ils auraient eu droit de prétendre en vertu de l'article 1er du présent décret ; ils en seront payés sur des états fournis et certifiés par les directoires de leurs départements respectifs.
Art. 4.
« La somme qui, en vertu de l'article précédent, reviendra à chacun des gardes volontaires nationaux, ne sera remis à leur libre disposition que dans le cas où ils auront remboursé les avances que les directoires auront pu leur faire, tant pour leur subsistance avant qu'ils passassent a la charge du département ae la guerre, que pour leur habillement et leur équipement.
Art. 5.
« Le ministre de la guerre est chargé de faire payer, sans délai, les indemnités accordées par l'article 3 et opérer les retenues prescrites par l'article 4.
Art. 6.
« Les commissaires chargés par les directoires de département du rassemblement des bataillons de gardes nationaux volontaires, remettront aux commissaires des guerres, lors de la première revue qu'ils en passeront, le contrôle qu'ils en auront fait en vertu de l'article 2 du présent décret.
Art. 7
« Immédiatement après la première revue, chaque garde volontaire national prêtera le ser-
ment militaire prescrit par le décret du 17 septembre 1791, et dont la formule suit :
Serment des officiers et sous-officiers.
« Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution, d'exécuter et de faire exécuter les règlements militaires. »
Serment des volontaires gardes nationaux.
« Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, de défendre la Constitution, de ne jamais abandonner mes drapeaux, et de me conformer en tout aux règles de la discipline militaire. »
SECTION II.
Des congés, du remplacement des officiers, sous-officiers et volontaires.
Art. 1er.
« Tous les citoyens admis dans les bataillons de gardes nationaux volontaires seront libres de se retirèr après la fin de chaque campagne, en prévenant deux mois d'avance le capitaine de leur compagnie, afin qu'il soit pourvu à leur remplacement, ainsi qu'il sera dit article 8.
« La campagne sera censée terminée le 1er décembre de chaque année.
Art. 2.
« Les gardes volontaires nationaux que des affaires instantes ou majeures obligeront à suspendre momentanément leurs services, pourront dans tous les temps, d'après des certificats de leurs municipalités, visés par les directoires de districts, obtenir la permission de s'absenter pour un temps déterminé.
Art. 3.
« Il sera remis à chaque garde volontaire national, au moment où il quittera le service, un certificat qui attestera le temps pendant lequel il aura servi : ce certificat sera signé par le capitaine, visé par le commandant de bataillon, contrôlé par le commissaire des guerres, et approuvé par l'officier général sous les ordres duquel le bataillon servira.
Art. 4.
« 11 sera remis de même à chaque garde volontaire national qui sera forcé de suspendre momentanément son service, un certificat qui indiquera l'époque de son départ et celle où il devra rejoindre son bataillon.
Art. 5.
« Tout garde volontaire national sera tenu, au moment où il rentrera dans son domicile, de faire inscrire au greffe de la municipalité le certificat de service qu'il aura obtenu, ou la
Permission de s'absenter qui lui aura été accor-ée, afin de n'être point confondu avec ceux oui auront abandonné, sans une autorisation lègue, les drapeaux de la patrie.
Art. 6.
« Tout garde national volontaire qui quittera le service avant le licenciement de son bataillon, sera tenu de rembourser ce qu'il redevra des avances que la nation lui aura faites pour son habillement et son équipement.
Art. 7.
« Dès le jour où un garde volontaire national aura remis à son capitaine sa déclaration pour quitter le service, celui-ci la transmettra au commandant du bataillon, et ce dernier en donnera incessamment avis à l'officier général de la division militaire, et au procureur général syndic du département dans lequel le garde volontaire national se sera fait inscrire.
Art. 8.
« Dès le moment où le procureur-général-syndic aura reçu l'avis prescrit par l'article précédent, il en donnera connaissance au procureur-syndic du district dans lequel le remplacement devra s'effectuer ; celui-ci pourvoira de suite à ce remplacement, par les moyens prescrits par le présent décret.
Art. 9.
« Il sera ouvert, dans chaque municipalité, un registre dans lequel on inscrira les citoyens qui se dévoueront à la défense de la patrie et de la liberté. On fera mention sur ce registre de la date de l'inscription de chaque citoyen.
Art. 10.
« Un extrait de ce registre sera adressé chaque mois par le procureur ae la commune au directoire du district, et celui-ci fera de suite parvenir un relevé de ces extraits au directoire du département.
Art. 11.
« Du moment où le directoire du district aura été averti par celui du département, qu'il y a une ou plusieurs places vacantes dans 1 une des compagnies ou dans l'un des bataillons formés par le district, il donnera avis de ces vacances aux citoyens inscrits, toujours en suivant l'ordre de leur inscription; il leur indiquera en même temps le lieu où ils doivent se rendre, la route qu'ils doivent suivre, et le jour où ils doivent avoir rejoint leurs drapeaux.
« Dans le cas où les citoyens les premiers inscrits ne pourront se livrer à leur zèle pour la patrie, ils seront remplacés par ceux qui suivront immédiatement dans l'ordre du tableau.
Art. 12.
« L'étape et le logement seront fournis au garde volontaire national de remplacement qui ira joindre son bataillon, sur une route qui lui sera délivrée par le directoire de son département; il jouira de plus de sa solde, sauf la retenue fixée (article o de la section cinquième du présent décret), pour le prix de la ration de vivres qu'il recevra.
Art. 13.
« Les remplacements des officiers et des sous-
officiers se feront dans les bataillons de gardes nationales suivant les formes qui y ont été prescrites par les articles 13,14, 15 et 16 du décret du 4 août.
Art. 14.
« Les deux lieutenants-colonels de chaque bataillon de gardes nationales volontaires pourront à l'avenir être choisisj soit parmi les gardes nationales volontaires, soit parmi les citoyens qui, ayant servi dans les troupes de ligne, réuniront les qualités requises par le décret du 29 novembre: dérogeant, quant à ces nominations, à l'articlé 17 au décret du 4 août, et confirmant, en tant que de besoin, toutes celles de liéuténants-çolonels déjà faites.
Art. 15.
« L'adjudant-major et l'adjudant sous-officier seront remplacés ainsi qu'il est dit du quartier-maître, article. 16 du décret du 4 août dernier.
Art. 16.
« Lorsque les bataillons et les compagnies dé gardes nationales volontaires s'assembleront pour élire leurs officiers ou sous-officiers, ils seront soumis aux règles prescrites par les articles 1 et 2 de la section IV du titre 111 de la Constitution française, pour la tenue des assemblées électorales.
Art. 17.
« Les procès-verbaux d'élection des officiers et sous-officiers des bataillons de gardes volontaires nationaux leur tiendront lieu de brevet.
« Les procès-verbaux faits lors de la première élection seront déposés et enregistrés dans les directoires de départements respectifs; il en sera expédié à chaque officier et sous-officier une copie signée par les membres du directoire.
« Les procès-verbaux des élections pour les remplacements seront déposés et enregistrés au conseil d'administration des bataillons; il en sera expédié à chaque officier ou sous-officier une copie signée par les membres dudit conseil.
Art. 18.
« Lorsque tous les départements auront fourni des bataillons, et que les circonstances exigeront de mettre sur pied un nombre plus considérable de gardes volontaires nationaux, les augmentations seront faites en ajoutant un nombre égal de volontaires à chacune des escouades déjà existantes, mais ces augmentations ne pourront avoir lieu que d'après un décret du Corps législatif.
Art. 19.
« La revue extraordinaire ordonnée pour les troupes de ligne par l'article 13 du décret du 29 novembre 1791, aura lieu pour les bataillons de gardes nationales volontaires, dans le courant du mois de janvier prochain.
Art. 20.
« Les officiers en activité dans les troupes de ligne, qui sont maintenant employés dans les bataillons des gardes nationales volontaires, rentreront dans leurs corps respectifs au plus tard le 1" avril prochain.
« Seront exceptés de la présente disposition ceux des officiers de ligne qui ont été élus lieutenants-colonels desdits bataillons des gardes nationales volontaires.
Art. 21.
« Avant le départ desdits officiers, les bataillons des gardes nationaux volontaires procéderont à leur remplacement suivant les formes établies par le present décret.
Art. 22.
« Au moment où les officiers des troupes de ligne actuellement employés dans les bataillons des gardes nationaux volontaires, rejoindront leurs corps respectifs, ils toucheront, à titre d'indemnité et sur un relief qui leur sera accordé, les appointements attribues à leur grade,
SECTION III.
De l'administration des bataillons.
Art. 1er.
« Il sera formé dans chaque bataillon de gardes volontaires nationaux un conseil d'administration.
« Ce conseil sera composé de deux lieutenants-colonels, d'un officier et d'un sous-officier de chaque grade, de l'adjudant-major et de quatre volontaires.
Art. 2.
« Les officiers, sous-officiers et volontaires membres du conseil seront choisis par le bataillon entier, au scrutin individuel et à la pluralité relative des suffrages : ils seront nommés pour un an ; ils pourront être continués par de nouvelles élections.
« 11 sera nommé de la même manière un officier, un sous-officier de chaque grade et quatre volontaires destinés à suppléer les membres du conseil qui seront absents ou malades.
Art. 3.
« Le quartier-maître trésorier assistera au conseil, mais sans voix délibérative ; il y fera les fonctions de secrétaire.
Art. 4.
« Le conseil d'administration ordonnera de tout ce qui est relatif à l'habillement, à l'armement et équipement. Il veillera à ce que toutes les dépenses soient faites avec économie, toutes les retenues avec exactitude: tous les payements et remboursements avec ordre; il est, en un mot, spécialement chargé de diriger tout ce qui concerne les finances et la comptabilité générale et particulière.
Art. 5.
« Il sera, sous la surveillance du conseil d'administration, ouvert, par le sergent-major de chaque compagnie, un compte pour chaque garde volontaire national, dans lequel ce sous-officier
inscrira le produit de toutes les retenues que les sous-officiers et volontaires auront supportées, et la quotité de tous les payements qu'on leur aura faits. Ce compte sera arrêté tous les 3 mois, visé par le capitaine et signé par le garde volontaire national.
SECTION IV.
De Varmement, habillement, équipement et logement des bataillons.
Art. 1er.
« Les bataillons des gardes volontaires nationaux recevront, au moment de leur formation, ou au plus tard au moment de leur arrivée dans leurs garnisons ou quartiers, un armement complet. 11 sera joint à chaque fusil un tire-bourre et un tourne-vis.
Art. 2.
« Lorsque les circonstances obligeront d'armer les gardes nationaux volontaires avec des fusils ou des sabres qui auront déjà servi, les armes qu'on leur distribuera seront réparées à neuf.
Art., 3.
« Les gardes nationaux volontaires entretiendront à leurs frais les armes qu'ils auront reçues ; à cet effet, il sera arrêté par le conseil d'administration un tarif que l'armurier du bataillon sera tenu de suivre pour le payement de chaque pièce à remplacer ou à réparer.
Art. 4.
« Lors du licenciement des bataillons, les gar-r des volontaires nationaux seront tenus de rendre en bon état les armes qu'ils auront reçues, ou de payer conformément au même tarif les réparations qu'elles exigeraient.
Art. 5.
« Il sera fait sur chaque solde attribuée aux sous-officiers et volontaires nationaux, une retenue de 3 sols par jour, dont il leur sera fait décompte tous les 3 mois.
« Le produit de cette retenue ne sera mis à la libre disposition que de ceux qui auront acquitté les avances qu'on leur aura faites pour leur habillement, petit équipement, et dont l'habillement entier sera énl)on état.
Art. 6.
« Il sera fait, sur chaque solde attribuée aux sous-officiers et volontaires nationaux, une retenue de deux sols par jour, dont il leùr sera fait décompte tous les 3 mois.
« Le produit de cette retenue ne sera mis à la libre disposition que de ceux qui auront acquitté les avances qu'on leur aura faites pour leur équipement et dont les armes, le linge et chaussures seront en bon état.
Art. 7.
« Il sera fourni aux gardes volontaires nationaux, lorsqu'ils seront en faction, des guérites et des capotes, ainsi qu'aux soldats des troupes de ligne.
Art. 8.
« Unè moitié de la solde des gardes volontaires nationaux qui auront obtenu la permission de s'absenter pendant un temps déterminé, appartiendra au bataillon entier, et l'autre au garde volontaire national qui se sera absenté.
« La partie dé la solde attribuée au bataillon sera répartie par égaleportion entre tous les membres qui le composent.
« La partie, attribuée au volontaire qui se sera légalement absenté, ne sera mise à sa libre disposition que dans le cas où il aura remboursé la totalité des avances qui lui auront été faites, et où son habillement et son équipement seront complets et en bon état.
« Les conseils d'administration seront particulièrement responsables de l'exécution du présent article.
Art. 9.
« Lorsque des gardes nationaux et des troupes de ligne se trouveront ensemble dans un même lieu, et ne pourront être logés dans les casernes, les gardés nationaux seront logés chez les habitants à raison d'un lit pour 2 nommes.
Art. 10.
« Lorsque les gardes volontaires nationaux seront logés dans des casernes, ils recevront lé bois et les autres fournitures des casernes sur le même pied que les troupes de ligne.
« Lorsque, voyageant dans l'intérieur du royaume, ils seront logés chez les habitants, ils auront, comme les troupes de ligne, place au feu et à la lumière.
« Lorsque, devant tenir garnison dans Une ville, bourg ou village, ils seront logés chez les habitants, ils seront tenus de se procurer sur leur solde, le bois eUa.lumière dont ils auront besoin.
Art. 11.
« On ne fera préparer qu'en vertu d'un décret du Corps législatif, le logement des gardes nationaux volontaires dans les édifices nationaux, et on n'obligera jamais, pour ce même objet, les citoyens à donner des fournitures.
Art. 12.
« Le logement des officiers des gardes nationaux volontaires leur sera fourni sur le même piet et de la manière qu'aux officiers des troupes de ligné.
« Il sera, en conséquence, mis pour cet objet une somme de 80,000 livres à la disposition du ministre de la guerre, sous sa responsabilité.
Art. 13.
« Les directoires de départements adresseront 15 jours après la réception du présent décret, au ministre ae la guerre, un état détaillé et certifié par eux de toutes les dépenses qu'ils auront faites pour l'habillement et l'équipement des gardes nationaux volontaires. Le ministre mettra le résultat de ces comptes sous les yeux du Corps législatif.
Art. 14.
« Tous les bataillons qui ont dû être levés en vertu des décrets de l'Assemblée nationale seront, par les soins des directoires de département, rassemblés, habillés, équipés sous le plus court délai.
« L'Assemblée nationale charge le pouvoir exécutif de faire usage de l'autorité que la loi lui confie, afin que cette organisation n'éprouve désormais aucun retard.
Art. 15.
« L'Assemblée nationale charge de même le pouvoir exécutif de donner tous les ordres nécessaires, afin que les bataillons de gardes nationaux volontaires soient, au premier février, portés dans tous les lieux où ils peuvent être utiles à la sûreté et à la défense de l'Etat ; le charge encore de pourvoir sans délai à leur armement et à leur équipement ; le charge enfin de prendre les moyens les plus prompts et les plus surs, afin que les gardes nationaux volontaires reçoivent, en arrivant dans leurs quartiers, toutes les instructions militaires propres à seconder leur courage.
SECTION V.
Des récompenses, des peines, de la solde et du traitement des baaillons.
Art. 1er.
« Les gardes volontaires nationaux obtiendront les récompenses militaires accordées à ceux qui ont servi l'Etat dans la guerre ou la marine, conformément aux règles prescrites par le décret du 3 août 1790, sur les pensions, gratifications et autres récompenses militaires.
« Les interruptions de service ne nuiront point aux droits des gardes volontaires nationaux aux récompenses militaires.
« Celui qui aura servi sans interruption depuis l'époque du rassemblement de son bataillon jus-qu au moment de son licenciement, jouira des droits de citoyen actif dès qu'il aura l'âge de vingt-cinq ans.
Art. 2.
« Ton garde volontaire national qui abandonnera son nataillon sans avoir obtenu une autorisation légale, sera, par ce fait seul, privé, pendant 10 ans, du droit de citoyen actif et de l'honneur de servir dans la garde nationale et les troupes de ligne pendant le même nombre d'années ; en conséquence, son nom sera rayé de la liste prescrite par la section IV du chapitre premier ae la Constitution française: il sera, de plus, à la diligence du procureur de la commune, condamné, par toutes voies de droit, à rembourser à la nation les avances qu'elle lui aura faites pour son habillement et son équipement.
« Les procureurs des communes seront chargés de veiller à l'exécution du présent article.
Art. 3.
« Dès le huitième jour de l'absence non autorisée d'un garde volontaire national, le commandant de son bataillon en préviendra le procureur
général-syndic du département, et lui enverra l'état de ce que le volontaire redevait à la nation pour les habits ou autres effets qu'il avait reçus; le procurer général-syndic donnera de suite des ordres, afin que les articles 2 de la présente section, et 8 de la seconde section du présent décret soient exécutés sans délai.
Art. 4.
« Tout garde volontaire national qui, en abandonnant ses drapeaux sans avoir obtenu une permission légale, emportera ses armes ou quelques parties de son équipement militaire, ou des effets appartenant à ses camarades, sera réputé coupable du crime de vol, et, comme tel, livré aux tribunaux criminels.
Art. 5.
« Lorsque les gardes nationaux volontaires seront campés, ils recevront les mêmes fournitures que les troupes de ligne ; ils éprouveront, pour raison desdites fournitures, la retenue qui sera alors fixée pour les troupes de ligne.
Art. 6.
« L'étape sera fournie aux gardes nationales volontaires de la même manière et sur le même pied qu'aux troupes de ligne, à la charge d'une retenue de six sols par place de vivres.
Art. 7.
« Il sera fourni en route à chaque officier des gardes nationales volontaires qui en demandera, un cheval de selle, qui sera payé par lui, avant le départ, à raison de 25 sols par jour. Cette fourniture sera faite suivant le mode prescrit pour les troupes de ligne.
Art. 8.
« Les lieutenants-colonels des bataillons de gardes nationales volontaires jouiront du même nombre de places de fourrages que les lieutenants-colonels d'infanterie; elles leur seront payées sur le même pied et de la même manière.
Art. 9.
« Les gardes nationaux volontaires seront reçus dans tous les hôpitaux de l'Empire moyennant une retenue de 6 sols par jour.
Art. 10.
« Les gardes nationaux volontaires qui entreront dans les hôpitaux ne recevront de décompte, à leur sortie, que dans le cas où ils auront remboursé les avances qui leur auront été faites par la nation, pour leur habillement et leur petit équipement.
Art. 11.
« Du moment où les bataillons des gardes nationaux volontaires seront campés, il y sera attaché un aumônier à leur choix; cet ecclésiastique sera salarié ainsi que ceux des troupes de ligne.
Art. 12.
« Il sera constamment attaché un chirurgien major à chaque bataillon de gardes nationaux volontaires; le choix en sera fait, la première fois, par le directoire du départèment, et ensuite par les bataillons eux-mêmes dans la forme prescrite pour l'élection du quartier-maître.
Art. 13.
Il sera alloué à chaque bataillon une somme de 120 livres, une fois payée, pour l'achat d'une caisse militaire et des registres nécessaires à la comptabilité. f
« Ladite caisse et les registres seront, lors du licenciement du bataillon, réunis, ainsi que les drapeaux, au directoire du département; le quartier-maître-trésorier sera comptable de ces différents objets.
Art. 14.
« Il sera payé, par mois, à chaque bataillon, une somme de 50 livres pour être employée à la solde de tous les frais de bureau; cette somme sera à la disposition du conseil.
Art. 15.
« Lorsque la cherté des denrées ou des circonstances particulières obligeront à accorder momentanément une augmentation de solde aux troupes de ligne, les gardes nationaux volontaires qui se trouveront dans la même garnison ou dans les mêmes circonstances, obtiendront la même augmentation, ou,auront part aux mêmes distributions.
Art. 16.
« Dans aucun cas, on n'admettra, à l'avenir, à la solde, dans les bataillons ou compagnies de gardes nationaux volontaires, un plus grand nombre d'officiers, sous-officiers ou volontaires, que celui qui est porté par le décret du 4 août ; pourront, néanmoins, les conseils d'administration admettre deux surnuméraires par compagnie, auxquels le logement sera fourni.
Art. 17.
« Les départements ne pourront, à l'avenir, lever un plus grand nombre de bataillons que celui qui leur sera prescrit par les décrets du Corps législatif. Le ministre de la guerre fera connaître, dans le compte qu'il rendra, le ^janvier, de tout ce qui concerne les gardes nationaux volontaires, le nombre des bataillons qui ont excédé celui qui est fixé par le décret du 21 juin dernier.
SECTION VI.
Du commandement.
Art. 1er.
« Toutes les fois que les gardes nationaux volontaires se trouveront réunis à des troupes de ligne, le commandement général restera déféré aux officiers et sous-officiers de gardes nationaux volontaires, lorsqu'ils occuperont un grade plus élevé que les officiers ou les sous-omciers des troupes de ligne.
Art. 2.
« Lorsque des gardes nationaux volontaires de différents bataillons seront réunis, le com mandement général sera déféré à l'officier du grade le plus élevé ; à grade égal, il appartiendra a celui qui aura servi dans les troupes de ligne; si nul n a servi dans les troupes de ligne, au plus ancien de service; et en cas d'égalité, au plus ancien d'âge ; s'ils ont servi dans les troupes de ligne, il sera déféré à celui qui aura servi dans le grade le plus élevé; et à égalité de grade à celui qui aura servi le plus longtemps.
SECTION VII.
De Vexécution du présent décret.
Art. 1er.
« Le ministre de la guerre sera tenu de rendre, le 15 janvier, un compte détaillé de tout ce qui concerne les gardes nationales volontaires; en conséquence, il fera connaître au Corps législatif :
« 1° Le nombre de bataillons que chaque département aura fourni ;
« 2° Le nombre d'hommes dont chaque bataillon sera formé;
« 3° L'état de son habillement et de son équipement ;
« 4° L'état de son équipement militaire ;
« 5° L'état de son armement et distinguant les modèles ;
« 6° Les progrès qu'il aura faits dans l'instruction et la discipline militaire ;
« 7° L'emplacement des bataillons formés, la destination ae ceux qui ne le seront pas encore :
8° Le nombre des bataillons ou de compagnies que chaque département pourrait encore fournir;
« 9° Les bataillons qu'il serait nécessaire de lever :
« 10° Enfin, tous les détails qui pourront mettre le Corps législatif à portée de juger, avec connaissance ae cause, de tout ce qui concerne les gardes nationaux volontaires.
Art. 2.
« Le roi sera prié de faire, sans délai, toutes les proclamations nécessaires à l'exécution du présent décret.
Art. 3.
« Dans tous les cas qui n'ont pas été prévus par le présent décret et par la loi au 4 août 1791, les ordonnances et les règlements rendus pour les troupes de ligne, seront provisoirement exécutés et suivis par les gardes nationaux volontaires.
Art. 4.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Un citoyen de Paris, M. Carie, vous a fait l'offre généreuse de lever et Tentretenir à ses frais une compagnie de grenadiers et de
marcher à leur tète à Vennemi (1). Cette proposition a reçu de justes applaudissements et vous l'avez renvoyée au comité militaire. Il ne faut pas que l'Assemblée se montre indifférente à la démarche généreuse de ce citoyen, qui, si l'Assemblée trouve à propos d'agréer son offre, aura sûrement des imitateurs. Je demande que le rapport soit fixé à demain soir.
Pourvu que le rapport sur les soldats de Châteauvieux ait la priorité, je ne m'y oppose pas.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Lemon-tey.)
J'invite l'Assemblée à se retirer pour procéder à l'élection d'un vice-président.
(L'Assemblée sé retire dans les bureaux et rentre en séance un quart d'heure après.)
M. le président du département de Paris adresse à l'Assemblée nationale, de la part du conseil du département de Paris, un mémoire par lequel il demande que vous vouliez bien décréter la suppression de VUniversité, de Paris, et ordonner provisoirement et sans attendre le temps nécessaire pour organiser l'instruction publique, qu'il soit établi, dans chacune des sections de Paris, des écoles primaires, et que les fonds consommés parla corporation ae l'Université, soient appliqués à la dépense de ces écoles. (.Applaudissements.)
(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité d'Instruction publique.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre du sieur Groubert qui fait hommage à l'Assemblée d'un mémoire dans lequel il présente les moyens de réparer les pertes immenses de la colonie de Saint-Domingue.
(L'Assemblée renvoie ce, mémoire au comité colonial.)
2* Lettré de la compagnie des Suisses, formant ci-devant la garde de Louis-Stanislas-Xavier, prince français, qui demande à être admise à la barre pour présenter une pétition.
(L'Assemblée décide qu'elle sera admise à la séance de dimanche.)
3° Lettre de M. Delessart, ministre des affaires étrangères, chargé par intérim du département de la guerre, sur la demande de 20 millions nécessaires pour les préparatifs de guerre; elle est ainsi conçue :
Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'apprends dans le moment que l'Assemblée nationale vient d'ajourner de nouveau, à jeudi
prochain, le décret sur les 20 millions demandés par le ministre de la guerre, le 18 de ce
mois, pour les premiers préparatifs delà campagne (2). Je prie 1 Assemblée de considérer que
jamais les instants n'ont été plus précieux, et que la perte d'un moment est préjudiciable.
Dix jours se sont écoulés depuis la demande, et le ministre n'a pu faire aucune dépense,
ordonner aucun achat, parce
Je suis avec respect, etc.
« Pour le ministre de la guerre :
« Le ministre des affaires étrangères.
« Signé : delessart. »
L'Assemblée nationale est-elle d'avis d'intervertir l'ordre du jour pour délibérer sur la demande du ministre?
Voix diverses : Oui! oui! Non! non!
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur-le-champ.)
Plusieurs membres réclament contre cette décision, soit parce qu'ils n'ont pas pris part au vote, soit parce qu'elle leur semble contraire au règlement même de l'Assemblée.
(L'Assemblée, consultée de nouveau, décrète une seconde fois qu'il y a lieu à délibérer sur-le-champ.)
Messieurs, par le résultat du scrutin pour l'élection du vice-président, sur 232 votants, la majorité était de 162. M. Daver-hoult en a obtenu 199. Je le proclame vice-président de l'Assemblée nationale.
J'observe que l'Assemblée a décidé avant-hier, sur le rapport que j'eus l'honneur de lui présenter au nom des comités diplomatique, militaire et de l'extraordinaire des finances, que ce rapport serait imprimé et distribué, ainsi que le projet de décret pour être discuté jeudi. Or, il n'est pas encore imprimé, et vous savez que la Constitution vous interdit de délibérer sur la demande de fonds faite par les ministres, autrement que d'après un projet de décret imprimé à l'avance. J'ai remis le rapport à l'imprimeur qui m'a promis de le faire distribuer ce soir ou demain. Je ne sais donc pas comment vous pourriez discuter à l'instant. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Il faut suivre l'ordre du jour.
D'autres membres ; Il faut annuler la décision de tout à l'heure.
Je mets de nouveau aux voix la proposition de l'interversion de l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, ajourne définitivement à jeudi la discussion du rapport de M. Gensonné sur la demande d'un fonds de 20 millions ; et maintient pour aujourd'hui l'ordre des matières inscrit sur le tableau.)
Un membre demande le rapport de l'affaire de la frégate /'Embuscade.
Un autre membre demande le rapport relatif aux subsistances et aux secours publics.
L'Ordre du jour appelle la discussion du projet de décret du comité ae Vextraordinaire des finances sur les formalités à remplir par les créanciers de l'Etat qui fournissent des reconnaissances de
liquidation en payement de biens nationaux (1).
, rapporteur. Vous avez ajourné à ce mâtin la discussion sur le projet de décret que je vais avoir l'honneur de vous présenter.
Dêcr.et d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de l'extraordinaire des finances, considérant que la faculté d'employer des reconnaissances de liquidation, soit provisoires, soit définitivés, au payement des biens nationaux, laisse aux Français émigrés, créanciers de l'Etat, les moyens d'éluder l'effet des décrets des 24 juin, 29 juillet derniers, et 13 de ce mois, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Tout citoyen français, porteur de reconnaissances
de liquidation, soit provisoires, soit définitives, ne pourra être admis à les faire recevoir
en payement des biens nationaux, qu'autant qu'il y joindra les certificats exigés des
créanciers ae l'Etat, par les décrets des 24 juin, 29 juillet et 13 décembre 1791.
« Art. 2. En cas de cession ou transport de reconnaissances de liquidation, les porteurs seront tenus de faire, pour les premiers propriétaires, en faveur desquels lesdites reconnaissances auraient été délivrées, les justifications prescrites par l'article précédent.
« Art. 3. Les receveurs de district seront responsables du montant de toutes les reconnaissances de liquidation qu'ils admettraient sans que ces formalités eussent été exactement remplies.
Art. 4. Les dispositions portées aux articles 2 et 3 seront applicables aux reconnaissances définitives dont le montant doit être acquitté par la caisse de l'extraordinaire.
« Art. 5. Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. »
, rapporteur, fait une nouvelle lecture du décret d'urgence et des articles 1 et 2 qui sont adoptés.
Un membre : L'article 2 semble renfermer un effet rétroactif, ce qui ne peut point être, parce que l'intention de l'Assemblée n est pas sûrement de donner aux lois un effet rétroactif. Il y a des acquéreurs qui, de bonne foi, ont acheté, qui pensaient bien remplir toutes les formalités exigées par les décrets des 24 juin et 28 juillet derniers, mais ils ne pourraient pas remplir les conditions que nous imposons par le présent décret.
, rapporteur. D'après les observations qui sont faites, on pourrait ajouter cette disposition :
« A l'égard des cessions ayant une date authentique, antérieure au présent décret, elles ne seront assujetties qu'aux justifications ordonnées par les décrets des 24 juin et 29 juillet derniers.
(L'Assemblée adopte cette disposition additionnelle qui devient l'articlé 3.)
, rapporteur, donne lecture des articles 3, 4 et 5 (anciens) qui deviennent les ar-
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret des commissaires-inspecteurs de la salle, relatif à diverses exceptions aux dispositions du décret du 13 décembre 1791 sur les certificats de résidence exigés pour toucher aux caisses publiques (1).
Un ae MM. les commissaires-inspecteurs de la salle, rapporteur : Messieurs, il est du devoir de l'Assemblée de prendre des précautions pour empêcher, que les émigrés ne tirent des caisses de l'Etat des fonds qu'ils feraient servir contre la patrie. Il est aussi de sa justice de faciliter par tous les moyens possibles le payement des indemnités ou traitements qui sont dus à des fonctionnaires publics sans les astreindre à des formalités. En conséquence, j'ai eu l'honneur de proposer à l'Assemblée, au nom du comité d'inspection, samedi dernier, un projet de décret dont elle a décrété l'ajournement et l'impression ; je vais le soumettre a sà délibération.
Décret d!urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que le décret du 13 de ce mois tend principalement à arrêter les manoeuvres des Français émigrés, qui, abusant des termes de la loi du 24 juin dernier, parvenaient à en éluder les dispositions à la faveur d'une apparition passagère en France, retiraient des caisses nationales les pensions et traitements dus seulement à la résidence habituelle et s'appropriaient ainsi la substance du peuple et l'or de la nation ;
« Que les membres du Corps législatif, le roi, les ministres, les membres aes divers corps administratifs et judiciaires, les ordonnateurs et autres fonctionnaires publics du royaume sont notoirement à leur poste, ainsi que les personnes attachées au service de leurs bureaux ;
« Que les habitants des colonies françaises et les Français qui ont transféré leur résidence ou leur domicile dans les pays étrangers avant l'année 1789, ne doivent pas êtré assimilés aux conspirateurs dont la conduite a motivé le décret du 13 décembre;
« Qu'enfin, le décret du 10 juillet dernier ayant nommément excepté des formalités exigées par la loi du 24 iuin, les créanciers de rentes au-dessous de 100 livres, il serait rigoureux de les assujettir à celles portées par le décret du 13 de ce mois ;
« Décrète l'urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les membres du Corps législatif, le roi, les
ministres, les membres des divers corps administratifs et judiciaires, les ordonnateurs et
autres fonctionnaires publics, ainsi que les personnes attachées au service de leurs bureaux,
et dont les traitements, indemnités ou pensions ne sont payés que sur mandats ou ordonnances,
délivres seulement aux personnes présentes, et dont la résidence et le service sont de
notoriété publique, sont et demeurent exceptées des dispositions du décret du 13 de ce mois,
« Art. 2. Sont pareillement exceptés des dispositions du même décret les habitants des colonies françaises et les Français qui ont transféré leur résidence ou leur domicile dans les pays étrangers avant l'année 1789.
« Art. 3. La même exception aura lieu en faveur des créanciers de rentes au-dessous de 100 livres.
« Art. 4. Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
M. le rapporteur, donne de nouveau lecture du décret d'urgence qui est adopté, sans discussion, puis de l'article 1er qui est ainsi conçu :
«L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. Ier
« Les membres du Corps législatif, le roi, les ministres, les membres des divers corps administratifs et judiciaires, les ordonnateurs et autres fonctionnaires publics, ainsi que les personnes attachées au service de leurs bureaux, et dont les traitements, indemnités ou pensions ne sont payés que sur mandats ou ordonnances délivrés seulement aux personnes présentes, et dont la résidence et le service sont de notoriété publique, sont et demeurent exceptés des dispositions du décret du 13 de ce mois, sous la responsabilité de ceux qui délivrent lesdits mandats ou ordonnances. »
Je propose de joindre le décret que l'on vient d'adopter à celui qu'on nous propose; car celui-ci fait suite au décret rendu tout à l'heure.
Je demande que les gardes nationales qui sont aux frontières, soient comprises dans l'exception.
L'amendement est inutile, soit que vous considériez les gardes nationales comme recevant une solde, soit que vous les considériez comme recevant sur mandats, dont ceux qui les délivrent sont responsables. Lorsqu'on délivre la solde d'un garde national ou d'un officier des gardes nationales, ils se trouvent souvent compris dans ceux indiqués au premier article.
M. le rapporteur. Plusieurs membres m'observent qu'il faut mettre, dans l'article, le roi avant le Corps législatif. (Non! non!)
Plusieurs membres : Pourquoi cela?
Un membre : Messieurs, plusieurs membres de l'Assemblée sont personnellement créanciers de l'Etat. Je demande si, pour ces créances personnelles, ils jouiront de la même faveur. (Non! non!)
Un membre : Je demande la question préalable sur tous les amendements.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements et adopte l'article lw.)
M. le rapporteur donne lecture de l'article 2 qui est ainsi conçu :
Art. 2.
« Sont pareillement exceptés des dispositions
du même décret les habitants des colonies françaises et les Français qui ont transféré leur résidence ou leur domicile dans lés pays étrangers avant l'année 1789.
(L'Assemblée adopte l'article 2.)
M. le rapporteur i donne lecture de l'article 3 qui est ainsi conçu :
Art. 3.
« La même exception aura lieu en faveur des créanciers de rentes au-dessous de 100 livres. »
Plusieurs membres : La question préalable!
Si l'on adopte l'article 3, je demande qu'il soit amendé et que les transports de ces rentes au-dessous de 100 livres soient au moins datés de plus de 6 mois, parce que les agioteurs, depuis 6 mois, achètent de toutes ces rentes-là et profiteraient seuls du bénéfice de leur agiotage.
Je mets aux voix la question préalable sur l'article 3.)
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 3.)
M. le rapporteur donne lecture de l'article 4 qui est ainsi conçu :
Art. 4.
« Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction. »
(L'Assemblée adopte l'article 4.)
M. Delacroix a demandé que ces articles fussent joints, comme articles additionnels, à ceux précédemment décrétés. Je consulte l'Assemblée pour savoir si elle adoptera cet avis.
(L'Assemblée décide que les deux décrets seront réunis en un seul.)
Suit la teneur de ce décret, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal) :
décret relatif aux formalités à observer pour fournir en payement des domaines nationaux, des reconnaissances de liquidation et qui excepte les personnes y dénommées des dispositions du décret relatif aux certificats de résidence.
Art. 1er
« Tout citoyen français, porteur de reconnaissances de liquidation, soit provisoires, soit définitives, ne pourra être admis à les faire recevoir en payement des biens nationaux, qu'autant qu'il y joindra les certificats exigés des créanciers ae l'Etat par les décrets des 24 juin, 29 juillet et 13 décembre 1791.
Art. 2.
« En cas de cession ou transport de reconnaissances de liquidation, les porteurs seront tenus de faire, pour les premiers propriétaires en faveur desquels lesdites reconnaissances auraient été délivrées, les justifications prescrites par l'article précédent.
Art. 3.
« A l'égard des cessions ayant une date authentique antérieure au présent décret, elles ne seront assujetties qu'aux justifications ordonnées par les décrets des 24 juin et 29 juillet derniers.
Art. 4.
« Les receveurs de district seront responsables du montant de toutes les reconnaissances de liquidation qu'ils admettraient sans que ces formalités eussent été exactement remplies.
Art. 5.
« Les dispositions portées aux articles 2 et 3 seront applicables aux reconnaissances définitives, dont le montant doit être acquitté par la caisse de l'extraordinaire.
Art. 6.
« Les membres du Corps législatif, le roi, les ministres, les membres des divers corps administratifs et judiciaires, les ordonnateurs et autres fonctionnaires publics, ainsi que les personnes attachées au service ae leurs Dureaux, et dont les traitements, indemnités ou pensions ne sont payés que sur mandats ou ordonnances délivrés seulement aux personnes présentes, et dont la résidence et le service sont de notoriété publique, sont et demeurent exceptés des dispositions du décret du 13 de ce mois, sous la responsabilité de ceux qui délivrent lesdits mandats ou ordonnances. »
Art. 7.
« Sont pareillement exceptés des dispositions du même décret, les habitants des colonies françaises et les Français qui ont transféré leur résidence ou leur domicile dans les pays étrangers avant l'année 1789. »
Art. 8.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
Un de MM. les commissaires-inspecteurs de la salle. Messieurs, vous avez ordonné à votre comité d'inspection, qui est chargé de l'expédition des mandats, de vous rendre Compte des députés qui ne sont pas à leur poste. Jusqu'ici j'ai fait délivrer des mandats à 737 députés, après m'être assuré de leur prestation de serment, les 8 députés qui n'ont pas prêté le serment sont :
M. Claude Mathieu, du département de la Nièvre...
Plusieurs membres : M. Mathieu a prêté serment avant-hier à la séance du soir.
M. le rapporteur. Il n'en reste alors que 7 qui n'ont pas encore paru ; ce sont :
M. Yaladier, du département de l'Ardèche ;...
Plusieurs membres : Il est malade.
M. le rapporteur. M. Maizières, du département de l'Aube;...
Plusieurs membres : M. Maizières a prêté serment.
M. le rapporteur. M. Lortal, du département de l'Aveyron ;...
Un membre : Il est arrivé.
M. le rapporteur. Leonetti du département de la Corse ;...
Plusieurs membres : Il est présent. (Non ! non!)
M. le rapporteur. M. Lacombe du département de la Gironde; M. Pinet, du département de la
Dordogne, et M. Loyeux, du département de la Somme.
Plusieurs membres : M. Loyeux est d émission naire.
M. le rapporteur. Il résulte, après vérification, qu'il n'y a que 4 députés absents : MM. Valadier, Leonetti, Lacombe et Pinet.
Un membre : Je demande que l'Assemblée nationale prenne définitivement un parti. Il y a déjà trois mois que le Corps législatif est formé ; il doit être complet. On ne peut admettre, sous prétexte de maladie ou de long voyage, des absences aussi prolongées. Chaque département a des suppléants. Je demande, en conséquence, que l'Assemblée nationale rende un décret par lequel elle somme les députés absents de se rendre à leur poste, qu'elle leur fixe un délai, et que le délai passé, elle déclare .que les suppléants seront admis.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
M. le rapporteur. Il n'y aucun moyen pour connaître le retour des députés qui ont obtenu des congés. Je prie l'Assemblée nationale de décréter que lorsqu'un député, qui aura obtenu un congé, sera de retour, u soit tenu de paraître au bureau des mandats pour dater son retour.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Je viens d'entendre que 737 membres ont reçu leur traitement. Cependant, nous avons dan s l' Assemblée des fonctionnaires publics ecclésiastiques qui, ayant un traitement beaucoup plus fort, doivent s'en tenir à un seul et unique traitement. Il y a là-dessus un décret formel.
En conséquence, je demande que les fonctionnaires publics qui ont un traitement plus fort que celui accordé aux membres de l'Assemblée, et qui, en vertu de mandats qui leur auront été délivrés, auront touché leur traitement comme membres de l'Assemblée, soient tenus d'en faire le rapport, ou que les receveurs de district du lieu ou ils touchent leur traitement, en soient prévenus, afin que, conformément aux décrets, ils ne puissent toucher, soit à Paris, soit dans leur district, que le complément, jusqu'à concurrence du plus fort traitement. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande l'ordre fdu jour parce que tous ces objets-là sont réglés par des lois antérieures.
(L'Assembléepasse à l'ordre du jour en le motivant sur l'execution nécessaire des lois antérieures.)
J'ai une observation à faire à l'Assemblée sur une erreur qui s'est glissée dans une loi. M. Amelot a reçu hier du pouvoir exécutif, la loi que vous avez rendue le 17 décembre sur 1 augmentation, dans la circulation, de 200 millions d'assignats (1). Dans cette loi, à l'article 2, il fut fait un amendement par M. Vaublanc, tendant à expliquer qu'il n'y aurait pas 2 milliards 100 millions en circulation. Le commencement de l'article 2 n'a porté ni sur le procès-verbal ni sur le décret qui a été présenté le 18 à la sanction du roi. Ce décret est inintelligible, et il est important qu'on répare cette erreur. Voici comment M. Cailhasson 1 avait rédigé :
« Les 1,800 millions d'assignats, créés par l'Assemblée constituante, ne pouvant suffire
aux
Il est important que cela soit réintégré dans la loi. Je propose à l'Assemblée de décréter qu'on joindra à la loi cet article, ét qu'il sera porté dans le jour à la sanction.
(L'Assemblée ordonne la rectification proposée par M. Cambon.) En conséquence, le décret suivant est rendu : « L'Assemblée nationale décrète que l'erreur de l'article 2 du décret du 17 décembre dernier sur les assignats, sera rectifiée en ces termes :
« Art. 2 du décret du il décembre.
« Les 1,800 millions d'assignats, créés par l'Assemblée constituante, ne pouvant suffire aux besoins des caisses publiques, puisque 355 millions ont été brûlés, et que 1,387 millions sont déjà en circulation, il sera fait, au moyen du papier dont la fabrication a été ordonnée par les décrets des 1er novembre dernier et 8 décembre courant, une nouvelle création de 300 millions en assignats, lesquels seront employés, tant à fournir au besoin des caisses, qu'à remplacer les assignats qui seront brûlés à l'avenir, de manière que la somme des assignats en circulation n'excède pas 1,600 millions. »
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
, ministre des affaires étrangères, demande et obtient la parole pour lire une note officielle de M. le baron de Duminique, ministre dirigeant de Vélecteur de Trêves, à M. de Vergennes, ministre de France à Coblentz; il s'exprime ainsi : Monsieur le Président, je viens communiquer à l'Assemblée une dépêche importante. Au moment où l'électeur de Trêves a eu connaissance par les feuilles publiques du discours què le roi a prononcé le 14 de ce mois à l'Assemblée nationale (1), il a cru devoir de nouveau s'expliquer d'une manière précise sur ses intentions et a fait passer par son ministre un office au ministre plénipotentiaire de France, M. de Vergennes. Cet office, daté du 21 décembre, m'a été envoyé par un courrier extraordinaire. Je l'ai communiqué au roi, et Sa Majesté m'a chargé d'en donner connaissance à l'Assemblée nationale ; le voici :
« Le soussigné, ministre d'Etat et intime du cabinet, est chargé par Son Altesse Sérénissime Electorale, de faire connaître à S. Ex. M. de Vergennes, ministre plénipotentiaire de Sa Majesté très chrétienne, que son Altesse Sérénissime Electorale a appris, par les papiers français, que Sa Majesté s'était plainte, dans un discours prononcé publiquement le 14 de ce mois, que ses démarches touchant les rassemblements des Français n'avaient pas eu le même succès auprès de Son Altesse Electorale qu'auprès de S. M. l em-pereur-roi. Le soussigné observe que Son Altesse Sérénissime Electorale a employé, avant et depuis la note officielle du 18 novembre, de
S. Ex. M. de Vergennes, toutes les mesures pour traiter les Français émigrés dans ses Etats, exactement d'après les mêmes principes qu'on suit à présent dans les Pays-Bas autrichiens. L'Electeur ne croit pas, d'après cela, devoir être regardé comme ennemi de la France. On a défendu tout exercice militaire; les corps qui auraient pu faire ombrage sont, ou disperses, ou sépares, ou ils ont quitté l'électorat, ce qui est notoire et connu de tout le monde. On a interdit toute démonstration hostile ; ils n'ont ni fusils, ni canons ; ils n'osent recruter et ils sont traités comme dans les provinces de la domination de Sa Majesté l'Empereur-Roi, Son Altesse Sérénissime Electorale espère ainsi avoir prévenu les intentions de S. M. très chrétienne et tranquillisé le roi sur les vues hostiles qu'on pourrait attribuer aux émigrés.
v Son Altesse Sérénissime Electorale prendra même encore des mesures pour éloigner de ses Etats tout ce qui àura l'apparence de corps militaires, afin de donner par là une nouvelle preuve de son attachement et respect envers Sa Majesté. Le soussigné a l'honneur ae prier M. de Vergennes de vouloir bien porter incessamment à la connaissance de sa cour cette déclaration.
« A Coblentz, le ,21 décembre 1791.
« Signé : Baron de Duminique.
« Pour copie : De Vergennes. »
Le courrier qui a apporté cet office a rencontré en chemin le ministre que le roi envoie à Coblentz, qui fait toute diligence pour parvenir à sa destination. Sa Majesté attend qu'elle ait reçu des nouvelles de son ministre, pour pouvoir porter quelque jugement sur les dispositions de l'électeur et sur l'état réel des choses dans l'électorat de Trêves. (.Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète le renvoi de cette pièce au comité diplomatique.)
, ministre des affaires étrangères, prend de nouveau la parole comme ci-devant ministre de l'intérieur, et présente un état, signé de lui, des dépenses par aperçu relatives au département de l'intérieur pour le service de l'année 1792; il s'exprime ainsi :
C'est maintenant, comme ayant été ministre de l'intérieur, que j'ai l'honneur de porter la parole; je viens présenter à l'Assemblée l'état des dépenses qui ont été faites dans mon département depuis l'époque du 1er juillet, qui est celle où j'ai commencé à être ordonnateur jusqu'au 1er décembre. Cet état comprend non seulement l'état des dépenses qui ont été faites en vertu d'un état arrêté par le comité des finances, le 6 février 1791, mais aussi un aperçu de ces mêmes dépenses pour l'année 1792. Je vais en présenter à l'Assemblée le résumé.
L'état qui est en suite du rapport fait à l'Assemblée nationale, par le comité des
finances, le 6 février dernier, porte les dépenses ordinaires à 582,107,377 livres, sur quoi
on déduit les sommes affectées aux autres départements : à celui des affaires étrangères,
6,300,000 livres; à celui de la guerre, 190 millions 712,000 livres; à celui de la marine et
des colonies, 40 millions 500,000 livres, total 147,595,377 livres pour le compte du
département ae l'intérieur. L'état que l'on vous présente ici a donc pour base celui de
1791, arrêté par le comité aes finances de
On a tâché de satisfaire à la lettre de M. le président du comité des dépenses publiques, en date du 2 novembre dernier. Le premier chapitre, sous le titre de dépenses ordinaires, comprend celles dont le comité des finances a fait l'évaluation pour l'année 1791, et dont on donne l'aperçu par évaluation pour l'année 1792.
Le second chapitre, le titre de dépenses extraordinaires, comprenant toutes celles proprement dites extraordinaires et celles dont le comité des finances n'a pas parlé dans l'état du 6 février 1791. Je n'entretiendrai pas l'Assemblée des détails de cet état qui sont extrêmement longs, et qui emploieraient inutilement beaucoup de temps. Voici la récapitulation :
Le montant des dépenses ordinaires était, suivant l'évaluation du comité des finances, de 434,595,377livres ; il a été payé 400,271,476 livres, mais cela seulement jusqu'au 1er décembre, parce qu'il n'a pas encore été possible de résumer les dépenses du mois de décembre.
Ces mêmes dépenses sont évaluées, par aperçu, pour 1792, à 422,829,325 livres. Quant aux dépenses extraordinaires, ces dépenses sont survenues depuis l'époque où le comité des finances avait fait une évaluation. Elles ont été payées en vertu de différents décrets; et suivant la nécessité des circonstances, elles ont monté à 32,748,978 livres; celles pour l'année 1792, s'élèveront par aperçu, à 31,071,004 livres, il en résulterait que ces dépenses ordinaires et extraordinaires, pour l'année 1792, s'élèveraient, par aperçu, à 433,900,329 livres, tandis qu'elles n'ont été évaluées, pour l'année 1791, qu'à434,595,377 livres pour les dépenses ordinaires de 1791 seulement. Ces deux sommes se trouvent expliquées dans les détails de l'état général que je vais soumettre à l'Assemblée nationale, j observerai que la plupart de ces dépenses n'ont été décrétées que jusqu'au dernier décembre de cette année de manière que si l'Assemblée nationale ne prenait pas un parti provisoire à cet égard, il y aurait plusieurs dépenses essentielles et intéressantes qui seraient interrompues à compter du 1er janvier. Je prends donc la liberté de proposer à l'Assemblée de décréter, non pas le nouvel état par aperçu, mais de décréter au moins, et par provision, que les dépenses qui avaient été décrétées et arrêtées, pour l'année dernière à 434 millions, continueront à être payées provisoirement pour l'année 1792,jusquàce que l'Assemblée nationale ait fixé définitivement la somme à laquelle elle jugera qu'elles doivent monter. J'observe que les commissaires de la trésorerie demandent avec instance cette autorisation sans laquelle ils ne pourraient pas continuer les payements; le ministre lui-même ne pourrait pas les ordonner, et beaucoup de parties du service public se trouveraient interrompues et souffriraient essentiellement; je vais remettre cet état, qui est signé de moi, à l'Assemblée nationale, et je supplie de prendre en considération la dernière observation que je viens de lui soumettre.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de l'ordinaire des finances !_
Ce renvoi est décrété depuis le 15 décembre, et c'est le 15 que le ministre devait vous présenter son compte.
, ministre des affaires étrangères, ci-devant ministre de Vintérieur. Malgré mon zèle,
il ne m'a pas été possible de le faire plus.tôt. J'ai fait la plus grande diligence pour accélérer ce travail.
. (L'Assemblée décrète le renvoi de. cet état de dépenses aû comité de l'ordinaire des finances.)
Plusieurs membres : L'impression de l'état!
Monsieur le Président, on demande que le compte soit imprimé, voulez-vous mettre cette motion aux voix?
(L'Assemblée ordonne l'impression de l'état de dépenses.)
, ministre des affaire étrangères, ci-devant ministre de Vintérieur. J'observe que cet ouvrage est d'un très grand détail, qu'il a fallu beaucoup de temps pour le mettre en règle, et que, malgré tout mon zèle et mon activité, il ne m'a pas été possible de le présenter plus tôt; j'ai fait tout ce qui dépendait de moi àcet égard.
Je demande encore que l'Assemblée nationale veuille bien m'accorder quelque attention. Il s'agit de l'interprétation d'une loi demandée par le directoire du département de Paris, et qui concerne les biens nationaux. Voici le fait.
Le sieur Armet, ancien notaire àParis, demande à être maintenu dans la propriété d'une maison qui lui a été vendue par la fabrique de Saint-Ëustache, laquelle vente a été autorisée par lettres patentes enregistrées au parlement. Le sieur François, ancien procureur, locataire de ladite maison, demande au contraire la nullité de la vente, comme faite en contravention du décret du 2 novembre 1789.
(L'Assemblée décrète le renvoi de la demande du sieur Armet au comité des domaines.)
, ministre de l'intérieur, obtient la parole pour lire un mémoire sur la suppression des chambres de commerce et particulièrement de la chambre de commerce de Marseille; il s'exprime ainsi :
Messieurs, un décret de l'Assemblée nationale constituante, sanctionné le 16 octobre dernier, supprime toutes les chambres de commerce.
Cette loi ne contient pas d'autres dispositions relatives à ces anciens établissements. Elle n'avait pas besoin d'être plus étendue à l'égard des chambres de commerce en général, parce qu'elles n'avaient d'autres fonctions que celle de surveiller les intérêts du commerce et de solliciter la protection du gouvernement en sa faveur ; il n'en était pas de même de la chambre de commerce de Marseille qui, depuis sa création, est le principal établissement du commerce des Echelles du Levant et de Barbarie. Cette chambre était dans le département du ministre de la marine ; elle était chargée de l'instruire de tout ce qui se passait dans les Echelles, d'y faire passer ses ordres, d'y solliciter les renseignements que les circonstances exigeaient, de lui donner son avis sur les événements, de recevoir les cautionnements auxquels sont .soumis les établissements français en Turquie et en Barbarie, de pourvoir à tous les cas imprévus et instants, de tenir des fonds toujours prêts à fournir aux besoins qui dérivent de nos rapports politiques avec les puissances musulmanes, de percevoir les impositions assises sur le commerce, de payer les appointements des officiers de l'administration dans les Echelles, et toutes les dépenses de cette administration et de donner aux Turcs et aux Barbares-ques,que différentes circonstances amènent journellement à Marseille, tous les secours dont ils pourraient avoir besoin.
Indépendamment de ce service habituel, le
gouvernement à chargé, en différentes occasions, cette chambre de travaux très importants dont quelques-uns ne sont pas encore organisés. Il est aisé d'apercevoir que si la suppression de la chambre de commerce de Marseille se fût opérée sans qu'elle eût été remplacée dans les fonctions qui lui étaient attribuées, il en serait résulté le plus grand désordre dans les Echelles du Levant et ae Barbarie, et sans doute de très grands malheurs. Tout service aurait été suspendu, et notre commerce aurait été exposé à de mauvais traitements, et peut-être à une interruption totale.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de commerce!
, ministre de l'intérieur. Monsieur le Président, je vous prie de me maintenir la parole.
Aussi, le ministre s'est-il empressé de présenter un mémoire à l'Assemblée nationale, pour lui exposer la nécessité indispensable de pourvoir au remplacement de la chambre de commerce de Marseille dans ses fonctions administratives, et pour lui demander que les administrateurs actuels continuassent provisoirement leur service. L'Assemblée a ordonné l'impression de ce mémoire, et le renvoi au comité (1). Un membre de cette Assemblée est monté à la tribune, et a demandé de même une mesure provisoire, tendant à suspendre l'envoi du décret; sa motion a été également renvoyée au comité. Le département des Bouches-du-Rhône, qui sent toute l'importance du remplacement de la chambre de commerce de Marseille, s'est occupé, dans la fin de sa dernière session, de cet objet ; et ses arrêtés seront, sans doute, bientôt mis sous les yeux de l'Assemblée.
Toutes ces circonstances ont fait sentir au ministre, mon prédécesseur, la nécessité de suspendre l'envoi de la loi du 27 septembre au département des Bouches-du-Rhône, dans lequel il n'y a pas d'autre chambre de commerce.
J'ai attendu jusqu'à ce jour le rapport de cette affaire, et le décret qui devait en être la suite ; mais, placé entre la rigueur de mon devoir et un
grand intérêt national, je crois ne devoir pas ifférer davantage de présenter ma situation à l'Assemblée, pour qu'elle statue si l'envoi du décret au département des Bouches-du-Rhône doit être fait sans attendre le rapport, ou s'il doit être différé jusqu'après ce rapport.
La chambre de commerce de Marseille a effectivement le plus grand intérêt à ce qu'il soit fait un rapport sur son administration, sur les biens dont elle jouit et sur les dettes qu'elle a à payer. Mais elle n'est pas la seule dans ce cas. Il en est de même de la chambre de commerce de La Rochelle. L'envoi de la loi ne lui a pas été fait. Le comité de commerce est charge de vous faire incessamment un rapport sur ces deux chambres ; il est prêt. Je demande qu'il soit mis à l'ordre du jour ae demain soir et que l'on suspende provisoirement l'envoi de la loi jusqu'après le rapport.
appuie la motion de M. Caminet.
J'observe que si la question est ajournée à demain, on n'a pas besoin d'ordonner la suspension de l'envoi du décret.
Je consulte d'abord l'As-
(L'Assemblée ajourne à demain soir le rapport du comité de commerce.)
Plusieurs membres demandent la suspension de l'envoi du décret.
Je trouve, Messieurs, qu'il serait très dangereux que les démarches des ministres pussent être la suite de ce qu'ils auraient présumé être les intentions de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas à eux à juger quelle peut être notre volonté, quand la majorité ne s'est pas exprimée pàr un décret. Si on juge nécessaire la suspension de l'envoi de la loi, ne fût-ce que pour une heure, il faut absolument la décréter. Je demande donc qûe l'on mette aux voix si la suspension aura lieu.
Il peut quelquefois être utile de suspendre l'envoi d'une loi, mais il ne faut pas décréter cette suspension parce qu'un ministre vient faire à l'Assemblée des objections sur cette loi. Quand une loi a tous ses caractères, il n'est pas permis, en rigueur, au ministre de délibérer s'il l'enverra ou s'il ne l'enverra pas. Il doit l'envoyer, c'est là son devoir. Gardez-vous donc de faire un décret qui consacrerait la démarche que fait aujourd'hui le ministre de l'intérieur dans l'Assemblée nationale. Je propose de passer à l'ordre du jour.
11 est une chose certaine et dont je me plains, c'est que, par ces sortes de questions, on cnerche à retarder l'organisation de la marine.
Vous posez en principe qu'il n'y a point de loi rendue dont la suspension ne puisse avoir des inconvénients, et, en même temps, vous reconnaissez que la loi dont il est question présente de graves difficultés dans son application.
Plusieurs membres : A l'ordre du jour!
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
J'ai la parole.
Je prie M. le Président de faire exécuter le règlement et de ne pas permettre à M. Dumas de parler deux fois.
Je consulte l'Assemblée pour savoir si M. Dumas aura la parole.
(L'Assemblée décrète que M. Dumas sera entendu.)
On économise le temps en discutant et non pas en s'arrachant la parole. Le ministre vous dit qu'il y a inconvénient ou danger à envoyer une loi. Vous examinerez s'il y a inconvénient ou danger. Il suffit qu'il y ait incertitude, pour que la suspension provisoire de la loi soit nécessaire. Il peut s'élever beaucoup de cas où la suspension d'une loi est nécessaire, surtout d'une loi de circonstance, puisque la circonstance peut varier. Mais il est irreguiier, il est inconstitutionnel que cette suspension ait lieu autrement que par un décret ; le ministre ne peut présumer à cet égard votre volonté. S'il y a négligence, il faut qu il soit responsable. Ainsi, ou il enverra le décret tout à l'heure, ou il ne l'enverra pas, selon que vous le déciderez. En conséquence, ie dis qu'il est régulier, qu'il est constitutionnel de prononcer positivement qu'il peut s'élever beaucoup de cas, et voilà en quoi cette discussion est utile, où l'envoi d'une loi serait dangereux. Car enfin si vous faites une loi de circonstance, comme cela peut arriver souvent, et si la circonstance varie et que vous en
ayez avis dans l'intervalle de la loi décrétée' à son exécution, il me parait bien claire qu'alors il faut la suspendre ou s'exposer à des inconvénients graves. Je demande de deux choses l'une...
C'est donner l'initiative aux mi-mistres.
Un membre : Vous ne répondez pas à M. Grangeneuve.
Je réponds positivement : ou l'on enverra la loi, ou l'on en suspendra l'exécution. Si vous ne voulez pas qu'on suspende la loi, décrétez de passer àl'ordrejau jour et la loi sera envoyée. Ainsi, Messieurs, je demande: ou que la discussion s'ouvre sur l'inconvénient de l'envoi de la loi, ou que vous décrétiez que la loi sera envoyée.
Nulle proposition n'est plus contraire à la Constitution, plus destructive des principes, que celle qu'on vient de hasarder à la tribune. Confirmer la suspension déjà ordonnée par le ministre, ce serait consacrer sa démarche, ce serait autoriser une violation , de la loi ; ce serait, pour ainsi dire, couvrir sa responsabilité, Lorsqu'une fois un décret a acquis le caractère de loi par la sanction, il ne vous est plus permis à vous-mêmes de délibérer une seconde fois sur ce décret. (Murmures.)
J'observe à ceux qui murmurent que, s'ils avaient bien à la mémoire la Constitution, ils verraient que ce que je viens d'avancer est littéralement pris dans la Constitution.
Si une loi est susceptible de quelques inconvénients avant d'être sanctionnée, elle est examinée, par les ministres et par le roi, etr alors, s'ils ont aperçu qu'il y a des inconvénients, ils g eu vent présenter leurs observations à l'Assem-lée. Mais, lorsqu'un décret est sanctionné, il n'est pas permis à un ministre d'en suspendre l'exécution ; il substituerait sa volonté à celle du législateur; il exercerait un second veto sur les actes de législation. Disons qu'une loi ne peut être suspendue, pas même par la volonté seule du Corps législatif, car, alors, cette volonté détruirait reflet de la sanction du roi, et exercerait sur cette sanction même, un veto que la Constitution n'a pas entendu lui donner. Il faut donc, comme l'a observé M. Grangeneuve, ne pas consacrer, en principe, par un décret, la démarche qui tendrait à établir ce second veto. Je demande donc qu'on passé à l'ordre du jour.
Je consulte l'Assemblée sur le passage à l'ordre du jour.
(L'Assemblée décide qu'elle ne passe pas à l'ordre du jour.)
Plusieurs membres réclament contre cette décision.
(L'Assemblée, consultée une seconde fois, décide qu'elle ne passe pas à l'ordre tiu jour.)
En rendant hommage aux principes constitutionnels qui ont été mis en avant par les préopinants, je dois m'éton-ner de ce qu'il s'est ouvert une discussion sur une question aussi claire. On vous a présenté une adresse ou pétition de la chambre de commerce de Marseille ou de ses administrateurs ; par cette pétition, on vous observait qu'il y avait peut-être de très grands inconvénients a détruire sur-le-champ cette administration. Vous avez renvoyé au comité cette pétition, pour en faire son rapport. C'est ce décret dont le ministre a acquis la connaissance qui lui a fait faire une réflexion bien simple, celle-ci :
Puisque l'Assemblée nationale a cru que l'on pouvait statuer ultérieurement sur cette pétition de l'administration de la chambre de commerce de Marseille, l'Assemblée a donc décrété qu'on ne pouvait pas exécuter, dans ce moment-ci, le premier décret; car, si on avait envoyé sur-le-champ le décret, et qu'il eût été exécuté, le rapport du comité et le décret ultérieur eussent été inutiles.
C'est donc pour entrer dans votre sens, c'est donc pour remplir vos vues et pour faire le plus grand bien possible, que le ministre, suivant le second décret, n'a pas envoyé la première loi. Je demande qu'on statue directement sur cet objet, d'une manière formelle, pour que la suspension du premier décret ait lieu, et pour que, demain soir, votre comité vous fasse son rapport.
Je ne conçois pas comment on peut porter l'oubli des principes jusqu'à proposer à l'Assemblée nationale la suspension de l'envoi d'une loi. Cette loi n'appartient plus à l'Assemblée nationale; elle peut l'abroger, mais elle ne peut la suspendre. (Murmures.) Comment l'Assemblée nationale pourrait-elle suspendre l'envoi d'une loi? Est-ce par un décret? Ce décret aurait besoin de la sanction. Est-ce par une disposition consignée dans son procès-verbal? Elle n'empêcherait pas qu'on n'exerçât la responsabilité contre le ministre.
Aussi, un décret pour suspendre l'envoi d'une loi serait un décret sujet à sanction. Si c'est en ce sens qu'on a demandé la suspension de la loi, c'est très constitutionnel. (Oui! oui!) Si c'est dans le sens de consigner simplement dans le procès-verbal, c'est hors des principes et ,M. Vergniaud lui-même est hors de la Constitution, en disant qu'un décret de l'Assemblée nationale devient loi par la sanction. C'est une grande erreur qu'on veut propager, que de faire croire que le roi est co législateur. Non, Messieurs, votre décret seul est loi. Le roi, en refusant sa sanction, ne fait qu'en suspendre l'exécution. Je demande qu'on passe à Fordre du jour.
La Constitution a donné aux ministres le droit de parler sur l'objet de leur administration : c'est vrai ; mais c'est avant que le décret soit fait. Ne donnez pas aux ministres le droit d'un second veto, en leur permettant de parler sur les inconvénients de l'exécution d'une loi. Ainsi, je m'oppose à tout ce que le ministre demande, et je dis que tout cela n'est fait que pour écarter le rapport du comité de marine, qui devient très intéressant. (Applaudissements.)
La proposition de M. Dumas servirait à couvrir la responsabilité des ministres. En effet, Messieurs, c'est aujourd'hui qu'on vous demande la suspension de l envoi du décret; et il y a trois mois que l'envoi du décret est suspendu. En supposant même que l'Assemblée pût accorder cette suspension, la responsabilité du ministre courrait toujours depuis le moment où le décret a été sanctionné jusqu'ici. Ainsi, je regarde la motion de M. Dumas comme très dangereuse et comme tendant à couvrir de'l'autorité d'un décret la responsabilité ministérielle. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
Je ne puis pas concevoir comment un objet aussi simple peut occasionner une division aussi marquée. Si la loi n'a point été exécutée aussitôt sa sanction, celui qui était chargé de l'exécution est coupable, et nul ne peut le justifier.
On nous observe que le ministre a été déter-
miné dans sa démarche par un renvoi fait au comité de commerce de la demande en suspension. Je dis qu'aux termes de la Constitution le ministre n'aurait point dû s'arrêter à cette observation, parce qu'il est formellement décrété que les lois seront ponctuellement exécutées jusqu'au moment où il y aura un décret de révocation. Un ministre n'est jamais responsable quand il exécute la loi ; il l'est toujours quand il ne l'exécute pas.
Maintenant, examinons si la démarche du ministre est constitutionnelle. Je la soutiens inconstitutionnelle. et, comme nous l'a très bien dit M. Vergniaua, vous autoriseriez un double veto, si vous permettiez de pareilles démarches. D'abord le roi apposerait son veto, s'il le jugeait
à propos; mais s'il ne l'avait point apposé, le ministre, délibérant sur la loi, pourrait venir dans le sein de l'Assemblée, et nous dire qu'il trouve des inconvénients dans l'exécution de cette loi. Dès lors, ce serait un nouveau veto qu'il s'arrogerait le droit d'apposer à la loi. Son ministère lui impose l'obligation d'exécuter et de ne jamais délibérer. Je demande que, pour ne rien préjuger, l'on passe à l'ordre du jour.
Plusieurs membres: La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion et passe à l'ordre du jour sur la motion de suspendre l'envoi de la loi portant suppression des chambres de commerce.)
(La séance est levée à quatre heures.)
MINISTÈRE DE LA JUSTICE
PREMIER ETAT
des dépenses faites dans le département de la justice
Jusqu'au l,r décembre présent mois.
OBSERVATIONS PRELIMINAIRES.
Les fonds affectés au bureau de la chancellerie et du sceau étaient, avant le l" octobre
de la présente année, de..........................................54,000 fr.
Le bureau d'envoi ayant été établi dès le mois de novembre 1790, une loi du 19 janvier
dernier avait fixé le traitement annuel des commis, non compris les frais de bureau, à..... 22,800
La même loi acccordait au ministre de la justice un nouveau secrétaire de correspondance et 6 nouveaux commis expéditionnaires, dont les appointements étaient fixés annuellement à......................lî,240
Le bureau des Archives venait aussi d'être uni à la Chancellerie, et son traitement était
fixé à.....................7,200
Fonds ordinaires jusqu'au 1" octobre de la présente année............................ 96,240 fr.
Mais bientôt, les relations plus multipliées du nouvel ordre judiciaire s'étant successivement développées, le ministre a été obligé, pour l'exacte exécution des lois, d'augmenter ses anciens bureaux et d'en établir de nouveaux, bien persuadé que l'Assemblée constituante ne balancerait pas à faire payer des dépenses indispensables et légitimes et qu'elle calculerait, sur l'expérience de ces établissements, les fonds qu'elle devait affecter au département de la justice.
C'est ainsi que le bureau de correspondance et du sceau, lé bureau d'envoi des lois et même le bureau des Archives ont obtenu des augmentations nécessaires et progressives.
C'est ainsi que le conseil judiciaire, le bureau de sanction, le bureau de distribution ont été successivement établis.
Enfin, le décret du 29 septembre dernier, sanctionné le 2 octobre, a fixé la somme actuellement nécessaire pour l'entretien des bureaux à 225,500 livres, ajoutant à cette somme annuelle celle de 15,000 livres, qui doit être, à la fin de l'année, distribuée en gratifications.
La même loi (article 9) autorise les ministres qui ont été dans le cas de former provisoirement des bureaux pour l'exécution des décrets et le régime de leur département, à faire payer l'arriéré sous leur responsabilité, à se faire rembourser des avances faites sur des états par eux dûment certifiés, ainsi qu'à faire payer ce qui peut rester dû des anciens traitements aux anciens préposés des commis desdits bureaux, de telle sorte qu'à compter du l,r octobre, tous paiements soient faits d'après les sommes fixées par la présente loi pour chaque département.
En conséquence, depuis le 1" octobre jusqu'au l«r décembre présent mois, les bureaux du département de la justice ont été payés suivant cette fixation établie par la loi du 2 octobre.
Ainsi, cet état doit être divisé en trois chapitres.
Le premier chapitre contiendra le payement des bureaux de la justice, depuis le mois de janvier jusqu'au 1" octobre de la présente année, conformément à l'ancienne fixation.
Le second chapitre présentera le payement des mêmes bureaux, depuis le l,r octobre jusqu'au l" décembre présent mois, conformément à la fixation nouvelle établie par la loi du 2 octobre.
Le troisième chapitre, enfin, contiendra une partie des dépenses arriérées, déjà payées conformément à l'article 9 de cette loi. Le reste de ces dépenses arriérées, non encore payées, forme l'objet du second état exigé par le décret du 29 novembre dernier.
CHAPITRE PREMIER
Ancien traitement du bureau de la chancellerie et du sceau, payé, depuis le mois de janvier jusqu'au l,r octobre de la présente année, quarante mille cinq cents livres, ci.............. 40,500 1. » s. » d.
Traitement du bureau d'envoi des lois, fixé par la loi du 19 janvier dernier, et payé pendant le même temps, dix-sept mille cent livres, ci................... 17,100 » »
Augmentation de traitement, décrétée par la même loi du 19 janvier, pour le bureau de chancellerie et le bureau de correspondance et payee pendant le même temps, neuf mille cent quatre-vingts livres.............................. 9,180 » »
Ancien traitement du bureau des archives, payé pendant le même temps, cinq mille quatre cents livres, ci................................. 5,400 » »
Total du premier chapitre................. 72,180
Report du total du chapitre ler................. 72,180 1. » s. » d.
CHAPITRE II
Traitement de tous les bureaux du département de la justice, suivant la fixation établie par la loi du 2 octobre, et payé pendant le mois d'octobre et novembre derniers, trente-sept mille cinq cent quatre-vingt-trois livres six sols huit deniers, ci. 37,583 6 8
Total des deux premiers chapitres......... 109,763 1. 6 s. 8 d.
CHAPITRE III
Partie des dépenses arriérées et déjà payées sur un état fourni par le ministre de la Justice.
Comité judiciaire.................. 13,416 [1. 13 s. 4 d.
Bureau de rédaction... .....................5,090 » »
Bureau de distribution.................2,790 » »
Bureau de sanction.....................20,091 » »
Bureau d'envoi des lois...........1,891 16 »
Bureau de correspondance et de dépôt.............4,897 10 »
Aux graveurs............................1,240 » »
Aux deux courriers............4,277 10 8
Bureau du secrétariat du ministre....................................2,260 » >
Total du troisième chapitre....................55,944 10 »
Total des deux premiers chapitres..................109,763 1. 6 s. 8 d.
Total général...................165,707 1. 16 s. 8 d.
SECOND ÉTAT
des sommes encore dues sur l'année courante
Soit pour les dépenses d'établissement des bureaux, soit pour les gages arriérés
de différents préposés.
A MM. Langeux et Munant, serruriers, pour le prix d'un balancier destiné à frapper le timbre sec de l'Etat sur les lois imprimées, quatre cent cinquante livres, ci...450 1.
Frais extraordinaires de copies des lois portant vente de biens nationaux aux différentes municipalités, pendant les mois d'octobre et de novembre derniers, suivant le nombre des rôles expédiés, deux mille cent vingt-trois livres cinq sols, etc........2.123 5
Mémoires du tapissier qui a fourni les sièges en cuir de tous les bureaux et autres petites fournitures, douze cent soixante huit livres, sauf à faire régler, ci......1,268
Anciens gages arriérés jusqu'au 1er octobre dernier, de l'ofûcier fde" gendarmerie et des trois gardes attachés au service du sceau, sept mille cent vingt livres, ci. 7,120
Gages de deux huissiers 'attachés au service du sceau, depuis le 1" avril dernier jusqu'au lerb octobre, à raison de 1,200 livres par année, douze cents livres, ci........1,200
Mémoires de tous les ouvrages de menuiserie, faits, soit pour l'établissement des bureaux, soit pour différentes réparations dans la maison dite l'hôtel de la Chancellerie, sauf à faire régler, quatorze mille sept cent soixante et une livres quatorze sols, ci....14,761
Nota. La question de la propriété de cette maison n'étant décidée que depuis fort peu de temps, les fonds sur lesquels doivent être payés ces ouvrages ne sont pas encore réglés et, en attendant, le roi a bien voulu faire payer sur sa liste civile un acompte au menuisier, sauf à le reprendre sur les fonds qui seront affectés au payement.
Les ouvrages des maçons, serruriers, poêliers et autres entrepreneurs pour le même objet ne seront point compris dans cet état, parce que les mémoires ne sont pas encore fournis, si toutefois ils ne l'ont pas été à l'administration des bâtiments du roi.
Total général.............................. 26,922 1. 19 b.
TROISIÈME ÉTAT
des dépenses ordinaires et extraordinaires du département de la justice
pour Vannée 1792.
dépenses ordinaires.
Fonds affectés aux bureaux et préposés du département, par la loi du 2 octobre dernier, suivant l'emploi ci-après arrêté par le roi et le ministre ;
Savoir :
Au secrétaire général du départemeent de la justice et du sceau, auquel la loi
du 2 octobre conserve son ancien traitement, ci........18,000 1. » s. » d.
Au conseil judiciaire...............24,800 » »
Au secrétariat du ministre...........................6,400 » »
Au bureau de distribution...1........ 1. 6,200 » »
Au bureau de rédaction...................34,800 » »
Au bureau d'expédition, dépôt de correspondance et du sceau.......41,900 » »
Au bureau d'envoi des lois........................31,400 » >.
Aux bureaux de sanction, des archives-.......................28,800 » »
Aux personnes attachées au service du sceau, officiers, gardes, huissiers, etc. 9,320 » »
Frais de tous les bureaux.........................23,880 » »
Total égal aux fonds affectés annuellement au département de la justice, par
la loi du 2 octobre.............225,500 » »
Gratification annuelle accordée par la même loi, et qui sera payée à la fin
du mois de septembre 1792, sur un état de distribution arrêté par le ministre... 15,000 » »
Total des dépenses ordinaires.........240,500 » »
dépenses extraordinaires.
Frais de copie des décrets portant vente des biens nationaux aux municipalités, pour environ de 20,000 livres : rôle qui restent à faire, environ 10,000 livres, ci.....................................10,000 » »
Fournitures en papiers, bois, chandelles, etc., de ce bureau extraordinaire
et momentané, environ 1,200 livres, ci.................1,200 » »
Nota. — Les frais de cette copie n'ont pu être compris dans la fixation annuelle de fonds attribués au département, parce que celte dépense est inoertaine et momentanée; elle cessera lorsque tous les décrets portant vente de biens nationaux seront copiés et expédiés.
Total général...... 251,700 1. » s. » d.
Au surplus, le ministre est actuellement occupé à former un bureau, qui puisse réunir ses secrétaires de correspondance, dispersés jusqu'à présent et travaillant chez eux. Les frais d'établissement de ce bureau ne peuvent encore être appréciés, ainsi que les autres dépenses imprévues, dans les circonstances pourront présenter la nécessité, mais qui, dans tous les cas, ne pourront être considérables.
A l'égard des dépenses imprévues extraordinaires dans l'administration de la justice, il n'est guère possible de les indiquer et de les apprécier. Tous les tribunaux ordinaires sont installés, les tribu-aux criminels vont l'être. Mais les dépenses des unes et des autres, fixées par des lois, sont par conséquent invariables ; les gages des juges, des commissaires du roi, des accusateurs publics et des greffiers, les sommes destinées aux menues nécessités des tribunaux, le mode de payement des frais de justice criminelle, tout est réglé par des lois. Rien ne peut être changé que par des lois nouvelles.
Les tribunaux criminels provisoires de Paris, la Haute Cour nationale, le tribunal d'Avignon, sont établis et leurs dépenses sont prévues et déterminées. Il est impossible dans l'état des choses de supposer le besoin d'aucun autre tribunal extraordinaire.
Le ministre de la justice n'appellera donc ici l'attention de l'Assemblée nationale que sur deux objets assez instants :
1° L'exécution des jugements du tribunal de cassation est arrêtée par deux obstacles.
Le commissaire du roi, uniquement chargé de cette exécution, n'a aucun moyen de correspondance. Cette exécution, cependant, suppose la nécessité d'une correspondance très active entre lui et les juges du même tribunal, le greffier, les avoués et le ministre de la justice, et même dans de certaines circonstances avec les commissaires du roi des tribunaux de district.
Il sera donc indispensable, surtout en réfléchissant sur l'établissement très prochain des jurés, d'attribuer, au commissaire du roi du tribunal de cassation, un bureau de correspondance. La demande en est formée au comité do législation qui ne tardera pas, sans doute, à en faire le rapport à l'Assemblée nationale.
Le premier obstacle est relatif à l'administration de la justice civile et criminelle.
Le second obstacle n'est relatif qu'à l'administration de la justice criminelle.
Les demandes en cassation des jugements criminels se multiplient depuis que la loi accorde au condamné un sursis à la faveur de cette demande. On peut avancer qu'elles seront encore bien plus multipliées lorsque les jurés seront en activité.
Pour que ces demandes soient jugées au tribunal de cassation, il faut que les requêtes soient présentées par un avoué et signées de deux autres. Dans l'état actuel, aucun avoué ne s'empresse de se charger de cette dépense onéreuse pour lui, puisqu'elle n'est point lucrative.
L'Assemblée nationale estimera, sans doute, de nommer un ou plusieurs défenseurs des accusés, auxquels il serait juste d'allouer sur le Trésor public un salaire raisonnable.
2° Les juges de paix demandent, de toutes parts, des exemplaires des lois qu'ils font exécuter. Cette demande est légitime, au moins, relativement aux lois qui concernent la police correctionnelle, dont les juges de paix vont être les premiers juges.
Le ministre attend que l'Assemblée nationale l'autorise à faire imprimer ces lois, en nombre suffisant, pour en envoyer un exemplaire à chaque juge de paix.
Au surplus, si, dans le cours du mémoire que le ministre a annoncé dans sa lettre à M. président sur toutes les parties de l'ordre judiciaire, il apercevait la nécessité de quelque autre dépense imprévue jusqu'à présent, il ne négligerait pas de fixer sur elle l'attention de l'Assemblée nationale.
Paris, le 17 décembre 1791.
Signé : Duport.
MINISTÈRE DE LA MARINE. I. — MARINE.
aperçu des dépenses tant ordinaires qu'extraordinaires, estimées nécessaires pendant
l'année 1792. *
construction, radoubs, entretien, dépérissements, approvisionnements de munitions j
navales et de guerre.
Nota. — On observe que le désordre des ports et l'insubordination des ouvriers ont retardé beaucoup les travaux de l'année 1790 et de 1791, quoique les dépenses de journées d'ouvriers aient été très fortes, en sorte qu'il y a lieu de craindre que les sommes portées ne suffisent pas entièrement pour terminer les travaux des constructions commencées.
SERVICES
ordinaires.
On pense devoir se réduire pendant l'année 1792 à finir la construction des vaisseaux de ligne et frégates qui, suivant les états précédents, devaient être terminés en 1792, en y ajoutant seulement deux corvettes, une flûte et une gabarre; on n'entreprendra rien de plus, pour diminuer les dépenses autant qu'il sera possible.
La dépense totale de ces travaux s'élèverait à peu près, et en calculant d'après les bases précédemment accordées, à environ.................. 4.423.452 liv.
Les travaux de radoub seront, à ce qu'on croit, beaucoup plus considérables que ceux de l'année précédente. On ne peut avoir de données bien certaines pour évaluer les dépenses de cette nature, on les estime à environ.......................... 2.000.000
Les entretiens journaliers, réparations, renouvellements, dépérissements de matures et agrès, constructions et entretien des bâtiments flottants pour le service intérieur des ports, sont évalués par aperçu à............ 2,000.000
Les approvisionnements de précaution, de bois et autres munitions navales, et approvisionnements d'artillerie, à........
Total...............
Cet article de dépense n'est rendu nécessaire que pour compléter cet approvisionnement et à raison des marchés qui ont été faits et qu'on ne pourra se dispenser d'exécuter; elle ne fera pas constamment partie de la dépense ordinaire des ports, les approvisionnements étant compris dans les dépenses des travaux. Ces motifs avaient déterminé à porter cet article en dépense extraordinaire dans le projet de 1791 ; on le porte de même dans celui-ci.
liv.
8,423,452
8,423,452
extraordinaires.
liv.
2,000,000
2,000,000
ARMEMENTS ORDINAIRES
pour les stations d'asie, d'amerique, d'afrique, de la méditerranée et pour le cabotage des côtes.
Mers d'Asie.
La station des mers d'Asie, armée en guerre, est composée de 1 frégate portant du 18 et de 2 portant du 12; leur dépense par année
sera de.............800,826 liv.
Il y a également 1 flûte à l'Ile de France; mais comme
on l'attend en mars prochain, sa dépense sera seulement de.... 18,582
Iles du Vent.
La station des îles du Vent est composée de 1 vaisseau de 74, 2 frégates portant du 12, de 1 corvette et 3 avisos armés tant sur le pied de guerre que sur le pied de paix; la dépense pour l'année sera de..........................
Cayenne.
Il y a à Cayenne 1 brigantin armé sur le pied de paix, qui stationnera toute l'année; sa dépense est de...........................................
Station du Sénégal et côte d'Afrique.
La station du Sénégal et de la Côte d'Afrique sera composée de 1 frégate portant du 12 et de 1 aviso portant du 14, sur le pied dç paix, pendant 9 mois
819,318
1,397,276
86,000
213,424
SERVICES
extra-
ordinaires.
Station de la Méditerranée ou du Levant. liv.
La station de la Méditerranée sera composée de 2 frégates portant du 12, de 3 corvettes portant du 6 et de 2 avisos portant du 4, armés sur le pied de guerre, leur depense sera de................... 1,107,716 fiv.'
Il y a de plus 1 brick destiné à des missions particulières à Constantinople et ailleurs; sa depense est de................. 30,000 Comme l'on relèvera successivement, dans les premiers mois ' de 1792, ces bâtiments qui composent la station et qu'ils ne j pourront effectuer leur retour qu'après l'arrivée de ceux qui | devront los remplacer, on porte ici leur dépense, jusqu'à l'épo- 1,415,769 »
Cabotage sur noslcôtes, pour transport des matures de bois de construction et de canons.
Pour remplir ce service, il sera armé pendant dix mois, sur le pied de paix : 2 flûtes de 6 à 700 tonneaux, 1 de 500 tonneaux et 3 gabarres de 3 à 400 ton- neaux; leur depense sera de 202,710 liv. j
Plus 3 sloops et autres petits bâtiments pour le petit cabotage et transport de munition d'un port à l'autre............. 60,000 262,710 a
Le prix de la ration étant évalué à l'armement sur le pied de 17 sols, il convient d'augmenter celui des rations qu'on expédie de France pour une prolongation de campagne, dans la proportion du montant du fret des navires employés à leur transport; en conséquence, on porte pour cet objet, pour les bâtiments stationnés dans la mer d'Asie, ci..... 88,134 liv.,
Pour ceux stationnés aux îles du Vent et de Sous-le-Vent... 107,961
Et pour ceux de la station du Levant, 6 mois, attendu que les bâtiments que l'on expédiera emporteront les 6 autres mois de vivres.......... 21,000 I
A quoi il convient d'ajouter la plus-value des denrées, qui 1 n'étant pas expédiées de France pour les bâtiments stationnés aux îles du Vent et de Sous-le-Vent, sont achetées dans les colonies......................... 150,000 377,095 »
Total des armements ordinaires.................. 5,870,888
ARMEMENTS EXTRAORDINAIRES
Il a été expédié sur le pied de paix, aux îles du Vent et Sous-le-Vent, 1 vaisseau de 74, 2 frégates, dont l'une portant du 18, l'autre du 12, 1 corvette portant du 6 et 1 aviso portant du 4; ce dernier a porté le décret relatif aux colonies et la corvette a porté des piastres ; le vaisseau et les frégates faisaient partie de la division expédiée de Brest le 5 février 1791, avec des troupes. Comme l'on ignore l'époque où ces bâtiments ne seront pas utiles dans la colonie, on porte leur dépense pour 6 mois à.................. 540.768 liv/ A quoi il convient d'ajouter, comme pour les bâtiments composant les stations, la plus-value des denrées qui sont achetées 565,768
Expédition relative à l'armement pour Saint-Domingue et au transport des troupes pour cette colonie.
Les forces navales employées à cette expédition consistent en
2 vaisseaux de 74;
5 frégates portant du 12 ;
1 aviso;
6 flûtes ou gabarres.
Ces bâtiments portent une partie des troupes ; mais comme leur dépense est comprise dans celle accordée par une loi, on ne la porte ici que pour.......... Mémoire
Expédition pour la recherche de M. de La Peyrouse.
Deux frégates sont employées à cette mission; il a été accordé un fonds particulier pour leur dépense, dont il sera rendu compte séparément; ainsi on le porte ici comme mémoire, ci................................................ Mémoire
Transport des commissaires civils à Vile de France et dans VInde.
1 frégate portant du 12, armée en paix pour 1 an. Augmentation sur le prix de la ration pour 6 mois.
Cayenne.
194.760 9.900
SERVICES
2 flûtes de 5 à 600 tonneaux, pour porter les commissaires civils à Cayenne et 500 hommes de troupes armées en paix et pendant 6 mois; leur dépense sera de................................... -.. 99.567
1 aviso pour être employé à Cayenne pendant le séjour des com- |
missaires, et les rapporter en France ; sa dépense est ae. 94.308) 95 807 '
Augmentation sur le prix de la ration.....................899 J
Missions particulières.
3 avisos, qui seront constamment armés sur le pied de paix dans les ports pour être expédiés suivant les circonstances..................................
On continuera à armer sur le pied de paix, pendant l'année 1792, une corvette de 20 canons de 8 et 1 aviso portant du 4, pour être employé, contre la contrebande sur les côtes des 2 ci-devant provinces du Roussillon et du Languedoc, conformément à la loi dn 10 novembre 1790.
On observe que d'après une loi du 16 octobre dernier, il doit être construit un assez grand nombre de bâtiments qui seront constamment armés pour écarter les fraudes des côtes du royaume. Les dépenses de la construction, celles relatives à l'armement de ces bâtiments, ne doivent point faire partie des dépenses de la marine. C'est l'objet des tableaux et comptes particuliers que le ministre de la marine et celui des contributions publiques doivent présenter, suivant les articles 10 et 11 de cette loi ; ainsi cet objet ne sera porté ici que pour................................................................___________
Total des armements extraordinaires.
liv.
liv.
204,660
194,774
282,924
Mémoire
1,242,186
VIVRES
La valeur des vivres nécessaires à la subsistance des équipages est portée au chapitre des armements; la subsistance des troupes est comprise dans leur solde.
La dépense estimée pour l'entretien des chiourmes comprend aussi le prix de la subsistance des forçats.
Il ne reste donc plus à porter ici que l'aperçu des objets suivants; Savoir :
1° Service intérieur des ports, évalué environ..............................
2° L'entretien de l'approvisionnement de précaution qui doit exister contaminent dans les ports pour subvenir aux besoins imprévus et dont la mesure est déterminée pour 7 mois de campagne, sur le pied de guerre, à 7 vaisseaux de 74 canons, et à 4 frégates portant du 18, et dépérissement des denrées, environ.
3° Frais généraux de régie, consistant en appointements des régisseurs, des directeurs, contrôleurs et employés, tant à Paris que dans les ports, en intérêts de 1,200,000 livres de fonds d'avance faits par les régisseurs; montant des
4 deniers pour livre sur la dépense totale du service des vivres, etc..........
Cette dépense doit être considérée comme à peu près fixe, quelle que soit l'étendue du service du munitionnaire. Elle est indépendante des frais de transport, des denrées dans les ports, de leur entretien et conservation en magasin, de manipulation, préparation, etc., lesquels entrent dans le prix estimé de la ration de mer et sont répartis sur chacune des autres parties du service, en proportion de sa nature et de son étendue. Il y avait eu erreur dans le calcul de l'aperçu de 1791.
4° Le remboursement à faire aux régisseurs des 1,200,000 livros de fonds d'avance dont il est question à l'article 3° ci-dessus; mais l'époque de ce remboursement, ne pouvant pas encore être prévue, on ne porte cet article que pour.
5® Pour un approvisionnement extraordinaire de salaison, en sus de celui de précaution, ainsi qu'il avait paru prudent de l'assurer pour chacune des deux années précédentes, attendu que cette espèce de comestible ne peut plus être préparée lorsque les chaleurs commencent à se faire sentir.
400,000
200,000
730,000
Mémoire
Bâtiments civils.
On ne pourra régler avec précision, qu'après avoir examiné dans le plus grand détail tous les projets et devis envoyés des ports, et qu'on n'a pas eu le temps de discuter avec le soin que cet objet exige; mais l'examen général qu'on en a fait donne lieu de présumer que ces projets seront susceptibles de quelques réductions, quoiqu'ils présentent plusieurs choses d'une utilité pressante; et on croit que cette dépense n'excédera pas celle qui avait été portée dans le projet de 1791 ;
Savoir :
Entretiens ordinaires......................................................
Constructions nouvelles..................................................
Dépenses diverses, achats de terrains, rentes foncières, loyers de magasins et bureaux, illuminations des quais et casernes, etc., entretien des phares......
Total................
appointements ! et traitements des officiers de la marine conformément aux lois du 15 mai 1791.
Officiers généraux.........................................................
Capitaines et lieutenants de vaisseaux.
Ces officiers ne doivent avoir que la moitié de leurs appointements, lorsqu'ils ne seront pas en activité de service; et le nombre de ceux qui seront employés n'étant pas encore réglé, on en suppose un quart à la mer, un quart de service dans les ports et moitié en inactivité. D'après cette supposition, le total de
leur traitement sera porté à.................................................
Enseignes entretenus et aspirants..........................................
Enseignes non entretenus.
On en suppose 60 en activité de service, à la mer ou dans les ports........
Traitements des commandants des armées et des majors-généraux. On les évalue ici, d'après le projet de décret du comité de marine à l'Assemblée nationale constituante, qui paraît cependant pouvoir être susceptible
de quelques augmentations, à.......»........................................
Appointements et traitements conservés par des lois particulières à MM. de
La Peyrouse et Gauthier.....................................................
Dépenses pour l'achat des signes de la décoration militaire.................
Total.
ecoles gratuites de mathematiques, d hydrographie et academie de marine.
Traitements et frais de voyage des examinateurs.«.........................
Appointements des professeurs...........................................
On n'a pas compris ceux qui ont été dernièrement proposés pour Dunkerque, Saint-Jean-de-Luz et la Corse.
Dépenses d'entretien.......................................................
On y a ajouté la dépense présumée pour les loyers des salles. Dépenses de premier établissement qui n'auront lieu que cette année, évaluées à. Dépenses relatives à l'Académie de marine, à Brest, compris le traitement du sous-bibliothécaire, ci.......................................................
Total.
SERVICES
ordinaires.
appointements et soldes des troupes.
Tout ce qui concerne les troupes de la marine n'est pas encore déterminé et on ne peut prévoir la dépense qui résultera de l'organisation qui sera décrétée ; on croit donc devoir porter ici provisoirement, pour cette dépense, les mêmes sommes qui avaient été portées pour cet objet, dans le projet de 1791 ;
Savoir :
Appointements et soldes du corps des canonniers-matelots et des compagnies d'apprentis canonniers......................................................
Et pour les trois compagnies d'ouvrier3 d'artillorie.........................
Total.................................
liv.
375,000 400,000
138,615
2,243,615
387,000
2,110,500 348,000
72,000
48,200
18,000 10,000
2,993,700
29,400 86,100
23,500
6,000
145,000
extraordinaires.
2,488,430 . 94,491
2,582,921
administration civile de la marine.
Appointements et traitements des officiers civils, conformément au décret du 21 septembre 1791..............................1,238,020
Il s'est glissé une erreur dans le tableau annexé au projet de décret d'application, à l'article des commis d'administration. Le nombre total en est porté dans le décret à 353, et le détail de répartition contenue dans ce tableau, n'en présente au résultat que 253. Cette erreur en a produit une sur le calcul de la dépense, qui doit en être portée pour cet objet à 453,300 liv., au lieu de 318,300 liv. On observe qu'il sera inévitablement nécessaire d'employer pendant les premiers mois de l'année 1792 plusieurs des sujets de l'ancienne administration, non compris dans la nouvelle organisation; celle-ci ne pouvant être mise entièrement en activité dans le moment même, on estime, par aperçu, la dépense qui en résultera, au quart de la différence de l'ancienne dépense à la nouvelle......32,000
Les travaux " relatifs à la comptabilité arriérée des ports exigeront, pendant quelque temps, l'emploi de plusieurs commis; cette dépense extraordinaire qu'on réduira autant qu'il sera possible, ne peut pas être actuellement déterminée, et en attendant qu'on puisse la fixer, on la porte ici pour.............mémoire
Frais de bureaux.
Cette dépense ne pourra être déterminée conformément à l'article 25 du décret, qu'après que la nouvelle organisation aura été mise en activité et qu'on aura bien reconnu ce qui sera nécessaire pour cet objet; on portera provisoirement et par aperçu, la même somme qui était portée dans les projets précédents, compris les ports de lettres, ci........................................240,000
Les bureaux des classes devant être chargés de l'expédition des congés des bâtiments du commerce et de la réception des rapports et de tous les autres objets relatifs à la police générale de la navigation qui étaient confiés aux amirautés, il en résultera une augmentation de dépense pour ces bureaux; on a proposé de prendre ces frais ainsi que tous les autres, concernant la fabrication et l'expédition des congés, sur le produit des droits de navigation qui doivent être établis en remplacement de ceux d'amirauté. L'Assemblée nationale n'a rien déterminé à cet égard; on portera cet article pour mémoire............meómoire
On ne peut [pas connaître, dans ce moment, avec précision, la somme à laquelle devront se porter les traitements de retraites ou appointements conser vés, qui seront accordés conformément aux lois sur l'organisation de la marine aux officiers civils et militaires et autres employés qui ne peuvent être compris dans la nouvelle formation. Il sera possible d'apprécier, par aperçu, cet objet de dépense pour ce qui concerne les officiers militaires de tous grades, les pilotes et autres entretenus ; mais quant à ce qui concerne les officiers civils et autres employés, l'on n'a jusqu'à présent aucune base, ainsi l'on ne peut employer ici cette dépense que pour..................................Mémoire.
Total..................1,510,020
école des élèves.
Ingénieurs de la marine........................20,216
appointements et traitements des officiers de santé.
Cet objet n'est pas encore organisé; ainsi, on croit devoir le porter, par aperçu, suivant la dépense actuelle, à 229,000 liv., en y ajoutant cependant 19,800 liv., pour celle du directoire central, proposé dans le projet de décret du comité de l'Assemblée constituante et qui en remplacerait les inspecteurs supprimés par le décret du 29 septembre'; total..........................148,800
Mais on observe que le projet du comité porterait la dépense entière des officiers de santé à 390,000 liv. ou 400,000 liv., et si ces bases étaient suivies, il en résulterait une augmentation de dépense qu'on portera ici pour..........Mémoire
Total...............248,800
SERVICES
ordinaires.
aumôniers .
Rien n'a été décidé encore à cet égard ; on portera cette dépense comme dans les projets de l'année précédente, à.....................................21,000
GENDARMERIE NATIONALE MARITIME.
L'organisation de la gendar merie nationale maritime n'ayant pu encore avoir lieu, attendu que le nombre des brigades n'est pas fixé, on porte provisoirement la dépense du traitement des archers de prévôtés, que celte gendarmerie doit remplacer, sauf à demander au Corps législatif le supplément qui sera nécessaire, quand le montant en sera connu, ci a peu près....................
Supplément...........................
Total.......................
maitres entretenus dans les ports, suivant les lois des 15 mai et 1er juin.
Maîtres entretenus pour le service de la mer...............................
— pour le service intérieur des ports.................................
— d'arts et sciences.....................
Sous-officiers des galères..,..................
Total......................
SOLDES DES GARDIENS PORTIERS, RONDIERS, CANOTIERS ET AUTRES EMPLOYÉS AU SERVICE INTÉRIEUR DES PQRTS.
On ne peut déterminer avec précision ce que le service des ports exigera dans la nouvelle organisation et on croit devoir porter ici provisoirement cette dépense, comme dans les précédents états, à.................................
HÔPITAUX ET CHIOURMES..
Ces deux objets dont l'administration est réunie dans les ports, paraissent pouvoir être évalués en totalité à...........................................
Cette dépense est moindre de 150,000 livres que celle des années précédentes, parce que le nombre des forçats est diminué; mais on avait reconnu aussi, que la somme accordée pour les dépenses des hôpitaux était insuffisante.
DÉPENSES DES CONSULATS.
Il n'y a rien encore de déterminé sur cette partie ; en supposant même qu'il y fût fait bientôt des changements, ils ne pourraient être effectués dès le commencement de l'année 1792. On portera donc cette dépense conformément aux états précédents ; savoir :
Traitements des consuls et autres en pays étrangers........................
Secrétaires-interprètes, écoles des jeunes gens de langue et diverses dépenses variables.............................
Dépenses politiques de la Barbarie, évalués par aperçu...................
Cet objet n'étant pas dans les projets précédents en 1790, il avait été destiné un fonds extraordinaire de 1,800,000 liv. relativement aux négociations d'Alger et de Barbarie ; le fonds extraordinaire a suffi pour remplir son objet et payer toutes les dépenses politiques de 1790 et 1791. On en remettra le compte particulier.
Les dépenses des établissements français du Levant et de la Barbarie, ont été payées jusqu'à présent sur les fonds de la chambre du commerce de Marseille. Si, d'après la suppression de cette chambre, ces dépenses doivent être prises directement sur les fonds du Trésor public, cet objet qui se porte à 397,175 liv devrait être ajouté aux dépenses de la marine................................
SERVICES
ordinaires.
liv.
75,000 Mémoire
75,000
151,900 140,500 19,480 53,056
364,936
• Total.
481,000
2,000,000
458,580 62,000
Mémoire
520,580
extraordinaires.
ADMINISTRATION GENERALE DE LA MARINE ET DES COLONIES.
Appointements du ministre................
Bureaux, dépôt des cartes et plans de la marine et des colonies, dépôt des papiers du département, frais de bureaux et en y comprenant les 24,000 livres de gratification suivant le décret.............................................
Divers employés conservés à Paris, suivant la loi du 16 octobre 1791.......
Total.
100,000
444,000 10,500
554,500
Frais de voyages, conduite, vacations et indemnités pour officiers civils et militaires, et ouvriers levés pour le service des arsenaux, louage de chevaux et voitures pour marins et soldats infirmes, captures et déserteurs, subsistances de prisonniers, frais de procédures des cours martiales, ci....................
Dépenses imprévues, paiements des droits d'enregistrement et de timbre, de ceux d'entrée des marchandises et munitions dans le royaume, courriers, frais d'impressions, brevets, registres et autres dépenses que l'on ne peut évaluer
avec précision, ci..............................
Il y a lieu de craindre que cette somme ne soit insuffisante ; mais lorsque l'expérience aura fait connaître la mesure qu'elle doit avoir, on demandera le supplément qui sera nécessaire........................
Dépenses des travaux de Cherbourg.
Cet objet n'avait pas été compris jusqu'à présent dans les dépenses du département de la marine : il était toujours accordé des fonds particuliers pour ces travaux. L'Assemblée nationale n'a encore rien prononcé à cet égard et on ne peut déterminer avec précision la véritable dépense qui sera faite dans le courant de l'année 1792, puisqu'elle dépend de la décision qui sera portée sur cet objet. On ignore aussi si cette dépense fera partie de celle de la marine ; ainsi elle ne devait être portée ici que pour mémoire. Cependant pour laisser le moins d'incertitude qu'il sera possible, on la portera ici, suivant les projets d'aperçu
qui ont été préparés, à environ.......................
compris les armements des bâtiments employés dans cette rade et les frais d'administration que ces travaux exigent.
SERVICES
ordinaires.
liv.
700,000
648,270
Mémoire
extraordinaires.
liv.
745,000
RECAPITULATION GENERALE
DE L'APERÇU DES DÉPENSES DE LA MARINE
pour l'année 1792.
Constructions, radoubs, entretien, dépérissement et approvisionnement de munitions navales et de guerre................
Armements ordinaires................
Armements extraordinaires, non compris l'expédition relative à Saint-Domingue et celle pour la recherche de M. de La Peyrouse..............................
Vivres pour le service intérieur des ports, entretien de l'approvisionnement et frais de régie...................
Bâtiments civils.....................
Appointements et traitements des officiers de la marine.
Ecoles gratuites de mathématiques, d'hydrographie et académie de marine.
Appointements et soldes des troupes de la marine.........
Administration civile de la marine et frais de bureaux.........
Ecole des élèves ingénieurs de la marine..............
Officiers de santé...........................
Aumôniers.........................
Gendarmerie nationale maritime............
Maîtres entretenus dans les ports.............
Gardiens, portiers, rondiers, canotiers et autres employés au service intérieur des ports..........................
Hôpitaux et chiourmes..............
Consulats et dépenses politiques.................
Administration générale de la marine et des colonies.........
Frais de voyages, conduite, vacations et autres objets divers............
Dépenses imprévues, droits d'enregistrement, de timbre, d'entrée des munitions venant de l'étranger, courriers, impressions et autres objets..................
Dépenses des travaux de Cherbourg présumées..
Total pour la marine....
8,423,452 5,860,990
1,330,000 913,615 2,993,700 145,000 2,582,921 1,510,020 20,216 248,800 21,000 75,000 364,936
481,000 2,000,000 520,580 554,500 700,000
648,270
29,394,000
29,394,000
2,000,000 »
1,408,126
300,000 »
»
18,000
300,000
4,026,126 745,000
4,771,126
II. — COLONIES.
APERÇU DU PROJET DE DÉPENSES A FAIRE DANS LE DÉPARTEMENT DES COLONIES PENDANT L'ANNÉE 1792
Un état de ces dépenses coloniales, pour l'année 1790, avait été arrêté à la fin de 1789 et montait à dix millions et demi nets, que devait fournir le Trésor national, déduction faite.des impositions locales des revenus territoriaux, reprises et retenues diverses.
Malgré l'ordre le plus précis, adressé à tous les administrateurs, de ne pas excéder les sommes comprises dans les états concernant leurs colonies respectives, la somme des dépenses a infiniment excédé celle des projets, ce qui a été l'effet d'une foule de circonstances entre lesquelles on doit placer des réclamations en tous genres, que les troupes se sont permises et auxquelles on a été forcé de céder.
Un projet de fonds pour les colonies ne peut être qu'un aperçu donné au hasard, et il ne peut servir qu'à indiquer vaguement les sommes qu'il est nécessaire que l'Assemblée mette à la disposition du ministre des colonies, sous sa responsabilité, et à la charge de fournir, dans la suite, des comptes et des états au vrai.
Plusieurs objets de dépenses ont varié depuis la fin de 1789 ; les appointements et soldes des troupes ont été augmentés ; il est survenu d'autres augmentations dans le prix des transports par mer, des fournitures et approvisionnements de toutes espèces. Le désavantage du change a rendu la négociation des piastres très dispendieuse ; le tirage des lettres de change assujetties à un agio excessif, est devenu ruineux ; la perception des impositions locales, dans des colonies qui ont éprouvé tous les fléaux, sera presque nulle; les revenus de l'Inde sont envahis et dilapidés par les factions. Saint-Do-mingue, la plus belle possession de la France, qui payait toutes ses dépenses, va se trouver à la charge du Trésor national.
D'un autre côté, les troupes coloniales ayant été mises par l'Assemblée nationale sous la direction et à la charge du département de la guerre, celui des colonies ne doit plus acquitter que les suppléments d'appointements et soldes attribués aux officiers et aux soldats pendant leur séjour dans nos îles et l'entretien, tant du bataillon auxiliaire des colonies que du fonds du régiment colonial d'artillerie se trouvera supprimé ; mais les dépenses pour les transports de troupes et les changements de garnisons des colonies seront considérables. D'ailleurs, le ministre de la guerre demandera une augmentation de fonds au moins égale à la somme qu'il fera verser dans la caisse des colonies, pour les appointements et soldes des régiments qu'il fournira.
Ces explications étaient nécessaires avant de produire le projet de dépenses qu'on présente et dans lequel chaque colonie formera un chapitre. On répète que les différencesx et les résultats ne pourront être connus qu'après les événements, ce qui fera la matière de la comptabilité de 1792 et d'un redressement pour l'année suivante, s'il y a lieu.
Saint-Domingue.
On a calculé les dépenses de Saint-Domingue sur une garnison de 3,000 hommes d'infanterie et de 500 hommes d'artillerie, que les instructions de l'Assemblée nationale du 10 juillet indiquent pour le minimum. Ces dépenses montent, suivant un état très détaillé, à 5,334,120 1. 18 s. 4 d., mais comme il a été entendu depuis longtemps, que la colonie de Saint-Domingue devait supporter les dépenses de protection et d'administration qu'elle occasionne, cet article ne doit être employé que pour mémoire, comme dans les projets de dépenses des années antérieures.
Loin de supporter ses dépenses, en 1792, Saint-Domingue attend des secours efficaces de la métropole ; mais ces secours formeront une dépense extraordinaire, pour laquelle l'Assemblée nationale a déjà voté une sommé considérable, assignée sur la caisse de l'extraordinaire; la même caisse devra supporter tout ce qu'il y aura à fournir pour les dépenses de Saint-Domingue au delà du produit de ses impositions, comme supplément de secours ; ainsi cette colonie sera toujours laissée pour mémoire.
La Martinique.
Les garnisons des îles du Vent sont évaluées à six bataillons d'infanterie, avec une brigade d'artillerie, et ses bataillons ne sont provisoirement portés qu'au pied de paix.
Deux bataillons d'infanterie et trois compagnies de canonniers seront employés à la Martinique, dont la dépense est portée à 2,427,296 1. 6 s. 8 d., en y comprenant une somme de 500,000 liv. par an, affectée aux fortifications, bâtiments civils et travaux d'artillerie des quatre
îles du Vent, ci.................... 2,427,296 1. 6 s. 8 d.
A déduire 666,666 1. 13 s. 4 d. pour l'imposition locale, sauf les non-valeurs qu'on ne peut apprécier et dont le remplacement donnera lieu à un nouvel article de dépense............. 666,666 13 4
Reste net pour la dépense de la Martinique. 1,760,629 1. 13 s. 4 d.
La Guadeloupe.
Deux bataillons d'infanterie et une compagnie d'artillerie, formant la garnison de cette île; l'état de ses dépenses monte à.......... 1,489,817 1. » s. » d.
A déduire pour l'imposition locale avec les mêmes observations que pour la Martinique............ 533,333 6 8
Reste net pour la dépense de la Guadeloupe. 956,483 1. 13 s. 4 d.
Sainte-Lucie
Un bataillon d'infanterie seulement est affecté à la garnison de cette île ; on n'y perçoit aucune imposition, et la dépense monte net à la somme de.... 591,468 1. 16 s. 8 d.
Tobago.
Un bataillon d'infanterie sera également employé dans cet île ; l'état de
ses dépenses monte à.... .. 618,257 1. 6 s. 8 d.
A déduire pour l'imposition locale, laquelle n'est ici employée que pour la forme, parce que dans la situation actuelle de cette colonie, on ne peut se
dispenser de porter en reprise le montant de cette imposition, ci........... 160,000 » » »
Reste net pour la dépense de Tabago.... 458,257 1. 6 s. 8 d.
La Guyane française.
Un bataillon de troupes coloniales était en garnison dans l'île de Cayenne ; il va être relevé par un bataillon d'infanterie du département de la guerre. La culture de cette colonie a besoin d'être particulièrement encouragée ; et sur les représentations des administrateurs, le fonds d'encouragement est porté de 30 à 50,000 livres. Depuis longtemps on s'occupait d'un projet de fortifications qui vient enfin d'être arrêté et dont la dépense, en huit ans, pourra monter à 800,000 liv. Le gouverneur demande instamment qu'en 1792, un fonds de 100,000 livres soit employé aux premiers travaux qui sont de nature à occuper les habitants peu aisés, qu'il est très important de tirer de l'état dangereux de l'oisiveté. Ces différents objets, d'une utilité reconnue, ont augmenté les dépenses auxquelles il a fallu encore ajouter les frais de transports du bataillon qui Rembarquera dans le mois prochain et du retour en France de la garnison actuelle de Cayenne.
Le total des dépenses de la colonie, monte ainsi à la somme de......... 1,053,046 1. » s. b d.
A déduire pour des perceptions et des revenus locaux, ci............... 67,008 » » »
Reste net pour la dépense de la Guyane française, ci... 986,046 1. » s. » d.
Sénégal et Gorée.
Une compagnie avait le privilège exclusif de la traite de la gomme et du commerce au Sénégal et elle avait été chargée par cette considération de toutes les dépenses de cette colonie. Le privilège a été supprimé par un décret de l'Assemblée nationale, du 23 janvier dernier, et dès lors toutes les dépenses ont été remises à la charge de l'Etat. Mais il a été question de savoir si le Sénégal et Gorée ne seraient considérés que comme de simples comptoirs, ou si on y conserverait un établissement fortifié et défendu; l'Assemblée nationale a été consultée; plusieurs fois le ministre de la marine a fait des instances pour obtenir une décision qui est encore attendue. Dans cette incertitude, on a calculé sur l'état actuel des choses et le projet de dépenses de cette colonie a été provisoirement arrêté pour la somme de 381,041 1. 10 s., en y comprenant les frais de transport d'un demi-bataillon du département de la guerre, qui y sera envoyé et des troupes qui y sont actuellement et qui seront
rappelées en France, ci.......... 381,041 1. 10 s. » d.
Juda.
La dépense de ce comptoir établi sur les côtes d'Afrique, maintenu provisoirement sur le même pied, monte à la somme de trente-sept mille huit cents livres, ci......................... 37.800 1. » s. » d.
Iles Saint-Pierre et Miquelon.
Ces deux îles sont le chef-lieu de la pêche à la morue, sur les côtes et le grand banc de Terre-neuve ; branche précieuse de commerce et de navigation, qui demande et mérite des encouragements.
L'île Saint-Pierre est le siège de l'administration ; après avoir vérifié qu'elle n'était pas susceptible de fortifications, la garnison a été réduite à une compagnie de 60 hommes qui n'était pas sulu-sante et qui sera licenciée ainsi que les autres troupes coloniales. On y substituera au moins deux compagnies des troupes de terre.
Colonies. — (Suite.)
La population des deux îles est très considérable et composée en partie d'anciens Acadiens et habitants de Louisbourg, de la classe de ceux à qui l'Assemblée nationale vient d'accorder des secours. Les habitants de ces îles sont utilement occupés pendant l'été, et leur travail suffit à leurs besoins ; mais la saison de l'hiver est dure pour eux. Il est nécessaire que l'administralion leur fournisse des subsistances et même des ustensiles de pêche, dont les recouvrements supportent des non-valeurs et des déficits qu'on porte à quarante mille livres dans l'état de dépenses, lequel monte en total à.. 183,845 1.
Iles de France et Bourbon.
Les dépenses de ces deux îles ont toujours excédé considérablement les sommes qui y ont été assignées. Les mesures les mieux prises ont toujours été déconcertées par des événements et des circonstances imprévues. Un papier monnaie avait été créé par un édit de 1788, pour avoir cours sur le même pied que l'argent : à peine a-t-il été mis en circulation, que les troupes se sont mutinées pour le refuser. La première assemblée coloniale l'a dénaturé, en égalant la valeur d'un billet de 10 livres à celle d'une piastre établie à5 1. 8 s. Les lettres de change comparées aux piastres ont perdu plus de 30 0/0 : une multitude de réclamations anciennes ont épuisé la caisse de la colonie ; il est temps que les commissaires civils partent pour rétablir l'ordre dans toutes les parties... En attendant on n'a pu présenter qu'un état par aperçu. On y a mis les choses sur l'ancien pied; deux régiments d'infanterie et une brigade d'artillerie sont employés pour la garnison, et l'état des dépenses monte ainsi à la somme de 4,640,105 1. 5 s., sans aucune distraction pour impositions locales qui ne sont point encore établies, ci................................................................. 4,640,105 1. 5 s. » d.
Pondichéry et autres établissements français dans l'Inde.
Il avait été décidé, en 1789, que Pondichéry serait réduit à l'état d'un simple comptoir, et à la fin de cette même année, M. de Gonway, commandant général, se replia avec la garnison sur l'île de France, où une partie de l'artillerie et des munitions de guerre fut également transportée. Un simple commandant et un ordonnateur restèrent à Pondichéry, et la dépense de toute cette partie fut assignée sur les revenus territoriaux, évalués à 500,000 livres par an et susceptibles d'améliorations.
Les députés de Pondichéry à l'Assemblée nationale constituante ont demandé que les fortifications de leur ville fussent achevées et que sa garnison fût portée à 1,000 hommes d'infanterie, 1,000 cipayes et deux compagnies d'artillerie. Un décret du 3 septembre dernier, en accédant à leur demande, a ordonné les fonds nécessaires tant pour la levée et le transport de ces troupes, que pour leur entretien pendant un an ; en sorte qu'en y joignant le produit des revenus territoriaux, le service ordinaire et extraordinaire de Pondichéry et des établissements en dépendant dans l'Inde, se trouvera assuré pour l'année 1792, sauf les vides que les anciens troubles, encore existants à Chandernagor et ceux qui viennent de se manifester à Karical, pourront occasionner dans la recette ; ainsi la dépense de ce chapitre reste pour..................................................................................... Mémoire.
Dépense à faire en France pour le service des colonies.
On a employé au chapitre de chaque colonie, les dépenses de France qui leur sont propres, comme vivres, fournitures, affrètements, etc. Il n'est question ici que des dépenses qui ont pour objet le service des colonies en général comme passages fournis aux frais de l'Etat, aux officiers militaires, civils et autres, conduites, remboursements de dépenses diverses, transports par terre, remplacement de vivres, effets et bâtiments perdus et naufragés, réclamations de tous les genres et autres dépenses imprévues, qu'il est impossible de classer et de spécifier, mais qu'on évalue modérément à un demi-million, à la charge d'en rendre compte au vrai dans un chapitre de dépense correspondant, ci. 500,000 1. » s. » d.
La portion du traitement du ministre de la marine et des colonies et les dépenses du bureau des colonies que les fonds de ce département doivent supporter, n'es,t employée ici que pour mémoire, étant comprise dans l'état des fonds de la marine, ci............................................ Mémoire.
chapitre de reprises.
Sur les sommes employées en recette, pertes sur l'achat des piastres et sur la négociation des lettres de change qui entrent dans les opérations du service.
Les sommes employées comme recette, pour les impositions locales de la Martinique, de la Guadeloupe, de Tabago, de Cayenne, et pour les revenus territoriaux de l'Inde, montent à environ 2 millions tournois. Les circonstances actuelles qu'il est inutile de retracer, ne permettent pas de compter sur la perception entière de celte somme et sans le compte au vrai, auquel il faudra toujours et dans tous les cas s'en tenir, on ne peut hypothétiquement compter sur un déficit de moins de 600,000 livres.
Le service de l'île de France se fait en piastres, qui d'environ 5 1.8 s. qu'elle coûtaient autrefois à Paris, sont montées à environ 7 livres, indépendamment du fret, des assurances et des intérêts d'avance, ce qui fait à peu près la perte d'un tiers, la différence étant comme de 3 à 5, la perte est plus considérable encore, surtout aux îles de France et de Bourbon, sur le tirage des lettres de change, et tout ce qu'on achète dans les colonies se ressent de cet agio.
Cette surenchère de piastres et cet agio de lettres de change calculés rigoureusement, pourraient passer 2 millions; on ne les emploie ici que pour 1,200,000 livres, pour former avec le déficit des impositions, un capital de 1,800,000 livres. Les circonstances peuvent s'améliorer, et il est doux d'espérer que cette dépense sera moindre ; alors, on demanderait moins au Trésor national ; le contraire n'est pas impossible, et alors on serait forcé de demander un supplément. Le compte au vrai fixera la véritable somme de cette dépense ; en attendant, on s'est attaché à asseoir un calcul moyen sur l'état actuel des choses, et sur les probabilités. Ce chapitre, en conséquence, sera porte à. 1,800,000 1. » s. d.
Colonies. — (Suite.)
RÉCAPITULATION.
Saint-Domingue, y compris les dépenses de France. 5,334,.120 1. 18. s. 4 d. Mémoire
La Martinique, — ..................................................1,760,629 1. 13 s. 4 d.
La Guadeloupe, — ...................................................................956,483 13 4
Sainte-Lucie,. — .....................................................591,468 16 8
Tabago, — .........................................................................458,257 6 8
Cayenne, — ................................................986,046 » »
Sénégal et Gorée, — .............................................381,041 10 »
Juda, — .........................:....................37,800
Saint-Pierre etMiquelon, — .............................................183,845 » »
Iles de France et Bourbon, — ......................................4,640,105 5 »
Pondichéry.................................................................Mémoire.
Dépenses de France, pour le service des colonies en général........................500,000 » »
Chapitres de reprises, perte sur les piastres et lettres de change, etc... 1,800,000 » »
12,295,677 1. 5 s. » d.
A déduire :
Les appointements, solde et masse, sur le pied de France, des troupes de ligne employées dans les différentes colonies, dont le département de la guerre devra verçer le montant dans la caisse de la marine;
Savoir :
Des o régiments employés à Saint-Domingue et au delà du cap de Bonne-Espérance; des 7 bataillons employés aux Iles du Vent et à Cayenne; du demi-bataillon et des deux compagnies employés au Sénégal et aux îles de Saint-Pierre et Miquelon, ci.................... 2,350,595 1. 10 s. » d.
Des 3 brigades d'artillerie employées en Amé- r rique et dans l'Inde........................... 402,024 » » )
2,752,619 10 »
Reste............... 9,543,057 1. 15 s. » d.
A Paris, le
Signé : De Bertrand.
MINISTÈRE DE LA GUERRE.
MINISTÈRE DE LA GUERRE
ÉTAT GENERAL DE LA DÉPENSE DU DÉPARTEMENT DE LA GUERRE POUR L'ANNÉE 1792.
TITRE PREMIER. — Appointements et soldes.
ARTICLE PREMIER. — INFANTERIE.
100 régiments, dont.
79 anciens Français,
12 anciens étrangers,
.............. 3 de la Garde parisienne soldée,
6 des Troupes coloniales,
Composés chacun d'un état-major et deux bataillons, chaque bataillon : d'une compagnie de grenadiers et huit de fusiliers; en tout: dix-huit compagnies.
(Lois du 21 mars 1790, 21 octobre, i février, 9 et 29 juillet 1791.)
Complets. Pied de paix..
Pied de guerre.
officiers.
60
60
sous-officiers
et soldats.
969
1,515
totaux.
1.029
1.575
NOMBRE
S 03
DETAIL
de la composition
et solde d'un régiment d'infanterie française au
pied de guerre.
15
État-major.
Colonel.....................
Lieutenant-colonel en premier. Lieutenant-colonel en second.
Adjudants-majors...........
Quartier-maître-trésorier.....
Adjudants..................
Tambours-maj ors...........
Caporal tambour............
Musiciens...................
Maîtres ouvriers, tailleur, cordonnier et armurier.......
Fourrage des quatre chevaux des officiers supérieurs...
Une compagnie de grenadiers
Capitaine..............». »..
Lieutenant.................
Sous-lieutenant............
APPOINTEMENTS
ou solde
attribués à chaque grade.
par an de 360 jours
pour les officiers et de 366 jours
pour les sous-officiers et
soldats.
par jour
1. s. d.
» » » »
» » »
1 13 4
> 18 2
» 2 6 » 13 2
» 7 6
6,000 » 4,200 » 3,600 » 1,200 » 1,400 » 610 » 332 9 228 15 240 19
137 5 270 »
1,500 » 950 » 800 »
TOTAL
par
grade collectivement
DE
d officiers.
1. s.
6,000 4,200 3,600 2,400 1,400
1,080 »
18,680
1,500 » 950 » 800 »
sous-ofliciers et
soldats.
1. s.
» »
1,220 » 332 9 228 15 1,927 12
411 15
4,120 11
Guerre. — (Suite.)
NOMBRE DÉTAIL de la composition et solde d'un régiment d'infanterie française sur pied de guerre. APPOINTEMENTS ou solde attribués à chaque grade. TOTAL il par ] grade collectivement I
a d'officiers. | 01 « h 5 ® ht 5 ë s 1 o ot (0 £3 o +» m 0 h » | par jour. par an de 360 jours pour les officiers et de 366 jours pour les sous-officiers et soldats. d'officiers. de sous-officiers et soldats.
1 2 1 4 4 48 2 Sergent-major.............. Sergents................... Caporal-fourrier............ Caporaux.................. Appointés.................. Grenadiers................. Tambours.................. Et pour les deux compagnies de grenadiers....... s. d. 19 2 16 6 12 6 11 6 9 » 8 6 10 6 1. s. 350 15 301 19 228 15 210 9 164 14 155 11 192 3 1. » » » M » » » 1. s. 350 15 603 18 228 15 841 16 658 16 7,466 8 384 6
3 62 3,250 10,634 14
6 124 6,500 21,069 8
1 1 1 » » » 1 8 1 6 6 67 2 Une compagnie de fusiliers. Capitaine.................. Sous-lieutenant............. Sergent-Major.............. Caporal-fourrier............ Appointés.................. Fusiliers................... Tambours.................. Et pour 16 compagnies de » » » » » » 18 2 14 6 11 6 10 6 8 » 7 6 9 6 1,500 » 950 » 800 >» 332 9 265 7 210 9 192 3 146 8 137 5 173 17 1,500 950 800 » » » 9 » » » » » » » » 332 9 796 1 210 9 1,152 18 878 15 9,195 15 347 14
3 86 3,250 12,913 14
48 1,376 52,000 2,000 1,800 2,800 2,000 900 206,619 4 4,120 11 21,069 8 206,619 4 » »
6 6 48 15 124 1,376 Supplément d'appointements. à 2 capitaines de la l" classe à 2 capitaines de la 2e classe à 4 capitaines de la 3" classe à 4 capitaines de la 4° classe, à 9 lieutenants délai" classe. 1,000 » 900 » 700 d 500 » 100 »
RÉCAPITULATION. Etats-major........................................... 9,500 18,680 6,500 52,000 9,500
Deux compagnies de grenadiers....................... Supplément d'appointement............................ totaux pour un régiment.................. Et pour les cent régiments d'infanterie française.......
60 1,515 86,680 2,809 3
6,000 101,500 8,668,000 23,180,915 »
.157,500 A ajouter : Le supplément de paie de trois régiments de l'armée parisienne^ raison de moitié en sus pour leur séjour a Paris, formant une somme de 159,244 1. 11 s. 6 d. par régiment et pour les trois régiments, ci............................... 1. s. d. 31,848,915 » » 477,733 14 6 32,326,648 14 6
ARTICLE SECOND § Ier
regiment des ci-devant gardes suisses.
Colonies. — (Suite.)
La loi du 13 novembre 1791 porte que ce régiment sera entretenu sur l'ancien pied jusqu'à ce qu'il ait été statué autrement sur sa destination et sur le mode de son service.
D'après les ordonnances des 1er juin 1763, Ier janvier et 18 juin 1768, ler janvier
1770 et 9 novembre 1777, ce régiment est composé de deux états-majors et de 4 bataillons;
chaque bataillon d'une compagnie de grenadiers et de 3 de fusiliers, et est payé ainsi qu'il
suit :
NOMBRE
21
TJ
en »
S en H a
fc "O
0 °
1 n œ ^
15
DÉTAIL DE LA COMPOSITION et
solde de ce régiment.
État-major du régiment.
Colonel, indépendamment de ses appointements de capitaine......................
Lieutenant-colonel — .........
Major.....................................
Aides-majors............................
Sous-aides-majors........................
Enseignes................................
Quartier-maître-trésorier..................
Adjudants................................
Maréchal des logis.......................
Aide-maréchal des logis..................
Un grand juge...........................
Un premier aumônier................ ....
Deux autres aumôniers...................
Un médecin..............................
Un chirurgien............................
Trois autres chirurgiens..................
Deux garçons chirurgiens................
Six autres garçons chirurgiens...........
Tambour-major..........................
Un auditeur général des bandes suisses...
Un secrétaire interprète...................
Un commissaire des vivres...............
Prévôts..................................
État-major de la compagnie générale.
Au capitaine, indépendamment de ses appoin
tements de capitaine-commandant.......
Un grand juge...........................
Un aumônier.............................
Un secrétaire-interprète...................
Un médecin..............................
Un chirurgien............................
Un garçon chirurgien....................
Un adjudant............................
Tambour-major..........................
Maréchal des logis.......................
Fourrier.................................
Prévôt...................................
16 musiciens.............................
APPOINTEMENTS
ou solde attribués à
chaque grade
par an de 360 jours.
1. s. d.
22,000 8,000 8,000 3,600 2,000 1,500 3,000 1,200 3,000 650 1,200 720 600 1,200 2,000 1,600 400 300 800 2,400 1,200 1,200 162
3,000 »
1,200 »
1,200 »
1,200 »
1,200 »
2,280 »
400 »
1,200 »
600 »
1,200 »
1,200 »
162 »
1,066 13
TOTAL PAR GRADE
collectivement
d'officiers.
1. s.
22,000 » 8,000 » 8,000 » 14,400 10,000
12,000 » 3,000 » 4,800 »
» » » »
9 » » »
» » » »
82,200 »
3,000
»
» »
3,000 »
de
sous-ofûciers et
soldats.
1. s.
» » » n » »
3,000 » »
650 » »
1,200 » »
760 » »
21,200 » »
1,200 » »
2,000 » »
4,800 » »
800 » »
1,800 » »
800 » »
2,400 » »
1,200 » »
1,200 » »
1.296 » »
24,306
1,200 »
1,200 »
1,200 »
1,100 »
2,280 »
400 »
1,200 »
600 »
1,200 »
1,200 »
162 »
17,066 13
28,908 13 4
Colonies. — (Suite.)
NOMBRE
16
6 55
61
m (S
g m
y «
© & 2 -o fc o
V r«
1 1 1 4 4 40 1
52
208
\ 1 4 2 12 12 132 6
170 1,870
2,040
DÉTAIL DE LA COMPOSITION et
solde de ce regiment.
Une compagnie de grenadiers
Capitaine..........................
Premier lieutenant.................
Second lieutenant...................
Sous-lieutenant...................
Premier sergent...................
Second sergent.. .................
Fourrier..........................
Caporaux.......................
Appointés.........................
Grenadiers ) .. .__
Tambour ( 41 hommes...........
Et pour les quatre compagnies de grenadiers.
Compagnie générale.
Capitaine...............
Premier lieutenant......
Second lieutenant. Premier sous-lieutenant. Second sous-lieutenant..
Enseigne...............
Premier sergent........
Second sergent.........
Autres sergents........
Fourriers...... .......
Caporaux..............
Appointés. Fusiliers
Tambours
138 hommes.
Totaux.
APPOINTEMENTS
ou solde attribués à
chaque grade
par an de 360 jours.
6,000 2,400 2,000 1,800 526 492 396 288 252
180
6,000 2,400 2.000 1.800 1,500 1,500 540 432 396 324 252 216
162
Et pour les 11 compagnies de fusiliers qui sont composées
de même, à l'exception qu'il n'y a pas d'enseigne. ........
Au capitaine commandant de la compagnie générale.....
Au capitaine commandant de la compagnie lieutenant-colo-nelle....................................................
Logements des officiers ci-apres, résidant à Paris.
Au major, à raison d'un mois de ses appointments de 8,000 livres Aux 4 aides-majors, a raison aussi d'un mois de leurs appointements sur le pied de 3,600 livres faisant pour chacun
300 livres et pour les 4..................................
Aux 5 sous-aides-majors, à raison aussi d'un mois de leurs appointements, sur ie pied de 2,000 livres, faisant pour
chacun 166 1. 13 s. 4 d. et pour les 5....................
Aux 2 enseignes résidant à Paris, à raison, idem, sur le pied de 1,500 livres faisant pour chacun 125 livres et pour les 2.. Aux 2 adjudants résidant aussi à Paris, à raison idem, sur le pied de 1,200 livres, faisant pour chacun 100 livres et pour les 2....................................................
TOTAL PAR GRADE
collectivement
d'officiers.
1. s. d.
6,000 » »
2,400 » «
2,000 » »
1,800 » »
» » »
» » »
6,000 2,400 2,000 1,800 1,500
1,500 »
» » » »
173.100
12,200 » »
48,800 » »
15.200 » »
150,700 » » 3,600 » »
3,600 » »
666 13 4
1.200 » »
833 6 8
250 » »
200 » »
de
sous-officiers, et
soldats.
576 492 396 1,152 1,008
7,880
11,004
44,016
540 432 1,584 648 3,024 2,592
22,356
31,176
342,936
374,112
3,150 » »
Colonies. — (Suite.)
nombre
S S
O bT) •u fc'o
P ©
21
16 61
.15 4 208 2,040
DÉTAIL DE LA COMPOSITION et
solde de ce regiment.
Gratifications, pensions et suppléments d'appointements et de solde.
Gratification aux 4 compagnies de grenadiers' Auxdits capitaines de grenadiers, pour remplacements de grenadiers..................
Supplément de solde aux sergents du régiment pour leur tenir lieu d'une demi-livre
ae tabac.......:..........................
Supplément d'appointements et de solde à un officier et 4 sergents dudit régiment, détachés à Belfort pour les recrues............
Supplément au sergent-maj or dudit régiment. Pensions des 10 premiers lieutenants du
régiment..................................
Pensions des adjudants et sergents dudit régiment.....................................
Répartition de la pension du sieur Mahé, lieutenant-colonel dudit régiment, distribuée
à différents officiers.....................
Gratifications aux officiers dudit régiment et des régiments d'infantérie suisse et grisonne, qui ont perdu leurs compagnies, par l'ordonnance de 1763, concernant la nouvelle composition des régiments de cette nation.
Traitement des officiers supérieurs.
Appointements du colonel général........
Au colonel, chargé du détail............
Au même; supplément de traitement.....
Au même ; supplément des traitements en considération de ses services, et pour lui donner moyen de les continuer..............
Au lieutenant-colonel...................
Au major.............................
appointements
ou solde attribués à
chaque grade
par an de 360 jours.
1.
2,000 2,000
24.000
8;ooo
6,000
TOTAL PAR GRADE
collectivement
Masses.
Masse de l'habillement pour 2,325 hommes des compagnies, y compris leurs officiers seulement, à 84 livres chacun. 195,3001. Masse des réparations journalières, pour les
mêmes 2,325 hommes, à 10 livres............... 23,250
Frais de recrues et rengagements............. 132.000
350,5501.
RECAPITULATION
Etat-major du régiment...............................
Etat-major de la compagnie générale...................
4 compagnies de grenadiers...........................
12 compagnies de fusiliers............................
Logement des officiers résidant à Paris................
Gratifications, pensions et suppléments d'appointements et
de solde................................................
Traitement des officiers supérieurs....................
Masses.................................................
Appointements du commissaire des guerres, chargé des revues du régiment.....................»........................
Total.
d'officiers.
1.
8,000 8,000
7,000
6,200
12,000
41,200
74,088 38,000
8,000 10,000
130,088
82,200 3,000 48,800 173,100 3,150
41,200 130,088
481,538
de
sous-officiers et
soldats.
L s. d,
» » »
S » »
16,416 » *
1,632 » »
400 » »
» » n
4,000 » »
J> » »
» » »
22,448 » »
24,306 » »
28,908 13 4
44,016 » »
374,112 » »
22,448 » *
493,790 13 4
975,328 1. 13 s. 4 d. 350,550 » »
4,000 J» » »
1,329,878 1. 13 s. 4 d.
Colonies. — (Suite.)
§ II
infanterie suisse et grisonne.
11 régiments de 2 bataillons, composés du même nombre de compagnies que dans l'infanterie française.
(Loi du
NOMBRE
12
© 2
1 2 4 4 40 1
52
104
DETAIL
de la composition
et solde
d'un régiment d'infanterie
suisse et grisonne.
État-major.
Colonel......................
Lieutenant-colonel..........
Major........................
Aides-majors, avec rang de capitaine.....................
Nota. — Ceux qui n'ont rang que de lieutenant n'ont que 1,560 livres.
Sous-aides-majors............
Quartier-maître...............
Porte-drapeaux...............
Tambour-major) , . , . Prévôts (Ice • pied de
Garçons chirur-f366 J0Urs Pour giens cmrur j l'année 1792.
Un chirurgien major.........
Un aumônier.................
Un ministre..................
Fourrages des 4 chevaux des officiers supérieurs........ ...
APPOINTEMENTS
ou solde
attribués à chaque grade.
par an de 360 jours
pour les officiers, sous-officiers et soldats.
par jour.
1. s. d.
1 13 » 10
» 10
52 hommes, sur le pied de 360jours par chaque année............
Une compagnie de grenadiers.
ipour appointements par
an.................................4,200 1.
pour frais de compagnie,
par an............................1,500
Lieutenant................................
Sous-lieutenant...........................
Fourrier Sergents Caporaux Appointés Grenadiers! Tambour
Et pour les deux compagnies de grenadiers.
Une compagnie de fusiliers.
!pour appointements par
an..................................3,600 1.
Pour recrues, rengagements et frais de compagnie............................3,200
A reporter.................
12,000 3,000 6,600
1,800
1,200 1,200 600
610 183 183
2,160 1,200 1,200
270
5,700
1,560 1,200
259
6,800
6,800
TOTAL
par
grade collectivement
d officiers.
12,080 3,000 6,600
8,600
2,400 1,200 600
2,160 1,200 1,200
1,080
36,840
5,700
1,560 1,200
8,460
16,920
6,800
6,800
de
sous-officiers et soldats.
610 732 732
2,074
13,468
13,468
26,935
Guerre. — (Suite.)
NOMBRE
DÉTAIL DE LA COMPOSITION et solde d'un régiment d'infànterie suisse et grisonne.
appointements ou solde attribués à chaque grade par an de 360 jours pour les officiers, sous-officiers et soldats. TOTAL par grade collectivement
d'officiers. ) de sous-officiers1 et soldats. ) d'officiers. DE sous-officiers et soldats.
1 1 1 3 6 6 38 2 Report......................... Lieutenant................................ Sous-lieutenant.......................... Fourrier \ Sergents 1 Caporaux F 54 hommes, sur le pied de360jours Appointés! par chaque année............. Fusiliers \ Tambours j 1. 6,800 1,440 1,152 246 1. 6,800 1,440 1,152 » 1. » » » 13,284
3 54 9,392 13,284
■18 864 Et pour les 16 compagnies de fusiliers.... 150,272 212,544
12 6 48 9 104 864 Suppléments d'appointements. A 2 capitaines de fusiliers de la première classe, à chacun 600 livres, ci............................................. 1,200 » » 36,840 » » 16,920 » » 150,272 » » 1,200 » » » » » 2,074 » » 26,936 » » 212,544 » » » » »
RÉCAPITULATION pour un régiment suisse ou grison. État-major..............................................
2 compagnies de grenadiers.............................. 16 compagnies de fusiliers............................... Supplément d'appointements............................. Et pour les 11 régiments suisses et grisons.............. A quoi il faut ajouter : 1° Pour les régiments d'Ernest et Steiner conformément à leurs capitulations et à l'article 34 de l'ordonnance du 10 mai 1764, une somme annuelle de 10,000 livres à chacun, pour être distribuée en gratifications aux officiers dudit régiment qui se trouveront dans le cas de se retirer, ci.............. 2* Pour la retenue des 4 deniers pour livre sur toutes les sommes payées au régiment de Steiner, dont le produit était remis, lorsque cette retenue avait lieu, en vertu de l'article 25 de la capitulation dudit régiment et de l'article 58 de l'ordonnance du 10 mai 1764, au canton de Zurich, pour en faire la distribution aux sous-offiûiers et soldats invalides, et dont valeur, depuis que cette retenue est abolie, doit également être remise audit canton, ci........................ Nota. — Comme le régiment de Steiner n'a pas d'aumônier, le montant de ses appointements et solde se réduit à............................ 445,586 1. » s. » d. dont les 4 deniers pour livre sont, comme ci-dessus, de................. 7,426 8 8 A reporter................
66 977 205,232 » » 241,554 » »
72 6 11 10,447 483 2,257,552 » » 20,000 » » 7,426 8 8 2,284,978 8 8 2,657,094 » » j» a » » » 9 2,657,094 » »
Colonies. — (Suite.)
NOMBRE
DETAIL DE LA COMPOSITION et solde
d'un régiment d'infanterie
suisse et grisonne.
Reports........................................
3® Pour la gratification de 1,800 livres par an qui était assignée à chacun des 10 autres régiments suisses et grisons, par les précédentes ordonnances, sur le fonds des 4 deniers, et qui doit à l'avenir leur être payée sur les fonds ; ci, pour les 10 régiments..............................................
4° Gratifications dont jouissaient, à l'époque du lor mai 1789, quelques officiers supérieurs des régiments suisses et grisons qui commandent leurs corps pendant les hivers, et à qui elles ont été conservées par les lois des 18 août, 5 octobre et 10 novembre 1790, jusqu'au renouvellement des capitulations de la France avec la nation suisse, ci.....................
A déduire :
Au régiment de Courten, qui n'a pas de ministre 1,200 1.
Au régiment d'Ernest, qui n'a pas d'aumônier.. 1,200
Et au régiment de Steiner, qui est aussi sans aumônier...................................... ............1,200
Reste en dépense annuelle pour les 11 régiments suisses ou grisons..........................................1........
TOTAL
par
grade collectivement
d officiers.
1. s. d. 2,284,978 8 8
18,000 »» »
9,500 » »
2,312,478 8 8
3,600 »» »
2,328,878 8 8
de
sons-officiers et soldats.
1. s. d 2,657,094 » »
2,657,094 >.
2,637,094 » »
4,965,972 1. 8 s. 8 d.
article troisième.
Colonies. — (Suite.)
ARTICLE TROISIEME. infanterie légère.
chasseurs.
14 bataillons, dont 2 formés de la garde soldée de Paris, composés chacun de 8 compagnies.
(Lois des 21 octobre, 9 juillet, 28 août 1791.)
Complet.
Pied de paix ... Pied de guerre.
officiers.
28
28
soos-officiehs et chasseurs.
429
693
totaux.
457
721
NOMBRE
24
1 3 1 6 6 67 2
86
688
DETAIL
de la composition
et solde d'un bataillon d'infanterie légère au
pied de guerre.
État-major.
Premier lieutenant-colonel Second lieutenant-colonel
sorier
Qu ar tier-maître-tre Aujudant-major,
Adjudant.......
Tambour-major. Maîtres ouvriers Fourrages des 3 officiers supé rieurs pour leurs chevaux
Une compagnie.
Capitaine-.......
Lieutenant.......
Sous-lieutenant. Sergent-major..
Sergents........
Caporal-fourrier.
Caporaux.......
Appointés.......
Chasseurs......
Tambours......
Et pour 8 compagnies.
APPOINTEMENTS
ou solde
attribués à chaque grade.
par an de 360 jours
pour les officiers et de 366 jours pour les sous-officiers et
soldats.
par jour.
1. s.
» » » » » » 9 » »
» »
1 13 >» 18 » 8
» » » » » »
» 18 » 15 » 12 » 11 » 8 » 8 « 10
s.
5,000 »
3,600 »»
1,400 >»
1,200 »
610 »
341 12
146 8
270 »»
1,500 »» 950 » 800 » 341 12 274 10 219 12 201 6 155 11 146 8 183 »
TOTAL
par
grade collectivement
d'officiers.
1. .s.
5,000 3,600 1,400 1,200
810 »
12,010 »
1,500 950 800
3,250
26,000 »
de
sous-officiers et soldats.
1. s.
» »
» »
» 9
1) »
610 9
341 12
439 4
1,390 16
341 12 823 10 219 12 1,207 16 933 6 9,808 16 366
13,700 12
109,604 16
Guerre. —
(Suite.)
NOMBRE
4 24
28
392
2 "o
5 688
693
9,702
10,094
DETAIL DE LA COMPOSITION et solde
d'un régiment d'infanterie légère au pied de guerre.
Suppléments d'appointements.
Au capitaine de la lr* classe...
Au capitaine de la 2e classe........
A 2 capitaines de la 3e classe.......
A 2 capitaines de la 4" classe.......
A 4 lieutenants de la lr* classe.....
APPOINTEMENTS
ou solde
attribués
à chaque grade par an
de 360 jours
1,000 900 700 500 100
RÉCAPITULATION]
Etat-major..........................................
8 compagnies...........................................
Suppléments d'appointements...........................
Total pour un bataillon.....
Et pour 14 bataillons..................................
A ajouter :
Le supplément da paye de 2 bataillons de la garde parisienne soldée, pendant leur séjour à Paris, à raison de moitié en sus, formant une somme de 76,862 1. 16 s. et pour les 2 bataillons, celle de........................
Total général.
TOTAL
par
grade collectivement
de
sous-officiers
et
soldats.
d officiers.
1,000 900 1,400 1,000 400
4,700
J.
12,010 26,000 4,700
42,710
597,940
I. s.
1,390 16 109,640 16
110,995 12 »
1,553,938 4
2,151,878 1. 4 s.
153,705 12
2,305,583 L 16 s.
Article quatrième.
Colonies. — (Suite.)
ARTICLE QUATRIÈME. — troupes a cheval.
2 de carabiniers
62 régiments, dont
24 de cavalerie 18 de dragons 12 de chasseurs 6 de hussards
' (Lois des 21 octobre, 4 février et 9 juillet 1791.) § 1er. carabiniers. Deux régiments, composées chacun de 4 escadrons.
Complet.
Pied de paix... Pied de guerre.
officiers.
86
36
sous-officiers
et carabiniers.
545
689
totaux
581
725
NOMBRE
S è
m
a «8
Ag
o
n a?
4 li"
4
32
1 2 1 4 4
72 1
85
680
9 680
Colonel....................
Lieutenant-colonel en premier Lieutenant-colonel en second Quartier-maître-trésorier.. .
\djudants..................
Trompette-major............
Maître maréchal............
Maître sellier..........*.....
Maîtres ouvriers, tailleur, bot tier et culottier...........
DETAIL
de la composition et solde
d'un régiment de carabiniers au pied de guerre.
Etat-major.
Une compagnie.
Capitaine....................
Lieutenant...................
Sous-lieutenant...............
Maréchal des logis en chef... Maréchaux des logis ordinaires
Brigadier-fourrier............
Brigadiers...................
Appointés...................
Carabiniers..................
Trompette..................
Et pour 8 compagnies.
Supplément d'appointements.
A 2 capitaines de la lr* classe A 2 capitaines de la 2* classe.
APPOINTEMENTS
ou solde
attribués à chaque grade.
par an de 360 jours pour les offleiers et de 366 jours
pour les sous-officiers et carabiniers.
par jour.
s.
1 14 4 1 » 2 » 18 10 » 18 10
» 9 10
» » »
» » »
» » »
1 » 2
» 18 2
» 14 6
» 12 6
», 10 4
» 9 10
» 17 2
TOTAL
par
grade collectivement.
1. s.
6,000 >» 4,400 » 3,800 » 1,400 » 628 6 369 1 344 13 344 13
179 19
2,000 »
1,200 »
1,000 »>
369 1
332 9
265 7
228 15
189 2
179 19
314 3
d'officiers.
6,000 4,400 3,800 1,400
15,600
2,.000 1,200 2,000
5,200
41,600
700 500
RECAPITULATION
Etat-major........................................,
Huit compagnies..................................
Supplément d'appointements........................
Totaux par régiment
Et pour les deux régiments de carabiniers.........
Total général.......
1,400 1,000
2,400
15,600 41,600 2,400
59,600
119,200
de
sous-officiers
et
carabiniers.
1. s.
1,256 12 369 1 344 13 344 13
719 16
3,034 15
» »
9 »
» »
369 1 664 18
265 7
915 »
756 8
12,958 8
314 3
16,241 5
129,930 »
3,034 15 129,930 »
132,964 15
265,929 10
385,129 1. 10 s.
Colonies. — (Suite.)
§ II.
cavalerie.
24 régiments de 3 escadrons.
Complet. Pied de jpaix.....
Pied de guerre.
OFFICIERS.
28
28
socs-officiers
et cavaliers.
411
519
totaux.
439
547
NOMBRE
24
4
24
28 "672"
13,128
1 2 1 4 4 72 1
85 510
9 510
519 12,456
DETAIL
de la composition
et solde
d'un régiment de cavalerie
au pied de guerre.
État-major.
Colonel..................
Lieutenant-colonel en premier Lieutenant-colonel en second Quartier-maître trésorier....
Adjudants................ .
Trompette-major............
Maître maréchal............
Maître sellier...............
Maîtres ouvriers............
Une compagnie.
Capitaine....................
Lieutenant...................
Sous-lieutenant...............
Maréchal des logis en chef.... Maréchaux des logis ordinaires,
Fourrier-brigadier............
Brigadiers....................
Appointés....................
Cavaliers.....................
Trompette....................
Et pour six compagnies.......
Supplément d'appointements.
A un capitaine de la lr classe.. A deux capitaines de la 2e classe.
APPOINTEMENTS
ou solde
attribués à chaque grade.
par an de 360 jours
pour les officiers
et de 366 jours pour les sous-ofQciers et
cavaliers
par jour.
1. s. d.
1. s.
» » » 6,000 »
» » » 4,400 »
» » » 3,800 »
» » » 1,400 »
1 13 4 610 »
» 19 2 350 15
» 17 10 326 7
» 17 10 326 7
8 10 161 13
» » 2,000 »
» » X) 1,200 »
» » » 1,000 »
» 19 2 350 15
» 17 2 314 3
» 13 6 247 1
» 11 6 210 9
» 9 4 170 16
» 8 10 161 13
» 16 2 295 17
» » » » »
700 » 500 »
RECAPITULATION
Etat-major..............................................
Six compagnies formant trois escadrons..................
Supplément d'appointements.............................
Totaux pour un régiment de cavalerie.
Et pour les 24 régiments de cavalerie...................
TOTAL
par
grade collectivement
de
sous-officiers
et
cavaliers.
d officiers.
6,000 4,400 3,800 1,400
15,600
2,000 1,200 2,000
5,200
31,200
700 1,000
1,700
15,600 31,200 1,700
48,500
1,164,000
1. s.
1,220 x»
350 15 326 7 326 7 646 12
2,870 1
350 15 628 6 247 1 841 16 683 4 11,638 16 295 17
14,685 15
88,114 10
2,870 1 38,114 10
90,984 11
2,183,629 4
3,347,629 1. 4 s.
Guerre. — (Suite.)
§ III. dragons.
18 régiments de 3 escadrons.
Complet. Pied de paix..,
Pied de guerre.
officiers.
28
28
sous-officiers
et dragons.
411
519
totaux.
439
547
NOMBRE
4
"24"
504
1 2 1 4 4 72 1
85
510
519 9,342
9,846
DETAIL
de la composition
et solde
d'un régiment de dragons
au pied de guerre
Etat-major.
Colonel......................
Lieutenant-colonel en premier. Lieutenant-colonel en second.
Quartier-maître trésorier......
Adjudants....................
Tambour-major..............
Maître maréchal.........
Maître sellier.................
Maîtres ouvriers.............
Une compagnie.
Capitaine....................
Lieutenant...................
Sous-lieutenants..............
Maréchal des logis en chef... Maréchaux des logis ordinaires.
Fourrier-brigadier.........»..
Brigadiers...................
Appointés....................
Dragons.....................
Trompette...................
Et pour six compagnies.
Supplément d'appointements
A un capitaine de lai" classe. A deux capitaines de la 2" classe.
APPOINTEMENTS
ou solde
attribués à chaque grade.
par an de 360 jours
pour les officiers et de 366 jours pour les sous-officiers et
dragons.
par jour.
1. s. d
» » 6,000 »
» » 4,400 »
» » 3,800 »
» » 1,400 »
13 4 610 »
19 2 350 15
17 10 326 7
8 6 326 7
» a 155 11
» » » 2,000 »
» » 1,200 »
» » » 1,000 350 »
» 19 2 15
s 12 2 314 3
» 13 6 247 1
» 11 6 210 9
» 9 » 164 14
» 8 6 155 11
» 16 2 195 17
700 500
RÉCAPITULATION
Etat-major.................................
6 compagnies formant trois escadrons......
Supplément d'appointements................
Totaux pour un régiment...,
Et pour 18 régiments de dragons.......
Total général.
TOTAL
par
grade collectivement
d officiers.
6,000 4,400 3,800 1,400
15,600
2,000 1,200 2,000
5,200
31,200
700 1,000
1,700
15,600 31,200 1,700
48,500
873,000
de
sous-officiers
et
soldats.
1. s.
» »
» »
» »
» »
1,220 »
350 15
326 7
326 7
622 4
2,845 13
850 15 628 6 247 1 841 16 658 16 11,199 12 295 17
14,222 3
85,332 18
2,845 13 85,332 18
88,178 11
1,587,213 18
2,460,213 1. 18 s.
Guerre. — (Suite3
§4.
HUSSARDS ET CHASSEURS.
18 régiments, dont 6 de hussards et 12 de chasseurs, composés chacun de 4 escadrons.
COMPLET.
Pied de paix... Pied de guerre.
OFFICIERS
36
SOUS-OFFICIERSv
hussards et chasseurs
544
588
TOTAUX
580
724
NOMBRE
4 32
36
m 3 K o> H te
« en «
b. -g
h ° O
• 4)
03
É3 ta O X)
(0 s-«
H W Q CD
3
4
1 2 1 4 4 72 1
85
680
648
13,032
DÉTAIL DE LA COMPOSITION et
solde d'un régiment
de hussards ou de chasseurs au
pied de guerre.
Êtat-major.
Colonel................ ......
Lieutenant-colonel en premier Lieutenant-coloneî en second..
Quartrer-maître trésorier......
Adjudants....................
Trompette-major..............
Maître maréchal...............
Maître sellier.................
Maîtres ouvriers.............
Totaux.
Une compagnie.
Capitaine.....................
Lieutenant...................
Sous-lieutenants..............
Maréchal des logis en chef.... Maréchaux des logis ordinaires.
Fourrier-brigadier............
Brigadiers.................
Appointés..................
Hussards ou chasseurs.......
Trompette....................
Totaux.........
Et pour six compagnies.......
Supplément d'appointements.
A deux capitaines delà lr,classe A deux capitaines delà 2e classe
Total.......
APPOINTEMENTS
ou solde
attribués à chaque grade
par an de 360 jours
pour les officiers et de 366 jours
pour les sous-officiers chasseurs et
hussards.
par jour
1. s. d.
13 19
17 10 17 10 8 6
19 2
17 2
13 6
11 6
9 »
8 6
16 2
1. s.
6,000 » 4,400 » 8,800 » 1,400 » 610 » 350 15 326 7 326 7 155 11
2,000 » 1,200 » 1,000 >» 350 15 314 3 247 1 210 9 164 14 155 11 295 17
700 » 500 »
680
688
12,384
RECAPITULATION d'un régiment de hussards ou de chasseurs.
Etat-major................................................
Huit compagnies, formant quatre escadrons...............
Supplément d'appointements..............................
Totaux pour un régiment.................................
Et pour les 18 régiments, tant de hussards que de chasseurs.
TOTAL PAR GRADE
collectivement
de
sous-officiers
hussards et chasseurs
d'officiers.
6,000 4,400 3,800 1,400
15,600
2,000 1,200 2,000
5,200
41,600
1,400 1,000
2,400
15,600 41,600 2,400
59,600
1,072,800
1.
s.
1,200 » 350 15 326 7 326 7 466 13
2,690 2
350 15 628 6 247 1 841 16 658 » 11,119 12 295 »
14,222 3 113,777 4
2,690 2 113,777 4
116,467 6
2,096,411 8
3,169,211 1. 8 s. » d.
RÉCAPITULATION DES TROUPES A CHEVAL
2 régiments de carabiniers...........................................'....... 385,129 1. 10 s.
24 régiments de cavalerie..........................................................................3,347,629 4
18 régiments de dragons............................................................................................................2,460,213 18
18 régiments, dont 6 de hussards et 12 de chasseurs......................................................3,169,211 8
Total................9,362,184 »
Colonies. — (Suite.)
ARTICLE CINQUIÈME.
corps royal de l'artillerie
i 7 régiments de canonniers. I 6 compagnies de mineurs.
Dont.... 10 compagnies d'ouvriers. | Service des places. V Officiers employés.
(Lois des 15 décembre 1790, 27 mai et 9 juillet 1791.)
régiments d'artillerie
Chaque régiment composé d'un état-major et de deux bataillons; chaque bataillon de 10 compagnies;
en tout 20 compagnies.
COMPLET. OFFICIERS SOUS-OFFICIERS TOTAUX
et canonniers
Pied de paix................................. 90 1,117 1,207
Pied de guerre............................... 90 1,517 1,607
NOMBRE
10
17
DETAIL DE LA COMPOSITION et
solde d'un régiment
d'artillerie au
pied de guerre.
de la lr .....là' 2'
Etat-major.
Colonel.............
Lieutenants-colonels
classe................
Lieutenants-colonels de
classe......................
Quartier-maître trésorier.......
Adjudants-majors.............
Adjudants....................
Tambour-major...............
Musiciens....................
Caporal-Tambour.............
Maîtres-tailleur, armurier et cordonnier.....................
Fourrages des huit chevaux des officiers supérieurs..........
Totaux.
APPOINTEMENTS
ou solde
attribués à chaque grade
par jour.
1. s. d.
» » »
» » »
» » »
» » »
» » »
2 » »
1 11 2
» 14 »
» 16 10
» 8 6
» s »
par an de 360 jours
pour les officiers et de 36(3jours
pour les sous-officiers et
canonniers. *
1. s.
6,000 » 4,200 »
3,600 »
1,500 »
1,500 »
732 »
570 7
256 4
308 1
155 » 270 »
TOTAL PAR GRADE
collectivement
de
sous-officiers et
canonniers.
d'officiers.
6,000
8,400
14,400 1,500 3,000
2,160
35,460
2,928 » 570 7 2,049 12 368 1
466 13
6,322 »»
Colonies. — (Suite.)
NOMBRE
W
os
» M
10 80
90
630
1,500
11,249
DETAIL DE LA COMPOSITION et
solde d'un régiment d'artillerie au
pied de guerre.
Une compagnie.
1 4 1 4 4 24 36 1
Capitaines....................
Lieutenants...................
Sergent-major.................
Sergents .....................
Caporal-fourrier..............
Caporaux.....................
Appointés....................
Premiers canonniers..........
Seconds canonniers...........
Tambour.....................
Suppléments à 8 canonniers,dont 4 ouvriers et 4 artificiers....
Totaux..........
Et pour les 20 compagnies.
Supplément d'appointements.
Au commandant du corps.....
A 4 capitaines de la 1" classe. A 8 capitaines de la 2* classe. A 8 capitaines de la 3e classe. A 8 capitaines de la 4e classe. A 10 lieutenants de la 1™ classe. A 10 lieutenants de la 2" classe.
APPOINTEMENTS
ou solde
attribués à chaque grade
par an de 360 jours
. pour les officiers et de 3o6 jours
pour les sous-officiers et
canonniers.
par jour.
1. s. d.
» » » »
2
1 11 12» » 16 10 » 15 10 » 12 10 » 10 10 » 8 6 » 10 10
1 » »
17 1,500
1,517 10,619
1. s.
1,600 » 1,000 » 570 7 402 12 308 1 289 15 234 17 198 5 155 11 198 5
18 6
1,200 »
1,200 »
1,000 »
800 »
400 »
200 »
100 »
RÉCAPITULATION.
Etat-major........................................
20 compagnies...............................
Supplément d'appointements.......................
Total pour un régiment..................
Et pour les 7 régiments d'artillerie..... .........
Total général
TOTAL PAR GRADE
collectivement
de
sous-officiers et
canonniers.
d'officiers.
3,200 2,000
5,200
104,000
1,200 4,800 8,000 6,400 3,200 2,000 1,000
26,000
35,460 104,000 26,060
166,060
1,162,420
1. s.
570 7
1,610 8
308 1
1,159 »
939 8
4,758 »
5,599 1
198 5
146 8
15,289 13
305,793 »
6,322 13 305,793 »
312,115 13
2,184,809 11
3,347,229 1. 11 s. » d.
Colonies. — (Suite.)
§ II
MINEURS compagnies.
NOMBRE
30
16 24 1
63
63
31 378
409
DÉNOMINATION.
Une compagnie.
Capitaines.........
Lieutenants.........
Sergent-major........
Sergents..............
Caporal-fourrier.......
Caporaux.............
Appointés.............
Mineurs...............
Apprentis-mineurs.....
Tambour.............
APPOINTEMENTS
ou solde
attribués à chaque grade
par an de 360 jours
pour les officiers
et de 366 jours pour le sous-officiers et
mineurs.
par jour.
1. s. d,
Total pour une compagnie.
Et pour les 6 compagnies de mineurs......
(pour appointements. 1,5001.
Adjudant-major
» » 1,600 »
» » 1,000 »
11 570 7
2 » 402 12
16 10 308 1
15 10 289 15
12 10 234 17
11 10 216 11
9 » 164 14
10 10 198 5
(frais de bureaux.... 300
1,800 »
Supplément d'appointements.
A 1 capitaine de la première classe.......................1,200 L
A 5 capitaines de la seconde classe..................5,000
A 3 capitaines de la troisième classe........................1,200
A 3 lieutenants de la première classe........... 600
A 3 lieutenants de la seconde classe............. 300
Totaux pour les six compagnies..
Total général..........
TOTAL
par
grade collectivement.
f————
d officiers.
3,200 3,000
6,200
37,200 1,800
8,300
47,300
de
sous-officiers
et
mineurs.
» »
» »
570 7
1,610 8
308 1
2,318 »
1,878 16
3,464 16
3,952 16
198 5
14,301 9
85,800 14
85,808 14
133,108 1. 14 s.
gcerre. — (Suite.)
§111 OUVRIERS 10 compagnies.
40
55
550
500
NOMBRE DÉTAIL de la composition et 6olde d'une compagnie d'ouvriers. au pied de guerre. APPOINTEMENTS ou solde attribués à chaque grade.
d'officiers. de sous-officiers 1 et ouvriers. pab jour. par an de 360 jours pour les officiers et de 366 jours pour les sous-ofûciers et ouvriers.
1. s. d. 1. s.
Une compagnie.
2 m » » 1,600 »
2 Lieutenants................. » » » 1,000 »
1 Sergent-major.............. 1 17 10 692 7
4 Sergents.................... 1 2 » 402 12
1 1 » 4 372 2
4 Caporaux................... » 19 4 353 16
4 » 17 4 317 4
12 Ouvriers.................... » 16 4 298 18
12 Ouvriers de la seconde classe. » 13 4 244 »
16 » 11 4 207 8
1 » 10 10 198 5
Totaux pour une compagnie....
Et pour 10 compagnies.
Supplément d'appointements.
A 2 capitaines de la 1" classe à....... 1,200 1. 2,400 1.
A 8 capitaines de la 2« classe à........ 1,000 8,000
A 5 capitaines de la 3* classe......... 400 2,000
A 5 lieutenants de la 1" classe......... 200 1,000
A 5 lieutenants de la 2» classe......... 100 500
TOTAL
par
grade collectivement.
de
sous-ofûciers et
ouvriers.
d officiers.
3,200 2,000
5,200
52,000
13,900
65,900
1. s.
» »
692 7 1,610 » 372 2 1,415 4 1,268 16 3,586 16 2,928 » 3,318 8 198 5
15,390 6
153,903
153,903 t
219,803 1.
Guerre. — (Suite.)
§ IV.
APPOINTEMENTS DES OFFICIERS D'ARTILLERIE attachés au service des places.
Il doit être attaché 115 officiers d'artillerie au service des places et établissements d'artillerie.
H g
K H
CQ 3
o h
31
31
53
115
42
157
DÉNOMINATION.
APPOINTEMENTS
attribués à
chaque grade, par an de
360 jours.
Appointements par an... 7.000 1. ( 8 jouissant cha-\ Frais de tournées, de bu-
Colonels, dont..,
9 jouissant cha-y cun...........
14 jouissant chacun...........
Lieutenants-colo-i nels........
cun.
reaux, de secrétariat, etc. 2.000
Fourrages .............. 540
Appointements.......... 6.000
Frais et tournées, etc.... 2.000
Fourrages'.............. 540
Appointements.......... 5.000
Frais et tournées....... 2.000
Fourrages.............. 540
Appointements par an... 4.000
Fourrages.............. 270
Appointements par an... 3.000
270
Capitaines, dont.^
7 aux appointements de.
4 idem.................
14 idem.................
18 idem................
Élèves sous-lieutenants. Élèves sous-lieutenants......................
liv. 9,540
8,540
7,540
4,270
3,870
2,800 2,600 2,400 2,000
800
Guerre. —
(Suite).
§ v.
EMPLOYÉS POUR LE SERVICE DE L'ARTILLERIE DANS LES PLACES D'après l'état adressé à l'Assemblée nationale, le 1" décembre 1791.
nombre
d employes
1 10
7 9 1
14. 7
129
39 6
46 5 10
10 7 2
313
denomination.
Écoles.
Examinateur, y compris ses frais de voyage, à..
j g à
Professeurs de mathématiques...........j -
Sous-professeurs de mathématiques, à.,
Professeurs de dessin, à................
idem .de fortifications, à.........
Conducteurs de charrois, à.............
Artificiers, à..........................
Arsenaux.
Garde-magasins, dont.........
4 à. 16 à. 26 à. 83 à.
19 à.
20 à.
Gardiens, dont...........;............
S 4 à 2 à
5 chefs, à.............
Ouvriers d'État...] 15 de première classera, 26 de seconde classe, à.,
Armuriers, à.
!1 chef, à.....
1 sergent, à.. 8 bateliers, à.
Caissiers d'arsenaux, à. Portiers, idem, à......
Manufactures.
Contrôleurs, dont...
Réviseurs, à.......
Aumôniers, dont... A reporter.
( 3 à. '{ 7 à.
\ 1 è '} 1 à
appointements
par an.
livres.
5,500
3,000 2,000
1,200 1,200 2,400 900 900
1,500 1,200 1,000 800
300 150
600 480
1,200 600 480
600
900 600 450
650 450
1,800 1,200
800
600 300
total.
livres.
5,500
27,000 2,000
8,400 10,800 2,400 12,600 6,300
6,000 19,200 26,000 66,400
5,700 3,000
2,400 960
6,000 9,000 12,480
3,000
900 600 3,600
3,000 2,250
5,400 8,400
5,600
600 300
total
general.
livres.
75,000
170,490
20,300
265,790
Guerre. — (Suite).
NOMBRE
d employes
313
326
DENOMINATION.
APPOINTEMENTS
par an.
Report........................
Fonderies.
Commissaires des fontes, à................ .
Contrôleurs, à.........................
Ouvriers dont \ 4 de Première classe à ouvriers, aont.... j 4 de seconde classe à
Forges.
Contrôleur, à............................
livres.
1,200 1,200
400 300
1,200
TOTAL.
livres.
2,400 2,400
1,600 1,200
TOTAL
general.
livres.
7,600
Total des employés proposés pour le service de l'artillerie.
Supplément à quelques employés qui éprouvent des réductions par le plan ci-dessus, et dont us jouiront jusqu'à leur extinction.........................
1,200
274,590 16,870
291,460
RECAPITULATION
des appointements et solde du corps royal de l'artillerie.
NOMBRE
d'officiers.
630 31 40 157
216
1,074
de canonniers mineurs et
ouvriers.
10,619 378 550
11,547
12,621
7 régiments de canonniers..............:.............
6 compagnies de mineurs............................
10 compagnies d'ouvriers..............................
Officiers attachés au service des places et établissements
d'artillerie...........................................
Officiers employés pour le service de l'artillerie dans les places...............................................
Totaux pour l'artillerie.
Total.
APPOINTEMENTS.
1. s.
1,162,240 » 47,300 » 65,900 »
538,310
291,460 »
2,105,390 »
SOLDE.
1. s.
2,184,809 » 85,808 14 153,903 »
2,424,521 5
4,529,911 1. 5 s.
N.-B. L'organisation du corps d'artillerie coloniale n'étant pas encore déterminée, ne peut être portée ici que pour mémoire. On en présentera à l'Assemblée nationale un état particulier.
Guerre.
— (Suite).
ARTICLE SIXIÈME.
§ 1'
corps royal du genie.
Le corps royal du génie est composé de 310 officiers.
(Lois des 31 octobre 1790, 23 septembre et 12 octobre 1791.)
w S
K g
ca «
1 S
S b.
2 * Zo
a
20
40
180
60 10
130
DÉNOMINATION.
Colonels, dont../
Appointements,.. 7,000
6 de premièrej Frais de tournées, de bu-
classe, jouis- reaux de dessinateurs et
sant chacun ../ de secrétaire, 2,000
Fourrages ........ 450
6 de seconde/ Appointements... 6,000
classe, jouis- Frais de tournées, etc... 2,000
santchacun. .( Fourrages ....... 540
8 de troisième/ Appointements.. 5,000
classe, jouis-/ Frais de tournées, etc... 2,000
sant chacun .. ' Fourrages ........ 540
Lieutenants-colo-y nels, dont...
20 de première/
. \ Appointements.......... 4,000
classe, jouissant chacun...
20 de seconde classe, jouissant chacun...
J Fourrages .............. 270
Appointements.......... 3,600
Fourrages.............. 270
Capitaines, dont
Lieutenants, dont
20 de première classe, aux appointements de.
20 de seconde...............................
30 de troisième.........................>.•/• •
50 de quatrième............................
60 de cinquième.............................
30 de première classe, aux appointements de. 38 de seconde..............................
Elèves sous-lieutenants, aux appointements de........................
Supplément aux commandants de l'école, en vertu de la loi du 23 septembre 1791.......................................................
APPOINTEMENTS
attribués
à chaque grade, par an de360jours.
Total pour les officiers.
livres.
9,540
8,540
7,540
4,270
3,870
2,800 2,600 2,400 2,000 1,600
4,200 1,100
800
TOTAL.
livres. 57,240
51,240 60,320
85,400
77,400
56,000 52,000 72,000 100,000 96,000
36,000 33,000
8,000 4,500
789,100
Guerre. — (Suite.)
§ 2. — ÉCOLE DU GÉNIE.
(Loi des 31 octobre 1790 et 12 octobre 1791.)
APPOINTE-
MENTS
ATTRIBUÉS
à chaque TOTAL.
grade, paran
de360jours.
Pour appointements de professeurs et autres employés, entretien des laboratoires, livres. livres.
machines et dépenses nécessaires à cet établissement, une somme annuelle de.. 26,000 26,000
3. — APPOINTEMENTS DES EMPLOYÉS DES FORTIFICATIONS. (Loi du 10 juillet 1791.)
Savoir :
20 de la première classe, aux appointements de.
80 de la seconde classe........................
120 de la troisième classe à.....................
80 de la quatrième classe à....................
300
Total.
APPOINTEMENTS ATTRIBUÉS à chaque grade, par an de 360 jours. TOTAL.
720 14,400
540 43,200
360 43,200
240 19,200
120 , 000
RÉCAPITULATION.
Officiers du génie............................................789,100 liv.
Ecole du génie..............................................26,000
Employés des fortifications................120,000
Total................... 935,100
Gcerre. — (Suite.)
ARTICLE SEPTIEME.
ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL DE L'ARMÉE.
(Lois des 21 octobre 1791 et 29 octobre 1790, qui fixent à 94 le nombre des officiers généraux.
Idem des 5 octobre et 24 novembre, qui établissent 30 adjudants généraux et 136 aides-de-camp et qui fixent leurs appointements.
Idem du 20 mars 1791, qui fixe le nombre des maréchaux de France à 6, et qui leur attribuent 30,000 liv. de traitement chacun.
Idem du 24 juin suivant, qui augmente de 16 officiers généraux l'État-major de l'armée, dont 4 lieutenants-généraux et 12 maréchaux de camp, et qui leur donne, comme aux autres, des aides-de-camp.
Idem du 20 juillet suivant, concernant les fourrages qui sont attribués aux officiers-généraux et autres qui composent cet état-major.)
NOMBRE
d'officiers.
34 72
112
18 15
33
4 4 148
156
112 33 156
500
DENOMINATION.
Officiers généraux. Maréchaux de France................
Attributions des quatre commandants en chef.
Traitement particulier...................................
Douze rations de fourrages par jour à chacun, sur le pied de 15 sols la ration .............................
Lieutenants généraux.! Traitement............
® ( 8 rations de fourrages.
Maréchaux de camp ..-{ Traitement.............
r (6 rations de fourrages.
Adjudants généraux.
Colonels.............j Traitement
t 4 rations d
Lieutenants-colonels.
de fourrages.
Traitement............
3 rations de fourrages.
Aides de camp.
Colonels.............| Traitement .........
( 4 rations de fourrages.
Lieutenants-colonels,
Traitement.......•.....
3 rations de fourrages.
Capitaines............j Traitement
r ) 2 rations d
de fourrages.
APPOINTEMENTS
attribués à
chaque grade, par an de
360 jours.
livres. 30,000
20,000
3,240
20,000 2,160
12,000 1,620
6,000 1,080
4,000 810
6,000 1,080
4,000 810
1,800 540
TOTAL
par grade
collectivement.
livres. 180,000
80,000
12,960
680,000 73,440
864,000 116,640
108,000 19,440
60,000 12,150
24,000 4,320
16,000 3,240
266,400 79,920
TOTAUX.
livres. 180,000
92,960
753,440 980,640
2,007,040
199,790
RECAPITULATION.
Officiers généraux......................................................... 2,007,040 livres.
Adjudants généraux....................................................... 199,590
Aides de camp............................................................. 393,880
A ajouter :
Moitié en sus des appointements et fourrages des trois adjudants généraux attachés à Paris. (Loi du 20 août 1791.)..................................
2,600,510 livres.
8,350
Total de la dépense de l'Élat-major général de l'armée.............. 2,608,860 livres.
Colonies. — (Suite.)
ARTICLE HUITIEME. COMMISSAIRES DES GUERRES. (Loi du 14 octobre 1791.)
NOMBRE.
23
134
180
DENOMINATION.
Commissaires-ordonnateurs, dont.
Commissaires-auditeurs, dont.
Commissaires ordinaires, dont...,
Gratifications aux aides-commissaires.................
Total..........
A ajouter :
Le commissaire général de la garde parisienne. (Loi du 28 août 1791.).....................................
APPOINTEMENTS
attridués à
chaque grade, paran de
360 jours.
TOTAL
par grade
collectivement.
livres. livres.
10,800 9,600 8,700 75,600 76,800 69,600
7,800 6,900 6,000 54,600 55,200 48,000
4,800 4,200 3,600 3,000 2,400 48,000 84,000 108,000 150,000 57,600
TOTAL.
livres. 222,030
157,800 447,600
827,400 22,600
850,000
5,000 855,000
ARTICLE NEUVIEME.
— APPOINTEMENTS DES ADJUDANTS ET SECRÉTAIRES-ÉCRIVAINS DES PLACES'
(Loi du 10 juillet 1791.)
NOMBRE.
15 15 20
50
20 40 60
120
DENOMINATION.
§ 1er
Appointements de 50 adjudants de place, dont
Appointements des 120 places de secrétaires-écrivains, dont
APPOINTEMENTS
attribués à
chaque grade, par an de
360 jours.
livres.
2,400 1,800 1,200
900 600 450
A quoi ajouter :
Le secrétaire général de la garde parisienne. (Loi du 28 août 1791.).......................................
TOTAL
par grade
collectivement.
87,000
69,000
18,000 ) 24,000 27,000
TOTAL.
livres.
36,000 I
27,000 24,000
livres.
87,000
69,000
5,000
74,000
Guerre. — (Suite.)
ARTICLE DIXIÈME.
officiers réformés.
(Loi du 29 octobre 1790.)
Traitement dont jouissent, à la suite des corps, les officiers qui ont été réformés d'après les ordonnances de 1791............................................................. Mémoire.
(On présume, au moment où l'on forme ce projet de fonds, qu'au mois de janvier 1791, tous les officiers réformés seront replacés.)
ARTICLE ONZIÈME.
suppléments d'appointements et solde.
(Ces dépenses étant faites d'après les revues et pouvant être payées sur les fonds du non complet, on ne les porte ici que pour mémoire.)
§ 1er.
Suppléments accordés à des officiers en activité, qui ont éprouvé, par l'effet des ordonnances de 1788, une diminution d'appointements, cette dépense qui était encore en 1790 de 219,744 livres par an, doit être, pour 1792, réduite à environ........ 200,000 liv..... Mémoire.
§2. (Loi du
Suppléments aux officiers et sous-offlciers en activité de troupes de ligne, non compris les corps réformés de la Garde nationale soldée de Paris, lesquels ont également éprouvé, par la nouvelle organisation, des réductions sur leurs appointements et solde, d'environ. 200,0001. » s. » d.
§ 3.
(Loi du
Suppléments aux officiers, sous-officiers et soldats en activité des corps d'infanterie, formés de la garde nationale parisienne soldée, pour rendre égal leur nouveau traitement à celui dont ils jouissaient.
Officiers.................................................. 36,8751.» s. » d.) Sous-Officiers et soldats................................... 444,543 3 10 I 481,4181.3 s. 10 d.
Total................................................. 681,4181.3 s. 10 d.
§ 4.
(Cette dépense pouvant être prise sur le non complet, est portée ici pour mémoire.) Autres suppléments d'appointements et de solde qu'il est indispensable d'accorder aux troupes employées extraordinairemeut, comme il en est actuellement de réparties dans le Comtat, à Versailles et environs, cette dépense peut être évaluée à.... 450.000 liv. Mémoire.
Guerre. — (Suite.)
ARTICLE DOUZIÈME. ÉCOLE DES ENFANTS DE L'ARMÉE Établie à Liancourt, par ordonnances des 10 août 1786, 8 février 1787, et 1er janvier 1788, et sur le sort de laquelle l'Assemblée nationale n'a pas encore prononcé.
NOMBRE APPOINTEMENTS et solde TOTAL PAR GRADE collectivement
d'officiers. de sous-officiers invalides. DÉNOMINATION. attribués à chaque grade, paran de 360 jours. d'officiers. de sous-officiers et carabiniers.
1 1 3 5 12 Appointements et solde. Capitaine.................................. Lieutenant................................ Sergents................................... Caporaux.................................. Sous-officiers invalides.................... 130 élèves................................. Bois et lumières, et traitement des malades. 130 élèves à............................... Total.............................. 1. s. 1,027 10 540 » 261 » 207 » 171 » 144 ». 1. s. 1,027 10 540 » » » » » » M » » 1. s. » » » » 783 » 1,035 » 2,052 » 18,720 »
2 20 36 » 1,567 10 22,590 »»
24,157 1. 10 s. 4,680 28,837 1. 10 s.
ARTICLE TREIZIÈME. COMPAGNIE FRANCHE DE CASTELLANNE Établie aux îles Sainte-Marguerite, par ordonnances des 15 octobre 1769 et 8 août 1778, et sur laquelle l'Assemblée nationale n'a pas encore prononcé.
NOMBRE DÉTAIL DE LA COMPOSITION APPOINTEMENTS ou solde attribués à chaque grade, par an de 360 jours. TOTAL PAR GRADE collectivement
d'officiers. de sous-officiers et soldats. et solde de la compagnie franche de Castellanne. d'officiers. de sous-officiers et soldats.
1 1 1 1 2 4 4 48 1 Capitaine.................................. Premier lieutenant, avec rang de capitaine.. Second lieutenant.......................... Sergents .................................. Caporaux.................................. Appointés................................. Fusiliers.i ir, , Tambour.j 49 homraes.................... 1. s. 5,100 » 1,440 » 800 .» 240 » 240 » 168 » 150 .» 114 » 1. s. 5,100 » 1,440 » 800 » N » » » » » » » » » 1. s. » » » » » » 240 » 480 » 672 » 600 » 5,586 »
S 60 4,340 » 7,578 »
Masse d'habillement. A raison de 36 livres par chaque fourrier, sergent et tambour, et de 18 livres par chacun des autres hommes...... Masse des réparations. A raison de 5 livres par chacun des 60 hommes......... Masse des recrues. A raison de 16 livres pour chacun....................... Total........................ 14,918 1. »» s. 1,152 » 300 » 960 » 17,330 1. » s,
Guerre. — (Suite).
ARTICLE QUATORZIÈME.
AUMÔNIERS DES RÉGIMENTS DE LIGNE, Non compris ceux des régiments suisses.
L'Assemblée nationale, après avoir décrété que les aumôniers seraient payés sur les fond3 du culte, le ministre a écrit plusieurs fois à l'Assemblée nationale constituante pour demander que ces fonds fussent remis à sa disposition et appliqués à leur objet ; mais il n'a rien été prononcé à cet égard, et le ministre, pour faire face à cette dépense, en attendant une décision, a autorisé les conseils d'administration à en faire les avances aux aumôniers sur les fonds de la masse générale, à laquelle elles sont dues pour l'année 1791 ; mais comme cette masse ne peut supporter plus longtemps cette charge qui lui est étrangère, on propose d'assigner un fonds au département de la Guerre pour cette dépense, en augmentant le traitement des aumôniers d'une manière convenable; les ordonnances de 1788 l'avaient fixé à 600 livres, et cette somme est évidemment insuffisante, surtout si l'on veut faire de bons choix ; on propose en conséquence de porter ce traitement à 1,000 livres, ce qui portera la dépense des aumôniers des 169 régiments à... 169,000 liv.
A quoi ajouter moitié en sus pour les trois régiments de Paris............................ 1,500
Total de la dépense des aumôniers des régiments................ 170,500 liv.
ARTICLE QUINZIÈME.
GARDES NATIONALES.
200 bataillons, composés chacun d'un état-major, d'une compagnie de grenadiers et huit de fusiliers. (Lois des 29 juillet, 12 et 17 août, 12 et 16 octobre.)
SOUS-
OFFICIERS. OFFICIERS. TOTAUX.
et gardes.
Complet................. 31 543 574
NOMBRE
m u ■ co 05 w 93
® 3 T1
o 9 O (D '3 F, es bc
o u o
T3 T3 o
DETAIL DE LA COMPOSITION
et solde d un bataillon.
Ëtat-tnajor.
Lieutenants-colonels..
Adjudant-major......
Quartier-maître.......
Adj udant-sous-officier Chirurgien-major
Tambour-maître......
Armurier............
Une compagnie de grenadiers ou de fusiliers.
Capitaine.........
Lieutenant........
Sous-lieutenant
A reporter.
NOMBRE ET MONTANT
des soldes
attribuées à chaque grade.
D ai o 03
T3 O
s o O EO UJ lO
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6 5 4
2 1/2 4 2
1 1/2
es P.
1. S. (1.
4 10 6
3 15 »
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1 17 6
3 » »
1 10 >
1 2 6
3 15 » 3 » » 2 5 »
s. es p.
CD CD GO
1. S.
1,647 » 1,372 10 1,098 » 686 5 1,098 » 549 » 411 15
1,372 10 1,098 » 823 10
TOTAL PAR GRADE
collectivement
d'officiers.
de
sous-officiers et gardes.
1. s.
1,294 » 1,372 10
1,098 »
» »
» »
» v
» »
5,764 10
1,372 10 1,098 » 823 10
3,294
» » y n
686 5 1,098 » 549 » 411 15
2,745 »
Colonies. — (Suite.)
NOMBRE
o
T3
27
4 27
31
» » S
œ es a S? to
®
■O0*» O
1 2 4 52 1
60
540
. 4 540
544
DETAIL DE LA COMPOSITION
et solde d un bataillon.
Report.............
Fourrier...............
Sergents...............
Caporaux..............
Grenadiers ou fusiliers. Tambour..............
NOMBRE ET MONTANT
des soldes
attribuées à chaque grade,
® S 2 isl o
flo»
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2 2
11/2 1
11/2
s o
b C3 Oh
I. s. d.
10 » 10 >» 2 6 15 » 2 6
CO p.
1. s. d.
549 » »
549 » »
411 15 »
274 10 »
411 15 »
Total pour une compagnie.
Et pour les 9 compagnies.
RECAPITULATION.
Etat-major.........................................
9 compagnies, dont 1 de grenadiers et 8 de fusiliers.
Totaux pour 1 bataillon.
Et pour les 200 bataillons.
A ajouter :
Pour frais accessoires, étapes, casernements, hôpitaux, etc., et autres dépenses extraordinaires et imprévues, évaluées à 1,000 livres par 2 bataillon et par mois.....................
Total de la dépense de 200 bataillons de gardes nationales.
TOTAL PAR GRADE
collectivement
d'officiers.
1.
3,294
3,294 »
29,646 »
5,764 10 29,646 »
35,410 10
de
sous-officiers et soldats.
1. s. » »
549 » 1,098 » * 1,647 » 14,274 » 411 15
17,979 15
161,817 15
2,715 » 161,817 15
164,562 15
7,082,100 » 32,912,550 » 39,994,650 1.
2,400,000
42,394,650 1.
ARTICLE SEIZIÈME.
SOLDATS AUXILIAIRES. (Lois des 4 février et 12 juin 1791.)
75,000 soldats auxiliaires.
Fonds extraordinaires de 50 livres par homme pour leur équipement à leur arrivée dans les régiments des troupes de ligne où ils doivent être répartis aussitôt qu'ils en seront requis pour les compléter ; ce fonds serait de cinq millions, s'il s'agissait de répartir la totalité de ces soixante-quinze mille hommes ; mais on ne le porte ici, par approximation, que pour un huitième, ci........
SOLDE dont ils jouissent chacun
par jour.
par an de
360 jours.
1. s. 54 18
TOTAL pour les
75,000 auxiliaires.
4,117,500
Mémoire.
75,000 hommes
4,117,500
Guerre. — (Suite.)
RÉCAPITULATION GÉNÉRALE DU TITRE PREMIER.
DES APPOINTEMENTS ET SOLDES.
10
CORPS ET AUTRES.
Infanterie française...
Infanterie suisse......
Infanterie légère......
Troupes à cheval...
5 Corps de l'artillerie.
Corps du génie..
11
12
13
14
15
16
État-major général de l'armée...
Commissaires des guerres.. 1
Service des places...
Officiers réformés
par la nouvelle organisation.]
1
Supplément } 2 d'appoin- \ 3 tements.....
' 4
100 régiments.
1 régiment des ci-devant gar-
des suisses.............
11 régiments d'infanterie.
14 bataillons.............
2 régiments de carabiniers. 24 régiments de cavalerie.. 18 régiments de dragons. 18 régiments dont 6 de hussards et 12 de chasseurs..
7 régiments.............
6 compagnies de mineurs.. 10 compagnies d'ouvriers Officiers attachés au service
des places............
Employés dans les places, etc
Officiers du corps du génie Professeurs et autres employés à l'instruction.... Employés des fortifications
Officiers généraux........
Adjudants généraux......
Aides de camp...........
Total de l'armée de ligne
181, compris celui de la garde de Paris.............
50 adjudants des places.. 121 secrétaires-écrivains com pris celui de la garde de Paris.................
Suite des ordonnances de 1788..................
— delà nouvelle organisation
— officiers, sous-officiers et soldats de la garde de Paris
— aux troupes employées extraordinairement....
École des enfants de l'armée, établie à Liancourt
Compagnie franche de Castellanne..........
Aumôniers de l'armée......................
Bataillons de gardes nationales volontaires
(200 bataillons)..........................
Soldats auxiliaires.........................
Total des appointements et solde
NOMBRE
au complet
O
a o -o
m tn
a T3
5 o —•
CC
«3 S
6,000151,500
98 726
392
72 672 504
648
630 31 40
157
10
112 33 156
10,581
2,267 10,747
9,702
1,378 12,456 9,342
12,384
10,619 378 550
221,323
20 60
75,000
s
es O
H
157,500
2,365 11,473
10,094
I,450 13,128
9,843
13,032
II,249 409 590
157
310
112 33 156
231,904
22 63
114,800 75,000
SOMMES.
1. s. à.
1,329,878 11 4 4,965,972 8 I
385,129 10 3,347,629 4 2,460,213 18
3.169,211 8
3,347,229 11 133,108 14 219,803 »
538,310 » 291,460 » »i
789,100 » »\
26,000 » »( 120,000 » »)
2,007,040 » »1 207,940 » »( 393,880 » A
87,000 » », 74,000 » J
1. s. d. Ï2,326,648 14 6
6,295,851 2 » 2,305,585 16 »
9,262,184 » »
4,529,911 5 »
935,100 » » 2,608,860 » »
855,000 » » 161,000 » »
Mémoire.
Mémoire. 200,000 »> »J
481,418 31o]
Mémoire.
681,418 3 10
28,837 10 «
87,330 » »
170,500 » »
42,394,650 » »
4,117,500 » »
106,790,374 11 4
Guerre. — (Suite.)
TITRE SECOND MASSES ET FOURNITURES DE TOUTE ESPÈCE AUX TROUPES.
ARTICLE PREMIER.
masse générale.
(Loi du 11 février 1791.)
Cette masse sert à payer : 1° le recrutement et les rengagements; 2° les réparations d'habillement, d'armement, d'équipement et les dépenses communes d'administration, et, de plus, dans les troupes à cheval, le ferrage, entretien de l'équipement et soin particulier des chevaux; 3° les remplacements d'habillement et d'équipement; 4° les remontes.
NATURE DES ARMES.
Infanterie..
W to
S ° £5 h 2 S a S o "a Z.
Troupes à che-; val.......
Artillerie,
Régimen! des ci-d e v an t gardes-suisses.........
100 11 14
. 2 24 6 18
12 J
6 10
Français...........
Suisses et Grisons.. d'Infanterie légère...
de Carabiniers.
de Cavalerie...
de Hussards...
de Dragons....
de Chasseurs.. Régiments.....
COMPLET
en hommes
pour chaque corps.
........... 1.515
...... ... 977
693
Montés____ 652
A pied.... 37
Montés ... 490
A pied.... 29
Montés... 652
A pied. ... 36
Montés. .. 490
A pied . . 36
Montés... 652
A pied.... 36
Compagnies de mineurs ............
Compagnies d'ouvriers............
1,517 63 55
2,365
MASSE
GÉNÉRALE PAR
individu.
39 ». 42
135 60
134 59
127 63
162
56
121
57
51 51 51
NOMBRE d'hommes
par
arme.
151,500
10,747
9,702
I,304 74
II,760 696
3,912 216
8,820 522
7,824 432
10,619 378 550
2.365
221,421
Il faut ajouter moitié en sus de la masse générale des trois régiments d'infanterie et
des deux bataillons d'infanterie légère en garnison à Paris,J ci.........................
(Loi du 28 août 1791.)
Total.
TOTAUX
de la
masse générale.
1. s
5,908,500 >»
» »
407,484 ».
176,040 »
4,440 »
1,575,840 >»
41,064 »
496,824 ».
13,608 »
1,111,320 »
29,232 »»
946,704 »
24,624 »
541,569 »
19,278 »
28,050 »
11,324,577 .. 117,733 10
11,323,310 10
Colonies. — (Suite.)
ARTICLE SECOND.
MASSE DE BOULANGERIE. (Loi du
Cette masse qui se paye à raison de 48 livres pour chaque sous-officier et soldat des troupes de ligne, réparties dans le royaume et de 72 livres par chacun de ceux des régiments de Paris, est destinée à pour-
voir :
1° A la fourniture du pain de munition aux troupes et aux dépenses accessoires ;
2° Au décompte du pain payé en argent;
3° Aux achats, constructions, entretien et loyers de fodrs et de magasins.
Les troupes de ligne sont, conformément au calcul de l'autre part, au nombre de 219,056 hommes, lesquels à 48 livres chacun, font...................................... 10,514,688 1.
A quoi il faut ajouter 24 livres pour chacun des 5,931 hommes composant les 3 régiments a'infanterie et les 2 bataillons d'infanierie légère, en garnison à Paris qui, à cause de leur séjour dans la capitale, doivent avoir 72 livres au lieu de 48 livres de masse de boulangerie, ci........................................................................ 142,344
Total de la masse de boulangerie..................... 10,657,032 1.
ARTICLE TROISIÈME.
MASSE DE FOURRAGES.
(Loi du
Cette masse est restée à 15 sous par jour ou 270 livres par an de 360 jours, par cheval, tant 'des carab minier s, cavaliers, hussards, dragons et chasseurs que de leurs officiers ; et elle sert à acquitter la dépense :
1° De la fourniture des fourrages en nature;
2° Des fourrages on argent ;
3° Et à payer les achats, constructions, entretien et loyers de magasins.
Les chevaux des carabiniers, cavaliers, hussards, dragons et chasseurs, sont,suivant l'état de l'autre part, au nombre de......................... 33,620 chev.
Et les chevaux des officiers de ces corps, à raison de 3 par colonel, 2 par lieutenant-colonel et capitaine et 1 par chacun des autres officiers, font un nombre de... ...................................................... 2,556
Total............................. 36,176 chev.
Montant de la masse de ces 36,176 chevaux, à raison de 270 livres par an chacun, ci. 9,767,520 1.
On observe que, dans cette masse, l'on ne comprend pas le fourrage attribué aux officiers supérieurs des régiments d'infanterie, ni celui des officiers généraux et autres, composant l'état-major de l'armée, attendu qu'il est porté cumulativement avec leurs appointements, conformément à ce qui est prescrit par les décrets y relatifs.
ARTICLE QUATRIÈME.
MASSE DES ÉTAPES ET CONVOIS MILITAIRES.
(Cette masse n'est pas encore décrétée.)
Cette masse, qui se calcule sur le pied de 8 livres par homme et par an au complet des troupes, y compris les officiers, aumôniers, chirurgiens-majors des régiments, les officiers de l'état-major de l'armée et les commissaires des guerres, est destinée à l'acquittement des objets ci-après :
Fourniture de l'étape en nature.
Suppléments d'appointements aux officiers en route.
Frais de voyage des officiers de tous grades, envoyés en commission extraordinaire. Remplacement aux officiers de la fourniture des chevaux de selle.
Guerre. —
531
(Suite.)
Transport des bagages des régiments. Voitures fournies aux invalides et convalescents. Frais d'administration du service des étapes et convois militaires. Dépenses de 3 sous par livre aux officiers en route. Les troupes de ligne sont au nombre de (non compris les gardes-suisses) 219,056 hommes.
Les officiers des corps, de....................................... 9,715
Les chirurgiens-majors, les aumôniers et ministres............... 382
Les officiers et élèves d'artillerie attachés au service des places.... 157
Les officiers et élèves du génie................................... 310
Les officiers de l'état-major de l'armée............................ 301
Les commissaires des guerres.................................... 181
230,102 hommes.
230,102 individus à 8 livres....................................1,840,816 liv.
A laquelle sera réunie la retenus à effectuer sur la solde du soldat, marchant par étape.
ARTICLE CINQUIÈME.
MASSE ET CASERNEMENT. (Loi du 12 octobre 1791.)
Cette masse sert à payer :
Les constructions, entretiens et loyers de casernes, pavillons et corps de garde. Idem, des chapelles militaires. Idem, des manèges, salles et champs d'exercices.
Les logements et ustensiles.
Les lits et ustensiles
Fournis en nature. Payés en argent.
Fournis aux officiers. Fournis à la troupe.
Cette masse se paye à raison de 16 1. 10 s. par individu tant des troupes de ligne que de leurs officiers, chirurgiens et aumôniers, dont le nombre, déduction faite du régiment des gardes-suisses et des commissaires des guerres suivant le calcul d'autre part, est de 229,921 livres, ci............................................. 3,793,696 1. 10 s,
(Loi du
ARTICLE SIXIÈME.
MASSE DE CHAUFFAGE. (Loi du 11 février 1791.)
Sur le montant de cette masse l'on pourvoit :
A la fourniture du bois faite aux troupos et autres combustibles pour les casernes;
Au chauffage payé en argent;
Au chauffage fourni dans les corps de garde, aux ustensiles à leur usage ;
Et à la fourniture des guérites;
Cette masse se paye à raison de 9 livres par sous-officier et soldat des troupes de ligne, au nombre de 219,056 hommes, ci.......................................... 1,971,504 »
A quoi il faut ajouter 4 1. 10 s., faisant moitié en sus par chacun des sous-officiers et soldats composant le3 trois régiments d'infanterie et les deux bataillons d'infanterie légère, en garnison à Paris, dont te nombre est de 5,931 hommes, ci.............. 26 869 10
(Loi du 28 août 1791.)
To'al.................... 1,998,193 10
Colonies. — (Suite.)
ARTICLE SEPTIÈME.
MASSE DE CAMPEMENT. (Loi da
Sur cette masse l'on paye :
Les achats et confections des tentes et autres effets de campement,
Les fournitures et entretien des capotes des sentinelles,
Celles des drapeaux, étendards et guidons,
Les bâtiments et employés des magasins des effets militaires,
Les frais d'entretien, manutention et transports. L s.
Cette masse est réglée à 3 livre3 par sous-officier et soldat des troupes de ligne, dont le nombre est de 219,056, ci.......................................................... 057,168 »
Supplément de moitié pour chacun de ceux qui composent les trois régiments d'infanterie et les deux bataillons d'infanterie légère qui sont en garnison à Paris......... 8,896 10
(Loi du
Total,.................. 66o,064 10
ARTICLE HUITIÈME.
MASSE DES HOPITAUX.
(Loi du 11 février 1791.)
Cette masse sert à payer :
Les journées de malades aux hôpitaux militaires, de charité, hospices, eaux minérales,
Les fournitures et entretien des lits et ustensiles,
Les bâtiments,
Les appointements des officiers de santé et employés,
Les infirmeries régimentaires,
Et les dépenses d'administration et d'autres. 1. s.
Cette masse se paye sur le pied de 15 livres par sous-officier et soldat des troupes de ligne, au nombre de 219,056 hommes, ci....................................... ... 3,285,840 »
A quoi il faut ajouter 7 1. 10 s., par chacun des 5,931 hommes , composant les trois régiments d'infanterie et les deux bataillons d'infanterie légère, en garnison à Paris, attendu que cette masse, au lieu d'être pour eux de 15 livres, comme aux autres troupes,
est de 22 1. 40 s. à cause de leur séjour dans la capitale.............................. 44,482 10
(Loi du
Total......................... 330,322 10
RECAPITULATION.
1. s.
r Générale............................................................11,442,310 10
' de Boulangerie.;..............................................................................................10,657,032 »
de Fourrages........................... .................................9,767,520 »
M J des Etapes et corvées militaires....................................................................1,840,816 »
Masses.....de Casernement....................................................................3,793,696 10
de Chauffage.........................................................................1,998,193 10
de Campement..................................;......................................666,064 10
des Hôpitaux..............................................................................................3,330,332 10
Total des masses.................... 43,495,955 10
On observe que dans ce calcul on n'a pas compris les masses des compagnies d'invalides détachées, attendu qu'elles formeront ci-après un article séparé pour les appointements, solde et masse.
A reporter........................................... 43,495,955 10
Colonies. — (Suite.)
1. s.
Report......................................... 43,495,955 »
ÉQUIPAGES DES VIVRES.
h •
Solde de 3,000 chevaux, formant 30 équipages de 100 chevaux chacun, à 2 liv. 10 s. par jour, 7,500 livres, et pour l'année............ 2,745,000
Nourriture desdits 3,000 chevaux à 20 sous par jour, 3,000 livres, et pour l'année....................................................... 1,098,000
Pain de 900 charretiers, à raison de 30 par équipage; savoir : 27 charretiers, 1 maréchal, 1 charron, 1 bourrelier, à 2 rations chacun par iour; à 36 deniers l'une; par jour, à 270 livres; et pour l'année................................................................... 98,820
Total de la dépense des 30 équipages..........». 3,941,820 3,941,820 »
Total de la dépense du titre second..........................47,437,775 10
TITRE TROISIÈME. DÉPENSES RELATIVES AUX TRAVAUX ET APPROVISIONNEMENTS
de l'artillerie et du genie-
ARTICLE PREMIER.
ARTILLERIE.
Fonderies............. Pour faire couler dans les deux fonderies de Douai et de Stras- 1.
bourg 220 bouches à feu de fonte, et tirer de l'étranger
700 milliers de cuivre et 60 milliers d'élain, il faut environ... 1,200,000
550,000 550,000
350,000
9,150,000
400,000 300,000
A reporter......................................... 12,500,000
Forges................ Pour faire fabriquer dans les forges 300,000 boulets, bombes, obus,
affûts de fer, fers forges et autres fers à l'usage de l'artillerie
Arsenaux............. Dépenses dans les arsenaux de construction, en supplément
de solde aux compagnies d'ouvriers, journées d'ouvriers externes, achat de bois et autres matériaux..................
i Entretien annuel des bâtiments de l'artillerie \
dans les places................... ......... 150,000 1.
Bâtiments.
Armes.
Continuation de constructions neuves; Savoir :
D'un arsenal à Lyon.............. 100,000 1.]
— à La Rochelle....... 50,000
D'un magasin à poudre et parc à (
boulets, à Lille................. 50,000 J
200,000
Armement des places.. Batteries des côtes....
Pour faire fabriquer 50,000 fusils complets dans
les manufactures de France................ 1,500,000
Pour subvenir à la dépense des entretiens, et
radoubs d'armes dans les places............. 150,000
Pour le prix de 226,000 fusils de soldat, qui sont ordonnés chez l'étranger et qui ne seront livrés que dans le cours de 1792............. 7,500,000
Pour continuer la dépense de l'armement des places frontières.......................................................
Entretien, réparations, constructions, appointements de gardiens, sur les batteries des côtes du royaume......................
Gurre. — (Suite.)
1.
Report..............................................................................25,100,000
Poudre de guerre........... Pour payer un million de poudre do guerre, qu'on sera
dans le cas de tirer de la régie.........................................650,000
Transports.................. Pour la dépense par évaluation des transports d'artillerie
être exécutés dans l'armée........................................500,000
Chevaux d'artillerie.......... Solde et subsistance de 3,000 chevaux......................................2,690,000
Diverses dépenses............ Pour loyers de terrains et autres dépenses annuelles dans
quelques établissements de l'artillerie......................................50,000
Dépenses imprévues......... Pour subvenir à des suppléments de travaux et de fournitures et à diverses dépenses imprévues, pour lesquelles
il est prudent de tenir un fonds en réserve, etc................400,000
Total des fonds à demander pour les travaux et approvisionnements de l'artillerie en 1792...................... 16,7^0,000
ARTICLE SECOND génie.
(Loi du
Pour l'entretien des fortifications, écluses, ponts et autres ouvrages ordinaires et annuels du génie......................................................................' 2,400,000
fonds extraordinaires.
L'Assemblée nationale avait décrété, le 22 juillet 1791, pour les travaux extraordinaires de la fortification, un fonds de 4,000,000 livres.
Les projets d'ouvrages et les matériaux n'ayant pu être préparés à temps, le manque d'ouvriers et l'impossibilité de se procurer à la fin de l'été des approvisionnements de bois considérables, n'avait pas permis d'employer ce fonds en 1791, mais comme il doit l'être dans les premiers mois de 1792, on demande qu'il soit reversé sur les fonds de cette année............................................................................ 4,000,000
Le ministre de la guerre a demandé en avril 1791, à l'Assemblée nationale, un fonds de 20 millions pour le rétablissement des fortifications et qu'il en fût affecté annuellement
4 millions pour 1791, on demande la continuation de cette disposition pour 1792, ci............4,000,000
Pour continuer la construction des forts qui forment la défense de la rade de Cherbourg.................................................. .*........................................................600,000
Il avait été demandé, en 1791, pour ces travaux 1,400,000 livres que l'Assemblée a réduit à 600,000 livres. Les travaux à faire dans cette rade exigent un nouvel examen approfondi; mais quel qu'en soit le résultat et quand même on se bornerait à conserver la rade dans son état actuel, on ne pourrait s'empêcher de déterminer ses défenses.
Pour continuer les ouvrages de la nouvelle enceinte du Havre...................... 450,000
Ce qui reste à faire de cette enceinte est en partie fondé ou élevé à une certaine hauteur, et son achèvement est d'une absolue nécessité.
Total des fonds demandés pour les travaux du génie en 1792....................... 11,450,000
s
RÉCAPITULATION.
Artillerie.! îf f°nds °/dinaire f an°Uel.est de...................... J'ÏÏS'ÎÏÏ? M 16,790,000
( On demande par extraordinaire........................... 13,790,000 ) '
Génie, j pon(js extraordinaire demandé............................. 9,050,000 ] ^t^i®®
(Les 5,400,000 livres de fonds ordinaires avaient été décrétés le 18 août 1790 pour
l'année 1791).
Total des fonds'jugés nécessaires pour les travaux et approvisionnements de ces deux
services en 1792..........................................................................................................................................28,240,000
Guerre. — (Suite.)
TITRE QUATRIÈME.
DÉPENSES RELATIVES AUX JUGEMENTS MILITAIRES ET A LA POLICE DES TROUPES.
OBJETS DE CES DEPENSES.
Frais de capture et conduite de déserteurs.
Frais de course de la gendarmerie nationale.
Frais des cours martiales et de jugements.
Gîte, geôlage et fourniture aux prisonniers tant en santé qu'en maladie.
Entretien des prisons. Frais de police militaire.
Diverses dépenses extraordinaires.
L'établissement des cours martiales étant récent, on ne peut donner, pour la dépense qui en résultera, aucune base certaine ; l'expérience seule peut la déterminor, mais on peut évaluer la somme nécessaire à l'acquittement des différentes dépenses ci-dessus désignées, à. 500,000 î.
TITRE CINQUIEME. DÉPENSES D'ADMINISTRATION GENERALE.
l.
Traitement du ministre.................................................................... 100,000
(Loi du
RUREAUX ET HOTELS DE LA GUERRE.
Appointements des commis................................................. 500,0001.
(Loi du
Appointements des garçons de bureaux et autres employés des hôtels de la .
guerre...................................................................... 25,000 j 24,000
(Loi du
L'Assemblée nationale ayant, par son décret du 29 septembre dernier, fixé un fonds de 24,000 livres à chacun des ministres, de la marine, de l'intérieur et > 731,000
des contributions publiques, pour être réparti annuellement en gratifications dans leurs bureaux, on demande d'accorder un fonds pareil pour les bureaux de la guerre............................................................... 24,000
Loyer de l'hôtel de la guerre à Paris.................................20,000
— du dépôt de la guerre........................................................................8,000
Rente du prix d'acquisition de l'hôtel de Gourtenvaux, à Versailles........................................................................................................................4,000
Entretien des bâtiments, meubles, etc......................................................24,000 ^ 182,000
Fournitures de bureaux et frais relatifs...................................................50,000
Bois et lumières dans les corridors................................4,000
Frais d'impression des ordonnances et règlements..............................60,000
Frais d'établissement du dépôt de la guerre...............................12,000
Dépenses extraordinaires et imprévues de toute espèce.................................. 1,000,000
(La loi du 21 octobre 1791 avait accordé un fonds de 1,500,000 livres pour ces objets.) _
Total du titre V................................... 1,831,000
Guerre.— (Suite.)
TITRE SIXIÈME.
RETRAITES ET RÉCOMPENSES MILITAIRE.
ARTICLE PREMIER.
HOTEL DES INVALIDES.
Fonds évalué nécessaire pour l'entretien des invalides de l'Hôtel,.............. 1,200,000 livres
ARTICLE SECOND.
COMPAGNIES D'INVALIDES DÉTACHÉES.
Ces compagnies, créées successivement, sont au nombre de 90, savoir : 16 de sous-officiers; 8 de canonniers; 65 de fusiliers ; Plus trois détachements pour la garde de Vincennes, de Saint-G'oud et des hôtels de la guerre, de la marine et des affaires étrangères.
NOMBRE DÉNOMINATION. APPOINTEMENTS OU SOLDE atttribués à chaque grade, par an de 360 jours. TOTAL PAR GBADE COLLECTIVEMENT
d'officiers de sous-offlciers et soldats d'officiers. de sous-officiers et soldats.
1 3 t i 2 2 2 43 1 Détail d'une des cinq compagnies de sous-officiers réparties dans le royaume. (Ordonnance du 15 novembre 1783.) Capitaine................................... Lieutenants................................. Sergents.................................... Caporaux................................... Appointés................................... Sous-officiers.. ) ,, , Tambour......) 44 hommes................ Détail de la compagnie de sous-officiers servant à la garde des Tuileries. (Ordonnance du 17juin 1776.) Lieutenants................................. Sous-officiers... j g2 h ................. Tambours.....J 1. s. 1,027,10 540 2> 225 » 171 » 153 » 135 » 1,215 » 9C0 » 3ë0 » 216 » 162 » 144 » 126 » 1. s. 1,027 10 1,620 >» » » » » x> » » M 1. s. 450 » 342 >» 306 » 5,940 »
s 4 50 2,647 10 7,038 »
20 250 13,237 10 . 35,190 »
1 1 4 6 6 6 79 3 1,215 » 900 » 1,440 »» » » S » s » » » 1,296 » 972 » 864 s 10,332 »
6 100 3,555 » 13,464 »
Guerre. — (Suite.)
537
NOMBRE
d'oflicieri
10
10
de sous-of (ici ers et soldats
4 4 4 68 2
82
164
4 4 4 86 2
DÉNOMINATION.
Détail d'une des deux compagnies affectées à la garde de Fontainebleau et de Saint-Denis.
(Ordonnance du
Capitaine en premier.........
Capitaine en second..........
Lieutenant chargé du détail...
Autres lieutenants............
Sergents.....................
Caporaux....................
Appointés....................
Sous-officiers... ) ____
Tambours......( hommes'
APPOINTEMENTS
ou solde
attribués àchaque grade,
par an de 360 jours.
Totaux.
Et pour les deux compagnies pareilles.
Détail d'une des deux compagnies servant à la garde de l'hôtel royal des Invalides.
(Ordonnance du 28 août 1783.)
Capitaine en premier........
Capitaine en second........
Lieutenant chargé du détail.
Autres lieutenants..... ....
Sergents..................
Caporaux ................
Appointés..................
Sous-officiers. Tambours ....
; hommes.
100
200
3 3 3 49 2
60
Totaux.
Et pour les deux compagnies pareilles.
Détail de la compagnie de sous-officiers servant à la garde du Louvre.
(Ordonnance du 17 juin 1776.)
Capitaine......
Lieutenants....
Sergents......
Caporaux .....
Appointés.....
Sous-officiers.. Tambours.....
51 hommes.
Totaux.
1.
1,516,10 1,080 900 720 270 216 198
180
1,570,10 1,080 900 720 270 216 198
180
TOTAL PAR GRADE
collectivement
d'officiers.
1,080 »
360 »
180 «
144 »
126 »
108 »»
de
sous-officiers et soldats.
1,516,10 1,080 >» 900 »
1,440 » » »
4,936,10
9,873 »
1,570,10 1,080 900 1,440
4,990,10
9,981 »
1,080 » 720 »
1,800 »
1.
l,0$p »
864 j»
792 »
12,600 »
15,336 »
30,672 »
1,080 »
864 >»
.792 »
15,840 »
18,576 »
37,152 »
540 »
432 »
378 »
5,508 »
6,858 »
Guerre. — (Suite.)
NOMBRE APPOINTEMENTS OU SOLDE attribués àchaquegrade, par an de 360 jours. TOTAL PAR GRADE COLLECTIVEMENT
i'offieieri de son s* officiers et soldats DÉNOMINATION. d'officiers. de sous-officiers et soldats.
1 1 2 2 2 43 1 Détail de la compagnie de sous-officiers servant à la garde des ville et château de Saint-Germain. (Ordonnance du 17 juin 1776.) Sous-officiers.. j 44 hommeg................ Tambour.......j Détail ie la compagnie de sous-officiers ci-devant à l'Ecole Militaire et à présent à Versailles. (Ordonnance du 17 juin 1776.) Capitaine en premier........................ Capitaine en second......................... Lieutenant.................................. Appointés.................................. Sous-officiers.. ) gi h Tambours_____\ yi ùommes................ Totaux................. Détail de la compagnie de sous-officiers servant à la garde de Versailles. (Ordonnance manuscrite du 4 avril 1782. Ordres du roi, des 22 mai 1783 et 19 mars 1785, qui portent les appointements du lieutenant-colonel de 1,800 livres à 2,400 livres et ceux du capitaine en premier de 1,080 livres à 1,600 livres. Ordre du roi, du 28 octobre 1788, qui porte les appointements du lieutenant-colonel à 3,000 liv. Décision du roi, du 14 octobre 1788, qui établit un quartier-maître à 600 livres d'appointements.) Lieutenant-colonel........................... Capitaine en premier........................ Capitaine en second......................... Quartier-maître............................. Sergents.................................... Caporaux................................. Sous-officiers............................... Tambours................................... 1. s. 1,009,16 540 » 216 » 162 » 144 » 126 » 1,075,10 900 >» 360 » 216 » 162 » 144 » 126 » 3,000 » 1,600 » 600 » 600 » 216 » 162 » 126 » 144 » .............. 1. s. 1,009,16 540 » » » » » » » M y> 1. s. 432 » 324 » 288 » 5,354 »
2 50 1,549,16 6,588 >»
1 1 1 3 3 3 89 2 1,075,10 900 » 360 » » » » » » » » » 648 » 486 » 432 » 11,466 »
3 100 2,335,10 13,032 »
1 1 1 1 11 9 113 4 3,000 » 1,600 » 900 » 600 » » » 9 » » » » » h" 2,376 » 1,458 » 14,238 » 576 »
4 137 6,100 » 18,648 »
1
Guerre. — (Suite.)
NOMBRE
d'officier*
de sens-officiers et soldats
3 3 32 2
DENOMINATION.
Détail de la compagnie de sous-officiers servant à la garde du palais du Luxembourg.
(Ordonnance du 1" mai 1791.)
Capitaine commandant.......................
Capitaine en second faisant les fonctions d'officier d'état-major ..........................
Lieutenant..................................
Sergents....................................
Caporaux ...................................
Sous-offlciers.. Tambours......
34 hommes.
Totaux.
APPOINTEMENTS
ou solde
atiribués à chaque grade,
par an de 360 jours.
40
2 2 2
43 1
50
Suppléments d'appointements. (Ordonnance manuscrite du 30 avril 1782.
Au capitaine commandant. Au capitaine en second... Au lieutenant.............
Totaux.
Détail de la compagnie de sous-officiers servant à la garde du château de Compiégne.
(Ordonnance manuscrite du 6 mars 1785.)
Capitaine...................
Lieutenant chargé du détail.
Autres lieutenants..........
Sergents...................
Caporaux ..................
Appointés..................
Sous-officiers.. Tambour.......
44 hommes.
Totaux.
Détail d'une des huit compagnies de canonniers invalides.
(Ordonnance du 17 juin 1776.)
3 15 -15 20 1
00
400
Capitaine en premier. Capitaine en second..
Lieutenant...........
Sergents.............
Caporaux............
Appointés............
Canonniers...........
Canonniers... .......
Canonniers...........
Tambour.............
Totaux.
El pour les huit compagnies pareilles.
1.
1,386, 6
900 »
720 »
270 »
216 »
180 »
360 »> 540 »» 360 »
4,416 900 720 270 216 198
180
1,600,10 910,10 610,10 234 >» 180 » 162 » 144 » 135 » 126 » 144 »
TOTAL PAR GRADE
collectivement
d'officiers.
1,386, 6
900 » 720 »
3,006, 6
360 » 540 » 360 »
4,266 6
1,416 »
900 1,440
3,756 »
24,972 »
1,600,10 910 10 610 10
3,121,10
de
sous-officiors et soldats.
1.
810 » 648 »
6,120 »
7,578 »
7,578 »
540 »
432 »
396 »
7,920 »
9,288 »
702 »
540 »
486 »
2,160 »>
2,025 »
2,520 >»
144 »
8,577 »
68,616 »
I
l
Guerre. — (Suite.)
NOMBRE
i 'officiers
de sous-offlciers et soldats
260
2 2 • 2 43 1
50
3,250
1 1 1 26 1
30
1 1 1 21
24
3 3 35 2
43
DENOMINATION.
Détail d'une des soixante-cinq compagnies de fusiliers invalides.
(Ordonnance du 16 novembre 1783.)
Capitaine.................................
Lieutenants...............................
Sergents..................................
Caporaux.................................
Appointés.................................
Fusiliers.... ) 44 hommes ................
Tambour.... )
Totaux...............
Et pour les soixante-cinq compagnies pareilles
Détail du détachement de sous-officiers servant à la garde du château de Vincennes.
(Lettre du ministre, du 27 mai 1784, qui supprime la compagnie de sous-officiers servant à la garde du château de Vincennes et qui fixe le détachement qui a remplacé cette compagnie à 30 hommes, commandés par deux lieutenants, aux appointements et solde détaillés ci-dessous.)
Lieutenant commandant......
Lieutenant chargé du détail..
Sergent......................
Caporal.....................
Appointé....................
Sous-officiers.. )
.j.27 hommes
Tambour...... I
Totaux.
Détail du détachement servant à la garde du château de Saint-Cloud.
Lieutenant..........
Sergent.............
Caporal.............
Sous-officier........
Autres sous-officiers.
Totaux.
Détail du détachement servant à la garde des hôtels de la guerre, de la marine et des affaires étrangères.
Sergents. Caporaux Sous-officiers. Tambours
Total.
APPOINTEMENTS
ou solde
attribués à chaque grade,
par an de 360 jours.
1.
1,008 ,
540 »
201 »
147 »
129 »
111 »
720 »
900 »»
270 »
216 »
198 »
180 >»
801 »
270 »
216 3
216 »
180 »
TOTAL PAR GRADE
collectivement
d'officiers.
1,008 » 1,620 »
2,628 »
170,820 »
720 900
1,620
£01
801
de
sous-officiers et soldats.
402 »
294 »
258 »
4,884 »
5,838 »
379,470 »
270 »
216 »
198 «
4,860 »
5,544 >»
270 »
216 »
216 »
3,780 »
4,482 »
689, 7,6 547,10 » 3,193,15 219 »
4,649,12,6
Colonies. — (Suite.)
RÉCAPITULATION
DES 90 COMPAGNIES D'INVALIDES, DÉTACHÉES.
TOTAL PAR GRADE
NOMBRE COLLECTIVEMENT
de sons- DÉNOMINATION. de
d'officiers officiers d'officiers. sous-officicrs
et soldats et soldats.
1. s. 1. s. d.
20 250 5 compagnies de sous-officiers réparties dans le royaume.. 12,237 10 35,190 » »
6 100 1 compagnie de sous-officiers servant à la garde des Tui-
3,555 » 13,464 » »
10 164 2 compagnies de sous-officiers servant à la garde de Fon-
tainebleau et de Saint-Denis.......................... 9,873 » 30,672 >» »
10 200 2 compagnies de sous-officiers servant à la garde de l'hôtel
royal des Invalides.................................. 9,981 >» 37,152 » »
3 60 1 compagnie de sous-officiers servant à la garde du Louvre. 1,800 » 6,858 » s
50 1 compagnie de sous-officiers servant à la garde des ville
1,549 16 6,588 » »
3 100 1 compagnie de sous-officiers servant à la garde de Versailles. 2,335 10 13,032 >» »
4 137 1 compagnie de sous-officiers servant à la garde de la même
6,100 » 18,648 » »
3 40 1 compagnie de sous-officiers servant' à la garde du palais
4,266 6 7,578 » »
4 50 1 compagnie de sous-officiers servant à la garde du château
3,756 » 9,288 » »
24 480 ' 8 compagnies de canonniers invalides réparties dans le
24,972 »» 68,616 » »
260 3,250 65 compagnies de fusiliers invalides réparties dans le royaume 170,820 » 379,470 » »
2 30 » 1 détachement de sous-officiers invalides à Vincennes.... 1,620 3> 5,544 » »
1 24 3> 1 détachement de sous-officiers invalides à Saint-Cloud. 801 » 4,482 » »
» 43 » 1 détachement de sous-officiers invalides servant à la
garde des hôtels de la guerre, de la marine et des
4,649 12 6
352 4,97 8 89 3 Montant des appointemen! s e t solde d'après les ordonnances 254,667 2 641,231 12 6
5,530
A quoi il faut ajouter :
238,944 » »
A déduire 254,667 2 880,175 12 6
Pour les 18 deniers qu'on retient par jour à chaque sous-
officier et soldat invalide qui reçoivent la fourniture du
134,406 » »
254,667 2 745,769 12 6
Total............................ 1,000,436 1. 14 s. 6 d.
1
Colonies. — (Suite.)
MASSE DES INVALIDES.
Masse destinée à l'habillement des compagnies d'invalides, à celui des invalides retirés 1. s.
jouissant de soldes, demi-soldes et pensions et récompenses militaires..........................300,000 »
Masse de boulangerie sur le pied de 48 livres par an et par chaque sous-officier et
soldat, pour 4,978 hommes............................................................................................................238,944 »
Masse d'étape sur le pied de 8 livres, les officiers compris................................42,642 »
Masse de casernement sur le pied de 16 1. 10 s. par homme, pour 5,830 hommes,
y compris les officiers......................................................................................................................87,945 »
Masse de chauffage sur le pied de 9 livres par an et par chaque sous-officier et soldat. 44,802 »
Masse d'hôpitaux sur le pied de 15 livres par sous-officier et soldat..................................74,670 »
Total pour les masses................................................789,003 »
RÉCAPITULATION.
1. s. d.
Appointements et solde.............................. 1,000,436 14 6
Masses...................................... ....... 789,003 » »
Total général................ 1,789,439 4 6
ARTICLE TROISIÈME.
INVALIDES PENSIONNÉS, SOLDES, DEMI-SOLDES ET RÉCOMPENSES MILITAIRES, SUIVANT LE RELEVÉ DES REVUES DE 1790.
NOMBRE
de ious-
d'officiers officieri
et soldats
9,300
923
3,016
4,979
502
384
76
1,307 17,873
248
137
339
1,042
1,555 19,381
20,936
DÉNOMINATION.
Soldats retirés, jouissant de soldes, demi-soldes et récompenses militaires........................................
Officiers invalides pensionnés..............................
Sous-officiers invalides pensionnés.........................
Soldats invalides pensionnés...............................
Soldats payés par les ambassadeurs dans les pays étrangers.
Gendarmes réformés du corps de la gendarmerie...........
22 valets de la gendarmerie..........................1.....
Grenadiers à cheval, réformés............................
Augmentation auxdites pensions pour les invalides sortis de l'Hôtel, en vertu de la loi du 17 avril 1791. (Loi du 17 avril 1791.)
! 3 à 1,200 livres.... 3,600
10 à 1,000 livres.... 10,000
83 à 800 livres.... 66,400 ï 171'200 livres'
162 à 600 livres.... 91,000
TOTAL PAR GRADE
collectivement
d'officiers.
1. s. d.
224,170 » «
54,221 13 4
278,391 13 4
171,200
Maréchaux des logis à 422 1. 30 s. 4 d.
Sous-officiers.......à 300 1. 10 s. » d.
Soldats............à 227 1. 10 s. » d.
53,615 13 41 101,869 10 »[' 237,055 » »)
de
sous-officiers et cavaliers.
1. s. d.
1,322,027 10 »
214,088 » >>
268,866 » »
65,852 » »
1,872 » »
18,253 13 >»
1,890,959 9 »
392,540 3 4
5£>,740 X 4
449,591 13 4 2,283,499 12 4
2,733,091 1. 5 s. 8 d.
Colonies. — (Suite.)
ARTICLE QUATRIÈME.
PENSIONS DES OFFICIERS, SOUS-OFFICIERS ET SOLDATS SUISSES RETIRÉS ET PAYÉS
DANS LEUR PATRIE.
NOMBRE TOTAL PAR GRADE collectivement
de iodi- DÉNOMINATION. de
d'officiers officieri et loldati d'officiers. sous-officiers et soldats.
1. s. d. 1. s. d.
58 » » 469 Officiers, une veuve et deux filles dont les pensions montent Sous-officiers et soldats dont les pensions s'élèvent à....... 93,701 16 8 61,996 8 8
58 469 93,701 16 8 61,696 8 8
527 Total...................... 155,698 5 4
Plus, la fourniture de 42 habits, à 36 livres chacun.......... Appointements de M. Trouette, chargé du payement de ces 1,512 » »» 4,000 » » 1,200 » »
Faux frais, tant pour faire passer les pensions des sous-officiers et soldats dans le lieu de leur résidence, que pour la rentrée de lettres de change, estimés d'après les années antérieures à...........................................
Total. ...................... 162,410 5 4
ARTICLE CINQUIÈME.
OFFICIERS RÉFORMÉS, ENTRETENUS A LA SUITE DES PLACES, EN PASSANT AUX REVUES.
1. s. d.
224 officiers dont les appointements s'élèvent, suivant le relevé fait, tant sur les revues de 1790 que sur les acquits existant à la Trésorerie nationale pour la même année, à la somme de................................................ 178,523 18 7
RÉCAPITULATION GÉNÉRALE DU TITRE SIXIÈME.
DES RETRAITES ET RÉCOMPENSES MILITAIRES.
r. s. d.
Art. 1". Entretien de l'Hôtel des Invalides..........................................................................1,200,000 » »
» 2 Dépenses des compagnies d'invalides, détachées................................................1,789,439 14 6
» 3 Invalides pensionnés, soldes, demi-soldes et récompenses militaires..........2,733,091 5 8
» 4 Pensions des officiers, sous-officiers et soldats suisses retirés et payés
dans leur patrie....................................... ........................162,410 5 4
» 5 Officiers réformés, entretenus au service des places........................................178,523 18 7
Total................................. 6,063,564 4 1
Colonies. — (Suite.)
RÉCAPITULATION GENERALE DE LA DEPENSE DE LA GUERRE.
TITRE I".
I. s. d.
Appointements et solde......................................................................................................106,790,374 11 4
TITRE II.
Masses et fournitures de toute espèce aux troupes..................................................47,437,775 10 »
TITRE III.
Dépenses relatives aux travaux et approvisionnements de l'artillerie et du
génie................................................................................................................................................28,240,000 » »
TITRE IV.
Dépenses relatives aux jugements militaires et à la police des troupes............500,000 » » §
TITRE V.
Dépenses d'administration générale et frais imprévus..............................1,831,000 » »
TITRE VI. .........
Retraites et récompenses militaires et hôtel des invalides..................................6,063,465 4 »
Total général..................190,862,615 5 5
OBSERVATIONS.
Le projet de fonds ci-dessus a été rédigé d'après les décrets rendus jusqu'à ce jour par l'Assemblée nationale, à l'exception de quelques parties sur lesquelles elle n'a pas encore prononcé, telles que les étapes, employés de l'artillerie, etc. Les lois, ordonnances, etc , mises en plus petit caractère et entre deux crochets, à chaque article, les indiqueront, et renvoient aux mémoires particuliers adressés par le ministre chacune.
Il est à observer : 1° que la masse générale des corps ayant été calculée sur le prix des draps, des buffles et de la main-d'œuvre en 1790, devient aujourd'hui insuffisante par l'augmentation de .plus de 25 0/0, survenue sur les laines et autres matières ; le ministre sera dans le cas, en conséquence, de demander un supplément de fonds, pour cet objet, à l'Assemblée nationale; mais la versatilité continuelle du change ne permettant pas encore d'établir sur celte dépense des bases certaines, on ne fait qu'indiquer ici la nécessité prévue d'un supplément à demander, et qu'on ne peut évaluer, pour la seule partie de l'habillement et de l'équipement, au-dessous de 6 livres par homme et par conséquent de 12 à 1,500 mille livres pour la totalité de l'armée.
2° Tous les calculs du projet de fonds ont été faits sur la supposition du payement en espèces. L'achat du numéraire pour la solde des troupes étant fait par les commissaires de la Trésorerie nationale, il ne peut en être fait ici mention ; mais les augmentations ou indemnités à accorder aux fournisseurs dont les marchés, faits avant l'émission des assignats, stipulent le payement en espèces, doivent encore être ajoutées à la dépense ci-dessus ; car indépendamment de l'injustice qu'il y aurait à les leur refuser, ce serait s'exposer à faire manquer le service dans toutes ses parties, surtout pour les objets qui, tirés de l'étranger, doivent nécessairement être payés en numéraire. Il n'est pas possible d'asseoir sur cette dépense aucune base déterminée ; mais l'Assemblée nationale sentira sûrement combien elle mérite son attention.
3* Le projet de fonds ne présente de disposition de guerre que sur les équipages des vivres et de l'artillerie, portés en ce moment à 6,000 chevaux, et sur les dépenses matérielles de l'artillerie et des fortifications. S'il était question d'entrer en campagne, on présenterait un projet séparé pour la dépense extraordinaire qui en résulterait.
A Paris, le
Signé : Louis de Narbonne.
Colonies. — (Suite.)
TABLEAU GÉNÉRAL DU COMPLET DE L'ARMEE POUR 1792.
D'après les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, qui ont fixé la force
des différentes armes pour 1791.
INFANTERIE FRANÇAISE. 100 RÉGIMENTS DE DEUX BATAILLONS. Chaque bataillon de 9 compagnies dont une de grenadiers et 8 de fusiliers.
DENOMINATION.
Officiers.
f Colonels. \ Lieutenants-colonels
Etats-Majors.j Quartiers-maitres trésoriers.
Adj udants-majors.
Compagnies
Capitaines......
Lieutenants .... Sous-lieutenants
Soldats.
Adjudants.........
Tambours-majors.. États-Majors.{ Caporaux-tambours.
Musiciens..........
Maîtres ouvriers...,
de grenadiers.
! Sergents-majors j de fusilier8...
0 . I de grenadiers. Sergents....... de fusiliers...
Caporaux-four-1 de grenadiers, riers.........} de fusiliers...
de grenadiers, de fusiliers...
Compagnies. Caporaux....
... V de grenadiers Appointes......j de fusiliers...
Grenadiers. Fusiliers...
I rr. . l de grenadiers. ' Tambours......j de fusiliers...
Totaux.
Totaux.
PAR COMPAGNIE.
officiers.
soldats.
1 2
2
3
1 1
4 6
4 6
48
67
2 2
PAR REGIMENT.
officiers.
18 18 18
60
2 16
4 48
2 16
96
8 96
96
1,072
4 32
1,515
PAR ARME.
soldats, officiers.
1,575
100 200 100 200
1,800 1,800 1,800
6,000
157,500
Colonies. — (Suite.)
RÉGIMENT DES GARDES-SUISSES.
Composé de 2 états-majors et de 4 bataillons,composés de 4 compagnies, dont une de grenadiers
et 3 de fusiliers.
PAR COMPAGNIE.
DENOMINATION.
officiers.
Officiers.
État-major du^ régiment..
Compagnies. Lieutenants
Colonel........................
Lieutenant-colonel...............
Major..........................
Aide-majors....................
Sous-aide majors...............
Enseignes......................
Quartier-maître trésorier........
„ .. . (de grenadiers. Capitaines......î de fusiliers...
de grenadiers. de fusiliers . ..
c . , ( de erenadiers,
Soue-lieutenants j de fUsiliers ..
Enseigne......................
Soldats.
État-major du] régiment ..
État-major de/ la compa-' gnie géné-i raie.......!
4 compagnies' de grena diers....
12 compagnies de fu-liers ....
Adjudants.............
Maréchal des logis.....
Aide maréchal des logis.
Tambour-major.......
Prévôts...............
Tambour-major........
Maréchal des logis.....
Fourrier..............
Prévôt................
Sergents...............
Fourriers.............
Caporaux..............
Appointés.............
Grenadiers...........
Tambours............
Sergents ..............
Fourriers.............
Caporaux.............
Appointés.............
Fusiliers..............
Tambours.............
Total.
soldats.
PAR REGIMENT
officiers.
1 1 1
4
5 8 1 4
12 8 24 4 24
2 1 4 4 40 1 6 2 12 12 132 6
170
98
soldats.
4 1 1 1 8 1 1 1 1 8 4 16 ■16 160 4 72 24 144 144 1,584 72
2,267
2,365
Employés.
État-major du régiment.
État-major de la compagnie générale.
Grand juge...........,....... ........................
Aumôniers............................................
Médecin..............................................
Chirurgiens ........................................... I
Auditeur général.......................................
Secrétaire interprète...................................
Commissaire des vivres................................
Commissaire des guerres...............................
Grand juge............................................
Aumônier...........................................
Médecin..............................................
Chirurgiens...........................................
Adjudant.............................................
Secrétaire interprète...................................
Musiciens ............................................
Total des personnes attachées au régiment des gardes-suisses............
Colonies. — (Suite.)
INFANTERIE SUISSE. 11 RÉGIMENTS DE DEUX BATAILLONS. Chaque bataillon de 9 compagnies, dont une de grenadiers et 8 de fusiliers.
DÉNOMINATION. PAR COMPAGNIE. PAR RÉGIMENT. PAR ARME.
officiers. soldats. officiers. soldats. officiers. soldats.
Officiers. j Sous-aide-majors................ 1 Quartiers-maîtres................ \ Porte-drapeaux.................. / _ ., . (de grenadiers.. ( Capitaines...... j do fusiliers.... j j , . (de grenadiers.. Compagnies. Lieutenants.... j de fUSiiiers.... I „ ... . ( de grenadiers.. ^ Sous-lieutenants j de fusiliers.... Soldats. Etats-majors.] Prévôts........................ ( Garçons chirurgiens............. ' r, . (de grenadiers.. Foumers.....\ de fusiliers.... _ (de grenadiers.. Sergents....... } de fusiliers.... 1 ,, (de grenadiers.. Caporaux...... j de fusiiiers.... Compagnies../ 1 , . ±. (de grenadiers.. J Appointés......j de fusiliers.... I ^ (de grenadiers.. Tambours......j de fusiliers____ Aumôniers................. 9 1 1 1 1 1 1 1 2 2 3 4 12 4 12 1 4 40 72 1 1 1 2 2 1 4 2 16 2 16 2 16 1 4 4 2 16 4 48 8 96 R 96 2 32 80 576 11 11 11 22 22 11 44 22 176 22 176 22 176 11 44 44 22 176 44 528 88 1,056 88 1,056 22 352 880 6,336
66 977 726 10,747
Chirurgiens-majors.......... 11 1,043 11,473
Guerre.— (Suite.)
INFANTERIE LÉGÈRE. — 14 bataillons. Chaque bataillon composé de 8 compagnies.
DENOMINATION.
Officiers.
~f i Lieutenants-colonels........
États-majors.] Quartiers-maîtres-trésoriers.
( Adjudants-majors.........
| Capitaines.................
Compagnies..] Lieutenants. ..............
( Sous-lieutenants...........
Soldats.
État-
major.
Compagnies
Adjudants.........
Tambours-majors .. Maîtres ouvriers...
Sergents-majors ...
Sergents...........
Caporaux-fourriers
Caporaux..........
Appointés..... ...
Chasseurs.........
Tambours..........
Chirurgiens-majors........................ 14
Totaux......................
PAR COMPAGNIE. PAR RÉGIMENT. PAR ARME.
Officiers. Soldats. Officiers. Soldats. Oftlciers. Soldats.
» 2 » 28 »
» » 1 » 14 V
» » 1 » 14 ))
1 » 8 » 112 »
1 » 8 » 112 »
1 » 8 » 112 »
» » » 1 » 14
» » * 1 » 14
» » » 3 » 42
» 1 » 8 » 112
» 3 s 24 » 336
» 1 » 8 » 112
» 6 » 48 » 672
» 6 » 48 » 672
» 67 » 536 » 7,504
n 2 » 16 J> 224
28 392 392 9,702
721 10,094
TROUPES A CHEVAL. — 62 régiments.
CARABINIERS. — 2 régiments. Composés chacun de 4 escadrons, chaque escadron composé de 2 compagnies.
DÉNOMINATION.
Officiers.
États-majorsJ
Compagnies
Colonels............
Lieutenants-colonels Quartiers-maîtres....
Capitaines..........
Lieutenants.........
Sous-lieutenants
Carabiniers.
États-majors. >
Adjudants montés...............
Trompettes-majors montés......
Maîtres maréchaux montés......
Maîtres ouvriers à pied..........
Maréchaux des logis en chef.....
Maréchaux des logis ............
Brigadiers-fourriers.............
Brigadiers......................
Compagnies./ Appointés.......................
Carabiniers, dont j ™ «JjJ* ; ; ; ;
Trompettes.....................
Aumôniers................................ 2
Chirurgiens-majors.........>.............. 2
S des hommes...................
j__ _i_____ l d'officiers... 48
( de troupes.. 652
des chevaux
PAR COMPAGNIE
Officiers.
Soldats.
1 2 1 4 4
72
1
PAR REGIMENT.
725
700
PAR ARME.
Officiers. Soldats. Officiers. Soldats.
1 » 2 »
2 M 4 »
1 2 »
8 16 »
8 » 16 n
16 y> 32 »
» 2 D 4
» 1 » 2
n 1 » 2
n 5 » 10
M 8 n 16
n 16 » 32
» 8 » 16
M 32 » 64
» 32 » 64
» 576 » 1,152
» 8 » 16
36 689 72 1,378
1,450
1,400
Guerre. — (Suite.)
CAVALERIE. — 24 régiments de 3 escadrons. Chaque escadron composé de 2 compagnies.
DENOMINATION.
PAR COMPAGNIE.
Officiers. Soldats.
Officiers.
États-majors.
Compagnies.
Colonels............
Lieutenants-colonels Quartiers-maîtres....
Capitaines..........
Lieutenants.........
Sous-lieutenants ....
États-majors.
Cavaliers.
Adjudants montés..........
Trompettes-majors montés. Maîtres maréchaux montés. Maîtres ouvriers à pied....
PAR REGIMENT. PAR ARME.
Officiers. Soldats. lOfficiers. Soldats.
1 2 1
6 6 12
24 48 24
144 144 288
Compagnies.
Maréchaux des logis en chef.
Maréchaux des logis........
Brigadiers-fourriers.........
Brigadiers.................
Appointés...................
Cavaliers, Trompettes,
j__, ( 68 montés..
donM 4 à pied...
Aumôniers................................ 24
Chirurgiens-majors........................ 24
des hommes.
1 2 1 4 4
72
2 1 1
5
6 12
6 24 24
432
48 24 24 120
144 288 144 576 576
10,368
144
Total
des chevaux
( d' |dt
officiers... 381 de cavaliers. 490j
28
519
547
528
672 12,456 ' 13,128
12,SZÏ
DRAGONS. — 18 régiments de 3 escadrons. Chaque escadron composé de 2 compagnies.
DENOMINATION.
Officiers.
Officiers.
États-majors.
Compagnies .
Colonels............
Lieutenants-colonels Quartiers-maîtres....
Capitaines..........
Lieutenants.........
Sous-lieutenants....
États-majors.
Dragons.
Adjudants montés........
Trompettes-majors montés. Maîtres maréchaux montés Maîtres ouvriers à pied....
ARCOMPAGNIE. PAR RÉGIMENT. PAR ARME.
Soldats. Officiers. Soldats. I Officiers. Soldats.
1 2 1
6 6 12
»
7> »
»
18 36 18
108 108 216
» » » » »
2 1 1 5
36 18 18 90
Golonies. — (Suite.)
DENOMINATION.
Maréchaux des logis en chef......
Maréchaux des logis..............
Brigadiers-fourriers..............
Brigadiers.......................
Compagnies Appointés.......................
pi______ .__. j 68 montés.......
Dragons, dont j 4 à pied........
Trompettes......................
Aumôniers................................ 18
Chirurgiens-majors..........*............ 18
des hommes
Total
des chevaux \ d'offlciers... 38 des cnevaux \ de dragons- 49o
PARCOMPAGNIE.
Officiers. Soldats
1 2 1 4 4
72
PAR REGIMENT.
Officiers. Soldats.
28
6 12 6 24 24
432
519
547
528
PAR ARME.
Officiers.
504
Soldats.
108 216 108 432 432
7,776
108
9,342
9,846
9,504
CHASSEURS. — 12 régiments de 4 escadrons. Chaque escadron composé de 2 compagnies.
DÉNOMINATION.
Officiers.
États-majors.
Compagnies.
Colonels ...........
Lieutenants-colonels. Quartiers-maîtres...
Capitaines.........
Lieutenants.........
Sous-lieutenants.....
États-majors.
Compagnies
Chasseurs.
Adjudants montés...........
Trompettes-majors montés.. Maîtres maréchaux montés.. Maîtres ouvriers à pied......
Maréchaux des logis en chef.
Maréchaux des logis.....
Brigadiers-fourriers.........
Brigadiers..................
Appointés..................
ChasS,urS,don.(^rPMS:
Trompettes.................
Aumôniers................................ 12
Chirurgiens-majors........................ 12
des hommes.
Total
PARCOMPAGNIE.
Officiers. Soldats.
des chevaux
d'officiers.. 48 de chasseurs 652
1 2 1 4 4
72
1
PAR REGIMENT.
Officiers. Soldats.
16
36
2 1 1 4
8 16 8 32 32
576
PAR ARME.
Officiers. Soldats
12 24 12
96 96 192
688
724
700
432
24 12 12 48
96 192 96 384 384
6,912
96
8,256
8,688
8,400
Colonies. — (Suite.)
HUSSARDS. — 6 régiments de 4 escadrons. Chaque escadron composé de 2 compagnies.
DÉNOMINATION.
Officiers.
I Colonels............
Etats-majors, j Lieutenants-colonels.
I Quartiers-maîtres
l Capitaines..........
Compagnies.] Lieutenants..........
' Sous-lieutenants.....
États-majors.'
Compagnies .
Hussards.
Adjudants montés...........
Trompettes-majors montés... Maîtres maréchaux montés.. Maîtres ouvriers à pied.....
Maréchaux des logis en chef.
Maréchaux des logis.........
Brigadiers-fourriers.........
Brigadiers..................
Appointés...................
ii j . . ( 08 montés.. Hussards, dont j 4àpied->
Trompettes.................
Aumôniers........................ ....... 6
Chirurgiens-majors........................ 6
des hommes
Total
des chevaux
j d» \ de
officiers... 48i de hussards. 652 i
PAR COMPAGNIE.
Officiers. Soldats.
1 2 1 4 4
72 1
PAR REGIMENT.
Officiers. Soldats
16
36
2 1 1 4
8 16 8 32 32
576
688
724
700
PAR ARME.
Officiers.
6 12 6
48 48 96
216
Soldats.
12 6 6 24
48 96 48 192 192
3,456
48
4,128
4,344
i,200
RECAPITULATION DES TROUPES A CHEVAL.
Carabiniers.....................
Cavalerie.......................
Dragons........................
Chasseurs......................
Hussards.......................
Totaux
RÉGI- ESCA- NOMBRE CHEVAUX
MENTS. DRONS. d'officiers. do soldats. d'officiers. de soldats.
2 24 18 12 6 8 72 54 48 24 72 672 504 432 21.6 1,378 12,456 9,342 8,256 4,128 96 912 684 576 288 1,304 11,760 8,820 7,824 3,912
62 206 1,896 35,560 2,556 33,620
37,456 36, 176
Golonies. — (Suite.)
ARTILLERIE. 7 RÉGIMENTS DE 2 RATAILLONS. Chaque bataillon composé de 10 compagnies.
DENOMINATION.
Officiers.
États-majors.
Colonels....................
Lieutenants-colonels.......,
Quartiers - maîtres très oriers, Adjudants-majors...........
Compagnies.
Capitaines-commandants.
Seconds capitaines......
Premiers lieutenants.... Seconds lieutenants.....
Canonnie
États-majors.
Ajudants...........
Tambours-majors.., Caporaux-tambours,
Musiciens..........
Maîtres ouvriers...,
Compagnies.
Sergents-majors....
Sergents............
Caporaux-fourriers..
Caporaux...........
Appointés...........
Artificiers...........
Premiers canonniers. Seconds canonniers. Tambours..........
Aumôniers..............7
Chirurgiens-majors.....7
Totaux.
PAR COMPAGNIE.
officiers, soldats.
1 4 1 4 4 4 20 36 1
PAR RÉGIMENT.
officiers.
1 6 1 2
20 20 20 20
90
soldats.
4 1 1 8 3
20 80 20 80 80 80 400 720 20
1,517
1,607
PAR ARME, officiers, soldats.
7
42 7 14
140 140 140 140
630
28 7 7
56 21
140 560 140 560 560 560 2,800 5,040 140
10,619
11,249
MINEURS. 6 compagnies composées ainsi qu'il suit
DENOMINATION.
Officiers.
Mineurs.
Capitaines-commandants................
Seconds capitaines.....................
Premiers lieu'enants...................
Seconds lieutenants....................
Adjudant-major........................
Sergents-majors.....................
Sergents.......... ...................
Caporaux-fourriers....................
Caporaux............................
Appointés.............................
Premiers mineurs.....................
Seconds mineurs......................
Tambours............................
Chirurgien-major..................1
Totaux........
PAR COMPAGNIE, officiers, mineurs.
1 4 1 8 8 16 24 1
63
68
PAR ARME, officiers, mineurs.
6 6 6 12 1
31
6 24 6 48 48 96 144 6
378
409
Guerre. —
553
(Suite.)
ouvriers. 10 compagnies.
DENOMINATION.
Officiers.
Ouvriers.
Capitaines-commandants..
Seconds capitaines.......
Premiers lieutenants.....
Seconds lieutenants......
Sergents-majors.........
Sergents ...............
Caporaux-fourriers.......
Caporaux................
Appointés...............
Premiers ouvriers......
Seconds ouvriers........
Apprentis................
Tambours...............
Totaux
PAR COMPAGNIE.
officiers. ouvriers.
1 4 1 4 4 12 12 16 1
55
59
PAR ARME.
officiers. ouvriers
10 10 10 10
40
10 40 10 40 40 120 120 160 10
t>50
590
officiers détachés dans les places.
DENOMINATION.
NOMBRE
détaillé
des officiers.
31 colonels.
Commandants d'artillerie dans les écoles, y compris celle des mineurs...
Commandant de l'école des élèves......................................
Directeur des manufactures d'armes................................
Directeur des forges...................................................
Directeurs d'artillerie, dont 5 d'arsenaux et de construction et 15 des places
31 lieutenants-colonels.
Commandant en second des élèves.....................................
Sous-directeurs des manufactures d'armes..............................
Sous-directeurs des forges............................................
Sous-directeurs des arsenaux..........................................
Sous-directeurs des places.............................................
53 capitaines.
Aux manufactures d'armes.
Aux forges...............
Aux fonderies.............
A l'Ecole des élèves.......
Détachés dans les places...
Total.
eleves sous-lieutenants.
8 1 1 1 20
1
4 3
5 18
4 3 2 2
42
TOTAL.
31
31
53
115
42
Guerre. — (Suite).
RÉCAPITULATION DE L'ARTILLERIE.
DENOMINATION.
7 régiments de 2 bataillons......
6 compagnies de mineurs........
10 compagnies d'ouvriers.........
Officiers détachés dans les places. Élèves sous-lieutenants...........
Total.
NOMBRE
d'officiers.
630 31 40 115 42
858
de soldats.
10,619 378 550
11,544
12,450
CORPS ROYAL DU GÉNIE. COMPOSÉ DE 310 OFFICIERS.
Colonels directeurs.....
Lieutenants-colonels
Capitaines..............
Lieutenants............
Élèves sous-lieutenants.
Total.
ETAT-MAJOR GÉNÉRAL
COMPOSÉ AINSI QU'IL SUIT :
Maréchaux de France. Lieutenants généraux . Maréchaux de camp...
Adjudants généraux.
Colonels............
Lieutenants-colonels.
I Colonels............
Lieutenants-colonels. Capitaines...........
Total.
ETATS-MAJORS DES PLACES. 50 ADJUDANTS DE PLACE.
Adjudants.
Capitaines.. Lieutenants
20 40 180 60 10
310
34 72
18 15
4 4
148
301
COMMISSAIRES DES GUERRES. 180 COMMISSAIRES EN 3 CLASSES
Commissaires ordonnateurs...............................
Commissaires auditeurs..................................
Commissaires ordinaires.................................
Total............
30 20
50
23 23 134
180
Colonies. — (Suite.)
GARDES NATIONALES. 200 BATAILLONS
Composés chacun de 9 compagnies, dont une de grenadiers et 8 de fusiliers.
DENOMINATION.
Etat-major.. Compagnies.
Officiers.
Lieutenants-colonels.....
Adjudant-major.........
Quartier-maître-trésorier.
Capitaines...............
Lieutenants.............
Sous-lieutenants.........
Etat-major.. Compagnies.
Gardes.
Adjudant sous-officier...
Tambour-maître........
Armurier..............
Fourriers..............
Sergents...............
Caporaux...............
Grenadiers.............
Tambours..............
Chirurgiens-majors.......
Par bataillon.
200
PAR COMPAGNIE. Officiers. Soldats.
1 2 4 52 1
PAR BATAILLON. Officiers. Soldats.
31
6,200
1 1 1 9 18 36 468 9
543
108,600 114", 800
Total pour 200 bataillons.......
AUXILIAIRES.
Soldats auxiliaires................................... ..........»..................... 75,000
RECAPITULATION GENERALE
DU COMPLET DE L'ARMÉE-
NOMS
des différentes armes.
I Française..............
Suisse.................
Légere . ..............
! Carabiniers............
Cavalerie..............
Dragons...............
Chasseurs.............
Hussards..............
iCanonniers.............
Mineurs (6 compagnies). Ouvriers (10 compagnies) Service des places.....
Corps du génie....................
Etat-major général de l'armée.......
Etat-major des places..............
Commissaires des guerres...........
Total de l'armée de ligne.......
Gardes nationales...................
Soldats auxiliaires..................
Total du complet de l'armée pour l'année 1792
Total
Paris, le 17 décembre 1791.
Total général.
régi- batail- esca-
ments. lons. drons.
100 200
12 26
14 14
2 8
24 72
18 54
12 48
6 24
7 14
200
195 454 206
NOMBRE d'h o m m es. Ofliciers. Soldats.
7,216
1,896
858
310 301 50 180
10,811 6,200
17,011
174,216
35,560
11,547
221,323
108,600 75,000
404,923
421,934
NOMBRE
de chevaux. Officiers. Soldats.
2,556
2,556
33,620
30,620
2,556 33,600 36,176
Signé : Louis de Narbonne.
Golonies. — (Suite.)
ÉTAT GÉNÉRAL DE LA DÉPENSE DE LA GENDARMERIE NATIONALE
POUR L'ANNÉE 1792. (Loi du 16 février 1791.)
NOMBRE
84 166 498
776
4> 00
—« O
G S
0
1 T3
i» a
9 «
o oo en
o o
498
795
6,177
6,953
DÉTAIL DE LA COMPOSITION
et des appointements.
Gendarmerie qui a remplacé la maréchaussée.
Colonels, dont
Lieutenants - colo -I nels, dont.......I
Capitaines, dont...j Lieutenants, dont.
APPOINTE-MENTS
ou solde attribués à
chaque grade,
par an de 360 jours.
27 dans l'intérieur de la France.......
1 en l'île de Corse
82 dans l'intérieur.
2 en Corse
164 dans l'intérieur.. 2 en Corse.........:
492 dans l'intérieur... 2 en Corse.........
lo uu1 do. • |
itérieur... | >.........?
Maréchaux des lo-J
18 pour la première
division.........
6 pour la Corse (non
, . % montés).........
S1S> aont........) 474 autres pour les 79
dépar tements restants (1).........
54 pour la première
division.........
30 pour la Corse (non
montés).........
711 autres pour les 79 département s restants............
Brigadiers, dont.
Gendarmes, dont..
' 144 pour la Corse (non
| montés).........
4,740 pour les 79 autres
^ départements ...
Total.
Suppléments.
Aperçu du supplément de traitement qui devra être payé aux officiers, sous-officiers et gendarmes de la première division, suivant les dispositions de l'article 2, du titre 5 de la loi, à..................
Traitements.
Des 84 secrétaires-greffiers, dont 2 en Corse auprès des 2 lieutenants-colonels et 82 autres pour les 82 départements de l'intérieur de la France, à..............
A chacun des derniers 84 greffiers pour menus frais et dépenses du secrétariat, à.
A un commis du secrétariat de Paris..
Total........
6,000
3,600 2,600 1,800
1,100 700
1,100
1,100 600
900
500 900
600
200 600
TOTAL PAR GRADE
collectivement
de
sous-officiers et
gendarmes.
d'officiers.
168,000
302,400 431,600 896,400
1,798,400
35,000
52,400
16,800 600
69,800
19,800 4,200
521,400
54,000 18,000
639,900
72,000 1,266,000
5,595,300
(1) Il est dit, par l'article 2 du titre premier de la loi, que, selon les localités, le service de la gendarmerie sera fait partie à pied, partie à cheval, ainsi qu'il s^ra réglé par les directoires sur l'avis des colonels ; mais comme l'article ajoute que les gendarmes nationaux à cheval, feront ce service à pied quand il leur sera ordonné, on croit qu'il est nécessaire do faire les fonds de cette troupe, comme si elle devait être toute montée, avec d'autant plus de raison que peu île directoires pensent qu'il faille des brigadiers à pied.
INTÉRIEUR. — (Suite.)
NOMBRE
S
J3 T3
776
m 03 .ï ©
â g O ®
2 ®
9 6»
03 w o
T3
6,177
6,953
2 10
12
10 36 144
190
202
90
99
DÉTAIL DE LA COMPOSITION
et des appointements.
APPOINTEMENTS
ou solde
altribués à
chaque grade,
par an de 360 jours.
1
2
6
6
12
72
Gratifications annuelles.
A chacun des 3 départements de la première division, une gratification annuelle
de......................................
A chacun des 80 autres départements, y compris la Corse, idem, de...........
Masses.
A chacun des 1,293 brigadiers, une masse de 360 livres, destinée annuellement à servir par forme de supplément à l'entretien de l'habillement, remonte et équipement des chevaux, ci........................
Nota. — L'article 9 du titre 4 dit qu'il sera réduit sur celte masse 40 livres par chaque homme, dans les lieux où les brigadiers ne seront pas montés.........
récapitulation
Appointements et solde..............
Suppléments .......................
Traitements........................
Gratifications.......................
Masse............................
Totaux ....
Gendarmerie qui a été formée de la devant compagnie de Robe-Courte.
2 compagnies.
ci-
Capitaines..........
Lieutenants .........
Maréchaux des logis,
Brigadiers...........
Gendarmes.........
Totaux.
Gendarmerie qui a été formée de la compagnie de la Prévôté-de-l'Hôtel.
1 compagnie de grenadiers gendarmes
Lieutenant-colonel.................
Capitaines.........................
Lieutenants........................
Maréchaux des logis...............
Brigadiers.........................
Grenadiers gendarmes..............
Secrétaire greffier..................
Menus frais et dépenses du secrétariat
Totaux....
2,400 1,500
3Ô0
3,300 2,100 1,050 900 750
5,000 3,500 2,300 1,250 1,100 910 900 200
TOTAL PAR GRADE collectivement
d'officiers.
7,200 120,000
127,200
1,798,400 35,000 69,800 127,000
2,030,400
de
sous-officiers et
gendarmes.
465,480
5,595,300
465,480
6,060,780
8,091,180
6,600 21,000
10,500 32,400 108,000
27,600
178,500
150,900
5,000 7,000
13,800 »
900 200
26,900
7,500 13,200 65,520
86,200
113,120
Guerre. — (Suite.)
DIVISION DE GENDARMERIE NATIONALE
COMPOSÉE DE LA CAVALERIE DE LA GARDE NATIONALE PARISIENNE.
Un régiment de 4 escadrons.
NOMBRE
u «3
u-©
T3
32
36
œ
s- o m
sH
0 ci
1 T3
S e 5 ®
O feo ai uw
13® T3
4 12 91 1
104
872
4
872 876
912
DENOMINATION.
Etat-major.
Colonel..................
Lieutenants-colonels.......
Quartier-maître..........
Adjudants sous-officiers..
Trompette-major..........
Un chirurgien-major......
Un chirurgien aide-major.. Maréchal-expert..........
APPOINTEMENTS OU SOLDE
paran,attribués a chaquegrade.
S S
qj T3 M
c o
S.2
p. o ce ai
o>
6,000 3,600 5,000 1,200 1,000
Une compagnie.
Capitaine............
Lieutenants..........
Maréchaux des logis..
Brigadiers...........
Gendarmes..........
Trompette...........
1,000
2,600 1,800 1,100 1,000 900 900
O)
ai
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S £
su ^
û. J-2
s o
œ ci-
3,000 1,800 J> 600 550
500
1,300 900 550 500 450 450
Totaux pour une compagnie. Et pour les 8 compagnies de 4 escadrons......
RÉCAPITULATION.
État-major...................................
8 compagnies................................
Totaux.
Total.
Totaux.
9,000 5,400 5,000 1,800 1,650
1,500
3,900 2,700 1,650 1,500 1,350 1,350
TOTAL PAR GRADE collectivement
d'officiers.
9,000 10,000 5,000
24,800
3,900 8,100
12,000
96,000
24,800 96,000
120,800
de
sous-officiers et
gendarmes.
3,600 1,650
1,500
6,750
6,600 18,000 124,200 1,350
150,150
1,201,200
6,750 1,201,200
1,207,950
1,328,750
INTÉRIEUR. — (Suite.)
DIVISION DE LA GENDARMERIE NATIONALE A PIED.
NOMBRE,
a
32
3 32
35
«S
te
O 0
a
4 12 92 1
10'J
872
3
872
875
910
DÉNOMINATION.
État-major.
Colonel...................
Lieutenants-colonels.......
Adjudants maréchaux des
logis...................
Tambour-major..........
Un chirurgien major......
Un chirurgien aide-major.
Une compagnie.
Capitaine.....
Lieutenants.........
Maréchaux des logis.
Brigadiers...........
Gendarmes..........
Tambour............
APPOINTEMENTS OU SOLDE
par an attribués a chaque grade.
6,000 3,600
1,200 900
2,600 1,800 1,100 600 500 500
a -r a 2
Ses
cl
t. 3 O Q.
Totaux.
TOTAL PAR GRADE
collectivement
de
sous-officiers et
gendarmes.
d'officiers.
3,000 1,700
600
1,300 900 550 300 250 250
9,000 5,400
1,800 900
3,900 2,700 1,680 900 750 750
Totaux pour une compagnie. Et pour les huit compagnies.
RECAPITULATION.
État-major.......
Huit compagnies.
Totaux pour la division à pied.
9,000 10,800
19,800
3,900 8,100
12,100
96,000
19,800 96,000
3,600 900
4,500
6,600 10,800 69,000 750
87,150
697,200
4,500 697,200
115,800
817,500
701,700
RECAPITULATION GENERALE
DE LA DÉPENSE DE LA GENDARMERIE NATIONALE POUR L'ANNÉE 1792.
NOMBRE
d'officiers. de sous-officiers et gendarmes. Totaux.
776 12 6,177 190 6,953 202
9 90 99
36 876 912
35 875 910
868 8,208 9,076
DENOMINATION.
Gendarmerie qui a remplacé la maréchaussée.........
Deux compagnies formées de la ci-devant compagnie
de Robe-Courte........ ..........................
Une compagnie formée de la compagnie ci-devant de la
Prévôté-de-l'Hôtel.................,...............
Division de gendarmerie composée de la cavalerie de
la garde nationale parisienne......................
Autre de la gendarmerie nationale à pied.............
Total...............................
DEPENSES.
8,091,180 »
178,500 »»
113,120 »»
1,328,750 »
817,400 »
10,529,050
A Paris, le 17 décembre 1791.
Signé : Louis de Narbonne.
Intérieur.
ÉTAT DES DÉPENSES,
PAR APERÇU,
RELATIVES AU DÉPARTEMENT DE L'INTÉRIEUR POUR LE SERVICE DE L'ANNÉE 1792.
Au désir de la lettre de M. le Président du comité des dépenses publiques, en date du 2 novembre 1791, cet état sera divisé en deux chapitres : le premier contiendra les dépenses ordinaires ; le second, les dépenses extraordinaires; et l'état de 1791, arrêté par le comiié des finances le 6 février, servira de base pour établir, par aperçu, les dépenses de 1792, savoir :
DÉPENSES ORDINAIRES.
OBJETS DES DÉPENSES.
ANNEE 1791.
Le culte. Pensions accordées aux ecclésiastiques et aux religieux des deux sexes, supprimées. (Décrets des 12 et 24 juillet, 3 et U août 1790 et 18 février 1791.).
Liste civile. (Décret du 9 juin 1790). Monsieur, frère du roi. (Décret du
20 décembre 1790.).............
Apanage..... 1,000,000 j 2 000>000 Traitement... 1,000,000 ' ' Secours pendant 20 ans. 500,000 M. d'Artois. (Décret du 20 décembre 1790.).....................,
Apanage............... 1,000,000!
Traitement............. 1,000,000
et 850,000 livres de rentes viagères ici pour............mémoire
M. d'Orléans. (Décret du 20 décembre 1790.).....................
Renie apanagère....... 1,000,000
Indemnité d^un million chaque année, pendant 20 ans, à cause des améliorations dans son apanage............. 1,000,000
Ponts et chaussées. (Décret des 14,16 et 31 janvier 1790 et 17 juillet 1791).......................
Ministres et gages du conseil. (Décret du 5 janvier 1790).........
evaluation
suivant l'état du comité
des finances.
153,847,600
25,000,000
2,500,000
2,000,000
2,000,000
4,031,200
460,000
payements
faits en 1791 sur ces objets.
153,561,795
25,000,000
2,500,000
2,000,000
2,000,000
4,031,200
200,910
ANNEE 1732.
fonds a faire
par aperçu des dépenses ordinaires.
153,847,600
25,000,000
2,500,000
2,000,000
2,000,000
4,031,200
200,000
OBSERVATIONS.
La diminution sur cet objet ne sera pas sensible en 1792.
En 1792 comme en 1791.
En 1792 comme en 1791
En 1792 comme en 1791.
En 1792 comme en 1791.
On ne peut statuer avec précision sur cette dépense, qui est liée avec les événements extraordinaires.
Les ministres des affaires étrangères, de la guerre et de la marine, ne font point partie de cet arli cle; leur traitement est compris dans la dépense de leur département.
Le ministro de l'intérieur et ses bureaux sont compris dans les frais de l'administration générale.
Intérieur. — (Suite.)
OBJETS DES DÉPENSES.
Administration générale.
En 1791 :
Trésor public......................1,450,000
Caisse de l'extraordinairo 300,000
Liquidation générale.... 300,000
Frais de comptabilité.... 300,000,
Total de 1791..... 2,350,000
En 1792 :
Département de l'Intérieur 506,000 Gratification............ 24,000
530,000
Trésor public.
Nouvelle consistance .... Traitement des commissaires. 90,000)
Comptabilité définitive... MémoireJ
966,584 ^534
(Non réglé.) Caisse de Vextraordinaire. M. AmeIot.(Décret du 11 juillet 1791 .)|
Q" de (janvier 110,000 Qer d'a-' vril.... 110,000 Q" de | juillet. 110,000 Q" d'octobre.. 110,000
440,000
M. Le Couteulx. (Décret \ nr.n du 11 juillet 1790.) / 666,000
Q" de /janvier 56,500 ' Qor d'a-
1 vril... 56,500 Qer de-
(juillet. 56,500 Q" d'octobre. . 56,500
226,000 /
Liquidation générale.
M. de Saint-Léon (Décret du 4 mai 1791).
Q'r de
janvier 125,000 | Qer d'a-1 vril... 125,000 Qer de
juillet. 125,000 Qerd'oc-toJbre.. 125,000
500,000
3,052,584
Frais de comptabilité comme en 1791............ 300,000
ANNÉE 1791.
ANNEE 1792,
evaluation
suivant l'état du comité
des finances.
paiements i ponds a faire
faits I par aperçu en 1791 des dépenses sur ces objets. ordinaires.
2,350,000 2,350,000
3,052,584
OBSERVATIONS.
1.
1792 ...... 3,052,584
1791...... 2,352,000
Augmentation .....
702,584
On voit ici d'un' coup d'œil d'où provient cette augmentation en comparant 1791 à 1792.
intérieur. — (Suite.)
OBJETS DES DÉPENSES.
Écoles des Mines et Dépôts publics.
La dépense des dépôts a
été fixée à.........................6,800
L'Ecole des Mines est décrétée à....................7,000
Les dépôts à rentrer sont
évalués à..........................14,000
ANNÉE 1791.
evaluation suivant l'état du comité
des finances.
paiements faits en 1791 sur ces objets,
ANNEE 1792.
fonds a faire
par aperçu des dépenses ordinaires.
27,000
Primes et encouragements pour le
commerce.....................
Six premiers mois....... 57,175
Six derniers mois....... 63,816
Total de 1791..... 120,991
Jardin du roi. (Décret du 10 août et 3 septembre 1790)...........
Bibliothèque du roi. (Décret du 3 septembre 1790).... ........
Université, Académies, Travaux littéraires, Sciences et Arts......
27,000
3,862,000
100,000
110,000
1,000,000
Invalides.
Indemnités de droits d'entrée................... 350,000
Oblats.................. 216,000
Total...... 566,000
566,000
5,525
120,991
100,000
110,000
373,187
27,000
3,000,000
100,000
110,000
1,000,000
216,000
OBSERVATIONS.
Cet article est d'une faible importance ; des décrets définitifs achèveront de le régler.
Rien de fixé encore sur cetto dépense ; elle est portée ici, en 1791, d'après l'état du comité des finances; et pour 1792, l'on ne l'a comprise que pour 3 millions.
Cette dépense a été
fixée à 100,000 liv.
par le décret du 20 août 1790.
Il est possible que des vues d'utilité publique engagent à accorder quelquefois des suppléments, tant à cet article qu'au précédent,mais ce ne peut être que par des décrets particuliers.
Les dépenses ordinaires ayant été fixées, savoir :
Française, des Belles-Lettres . des Sciences.....
de Médecine ....
26,417 44,108 94,658 36,200
Observa t o i r e royal.......
Travaux littéraires ......
201,383 8,700 7,900
217,983
Ce qui reste à décréter et dont une partie l'est provisoire -ment, est évalué à.... 782,017
Total.... 1,000,000
Les entrées ayant été supprimées, à comp ter de mai 1791, on n'a pas compris, dans l'aperçu de 1792, l'indemnité de 350,000 livres.
Intérieur.
563
(Suite).
ANNÉE 1791. ANNÉE 1792.
OBJETS DES DÉPENSES. ÉVALUATION suivant l'état du comité des finances. PAIEMENTS faits en 1791 sur ces objets. FONDS A FAIRE par aperçu des dépenses ordinaires.
Assemblée nationale. 6 premiers mois de 1791. 4,688,000 Le comité des finances a porté quatre millions pour les six derniers mois, dans le chapitre des dépenses particulières à 1791,4,000, OOOl.dmémoire Il a été payé : Six premiers mois..... 3,084,001 Six derniers mois..... 816,677 (Les six derniers mois ne sont pas terminés.) 4,688,000 3,900,678 6,000,000
Total......... 3 900,678
Haute-Cour nationale........... • • 150,000 400,000 » » 150,000 400,000
Tribunal de cassation et magistrature ........................ 383,955
Ï1 a été payé : Six premiers m'ois....... 195,092 Six derniers mois....... 188,863
Total de 1791..... 383,955
Pensions de 1792................. 14,000,000 14,000,000 14,000,000
Six premiers mois, feuilles du Trésor public...... 13,549 Six premiers mois, pour .les jésuites........... 94,625 Six derniers mois à divers. 31,144
Objets connus au département de- l'intérieur.... 139,318
Traitements des Hollandais réfugiés et des Acadiens................ 816,000 2,400 600,000
Six premiers mois....... 600 Le S'Bourons, hollandais : Quartier d'avril......... 600 — de juillet....... 600 — -d'octobre....... 600
Total......... 2,400
Rentes \ viagères..,. 101,822,846 Renies j perpétueiieg. 61,000,000 •
Total...... 162,823,846 162,823,846 162,823,846 162,823,846
OBSERVATIONS.
L'on ne portera, par aperçu, en 1792,que six millions, attendu que l'établissement de la salle, des bureaux, etc., a été fait pendant la durée de l'Assemblée constituante, et que beaucoup d'objets extraordinaires n'auront pas lieu en 1792.
En 1792 comme en 1791. En 1792 comme en 1791.
Cet article h'est qu'une charge passagère qui ne se renouvelle qu'en partie par d'autres pensions que la justice ne peut refuser à ceux qui ont bien servi la chose publique.
On peut regarder ces 14 millions' comme ayant été payés : on en jugera en 1792, sur les feuilles du Trésor public relatives à 1791.
La mort diminue chaque jour cet article auquel on essayera, de faire face, en 1792, avec 600,000 livres.
Aucun paiement connu jusqu'à ce jour sur les Acadiens.
Il y a eu certainement des extinctions pendant 1790 et 1791 ; mais comme plusieurs parties d'intérêt, qui se payaient au Trésor public, ont été distribuées aux payeurs des rentes, on laisse ici subsister le même fonds pour le service de 1792, sauf à diminuer d'autant l'article suivant.
INTÉRIEUR. — (Suite.)
OBJETS DES DEPENSES.
Six premiers mois, feuilles du Trésor... Mandat du 3 août 1791.
Objets connus au 3 août 1791............... 80,625,000
125,000 80,500,000
On ne pourra connaître au juste le paiement des rentes de 1791 jusqu'en 1792. Le paiement desdites rentes est porté ici en plein, parce que le montant y est connu, par aperçu.
Intérêts de la dette non constituée et exigible.
En 1791 :
1" article............ 24,653,399
2° Des effets à terme non échus et déclarés
remboursables..... 25,460,332
3° Les Quinze-Vingts. 250,0C0
Total de 179L.. .~~5Ô,363,731 Six premiers mois...
Mandats y, compris les pays d'Etats........
22,084,962 4,722,027
Jusqu'à ce jour....... 26,806,989
En 1792 : On voit qu'en 1791, cette dépense a été
portée à............
Intérêts à déduire en 1792, ci-devant payés au Trésor public, distribués aux payeurs des rentes, et qui ont été compris dans l'article précédent pour balancer les extinctions, savoir :
50,363,731
Les Quin-
ze-Vingts 250,000
M. d'Or-
léans,pr.
dot..... 274,068
M.de Con-
dé, dot.. 35,600
M.deCon-
ti (Oran-
ge et Jo-
ry)..... 40,450
M.dePen-
thièvre. 96,400
M. de Li-
ancourt. 30,000
Soubise,
terre de
Viviers. 65,000
Clément
de Bar-
ville. ... 147,000
Soursac.. 4,000
Gibert de
Voisins. 64,077
P u i s i -
gueux.. 24,000
Buffon .. 5,600
Pons(Mm4
de)... , 19,160
ANNEE 1791.
EVALUATION
suivant l'état du comité
des finances.
50,363,731
paiement
faits en 1791 sur ces objets.
26,806,989
ANNÉE 1792.
FONDS A FAIRE
par aperçu des dépenses ordinaires.
OBSERVATIONS.
Intérieur.
565
— (Suite.)
OBJETS DES DEPENSES.
Pons (M"8
de) , 10,000
Jasson(de) 2,000
S aluces
(M-" de). 6,173
Maucarré 773
Leperre . 1,000
Invalides-
marine . 120,000
Assuran-
ces sur
la vie.. 530,000
Adanson. 2,970
Autres
petits
objets... 130,000
Chevrcu-
se...... 20,000
Ch ât e-
lux..... 2,225
Champa-
gne (Mm*
de)..... 1,100
B rogli e
(M— de). 20,000
Bé'thune
(M- de). 20,000
Béthune
(C«s,e de) 20,000
Archam -
bault... 72,500
La Suze. 3,540
Sesmai-
sons. .. 3,000
D'Ecvilly 3,000
Bourge-
lus..... 4,000
Morte -
mart... 40,000
Ecole mi-
litaire .. 15,000
Trésor
public.. 2,092,636
On estime
par ap-
proxima-
tion que
les rem-
bourse -
m e n t s \
faits pen- )
dant les
six der-
n i e r s
mois de
1791, ont
éteintdes
intérêts
pour... 10,000,000
12,092,636
Reste pour 1792, environ ................
12,092,636
ANNÉE 1791.
evaluation
suivant l'état du comité
des finances.
paiement
faits on 1791 sur ces objets
38,271,095
Supplément aux erreurs ou omissions qui peuventse trouver dans les différents articles ci-dessus.
Total des dépenses ordinaires, suivant l'état du comité des finances du 6 février 1791........
3,500,000
434,595,377
ANNEE 1792.
fonds a faire
par aperçu des dépenses ordinaires.
OBSERVATIONS.
38,271,095
3,500,000
400,271,476
422,829,325
En 1792 comme en 1791
Intérieur. — (Suite.)
DÉPENSES EXTRAORDINAIRES.
OBJETS DES DÉPENSES.
Dépenses faites en 1791, dont la majeure partie n'est point extraordinaire,mais dont le comité des finances, par son état du 6 février 1791, n'a point parlé;
Savoir :
Garde nationale parisienne Le sieur Chadelas, trésorier.
Du 1er au 10 de chaque
mois........'.............150,0001. »s. »d.
Du 10 au 20 de chaque
mois.............................175,148 » »
Du 20 au 30 de chaque
mois..............................150,000 » »
Pour un mois.... 475,1481. »s. »d Et pour un an.......................
ANNEE 1791.
PAYEMENTS
faits sur ces objets.
Gendarmerie nationale, ci-devant prévôté de l'hôtel.
M. Dutilloy.
Par mois, environ.... Et pour un an........
10,1331. » s. »d.
Gendarmerie nationale, ci-devant Robe-Courte.
Le sieur Fortin. (Loi du 28 juillet 1791).
Il a été reçu:
Le 5 février 1791............4,2381. »s. »d.
Le 12 dudit.....7..........2,060 » »
Le 5 mars........................2,t>15 » »
Le 9 avril..........................2,060 » »
Idem....................................4,236 10 »
Le 7 mai............................2,045 » »
Le 31 dudit. ...................6,29J 10 »
Le 9 juillet......................6,402 » »
Le 13 août........................3,544 2 9
Le 31 dudit pour le mois
d'août..............................10,000 » ' »
Le 27 septembre, mois
de septembre...............9,950 » »
Pour le mois d'octobre..................................9,937 10 »
Pour le mois de novembre, par aperçu..........9,937 » ' »
Pour le mois de décembre, par aperçu..........9,937 » »
82,6581.12 s. 9 d.
ANNEE 1792.
FONDS A FAIRE
par aperçu des dépenses extraordinaires.
livres.
5,701,780
livres.
5,701,780
121,600
82,658
121,600
82,658
OBSERVATIONS.
Gomme la garde nationale, après son organisation, sera payée par une caisse quelconque, on la portera en 1792 comme en 1791, si l'Assemblée nationale le juge convenable.
Idem.
Idem.
INTÉRIEUR. — (Suite.)
OBJETS DES DEPENSES.
ANNÉE 1791.
PAYEMENTS
faits sur ces objets.
Maréchaussée de l'Ile-de-France (Décret du 13 février 1791).
Le sieur Gambault, trésorier, a reçu :
Quartier dejanvierl791 77,2901. »s. »d.
Mois d'avril...................24,090 » »
— de mai....................24,710 » »
— de juin..................24,710 » »
— de juillet................25,444 » »
— d'août......................25,477 » »
— do septembre.... 29,842 » »
— d'octobre...........24,343 » »
— do novembre, par
aperçu...........24,343 » »
— de décembre, par
aperçu................25,000 » »
305,2491. » s. »d
Traitement particulier de M. Papillon, prévôt général de ladite maréchaussée.
Acquit patent 3,0001.\ Traitement ci-devant sur la police .. 1,200 »
Rembourse- » c «AA
« j ji ) 6,100 » »
ment de dé- f > penses.... 1,500 Autre rem - ' boursement de dépenses 4001
Annuellement 6,1001.
311,3491. »s. »d
Ancienne garde de Paris. Le sieur Gambault, trésorier, a reçu:
Quartier de janvier..
— d'avril.......
— de juillet...
— d'octobre, par
aperçu.....
11,6571. » s. »d.
11,657 » »
11,657 » »
11,657 » . »
46,6281. »s. »d.
Police militaire. Le sieur Sommellier. A raison de 6,000 livres par quartier.
Garde à la Bourse. Le siear Mauban. A raison de 1,000 livres par quartier.
livres.
ANNEE 1792.
PONDS A FAIRE
par aperçu des dépenses extraordinaires.
OBSERVATIONS.
livres.
311,349
311,349 En 1792 comme en 1791.
46,628
24,000
4,000
46,628 \ldem.
24,000 \ldem.
4,000 \ldem.
Intérieur. — (Suite.)
ANNÉE 1791. ANNÉE 1792.
OBJETS DES DÉPENSES. PAYEMENTS FONDS A FAIRI par aperçu des dépenses extraordinaires OBSERVATIONS.
faits sur ces objets.
Étapes et convois militaires. livres. livres.
Les régisseurs ont reçu à la Trésorerie nationale, depuis le 1" janvier 1791 jusqu'ai 5 novembre suivant, une somme de.... 3,260,0001. »s. »d On portera ici par aperçu ce qu'ils re-cevrontjusqu'au 31 décembre 1791 à.. 400,000 » » S 3,660,000 3,660,000 Le mouvement des troupes en 1791 a occasionné cette dépense. On la porte par aperçu en 1792 comme en 1791. Cet objet ayant été soldé en 1791, il n'en sera point parlé en 1792.
3,660,0001. » s. »d. J
Avances de 3,000,000 de livres à la ville de Paris, conformément au décret du 10 mars 1791................................... 3,000,000 3,000,000
Avance de 800,000 livres à la ville de Bordeaux, en vertu des décrets du 17 août 1791 :
Il a été payé : Le 20 août 1791.... 200,000 L » s. » d. Le 31 — — .... 200,000 » » Le 23 septembre... 133,333 6 8
533,3331. 6 s. 8 d.l On payera : Pour le mois de no- , vembre.......... 133,333 6 8 Pour le mois de décembre.......... 133,333 6 8 \ 800,000 » Comme cet objet sera soldé en 1791, il n'en sera point question en 1792.
800,0001. »s. » d.
Fonds de 12 millions, pour prêter aux départements les secours imprévus qui seront reconnus leur être nécessaires, à la charge par lesdits départements de rembourser, dans deux ans, avec les intérêts à 5 0/0, les avances qui leur seront faites à titre de prêt. (Décret du 26 septembre 1791.)
Il a été avancé aux municipalités : De Paris........... 1,200,0001. » s. » d. Des Hautes-Pyrénées 50,000 » » Des Basses-Alpes... 100,000 » 9 Du Cantal......... 100,000 » » ; Du Gers........... 100,000 » » De Lot-et-Garonne. 100,000 » » De la Lozère....... 100,000 » » De la Haute-Vienne. 200,000 » » De la Corrèze...... 100,000 » » ! Du Puy-de-Dôme.... 100,000 » » De la Dordogne.... 60,000 » » [ Du Lot............ 30,000 » » l Des Basses-Pyrénées 100,000 » » / 3,000,000 9,000,000 Comme sur ces 12,000,000 de livres il n'aura été payé que 3,000,000 eu 1791, il sera nécessaire de faire un fonds de 9,000,000 de livres en 1792 pour achever ce prêt.
Il a été payé... 2,340,0001. as. » d.l On estime, par aper- I çu,qu'il sera avancé, à divers départements, avant la révolution de cette année............ 660,000 » »
3,000,0001. » s. 9 d. |
862 [Assemblée nationale législative.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 décembre 1791.]
INTÉRIEUR. — (Suite.)
ANNÉE 1791. ANNÉE 1792.
OBJETS DES DÉPENSES. PAYEMENTS faits sur ces objets. FONDS A FAIRE par aperçu des dépenses extraordinaires. OBSERVATIONS.
Deux sols pour livre accordés à la municipalité de Paris sur le droit des patentes. (Loi du 17 mars 1791, sanctionnée le même jour.) livres. livres.
M. Villeneuve, trésorier de la commune, a reçu du Trésor public :
Du 17 avril 1791 au 31 juillet suivant. 4,7481.18 s. 2 d. Mois d'août........ 8,796 11 4 Mois de septembre. 2,952 12 7
Il a été payé... 16,4981. 2s. ld.
On porte ici, par aperçu, les mois d'octobre, novembre et décembre pour............. 13,501 17 11 30,000 37,500 L'augmentation desdfts deux sols pour livre dépendra absolument du produit du droit do patente.
Pour 9 mois de 1791. 30,0001. » s. » d.l Pour former la dépense d'une année, on ajoutera trois mois par aperçu.. 7,500 » »
Pour une année environ............ 37,5001. » s. » d.
Tirages des loteries faits à l'Hôtel de Ville de Paris, le 20 juillet 1791.
Le sieur de Joly, secrétaire-greffier de la municipalité de Paris, a reçu du Trésor public, pour les frais desdits tirages et honoraires............................. 56,392 56,392 Tirage depuis le mois d'octobre 1790, jusques et compris le mois de mai 1791.
Liquidation de l'ancienne compagnie des Indes.
M. de Méry d'Arcy, directeur, a reçu du Trésor public, sur mandats :
Du 6 juillet 1791............ 100,0001. Du 13 juillet................. 100,000 Du 23 dudit................. 100,000 Du 1" août................. 100,000 Du 12 dudit................ 100,000 Du 5 septembre ............ 100,000 Du 12 dudit................. 100,000 Du 8 octobre............... 100,000 Du 13 dudit................. 100,000 \ 1,300,000 1,300,000
Il a été payé sur mandats. 900.000 1.
On porte la dépense de novembre et décembre 1791, par aperçu, à............. 400,000
Il aura été payé, en 1791. 1,300,000 1.
Intérieur. — (Suite.)
ANNÉE 1791. ANNÉE 1792.
OBJETS DES DÉPENSES. PAYEMENTS FONDS a FAIRE par aperçu des dépenses extraordinaires. OBSERVATIONS.
faits sur ces objets.
Travaux ordonnés dans les différents départements. livres. livres.
Loi dul6 juin 1791 2,600,0001.
Paiements faits jusqu'au 20 novembre 1791 aux départements ci-après : Seine-Inférieure... 92,0001. Le Calvados...... 60,000 Le Gard.......... 45,000 L'Yonne.......... 450,000 Le Nord........ 30,000 Le Bas-Rhin.. ,. 83,000 Paris............. 398,000 1 11 a été payé...... 1,158,0001. Il sera payé d'ici au 31 décembre 1791, environ ... 242,000 1,400,000 1,200,000
Il aura été payé en 1791 ........... 1,400,0001. Pour compléter les 2,600,000 livres, il faudra faire un fonds,en 1792,de. 1,200,000
Somme pareille.... 2,600,0001.
Département d'IIle-et-Vilaine. Travaux de secours.
Décret du 25 septembre 1791...... 230,0001.^
Il a été payé le 21 oc- i tobre 1791........ 60,0001. 1 Reste àpayer en 1792 170,000 , 60,000 170,000
230,000 1.
Département de la Corse. Travaux de secours.
Décret du 30 mai et 19 décembre 1790. 110,000 1.
Il a été payé le 12 novembre 1791... 70,0001. Reste à payer en 1791 40,000
Somme pareille .... 110,0001.
Nouvelle église de Sainte-Geneviève.
Décret du 15 août 1791 150,000 1.
Il a été payé sur mandats : Du 18 j uillet 1791... 18,0001. Du 25 dudit......... 18,000 36,000 114,000
Il a été payé........ 36,000 Reste à payer en 1792. 114,000
Somme pareille..... 150,000
INTÉRIEUR. — (Suite.)
OBJETS DES DÉPENSES.
Nouvelle église de la Madeleine.
Il a été payé sur mandats :
Du 2 juillet 1791..........................30,7201.
Du 2 août — ..............................30,720
Du 17 octobre....................................30,720
On paiera le quartier d'octobre
incessamment..............................30,720
ANNEE 1791.
PAYEMENTS
faits sur ces objets.
ANNEE 1792.
FONDS A FAIRE
par aperçu des dépenses extraordinaires.
122,8801-
Panthéon français.
Le décret du 15 août
1791 a accordé............150,000
Celui du 27 septembre
Idem..............................50,000
Il a été payé en 1791........
200,0001.
Canal de Charolais.
Le décret du 8 mai 1790 accorde....................... 600,0001.
Il a été payé en 1790........... 120,000
Et en 1791.................... 480,000
Soldé............. 600,000 1.
Pavé de Paris.
Il a été payé pendant les 6 premiers mois de 1791...'.............265,4291.
Pendant les six derniers, par
aperçu, on paiera......................134,571
400,0001.
Carrières sous Paris.
On a payé pendant les six premiers mois de 1791.................61,8171.
Pendant les six derniers mois on a payé, suivant le décret du 2 juillet 1791 :
Aux ouvriers estropiés..............1,099
Au sieiir Goeffier, entrepreneur
desdits travaux............................8,685
A plusieurs inspecteurs, pour
appointements..............................2,216
Il a été payé............ 73,8171-
En supposant que cette dépense doive s'élever ; en 1791, à 200,000 livres, il restera pour la solder à faire fonds en 1792 d'une somme de............. 126,183
livres.
112,880
200,000
480,000
400,000
73,817
OBSERVATIONS.
livres.
122,880
En 1792 comme en 1791.
400,000
Les 200,000 livres soldées en 1791.
Les 600,000 livres soldées en 1791.
En 1792 comme en 1791, par aperçu.
326,183
(Reste de 1791.... J Fonds de 1792...
126,183 200,000
A faire 1792...... 326,183
Total de 1791
200,0001.
INTÉRIEUR. — (Suite.)
OBJETS DES DEPENSES.
Travaux de charité ou ateliers de secours.
Il a été payé sur cet objet pendant les six premiers mois de 1791..................
Ateliers de filature.
Il a été payé à M. Smith, sur mandats :
Du 1" juillet 1791..........................20,0001.
Du 6 dudit........................................20,000
Du 15 dudit......................................20,000
Du 22 dudit......................................20,000
Du 4 août..................................20,000
Du 10 dudit......................................15,000
Du 24 dudit......................................20,000
Du 1" septembre............................20,000
Du 6 dudit................20,000
Du 12 dudit......................................20,000
Du 20 dudit........................................20,000
Du 4 octobre ................................20,000
Du 12 dudit....................................20,000
Du 28 dudit...........;............20,000
Du 5 novembre................................20,000
Du 26 dudit......................................20.000
Il a été payé......................315,0001
On paiera avant l'expiration de
1791, environ................................100,0001.
Il aura été payé pendant les six
derniers mois de 1791................415,000
Le fonds à faire pour 1792 semble donc devoir être d'environ. 800,0001.
ANNEE 1791.
PAYEMENTS
faits sur ces objets.
I
Fonds réservés pour des actes de bienfaisance.
Il a été payé pendant les six premiers mois de 1791................31,7351.
Le 26 juillet 1791, il a été payé au sieur Dellebarre, sur un mandat du 23 dudit mois....................150
Il a été payé......................31,8851.
Hôpitaux et enfants trouvés. — Secours, subsistance et entretien.
(Décret du 28 juin 1791). Il a été payé, savoir :
Pendant les 6 premiers mois de 1791......................... 102,0101.
Pendant les 6 derniers mois.... 684,442
786,452
livres.
5,443,000
415,000
31,885
786,452
ANNEE 1792.
FONDS A FAIRE
par aperçu
des dépenses extraordinaires.
livres.
800,000
50,000
800,000
OBSERVATIONS.
Cet objet ne subsiste pas.
Par aperçu, si l'Assemblée continue cet établissement de filature. (Décret des 16 et 18 juin 1791, sanctionné le 19.)
On a porté, par aperçu, le fonds de 1792 à 50,000 livres.
On porte, par aperçu, le fonds de 1792 à 800,000 livres.
INTÉRIEUR. — (Suite.)
OBJETS DES DÉPENSES.
ANNEE 1791.
PAYEMENTS
faits sur ces objets.
Communautés religieuses. — Subsistances et traitements qui y sont relatifs.
Aux nouvelles catholiques de Noyon, six premiers mois 1791........... 3001.
Au sieur Lucet:
Quartier de janvier 1791 2,5001. \
— d'avril..............2,500
— de juillet..........2,500 V 10,0001./
— d'octobre, par t
aperçu...... 2,5001.)
Il a été payé............10,3001.
Entretien d'édifices sacrés.
(Mandat du 10 septembre 1791.)
Aux sieurs Lambert et Bourgeois, officiers municipaux de la commune de Rouge-mont, pour aider à la construction d'une nouvelle église et d'un presbytère.......
École vétérinaire.
-S"
Le 9 janvier 1791, il a été expédié une ordonnance de 25,700 liv., à compte de la somme de 28,700 liv., destinée aux dépenses de la dite école pendant 1791.
M. Ghabert, directeur de la dite école, a reçu :
Le 7 février 1791, pour le mois de janvier....
Le 7 mars 1791, pour le mois de février.......
Le 4 avril 1791, pour le mois de mars.........
Le 2 mai 1791, pour le mois
Le 6 juin 1791, pour le
Le 11 juillet 1791, pour le
mois de juin..........
Le 9 août 1791, pour le
mois de juillet........
Le 30 août 1791, pour le
Le 12 novembre 1791, pour le mois d'octobre......
2,1411.13s.4d.
2,141 13 4
2,141 13 4
2,141 13 4
2,141 13 4
2,141 13 4
2,141 13 4
2,141 13 4
2,141 13 4
Il a été reçu--------21,4161.13 s. 4 d.
Il recevra par aperçu le
mois de novembre..........2,141 13 4
Et le mois de décembre. 2,141 13 4
Somme pareille à l'ordonnance............. 25,7001. »s. »d.
livres.
10,300
ANNEE 1792.
FONDS A FAIRE
par aperçu
des dépenses extraordinaires.
livres.
100,000
13,284
25,700
500,000
OBSERVATIONS.
Cet objet, qui montait annuellement à plus de 500,000 livres, sera porté par aperçu à 100,000 livres pour celles des filles de l'Union chrétienne, les nouvelles catholiques, maîtresses d'école et autres qui ne sont point cloîtrées, sauf à l'Assemblée nationale à prononcer la radiation totale de cet article, si elle le juge à propos.
Cette dépense est liée avec les événements ; on la porte par aperçu à 500,000 livres pour 1792. Elle sera peut-être plus considérable.
25,700
Cet objet pourra paraître susceptible d'augmentation.
Intérieur. — (Suite.)
OBJETS DES DEPENSES.
Entretien des routes près différents districts.
Fonds de 2,000,000 liv. décrété le 30 mars ' 1791, sanctionné le 6 avril suivant :
Il a été payé................. 111,7291.
Ce qui sera payé avant la fin de cette année est porté, par aperçu, à.................. 88,271
Il aura été payé, en 1791, environ......................
Fonds à faire en 1792 pour com-
200,000
pléter les 2,000,000 liv..... 1,800,000
Forges de la Chaussade.
M. Barthélémy, caissier desdites forges, a reçu sur mandats,
du 3 août.................. 75,000
14 dudit mois................. 75,000
150,0001.
Clôture de Paris.
Il a été payé, pendant les six
premiers mois 1791......... 160,969
Une ordonnance du 1er mai 1791 de 71,751 liv. avec un état de distribution, payable en reconnaissance de M. Foacler, receveur général des fermes. 71,751 Autre dudit jour, comme idem. 149,091
Mandat du 16 juillet 1791..... 3,442
Autre du 30 juillet 1791............500
Autre du 1" août 1791 ....... 7,075
392,8281.
Imprimerie royale.
M. Duperron, directeur, a reçu sur mandats :
Du 26 septembre 1791..................7,3061.
Du 5 octobre................................5,000
Du 12 octobre.................15,235
Du 12 octobre................................5,000
Du 21 dudit....................................5,000
Du 28 dudit....................................146,941
Du 5 novembre............................5,000
Du 12 dudit......................................5,000
Du 20 dudit....................................5,0U0
Du 27 dudit......................................5,000
Il a reçu............................204,482
Il recevra avant la fin de 1791 . 25,000
Il aura reçu le 31 décembre 1791. 229,482 Les dépenses de 1791 étant portées par aperçu à 400,000 liv., il restera à faire fonds en 1792, pour solder 1791, d'une
somme de....................................170,518
Total de 1791..................400,0001.
ANNÉE 1791.
PAYEMENTS
faits sur ces objets.
2,000,0001.
livres.
200,000
150,000
392,828
229,482
ANNÉE 1792.
FONDS A FAIRE
par aperçu des dépenses extraordinaires.
livres.
1,800,000
570,000
OBSERVATIONS.
On verra à la fin de 1792 si les 1,800,000 livres ont été dépensées pour cet objet.
Rien en 1792. On regarde cet objet comme fini.
Pour le complément de 1791.. 170,518 L Pour le fonds de 1792 ....................400,000
Le tout pour
aperçu..... 570,518 1.
Intérieur. — (Suite.)
ANNÉE 1791. ANNÉE 1792.
OBJETS DES DÉPENSES. PAYEMENTS faits sur ces objets. FONDS a FAIRE par aperçu des dépenses extraordinaires. OBSERVATIONS.
livres. livres.
Pompiers.
M. Morat, commandant, a reçu :
Le quartier de janvier......... Le quartier d'avril, le 2 juillet 1791........................ 29,684 1. 29,684
Il a reçu.............. 59,368 |
On présume qu'il recevra incessamment : 118,736 118,736 En 1792 comme en 1791.
Le quartier de juillet. 29,6841.) Le quartier d'octobre. 29,684 J 59,368
- Total par aperçu de 1791... 118,7361.
Prisonniers.
De l'Abbaye Saint- Germain.... Du Châtelet................... De Versailles ................. De Pierre-Cize................ De Senlis..................... De Cordillac.................. De Mascal.................... 23,5711. 619 4,051 6,867 j 975 | 150 412 / 42,983 100,000 On porte 100,000 livres en 1792, car il est très certain que les mémoires relatifs à 1791 n'ont pas encore été tous fournis par les concierges des prisons.
Il a été payé jusqu'à ce jour... 42,9831.
Pont de Louis X VI-.
Il a été payé à M. Vallet de Villeneuve :
Le 17 avril 1791.............. Le 12 mai..................... 60,0001. 60,000 60,000
Le 8 juillet 1791.............. 180,000 1 420,000 600,000 600,000 En 1792 comme en 1791, par aperçu.
600,0001.
Travaux de Cherbourg.
Il a été payé, pendant les six premiers mois 1791................................... 64,878 100,000 On porte 100,000 livres par aperçu pour 1792.
Il n'a été délivré aucun mandat sur les six derniers mois. Remise d'un pour cent sur les estimations des domaines nationaux. (Loi du 28 juillet 1791, art. 3.)
Le 19 septembre 1791, il a été payé à M. Baron un acompte de................ 200,000 » Ce que l'Assemblée décidera pour 1792 a été laissé en blanc.
INTÉRIEUR. — (Suite.)
OBJET DES DEPENSES.
Établissements en faveur des Sourds-muets.
(Décret du 21 juillet 1791, sanctionné le 29.)
Mandat du 11 septembre 1791, pour le
payement des six premiers 10,5501.
mois.......................
Autre du 20 novembre 1791,
pour le quartier de juillet... 5,275
Il a été payé......... 15,825
On payera vers la fin de 1791,
pour le quartier d'octobre... 5,277
Total de 1791......... 21,1001.
ANNEE 1791.
PAYEMENTS
faits sur ces objets
Dépenses imprévues et extraordinaires.
Pendant les six premiers mois. 247,959 l.i Pendant les six derniers mois. 2,094,121 i
2,342,0801.
Dépenses diverses.
Commerce, appointements et gratifications.
(Décret du 18 février 1791, sanctionné le 25 dudit.)
Il a été payé :
Pendant le quartier de janvier. 78,0781.»
— quartier d'avril____ 98,023
— quartier de juillet.. 124,168
— quartier d'octobre.. 5,496
305,7651.
livres.
21,100
2,342,080 10,215
305,765
ANNEE 1791.
FONDS A FAIRE
par aperçu
des dépenses extraordinaires.
livres.
21,100
2,300,000 10,215
305,765
OBSERVATIONS.
En 1792 comme en 1791.
En 1792 comme en 1791, par aperçu.
Idem.
Idem.
Traitements et gratifications à diverses personnes.
A divers.....................
A plusieurs de Varennes, Ste-Menehould, Clermont et autres (Décret du 18 août 1791).
49,5321.'
232,000 281,5321.
281,532
Rien en 1792.
Police de Paris, illumination ordinaire et extraordinaire.
Au sieur Saugrin et G'9 :
Mandat du 11 juillet 1791..........29,0001.
Autre dudit jour............. 5,069
Autre dudit jour.............. 7,775
Autre du 3 septembre...........640
42,484
Idem.
42,4841.
Intérieur. — (Suite.)
ANNÉE 1791. ANNÉE 1792.
OBJET DES DÉPENSES. payements faits sur ces objets. fonds a faire par aperçu des dépenses extraordinaires. OBSERVATIONS.
livres. livres.
Maison du roi.
Six premiers mois 1790 :
Mandat du mois de juillet 1791. 19,7861. Autre du mois d'août......... 271 20,057 9 Rien en 1792.
20,0571.
Guerre.
Dépenses acessoires.
Mandat du mois d'août 1791.............. 6,000 Idem.
Garnisons ordinaires.
Mandat du mois de juillet 1791........... 360 Idem.
Voyages pour solder les courriers des départements.
Mandat du mois d'août 1791............... 2,311 Idem.
Mendiants, à S sous par lieue pour s'en retourner.
Mandats du mois d'août 1791 ...... 2221. — de septembre .... 434 — d'octobre......... 27 683 » Idem.
6831.)
Marine.
Somme volée à Rochefort, qui était destinée pour le service de la Marine.
Remplacement.
Mandat du 12 octobre 1791................ 10,059 Idem.
Total des dépenses extraordinaires....... 32,748,278 31,070,386
On a suivi avec attention l'état du 6 février 1791, qui a servi de base pour la formation de celui-ci. Il est probable que l'Assemblée nationale y fera quelques changements, soit pour classer autrement les objets qui sont venus après coup, soit pour donner un nouvel ordro de choses. Les calculs de dépenses pour 1792 seulement, ne sont faits ici que par évaluation : le plus ou le moins dépendra de la volonté de l'Assemblée nationale et des événements.
Paris, le 27 décembre 1791.
Signé : Delessart.
INTÉRIEUR. — (Suite.)
OBSERVATIONS.
L'état qui est en suite du rapport fait à l'Assemblée nationale par le comité des finances, le 6 février dernier, porte les dépenses ordinaires à............................................... 582,107,877 »
Sur quoi on déduit les sommes affectées aux
des Affaires étrangères........................... 6,300,0001
Départements.} de la Guerre..................................... 100,712,000V 147,512,000 »
de la Marine et des Colonies....................... 40,500,000\
Reste libre de ces dépenses......... 434,595,397 »
L'état que l'on présente ici a donc pour base celui de 1791, arrêté par le comité des finances le 6 février dernier.
On a tâché de satisfaire à la lettre de M. le président du comité des dépenses publiques, en date du 2 novembre dernier.
Le premier chapitre, sous le titre de dépenses ordinaires, comprend celles dont le comité des finances a fait l'évaluation pour l'année 1791 et dont on donne l'aperçu par évaluation pour l'année 1792.
Le second chapitre, sous le titre de dépenses extraordinaires, comprend toutes celles proprement dites et celles dont le comité des finances n'a point parlé dans l'état du 6 février 1791, évaluées de même pour 1792.
RÉCAPITULATION.
Dépenses ordinaires...........................
Dépenses extraordinaires, et autres, qui n'ayant pas été prévues, ne peuvent être portées qu'à la colonne des payements.........................
Totaux. . Il a été payé..
Reste, par aperçu, sur 1791.
EVALUATION suivant l'état du comité des finances
pour l'année 1792.
liv. 434,595,377
434,595,377 433,019,754
1,575,623
PAYEMENTS
faits
en 1791.
liv. 400,271,476
32,748,278
433,019,754
FONDS A FAIRE
par aperçu pour les dépenses
ordinaires et extraordiaaires de l'année 1792.
liv. 422,829,325
31,071,004
453,900,329
Arriéré au l,p décembre 1791.................................................... 2,997,815 liv.
État des dépenses.
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1).
A MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE (2).
Monsieur le Président,
« Conformément au décfet rendu par l'Assemblée nationale le 29 novembre dernier, j'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint :
« 1* L'état par aperçu des dépenses nécessaires pour le service du département des affaires étrangères pendant l'année 1792;
« 2* Les copies collationnées des états et ordonnances expédiés pour le service de ce département, pendant les neuf premiers mois de la présente année.
« Le décret exige que les ministres portent ce compte jusqu'au l" du présent mois; mais j'ai l'honneur de vous observer à cet égard que la dépense des affaires étrangères ne se fait en général qu'à la fin de chaque trimestre, et que ce n'est qu'à cette époque qu'il est possible d'en connaître le montant et d'en expédier les ordonnances.
« Je suis, au surplus, dès à présent, en état d'assurer que la dépense de ce quartier, jointe à celle des trois autres, n'excédera pas le montant des fonds réglés pour le service de cette année, par le décret du 5 juin 1790.
« Les articles 2 et 4 du décret du 29 novembre ne sont point susceptibles d'application au département des affaires étrangères, dans lequel il n'y a point de dépense arriérée, et dont tous les fonctionnaires absents du royaume, ne le sont que par la nécessité même de remplir leur mission et se sont d'ailleurs conformés à la loi du serment civique.
a J'ai l'honneur d'être avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
Paris, le 11 décembre 1791.
Signé : Delessart.
APERÇU DES DÉPENSES A FAIRE POUR LE SERVICE DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
PENDANT L'ANNÉE 1792.
OBSERVATION.
Les fonds du service des affaires étrangères ont été réglés pour l'année 1790, à 6,700,000 livres, et pour l'année 1791 à 6,300,000 livres. Cette économie de 400,000 livres sur les fonds de la présente année n'a pu être opérée qu'en faisant subir des réductions assez fortes à diverses parties de traitement dans l'administration intérieure du département.
Il serait impossible de faire sur ce chapitre de la dépense fixe des réductions nouvelles, sans ôter aux employés du département, et surtout à ceux qui le sont dans les cours étrangères, les moyens d'y vivre avec la décence qui leur convient.
Ce n'est donc que sur les articles de la dépense variable qu'on pouvait chercher de nouvelles économies, et on serait parvenu à en obtenir une d'environ 200,000 livres en portant la plus exacte vigilance jusque sur les moindres détails, mais le nouveau travail que le roi vient d'ordonner au ministre des affaires étrangères ne permet plus de se livrer à cet espoir : il est probable en effet que ce travail produira dans le corps diplomatique, des mouvements qui donneront lieu à des frais de premier établissement et de voyages. Cette dépense extraordinaire peut même devenir assez forte pour que le ministre soit dans la nécessité de demander de nouveaux fonds; au moins est-il sûr qu'elle lui interdit toute diminution actuelle sur ceux qui seront nécessaires pour faire, pendant l'année 1792, le service de son département.
D'après cette observation, les fonds à régler pour la dépense des affaires étrangères, pour l'année 1792, paraissent devoir être les mêmes que ceux qui ont été réglés pour l'année 1791. C'est-à-dire de 6,300,000 livres.
L'emploi de ces fonds sera partagé, comme à l'ordinaire, en deux chapitres;
Le premier relatif à la dépense du service public ;
Le deuxième à celle du service secret.
(1) Les documents relatifs au ministère des affaires étrangères, et que nous insérons ici, sont la copie du manuscrit conservé aux Archives nationales, carton F 7 — ■iiOO.
(2) Ce document est la lettre dont lecture a été faite par M. Fauchet, secrétaire, à la séance du 13 décembre 1791 (voir oi-dessus, page 77).
Affaires étrangères. — (Suite.)
CHAPITRE PREMIER (1).
depenses du service public.
1* Appointements et autres traitements annuels.
Ambassadeurs, ministres et autres employés en pays étrangers. 2,000,000 1. y
Ministre des affaires étrangères.....................................150,000 f g ^qq qqq j
Bureaux..........................................................................................275,000 ( ' ' "
Autres agents du service politique........................................................75,000 j
2° Indemnités pour frais de premier établissement, voyages et autres
dépenses de service.................................................. 400,000 1.
3" Remboursements, loyers, ouvrages, fournitures et autres dépenses > 500,0001.
de co genre........ ............................................... 50,000
4® Courses et service de la correspondance...................... 50,000
3,000,000 1.
CHAPITRE II.
depenses du service secret.
1° Subsides, secours à des étrangers et autres dépenses secrètes.. 2,600,000 1. ) ^ ^qq qqq j 2° Dépenses des Ligues suisses.................................. 700,000 ) ' '
Fait à Paris, le 10 décembre 1791.
Total.......... 6,300,000
Signé : Delessart.
ÉTAT RÉSUMÉ des dépenses du service des affaires étrangères acquittées pendant les neuf premiers mois de 1791, conformément aux Etats nominatifs et ordonnances qui en ont été successivement expédiés, lesdites dépenses imputées sur la somme de 6,300,000 livres à laquelle les fonds de ce département ont été fixés pour l'année entière 1791, par décret de l'Assemblée nationale constituante, du 5 juin 1790.
CHAPITRE Ier.
depenses du service public.
Appointements et autres traitements annuels des divers employés du
département..................................................................................................1,901,979 1. 6 s. 8 d.
Indemnités des dépenses extraordinaires du service politique......................326,482 » »
Remboursements, loyers, ouvrages, fournitures et autres dépenses de ce
genre..........................................................................................................................................79,932 3 8
Courses...............................................................................................19,734 10 »
2,328,128 1. » s. 4 d.
CHAPITRE II
depenses du service secret.
Subsides, secours à des étrangers et autres
dépenses secrètes............................. 1,871,871 l. 19 s. 8 d. J 9 oqR S71 .q a
Dépenses des Ligues suisses................ 525,000 » » \ iy
Montant des dépenses effectives pour les neuf premiers de mois 1791.... 4,725,000 1. » s. » d.
Les dépenses du département des affaires étrangères ne sont pas encore déterminées pour les trois derniers mois de 1791, mais on croit pouvoir assurer qu'elles n'excéderont pas les fonds décrétés pour le service de ce trimestre,
Fait à Paris, le 17 novembre 1791.
Le Ministre de l'intérieur, chargé par intérim du département des affaires étrangères,
Signé: Delessart.
(1) Cet article est calculé sur l'état actuel des ambassadeurs et ministres. Si par la suite des circonstances il arrivait que quelques ambassades ne lussent pas remplies, la dépense en diminuerait en proportion et offrirait à la fin de l'année une économie dans le résultat du compte.
Affaires étrangères. — (Suite.)
NOTES sur le compte et la dépense du département des affaires étrangères, pour les neuf premiers mois de 1791.
Il est accordé pour la dépense de ce département ................
Il a été employé pour les neuf premiers mois
Reste à employer pour le dernier quartier, juste le quart.............
M. de Laluzerne, ambassadeur à Londres, et ses héritiers, appointe ments des six premiers
mois................
Appointements du quartier de juillet..........
Six premiers mois, dépense extraordinaire.. .
M. le cardinal de Bernis, ambassadeur à Rome. Il a été payé à cet ambassadeur, d'après l'état des six premiers mois..
M. de Ségur, ambassadeur, à Rome ; appointements du quartier d'avril....................
Appointements du quartier de juillet..........
Indemnité pour son ameublement...........
M. de Choiseul-Gouffier, ambassadeur à Vienne, outre les appointe-! 1°. ments : 12*.
M. de Vibraye, ambassadeur à Stockholm, appointements du quartier
d'avril.................
Appointements du quartier de juillet..........
Plus..................
M. de Bombelle, ambassadeur à Venise, outre les appointements......
M. Dosmond à La Haye, outre les appointements.
M. Gouvernet, à La Haye, outre les appointements.
M. de Bonne-Carrère, à Liège, outre les appointements ...............
Nota. U y a encore beaucoup d'autres arti cles de ce genre, mais dont l'objet est bien moins considérable.
liv.
s.
4,725,000 »
1,575,000
liv.
6,800,000
6,300,000
75,000 » 37,500 » 3,808 16
37,500 »
37,500 » 75,000 »>
5,138 >» 4,990 »
20,000 »
20,000 » 40,000 »
75,000
150,000
10,128 »
OBSERVATIONS.
116,308 16
80,000
30,000 »
47,000 »
26,000
10,000 »
Le ministre observe qu'il peut assurer dès à présent que la dépense du dernier quartier, jointe à celle des trois autres, n'excédera pas le montant des fonds réglés pour le service de cette année.
Il faut qu'on croie en avoir de reste, car l'économie, si elle est indispensable, pour ne pas outrepasser les fonds accordés, était plus praticable sur neuf mois que sur trois.
Il paraîtrait, par l'emploi juste des trois quarts de la somme pour les trois quarts de l'année, qu'on a plutôt cherché le moyen de n'en rien laisser échapper que celui de réserver quelque chose pour le besoin.
A quelle époque M. de Laluzerne est-il mort?
Cet ambassadeur n'a été employé que pendant le quartier de janvier et il ne lui revenait que 37,500 livres, mais on lui a payé le quartier d'avril à titre d'indemnité de frais et d'entretien de sa maison pendant le trimestre.
On voit que le quartier d'avril pour avoir été payé a M. de Bernis, ainsi qu'il est dit plus haut, ne l'a pas moins été à M. de Ségur qui, en outre, a eu 75,000 livres pour son ameublement.
Cette somme est portée pour dépenses extraordinaires.
40,000 livres sont imputées pour frais d'ameublement.
Cette somme est imputée pour ameublement.
10,000 livres déduction faite de 30,000 livres touchées pour son ameublement à la place de La Haye qu'il n'a pas remplie ;
25,000 livres pour droits d'entrée de ses effets ;
12,040 livres pour frais de voyage.
Pour frais de yoyage...................1,500 1
Frais d'établissement........... 25,000
26,5001
| Ameublement. | Premier établissement.
Affaires étrangères. — (Suite.)
BUREAUX DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
On impute une somme pour les chefs de ces bureaux et les commis qui y sont employés, et l'on ne voit pas combien il y a de commis dans chaque bureau et ce qui est payé à chacun.
L'imputation est ainsi faite pour les neuf premiers mois:
Au sieur de Renneval, chef du 1er bureau d'expéditions, pour lui et les commis de ce bureau.
Six premiers mois........................................
Quartier de juillet.........................................
Au sieur Hennin, chef du second bureau, pour lui et les commis de ce bureau.
Six premiers mois................... »....................
Quartier de juillet.............—........................
Au sieur D'Orival, chef du bureau des fonds, pour lui et les commis de ce bureau.
Six premiers mois........................................
Quartier de juillet........................................
Au sieur Semonin, chef de bureau du dépôt, pour lui et les commis de ce bureau.
Six premiers mois.........................................
Quartier de juillet.........................................
Total.
liv.
1. s. d.
46,300 23,150
29,200 16,100
30,250 15,125
17,400 8,700
69,450 » »
45,300 » »
45,375 » »
>,100 » »
186,2-25 » »
Le caissier, les secrétaires du ministre et autres ne sont point compris dans le nombre des employés dont il est question ci-dessus.
On ignore comment est faite la répartition pour les employés des bureaux du ministre et si les employés sont traités avantageusement.
Mais le traitement des agents subalternes dans les cours étrangères paraît modique.
RESUME des dépenses du departement des affaires étrangères pendant les neuf premiers mois
de 1791.
Appointements et autres traitements annuels...
Indemnités de dépenses extraordinaires.......
Remboursement, loyers, ouvrages, fournitures. Courses.....................................
Dépense secrète.............
Dépense des Ligues suisses.
Total.
1,871,871 19 8 525,000 » »
1,901,979 6 8
326,482 » »
79,932 3 8
19,734 » »
2,328,120 » 4 2,395,861 19 8
4,725,000
COPIES COLLATIONNÉES des états ordonnancés et ordonnances expédiées pour les dépenses du service des affaires étrangères pendant les 9 premiers mois de 1791.
Ces états et ordonnances montent à la somme de.................................. 4,725,000 1.
Savoih :
six premiers mois de 1791.
Un état ordonnancé pour les appointements............. 1,279,504 1. 8 s* 8 d.^
— pour les indemnités................. 321,032 » »
— pour les remboursements........... 43,948 15 8
Trois ordonnances de courses.
1. s. d.
La première de....................... 2,408 » » 1
La deuxième de...................... 3,710 » » > 6,478 8 »
La troisième de..................... 360 » 8 )
Une ordonnance pour les dépenses du service secret....... 1,149,036 7 8
Une pour les dépenses de la suisse....................... 350,000 » »
quartier de juillet 1791.
Un état ordonnancé tant pour les appointements, indemnités, remboursements, etc., que pour les dépenses secrètes et celles de la Suisse................................ 1,575,000 1.
3,150,0001.
Total........................................... 4,725,500 I.
Affaires étrangères. — (Suite.)
I
APPOINTEMENTS
(6 premiers mois 1791.)
ÉTAT DES SOMMES que le roi ordonne être payées en appointements et autres traitements annuels pendant les six premiers mois de la présente année 1791, tant aux ambassadeurs, ministres et autres agents du service politique en pays étrangers qu'au ministre et bureaux des affaires étrangères et a divers employés de ce département ;
Savoir :
ambassadeurs, ministres et autres employes en pays etrangers
Article i**. Ambassadeurs.
Au S. de Noailles, à Vienne, pour ses appointements pendant les six 1. s. d.
premiers mois de 1791, ci...................................................75,000 » »
Au S. de Pons, à Madrid pour ses appointements pendant les six
miers mois de 1791, ci................................................................75,000 » »
Au S. de La Luzerne, à Londres, pour ses appointements pendant
les six premiers mois de 1791, ci.....................................75,000 » »
A M. le cardinal de Bernis (1), à Rome, pour ses appointements pendant les six premiers mois de 1791, ci............................75,000 » »
Au S. de Ségur, à Rome, pour ses appointements pendant le quartier
d'avril 1791, ci..........................................................37,500 » »
Au S. de Choiseul-Gouffier, à Constantinople, à 116,000 livres par an, y compris un traitement extraordinaire de 36,000 livres pendant
la guerre des Turcs, ci...................................................58,000 » »
Au S. de Choiseul, à Turin, ci.........................................40,000 » »
Au S. de Talleyrand, à Naples, ci....................................................................40,000 » »
Au S. de Chaton, à Lisbonne, ci....................................................................40,000 » »
Au S. de Vibraye, à Stockholm, pour le quartier d'avril 1791, ci.... 20,000 » »
Au S. de Bombelles. à Venise, pour le quartier de janvier 1791, ci.. 15,000 » »
Au S. de Durfort, à Venise, pour le quartier d'avril 1791, ci................15,000 » »
Ministres.
Au S. de Ségur, à Pétersbourg, pour ses appointements pendant
le quartier de janvier 1791, ci....................................20,000 » »
Au S. d'Osmond, savoir :
A La Haye pour le quartier de janvier 1791, à 50,000 liv. )
par an, ci................................ ........... 12,500 l.f 32 500 » »
A Pétersbourg pour le quartier d'avril suivant, à 80,0001. (
par anj ci..............'.............................. 20,000 1.)
Au S. de Gouvernet, à La Haye, pour le quartier d'avril 1791, ci.. 12,500 » »
Au S. de Ternant, à Philadelphie, pour les six premiers mois de 1791, ci. 30,000 » »
Au S. de Moustier, à Berlin. — — ...... ... 25,000 » »
Au S. Descorches(de Sainte-Croix), à Varsovie, pour les six premiers
mois de 1791, ci...................................................25,000 » »
Au S. Basquiat (de La Houze), à Copenhague, pour les six premiers
mois de 1791, ci..........................................1..........20,000 » »
Au S. de Flavigny, à Parme, pour les six premiers mois de 1791, ci. 20,000 » » Au S. de Vibraye, à Dresde, pour ses appointements pendant le
quartier de 1791, ci.. .................................................10,000 » »
Au S. de Montesquiou, à Dresde, pour le quartier d'avril suivant, ci. . 10,0U0 » »
Au S. de Montezan, à Munich, pour les six premiers mois de 1791, ci. 15,000 » »
Au S. O'Relly, à Mayence. — — ci......... . 15,000 » »
Au S. de Vergennes, à Trêves. — — ci...........15,000 » »
Au S. Colbert (de Maulevrier), à Cologne. — ci...........15,000 » >.
Au S. de Durfort, à Florence, pour le quartier de janvier 1791, ci.. 7,500 » »
Au S. de Sémonville, à Gênes, pour les six premiers mois de 1791, ci. 15,000 » » Au S. Bérenger, à Ratisbonne, pour ses appointements pendant les
six premiers mois de 1791, ci...............................................15,000 » »
Au S. de Boûrgoing, à Hambourg, pour ses appointements pendant
les six premiers mois de 1791, ci..:........................15,000 » »
Au S. de Groschlag, près le Cercle du Haut-Rhin, pour ses appointements pendant les six premiers mois de 1791, ci ....................15,000 » »
Au S. de La Coste, aux Deux-Ponts, pour ses appointements pendant
les six premiers mois de 1791, ci........................................12,000 » »
Au S. Bonne-Carère, à Liège, pour le quartier d'avril 1791, ci..... 5,000 » »
Au S. de Mackau, à Stuttgard, pour les six premiers mois de 1791, ci. 9,000 » »
(1) Le quartier d'avril a été payé à M. le cardinal de Bernis à titre d'indemnité des frais d'entretien de sa maison pendant ce trimestre,
Affaires étrangères. — (Suite.)
Résidents.
1. s. d.
Au S. de Castelnau, résident à Genève, pour le quartier de janvier 1791, ci..........................................................................................6,000
Au S. de la Gravière, résident à Bruxelles, neuf mille cinq cents livres, savoir :
Pour le quartier de janvier 1791, à 18,000 livres par an, ci... 4,500 l.i g -qq
Pour le quartier d'avril suivant, à 20,000 par an, ci........ 5,000 ®,ow
Au S. de Pons, à Dantzick, pour les six premiers mois de 1791, ci. 8,000
Au S. Barotzi, à Francfort, — — ..................1,000
Chargés d'affaires.
Au S. de Gaussen à Stockholm (porté ci-après comme secrétaire),
cinq mille cinq cents livres, savoir : Pour le quartier de janvier 1791, à 17,000 livres par an, ci. 4,250 1.1 c kqq „ Pour le quartier d'avril suivant, à 5,000 livres par an, ci. 1,250 1.) Au S. Gaillard, à La Haye (porté ci-après comme secrétaire) pour
les premiers mois de 1791, ci.................................... 3,000 »
Au S. Martigny, à Genève, pour le quartier d'avril 1791, ci........ 2,400 »
Au S. Seytres de Cauinont, charge d'affaires à Malte, pour ses
appointements pendant les six premiers mois de 1791, ci......... 3,000 »
Au S. de La Flotte, à Florence (porté ci-après comme secrétaire) pour
le 2* quartier d'avril 1791, ci................................... 1,125
Au S. Jolivet, à Liège (porté ci-après comme secrétaire) douze cent cinquante livres, savoir :
Pour le quartier de janvier 1791, à 4,000 livres par an, ci. 1,000 1./ . Q_n Pour le quartier d'avril 1791, à 1,000 livres par an, ci.. 250 ®
Secrétaires d'ambassades et de légations.
Au S. Barthélémy, à Londres, pour les six premiers mois de 1791..
Au S. Chalgrin, à Constantinople. — .............
Au S. Hirsinger, aussi à Constantinople. — .............
Au S. Marquet (d'Ortubise), deux mille livres, savoir :
A Lisbonne, pour le quartier de janvier 1791, à 2,000 li- \
vres par an, ci..............................................................................500 1.1
A Madrid, pour le quartier d'avril suivant à 6,000 livres f
par an, ci.............................................1,500 1. )
Au S. Gaudin, secrétaire d'ambassade à Lisbonne, pour ses appointements pendant le quartier d'avril 1791, ci.......................
Au S. Otto, secrétaire de légation à Philadelphie, pour les six premiers mois de 1791, ci.........................................
Au S. Gaillard, à La Haye, pour les six premiers mois de 1791, ci.
Au S. Aubert, à Varsovie. — — ..............
Au S. Hérissant, à Ratisbonne. — — ..............
Au S. Bernard, à Rome. — — ..............
Au S. Gabard, à Vienne. — — ..............
Au S. de La Lande, à Turin. — — ..............
Au S. Cacault, à Naples. — — ..............
Au S. de Uaussen, à Stockholm. — —
Au S. Hénin, secrétaire d'ambassade à Venise. Douze cent cinquante livres, savoir :
Pour le quartier de janvier 1791, à 2,000 livres par an, ci... 500 1. Pour le quartier d'avril suivant, à 3,000 livres par an, ci.. 750 1.
Au S. Genet, secrétaire de légation à Pétersbourg, six mille livres, savoir :
Appointements pendant les six premiers mois de 1791, à
3,000 livres par an, ci................................ 1,500 1.
Traitement particulier pour les mêmes six mois, à 9,000 li« vres par an, ci....................................... 4,500 1.
Au S. Bechelé, à Dresde, pour les six premiers mois de 1791, ci......
Au S. Faciola, à Berlin. — — .......
Au S. Laquiante, à Munich. — — .......
Au S. de La Flotte, sept cent cinquante livres, savoir :
A Gênes pour le quartier de janvier 1791 à 1,500 livres par
an, ci................................................. 37S 1.
A Florence pour le quartier d'avril suivant, à 1,500 livres par an, ci.................................................. 375
6,000 » 3,000 » 3,000 »
2,000 » »
1,000 >»
3,000 »
3,000 »
3,000 »
2,500 »
1,700 >
1,500 »
1,500 »
1,500 »
1,500 »
1,250 » »
6,000 » »
1,500 » » 1,000 » » 1,000 » »
750 » »
Affaires étrangères. — (Suite.)
i. s. d.
Au S. Jolivet, à Liègo, ci...........................................750 » »
Au S. Brunatti, à Dantzick, ci.................................. . 750 » »
Au S. Deshaquets, secrétaire de légation à Bruxelles, pour ses appointements pendant les six premiers mois de 1791, ci..............................600 » »
Autres employés des pays étrangers.
Au S. Bonneau, correspondant à Varsovie, pour les six premiers
mois de 1791, ci.....................................................2,000 » »
Au S. Du Fresne, maître de chambre de l'ambassadeur de France
à Rome, ci................................................................1,500 » »
Au S. Digne, garde des archives de France, aussi à Rome, ci..... 1,000 » »
Au S. Gaudin, employé dans la secrétairerie de l'ambassadeur de
France à Madrid, pour le quartier de janvier 1791, ci..............375 » »
Au S. Flury, employé dans la secrétairerie de l'ambassadeur de France à Constantinople, pour les six premiers mois de 1791, ci..........600 » »
Article II. ministre et bureaux des affaires étrangères.
Ministre.
Au S. de Montmorin, ministre des affaires étrangères, quatre-vingt sept-sept mille livres, savoir :
Pour ses appointements pendant quatre mois, vingt-quatre jours, à compter du l,r janvier 1791, jusques et compris le 24 mai suivant,]
à raison de 180,000 livres par an, ci................. 72,000 1./
Et pour un mois six jours, a compter du 25 mai de la > 87,000 » »
même année, jusqu'au 30 juin suivant exclusivement à \
150,000 livres par an, ci.............................. 15,000 1.)
Bureaux.
Au S. de Rayneval, chef du premier bureau d'expéditions politiques, pour ses appointements et ceux des commis de ce bureau pendant
les six premiers mois de 1791, ci............................... 46,300 » »
Au S. Hennin, chef du second bureau d'expéditions politiques, vingt-
neuf mille deux cents livres, savoir : Pour ses appointements et ceux des commis de ce bureau pendant le)
2" de janvier 1791 à 60,400 livres par an, ci.......... 15,100 l.[ 29,200 » »
Et pour le quartier d'avril suivant à 56,400 par an, ci... 14,000 1.) Au S. Durival, chef du bureau des fonds, pour ses appointements et et ceux des commis de ce bureau, pendant les six premiers mois
de 1791, ci...................................................... 30,250 » »
Au S. Semonin, chef du bureau du dépôt, pour ses appointements
et ceux des commis de ce bureau, ci............................ 17,400 » »
Au S. Gandolphe, secrétaire du ministre, pour ses appointements
pendant les six premiers mois de 1791, ci...................... 4,800 » »
Au S. Geoffroy, aussi secrétaire du ministre, pour ses appointements
pendant les six premiers mois de 1791, ci....................... 4,800 » »
Au S. Le Moyne, aussi secrétaire du ministre, pour ses appointements pendant les six premiers mois de 1791, ci................. 1,500 » »
A Chandioux, garçon de bureau, pour lui et sept autres garçons de bureaux, ci.................................................... 3,800 » »
Article III. divers employés.
Au S. Duruey, chargé de la caisse des affaires étrangères, pour les
six premiers mois de 1791, ci....................*..............................13,000 » »
Au S. Grandjean, géographe, employé aux Pyrénées, pour ses
appointements pendant les six premiers mois de 1791, ci..................5,300 » »
Au S. Ghrestien, géographe, employé aux Pyrénées, pour ses appointements pendant les six premiers mois de 1791, ci................................2,550 » »
Au S. Brossier, géographe, employé aux Pyrénées, pour ses appointements pendant les six premiers mois de 1791, ci.................2,550 » *
Au S. Vitry, géographe, enioloyé aux Pyrénées, pour ses appointements pendant les six premiers mois de 1791, ci. ..............................2,550 » »
Au S. Caffiery, géographe, employé à Paris, ci........................................750 » »
Au S. Henneberg, jurisconsulte, pour le droit germanique, ci...........1,000 » »
Au S. Le Comte, courrier de la correspondance journalière, ci..... 1,300 » »
Au S. Duclos, courrier de la même correspondance, ci..........................1,300 » »
Affaires étrangères. — (Suite.)
1. s. d.
Au S. Lépine, courrier des affaires étrangères, décompte du 5 septembre au 31 décembre 1790, du traitement de douze cents livres dont il jouissait sur le Trésor public, ci pour trois mois vingt-cinq
jours....................................................................383 6 8
Au S. Corroy, concierge du cimetière des protestants à Paris, pour
les six premiers mois de 1791, ci................................................................500 » »
Au S. La Vallée, concierge de l'Hôtel des affaires étrangères à
Paris, ci...............................................................................500 » »
Au S. Lair, garde-meuble tapissier dudit hôtel, ci...................400 » »
A Meyer, suisse du même hôtel, ci................ ................................600 »
A Guyard, portier du même hôtel, ci...............................300 » »
Au Cairon, frolteur du même hôtel, ci............................................450 » »
A Houzeau, jardinier du même hôtel, ci......................................................150 » »
Au S. Berthier, pour la solde des invalides de la garde du dépôt des
affaires étrangères à Versailles, pendant le quartierde janvier 1791, ci. 821 » »
A Frioud, suisse de l'hôtel des affaires étrangères à Versailles, pour
les six premiers mois de 1791, ci......................................650 » »
Au S. La Fond, garde-meuble et concierge des appartements du
ministre à Versailles, ci.....................................................................600 » »
A la dame Binet, garde-meuble des appartements et bureaux du
ministre à Fontainebleau, pour le quartier de janvier 1791, ci.... 75 » »
Au S. Picault, concierge des mêmes appartements et bureaux, savoir :
Pour le quartier de janvier 1791, ci........................ 50 I. j iag 9 M
Et pour le quartier d'avril suivant, ci..................... 75 1. }
A demoiselle Chariot, garde-meuble des appartements et bureaux du
ministre à Compiègne, pour les six premiers mois de 1791, ci... 100 » »
Au S. Fray, chirurgien du département, pour les six premiers mois de 1791, ci............................................................450 » »
Total douze cent soixante-dix-neuf mille cinq cent quatre
livres six sols huit deniers, ci...................... 1,279,504 6 8
Administrateur du Trésor public, chargé du département de la Caisse générale, payez comptant aux personnes dénommées en l'état ci-dessus et des autres parts, les sommes pour lesquelles chacune y est employée ; lesdites sommes montant ensemble à celle totale de douze cent soixante-dix-neuf mille cinq cent quatre l. six s. huit /., pour les appointements ou autres traitements annuels qui ieur ont été réglés pendant les six premiers mois de la présente année.
Fait à Paris, le 6 juin 1791.
Signé : Louis, et plus bas : Montmorin.
Pour copie collationnée conforme à l'original,
Signé : Delessart.
II
INDEMNITÉS.
(6 premiers mois 1791.) ' i
ÉTAT DES SOMMES que le roi ordonne être payées aux personnes ci-après dénommées pour indemnités de dépenses du service politique pendant les six premiers mois de la présente année 1791,
Savoir :
1® ambassadeurs, ministres et autres employés en pays étrangers.]
liv.
Au S. de Ségur, ambassadeur de France à Rome, pour la dépense de son ameublement et premier établissement à cette résidence, soixante-quinze
mille livres, ci.................... ..................................... 75,000
Au S. do Vibraye, ambassadeur à Stockholm, pour la dépense de son ameublement et premier établissement à cette résidence, quarante mille livres, ci. 40,000 Au S. de Durfort, ambassadeur à Venise, pour la d pense de son ameublement et premier établissement à cette résidence, trente mille livres, ci.... 30,000 Au S. D'Osmond, ministre à Pétersbourg, quarante-sept mille quarante livres;
Affaires étrangères. —
587
(Suite).
23,600
Savoir :
liv.
I8 Pour la dépense de son ameublement et premier établissement à cette résidence, déduction faite de 30,000 livres par lui touchées pour son ameublement à la place de La Haye qu'il n'a pas remplie, ci..... 10,000 1.1 2° Pour les droits de douane à acquitter à l'entrée de ses effets
en Russie, ci............................................... 25,000 ^ 47,040
3° Enfin pour les frais de son voyage et transport de ses effets de Paris à Pétersbourg, à raison de 40 livres par poste, ci......................................................... 12,040
Au S. de Montesquiou, ministre à la cour de Dresde, vingt-trois mille six cents livres, savoir :
Pour la dépense de son ameublement et premier établissement à
cette résidence, ci............................................20,000 1.
Pour les frais de son voyage et transport de ses effets, à Dresde, à
30 livres par poste, ci............................ ..................3,600
Au S. de Gouvernet, ministre à La Haye, vingt-six mille cinq cents livres ; Savoir :.
Pour la dépense de son ameublement et premier établissement à )
cette résidence, ci.................................................25,000 1./ 26 5001.
Pour les frais de son voyage et transport de ses effets à La Haye, l 1
à 30 livres par poste, ci............................................1,500 )
Au S. de Sémonville, ministre à Gênes, pour les frais de son voyage et transport de ses effets à cette re'sidence, à 30 livres par poste, quatre
mille vingt livres, ci...................... .............................. 4,020
Au S. de Ternant, ministre auprès des Etats-Unis de l'Amérique septentrionale, pour frais de passage de France en Amérique d'une partie des gens
de sa maison, deux mille livres, ci..................................... 2,000
Au S. Desroches (de Sainte-Croix), ministre à Varsovie, pour les frais de son voyage et transport de ses effets à cette résidence, à 10 livres par
poste, six mille sept cent vingt livres, ci................................ 6,720
Au S. de Bourgoing, ministre à Hambourg, pour les frais de son retour de Paris à Hambourg, à 30 livres par poste, avec 1,110 livres de remboursement de dépenses extraordinaires, quatre mille trois cent cinq livres, ci. 4,305 Au S. Bonne-Garère, ministre à Liège, pour la dépense de son ameublement
et premier établissement à cette residence, dix mille livres, ci........... 10,000
Au S. de La Gravière, résident à Bruxelles, en indemnité tant de dépérissement et enlèvement d'une partie de ses meubles et effets pendant les troubles des Pays-Bas, que des frais de transport et voyages de ses domestiques pour revenir en France et pour retour à Bruxelles, six mi.le livres, ci. 6,000 Au S. Ruelle, ci-devant chargé à Bruxelles, d'un travail particulier concernant le service politique ; pour éteindre toute répétition de sa part relativement à ce travail jusqu'au retour du S. de La Gravière à Bruxelles, neuf cents
livres, ci............................ ..........l'A...... ................ 900
Au S. Jolivet, chargé d'affaires à Liège, pour la dépense de son emménagement à cette résidence, deux mille livres, ci............................. 2,000
Au S. Marquet (d'Artubise) secrétaire d'ambassade et chargé d'affaires à Madrid, quatre mille cinq cent soixante-dix livres ;
Savoir :
Pour les frais de son voyage de Paris à Madrid, à 10 liv. par )
poste, ci..................................................... 1,570 l.[ 4,570
Pour son emménagement à cette résidence, ci.................... 3,000 )
Au S. Hénin, secrétaire d'ambassade et chargé d'affaires à Venise, cinq mille cinq cents livres ;
Savoir :
Pour frais de son emménagement à cette résidence, ci......... 4,000
Pour dépenses extraordinaires de représentation à l'occasion des / e
fêtes publiques données à Venise pendant le séjour de l'empereur, l
du roi et de la reine de Naples, et autres princes, ci............ 1,500 )
Au S. de La Flotte, chargé d'affaires à Florence, cinq mille quatre cent soixante livres;
Savoir :
Pour la dépense de son voyage de Paris à Florence, à 15 liv. par )
poste, ci.....................................................................2,460 l.[ 5,460
Pour les frais de son emménagement à cette résidence, ci............3,000 )
Au S. de Matigny, chargé d'affaires à Genève, pour la dépense de son emménagement à cette résidence, quatre mille livres, ci.............. 4,000
Affaires étrangères. — (Suite.)
Au S. Hirsinger, secrétaire d'ambassade à Constantinople, pour les frais de son retour de Dresde à Paris et de son voyage de Paris à Constantinople,
six mille trente livres, ci................................................................................................6,030
Au S. Gaudin, secrétaire d'ambassade à Lisbonne, pour les frais de son voyage
de Paris à cette résidence, deux mille deux cents livres, ci..............................2,200
2° bureaux des affaires etrangeres.
Aux commis des affaires étrangères ci-après nommés, pour indemnité de la location de l'appartement que chacun d'eux occupait à Versailles et dont les baux sont restés à leur charge depuis 1790.
Savoir :
Au S. Gandolphe, pour les six premiers mois 1791, à quatorze cents livres
par an, ci.............................................................. 700
Au S. Lesseps, pour les six premiers mois 1791, à douze cents livres, par an, ci. 600 Au S. Chénuat, pour les six premiers mois 1791, à-huit cent vingt-quatre
livres par an, ci................................. . ..................... 412
Au S. de La Tour, pour les six premiers mois 1791, à cinq cent soixante liv.
par an, ci............................................................ 280
Au S. de La Ville, pour les six premiers mois 1791, à sept cents livrés par
an, ci.................... ..................................................350
Au S. Dambrun, pour les six premiers mois 1791, à mille soixante livres
par an, ci.............................................................. 530
Au S. Goffinet, pour l'année 1790 et les six premiers mois 1791, à huit cents
livres, par an, ci....................................................... 1,200
Au S. Baud, pour l'année 1790 et les six premiers mois 1791, à huit cents livres par an, ci......................................................... 1,200
Au S. Campy, pour l'année 1790 et les six premiers mois 1791, à quatre cents
livres par an, ci........................................................ 600
Au S. Fournier, pour les trois premiers mois 1791, à quatre cent soixante livres par an, ci........................................................ 115
3» divers objets d'indemnités.
Au S, Marquis de Spinola, ministre de Gènes en France, pour ui tenir lieu de la franchise des droits de douane attachée à son caractère, pour les six
premiers mois 1791, à sept mille livres par an, ci......................... 3,5C0
Au S. Raulin, consul de France à Gênes, pour indemnité de la suppression d'un droit de légalisation, pour les six premiers mois 1791, à six cents
livres par an, ci......................................................... 300
Au S. Bailly de Virieu, pour le chevalier Follin de Villecomte qui a été chargé de présenter au roi les faucons de Malte, indemnité d'usage, trois mille livres,
ci....................................................................... 3,000
Au courrier Naseimbene qui a apporté la nouvelle de l'accouchement de la reine
d'Espagne, indemnité d'usage, six cents livres, ci........................ 600
Au S. Le Comte, courrier de la correspondance journalière du ministre, pour la
dépense d'entretien d'un cheval pendant l'année 1790, trois cents livres, ci. 30*" Au S. Duclos, autre courrier de la même correspondance aussi pour la
dépense d'entretien d'un cheval, trois cents livres, ci..................... 300
Au S. Guys, négociant à Marseille, pour ses frais et son travail relatifs au retrait et à l'expédition par mer des paquets de la correspondance politique avec l'ambassadeur de France à Constantinople, douze cents livres, ci. 1,200
Total trois cent vingt-un mille trente-deux livres, ci............ 321,032
Administrateur du trésor public, chargé du département de la caisse générale, payez comptant aux personnes dénommées en l'état ci-dessus et des autres parts, les sommes pour lesquelles chacune y est employée, lesdites sommes montant ensemble à celle totale de trois cent vingt-un mille trente-deux livres, qui leur a été réglée à titre d'indemnité pendant les six premiers mois de la présente année.
Fait à Paris, le 6 juin 1791.
Signé : Louis, et plus bas : Montmorin.
Pour copie collationnée conforme à l'original,
Signé : Delessart.
Affaires étrangères. —
589
(Suite.)
III
REMBOURSEMENTS, LOYERS, OUVRAGES, FOURNITURES, etc.
(6 premiers mois 1791.)
ETAT DES SOMMES que le roi ordonne être payées aux personnes ci-après dénommées,
pour remboursements, loyers, ouvrages, fournitures et autres dépenses de cette nature, concernant le service politique pendant les premiers six mois de la présente année 1791 ;
Savoir :
1* Ambassadeurs, ministres et autres employés en pays étrangers.
1. s. d.
Au S. de Noailles, ambassadeur à Vienne, remboursement des dépenses extraordinaires de cette ambassade pendant le quartier de janvier 1791.
Quatre cent cinquante-huit 1. deux s. trois d., ci.......... ...... 458 2 3
Au S. de La Luzerne à Londres, remboursement des dépenses extraordinaires de cette ambassade pendant le même quartier, trois mille
huit cent huit 1. seize s., ci...................................... 3,808 16 »
A M. le cardinal de Bernis, à Rome, remboursement des dépenses extraordinaires de cette ambassade pendant les quatre premiers mois
1791, deux mille cent soixante-sept 1. neuf s. cinq d., ci............ 2,167 9 5
Au S. Choiseul-Gouffier, ambassadeur à Constantinople, remboursement des dépenses extraordinaires de celle ambassade pendant le quartier
d'octobre 1790, cinq mille cent trente-huit livres, ci................. 5,138 » >»
Au S. de Stravigny, ministre à Parme, remboursement des dépenses extraordinaires de cette ambassade pendant les années de 1788 à 1791,
cent quatre-vingts livres, ci....................................... 180 » »
Au S. de Moustier, ministre à Berlin, pour mêmes dépenses, deux mille cinq cent quatre-vingt-cinq livres deux sols onze deniers;
Savoir :
Pendant le quartier d'octobre 1790........... 725 1. 18 s. 4 d.) _ ^
Pendant le quartier de janvier 1791........... 1,859 4 7 \ -1
Au S. Falciola, ci-devant chargé d'affaires à la même résidence, pour pareilles dépenses pendant les quatre derniers mois de 1790, dix-huit cent
quatre-vingt-huit 1. seize s., ci..................................... 1,888 16 »
Au S. Colbert (de Maulevrier), ministre à Cologne, remboursement des dépenses extraordinaires de cette ambassade pendant l'année 1790,
cent quatre-vingt-six livres, ci..................................... 186 » »
Au S. Beranger, ministre à Ratisbonne, pour mêmes dépenses, dont cinquante-huit 1. huit s.
158 8
Savoir :
Pendant le quartier d'octobre 1790.................... 79 1. 4 s.
Pendant le quartier de janvier 1891................... 79 4
Au S. de Makau, ministre à Suttgard, remboursement de dépenses extraordinaires de cette mission pendant le quartier de janvier 1791.
Quatre-vingt-huit 1. trois s., ci..................................... 88 3 »
Au S. de La Gravière, résident à Bruxelles, pour pareilles dépenses pendant le même quartier. Quarante-neuf 1. quatre s., ci................ 49 4 »
Au S. Ruelle, ci-jevant employé à la même résidence, remboursement de dépenses extraordinaires de cette mission, pendant les six derniers
mois de 1790, cent soixante-trois livres, ci.......................... 163 » »
Au S. de Puyabry, chargé d'affaires à Madrid, pour mêmes dépenses pendant les sept derniers mois de 1790 et les quatre premiers mois de 1791, quinze cent quatre-vingt-dix-huit livres douze sols sept deniers, ci. 1,598 12 7 Au S. de Gaussen, chargé d'affaires à Stockholm, pour mêmes dépenses, deux cent quatre-vingt-huit livres;
288
Savoir :
Pendant le quartier d'octobre 1790........................... 180 J
Pendant le quartier de janvier 1791.......................... 108 \
Au S. Caillard, chargé d'affaires à La Haye, pour mêmes dépenses,
pendant le quartier de janvier 1791, trois mille quatorze 1. cinq s., ci. 3,014 5 Au S. Beschelé, chargé d'affaires à Dresde, remboursement de dépenses extraordinaires de cette mission pendant les cinq premiers mois 1791, cent quatre-vingt-une livres, ci..................................... 181 »
Affaires étrangères. — (Suite.)
i. s. d.
Au S. Hirsinger, ci-devant chargé d'affaires à la même résidence, pour semblables dépenses pendant les six derniers mois 1790, deux cent
une livres, ci...................................................... 201 » »
Au S. Otto, chargé d'affaires, à Philadelphie, pour semblables dépenses,
pendant l'année 1790, trois cent trente-huit 1. dix s., ci............. 338 10 i>
Au S. Gandolphe, chargé d'affaires à Beaubourg, pour semblables dépenses pendant le quartier de janvier 1791, quatre cent quarante 1.
quatorze s. six d., ci............................................. 440 14 6
Au S. Aubert, agent à Varsovie, pour semblables dépenses, pendant les six derniers mois de 1790, neuf cent soixante-quinze livres, ci....... 975 » »
2° Bureaux des affaires étrangères.
Au S. Du Ruey, pour le loyer de l'hôtel des affaires étrangères à Paris,
pendant les six premiers mois de 1791, à treize mille livres par an, ci. 6,500 » » Au S. de La Peyronie, pour travail extraordinaire et transcriptions pendant l'année 1790, six cents livres, ci...............;............... 600
Au S. La Fond, garde meuble, pour ouvrages, fournitures dans les bureaux des affaires étrangères pendant le quartier de janvier 1791, dix-neuf cent trente-sept 1. douze s., ci............................ 1,937 12 »
3° Divers objets de remboursements, ouvrages et fournitures.
Au S. Grandjean, employé aux Pyrénées, pour frais extraordinaires de
géographes pendant le quartier de janvier 1791, cinq cents livres, ci. 500 » » Au S. Bergevin, acompte de 24,000 livres restant de 43,288 livres réglées pour la confection des ouvrages du globe terrestre, entrepris par feu son
frère, six mille livres, ci........................................... 6,000 » »
Au S. Tessier pour fournitures d'exemplaires de guide des courriers et
autres ouvrages de librairie, sept cent dix 1. quatorze s., ci........ 710 14 4
Au S. Lorthior, graveur, pour fourniture de quarante-quatre cachets
aux armes du roi, dix-huit cent soixante-neuf livres, ci............. 1,869 » »
Au S. Anisson-Duperon, directeur de l'imprimerie royale, pour les impressions du service des affaires étrangères, pendant l'année 1790, dix-neuf cent vingt-trois 1. six s., ci.........................................1,923 6 »
Total, quarante-trois mille neuf cent quarante-huit 1. quinze s. huit d., ci. 43,948 15 8
Administrateur du trésor public, chargé du département de la caisse générale, payez comptant aux personnes dénommées en l'état ci-dessus et des autres parts, les sommes pour lesquelles chacune y est employée, lesdites sommes montant ensemble à celle totale de quarante-trois mille neuf cent quarante-huit l., quinze s., huit d., qui leur est due, pour remboursements, loyers, ouvrages, fournitures et autres dépenses de cette nature, concernant le service des affaires étrangères, pendant les six premiers mois de la présente année.
Fait à Paris, le 6 juin 1791.
Signé : Louis, et plus bas : Montmorin.
Pour copie collationnée conforme à l'original.
Signé : Delessart.
IV
VOYAGE DU SIEUR DAUDEYILLE, DE PARIS A VIENNE AVEC RETOUR.
Administrateur de mon Trésor royal, chargé du département de la caisse générale, payez comptant au S. Daudeville la somme de deux mille quatre cent huit livres, pour être allé en poste et pour mon service, de Paris à Vienne, par Nancy, Strasbourg et Munich, et pour être revenu de Vienne à Paris par la même route, compris le remboursement tant des frais de postes royales, que de ceux du séjour dudit courrier à Vienne.
Fait à Paris, le 20 mars 1791.
Signé : Louis, et plus bas : Movtmorin.
Pour copie collationnée conforme à l'original,
Signé : Delessart.
Affaires étrangères. — (Suite.)
V
VOYAGE DU SIEUR LÉPINE, DE PARIS A ROME AVEC RETOUR.
Administrateur de mon Trésor royal, chargé du département de la caisse g'nérale, payez comptant au S. Lépine, courrier de mon cabinet, la somme de trois mille sept cent dix livres, pour être allé en poste et pour mon service, pendant la mois de décembre dernier, de Paris à Rome par Auxerre, Lyon, Chambéry, Turin, Parme et Florence, et pour être revenu de Rome à Paris par la même route, compris le remboursement tant des frais de passage de rivières et montagnes, que de ceux des postes royales et des séjours dudit courrier à Rome.
Fait à Paris, le 26 mars 1791.
Signé : Louis, et plus bas : Montmorin.
Pour copie collationnée conforme à l'original,
Signé : Delessart.
VI
VOYAGE DU SIEUR DUBLED, DE VALENCIENNES A PARIS AVEC RETOUR.
Administrateur du Trésor public, chargé du département de la caisse générale, payez comptant au S. Vanier, directeur des postes à Valenciennes, la somme de trois cent soixante l. dix s., en remboursement des frais d'une course faite pour le service des affaires étrangères par le courrier Dubled, pendant le mois de mai dernier, de Valenciennes à Paris et retour de Paris à Valenciennes.
Fait à Paris, le 6 juin 1791.
Signé : Louis, et plus bas : Montmorin.
Pour copie collationnée conforme à l'original,
Signé : Delessart.
VII
DÉPENSES DU SERVICE SECRET.
Administrateur du Trésor public, chargé du département de la caisse générale, payez comptant au S. Duruey, la somme de onze cent quarante-neuf mille trente-six l. sept s. huit d. en remplacement de pareille somme qu'il a avancée pour dépenses secrètes du service des affaires étrangères, pendant les six premiers mois de la présente année.
Fait à Paris, le 6 juin 1791.
Signé : Louis, et plus bas : Montmorin.
Pour copie collationnée conforme à l'original,
Signé : Delessart.
VIII
FONDS POLITIQUES DE LA SUISSE.
Administrateur de mon Trésor royal, chargé du département de la caisse générale, payez comptant au S. Duruey, la somme de trois cent cinquante mille livres, en remplacement de pareille somme qu'il a avancée pour les dépenses du service politique de la Suisse, pendant les six premiers mois de la présente année mil sept cent quatre-vingt-onze.
Fait à Paris, le 19 juin 1791.
Signé : Louis, et plus bas : Montmorin.
Pour copie collationnée conforme à l'original,
Signé : Delessart.
Affaires étrangères. — (Suite.)
APPOINTEMENTS, INDEMNITÉS, REMBOURSEMENTS, ETC. DÉPENSES SECRÈTES ET FONDS POLITIQUES DE LA SUISSE.
(Quartier de juillet 1791.)
ÉTAT DE DISTRIBUTION des fonds décrétés par l'assemrlée nationale pour le service des affaires étrangères, pendant les mois de juillet, aout et septembre 1791.
IX
APPOINTEMENTS, INDEMNITÉS, REMBOURSEMENTS, ETC. DÉPENSES SECRÈTES ET FONDS POLITIQUES DE LA SUISSE.
(Quartier de juillet 1791.)
T DE DISTRIBUTION des fonds décrétés par l'assemblée nationale pour le ser^ des affaires étrangères, pendant les mois de juillet, aout et septembre 1791.
CHAPITRE PREMIER.
dépenses du service public.
Article 1er. Appointements et autres traitements annuels pour les mois de juillet, août
et septembre 1791.
Ambassadeurs.
1. s. d.
A M. de Noailles, à Vienne, ci.............................................37,500 » »
A M. de Pons, à Madrid, ci................................................................................37,500 » »
Aux héritiers de M. de la Luzerne dccédé dans les fonctions d'ambassadeur à Londres, ci.......... ....................................................................37,500 » »
A M. de Ségur, à Rome, ci.............................................................................37,500 » »
A M. de Choiseul-Goufiier, à Constantinople, à cent seize mille livres par an, compris un traitement extraordinaire de 3(5,000 livres pendant la guerre des Turcs, ci............................................29,000 » »
A M. de Choiseul, à Turin, ci,..........................................................................20,000 » »
A M. de Talieyrand, à Naples, ci......................................................20,000 » ,»
A M. de Vibraye, à Stockholm, ci........................t................20,000 » »
A M. de Châton, à Lisbonne, ci.........................................20,000 » »
A M. de Durfort, à Vienne, ci..*...............'. ..................................15,000 » »
A M. d'Osmond, à Pétersbourg, ci..........................................20,000 » »
A M. de Ternant, à Philadelphie, ci..................................................................15,000 » »
A M. de Moustier à Berlin, ci...................................................12,500 » »
A M. Descorches, à Varsovie, ci.......................................................12,500 » »
A M de Gouvernet, à La Haye, ci.......................................12,500 » »
A M. Basquiat de la Houze, à Copenhague, ci ..........................................10,000 » »
A M. de Flavigny, à Parme, ci..........................................10,000 » »
A M. de Montesquiou, à Dresde, ci................................................................10,000 » »
A M. de Montezan, à Munich, ci....................................................................7,500 » »
A M. O'Kelty, à Mayence, ci............................................................7,500 » »
A M. de Vergennes, à Trêves, ci............................................7,500 » »
A M. Colbert de Maulevrier, à Cologne, ci..................................................7,500 » »
A M. de Semonville, à Gênes, ci.... ............................................................7,500 » »
A M. Bérenger, à Ratisbonne, ci......................................................................7,500 » »
A M. de Bourgoing, à Hambourg, ci ............................................................7,500 » »
A M. de Greschlag, près le Cercle du Haut-Rhin, ci................................7,500 » »
A M. de La Coste, aux Deux Ponts, ci................................................6,000 » »
A M. Bonne-Carère, à Liège, ci,......................................................................5,000 » »
A M. de Mackau, à Stutlgard, ci................................................4,500 » »
Résidents.
A M. de La Gravière, à Bruxelles, ci...................................................5,000 » »
A M. de Pons, à Dantzick, ci...............................................4,000 » »
A M. Barotzi, à Francfort, ci-....................................; 500 » »
Affaires étrangères. — (Suite.)
Chargés d'affaires.
1. s. d.
Au S. de Gaussen, à Stockholm, ci......................................1,250 » »
Au S. Gaillard, à La Haye, ci..............................................1,500 » »
Au S. de Matigny, à Genève, ci.....................................2,400 » »
Au S. Seylres de Gaumont, à Malte, ci.........................., 1,500 » »
Au S. de La Flotte, à Florence, ci....................................1,125 » »
Au S. Jolivet, à Liège, ci..................................................................................250 » »
Secrétaires de légations.
Au S. Barthélémy, à Londres, ci......................................................................3,000 » »
Au S. Chalgrin, a Gonstantinople, ci................................................................1,500 » »
Au S. Hirzinger, aussi à Gonstantinople, ci..................................................1,500 /> »
Au S. Marquet d'Ortubise, à Madrid, ci..............................1,500 » »
Au S. Otto, à Philadelphie, ci............................................................................1,500 » »
Au S. Gaillard, à La Haye, ci..............................................................1,50q » »
Au S. Aubert, à Varsovie, ci...........................................................................1,500 » »
Au S. Hérissant, à Ratisbonne. ci....................................................................1,250 » »
Au S. Gaudin, à Lisbonne, ci............................................................................1,000 » »
Au S. Bernard, à Rome, ci..................................................................................850 » »
Au S. Gabard, à Vienne, ci............................................750 » »
Au S. de La Lande, à Turin, ci.........................................750 » »
Au S. Cacault, à Naples, ci...............................................................750 » »
Au S. de Gaussen, à Stockholm, ci................................. 750 » »
Au S. Hénin, à Venise, ci.....................................--------750 » »
Au S. Genet, à Pétersbourg, à douze mille livres par an,compris un
traitement particulier de neuf mille livres par an, ci..............................3,000 » »
Au S. Béchelé, à Dresde, ci...... .............................................................750 » »
Au S. Falciola, à Berlin, ci................................................................................500 » »
Au S. Laquiante, à Munich, ci.......................................................500 » »
Au S. de La Flotte, à Florence, ci...........................................375 » »
Au S. Jolivet, à Liège, ci....................................................................................375 « »
Au S. Brumatti, à Dantzick, ci..........................................................................375 » »
Au S. Deshaquets....................................................................................................300 » »
Autres employés en pays étrangers.
Au S. Bonneau, correspondant à Varsovie, ci...................................1,000 » »
Au S. Dufresne, maître de chambre de l'ambassadeur à Rome, ci... 750 » »
An S. Digne, garde des archives du roi, aussi à Rome, ci..................500 » »
Au S. Flury, employé à la secrétairerie de l'ambassadeur à Cons-
tantinople, ci........................................................................................................300 » »
Ministre et bureaux des affaires étrangères.
A M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères, à cent cinquante mille livres par an, ci.................................... 37,500 » »
An S. de Rayneval, chef du premier bureau d'expéditions politiques,
pour lui et les commis de ce bureau, ci.......................... 23,150 » »
Au S. Hennin, chef du deuxième bureau d'expéditions politiques,
pour lui et les commis de ce bureau............................ 16,100 » »
Au S. Durival, chef du bureau des fonds, pour lui et les commis de
ce bureau, ci.................................................... 15,125 » »
Au S. Semonin, chef du dépôt, pour lui et les commis de ce bureau, ci......................................................... 8,700 » »
Au S. Gandolphe, premier secrétaire du ministre, pour lui et les commis du secrétariat, ci............................................ 5,550 » »
A Ghandioux, garçon de bureau, pour lui et pour sept autres garçons de bureau, ci........................................... 1,875 » »
Divers employés.
A M. Duruey, chargé de la caisse des affaires étrangères......................6,500 » »
Au S. Grandjean, gréographe, employé aux Pyrénées.............................2,650 » »
Au S. Chrétien, id,......................................................................................1,275 » »
Au S. Brossier, id........................................................................................1,275 » »
Au S. Vitry, id.....................................................................1,275 » »
Au S. Caffiery , id. employé à Paris............................................375 » »
Affaires étrangères. — (Suite.)
I. s. d.
Au S. Henneberg, jurisconsulte, pour le droit germanique......................500 » »
Au S. Le Comte, courrier de la correspondance journalière... ...........650 » »
Au S. Duclos, id.....................................650 » »
A Corroy, concierge du cimetière des protestants à Paris........................250 » »
Au S. La Vallée, concierge de l'hôtel des affaires étrangères à Paris 250 » »
A Meyer, suisse de l'hôtel des affaires éfrangères à Paris......................300 » »>
A Guyard, portier audit hôtel..................................................150 » »
A Cairon, frolteur audit hôtel....................................................................225 » »
A Houzeau, jardinier, audit hôtel...........................................................75 » »
A Friou, suisse de l'hôtel du dépôt à Versailles.......................325 » »
A Lafond père, garde-meuble et concierge des appartements du
ministre, à Versailles.....................................................300 » »
Au S. Picault, concierge des appartements et bureaux du ministre, à
Fontainebleau.........................................................................................75 » »
A Demoiselle Chariot, concierge des appartements et bureaux du ministre à Compiègne..................................................................................................50 » »
Au S. Fray, chirurgien du département........................................................225 » »
Article II. Indemnités.
A M. de Durfort, ambassadeur à Venise, pour les frais de son voyage
et transport de ses effets de Florence à Venise, ci................ 2,000 » »
Au S. Le Bartz, commis des affaires étrangères pour frais d'un double logement à Paris et à Versailles pendant les deux derniers
mois de 1789 et les six premiers mois de 1791, ci................................300 » »
Au S. Blondel, nommé jurisconsulte pour le service de France auprès de l'ambassadeur du roi à Rome, pour les dépenses extraordinaires que lui ont occasionnées les dispositions de son voyage à
Rome, ci..................................... .................. 3,000 » »
Au S. Raulin, consul de France à Gênes, pour indemnité de la suppression d'un droit de légalisation, 2* de juillet 1791. — 600 liv. par an, ci...........................................................................................................150 » »
Arti6le III. Remboursements, loyers, ouvrages, fournitures et dépenses de
ce genre.
A M. de Noailles, ambassadeur à Vienne, remboursement des dépenses extraordinaires de cette mission pendant le quartier d'avril
1791, ci....................;............................................685 11 »
Au S. Bernard, chargé d'affaires à Rome, remboursement des dépenses extraordinaires de cette mission pendant le même quartier, ci............................. .....*....................... 1,550 6 8
A M. de Choiseul-Gouffier, ambassadeur à Constantinople, remboursement des dépenses extraordinaires de cette mission pendant le quar-
tier^de janvier, ci................................................ 4,990 » »
Au S. de Gaussen, chargé d'affaires à Stockholm, remboursement des dépenses extraordinaires de cette mission pendant le quartier
d'avril, ci.............................................................123 » >»
Au S. Hénin, chargé d'affaires à Venise, remboursement des dépenses
extraordinaires de cette mission pendant le même quartier, ci...... 1,936 15 6
A M. de Moustier, ministre à Berlin, remboursement des dépenses
extraordinaires de cette mission pendant le même quartier, ci............241 8 4
Au S. Caillard, chargé d'affaires à La Haye, remboursement des dépenses extraordinaires de cette mission pendant le deuxième quartier d'avril 1791, ci............................................... 8,263 18 »
•A M. Bérenger, ministre à Ratisbonne, remboursement des dépenses extraordinaires de cette mission, même quartier, ci.........306 17 »
A M. de Bourgoing, ministre à Hambourg, remboursement des dépenses extraordinaires de cette mission, même quartier, ci..................512 4 »
A M. de Mackau, ministre à Stuttgard, remboursement des dépenses
extraordinaires de cette mission, même quartier, ci...............227 16 »
A M. de La Gravière, résident à Bruxelles, remboursement des dépenses extraordinaires de cette mission, même quartier, ci..................225 13 6
A M. Barotzy, résident à Francfort, remboursement des dépenses
extraordinaires de cette mission, même quartier, ci..............................88 15 6
Au S. Grandjean, pour frais du service des géographes, même
quartier, ci..............................................................................300 » »
A M. Duruey, pour loyer de l'hôtel des affaires étrangères à Paris, pendant le deuxième quartier de juillet 1791, à 13,000 livres par an, ci.................................. ............................. 3,250 » »
Affaires étrangères. — (Suite.)
l. s. d.
A S. Bergevin, acompte de 18,000 livres, restant de 43,288 livres réglées pour la confection du globe terrestre entrepris par feu son
frère, ci......................................................... 3,000 » »
Au S. Butteux, sculpteur, pour fournitures de cadres et frais de transport de portraits du roi et pour autres dépenses relatives pendant les années 1787, 1788, 1789, 1790 et six premiers mois
de 1791, ci....................................................... 3,965 7 »
Au S. Lafond, garde-meuble, pour ouvrages et fournitures dans les hôtels et bureaux des affaires étrangères pendant le deuxième
quartier d'avril 1791, ci.......................................... 5,794 9 6
Au S. Le Tellier, relieur, pour fourniture et reliure d'ouvrages de
librairie et cartonnerie pendant les six premiers mois de 1791, ci... 521 6 »
Article IV. Courses.
Au S. Lépine, de Paris à Constantinople par Sistow, et retour, ci... 8,396 » »
Au S. Mortet, de Soleure à Paris et retour, ci........................................854 » »
Au S. Moret, aussi de Soleure à Paris et retour, ci..................................904 » »
Au S. Banez, dix-sept cent quarante-quatre livres pour les deux courses ci-après, savoir :
De Paris à Bruxelles et retour.................... 664 1. 10 s.) »
De Paris à Coblentz et retour.................... 1,079 10 J '
Au S. Schmidt, employé à la secrétairerie du ministre à La Haye,
de Paris à La Haye sans retour, ci..............................................................500 » »
A M. de Richebourg, président du directoire des postes, remboursement de frais d'une course de Paris à Bâle, d'où à Soleure et retour par le nommé Mangin, ci....................................................................858 » »
CHAPITRE II.
Dépenses du service secret.
A M. Duruey, huit cent quatre-vingt-dix-sept mille huit cent trente-cinq 1. douze s., pour servir aux dépenses ci-après, dont il sera rendu compte directement au roi, par le ministre des affaires étrangères,
Savoir :
Pour les subsides, secours à des étrangers, remboursements, indemnités et autres dépenses secrètes, ci'............ 722,835 1. 12 s.) ^ .g ^
Pour les dépenses des ligues suisses............. 175,000 » ) ' w
Total............................. 1,575,000
Commissaires de la trésorerie nationale, en exécution du décret de l'Assemblée nationale
du 6 juin 1790, sanctionné le.......... faites payer aux personnes dénommées en l'état ci-dessus et
pour les motifs y énoncés, les sommes pour lesquelles chacune y est employée, lesdites sommes montant ensemble à celle de quinze cent soixante-quinze mille livres.
Fait à Paris, le 30 octobre 1791.
Signé : Louis, et plus bas : Montmorin.
Pour copie conforme à l'original,
Signé : Delessart.
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de là séance du mereredi 28 décembre.
Un rfiembre : M. Dumas a mis dans le décret relatif à ceux qui sont dispensés de constater leur résidence (1), le nom du roi avant la désignation des membres du Corps législatif, et cependant, après quelques observations, l'Assemblée décréta l'article tel qu'il était imprimé, et le nom du Corps législatif était placé avant celui du roi. Je demande que M. Dumas rétablisse le fait dans le procès-verbal.
, secrétaire. J'ai cru hier que l'Assemblée avait adopté la proposition faite par le rapporteur et quelques membres de mettre le nom au roi avant celui du Corps législatif.
Voix diverses : Non ! non ! Oui ! oui !
Plusieurs membres : Effacez le nom du roi ; il n'est pas nécessaire.
Je demande la parole. (Murmures.)
On fait une nouvelle proposition : c'est de supprimer le nom du roi qui n'est pas nécessaire, ait-on, dans cet article.
Plusieurs membres : L'observation est appuyée.
Le roi n'est qu'un fonctionnaire public et ne peut être payé de sa liste civile que comme les autres citoyens.
Je demande qu'on adopte la rédaction telle qu'elle est et que l'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un membre : J'observe que l'Assemblée a rendu dans la séance d'hier un décret pour réparer une erreur qui a été commise dans la transcription du décret du 17 décembre, relatif à la fabrication des assignats (2). Elle ne peut se dispenser de faire précéder ce décret, qui est définitif, d'un décret d'urgence.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
Décret d'urgence.
«. L'Assemblée nationale, considérant que l'article 2 du décret du 17 de ce mois, relatif à une nouvelle fabrication d'assignats, n'a point été inscrit dans le procès-verbal tel qu'il avait été décrété, et voulant rétablir sans délai ce décret dans son premier et véritable état, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que l'erreur de l'article 2
du décret du 17 décembre dernier sur les assignats, sera rectifiée en ces termes :
« Les 1,800 millions d'assignats, créés par l'Assemblée constituante, ne pouvant suffire aux besoins des caisses publiques, puisque 355 millions ont été brûlés, et que 1,387 millions sont déjà en circulation, il sera fait, au moyen du papier dont la fabrication a été ordonnée par les décrets des 1er novembre dernier et 8 décembre courant, une nouvelle création de 300 millions en assignats, lesquels seront employés, tant à fournir aux besoins des caisses, qu'a remplacer les assignats qui seront brûlés à 1 avenir, de manière que la somme des assignats en circulation n'excède pas 1,600 millions.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
Un membre demande que le comité des domaines soit tenu de faire, dans la séance de mardi soir, le rapport sur le mémoire lu dans la séance d'hier par le ministre de l'intérieur et relatif à l'affaire du sieur Armet (1).
(L'Assemblée, consultée,, décrète que le rapport lui sera fait dans la séance de mardi prochain.)
annonce que les membres de la société ecclésiastique et patriotique du district de Saint-Girons, département de l'Ariège, [font hommage à l'Assemblée nationale de deux ouvrages destinés à prévenir et à arrêter les progrès du fanatisme. Le premier de ces ouvrages a pour titre : « Adresse aux habitants des campagnes, ou instruction familière sur la constitution civile du clergé » ; le second est intitulé : « Réplique des auteurs de l'adresse aux habitants des campagnes, à M....., soi-disant vicaire de... ».
(L'Assemblée accepte l'hommage de la société ecclésiastique et patriotique de Saint-Girons et ordonne que mention honorable en, sera faite au procès-verbal.)
annonce que beaucoup de citoyens demandent à être admis à la barre et que plusieurs désirent y être admis avant dimanche, jour fixé par les décrets.
(L'Assemblée décrète que les sieurs Burté et Travenet, Saint-Sauveur, Bouchet et Roussel, pétitionnaires, seront entendus, s'ils se présentent pendant la séance de jeudi ou de samedi soir.)
, secrétaire. Messieurs, je vais donner lecture à l'Assemblée d'une adresse...
Messieurs, je vous observe qu'un décret ordonne le renvoi de toutes les adresses au comité des pétitions qui en donne connaissance, par extraits, à l'Assemblée.
Il y a une partialité indécente dans notre maniéré de recevoir les pétitions. Les
pétitionnaires qui sont voisins du lieu de nos séances sont admis et entendus lorsqu'ils le
demandent, et ceux qui sont à une grande distance, qui ne peuvent faire parvenir leurs
réclamations que par écrit, ne sont entendus qu'après avoir passé par un comité, qui ne fait
connaître leurs pétitions que par extraits. Il est bien étonnant que les départements ne
puissent jouir du même avantage que la ville de Paris. Sans cesse on entend les habitants de
cette ville à la barre; certains nous font perdre un temps précieux et on ne veut pas même
entendre la lecture des adresses des départements. Il ne doit point y avoir de privilège. Je
demande qu'il soit sursis à la réception de tout pétitionnaire jus-
Je suis étonné qu'on demande un décret pour nous empêcher de nous environner de l'opinion publique et pourquoi l'on cherche sans cesse à empêcher le vœu du peuple de se manifester dans l'Assemblée. Que contiennent les adresses des départements ? Des félicitations sur vos décrets, des protestations d'amour, de fidélité pour le Corps législatif, des assurances positives d'exécuter strictement les lois que vous dicterez. Messieurs, ne l'oublions pas, le peuple est le seul souverain, ne négligeons rien pour connaître son vœu et donnons-lui tous les moyens possibles de le manifester.
J'ai en main une adresse de mon département ; je demande à en faire lecture. Je demande en outre que celles de ces adresses qui sont essentielles ne soient point perdues dans le comité des pétitions dont le rapporteur peut à peine vous donner la note sommaire de celles qui y sont renvoyées et que toutes les adresses qui intéressent les départements soient lues à la tribune. (Applaudissements.)
Le comité des pétitions donne tous ses soins aux adresses et pétitions. Il renvoie exactement celles-ci aux comités qui doivent en connaître, et vous lit à la tribune l'extrait des adresses. Si vous vouliez en entendre la lecture entière, nous passerions journellement une heure et demie à les lire. Je demande, dans un moment où la France attend des lois générales, où la France ne veut pas en quelque sorte que vous vous occupiez des lois locales et particulières, parce que vous avez besoin d'embrasser l'ensemble ae l'administration, je demande, dis-je, que vous ne sacrifiiez pas un temps extrêmement précieux à lire des adresses en entier, tandis qu'on vous en donne un extrait parfait. Je propose la question préalable sur la motion de M. Lasource.
Le droit de pétition est le plus sacré de tous les droits ; c'est celui qui fait véritablement la ligne de démarcation entre un gouvernement libre et un gouvernement arbitraire; mais il me semble qu'on ne s'est point formé une idée juste du droit de pétition.
Ou la pétition a un objet général, ou elle a un intérêt particulier. Si c'est un objet général, vous devez entendre de préférence les membres de l'Assemblée. Vous êtes seuls représentants de la nation, et chargés de ses intérêts, vous ne pouvez pas perdre un temps précieux, alors que les députés ne peuvent pas toujours obtenir la parole, à entendre à la barre des individus qui viennent vous l'enlever par certaines combinaisons et pour faire passer telle ou telle opinion. (Applaudissements.) vous devez renvoyer ces pétitions générales à, vos comités, en indiquant séulement leur titre à l'Assemblée.
Si, au contraire, la pétition a un objet particulier, alors le pétitionnaire a le droit ae venir vous dire : le pouvoir exécutif, l'agent du pouvoir exécutif m'a fait une injustice. Sa pétition peut ensuite être renvoyée à un comité chargé d'un examen plus particulier; et si le comité ne vous en fait pas le rapport, le pétitionnaire a le le droit de revenir a la barre se plaindre de votre comité, parce qu'il a le droit de plainte
contre vous comme contre tous les pouvoirs constitués.
Je demande donc que l'exercice de ce droit de pétition, qui a, j'ose le dire, mis si souvent le trouble dans cette assemblée, soit subordonné à des règles fixes et précises, que vous chargerez votre comité de législation de vous présenter. (Applaudissements.)
Le comité de législation est surchargé d'affaires. Je demande le renvoi au comité des pétitions.
J'appuie la motion de M. Bigot. On voudrait faire entendre que l'opinion publique doit se former par les adresses des départements. C'est cependant un principe consacré par l'Acte constitutionnel, consacré par des lois positives, que les départements n'ont pas le caractère représentatif. Les deinandes qu'ils font doivent être renvoyées aux différents comités qui doivent vous en présenter le résultat ; mais ce résultat ne peut former ce que l'on appelle une opinion publique relativement à une loi. Voilà une erreur dans laquelle M. Lasource est tombé. J'ajoute que nous ne sommes pas ici pour recevoir et entendre des applaudissements, mais pour travailler au bien de la nation, et le meilleur moyen d'y parvenir, c'est de bien en employer le temps.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Ma motion a été appuyée, je demande qu'elle soit mise aux voix.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
C'est une horreur, vous voulez tuer la liberté 1
Je demande à établir la question préalable sur la motion de M. Bigot, comme inconstitutionnelle et contraire à la liberté. (Murmures.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Ma motion est que les adresses des corps administratifs soient lues à la tribune. Je demande la priorité pour elle.
Ils n'ont pas le droit d'en faire.
Plusieurs membres La priorité pour la motion de M. Bigot.
(Après quelques débats, l'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Bigot de Préame-neu.)
et plusieurs autres membres : La question préalable surla motion de M. Bigot!
(L'Assemblée rejette la question préalable et décrète la motion de M. Bigot de Préameneu tendant à ce que le comité de législation fasse incessamment un rapport sur les moyens d'exécution du droit de pétition dans l'Assemblée nationale.)
, secrétaire. Voici des pièces dont je dois donner lecture, par extraits, à l'Assemblée au sujet d'une insurrection arrivée dans la municipalité de Choue, district de Mondoubleau, département de Loir-et-Cher.
La municipalité de Choue, district de Mondoubleau, département de Loir-et-Cher, se présenta le 7 décembre au district. Elle s'était adjoint le conseil général de la commune et le commandant de la garde nationale. Elle déclara au district que se croyant lésée par le nouveau mode
de contribution, elle ne voulait payer les impositions que suivant les rôles de 1790. Ensuite elle transigea et consentit à ajouter quelque chose. Voilà tout ce que le district pût l'engager à faire; mais peu après, fâchée de cette condescendance, elle se rétracta par une déclaration.
Le 22 du même mois,- la même municipalité et une centaine de paysans armés de bâtons, sous le prétexte qu'on voulait supprimer leur paroisse, se transportèrent de nouveau ait district, se firent ouvrir toutes les portes de la salle du directoire, demandèrent tous les papiers, déclarèrent qu'ils voulaient y mettre le feu et menacèrent les administrateurs de les brûler en même temps. Ils dirent hautement qu'ils ne voulaient plus ni districts, ni tribunaux, ni patentes, et qu'il fallait que cela fût comme dans l'ancien régime.
Les administrateurs du district ont arrêté que le sieur Robé de la Grange, colonel de la garde nationale de Choue, vrai caméléon, qui, dans l'ancien régime comme dans le nouveau, s'est distingué et se distingue de toutes les manières, improuvé par tous les honnêtes gens, serait dénoncé comme suspect, et que la présente dénonciation serait envoyée au directoire de département et à l'Assemblée nationale pour être décrété ce qu'il appartiendra contre les chefs, complices et adhérents de pareille sédition. Ils ont constaté
Sue le nommé Cochu, laboureur, demeurant au
hef, paroisse de Choue, et officier municipal, d'accord avec Pierre Randin, maréchal, procureur de la commune, et le nommé Germant, journalier, avaient fait sonner le tocsin pendant 3 ou 4 heures, et fait battre la générale pour rassembler les habitants et se transporter au district; qu'avant le départ, ils avaient prêté, entre les mains du sieur Robé de la Grange, un serment dont on n'a pu connaître ni la formalité ni le but.
Un membre : Je demande le renvoi de cette affaire au pouvoir exécutif, à la charge de rendre compte des mesures qu'on aura prises pour apaiser cette insurrection.
Un membre ; Je demande le renvoi au comité de surveillance.
Je crois qu'on ne peut pas se conduire plus mal que cette municipalité. Si dans ce moment, il y avait plusieurs communes qui fissent la même résistance à la loi, il faut convenir que la chose publique serait dans le plus grand danger et il est du plus grand intérêt d'étouffer dans l'origine de semblables insurrections. Je vous observe en même temps, Messieurs, que ceux qui sont à la tête de cette rébellion sont très certainement officiers publics. Je demande, en conséquence, qu'ils soient sévèrement punis et que l' Assemblée décerne contre eux un décret d'accusation.
Ne croyez pas, Messieurs, que le pays deMondoubleau et environs ait d'aussi mauvais sentiments que les habitants de Choue. La municipalité est moins coupable que le sieur Robé; c'est lui qui a fait la requête, c'est lui qui est le chef des factieux, c'est contre lui que doit être rendu le décret d'accusation.
La conduite de ces fonctionnaires publics est un attentat contre la Constitution ; je demande qu'ils soient dès l'instant même suspendus de leurs fonctions. Il faut les punir sévèrement, pour empêcher que cet exemple ne se propage. Mais je crois, Messieurs, que pour prononcer en connaissance de cause et après un
examen réfléchi, vous devez renvoyer l'examen des pièces au comité de surveillance qui vous fera, ce soir, un rapport sur cette affaire. C'est un acheminement à la contre-révolution, c'est un attentat contre la Constitution. (Applaudissements.)
Messieurs, j'ai entendu dans le compte qui vous a été rendu de cette affaire, qu'en même temps que le directoire de districts nous a envoyé les procès-verbaux, il les a aussi envoyés au directoire de département. Nous avons des lois établies; d'après cela, il est du devoir du directoire de district de suspendre ces officiers municipaux ou autres hommes en place; il est de son devoir de les dénoncer aux tribunaux ; il est du devoir de l'accusateur public du tribunal d'agir contre eux; il est en même temps du devoir du directoire de département d'instruire le ministre de l'intérieur. Les formes et la gradation des pouvoirs sont déterminées.. Il faut les suivre. Je demande donc le renvoi de cette dénonciation au pouvoir exécutif, à la charge, par le ministre, de rendre compte avec exactitude des mesures qu'il a prises.
Le comité de surveillance ne pré-, juge rien ; il n'y a donc point d'inconvénient au renvoi à ce comité.
J'appuie la ttiotion de M. Da-verhoult. Les formes doivent être suivies. Lorsque les premières instructions auront été faites, r Assemblée pourra juger s'il y a lieu ou non à accusation.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion et après quelques débats, l'Assemblée renvoie les pièces au comité de surveillance pour en faire le rapport à la séancê de ce soir. (Applaudissements dans les tribunes.)
Je demande qu'on fasse venir le ministre de l'intérieur afin de savoir s'il n'a rien appris à ce sujet. (Murmures.)
(Cette motion n'a pas de' suite.)
, au nom du comité de surveillance, fait un rapport relatif à l'affaire des sieurs Loyauté, Silly et Meyet contre lesquels VAssemblée a rendu un décret d'accusation. (1); il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez renvoyé au comité de surveillance l'examen dés preuves de complicité qui pouvaient exister contre le sieur Corr, avec les sieurs Silly et Loyauté, qui ont été mis en état d'accusation. Nous avons proposé de faire le rapport. L'Assemblée a paru ne plus vouloir s'occuper de la suite de cette affaire et l'a laissée à la haute cour nationale. En conséquence, nous nous bornons à vous proposer le décret suivant pour que les _ pièces relatives à cette affaire soient déposées aux archives nationales, afin que, de là, elles soient envoyées à la Haute Cour nationale. Voici ce décret :
« L'Assemblée décrète que les pièces dont la dénomination suit seront déposées aux
archives, savoir : 1° La copie en forme d'un procès-verbal dressé par la municipalité de
Strasbourg le 9 décembre; 2° une copie en forme des déclarations faites le 13 décembre 1791,
par les sieurs Pierre-Alexis Voignès, François-Armand-Michel Loyauté, Jean-Baptiste Lenoble,
Hyacinthe-Joseph Silly, Jeannette Meyet, dite Saint-Louis, Louis-Joseph
(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)
, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret relatif à un versement de 31,829,805 livres à faire par la caisse de l'extraordinaire à la Trésorerie nationale pour le service du mois de novembre 1791 ; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, l'Assemblée nationale constituante fixa, par son décret du 18 février dernier, les dépenses ordinaires de l'année 1791, à 582,700,000 livres, ou à 48,558,333 livres par mois. Pour pourvoir à leur payement, elle y affecta les revenus ordinaires derEtat et le produit des contributions qu'elles a établies.
Vous connaissez, Messieurs, les retards qu'ont éprouvés l'assiette et le recouvrement des impôts : cependant comme les besoins du service public ne pouvaient supporter aucun retard, l'Assemblée nationale constituante décréta, le 23 mai dernier, que l'ordonnateur du Trésor public rendrait compte, avant le 15 de chaque mois, des recettes effectives du mois précédent, et que la somme qui pourrait manquer auxdites recettes pour compléter celle de 48,558,333 livres, fixée par le décret du 18 février dernier, serait versée au Trésor public par la caisse de l'extraordinaire, d'après un décret du Corps législatif.
Les commissaires de la Trésorerie nationale vous ont adressé, le 3 décembre, les états des recettes et des dépenses ordinaires du mois de novembre dernier. Votre comité, auquel vous les avez renvoyés les a vérifiés : il en résulte que la recette qui avait été fixée par le décret du 18 février dernier, à 48,558,333 livres ; ne sejnonte qu'à 30,070,643 livres, de sorte que, pour pourvoir à ce déficit, il faut que vous décrétiez, d après les mesures adoptées par le corps constituant, que la caisse de l'extraordinaire versera dans celle de la Trésorerie nationale, les 18,487,690 livres qui manquent, et qui seront réintégrées lorsque la perception des impôts s'effectuera.
Les administrateurs de la Trésorerie nationale vous ont aussi adressé l'état des dépenses particulières à l'année 1791, qu'ils ont payées dans le mois de novembre dernier : votre comité les a vérifiées ; elles ont été ordonnées par divers décrets du corps constituant ; elles se montent à 13,342,115 livres.
Ces dépenses extraordinaires sont commandées par l'état de défense où il faut tenir le royaume : il faut pourvoir à leur payement. L'Assemblée nationale constituante ne leur ayant affecté aucun fonds, décréta, les 18 février et 17 avril derniers, que les administrateurs de la Trésorerie nationale remettraient chaque mois au Corps législatif l'état des sommes qu'ils auraient payées pour cet objet, lesquelles leur seraient remboursées, par la caisse de l'extraordinaire, d'après un décret rendu à cet effet.
Votre comité vous propose le projet de décret suivant; mais comme le versement à faire par
la caisse de l'extraordinaire à celle de la Trésorerie nationale, doit fournir aux besoins
journaliers, et ne peut éprouver le moindre retard, votre comité vous propose préalablement
l'urgence.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de la Trésorerie nationale chargé de vérifier l'état des recettes et dépenses faites dans le mois de novembre dernier, par la Trésorerie nationale, remis par les commissaires de ladite Trésorerie, et pour constater leur demande de 31,829j805 livres à prendre de la caisse de l'extraordinaire conformément aux décrets des 17 avril et 23 mai derniers, attendu que le service public exige impérieusement ce versement, et ne peut éprouver aucun retard, décrète qu'il est urgent de délibérer sur cet objet.
Décret définitif.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de la Trésorerie nationale, chargé de vérifier sur les registres de la caisse de la Trésorerie nationale l'état des recettes et dépenses du mois de novembre dernier, remis par les commissaires de la Trésorerie, et après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
La recette du mois de novembre dernier de la Trésorerie nationale n'ayant monté qu'à 30,070,643 livres au iieu de 48,558,333 livres, montant de l'évaluation de la dépense faite par le décret du 18 février dernier, la caisse de l'extraordinaire versera, conformément aux décrets du 23 mai dernier, à celle de la Trésorerie nationale, la somme de 18,487,690 livres, pour compléter ladite évaluation ; de laquelle somme la caisse de l'extraordinaire sera reintégrée lors du recouvrement des impôts.
Art. 2.
La caisse de l'extraordinaire versera aussi, conformément aux décrets des 18 février et 17 avril derniers, à celle de la Trésorerie nationale, la somme de 13,342,115 livres, montant des dépenses particulières de l'année 1791, payées par ladite Trésorerie dans le courant du mois de novembre dernier, suivant l'état qui en a été remis par les administrateurs de ladite caisse.
L'Assemblée décrète que le présent décret sera porté, dans le jour,, à la sanction.
(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité de l'extraordinaire des finances. Messieurs, dans 1 edécret que vous
avez rendu le 13 de ce mois relativement aux certificats de résidence, le rapporteur avait
proposé de mettre seulement que le certificat justifierait que le fonctionnaire est à son
poste : 1 Assemblée nationale a voulu au'on ajoutât qu'il ne l'avait pas quitté depuis les 6
mois précédents. Or, vous, avez rendu hier (1) un décret dont la rédaction excepte des
dispositions de celui du 13 décembre, les membres du Corps législatif, les ministres, les
ordonnateurs et autres fonctionnaires publics. Il n'a certainement pas été dans votre
intention d'exempter des 6 mois de résidence les fonctionnaires publics qui sont
actuellement à Coblentz. (Rires.) Je puis, par exemple, vous citer le com-
Art. 6.
« Le roi, les membres du Corps législatif, les ministres et autres ordonnateurs en chef, ainsi que les personnes attachées au service de leurs bureaux, sont et demeurent exceptés des dispositions prescrites par le décret du 13 de ce mois, sous la responsabilité de ceux qui délivrent les mandats ou les ordonnances. »
(L'Assemblée ordonne le rapport de l'article 6 adopté hier, décrète le nouvel article qui lui est présenté et en ordonne l'insertion dans le procès-verbal de la séance du 28 de ce mois.)
Le premier objet à l'ordre du jour est un rapport du comité de marine sur les congés de mer.
Un membre : J'observe que l'intérêt de l'Etat appelle avant toute chose la discussion sur la demande d'un fonds de 20 millions faite par le roi pour les préparatifs de guerre.
(L Assemblée, consultée, décide que ce dernier objet sera discuté immédiatement.)
En conséquence, l'Assemblée passe à la discussion du projet de décret des comités diplomatique, militaire et de l'extraordinaire des finances réunis, sur la demande formée, le 14 décembre dernier, par le ministre de la guerre, d'un fonds extraordinaire de 20 millions pour les préparatifs militaires commandés par les circonstances (1).
Je rappelle à l'Assemblée que jamais question plus importante que celle qui va s'ouvrir ne s'agita dans son sein ; que c'est la première fois qu'elle délibère sur la guerre et ie l'invite, afin de donner à la délibération toute la solennité qui doit l'accompagner, à y apporter la plus grande attention et à garder le plus profond silence.
J'observe à l'Assemblée que nous n'avons pas à traiter sur la guerre, par ce que la proposition de la guerre n'est pas faite.
Plusieurs membres : C'est vrai ! c'est vrai !
, au nom des comités diplomatique, militaire et de l'extraordinaire des finances réunis, fait de nouveau lecture du projet de décret qui est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique, militaire et de l'extraordinaire des finances, réunis ;
« Considérant que les mesures ordonnées par le roi pour le rassemblement des forces nationales sur les frontières, et les déclarations qu'il a fait faire par ses agents auprès des puissances étrangères sont commandées par l'intérêt national et le vœu de tous les Français ;
« Qu'il importe au succès des négociations et à la promptitude des démarches ultérieures qu'elles peuvent entraîner, de s'assurer à l'avance de tous es moyens de défense et d'attaque qui pourront devenir nécessaires ;
« Décrète qu'il y a lieu à urgence. »
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que les commissaires de la Trésorerie nationale tiendront à la disposition du ministre de la guerre 20 millions de fonds extraordinaires, à compter du 1er janvier, et à la charge par le ministre de rendre compte ae leur emploi, a l'Assemblée nationale, quinzaine par quinzaine. »
J'observe à l'Assemblée que pour l'ordre de la délibération, il faut absolument que l'on se pénètre bien de cette vérité, qu'il ne s'agit point de discuter sur la guerre.
Si personne ne veut parler contre le projet de décret, il faut le mettre aux voix.
Je demande à le discuter.
, s'adressant à M. Brissot de Warville. Parlez-donc contre.
La parole est à M. Brissot.
(1). Messieurs, il est donc enfin arrivé le moment où la France doit déployer, aux yeux de l'Europe, le caractère qui convient à un peuple libre, lorsqu'il est outragé par des voisins. Les outrages ont été publics et continuels. La vengeance doit être éclatante ; mais elle doit être précédée d'une discussion calme et solennelle. Votre décision peut entraîner les conséquences les plus graves, et pour l'honneur et pour les intérêts de la nation française, et pour l'intérêt de la liberté universelle. Représentants du peuple français, organes de sa volonté, dépositaires de son bonheur, vous ne pouvez donc porter trop d'attention, trop de maturité dans l'examen de cette question politique. Vous devez appeler toutes les lumières, vous devez vous en environner; et, quoique, j'aime au moins à le croire, le parti qui seul convient à la grandeur de la nation française, ne tardera pas à réunir tous les esprits, vous n'en devez pas moins rechercher avec soin à dissiper avec zèle toutes les objections, toutes les craintes qui peuvent s'élever dans les esprits. C'est de l'or, que dis-je, c'est du sang des Français que vous allez disposer. Le peuple a droit de vous demander que vous ne précipitiez pas légèrement une décision aussi grave. Vous allez juger la cause des rois étrangers : vous devez vous montrer dignes de cette a.uguste mission; vous devez vous montrer au-dessus d'eux ou vous seriez au-dessous de la liberté.
Des rebelles, qu'une funeste complaisance n'a que trop enhardis, faisaient des préparatifs
de guerre aux portes de la France même. Vous avez cru devoir leur fixer un terme pour
rentrer, et les poursuivre après ce terme. Une politique ténébreuse, dont 1 événement a
démenti les bases et atteste les funestes effets, a suspendu ce décret rigoureux, mais
nécessaire. Le pouvoir exécutif a continué de tolérer ces préparatifs hostiles. Vous l'avez
invité, par un message, à les faire cesser. Le roi a fait aux Electeurs les réquisitions
nécessaires : on les a méprisées. Il vous l'annonce, en vous déclarant qu'il a fixé à ces
Electeurs le terme du 15 janvier, passé lequel il les regardera comme les ennemis ae la
France. Le roi vous a déclaré en même temps qu'il prenait les mesures
Le ministre de la guerre vous a, de son côté, développé les mesures militaires qu'il était nécessaire ae prendre. Il vous a dit que les trois armées, formant un total de 150,000 nommes, étaient nécessaires. Il vous a demandé provisionnelle-ment 23 millions pour les mettre en état.
Ces déclarations, cette demande, ont été renvoyées aux comités diplomatique et militaire. Vos comités vous proposent de décréter, relativement aux notifications des mesures, qu'il n'y a lieu de délibérer quant à présent et d'accorder provisoirement les 20 millions demandés. Vos comités sont dans l'erreur. Sur le premier point, je distingue là notification : 1° de la réquisition aux Electeurs ; 2° de leur réponse ; 3° de la fixation du terme fatal du 15 janvier, et de la déclaration qu'on les regardera comme ennemis ; 4° des mesures militaires prises pour apçuyer ces déclarations ; 5° la demande de 20 millions ;
Sans doute, il n'y a pas lieu à délibérer sur les réquisitions, c'était votre vœu; mais la réponse des Electeurs, mais les mesures subséquentes doivent être soumises à votre délibération. Ou bien il faut dire que le pouvoir exécutif aurait un pouvoir constitutionnel de précipiter la nation vers sa ruine, sans qu'elle eût un pouvoir constitutionnel pour l'arrêter. Non que je croie voir dans ces mesures la ruine de la nation : loin de moi cette idée ; mais aujourd'hui la mesure est bonne, demain elle peut être funeste; vous devez donc délibérer, et ie le prouve la Constitution à la main. Elle vous dit, article 2, du chapitre III, que, dans le cas d'hostilités imminentes, ou lorsqu'il s'agit d'un droit à conserver, le roi en donnera, sans aucun délai, la notification au Corps législatif - que si le Corps législatif décide que la guerre ne doive pas être faite, le roi prendra sur-le-champ des mesures pour faire cesser ou prévenir toute hostilité. Or, nous sommes dans le cas des hostilités imminentes ; nous sommes dans le cas de ce droit à conserver par la force des armes, puisque c'est notre Constitution qu'on veut attaquer a main armée. Le pouvoir exécutif nous l'a notifié; nous sommes donc appelés à décider s'il y a lieu à suspendre ou à continuer les mesures qu'il a prises. Nous devons donc délibérer et sur l'objet ae ces mesures préparatoires, et sur leur nécessité, et sur leur suffisance ou leur insuffisance. Nous devons surtout y délibérer, puisqu'on nous demande des fonds extraordinaires pour les exécuter, puisque nous ne pouvons les accorder sans avoir profondément examiné si la cause pour laquelle on les demande est juste, légitime, importante pour la sûreté publique. En un mot, les mesures, soit diplomatiques, soit militaires, prises par le pouvoir exécutif, peuvent être ou bonnes, ou incomplètes, ou mauvaises ; et le Corps législatif doit délibérer dans les trois cas : il doit les désapprouver si elles sont mauvaises, en indiquer l'augmentation si elles sont incomplètes, les approuver si elles sont justes. C'est la marche que prescrivent le bon sens, les droits du Corps législatif, l'intérêt du peuple, et, ce qui est bien important dans la circonstance actuelle, la nécessité de convaincre les puissances étrangères de la bonne harmonie qui règne entre les deux pouvoirs. Car, de quel œil verront-elles que, sur la notification de mesures aussi graves, le Corps législatif eût voté la question préalable? Ne seraient-elles pas tentées d'attribuer à mésintelligence ce qui ne ferait dû qu'à un respect mal
entendu pour une forme que la Constitution ne prescrit point? De l'exécution rigoureuse des mesures quele roi prend, va dépendre lesalutdel'Em-pire; et comment pourrait-if être interdit au Corps législatif de délibérer sur le salut de l'Empire? Ne nous laissons point entraîner à des arguties : que le roi seul ait le droit de maintenir la sûreté, de diriger les armées, c'est une vérité constitutionnelle; mais n'ôtons pas aux représentants du peuple le droit de diriger la main qui conduit ces armées ; le droit de délibérer sur les cas où cette sûreté peut être attaquée, doit être maintenu sur les cas où les armées doivent se mouvoir, où de grands préparatifs doivent se faire. — Ne confondons pas, en un mot, la tète avec le bras; et souvenons-nous que la tête seule doit diriger le bras. (Applaudissements
Ces points une fois démontrés, je dois examiner s'il y a lieu à approuver ou à désapprouver les mesures diplomatiques et militaires prises par le pouvoir exécutif, si l'on doit lui accorder, pour l'exécution des mesures militaires, la somme ae 20 millions qu'il demande. Je dois examiner si les mesures qu'il a prises frappent sur tous les individus qu'elles devraient embrasser, s'il ne faut pas ajouter d'autres mesures. Telles sont les questions qu'il importe de résoudre avant de décréter le subside provisoire de 20 millions.
Cette so mme a pour objet d'équiper et d'armer en guerre trois armées au total de 150,000 hommes.
Avant que d'accorder cette somme, il faut donc examiner si nous avons besoin d'une force aussi considérable pour prévenir ou repousser les hostilités qui nous menaçent : or, la solution de cette question ne peut se trouver qu'en recherchant quels ennemis nous menacent ouvér-tement, et quels ennemis secrets nous avons à craindre. Il faut donc avoir sous les yeux le tableau de notre situation politique, relativement à toutes les puissances étrangères.
Si nous avions la certitude de ne rencontrer sur le champ de bataille que nos chevaliers errants, que les Electeurs de Trêves et de Mayence, dont les sujets invoquent secrètement la liberté ; si nous n'avions à redouter encore que ces princes mîtrés, dont l'intrigue fait la seule force, et ce prince de Hesse qui, faisant trafic de sang humain, est en horreur même auxdespotes ; et ce petit prince de Neu-Wied, dont le père, sage ami du genre humain et de la liberté, donnait asile aux vertus et non pas aux brigands; si, dis-je, nous n'avions à craindre que ae pareils ennemis, sans doute un développement de forces aussi considérable serait inutile et extravagant. 20 ou 30,000 hommes seraient plus que suffisants pour balayer de leur repaire quelques milliers de rebelles et de soldats mercenaires qui méprisent ceux qui les soudoient.
Mais, ces émigrants et ces Electeurs ne sont-ils pas excités secrètement par des puissances plus redoutables, qui cherchent à attiser chez nous la guerre civile, avant de prendre ouvertement leur parti? Accélèrera-t-on ce moment en attaquant les émigrants et les Electeurs? Verra-t-on paraître alors cette coalition de têtes couronnées dont on nous menace depuis si longtemps? Cette coalition ne nous jettera-t-elle pas dans le plus grand danger? n'ébranlera-t-elle pas notre Constitution? Tel est le point délicat de la question; c'est à cet anneau que s'attache la nécessité de mettre sur pied des forces considérables, et par conséquent de voter provisoirement un subside de 20 millions.
Pour connaître ce que nous avons à craindre
des puissances étrangères, il ne faut pas se borner à examiner maintenant les petites passions, les petits calculs et des rois et de leurs ministres. La Révolution française a bouleversé toute la diplomatie. Quoique les nations ne soient pas encore libres, toutes pèsent maintenant dans la balance politique; les rois sont forcésde compter leurs vœux pour quelque chose. Ainsi, pour s'éclairer, il faut joindre à la connaissance du caractère et de l'intérêt des rois et de leurs ministres, celle de la volonté et des facultés réelles des nations.
Le sentiment de la nation anglaise sur la Révolution n'est plus douteux ; elle l'aime ; elle en désire la stabilité, parce qu'elle y voit un nouveau point d'appui pour sa liberté, parce qu'elle ne craint pas, qu'imitant l'astucieuse politique de Louis aIV, nous favorisions dans son sein la prérogative royale qu'elle redoute, et qui, sans cesse, cherche a s'étendre. Ce sentiment fondé en raison, se manifeste avec trop d énergie, pour être indifférent au cabinet de Saint-James. L'influence de la volonté nationale sur les décisions du ministère anglais est incontestable: elle a éclaté lors de la guerre dont il a longtemps menacé la Russie, et qu'il a été forcé d'abandonner. Il est donc probable que le gouvernement anglais, quelque ennemi qu'on le suppose de la liberté, n'osera jamais, lors même qu'il en aurait les moyens, s'élever ostensiblement contre la Constitution française. Cette probabilité se change en certitude, si 1 on observe que l'ambition ministérielle est enchaînée par ses embarras profonds que trahissent ses prorogations éternelles du parlement, par l'énormité de la dette publique, et par la triste situation des affaires ae l'Inde; situation telle que les victoires même y sont de vraies calamités .-témoin celle du 15 mai dernier, remportée sur Tippoo, qui a, qui aura toujours pour lui la force des choses. Quelle frénésie pourrait, dans cet état .de choses, porter le ministère anglais à troubler l'harmonie entre les deux nations ? Peut-il même lorsqu'il aurait cet infâme machiavélisme, aider seulement de secours considérables en argent les rebelles français?
Ce n'est ni dans la déclaration faite par le roi d'Angleterre, comme Electeur de Hanovre, à la diète de Ratis bonne, ni dans sa lettre au roi* des Français, lettre qui prouve qu'il ignore notre Constitution, puisqu'il donne encore l'épithète avilissante ae sujets aux citoyens français, ni dans ses protestations amicales que nous voyons l'assurance de la paix avec l'Angleterre : c'est dans son propre intérêt. Elle sait que la querelle de la contre-révolution est une querelle de rois égarés, et de privilégiés contre la liberté ; et l'Angleterre n'hésitera pas entre un roi et la liberté. Elle n'hésitera pas entre la paix dont elle a besoin, et la guerre qui la jetterait dans l'anarchie et la banqueroute. Enfin, l'opinion publique avance chaque jour, chez les deux nations, le moment où, loin de chercher à se détruire, elles s'uniront par des liens plus forts que celui d'un traité de commerce imparfait et taché des surprises ou des faiblesses de la rivalité. Cette liaison devient nécessaire à l'Angleterre, soit qu'elle perde ou non ses possessions dans l'Inde. La paix générale de l'Europe sera scellée par cette liaison des deux peuples. Nous ne devons donc pas craindre l'Angleterre; nous n'y verrons bientôt que des frères.
Que faut-il penser ae l'empereur d'Allemagne? connaîtra-t-il enfin ses vrais intérêts? Son carac-
tère est, dit-on, pacifique; mais il est encore plus évident que les pays soumis à sa domination ont besoin de la paix. Je l'ai déjà dit ailleurs : troupes diminuées par une guerre désastreuse ; dette considérablement augmentée; diminution d'impôts depuis son avènement au trône, et augmentation de dépenses ; danger et difficulté de remplacer les diminutions d'impôts; banque sans hypothèque, dont le crédit comparé à ce qu'il était, commence à décliner; tout ce qui l'environne retrace à la politique autrichienne la nécessité de ces grandes réformes, qu'on n'essaie que dans une paix profonde et continue.
La capitale de l'Autriche, où le prix des subsistances augmente sans cesse et devient un objet de police forcée, renferme nécessairement une population misérable, dont les mécontentements peuvent devenir menaçants. — Dans presque tous les divers Etats de l'empereur, de fréquents mouvements prouvent de.s vices intérieurs qui fatiguent les peuples, et présagent leur insurrection.
En Hongrie, le serf lutte contre l'aristocratie, et l'aristocratie contre le trône, qui plusieurs fois a déjà reculé devant elle. Dans les Pays-Bas, outre une haine invétérée contre la maison d'Autriche, les divisions ne sauraient y avoir d'autre terme que le triomphe de la pure liberté. Que les querelles des Etats et du conseil y soient simulées ou sincères, le peuple s'éclaire au milieu de ces comédies ou de ces combats. U viendra ce jour où, connaissant sa force et démêlant ses vrais amis dans les factions diverses qui le déchirent, il verra qu'il n'a qu'à vouloir pour être maître, et où il le voudra; et il ne convient pas à l'empereur d'accélérer ce moment par une guerre avec un peuple libré. C'est courir soi-même au précipice. Dans le Milanais même, où la douceur du climat et la richesse du sol changent si facilement les mécontentements populaires en apathie, en découragement, le peuple sent le joug, et commence à s'en plaindre.
Oui, dans presque toutes les possessions de la maison d'Autriche, on éprouve le poids déchirant de ces longues et folles administrations, qui sacrifiaient tout aux intarissables besoins attachés aux projets d'agrandissement et à Cette indomptable jalousie de puissance, dont les peuples ne peuvent retirer que des malheurs.
Dans cette situation, que peut gagner l'empereur à nous faire la guerre? Quel ministre sage, quel général expérimenté et honnête, et il en est de cette trempe qui le dirigent, quels ministres, quel général peuvent la lui conseiller? Ses troupes sont aguerries, je le veux, une sévère discipline peut encore en- faire des machines meur- -trières redoutables à des citoyens libres ; mais il est aussi un terme à ces barbaries, dont le soldat automate' est la première vietime. Le ferment de la raison, placé dans le cœur de tous les hommes, résiste à tout; et si le soldat autrichien, envieux du sort du soldat français, se demande une fois : que lui ont fait les malheureux qu'il fusille, la discipline cessera bientôt de résister à la voix de l'humanité et de l'intérêt. Partout ce soldat, dont les princes Veulent faire l'ennemi du peuple, sort du sein du peuple ; il ne peut jamais en être entièrement séparé ; et les gémissements de ses victimes ouvrent enfin son âme à la compassion.
L'empereur, nous dit-on, n'a qu'une volonté faible. Disposé, par caractère, à tout ce qui est sage et humain, il manque de l'énergie nécessaire pour résister aux intrigues des ambitieux.
Il n'offre point aux hommes éclairés par la philosophie et la probité, cette force de résolution, cette indépendance des courtisans, qui seules peuvent appeler cette classe d'utiles citoyens auprès des princes. Mais cette disposition vacillante repousse aussi les grands projets ; le temps qui sépare les préparants de l'exécution, est en laveur de la raison. Chaque jour pourra faire comprendre à l'empereur qu'une politique infernale et astucieuse se joue de ses devoirs et de ses intérêts, et que cette princesse, avide de victoires ensanglantées, et qui vous menace, dit-on, de ses terribles soldats, pourrait bien ne chercher dans la prétendue querelle des rois, que l'occasion d'affaiblir ceux dont le voisinage s oppose à ses projets.
L'empereur n'est donc pas dans une position gui doive le tourner hostilement contre nous. ependant il doit, malgré le besoin qu'il a de la paix, essayer le langage des despotes. S'indigner ae la Révolution française est une affaire de décence, d'étiquette entre les têtes couronnées. Les liens du sang ont encore pu déterminer l'empereur à affecter dans ses lettres ce langage hautain que de vrais patriotes n'ont entendu qu'avec indignation ; mais Ces liens sont, chez les princes, subordonnés à leur intérêt personnel. Or, l'empereur a tout à redouter et rien à gagner dans une guerre contre la France ; et tous ces princes conjurés doivent craindre aussi les liens qui se forment sourdement entre les nations opprimées. Car nous pouvons aussi en appeler aux fraternités nationales, et faire sentir enfin aux princes qu'ils se doivent entièrement aux peuples et jamais à leurs parents.
Ces idées ont déjà frappé sans doute les vieux politiques qui dirigent le cabinet de Vienne, et qui, attachés au traité de 1756, dont ils connaissent tous les avantages, sont loin de vouloir une guerre qui le déchirerait à jamais. Si les oscillations de ce cabinet annoncent qu'ils n'ont pas toujours la prépondérance; si elles annoncent qu'une cabale ennemie de la France y dicte quelquefois des lois, elles ne doivent pas néanmoins faire croire que l'empereur puisse jamais se déterminer à une guerre contre la France. Il - faut toujours distinguer en lui le prince individuel et le chef de l'Empire. Comme prince, il veut la paix ; comme chef, il a l'air de vouloir la guerre : comme allié du roi des Français, il doit chercher à? nous effrayer; comme roi lui-même, il doit craindre ne pas s'engager et tergiverser. Ses menaces comme ses caresses ne peuvent duper que les imbéciles émigrants de Coblentz. Il importe à l'empereur d'alimenter leur rage ; mais il lui importe encore plus de ne pas la seconder avëc des forces ouvertes, parce qu'il lui importe de conserver ses liaisons avec la France, parce qu'elles ne seront jamais solidement remplacées par celles avèc la Prusse. Deux rivaux peuvent être un instant amis i le temps ne consacre jamais ces liaisons.
Mais laissons là cette politique du cabinet de Vienne- Que nous importe à nous qui voulons nous défendre, à nous qui en avons les moyens, à nous qui devons soutenir le plus bel œuvre que des mortels aient pu tentër ici-bas, celui de conserver à 25 millions de créatures humaines une Constitution nécessaire à leur bonheur; que nous importent les contradictions apparentes de l'empereur? que nous importe que l'on y trouve des pronostics de paix ou de guerre? que nous importe le double rôle qu'il joue à Paris et à Coblentz? Notre intérêt, notre gloire et notre Cons-
titution exigent impérieusement que nous lui disions : les Français ne veulent pas être les maîtres chez les autres, mais ils ont juré de l'être chez eux. Ils ont juré de regarder comme ennemie, toute puissance qui voudrait intervenir dans leurs divisions. Cessez donc vos menaces, retirez la protection que vous promettez à la nation française... Elle a 25 millions de bras libres pour soutien : elle n'a pas besoin des vôtres ! (Applaudissements.)
Craindrons-nous la cour de Berlin plus que celle de Vienne? Pourquoi le roi de Prusse serait-il notre ennemi? La paix lui est-elle moins nécessaire qu'à l'empereur? La convention de Pil-nitz détruit-elle des jalousies fondées sur la nature des choses? Empêché-t-elle qu'en cherchant à nous faire du mal, le roi de Prusse compromette ses plus chers intérêts? Quels sont donc les motifs qui peuvent balancer chez ce prince, enclin au repos, qui sent le besoin de ramener ses ressources à un régime qui cesse de les épuiser, de suppléer le génie ae son prédécesseur par une économie vivifiante, plutôt que par des extorsions qu'une guerre nouvelle nécessiterait? Comment serait-il assez peu habile pour se laisser entraîner dans une guerre dont l'objet est en définitive de rouvrir un trésor fécond à son plus dangereux rival et par conséquent à-détruire sa propre prépondérance? Mirabeau le disait : si la Prusse se jette dans le système anglais, Fréderic-Guillaume sera dans 15 ans marquis de Brandebourg. Il le deviendrait bien plus tôt, s'il se jetait dans le système de l'Autriche. Ici les succès lui seraient même funestes.
Eh! qui l'assurerait encore du succès? nous ne sommes pas cette poignée de bourgeois ba-taves, qui voulaient conquérir la liberté sur le statdhouder, sans partager avec la classe indigente. Les ennemis les plus ardents de la Révolution française, les chevaliers les plus fervents de la prétendue cause des rois n'ont rien à offrir au peuple français, qui égale les avantages dont il jouit. Les potentats européens le savent. Le successeur de Frédéric ne hasardera donc pas de ruiner, en combattant contre nous, une armée qui ne se réparerait plus; car le temps des soldats automates est passé, et la mine de la désertion française, qui compose la moitié de l'armée prussienne, est tarie à jamais. (Applaudissements.) 11 n'achèvera pas d'épuiser contre noua les économies de ce grand homme, que l'expérience avait attaché au bienfaisant régime de la paix. Frédéric-Guillaume ne jouirait pas du même ascendant que lui pour remplir son trésor. On lui demanderait si les impôts payés par les cultivateurs de ses arides Etats sont destinés à stipendier les assassins des Français.
La cour de Berlin a frémi, et recule plus d'une fois devant la- crainte même de l'insurrection que l'impôt pouvait occasionner j et certes, le ciel inspirera les peuples, qui s'indigneront de l'usage perfide qu'on voudrait faire contre nous, de leur sang et de leurs sueurs.
Mais, que veulent donc dire les entrevues fréquentes de ces princes du nord, et les messages et les courses de leurs favoris? Rien d'alarmant. Chacun cherche à tromper son bon et fidèle allié, à l'entraîner dans une guerre où aucun ne veut entrer de bonne foi. Vienne veut conserver son traité de 1756. Berlin cherche à le faire rompre. Vienne et Berlin ont toutes deux .besoin de la-paix. Ces deux cours respecteront donc, malgré leurs démonstrations guerrières, notre Constitution.
Les princes qui paraissent nous menacer davantage, sont-us dans des circonstances plus redoutables pour nous ?
On exalte, par exemple, beaucoup les dispositions du roi ae Suède. Mais que peut craindre la France, d'un prince écrasé de dettes, dont le peuple est pauvre, pour qui tout nouvel impôt est ou impossible ou dangereux ; d'un prince qui vient de se constituer lui-même banqueroutier, en suspendant le payement dés dettes de sa dernière guerre ; qui nous prouve encore plus son impuissance, en suspendant la tenue des états généraux qu'il avait convoqués. Sans doute il craint que ce peuple, éternel ami de la liberté, et par conséquent appelé à être l'ami des Français, nullement séduit par les pamphlets répan-aus contre eux, que ce peuple, dis-je, ne lui témoigne son indignation...
Malgré sa triste situation, il ne faut pas douter que le roi de Suède ne rende à la maison de Bourbon des services qui le remissent en possession des subsides ^ dont il fallait accroître notre misère pour fournir à ses dépenses, subsides auxquels il doit renoncer : Il n'est pas douteux que le bouillant Gustave n'ait pu entrevoir, dans une aventure chevaleresque en apparence, des événements flatteurs pour son ambition. Serait-il étonnant que nouveau Pyrrhus, son imagination, lui offrant des succès faciles, lui ait montré en perspective une place à côté du prince que sa vaillance investirait de nouveau au pouvoir absolu? Vainqueur, que lui resterait-il à faire pour persuader à une noblesse servile, et qui croirait tout tenir de lui, que la France a encore besoin pour longtemps de sa tête et de son bras, et que nulles mains, si ce n'est celles du monarque suédois, ne pourront affermir un trône que tant de débris rendraient chancelant, en attendant que la crainte eût rétabli toutes les anciennes habitudes ?
Non, Messieurs, il n'est point impossible que, voulant marcher sur les pas du grand Gustave, celui de nos jours ne veuille aussi se signaler de la même manière. Rappelons-nous cette guerre de trente ans, occasionnée par des princes que la maison d'Autriche avait mis au ban de l'Empire : un héros suédois en fut le principal moteur. Il s'agissait d'abaisser une maison qui aspirait à la monarchie universelle; il s'agirait aujourd'hui d'arrêter, au sein d'une grande nation, les effets universels d'une révolution qui partout peut rendre aux lois leur empire, et leur assujettir ces têtes orgueilleuses qui ne veulent de loi que l'inconstance de leur volonté : il s'agirait de rétablir dans leurs usurpations les odieux appuis du despotisme, cette noblesse mise, par d immortels decrets au ban de l'Empire ae la philosophie et de la raison. (Applaudissements.)
Voilà, sans doute, ce qui agite l'humeur guerrière du monarque suédois ; c'est à ses yeux la matière d'une spéculation de gloire et d'argent : car les rois ne font rien gratuitement pour leurs semblables; les affections personnelles ne sont pour eux que des prétextes. Quels rapports uniraient, par les liens de l'amitié, les Bourbons et Gustave ? Peut-on douter de son caractère entreprenant? n'a-t-il pas, pour se débarrasser de toute entrave, violé la Constitution de son propre pays, qu'il avait jurée ? ne s'est-il pas emparé du droit de la guerre et de la paix, si dangereux pour les peuples? Stipendié par le malheureux sultan de Constantinople, n'a-t-il pas déclaré la guerre à l'impératrice de Russie sans autre avantage pour les Suédois, que celui d'en avoir accru
la misère ; d'avoir troublé, par des travaux guerriers, ceux de là paisible industrie, ceux qui enrichissent le peuple au lieu de l'appauvrir !
Or, un prince de ce caractère élève bientôt Contre lui toutes les défiances. Il provoque la guerre; il menace sans cesse le repos de l'Europe, tandis que nous prenons des mesures contre nous-mêmes, pour que ce fléau ne puisse jamais nous être reproché.
Quoi ! les potentats européens qui pouvaient se plaindre des subsides dont nous enrichissions la cour pauvre de Stockholm, se rangeraient sous sa bannière contre nous, maintenant que nous ne lui prêterons plus nos forces contre aucun de ses rivaux! Ils applaudiraient à une ambition qui rappelle ces invasions de Goths et de Vandales dont l'espoir du pillage était l'unique motif! Non : un pareil oubli de la sainte politique ne fera point tomber les barrières qui doivent arrêter le guerrier suédois ; il n'ouvrira point une scène qui livrerait tous les Etats européens aux plus terribles chances, tandis que tous ont besoin ae la paix.
Cependant la Russie paraît seconder les intentions du monarque suédois. La Révolution française est, dit-on, l'objet d'un traité conclu le 18 octobre à Drottingholm entre les deux puissances : et les roubles de la Russie, prenant la place du subside que nous ne payons pas, suppléant au vide de son trésor, à la répugnance de ses peuples pour cette guerre immorale vont aider à nous faire repentir d'avoir voulu asseoir notre liberté sur des Dases éclatantes.
Cette alliance au premier coup d'œil étonne, quand on se rappelle les haines personnelles qui ont si longtemps divisé l'impératrice et le roi de Suède ; mais un peu d'attention l'explique d'une manière qui ne saurait nous alarmer.
C'est précisément d'abord parce que la Russie et la Suède s'uniraient pour nous donner des lois, que les autres puissances doivent refuser leurs concours à une alliance aussi bizarre. Eh! n'avez-vous pas déjà vu un trait de cette défiance dans l'ombrage pris par la cour de Vienne, lorsque la Russie a voulu, par son envoyé d'Alberstadt auprès de la diète de Ratisbonne, appuyer les réclamations de l'Electeur de Trêves?Cette intervention d'une puissance étrangère, qui voulait se porter garant du traité de Westphalie, a tout à coup effarouché le corps germanique.
Il en a été de même de l'intervention du roi de Suède, comme prince de Poméranie. Or, si une simple visite d'envoyé a pu occasionner de pareilles alarmes, que sera-ce donc quand il faudra déférer, par exemple, le généralat de la guerre à un chef? Que sera-ce quand il faudra payer son contingent ? Toute ligue a besoin d'un chef, d'un pouvoir prépondérant gui donne à ses mouvements la célérité nécessaire. Mais, à qui ce dangereux pouvoir sera-t-il déféré ? Et si de justes défiances réclament l'égalité des suffrages, dans le conseil des potentats ligués contre notre Constitution, ces mêmes défiances n'en troubleront-elles pas sans cesse toutes les délibérations? La fameuse ligue de Cambrai, dont la seule république de Venise fut l'objet ; la confédération de l'Europe entière contre le grand Frédéric, celles mêmes dont la France devait attendre sa ruine ou son démembrement; l'impossibilité où nous avons été nous-mêmes de nous entendre avec l'Espagne et la Hollande contre un ennemi commun, que nous semblions vouloir écraser, tous ces exemples ne sont-ils pas propres à nous rassurer contre toutes ces ligues composées d'inté-
rêts discordants, lors même que le simple bon sens ne nous en démontrerait pas la chimère ?
Aussi à peine cette ligue est-elle formée, que des divisions en ralentissent déjà l'exécution, que des demandes exagérées d'un côté, de la tiédeur à satisfaire de l'autre, présagent une mésintelligence qui ne tardera pas à éclater, parce qu'elle est dans la nature des choses.
Rappelons-nous la conduite du roi de Suède envers l'impératrice de Russie, lorsqu'elle était occupée de ses conquêtes au midi de ses Etats. Les princes ne se pardonnent point des procédés pareils, et si la czarine n'a pas renoncé, comme on doit le croire, au trône de Constan-tinople, Gustave ne peut être pour elle qu'un voisin dangereux, qu il faut éloigner à tout prix. La czarine ne pensait pas à nous troubler, avant d'apprendre la fuite de Louis XVI, dont le roi de Suède était prévenu, et la part que ce monarque avait dans une entreprise propre à employer son activité, et à faire naître des incidents de plus d'un genre serait-il impossible que le cabinet de Saint-Pétersbourg eût trouvé dans cette circonstance inattendue une occasion de donner le change à l'inquiétude de son voisin, d'un voisin jaloux et turbulent, gui peut, plus prompte.ment qu'aucun autre, pénétrer dans le séjour de Catherine, séjour important pour elle, puisqu'il lui sert à observer la politique de puissances auxquelles la Russie semblait devoir être étr angère, et qui, peut-être, doivent enfin songer, sinon à la craindre, au moins à enchaîner son ambition.
Quel ombrage notre Révolution peut-elle causer à la Constitution des Russes? Sont-ils arrivés au point où l'homme est nécessairement ramené à ses droits par la réflexion? Les souverains russes ont l'air de multiplier leurs efforts pour civiliser leurs esclaves; mais si la liberte est un fruit de la civilisation, comme l'esclavage est un résultat de l'ignorance, que de degrés les peuples soumis aux lois de Catherine iront-ils pas à parcourir avant de l'alarmer pour les précieux avantages de la liberté ! Qu'a-t-elle donc à craindre de notre Révolution, pour qu'elle cherche à la troubler ?
Non, cette souveraine a jadis montré dans son caractère une élévation qui suppose un esprit cultivé, de vastes conceptions, une âme exempte de pusillanimité; elle ne s'est point inquiétée de notre Révolution. Attachée aux philosophes qui l'ont préparée, elle n'a point laissé percer de petites passions contre l'Assemblée nationale. Si l'on en croit, au contraire, des avis qui paraissent sûrs, son ministre avait? lors de la fuite de Louis XVI, une lettre satisfaisante de Catherine à communiquer, lettre où le nouveau régime était reconnu ; et si son opinion parait avoir changé depuis, c'est qu'une circonstance nouvelle, envisagée par sa profonde politique, lui a suggéré de faire un présent funeste à son ennemi le roi de Suède. Le secours qu'elle lui prête sera, pour cet Hercule suédois, la robe de Nessus, car cette guerre n'est-elle pas propre à ternir sa réputation, propre, surtout, à le rendre odieux aux Suédois eux-mêmes? Quel souverain peut être plus à charge à une nation, si ce n'est celui qui s'occupe des mouvements d'un peuple éloigné, pour s y rendre chef de parti ; tandis que sur ses propres foyers il a tant de malheureux à consoler, tant de dettes dont il faut préparer l'acquittement, tant d'esprits aigris à concilier, tant de travaux économiques a entreprendre, pour y faire supporter les disgrâces de la nature?
En favorisant la disposition de Gustave à por-
ter sur nous une attention si funeste à la Suède, le cabinet de Pétersbourg se prépare à reprendre l'ascendant qu'il avait sur l'esprit des Suédois. Voilà l'explication très probablement véritable, et des espérances donnees aux princes français et à la ci-devant noblesse française par l'impératrice de Russie. Leur héros est le roi de Suède, il s'est mis à la tête de la vengeance combinée des rois; elle l'a protégé, pour le perdre.
L'impératrice a voulu, nous dit-on, disposer les émigrés à venir peupler ses Etats; en ce cas, les aiderait-elle à vaincre? Et si ces secours paraissent mesurés sur ce motif intéressé, sera-ce un encouragement aux émigrés d'abandonner une patrie qui leur tend les bras, pour se condamner à la plus triste existence !
Catherine, inattaquable aux extrémités de l'Europe, méprise et nos courtisans et leurs préjugés, ne craint pas les effets de notre Révolution ; mais avide d'actions éclatantes, sa vaste ambition peut chercher à mettre à profit l'ineptie de nos chevaliers, et à faire, s'il était possible, de l'Empire français, une pomme de discorde, autour de laquelle le système actuel se bouleverserait de fond en comble ; tandis qu'elle essaierait encore une fois de saisir cette couronne de l'Orient, si longtemps l'objet de ses vœux. Quel que soit, au surplus, le motif qui .dirige Catherine, peut-elle être redoutable pour la France, à la distance où elle se trouve, avec des finances aussi délabrées, à la veille d'insurrections qui couvent dans son sein, que le génie de Potemkin seul réprimait, et lorsque l'ascendant nouveau du grand-duc doit faire craindre à l'impératrice de mourir sans couronne, au lieu de joindre à la sienne celle de l'Orient !
Quelles autres puissances voudrait-on nous faire redouter autrement que dans une ligue que tant d'intérêts divers rendent impossible? Le monstre dont on nous menace a trop de têtes : et il ne peut nous faire aucun mal, si nous savons ne pas nous effrayer. Chaque souverain trouve autour de lui mille puissants motifs de rester en paix avec la France, et pas un qui, aux yeux de la raison, les porte à la tracasser. Les peuples élèvent partout les mains au ciel en notre faveur. Le guerrier dont l'épée sera teinte du sang d'un Français libre, sera un objet d'horreur. Et pourquoi n'aurions-nous pas pour nous les vœux de toutes les nations? Il n'est peut-être pas un seul gouvernement qui, depuis la Révolution française, n'ait cherché à être plus humain et plus juste.
Voyez l'Allemagne adoucir ses lois si sanguinaires sur le droit de chasse, ne plus condamner le paysan à semer pour les bêtes fauves, ne plus le condamner à des supplices aussi rigoureux lorsqu'il les trouble dans leurs dégâts.
Voyez le prince de Danemark fermer l'oreille aux propositions hostiles de l'impératrice de Russie, et ne s'occuper des moyens de prévenir dans son sein les effets de la Révolution française, qu'en rendant ses peuples plus heureux, qu'en abolissant le servage féodal.
Voyez enfin la révolution qui vient de changer la face de la Pologne, révolution qui doit causer un nouvel effroi aux puissances du Nord, en arrêter leur ligue réelle ou simulée. Là s'établit un nouveau foyer d'instruction, qui doit répandre dans cette partie de l'Europe la langue de la liberté, et ces effets ne seront arrêtés ni par les ordonnances inquisitoriales, ni par les mariages, ni par les traités que combinent les princes voisins, pour s'assurer la prépondérance dans
les affaires de la Pologne. La liberté, en s'éten-dant partout, en instruisant tous les hommes, déjouera bien facilement toutes ces combinaisons, restes impuissants d'une diplomatie qui ne sera bientôt plus qu'un rêve.
La Pologne est maintenant liée par un intérêt commun avec la France-: cet intérêt est celui d'étendre la liberté, et de s'opposer aux tyrans. Tous les deux pays suivent à peu près la même marche : on vend à Varsovie les starosties ; on y fabrique des assignats hypothéqués sur des starosties: et si la Pologne a ses mécontents, ses rebelles, son. Coblentz à Jassy, la diète déploie la même sévérité que vous; mais plus heureuse que vous, elle n'est point arrêtée par un veto du pouvoir exécutif jui marche de front avec elle. (Applaudissements a la gauche de l'Assemblée et dans les tribunes.) Le même langage retentit dans cette capitale et à la diète de Varsovie. Tandis que nous faisions ici des vœux pour la Révolution française, un Polonais disait a la diète : « Je suis sûr que le Français généreux volerait aux secours du Polonais opprimé. J'aimerais que les Français sussent que le même sentiment existe dans le cœur des Polonais. Je croirais manquer à mon devoir si je ne priais le roi de faire déclarer par le ministre de la république, que les Polonais se réjouissent du sort heureux de la France; et qu'ayant les mêmes intérêts à. défendre, quoique de vastes pays les séparent, le nom sacré de la liberté les rapprochera et les unira toujours par des nœuds indissolubles. »
Les vœux de ce brave Polonais ont été entendus. Oui, sans doute, il se formera naturellement entre tous les peuples libres une confédération sainte, qui doit être l'effroi des tyrans. La vue de la Pologne doit arrêter les puissances qui voudraient attaquer la liberté de la France; et la France libre ne souffrira plus qu'un triumvirat de despotes se partage impunément les dépouilles de la Pologne.
On cherche en vain sur la carte de l'Europe les puissances que pourrait encore redouter la France; le despotisme et ses abus ont avili celles qui jouaient jadis un grand rôle : c'est que le despotisme est l'image de Saturne ; il se dévore lui-même, après avoir dévoré ses peuples. Voyez ce prince espagnol qui ose douter de la liberté du roi, et de la Stabilité de notre Constitution! une marine considérable, sans matelots; des moines, et point de soldats: des mines, et point d'argent; des colonies, et point de manufactures ; des banques et point de crédit; des dettes, et point de moyens pour les payer : tel est l'état paralytique au gouvernement d'Espagne, dont le peuple ne peut ressusciter que par la liberté ! (Applaudissemen ts.)
Tel est celui de Sa Majesté sarde, qui pendant quelque temps a paru menacer la France, et dont tous les efforts avortés ont prouvé l'impuissance.
Tel est aussi celui de cette Hollande, si grande lorsqu'un de ses simples bourgeois, lorsqu'un Vanbeuning dictait des lois à Louis XIV ; si pauvre aujourd'hui qu'elle n'a ni la force de renvoyer ses geôliers prussiens et allemands, ni le moyen de les payer ; qui s'écrase d'impôts pour soutenir ses compagnies agonisantes ; qui meurt par le discrédit, au milieu même du crédit. Aussi n a-t-on rien à redouter ni du stathouder abandonné des régences et des Etats qui l'ont le mieux servi, menacé par le parti qu'il a écrasé, ni de ses liaisons refroidies avec la Prusse, ni
de ces avances que font aujourd'hui les Etats à l'empereur pour resserrer avec lui leurs liens. Ces Etats, mis en avant par une princesse ambitieuse, seront les jouets de leur politique insensée. Le peuple est mécontent, ami delà liberté, et plus éclairé qu'il ne l'était en 1788 ; et l'on n'arme pas impunément un pareil peuple contre un peuple libre.
Dans tous ces Etats, les gouvernements y détestent les principes ae notre Révolution; mais dans tous, les nations les adorent, les entendent, et peut-être n'attendent qu'une occasion pour les réaliser, et voilà le meilleur fondement de notre tranquillité. La ligne de démarcation est maintenant tracée entre les sociétés et leurs gouvernements. Il n'est maintenant aucun peuple qui secondât ses tyrans, pour mettre aux térs la nation française.
En vain les cabinets politiques multiplieront les négociations secrètes, les traités de Pilnitz et de Drottingholm ; en vain ils s'agiteront, ils agiteront toute l'Europe pour attaquer la France : tous leurs efforts échoueront, parce qu'en définitive il faut de l'or pour payer les soldats, des soldats pour combattre, et un grand concert, pour avoir beaucoup de soldats. Or, les peuples ne sont plus disposés à se laisser épuiser pour une guerre de rois, de nobles, et surtout pour une guerre immorale, impie. Les soldats ont entendu lç cantique sacré ae la liberté, et ils ne combattront pas contre leurs frères, pour des tyrans ; ils ne combattront pas pour une misérable paye et le bâton, lorsqu'en consentant à être libres, ils peuvent être mieux payés, et parvenir à tous les grades, à tous les emplois. (Applaudissements.) Enfin, le concert entre les puissances est une chimère: leurs intérêts sont trop différents, trop contraires, pour céder à l'intérêt général, à l'intérêt de la cause des rois.
Il faut bien se garder de juger les idées et les projets des princes par le faste et l'appareil qui fes entourent, et par le mystère imposant dont ils les enveloppent. Ces idées sont souvent mesquines, confuses, vacillantes. Les rois appartiennent, plus que les autres hommes, à la fragile humanité ; et la politique franche d'un peuple libre, qui règle ses combinaisons sur les principes, est bien supérieure aux manèges qu'on intitule politique ou science de l'Etat. La franchise est la seule finesse d'un peuple libre ; son secret doit toujours être sur ses lèvres. C'est le privilège de la force éclairée : le mystère ne cache presque toujours que la peur. Aussi, aurait-on tort de s'effrayer de tous ces projets qui s'entassent les uns sur les autres, de ces ligues qui se succèdent, ligue de Pilnitz, ligue de Drottingholm, ligue projetée des états généraux et de l'empereur : tous ces projets ne cachent qu'une terreur réelle et une nullité bien démontrée. La Russie craint la Suède, là Prusse et l'Autriche se craignent mutuellement, le stathouder craint pour son despotisme, les Etats pour leur aristocratie ; tous craignent les effets de la Révolution française. Tous voient bien que la paix les propagera partout ; mais tous voient aussi qu'attaquer de front la-France, c'est inoculer, par une commotion rapide, dans leurs Etats, ce qu'ils appellent mal de la liberté; tous doivent donc désirer la paix, s'ils veulent se hâter de régner. (Applaudissements.)
De ce tableau de la situation des puissances étrangères, que doit-il résulter ? Qu'aucune puissance considérable ne peut vouloir et ne peut tenter la guerre avec la France. 11 èn résulte que
puisque la Suède, la Russie et l'Espagne annoncent des dispositions hostiles, puisque les autres rinces stimulent secrètement les rebelles, et eur fournissent des fonds ; il en résulte, dis-je, que nous n'avons à craindre la guerre avec aucune de ces puissances.
Mais, de ce que nous ne devons craindre aucun de ces princes, s'ensuit-il que nous devions rester paisibles, que nous ne devions armer que le nombre de troupes nécessaires pour chasser les émigrés de Coblentz et de Worms ?
Messieurs, je dis, au contraire, que la France doit prendre une attitude fière, doit déployer les plus grandes forces pour faire cesser la comédie que jouent toutes ces têtes couronnées (Applaudissements.) pour mettre fin à toutes ces terreurs, dont elles nous environnent, aux discordes qu'elles sèment au milieu de nous ; enfin, pour faire respecter partout et notre Constitution et le nom français, et tous nos concitoyens que leurs intérêts appellent au dehors, et la liberté universelle, dont nous sommes les dépositaires. (Applaudissements.)
Le tableau que je viens de faire des puissances européennes serait-il trompeur ? Quoique tout leur commande la paix, les princes voudraient-ils la guerre ? Je veux le croire un instant, et je dis que nous devrions nous hâter de les prévenir. — Qui prévient son ennemi, l'a vaincu à moitié. (Applaudissements.) C'était la tactique de Frédéric: et Frédéric était maître dans cet art.
Je veux donc croire que l'empereur et la Prusse, que la Suède et la Russie soient sincères et de bonne foi dans les traités qu'ils viennent de conclure ; je veux croire qu'ils se soient engagés à détruire, par la force, la Constitution française, ou à la modifier, à y amalgamer une Chambre haute, une noblesse; je veux croire que pour effectuer cet étrange amalgame, ils aient résolu de convoquer un congrès général des puissances de l'Europe ; je veux croire qu'ils y citent la nation française, qu'ils la menacent si elle ne se soumet pas. Je vous le demande, je demande à la France entière : quel est le lâche qui, pour sauver sa vie, accepterait une capitulation ignominieuse ? (Applaudissements.) Je ne vous parle pas de vos serments à la Constitu-tion .-un serment n'est rien pour le lâche. — Mais celui qui sent profondément la dignité de l'homme ; celui qui s'est une fois élevé à la hauteur de la liberté, qui, de cette hauteur, a laissé tomber ses regards sur la tourbe des despotes,
3ui ne voit en eux que des monstres ennemis e la nature humaine, qui leur a juré une guerre éternelle ; cet homme ne s'arracherait-il pas plutôt l'âme que de céder jamais à l'ordre d un despote étranger? Oui, croyons-le, s'il se trouve des Porsenna, nous trouverons aussi des Sce-vola ! (Applaudissements.)
Ainsi donc, ou les princes étrangers veulent et peuvent faire la guerre et il faut les prévenir, il faut décider, une bonne foi, à la pointe de l'épée si le génie de la liberté doit éternellement succomber sous le despotisme ; ou bien ces princes ne veulent pas la guerre, et en font le semblant; et il faut les démasquer en constatant aux yeux de l'Europe leur impuissance. Cet acte solennel d'un grand peuple qui appelle à son épée, pour se faire respecter, pour reprendre sa place parmi les puissances, est le sceau qui doit consacrer pour elles son immortelle Révolution.
La guerre est nécessaire à la France sous tous les points de vue.
Il la faut pour son honneur ; car elle serait à jamais déshonorée si quelques milliers de brigands pouvaient impunément braver 25 millions d'hommes libres.
II la faut pour sa sûreté extérieure ; car elle serait bien plus compromise, si nous attendions tranquillement dans nos foyers le fer et la flamme dont on nous menace, que si, prévenant ces desseins hostiles nous voulons les porter nous-mêmes dans les cavernes des brigands qui osent nous braver.
11 la faut pour assurer la tranquillité intérieure, car les mécontents ne s'appuient que sur Coblentz, n'invoquent que Coblentz, ne sont insolents que parce que Coblentz existe. (Applaudissements.) C'est le centre où. aboutissent toutes les relations des fanatiques et des priviligiés ; c'est donc à Coblentz qu'il faut voler, si l'on veut détruire et la noblesse et le fanatisme.
Il la faut, cette guerre, pour rétablir nos finances ; car c'est Coblentz qui nous jette dans des dépenses extraordinaires, qui absorbe la précieuse ressource de nos assignats.
Il la faut pour établir notre crédit public; car ce crédit tient à l'opinion que les étrangers et les .citoyens peuvent avoir de la stabilité ae notre Révolution ; et ils ne peuvent croire à cette stabilité lorsque 25 millions d'hommes balancent à punir quelques rebelles.
Il la faut enfin, pour mettre fin aux terreurs, aux trahisons, à l'anarchie; car, plus de terreurs si le foyer de la contre-révolution èst détruit, et plus de trahisons s'il n'existe plus un parti pour les appuyer. Je ne compare pas ici nos forces militaires ave celles de nos ennemis ouverts et secrets : nous devons, si nous voulons rester libres, demander, comme les Spartiates, où sont nos ennemis, et non pas combien ils sont (Applaudissements.) ; et d'ailleurs, s'il était nécessaire de faire ce parallèle, on verrait que tout l'avantage est de notre côté... car maintenant tout citoyen français est soldat, et soldat de bon cœur! (Applaudissements.) Et quelle est la puissance sur la terre, où est le Gengis, où est le Timur, eût-il des nuées d'esclaves à sa suite, qui pût se flatter d'enchaîner 6 millions de soldats libres.
Tout nous invite donc à nous préparer à la guerre ; cette guerre sera un vrai bienfait, un bienfait national : et la seule calamité que la France ait à redouter, c'est de ne pas avoir la guerre, c'est de prolonger ce dessèchement, cette langueur qui l'épuisé.
En ! Messieurs, tel est peut-être le sort qui nous attend; car, j'en juge par le prélude d'hier : on se prépare à nous jouer avec des défenses prétendues aux émigrants de s'armer, de s'exercer. On croit nous apaiser avec des mensonges diplomatiques (Applaudissements ) ; mais j'aime à croire que la France ne se laissera pas séduire par ces artifices, et qu'elle exigera la dispersion, l'expulsion des rebelles. C'était ainsi que l'Angleterre parlait dans ses beaux jours aux puissances qui donnèrent asile aux rebelles.
Mais on se défie du pouvoir exécutif qui désire, qui provoque la guerre. Eh ! que vous importent les motifs secrets qui dirigent la cour ! La politique d'un grand peuple doit-elle descendre à ces considérations mesquines? Non : sa politique est simple et franche. La justice et la force : voilà ce qu il doit consulter. Les hommes qui veulent nous effrayer sans cesse des ma-
nèges de notre cour, de notre ministère, ne sont pas à la hauteur de la Révolution.
Il faut dédaigner enfin ces petites intrigues, ces combinaisons obscures de comités secrets, que nous honorons trop par nos inquiétudes. Ii est temps de reléguer dans le néant cette politique tracassière qui ose lutter contre l'ascendant d'une grande nation, contre le torrent irrésistible delà liberté, il est temps de ne plus laisser tomber que des rejgards de mépris, et sur ces conférences mystérieuses de quelques intrigants qui, prenant notre Révolution pour une copie de la Fronde, croient y jouer un rôle maigre leur nullité, et sur ces promenades éternelles de négociateurs ineptes ou fripons, qui ne négocient rien (Applaudissements.), et sur ces demi mots recueillis stupidement, où imprimés par ordre dans des journaux stipendiés pour réveiller les terreurs, l'espérance ou l'idolâtrie. Non, le sort de la France ne se décidera plus dans un boudoir (Applaudissements.) ; il ne dépendra plus des fantaisies ou des erreurs d'un individu. Qu'il veuille ou ne veuille pas la Révolution, que nous importe ? La nation le veut, et la nation est tout.
C'est donc l'intérêt seul de cette nation qu'il faut consulter; et cet intérêt veut la guerre, parce que la nation doit vouloir sa dignité, sa majesté, sa sûreté, son crédit, et qu'elle ne peut les reconquérir qu'à la pointe de 1 épée.
Je vote donc cordialement, et pour approuver les mesures militaires prises par le roi, et les 20 millions demandés par le ministre, sous les conditions qui doivent en assurer le bon emploi.
Mais devons-nous nous borner à ces mesures ? Je ne le crois pas. Un peuple libre ne doit pas frapper à demi : ses coups doivent être pleins, assurés ; il ne doit pas feindre de voir des amis dans ses ennemis secrets ; la feinte est indigne de lui : il ne doit pas, lorsqu'il veut faire tomber sa vengeance sur de petits princes, oublier les injures que lui font des puissances plus considérables. Une pareille conduite annoncerait faiblesse ou lâcheté; et cette lâcheté détruirait tout l'effet que doit faire sur l'opinion publique le châtiment qui doit être infligé aux princes allemands.
Maintenant, quelles sont ces puissances dont la France libre a droit de se plaindre. Vous avez entendu les divers rapports qui vous ont été faits des réponses des cours étrangères à la notification de la Constitution adoptée par la nation française.
Ces réponses ont dû vous pénétrer d'une idée qui perce presque dans toutes : C'est que tous les gouvernements, au contraire des peuples, ne voient pas d'union œil notre Révolution ; aucun ne lui rend hommage; aucun ne félicite la nation d'avoir reconquis sa liberté. Plusieurs ont fait des vœux pour la monarchie française, parce que ce mot prête à un double sens, et rap-Selle l'ancien retour des choses, où l'on appelaitu nom de monarchie un gouvernement absolu, un gouvernement qui, partagé entre des mi-nistres-rois et indépendants les uns des autres, ne présentait que l'image d'une confédération anar-chique, pour dépouiller les peuples au nom d'un individu qui laissait proclamer sa volonté, comme celle d'un despote. A côté de cette stérilité de vœux pour la nation française, on voit les expressions d'attachement, de reconnaissance prodigués au roi, sans nul témoignage d'égards pour l'Assemblée législative, pour les représentants d'une nation qui s'est déclarée l'amie de toutes les autres, d'une nation dont les rapports exté-
rieurs ne doivent plus causer le moindre ombrage. — Les gouvernements qui nous environnent ne sont-ils donc attachés qu'à des rois, qui puissent sans cesse les faire trembler par leur ambition ou par une politique sans cesse insultante et tracassière!
Il n'est pas jusqu'aux lettres de quelques républiques, lettres adressées au roi d'un peuple libre, où règne encore une basse adulation. On aurait droit d'en être surpris, si l'on ne savait pas que la plupart des républiques modernes ne sont que des aristocraties déguisées, qui, toujours inquiètes sur leur gouvernement, en ont placé la force dans l'appui des despotes étrangers.
Quoi qu'il en soit, la majorité de ces puissances paraît, d'après ces réponses, disposée en apparence à maintenir la paix avec la France. D'autres semblent vouloir la rompre et faire cause commune avec les fugitifs mécontents. Entre celles-ci on distingue surtout les Electeurs de Mayence et de Trêves, le roi de Suède et celui d'Espagne, l'impératrice de Russie et la cour de Rome.
Je l'ai dit : je veux croire qu'on ne doit pas mettre de ce nombre l'empereur d'Allemagne, quoique toute sa conduite prouve sa malveillance, quoique sa lettre contienne une phrase injurieuse et menaçante qui exige de cette Assemblée une mesure convenable à sa dignité. Léopold y dit au roi des Français : « qu'il désire que le parti qu'il a pris réponde à ses vœux pour la félicité publique ; et en même temps que les causes qui sont communes aux rois et aux princes, et qui, par ce qui s'est passé dernièrement, ont donné lieu à de funestes augures, cessent pour l'avenir; et que l'on prévienne la nécessité ae prendre des précautions sérieuses contre leur retour. »>
Dans d'autres lettres dont l'authenticité n'est pas niée, dans une circulaire du 6 juillet, datée de Padoue, il paraît que l'empereur invite les autres puissances, tout en reconnaissant la liberté du roi, à se tenir en armes et coalisées pour maintenir la sûreté du roi des Français et la monarchie française, si des troubles intérieurs les menaçaient.
La France doit apprendre aux rois de l'Europe, qu'il n'appartient à aucun de la menacer d'intervenir dans ses divisions, et qu'elle saura bien défendre elle seule la Constitution qu'elle a adoptée, et réduire ceux qui s1y opposeront. Elle l'apprendra sans doute à ce roi ae Suède, qui non seulement a eu l'insolence de ne pas vouloir recevoir la notification de la Constitution française, qui non seulement a cessé de recevoir le chargé d'affaires de la France, mais encore a embrassé ouvertement le parti des rebelles, leur a envoyé un ambassadeur, leur a promis des secours.
La conduite du roi d'Espagne est moins extravagante, mais il n'annonce pas des dispositions plus favorables pour la Révolution française. Il a fait déclarer, par son ministre, au chargé des affaires de France « que le roi catholique ne saurait se persuader que les lettres de notification du roi très chrétien avaient été écrites avec une pleine liberté physique et morale de penser et d'agir, et que jusqu'à ce qu'il puisse se persuader, comme il le désire bien sincèrement que le roi, son cousin, jouisse d'une pareille liberté, il ne répondra pas à ses lettres, ni à aucune autre chose où Ion prendra le nom royal dudit souverain. » Cependant, il a donné l'assurance qu'il ne songeait point a troubler la tranquillité de la France.
Le ministre des affaires étrangères, en vous rendant compte de ces deux réponses des rois de Suède et d'Espagne, vous a dit que le roi des Français avait donné ordre à son chargé d'affaires en Suède d'insister sur la remise du paquet, et de se retirer sans congé si on ne voulait pas le recevoir.
Quant à l'Espagne, il a ajouté que le roi avait pris les mesures qu'il avait jugées les plus propres à rétablir la communication avec le roi d'Espagne ; que Sa Majesté s'en était occupée personnellement, et qu'elle attendait avec confiance l'effet des moyens qu'elle avait pris.
En rendant hommage aux bonnes intentions qui ont dirigé le roi, tes amis de la justice re-
Srettent de voir sa cause dégénérer en affaire e famille. Non, ce n'était pas ainsi que devait être réfutée une insolente calomnie sur la prétendue captivité du roi. Ce n'est pas par des considérations de parenté, qu'on doit amener l'Espagne à reconnaître la Constitution française que la notification devait lui en être faite, ^et lorsque cette notification était suivie d'une réponse outrageante, il fallait la ressentir et la repousser d'une manière convenable à la grandeur de la nation. Et qu'a produit à cet égard la mollesse ? A ces
qu'on a inutilement prostitué à un individu la majesté d'une grande nation; et il ne s'est pas borné à l'insulter dans des lettres particulières, il y a joint des vexations sans nombre pour tous les Français qui voyageaient et résidaient dans ses Etats. Il y a joint une part très active dans tous les complots des rebelles. C'est par suite de sa coalition avec eux, que s'il n'a pas protégé la révolte des noirs à Saint-Domingue, au moins il n'a donné aucun secours aux Français ; qu'il a violé le traité qui le lui commandait. C'est encore ainsi que, sous prétexte de craintes ridicules, il a voulu enchaîner à sa domination par une cédule barbare, tous les Français qui, ae l'Espagne, tournaient encore leurs regaras vers leur patrie ; qu'il les a cruellement expulsés de ses Etats... Et des injures aussi graves et des violations aussi manifestes de nos traités n'ont pas été senties cette fois, n'ont pas été repoussées par le représentant héréditaire du peuple ! Et il a gardé le même silence sur les insultes réitérées ae la cour de Rome, sur son manifeste relatif à Avignon! Cette cour pour laquelle la France avait témoigné tant de générosité, en consentant à l'indemniser de la perte du pays qui ne lui appartenait pas; cette cour a eu l'audace d'expulser de son sein le chargé des affaires de France.
Celle de Russie a porté la même proscription contre les agents de la nation française; et, indépendamment de son silence sur la notification de notre Constitution, silence qui annonce des dispositions malveillantes envers la nation, il est manifeste qu'elle embrasse aujourd'hui la cause des mécontents, soit en leur fournissant des secours d'argent, soit en accréditant un envoyé auprès d'eux. Cependant, qu'a fait depuis le pouvoir exécutif à l'égard de l'Espagne, de la Suède, de la Russie, de Rome ? Rien.
Il fallait se hâter de rappeler nos agents de Stockolm, de Saint-Pétersbourg, de Madrid; il fallait se hâter de signifier leur congé aux envoyés que ces cours ont en France; et l'on a toléré qu'ils restassent paisibles lorsqu'on insul-
tait à notre Constitution dans leurs pays ; l'on a toléré que leurs maisons fussent l'asile d intrigueé et de conspirations, et qu'ils abusassent du bien--fait de la liberté contre elle-même. Il fallait signifier à ces cours, que l'assistance
Qu'elles donneraient [aux rebelles serait regarée comme des actes d'hostilité. Il fallait, en remontrant à la cour de Madrid combien sa conduite à l'égard des Français, soit à Saint-Domingue, soit en Espagne, était odieuse; il fallait lui rappeler l'article 4 du traité des Pyrénées, l'article 23 du pacte de famille qui lui enjoint de regarder, de traiter les Français comme la nation la plus favorisée et cependant les enfants de cette nation la plus favorisée ont été soumis à des vexations qui n'ont frappé suraucune autre nation, à un serment contraire aux traités et aux droits des gens, à une expulsion qui équivaut à une déclaration de guerre. Il fallait rappeler au roi d'Espagne l'article lor du pacte ae famille, qui ordonne aux parties contractantes de regarder comme ennemis ceux qui se servent de 1 Une ou de l'autre ; il fallait lui demander si c'était en exécution de ce traité, que le roi d'Espagne protégeait, aidait les rebelles et fomentait leurs complots, tenait des agents auprès d'eux; il fallait enfin lui déclarer qu'il était un terme à la patience d'un peuple libre et puissant; et que si l'Espagne n'en mettait pas un à ses manœuvres hostiles, une juste vengeance saurait bientôt l'y amener.
Il fallait observer à l'empereur combien sa conduite équivoque devait déplaire à une nation franche et souveraine ; enfin il fallait lui observer que nos conjyrés avaient toujours trouvé un asile dans ses États, que le prince Xavier s'était retiré à Mons, Bouillé à Luxembourg; que c'était de Luxembourg qu'il avait écrit ses menaces insolentes. 11 fallait lui observer qu'à cette époque l'abbaye d'Orval avait été royalement meublée, Luxembourg garni d'une nombreuse artillerie; il fallait lui observer que si depuis l'avortement du projet de Montmédy, il défendait les cocardes, il ne défendait pas les uniformes aux rebelles dans ses États; que s'il les traitait sévèrement dans quelques ordonnances violées ouvertement, ses agents les accueillaient avec amitié et même avec intimité; que s'il leur défendait des recrues militaires, il ne leur défendait pas, quoiqu'on vous l'ait ditUci, de se rassembler et de s'équiper même. Il fallait lui observer que si d'un côté, par ses lettres au roi, il rassurait la monarchie française, de l'autre il cherchait à effacer la Constitution par sa déclaration de Pilnitz, par sa lettre à l'impératrice et par sa circulaire ae Padoue et de Vienne qui ordonnent une coalition des princes et par un rassemblement considérable de troupes dans les Pays-Bas. Il fallait le rappeler au traité qui fixe impérieusement leur nombre à 40,000 hommes, tandis qu'on en compte près de 60,000. Il fallait lui rappeler ce traité si funeste à la France, ce traité de Versailles du 1er mai 1756 qui porte, article 3, « que les parties contractantes travailleront toujours de concert aux mesures les plus propres au maintien de la paix, et qu'elles emploieront, dans le cas où les États de l'une et de l'autre seraient menacés d'une invasion, leurs bons offices pour l'empêcher. Il fallait lui demander si c'était pour exécuter ce traité, qu'il avait conclu les traités de Reichenbach et de la Haye sans y appeler la France, qui devait y figurer comme garante de la Constitution belge. Il fallait lui demander encore si c'était pour exécuter ce traité de 1756 que, depuis 18 mois, il
n'a pas daigné employer auprès des Electeurs de jfrèves et ae Mayence, je ne dis pas ses ordres '. comme chef des corps germanique, mais même ses bons offices pour faire cesser ces rassemblements. Il fallait non par besoin, puisque la France saura bien défendre sa liberté, sans le secours d'aucune puissance étrangère, mais pour mettre la foi de l'empereur à l'épreuve, il fallait réclamer la clause qui l'oblige de fournir à la France 24,000 hommes en cas cPattaque. Il fallait, en répondant à toutes les chicanes élevées sur les indemnités des possessiohnés d'Alsace; il fallait et il faudra lui prouver que la souveraineté du peuple ne peut être liée par les traités de ses tyrans ; qu'il fait acte de générosité en indemnisant : mais que laisser subsister des taches de féodalité dans une Constitution libre, est proposer la destruction de cette Constitution (Applaudissements.) Il fallait et il faudra réclamer contre l'obstination affectée à toujours parler de Sa Majesté et jamais de la nation ; prouver qu'il est plus que suspect de convoquer le ban de l'Empire pour défendre des gazettes ou des pamphets ou quelques droits féodaux. Il fallait aire enfin à l'empereur, au nom de la nation française, que tant de tergiversations commençaient à lasser sa patiencë, et qu'elle préférerait son inimitié ouverte à une conduite aussi tortueuse.
Mais, Messieurs, ce langage digne de Romains, digne d'hommes libres, pouvait-on l'attendre de la vieille diplomatie, de cette diplomatie si respectueuse pour des tyrans, si insolente à l'égard des peuples?
Pouvait-on l'attendre d'un ministre longtemps nourri de ses poisons, qui, en nous rendant compte, a osé nous dire qu'il ne le rendait que d'après l'ordre du roi, comme si l'ordre des représentants du peuple n'était rien pour lui ?
Pouvait-on l'attendre d'un ministre qui a caché pendant tout le cours de l'Assemblée constituante la suspension de communications entre les agents du pouvoir exécutif et les autres cours, qui n'a pas ressenti cette injure et tant d'autres que recevait la nation française, qui ne les a pas dénoncées, qui n'en a pas sollicité vengeance?
Pouvait-on l'attendre d'un ministre qui n'a cessé de conserver dans leurs places les envoyés dont la haine pour la Révolution était connue ou qui les remplaçait par d'autres contre-révolutionnaires ?
PoUvait-on l'attendre d'un homme qui, sans cesse dénoncé à l'opinion publique, ne se justifiait qu'en accusant ses dénonciateurs de n'avoir d'autre patrimoine que les troubles? Il oubliait qu'il est aussi des hommes qui n'ont pour patrimoine que la bassesse et l'adulation. Il oubliait qu'Aristide et Phocion n'avaient pas de patrimoine, et que Démades, qui dix fois vendit sa patrie, en avait beaucoup. (.Applaudissements.)
Pouvait-on l'attendre d'un ministre qui, informé de tous lés projets de contre-révolution, n'en a dénoncé aucun; qui les encourageait au moins par son silence et par sa mollesse coupables; qui dans la lettre où il a notifié aux puissances étrangères la Constitution française, ne parle ni de la nation, ni de la liberté, et laisse percer sa haine pour elle dans la sécheresse de son langage; quitte le ministère sans rendre aucun compte, et sollicite une loi pour enchaîner la liberté de nos écrits et même de nos débats sur les gouvernements, sous prétexte qu'ils en sont mécontents !;— Comme cette idée a, été répétée dans le discours du roi, comme elle pourrait influer sur nos discussions, il importe de l'examiner.
Ce n'est plus avec les gouvernements, ce n'est plus avec 5 ou 6 individus que la France est appelée à se lier désormais, c'est avec les nations; et nous respectons les nations, et la liberté des débats ne peut que les instruire. Nous respectons, nous chérissons les hommes qui les gouvernent sagement. Qui de nous ne rend pas nommage à Washington, à Powniatowski ? Que les rois les imitent, et nous leur dresserons des statues. (Applaudisements.)
Les hommes à conceptions étroites, qui viennent nous prêcher cette petite politique, ignorent donc que les gouvernements ou quelques individus n'armeront plus désormais des nations à leur gré pour se venger d'un paragraphe de ga zette, et tenir 30 ans un gazetier dans une cage de fer !
Ils ignorent donc que les peuples libres, comme les Anglais et les Américains, maltraitent aussi les gouvernements ; et l'on ne voit pas fondre chez eux l'Espagne ou la Hollande, parce qu'ils s'amusent de leurs ridicules.
Ils ignorent donc que la liberté de la presse est la base de notre liberté : que lui porter atteinte est un crime ; que nulle amitié ae potentat ne peut expier ce crime.
Ils ignorent qu'un représentant du peuple ne doit de respect qu'à la liberté, qu'à la vérité; que si, sous prétexte de ménagements pour l'empereur ou le roi d'Espagne, on parvient à nous fermer la bouche, il faudrait bientôt nous incliner devant le turban du dey d'Alger ou la mitre liégeoise, s'ils étaient protégés dans les bureaux des affaires étrangères. (Applaudissements.)
C'est une coutume si peu vulgaire, disait Mirabeau, que de changer, par un acte diplomatique, toutes les vieilles formules, toutes les pitoyables rubriques, toutes les tracasseries meurtrières à la politique moderne.
A qui appartient-il, en France, de faire ce changement? Au ministre des affaires étrangères : et cependant il n'est pas fait. Il semble qu'on ait voulu soustraire ce département à 1 influence de la Révolution. On y a conservé les mêmes formes, le même mystère, la même fausseté de langage. On ne voit partout que le roi; la nation semble ne pas exister encore pour la diplomatie. S'àgit-il de traiter des puissances étrangères en ennemies? On fait dire au roi dans un discours qu'il les regardera comme ennemies. — Il les regarderai:.. J'aurais aimé à entendre, dans la bouche d'un roi constitutionnel, que la nation les regardera. (Applaudissements.) — Car c'est le vœu ae la nation que le roi exécutait; c'est son vœu qu'il exprimait. Ce n'est que d'après son vœu, et son vœu manifesté par ses représentants, qu'il peut regarder et traiter des voisins en ennemis. Quand la langue diplomatique se purifiera-t-elle donc? Heureux encore si nous n'avions à lui reprocher que des solé-cismes politiques! Mais, les outrages dont la nation a été abreuvée au dehors, sont dus à l'inertie, à la connivence de notre diplomatie. Dans la main d'un patriote, elle eût, il y a longtemps, imposé silence aux puissances,qui osent nous menacer. Mais quelle confiance peuvent-elles prendre dans la Révolution, lorsqu'elles voient, malgré les cris de la nation entière contre le corps diplomatique, un ministre qui se dit patriote, se borner à déplacer les agents de ce corps ; remplacer des hommes coupables par des hommes suspects ; craindre d'envoyer des Popilius à la cour des rois ; continuer près des
Electeurs, des ministres, lorsqu'il ne faudrait leur envoyer, comme le roi de Prusse, que des capitaines pour leur signifier nos volontés ; conserver dans ses bureaux les mêmes individus qui, élevés dans la fange de l'ancienne diplomatie, y maintiennent le même système d'aristocratie! Peuvent-elles croire à la Révolution, en voyant jouer la comédie à la face même des représentants du peuple, en voyant un ministre leur taire les faits les plus graves, se taire éternellement sur Coblentz et sur Worms, ou ne révéler les faits que lorsque l'opinion publique l'y contraint, et ne cesser de vanter ses communications franches et loyales! — C'est mon devoir de le dire : à la place de ces communications franches et loyales dont les ministres nous parlent si souvent, je ne vois que des conférences mystérieuses avec des hommes à qui l'on croit de l'influence, conférences où l'on prépare les décrets, les discours, l'attaque, les placards, les pamphlets contre les amis du peuple; où l'on commande les proclamations, les pétitions de directoires, (Applaudissements.) où 1 on concerte les interruptions, les ajournements et les applaudissements.
Ah! si les ministres pouvaient enfin se pénétrer de la grandeur de notre Révolution, de la dignité d;un peuple libre, et des dangers que nos divisions peuvent faire naître ! au lieu de mettre tant de réserve, tant de hauteur dans leurs communications; au lieu de vouloir lutter corps à corps avec leurs supérieurs, et de prétendre leur donner des leçons, ils chercheraient à aplanir les obstacles semés autour de nous ; ils se concerteraient franchement avec nous pour repousser l'ennemi commun ; ils ne nous harcèleraient pas de chicanes ; ils ne prêcheraient pas la nécessité pour les pouvoirs, de se respecter en insultant un de ces pouvoirs; ils ne parieraient pas de la paix, en protégeant des incendiaires, d'ordre dans les finances, en ne rendant pas compte, d'amour de la Révolution, en confiant des choix importants à des officiers de Coblentz; d'amour de la justice, en faisant le panégyrique de coupables, et calomniant des nommes justes... enfin, ils ne tenteraient pas en tout de faire servir la Constitution à déifier le ministère, lorsque nous ne voulons, lorsque nous ne devons déifier que la souveraineté du peuple. (Applaudissements.)
Messieurs, si lesministres et ceux qui les soutiennent, aiment, comme les patriotes, la gloire de la France et le règne de la liberté, qu'ils soient de bonne foi comme nous. Nous voterons la guerre avec eux; qu'ils votent avec nous le décret d'accusation contre les princes. (Applaudissements.) C'est à ce terme que j'attends ces fervents amis de la Constitution, qui ne veulent rien qu'avec elle. — Point de guerre sans ce décret préalable. (Applaudissements.) Nous irions punir les princes étrangers, et nous laisserions impunis les princes français! Ce serait une contradiction, monstrueuse. Puisqu'il est en notre pouvoir, en notre pouvoir seul, d'épargner ce second affront aux principes, aimons assez la Constitution pour, à l'unanimité, châtier enfin les factieux qui l'outragent.
En conséquence, j'ai l'honneur de vous proposer le projet de decret suivant :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, approuvant la notification faite par le roi à l'Electeur de Trêves et
aux autres princes qui protègent les rebelles, qu'ils aient a faire, d ici au 15 janvier prochain, cesser les rassemblements et préparatifs hostiles des émigrés français, sinon que la nation française les regardera comme ennemis; approuvant d'ailleurs les mesures militaires prises par le pouvoir exécutif pour appuyer ces notifications: décrète que pour mettre ces mesures à exécution; il sera délivré provisoirement au ministre de la guerre la somme de 20 millions sur sa responsabilité, et pour en rendre compte de quinzaine en quinzaine; laquelle somme sera divisée en quatre payements, de quinzaine en quinzaine, à partir du 1er janvier.
« Charge son comité de législation de lui présenter dans huitaine un projet de décret d'accusation de crime de haute trahison contre les princes français et leurs adhérents.
c Décrète que le roi sera chargé de rappeler des cours de Stockholm, de Saint-Pétersbourg et de Rome les envoyés et chargés d'affaires de France qui peuvent y être ; qu'il sera chargé de signifier aux envoyés de ces cours en Francé, qu ils aient à sortir immédiatementde l'Empire français, et de leur notifier, au nom "de la nation française que tous secours donnés aux rebelles par l'impératrice de Russie et le roi de Suède seront regardés comme mesures hostiles.
« L'Assemblée nationale déclare cependant que tous les citoyens suédois et russes continueront à jouir dans l'Empire français de la protection que la loi y accorde à tous les étrangers.
« Décrète que le roi sera chargé ae réclamer auprès de la cour de Madrid l'exécution du traité des Pyrénées, et de celui de 1762; et en conséquence de demander, au nom de la nation française, satisfaction immédiate, soit pour les termes injurieux contenus dans les lettres du roi d'Espagne, soit pour le refus de secours demandés au gouverneur de la partie espagnole de Saint-Domingue par le gouverneur ae la partie française, soit enfin pour les vexations auxquelles les Français résidant ou voyageant en Espagne, ont été soumis, surtout par la cédule du...
« Décrète que le roi sera pareillement chargé de réclamer, au nom de la nation française, auprès de l'empereur, contre l'intervention armée et la coalition dont il menace dans ses diverses lettrés, et dans sa circulaire de Padoue, du 6juillet.
« Qu'il sera chargé de réclamer l'exécution du traité du 1er mai 1756; et, en conséquence, de requérir l'empereur d'employer auprès des Electeurs qui protègent les émigrés, non seulement ses bons offices, mais même ses forces pour faire cesser chez eux les rassemblements de ces émigrés, et de défendre, dans le Brabant, soit les uniformes, soit les cocardes et autres signes que les rebelles affectent de porter. •
« Qu'il sera chargé de requérir de l'empereur qu'il ait à réduire les troupes qui sont dans les Pays-Bas, au nombre fixé par le traité des barrières.
« Décrète que le ministre des affaires étrangères sera tenu de communiquer régulièrement au comité diplomatique les nouvelles officielles qui pourront intéresser le salut de l'Empire.
« Charge son comité diplomatique d'examiner incessamment les traités qui lient à la France les cours d'Espagne, de Suède, de Russie, de Vienne et les Etats helvétiques; et de lui faire son rapport sur les changements que peuvent y nécessiter les Circonstances actuelles. » (Applaudissements.)
Plusieurs membres demandent l'impression et la distribution du discours et du projet de décret de M. Brissot de Warville.
(L'Assemblée décrète l'impression et la distribution du discours et du projet de décret de M. Brissot de Warville.)
M. le ministre de la marine adresse à l'Assemblée nationale la copie d'une lettre de M. Blanchelande relative à l'état actuel de Saint-Domingue et datée du Cap, le 22 octobre ; à cette lettre sont jointes beaucoup de pièces. Voulez-vous entendre la lecture de la lettre?
(L'Assemblée ordonne la lecture de la lettre de M. Blanchelande.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue :
Monsieur,
« Depuis mon expédition sur les habitations d'Agoult et Galiffet, les révoltés se sont repliés sur plusieurs habitations au bas des montagnes des quartiers de la grande Rivière et du Donaon. Ils tirent leurs subsistances de ces deux abondantes paroisses, dont ils sont les maîtres, comme je vous l'ai mandé, par l'abandon forcé de tous les habitants blancs. Je n'ai pu, jusqu'à présent, combattre les révoltés dans ces parties, par la crainte de les faire refluer dans les paroisses de l'Est de la province qui ne sont que faiblement garnies en troupes patriotiques et de ligne et en gens de couleur. La religion de. ces derniers, dans cette partie, est ébranlée par la connaissance qu'ils ont de la conduite de leurs frères de l'Ouest. Une compagnie entirre a été entourée et enlevée par les nègres révoltés; il a été impossible de découvrir si c'est de gré ou de force : ce qu'il y a de certain, c'est que M. Charpentier, leur capitaine, pris avec eux, dont il était fort aimé, a été égorgé par ordre d'un chef des révoltés.
« Le cordon de l'Ouest, dans lequel je comprends les quartiers de la Marmelade, de
Plaisance et du Port-Margot, est de même occupé, mais en raison de nos moyens, qui ne sont,
vu la lâcheté des révoltés, qu'a peine suffisants pour résister à leurs molles tentativés.
J'avais donné des ordres positifs au commandant de Port-au-Prince, pour porter dans cette
partie des renforts de troupes de Normandie et d Artois; mais l'état de choses dans la
province de l'Ouest n'en a pas permis l'exécution. Il y a des divisions bien dangereuses
parmi les citoyens blancs de Port-au-Prince (1), relatives au concordat que je vous ai
adressé par ma dernière dépêche (2), les gens de couleur en exigent l'exécution ; et pour
cela, malgré ma proclamation du 26 septembre que j'ai jointe aussi à mon n° 155 (3), ils
sont restés armés à la Croix-des-Bouquets, au nombre de plus de 3,000. La crainte que les
habitants de cette dernière province ont d'être incendiés et peut-être égorgés, les ont
déterminés à envoyer des commissaires à Port-au-Prince, pour engager les citoyens de cette
ville à tenir leurs en-
re série, tome XXXV, séance du 1er décembre 1791, page
492.
« J'avais reçu deux lettres consécutives de M. de Jumecourt, commandant les troupes nationales de la Croix-des-Bouquets, numéros 3 et 4, auxquelles j'ai fait les réponses 5 et 7. (3).
« Les citoyens de couleur des quartiers de Léogane, du grand Goave et petit Goave se sont aussi rassemblés pour demander pareillement, les armes à la main, l'exécution d'un concordat égal à celui de Port-au-Prince ; ils ont exigé que les municipalités soient dissoutes. Les citoyens blancs se sont, en conséquence, assemblés, ont prononcé la dissolution des municipalités et ont, de leur autorité, requis les commandants pour le roi, de Léogane et du petit Goave, de reprendre leurs fonctions dans toute l'étendue du terme, comme avant la Révolution de 1789. C'est ce que les citoyens de couleur, campés à la Croix-des-Bouquets, voudraient aussi rétablir à Port-au-Prince ; ce à quoi s'opposent le peuple et les soldats de Normandie et d'Artois qui font la loi, comme vous en jugerez, Monsieur, par l'extrait de la dernière lettre que j'ai reçue de M. Desaulnois, que je joins sous le n° 8 (4).
« D'un autre côté, rien n'est plus louche et moins rassurant que le flottement des gens de
couleur ; ils s'enorgueillissent du besoin que l'on témoigne avoir d'eux et des arrêtés que
l'assemblée générale a pris en leur faveur, pres- qu'au moment où l'on tonnait contre le
décret u 15 mai. Quoique ce décret ait été accepté et
« Vous voyez, Monsieur, la confusion qui règne dans cette malheureuse colonie et combien nous avons besoin de secours puissants, mais si vous nous envoyez des troupes aussi indécemment insubordonnées et aussi faciles à séduire que celles qui sont à Port-de-Prince, il sera impossible de rétablir la paix et l'ordre; et la perte de la colonie est inévitable. Des troupes étrangères, Monsieur, et subordonnées, il y a longtemps que je le dis, sont les seules qui conviennent ici. Le régiment du Gap continue à faire l'admiration de tous ; il est écrasé de service; aucune plainte n'échappe; je demande toujours pour lui une récompense marquée et tranchante, et des témoignages de satisfaction pour le chef et les officiers.
« Je suis, etc., etc.
« Au Cap, le
« Signé: Blanchelande. >
(L'Assemblée renvoie la lettre de M. Blanche-lande et les pièces qui y sont jointes au comité colonial.)
L'Assemblée reprend la discussion du -projet de décret des comités diplomatique, militaire et de l'extraordinaire des finances réunis, sur la demande formée le 14 décembre dernier, par le ministre de la guerre, d'un fonds extraordinaire de 20 millions pour les préparatifs militaires commandés par les circonstances.
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Vous venez d'entendre un orateur éloquent vous peindre la situation de l'Europe telle qu'elle est, telle que nous la connaissons. Il en a tiré des conséquences analogues aux circonstances; il a accède à la demande des 20 millions, mais il y a joint des articles additionnels. Il est apparent, Messieurs, que les orateurs que vous avez à entendre, auront des articles additionnels à vous proposer; mais il n'est pas moins apparent que toujours ils en viendront à accorder ou à ne pas accorder les 20 millions. Ces articles additionnels demanderont de votre part une discussion très approfondie. Je propose, Messieurs, que l'Assemblée décide que, séance tenante, après avoir entendu tous les orateurs qui sont inscrits, elle décrétera d'accorder ou de ne point accorder les 20 millions, comme étant un préalable nécessaire dans tous les cas.
J'appuie la proposition que fait M. Daverhoult; je demanderai seulement la permission d'y faire un amendement. Je crois, comme lui, qu'il est peu probable qu'il s'élève de grands dissentiments dans l'Assemblée sur
le fonds même de la proposition soumise à votre discussion. Je crois, comme lui, qu'il s'en élèvera beaucoup sur les articles additionnels qui sont ou qui doivent être proposés. Je crois que cela doit être, attendu que la première partie du discours de M. Brissot étant purement hypothétique, on peut se permettre assurément de faire toutes les hypothèses. Quant à ses conclusions, comme elles tiennent, en grande partie, à ce qu'il y a de systématique dans son discours, vous sentez qu'il est nécessaire d'étendre beaucoup la discussion à laquelle ces hypothèses doivent donner lieu.
Je propose donc que l'on divise dans ce moment l'objet de la demande et qu'il soit délibéré dessus séance tenante; mais ie demande, auparavant, que d'entendre les différents orateurs qui ont la parole, qu'il soit demandé s'il y a, dans le nombre des, orateurs inscrits et des personnes non inscrites, quelqu'un qui veuille parler contre la délibération au fond. Si personne ne veut parler, je propose que la demande de 20 millions soit mise aux voix. (Murmures.)
Plusieurs membres demandent la parole.
, rapporteur. Les orateurs qui se sont fait inscrire peuvent avoir à proposer de nouveaux amendements dont l'Assemblée peut désirer d'entendre les développements. Pour ne point intercaler dans cette délibération des motions incidentes, je demande que l'Assemblée continue d'entendre les orateurs qui se sont fait inscrire et qu'elle décide ensuite si elle veut ajourner une partie des articles additionnels. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décide qu'elle continuera à entendre les orateurs inscrits.)
(1). Une vaste conspiration contre la liberté de la France et la liberté future du genre humain, laisse échapper chaque jour quelqu'un de ses secrets. En jetant les yeux sur la carte de l'Europe, partout où il y a un trône, nous découvrons un ennemi. Mais, par une singularité remarquable, presque toutes ces puissances se trouvent, à la même époque, endettées, ruinées; et c'est dans leur pauvreté qu'elles se cotisent pour renverser notre Constitution.
A les considérer séparément et rapidement, où sont les souverains (excepté deux) dont nous ayons à nous inquiéter? Serait-ce la Russie? La distance, les dépenses de sa dernière guerre, l'épuisement d'hommes et d'argent, le parti du grand-duc qui commence à se prononcer, le besoin qu'ai impératrice d'occuper de nos affaires les grandes cours d'Allemagne, pour les distraire de la Pologne; tout doit nous rassurer : et Catherine sur le tombeau de Potemkin, implorant dans l'église patriarchale de Jassy, la fidélité de ses soldats, ne peut promettre de si loin quel-ues débris de son armée, que par l'ostentation e protéger des princes ou par l'espoir de les recueillir.
Serait-ce la Suède? Telle est la pénurie de Gustave, qu'il vient de suspendre ses
payements aux fournisseurs de ses troupes : il est forcé de solliciter aujourd'hui la
czarine de lui payer en une seule fois les 300,000 roubles qu elle doit lui fournir en 8
années. Il ne se
Serait-ce l'Espagne? Quoique maîtresse des mines, elle n'aura pu exploiter que son indigence, s'il est vrai, comme on le prétend, qu'elle ait fait en dernier lieu à nos ennemis le sacrifice de quelques millions.
Serait-ce la Sardaigne? Le despote de Turin a plus de rochers que ae terre végétale, plus d'esclaves dans le Piémont que de sujets fidèles dans la Savoie, plus d'impôts dans ses édits que dans ses trésors; etdéja l'un de ses fils a eu le bon esprit de dire : « Dépêchons-nous de régner. »
Serait-ce la Hollande? Le parti des patriotes fermente et s'accroît, les finances sont delabrées ; la compagnie des Indes en état de banqueroute, l'armée presque nulle; et la République ou le stathouder se voient contraints, faute d'argent, de renvoyer les auxiliaires Allemands.
Serait-ce enfin l'Angleterre? La fraternité qu'un amour commun ae la liberté fait naître entre cette nation et la nôtre, s'opposerait à une guerre contre les Français. L'Irlande remue; Tipoo sultan inquiète dans l'Inde; le ministère est chancelant, et le ministère lui-même, plus intéressé à notre affaiblissement qu'à nôtre destruction, nous soutiendrait peut-être encore, à la charge d'entretenir nos troubles pendant lesquels il s'enrichit.
Voilà quels sont les gouvernements qui peuvent haïr un peuple libre : car je ne daigne remarquer ni la Suisse, ni le pays de Liège, ni l'évêque de Spire, ni tous ces princes et Etats
3ue j'aurais passés sous silence, s'ils ne pouvaient
evenir les instruments de nos voisins lès plus redoutables, le roi de Prusse et l'empereur.
Je dirai d'abord de la Prusse qu'elle est, de toutes les puissances, celle qui doit le moins contrarier notre Révolution; car c'est celle qui a le moins à craindre une révolution pour elle-même. Outre qu'il serait assez difficile (si elle se tient tranquille) qu'un changement vînt à s'effectuer sur une population de 6 millions d'hommes dont il y en a 250 mille soldats bien répartis, et dont on n'osera jamais employer contre nous la quatrième portion toute composée de Français, on sait qu'un gouvernement absolu* mais prudent, a eu l'art de faire un partage, sanctionné par l'habitude, en accordant exclusivement les emplois militaires à la noblesse, qui ne vit que de préférences et de privilèges, tandis que le peuple se contente de la sagesse des lois, de la modération des impôts, d'une justice prompte, impartiale, économe. Les finances y sont encore saines ; on ménage ces immenses trésors qu'amassa Frédéric, et auxquels son ombre imposante défend de toucher.
Si jamais la Prusse s'engage dans la querelle des souverains, malgré tant de motifs qui devraient le lui interdire, c'est que la princesse d'Orange et la maison d'Autriche auront eu le talent a'y entraîner un monarque ami du repos, que l'on a vu disgracier Hertzberg. parce qu'il avait l'esprit trop guerrier. Mais il est invraisemblable qu'il consente à se dégarnir du côté de la Pologne et de la Silésie ; il agirait plutôt indirectement contre la France, et, contenant le pays de Liège, sous prétexte d'y achever « l'exé-
cution » de la Chambre impériale, il est possible qu'il donne à l'empereur les moyens d'en retirer ses troupes pour les diriger contre nous.
Mais que penser, Messieurs, de Léopold lui-même? Lorsque je consulte les faits et les apparences, j'observe qu'il fait défiler une grande quantité de soldats dans le Luxembourg. On assure que, dans tout ce pays, les logements sont déj à prêts pour 30,000 hommes, tant de troupe des cercles, que des troupes autrichiennes; en sorte que son projet semble être moins de protéger le duché que de fortifier l'électorat de Trêves, qui en est voisin. Si ses vues n'étaient point hostiles, il s'inquiéterait fort peu que l'on châtiât l'Electeur, ou plutôt celui-ci se conduirait avec moins de dissimulation; car, malgré la théorie qui paraît régir le mouvement des cercles 4e l'Empire, il est une vérité d'expérience : c'est que rien ne se fait soit dans le conseil aulique, soit à la diète de Ratisbonne, que par l'impulsion immédiate de la maison d'Autriche.
Mais, lorsqu'on examine les vrais intérêts de l'empereur, il est permis de croire qu'il sera pacifique. Le premier de ses intérêts, sans doute, est d'opposer en quelque sorte une ligue politique à la ligue menaçante que lui présente la triple alliance de la Prusse, de l'Angleterre et de la Hollande, sous ce rapport ne doit-il pas plus que jamais s'attacher au traité que l'Autriche a conclu avec nous? Ce traité, si cher au ministre Kannitz, par la prédilection que l'homme conserve pour son ouvrage, tombera de droit le jour où nous reconnaîtrons dans Léopold un ennemi décidé de la France. (Applaudissements.)
Eh! Messieurs, songez un moment au sort de ce prince, et dans combien de dépendances il se trouverait à la fois, si nous venions à rompre son alliance ; si nous nous unissions au souverain de la Prusse, son ennemi naturel; si celui-ci, profitant des embarras de la maison d'Autriche, lui reprenait le reste de la Silésie, portion d'autant plus importante, qu'elle est hérissée de montagnes, et qu'il aurait enfin, au lieu de quelques forteresses, une barrière inexpugnable qui manque à ses Etats ; si l'Angleterre se trouvait acquise à cette grande confédération: si le grand-duc, succédant à l'impératrice, adoptait, comme il est probable, un système différent... L'empereur serait à la merci de toutes les puissances.
Il est donc démontré que la paix est une loi pour Léopold ; et cependant, je n'ai point encore parlé de fa détresse de ses finances, de la dépopulation de la Bohême et de la Hongrie, fruit amer de la guerre que lui légua Joseph II ; du volcan qui fermente sous la terre Delge, et dont l'explosion subite et terriblejetterait peut-être le Brabant lui-même dans la France ; Je n'ai point parlé des liens du sang qui l'attachent à notre couronne et surtout de la plus sûre de nos garanties, son caractère.
D'ambitieux ministres, des courtisans perfides voudront peut-être l'égarer ; car, en général, le despotisme des souverains se compose surtout de la corruption des êtres qui les environnent ; mais Léopold, qui a passé, jusqu'à ce jour, pour un administrateur sage, et qui doit compte ae sa renommée à l'inexorable histoire, ne sacrifiera pas sans doute, pour leur plaire, 20 années de prudence.
Objectera-t-on la démarche que l'empereur vient de faire, l'adhésion qu'il donne au « conclusum », la réclamation menaçante qu'il élève en faveur des princes possessionnés, le tour de
force par lequel on voudrait peut-être lier à leur cause celle des princes français et des émigrés; enfin le projet éventé dé ce congrès d'une espèce nouvelle, ou la vanité en démence se flatte d'ar-racher à 25 millions d'hommes une transaction sur leur liberté? Quant à Léopold, nous distinguerons le chef de l'Empiré, de l'empereur : nous répondrons à celui-ci avec la modération que garantit entre nous l'accord de nos mutuels intérêts; mais nous agirons contre le premier avec toute la vigueur dont nous sommes capables, sans redouter une armée à qui la multiplicité et la lenteur indispensable des formes légales ne permettent pas d'exister avant la moitié de la campagne prochaine, une armée dépourvue de bons généraux; une armée d'alliés que, si j'en crois quelques anecdotes, la garde natipnale pulvériserait : et quant à ce congrès concilia-toire, s'il est vrai qu'il se borne a l'intérêt des princes posséssionnés, je ne vois pas encore le danger d'une simple conférence; mais s'il était question de capituler sur une seule ligne dé la Constitution, il suffira à des hommes libres et imperturbables de sourire « et de passer à l'ordre du jour ».
Quel est. Messieurs, le résultat que je prétends déduire ? Serait-ce de décider que la guerre ne doit pas être faite ? Non, Messieurs ; il faut se préparer ; montrons à nos ennemis que nous ne les craignons pas, que nous avons calculé leurs forces et leurs moyens, que nous voulons notre indépendance, s'ils portent la méprise jusqu'à réaliser leurs hostilités ; et lorsque dans toutes les parties du royaume, et depuis Huningue jusqu'à Dunkerque, la voix de la France entière proclame la nécessité du combat, je n'irai point vous proposer des mesures que reprouverait la majesté du peuple français, l'intérêt de la fortune publique, l'orgueil de conserver une Constitution, la nécessité de montrer un gouvernement, le serment de la liberté, le besoin de l'égalité, la lassitude de tant d'injures, et la colère d'une grande nation. Je vote de tout mon cœur les fonds extraordinaires que le ministre vous a demandés.
On vient de vous proposer à cette tribune plusieurs articles additionnels au projet de vos comités; je serais tenté de les accueillir tous, car il faut agir. Permettez-moi seulement d'en ajouter quelques autres.
Si le ministre des affaires étrangères ne vous avait pas fait connaître hier la réquisition de l'Electeur de Trêves,Ij'aurais eu droit, sans doute, de réclamer la notification d'une pièce qui circulait déjà depuis plus de 8 jours dans tous les papiers publics, et il était étonnant que l'Assemblée seule l'ignorât encore : mais à présent que vous connaissez les dispositions et les détours de cet électeur, peut-on se dissimuler avec quelle « taquinerie » (ce mot convient à un prince qui compte à peine à son service quelques centaines d'hommes) il annonce aux émigrants français qu'il aura toujours le plus grand plaisir à les recevoir. Avec quelle adresse perfide se borne-t-il ensuite à défendre un rassemblement qui pourrait faire ombrage, un corps d'armée, sous quelque dénomination que ce soit; un exercice, une démonstration militaire, les canons, fusils, munitions de guerre, les recrutements dans son électorat! La France ne peut pas se contenter d'une défense aussi astucieuse, dont l'exécution elle-même n'est rien moins que certaine. Ni le Corps législatif, ni le roi ne doivent être dupes de cette comédie.
Il importe fort peu que l'on cache les armes, tant que les hommes se montreront. On n'est point séparé quand on peut se rassembler en une demi-journée. La France ayant fait prononcer par son roi que les rassemblements dans l'Elec-torat de Trêves l'inquiétaient, la fatiguaient, nous devons à la France de réclamer sur cet objet, une justice pleine et entière avant le 15 janvier. Ce terme est de rigueur: il ne sera plus temps de contester ensuite sur des misérables subtilités. Ainsi, vous penseriez, sans doute, qu'il convient d'engager le roi à réitérer, sans délai, sa sommation, afin que cette fois l'Electeur dissipe ces rassemblements d'une manière plus positive; qu'il les éloigne enfin de nos frontières ; et que s'il, veut conserver les princes français, il ne laisse plus auprès d'eux que leur service ordinaire.
A cette réflexion, j'en ajoute une seconde. Le. roi nous a dit qu'il avait fait une signification à l'Electeur de, Trêves, et qu'il en ferait une semblable à tous ceux qui, comme lui, favoriseraient des rassemblements. Puisque le roi l'a promis, il l'a fait. Mais pourquoi, dans son discours, nomme-t—il seulement l'Electeur de Trêves ? Pourquoi ne désigne-t-il pas de même l'Electeur de Mayence, l'évêque de Liège, l'évêque de Spire, le bailli d'Ettenneim? Il me semble que cette désignation eût été plus rassurante pour les Français ; et puisqu'il est certain que le roi leur a notifié la volonté nationale;, puisque vos comités, en motivant leurs projets, vous invitent à déclarer que les mesures du roi sont commandées par l'intérêt et le vœu général, je demande que dans votre adhésion vous nommiez tous ces princes, et que vous énonciez d'une manière positive les mesures réelles qui ont été prises à leur égard.
Il est encore une observation que je ne puis me dispenser de vous, soumettre. Nous avons fait un message au roi pour lui témoigner nos sollicitudes : je respecte cette démarche, puisqu'elle a été décrétée; mais on ne peut disconvenir que, par^là, nous avons presque exempté le roi (comme si nous en avions le droit) d'un article éminemment essentiel de la Constitution ; c'est l'article qui l'oblige à notifier, sans délai, au Corps législatif des hostilités imminentes ; et certes la conscience de tous les Français ne me contestera pas que celles dont il s'agit ne soient imminentes ; le mouvement empressé qui nous a portés nous-mêmes au-devant de cette notifica-tiôn en serait une preuve de plus.
Dans de pareilles conjectures, la réponse que le roi nous a faite, et où il convient de ces hostilités, doit être regardée comme une véritable notification. Par une suite de mon respect pour la Constitution, qu'aucun membre de cette Assemblée ne traitera sans doute de superstitieux, je demande que la réponse du roi soit convertie en une notification donnée par lui au Corps législatif; qu'elle soit réputée telle, et qu'il ne soit pas dit que, grâce à nous, le pouvoir exécutif, sur une matière aussi importante que le droit de la guerre, ait pu, dès la première fois, éluder la forme de l'Acte constitutionnel.
Enfin voici une formule à laquelle je crois devoir conclure, et je souhaiterais qu'elle vous parût digne d'être approuvée et prononcée. L'Assemblée constituante a oublié de définir ce qu'il faut entendre par des hostilités imminentes. il est certain qu'aujourd'hui nous sommes plus à portée qu'elle de déterminer cette définition.
Au milieu d'une émigration considérable, de préparatifs immenses, de nouvelles désastreuses, je ne concevrais guère le grammairien qui chercherait à équivoquer ; j'ose donc vous y inviter, Messieurs ; déclarez aujourd'hui que nous sommes en élat d'hostilités imminentes. Vous constaterez ainsi, en caractères frappants, la situation actuelle de la société française ; et ce sera un avertissement solennel, non seulement à tous les citoyens, mais encore à toutes les autorités constituées dont la vigilance devra redoubler, et la responsabilité se resserrer plus étroitement que jamais.
Vous aviez décrété, il y a trois semaines, une adresse à toutes les municipalités, pour leur recommander, au nom de la loi et des circonstances,une surveillance plus active. Cette adresse n'a point paru.Le mode que ie proposey supplée, et (fune manière plus générale. Il remédie en quelque sorte à la lacune administrative que deux veto successifs viennent de nous faire éprouver. Il marque le passage d'un état d'ordre a un état de crise, avant de parvenir à un état de guerre. Il légitime d'avance toutes les mesures extrêmes qu'il est nécessaire de prendre, et l'accusation que vous al ez porter dans trois jours contre les princes, et le décret de séquestre que vous avez fixé au même terme, à titre d'indemnité pour la nation de tous les biens des Français qui portent les armes contre leur patrie, décret que la politique ne vous permet pas de différer, car c'est chez nous qu'il faut les attaquer avant de leur porter la guerre au dehors (.Applaudissements.); mais vous sentez que ce décret ne commencera d'être juste qu'à 1 époque où vous aurez énoncé le danger de la patrie.
C'est dans cet esprit que le Sénat romain avait imaginé l'imposante formule : Caveant consules ne quid detrimenti respublica capiat, à ces époques périlleuses où les lois allaient se taire parmi les armes. Imitons son exemple. Suspendons les lois envers quiconque se sera déclaré contre la cause du peuple français, et pour me servir de la pensée de Montesquieu, Messieurs, le moment est venu de jeter un voile sur la statue de la Liberté. (Applaudissements.)
Voici mon projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités diplomatique, militaire, ët de l'extraordinaire des finances, réunis,
« Considérant la notification donnée par le roi au Corps législatif dans son discours au.....des hostilités imminentes qui menacent la patrie ; considérant que les mesures ordonnées par le roi pour le rassemblement des forces nationales sur les frontières, et la déclaration qu'il a faite auprès de l'électeur de Trêves, de l'électeur de Mayence, de l'évêque de Liège, de l'évêque de Spire et du bailli d'Ettenheim sont commandées par l'intérêt de la nation et le vœu de tous les Français, qu'il importe pour le succès de ces négociations et la promptitude des démarches ultérieures qu'elles peuvent entraîner, de ne négliger aucune des mesures de défense ou d'attaque qui pourraient être nécessaires, décrète qu'il y a urgence :
« Et après avoir déclaré l'urgence, décrète qu'il sera mis par la Trésorerie nationale, à la disposition du ministre de la guerre, 20 millions de fonds extraordinaires, à compter du 1er janvier prochain, à la charge par le ministre de rendre compte à l'Assemblée nationale, de leur emploi quinzaine par quinzaine.
« Décrète, en outre, que le roi sera engagé de
faire faire, sans délai, itérative sommation à l'électeur de Trêves, à l'effet par cet électeur d'éloigner de nos frontières ceux qui composaient les rassemblements, et de les disperser d'une manière plus sérieuse et plus positive.
« L'Assemblée nationale déclare que la France est en état d'hostilités imminentes. »
demande la parole.
lui observe que plusieurs orateurs sont incrits avant lui et qu'il l'obiiendra plus tard.
(1). Messieurs, je n'ajouterai qu'un petit nombre de réflexions à celles que vous venez d'entendre.
Lorsque, dans le cas d'hostilités imminentes, des préparatifs de guerre ont été ordonnés; lorsque le roi fait part à l'Assemblée nationale de ces préparatifs, elle est autorisée par la Constitution, non à désapprouver ces mesures, mais à les arrêter, mais à poursuivre les ministres qui auraient mal à propos ordonné des préparatifs, ou provoqué des hostilités. La Constitution garde ensuite le silence sur l'approbation que le Corps législatif pourrait donner à ces mêmes mesures.
La raison de cette différence est simple : pour suspendre, pour accuser, il faut que l'Assemblée législative exerce un pouvoir extérieur, et elle a besoin que le droit lui en ait été expressément délégué.
Au contraire, en approuvant (et il en serait de même pour une simple désapprobation), elle ne fait qu'exercer un droit commun à tous les hommes, et il suffit que la Constitution ne lui ait pas expressément défendu d'en user.
Le droit de tout soumettre à son examen, de pouvoir exprimer son approbation ou sa désapprobation, d'émettre un vœu, de former une résolution, appartient essentiellement à l'Assemblée nationale, non parce qu'elle exerce le pouvoir législatif, mais parce qu'elle est l'Assemblée des représentants du peuple. Tout individu peut également prononcer une opinion, mais il n'a que son autorité personnelle : vos décisions, au contraire, ont toute celle de la confiance dont le choix du peuple vous a investis.
Mais l'Assemblée doit-elle aujourd'hui user de ce droit? doit-elle donner une approbation formelle à des mesures qu'elle-même a conseillées? est-il utile qu'elle émette une seconde fois, mais d'une manière plus expresse, son vœu que les événements n'ont pu changer?
Oui, Messieurs, c'est surtout dans les relations extérieures qu'il est important de ne laisser aucun doute sur l'harmonie qui règne entre les divers pouvoirs, de prouver que si, dans l'administration extérieure, il existe qnelquefois des différences d'opinions et de vues, tout cède à l'intérêt général, et que la France, comme l'ancienne Rome, oublie tout quand il s'agit de combattre les ennemis de la patrie.
Une multitude active, irritée, de nobles et de prêtres, est intéressée àpersuader à
l'Europe que la France est dans une anarchie totale. Si nous exerçons à l'égard des
ministres cette surveillance qui est un de nos premiers devoirs ; si, dans cette lutte
qu'ils nous forcent de renouveler trop souvent, nous ne gardons pas toujours une contenance
paisible, combien n'est-il pas facile de présenter aux étrangers cet exercice de nos
fonctions comme une rivalité entre les
Il est donc utile, nécessaire même, de montrer que vous désirez voir régner entre les divers pouvoirs ce concert où le peuple français croit voir le gage de son repos, ae prouver que s'il est jamais troublé, ce ne sera point par vous, mais malgré vous ; de faire connaître, par des actes solennels, qu'au milieu de ces mouvements tumultueux qui ont régné quelquefois dans cette salle il n'existe cependant au fond de vos coeurs qu'une seule passion : l'amour de la liberté'.
Montrons à l'Europe que la France est réunie dans une mêmé volonté. Les rois apprendront que toute sa puissance lui est rendue, et elle ne verra plus autour d'elle que des amis.
Alors ces princes à qui les traités n'ont garanti, n'ont réservé aucune souveraineté sur les terres réunies au territoire français, gui ne peuvent donc réclamer sur ce territoire des droits contraires aux lois souveraines émanées du peuple, mais seulement un dédommagement de ces droits, sentiront que leur intérêt n'est
as d'avoir pour ennemie une nation puissante
qui sa Constitution interdit les conquêtes et commande de défendre ses alliés, une nation libre que ses opinions, ses principes, sa situation rendent la protectrice naturelle de leur indépendance. Ils sentiront que si leurs droits ont dû être sacrés tant que le reste de la France a reconnu aussi le régime féodal, tant que chaque province, chaque canton a eu sa coutume, ils perdent toutes leurs forces lorsque la volonté nationale soumet tout à une loi commune, lorsque leur féodalité ne serait plus une modification particulière à l'usage général, mais une atteinte directe à la Constitution même ; ils ne voudront pas risquer d'exposer, pour des avantages chimériques, leurs droits essentiels dont les mêmes traités sont la seule garantie.
D'ailleurs, Messieurs, vous avez des devoirs à remplir ; et vous ne les négligerez point. La Constitution oblige les ministres a présenter, au commencement de chaque session, l'aperçu des dépenses de leur département pour l'année suivante. Cette année va commencer, et hier encore un seul ministre avait obéi à la Constitution, deux seulement y ont obéi aujourd hui, et vous serez forcés par ce retardement à décréter une partie de ces dépenses, sous une forme qui ne sera point celle qu'une lot antérieure avait établie. Les ministres doivent, d'après la loi, le compte de l'emploi des sommes qui leur ont été confiées : un décret rendu par l'Assemblée constituante leur en a prescrit le devoir pour l'époque actuelle d'une manière plus expresse ; et aucun de ceux qui ont disparu du conseil n'a satisfait encore a cette obligation sacrée. La conduite de quelques-uns a été inculpée devant vous : dans plusieurs occasions importantes, dans les discussions sur les émigrés, ou sur les troubles religieux, dans celles où il aurait été nécessaire de connaître l'état actuel de nos relations extérieures, la véritable situation des conjurés, les ministres ont trop négligé de donner, soit à vous, soit à vos comités, les lumières qu'ils leur doivent. La lenteur dans l'établissement de l'impôt, dans la fabrication de la petite monnaie, excite des plaintes. Vous devez faire cesser ces négligences, examiner ces inculpations, forcer les ministres à remplir des devoirs gué la loi leur impose; devoirs d'autant plus importants que l'ordre dans rétablissement des dépenses et dans les détails de l'exécution est la
première base de la confiance publique, et qu'on ne vous pardonnerait pas de retarder encore d'une année cet ordre si nécessaire.
Une simple surveillance ne suffit même pas : il faut régler par des lois, et la forme suivant laquelle à l'avenir les ministres prépareront leurs états de dépenses, et celle du compte qu'ils doivent rendre des dépenses ordinaires. Celui des dépenses extraordinaires pour lesquelles des fonds pourront leur être accordés doit exiger des précautions plus grandes encore, et devenir l'objet d'une loi particulière, vous avez d'autres lois à faire pour la sûreté de l'administration du Trésor public. Ces lois, par leur nature doivent, pour être bonnes, présenter le caractère de la défiance, et même d'une défiance exagérée.
Un de vos comités est chargé par vous ae rédiger, sur la responsabilité des ministres, le projet d'une loi plus précise et plus applicable.
Forcés de préparer des lois de rigueur, obligés peut-être de prendre des mesures sévères, ne négligez pas une occasion solennelle de prouver jusqu à l'évidence qu'aucune jalousie de pouvoir ne souille la pureté de votre patriotisme, et que vous attaquez dans les ministres, non le pouvoir, qu'ils ont reçu de la loi, mais l'abus qu'ils en font contre la loi, mais leur négligence dans l'exercice des fonctions qu'elle leur a confiées.
Enfin, une dernière considération non moins puissante doit nous décider à donner cette nouvelle marque d'approbation aux mesures adoptées par le roi. C'est en son nom, c'est pour défendre sa cause, que les nobles, chefs des rebelles, prétendent nous combattre. Nos prêtres fanatiques mêlent le nom du roi à celui de Dieu dans leurs prédications séditieuses ; ce nom multiplie, encourage les partisans de ces deux castes divisées par l'intérêt, réunies contre nous par une haine commune pour la raison et pour 1 égalité. Ainsi, toutes les fois que nous pourrons donner une preuve nouvelle ae l'accord qui règne entre le roi et les défenseurs de la liberté, entre le roi et les représentants du peuple, nous affaiblirons la puissance de nos ennemis. (Applaudissements.)
Forçons la foule que leurs chefs ont séduite à ne plus douter que cet accord existe; et bientôt abandonnés par elle, nous verrons ces chefs insensés réduits à cacher dans une retraite obscure la haine de leurs complots.
Mais cette application, Messieurs, ne serait rien si elle n'était, si elle ne paraissait qu'une aveugle adhésion; il faut qu'elle soit précédée d'un examen sévère; il faut montrer que ce qui est approuvé par vous, vous l'avez discuté et jugé, et voilà surtout pourquoi une nouvelle approbation est nécessaire. Amis de la liberté, vous avez senti ses injures; représentants du peuple, vous jugerez si les mesures prises pour les repousser sont sages, si elles sont suffisantes.
Je conclurai donc à demander la priorité pour le projet de décret proposé par M. Brissot ; mais aux mesures qu'il renferme, j'oserai vous proposer d'en ajouter une autre; ce serait de développer dans une déclaration solennelle les principes de la politique nouvelle que la lettre et surtout l'esprit de la Constitution doivent inspirer à la nation française, afin que la manifestation de ces principes, faite en votre nom, rassurât, et les peuples dont les armées françaises peuvent occuper le territoire, et les princes qui pourraient en redouter le voisinage. (Applaudissements.)
J'ai un projet de déclaration; je demande la permission de le lire. (Oui! oui!)
Déclaration de l'Assemblée nationale (1).
« A l'instant où, pour la première fois, depuis le jour de sa liberté, le peuple français peut se voir réduit à la nécessite d'exercer le droit terrible de la guerre, ses représentants doivent à l'Europe, à l'humanité entière, le compte des motifs qui ont déterminé les résolutions de la France, l'exposition des principes qui dirigeront sa conduite.
« La nation française renonce à entreprendre « aucune guerre, dans la vue dé faire des con-« quêtes, et n'emploiera jamais ses forces contre « la liberté d'aucun peuple. » Tel est le texte de la Constitution. Tel est le vœu sacré par lequel nous avons lié notre bonheur au bonheur de tous les peuples : et nous y serons fidèles. (Applaudissements.)
« Mais, qui pourrait regarder encore comme un territoire ami, celui où il existe une armée qui n'attend, pour attaquer, que l'espérance du succès? Et n est-ce pas vous avoir déclaré la guerre, que de prêter volontairement ses places, non seulement a des ennemis qui nous l'auraient déclarée, mais à des conspirateurs qui l'ont commencée depuis longtemps. Tout impose donc aux pouvoirs établis par la Constitution pour lé maintien de la paix et de la sûreté, la loi impérieuse d'employer la force contre les rebelles qui, du sein d'une terre étrangère, menacent de déchirer leur patrie. :
« Les droits des nations offensés; la dignité du peuple français outragée; l'abus criminel du nom du roi, que des imposteurs font servir de voile à leurs projets désastreux ; la défiance que ces bruits sinistres entretiennent dans toutes les parties de l'Empire ; les obstacles que cette défiance oppose à l'exécution des lois et au rétablissement du crédit; les moyens de corruption employés pour égarer, pour séduire les citoyens > les inquiétudes qui agitent les habitants des frontières; les maux auxquels les tentatives les plus vaines, les plus promptement repoussées pourraient les exposer; les outrages toujours impunis qu'ils ont éprouvés sur les terres où les Français révoltés trouvent un asile; la nécessité de ne pas laisser aux rebelles le temps d'achever leurs préparatifs, et de susciter à leur patrie des ennemis plus dangereux :
« Tels sont nos motifs. Jamais il n'en a existé de plus justes, de plus pressants ; et dans le tableau que nous en présentons ici, nous avons plutôt atténué qu'exagéré nos injures ; nous n'avons pas besoin de soulever l'indignation des citoyens pour enflammer leur courage.
« Cependant la nation française ne cessera pas de voir un peuple ami dans les habitants des
pays occupés par les rebelles et gouvernés par des principes qui les protègent. Les citoyens
paisibles, dont ses armees couvriront le territoire, ne seront point des ennemis pour elle;
ils ne seront pas même ses sujets. La force publique, dont elle deviendra momentanément
dépositaire, ne sera employée que pour assurer leur tranquillité et maintenir leurs lois.
Fière d'avoir reconquis les droits de la nature, elle ne les outragera point dans les autres
hommes. Jalouse de son indépendance, résolue à s'ensevelir sous ses ruines plutôt que de
souffrir qu'on osât lui dicter des fois, ou même garantir les siennes, elle ne portera
« L asile qu'elle ouvre aux étrangers ne sera point fermé aux habitants des contrées dont les princes l'auront forcée à les attaquèr; et ils trouveront, dans son sein, un refuge assuré. Fidèle aux engagements pris en son nom, elle se hâtera de les remplir avec une généreuse exactitude. Mais aucun danger ne pourra lui faire oublier que le sol de la France appartient tout entier à ta liberté, et que là loi de l'égalité y doit être universelle. (Applaudissements.) Elle présentera au monde le spectacle nouveau d'une nation vraiment libre soumise aux règles de la justice, au milieu des orages de la guerre, et respectant partout, en tout temps à 1 égard de tous les hommes, les droits qui sont les mêmes pour tous. (Applaudissements.)
« La paix que le mensonge, l'intrigue et la trahison ont éloignée, ne cessera point d'être le premier de nos vœux. La France prendra les armes avec regret, mais avec ardeur, poijr sa sûreté, pour sa tranquillité intérieure ; et on la verra les déposer avec joie, le jour où elle sera sûre de n'avoir plus à craindre pour cette liberté, pour cette égalité, devenues le seul élément où des Français puissent vivre (Applaudissements.) Elle ne redoute point la guerre, mais elle aime la paix. Elle sent qu'elle en a besoin, et elle a trop la conscience de ses forces pour craindre de l'avouer.
« Lorsqu'en demandant aux nations de respecter son repos, elle a pris l'engagement éternel ae ne jamais troubler le leur, peut-être aurait-elle mérité d'en être écoutée ; peut-être cette déclaration solennelle, ce gage de sécurité et de bonheur pour les peuples voisins, devait-il lui mériter l'affection des princes qui les gouvernent; mais ceux de ces princes qui ont pu craindre que la nation française ne cherchât à produire dans les autres pays des agitations intérieures, apprendront que le droit cruel ,de représailles, justifié par l'usage, condamné par la nature, ne la fera point recourir à ces moyens employés contre son repos; qu'elle sera juste envers ceux mêmes qui ne l'ont pas été pour elle; que partout elle respectera la paix comme la liberté, et que les hommes qui croient pouvoir se dire encore les maîtres des autres hommes, n'auront à craindre d'elle que l'autorité de son exemple. (Vifs applaudissements.)
« La nation française est libre, et ce qui est plus que d'être libre elle a le sentiment de la liberte. Elle est libre, elle est armée, elle ne peut être asservie. En vain compterait-on sur ses discordes intestines : elle a passé le moment dangereux de la réformation ae ses lois politiques; et trop sage pour devancer la leçon du temps, elle ne veut que maintenir sa Constitution et la défendre. (Applaudissements.) Cette division entre deux pouvoirs émanés de la même source dirigés vers le même but, ce dernier espoir de nos ennemis, s'est évanoui à la voix de la patrie en danger ; et le roi, par la solennité de ses démarches, par la franchise de ses mesures, montre à l'Europe la nation française forte de tous les moyens de défense et de prospérité. Résignée aux maux que les ennemis du genre humain réunis contre elle peuvent lui faire souffrir, elle en triomphera par sa patience et
par son courage. Victorieuse, elle ne cherchera ni réparation ni vengeance (.Applaudissements.)
« Tels sont les sentiments d'un peuple généreux dont ses représentants s'honorent d'être ici les interprètes. Tels sont les projets de la nouvelle politique qu'il adopte. Repousser la force, résister à l'oppression, tout oublier lorsqu'il n'aura plus rien à redouter, et ne plus voir que des frères dans des adversaires vaincus, réconciliés ou désarmés : voilà ce que veulent tous les Français, et voilà quelle est la guerre qu'ils déclareront à leurs ennemis. » (Applaudissements répétés et vives acclamations.)
Plusieurs membres : L'impression!
Messieurs, séparant la belle adresse que vous venez d'entendre, qui exprime si énergiquement nos sentiments et ceux de la nation entière, des mesures sur lesquelles vous délibérez en ce moment, et reconnaissant que cette adresse ne nous appartient déjà plus, qu'ellé appartient à tout le peuple français, qu elle est 1 organe de tous ses sentiments, qu'elle n'engage point une déclaration de guerre, qu'elle exprime seulement les sentiments et l'énergie d'un peuple qui se prépare à la guerre et le courage qu'il montrera si cette guerre devient nécessaire, je demande que cette déclaration soit. insérée aii procès-verbal, imprimée et distribuée, adressée au pouvoir exécutif pour être communiquée à toutes les puissances étrangères et envoyée aux 83 départements. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Traduite dans toutes les langues!
(L'Assemblée décrète, au milieu des applaudissements unanimes de l'Assemblée et des acclamations des tribunes, la proposition de M. Dumas ; elle ordonne, en outre, la traduction de l'adresse dans toutes les langues.)
Je propose d'accorder les 20 millions sans 'discussion ultérieure;
Plusieurs membres : Il faut désigner une députation pour porter cette adresse au pouvoir exécutif.
(L'Assemblée décrète qu'il sera nommé une députation de 24 membres pour porter l'adresse au roi.)
Je demande qu'elle soit envoyée à l'armée et à toutes les gardes nationales. (Oui! oui! — Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète que l'adresse sera envoyée aux régiments de troupes de ligne et aux gardes nationales.)
Je demande que M. Gondorcet soit compris dans la députation et chargé de présenter au roi la déclaration de l'Assemblée nationale.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Un membre : Je demande que le discours de M. Condorcet qui a précédé cette déclaration soit imprimé et distribué.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Un membre : Je demande l'impression et la distribution du discours et du projet de décret de M. Hérault de Séchelles.)
(L'Assemblée décrète l'impression et la distribution du discours dé M. Hérault de Séchelles.)
L'Assemblée vient de décréter que la déclaration serait imprimée, distribuée ; mais on a ajouté qu'elle serait notifiée aux puissances étrangères. C'est une mesure que vous prenez vis-à-vis des puissances étrangères. Vous ne la
leur communiquez pas simplement comme une chose intéressante à lire, mais comme une déclaration du peuple français. C'est un décret très important que vous avez rendu dans un moment d'enthousiasme. Cependant vous ne l'avez pas rendu, en ce qui concerne la dernière partie, dans les formes prescrites par la Constitution ; avez-vous eu les trois lectures? L'a-t-on fait précéder du décret d'urgence?
Plusieurs membres : Ce n'est point une loi!
Je demande donc que le décret soit rapporté pour être rendu dans la forme constitutionnelle, c'est-à-dire pour être soumis à la formalité des trois lectures ou du décret d'urgence.
Je demande à répondre ; il y a ici deux choses : l'une...
Plusieurs membres : Ce n'est pas appuyé!
Je demande la parole pour dire que j'adhère entièrement à 1 opinion de M. Basire. Je crois qu'il n'est pas nécessaire que cette déclaration soit officiellement notifiée, c'est pourquoi je demande l'ajournement de la notification.
J'appuie la proposition de M. Condorcet, parce que la notification de cette déclaration aux puissances étrangères ne doit être que la suite d'une déclaration de guerre, et le Corps législatif n'a pas le droit de faire des actes pareils.
Cette déclaration des sentiments de la nation doit être envoyée par le Corps législatif à tous les membres ae la nation ; mais elle ne peut avoir d'effet auprès des puissances étrangères, qu'après la déclaration ae. guerre, laquelle ne peut être faite que par une notification préalable du roi et sur un décret du Corps législatif.
, rapporteur. La proposition de M. Gondorcet pour la notification ae cette déclaration aux puissances étrangères rentre dans les mesures proposées par M. Brissot. Je demande qu'on réunisse ces deux objets, c'est-à-dire les propositions accessoires de M. Brissot et la proposition de notifier la déclaration aux puissances étrangères. J'en demande l'ajournement à dimanche prochain, le reste du décret gardant son plein et entier effet.
Je demande à faire une seule observation.
L'Assemblée n'a point décrété la notification aux puissances étrangères dans la proposition que j'ai faite. Car, dans le considérant que je viens de rédiger, je m'exprime ainsi : « L'Assemblée nationale, considérant que l'adresse proposée par M. Condorcet, sans comprendre ni pressentir aucune déclaration de guerre... » (Murmures.)
Plusieurs membres : Il n'est pas besoin de considérant.
Quand j'ai fait ma proposition, je me suis servi du mot communication. Il ne faut pas laisser croire que l'Assemblée, en la décrétant, a entendu décréter avec une telle précipitation une notification officielle. Il est donc important de le dire ici hautement, parce qu'il y a un écho qui retentit dans toute l'Europe. Cependant, sur 1 observation qu'on fait qu on pourrait regarder cette notification comme le prélude d'une déclaration de guerre, je me réfère à l'opinion des préopinants.
(L'Assemblée ajourne la proposition de noti-
fier la déclaration aux puissances étrangères.)
, secrétaire, appelle les membres qui doivent composer la députation chargée de porter la déclaration au roi.
, interrompant Vappel. Monsieur le Président, je demande la parole.
Plusieurs membres : Après l'appel !
Dans le décret que vous avez rendu sur le message au roi, non seulement pour communiquer l'adresse au pouvoir exécutif, mais pour l'inviter à la communiquer aux puissances étrangères, je ne sais pourquoi vous envoyez cette adresse par une députation de 24 membres, lorsque 4 membres suffisent pour porter un décret à la sanction.
Plusieurs membres : C'est pour plus de solennité !
Je demande la parole.
Monsieur, vous ne l'avez point.
Je la demande.
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Monsieur, je vais consulter l'Assemblée pour savoir si vous serez rappelé à l'ordre. Vous n'avez pas la parole ; il y a un décret qui fixe à 24 le nombre des membres de la députation.
Je demande à parler pour savoir si M. Basire sera entendu. (Non! non!)
Je vais consulter l'Assemblée pour savoir si M. Basire sera entendu.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Basire ne sera pas entendu.)
Un membre : Je demande que l'on mette aux voix la motion de M. Vergniaud; elle est appuyée..
Plusieurs membres : A l'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Vergniaud.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Delessart, ministre des affaires étrangères, au sujet de la notification faite par le roi au gouvernement du roi de Suède de son acceptation de la Constitution; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur d'informer l'Assemblée nationale que suivant une dépêche de M. de Gaussen, chargé des affaires de France en Suède; en date du 9 de ce mois, et qui m'est parvenue hier, M. de Gaussen a fait remettre à M. Frank la lettre de notification du roi, de l'acceptation de la Constitution et que M. Franck l'a reçue. M. de Gaussen attend la réponse.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc. »
« Signé : delessart.
Plusieurs membres demandent que la discussion sur le projet de décret relatif à la demande d'un fonds ae 20 millions pour les préparatifs nécessités par les circonstances soit fermee.
(L'Assemblée, consultée, ferme la discussion.)
, rapporteur, donne lecture du décret d'urgence, qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique, militaire et de l'extraordinaire des finances réunis,
« Considérant que les mesures ordonnées par
le roi pour le rassemblement des forces nationales sur les frontières, et les déclarations qu'il a fait faire par ses agents auprès des puissances étrangères sont commandées par l'intérêt national et le vœu de tous les Français ;
« Qu'il importe au succès des négociations et à la promptitude des démarches ultérieures qu'elles peuvent entraîner, de s'assurer à l'avance ae tous les moyens de défense et d'attaque qui pourront devenir nécessaires, « Décrète qu'il y a lieu à urgence. »
Je mets aux voix le décret d'urgence.
(L Assemblée adopte le décret d'urgence.)
, rapporteur, donne lecture du décret définitif qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que les commissaires de la Trésorerie nationale tiendront à la disposition du ministre de la guerre, 20 millions de fonds extraordinaires, à compter du 1er janvier, et à la charge par le ministre de rendre compte de leur emploi à l'Assemblée nationale, quinzaine par quinzaine. »
J'ai un amendement à y faire. Messieurs, d'après les lois établies, nous ne devons décréter les dépenses que sur des aperçus. Je ne veux pas demander des aperçus pour différer de voter les 20 millions ; je connais la force des circonstances dans ce moment-ci, mais je vais vous proposer un amendement qui doit être joint à ce décret; le voici :
« Les commissaires de la Trésorerie tiendront à la disposition du ministre de la guerre 20 millions pour être employés aux armements et équipements nécessaires de 50,000 hommes qui ont été ordonnés par le roi. »
Plusieurs membres : La priorité pour la rédaction du comité.
J'observe à l'Assemblée que c'est un amendement qu'on a proposé à l'article.
Plusieurs membres : La question préalable ! M. Gensonné, rapporteur. J'adopte l'amendement de M. Cambon en mettant les mots : « Pour être employés aux préparatifs nécessaires. »
(L'Assemblée adopte l'amendement, puis décrète l'article.) Suit la teneur du décret adopté : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique, militaire et de l'extraordinaire des finances réunis ;
« Considérant que les mesures ordonnées par le roi pour le rassemblement des forces nationales sur les frontières, et les déclarations qu'il a fait faire par ses agents auprès des puissances étrangères, sont commandées par l'intérêt national et le vœu de tous les Français :
« Qu'il importe au succès des négociations et à la promptitude des démarches ultérieures qu'elles peuvent entraîner, de s'assurer à l'avance ae tous les moyens de défense et d'attaque qui pourront devenir nécessaires ;
« Décrète qu'il y a lieu a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète qu'à compter du 1er janvier prochain, les commissaires de la Trésorerie nationale
tiendront à la disposition du ministre de la guerre 20 millions de fonds extraordinaires,
pour être employés aux préparatifs nécessaires et à la charge, par le ministre, de rendre
compte de leur emploi, a l'Assemblée nationale, quinzaine par quinzaine. »
Un membre : Je demande l'ajournement à dimanche des articles qui ont été présentés par M. Brissot.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
fait connaître l'ordre du jour pour la séance du soir; (La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du .
DOCUMENTS ANNEXÉS a la lettre de M. de Blanchelande, gouverneur général de Saint-Domingue, en date du 22octobre 1791 (1).
I.
Proclamation de M. Philibert-François Rouxel de Blanchelande, représentant du roi et commandant général des troupes patriotiques et de ligne de la partie française de Saint-Domingue (2).
L'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, par son arrêté du 20 de ce mois, revêtu de mon approbation, a annoncé, d'une manière franche et loyale, son intention de faire jouir les hommes ae couleur, nés de père et mère libres, des plus grands avantages dans leur existence politique. Pour éclaircir des doutes injurieux, elle a manifesté d'avance et de la manière la plus formelle, la soumission à la loi du 15 mai, dont l'exécution n'éprouvera aucune délai, dès qu'elle me sera parvenue officiellement.
Ce décret qui fixe constitutionnellement les droits des hommes, de couleur libres, recevra, d'après les dispositions paternelles de l'assemblée générale en faveur des hommes de couleur, non nés de père et mère libres, une extension qui doit vivement fixer leur sensibilité.
J'aime à croire que le calme va succéder à des jours d'orage, et que le respect pour les décrets de la nation, sanctionnés par le roi, qui préside aux délibérations de l'assemblée générale, en imposera à ceux des hommes de couleur libres gui, par des raisonnements sophistiques, se sont jusqu'à présent écartés de l'esprit et du texte de ces décrets, dont les plus récents sont, dans tous les cas, l'explication légale de ceux qui les précédent.
La franchise et la loyauté de ma conduite ont dû convaincre les blancs et les hommes de couleur, queje mets au rang de mes premiers devoirs, et le maintien des droits légitimes, civils et politiques des uns et des autres, et la proscription de toute réclamation arbitraire et illégale.
C'est pour prévenir toute résistance criminelle à l'exécution de l'arrêté du 20 de ce mois, concernant les hommes de couleur libres, que j'ai voulu faire connaître mes sentiments d'une manière particulière.
En conséquence, en vertu des pouvoirs qui me sont confiés par la nation et par le roi, j'ordonne
à tous les hommes de couleur libres qui sont actuellement armés et réunis pour soutenir des prétentions inconstitutionnelles et hors des décrets, de se retirer avec leurs armes dans leurs paroisses respectives, d'y concourir à la défense ae la cause commune, avec le zèle dont leurs frères des provinces du nord, du sud et de la partie de l'ouest leur donnent l'exemple ; d'observer, d'après la volonté de la nation et du roi, l'obéissance qu'ils doivent, comme tous les autres citoyens de la colonie, aux corps populaires existants. C'est ainsi qu'ils se montreront dignes des bienfaits du Sénat de la France, de ceux que l'assemblée générale leur prépare et de la protection de la force armée, que je ne dois diriger qu'au gré des décrets nationaux et contre leurs mfracteurs.
Donné au Cap, le
Signé : Blanchelande.
II.
Lettre de MM. les citoyens de couleur du Mire-balais à M. de Blanchelande, en date du 3 octobre 1791 (1).
Monsieur le général,
C'est avec des transports mêlés de joie et de reconnaissance que nous vous entendons nous appeler vos amis et vos enfants ; nous saurons toujours apprécier vos bontés, et notre reconnaissance a cet égard sera au-dessus de nos expressions; cependant, nous ne pouvons, dans les circonstances où nous nous trouvons, envoyer, ainsi que vous le désirez, un corps d'armée au camp de M. de Fontanges, à Plai-sancô. Nous ne connaissons ni les causes, ni les progrès, ni le but, ni les motifs de l'insurrection qui a eu lieu dans la province du nord; quand même nous les connaîtrions, pouvons-nous abandonner la défense de nos personnes et de nos propriétés, pour aller secourir une province puissante et orgueilleuse, qui, ayant épuisé sur nous et nos frères tous les traits de la barbarie et de l'iniquité, se trouve sans doute exposée à une juste punition du ciel, et qui, dans l'état désastreux auquel elle se trouve réduite, brûle encore du désire de lancer sur nous les foudres exterminateurs? Ne devons-nous pas réunir tous nos efforts pour la conservation d'une autre province, qui, du moins, si elle a été injuste envers nous, se hâte de reconnaître son erreur et de l'abjurer? Que nous importe un pays dont les grands chemins, ornés depuis longtemps de têtes d'hommes plantées sur des piques, font reculer d'horreur les voyageurs les plus intrépides? Irons-nous donc verser notre sang pour la défense d'une ville où se tient une Assemblée qui se dit générale, et qui, au lieu de s'attacher a être juste, croit nous consoler beaucoup en se mettant elle-même au-dessus de la loi, pour nous plonger dans l'opprobre et l'avilissement; d'une ville où le sang de notre frère. Ogé crie encore vengeance ; d'une villequi, depuis Tes mois de février et mars derniers, ne présente, aux yeux de l'humanité indignée, que le spectacle révoltantdes bourreaux, des gibets et des roues, d'une Baby-lone enfin, sur laquelle s'appesantit le bras de
la vengeance... Mais quoi ! ils sont malheureux... il est si beau de pardonner!
Nous ne devons pas, Monsieur le général, chercher à augmenter le nombre de nos ennemis et à diviser nos forces, lorsque nous sommes menacés de toutes parts, lorsqu'après un concordat solennel, nous nous trouvons réduits à l'affreuse nécessité cle nous tenir en garde contre toute espèce de trahisons et de perfidies, lorsque les troupes étrangères et les vaisseaux anglais investissent les côtes de Saint-Domingue et nous forcent de veiller à la conservation de la colonie à la métropole. Plus instruit que nous, Monsieur le général, vous devez savoir à quoi vous en tenir sur ce qui se passe ; mais nous, victimes infortunées d'un préjugé barbare et ridicule, nous qui avons fait si souvent la triste expérience de ce que peuvent contre nous1 nos ennemis, nous ne pouvons que nous plaindre et chercher à nous préserver de leur fureur. Les ennemis du bien public veulent la perte de la colonie et ils réussiront sans doute dans leurs projets criminels, si les citoyens vertueux, si les vrais Français ne se hâtent de réunir tous leurs efforts pour faire, échouer leurs perfides complots.
Nos frères de Saint-Marc, de la Petite-Rivière, des Verettes et des Gonaïves se disposent à envoyer des secours à M. de Fontanges; quant à nous, nous réservons nos forces pour la défense de la partie de l'ouest.
Nous avons reçu, Monsieur le général, l'arrêté de l'assemblée du Gap en date du 20 septembre ; après la connaissance que vous avez de tout ce que nous avons souffert dans cette colonie, il n'est pas étonnant qu'il satisfasse votre cœur, mais il s'en faut de beaucoup qu'il remplisse nos désirs ; nous allons nous permettre la discussion de cet arrêté qui contient trois articles.
Art. 1er. Il est incroyable, Monsieur le général, que les représentants des citoyens blancs aient employé quatre séances pour s'apercevoir qu'ils n'ont pas le droit de s opposer à l'exécution d'une loi nationale et constitutionnelle; il est étonnant qu'ils aient délibéré, pendant quatre séances, pour déclarer qu'ils ne s'opposeront pas à l'exécution de la loi du 15 mai, tandis qu'il est notoire que c'est uniquement pour s'y opposer qu'ils se sont assemblés ; tandis que depuis le moment de leur réunion les .voûtes de l'enceinte qui les renferme n'ont cessé de retentir de la fatalité de ce décret; tandis qu'enfin la classe des citoyens blancs a fait des efforts incroyables pour obtenir la révocation de cette même loi, en sorte que si la révocation, après laquelle ils soupirent, avait lieu, nous serions, à leur avis, déchus du bénéfice de ce décret bienfaisant. Il est plus étonnant encore, qu'après avoir délibéré pendant quatre séances, ils n'aient pu s'apercevoir qu'il ne s'agit point actuellement d'un décret qui n'est pas connu officiellement, mais bien de l'exécution de l'article 4 des instructions du 28 mars, dont l'inexécution, ainsi que les perfides manœuvres des colons blancs, ont occasionné le décret du 15 mai, qui ne peut être considéré que comme un amendement à ce même article 4. Cet article 1 de l'arrêté du 20 septembre ne saurait donc ramener dans la colonie le calme et la tranquillité.
Art. 2. Les lois sur l'état des personnes qui ne participent point au décret du 15 mai, ne regardent pas seulement les représentants des citoyens blancs, mais une assemblée coloniale, légale et représentative de toutes les classes de
citoyens. D'ailleurs, que signifie le mot amélioration, employé dans cet article, il est avilissant et devient inadmissible dans une Constitution où il n'est question que de citoyens français.
Art. 3. On aura de la peine à concevoir qu'après avoir délibéré pendant quatre séances, une assemblée illégale et à qui sans doute il en a coûté beaucoup pour vouloir paraître être juste dans les deux premiers articles de son arrêté du 20 septembre, sorte subitement de ses principes apparents de bienfaisance, pour consigner dans 1 ctr-ticle subséquent des principes destructifs de toute justice, de toute réunion et de toute harmonie. A qui croirait-elle donc en imposer ? De quel droit ne dénoncerait-elle à la nation française, comme traîtres à la nation, à la loi et au roi, que les citoyens de couleur ? Serait-ce parce que, ceux-ci sont plus inviolablement attachés à la mère-patrie que les autres ? Serait-ce parce que, dans toutes les parties de la colonie, ils contribuent plus que les autres citoyens à la défense commune ? Nous sommes, à la vérité, soldats de la patrie ; mais sommes-nous donc les soldats ou les valets des blancs, qui se montrent nos ennemis ! Quelle extravagance !
Telle est, Monsieur le général, notre manière de raisonner sur l'injuste arrêté du 20 septembre : les titres de vos amis et de vos enfants, dont vous nous honorez, ne nous permettent pas de croire que vous vous refusiez à devenir notre interprète auprès des citoyens blancs réunis au Cap. Le temps de l'erreur et du prestige est passé pour nous. Notre profession de foi est maintenant connue de toute la colonie. L'exécution ponctuelle et littérale de tous les décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi ; voilà, auprès du représentant du roi l'objet de notre réclamation. Vivre libres ou mourir: voilà notre devise et le but auquel nous aspirons.
Le
(Suivent une infinité de signatures.)
III
Lettre de M. de Blanchelande à MM. les citoyens de couleur du Mirebalais, en date du 20 octobre 1791 (1):
J'ai reçu, Messieurs, la lettre que vous m'avez adressée, le 3 de ce mois; je vais y répondre plus en père que comme représentant d un roi qui doit être 1 objet de l'amour et du respect de tout bon Français.
Je vois avec douleur que des motifs étrangers au bien général vous empêchent d'y coopérer et que vos demandes, contraires aux lois que vous me citez et sur lesquelles vous prétendez les fonder, vous font regarder avec une espèce d'indifférence les maux affreux qui désolent la province du nord de Saint-Domingue et qui peuvent devenir plus terribles encore pour celles ae l'ouest et du sud, si on ne les arrête à leur source. Est-ce donc le moment de discuter sur des droits que personne ne vous conteste et dont l'assemblée générale et moi sommes dans la ferme résolution de vous mettre en possession, aussitôt que le décret du 15 mai, qui vous les accorde, me sera parvenu officiellement î Sera-ce par la subversion de cette florissante contrée,
occasionnée par votre tiédeur, que vous parviendrez à vous procurer la jouissance immuable de ces mêmes droits ? Je vous le demande1, mes enfants ? La France nous jugera tous. Que dira-t-elle, quand elle saura qu'un esprit de défiance et d'inquiétude vous a rendus tranquilles spectateurs des calamités de vos frères? Trôuvera-t-elle, dans la conduite que vous voulez tenir, au moment où la chose publique est dans le plus grand danger, le prix du bienfait qu'elle vous a accordé ? Ah ! rentrez en vous-mêmes, mes braves amis ; ne voyez pas de sang-froid couler le sang de vos pères et ae vos premiers protecteurs. Venez plutôt fraterniser et coopérer avec eux, dans tous les camps qui sont sous mes ordres immédiats, à la défaite des rebelles et à les faire rentrer dans leur devoir.
Le fiel le plus amer est répandu d'un bout à l'autre dans votre lettre ; les termes les plus choisis et les plus forts sont employés pour noircir les desseins des représentants de vos auteurs, dont cependant les travaux, pris dans leur véritable jour, n'offrent successivement, depuis qu'ils sont assemblés, que des résultats qui démontrent leurs bonnes intentions pour les citoyens de couleur.
Vous relevez ironiquement les quatre séances qui ont produit l'arrêté du 20 septembre dernier. Si quelqu'un de vous en eût été témoin, il vous eût dit que la longueur des discussions n'a été causée que par deux opinions différentes ; l'une pour faire exécuter dès à présent le décret du 15 mai 5 l'autre pour en promettre seulement l'exécution et manifester à cet égard la volonté la plus décidée, aussitôt que j'aurais reçu et promulgué çe décret. Ce dernier avis a sagement prévalu; il est fondé sur le décret national du 23 février 1790, sanctionné par le roi le 26 du même mois, qui rend criminel de lèse-nation, tout corps, toute personne qui mettrait à exécution une loi nationale, avant qu'elle n'ait été connue et promulguée légalement. L'assemblée générale n a donc pu que faire sa profession de foi en attendant ce décret et rappeler ensuite au devoir ceux qui s'en écarteraient. Oui, mes enfants, l'assemblée générale me paraît être et est effectivement dans les principes des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi ; c'est pourquoi j'agis ae concert avec elle.
Il n'y peut y avoir que des hommes ennemis du bien public et intéressés au désordre, qui vous ont insinué que des vaisseaux étrangers investissent nos côtes et que les blancs qui les ont appelés songent à livrer, au moyen des troupes étrangères, la colonie aux Anglais. Si quelques individus» dans la colonie, ont pu enfanter de tels projets et s'ils sont découverts, ils seront sévèrement punis.
Mais, je puis assurer que l'assemblée générale n'a jamais eu l'idée de mettre la colonie sous une domination étrangère ; elle a envoyé, d'après mon approbation et de concert avec moi, des avisos et des commissaires aux îles voisines, espagnoles et anglaises et au continent des Anglo-Américains, afin d'y réclamer les secours les plus prompts pour éteindre la révolte des esclaves. Les mêmes demandes ont été faites aux Iles françaises du Vent. Croyez-vous d'ailleurs, mes amis, que je n'ai pas les yeux ouverts ? Et pensez-vous qu'un vieux Français, qu'un ancien militaire comme moi, toujours fidèle au roi (pour me servir des anciennes expressions) et a sa patrie, puisse, je ne dis pas tolérer, mais souffrir une telle trahison, tant qu'il lui restera une
goutte de sang dans les veines? Non, mes enfants, rassurez-vous, je suis incapable de vous tromper.
Je reviens à l'arrêté du 20 septembre; c'est précisément selon ma manière de concevoir, en vue de protester en quelque sorte contre toutes les démarches1 qui ont pu être faites pour demander la révocation du décret du 15 mai, que l'Assemblée générale dit, dans son premier article, qu'elle ne s'opposera pas à l'exécution de cette loi, c'est-à-dire qu'elle ne fera aucune représentation contre cette exécution. Vous me citez l'article 4 des instructions du 28 mars. Je vous le demande, d'après vos propres décisions : est-il permis à un citoyen, même au représentant du roi, d'interpréter les décrets? Ce pouvoir n'appartient-il pas exclusivement au Corps législatif national ? Et lorsque l'Assemblée nationale a déclaré que la Constitution française ne concerne point les colonies et qu'elle entend n'y rien innover sur l'état des personnes, quand elle décrète que les lois établies doivent y exister jusqu'à ce que des nouvelles lois les abrogent; je vous le demande, puis-je interpréter cet article 4 en votre faveur, surtout lorsque l'Assemblée nationale a jugé elle-même nécessaire d'en déterminer l'application, par son décret du 15 mai et ses instructions du 29 du même mois? Voyez d'ailleurs ce qui s'est passé en France, à l'égard des personnes qui n'étaient pas rangées précédemment dans la classe ordinaire des citoyens; les Juifs, par exemple, enfants de la métropole, depuis une multitude de générations et formant une population nombreuse, ne jouissaient d'aucun droit politique. L'Assemblée nationale rend un décret génerique, qui porte que tout citoyen, payant une contribution delà valeur de trois journées de travail, est citoyen actif et exige une plus forte somme pour l'éligibilité. Néanmoins il a fallu un décret particulier pour faire jouir les Juifs de ce droit : ce décret a été rendu et l'on n'a pas vu ces nouveaux citoyens s'armer pour interpréter le décret primitif et générique; ce n'a été que par les voies de la douceur qu'ils sont parvenus à se faire écouter, et ils n'ont exerce leurs droits qu'après la promulgation du décret rendu en leur faveur et sanctionné par le roi.
Pourquoi n'êtes-vous pas satisfaits de l'arrêté du 20 septembre ? Parce que vous le commentez avec passion, et la passion entraîne l'injustice. Je vois que le souvenir du passé vous effarouche ; il change vos caractères dociles et généreux, il vous met en garde contre les citoyens blancs et vous prévient contre eux, tandis qu'ils ne s'occupent aujourd'hui que des moyens de vous satisfaire. Oh ! mes enfants, cette situation de vos esprits m'afflige beaucoup ! Songez donc que les dispositions contre vous ne sont plus les mêmes. C'est un fait. Qu'importe les motifs qui ont occasionné ce changement, dès qu'il vous est avantageux. Ne pensons plus qu au bien qu'il vous promet et qui se réalisera peu à peu. Evitons surtout les secousses, elles entraînent toujours les plus grands malheurs.
Par l'article 2, l'assemblée générale se propose avec l'approbation de l'Assemblée nationale et la sanction du roi, d'améliorer l'état de ceux des citoyens de couleur qui, n'étant pas compris dans la loi du 15 mai, se trouvent exclus duDé-néfice d'icelle. Comment pènsez-vous être choqués d'un projet aussi bienfaisant ? Que peut-il présenter d'avilissant? Si l'assemblée générale n'a pas été plus loin, c'est parce que la loi du
1er février ne le lui a pas permis. Cette loi lui défendant de
ne rien organiser jusqu'à ce que j'aie reçu officiellement les instructions portant un projet
d'organisation générale pour toute la colonie.
Prenez donc encore quelque temps patience, mes bons amis; point d'animosité, point de passion: dans peu, aussitôt que les lois nationales que l'on attend de jour en jour seront arrivées, on s'occupera de l'organisation définitive et stable de la colonie. Alors les corps populaires provisoires, actuellement existants, s'éclipseront devant les nouveaux corps constitutionnels que la loi établira. Alors, vous concourrez avec les citoyens blancs à la formation de ces derniers corps. La volonté de l'assemblée générale est telle, et telle est aussi la mienne ; placé comme je le suis ici pour faire observer les lois et pour y rappeler ceux qui s'en écartent, depuis le simple citoyen jusqu'au premier corps de la colonie. L'assemblée générale n'a fait aucun acte d'organisation, mais seulement des lois provisoires et de surveillance que les circonstances ont nécessitées.
Quant au troisième article, si l'assemblée générale ne parle que des citoyens de couleur, c'est parce que ses inquiétudes n'ont pu regarder que cette classe de citoyens, après leur prise d'armes et leur rassemblement dans la partie de l'ouest.
Enfin, vous semblez attaquer la légalité de l'assemblée coloniale, existant sous le nom d'assemblée générale. Cependant, elle ne s'est constituée que conformément aux lois nationales, qu'elle suit de point en point et d'après la promulgation que j'en ai faite le 11 février dernier. Si des troubles et des événements déplorables ont retardé sa formation, cela ne fait point périmer le droit que les citoyens ont eu de la former plus tôt. Ils se sont rendus à Léogane, première obéissance au décret du 28 mars ; et là, après s'être constitués légalement, ils ont choisi le lieu d'assemblée qui leur convenait le plus. Ils étaient libres à cet égard ; on ne peut donc raisonnablement rien objecter contre cette assemblée.
Vous voyez, mes amis, que je vous parle, ainsi que je vous l'ai promis en commençant cette lettre, avec la franchise et la modération d'un bon père qui gémit sur l'égarement de ses enfants. Puissent, mon exemple et les raisons que je viens de vous alléguer, vous ramener à des sentiments de douceur et de paix, dont, surtout dans des circonstances aussi critiques, dépend le salut de la colonie entière et par conséquent le vôtre même. Rendez-vous avec confiance à mes sollicitations; soyez d'ailleurs bien persuadés que vous me trouverez toujours disposé à appuyer vos réclamations, lorsqu'elles seront fondées sur les lois. Soyez donc justes, mes enfants, soyez conséquents; demandez et vous recevrez; mais ne demandez que ce que les lois, revêtues de leurs formalités, autorisent à vous accorder; songez surtout qu'on devient criminel, lorsqu'on demande même la chose la plus juste les armes à la main. L'Assemblée nationale et le roi ont parlé ; ce sont leurs voix seules que nous devons écouter ; je vous en montrerai l'exemple et j'aime à croire que vous ne me ferez pas le chagrin de refuser de le suivre et de concourir ainsi avec moi à assurer votre bonheur. Prouvez-moi, mes braves amis, que vous rendez justice à la pureté de mes intentions et à ma loyauté. Je vous ai demandé d'envoyer un renfort au cordon des
Gonaïves. Cette opération est importante pour couvrir la partie de l'ouest et en fermer exactement tous les débouchés. Votre intérêt même la sollicite; il vaut mieux prévenir le danger de loin, que d'attendre que l'incendie gagne le centre de vos foyers. Quand vous n'y enverriez qu'une centaine d'hommes d'infanterie, ils y seront très utiles et vous m'aurez donné, ainsi qu'à la colonie, une preuve de votre dévouement au bien public, dont on ne pourra manquer de vous savoir Je meilleur gré.
Je vous renouvelle, Messieurs, les assurances de mon sincère attachement.
Au Gap, le
Signé : Blanchelande.
IV.
Lettre de M. de Jumecourt à M. de Blanchelande, en date du 30 septembre 1791 (1).
« Monsieur le général,
« Nous sommes, depuis un mois, dans un état de crise difficile à exprimer. En butte à la haine des malintentionnés de Port-au-Prince, à la méfiance des hommes de couleur, aux principes de désunion et d'apathie qui sont parmi nous; menacés, de tous côtés et sans secours, il n'a pas moins fallu pour nous sauver jusqu'à ce moment, que le respect naturellement dû depuis longtemps à la sage conduite de la paroisse.
A la fin du mois dernier, précisément à l'époque où ont éclaté les malheurs du Nord, les soupçons auxquels donnaient lieu les assemblées des gens de couleur de Port-au-Prince, ont fait éclairer de près leur conduite; et soit effectivement que 1 on eût trouvé dans les maisons de quelques-uns, des amas de cartouches à fusil, ou que de simples inquiétudes aient dirigé les démarches de la municipalité de Port-au-Prince, plusieurs familles, hommes, femmes et enfants ae couleur ont été emprisonnées. A cet événement inattendu, la plupart de ceux qui habitaient la ville se sont réfugiés à la Charbonnière; ceux du Cul-de-sac et des paroisses voisines ont été les rejoindre ; et bientôt nous avons appris que les hommes de couleur étaient en armes dans toutes les parties du Cul-de-Sac.
En qualité de capitaine de la paroisse, j'ai dû m'éclaircir sur cet événement, et j'y ai mis toute la prudence ainsi que la discrétion possible. Les personnes que j'ai envoyées dans les différents postes de couleur ont été la plupart mal accueillies; cependant, elles ont fini par inspirer la confiance, et les différents postes m'ont fait dire : « Que forcés par des vexations insupportables « depuis la malheureuse affaire du fond parisien, « instruits que l'on se refusait de toutes parts à « satisfaire aux prétentions auxquelles l'Assem-« blée nationale les avait appelés, le désespoir « les avait réunis, et qu'ils ne quitteraient pas « les armes qu'ils n'eussent acquis à demeure « les droits de citoyens ; qu'ils nous invitaient « d'ailleurs à leur être favorables, et qu'ils s'abs-« tiendraient encore quelques jours de toute « hostilité sur notre,territoire,^persuadés qu'une « paroisse qui s'était toujours honorée de son « respect et de son obéissance à la partie de la « Constitution sanctionnée par le roi, ne pou-
« vait que soupirer après l'ordre de choses qui « peut enfin remettre l'empire des lois en place « ae l'anarchie. »
« Dans l'intervalle, il y eut à la Charbonnière un choc entre les dragons de ce Morne et les hommes de couleur, où les premiers furent maltraités, dispersés et à la suite duquel plusieurs furent tués et d'autres retenus prisonniers.
« Cet avantage des gens de couleur fît, en un instant, évacuer, par les habitants blancs, la plupart des habitations de la Charbonnière, du fond Perrier et des Mornes adjacents: s'ensuivit une première révolte d'esclaves dont la jonction avec les hommes de couleur nous menaçait des suites les plus funestes à l'époque où nous apprenions les événements affreux de la parlie du Nord.
« Je m'empressai d'assembler la paroisse; et sans chercher à décourager personne, je persuadai à peu près tous mes concitoyens de l'inutilité de mettre les événements à plus longue discussion, mais de la nécessité absolue de remettre tous les pouvoirs à une seule personne qui devint absolument libre dans les opérations nécessaires au salut public. La paroisse eut fit bonté de me nommer et de joindre àcettenomir nation toutes les conditions que je pouvais désirer.
« Il est presque inutile de vous dire, Monsieur le général,-que cette démarche ne pouvait être sincère pour tout le monde, et que la terreur, jointe à l'intrigue, travaillait ouvertement à choisir le pire des remèdes, c'est-à-dire à nommer une municipalité, à se réunir à Port-au-Prince, à lui demander des secours d'hommes et d'artillerie, et enfin à faire abandonner la plaine pour se réfugier en ville si les événements devenaient plus critiques; mes amis, ceux de nos concitoyens qui apprenaient comme moi la modicté des secours de la ville, le danger même de les appeler parmi nous, ont opposé une fermeté qui peu à peu a détruit les intrigues opposées. Nous crûmes alors devoir profiter du respect que les hommes de couleur témoignaient encore pour la Croix-des-Bouquets, et de l'espèce de confiance dont je retrouvais de profonds vestiges parmi ceux que j'avais employés l'année dernière.
« Une députation choisie se rendit au camp de la Charbonnière pour inspirer aux hommes de couleur des principes de modération, leur peindre les dangers qu'ils courraient avec nous comme propriétaires, l'impossibilité d'arrêter le torrent ae la révolte, si, dans des circonstances aussi généralement menaçantes pour toute la colonie, ils prenaient pour guides leurs passions. Une pareille députation se rendit à Port-au-Prince, avec une adresse où nous offrions notre médiation, où nous supplions de cesser toute hostilité, où, en un mot, nous cherchions à éteindre des intérêts particuliers pour faire tourner tous nos moyens au salut général ; cette députation fut mal accueillie, et, dans la même nuit, Port-au-Prince fit marcher des détachements, qui, dans la matinée du lendemain, attaquèrent les hommes de couleur, et furent dispersés avec une perte très considérable; le détachement de ligne ayant été abandonné de suite, et presque tous tues ou pris.
« L'armée ae couleur, forte d'un pareil succès, se rendit au bourg avec ses prisonniers et successivement fut établir son camp aux environs de la Coupe des grands bois. Nous leur devons la justice de dire que cette journée qui devait être celle de la députation du Cul-de-Sac, n'a été
suivie d'aucun événement important; nécessité par le concours des circonstances à prendre des mesures promptes, j'ai cru, ainsi que les citoyens du conseil, devaient tout entreprendre pour assurer le salut de la plaine, persuadé que de son sort pouvait dépendre celui du reste de la colonie.
« Effectivement, quoique contrarié dans toutes mes démarches, nous sommes parvenus, deux jours après, à signer de bonne foi un accord qui, sans avoir rien d'injurieux pour nous, soumet les parties contractantes à l'exécution précise, sans restriction ni protestation des décrets nationaux sanctionnés par le roi, et connus dans la colonie jusqu'à ce jour, promettant d'ailleurs de ne pas nous opposer à l'exécution du décret du 15 mai, s'il arrivait revêtu de la sanction royale; et d'après cet acte qui mettait, dès ce moment, les nommes de couleur d-^ notre paroisse en possession du droit de citoyen, sous les conditions prévues par les décrets nationaux, nous nous sommes promis, de part et d'autre, d'employer tous nos moyens respectifs pour empêcher les progrès de la révolte, et de la couper jusque dans ses racines.
« Peu de jours après, la commune de Port-au-Prince a fait, avec la même armée, un traité qui, dans son origine, porte sur les objets primitifs de la querelle, et finit par établir l'harmonie et la défense réciproque aux mêmes conditions.
« Jusqu'à ce jour, la signature de l'état-major et d'un nombre médiocre de citoyens de Port-au-Prince manque au rétablissement complet de la bonne intelligence ; et les démarches de ce parti, pour décider les hommes de couleur à une confédération d'indépendance, nous font craindre à chaque instant de voir renaître une crise que nous avons eu bien de la peine à retarder.
« L'arrivée de plusieurs bâtiments anglais, en inspirant de la confiance au parti de l'indépendance, qui paraît les avoir appelés, a jeté de nouvelles inquiétudes dans les esprits, et nous serions dans l'embarras le plus extrême si nous avions à la tête des forces navales de l'Ouest, un chef moins recommandable quo M. de Gri-mouard pour les qualités qui constituent le patriotisme, l'activité et l'intrépidité.
« Cette position par rapport aux instructions possibles est toujours critique. Sept habitations sont à peu près en état de révolte contre leurs gérants, et ce n'est qu'à force de douceur, de patience et de surveillance que rien n'éclate. De ce grand nombre de nègres qui ont quitté les ateliers pour joindre l'armée de couleur, partie sont retournés degré chez leurs maîtres (on ne peut se dissimuler qu'ils y sont suspects) ; partie, suivaut un concordat passé entre les commissaires des deux paroisses et de l'armée, se trouvent incorporés dans l'armée$|des conditions particulières qui assurent à ces nègres la liberté au bout de 8 ans de service dans les maréchaussées de la province.
« Je dois aux citoyens de couleur toute sorte de justice: ils ont non seulement retenu les ateliers dans le devoir, mais ils les ont surveillés d'eux-mêmes par des patrouilles fréquentes et pénibles ; m'ont indiqué à chaque instant du jour et de la nuit l'espèce de surveillance que j'avais à Remplir plus pressamment ; m'ont envoyé des secours aussi prompts que mes courriers; m'ont aidé à faire arrêter nombre d'hommes suspects, de mauvaise conduite, scélératesse,
ou philanthropie ; c'est avec leur secours que je me suis rendu maître du nommé Pierre Ogé, soldat de l'ancien régiment, l'un des assassins de M. Mauduit, homme dont la figure seule respire le crime, mais qui est en lieu de sûreté, à la suite de ces interrogatoires et de quelques aveux importants.
« Enfin, Monsieur le général, je me suis assuré par de fréquentes conférences où j'ai appelé avec soin les citoyens les plus respectés de la paroisse, que les hommes de couleur sont déterminés à verser leur sang pour l'exécution des décrets connus jusqu'ici dans la colonie,sanctionnés par le roi et reçus officiellement; qu'à la vérité ils réclament comme justice et comme suite de la fidélité qui a préside à nos concordats, leurs prétentions aux droits de citoyens actifs, mais aussi ils offrent à la France toutes leurs forces, tous leurs moyens pour lui conserver cette colonie et pour y rétablir l'ordre, la sûreté et les lois nationales.
« Les menaces du parti de l'indépendance, et la subite arrivée des bâtiments anglais portant des secours^ encore inconnus pour l'espèce, viennent de nous plonger de nouveau dans l'inquiétude; les circonstances ont tellement lié notre sort à celui des gens de couleur, que si les menaces des indépendants de Port-au-Prince venaient à se réaliser, il arriverait que les gens de couleur, obligés de se retirer vers les Mornes, pour s'y défendre, ou rassembler leurs forces, nous mettraient nécessairement dans l'alternative de les suivre en abandonnant la plaine, ou de nous séparer d'eux, soit en restant sur nos propriétés, soit en nous réunissant avec le.parti dominant.
« D'après le premier cas, les indépendants saccageront eux-mêmes le Cul-de-Sac; dans le second, tous les ateliers se soulèveront et achèveront la désolation de cette partie; alors le reste est dans le plus grand danger.
« Telle est, Monsieur le général, notre position ; elle est telle que nous sommes nécessités à demander des secours aux paroisses voisines, et, par ce moyen, nous les empêchons de suivre ce sentiment d'attachement et d'obéissance qui les porterait naturellement à aller au secours de la province, où vous exposez vos jours pour le salut public;
« Je ne vous cache point, Monsieur le général, que l'armée des gens de couleur a voulu me dé-lérer, il y a quelques jours, le commandement, mais vous pensez que ie n'aie pas dû l'accepter, même pour le salut puolic en péril, tant que je n'y serais pas appelé par vos ordres, ou par ceux de l'assemblée générale; j'ai pris d'ailleurs toutes les précautions possibles relativement à notre petit nombre, à notre faiblesse et à notre espèce de découragement qui règne parmi nous, pour que nous puissions faire face aux insurrections : 14 points de défense où se rassemblent toutes les nuits les blancs de 5 ou 6 habitations les plus, voisines, un corps de garde de 15 hommes à Santo, un ae 30 à Peyrat, à renforcer sans délais les premiers points menacés.
« Veuillez, Monsieur le général, rendre justice à notre zèle, approuver notre conduite jusqu'à ce moment, la rectifier, s'il est nécessaire, en nous faisant connaître vos intentions, et en nous dirigeant, à votre exemple, à la conservation de cette malheureuse colonie. Je prends la liberté de vous désigner d'avance M. Cornalet, pour occuper la place de prévôt à la Groix-des-Bouquets ;
l'estime générale parle pour lui, et il nous importe de le mettre à la tête de cette partie à laquelle, d'ailleurs, il me parait jusqu'ici dans le cas d'être utile plus que personne; il était précédemment prévôt à Jacmel, exempt à Port-au-Prince, destitué de cette dernière place par l'assemblée administrative; et enfin, depuis quelque temps, il est ici de la plus grande utilité, par son zèle, son activité et ses talents. Il me paraît inutile, Monsieur le général, que je vous fasse de nouveau ma profession de foi ; tant que ie vivrai, je ne serai, j'espère, dirigé que par l'amour du bien et par mon zèle pour ma patrie.
« Le. .
V.
Lettre de M. de Blanchelande à M. de Jumêcourt, en date du 16 octobre 1791 (1).
« J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écnre le 30 du mois dernier, par laquelle vous me faites un détail circonstancié de la conduite sage et modérée de la paroisse de la Groix-des-Bouquets à l'égard des citoyens de couleur. Je vous en fais mes remerciements et ne puis qu'applaudir aux mesures qui ont été prises pour empêcher la ruine de ce quartier, et sans doute des provinces de l'Ouest et du Sud. C'est à l'influence de vos lumières, Monsieur, et à votre autorité qu'est dû le rétablissement de la paix et de l'ordre dans la plaine du Cul-de-Sac. Je ne doute pas que vous ne continuiez d'apporter dans la suite des affaires, la même prudence, le même esprit de conciliation et de douceur; et non seulement votre paroisse, mais la colonie entière vous devra son salut.
« L'adhésion pure et simple aux décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, concernant les colonies, qui est portée dans le Concordat passé le 7 septembre entre les citoyens blancs et ceux de couleur, est de toute justice. L'assemblée générale a promis solennellement, par son arrêté du 20 septembre, l'exécution de ces décrets, et notamment de celui du 15 mai, lorsqu'il sera connu ici officiellement et l'approbation que j'ai donnée à cet arrêté est garante de mon opinion à cet égard; mais il me semblerait inconstitutionnel et infiniment dangereux de hâter l'exécution de ce décret avant sa promulgation. Dans l'article 4 du Concordat, les citoyens de couleur fondent leur demande sur l'article 4 des instructions nationales du 28 mars 1790. Ils se croient compris dans l'énoncé général de cette loi ; ils n'ont pas fait attention que l'Assemblée nationale a annoncé elle-même depuis
Su'il ne serait rien statué sur l'état des personnes ans les colonies, que sur la demande formelle des assemblées coloniales ; et cette question, si c'en était une, est évidemment résolue, contra-dictoirement à l'interprétation qu'en font les citoyens de couleur, par l'existence même du décret du 15 mai dernier; car puisque l'Assemblée nationale a rendu ce décret, elle a donc senti l'insuffisance des décrets précédents pour pouvoir être appliqués aux citoyens de couleur qui n'avaient encore joui d'aucuns droits politiques, de même qu'elle a jugé nécessaire d'en
rendre ùh particulier en France pour les Juifs, enfants et habitants de la métropole depuis des siècles, en vertu duquel seulement ils ont commencé à jouir du titre de citoyens actifs, quoiqu'ils remplissent antérieurement toutes les conditions requises aux termes du décret général concernant ce titre.
« Au reste, Monsieur, cette difficulté ne peut manquer d'être levée dans peu ; j'attends à chaque instant l'arrivée qui m est annoncée du décret du 15 mai et des instructions qui l'accompagnent; je les promulguerai aussitôt; alors tout sera applani, chacun connaîtra clairement, ses droits et en jouira dans toute leur plénitude. Ce n'est donc plus, pour les citoyens de couleur, qu'une affaire de patience et seulement pendant quelque temps.
« Jre vous engage, Monsieur, à les exhorter à ne rien précipiter. Vous sentez comme moi le danger de la moindre secousse ; tout serait perdu, et pour les blancs et pour eux. Votre zèle pour le bien public et la considération que vos vertus vous ont acquises, me fait espérer que vous réussirez, comme vous l'avez fait jusqu'à présent, à tout pacifier.
« J imagine. Monsieur, que les inquiétudes dont voUs me parlez sur l'arrivée de quelques bâtiments de guerre anglais, dans la rade de Port-au-Prince, sont maintenant totalement dissipées, puisque ces bâtiments sont repartis. Ces inquiétudes n'auraient pas sans doute eu lieu, si l'on eût su que moi-même, de concert avec l'assemblée générale, j'avais demandé des secours dans toutes les colonies voisines, anglaises, espagnoles et autres.
« Encore un coup, Monsieur, j'espère que votre exemple et vos bons conseils influeront puissamment sur la tranquillité de votre quartier. Ne cessez, je vous prie, de prêcher modération et patience et que chacun mette un peu du sien pour y maintenir la paix, en attendant l'organisation générale et prochaine de la colonie, et tout ira bien.
« Je vous recommande le nommé Pierre Ogé : s'il est un des assassins de M. de Mauduit, il est intéressant dé connaître ses complices.
« Au Cap, le
« Signé : Blanchelande. »
VI.
Lettre de M. de Jumecourt à M. de Blanchelande, en date du 12 octobre 1791 (1).
« Monsieur le général,
« Depuis le paquet que j'ai eu l'honneur de vous adresser, en date du oO septembre dernier, notre position déjà infiniment critique, a empiré ; et nous touchons peut-être aux derniers instants de l'existence du Cul-de-Sac.
« Quels reproches n'auriez-vous pas à vous faire, Monsieur le général, si ce malheur affreux que nous retardons par tous les efforts possibles depuis six semaines venait se réaliser par suite de votre proclamation du 26 septembre ?
« Certainement, Monsieur le général, vous avez été induit en erreur sur les motifs qui ont donné lieu à la prise d'armes des citoyens de couleur dans toute la partie de l'Ouest, sur ceux qui nous
ont déterminés à signer un concordat avec eux, et sur les suites funestes qui résulteraient aujourd'hui de leur désarmement ou de leur dispersion.
« Représentant du roi et de la nation française dans la colonie de Saint-Domingue, vous êtes revêtu des plus grands pouvoirs pour maintenir la chose publique. Par votre patriotisme, par votre zèle, par des services longs et glorieux, vous êtes plus capable que personne, Monsieur le général, d'employer ces grandes qualités à la conservation d'une colonie que la plus affreuse anarchie va faire périr : votre responsabilité même est pour nous un nouveau motif d'être certains que vous ferez au delà du possible pour opérer cette conservation.
« J'ai eu l'honneur de vous rendre compte de notre position dans les premiers jours de septembre, du concordat signé par la paroisse de la Croix-des-B6uquets, le 7 du même mois, de celui qui a été signé le 11 entre les* citoyens de couleur et le commerce de Port-au-Prince, des obstacles qui préparaient l'inexécution et la violation du même concordat de la part de l'état-major et de la garde nationale de Port-au-Prince, de l'arrivée de quelques bâtiments anglais dans la rade de la même ville, et des inquiétudes que nous avions à cet égard ; enfin, des tentatives faites auprès des citoyens de couleur, pour changer l'objet de leur pacte fédératif.
« Depuis qu'il a paru impossible de détourner les citoyens du but qu'ils s'étaient préposé dans leur concordat avec les différentes parties de TÔiiest, les persécutions ont recommencé avec violence contre les amis de l'ordre; la ville de Port-au-Prince a mis des entraves à la circulation des denrées de première nécessité dans le Cul-de-Sac, déjà' épuisé par des secours alimentaires que nous devons, à juste titre, à ceux qui sont réunis pour notre salut.
« En vain a-t-il été question, à Port-au-Prince, de changer les chefs et officiers de la garde nationale aont le temps de commandement était expiré; en vain les citoyens de couleur ont-ils, par leurs différentes adresses, montré la jmreté et la justice de leurs intentions; chaque instant annonce que Port-au-Prince veut en venir aux dernières éxtrémités, et malheureusement le moindre événement entraînera la ruine totale du Cul-de-Sac.
« C'est dans ces circonstances, Monsieur le général, que votre proclamation du 26 septembre vient ajouter une arme de plus, et une arme bien puissante, aux ennemis de la prospérité publique, en mettant de leur côté l'apparence de la légalité.
« Dans la ferme croyance, Monsieur le général, que le salut de la colonie qui vous est confiée ne vous est pas moins cher qu'à nous-mêmes, je ne m'arrêterai à discuter ni le fond, ni la forme de votre proclamation.
« Elle suppose : l°la tranquillité de nos ateliers nonobstant 1 impulsion générale qu'ils ont éprouvée. Elle suppose : 2° que les citoyens de couleur sont rassemblés pour soutenir, les armes à la main, des principes inconstitutionnels, lorsqu'il est notoire qu'ils ne font valoir les droits auxquels l'Assemblée nationale a jugé à propos de les appeler, qu'au rétablissement et au maintien de la tranquillité publique, ébranlée dans ses fondements, ainsi qu'au maintien de l'obéissance à ceux des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, qui sont officiellement connus jusqu'à ce jour dans la colonie. Vous
savez, Monsieur le général, qu'aucun de ces décrets n'a été mis a exécution, nonobstant la teneur de ceux des 12 octobre, 1er et 12 février derniers.
« Votre proclamation suppose : 3° que la dispersion des citoyens de couleur dans leurs domiciles respectifs, serait l'époque du calme dans la partie de l'Ouest, lorsqu'elle ne peut être, au contraire, que l'époque d'une insurrection des ateliers, et celle des vengeances, non seulement contre les citoyens de couleur, mais encore contre tous ceux qui ont été assez éclairés sur les vrais intérêts de la France pour s'unir, par un concordat solennel, à une classe d'hommes libres, que les bienfaits de la nation appellent plus particulièrement à la défense de la patrie.
« 4° Si nous parcourons les décrets déjà cités, nous y trouverons le jugement de l'Assemblée nationale et du roi contre cette même municipalité de Port-au-Prince, contre cette même assemblée provinciale de l'Ouest, déjà réprouvée l'année précédente; nous y trouvons prononcée la suspension des opérations de toute assemblée coloniale qui se serait formée dans la colonie par suite du décret du 12 octobre; nous y trouvons donc, par avance, l'approbation des pouvoirs législatif et exécutif de la nation française, aux bases de notre concordat avec les citoyens de couleur; et c'est avec une entière confiance, Monsieur le général, dans votre loyauté, c'est avec un profond respect pour le représentant du roi dans cette colonie, que nous remettons sous ses yeux l'opposition aes derniers actes de l'assemblée générale séant au Cap, aux volontés de la nation, consignées dans les décrets déjà cités, et qu'au tableau douloureux de notre position depuis six semaines, nous ajoutons les affreuses conséquences de la guerre civile qui va s'allumer, et de la ruine totale de l'Ouest, dont la proclamation du 26 septembre aura accéléré le terme.
« La paroisse de la Croix-des-Bouquets, toujours animée du même patriotisme, s'est déterminée, dans sa séance du 10, à envoyer à la commune de Port-au-Prince une députation chargée de lui présenter l'importance de ses engagements avec les citoyens de couleur, et les suites terribles qui résulteraient de la violation du Concordat. Notre députation était à peine rendue dans cette ville, qu'elle a reconnu le Ranger de sa mission. Témoins des désordres les plus affreux, nos députés nous ont rapporté des paroles de sang, affligeant contraste des paroles de paix dont ils avaient été les porteurs.
« La paroisse s'est particulièrement adressée à M. Desaulnois, pour le supplier de suspendre l'effet de la proclamation du 26 septembre, jusqu'à ce que nous ayons mis sous vos yeux, Monsieur le général, les motifs de notre conduite et le tableau de nos calamités; mais que peut-il au milieu d'une ville où les méchants dominent par la violence, et où la force publique est sans activité!
« S'il en est encore temps, Monsieur le général, venez au secours des infortunés habitants du Cul-de-Sac pour lesquels votre proclamation du 26 septembre se trouve, par des circonstances qui vous étaient inconnues, un arrêt de proscription qui prononce la ruine entière d'une colonie que vous êtes venu défendre et conserver à la France. S'il en est encore temps, Monsieur le général, retirez cette pièce, dont l'existence peut porter nos .maux à leur comble. Mais pouvons-nous espérer que nous existerons encore
lorsque nos supplications vous parviendront? De quelle douleur ne serez-vous pas saisi, Monsieur le général, en apprenant que le Cul-de-Sac en cendres est un nouveau monument de notre inviolable fidélité aux lois constitutionnelles de la France.
« Le
• Signé : De jumécourt. »
VII
Lettre de M. de Blanchelande à M. de Jumécourt, en date du 21 octobre 1791 (1).
« D'après la lettre, Monsieur, que vous m'aviez fait l'honneur de m'écrire le 30 septembre, les dispositions que vous aviez faites pour maintenir l'ordre et le calme dans la plaine du Cul-de-Sac, et les concordats signés entre les paroisses de Port-au-Prince, de la Croix des-Bouquets, et des citoyens de couleur, j'avais espéré que la tranquillité allait être assurée dans ce quartier et je jouissais par avance de cet espoir si consolant, lorsque votre lettre du 12 de ce mois est venue renouveler mes sollicitudes et mes chagrins.
« Quoi ! Monsieur, est-il possible que ma proclamation du 26 septembre ait souffert une interprétation assez défavorable pour causer des événements aussi sinistres que ceux que vous paraissez craindre? Je vous avoue que cette idée m'afflige au delà de toute expression.
« 11 n'est pas douteux, Monsieur, que tout attroupement ae gens armés sans réquisition, sans ordre des autoritésîlégitimes,'quels que soientleur couleur et leurs motifs, est par le fait seul condamnable; et si mon désir de voir régner la paix m'a fait garder le silence sur l'irrégularité ae la conduite des citoyens de couleur rassemblés à la Croix-des-Bouquets, j'ai cru devoir du moins employer l'autorité pour faire cesser cet attroupement dont, loin de prévoir l'utilitépour la chose publique, j'avais lieu de craindre des effets funestes par la défiance et les inquiétudes que pouvait jeter dans les esprits, et qui jetait, en effet, surtout dans la ville de Port-au-Prince, la proximité d'un camp resté en état de guerre, malgré les conventions signées de part et d'autre ; telle a été la raison puissante qui m'a déterminé à rendre ma proclamation ; tel a été mon véritable motif; et d après les efforts que je n'ai cessé de faire depuis que je commande dans cette colonie pour tâcher d'y rétablir l'harmonie et d'y concilier les différents partis, on ne peut raisonnablement m'en supposer, d'autre.
« Aujourd'hui, Monsieur, vous me faites connaître que la présence des citoyens de couleur est nécessaire à la sûreté de votre quartier; à Dieu ne plaise que je m'y oppose. Sous ce point de vue, ma proclamation ne peut pas plus les regarder que dans ceux de leur classe qui se rendent journellement tous les différents camps établis pour la défense de la province du Nord. Elle ne portait, cette proclamation, que sur ceux qui pouvaient troubler l'ordre public, et dès que les habitants de la plaine réclament eux-mêmes leurs secours comme nécessaires pour maintenir ce même ordre, non seulement j'approuve qu'ils se rendent à une pareille réquisition, mais mêm». je l'ordonnerais s'il le fallait.
« Je vous ferai cependant, Monsieur, quelques
observations à cet égard; je ne pense pas qu'il soit nécessaire pour garaervotreplainequé les troupes de couleur «oient aussi nombreuses qu'on m'assure qu'elles le sont; vous sentez commemoiqu'un rassemblement de 3,000 hommes en plus annonce des défiances et peuvent causer des alarmes qui ne peuvent qu'aigrir les esprits et produire les effets les plus fâcheux. Je ne vous cacherai même pas qu'on m'avertit que les citoyens de couleur ont des vues hostiles contre Port-au-Prince. Ah! Monsieur, ne négligez rien pour les ramener à la saine raison j je ne leur fais pas l'injure de croire qu'ils sont incapables de l'entendre ; faites-leur sentir toute l'horreur d'un pareil dessein, faites-leur voir combien il serait pernicieux, uelle qu'en fût l'issue, et pour ceux qu'ils vou-raient combattre et pour eux-mêmes. Tout serait enseveli sans distinction sous les ruines de la colonie, pour la conservation de laquelle nous devons tout sacrifier; déjà assez de malheurs la désolent, cette brillante colonie, sans y ajouter encore le fléau désastreux d'une guerre civile.
« Que demandent ces citoyens de couleur connus jusqu'à présent autant par leur douceur que par leur courage? L'exécution ponctuelle et prompte des concordats passés entre eux et les citoyens blancs. Je vous ai observé, Monsieur, dans ma lettre du 16 octobre, qu'il serait prématuré et je crois dangereux de vouloir exécuter sur-le-champ l'article 4 du Concordat, avec la paroisse de la Croix-des-Bouquets. Je vous en ai donné les raisons ; je les crois bonnes. Si quelques corps populaires ne paraissent pas constitués légalement, on doit avoir égard aux circonstances infiniment critiques où la nécessité les a formés et qui m'ont engagé moi-même à les reconnaître provisoirement. Outre que quand je le voudrais, ilnedépend pas de moi de les dissoudre, leur existence n étant pas provisoire, ie ne vois pas quel inconvénient il peut y avoir a ce qu'ils subsistent encore quelque temps en attendant que les lois nationales concernant l'organisation générale de la colonie me soient parvenues; et j en verrais mille à accélérer le moment de leur séparation; ce serait une nouvelle secousse, et elle pourrait se renouveler dans peu si la formation des nouveaux corps qu'on leur substituerait ne se trouvait pas conforme au mode qu'on aura décrété.
« Engagez donc, Monsieur, les citoyens de couleur à attendre comme moi les lois qui doivent nous régir tous; elles ne peuvent tarder désormais, et alors leur exécution, qui aura lieu tout naturellement et sans commotion, remplira les vœux des citoyens de couleur.
« Les citoyens de couleur craindraient-ils que l'on vint les attaquer de Port-au-Prince! J'ose croire qu'il n'en sera rien. Si quelques opinions particulières étaient pour cette démarche inconsidérée, j'espère qu'elles n'auraient pas l'approbation du grand nombre, et pour ma part, vous pouvez, Monsieur, les assurer que je viens, sur les simples inquiétudes qui ont été témoignées à ce sujet, quoique je ne les regarde pas comme fondées, de défendre aii commandant pour le roi à Port-au-Prince, de se rendre à aucune réquisition qui pourrait lui être faite pour faire marcher les troupes de ligne contre le camp des citoyens de couleur de la Croix-des-Bouquets, dont j'autorise par cette lettre la continuation, mais seulement en nombre jugé suffisant par les habitants de la paroisse pour leur propre sûreté.
u Vous voyez, Monsieur, que je fais tout ce qui est en moi pour empêcher que vos maux ne s'ag-
gravent. Je compte toujours beaucoup sur votre prudence et votre modération pour tempérer l'a-nimosité des esprits. Vous pouvez montrer cette lettreet la précédente aux chefs de l'armée decou-leur ; je les exhorte au nom de la patrie en danger à faire quelques sacrifices momentanés pour le bieii commun; et, pour ne leur laisser aucun doute sur la portée de mes intentions et sur ma ferme résolution d'appuyertoutes leurs demandes lorsqu'elles seront justes et conformes aux décrets nationaux sanctionnés par le roi, je vous prie de leur communiquer la copie de la réponse que j'ai faite dernièrement à leurs frères du Mire-balais et qu« je joins ici.
« Au Cap, le
« Signé: Blanchelande. »
VIII.
Lettre de M. Desaulnois à M. de Blanchelande, en date du 16 octobre 1791 (1).
« Monsieur le général,
« 11 me paraît que les honnêtes gens de la ville, l'assemblée administrative et la municipalité sentent la faute qu'ils ont faite de laisser annuler le Concordat avec les gens de couleur.
« Car depuis 4 à 5 jours, l'on est entré en pourparlers avec eux ; M. de Caradeux leur ayant écrit lui-même, lui qui était si opposé au Concordat, lui, qui, réuni à d'autres, a pour ainsi dire ameuté le peuple et nos soldats contre eux, pour en favoriser la cassation et marcher contre eux, malgré mes opinions si fortement montrées contraires et dont il avait tiré parti pour me faire suspecter de les favoriser.
« En conséquence, les mulâtres ont envoyé une dèputation, de 15 à 20, pour demander des vivres et les escorter.
« Le peuple et les soldats, ameutés contre eux, proposaient de les pendre à la municipalité et, au lieu de vivres, ae leur envoyer des boulets. Mille autres invectives et quelques coups de bâton ont été dispersés injuslement sur eux.par des soldats, mais par la prudence des mulâtres, cela n'a pas eu de suites lâcheuses, et ils se sont retirés de la ville avec la promesse qu'on leur en enverrait dans l'après-midi.
« L'on a chargé plusieurs cabrouets de farine, de nantègre, vin, nuile, chandelle, etc., pour faire passer à leur camp. Pour en assurer la sortie de la ville, MM. de Caradeux, Le Breton, etc., les escortèrent; mais, rendus à la barrière du Fort-Saint-Josepn, il a été impossible de les faire passer outre, par l'attroupement du peuple et des soldats qui se fourrent partout et su mêlent de tout, qui se sont constamment opposés, au point qu'ils n'ont pu suivre leur destination, malgré tout ce qu'a pu dire et faire M. de Caradeux qui les menaçait de donner sa démission.
« Le peuple et les soldats crièrent envers lui et envers M. Le Breton, à la trahison; qu'ils envoyaient des vivres à leurs ennemis pour les nourrir et les faire assassiner par eux et leur livrer la ville; qu'il valait bien mieux faire battre la générale et marcher contre eux.
« Ne pouvant leur faire entendre raison et s'en faire ODéir, il revint à la municipalité qui s'y
rendit en corps et en écharpe et promit que les vivres ne partiraient pas jusqu'à nouvel ordre; cette populace cria : bravo ! bravo ! etc.
« Ils ont été, les uns et les autres, témoins que lorsque l'anarchie a été portée à son comble, il devient presque impossible d'y remédier, surtout quand on n'a aucune force pour la réprimer.
« Les soldats se mêlent de tout et excitent les désordres, tantôt pour et tantôt contre. Car ce sont des girouettes qui tournent à tout vent et de préférence au mal. On se flatte que ceux qui y sont le plus naturellement portés ne sont pas le plus grand nombre; mais si cela ne leur convenait pas à tous, comment la plus grande partie ne les arrêterait-elle pas elle-même et se laisserait-elle ainsi brider et entraîner ?
« Ces raisonnements conséquents et qui paraissent justes, me font croire qu ils sont tous également gangrenés et me font bien craindre que tant que nous serons ici, la colonie ne jouira jamais d'une paix parfaite.
« Les sous-officiers et soldats se mêlent et épousent toutes les querelles politiques de la colonie, dont leurs officiers ne veulent pas se mêler, ce qui les fait traiter, ainsi que moi, d'aristocrates.
« Demain ils ont une assemblée divisée par sections, pour éviter la multitude et le tumulte. La municipalité avait rendu un arrêté pour qu'il n'y eût que les citoyens actifs qui y eussent leurs entrées, mais elle a été forcee de changer son plan et d'accorder l'entrée à tout ce qui est dans la garde nationale; le peuple et les soldats commandant pour ainsi dire et faisant faire leurs volontés.
« Il est question d'y nommer des commissaires de la paroisse qui, réunis avec ceux de toutes les paroisses de l'Ouest, pourront travailler à de nouveaux arrangements avec les gens de couleur.
« Dieu veuille que cela réussisse et qu'ils n'aient pas lieu de se repentir d'avoir annulé leur premier concordat; car si le peuple et les soldats qui demandent la guerre ont la prépondérance pour y entraîner, ils en seront les victimes, n'étant pas en état de la faire contre eux. Les malheurs des plaines du Nord devraient bien leur servir de leçon pour les rendre plus prudents, plus sages et raisonnables et les persuader de s'enrichir des dépouilles du Nord.
« La tête de nos soldats trotte toûjours; on les persuade apparemment que nous ne surveillons as assez leurs intérêts ; car il me vint avant-ier au soir une députàtion de toutes les compagnies des deux bataillons pour avoir communication de toutes les ordonnances, tant anciennes que nouvelles : je leur ai dit que je ne les avais pas, mais qu'ils pourraient se les" procurer sbit à la municipalité, soit à l'intendance, qyeVils découvraient quelque chose qui assurât un traitpnjent'meiiieùr, je plaiderais leurs droits.
« Il§ mà parcouru municipalité, intendance, et M, Offert leur # procuré les six volumes de M. ÈJpreàii de Saigt-Méry, qu'ils compulsent au quartier.
« Ils m'ont djt qu'étant en guerre, il leur revenait un qyart d'4ugmentatio~n de paye par jour étant troupe d'Europe ; du tafia, du riz et deux soïis par jour, de plus pour leur coucher, n'ayant ni matelas ni paillasses. J'ignore si ces prétentions seront suivies et renouvelées,
« Je leur ai répondu que l'on ne se regardait en guerre que quand une puissance l'avait décla-
rée, que la comparaison ne pouvait être la même pour des temps de troubles.
« Le
« Signé : DESAULNOIS. »
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
A MES COLLÈGUES, par M. BRÉMONTIER, député de la Seine-Inférieure (1).
A MES COLLÈGUES,
« Il s'agit de déclarer une intention que vous aves tous, qui doit être incessamment connue, et qu'on ne pourrait vous empêcher de manifester qu'en yous trompant. »
Mirabeau, n° 40 du Courrier de Provence.
Non, Messieurs, l'espérance de la patrie, la confiance de nos commettants ne seront point trompées ; nos ennemis ne jouiront pas longtemps du criminel triomphe que semblent leur promettre de scandaleux débats. La chose publique n'est point en danger ; mais il est temps de rassurer ceux qui espèrent en nous ; il est temps d'employer à leur véritable usage des moments qui auraient dû être consacrés tout entiers à l'achèvement de ces lois qui doivent fortifier le précieux dépôt confié à notre fidélité ; il est temps enfin, mais il est «ncore temps, de nous environner de la considération publique, en substituant aux bruyantes explosions de 1 amour-propre et de l'esprit de parti, la solennité et le calme des discussions approfondies.
Les agitations que nous éprouvons depuis notre installation ne proviennent d'aucune faction, d'aueune conspiration contre l'ordre établi ; elles sont l'effet naturellement prolongé d'une grande "i commotion toute récente ; c'est une suite de la fermentation des esprits, encore échauffés par les grands et utiles changements opérés dans l'ordre politique; et ce que nos ennemis se complaisent à voir comme les signes d'une nouvelle éruption, n'est qu'un reste de vapeurs et de laves encore fumantes.
La liberté et la Constitution ne sont qu'un. Nos dogmes en liberté sont les mêmes ; le culte seul peut être différent. L'esprit révolutionnaire, les déclamations phosphoriques doivent disparaître du sein de l'Assemblée nationale; ce sont des lois, de bonnes lois que la nation attend de nous : l'Acte constitutionnel nous indique celles dont nous devons nous occuper plus particulièrement; et de ces lois profondément méditées dépend en grande partie le retour de l'ordre, l'acquittement des impôts, l'esprit et le crédit* j)ublic. Imprimons à la machine politique le mouvement que sa nature comporte ; observons ces mouvements et transmettons à nos successeurs ces rouages éprouvés, sur la réforme ou le maintien desquels le temps et l'expérience mettront à portée de prononcer suivant le mode indiqué par cette Constitution. Nous l'aimons tous ; et, quand son maintien ne serait pas le plus impérieux de nos devoirs, l'intérêt et le honneur publics nous ral-
lieraient autour de cette sage institution, l'une des plus belles conceptions ae l'esprit humain. Aurions-nous pour elle moins de respect que n'en ont les Anglais, nos estimables rivaux en liberté, pour un régime dont ils rëconnaissent depuis longtemps les vicieuses influences ?
Après avoir donné aux nations des exemples de ce que peuvent le courage et lè génie français, montrons ce que peut sur nous l'esprit de sagesse et de modération ; provoquons par notre réunion dans le sein même de l'Assemblée, l'harmonie si désirable dans ce grand Empire; et n'adressons la parole au peuple françâis qu'après avoir détruit, dans le sein même du Corps législatif, ces germes d'effervescence inconciliables avec l'impassibilité qu'exigent la formation et l'examen des lois.
C'est pour y parvenir, c'est pour rétablir au sein de la législature cette paix intérieure dont elle doit l'exemple, que je propose le moyen suivant, qui, s'il est insuffisant, en provoquera peut-être de plus efficaces.
Si, comme je me le persuade, il est nécessaire d'établir à portée des membres de l'Assemblée nationale, un point de ralliement où. les opinions, les réflexions particulières, les communications franches puissent se développer, établissons, dans le même local destiné a nos assemblées, des conférences où pourront se rendre les députés qui n'étant membres d'aucun comité, ou qui, pouvant disposer d'une partie de leurs soirées, s'expliqueront librement sur les objets relatifs à notre mission. Là, au milieu des seuls députés, et à l'exclusion dé tous étrangers, celui de nos collègues que sa modestie ou une timidité naturelle éloigne de la tribune de l'Assemblée nationale, pourra proposer ses doutes ou ses vues ; nous les discuterons paisiblement, nous nous entourerons de lumières de tous nos collaborateurs ; et c'est ainsi que nous parviendrons peut-être à étouffer ces germes de discorde, ces mouvements désordonnés qui se reproduisent jusqu'au sein même des comités dont ils paralysent les travaux.
La faculté de nous former en comité général ne peut avoir, à mon avis, les mêmes avantages. C'est au milieu du trouble, c'èst dans l'aigreur des discussions que ce comité se formé ; et cette faculté, de l'exercice de laquelle il me semble que nous devons user sobrement, a surtout les inconvénients d'éloigner de nos délibérations le public, dont la curiosité est, par cela même, d'autant plus puissamment 'excitée.
Le comité général tumultueusement demandé, et formé au milieu des réclamations et de l'exaspération des esprits, se ressent nécessairement ae la chaleur de controverse qui l'a fait naître; le trouble se prolongera inévitablement, et l'on atteindra rarement ie but salutaire pour lequel il a été institué. Il faut donc recourir à d'autres moyens et celui dont il s'agit me paraît le seul convenable pour élaborer des projets de décrets que doit motiver la seule et froide raison.
Je vous prie donc, Messieurs, d'examiner ce moyen dans votre sagesse, ou d'en proposer quelqu'àutre plus efficace; mais toujours me paraît-il convenable de n'adopter le projet de l'éloquente « Adresse au peuple français » qui vous a été lue (1), qu'après avoir opéré entre nous un rapprochement si nécessaire.
Nos exhortations n'auront de succès qu'en offrant nous-mêmes l'exemple d'une harmonie qui, venant à se propager dans l'Empire, peut seule rendre impuissants les coupables efforts de nos ennemis intérieurs et extérieurs.
Signé : BRÉMONTIER,
Député du département de la Seine-Inférieure.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
, au nom du comité des pétitions, fait un rapport sur diverses pétitions et adresses qui lui ont été renvoyées; il s'exprime ainsi : Messieurs, votre comité des pétitions m'a chargé de vous présenter l'analyse des adresses qui lui ont été renvoyées depuis le dernier rapport que vous a, fait l'un de mes collègues. Je vais rappeler ces diverses adresses le plus succinctement qu'il me sera possible.
Les administrateurs et conseils généraux des départements de l'IUe-et-Vilaine, des Deux-Sèvres, de la Vendée, de la Haute-Vienne, de la Corrèze, du Jura; ceux des districts de Tonnerre, de Dun et de Laon ; les Sociétés des amis de la Constitution de Pont-de-l'Arche, de Machecoul, d'Arras, de Guise, de Guingamp, de Pontoise ; un nombre considérable de citoyens des villes de Dijon, d'Angers, de Blois, de Sainte-Marie-aux-Mines, de Moissac, de Langon, de Bagnères, de Clermont, de Landrecies, d Orléans, de Montflan-quin, de Marseille, d'Hernival, de Magene et de la section des Gobelins de Paris ; les communes de Chartres, de Saint-Flour, de Craon, de Lisieux, et les volontaires d'un bataillon des gardes nationales, tous présentent leurs hommages à l'Assemblée, tous lui témoignent leur reconnaissance pour ses décrets contre les émigrés et les prêtres séditieux, décrets qu'ils voient avec peine paralysés par le « veto » qu'ils supposent surpris au roi, par ses ennemis et ceux ae la Constitution.
« Messieurs, ne pouvant vous faire lecture de toutes les adresses qui mériteraient pourtant d'être lues, et où respire le patriotisme le plus pur, l'attachement le plus invariable à là Constitution, et une parfaite soumission aux lois, qu'il nous soit permis de vous rappeler ce qui, dans ces adresses, nous a paru le plus digne de vos suffrages.
« Législateurs, noussuspendons un moment nos travaux, disent les administrateurs de l'Ille-et-Vilaine, pour vous offrir l'hommage d'une contrée où se développa le premier germe de la liberté. Dévoués à la patrie, fidèles à nos serments, appliqués à pénétrer nos concitoyens de l'horreur de l'anarchie et d'un saint respiect pour la loi, vous nous trouverez toujours prêts à mourir avec vous sous les enseignes de la Constitution. » (Applaudissements.).
Ceux de la Vendée s'expriment ainsi : « Deux ennemis projetaient la ruine de l'Empire français, l'un, ouvertement déclaré, nous présentait
le fer et le feu; l'autre,dans l'ombre du mystère, s'efforçait de nous ravir l'existence, notre liberté. Le glaive de la loi est prêt à frapper ces deux monstres, et leur rage n'est point assouvie... qu'ils tremblent! nos volontaires sont armés. Continuez, pères de la patrie, le département de la Vendée n'existe que pour vous, et, fût-il seul, il saura mourir libre. » (Applaudisements.)
Les électeurs du district de Laon, après vous avoir félicités de votre décret sur les prêtres, ajoutent ; « Il ne manque à nos vœux que la sanction ; elle ne tardera pas ; le patriotisme du monarque ne nous laisse aucun doute là-dessus. »
Les administrateurs du district de Dun vous envoient copie de l'adresse qu'ils ont faite au roi; ils lui demandent la sanction sur le décret contre les prêtres séditieux, qui, disent-ils, par leurs manœuvres sacrilèges, empêchent l'exécution des lois, bouleversent l'ordre établi, et portent le découragement dans l'âme des hommes publics, chargés de l'exécution des lois.
Les officiers municipaux de Lisieux exposent combien était utile le décret sur les prêtres ; et combien le « veto » qui a affermi ae plus en plus l'audace des séditieux, put causer de maux dans l'Empire. Ils désapprouvent la conduite du directoire du département de Paris. Ils vous disent qu'ils s'occupent sans relâche de la répartition et du recouvrement des impôts; que, parfaitement tranquilles dans leurs foyers, ils n'en sont que plus disposés à voler au premier signal pour repousser les attaques de nos ennemis, ou même si vous le jugez convenable, pour porter chez les despotes, qui les protègent et les reçoivent, l'immortelle déclaration des droits de l'homme, sous l'étendard de la liberté. (Applaudissements.)
L'adresse des citoyens de Craon mériterait d'être lue en entier . Vous allez en juger par ce peu de mots • — « Législateurs, si vous parlez à ce roi si souvent trompé, dites-lui que toute notre espérance est fondée sur vous, dites-lui qu'il ne s'abuse point sur ces mensonges qu'on débite journellement contre vos lois; que la France veut être libre et qu'elle ne craint pas plus les ennemis du dehors que ceux du dedans ; dites-lui que sur nos portes nous gravons le sentiment de notre cœur, les roots si redoutables à nos ennemis : vivre libres ou mourir! » (Vifs applaudissements.)
La municipalité de Saint-Flour envoie copie de l'adresse que les citoyens de cette ville ont présentée au roi, à l'occasion de son « veto » sur le décret des prêtres. Ils s'élèvent avec force contre la conduite du directoire du départemënt de Paris, (Applaudissements.) de même que les officiers municipaux de Chartres ; « comment, disent-ils, des hommes honorés des suffrages de leurs concitoyens, ont-il osé rivaliser avec la volouté suprême de leur représentant? Le mépris du roi, celui de la nation entière sera le fruit de leur témérité. » (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Les mêmes sentiments de patriotisme, d'énergie, de soumission aux lois et à la Constitution respirent dans les adresses de Marseille et d'Orléans qui vous demandent que vous portiez le décret d'accusation contre les chefs des émigrés. (Applaudissements dans les tribunes.) La section des Gobelins vous le demande contre les membres du directoire. Les citoyens de Dijon demandent également que vous les punissiez. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Un membre : Nous connaissons notre devoir ; il est inutile que les tribunes nous le disent.
Un autre membre : Il est bon que l'opinion publique se manifeste.
, rapporteur. Le conseil du département du Jura vous envoie le procès-verbal de sa session. Celui de la Haute-Vienne vous expose la roisère du peuple de son ressort et vous demande des secours. Celui de la Corrèze vous fait part d'un arrêté qu'il a pris portant que les dépenses qui ont été faites ou qui pourraient être nécessaires dans la suite pour arrêter les insurrections dans les communes, seront supportées par la commune, sans préjudice à elles d'en indiquer les auteurs. Le conseil n'a pris cet arrêté que sous le bon plaisir du Corps législatif.
Votre comité vous propose, Messieurs :
1° De faire mention honorable, au procès-ver-bal, des diverses adresses dont l'analyse vient de vous être faite ;
2° D'envoyer aux archives le procès-verbal de la session du conseil du département du Jura, et au comité des secours l'adresse et pétition du département de la Haute-Vienne, et (fapprouver l'arrêté du département de la Corrèze ;
3° De renvoyer au comité de législation les adresses des citoyens des villes d'Orléans, Dijon, Marseille, et de la section des Gobelins.
J'appuie la mention honorable de toutes les adresses, parce qu'elles respirent le plus pur patriotisme ; mais qu'il me soit permis de vous demander une distinction pour celle des administrateurs du département de la Vendée ; ce département, vous le savez tous, a été plus que tous ceux du royaume, et est encore en proie au fanatisme et exposé aux fureurs de l'aristocratie nobiliaire ; ces deux fléaux les plus opiniâtres de la Constitution y étaient autrefois ouvertement protégés par des administrateurs du département, qui, oubliant leur devoir et leurs serments, étaient indignes de remplir les places honorables que leurs concitoyens leur avaient confiées ; maintenant que tout le département est renouvelé, que les sentiments et le langage de ceux qui le composent est, comme vous venez de le voir, bien différent de ceux des administrateurs auxquels ils ont succédé, je demande, pour l'encouragement de leur zèle et de leur patriotisme, que vous en fassiez une mention honorable et particulière.
L'Assemblée adopte la motion proposée par M. Chassagnac, au nom du comité des pétitions, et rend en conséquence le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète :
« 1° Qu'il sera fait mention honorable au pro-cès-verbal des diverses adresses dont l'analyse lui a été faite ;
« 2* Que le procès-verbal de la session du conseil du département du Jura sera déposé aux Archives, et la pétition du département de la Haute-Vienne sera renvoyée au comité des secours;
« 3° Qu'elle approuve l'arrêté du conseil du département de la Corrèze.
« 4° Qu'elle renvoie au comité de législation les adresses des citoyens des villes d'Orléans, Dijon, Marseille, et de la section des Gobelins. «
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Duport, ministre de la justice, et du compte qu'il rend à l'Assemblée relativement à l'arrestation du sieur Vanney, accusé de fabrication
de faux assignats (1) ; cette lettre est ainsi conçue:
« Monsieur le Président,
i. Le 25 de ce mois, Mme Vanney a exposé à l'Assemblée nationale que son mari avait été arrêté le 31 mai dernier, dans une petite ville de la ci-devant province de Franche-Comté, qu'alors il avait été conduit à l'Abbaye et qu'on le tenait encore au secret le plus rigoureux : elle a demandé qu'il fût promptement jugé et que les communications ultérieures cessassent désormais de lui être interdites. L'Assemblée nationale m'a demandé un compte par écrit de cette affaire : je m'empresse, Monsieur le Président, de le lui envoyer.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc. »
« Signé : Duport. »
L'Assemblée renvoie la lettre et le compte du ministre de la justice au comité des pétitions.
Un de MM. les secrétaires. Voici la rédaction du décret que l'Assemblée nationale a rendu ce matin et portant adoption de la déclaration proposée par M. Condorcet (2) ;
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture d'un projet de déclaration solennelle de la nation française, qui lui a été présenté par l'un de ses membres, décrète qu'elle adopte ladite déclaration, ordonne qu'elle sera insérée dans son procès-verbal; quelle sera imprimée et distribuée ; qu'elle sera portée au roi par une députation de 24 membres ; qu'elle sera envoyée aux 83 départements du royaume, à tous les régiments des troupes de ligne, à tous les bataillons des gardes nationales, et traduite dans toutes les langues. »
(L'Assemblée adopte cette rédaction.),
, au nom du comité de marine, soumet à la discussion un projet de décret sur une omission dans le décret au 9 août 1791 concernant la police de la navigation et des ports, relativement à la forme des congés des bâtiments de commerce (3). Il est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu d'une omission faite au décret du 9 août dernier, concernant la police de la navigation et des ports de commerce, auquel on a oublié d'annexer la nouvelle forme des congés désignée par l'article 2 du titre II de ce décret ;
« Considérant que cette omission a empêché le pouvoir exécutif de préparer jusqu'ici l'exécution et l'application de 1 article 6 du décret du 22 avril dernier, qui, en supprimant la charge d'amiral de France, a fixé l'époque du 1er janvier prochain pour la substitution des nouveaux congés à ceux qui sont encore délivrés au nom et avec la signature de M. de Penthièvre ;
« Considérant qu'il est à la fois et très instant et d'une nécessité absolue de réparer l'erreur commise et de proroger le délai qui va échoir, afin de prévenir les retards et les accidents qui pourraient s'ensuivre au préjudice de la navigation marchande, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de la marine sur l'omission relative à la nouvelle forme des congés, adoptée par l'Assemblée constituante, le 9 août dernier, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. La nouvelle forme des congés, adoptée et désignée
par l'article 2, titre II au décret du 9 août dernier, sera annexée au présent décret.
Art. 2. Le décret prescrit par l'article 6 du décret du 22 avril dernier, qui devrait prendre fin au 1er janvier 1792, est prorogé iusqu au 1er juillet de la même année- En conséquence, les dispositions de cet article continueront d'avoir lieu jusqu'à cette époque.
« Art. 3. Les nouveaux congés seront alors substitués aux anciens; et, dans l'intervalle, le pouvoir exécutif en donnera la communication officielle à toutes les puissances maritimes.
« Art. 4. Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
LAMBREQUINS ou ORNEMENTS.}
ARMES DE FRANCE.
COIGE
DE BATIMENT DE COMMERCE FRAXgAIS.
ORNEMENTS.
VIGNBTTES
Louis, par la grâce de Dieu et la loi constitutionnelle de l'État roi des Français ; A tous z ceux qui les présentes verront ; Salut.
2 Le bâtiment nommé le du port de {en toutes lettres) a,
> tonneaux, enregistré et domicilié au port de 3
ayant été reconnu français, nous déclarons qu'il a droit de naviguer sous le pavillon natio- 0 nal de France, et avons donné congé et passeport à (nom et qualité du capitaine ou maître) g commandant ledit bâtiment, pour partir du port et havre de fc
{Ici, on énoncera, pour les voyageurs de long cours, la destination du bâtiment, en terminant g ainsi : et suivre ce voyage avec le présent congé jusqu'au retour dans un des ports de g France. — Pour le cabotage, on dira seulement : Et naviguer au cabotage pendant un an avec
VIGNBTTES CONUPEES DES DEUX COTES
Prions et requérons tous souverains, amis et alliés de la nation française et leurs subordonnés; mandons et ordonnons à tous fonctionnaires publics sous nos ordres, aux comman- «5 dants des bâtiments de l'Etat et à tous autres qu'il appartiendra de laisser sûrement et libre- h ment passer ledit avec son dit bâtiment, sans lui faire, u
ni souffrir qu'il lui soit fait aucun trouble ni empêchement quelconque ; mais au contraire x . de lui donner toute faveur, secours et assistance partout où besoin sera. En témoin de quoi w nous avons mis notre seing, et fait apposer le sceau de l'Etat au présent congé, et icelui fait a £ contresigner par le ministre de la marine. S
« 5 F LOUIS. a
2 Sceau Le ministre de ta Manne,
> de l'Etat. N.........."g
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Expédié au bureau général des classes, g
à Paris, sous le n° (en toutes lettres)... M
et envoyé au bureau des classes de.... £
N.... g
Enregistré et délivré par nous, commissaire des clauses au o
port de...........................le...............>
.........................
Reçu pour droit d'expédition.......N..........N.......
Je suis étonné qu'au bout de deux ans que la liberté existe, l'on veuille conserver une des premières pierres de l'ancien édifice du despotisme et rétablir des formes que les circonstances ont anéanties. La place d'amiral n'existe plus. Comment est-il possible actuellement de faire signer des passeports par M. dé Penthièvre, lorsque M. de Penthièvre n'est plus amiral, lorsqu'il n'est pas prouvé que M. de Penthièvre soit citoyen actif,, lorsqu'il n'est pas prouvé qu'il ait prêté le serment.
Un membre : Je vois ici deux objets qui doivent fixer l'attention de l'Assemblée: l°Un décret du 22 avril, qui n'est pas encore exécuté le 29 décembre. Je demande sous ce premier rapport ue le ministre de la marine soit improuvé. 0 M. de Penthièvre n'est plus amiral, et le rapporteur du comité vous propose de lui conserver pendant six mois une fonction qui n'existe plus...
Plusieurs membres : Pas la fonction, mais la signature.
Le même membre : J'entends qu'on m'interrompt, en disant que ce ne sont pas ses fonctions que l'on conserve; mais sa signature ; et moi je dis que M. de Penthièvre ne signe que comme amiral ; or, M. de Penthièvre n'étant plus amiral, ne peut plus avoir de caractère public vis-à-vis des puissances étrangères. En me résumant, ie demande la question préalable sur le projet du comité, et je propose cPimprouver le ministre de la marine pour sa coupable négligence.
Il faut de toute nécessité que cette signature ae M. Penthièvre et non pas de M. de Penthièvre... (Murmures) existe encore pour deux ou trois mois. D'abord, il y a un premier décret de l'Assemblée nationale qui porte que les congés signés par M. Penthièvre seront valables jusqu'au 1er janvier. Il faut être juste et nous rendre à la vérité ; c'est M. Thévenard, ancien ministre de la marine, et non pas le ministre actuel, qui doit être improuvé.
Quant au projet présenté par le comité, je l'appuie. J'observe, en effet, qu'avant que la nouvelle forme du congé adoptée par l'Assemblée nationale soit notifiée, il y aura une très grande uantité de vaisseaux qui partiront des ports de rance en décembre, janvier et février, et comme
ces vaisseaux ne peuvent partir sans congés, il faut absolument que la signature de M. Penthièvre existe encore pendant, quelques mois. Je demande que le décret soit mis aux voix.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée, ferme la discussion, adopte le décret d'uryence? puis les deux premiers articles du décret définitif.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 3 qui est ainsi conçu :
« Les nouveaux congés seront alors substitués aux anciens, et, dans l'intervalle, le pouvoir exécutif en donnera la communication officielle à toutes les puissances maritimes. »
Je demande que l'on substitue dans cet article aux mots : pouvoir exécutifle mot : roi. Les puissances étrangères ne" connaissent point d'autre pouvoir exécutif que le roi.
(L'Assemblée adopte l'article 3 et l'amendement.)
Suit la teneur de cet article :
Art. 3.
« Les nouveaux congés seront alors substitués aux anciens ; et le roi dans le plus court délai à compter de cejourd'hui en donnera la communication officielle à toutes les puissances maritimes. s.
.(L'Assemblée adopte ensuite l'article 4.)
, secrétaire. Je demande que l'Assemblée autorise les secrétaires à rayer du décret qui a été rendu tout à l'heure (1) la disposition relative à la traduction de la déclaration de M. Condorcet dans toutes les langues étrangères, disposition que vous avez, votée ce matin. Elle n'a plus raison d'être, puisque l'Assemblée à décrété l'ajournement de la notification aux puissances étrangères.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Dorizy.)
En conséquence, le décret sera ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture d'un projet de déclaration
solennelle
Une députation des gardes des ports de la ville de Paris est introduite à la barre.
Les pétitionnaires exposent que leurs fonctions vont expirer au 1er janvier, qu'il ne restera plus de garde pour la sûreté des ports, qu'il est impossible aux autres troupes de faire ce service et que tous les officiers sont obligés d'en convenir. Ils font à ce sujet une pétition pour prier l'Assemblée de fixer leur sort et sollicitent le prompt rapport de cette pétition. Ils demandent que dans le cas où le rapport ne pourrait être fait avant le 1er janvier, leur service soit prorogé jusqu'au lep février prochain, parce qu'alors l'Assemblée aura pu s'occuper d'une nouvelle mesure.
Je demande la parole pour eon>-vertir en motion la pétition faite par les officiers et soldats de la garde des ports. Il est certain qu'il est impossible que ce service soit fait par la garde nationale. Je demande que leur existence soit prorogée jusqu'au 1er février.
appuie la motion de M. Ramond.
(L'Assemblée décrète cette proposition, après avoir déclaré l'urgence, et admet les pétitionnaires à la séance.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il doit être fait par son comité militaire un rapport relatif à l'existence de la garde des ports de Paris, dont les fonctions ne paraissent point pouvoir être exercées par la garde nationale, et que cependant ces fonctions cessant au 1er janvier, il y aurait interruption dans un service qui n'en peut souffrir, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale décrète que la garde des ports de Paris continuera son service provisoire jusqu'au 1er février 1792. »
Monsieur le Président, vous faites décréter à l'Assemblée ce qu'elle n'a pas droit de faire ; car l'Assemblée ne peut imposer une nouvelle charge à la ville de Paris, sans consulter le département et la municipalité.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Une députation des gardes de la ville de Paris est admise à la barre.
Les pétitionnaires rappellent l'ancienneté de leur établissement, les services que leur corps a rendus dans les premiers moments de la Révolution, les sacrifices qu'ils ont faits, les inquiétudes qu'ils éprouvent en voyant toutes les troupes organisées, sans que l'Assemblée constituante se soit occupée de leur sort. Ils observent que des lettres patentes de Louis XV leur donnent le titre de gendarmes et ils supplient l'Assemblée de prendre en considération le sort de 300 citoyens, presque tous pères de famille, et de déterminer irrévocablement la forme et le régime sous lesquels ils existeront à l'avenir.
En qualité d'électeur de 1789, j'ai été témoin personnellement du zèle, du patriotisme des gardes de la ville de
Paris dans les premiers moments de la Révolution. Je demande le renvoi de leur pétition au comité militaire et que le rapport en soit fait incessamment à l'Assemblée.
(L'Assemblée renvoie la pétition des gardes de la ville de Paris au comité militaire et accorde aux pétitionnaires les honneurs de la séance.)
Les sieurs Labadie et Gallet, ci-devant chargés des magasins publics à Trinquemaley, dans l'Inde, sont admis à la barre pour se plaindre des injustices commises à leur égard, en 1/83, par la commission de la marine.
s'exprime ainsi :
Messieurs, vous apporter une preuve de plus que le nouveau régime n'a point encore banni l'ancien esprit du ministère, et que l'agent appelé depuis peu à ses fonctions, après les La Luzerne, les Thévenard, en, est le digne successeur, ce ne sera pas vous étonner, mais vous offrir l'occasion de réparer Tl'un mot une de leurs iniquités et d'en punir le protecteur actuel en le forçant à être non seulement le^témoin, mais l'instrument dé cette réparation. Ce sera sans doute servir tout à la fois votre justice et votre délicatesse. Or, cette occasion, Messieurs, la voici :
Vous voyez à cette barre deux des plus malheureuses victimes de ce despotisme si uniforme dans ses cruautés, mais si'varié dans ses procédés, qui, siégeant à Versailles, sous le nom de gouvernement français, tyrannisait de là et désolait Ci-devant les deux mondes.
Nés, l'un dans l'une de vos principales villes maritimes, l'autre1 aux Indes mêmes, nous avons obteïiu de l'emploi dans une des possessions françaises de l'Inde, nous étions à Trinquemaley, qui en faisait alors partie, chargés des magasins publics.
Ayant déplu à un homme puissant, nous éprouvâmes ce qui arrivait à tous les infortunés assez imprudents pour se compromettre ainsi avec le crédit : nous fûmes frappés d'une lettre de cachet : mais pour la rendre plus douloureuse et plus accablante, on lui donna une apparence juridique. M. de Russy, gouverneur général, créa une commission avec ordre de nous expédier. "
Les commissaires répondirent scrupuleusement au but de leur institution. Nous arrêter sans aucune espèce de formes, nous faire essuyer ensuite une espèce de procédure où elles étaient toutes violées, saisir, vendre nos biens sans inventaire, sans autorisation et dissiper le produit, s'emparer en même temps de nos registres, de nos livres; de tous nos moyens de comptabilité, afin de nous mettre hors d'état de prouver notre innocence, parce qu'on savait bien que jartiais on ne nous trouverait coupables. Telle est, Messieurs, la peinture adoucie des procédés de la commission: vous aurez une idée de la négligence et tout à la fois de la fureur qu'elle apporta dans la dévastation de nos domiciles. Un de nous avait parmi ses domestiques, une jeune Indienne libre, ayant été saisie avec nos esclaves, elle avait été vendue comme eux, sans qu'on ait voulu écouter ses réclamations, sans qu'il nous ait été possible, du fond de nos cachots, de faire entendre les nôtres en sa faveur; et le prix de ce double vol souille encore la caisse de la marine, où nous devons croire qu'il a été déposé avec celui du reste de nos effets.
Après 8 mois d'une captivité dont les dé-
tails seraient encore nouveaux à tous ceux qu'a permis de révéler la destruction des bastilles, on nous a enfin envoyés en France avec notre procès, et quoique nous n'eussions ni accusateur ni en apparence de contradicteur, 6 ans se sont écoulés avant que de pouvoir obtenir, non pas qu'on l'examinât, mais qu'on s'accordât pour savoir qui l'examinerait.
Enfin, l'heureuse Révolution est arrivée; des tribunaux se sont organises, pour qui la justice est plus qu'un mot. Celui de Quimper s'est saisi de notre affaire. Après une discussion contradictoire, il a prononcé solennellement, le 19 août dernier, sa sentence, et déclaré nulle toute la prétendue procédure de la commission, non pas seulement d'après le défaut de pouvoir dans les juges, mais d'après les vices rebutants de leurs actes, d'après les infractions multipliées des premières lois sur cette matière. Tout est déclaré nul, à commencer de la plainte rendue contre nous, pour servir de prétexte à notre détention.
Nous sommes remis en tel et semblable état où nous étions à cette époque. Nous sommes donc innocents, nous devons donc être remis en possession de nos effets, ou d'une indemnité au moins équivalente. C'est l'administration de la marine qui en a poursuivi la vente, qui en a englouti le prix : c'est donc à elle à les restituer.
L'objet par lui-même est si modique, notre droit est si évident, que, pour obtenir cette restitution, nous avons cru qu'il suffisait d'instruire le ministre de nos titres. Nous l'avons fait. Nous ne consumerons pas nos moments par le détail des ruses, des fourberies multipliées, par cet homme habile, pour nous leurrer de fausses espérances, pour éluder une explication précise qu'il nous promet depuis plus de deux mois. Enfin, comme nous étions pressants (et nous l'étions, messieurs, par un motif que nous ne rougissons pas d'avouer : c'est qu'après 8 ans de pertes et de douleurs, notre pain du jour dépendait de cette justice, sans cesse remise au lendemain) ne pouvant plus se dérober par des prétextes à nos instances, il nous a montré à visâge découvert, la face d'un tyran et la cruauté d'un despote. C'est à Trinquemalev, nous a-t-il dit, il y .a 8 jours, que votre affaire s'est entamée : allez-y, si vous voulez ; voilà ma décision, et tout ce que vous aurez de moi.
Nous lui avons observé, ce que peut-être il ignorait, que Trinquemaley a cessé d'appartenir à la France : que, par conséquent, il n y existe plus de juges devant qui nous puissions nous pourvoir; que, d'ailleurs, n'étant point accusés, n'ayant jamais pu l'être, nous n'avions à former de poursuites que pour obtenir restitution et indemnité contre les auteurs de notre infortune, c'est-à-dire contre l'administration de la marine, dont les agents ont si cruellement traité nos personnes, qui s'est appropriée elle-même nos propriétés ; et qu'il était ou bien absurde ou bien inique de nous renvoyer à Trinquemaley pour ces poursuites qui pourraient à l'instant s'éclair-cir ou se terminer dans son cabinet. Nous n'avons gagné à ces remontrances qu'un adieu brutal, tel que peut s'en permettre un ministre que la vérité humilie, qu'elle effraie, mais qu'elle ne subjugue pas.
Dans cette position, Messieurs, nous avons cru pouvoir recourir à votre justice, à votre générosité. Nous venons vous demander d'ordonner au ministre de la marine d'exécuter le jugement du tribunal de Quimper, contre l'adminis-
tration de la marine, et de nous remettre dans l'état dont les agents de son département nous ont dépouillés en 1783. Nous avions chacun une place nonnête, chacun une maison où logeait notre famille, un mobilier proportionné à nos facultés; nous demandons une place et la restitution de nos effets, ou, en compensation, puisqu'ils ont été détruits, une somme de 50,000 livres ; et nous signons : Labadie, Gallet.
Il existe enfin en France un asile inviolable contre toutes les atteintes du despotisme; c'est le sanctuaire de la loi. Vous venez vous y réfugier. L'Assemblée nationale examinera si votre plainte est juste, et en fera rendre un compte prompt et sévère. Elle vous permet d'assister à sa séance.
Un membre : Je demande que le ministre de la marine soit mandé tout de suite. (Murmures.)
Oui! qu'il soit mandé, et à la barre, pour rendre compte de sa conduite. (Applaudissements dans les tribunes.)
J'appuie la proposition de M. Delacroix; mais je demande encore, comme un préalable, que M. le Président fasse exécuter le décret de l'Assemblée nationale rendu depuis 8 jours. Ce décret portait impérieusement que le rapport du comité de marine, au sujet de la dénonciation faite contre le ministre de la marine par les officiers municipaux de la commune de Brest, serait fait jeudi soir dernier. Depuis, ce fameux rapport a été mis à l'ordre de tous les jours, et chaque fois, ie ne sais par quelle astuce, par quelle ruse, on l'a sans cesse écarté. Cependant, Messieurs, vous avez entendu le ministre de la marine traiter de calomniateurs les officiers municipaux de la ville de Brest, qui l'avaient dénoncé, les membres du comité de marine, qui avaient apporté la dénonciation. Jamais, Messieurs, lorsqu'il s'agit de frapper un coup juste et bien mérité, contre un principal agent du pouvoir exécutif, nous ne sommes prêts ; ou il faut punir les officiers municipaux de Brest s'ils ont été calomniateurs, ou il faut punir le ministre s'il est coupable et si la responsabilité n'est pas un mot vide de sens. (Applaudissements dans les tribunes.) Je demande que le rapport du comité de marine soit fait sur-le-champ.
Plusieurs membres : Appuyé! appuyé!
Je demande le renvoi de la pétition de M. Labadie au pouvoir exécutif, à la charge d'en rendre compte.
Un grand nombre de membres: Non! non!
Il est indispensable de donner la priorité à la motion de M. Léopold...
interrompt vivement M. Voysin.
Veuillez, Monsieur le Président, imposer silence à M. Delacroix et opposer enfin l'autorité dont vous êtes revêtu à cette puissance dictatoriale que M. Delacroix veut s'arroger dans l'Assemblée.
Je soutiens qu'il faut prononcer sur une affaire avant de s'occuper aune autre. Le rapport du comité de marine peut être mis à l'ordre du jour -, mais, auparavant, il faut statuer sur la pétition de M. Labadie. 11 se plaint de vexations; vérifions les faits. Renvoyez au ministre pour qu'il vous rendre compte; faites examiner sa conduite par votre comité. S'il est coupable,
vous l'accuserez; mais vous ne pouvez pas le mander à la barre sur une dénonciation qui n'est pas encore justifiée. Donnons l'exemple de la modération et du respect pour la loi en n'accueillant pas légèrement des dénonciations qui pourraient être calomnieuses.
Le pétitionnaire réclame, d'un côté, une somme a raison des iniquités dont il a été victime ; de l'autre, il dénonce le ministre pour un déni de justice. Quant au premier objet, vous ne devez pas renvoyer au ministre, puisque c'est du ministre que le pétitionnaire se plaint; relativement au second objet, vous devez laisser au ministre le temps de vous donner ses raisons. Ainsi, je demande que la pétition de M. Labadie soit renvoyée au comité de marine, et que le ministre de ce département vous rende compte, dans trois jours, de sa conduite à cet égard. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète la motion de M. Daverhoult, et met à l'ordre du jour, suivant la motion de M. Rôuyer, le rapport du comité de marine sur les pièces déposées par les citoyens de Brest contre le ministre de la marine.)
Il n'existe point, dans notre règlement, de moyens de faire connaître officiellement vos décrets aux ministres. Ils apprennent le plus souvent vos délibérations par les journaux et vous les entendez souvent venir vous le dire. En conséquence, Messieurs, je vous propose de charger un comité ou le secrétariat, mais je préférerais que ce fût le comité des décrets, de faire parvenir aux ministres et autres agents du pouvoir exécutif les décrets qui portent injonction de rendre compte de l'exécution des lois. Alors les ministres ne pourront plus vous dire : nous n'avons pas eu connaissance de tel ou tel décret; nous n'avons pas su qu'il nous fût ordonné de faire telle chose (Applaudissements.)
Messieurs, il me garaîtrait plus simple de charger de ce soin le ureau des secrétaires, afin d^viter que le comité des décrets vienne tous les jours vous consulter. Il y a 6 secrétaires; un seul rédige le procès-verbal. Les 5 autres, par conséquent, peuvent bien s'arranger entre eux pour expédier un décret qui ordonne à un ministre de rendre compte, et alors, à la fin de la séance, on l'enverrait par l'un des huissiers de l'Assemblée.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Dorizy amendée par M. Dehaussy-Robecourt.)
Un membre : Je demande que le comité des décrets soit astreint à rendre compte à l'Assemblée des décrets qui auront été sanctionnés.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur cette dernière motion.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« Les secrétaires de l'Assemblée nationale sont chargés de transmettre, dans les 24 heures, aux ministres, ordonnateurs et commissaires du roi qui correspondent directement avec l'Assemblée nationale, les décrets qui leur prescrivent de rendre compte de l'exécution des lois de l'Etat, ou de ce qui concerne les départements dont ils sont respectivement chargés. Les extraits de ces décrets leur seront remis par un huissier de l'Assemblée, qui en sera chargé par les secrétaires. >
, au nom du comité de marine, fait un rapport sur les dénonciations portées con-
tre le ministre de ce département; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité de marine l'examen du discours prononcé par le ministre de ce département dans la séance du 5 de ce mois (2). Je suis chargé de vous en présenter le résultat.
Votre comité a lu attentivement ce discours. Il y a vu les assenions consignées dans la lettre du ministre, du 14 novembre dernier (3) reproduite avec la même assurance ; mais il n'y a d'ailleurs rien trouvé qui pût détruire, ni même atténuer les faits qui ont servi de base à son précédent rapport.
En effet, le ministre de la marine persiste à affirmer que lorsqu'il a publié qu'aucun officier de son département n'avait quitté son poste, cela était rigoureusement vrai. Cependant il avoue lui-même que plusieurs officiers ont abusé de leurs congés pour passer au pays étranger; et à défaut de son aveu, la notoriété publique suffirait pour lever toute espèce de doute sur ces émigrations.
Mais le ministre prétend que cette circonstance ne change en rien l'état de la question, et n'infirme nullement la vérité de ce qu'il a avoué, et il en apporte pour raison que, parmi les officiers émigrés, il n'en est point qui ait abandonné son service; c'est-à-dire qu'aucun de ceux qui sont employés, soit à la mer, soit dans les ports, n'a déserté son poste; que tous les officiers de la marine ne sont pas toujours en service ; que les capitaines de vaisseaux sont employés dans les ports à tour de rôle ; et que lorsque le temps de leur service est fini, ils sont libres de se retirer chez eux, sans avoir pour cela besoin de congé; que les nouvelles lois relatives à la marine ont consacré cette disposition des anciennes ordonnances.
Votre comité démontrera, dans l'instant, la fausseté de la proposition principale; il démontrera que les preuves apportées par le ministre et les lois auxquelles il a recours déposent également contre lui ; mais il a cru devoir auparavant relever un paradoxe dangereux en politique et en administration.
Il s'en suivrait du principe que pose le ministre de la marine, et des conséquences qu'il
en tire{ que quand bien même tous les officiers qui n'étant pas en activité, ne sont pas
tenus de résider dans les ports, seraient sortis du royaume pourvu que ceux qui sont
employés n'ayent pas abandonné leur service, il serait vrai de aire qu'aucun officier n'a
quitté son poste; et c'est ce que votre comité ne croit pas admissible. Il se fonde sur
l'article 7 de l'ordonnance du 22 août 1784. à laquelle il n'a pas été dérogé, qui dit que
les capitaines qui ne seront pas en activité ne pourront s'absenter du royaume sans la
permission du roi, ni même changer de résidence sans en avoir préalablemeut prévenu le
commandant de leur département, lequel est, à son tour, tenu d'en rendre compte au ministre.
Il résulte de cette disposition que les officiers absents sans congé, ou même par congé, qui
ont émigré, ont contrevenu à la loi, en iranchis-
Il reste actuellement au comité à prouver que ceux mêmes qui sont censés en activité ont résultat des revues passées à Brest, les 1er octobre et 20 novembre derniers.
Par l'article 8 du titre VI de l'ordonnance du 1er janvier
1786, il est dit : « il sera toujours employé dans chacune des neuf escadres; dans le port,
indépendamment du commandant et du major, deux capitaines de vaisseaux, lesquels seront
relevés tous les quatre mois. » Les 5 escadres entretenues au port de Brest exigent donc la
présence de 10 capitaines au moins1 : or, à l'époque de la première revue, il ne s'en est
trouvé que 5, et 4 seulement lors de la seconde* Dans le même article on lit : « Il sera
pareillement employé la moitié des lieutenants qui sont à terre, lesquels seront pris sur
les premiers à être embarqués. » Or, d'après la revue du 1er octobre, de 279 lieutenants
restant à terre, il ne s'en est trouvé que 71 résidant à Brest; et suivant celle passée le
20 novembre, de 252 officiers du même grade, nom embarqués, 19 seulement ont répondu à
l'appel du commissaire. Il est donc ne toute évidence qu'un grand nombre d'officiers en
activité ont abandonné leur service; il est de toute évidence que le ministre de la marine a
eu tort de publier qu'aucun officier de son département n'avait quitté son poste ; il est de
toute évidence que ce fonctionnaire public a, dans une matière grave, trompé la nation, ses
représentants et le roi.
Notre comité croit devoir observer, d'ailleurs, que les officiers de la marine devaient, moins dans cet intervalle que dans toute autre circonstance, être absents de leur département, puisqu'ils avaient reçu l'ordre formel de rejoindre pour le 15 septembre au plus tard. Il pense que si ces officiers sont blâmables de n'avoir pas obéi, le ministre est inexcusable de vouloir pallier leur désobéissance.
Mais supposons un moment qu'il ne résulte ni des dispositions de la loi, ni de la notoriété publique, ni des pièces fournies par les forts de Brest et de Rochefort, aucun moyen de conviction contre le ministre de la marine. Sa propre conduite n'implique-t-elle pas contradiction? Comment peut-il écrire et publier, le 14 novembre que les officiers de la marine n'ont pas quitté leur poste, après avoir contresigné le i3 octobre, la lettre du roi aux commandants des ports ayant pour objet de rappeler ces mêmes officiers à leurs devoirs : comment peut-il avancer qu'il n'y a dans ce corps aucune émigration, après avoir dit auparavant qu'elles se multiplient tous les jours d'une manière alarmante? Et que peut-on conclure de tout cela, sinon que le ministre a manifesté, dans cette occasion, des intentions qu'il est impossible de justifier, et qu'il s'est rendu coupable de forfaiture en outrageant publiquement la vérité.
Votre comité se résume en concluant qu'il y a dans le discours du ministre de la marine, infidélité, contradiction et calomnie ; infidélité, en ce que les officiers censés en activité, et qu'il prétend s'être constamment tenus à leur poste ne s'y sont pas trouvés ; contradiction en ce qu'il est possible d'accorder le contenu de sa lettre du 14 novembre avec la teneur de celle du roi, du 13 octobre, qu'il a contre-signée ; calomnie
enfin, en ce qu'il traite gratuitement de calom--niateurs les citoyens patriotes qui dénoncent par des pièces en forme et des preuves légales, les abus de son administration.
En conséquence, votre comité vous propose le projet de décret suivant :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de marine, considérant que le ministre de la marine a voulu, par sa lettre du 14 novembre dernier, où il avance faussement qu'aucun officier de son département n'a quitté son poste, tromper le roi, surprendre la religion du Corps législatif, et en imposer au peuple français ; considérant qu'il s'est en quelque sorte rendu coupable des délits qu'il a essayé de pallier;considérant qu'il importe à la sûreté publique et au maintien de la Constitution, qu'une faute aussi grave ne demeure pas impunie ; décrète de déclarer au roi que son ministre ae la marine a perdu la confiance de la nation. » ( Vifs applaudissements dans les tribunes.}
Ce rapport était arrêté au comité lorsque vous lui avez renvoyé les pièces remises postérieurement sur le bureau parle ministre de la marine. Après les avoir examinées avec la plus sérieuse attention, votre comité a cru ne devoir rien changer à la contexture de son rapport, ni à ses conclusions :
1° Parce que, dans sa lettre du 13 de ce mois (1), le ministre ne fait que répéter, sans preuve, ce qu'il avait avancé le 5 ;
2° Parce que la note des rappels et des congés qu'il a fait expédier, loin d'être une pièce justificative, prouve au contraire contre lui.
En effet, en examinant ces pièces, on trouve plusieurs rappels d'appointements qui ne sont pas suffisamment motivés ; on voit que du 15 octobre au 10 décembre, il a été accordé 106 congés, ce qui a fait dire avec fondement à la municipalité de Brest que sur la demande faite par les. citoyens de cette ville, d'une rèvue extraordinaire, le ministre faisait expédier jusqu'à 30 congés par le même, courrier, afin de voiler la fausseté de ce qu'il avait publié dans sa lettre du
14 novembre et de mettre à l'abri du blâme les officiers absents sans congé; car le ministre n'oserait nier que la plupart des officiers auxquels il vient ae permettre, par une prétendue prolongation de rester chez eux, ne fussent absents sans congé ; il n'est pas non plus inutile d'observer que ces permissions ont pour terme la nouvelle formation qui avait été fixée au
15 septembre, et qui a toujours été différée sous le specieux prétexte que le Corps législatif n'avait pas déterminé le nombre des officiers qui seraient en activité dans les ports, et, en effet, parce que l'on voulait donner le temps aux émigrés de rentrer.
Vous voyez, Messieurs, que ce grand procès que le ministre de la marine a affecté de vous faire envisager comme une affaire très compliquée, en demandant communication des pièces qui l'accusent, est fort simple, fort clair, et peut être décidé sans plus ample information.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret de M. Cavellier et ajourne la discussion à la séance de samedi matin.)
Voici une lettre des juges >
Ils ajoutent : « L'Assemblée nationale voudra bien agréer avec notre exactitude l'hommage de de notre attachement à la Constitution et de notre respect pour les législateurs. »
(L'Assemblée renvoie la lettre et la procédure criminelle qui y est jointe au comité de surveillance pour en faire le rapport samedi matin, et décrète qu'il sera fait mention honorable au procès verbal de la conduite patriotique des iuges du tribunal du district de Clermont-Ferrand.)
Un Italien, le sieur Dantonio de Guiliani, adresse à l'Assemblée un ouvrage écrit en italien et qui est intitulé : Essais politiques sur les vicissitudes inévitables de la société civile, Cet ouvrage est venu de Rome. (Applaudissements.)
(L'Assemblée accepte cet ouvrage, décrète la mention honorable ae cette offre au procès-verbal, et renvoie l'ouvrage au comité d'instruction publique.)
Plusieurs membres demandent que la discussion s'ouvre à l'instant sur l'affaire des soldats de Châteauvieux. D'autres membres : Samedi soir ! ' ' ' " ' (L'Assemblée ajourné cette discussion â la séance de samedi soir et passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité de surveillancev fait un rapport et présente un projet de décret relatif à l'insurrection de la municipalité de Choue, district de Mondoubleau, département de. Loir-et-Cher (1.); il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité de surveillance les pièces qui vous avaient été adressées par le directoire du district de Mondoubleau, département de Loir-et-Cher, contre lès officiers municipaux, et un grand nombre de citoyens de la commune de Choue.
Cette affaire est très grave ; il est pressant de prendre dessus une détermination^ Voici les faits : Le 7 de ce mois, les officiers municipaux ^e sont transportés avec M. Robé de La Grange, commandant de la garde nationale, à la salle du directoire de Mondoubleau. Ils apportaient le rôle de la contribution. Ils ont déclaré qu'ils ne voulaient payer ert 1792 les impositions que comme en 1790. Ils ont exposé les inconvénients du nouveau régime de contribution, et répété tout ce que les aristocrates ont dit de plus subtil à ce sujet. Le président du district, homme instruit et ferme, leur a répondu d'une manière victorieuse. 16 jours après, ils s'assemblent, sonnent le tocsin, prêtent entre les mains de M. Robé un serment dont on ne donne pas la forme ; s'avancent, armés, au directoire : ils veulent mettre le feu aux archives, et rétablir l'ancien régime. Les administrateurs parviennent à les dissiper. Ils se retirent, en promettant de revenir bientôt, et de brûler, avec les archives, les administrateurs eux-mêmes.
Il s'agit de savoir si ce délit peut être rangé dans la classe des crimes de lèse-nation. Des factieux veulent brûler les archives d'un district ; or, ces archives contiennent les titres de pro-
riété des domaines nationaux, dans l'étendue e ce district : ces archives contiennent toutes les réclamations des citoyens du district, appuyées de leurs pièces justificatives, quelquefois même lçurs titres de propriété. Certainement un projet qui tend à brûler des archives du district est un attentat contre la sûreté générale. Ces citoyens ont attaqué les membres du directoire; i et les administrateurs sont des fonctionnaires qui perdent leur individualité, leur caractère de citoyen, pour devenir des hommes bublics chargés des affaires de tous les citoyens. Un délit de cette nature acquiert un caractère très différent d'un délit privé ; il devient un attentat à la sûreté générale. Il y a en outre complot contre 1a Constitution. Les habitants soulevés de la commune de Choue ne voulaient plus de Constitution, plus d'administration, plus ae tribunaux. Ils voulaient absolument rétablir l'ancien ordre des choses, ils étaient en armes, et ils voulaient y procéder ; ils ont fait des actes de violence, ils ont fait des menaces pour en venir à bout. Certainement, c'est bien là un complot contre la Constitution : il n'est pas nécessaire, pour le qualifier tel, qu'il soit absolument général dans tout l'Empire. En conséquence, vôtre comité vous propose de rendre un décret d'accusation contre les officiers municipaux qui ont participé à ces actes, et qui sont eux-mêmes fonctionnaires publics, ce qui rend encore le délit plus grave, contre le sieur Robé de La Grange, commandant de la garde nationale et contre un sieur Germant, manouvrier de la municipalité de Choue, qui a sonné le tocsin.
Mais comme presque tous les officiers municipaux de Choue sont coupables, qu'il serait possible que la municipalité restât sans administrateurs, il est essentiel que l'Assemblée nationale y pourvoie. Presque toute la commune a pris part à cette affaire. Il serait très difficile de faire assembler des citoyens en assemblée primaire, pour s'occuper de la formation d'une nouvelle municipalité dans ce moment-ci. Cela ne serait pas praticable : il faut employer dans ce cas les moyens que l'Assemblée a employés déjà relativement au département du Bas-Rhin. Il conviendrait de charger le district de Mondoubleau de nommer une commission chargée de régler les affaires de la commune de Choue, jusqu'à ce que le calme se soit parfaitement rétabli dans la commune de Choue, et qu'on puisse y procéder au remplacement des officiers municipaux dans les formes ordinaires.
Maintenant, si on désire la lecture du procès-verbal et des pièces, je vais la faire...
M. Basire n'a pas écrit son rapport; or, il est étonnant qu'on vienne faire un rapport dé mémoire quand il est question d'un décret d'accusation. Nous ne convenons pas que ce soit à la mémoire de M. Basire que nous devons nous en rapporter ; c'est indécent. Je demande qu'il soit fait lecture de toutes les pièces.
Plusieurs membres : A l'ordre du jour!
Si le préopinant avait assisté à la séance de ce,matin, ou si, y ayant assisté, il avait été attentif au décret qui a été rendu, il serait loin de faire un crime à M. Basire de parler de mémoire, mais il applaudirait à son civisme, car ce n'est qu'à deux heures que ce décret, qui a renvoyé des pièces assez volumineuses au comité de surveillance, a été rendu. Or, je demande au préopinant lui-même si, distraction faite du moment qu'il a passé à son dîner, il aurait eu le
temps d'écrire ce que M. Basire vient de nous dire. (Rires.)
Au reste, Messieurs, ce n'est point de mémoire que l'on vient provoquer un décret d'accusation : c est d'après le rapport succinct que vous a fait M. Lâsource, un des secrétaires, des pièces qui ont été envoyées à l'Assemblée nationale, c'est d'après une discussion d'une heure au comité de surveillance, après lecture faite de toutes ces
Sièces, c'est d'après les procès-verbaux que
Basire offre de lire à l'Assemblée si elle le juge à propos.
(L'Assemblée décrète la lecture des pièces.)
Certainement les habitants de la paroisse de Choue ont eu tort de s'opposer au payement des impositions ; mais, Messieurs, ces gens-là ne sont peut-être pas aussi criminels qu'on veut le faire croire. Le district de Mondoubleau est composé de 35 paroisses seulement, la plupart très pauvres : J'en connais une qui ne compte que 14 familles. Elles sont écrasées par la quantité des impôts et en même temps par les frais du district qui leur coûte au moins 24 à 25,000 livres; en sorte que ces gens-là, écrasés sous le faix, demandent la suppression de leur district. Les habitants de Choue, comme les plus intéressés, ont fait beaucoup de démarches pour obtenir cette suppression ; c'est la seule demande qu'ils font. (Exclamations.) Leur crime est d'avoir pris des moyens illégaux pour parvenir au succès de leur réclamation.
, secrétaire, donne'lecture du procès-verbal et des pièces envoyés à l'Assemblée par le directoire du district de Mondoubleau.
Il résulte de cette lecture que les habitants de Choue, ayant à leur tête les officiers municipaux et le commandant de la garde nationale, se sont rendus, armés de bâtons, au lieu des séances du directoire du district de Mondoubleau; que là, après avoir fait des menaces, ils ont déclaré qu'ils ne voulaient pas payer de plus fortes impositions qu'en 1790 et que jamais ils ne souffriraient la nouvelle répartition de l'impôt. Ils ont observé qu'en 1790 ils ne payaient que 16,000 livres environ, et que d'après la nouvelle répartition pour 1791, ils étaient imposés pour 26,000 livres, tandis que les revenus de tous les fonds ne montaient qu'à 90,000 livres, en y comprenant les frais ae culture; que les frais d'administration étaient exorbitants et qu'ils demandaient la suppression du tribunal et du district. Ils ont déclaré qu'ils ne voulaient et ne pouvaient payer tout au plus que 20,000 livres. Les administrateurs du district ont cherché à leur prouver qu'en comprenant dans l'état de leurs impositions antérieures les droits sur le sel, le tabac et autres charges indirectes aujourd'hui supprimées, il se trouvait qu'ils ne payaient pas plus qu'auparavant. Les nabitants de Choue n'ont pas voulu se rendre à ces observations; et après des propos et des menaces dont les administrateurs se sont plaints, ils ont déclaré de nouveau qu'ils ne voulaient ni district ni tribunal, et ils se sont retirés en disant qu'ils ne payeraient que comme ils payaient en 1790.
, rapporteur. Je crois qu'il est du devoir très rigoureux de l'Assemblée de faire respecter, dans toute l'étendue du royaume, les corps administratifs. 11 est du devoir de l'Assemblée nationale de ne pas souffrir que des officier? municipaux, des fonctionnaires publics donnent eux-mêmes l'exemple de la révolte et le signal de la sédition, de ne pas souffrir qu'un procureur
de la commune fasse battre la générale et ras-sembleune centaine de citoyens pour aller mettre le feu aux archives et troubler les délibérations d'un district. Ceci, Messieurs, n'est point un délit privé, ceci n'appartient point aux tribunaux ordinaires. Partout, dan s cette affaire, vous ne voyez que des fonctionnaires publics, des hommes revêtus d'un caractère. Il ne s'agit ici de rien moins que d'avoir voulu détruire les actes, les titres de la propriété publique. C'est un attentat contre la sûreté générale; c'est un complot contre la Constitution... Plusieurs membres : Le projet de décret! M. Kasire, rapporteur. Voici le projet de décret que le comité de surveillance m'a chargé de vous proposer : « L Assemblée nationale, sur la dénonciation Ui lui a été faite par l'administration du district e Mondoubleau, département de Loir-et-Cher, des officiers municipaux de Choue et de plusieurs citoyens de cette commune qui se sont portés à des excès répréhensibles contre cette administration, après avoir entendu le rapport de son comité de surveillance, décrète ce qui suit :
« Les nommés Louis Benoît, maire de la municipalité de Choue, J. Rousseau, J. Besset, Jacques-Pierre Lucas, officiers municipaux, Pierre Randin, procureur de la commune de Choue, Pierre Chauvet, notable, et Pierre Robé de La Grange, ci-devant louvetier du roi, et actuellement commandant de la garde nationale dudit lieu, sont déclarés prévenus d'attentat à la sûreté générale de l'Etat et de complot contre la Constitution. (Murmures dans VAssemblée. — Applaudissements dans les tribunes.)
« Le directoire du district de Mondoubleau, au département de Loir-et-Cher, demeure chargé de nommer des commissaires à l'administration delà commune de Choue, lesquels commissaires seront investis de toutes les attributions données par les lois constitutionnelles aux divers corps municipaux du royaume, jusqu'à ce que la paix et l'ordre puissent être complètement rétablis dans la commune de Choue, époque à laquelle il sera pourvu au remplacement des officiers municipaux dans les formes ordinaires. »
aîné. Je demande à faire lecture de l'article 26 du chapitre V de la Constitution, et vous allez voir que la dénonciation du directoire du district de Mondoubleau doit être renvoyée aux tribunaux ordinaires; il est ainsi conçu :
« Les commissaires du roi auprès des tribunaux dénonceront au directeur du juré, soit d'office, soit d'après les ordres qui leur seront donnés par le roi :
« Les attentats contre la liberté individuelle des citoyens, contre la libre circulation des subsistances et autres objets de commerce, et contre la perception des contributions:
« Les délits par lesquels l'exécution des ordres donnés par le roi dans l'exercice des fonctions qui lui sont déléguées, serait troublée ou empêchée ;
« Les attentats contre le droit des gens ; « Et les rebellions à l'exécution des jugements et de tous les actes exécutoires émanés des pouvoirs constitués. »
En vertu de cet article, je demande que cette affaire soit renvoyée aux tribunaux ordinaires.
Les officiers municipaux de Choue n'étaient pas présents lors du tumulte qui a eu lieu. La première fois que les habi-
tants ont été au district porter les réclamations, il n'y a point eu de voies de fait. Les coupables sont des gens qui, pour ainsi dire, n'ont rien à perdre, qui ont peut-être été sollicités. Je ne sais pas qui est sûrement l'auteur de tout ce tumulte, je ne dis pas que ce soit M. Robé de La Grange, mais je suis sûr que les officiers municipaux n'y ont pas participé... (Murmures à gauche et dans les tribunes.)
Lorsque les commettants de M. Savonneau l'ont envoyé ici, ils ont espéré que vous auriez des égards pour un honnête et respectable cultivateur en qui ils avaient confiance et que vous l'écouteriez avec, indulgence lorsqu'il parlerait en leur faveur. Je demande que M. le président lui maintienne la parole et qufon l'écoute en silence. (Applaudissements.)
Ce qui a donné commencement. à cette insurrection-là, c'est que la paroisse de Choue est véritablement la plus considérable du district de Mondoubleau, la plus étendue, et que néanmoins elle est très pauvre. Quand nous avons été à Blois, au département, Messieurs du district de Mondoubleau voulaient absolument que cette paroisse fût supprimée, qu'une partie fût rattachée à Mondoumeau et une autre partie à d'autres paroisses. Quand les habitants ae Choue l'ont appris, cela les a mis tout à fait en alarmes. En réalité, c'est le district que l'on devrait supprimer ; il y a au tribunal e ce district cinq juges à chacun desquels la paroisse de Ghoue paye par an 1,800 livres et qui ne jugent peut-être pas une affaire tous les mois. (Applaudissements dans les tribunes.) Gela fâche cesnons paysans, ils trouvent que c'est fort cher et ils en demandent la suppression, leur crime est d'avoir été induits en erreur. Je demande que le district de Mondoubleau soit supprimé et réuni à celui de Vendôme ; c'est la voix générale de tous les habitants.
Je demande la question préalable sur le projet du comité de surveillance. Je suis loin d'excuser la conduite des officiers municipaux qui sont certainement très coupables, et plus encore du sieur Robé de La Grange qui paraît être le premier auteur de tous ces désordres; mais en même temps, Messieurs, je crois que la Constitution s'oppose au décret qui vous est proposé. La Constitution dit que, lorsque des délits contre la sûreté générale ae l'Etat ont été commis, vous devez décréter d'accusation. Or, je demande si, parce qu'une municipalité s'est égarée jusqu'au point de se porter vers le district et de lui déclarer qu'elle se refusait à payer les impôts, je demande, dis-je, si, à cause de cela, la sûreté de l'Etat est compromise, si la Constitution est attaquée?
Plusieurs membres à gauche : Oui ! oui !
Sans doute, la Constitution ne peut se maintenir qu'autant que les citoyens payeront exactement les impôts; mais de ce qu une commune ne veut pas payer les impositions, y a-t-il pour cela complot contre la Constitution? Non. (Murmures.) Tous les délits, tous les désordres sont, je le sais, des infractions à la Constitution, mais il n'en résulte pas qu'ils doivent être punis du décret d'accusation. Il y a des tribunaux criminels : la municipalité a failli ; c'est au district à la dénoncer, comme il l'a fait, au département; c'est au département s la dénoncer ensuite aux tribunaux. Pour nous, nous avons à veiller à ce que le district fasse son de-
voir; nous avons à veiller à' ce que les officiers municipaux soient poursuivis ; nous avons à veiller a ce que leur procès leur soit fait. Pour nous assurer la vengeance de la loi et suivre les principes de la Constitution, nous n'avons
3u'à renvoyer au pouvoir exécutif et à le charger e nous rendre compte de tout ce qui aura été fait à cet égard.
Je demande donc la question préalable sur le projet du comité et le renvoi au pouvoir exécutif, à charge d'en rendre compte de huitaine en huitaine.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Je vois dans la conduite des habitants de Ghoue un grief qui compromettrait la sûreté de l'Etat au premier chef; c'est pourquoi i'appuie le projet du comité.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La priorité pour la motion de M. Becquey 1
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de M. Becquey, l'adopte, et renvoie en conséquence l'affaire de la municipalité de Choue au
Eouvoir exécutif, à charge d'en rendre compte de uitaine en huitaine.)
M. Condorcet demande à rendre compte de la réception faite par le roi à la députàtion qui lui a porté la déclaration de V Assemblée.
monte à la tribune. (Vifs ap-plaudissemen ts. )
Messieurs, la députàtion que vous avez envoyée près du roi a été reçue dans la salle du conseil. Elle a présenté la déclaration qui vous a été lue ce matin. Le roi a répondu en ces termes : « Messieurs, l'Assemblée nationale peut être sûre que je maintiendrai toujours l'intérêt et la dignité de la nation. » (Applaudissements.)
Je demande l'insertion de la réponse du roi au procès-verbal. (Bah! bah!)
(Cette motion n'a pas de suite.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret relatif à la réclamation de la dixième compagnie du second bataillon des gardes nationales volontaires du département de la Manche (1); ce projet de décret est ainsi conçu (2) :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est nécessaire de prononcer, le plus tôt possible, sur le sort de la dixième compagnie du second bataillon de gardes nationales volontaires du département ae la Manche, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, considérant que le second bataillon de gardes nationales
volontaires du département de la Manche, a été provisoirement formé de 10 compagnies, attendu
que la loi du 12 août 1791 autorisait l'admission d'excédents; considérant aussi qu'il est
intéressant
« Art. 1er. Le second bataillon de gardes nationales
volontaires du département de la Manche sera réduit à 9 compagnies, conformément à la loi du
12 août 1791.
« Art. 2. La dixième compagnie sera détachée dudit bataillon; mais elle sera conservée en activité et en paye, pour être employée partout où le bien du service l'exigera.
« Art. 3. Ladite compagnie sèra rappelée de sa solde à dater du jour où elle en a été suspendue par la lettre du ministre de la guerre, en date du 27 novembre.
« Art. 4. Dans le cas où le Corps législatif ordonnerait la formation d'un troisième bataillon à fournir par le département de la Manche, ladite compagnie en fera partie, en sorte que le département n'en aura que 8 à fournir pour compléter le troisième bataillon. »
(L Assemblée décrète l'impression du projet de décret et l'ajournement delà discussion à samedi.)
, secrétaire, fait lecture d'une lettre des aardes nationales volontaires du second bataillon au département des Landes, qui se plaignent de Vincivisme de M. Duchillau, officier général, commandant en chef de la 11® division ; cette lettre est ainsi conçue :
« Législateurs,
« Nous vous envoyons copie de la lettre que nous avons écrite au roi. Nous y motivons nos sujets de plainte.contreM.Duchillau, commandant en chef de la 11e division. Il a mis tous les moyens en usage pour nous déterminer à vivre dans nos foyers, prétendant que notre inaction était le seul moyen de nous venger du retard que mettait le département à nbtre équipement. Nous ,lui avons fait savoir que le roi était instruit de ses perfides conseils. Nous ne pouvons pas obéir à un homme qui n'aspire qu'à nôtre entière destruction. »
(Suivent les signatures.)
(Bernard). Je vais prouver évidemment combien M. Duchillau est indigne de commander les troupes nationales. Voici l'extrait d'une lettre qu'il écrit de Bayonne à M. Labeyrie, lieutenant-colonel du second bataillon du département des Landes, en garnison à Dax, bataillon qui est sous ses ordres :
« Je ne doute pas, Monsieur, que vous n'em-. ployiez l'autorité que votre place vous donne pour maintenir votre troupe en bon ordre et discipline, et que vous ne soyiez convaincu que son objet est .de veiller à la tranquillité publique et de se conduire sans cesse d'après les lois. Je ne puis trop vous recommander combien il est important de n'adopter aucun parti et de ne jamais employer la force qui vous est confiée pour favoriser les vengeances particulières. Vous ne pouvez vous tenir trop en garde. Songez surtout que vous n'êtes pas aux ordres des corps administratifs et que les commandants militaires ne doivent agir que d'après des réquisitions bien motivées auxquelles ils n'adhèrent qu'autant qu'elles ne sont pas contraires à la loi, qu'ils en sont responsables, etc.. »
Plusieurs membres demandent qu'il soit fait mention honorable de cette lettre, très conforme aux principes.
(Bernard). Voici la réponse du lieu-tenant-colonel.
« Permettez-moi, mon général, de m'éclairer sur vos principes. Je copie vos propres termes : « Songez surtout que vous n'êtes pas aux ordres des corps administratifs, etc. » Lorsque nous sommes requis par les corps administratifs, nous devons obéir. La force armée ne doit être qu'obéissante et vous en faites un pouvoir délibérant si vous lui donnez le droit de juger. (Applaudissements.) Permettez-moi de vous observer encore que le commandant n'est point responsable,.mais que c'est le corps qui l'a requis sur qui tombe la responsabilité.
« Armés pour soutenir là Constitution, il n'est aucun de nous qui ne sacrifie sa vie pour la défendre. Ses ennemis deviennent les nôtres ; mais ils sont des hommes, et ils sont de plus nos frères. Nous n'emploierons jamais que des défenses légitimes. Leurs biens, leurs personnes sont sous notre sauvegarde, et nous périrons plutôt que de permettre qu'il y soit porté atteinte. (Applaudissements.)
« Je suis, mon général, avec tout le respect d'un chef qui exécutera vos ordres avec la plus grande ponctualité et avec respect, etc. »
« Signé : labeyrie. »
Messieurs, comme je ne doute nullement de la vérité des faits sur lesquels porte la dénonciation, je demande que l'Assemblée nationale porte le décret d'accusation contre cet officier général.
Je ne connais point M. Duchillau; mais je ne vois point dans sa lettre de matière à dénonciation contre lui. Je remarque dans cette lettre deux choses. M. Duchillau y ait, d'une part, que les corps militaires ne sont point soumis aux ordres des corps administratifs, mais bien à leur réquisition; d'autre part, que les corps militaires ne doivent obéir à ces réquisitions que lorsqu'elles sont conformes à la loi. Dans la première assertion, je ne vois qu'une distinction dans les principes. Il est très vrai, Messieurs, que les corps militaires ne sont point soumis aux ordres des corps administratifs, mais seulement à leurs ré-quisitionsj et il est essentiel de maintenir cette distinction qui a plus d'étendue qu'on ne pense. Quant à la deuxième assertion, j'aperçois là une très grande erreur; mais cette erreur, Messieurs, ne peut être imputée comme un délit, car on parle en même temps de la loi. Sous aucun rapport, cela ne doit donner lieu à une accusation contre M. Duchillau. Il importe d'ailleurs au maintien de la discipline de ne point admettre dé vagues dénonciations des subalternes contre leurs chefs. Je demande le renvoi des pièces au comité militaire pour qu'il prenne des éclaircissements nécessaires.
Plusieurs membres demandent la lecture des autres pièces.
Il n'est pas question dans ce moment de porter un decret d'accusation. Je demande le renvoi des pièces au pouvoir exécutif.
(L'Assemblée renvoie les pièces au pouvoir exécutif.)
Plusieurs membres demandent que la conduite des gardes nationaux volontaires du second bataillon du département des Landes soit approu-
vée et qu'il en soit fait mention honorable au procès-verbal. (L'Assemblée décrète cette motion.)
annonce l'ordre du jour pour demain.
(La séance est levée à dix heures.)
Séance du
présidence de m. françois de neufchateau.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 29 décembre, au matin.
, secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 29 décembreT au soir.
Un membre : Je demande une nouvelle lecture de la lettre écrite par M. Delessart au nom du ministre de la guerre (1), lettre par laquelle il prie l'Assemblée de délibérer incessamment sur le fonds de vingt millions. Il faut que nous connaissions parfaitement que les 20 millions demandés par le ministre de la guerre ne sont point une somme additionnelle aux fonds qui lui ont été alloués pour 1791, mais simplement une somme faisant partie de ces mêmes fonds. (Oui! oui!)
(L'Assemblée ordonne la lecture de cette lettre.)
, secrétaire, fait lecture de cette lettre, qui est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'apprends, dans le moment, que l'Assemblée nationale vient d'ajourner de nouveau, à jeudi prochain, le décret sur les 20 millions demandés par le ministre de la guerre, le 16 de ce mois, pour les premiers préparatifs dé la campagne. Je prie l'Assemblée de considérer que jamais les instants n'ont été plus précieux, et que la perte d'un moment est préjudiciable. 10 jours se sont écoulés depuis la demande, et le ministre n'a pu faire aucunes dépenses, ordonner aucuns achats, parce que l'Assemblée n'a rien prononcé encore. Il en est cependant qui eussent été faciles il y a 8 jours, et qui peut-être demain deviendront extrêmement difficiles. J'observe, au surplus, que ce n'est pas un supplément de fonds que le ministre de la guerre demande, c'est un pouvoir pour, disposer, sur ceux provenant du non-complet de 1791, d'une somme de vingt millions, pour être employée sur-le-champ aux préparatifs indispensables pour l'ouverture de la campagne et sans lesquels il faut renoncer à la faire. Je prie l'Assemblée de peser les inconvénients d'un plus grand retard.
« Je suis-avec, respect, etc.
« Pour le ministre de la guerre, « Signé : delessart. »
Je demande qu'il soit ajouté dans la rédaction du décret que les 20 millions sont à
prendre sur le non-complet de 1791.
Un membre : Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de la conduite patriotique et prudente du directoire du district de Mondoubleau, à l'occasion des oppositions élevées de la part de la municipalité de Ghoue à la répartition des contributions publiques.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Un membre demande que le comité de division fasse son rapport sur la validité de l'élection du procureur-svndic du district de Mamers.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
, au nom du comité de division, fait en conséquence un rapport et présente un projet • de décret relatif à la pétition du sieur Basin (1) dont l'élection, comme procureur-syndic du district de Mamers, a été cassée par un arrêté du directoire du département de la Sarthe, en date du 29 octobre \1*èl • il s'exprime ainsi :
Messieurs, je viens, au nom de votre comité de division, soumettre à l'Assemblée nationale la question de savoir si l'élection faite de la personne du sieur Basin, à la place du procureur-syndic du district de Mamers, par les électeurs de ce district, est valable ou non : question qui, en ne traitant d'abord que de l'intérêt d'un fonctionnaire public, est cependant d'un intérêt général, puisqu'elle a pour objet, en dernière analyse, de fixer le véritable sens d'une loi que le directoire du département de la Sarthe paraît avoir méconnu.
Voici le récit sommaire des faits :
Le 21 juin 1791, arrêté du directoire du département ae la Sarthe, portant que le sieur Har-douin, qui fait provisoirement les fonctions de procureur-syndic du district de Mamers, convoquera les électeurs pour élire des curés.
En conséquence, ce commissaire écrit aux électeurs, et fixe le jour de leur rassemblement au 29 pour élire des çurés.
Les électeurs se rendent au jour et au lieu indiqués.
Alors, le directoire du district de Mamers prend un arrêté de son propre mouvement et requiert les électeurs dé procéder, avant leur séparation, à la nomination du procureur-syndic de ce district dont la place était vacante par la démission du sieur Duprey.
Le 30, les électeurs nomment le sieur Basin procureur-syndic du district. Ils se séparent ; le sieur Basin se présente au directoire qui l'admet provisoirement; quatre mois s'écoulent.
Le 21 octobre dernier, la session du conseil d'administration du district de Mamers prend en considération l'élection du sieur Basin; elle arrête qu'il sera référé au directoire du département sur la validité de cette élection.
Le pièces sont portées au directoire du département, qui les communique au sieur Basin.
Celui-ci est entendu; il fournit ses mémoires; le directoire du département les examine ; le
procureur général syndic conclut, le directoire prononce le 29 octobre : 1° que l'arrêté du
directoire du district de Mamers, portant réquisition au
Le directoire du département se fonde sur deux motifs :
Premier motif. Le décret du 24 juin 1791 ordonnait de surseoir aux nominations auxquelles il devait être procédé en vertu de la loi du 29 mai précédent. Ce décret était connu officiellement au district de Mamers, qui devait s'y conformer.
Second motif. Le directoire du département de la Sarthe n'avait ordonné le rassemblement des électeurs du district de Mamers que pour élire des curés; les électeurs ne s'étaient rassemblés que pour élire des curés. Donc la réquisition de nommer un procureur-syndic est irrégulière, inconstitutionnelle et nulle ; donc, par voie de conséquence, la nomination du sieur Basin, faite par l'assemblée électorale est nulle.
A ces motifs, votre comité, Messieurs, oppose deux observations.
Première observation. Le décret du 29 mai 1791 avait pour objet les nominations des députés à la première législature. Le décret du 24 juin suivant qui a suspendu l'effet de la loi du 29 mai, ne pouvait s'entendre que de la nomination des députés à la législature, et non de la nomination aes procureurs-syndics. Or, il ne faut pas étendre une loi d'un cas dans un autre. Tout ce qui est de rigueur doit être renfermé dans ses bornes. Il est donc évident que le premier motif de l'arrêté du directoire du département est mal fondé.
Seconde observation. Ici, Messieurs, la discussion devient plus intéressante et touche à l'ordre public. Commençons par convenir des faits : 1° le directoire au département de la Sarthe a arrêté de convoquer les électeurs du district de Mamers, pour nommer aux cures vacantes ; 2° le commissaire, faisant fonctions de procureur-syndic du district de Mamers, a convoqué les électeurs pour nommer aux cures vacantes; 3° le directoire de district de Mamers a arrêté de requérir les électeurs réunis d'élire un procureur-syndic avant de se séparer; 4° les électeurs ont élu le sieur Basin, procureur-syndic.
Cela posé, voici le véritable état de la question.
Les électeurs du district de Mamers, rassemblés pour nommer aux cures vacantes, avaient-ils le droit de nommer un procureur-syndic?
(Ici, M. le rapporteur analyse les lois qui se rapportent à cette question.)
Il ajoute :
Dans cet état de choses, votre comité, Messieurs, estime que le directoire du département de la Sarthe ayant arrêté de rassembler les électeurs du district de Mamers, les électeurs ainsi rassemblés ont été autorisés, par l'article 7 de la loi du 25 mars 1791, à nommer un procureur-syndic, quoique l'objet principal de leur rassemblement ne fût que pour élire des curés ; par conséquent que l'arrêté du directoire du département doit être annulé, et que l'élection de procureur-syndic, faite en faveur du sieur Basin par l'assemblée électorale, doit être maintenue.
Voici le projet, de décret qu'il m'a chargé de vous présenter :
« L Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité ae division sur la pétition du sieur Basin, tendant à annuler l'arrêté du directoire du département de la Sarthe du 29 octobre 1791, qui casse l'arrêté du directoire du district de Mamers, du 29 juin précédent, et la nomination du sieur Basin à la place de pro-
cureur-syndic dudit district, attendu que ledit sieur Basin ne remplit point les fonctions auxquelles il a été appelé ; que le district de Mamers n'a point de procureur-syndic, et qu'il est de l'intérêt public de pourvoir à ce poste, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division sur la pétition du sieur Basin, tendant à annuler l'arrêté du directoire du département de la Sarthe, du 29 octobre 1791, qui casse l'arrêté du directoire du district de Mamers, du 29 juin précédent, contenant réquisition aux électeurs rassemblés pour nommer les curés, d'élire, avant leur séparation, à la place de procureur-syndic, vacante par démission du sieur Duprey ; et qui casse la nomination faite de la personne du sieur Basin, à ladite place de procureur-syndic, par ladite assemblée électorale, du 30du même mois : toutes lesquelles pièces ont été vues et examinées par le comité; après avoir rendu le décret d'urgence, décrète :
« Que l'arrêté du directoire du département de la Sarthe, du 29 octobre 1791, est aéclaré nul et de nul effet, et comme tel, cassé et annulé; que les électeurs du district de Mamers, légalement rassemblés, le 30 juin précédent, pour élire des curés, ont été autorises par l'article 7 de la loi du 25 mars, même année, à nommer à la place de procureur-syndic, vacante par démission, sur la réquisition du directoire du district : en conséquence, que M. Basin a été valablement nommé procureur-syndic dudit district, et qu'il doit en remplir les fonctions pendant le temps déterminé par la loi. »
Votre comité de division vous propose seulement la question de savoir si les électeurs ont eu le droit de nommer un procureur-syndic. Quant à moi. Messieurs, je viens vous faire une question différente : Avez-vous le droit de prononcer sur cet objet? Je dis que non, et pour le prouver, je vais vous faire lecture de l'article 2 des dispositions additionnelles de la loi du 25 mars; il est ainsi conçu :
« Les contestations sur la régularité, tant de la convocation, de la formation et de la tenue des assemblées primaires et des assemblées électorales par district, que de la forme d'élection qu'elles auront suivi dans la nomination des électeurs, des administrateurs et procureurs-syndics de districts, des juges des tribunaux de districts et de leurs suppléants, ainsi que des curés, seront décidées par le.conseil ou directoire de département; et l'appel en sera porté au conseil ou directoire du département dont le chef-lieu sera le plus voisin, sauf le recours au Corps législatif. »
Il est bien évident, par cette loi, que le Corps législatif ne peut prononcer que lorsque l'affaire a été portée au département le plus voisin. Or, cette procédure n'a pas été suivie par M. Basin. Je demande que le Corps législatif, sans entrer dans le fond de l'affaire et s'en tenant à la loi que je viens de citer, déclare qu'il n'y a lieu à délibérer.
Je pense que le comité a raison de proposer à l'Assemblée de déclarer que lorsqu'il y a des rassemblements d'électeurs, les procureurs-syndics peuvent être nommés et sont bien nommés. Il est certain que la loi n'est pas positive à cet égard.
Je demande donc que l'Assemblée décrète : 1° qu'à telle époque que les électeurs s'assem-
blent, ils peuvent toujours nommer aux places importantes de procureurs-syndics des districts et de procureurs généraux syndics; 2° qu'elle renvoie le surplus de la pétition du sieur fiasin à la décision des corps administratifs du département le plus voisin.
Plusieurs membres : La division de la motion de M. Becquey.
(L'Assemblée décrète la division et adopte la première partie de la motion de M. Becquey.)
Le Corps législatif ne peut déclarer que la loi n'est pas assez claire, que lorsque les corps administratifs ou les tribunaux ont déclaré qu'elle n'est pas assez claire. La difficulté soumise à l'Assemblée par M. Basin n'est pas de sa compétence en l'état actuel. M. Basin aurait dû se pourvoir par-devant le directoire du département voisin pour faire expliquer le sens de la loi du 25 mars, s'il n'a pas été suffisamment entendu par le directoire du département de la Sarthe, sauf à s'adresser en dernier lieu au Corps législatif, si cette loi a besoin d'interprétation. Je demande donc la question préalable sur la seconde partie de la motion de M. Becquey. (Appuyé!)
(L Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la seconde partie de la motion de M. Becquey tendant à renvoyer le surplus de la pétition du sieur Basin à la décision des corps administratifs du département le plus voisin.)
, rapporteur. Voici d'après ce qui vient d'être adopté, comment je propose de rédiger le projet de décret :
« L'Assemblée nationale, considérant que, conformément à l'article 7 de la loi du 25 mars 1791, les électeurs du district de Mamers, légalement rassemblés pour nommer aux cures vacantes de ce district, ont pu valablement nommer à la place de procureur-syndic dudit district, vacante
fiar mort et démission, décrète qu'il n'y a pas ieu à délibérer sur la pétition du sieur Basin. »
(L'Assemblée, après avoir décrété l'urgence, adopte ce projet de décret sauf rédaction.)
Suit la teneur de ce décret, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée- nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division sur la pétition au sieur Basin, tendant à annuler l'arrêté du directoire du département de la Sarthe, du 29 octobre 1791, qui a cassé l'arrêté du directoire du district de Mamers, du 29 iuin précédent, et la nomination du sieur Basin a la place de pro-cureur-syndic dudit district, considérant qu'il s'élève des doutes sur le sens de l'article 7 de la loi du 25 mars 1791, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale décrète que lorsque les assemblées électorales seront formées pour la nomination de telle classe de fonctionnaires publics que ce puisse être, elles peuvent légitimement procéder à l'élection des procureurs généraux syndics et des procureurs-syndics dont les places seraient vacantes par mort, démission ou autrement.
« Et attendu qu'aux termes de l'article 2 des dispositions additionnelles de la susdite loi, les contestations relatives à l'élection des procureurs syndics ne doivent être portées au Corps légis-
latif qu'après jugement préalable du conseil ou directoire du département, dont le chef-lieu sera le plus voisin, déclare que, sur le surplus de la pétition du sieur Basin, il n'y a lieu à délibérer. »
, au nom des comités de l'ordinaire des finances, fait un rapport sur les dépenses de l'année 1792; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, l'ordre et les lois constitutionnelles qui le garantissent exigent que, chaque année, 1 Assemblée nationale décrète l'état des dépenses nécessaires pour l'année suivante.
Le comité que vous aviez d'abord formé pour cet objet avait jugé que son premier devoir était de demander aux ordonnateurs généraux l'état aperçu de leurs dépenses pour l'année 1792, conformément à l'article 8 de la section IV du chapitre Il de l'Acte constitutionnel.-
Le 30 novembre, vous avez décrété que ces états aperçus de dépenses pour 1792 vous seraient incessamment remis avec les états des dépenses faites en 1791.
L'année n'étant pas encore terminée, les ministres n'ont pu vous envoyer que des états incomplets pour 1791. Dans l'ordre ordinaire des sessions au Corps législatif, ces états ne devant être fournis qu'au mois de mai, présenteront la dépense entière de l'année précédente. Les dépenses de l'année où commence la législature doivent être décrétées par la législature précédente, et celle qui commence sa session, doit décréter les dépenses de l'année suivante : ainsi, dès le mois de mai, l'Assemblée nationale doit s occuper des dépenses de l'année qui va suivre. Cet ordre donne au Corps législatif le temps d'examiner, dans le plus grand détail, toutes les parties de la dépense publique et de proportionner les moyens à 1 étendue de cette dépense.
L'époque où l'Assemblée constituante a cessé ses fonctions ne vous permet pas de suivre cet ordre, qui devra être invariable pour les législatures qui vous succéderont.
Ce n est que depuis très peu de jours, que le ministre de la guerre, celui de la marine et
celui de la justice ont pu vous adresser l'aperçu de leurs dépenses pour l'année 1792. Le
ministre des affaires étrangères avait remis le sien, lorsque, le 19 de novembre, j'ai eu
l'honneur de vous faire un premier rapport sur le travail du comité des dépenses publiques
(2); les aperçus de dé-
Cependant, Messieurs, l'année est bientôt écoulée, et la Trésorerie nationale ne peut acquitter aucun mandat de payement des ordonnateurs généraux pour le service de 1792, avant que vous ne l'ayez autorisée par vos décrets. •
Le ministre de l'intérieur .et les commissaires de la Trésorerie nationale vous ont demandé cette autorisation.
Vos comités, Messieurs, auraient voulu pouvoir vous présenter dès ce moment le tableau détaillé de toutes les parties du service ordinaire, et vous proposer, d'après un examen attentif, les moyens ae réduire la dépense publique. Ils sont bien convaincus que l'ordre des finances et le rétablissement du crédit ne peuvent naître que lorsque les dispensateurs du revenu public seront assujettis à une économie sévère, à une comptabilité simple et claire, dont la nation entière puisse juger à chaque instant.
Voilà le but que nous nous proposons, mais vous devez juger combien de difficultés s'opposent encore à nos efforts. L'Assemblée constituante n'a pu, malgré la constante activité de ses travaux, juger qu'en masse des parties les plus importantes de la dépense publique, « la guerre et la marine ». Ses comités n'ont laissé que des travaux imparfaits sur ces deux parties de l'administration publique ; il faut que nous en examinions tous les détails de concert avec les comités militaires, de la marine et des colonies.
Il faut surtout, Messieurs, que les rapports que nous avons à faire, puissent, sans interruption, être mis à l'ordre du jour ; sans cela, le travail de vos comités est à chaque instant arrêté, et il leur sera impossible de présenter la véritable situation des finances de l'Empire, si les décrets préparatoires qu'ils vous proposent, et sans lesquels ils ne peuvent se procurer les éléments nécessaires à leurs travaux, ne sont pas incessamment rendus.
Il n'est plus temps de se le dissimuler : une inquiétude cruelle agite tout l'Empire sur
l'état des finances ; les ennemis de.la patrie en profitent pour répandre partout le trouble
et l'effroi ; la cupidité et l'agiotage trafiquent de la fortune et du repos publics ; les
nouvellès les plus alarmantes
Nous chercherions en vain les causes de l'inquiétude générale dans l'état où se, trouvent les finances de l'Empire. Sans doute, Messieurs, la Révolution a coûté des sommes considérables, et les remboursements successifs delà dette exigible en demandent encore; mais l'examen le plus attentif de toutes les parties de la dette et des moyens de la nation nous assure que cette dette sera acquittée, et qu'il sera facile de pourvoir à toutes les parties de la dépense publique, quels que soient les événements. Cet examen nous a prouvé que le gage des assignats était encore immense; que l'évaluation des biens nationaux était plus faible qu'exagérée et que jamais, chez aucun peuple, un papier en circulation n'eut une valeur aussi réelle. Ainsi, Messieurs, nous ne pouvons voir dans le prix énorme auquel on a porté l'argent, que l'effet de cesterreurs paniques, excitées par l'agiotage l'intrigue et les trames criminelles des ennemis de la patrie.
Là nouvelle forme des contributions publiques a, sans doute, retardé lès recouvrements; mais c'est aussi calomnier le peuple français, que de croire qu'il se refuse aujourd'hui à payer ses contributions. Le payement des rôles provisoires se fait avec facilité et avec une accélération que les comptes que rend la Trésorerie nationale peuvent démontrer. Dans la plupart des départements, les contribuables n'attendent que les rôles des nouvelles contributions pour les acquitter. Tout nous promet que les recettes des premiers mois de 1792 seront très considérables.
Enfin, Messieurs, le pouvoir exécutif paraît marcher avec fermeté dans les limites que lui a tracées la Constitution, et la surveillance continuelle des amis de la patrie ne permet pas de craindre qu'il s'en écarte.
Serait-ce ces poignées de déserteurs criminels de leur patrie, rassemblés au delà du Rhin, qui pourraient inquiéter une nation que trois millions d'hommes libres peuvent défendre? Si le cri terrible de la guerre se fait entendre, ce sont les ennemis de la liberté qui doivent frémir.
La culture a reçu de nouveaux accroissements ; le commerce intérieur a conservé toute son activité: plusieurs de nos manufactures ont doublé leurs travaux; si le commerce extérieur a souffert par les troubles de nos colonies, vous vous êtes empressés à décréter des secours, et vous en décréterez encore pour rétablir les riches plantations qui ont été dévastées. Ces
secours seront une nouvelle source d'activité pour nos villes maritimes.
C'est donc la confiance seule qu'on a ébranlée ; et de tous les efforts de nos ennemis, voilà celui qui a eu le plus de succès.
Rappelons à la nation son énergie et son courage, et donnons-lui-en l'exemple par la sagesse de nos délibérations, par l'ordre et l'activité de nos travaux; montrons-lui la charge immense qu'elle a à supporter; mais montrons-lui ses ressources.
L'état des finances doit être un livre ouvert à tous les citoyens : c'est ainsi qu'ils connaîtront les administrateurs fidèles; cest ainsi que la fortune publique sera sous la garde de tous les amis de la patrie ; c'est ainsi que le payement des contributions publiques ne sera plus une charge, mais un devoir sacré.
C'est pour se conformer à ces grandes vues d'ordre public, que vos comités des finances auraient voulu, comme je l'ai déjà dit, pouvoir, dès ce moment, vous présenter un tableau des dépenses de 1792, afin que l'ordre de ces dépenses fût décrété sur des états dont la nation entière pût vérifier l'exactitude. Le temps et le retard que plusieurs ordonnateurs ont apporté à la rémise des états particuliers qu'ils doivent fournir, ne me permettent pas de vous présenter encore ce tableau. Votre comité de l'ordinaire des finances a divisé toutes les parties de la dépense publique ; chacun des membres qui le composent, s occupe d'un objet particulier dont la discussion sera soumise ensuite aux comités réunis, afin de vous présenter un état complet de toutes les dépenses publiques, dont chaque article aura été sévèrement examiné et communiqué aux comités auxquels il aura rapport.
Aujourd'hui, Messieurs, c'est d'après l état des dépenses décrétées, pour 1791, par l'Assemblée constituante, et d'après les aperçus qui nous ont été remis, que nous vous proposerons de décréter provisoirement les payements que la Trésorerie nationale sera tenue de faire pour le service de 1792.
Etat aperçu des dépenses publiques de 1792, d'après celles décrétées par VAssemblée constituante pour 1791, et les états aperçus fournis par une partie des ordonnateurs généraux.
L'état aperçu des dépenses publiques de 1791 était divisé en trois parties : la première comprenait les objets dont les fonds doivent être versés au Trésor public ; la seconde partie, lès dépenses des départements ; la troisième les dépenses particulières à l'année 1791,
Nous ne pouvons pas suivre le même ordre, parce que les dépenses des départements ne peuvent être fixées que d'après les arrêtés du conseil des départements qui ne nous sont pas encore parvenus. Ces dépenses étant d'ailleurs à la charge de chaque département et de chaque district de l'Empire ne font plus partiè de celles qui doivent être payées par le Trésor public. La troisième partie sera le résultat des décrets qui seront rendus pour le service extraordinaire de 1792, et nous ne pouvons aujourd'hui présenter que l'aperçu de ces dépenses extraordinaires. Lorsque nous aurons réuni tous les éléments nécessaires pour fixer chaque article particulier de dépense, nous en donnerons un tableau complet; et le peuple français saura avec [la plus grande exactitude les dépenses auxquelles seront destinées les contributions qu'il acquittera. Nous ne présentons aujourd'hui que celles qui doivent être payées par le Trésor public, et nous les avons portées à la mesure des besoins extraordinaires que les circonstances pourraient exiger. Nous ne craindrons pas d'alarmer une nation qui a juré de maintenir sa liberté.
Nous diviserons cet état par articles de dépenses ; une colonne réunira les objets de service ordinaire, une seconde colonne les pensions, traitements et intérêts ; une autre le service extraordinaire.
Article premier.
Dépenses du culte ordinaire d'après les décrets des 12 et 24 juillet, 3 et 11 août 1790...........
L'état de 1891 portait le traitement du clergé réformé à 72,621,000 livres;mais nous pensons que cette évaluation peut être réduite à..................
Art. 2.
Liste civile d'après le décret du 9 juin..........................
Art. 3.
Aux princes apanagistes, d'après le décret du 20 décembre........
Secours aux apanagistes, décrétés par l'Assemblée nationale constituante....................
(Ces deux objets exigent un examen particulier.)
Art. 4.
Affaires étrangères.
Le décret du 5 juin 1790 a fixé les dépenses de ce département à 6,300,000 livres. L'état remis par le ministre le 11 décembre de cette année, pour l'année 1792, est
également de...................
(Voyez l'état n° l4r).
Art. 5.
La guerre.
La dépense de ce département n'avait pu, comme nous l'avons observé dans notre rapport, être exactement fixée; elle était par aperçu sur l'état de février de 100,712,000 livres.
Par des décrets successifs la dépense de la guerre en 1791 s'est élevée à 195,450,071 1. 18 s. 4 d. suivant le compte remis le 14 novembre par M. Duportail.
L'état remis par M. Louis Nar-bonne, le 17 décembre, pour porter l'armée au complet de 421,934 hommes, dont 114,800 de gardes nationales, et 75,000 de soldats auxiliaires s'élève à'.................
190.862.615 1. 5 s. 5 d.
Pour l'entretien d e 9,076 h. de gendarme -rie nationale .
10.529.050 »
En tout. 201.391.665 5
DEPENSES
ordinaires.
1. s. d.
81,226,600 » »
25,000,000 » »
5,000,000 » »
6,800,000 » »
TRAITEMENTS,
pensions,
rentes, intérêts, etc.
1. s. d.
65,000,000 » »
1,500,000 » »
DEPENSES
extraordinaires,
1. S. d.
TOTAUX.
1. s. d
146,226,600 » »
25,000,000 » »
6,500,000 » »
6,300,000 » »
DÉPENSES ordinaires. TRAITEMENTS, pensions, rentes, intérêts, etc. DÉPENSES extraordinaires. TOTAUX.
Outre cette somme le roi a deman -dé, le 17 décem -bre, une somme de 20 millions pour les approvisionne -me n ts de l'armée____ 20.000.000 » » 1. s. d. 1. s. d. I. a. d. 1. s. d.
221.391.665 1. 5 s. 5 d.
Le ministre n'ayant pas distingué dans les états les dépenses ordinaires de l'extraordinaire, nous laisserons par aperçu la dépense ordinaire, telle qu'elle avait été fixée en 1791 ; nous y ajoutons la dépense des invalides, comprise dans l'état de la guerre.......... (Voyez n* 2). Cette dépense énorme tient au développement de forces que les circonstances et la sûreté de l'Empire nécessitent. Votre comité militaire examinera avec la plus scrupuleuse attention toutes les parties de cette dépense. Votre comité de l'ordinaire des finances s'occupe aussi des adjudications et des marchés. 101,278,000 » » 120,118,665 5 5 221,891,665 5 5
Il vous proposera de les soumettre à une loi générale qui prévienne les fraudes et qui assure l'exactitude et l'économie du service public. Tout doit faire espérer que l'état de guerre présenté par le ministre ne sera pas nécessaire pendant tout le cours de l'année 1792; mais, s'il le faut, cette dépense consacrée à la défense de la liberté sera votée avec acclamation par la nation entière.
Art. 6.
Marine et colonies.
La dépense de ce département avait été portée par l'Assemblée constituante à 40,500,000 livres; cette somme a été insuffisante. Outre celles qui ont été décrétées pour le service extraordinaire, ce département réclame 1,771,985 liv, pour achever le payement de l'exercice 1790, et 13,131,353 livres pour compléter celui de 1791. L'aperçu présenté par le ministre s'élève pour les dépenses de la marine à. 34,165,1261. s. d.
Celles des colonies à... 9,543,057 15 »
43,708,1831. 15 s. »
Le ministre ayant séparé les dépenses extraordinaires, nous suivrons la division qu'il a adoptée.
(Voyez n° 3.)
Art. 7.
Ponts et chaussées.
Le ministre de l'intérieur ne nous a pas encore fourni les états de dépense de son département, à la charge du Trésor public; mais le traitement des ingénieurs en chef, des inspecteurs, et les dépenses de l'Ecole sont décrétées à............. 161.200 1.
Les dépenses des ponts et canaux de navigation, ou- j
vrages d'art, etc., évalués à......... 4,000,000 1.
Art. 8.
Administration générale.
Traitement des ministres de la justice, de l'intérieur, des contributions publiques et du conseil............'.. 380,000 L
Bureaux du ministre de la justice, à...........
Extraordinaires, suivant l'état qu'il a remis pour ce qui a rapport aux biens nationaux..
(Voyez n* 5).
Bureaux de l'intérieur...........
Bureaux des contributions ........
Trésorerie nationale..............
Bureau de liquidation ............
Caisse de l'extraordinaire.........
Bureaux de la comptabilité......
Payeurs généraux des départements.
Frais de bureaux, bois, lumière, réparations, etc.....
Art. 9.
240,500 »
11,200 »
530,420 512,920 1,026,284 500,000 666,000 500,000 450,000
300,000
DEPENSES
ordinaires.
1. S. d.
38,937,057 15 »
École des mines et des dépôts publics, suivant l'état de 1791...
Art. 10.
Jardin et bibliothèque du roi, suivant l'état de 1791 et le décret du 20 août 1790................
4,161,200 » *
TRAITEMENTS,
pensions,
rentes, intérêts, etc.
1. s. d.
DÉPENSES
extraordinaires.
5,117,324 »
27,000 » »
210,000
1. s. d.
4,771,126 » »
TOTAUX.
1. s. d.
43,708,183 15 »
4,161,200 » »
11,200 » »
5,128,524 » »
27,000 » »
210,000 » •
Art. 11.
Universités, académies et tra vaux littéraires, suivant l'état de 1791 et les décrets rendus depuis
Le comité de l'instruction publique s'occupera, sans doute, de la fixation des dépenses néces saires pour tout ce qui a rapport à l'objet important dont il est chargé, et le comité des finances s'empressera de se concerter avec lui.
Art. 12.
Édifices publics dont la dépense doit être à la charge de la nation ; achèvement du Panthéon français, décrété par l'Assemblée constituante....................
Art. 13.
Assemblée nationale.
Indemnités à 750 députés........... 4,925,700 1.
Fournitures et „ „„
frais.............. 700,000 5,639,600
Archives........ 13,900
DEPENSES
o rd in ai re s.
1. s. d.
1,143,883 »
4,000,000 »
Art. 14. Haute-cour nationale.
Art. 15. Tribunal de cassation. Art. 16.
Primes et encouragements pour les manufactures et le commerce, suivant l'état de 1791............
Art. 17.
Quinze-Vingts, dépôts de mendicité, enfants trouvés, suivant l'état 1791............................
Art. 18.
Pensions reçues.. 10,000,000 »
Gratifications.... 2,000,000 »
Secours viagers. 2,000,000
Pensions qui ont été successivement rétablies,mais dont les fonds n'avaient pas été décrétés en 1791.............
150,000 » »
300,000 » »
3,862,000 » »
3,511,977 » »
Traitements des Hollandais réfugiés et des Aca-diens ............
4,000,000 816,000 »J
TRAITEMENTS,
pensions,
rentes, intérêts, etc.
1. s. d.
18,816,000 »
DEPENSES
extraordinaires.
1. s. d.
TOTAUX.
1. s. d,
1,143,883 » »
4,000,000 » »
5,639,600 » »
150,000 » »
300,000 » »
3,862,000 » »
3,511,977 » »
18,816,000 » »
Art 19.
Rentes viagères, suivant l'étatde la trésorerie nationale.
Cet objet doit être moindre, il diminue chaque jour; et lorsqu'il sera anéanti, la nation sera soulagée d'une partie considérable de sa dépense ordinaire.......
Art. 20.
Rentes perpétuelles distribuées aux payeurs de rentes..........
Y compris les reconstitutions en circulation.
Art. 21.
Intérêts de la dette exigible à terme, d'après l'état fourni par la Trésorerie nationale..........
Art. 22.
Intérêts de la dette non liquidée, suivant l'état de la Trésorerie nationale.........................
Art. 23.
La partie des dépenses extraordinaires qui ne peuvent pas encore être prévues, fut évaluée pour 1791 à 76,600,000 livres, et elles ont plus que doublé; mais dans le tableau que nous soumettons à l'Assemblée, la plus grande partie des dépenses extraordinaires est déjà portée en ligne pour la guerre et pour la marine; ainsi, en évaluant, à cause des circonstances, des secours nécessaires pour les hôpitaux et les pauvres «t des avances que la colonie de Saint-Domingue peut exiger, la dépense extraordinaire à décréter à 70,000,000 livres,., nous pensons avoir atteint le maximum de la dépense publique pour 1792 ; et si des circonstances plus heureuses ramènent le calme et la paix,nous devons nous attendre à une réduction considérable sur les dépenses qui ont rapport à la défense de l'Empire.
Dépense aperçue de 1792. Dépense ordinaire........
DEPENSES
ordinaires ,
1. s. d.
TRAITEMENTS,
pensions,
rentes, intérêts, etc.
285,864,641 15
1. s. d.
100,075,680 » »
70,449,486
18,423,322 » »
19,643,029 »
293,907,517 » »
DEPENSES
extraordinaires,
1. s. d.
70,000,000 » »
579,772,158 15 »
194,895,991 5 5
TOTAUX.
1. s. d.
100,075,680 » »
70,449,486
18,423,322 » »
19,643,029 » »
70,000,000 » »
774,668,150
Nous vous l'avons dit, Messieurs, dans l'ordre ordinaire des renouvellements du Corps législatif, il pourra décréter à la fois les moyens et les dépenses; mais aujourd'hui l'Assemblée nationale se trouve dans une situation particulière; les moyens ont été fixés par l'Assemblée constituante. Son décret du 29 septembre dernier a déterminé la fixation et la répartition des contributions foncière et mobilière, et prorogé les impositions indirectes de 1791 pour 1792. Cependant elle n'a
rien pu statuer sur les dépenses qu'exigera le service national en 1792.
Il faudra donc, puisque les dépenses excèdent les moyens décrétés, vous proposer des moyens extraordinaires; et c'est un des objets importants dont vos comités des finances vous rendront compte incessamment; mais en attendant que ce travail puisse vous être soumis, il est essentiel que tous les membres de cette Assemblée puissent connaître l'évaluation des moyens ordinaires de 1792.
ÉTAT DES MOYENS DE 1792.
240,000,000 1. »» d.
2* Contribution mobilière.............................................. 60,000,000 »
24,000,000 »
(Cette contribution a été mal établie et mal perçue dans plusieurs dépar-
tements, et rotre comité de l'ordinaire des finances va s'occuper d'un
travail sur cet objet).
4* Droit d'enregistrement, d'hypothèque et de timbre................... 70,000,000 »
5* Postes et messageries.............................................. 14,000,000 »
1,000,000 »
7° Salins et salines .................................................. 3,000,000
8* Forêts nationales.................................................. 10,000,000 »
15,000,000 »
10* Loteries........................................................... 10,000^000 »
39,000,000 >
48,000,000 »
Total................................... 530,000,000 1. » d.
La dépense s'élève à............................ 774,668,150 5 d.
Moyens extraordinaires à décréter..................................... 244,668,150 1. 5 d.
Ce résultat comparatif des dépenses et des moyens prouve l'importante nécessité d'examiner avec la plus grande attention tout ce qui a rapport aux dépenses publiques, afin de les faire rentrer dans les limites des moyens ordinaires; mais cet aperçu même prouve aussi combien, malgré l'épuisement d'une nation si longtemps fatiguée par les déprédations de son gouvernement, la France présente encore des ressources, puisque cet excédent, même s'il le faut, peut être pris sur la caisse de l'extraordinaire sans arrêter les remboursements de la dette exigible, ceux à terme qui écherront en 1792, et sans craindre que l'hypothèque, sur laquelle porte les assignats, puisse être insuffisante.
Le service particulier de la caisse de l'extraordinaire va être l'objet de l'examen de vos comités réunis; et ce service dépendra de l'ordre que vous adopterez pour les remboursements et les liquidations nécessaires.
l'arriéré des recouvrements de 1791 présente d'ailleurs des moyens de remplacement très considérables, pour les avances faites au Trésor public; et nous devons attendre de l'activité et du patriotisme des corps administratifs, qu'ils redoubleront de zèle pour assurer la rentrée de cette partie importante du revenu public.
C'est d'après ces considérations et l'importante nécessité ae ne pas suspendre un instant le service de la Trésorerie nationale et de toutes les caisses publiques de l'Empire qui en dépendent, que vos comités vous proposent les décrets suivants :
Décret d'urgence. .
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités des finances, et les tableaux aperçus des dépenses et des moyens de 1792 (1), considérant que l'époque de l'année où a commencé sa session, ne lui permet pas d'attendre l'examen détaillé de chaque partie des dépenses publiques pour en décréter le payement, et que le service ae la Trésorerie nationale ne doit éprouver aucune interruption, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, voulant assurer l'exactitude du service public, après avoir décrété l'urgence, décrète :
« 1° Que la Trésorerie nationale payera provisoirement sur les mandats des ordonnateurs généraux et sous leur responsabilité, dans les formes prescrites par les précédents décrets, les sommes qu'ils ordonneront pour les services de 1792, conformément aux états de dépenses décrétées pour 1791, ou qui seront successivement décrétées pour 1792;
« 2° Que les comités de finances s'occuperont, sans interruption, de l'état exact des
dépenses
Depuis que j'ai soumis aux comités réunis de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, l'état aperçu des dépenses de 1792, M. Lavoisier a publié et fait distribuer aux membres de l'Assemblée un ouvrage très intéressant sur l'état des finances au premier janvier 1792 (1). On trouvera, entre les résultats de M. Lavoisier et mon rapport, des différences dont il faut que j'explique les motifs.
M. Lavoisier ne porte l'état des 1. s. d. dépenses de 1792 qu'à.......... 706,623,800 » »
Je les porte à................ 774,668,180 5 »
Différence......... 68,044,360 3 »
Mais M. Lavoisier n'ayant pas les états de la guerre n'a porte la dépense ordinaire et extraordinaire de cè
département 1. s. d.
qu à........ 169,348,267 » »
Elle est de 221,391,665 S 5
Différence.. 51,843,398 5 S 31,843,398 3 3
Ainsi la différence est réduite à.. 16,200,931 13 »
Et en parcourant les objets détaillés par M. Lavoisier, on- jugera aisément que cette somme serait même insuffisante pour atteindre le maximum de la dépense présumable en 1792, si nous n'avions pas l'espoir de réduire les dépenses de la guerre. J'observe que cette réduction aurait lieu quand même l'état de guerre ne serait pas diminué, parce qu'il n'est pas possible que toutes les parties de l'armée soient toujours au complet; c'est ainsi qu'en 1791, les dépenses décrétées pour la guerre ont été réduites de près de 20 millions.
Dans les états réunis par M. Delessart, le 27 de ce mois, la dé- 1. s. d. pense de l'intérieur est portée à 453,900,329 » >
(Voy. n* 6.)
Celles de la guerre, de la marine et des- affaires étrangères s'é- • lèvent à........................ 271,399,849 » 5
Total......... 725,300,178 » 3
L'état que j'ai présenté est de.. 774,668,150 » 5
Différence...... 49,367,972 » »
Mais le ministre a omis plusieurs objets importants dans l'état qu'il présente, et. d ailleurs les dépenses imprévues de la guerre, de la marine ou des colonies, qui peuvent être nécessaires en 1792, exigent que l'Assemblée nationale décrète des moyens suffisants pour y pourvoir. J'ai cru qu'il convenait de porter l'état des dépenses à leur plus haute évaluation, afin de n'avoir que des réductions à présenter, lorsque l'état exact des dépenses de 1792 sera soumis à la discussion.
Enfin, M. Lavoisier, dans l'ouvrage que j'ai déjà cité, a porté lès moyens ordinaires à 542.000,000 livres et je ne lès porte qu'à 530,000,000 livres.
(1) Voir ci-après ce document aux annexes de la
séance, page 673.
M. Lavoisier a dû compter les rentrées pré6u-mables de la Trésorerie nationale en 1792, et j'espère qu'elles seront plus considérables qu'il ne les a calculées.
J'ai dû suivre une autre marche ; j'ai comparé comme il est essentiel de le faire, chaque année, les moyens ordinaires avec les dépenses. Dans l'ordre ordinaire, l'arriéré des recouvrements doit être à peu près le même, et couvrir l'année suivante l'arriéré de celle-ci. C'est ainsi que les moyens ordinaires doivent être complétés. Les événements qui se sont succédé ont augmenté considérablement cet arriéré. Nous nous occupons d'en déterminer la somme et de vous présenter les moyens d'en assurer le recouvrement.
Jedemande, Monsieur le Président, l'impression du rapport et du projèt de décret que je viens d'avoir l'honneur ae présenter à l'Assemblée et l'ajournement de la discussion-à demain.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret de M. Lafon-Ladebat et ajourne la discussion à demain.)
On va vous donner lecture de la nouvelle rédaction du décret sur le fonds de 20 millions, rédaction qu'on a dû changer pour tenir compte de ce qui a été adopté au commen-cèment de la séance relativement à la lettre du ministre.
Un de MM. les Secrétaires fait cette lecture :
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète qu'à compter du 1er janvier prochain, les commissaires ae la Trésorerie nationale tiendront à la disposition du ministre de la guerre, 20 millions de fonds extraordinaires, qui seront affectés sur ceux décrétés pour 1791, et qui n'ont pas été consommés, vu le non complet de l'armée. Lesdits 20 millions seront employés aux préparatifs nécessaires, à la charge, par le ministre, de rendre compte de l'emploi, a l'Assemblée nationale, quinzaine par quinzaine. »
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
, au nom du comité de législation, soumet à la discussion un projet de déerel sur la formation de la haute-cour nationale (1); ce projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
L'Assemblée nationale, considérant que les décrets d'accusation qu'elle a portés contre différents particuliers prévenus de complots contre la sûreté générale de l'Etat, et les arrestations qui ont été faites en conséquence, exigent que la haute-cour nationale, qui doit connaître de ces délits, soit incessamment mise en activité, que l'intérêt public et celui des prévenus ne permettent pas de mettre des retards aux dispositions nécessaires pour la prompte organisation de ce tribunal, décrète l'urgence.
Décret définitif.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er. La haute-cour nationale, formée et convoquée pour
juger une première accusation, connaîtra de toutes les accusations subséquentes qui seront
portées par le Corps législatif, avant
Son existence ne pourra néanmoins être prolongée au delà de la session du Corps législatif qui l'aura établie, sauf le cas prévu par l'article suivant.
Art. 2. Si les accusations portées par le Corps législatif n'ont pu être jugees dans l'intervalle de sa session, une nouvelle haute-cour nationale sera formée, sans délai, par la législature suivante ; et cependant la première continuera ses fonctions jusqu'à son remplacement effectif.
Art. 3. Dans chaque accusation, la composition du haut juré, se fera par le tirage au sort sur les 166 membres formant le tableau du haut juré.
Ceux qui auraient déjà été employés en cette •qualité ne pourront, pendant le cours de la législature, s excuser, par ce motif, d'entrer dans la composition de nouveaux jurés, si le sort les y appelle.
Art. 4. Il sera remis aux grands procurateurs, par les secrétaires de l'Assemblée nationale, et aux grands juges, par la voie du ministre de la justice, des expéditions des actes respectifs constatant leurs nominations.
Art. 5. Les grands procurateurs communiqueront directement avec l'Assemblée nationale, sans l'intermédiaire du pouvoir exécutif.
Art. 6. Les fonctions de commissaire du roi auprès de la haute-cour nationale, seront exercées par le commissaire du roi auprès du tribunal criminel du département dans le territoire duquel elle s'assemblera.
Art. 7. Le ministre de la justice aura, avec le commissaire du roi auprès ae la haute-cour nationale, la même correspondance qu'avec les commissaires du roi auprès des autres tribunaux.
Art. 8. Les grands procurateurs pourront agir, concurremment ou séparément, dans le cas d'une suspension momentanée et forcée des fonctions ae l'un d'eux.
Ils auront une place distinguée dans l'intérieur du parquet, à la droite du tribunal, en face de celle occupée par le commissaire du roi.
Art. 9. Un greffier sera établi auprès de la haute cour nationale. Il sera âgé de 25 ans au moins. Les grands juges le nommeront au scrutin. Il pourra choisir les commis nécessaires pour le service du tribunal, et il en sera civilement responsable. Ils prêteront, ainsi que lui, entre les mains des juges, avânt d'entrer en fonctions, le serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et d'exercer avec exactitude leurs fonctions.
Le greffier ne sera révocable que pour prévarication jugée; mais ses fonctions cesseront avec celles du tribunal.
Son traitement, indépendamment des frais de ses commis, sera de 100 écus par mois.
Art. 10. Quatre huissiers seront établis auprès de la haute-cour nationale ; ils seront nommés par les grands juges et prêteront devant eux le même serment que le greffier et ses commis : le traitement de chacun des huissiers sera de 125 livres par mois.
Art. 11. Les grands juges, le commissaire du roi, le greffier et les huissiers auront le même costume que les juges, commissaires du roi, greffiers et huissiers des autres tribunaux. Les grands procurateurs n'auront aucun costume.
Art. 12. Dès que la haute-cour nationale se séparera, les pièces et procédures des affaires jugées ét terminées seront incessamment trans-
férées, à la diligence des grands procurateurs, aux archives de l'Assemblée nationale.
Art. 13. La loi du 15-mai, concernant la haute-cour nationale, sera exécutée dans toutes les dispositions auxquelles il n'a pas été dérogé par le présent décret.
(L'Assemblee adopte le décret d'urgence.)
J'observe que ce projet mérite le plus sérieux examen et que plusieurs membres et moi devons parler sur cet objet.
Le projet qui vous est présenté pour le complément de l'organisation de la haute-cour nationale, ne renferme, à mon avis,
Sue deux dispositions susceptibles de quelques
ifficultés.
Votre comité de législation ne se l'est pas dis-. simulé dans son rapport, mais en a-t-il donné une juste solution? C'est ce qu'il est question d'examiner.
Ces deux difficultés résident dans les. trois premiers articles de son projet.
Ils donnent à la haute-cour nationale une sorte de permanence qui, dans l'esprit de la Constitution, ne peut être dans la nature de ses fonctions.
Ils donne aux hauts jurés le redoutable pouvoir de renouveler leurs fonctions, d'en remplir les actes dans un nombre indéfini.
Enfin, ils établissent les quatre grands juges en une session prolongée jusqu'au jugement de toutes accusations durant le cours de la session du Corps législatif, sans être renouvelés.
Je pense, Messieurs, que ces trois dispositions ne peuvent se concilier avec les bases de l'établissement du juré.
D'abord, en général, il est le bouclier de la liberté individuelle.
Or, l'ombre même de la permanence» dans les juges et les jurés, est une atteinte à cette liberté.
Il est de l'essence des jurés de n'être appelés qu'une seule fois, et de ne pouvoir connaître que des accusations qui se trouvent portées dans les formes,'lorsqu'ils commencent leur session.
Si, pendant l'instruction de ces accusations, dont ils se trouvent saisis tout en entrant dans le lieu de leur assemblée, il en survient d'autres, ce sont de nouveaux jurés qui doivent être appelés.
Ce n'est pas seulement dans la loi imparfaite du 15 mai, que votre comité aurait dû puiser ses motifs de décision sur ce sujet important. Ce devait être dans la comparaison, dans le rapprochement de cette loi, et le celle sur l'institution des jurés de jugement ou de département. C'est par une autre loi qu'une loi s'explique, lorsque l'on veut arriver a son véritable esprit. Votre comité, au lieu d'interpréter de lui-même la loi du 15 mai, aurait, marché plus sûrement en prenant pour guide celle sur l'institution des jures ; car la haute-cour nationale est en grand, çe que les tribunaux criminels sont dans un cercle plus rétréci, du moins quant aux principes.
Oui, l'article 6, titre II de la loi sur l'institution des jurés que votre comité n'a point rappelé dans son rapport, décide précisément contre son opinion.
Il porte expressément que si le juré, pendant les trois mois que son nom sera sur la liste, a assisté à une assemblée de jurés, il pourra s'excuser d'en remplir une seconde fois les fonctions, à moins qu il n'habite la ville même où siège le tribunal criminel.
Nul doute, Messieurs, que ces dispositions, toutes conséquentes à l'Acte constitutionnel, soient les seules applicables aux hauts jurés, parce que la raison est la même, et que dans l'institution de la haute-cour nationale, comme dans celle du juré de jugement dans les tribunaux criminels, un citoyen ne peut être contraint de faire deux fois les fonctions de juré.
Mais pourquoi votre comité a-t-il été conduit à vous proposer de consacrer l'opinion contraire? c est par plusieurs raisons. La première, parce qu'il ne s'est pas fait une idée juste et précise de ce qu'est une assemblée de jurés. 11 a pensé que ce que la loi entend par ces mots : remplir une fois les fonctions de juré, est connaître d'une accusation.
Non, Messieurs, l'erreur est évidente. C'est connaître de toutes les accusations qui donnent lieu à la convocation du juré ni prus ni moins, et qui sont les sujets de ce que la loi appelle assemblées de jurés.
Par exemple, une assemblée de jurés doit être formée dans les tribunaux, le 15 de chaque mois. Eh bien ! cette assemblée connaît de toutes les accusations qui se trouvent en état le 15 de chaque mois ; mais si, durant le cours de l'instruction de ces accusations, il en survient d'autres, il est constant que ce n'est pas cette assemblée qui en connaît, mais l'assemblée du mois suivant, et elle n'a pas le droit de prolonger sa session au delà du temps qui lui est nécessaire pour prononcer sur les accusations qu'elle a trouvées pendantes lors de sa formation.
Là finit le pouvoir et la fonction de cette assemblée.
A la vérité, votre comité a senti la force de l'objection, et il a pensé la résoudre en vous proposant de faire tirer au sort les jurés sur toute la liste à chaque accusation.
Mais, Messieurs, si, sur 24 jurés à produire, le sort les donne parmi ceux qui ont déjà rempli une fois les fonctions, je demande à votre comité quid juris? Les jurés pourront-ils s'excuser selon le vœu de l'article 6 que j'ai cité'; alors vous courrez risque et un risque certain de laisser languir longtemps dans les fers les accusés jusqu'à ce que, par un nouveau tirage, le sort leur ait donné des jurés sans excuse ; vous courrez le risque, encore apparent, de voir dépérir les preuves et vos accusations sans effet par celui de la lenteur. Vous atténuez la rigueur, l'éclat et la célérité de l'exemple, vous courrez enfin tous les risques de l'impunité et toutes les chances qui, dans des crimes formés par l'intrigue, se tournent toujours contre l'accusation et non contre les coupables. Et, certes, ceux que vous vous proposez de livrer au glaive des lois, ces ci-de-vant princes, ces chefs de rebelles qu'il importe tant de donner en exemple à tous les tyrans de la terre, sont bien faits pour écarter de vos esprits justement indignés la perfide pensée de les faire jouir de toutes les chances qui pourraient sauver leurs têtes criminelles.
Votre comité entend-il, au contraire, que les jurés qui, par l'effet des tirages multiplies, seront appelés une seconde, une troisième, une quatrième fois, à remplir ces fonctions, seront contraints d'obéir et ne pourront proposer leur exemple, alors il vous propose une violation d'un droit garanti à tous les citoyens et par la loi du 15 mai et par l'article 6 du titre II que j'ai cité, sous la foi desquels ces citoyens ont accepté leur nomination. Ce n'est pas ainsi que l'on peut, en quelque sorte, se jouer de l'engage-
ment contracté par des citoyens libres avec la loi.
La seconde source de l'erreur de votre comité est qu'il n'a pas fait attention à un principe qui est consacré dans le nouvel ordre judiciaire comme il l'était dans l'ancien. C'est l'indivisibilité des accusations lorsqu'elles sont relatives au même crime, c'est l'unité de la poursuite de tous les auteurs et fauteurs du même crime, par une même instruction, unité et indivisibilité si précieuses pour l'innocence accusée, et si redoutable pour les crimes à punir.
En respectant ce principe, votre comité aurait vu sans peine qu'il est impossible qu'il y ait autant d'accusation à juger séparément qu'il paraît l'avoir pensé, et sans sortir de la ligne des circonstances, cela est facile à démontrer. Par exemple, vous avez accusé le sieur Varnier d'enrôlements pour les émigrants ; lé sieur De-lattre d'avoir favorisé leurs projets en envoyant son fils ; les sieurs Malvoisin, Gautier et un autre, de Toul, d'enrôlements pour ces rebelles ; les sieurs Silly, Loyauté et autres, de Neufbrisach de mêmes faits. Vous en accuserez peut-être aussi beaucoup d'autres de même crime.
Votre comité a considéré toutes ces accusations comme distinctes et devant être jugées séparément. C'est en quoi il s'est trompe ; car, lorsque vous aurez mis en état d'accusation les princes, les chefs des rebelles et plusieurs de leurs agents, les accusations contre les sieurs Varnier, Delattre, Malvoisin, Silly, etc., se trou-verontnaturellementconnexesaveccelles portées contre les principaux coupables ; ceux-ci par des enrôlements, les autres par des excitations envers les puissances étrangères.
Cela ne doit être considéré que comme un seul crime, commis par un grand nombre de coupables.
Toutes les accusations doivent être jointes, et, dans cette circonstance, il n'est pas à craindre que la liste des jurés soit épuisée, puisqu'il est probable que les premiers jurés sortis de la liste, seront assez occupés de cette instruction conjointe d'un même crime, dont la poursuite est introduite par plusieurs accusations séparées.
1° Je me résume, et je dis qu'il n'est pas nécessaire de faire aucune disposition sur la durée de la haute cour-nationale ;
2° Que cette durée doit être subordonnée à l'instruction et au jugement du crime et de ses incidents, pour lesquels elle est convoquée ;
3° Que les premiers hauts jurés, donnés par le sort sur la liste, doivent connaître de toutes les accusations formées lors de leur entrée en fonctions, et de toutes celles qui leur sont connexes et incidentes ;
4° Que ce n'est qu'après le jugement de ces accusations, qu'il y a lieu à leur substituer de nouveaux hauts jurés par le tirage au sort.
En conséquence, je demande la question préalable sur les deux premiers articles du projet, et sur le premier membre du troisième ; et quant au second membre, je demande qu'il soit amendé dans le sens que je viens de dire.
Messieurs, s'il est des hommes qui appellent sur eux la vengeance implacable des lois, ce sont les grands criminels dont la haute-cour nationale est destinée à punir les forfaits : mais si elle doit frapper sans pitié ces audacieux conspirateurs qui voudraient reconquérir le despotisme, parce qu'ils en seraient encore les ministres, nous devons nous souvenir,
d'un côté, que l'innocent peut être accusé comme le coupable ; et, de l'autre, que la protection de la liberté civile n'est pas, un devoir moins sacré que celle de la sûreté publique.
Votre comité de législation à-t-il été bien pénétré de ces maximes saintes? je m'arrête d'abord au premier article de son projet; on ne saurait trop en méditer les principes, ni en prévoir les résultats. Il est une maxime tutélaire de la liberté ; c'est que plus la puissance d'un fonctionnaire public est grande, moins elle doit être durable. Pouvoir longtemps n'est pas moins dangereux que pouvoir trop, et la réunion de ces deux facultés offre une combinaison qui ne peut être favorable qu'à l'aristocratie ou au despotisme; mais si, en général, la puissance déléguée ou confiée à un citoyen doit perdre en durée dans la proportion de ce qu'elle gagne en force, combien ce principe ne devient-il pas plus vrai quand on l'applique à ceux qui tiennent dans leurs mains rnonneur et la vie des hommes? Quoi! il y aura dans l'Empire une agrégation légale de citoyens indépendants de toutes les autorités constituées, de citoyens qu'il est impossible de soumettre à aucune responsabilité, parce qu'ils ne paraissent exprimer que leur opinion, et que la responsabilité s'arrête devant la pensée de l'homme ; et ces citoyens, armés du glaive de la loi, pourront en diriger les coups, les porter, les amortir ou les suspendre, et ils seront investis deux ans de ce pouvoir! Jamais on n'aura exercé parmi nous une dictature plus redoutable.
Je suis loin d'adopter les idées de ces hommes tourmentés par une méfiance perpétuelle, qui supposent toujours des prévarications, qui ne voient jamais que des crimes; mais je suis loin aussi de partager l'imperturbable crédulité de ceux qui repoussent jusqu'à l'idée de la possibilité de la corruption. Qui ne sait quel ressort peuvent donner à l'âme de l'accusé une grande crainte, une grande espérance, la crainte du supplice ét l'espérance ae la vie. Qui ne voit à quels efforts doivent se porter l'accusé qui se sent coupable, ses protecteurs ou ses complices, pour essayer de séduire le juré, ou en lui prodiguant l'or, ou en flattant son ambition par des promesses. Eh ! que faut-il donc au prévenu, que lui faut-il pour échapper à la justice? un sixième des voix? 5 jurés sur 24; oui, 5 jurés corrompus suffiraient-pour soustraire à la vengeance des lois plusieurs ennemis de la patrie et ae la liberté.
Il est juste d'examiner les motifs sur lesquels le comité fonde son opinion. Le rapporteur vous en a présenté quatre : je vais les parcourir successivement.
Le comité invoque ce système d'unité que la Constitution et toutes les lois nouvelles ont sagement établi dans les diverses branches de l'Administration. Je comprends mal ce que le comité veut dire par ce système d'unité ; ce ne peut être qu'il n'y ait en France qu'un seul pouvoir, qu'un seul tribunal; ce ne peut être davantage, en nous rapprochant de l'obiet de cette discussion, qu'il n'y eût, pour les délits ordinaires, qu'un seul jury, car chaque district a les siens. J'abandonne à des hommes plus habiles le soin de répondre à cette objection, que, encore une fois, je ne comprends point. Les grands juges devant être pris dans le tribunal de cassation, ajoute le comité, il est aisé de prévoir le moment où le nombre des décrets d'accusation aurait entièrement épuisé cette ressource. Le comité oubliée
que la loi donne aux juges de ce tribunal des suppléants qui doivent les remplacer dans le cas d'un empêchement légitime; en est-il de plus favorable qu'une absence ordonnée par elle, qu'une absence marquée par des services rendus a la patrie? Le comité parle, d'ailleurs, comme si les circonstances politiques qui nous environnent devaient être notre état perpétuel, et l'Assemblée constituante avait voulu faire une loi durable. De pareilles accusations seront" bien moins fréquentes, quand la victoire aura affermi la liberté et donné à la France ce bonheur paisible dont elle est si digne de jouir.
Le comité tire sa troisième raison de l'article 23 du 5e chapitre de la Constitution (titre III) et du 4e article ae la loi du 15 mai. L'Acté constitutionnel s'exprime ainsi : « Une haute-cour nationale, formee des membres du tribunal de cassation et des hauts jurés, connaîtra des délits des ministres et agents principaux du pouvoir exécutif, et des crimes qui attaqueront la sûreté générale de l'Etat ». La loi du 15 mai dit : « La haute-cour nationale connaîtra de tous les crimes et délits dont le Corps législatif se portera accusateur. » Le comité de législation voit dans ces deux articles l'établissement formel d'une seule haute-cour nationale et il en conclut de ce que loin de borner, selon lui, l'attribution de ce tribunal à la connaissance d'une seule accusation, ces articles déterminent le genre de délits dont la haute-cour nationale doit connaître.
Ce système est fondé sur une équivoque indigne, j'ose le dire, du comité de législation. Créer pour tels ou tels délits tel ou tel genré de tribunal, lui attribuer telle ou telle fonction, est-ce donc dire qu'il sera unique et exclusif? Les tribunaux criminels, les tribunaux de commerce ont aussi leur attribution, et nous avons plus d'un tribunal criminel, plus d'un tribunal de commerce. Il n'y a d'unique, dans la Constitution française, que le tribunal de cassation, et l'Acte constitutionnel l'exprime formellement. Il y aura pour tout le royaume, dit-il, un seul tribunal d'accusation. Si on avait voulu l'établir de même pour la haute-cour nationale, eût-on négligé de le dire, quand on parle d'elle deux ou trois articles après celui qui détermine l'unité du tribunal de cassation?
Et si nous voulions nous traîner ici dans une discussion grammaticale, nous citerions, entre plusieurs articles qui ne laissent aucun doute sur l'esprit de la loi, l'article 15, qui dit que, lorsque le Corps législatif aura fait sa proclamation pour annoncer la formation d'une haute-cour nationale, ceux de hauts jurés, etc., ce n'est pas de la haute cour-nationale qu'il est parlé; j'abandonne, au reste, ces minutieuses observations pour m'attacher aux dispositions de la fin de cet article et de l'article suivant. Les hauts jurés qui croiront avoir des excuses légitimes pourront les présenter; elles seront jugées par les [grands juges, et si l'empêchement allégué est jugé légitime, les noms des hauts jurés qui se trouveront excusés seront, pour cette fois, retirés de la liste.
Ils pourront donc être employés dans une seconde accusation. Il y aura donc plus d'une haute-cour nationale ; le comité lui-même convient de la faiblesse de la conséquence qu'il tire. En effet, quoique la haute-cour doive connaître de tous les délits dont le Corps législatif se portera accusateur, cependant, il en forme une nouvelle si la première s'est séparée pour les
autres accusations survenues pendant le cours de la législature.
. Le comité dit enfin : si l'existence d'une seule hauter.cour nationale est redoutable pour la liberté, quelle terreur ne jetterait pas dans l'Empire le nombre indéfini de ces tribunaux, qui auraient partout le même caractère de représentation nationale, le même pouvoir et la même indépendance ? Je réponds que ne pouvant circonscrire son pouvoir, il faut du- moins, comme je l'ai dit, en circonscrire la durée, et en partager l'exercice. Une seule est redoutable, parce que le sort des plus graves accusations étant dans ses 'mains, elle y aurait aussi le sort de l'ordre. public, de la tranquillité générale, du salut de l'Empire, puisque la corruption de quelques hommes pourrait, en laissant tant de crimes impunis, ébranler jusqu'en .ses fondements, et renverser l'édifice de la Constitution. Mais ce danger disparaît si, au lieu d'exister, d'être connu avant le crime, ce tribunal attend, reçoit son existence de ce crime même, et que le coupable ne puisse connaître quels citoyeus le sort lui donnera pour juges.
Je vais plus loin, et je soutiens qu'il faut ou l'ordonner ainsi, ou avouer qu'on nous trompe, en nous promettant des jurés. Ce n'est pas d un vain nom que nous avons besoin. Les créateurs des lois ont trop souvent insulté aux hommes, en couvrant d'un mot fastueux une institution perfide ;'trop souvent ils ont resserré les chaînes des peuples, en leur laissant, en faisant même retentir à leurs oreilles des expressions de la langue de la liberté ; mais nous ne serons pas sortis en Vain du long sommeil de l'esclavage. (Applaudissements.) Nous savons que le premier principe, le premier avantage de l'établissement des jurés, est dans ce que leur âme n'a pas encore été endurcie par la triste habitude de voir chaque jour des coupables ; dans ce, qu'aucun citoyen n'a la possession exclusive du droit de vie ou de mort; dans cette ignorance où est l'accusé des hommes qui prononceront sur l'accusation, ignorance qui met l'innocent à l'abri de la crainte, et le criminel hors de l'espérance de se sauver par la corruption. Nous ne laisserons pas évanouir, sous des paroles trompeuses, ce grand bienfait de la loi et de l'humanité; et cependant il serait perdu pour la France, et avec lui bientôt la liberté civile, si on pouvait, comme sous le régime ancien, savoir d'avance qui on jugera, par qui'on sera jugé, et si on laissait reposer sur les mêmes hommes, pendant deux années, le plus terrible des pouvoirs.
L'organisation des jurés pour les délits ordinaires avait déjà mérité le reproche de donner des fonctions temporaires à des hommes qui ne doivent prononcer que sur une accusation; et néanmoins leur liste n'est faite que pour trois mois, tandis que celle des hauts jures le sera pour deux ans ; la première est de 200 personnes par trimestre, c'est-à-dire de 1,600 pour les deux années; et celle pour les crimes nationaux n'en offre que 166 pour le même espace de temps. Renonçons du moins à l'idée ae la resserrer encore ; il est de notre devoir de multiplier les chances favorables à l'accusé. N'est-il pas temps que la législation se souvienne que si elle doit assurer la punition du crime, elle doit favoriser l'innocence, et ne plus la livrer au danger d'être victime de la méchanceté, de la prévention, de j la haitie ou de l'hypocrisie?
Si, cependant, on persistait à penser que la nomination d'une haute-cour nationale pour
chaque accusation présente des inconvénients graves, ce que je ne puis croire, voici du moins, comme ie voudrais amender l'article du comité de législation : Les différents délits portés à ce tribunal ont différents caractères ; les uns peuvent attenter à la sûreté de l'Etat, les autres à la liberté publique. Les crimes commis pour favoriser les entreprises des réfugiés; de Worms ou de Coblentz, la prévarication d'un ministre, l'attentat d'une portion de l'Empire à la souveraineté nationale ; les troubles pieux charitablement excités par ces ministres de la religion, qui osent blasphémer leur Dieu jusqu'à lui supposer l'horreur de l'égalité (Applaudissements.)y tous ces crimes à la fois n'appartiennent pas essentiellement à la connaissance des mêmes hommes; chaque genre de délits nationaux pourrait avoir une haute-cour différente. Le Corps législatif, en prononçant l'accusation, décréterait que cette accusation étant liée à d'autres, sur de semblables objets, ou appartenant à. un nouvel Ordre de crimes, il y a lieu, dans le second cas, à former un nouveau tribunal ; et dans le premier, à en charger celui qui existe déjà. Ainsi, on réunirait peut-être à l'avantage de remettre dans les mêmes mains tous les fils dont une trame a été ourdie, celui de ne pas concentrer sur quelques hommes une puissance excessive, en leurjxmfïant, pendant le cours entier d'une législature, le jugement exclusif de tous les attentats contré la patrie. La possibilité d'avoir en même temps plusieurs hautes-cours nationales n'a rien d'effrayant, surtout en ne lés réunissant pas dans le même lieu, en plaçant, par exemple, l'une à Orléans et l'autre à Sois-sons ; l'une à Sens et "l'autre à Amiens; l'une à Chartres et l'autre à Beauvais. Si diviser les hommes est le moyen de régner et d'asservir, diviser l'exercice de la puissance, on ne saurait trop le répéter, est le moyen d'être, de rester libre: Je le demande à ceux qui craignent l'existence simultanée de deux ou trois semblables tribunaux, en réunissant sur un seul l'influence et l'autorité ainsi partagées, seraient-ils plus tranquilles sur le sort de la liberté ?
Voici comment je propose d'amender l'article :
« La haute-cour nationale, convoquée pour juger une première accusation, connaîtra dés accusations subséquentes sur le même objet, qui lui seront renvoyés avant qu'elle se sépare par un nouveau décret du Corps législatif. »
Je reconnais la solidité des moyens qu'on a présentés contre les articles du comité. D'abord M. Crestin vous a dit, et M. Pas-toret paraît être réuni avec lui, .que nous avons à redouter beaucoup la permanence de la haute-cour nationale, pendant la session d'une législature, et il dit que l'Assemblée nationale constituante, en rendant son décret sur la formation des jurés dans les départements, paraît avoir prévu le danger qui pourrait suivre une trop longue durée des fonctions des juges employés auprès des tribunaux criminels.
Il me paraît d'abord que cette objection manque par le fait. La personne qui a le plus d'influence dans les tribunaux criminels des départements, c'est sans contredit le président ; or le résident doit être en exercice pendant six ans. ous voyez donc que l'Assemblée nationale constituante n'a pas redouté beaucoup le danger de la permanence. Il est vrai que, quant aux autres juges qui doivent former le tribunal criminel dans cnaque département, ces juges doivent changer par trimestre ; mais la raison n'en est
pas difficile- à saisir. On n'a pas voulu priver un tribunal de district d'un juge pendant 5 ans, ou pendant un trop long intervalle ; on a voulu d'ailleurs une égalité parfaite entre tous les tribunaux établis aans un môme départe-menf ; c'est par rapport à cela qu'on a voulu que les juges du tribunal criminel, dans chaque département, fussent renouvelés par trimestre.
Cette objection me parait donc n'être point d'une trop grande conséquence, et il me paraît, d'un autre côté, qu'on n'a pas beaucoup à redouter l'influence aes juges formant la haute-cour nationale; car enfin, Messieurs, examinons cette question sous un autre rapport : Qu'ont à faire les juges formant, la haute-cour nationale, et les juges formant un tribunal criminel quelconque? Ils n'ont qu'à appliquer la loi; or, certainement, dans l'application de la loi, lorsque les jurés ont décidé qu'un tel est convaincu d un tel crime, if me parait qu'il n'y a pas de grandes prévarications à redouter. Je ne vois pas que la permanence des juges, soit auprès des tribunaux criminels, soit auprès de la haute-cour nationale, soit dangereuse.
Je passe à la seconde objection. M. Crestin-vous a dit qu'on pouvait regarder comme complice du même délit tous ceux, par exemple, qui étaient accusés d'enrôlements, tous ceux qui envoyaient des gens sur les frontières, et ceux qui étaient à la tête des attroupements. Messieurs, si nous partions d'un grand principe, que tous les crimes quelconques seraient regardés Comme complicité, car tous les crimes quelconques tendent à bouleverser la tranquillité publique et, par conséquent, tous les crimes aboutiraient au même point, cette idée aurait de la solidité en morale; mais en législation, il n'en est pas de même. Un assassinat commis dans tel endroit, et un assassinat commis dans un autre endroit, quoique de même nature, ne sont pas cependant des crimes dont on puisse regarder les coupables comme complices.
On appelle complices ceux qui, conjointement, tendent a commettre le même crime. Or, ceux
2ui enrôlent d'un côté, ceux qui sont à la tête u même projet, n'agissent pas conjointement, ou peuvent ne pas agir conjointement et d'intelligence. Aussi, on ne peut pas regarder ces crimes comme connexes. On invoque ici beaucoup la liberté individuelle. Eh bien! si vous voulez la liberté individuelle, faites que chaque criminel soit jugé sur les preuves de son crime, faites que lé coupable soit jugé par des juges qui n apportent pas au jugement des impressions étrangères.
Ce que vous propose votre comité de législation est juste : il vous propose de renouveler la liste des jurés pour chaque accusation, et c'est précisément parce que ce sont eux qui jugent les faits, parce que ce sont eux qui, véritablement, prononcent sur l'honneur et sur la vie des citoyens, et, conséquemment, vous ne pouvez porter trop de soin pour former les jures. Ainsi, je regarde les articles proposés par le comité, comme marqués au coin de la plus hautë sagesse. J'insiste pour Qu'ils soient adoptés. Je demande la question préalable sur les amendements.
Un membre soulève une question incidente sur l'ordre de la parole et observe qu'il se tient ordinairement plusieurs listes de parole sur le même objet, attendu qu'il s'èn ouvre toujours une sur l'ajournement a'un rapport, lorsque celle
qui a été ouverte sur le rapport même, n'est ni épuisée, ni même, entamée.
(L'Assemblée décrète que la première liste ouverte sera suivie, nonobstant le rapport en ajournement intervenu, sans qu'il puisse lui en être substitué de nouvelles.)
Messieurs, la matière qu'il s'agit de discuter est infiniment importante. Je ne vois même pas que les idées soient encore assez mûres pour traiter un objet tout nouveau de législation. Nous avons, Messieurs, un point central qui nous réunit, c'est la Constitution, et "la loi du 15 mai n'étant qu'un règlement, ce règlement peut être invoqué ou modifié par vous, selon que vous le trouvez convenable.
Je n'ai pas besoin de rappeler à l'Assemblée que par les mots' haut juré, il faut entendre les jurés réunis, et que le même mot exprimé aussi les jurés. C'est sans doute une mauvaise dénomination que vous devez changer parce qu'elle jette quelquefois de la confusion dans les idées ; Il aurait mieux valu appeler la composition des jurés, le juris et les membres, les Jurés; n'importe, nous entendons ici par haut juré, la réunion des jurés.
Il y a plusieurs articles, dans cette loi, très importants sur la formation; mais il ne faut pas confondre lesjprands juges, les grands procurateurs, les greffiers et les huissiers, j'oserais dire toute la partie judiciaire, avec, la haute-cour nationale. Comme vous le voyez par la Constitution, la haute-cour nationale est composée de deux éléments, savoir les grands juges ou les membres du tribunal de cassation, et les hauts jurés. Ainsi, quand nous parlons de la haute-cour nationale, nous devons entendre la réunion de ces deux éléments ; savoir : les membres du tribunal de cassation et les hauts jurés.
Cette idée, Messieurs, me conduit à l'examen des premiers articles de votre comité. Il y a, Messieurs, une confusion de mots dans votre premier article: Car l'intention du comité n'est pas de comprendre dans ces mots, la haute-cour nationale, les grands juges, les grands procurateurs, le commissaire du roi, le greffier, les huissiers avec les jurés; au contraire, il n'entend pas y comprendre les hauts jurés. Il serait bien plus simple de le dire d'une manière nette et précise; et cela, Messieurs, s'explique par le troisième article ; car vous entendez que la composition du juré exigera un tirage au sort, chaque fois qu'il y aura une accusation. Un accusé a droit de récuser les jurés. Dès qu'il a droit de les récuser, ce ne sera donc pas les mêmes jurés qui pourront juger des accusations subséquentes. Ainsi la haute-cour nationale variera sans cesse quant aux jurés : elle pourrait varier encore quant aux juges; mais il est possible qu'on ne puisse la faire varier quant aux jurés, ni même quant aux juges, ou qu'on puisse la faire varier quant aux uns et non pas quant aux autres ; ce qui me paraît certain, c'est que la Constitution ne met point de bornes à votre pouvoir en ce point.
Le sens du premier article de votre comité est que les juges seront permanents tant qu'étant nommés pour la même accusation il surviendra, tandis qu ils feront l'instruction de cette accusation, d'autres accusations, et vous en avez l'exemple. Vous savez qu'on a contre le sieur Tardy et autres, porté un premier décret d'accusation : vous savez qu'il y a eu ensuite des décrets d'accusation contre le sieur Delattre et autres. La
haute-cour nationale n'a été formée que pour le sieur Varnier et ses complices; cependant, avant qu'elle soit formée d'autres accusations sont portées. Eh bien, il est très possible d'attribuer les accusations subséquentes à la cour formée pour la première accusation. Ce n'est pas la même haute-cour nationale qui les jugera ; mais vous pouvez dire que ce seront les mêmes juges : Vous ne devez donc pas dire les mêmes jurés. Les jurés doivent varier pour chaque accusation : il ne faut donc pas dire que la haute-cour nationale connaîtra des premières accusations et des subséquentes; mais lés mêmes grands juges, le même grand procurateur, poursuivront la première accusation et les subséquentes. Voila ce ' qu'il faudra dire nécessairement, par ce moyen tout s'entend : le troisième article est très intelligible. C'est là, Messieurs, l'explication de ce que je vous disais, car, si dans chaque accusation vous tirez au sort les hauts jurés, ce ne sera donc point les mêmes hauts jures qui composeront les mêmes hautes-cours nationales; ainsi, la haute-cour nationale varierait toujours quant aux jurés, mais ne varierait pas quant aux juges. Voila ma réponse aux observations faites par le préopinant.
Quant à vous, Messieurs, il faut voir si les articles sont justes. Vous avez bien le pouvoir de les faire ; mais il ne s'agit pas de votre pouvoir, li s'agit de ce qui est bon. Voyons si ces articles là en eux-mêmes sont bons.
D'abord, je m'arrête à l'article 1er. Un cas nécessaire est à supposer. Voilà des accusations maintenant portées ': elles peuvent être terminées dans un mois, dans deux mois. Si elles sont terminées dans un mois, la haute-cour nationale a aussi terminé ses fonctions ; il n'y a plus alors en action ni juges ni jurés, et s'il survient ensuite une accusation, il faut former une nouvelle haute-cour nationale. Mais maintenant si les accusations étaient si multipliées qu'elles ne puissent être terminées pendant le cours de la législature, et qu'à l'instant où la législature actuelle finirait, il y eût une instruction formée relativement à une accusation, faudrait-il que les grands juges, que les hauts jurés cessassent d'être, les uns jurés de jugement, les autres grands juges appliquant la loi, par la raison que la législature finirait? Et est-il convenable de dire que la nouvelle législature doit absolument enjoindre, et aux grands~jurés qui seraient saisis de cette accusation lorsque la législature finira, et aux jurés qui seraient employés à cette même accusation, qu'ils ne peuvent pas la continuer et qu'il faut convoquer une haute-cour nationale? Je ne crois pas, Messieurs, que cette disposition soit juste. Si, vers la fin de la législature, les grands juges et les hauts iurés sont saisis d'une accusation, ils doivent la continuer, et l'on ne voit pas pourquoi la fin de la législature leur retirerait cette compétence aux uns et aux autres. Je demanderais donc qu'on changeât cette disposition, parce qu'elle est absolument contraire à ce . que la loi peut exiger de vous. Voilà, Messieurs, mes observations sur les deux premiers articles.
, rapporteur. Messieurs, trois objections principales sont faites contre les trois premiers articles du projet de décret contre votre comité. MM. Grestin et Pastoret prétendent que les trois articles donnent une trop longue durée aux fonctions des grands juge3 et des procurateurs et à celles des hauts jurés ; et, cependant, dans le système de M. Grestin, ces fonctions
pourraient avoir une durée plus longue encore, puisqu'il voudrait que la haute-cour nationale pût connaître des affaires qui lui ont été renvoyées, même après la session du Corps législatif qui l'aurait établie.
M. Ducastel prétend que les articles 1 et 2 présentent une mauvaise rédaction, en ce qu'ils semblent confondre dans ces mots : la haute-cour nationale, les grands juges, les grands procurateurs, le commissaire du roi, le greffier, avec les hauts jurés, tandis que l'intention du comité, bien marquée par l'article 3, n'est pas de les y comprendre, puisque cet article exige une nouvelle composition du juré sur chaque accusation.
Messieurs, quant aux objections relatives à la durée des fonctions des grands juges et des grands procurateurs, ma réponse est que le comité s'est fondé sur la Constitution même pour les proroger, dans les cas qu'il a prévus, pendant toute la durée de la législature sans laquelle la haute-cour nationale aurait été formée et convoquée.
La Constitution ne nous donne pas d'autre élément pour la nomination des grands juges, que les membres du tribunal de cassation. Or, avec cet élément unique, le système de MM. Crestin et Pastoret pourrait devenir d'une exécution impossible. vous avez déjà porté quatre ou cinq décrets d'accusation. On ne peut prévoir quel sera le nombre de ceux que vous serez encore dans le cas de porter. Eh nien ! Messieurs, l'article cité de la Constitution porte que les grands juges seront pris parmi les membres du tribune de cassation. La loi relative à l'organisation du tribunal de cassation porte, qu'il doit toujours rester dans ce tribunal, je crois, 27 juges, pour y exercer leurs fonctions. Vous n'avez donc que 13 juges qui puissent composer l'élément pour la nomination des grands juges. Il est aisé de prévoir le moment où cette ressource serait épuisée, et vous n'auriez plus de moyens de former de nouvelles hautes-cours nationales.
Le comité a dit que- le système de l'existence simultanée de plusieurs tribunaux de ce genre serait contraire à ce système d'unité que la Constitution et les lois nouvelles ont établi dans toutes les branches de l'Administration. M. Pastoret n'a pas entendu cette partie de notre rapport, et il ne fallait pas cependant une intelligence supérieure pour l'entendre. Le comité a dit : il ne faut qu'une seule haute-cour nationale pour juger les crimes d'Etat, les crimes qui intéressent le maintien de la Constitution, comme il ne faut qu'un seul Corps législatif, un seul tribunal de cassation, comme il n'y a qu'un seul tribunal criminel dans chaque département, une seule administration de département, une seule administration de district, une seule municipalité dans une commune. Voilà le système d'unité.
A l'égard des hauts jurés dont votre comité vous a proposé de conserver le tableau pendant tout le cours de la législature, à la charge d'un nouveau tirage sur chaque accusation, ni M. Pastoret ni M. Crestin n'ont répondu à l'argument pris de la disposition de l'article 2 de la loi du 15 mai pour l'établissement de cette partie de votre projet de décret. Cette disposition est formelle; elle porte que les citoyens élus pour former le tableau du haut juré y demeureront inscrits pendant tout le cours de la législature.
Sans aoute que l'Assemblée nationale a le droit de changer cet article qui qst purement
réglementaire; mais avant de le changerai est à propos de bien réfléchir aux changements nécessaires, dans l'institution des jurés; il est prudent de les attendre de l'expérience et des événements qui pourront indiquer les plus grandes convenances.
Reste l'objection de M. Ducastel; et d'abord les doutes que présenteraient, selon lui, les deux premiers articles de votre projet de décret seraient levés, d'après lui-même aussi, par l'explication précise que donne l'article 3. Ensuite quoique les hauts jurés soient un des éléments de la haute-cour nationale et quoique, d'après cet article, leur composition doive être renouvelée sur chaque accusation nouvelle, il ne s'en suit pas que la rédaction des articles de notre projet soit vicieuse en ce qu'elle porte « que la haute-cour nationale, formée sur une première accusation, connaîtra de toutes les accusations subséquentes ». Gela ne s'applique qu'aux grands juges, grands procurateurs, et ne préjudicie pas au renouvellement nécessaire du iure. Cette dénomination générale, malgré le changement du juré, est la plus convenable. Il en est ici comme aux tribunaux criminels de département; et comme dans ces tribunaux, le président, les juges, l'accusateur public, le commissaire du roi, le greffier constituent seuls, à proprement parler, le tribunal, d'après les termes mêmes de la loi qui l'a institué; il en est de même des grands juges, grands procurateurs, commissaires au roi et greffier, à 1 égard de la haute-cour nationale.
Je répondrai très succinctement à ce qu'a dit M. le rapporteur. Toute la difficulté consiste à savoir si l'Assemblée nationale peut regarder comme autant d'accusations séparées, celles qui pourraient être portées successivement ; relativement à la question de droit, il est impossible d'instruire et de juger en même temps : et s'il en est ainsi, on n'a fait qu'éluder l'objection. Car enfin, comment est-il possible de supposer que la liste étant peut-être épuisée par des tirages subséquents...
Un membre : On ne discute pas cela. En répondant au rapporteur vous allez interrompre l'ordre de la parole. Je demande que la discussion soit suivie.
En s'attachant à la rigueur des principes et surtout à l'esprit de la belle institution des jurés, on ne peut se dissimuler que le projet de décret du comité de législation ne blesse ces principes et ne viole cette institution.
Le haut juré, composant avec les grands juges la haute-cour nationale, doit, aux termes dès lois, être convoqué'toutes les fois que le Corps législatif se porte accusateur ; car, Messieurs, je vois là que la haute-cour nationale ne peut jamais prononcer que sur un fait, mais je trouve bien mieux la preuve de cette vérité dans l'institution des jurés. Par cette institution, tous les citoyens sont appelés à prononcer alternativement sur le sort de tous ceux qui peuvent être accusés. Si donc vous faites qu un citoyen appelé par son propre droit et sans que personne le lui ait délégué, à prononcer sur un fait, puisse prononcer sur un autre fait, il est évident que, dans ce second moment, il use d'un droit qui lui est délégué, puisque c'est à la place d'un autre qu'il prononce en ce moment-là. Voilà, Messieurs, une vérité qui me semble découler essentiellement de l'institution du juré lui-même, d'où il est aisé de conclure que c'est blesser les principes que
d'ordonner que lorsque le juré aura été convoqué pour prononcer sur une accusation, il pourra, si les accusations se multiplient, prononcer sur toutes celles qui arriveront pendant qu'il se trouvera encore en fonctions.
Je sais bien ce qu'on me répondra, que la liste du juré variera pour chaque accusation. Mais je réponds à mon tour que vous appelez à prononcer sur diverses accusations, et sur des accusations d'un ordre supérieur, les mêmes citoyens, ceux que la loi n'a pas voulu.
Vous avez cité l'article 2 de la loi du 15 mai ; mais vous avez omis de citer l'article 23 ; car je vous demande comment il serait possible de concilier ce dernier article avec celui que vous avez cité, en supposant que vous pouvez rappeler à prononcer sur une dernière accusation le même juré qui a déjà prononcé sur une première. Vous voyez évidemment par là, Messieurs, quelle a été l'intention des législateurs qui n'ont pas voulu que, sur des faits d'une aussi grande importance, sur des faits où la corruption pourrait être si dangereuse, les mêmes jurés pussent prononcer deux fois : ils n'ont pas voulu d'ailleurs laisser entre les mains des hauts jurés un pouvoir si grand, si terrible; car. Messieurs, du projet du comité, il pourrait résulter, par l'effet du sort que les mêmes hommes seraient appelés, pendant deux ans, sur toutes les accusations qui pourront être portées par le Corps législatif. Or, je demande s'il est quelqu'un dont la conscience puisse avouer une telle attribution?
Le comité de législation a été arrêté par des obstacles sans nombre et surtout par le moyen de faire, lorsque les accusations se multiplient, que les mêmes jurés ne prononcent pas deux fois, même trois, pendant le cours delà législature, sur les accusations dont la haute-cour sera chargée. Cette considération ne m'arrêterait pas parce que je répondrais : épuisez d'abord la listè des jurés en suivant l'esprit et le texte de la loi ; et si enfin, il arrive que le Corps législatif soit forcé de porter tant d'accusations que la liste des jurés soit épuisée, alors on prendra la disette des jurés en considération, et le Corps législatif avisera aux moyens de fournir des juges aux accusés.
Mais, Messieurs, il est une autre considération bien plus importante encoré, et qui mérite d'être citée, parce qu'elle tient essentiellement au besoin qu'ont les accusés de pouvoir user de toutes les facultés que la loi leur accorde pour faire éclater leur innocence ou du moins pour les rassurer; c'est celle de la récusation. Votre comité de législation vous a dit, avec raison : la condition des aceusés ne sera pas la même, si les premiers ont à exercer des récusations sue une liste considérable de jurés, car les seconds, les troisièmes, etc., n'ayant pas un assez grand nombre de jurés, auraient un moindre nombre de chances à courir que les premiers, peut-être ils se trouveraient privés de jurés qui auraient fait éclater leur innocence, lorsque d'autres, au contraire, pourraient les condamner : en un mot, l'égalité des droits étant une des premières bases de votre Constitution, elle disparaît pour les citoyens qui, accusés des mêmes crimes, et ayant les mêmes juges de fait, se trouvent ne pas les avoir au moment même où ils en ont besoin.
J'avoue que cette considération, que cet embarras qui naît de la loi elle-même, est fait pour arrêter des législateurs qui veulent surtout concilier les sentiments de l'humanité avec ceux de
la justice, mais, Messieurs, cette considération a été pesée lorsque la loi a été rendue, elle n'a
S oint arrêté, les législateurs. Ils ont senti qu'en onnant aux accusés des hommes choisis dans tôùs les départements du royaume, en recommandant surtout aux électeurs des départements de porter dans ce choix la plus grande circonspection, la plus grande attention, pour ne donner aux accusés que des hommes reconnus par leur patriotisme, leurs lumières, leur intégrité, leur probité, les accusés n'auraient point à se plaindre, lorsque, privés déjà par le sort d'un assez grand nombre de jurés, il leur resterait encore des hommes sur la probité desquels ils n'auraient pas de soupçons à fonder. En un mot, la loi veut, dans les 166 jurés envoyés par les départements, des hommes également dignes de la confiance des accusés, sauf le cas des récusations particulières; elle n'a pas été arrêtée par la considération que les derniers accusés auraient à choisir dans un plus petit nombre de juges que les premiers et, dès lors, je ne crois pas que cette considération puisse nous arrêter nous-mêmes.
Mais, Messieurs, il me semble impossible que cette fonction de juré,-qui appartient essentiellement au peuple qui l'exerce par un droit qui est propre, puisse jamais être déléguée. Or, il est évident qu'elle le serait si le juré, qui n'est appelé à prononcer que sur un fait, prononçait sur un autre, parce qu'alors il serait évident que le juré remplirait les fonctions d'un autre citoyen qui serait appelé à prononcer sur son sort. D'après cela, je demande la question préalable sur l'article 3 du projet de décret du "comité.
fils. J'ai demandé la parole pour appuyer les articles du comité et pour proposer quelques articles additionnels qui me semblent absolument nécessaires pour former le parfait complément des lois sur la formation ae la haute-cour nationale.
Il me semble, Messieurs, que le. seul point qui puisse faire difficulté, et le seul qui puisse donner lieu à quelque discussion, c'est la disposition par laquelle votre comité délègue aux jurés destinés éventuellement à former la haute-cour, le droit de connaître de tous les crimes pendant tout le temps que le Corps législatif est en fonctions ; votre comité reconnaît en principe général, que le juré de la haute-cour nationale doit finir ses fonctions là où il intervient des accusations sur un autre objet. Cet article est conforme aux termes précis ae la loi du 15 mai, gui interdit d'une manière formelle aux hauts jurés la faculté de remplir une seconde fois les mêmes fonctions. On a donc dit aVec quelque apparence de vérité que le comité étendait la Inission du juré au delà des termes de la loi, en vous proposant de proroger ses fonctions, si le sort le décide, pour statuer sur les divers actes d'accusation qui peuvent être portés pendant la session du Corps législatif; mais, en y réfléchissant, on voit nécessairement qu'en donnant à ces mots : celui qui aura rempli une fois les fonctions de haut juré ne pourra plus les remplir le reste de sa vie, une trop grande restriction, il
s'en suivrait que le haut juré, qui aurait prononcé sur le sort d'un complice, ne pourrait dès lors juger celui des autres, parce qu'il aurait, à 1 égard du prévenu, rempli une fois la fonction de haut juré. Certainement, ce serait méconnaître lé sens de la loi que de vouloir lui donner une pareille application. Les fonctions de haut juré ne sont censément remplies que
lorsque le haut juré a prononcé, non pas sur le crime d'une personne, mais sur une accusation, quel que soit le nombre qu'elle enveloppe. C'ést alors seulement que le haut juré a rempli sa mission.
Mais si on examine la question de savoir si, lorsque le haut juré a prononcé sur une accusation particulière, il peut encore prononcer sur une autre accusation absolument distincte et séparée, vous ne pouvez vous dissimuler, Messieurs, que suivant , la loi du 15 mai, le haut juré ne pourrait en connaître. Il est évident qu'on remplit autant de fois les fonctions de haut juré qu'on prononce sur des actes d'accusation différents : et comme l'article 19 de la loi du 15 mai ne permet au haut juré que de remplir une seule fois une pareille fonction, il est nécessaire de donner un complément à cette loi, et de déclarer que les élections du haut juré ne devant se faire qu'au renouvellement de chaque législature, et les jurés devant rester, aux termes de la loi, sur le tableau pendant tout le temps de la session, ils ne sont censés dispensés d'exercer une seconde fois leurs fonctions que pour les autres législatures. 4
Je sais, Messieurs, qu'on a présenté différentes objections; mais en y réfléchissant, on s'aperçoit que ces appréhensions sont frivoles ; et je crois que nous sommes peut-être, à l'égard de la liberté, comme ces amants jaloux qui s'inquiètent de l'idée seule de voir détourner un moment les regards de leurs maîtresses. (Rires.) Pour élever des inquiétudes, il faut supposer qu'il soit possible que la confiance publique s'attacne plus particulièrement à 30 magistrats passagers, dans lesquels le peuple a choisi des connaissances différentes des vôtres, qu'à des hommes nommés pour faire les lois de l'Etat. Ainsi, Messieurs, je ne ,vois rien de dangereux dans les articles du comité; je ne vois, au contraire, que la nécessité de les adopter.
Quels inconvénients ne rencontrerons-nous pas à renouveler les hauts jurés à chaque accusation ? Cinq accusations'épuiseraient, en quelque sorte, le nombre des jurés des 83 départements, et vous épuiseriez aussi le nombre des membres du tribunal de cassation. Croyez-vous encore, Messieurs, qu'il soit convenable de couvrir la surface de l'Empire de hautes-cours nationales? Croyez-vous même que cela vous soit permis ? La Constitution dit : une haute-cour nationale sera formée. Il me semble qu'il en résulte que cette cour doit être unique, et de même que la nation ne peut être représentée, pour la formation de ses lois, que par le Corps législatif, de même, quand il s agit d'atteinte portée à sa liberté, le peuple n'a qu'un seul corps de représentants : la haute-cour nationale. S'il en fallait rassembler plusieurs, combien de frais de voyage, combien d'assemblées d'électeurs pour les nommer. Hé ! Messieurs, le peuple est latigué de tous ces rassemblements; pourquoi? parce qu'on n'est pas payé, parce que l'amour ae l'or séduit encore des cœurs, parce qu'après avoir pris un élan... (Murmures.)
Plusieurs membres : A l'ordre! ce n'est pas la question !
fils. Je conclus à l'adoption des articles du comité ; et je me propose de présenter quelques articlès additionnels lorsqu'ils seront adoptés.
Je pense que les trois premiers articles du comité doivent être adoptés. La Cons-
titution veut une haute-cour nationale pour connaître des crimes dont l'Assemblée nationale se rendra accusatrice. Je crois que la conséquence nécessaire est que cette haute-cour nationale, une fois établie, doit juger tous ceux contre qui le Corps législatif se porte accusateur. La Constitution porte : « Après qu'elle sera créée, cette haute-cour nationale, elle ne se rassemblera que sur la proclamation du Corps législatif. » Or, vous voyez que la Constitution n'a pas fait toutes les distinctions dans lesquelles plusieurs préopinants sont entrés.
J'avoue que l'on a invoqué une disposition de la loi réglementaire du 15 mai, qui porte que le haut jure, que le même juré ne pourra pas juger plusieurs fois en cette qualité, qu'il ne pourra y we employé qu'une fois en sa vie; mais ie pense
3ue cet article de la loi réglementaire n a voulu ire rien davantage que le juré pris collectivement.
Je propose la question préalable sur toutes les difficultés qu'on a voulu élever sur les articles proposés par le comité. Voulez-vous une haute-cour nationale? voulez-vous faire juger les accusations que vous avez déjà décrétées? voulez-vous ne pas paralyser cette institution,, d'où dépend le salut de la France ? acceptez les articles qui vous ont été proposés par votre comité. C'est le seul moyen de pouvoir faire juger des accusations déjà décrétées.
On vous a observé tout à l'heure qu'au moyen des récusations que chaque accusé serait maître de faire, au moyen de la récusation générale portée par la loi contre ceux qui auraient été admis une fois en qualité de jurés, dans 6 semaines vous n'auriez plus de hauts jurés sur la liste ; qu'il faudra convoquer les assemblées électorales dans tous les départements pour en avoir d'autres. Je demande, Messieurs, si lorsqu'un pareil inconvénient nous est dénoncé, si lorsque le comité de législation ne trouve d'autre moyen d'y remédier que les articles qu'il nous propose, nous devons balancer à les accepter?
On y trouve des inconvénients ; mais je vous observe que. dans une loi dont nous n'avons pas encore pesé l'effet, dont les leçons de l'expérience pourront seules nous faire connaître ou les inT ' convénients ou les dangers, il faut attendre qué* les observations des hommes qui auront concouru à un jugement vous annoncent les modifications dont cette loi sera susceptible à l'avenir.
Quant à présent, il est de l'intérêt public que la haute-cour nationale soit p'romptement organisée, qu'elle puisse agir contre les coupables que Vous lui avez dénoncés. Le comité de législation s'est convaincu , et tous les bons citoyens se convaincront avec lui, qu'il est impossible de lafaire marcher, si vous n'acceptez pas les articles qu'il vous propose. Les observations mêmes qu'on a faites en sont une preuve, car les inconvénients peu marqués' qu'on a reprochés à ce travail, n ont amené aucun remède. [Applaudissements.) Je conclus donc à la question préalable sur les amendements.
Plusieurs membres : La discussion fermée 1
Le véritable sens des articles qui vous sont présentés par votre comité, se réduit à ces termes-ci : les grands juges, les grands procurateurs, lorsqu'ils seront saisis d'une première accusation, pourront continuer de connaître des accusations qui surviendraient, tandis qu'ils instruiront la première.Mais les hauts jurés seront renouvelés à chaque accusation. Sur ce point-là,
qu'a dit M. Guadet? Il a prétendu que d'après l'article 19 de la loi du 15 mai, il n'était pas possible qu'un haut juré, qui une fois aurait rempli se» fonctions, put les remplir une seconde. Cependant, dans rintention de votre comité, et cela est nécessaire d'après les circonstances, il faut qu'un haut juré, ayant rempli seSfonctions, puisse être encore tiré au sort, sans quoi votre liste serait épuisée. . v Qu'est-ce donc que M.1 Guadet oppose à cela?
naux ordinaires, il en est qui devront remplir leurs fonctions plus d'une fois; cependant ils exercent des fonctions aussi importantes, puisqu'on condamne dans les tribunaux criminels à la peine de mort, comme l'on condamnera à la peine de mort dans la haute-cour nationale. Ainsi, il n'y a pas essentiellement incompatibilité à ce qu'un juré ne puisse deux fois exercer ses fonctions. Je dis ensuite : quel a été l'esprit de la loi, quand on dit qu'un haut juré ne pourrait pas deux fois exercer ses fonctions? c'est, Messieurs, parce qu'un haut juré est déplacé. En conséquence, on a dû dire qu'un homme qui une fois, aes confins du royaume, serait venu à Orléans exercer une pareille fonction, cet homme-là ne doit pas l'exercer deux fois. Je veux croire qu'on l'a peut-être encore écarté, par la raison qu il ne faut pas accoutumer les hommes à exercer un ministère aussi sérieux, mais l'article qiie l'on cite est un article de règlement; vous n'êtes liés que par la Constitution, les règlements ne vous lient pas, vous avez le droit d abroger la loi du 15 mai si les circonstances vous y obligent. Ainsi, •dès que nous sommes dans des circonstances pressantes, que nous avons besoin de jurés, que nous avons senti qu'ils seraient bientôt épuisés si on suivait la marche contraire, le comité a donc eu raison de vous proposer les jurés dans la classe ordinaire.
Je viens aussi, moi, à un article très important; c'est la fin de l'article 2. Que vous propose-t-on? on vous dit : à l'instant où nous serons à la fin de la législature, si la haute-cour est assemblée et qu'on lui renvoie la connaissance d'un délit, si elle a commencé l'instruction, la continuera-t-elle quand une nouvelle législature surviendra? Votre comité dit non, et moi je dis oui : ainsi, je veux, Messieurs, que l'on réforme la fin de cet article. Je ne vois aucune raison pour maintenir l'article. Est-ce que les grands juges, est-ce que les grands procurateurs ne pourront pas continuer leurs fonctions? non, aira-t-on, parce que ceux-ci sont.pris dans le sein de l'Assemblée \ mais la Constitution ne l'a pas dit, c'est la loi réglementaire qui le dit; Vous pourriez les prendre ailleurs. Nulle loi ne vous y oblige. Mais les grands procurateurs nommés pour une haute-cour nationale et ayant commencé une instruction, doivent nécessairement la continuer. Il en est de même des hauts jurés. Il serait ridicule de vouloir suspendre une instruction commencée et prête à finir quand la législature finira. 11 est vrai que l'on donne à l'autre législature le pouvoir de remplacer la haute-cour nationale. Ainsi la législature subséquente fera à cet égard ce qui est raisonnable. Ce n'est pas à nous à lui prescrire de règles. Tout ce que nous devons prescrire, c'est ce qui nous est nécessaire.
Voilà, Messieurs, mes observations. Je propose la question préalable sur ces deux articles, et j'ose dire à 1 Assemblée que le projet n'est point
assez médité, et qu'on devrait ajourner cet objet à quelques jours.
(L'Assemblée ajourne à lundi la suite de la discussion sur le complément d'organisation de la haute-cour nationale.)
, au nom du comité de législation, fait un rapport sur quelques articles additionnels tendant à accélérer l'instruction et le jugement des affaires criminelles, suivant la loi du juré; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, vous avez chargé votre comité de législation de vous présenter un rapport sur plusieurs articles additionnels, qui ont paru nécessaires pour le complément ae la loi sur les jurés, et en même temps sur cette question importante : les juges des tribunaux criminels seront-ils ambulants?
Votre comité, considérant cette question sous tous ses rapports, et la méditant avec le soin qu'elle exige, a vu, en effet, Messieurs, qu'une foule d'articles essentiels avaient échappé à l'attention de l'Assemblée constituante, et que ces articles, réclamés de toutes les parties du royaume, étaient indispensables pour le maintien de la liberté, pour l'éloignement de tout pouvoir arbitraire, et surtout, Messieurs, pour la conservation de ce principe simple d'égalité, qui contient toute la Révolution française, et sans lequel tous nos systèmes d'administration seraient continuellement ou altérés, ou ébranlés, parce qu'ils n'offriraient jamais qu'un édifice sans fondement.
Votre comité a déjà posé les bases d'un travail qu'il va soumettre a votre attention, et qui vous mettra à même de perfectionner cette belle institution, dont les avantages ont été si universellement sentis.
Mais l'importance même des objets qui doivent vous être présentés, ayant fait craindre qu'ils ne fussent pas à l'abri des discussions, et cependant, quelques articles étant de nature à ne souffrir aucun retard, votre comité de législation, sur les doutes annoncés dans divers mémoires, ou dans les observations du ministre de la justice, a cru devoir poser ainsi les principales questions.
Premièrement, « se présente-t-il dans les cir-« constances actuelles quelque motif ou quelque « obstacle puissant qui détermine à suspendre « l'installation des tribunaux criminels et le ju-« gement par jurés? »
Sur cette première question, Messieurs, une seule opinion s'est manifestée dans votre comité. II a été reconnu d'une voix unanime que toute suspension serait dangereuse, et contrarierait le vœu de la Constitution. (.Applaudissements.)
En effet, Messieurs, l'institution du juré, aux termes de la loi du mois de septembre dernier, doit être mise à exécution dès le premier janvier prochain ; et cette loi tient à la Constitution même, puisque l'Acte constitutionnel porte, en termes exprès, qu'en matière criminelle nul citoyen ne peut être jugé que sur une accusation reçue par des jurés, ou décrétée par le Corps législatif, dans le cas où il lui appartient de poursuivre l'accusation.
Que les vrais amis de la Constitution et de la liberté soient donc parfaitement
tranquilles. Loin que votre comité ait à vous proposer aucune sorte ae prorogation ou de
suspension, il vous invite,
Mais voici, maintenant, la seconde question :
« Les tribunaux criminels pourront-ils agir, dès « ce moment, avec l'activité qu'exige la sûreté « publique, si l'Assemblée nationale ne se déter-« mine pas à les rendre ambulants, et si elle ne « décrète les articles additionnels nécessaires « pour le complément de la loi ? »
Votre comité a pensé qu'il était, en effet, très pressant de rendre un décret sur la question de l'ambulance, ainsi que sur une foule d'articles additionnels, auxquels tient essentiellement la conservation des principes ; mais il a vu en même temps que, d'ici au premier janvier, il était moralement et physiquement impossible de lever toutes les difficultés. Il a craint des débats inévitables ; et cette considération l'a déterminé à ne vous présenter aujourd'hui qu'une partie du rapport qu'il doit vous offrir à cet égara. Cette partie comprend les articles absolument et rigoureusement nécessaires pour que les tribunaux criminels puissent entrer en activité
Ces articles, Messieurs, sur lesquels votre comité a espéré que le vœù de l'Assemblée nationale serait unanime, sont le mode d'installation du tribunal criminel, celui de la nomination des huissiers, et le remplacement des présidents et accusateurs publics, qui, dans quelques départements, ont été portés à la législature.
Relativement à l'installation, il s'est d'abord élevé quelques doutes sur la question de savoir si on l'attribuerait aux directoires de département, de présence aux conseils généraux des communes. Après quelques légères discussions sur cet objet, on a reconnu qu'il n'existait, ni dans les principes, ni dans la loi, aucune raison positive de préférence en faveur de l'un ou de l'autre de ces corps ; mais on a pensé qu'il y aurait plus de convenance et plus de solennité, si on l'attribuait aux conseils généraux des communes.
Votre comité a iugé, en même temps, que le serment qui devait être prêté devant le conseil de la commune, par le président et par l'accusateur public, devant l'être aussi devait la même commune par le greffier du tribunal, qui, comme les premiers, a reçu son caractère ae fonctionnaire public de l'assemblée électorale du département. C'est une différence essentielle entre ce greffier et ceux des tribunaux de district qui sont installés et prêtent le serment devant les juges seuls de qui ils tiennent leurs pouvoirs.
Quant aux 3 juges des divers tribunaux de district, qui doivent alternativement concourir à la formation du tribunal criminel, quoique les fonctionnaires aient déjà prêté le serment, quoique, d'un autre côté, Messieurs, cette formule sainte du serment, pour conserver son caractère, et inspirer dans tous les temps un respect religieux, doive être rarement employée, et jamais sans nécessité, votre comité a considéré, en premier lieu, que, dans une cérémonie publique et solennelle, il y aurait une sorte d'irrégularité à ce que parmi les membres du même tribunal, l'un prêtât le serment, lorsque les autres en seraient dispensés.
En second lieu, gue le'serment prescrit aujourd'hui par la Constitution n'est pas le même que celui qui a été prêté lors de l'installation des tribunaux de district. Sur ce double motif, Messieurs, il a paru nécessaire et convenable que les juges de district, qui entreraient dans le tri-
bunal criminel fussent de nouveau assujettis au serment.
Il fallait aussi pourvoir à la nomination des huissiers, qui, dès le premier moment de l'activité, se trouveront nécessaires dans chaque tribunal.
La loi du mois de juin dernier porte qu'il y en aura trois à Paris, et deux dans les tribunaux criminels des autres départements; mais cette loi ne détermine point le mode d'élection, et elle ne fixe de traitement que pour ceux de Paris.
Après avoir successivement examiné divers modes d'élection, votre comité de législation a pensé, Messieurs, que cet article ne pouvait pas offrir une longue discussion dans l'Assemblée nationale, et s'il est déterminé à vous proposer de décréter que la nomination serait faite par le président et les trois juges de district ; et qu'en cas de partage, le plus âgé des candidats aurait la préférence.
Enfin, Messieurs, il est indispensable de remplacer les présidents et accusateurs publics, qui ne se trouvent point à leur poste, soit parce qu'ils ont été appelés à la législature, soit par tout autre empêchement.
Diverses observations et la lettre du ministre de la justice renvoyée au comité le 19 de ce mois (1) ont présenté la question de savoir si ce remplacement serait définitif, ou s'il ne serait que provisoire.
Mais, à cet égard, Messieurs, il n'est pas possible d'avoir deux opinions, la Constitution, déclarant incompatible l'exercice des fonctions judiciaires attribuées à sa place.
De là votre comité a tiré la conséquence, que le remplacement des présidents et accusateurs publics, qui se trouvent dans ce moment députés a la législature, ne devait être que provisoire.
Quant au mode de remplacement, voici, Messieurs, celui qui a paru le moins susceptible d'inconvénients : c'est d'appeler 4 juges ae district, au lieu de 3, dans les départements où il manque, soit le président du tribunal criminel, soit 1 accusateur public, et de décréter que ces 4 juges nommeront au scrutin celui d'entre eux qui devra remplacer provisoirement ou l'accusateur public, ou le président du tribunal criminel ; le plus âgé des candidats sera préféré.
Dans les départements où il manque à la fois et le président et l'accusateur public, il faudra appeler 5 juges au lieu de 4, suivant l'ordre des districts, et leur accorder le même droit de nomination au scrutin pour le remplacement provisoire de deux fonctionnaires absents.
Par là, Messieurs, vous ne violez en aucune manière l'ordre établi ; vous conservez le principe de l'institution; et vous avez l'avantage d'éviter les retards qu'entraînerait nécessairement une nouvelle convocation d'assemblées électorales, mesure qui, dans ce moment-ci, offrirait des difficultés et des inconvénients très nombreux.
Sur ces considérations, Messieurs, votre comité de législation s'est déterminé a vous présenter le projet de décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de législation, considérant qu'il
im-
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit.
« Art. 1er. Les tribunaux criminels qui, à l'époque de la
publication du présent décret, n'auront point été installés, le seront, sans délai, par les
conseils généraux des communes des lieux où ils doivent siéger ; et ils commenceront leur
service immédiatement après leur installation.
« Art. 2. L'installation se fera dans la forme qui a été prescrite par la loi du 24 août 1790, pour les tribunaux de district.
« Art. 3. Le président, les juges, l'accusateur public et le greffier prêteront, devant le conseil général de la commune, le serment civique prescrit par la Constitution, et ils jureront, en outre,' de remplir avec exactitude et impartialité les fonctions de leurs offices.
« Art. 4. Après ce serment prêté, les membres du conseil général de la commune, descendus dans le parquet, installeront les juges, et au nom du peuple, prononceront pour lui rengagement de porter au tribunal et à ses jugements le respect et l'obéissance que tout citoyen doit à la loi et à ses organes.
« Art. 5. Le président et les trois juges composant le tribunal procéderont à la nomination ae deux huissiers, conformément à la loi du mois de juin 1791 ; et le traitement de ces huissiers sera incessamment fixé par l'Assemblée nationale.
« Art. 6. Dans les départements où le président du tribunal criminel, ou l'accusateur public, ou l'un et l'autre à la fois, sont absents, soit parce qu'ils ont été députés à l'Assemblée nationale, soit pour toute autre cause légitime, il sera pourvu à leur remplacement provisoire, de la manière qui suit :
« Art, 7. Dans le cas où le président et l'accusateur public manqueraient à la fois dans le même département, il sera pris dans les tribunaux de district, suivant le mode indiqué par la loi du mois de janvier dernier, pour la formation du tribunal, cinq juges au lieu de trois, lesquels nommeront au scrutin celui d'entre eux qui devra remplacer .provisoirement le président du tribunal et celui qui devra être cnargé, aussi provisoirement, des fonctions de l'accusateur public.
« Art. 8. S'il se trouve seulement l'un de ces deux fonctionnaires, soit le président, soit l'accusateur publie, absent pour les causes exprimées dans l'article 6, il sera pris dans les tribunaux de district, suivant le même mode, quatre juges, qui nommeront aussi au scrutin celui d'entre eux qui devra remplacer le fonctionnaire absent; et, en cas de partage, le plus âgé des candidats sera préféré. »
L'impression et l'ajournement à demain !
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret de M. Lamarque et l'ajournement de la discussion à demain.)
(Sur les observations faites par le bureau, l'Assemblée décrète ensuite que la première liste
de parole formée sur ladite discussion, sera suivie.)
Je demande la parole pour faire lecture à l'Assemblée de deux lettres envoyées à la dèputation du Bas-Rhin par M. Dietrich, maire de Strasbourg. .
« Strasbourg, le
« Messieurs, le magistrat de Worms vient d'adresser à la municipalité de Strasbourg copie d'une lettre qu'il a écrite au roi, pour lui faire connaître qu'il a requis M. de Gondé de quitter la ville de Worms et pour protester de l'attachement de la yille de Worms à la France.
« Le maire de Strasbourg.
« Signé ; dietrich. »
Voici une autre lettre du maire de Strasbourg, datée du 24 décembre, contenant les faits suivants :
« Les émigrés français, réfugiés dans le Bris-gau, ont reçu ordre de la régence de quitter le pays sous deux fois vingt-quatre heures. (Applaudissements.) Nous aurions beaucoup de déserteurs autrichiens, s'ils savaient trouver de l'emploi chez nous ; mais ils n'osent déserter à présent parce qu'on ne les souffre pas en France, et ils sont réduits à aller mendier en Suisse, où on les envoie pour la plupart. Il doit arriver dans le Brisgau 1,100 dragons qui doivent être cantonnés dans les villages; les ordres sont donnés pour les cantonnements. Les émigrés font encore des tentatives journalières pour débaucher une partie de notre armée.' Un sieur Gerbruf, qui avait servi dans le régiment Liégeois, vient d'écrire à l'adjudant de ce régiment, pour l'engager à déserter avec une partie des sous-officiers, en leur promettant de l'avancement dans le corps que lève M. de Wittgenstein.
« Signé : dletrich, « maire de Strasbourg. »
Un membre : Je demande le renvoi de ces lettres au comité diplomatique.
Je demande que la lettre relative aux faits d'embauchement des compagnies françaises soit renvoyée au comité militaire.
(L'Assemblée renvoie ces deux lettres aux comités diplomatique et militaire réunis.)
L'Assemblée nationale entendra sans doute avec plaisir une autre lettre d'un habitant de la ville de Spire. Elle verra avec satisfaction que les mêmes sentiments y prédominent. Le syndic de la ville de Spire, M. Saint-Geôrge, écrit à l'un de ses amis, capitaine au 2e bataillon des volontaires nationaux du Bas-Rhin et lui demande de faire connaître l'esprit des habitants de cette ville. Il réclame le témoignage du général Kellermann qui m'adresse la lettre de ce magistrat et désire que je la fasse connaître à l'Assemblée nationale.
Copie de la lettre de Spire, datée du 5 décembre, écrite par M. Saint-George, syndic de ladité ville de Spire.
« Monsieur et cher ami,
« Un de nos amis, résidant en France, vient de me mander que, dans un rapport fait à l'Assemblée nationale, les villes de Spire, Worms et Offenbourg avaient été citées comme les refu-
ges des émigrants français. Il nous importe infiniment que l'Assemblée nationale soit désabusée de l'opinion qu'elle pourrait avoir sur les sentiments des habitants de la ville de Spire.
« Vous savez, Monsieur et cher ami, combien il est faux, que nous souffrions des émigrants français; vous savez de même qu'on a défendu à un certain comte d'Erbentheim, le recrutement qu'il avait voulu commencer; vous savez aussi qu'on ne souffre point le passage des recrues pour la légion de Mirabeau et vous ne pouvez point enfin ignorer la haute vénération des citoyens de la ville de-Spire pour la Constitution française. Je vous prie d'engager le vénérable général Kellermann d'être notre défenseur à l'Assemblée nationale, de lui faire connaître la fausseté du rapport qui lui a été fait concernant notre ville. Il nous obligera infiniment et nous lui en aurons la plus vive reconnaissance. Connaissant, Monsieur et cher ami, votre façon de penser pour la ville de Spire, j'espère que vous voudrez bien lui rendre le service que je vous demande en son nom.
« Signé : saint-george, « syndic de la ville de Spire. »
En attendant que nous ayons les déclarations satisfaisantes des princes, je demande que les déclarations satisfaisantes des peuples et aes villes soient renvoyées au comité diplomatique.
(L'Assemblée renvoie la lettre du syndic de là ville de Spire au comité diplomatique.)
J'ajoute aux faits dont il vient de vous être donné connaissance, un autre fait plus important encore que ceux-là, c'est que les émigrés commencent a quitter les bords du Rhin et qu'ils se replient sur l'intérieur de l'Allemagne. Il y en a déjà un grand nombre qui se trouvent rassemblés à Limburg, petite ville du côté de Wetzlar, mais qui fait encore partie de l'archevêché de Trêves. J'ajoute* Messieurs, que si les émigrés disparaissent d'un côté, les troupes autrichiennes paraissent de l'autre. 4,000 hommes sont maintenant à Merzig, sur les bords de la Saar, ville qui faisait autrefois partie de la Lorraine et qui a été échangée contre d'autres avec l'électeur de Trêves. On me marque que les bourgeois seront payés de leurs logements ; mais que Ton ne sait point encore quelle est la destination de ces troupes autrichiennes.
J'ajoute encore que nos chevaliers errants n'ont pas renoncé à tout espoir et je déposerai sur le bureau le règlement de guerre des princes français. (Applaudissements dans les tribunes.) 11 a pour titre : Règlement pour les cantonnements avec lettre d'envoi des princes frères du roi} et déclaration de leurs sentiments. On a dit qu'ils n'avaient point de troupes armées, et cependant ces états qui sont imprimés portent en tête des colonnes les noms des régiments qu'ils ont formés, infanterie ou cavalerie, les officiers, gentilshommes pensionnés, hommes de garde détachés ou postés, etc... Suit la déclaration de nos chers princes : « Monsieur, Mgr comte d'Artois et les autres princes français viendront chez vous pour rétablir le respect dû à la religion catholique et romaine (Rires.) ; rendre au roi sa liberté, son autorité légitime, aux différents ordres de l'Etat leurs droits véritables, fondés sur les lois de la monarchie ; à chaque citoyen, ses propriétés ; au royaume, son antique et immuable constitution; à tous les Français et surtout aux habitants des campagnes, la sûreté et la tranquillité
et l'administration de la justice dont ils sont privés. Ils nous donnent pour cela leur foi de gentilshommes. » (.Applaudissements ironiques.) Ce règlement est signé par les princes français, Louis-Stanislas-Xavier, Charles-Philippe. (Rires et applaudissements. (Vorateur dépose cet imprimé sur le bureau.)
Plusieurs membres : Dans les archives! (Oui! oui !)
D'autres membres : Le renvoi au comité diplomatique !
(L'Assemblée renvoie cet imprimé au comité diplomatique.)
, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, fait un rapport sur la demande formée par la commune de Paris d'une avance de 300,000 livres par mois, jusqu'au 31 décembre; il présente le projet de décret suivant (1) :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que quand la loi du 22 août dernier a borné au mois
d'octobre les avances à faire aux municipalités, sur le produit des sols pour livre
additionnels des contributions foncière et mobilière, et droits de patentes qui leur sont
attribués, c'est qu'on a pensé qu'a cette époque, des contributions seraient en recouvrement,
et que les municipalités pourraient fournir aux dépenses locales par la rentrée des mêmes
sols pour livre additionnels; que cette présomption, générale pour tout le royaume, ne
pouvait pas être appliquée à la ville de Paris, dont la population et i étendue
présenteraient plus de difficulté et de plus grands obstacles à l'assiette et à la
répartition des contributions, et en retarderaient, par une conséquence nécessaire, le
recouvrement; que ces contribu-
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'extraordinaire des finances, et après le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
« La caisse de l'extraordinaire fera à la municipalité de Paris une avance de 300,000 livres pour chacun des mois d'octobre, novembre et décembre de la présente année, lesquelles seront restituées à ladite caisse, sur le produit de la perception des sols pour livre additionnels aux contributions foncière et mobilière de 1791; les sommes provenant desdites avances ne pourront être employées qu'au payement des dépenses municipales des six derniers mois de l'année présente, sur des états de distribution approuvés par le directoire du département. »
(Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des léttres suivantes :
1° Lettre des députés extraordinaires du département du Pas-de-Calais qui demandent a être admis à présenter une pétition à l'Assemblée nationale.
(L'Assemblée décrète qu'ils seront admis à la séance de samedi soir.)
2° Lettre du sieur Pache, qui fait hommage à l'Assemblée de quelques exemplaires d'une seconde observation sur la pétition des membres du directoire du département de Paris.
(La séance est levée à quatre heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
TABLEAUX ANNEXÉS au rapport fait par M. LAFON-LADEBAT, au nom des comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, SUR LES DÉPENSES DE L'ANNÉE 1792 (1).
N 1er
TABLEAU DES DÉPENSES DU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES Envoyé par le ministre le 10 décembre 1791.
CHAPITRE PREMIER.
DÉPENSES DU SERVICE PUBLIC.
ARTICLE 1ER. APPOINTEMENTS ET AUTRES TRAITEMENTS ANNUELS POUR LES MOIS DE JUILLET, AOÛT ET SEPTEMBRE 1791.
Appointements et autres traitements annuels.
Ambassadeurs, ministres et autres employés en pays ]
étrangers............................................................................................2,000,000 1. /
Article 1er. J Ministre des affaires étrangères................... ..............150,000 > 2,500,000 1.
Bureaux..............,..........................................275,000 \
Autres agents du service politiqne..................................................75,000 1
Cet article est calculé sur l'état actuel des ambassadeurs et ministres. Si, par suite des circonstances, il arrivait que quelques ambassades ne fussent pas remplies, la dépense en diminuerait en proportion, et offrirait à la lin de l'année une économie dans le résultat du compte.
Art. 2. Indemnités pour frais de premier établissement, voyages et
autres dépenses du service........... ............................................................400,000 1.
Art. 3. Remboursements, loyers, ouvrages, fournitures et autres dé- ^ 500,000 1.
penses de ce genre...................................................................................................50,000
Art. 4. Courses et services de la correspondance............................................50,000
CHAPITRE II. — dépenses du service secret.
Art. 1". Subsides, secours à des étrangers, et autres dépenses secrètes. 2,600,000 1. ,) g ^qq qqq j Ar. 2. Dépenses des ligues suisses.................................... 700,000 ) ' '
Total............................... 6,300,000 1.
N° 2.
RECAPITULATION GÉNÉRALE DE LA DÉPENSE DE LA GUERRE
1. s. d.
TITRE I". — Appointements et solde......................................... 106,790,374 11 4
TITRE II. — Masses et fournitures de toute espèce aux troupes.............. 47,437,775 10 »
TITRE III. — Dépenses relatives aux travaux et approvisionnements de l'artillerie et du génie............................................. 28,240,000 » »
TITRE IV. — Dépenses relatives aux jugements militaires et à la police des
troupes...............................................................500,000 » »
TITRE V. — Dépenses d'administration générale et frais imprévus............ 1,831,000 » »
TITRE VI. — Retraites et récompenses militaires et Hôtel des Invalides....... 6,063,465 » »
Total........................ 190,862,615 5 5
Gendarmerie nationale : 9,076 hommes......................................... 10,529,050 » »
Approvisionnement et fourniture de guerre demandés par le roi................. 20,000,000
» »
Total général.......................... 221,391,665 5 5
RECAPITULATION GENERALE
DU COMPLET DE L'ARMÉE.
NOMS
des differentes armees.
Française.
Infanterie { Suisse.....
Légère
Carabiniers. Cavalerie...
Troupes
à ( Dragons, cheval
Chasseurs.
Hussards.
Canonniers.............
Cor s J M*neurs (6 compagnies)., d'artillerie j Ouvriers (10 compagnies).
Service des places.......
Corps du génie...............
État-major général de l'armée.
État-major des places.........
Commissaires des guerres....
Total de l'armée de ligne.
Gardes nationales . Soldats auxiliaires.
100 12 14
2 »
24 » 72i
18 » 54V
12 » 48l
6 » 24,
200 26 14
NOMBRE D'HOMMES.
NOMBRE DE CHEVAUX,
officiers.
»> 7,216
14
200
Total du complet de l'armée pour l'année 1792
1,896
858
310 301 50 180
10,811 6,200
17,011
soldats.
174,216
35,560
11,547
221,323
108,600 75,000
404,923
officiers.
2,556
2,556
2,556
soldats.
33,620
33,620
33,600
N° 3.
RÉCAPITULATION GÉNÉRALE DE L'APERÇU DES DÉPENSES DES COLONIES POUR L'ANNÉE 1792.
Remis par M. BERTRAND, le 15 décembre 1791.
- 1. s. d.
Saint-Domingue, y compris les dépenses de France.. 5,334,120 18 4 Mémoire.
1. Si d.
La Martinique — — — ..............................1,760,629 13 4
La Guadeloupe — — — ...........! .... 956,483 13 4
Sainte-Lucie — — — ..................................591,468 16 8
Tabago — — - ..................................458,257 6 8
Cayenne — — — ..................................986,046 » »
Sénégal et Gorée — — — ..................................381,041 10 »
Juda - — - ...... ......... i 37,800 » »
Saint-Pierre et Miquelon — — .......................183,845 » »
Iles-de-France et de Bourbon — — ..........—.. 4,640,105 5 »
Pondichéry................................................Mémoire......
Dépenses de France, pour le service des colonies en général........................500,000 » »
Chapitre de reprises, perte sur les piastres et lettres de change etc..........1,800,000 » 8
Total.................... 12,295,677 1. 5 s.»
A déduire :
Les appointements, solde et masse, sur le pied de France, des troupes de ligne employées dans les différentes colonies, dont le département de la guerre devra verser le montant dans la caisse de la marine,
Savoir :
Des six régiments employés à Saint-Domingue et au delà du cap de Bonne-Espérance ; des sept bataillons employés aux îles du Vent et à Cayenne ; du demi bataillon et des deux compagnies employés au Sénégal et aux îles Saint-
Pierre et Miquelon, ci.............................. 2,350,595 I. 10 s. )
Des trois brigades d'artillerie employées en Amé- S 2,752,619 10 »
ri que et dans l'Inde................................. 402,024 » )
Reste.................. 9,543,057 1. 15 s. »
N° 4.
RÉCAPITULATION GÉNÉRALE DE L'APERÇU DES DÉPENSES DE LA MARINE
pour l'année 1792
Remis par M. Bertrand, le 15 décembre 1791.
SERVICES
ordinaires. extraordinaires.
Constructions, radoubs, entretien, dépérissement et approvisionne- livres. 8,423,452 livres. 2,000,000
5,860,960 »
Armements extraordinaires, non compris l'expédition actuellement relative à Saint-Domingue, et celle pour la recherche de M. de La Peyrouse ....................................................... » 1,408,126
Vivres pour le service intérieur des ports, entretien de l'approvisionne- 1,330,000 300,000
913,615 »
Appointements et traitements des officiers de la marine............... 2,993,700 »
Ecoles gratuites de mathématiques, d'hydrographie et académie de marine........................................................ 145,000 18,000
Appointements, et soldes des troupes de la marine................... 2,582,921. »
Administration civile de la marine et frais de bureaux................ 1,510,020 »i
École des élèves ingénieurs delà marine............................. 20,216 »
248,800 »
21,000 »
75,000 »
Maîtres entre teneurs dans les ports.............................. 364,936 »
Gardiens, portiers, rondiers, canonniers et autres employés au service 481,000 »
2,000,000 »
520,580 300,000
Administration générale de la marine et des colonies................. 554,500 »
Frais de voyages, conduites, vacations et autres objets divers..,...... 100,000 X)
Dépenses imprévues, droits d'enregistrement, de timbre, d'entrée des munitions venant de l'étranger, courriers, impressions et autres 648,270 M
29,394,000 4,026,126
» 745,000
29,394,000 4,771,126
RÉCAPITULATION GÉNÉRALE DES DÉPENSES DE LÂ MARINE ET DES COLONIES
Total «énéral.......... 43,708,183 1. 15 s.
N° 5.
ÉTAT DES DÉPENSES
du département de la justice pour l'année 1792.
Remis par M. Duport, le 17 décembre 1791.
dépenses ordinaires.
Les fonds affectés aux bureaux et préposés du département, par la loi du 2 octobre dernier, suivant l'emploi ci-après arrêté par le roi et le ministre ;
Savoir ;
1.
Au secrétariat général du département de la justice et du sceau, auquel la loi du
2 octobre conserve son ancien traitement, ci.......................................................18,000
Au conseil judiciaire.....................................................'................24,800
Au secrétariat du ministre............................................................6,400
Au bureau de distribution............................................................................................................6,200
Au bureau de rédaction........................."..........................................34,800
Au bureau d'expédition, dépôt de correspondance et du sceau.............................41,900
Au bureau d'envoi des lois............................................,......................31,400
Aux bureaux de sanction des archives.......................................................................28,800
Aux personnes attachées au service du sceau, officiers, gardes, huissiers, etc..............9,320
Frais de tous les bureaux................................................................................................................23,880
Total égal aux fonds affectés annuellement au département de la justice, par la loi 1.
du 2 octobre...................................................................... 225,500
Gratification annuelle accordée par la même loi, et qui sera payée à la fin du mois de septembre 1792, sur un état de distribution arrêté par le ministre................ 15,000
Total des dépenses ordinaires.... 240,500 1.
dépenses extraordinaires.
Frais de copie des décrets portant vente de biens nationaux, aux municipalités pour environ 20,000 livres : rôles qui restent à faire, environ 10,000 livres, ci.......
Fournitures en papiers, bois, chandelles, etc., de ce bureau extraordinaire et momentané, environ 1,200 livres, ci.................................................
Nota : Les frais de Cette copie n'ont pu être compris dans la fabrication annuelle de fonds attribués au département, parce que cette dépense est incertaine et momentanée; elle cessera lorsque tous les décrets portant vente de biens nationaux seront copiés et expédiés.
Total général...................... 251,700 1.
10,000 1,200
N° 6. RÉSULTAT DE L'ÉTAT FOURNI PAR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR le 27 décembre 1791,
montant pour 1791! payées en 1791. évaluées pour 1790.
livres. 434,595,377 livres. 400,271,476 32,748,278 livres. 422,820,325 31,071,004
434,595,377 433,019,754 453,900,329
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
DE L'ÉTAT DES FINANCES DE FRANCE, au Ier janvier 1792 (1), par kun député suppléant à l'Assemblée nationale constituante (2).
INTRODUCTION.
Dans un moment où l'on exagère tout, le bien comme le mal, où chacun voit les objets avec un instrument qui les grossit ou qui les diminue, qui les éloigne ou qui les approche ; où personne ne les voit," ni dans leur vraie dimension, ni à leur véritable place, j'ai pensé qu'il serait utile que quelqu'un entreprît de discuter, sans passion, la situation des affaires, et de soumettre les finances de l'Etat au calcul d'une arithmétique rigoureuse.
Ce que d'abord je n'avais fait que pour moi, m'a paru ensuite pouvoir être utile à d'autres, peut-être aux législateurs eux-mêmes qui vont s'occuper de la restauration de nos finances. La difficulté de multiplier les copies m'a engagé à recourir à l'impression ; tel est l'historique des circonstances et des motifs qui ont déterminé la rédaction et la publication ae cet écrit.
Que le lecteur ne s'attende pas à trouver ici aucun autre intérêt que celui qui naît de l'importance de l'objet : cet écrit sera froid comme
(1) A Paris, chez Dupont, hôtel de Bretonvilliers, Ile SaintrLonis,-et rue de Richelieu, n* 14. — 1791.
(2) M. Lavoisier (voir ci- dessus le rapport de M. Lafon-Ladebat sur les dépenses de l'année 1792, même séance, pages 645 et 668.)
la raison. J'aurais voulu qu'il ne contînt que des états et des chiffres, j'aurais voulu pouvoir en supprimer toute espèce de raisonnement : car les faits sont des données qui ne nous trompent jamais; ce sont les opérations de notre jugement qui nous égarent. Cependant, entraîné par la nature même de mon sujet, je n'ai pu éviter de donner quelquefois des aperçus et des évaluations : j'ai cherché alors à me défendre de l'exagération en plus comme en moins, et à donner, sinon, une entière exactitude, au moins ce qui m'a paru approcher le plus de la vérité.
Je dois prévenir qu'obligé de rédiger cet ouvrage avec une extrême rapidité; jaloux de le rendre public pour l'époque a laquelle l'Assemblée législative doit agiter les grandes questions dont la solution peut influer si puissamment sur le salutle l'Empire ; continuellement distrait par le courant des affaires qu'on ne peut pas arrêter, il ne m'a pas toujours été possible d'apporter l'exactitude rigoureuse que j'aurais désirée dans les données et dans les calculs. J'ai mieux aimé quelquefois employer une somme ronde, dût-elle s'écarter de quelques centaines de mille livres de la vérité, que de passer des semaines entières à des recherches pénibles, dont il n'aurait résulté que des différences insensibles relativement aux conséquences auxquelles j'ai été conduit.
D'ailleurs, si, comme il est possible, la discussion se prolonge à l'Assemblée nationale, je mettrai le temps à profit pour me rectifier moi-même, et je compterai pour me seconder, pour m'éclairer, pour me critiquer même, sur le zèle et sur les efforts de tous les coopérateûrs honnêtes qui s'occupent et s'intéressent à la chose publique.
de l'état des finances, au 1er janvier 1792. Chapitre Ier.
De la portion des revenus publics dont on peut espérer la rentrée pendant Vannée 1792.
Chapiter 1er
L'Assemblée constituante a décrété à différen-
tes fois, pour le service des caisses publiques-une création de 1,800 millions d'assignats faisant, avec la portion d'intérêts attachés à ceux remis au trésor public, sur les premiers quatre cents millions, une somme de. 1,801,650,000 1.
Le 1er décembre, présent mois, il en avait été fait à peu près l'emploi ci-après :
Tableau de l'emploi des assignats. Echange des billets de caisse d'escompte ou promesse d'assignats.
375,400,000 h
726,400,000
Versements faits au Trésor public.
Sur les dépenses de 1790 et antérieurs, sur les dépenses particulières à 1791 et pour complément de recette................. 627,065,000 1.
Sur les revenus des domaines nationaux, 55 millions, dont en
assignats ........ .............................................. 54,432,000
Pour les dépenses extraordinaires de la guerre................ 15,566,000
Remplacements de remboursements dont l'avance a été faite par la Trésorerie nationale.
descriptions des recettes générales............. 16,150,000 1. \
Anticipations sur la ferme générale—........ 11,550,000 ( «q qo7 nnn
Billets des vivres de la marine................ 443,000 (
Charges des états du roi, et des pays d'Etats.... 1,194,000 J
Dépenses faites par la caisse de l'extraordinaire.
Remboursements au premier décembre, non compris les
29,337,000 livres remboursés par la Trésorerie nationale..................567,300,000 1.
Remboursements de coupons d'intérêts..............................................6,000,000
Réservé pour les échanges qui restent à faire des billets de ^ 601,850,000
caisse et promesses d'assignats..................................24,600,000
Prêts faits à différentes villes.................................................1,350,000
Secours accordés aux hôpitaux.....................................2,600,000 _
Total des assignats mis en circulation........................................ 1,703,650,0001.
A quoi, ajoutant ce qui restait de disponible au premier décembre............ 98,000,000
Total égal................................. 1,801,650,000 L
Sur les 1,704. millions mis en circulation jusqu'au premier décembre 1791, il en était rentré a la même époque 339 millions par la vente des domaines nationaux ; èn sortè qu'il n'existait réellement au premier décembré que pour 1,365 millions d'assignats dans le public, en y comprenant même le : restant en caisse de la Trésorerie nationale et des receveurs de district, et près de 10 millions rentrés à la caisse de l'extraordinaire, et prêts à brûler. Il s'en fallait donc alors de 35 millions qu'on n'eût atteint les 1,400 auxquels l'Assemblée constituante et l'Assemblée législative avaient fixé ce qui pouvait exister à la fois d'assignats en circulation.
Dans cet état des choses, deux questions se présentent à résoudre : 1° Combien faut-il créer de nouveaux assignats pour satisfaire aux besoins de l'année prochaine? 2° A quelle somme sera-t-il nécessaire de fixer la quantité qui pourra en exister à la fois en circulation?
Pour arriver à la solution de ces deux questions, il est nécessaire de connaître d'abord le montant des dépenses, tant ordinaires qu'extraordinaires, de l'année 1792, celui des recettes de toute espèce, et de comparer les unes avec les autres. Ce sont ces données que je me suis proposé d'établir avec une approximation suffisante. Je" commence par les recettes.
Je ne rappellerai pas ici ce que j'ai dit et im-
primé dans un écrit que l'Assemblée constituante a daigné accueillir avec quelque bonté, dont, elle a ordonné l'impression, que le comité des contributions publiques à cité, avec éloge, mais dont cependant il n a point adopté les résultats (1). Je suis convaincu aujourd'hui, comme je l'étais alors, que la contribution foncière, reduite au sixième, ne peut pas produire au delà de 200 millions; et que la contribution mobilière n'en rendra pas plus de 40. Je suis prêt à discuter de nouveau les preuves que j'en ai données. Toutes les combinaisons que j'ai faites depuis l'époque de mes premiers calculs, toutes les connaissances que je ne suis efforcé de rassembler, me donnent même lieu de craindre que mes évaluations ne soient encore au-dessus de l'effectif; et je crois, en conséquence, qu'il est de la prudence de ne compter que sur un produit de 230 millions pour les contributions foncières et mobilières ae 1791.
Sur cette somme, il en était rentré environ 20 au 1er décembre présent mois : il en rentrera 10 au plus jusqu'au 1er janvier prochain ; ainsi, il restera a recouvrer, sur cette partie des impo-
sitions, pendant l'année 1792, environ 200 millions.
On peut supposer que les contribuables qui se trouvent affranchis de la dîme, des droits féodaux, des aides, de la gabelle, de tous droits généralement sur les consommations, payeront facilement, d'ici au 1er juillet, à peu prés les trois quarts de cette somme, c'est-à-dire celle de 150,000,000 de livres.
On peut supposer encore que sur le quart restant, il en rentrera moitié dans les six derniers mois-de 1792, c'est-à-dire 25,000,000 de livres.
Enfin, il est plus que probable que, d'ici au 1er juillet prochain, l'imposition foncière et mobilière de 1792 sera décrétée-; que les rôles seront dressés et mis en recouvrement ; que l'Assemblée législative, mieux instruite sur la production territoriale du royaume, élèvera au moins au cinquième la proportion de la contribution foncière. On peut donc espérer que le produit de cette imposition pour 1792 sera au moins de 240 millions : à quoi, ajoutant 40 millions pour l'imposition mobilière, il en résultera un total de 280 millions.
On .ne m'accusera pas d'exagération quand je supposerai qu'il en rentrera moitié pendant les six derniers mois de l'année 1792.
Telles seront, d'après ces données, les rentrées probables de l'année prochaine :
1° Sur les impositions "foncières et mobilières de l'année
1791..........................175,000,000 1.
2° Sur les mêmes impositions,
acompte de l'année 1792.. 140,000,000 3° Sur les impositions de 1790
arriérées..................20,000,000
4° Produits des droits de timbre . et d'enregistrement pendant l'année 1792, à raison
de 5 millions par mois — 60,000,000
5° Douanes nationales..................15,000,000
6° Loteries...........................6,000,000
7° Patentes............................12,000,000
8° Postes..................................14,000,000
9° Produit des forêts et de l'ancien domaine foncier du
roi..................................10,000,000
675
10° Revenu des domaines nationaux, à raison de cinq millions par mois........... 60,000,000 1.
11» Contribution patriotique.... 30,000,000
Total......... 542,000,000 1. "
Si le résultat de . ces évaluations n'était pas extrêmement probable; si l'on était réduit à croire que les revenus de deux années, qui se sont accumulés, ne pourront pas même atteindre à un produit de 542 millions, v compris le produit des revenus nationaux, il faudrait entièrement désespérer du salut de la chose publique : ce serait une idée désolante qu'heureusement tout bon citoyen est encore en droit de repousser.
Il ne suffit pas, pour remplir le but que je me suis proposé, de déterminer la somme a laquelle doivent atteindre les rentrées de 1792; il est encore nécessaire de les distribuer par chacun des mois de l'année, afin qu'après avoir calculé les recettes, on puisse en rapprocher les dépenses, déterminer le déficit de cnaque mois, et prévoir à l'avance quelle sera là quantité d'assignats qu'il faudra fabriquer et mettre en circulation. Cet objet sera rempli dans le chapitre VI de cet ouvrage.
CHAPITRE II.
Des dépenses publiques pendant Vannée 1792.
Les dépenses publiques de 1792 se divisent en trois classes :
1° En dépenses ordinaires, c'est-à-dire qui sont susceptibles de se reproduire chaque année;
2° En dépenses extraordinaires, qui sont déterminées par les circonstances relatives à la position des affaires;
3° En remboursements sur la dette exigible ou arriérée.
On ne s'attachera, pas ici à distinguer quelles sont les dépenses qui doivent être acquittées par les caisses au Trésor public ou par celle de l'extraordinaire . Ces distinctions, qui tiennent à l'ordre intérieur, sont de peu d'importance pour le public, et on a pensé qu'on se rendrait plus clair en considérant toutes les dépenses comme sortant d'une seule et même caisse.
Aperçu des dépenses publiques'de toute espèce qui auront lieu pendant Vannée 1792, en ce, non compris les remboursements de la dette exigible et arriérée.
PREMIÈRE PARTIE.
dépenses ordinaires.
Art. 1er.
Dépenses du culte. Évêchés.
( 1 à Paris......................................................................50,0001.
83 10 à 20,000 livres.............................................................200*000 1,114,0001.
72 à 12,000 livres...........................................................864,000
Corps vicarial des cathédrales.
1 à Paris, à 16 vicaires....................................52,000
10 dans les villes principales, à 16 vicaires, à 40,600 liv. chacune.406,000 2,286,000
72 dans les petites villes, à 12 vicaires, à 25,400 liv. chacune. 1,828,000
Séminaires.
83 séminaires, et dans chacun un vicaire supérieur à 1,000 livres et 3 directeurs à 800 livres chacun. Total, 3,400 livres et pour les 83...................................!................... 282,2001.)
Dépense intérieure de chaque séminaire, l'un portant l'autre, indé- ( 70Q oqq i
pendamment des pensions payées par les elèves, 6,000 et pour \ '
les 83........... ........ .................................. 498,000 )
Curés.
35,529 curés de campagne, évalués à un prix commun de 1,600 livres chacun.............................................. 56,846,4001.)
3,000 curés des villes, évalués à un prix commun de 3,000 livres > 65,846,400
chacun...................................................... 9,000,000 j
Vicaires et desservants d'annexes et succursales.
16,000 vicaires ou desservants d'annexes et succursales, à 700 livres chacun ... 11,200,000
Art. II.
La liste civile.
Gette dépense a été fixée en masse à la somme de............................ 25,000,000
Art. III.
Les trois princes apanagistes.
M. Louis-Stanislas-Xavier......... { feniÈ Î.'OOO.'OOO '' î 2'000'000 ?
M. Charles-Philippe.............. { ffôfc ; ; ; }$>$} j 2,000,000 5,000,000
M. Louis-Philippe-Joseph......... Apanage................... 1,000,000
Art. IV.
Affaires étrangères.
Réglées comme en 1791, à................................................. 6,300,000
Art.V
La guerre.
Dépense de la guerre, comme en 1791, sauf la dépense extraordinaire portée
aans la seconde partie....................................... 88,000,000 lo
Soldats auxiliaires, 100,000 hommes à trois sous par jour........ 5,475,000
Gendarmerie nationale, environ................................ 8,000,000
Garde de la prévôté de l'hôtel et de la robe courte.............. 241,600 > 109,548,267
Garde soldée de Paris.......................................... 5,701,780
Demi-solde à l'ancien guet de Paris............................. 129,887
Etapes et convois militaires.................................... 2,000,000
Art. VI.
Marine et colonies.
Il n'y a aucun décret relatif à la dépense totale de ce département : on la porte, par évaluation, à 45 millions, c'est-à-dire à 4,500,000 livres de plus qu'en 1789 et 1790, ci............................................................... 45,000,000
Art. VII.
Ponts et chaussées.
Les dépenses relatives aux ingénieurs en chef, aux inspecteurs et à l'école, sont
décrétées et fixées à....................................................................161,2001.\
Les dépenses des ports maritimes, des canaux de navigation, des ( ,R, 9nn
ouvrages d'art, des turcies n'ont point été décrétées; on porte ( o,ioi,^uu
ces objets, par évaluation, à....................................................................5,000,000 )
Art. VIII.
Administration générale.
Traitements des ministres de la justice, de l'intérieur et des contributions,
publiques.......................................................300,0001.
Bureaux du ministre de la justice.............................
Bureaux du ministre de l'intérieur......................................................53^2x
Bureaux du ministre des contributions publiques....................512,920
Trésorerie nationale.........................................................1,026,284
Bureau de la liquidation générale.................................300,000
Caisse de l'extraordinaire............................................666,000
Bureaux pour la comptabilité, par évaluation.........................500,000
Payeurs généraux des départements....................................................450,000
Frais demireaux, impressions, bois, lumières et réparations.. 300,000
Art. IX.
École des mines et dépôts publics.
La dépense des dépôts publics est fixée à................... ..6,0001.'
L'école des mines est décrétée à..........................................................7,000 |
Les dépôts à rentrer sont évalués à...................................14,000 \ 30,000
Traitement personnel au professeur de minéralogie pour l'abandon de son cabinet....................................................3,000
Art. X.
Jardin et bibliothèque du roi.
Dépense du jardin du roi, évaluée, sans aucune retenue de ' ^, .
dixième, à.....................................................100,0001, 210,000
Bibliothèque nationale à..........................................110,000
Art. XI.
Universités, académies, travaux littéraires.
g | française........................................................26,4171.'
g V des belles-lettres.................................................44,108 i
g { des sciences .................................................»4,b58 /
I de médecine...................................................................36,200
^ [ d'agriculture...........................................12,000
Observatoire.......................................................... 8,700 1. i
Travaux littéraires.............................................40,000
Ecole gratuite de dessin........................................................................15»oOO
Ecole de M. Pawlet...........................................32,000
Ecole des sourds et muets........................................12,600 } 930,500
Bureau de consultation des arts et métiers..............................11,600
Université, dépenses relatives à l'éducation publique, appointements des professeurs, y compris le traitement de celui d'hydrodynamique .................................. ;.............800,000
Art. XII.
Édifices et travaux publics.
Canaux, ports maritimes, panthéon français, etc.............................. 4,000,000
Art. XIII.
Assemblée nationale.
Indemnité à 750 députés........................................................................H «; «m Ann
Fournitures, frais de bureau et service..............................................? o,oyi,*w
Traitement de l'archiviste et de ses bureaux....................................13,800 j
Art. XIV.
Tribunaux.
Haute cour nationale.........................................M 443,333
Tribunal de cassation, appointements et frais.................................293,333 )
Art. XV.
Primes et encouragements pour le commerce......................................3,000,000 i.
Art. XVI.
Enfants trouvés et dépôts de mendicité, comme en 1791 (1)..................................3,261,977
Art. XVII.
Supplément pour erreurs ou omissions qui peuvent se trouver dans les .
articles précédents................................. .................................4,257,216
Art. XVIII.
TRAITEMENT DE RÉFORME DU CLERGÉ. Évêques
là Paris.................................................25,000
50.à 18,000 livres........................................................900,000
12 à 10,000 livres............................................120,000
20 à 8,000 livres........................................160,000
43 évêques supprimés à 20,000 livres...................................860,000
13 évêques inpartibus à 12,000 livres,..................................156,000
Bénéficiera et pensionnaires............................................... 25,200,000
Religieux mendiants ou non mendiants.
18,000, tant religieux que convers, y compris les abbés réguliers au taux moyen de 900 livres..................................................... 16,200,000
OBSERVATIONS.
Cette somme est calculée sur le nombre connu des religieux, et d après les traitements fixés par les décrets du mois de mars 1790.
Religieuses.
40,000 religieuses ou sœurs converses, au taux moyen de 500 livres.......... 20,000,000
Abbesses et chanoinesses.
Cet objet ne peut être présenté qu'en aperçu; on [l'évalue à................ 1,000,000
Pensions aux curés qui n'auraient pas prêté le serment, et autres objets imprévus ou omis......................................................... 8,000,000
Art. XIX.
Secours accordés aux trois apanagistes pour le payement de leurs dettes ou pour indemnités.
Secours de 20 ans à M. Louis-Stanislas-Xavier, première année Y
décroissante...................................................................500,000 l.r 1 500 000
Secours de 20 ans à M. Louis-Philippe-Joseph, pour indemnités ( ' '
des améliorations de son apanage..................................................1,000,000 )
Le secours accordé à M. Charles-Philpppe n'est pas compris ici, il fait partie des rentes viagères.
Art. XX. Pensions.
, Pensions recréées.........-..........'..................;.... 10,000,0001.'
. Gratifications..................................................2,000,000
Secours
viagers........................................................................................2,000,000 l 18 816 000
Pensions qui ont été successivement rétablies, mais dont le fonds ' ' '
n'avait pas été fixé pour 1791..........................................................4,000,000
Traitements des Hollandais réfugiés et Acadiens.....................816,000
Art. XXI.
Payement de la dette.
Rentes perpétuelles distribuées aux payeurs des rentes, y compris les reconstitutions en circulation...........................64,000,000 1.
Rentes non distribuées qui précédemment étaient à la charge 70,000,000 1. des pays d'Etats, provinces, corporations, corps ecclésiastiques, corps judiciaires et autres...............................6,000,000
Rentes viagères...................................................................................................100,000,000
Art. XXII.
Intérêt de la dette arriérée, exigible ou à terme............................ 40,000,000
Total de la première partie............................................606,937,166 1.
SECONDE PARTIE.
dépenses extraordinaires.
Suplément au départemnt de la guerre, relativement aux circonstances..........60,000,000 1.
Supplément présumé pour la marine, pendant l'année 1792.................................15,000,600.
Tribunaux criminels établis provisoirement à Paris..................................286.800
Frais d'achat de numéraire et perte sur les changes dans les opérations à
l'étranger..............................:................... :........................18,000,000
Dépense relative à la fabrication des assignats..................................1,200,000
Dépense relative à l'unité de poids et mesures..........................................200,000 .
Dépenses imprévues...................................................................4,000,000
Secours à la ville de Paris...............................................................3,000,000
Total de la seconde partie..............................................101,686,8001.
RÉCAPITULATION.
Dépenses ordinaires....................................................................606,937,166 1.
Dépenses extraordinaires....................................................101,686,800
708,623,966 1.
Il faudrait de longues discussions pour justifier toutes les bases de cet état, et nous touchons de si près à l'époque où-le comité des dépenses publiques va s'occuper de cet objet, qu'il serait superflu d'entrer dans de plus grands détails, Ce que je puis assurer, est que les dépenses que je viens d évaluer sont, en général, plutôt enflées que diminuées; qu'il est peu d'objets qui soient omis, et qu'à moins d'événements extraordinaires qui nécessitent des augmentations de dépenses absolument imprévues et qu'il n'ëst pas possible de calculer, il y aura quelques économies a espérer sur les évaluations que j'ai portées.
CHAPITRE III.
Du capital de la dette exigible ou arriérée.
La première opération à laquelle se livre tout particulier, dont les affaires sont embarrassées, est de former l'état de ses dettes et de les ranger dans l'ordre de leur exigibilité.!! fait une première classe de tous les effets au porteur exigibles à terme; il place dans une seconde les dettes par obligation à échéances fixes ; il comprend dans une troisième les sommes dont l'exigibilité est éventuelle ; enfin la dette constituée est celle qui l'occupe le moins, parce qu'il lui suffît d'en servir exactement les intérêts. L'état de situation de
la nation comprend des créances de toutes ces espèces. Les billets au porteur dus par la nation sont les emprunts des capitaux exigibles à terme. Les dettes par obligation à époque fixe sont les fonds des compagnies de finance, dont l'échéance tombait au 1er janvier 1793, et dont l'exigibilité a été rapprochée par des décrets de l'Assemblée constituante. Les dettes, dont l'époque de l'exigibilité est éventuelle, sont les remboursements des offices de finance et des cautionnements qui ne seront dus qu'après l'apurement des comptes.-Enfin les dettes susceptibles de liquidation sont les officés de magistrature, les charges et emplois militaires, les droits féodaux supprimés, les dîmes inféodées, etc.
Tous ces objets, qui se trouvent portés à une somme de 1,814 millions dans l'état de la dette publique, publié par la Trésorerie nationale pour le 1er septembre, se réduisent aujourd'hui à 1,600 millions tout au plus, au moyen des remboursements qui ont été faits depuis cette époque, et d'après des considérations sur lesquelles je reviendrai dans la suite de cet article. Je vais en présenter le tableau, en suivant les divisions de classe que j'ai précédemment indiquées.
Je répéterai encore que je n'ai pas la prétention d'être arrivé à une exactitude rigoureuse ; mais j'ose croire qu'elle est- au moins suffisante pour remplir l'objet que je me suis proposé.
INTRODUCTION.
Capitaux exigibles à époques fixes, dans le cours de Vannée 1792.
Quartier de janvier
1° Emprunt national, tirage de décembre 1791..................................5,264,987 1.
2° Emprunt de 100 millions, édit de décembre 1783, tirage de
décembre 1791.............................................................................7,423,000
3° Emprunt de 120 millions, édit de novembre 1787...................94,500
4° Emprunt de 80 millions, édit de décembre 1785, tirage de décembre 1791, montant à 8 millions, porté pour mémoire, attendu la
faculté de convertir en viager, ci.........................................................mémoire.
5° Emprunt du domaine ae la ville, tirage de décembre 1791... 600,000 >31,311,973 1. 6° Le cinquième exigible en janvier 1792 des charges des maisons civiles du roi et de la reine, y compris les gardes ae la porte.. 1,309,486 7° Remboursement sur les offices de la maison militaire du roi. 600,000
8° Annuités de la caisse d'escompte...............................5,600,000
9° Annuité des notaires de Paris—...................................................420,000 x
10° Remboursements qui restent à faire sur la loterie, reconnaissances de liquidations et décomptes de pensions arriérées... 10,000,000
Quartier d' avril.
1° Emprunt de 125 millions, tirage de janvier 1792, exigible en
avril, v compris l'accroissement de 25 0/0........................ ..6,250,000 1.
2°* Primes de l'édit de décembre 1785,.......................800,000 >8,240,000
3° Actions de la compagnie des Indes, tirage de mars 1792, environ...........................................................1,190,000
Quartier de juillet
. Édit de décembre 1782, tirage de juin 1792...........7,608,000.
Remboursements exigibles en 1792, à différentes époques de l'année.
Portions de capitaux remboursables sur les emprunts à l'étranger , par évaluation.............................................3,000,0001.
. Dettes exigibles des corps et communautés ecclésiastiques..........10,000,000
Portions à rembourser par année des dettes du clergé..................10,000,000 [ 82,026,000
Arriéré des départements......................................................................50,000,000
Lettres de change de la marine.............................. 6,000,000
Prêts faits au Trésor public.................................. 3,026,000 _
Total de la première classe...................;— 129,185,973 1.
seconde classe.
Capitaux originairement exigibles au 1er janvier 1793, mais dont Vexigibilité a été avancée par la résiliation des baux et traités, et par des décrets de liquidation.
Restant à rembourser des fonds de compagnies de finance................... 110,000,000 I.
troisieme classe.
Offices de finances et cautionnements exigibles après Vapurement des comptes.
Charges des receveurs généraux et particuliers des finances... 56,586,2001.)>104,213,700 1. Cautionnements des comptabtes............................ 47,627,500 j
quatrième classe.
Objets susceptibles de liquidation et dont le montant exact n'est point encore connu.
Offices de judicature de municipalités, eaux et forêts..................555,000,0001.1
Charges et emplois militaires............................................................27,823,367
Droits féodaux..........................................................................................50,000,000 >742,823,367 1
Dîmes inféodées.................................................................................80,000,000
Jurandes, maîtrises, agents de change..............................................35,000,000
RÉCAPITULATION.
lre classe, capitaux exigibles dans tout le cours de 1792.
129,185,973 1. (1) \
2e Classe, capitaux exigibles au 1er janvier 1793, et que i q7o i
l'Assemblée constituante a pris l'engagement de payer pendant t ' '
le cours de 1792........................................... 110,000,000 )
3* classe, offices de finance et cautionnements exigibles après l'apurement
des comptes.............................................................................................104,213,700
4e classe, capitaux non liquidés.......................................................742,823,367
Total de la dette exigible ou arriérée au 1er janvier 1792, en ce, non compris""" les emprunts à terme, dont les échéances successives s'étendent jusqu'en
l'année 1820................................................................................................108,622,3040
Aperçu de la portion de la dette exigible à terme, qui échoira en 1793 et 1794.
Année 1793.
Emprunts à terme, environ............................................................31,050,000 l.\
Capitaux à rembourser sur les emprunts à l'étranger......................3,000,000 f AQ ficn nnn i
Annuités de la caisse d'escompte..................................................5,600,000 (
Portion à rembourser sur la dette constituée du clergé....................10,000,000 )_jj_
Année 1794.
Emprunts à terme.............................................32,000,0001. )
Emprunts à l'étranger.................................-............3,000,000 f Rftn ftnn ,
Annuités de la caisse d'escompte............................ ;.. 5,600,000 » »u>ow,uuu i.
Portion remboursable sur la dette constituée du clergé....................10,000,000
On n'a pas, dans ce moment, sous la main tous les matériaux nécessaires pour porter plus loin cet état des remboursements à terme ; mais on s'est assuré qu'ils n'excéderont pas beaucoup 50 millions pendant plusieurs années ; qu'ils diminueront ensuite progressivement, pour s'éteindre entièrement en 1820. On travaille, au surplus, dans ce moment, à former le tableau complet, qui sera imprimé pour être annexé à cet ouvrage.
On demandera peut-être comment il est possible que la dette exigible ou arriérée ne soit que de 1,086,223,040 livres, comme je le suppose, tandis qu'elle est portée pour 1,814,348,247 livres dans l'état que la Trésorerie nationale a publié, par ordre de l'Assemblée, et lorsque je viens de convenir moi-même qu'elle était encore aujourd'hui de 1,600. Il est nécessaire d'expliquer les causes de ces contradictions apparentes ; elles tiennent :
1° A ce que depuis le 1®P septembre 1792, époque à laquelle l'état de la Trésorerie a été arrêté jusqu'au 1er janvier prochain, il aura été remboursé par la caisse de l'extraordinaire, à peu prés pour une somme de. 200,000,000 1.
2° À ce que dans l'état de la Trésorerie nationale, on a cumulé les intérêts avec le capital, tant à l'égard des annuités de la caisse d'escompte, que de celles des notaires, et de l'emprunt de 125 millions, et qu'on n'a pas eu égard à ce que ce capital et ces intérêts cumulés ne sont exigibles que graduellement pendant le cours de plusieurs années, ci......... 78,000,000
3° A ce qu'on a regardé comme exigible, en 1792, une somme de 350 millions de ca-
pitaux, qui, aux termes des edits de création des emprunts, ne seront exigibles que graduellement et pendant un intervalle de 28 ans, ci... 353,125,207 1.
4° À ce qu'on a regardé également comme exigible la dette constituée du clergé, qui, dans l'origine, n'était remboursable qu'à raison de 10 millions par an : la différence sur cet objet est de— 70,000,000
5° A ce que aes emprunts faits par la ville, et qui devaient être successivement remboursés à des époques déterminées par la voie du sort, se sont convertis, à défaut de tirage, en dettes constituées, et à ce que leurs capitaux ne doivent plus être compris dans
la dette exigible, ci.......... 27,000,000
Total............... 728,125,207 1.
En ajoutant cette somme à celle à laquelle j'ai évalué ci-dessus la dette arriérée, et que j'ai fixée à.............. 1,086,223,040
On aura un total de....... 1,814,348,247 1.
C'est-à-dire une somme exactement la même que celle portée dans l'état publié par la Trésorerie nationale."
Chapitre IV. De l'intérêt de. la dette publique. L'intérêt de la dette constituée a été fixé
comme il suit, daiis l'état imprimé de la Trésorerie nationale : -
Rentes perpétuelles.......... 62,449,486 1.
Rentes viagères............. 100,075,680
Total.............. 162,525,166 1.
Mais à cette somme doit être ajouté :
1° L'intérêt de deux emprunts, montant ensemble à 27 millions, dont le remboursement devait être fait par voie du sort, et qui, à défaut de tirage, se sont convertis en dette constituée, sans
Su'il ait été fait de réclamation ,
e la part du public, ci....... 1,387,640
2° Pour les rentes reconstituées et qui sont en circulation. 1,087,194
3° Pour les rentes au compté des ci-devant pays d'Etats et provinces, dettes constituées des corporations laïques et ecclésiastiques, corps judiciaires et autres, supprimés : tous objets non encore distribués aux
payeurs de rentes......... — 6,000,000
Total.......... 171,000,000 1.
Mais comme, d'un autre côté, il y a quelques compensations à faire sur cette sommé, on croit pouvoir fixer à 170 millions, à peu près, l'intérêt de la dette constituée.
A l'égard, de l'intérêt de la dette exigible ou arriérée, en séparant d'avec les capitaux les intérêts qui ont été confondus dans l'état imprimé par la Trésorerie, et ayant égard à quelques rectifications qui se trouvent indiquées dans un errata qui vient de paraître ; on est conduit au résultat suivant :
Emprunts à terme............
Emprunts à l'étranger........
Anciennes actions des Indes.. Intérêts de ce qui reste à rembourser des offices de la maison
du roi et de la reine..........
Fonds d'avance et cautionnements pour l'année 1792, environ.
Annuités.....................
Prêts faits au Trésor public. Dette non liquidée...........
Total................~
13,746,214 1. 1,153,433 3,739,352
135,000
6,000,000 4,009,250 151,300 9,429,361 38,363,910 1.
Il y aurait bien quelque chose à déduire de cette somme pour l'intérêt de ce qui a été remboursé de la dette non liquidée, depuis le 1er septembre jusqu'au 1er décembre, et de ce qui le sera jusqu'au 1er janvier ; mais: 1° une partie des capitaux de la dette non liquidée ne portaient point d'intérêt ; 2° on a déjà déduit 4,213,668 livres sur l'intérêt des fonds dus aux compagnies de finance, en raison des remboursements graduels qui s'opéreront pendant 1792 ; mais, comme d'un autre côté, il est impossible que dans toutes ces évaluations, il ne se mêle pas des erreurs, je crois plus sûr de fixer à 40 millions l'intérêt de la dette arriérée. C'est pour*cettè somme qu'elle a été portée dans le prospectus des dépenses publiques de 1792, rapporté ci-dessus (Voy. p. 679).
CHAPITRE V.
Aperçu de la quantité d'assignats dont on peut
espérer la rentrée dans le cours de l'année prochaine, par la vente des domaines nationaux.
Gn peut supposer qu'au dernier décembre de cette année la vente des domaines nationaux s'élèvera à une somme de 1,570 millions: que sur cette somme il aura été brûlé ou annulé au moins 370 millions à la même époque.
Il restera dans cette supposition à rentrer sur la vente des domaines nationaux qui aura été faite en 1791 une somme de 1,200 millions, qui à raison d'un douzième par an, donnera pour l'année 1792 une rentrée de 100 millions. On peut objecter contre cette évaluation qu'une partie des acquéreurs se sont nécessairement acquittés dans une proportion plus forte que celle de 12 0/0, et que quelques-uns peuvent avoir payé d'avance le montant de leur annuité de 1792. Cette observation est parfaitement juste ; mais il faut que l'on convienne aussi que dans le nombre des acquéreurs il en est qui, n'ayant payé que 12 0/0 du prix de leur acquisition en-1791, se proposent d acquitter plus au douzième du restant pendant le cours de l'année 1792 : il est vraisemblable que cette dernière classe d'acquéreurs sera plus nombreuse que la première; et l'on ne peut pas craindre de trop s'avancer, en supposant qull y aura à peu près compensation.
À cette première somme de 100 millions doit être ajoute l'intérêt des 1,200 millions qui sera dû à raison de 5 0/0, c'est-à-dire 60 millions. Ainsi on peut assurer avec une sorte de certitude qu'il rentrera dans le cours de l'année prochaine au moins pour 160 millions d'assignats ou d'effets équivalents, sur les ventes faites en 1791.
Je ne discuterai pas ici la question tant de-fois agitée de la valeur totale des domaines nationaux; cette valeur dépendra beaucoup du parti définitif que prendra l'Assemblée nationale pour la liquidation de la dette arriérée; car, à dire vrai, c'est l'Assemblée nationale qui tient dans sa main le thermomètre de la valeur des biens qu'elle a à vendre, et il dépend d'elle de le faire baisser ou monter à sa volonté. Mais, sans entrer dans cette discussion, qui m'écarterait de mon objet, et sur laquelle je reviendrai d'ailleurs à la fin de cet ouvrage, je crois pouvoir supposer qu'il rentrera par les ventes ae 1792. moitié de ce qui est rentré par celles de 1791, et ce non compris le produit de la contribution patriotique, c'est-à-dire 170 millions.
La réunion de ces deux sommes porterait à 330 millions ce qui rentrera en assignats à la caisse de l'extraordinaire pendant le cours de 1792; mais c'est dans la supposition où il ne serait porté aucune autre valeur dans l'acquisition des domaines nationaux. L'Assemblée nationale tient encore dans sa main la balance .de cette opération : il lui sera facile, en ordonnant, comme ie l'exposerai dans le chapitre VIII de cet ouvrage, l'exécution pure et. simple du décret des 6 et 7 novembre 4790, et en attachant un intérêt suffisant aux reconnaissances de liquidation, d'engager les porteurs à les conserver.
Je pourrais, d'après cela, conclure qu'il rentrera Tannée prochaine au moins pour 250 millions d'assignats; et cependant, pour ne rien mettre au hasard, je ne supposerai dans les calculs qui vont suivre, qu'une rentrée de 200 millions.
Les comités de l'Assemblée nationale consulteront, sans doute, sur ces différents objets, le commissaire de la liquidation générale. Il s'occupe d'un mémoire qui doit incessamment paraître, et dont je regrette beaucoup de n'avoir pu m'aiaer dans le cours de ce travail.
CHAPITRE VI.
Comparaison des recettes ordinaires et des dépenses ordinaires de 1792, avec un résumé général de tous les résultats précédents.
On a vu, page 679, que les dépenses tant ordinaires qu'extraordinaires de l'année 1792, s'élèveraient, par approximation, à 59 millions par
mois, et par an, à............. 708,000,000 1.
Que les rentrées résultant des impositions, déduction faite dès 60 millions de revenu des domaines nationaux, ne s'élèye-raient probablement qu'à...... 482,000,000
Différence...... 226,000,000 1.
Mais ce déficit ne sera pas également réparti sur tous les mois de l'année. Les'rôles ne sont point arrêtés; encore moins sont-ils mis en recouvrement: les impôts ne commenceront donc à rentrer dans une mesure un peu étendue, que vers les mois de mars et d'avril. La caisse de l'extraordinaire auradoncprobablementplusàfournirà la Trésorerie nationale au commencement qu'au milieu de 1792. Elle aura aussi plus à fournir pour les mois de septembre et d'octobre, pendantlesquels les rentrées sont en général lentes et difficiles. Quoiqu'il y ait bien ae l'incertitude sur ce qui se réalisera de nos espérances, à l'égard des impositions, on peut cependant former, avec assez ae responsabilité, le tableau progressif ci-après ; les remplacements à fournir par la caisse de l'extraordinaire, pour l'année 1792, y montent, comme l'on voit, à.............* 226,000,000 1.
A quoi, ajoutant pour les remplacements du déficit du présent mois de décembre, au moins— 40,000,000
On aura, pour les remplacements de 1792, un total de...... 266,000,000 1.
Tableau des recettes de Vannée 1792, et des suppléments à fournir mois par mois par la caisse de
V extraordinaire.
mois. rentrée à espérer des impositions, et ce, non compris les revenus des domaines nationaux, évalués à 5 millions par mois. sommes à fournir par la caisse de l'extraordinaire, y compris les revenus des domaines nationaux. total DBS DÉPENSES par mois.
Janvier 1792................................ livres. 25,000,000 30,000,000 35,000,000 40,000,000 45,000,000 53,000,000 55,000,000 50,000,000 35,000,000 30,000,000 35,000,000 49,000,000 livres. 34,000,000 39,000,000 24,000,000 19,000,000 14,000,000 6,000,000 4,000,000 9,000,000 24,000,000 29,000,000 24.000,000 10,000,000 livres. 59,000,000 59,000,000 59,000,000 59,000,000 59,000,000. 59,000,000 59,000,000 59,000,000 59,000,000 59,000,000 59,000,000 59,000,000
Janvier 1792...................
F6vrier............................
Mars................................
Avril.............................
Mai................................
Jain.............................
Juillet...........................
Aout.............................
Septembre........................
Octobre.....
Novembre...
Decembre...
483,000,000 226,000,000 708,000,000
Résumé de toutes les évaluations précédentes.
Voir ci-dessus : Page 675. Les revenus publics, dont on peut es-espérer la rentrée en 1792, ont été évalués, y compris les 60 millions du revenu des domaines natio-
tionaux à....... 542,000,000 1.
Page 679. Les dépenses ordinaires, y compris l'intérêt de la dette
arriérée, à...... 606,937,166
Page 679. Les dépenses extraordinaires à.. 101,686,800 Page 680. La dette exigible et au porteur dans le cours de 1792 à. ' 129,185,973
Page680.Les remboursements des fonds d'avances, exigibles d'après les décrets de l'Assemblée constituante.......... 110,000,0001.
Page 680. Les capitaux des offices de finances et cautionnements remboursables après le payement et l'a-purement des comptes, à.:.... 104,213,700
Page 680. Les capitaux non
liquidés à...... 742,823,367
Page 681. Le total de la dette exigible ou arriérée, non compris les engagements à des époques
éloignées........ 1,086,223,040 1.
Page 682. L'intérêt de la dette
constituée à..... 170,000,000
Page 682. L'intérêt de la dette
viagère......... 100,075,680
Page 682. L'intérêt de la dette
arriérée.......... 40,000,000
Page 682. Les sommes dont la rentrée est assurée, ou au moins très probable, pendant le cours de l'année prochaine, sur les ventes des biens nationaux....... 330,000,000
Telles sont les bases qu'il était nécessaire de poser avant de former aucun plan sur les opérations de l'année prochaine. De ces bases, la plupart sont le résultat de calculs positifs, sur lesquels il est seulement possible d'errer de quelques millions. La seule rentrée des impositions est un élément tout à fait incertain : cependant, on est parti d'évaluations tellement modérées, que si le calme se rétablit, si les efforts du patriotisme de tous les bons citoyens ne sont point contrariés par des efforts en sens contraire, on peut espérer que la réalité ne sera pas au-dessous de nos espérances.
CHAPITRE VII.
Des principes posés par l'Assemblée constituante et par l'Assemblée législative, relativement à la foi publique, et du mode de liquidation ordonné par les décrets des 6 et 7 novembre 1790.
Le problème que nous avons à résoudre n'est pas seulement un problème de calcul; c'est en même temps un problème de morale et de droit commun : Car il ne suffit pas, dans les opérations publiques, et qui intéressent la fortune des citoyens, de considérer ce qui est utile; il faut surtout examiner ce qui est juste. Il reste donc, après avoir posé les bases du problème arithmétique, à rassembler les données du problème moral, c'est-à-dire, à poser les principes de cette justice éternelle à laquelle les nations sont assujetties comme les particuliers, et dont elles ne peuvent s'écarter, sans s'avilir aux yeux des nations étrangères qui les contemplent, et de la postérité qui doit les juger.
Ma tâche, à cet égara, ne sera pas difficile à remplir : j'ouvrirai le livre des décrets de l'Assemblée constituante ; je transcrirai les déclarations solennelles qu'elle a publiées dès les premiers instants de ses travaux : je la suivrai pas à pas dans la vaste carrière qu elle a parcourue, et je trouverai partout cette même sévérité de principes, cette même loyauté qui lui ont si justement mérité la confiance de la nation.
Loin de moi l'idée de rien proposer qui ne s'accorderait pas avec cette morale sévère : l'opinion publique, celle de l'Assemblée législative repousseraient ae semblables moyens.
L'Assemblée nationale constituante par son décret du 17 juin 1789, a mis les créanciers de l'Etat sous la sauvegarde de l'honneur et de la
loyauté de la nation française. Elle a déclaré, le 13 juillet suivant, que, la dette publique ayant été mise sous la sauvegarde de l'honneur et ae la loyauté française, et la nation ne refusant pas d'en payer les intérêts, nul pouvoir n'a le droit de prononcer l'infâme mot de banqueroute ; nul pouvoir n'a le droit de manquer à la foi publique, sous quelle forme et dénomination que ce puisse être.
Ces arrêtés ont été confirmés de nouveau le 27 août suivant, et l'Assemblée nationale a déclaré que, dans aucun cas et sous aucun prétexte, il ne pourra être fait aucune nouvelle retenue, ni réduction quelconque, sur aucune des parties de la dette publique (1).
Toujours conséquente à ses principes pour ce qui concernait l'acquittement de la dette publique, et craignant que les fonds qu'elle y avait destinés ne fussent détournés ou divertis, l'Assemblée constituante a créé, le 21 décembre 1790, sous le nom de caisse de l'extraordinaire, un dépôt particulier, où devait être versé le produit de la vente' des domaines nationaux, pour être, ledit'produit, spécialement affecté au remboursement des dettes dont l'Assemblée aurait décrété l'extinction.
Il ne lui suffisait pas encore d'avoir affecté la valeur des domaines nationaux à l'acquittement de la dette et d'en avoir ordonné la vente ; il fallait faciliter de plus les moyens de les acquérir; il fallait créer une valeur intermédiaire dans laquelle les effets publics pussent se convertir, avec laquelle chacun pût se libérer commodément, et qui, après avoir circulé dans toutes les conventions sociales, vînt enfin s'anéantir et s'éteindre dans l'acquisition des domaines nationaux. Cette valeur représentative fut établie sous le nom d'assignats.
Deux créations successives les portèrent à 1,200 millions; il fut décrété qu'il n*en pourrait être créé pour une somme plus forte sans un décret du Corps législatif, et qu'il n'en pourrait exister pour plus de 1,200 millions à la fois en circulation.
De ces 1,200 millions créés par décrets des 16 et 17 avril et du 29 septembre 1790,400 millions ont été employés à rembourser les billets et promesses d'assignats avancés par la caisse d'escompte; 200 millions ont été destinés, par décret du 6 novembre 1790 : 1° à subvenir aux besoins du Trésor public, d'après les décrets qui seraient successivement rendus par l'Assemblée nationale; mais à titre de prêt et d'avance, et à la charge de remplacement dans la caisse de l'extraordinaire, sur le produit arriéré des impositions directes, sur les reprises des comptables et sur l'arriéré du remplacement ordonne de la gabelle; 2° à mettre au courant, à compter du 1er janvier 1791, la totalité des rentes de 1790.
Les autres dispositions qui servirent de suite aux précédentes, et qui furent décrétées le lendemain 7 novembre, sont trop importantes et trop formellement applicables aux circonstances
actuelles, pour qu'on puisse se dispenser de les transcrire ici dans leur entier.
Suite du décret relatif à l'acquittement de la dette
publique, rendu sur le rapport du comité des
finances, le 7 novembre 1790.
Art. 2.
L'emploi des 600 millions restants sera fait de la manière suivante :
1° Aux remboursements des effets suspendus par l'arrêt du conseil du 16 août 1788 ;
2° Au payement à bureau ouvert, à compter du 1er janvier 1791, de l'arriéré liquidé des départements, ainsi que des offices, charges, emplois et dîmes inféodées après leur liquidation.
Art. 3.
Le produit des ventes des domaines nationaux sera employé de préférence à rembourser en assignats, sans interruption, les propriétaires d'offices et de dîmes inféodées, et à cet effet, il sera rendu par le Corps législatif tous les décrets nécessaires.
Art. 4.
Les propriétaires d'offices non comptables supprimés, seront admis, même avant la liquidation, suivant la forme qui sera incessamment prescrite, à faire recevoir provisoirement, pour prix de l'acquisition des domaines nationaux, la moitié de leur finance, déterminée d'après les décrets de l'Assemblée nationale, suivant la nature des offices.
Art. 5.
Après la liquidation, la valeur entière de l'of-ce sera reçue pour comptant dans l'acquisition des biens nationaux, en représentant la reconnaissance de liquidation, numérotée et signée, des commissaires préposés a la liquidation ; mais sans qu'il soit nécessaire, dans ce cas, de suivre aucun ordre de numéros.
Art. 6.
L'ordre de numéros sera également indifférent pour recevoir le remboursement en assignats, tant que les fonds destinés à la liquidation ne seront point épuisés.
Art. 7.
Au delà de ladite somme, la quotité d'assignats rentrés par les ventes, ne pouvant être mise en émission que par un décret du Corps législatif, les remboursements së feront alors par ordre de numéros, suivant l'indication publique qui en sera donnée, à tous les porteurs de reconnaissances de liquidation, lesquels, en attendant, pourront les donner en payement dans les ventes.
Art. 8.
L'intérêt à 5 0/0 sera accordé à ces reconnaissances, et courra du jour où la remise complète des titres aura été faite au bureau de liquidation : ce jour sera indiqué dans la reconnaissance; mais l'intérêt cessera du jour où le numéro sera appelé en remboursement.
Art. 9.
Il en sera de même pour les propriétaires des dîmes inféodées, qui seront traités comme les propriétaires d'offices, et remboursés dans le même ordre et avec la même exactitude, en concurrence avec eux.
Art. 10.
Les privilèges et hypothèques qui existaient sur les titres d'offices et dîmes inféodées, seront transportés sur les domaines acquis, avec la finance desdits offices et le capital desdits domaines sans rénovation.
Art. 11.
Les propriétaires de fonds d'avance ou cautionnements non comptables, déclarés remboursables, pourront donner en payement de l'acquisition des domaines nationaux, les récépissés ou autres titres authentiques de leurs créances, avant la liquidation, lorsqu'ils seront revêtus du visa, dont la forme sera incessamment déterminée.
Art. 12.
Les propriétaires de charges ou cautionnements comptables, supprimés ou déclarés remboursables, jouiront du même ayantage, mais seulement lorsque leurs états au vrai auront été légalement arrêtés. Les immeubles acquis par eux resteront spécialement affectés aux répétitions du Trésor public, jusqu'à l'entier apurement de leurs comptes.'
A l'égard des propriétaires de charges ou cautionnements comptables qui n'auront pas présenté leurs états au vrai, leurs finances ou cautionnements ne seront reçus en payement de domaines nationaux que pour moitié, et à la charge que l'autre moitié du prix sera payée comptant. La totalité des immeubles acquis par eux restera spécialement affectée à la sûreté de leur manutention, jusqu'après l'apurement de leurs comptes.
Art. 13.
Les créanciers privilégiés sur les titres d'office, fonds d'avance, cautionnements et autres objets remboursables par l'Etat seront admis à donner le montant de leur créance en payement des domaines nationaux^ dont ils se rendront adjudicataires en remplissant, pour constater l'existence et la légalité de leurs droits, les conditions qui seront prescrites par les décrets de l'Assemblée.
Art. 14.
Les brevets de retenue sont exceptés des précédentes dispositions jusqu'après examen.
Art. 15.
Il sera nommé deux commissaires de chacun des comités de Constitution, de judicature, des finances et d'aliénation pour présenter, dans huitaine, à l'Assemblée nationale, les moyens pour parvenir à toutes les liquidations avec promptitude et uniformité.
Art. 16.
Cet article a été ajourné. .
Art. 17.
Les différents titres de. propriété ci-dessus énoncés, et tous autres effets, ne pourront être reçus, sous aucun prétexte, en payement, ni dans les caisses de district, ni même dans celle du receveur de l'extraordinaire, sans être revêtus du visa, qui sera indiqué dans le décret de liquidation générale.
Art. 18.
L'Assemblée nationale déterminera par un ou plusieurs décrets particuliers le' développement des autres formalités à observer pour les liquidations et pour toutes les opérations en dépen dant.
Il est sensible, d'après les dispositions de l'article 2 de ce décret, que l'Assemblée constituante a eu l'intention de distinguer en deux classes la dette exigible ou arriérée ;
Qu'elle a compris dans la première tous les effets exigibles dont le remboursement avait été suspendu, ainsi que l'arriéré des départements non susceptible de liquidation ;
Quelle a compris dans la seconde, l'arriéré non liquidé des départements, les offices, charges, cautionnements, dîmes inféodées et tous les effets susceptibles de liquidation ;
Qu'elle n'a eu aucune disposition à prescrire pour la première de ces deux classes de la dette: car on a dit tout ce qu'il était utile, tout ce qu'il était possible de aire, relativement à une somme exi|ible,. lorsqu'on a ordonné qu'elle serait acquittée et qu'on a pourvu aux moyens de le faire.
Il n'en était pas de même de la dette non liquidée : l'Assemblée constituante avait, à cet égard, deux genres de précautions à prescrire ; le premier relatif au mode de liquidation, le second relatif au mode de payement.
Elle a prévu, sous ce dernier rapport, précisément ce qui arrive aujourd'hui : elle a pressenti que l'acquittement ne pourrait pas toujours suivre la rapidité des liquidations, et qu'il arriverait nécessairement une époque à laquelle il serait impossible de continuer les payements à bureau ouvert sans excéder les 1,200 millions auxquels elle avait cru devoir limiter la circulation des assignats. Sa prévoyance a ordonné, article 5, que les reconnaissances de liquidations seraient toutes numérotées ; qu'elles seraient remboursées indistinctement dans l'ordre où elles seraient présentées, tant qu'il n'y aurait pas insuffisance dans les fonds destinés à les payer; mais qu'à l'époque où l'émission des assignats serait arrivée à la limite déterminée, c'est-à-dire à 1,200 millions, les remboursements ne se feraient plus qu'à mesure que les assignats rentreraient par la vente des domaines nationaux et par ordre de numéros ; que cet ordre de numéros serait rendu public; enfin que, jusqu'à l'époque où ces remboursements successifs seraient effectués, les reconnaissances de liquidations seraient admises comme assignats dans l'acquisition des domaines nationaux, et qu'il y serait attaché un intérêt de 5 0/0, jusqu au jour fixé pour le remboursement.
Depuis, les préparatifs de guerre, une foule de dépenses imprévues, et surtout le retard dans
la rentrée des impositions^ ont obligé de franchir la limite qu'on s'était prescrite, et la somme des assignats qui pourraient exister à la fois en circulation a été élevée à 1,400 millions. La période que l'Assemblée constituante avait prédite a donc été seulement parcourue plus rapidement qu'elle ne s'y était attendue; mais au fond rien n'est changé. Les domaines nationaux sont toujours le gage spécialement hypothéqué au payement de la dette non constituée : ce gage même n'a pas été jusqu'à un certain point altéré, par les secours que la caisse de l'extraordinaire a été obligée de fournir au Trésor public, puisque ces secours ne sont qu'une avance pour laquelle il existe une sorte de privilège sur les impositions arriérées.
Qu'est-il donc besoin de répéter sans cesse ce mot effrayant de suspension, et de porter ce qu'il a d'odieux sur le compte de l'Assemblée législative? Qu'est-il besoin de jeter, sans objet, l'alarme dans toutes les classes ae la société ? On ne suspend pas des payements qui ne sont pas exigibles. Or, la loi n'est pas équivoque; elle a prévu, elle a fixé le mode du remboursement, dans tous les cas; il ne s'agit plus que d'exécuter fidèlement ce qu'elle a promis. Il ne serait pas même impossible de tenir davantage. Les moyens pour y parvenir sont encore simples et faciles ; ils seront l'objet du chapitre suivant.
CHAPITRE VIII.
Du plan qu'on peut suivre pour Vexécution du décret des 6 et 7 septembre 1790, pendant les années 1792 et 1793.
Il est évident, d'après ce qui a été exposé dans l'article précédent, que la nation n'a pris l'engagement de rembourser, à bureau ouvert, que ce qu'elle doit à époque fixe, et on a vu, page 680, que cette partie de la dette, même en y comprenant les fonds des compagnies de finance, ne s'élevait pour 1792, qu'à une somme
de.....................................240,000,000 I.
A cette somme doivent être ajoutés, les remplacements à faire au Trésor public par la caisse de l'exr traordinaire pour le mois de décembre 1791, et ce qui sera nécessaire pour compléter, chaque mois les 59 millions auxquels on a évalué les dépenses publiques ; enfin les 60 millions représentatifs du revenu des domaines nationaux, tous objets que j'ai compris, pour..................... 266,000,000
Total....... 506,000,000 1.
Il serait donc possible, à la rigueur, sans man-. quer aux engagements contractés, sans reculer aucun des remboursements exigibles, de faire face à tous les besoins de l'année 1792 avec une émission d'assignats de 506 millions, lesquels, ajoutés aux 1,400 millions qui seront en circulation le 1er janvier prochain, formeraient un total de 1,906 millions.
Mais cette somme ne sera jamais toute à la fois en circulation; il en faudra défalquer ce qui rentrera, et s'éteindra successivement pendant le cours de l'année 1792, par la vente et le payement des domaines nationaux. En n'évaluant ces rentrées qu'à 200 millions, il en résulterait qu'après avoir satisfait à tout, la quantité d'assignats qui se trouveraient en circulation au
1er janvier 1793, n'excéderait qu'à peine 1,700 millions
Après avoir déterminé ce que la foi due aux engagements, ce que la justice exige pendant le cours de l'année prochaine, il reste à examiner ce que la raison conseille. Il ne suffit pas en effet de payer ce qui est rigoureusement exigible; il faut encore que la nation marche vers le plan de libération qu'elle a formé. Il paraît donc indispensable qu'elle destine, pour l'année 1792, une somme quelconque au payement des objets à liquider, et cette somme ne peut pas être, au-dessous de 150 à 200 millions,-. En partant de la plus forte de ces suppositions, la circulation des assignats s'élèverait jusqu'à i,900 millions, au 1er janvier 1793; ce serait probablement alors qu'elle aurait atteint son maximum,-, car il faut espérer qu'il n'existera plus de déficit en 1793 ; qu'en ajoutant conformément aux évaluations détaillées page 675, les 140 millions qui resteront à rentrèr des impositions foncières ,et mobilières de 1792, aux revenus propres à 1793, et en supprimant la plus grande partie des dépenses extraordinaires, on parviendra enfin, pour l'année 1793, à égaliser les recettes avec les dépenses.
Je ne mettrai pas en question si l'Assemblée, législative adoptera ou non la première partie de ce plan, c'est-à-dire si elle-rèmboursera ou non ce qui est rigoureusement exigible en 1792; car nul pouvoir n a le droit de manquer à la foi publique, sous quelque forme et dénomination que ce puisse être -, et comme je l'ai observé (Voy. p. 684) l'Assemblée législative a démontré qu elle n'en avait pas l'intention. Tout ce que je puis donc agiter, c'est de savoir si elle adoptera ou non la seconde mesure que je propose ; si elle destinera une somme de 200 millions en payement des objets à liquider; ou si, s'en tenant strictement aux dispositions du décret du 7 novembre 1790, elle déterminera la somme -des assignats à mettre en circulation, uniquement d'après les besoins du Trésor public; se réservant de ne faire des remboursements qu'à mesure des rentrées. Ces deux partis ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients; et celui d'élever trop haut la somme des assignats en circulation est peut-être l'inconvénient le plus grave dè tous. Je penserais donc, que, sans prononcer d'une manière précise sur la somme qui sera destinée aux remboursements, il conviendrait de fixer à 1,800 millions les assignats qui pourraient exister à la fois en circulation, et d'ordonner que passé cette limite, il ne sera fait de remboursement que par ordre de numéros et à mesure des rentrées.
Cette somme de 1,800 millions ne paraîtra pas excessive,* si l'on veut bien considérer que le numéraire métallique, l'argent, est devenu marchandise et qu'il ne fait plus l'office de monnaie : or, toute marchandise augmente de valeur en proportion de ce qu'elle est plus demandée ét recnérchée, et c'est ce qui arrive à l'argent; ainsi ce n'est pas l'assignat qui perd tout ce qu'il paraît perdre ; l'argent gagne une part de la différence.
Que l'on consulte ceux qui ont écrit le plus savamment sur cette matière ; tous vous diront ue pour connaître les variations qui arrivent ans la valeur de la monnaie, il faut la Comparer, non pas à une seule espèce de marchandises et de denrées, mais à plusieurs, et surtout à celles dont la mode et la fantaisie ne peuvent point charger la valeur : or, ni le blé, ni la viande, ni la plupart des productions de l'agri-
culture, ni les capitaux en biens-fonds, ni les journées d'ouvriers n'ont point augmenté dans la proportion de ce qu'on appelle la perte des assignats.
Gomment d'ailleurs, si réellement la circulation était embarrassée par une trop grande quantité d'assignats, pourrait-on expliquer le peu d'empressement qu'on a de les porter en payement des domaines nationaux!. La plupart des acquéreurs se contentent de payer un acompte de 12 0/0, ils aiment mieux payér du surplus un intérêt annuel de 5 0/0,- plutôt que de s'acquitter avec un effet qui ne produit aucun intérêt. Certainement rien ne prouve mieux que l'on né regorge pas d'assignats ; il est donc faux qu'ils soient discrédités. Ce qui gêne la circulation est moins la masse des assignats que la mauvaise division -des assignats. Que l'on s'attache donc à multiplier ceux de 5 livres dont les demandes des consommateurs indiquent le besoin ; qu'on les mette en état de se passer de numéraire métallique, puisque la défiance le fait disparaître; qu'on multiplie la monnaie de cuivre et de métal de cloches, et alors qu'importera le prix de l'argent, puisqu'on aura les moyens de s'en passer?
Je crois qu'on peut tirer de l'état de nos changes des inductions contraires à ce que j'avance, et l'on ne peut nier que des émissions
Élus ou moins fortes d'assignats n'aient une in-
uence marquée sur le cours des changes. Mais premièrement, on se tromperait beaucoup si l'on se persuadait que cette baisse des - changés fût toute au désavantage de la nation : car si, d'un côté, elle met un obstacle à l'introduction des productions étrangères, de l'autre, elle favorise l'exportation des objets de notre industrie. La baisse des changes ne dépend pas d'ailleurs seulement de la défaveur des assignats ; elle tient encore à ce que nous avons une dette considérable à solder avec l'étranger. Cette dette s'augmente nécessairement chaque jour par les remboursements, dont une partie- est destinée à sortir du royaume, et par la nécessité où se trouvent les Français absents de faire venir le revenu de leurs propriétés foncières. Tant que cet état de choses suosistera, il en résultera un bénéfice à l'exportation des marchandises et denrées nationales, une espèjce de prime d'encouragement pour le commerce et pour l'industrie : nos manufactures travailleront pour acquitter notre dette ; elles extrairont insensiblement des pays voisins, en échange de leur industrie, les métaux qui nous manquent; l'équilibre qui a été rompu se rétablira, et la crise même des affaires deviendra .un moyen de prospérité.
Si l'Assemblée nationale adopte le plan que i'ai tracé dans ce chapitre, elle aura à décréter les mesures d'exécution qui suivent :
1° Qu'il sera fait une nouvelle fabrication de 700 millions d'assignats des sommes et espèces qui seront déterminées, lesquels formeront avec les 1,800 millions, précédemment décrétés, un total de 2,500 millions, pour en être disposé sur les décrets de l'Assemblée nationale ;
2° Que la quantité desdits assignats qui pourrai exister à la fois en circulation, ne pourra pas excéder la somme de 18 à 1,900 millions j
3° Que le décret des 6 et 7 novembre 1790, concernant le mode de liquidation des offices, droits féodaux et dîmes inféodées sera exécuté, et qu'en conséquence.la valeur des offices et autres objets liquidés continuera d'être reçue pour comptant dans l'acquisition et le paiement
des domaines nationaux aussitôt après la liquidation ;
4° Qu'il sera donné aux reconnaissances de liquidation un numéro suivi, lequel ne servira que de renseignement, tant que les fonds destinés aux remboursements ne seront point épuisés); mais que sitôt qu'on approchera de ce terme, les remboursements ne seront plus que dans l'ordre des numéros et suivant l'indication publique qui en sera donnée ;
5° Qu'à cet effet, celui des comités de l'Assemblée nationale qui sera désigné, présentera, au plus tard, le 10 ae chaque mois, un tableau général de la situation des finances, de la somme d'assignats dépensée sur les 2,500 millions, de la quantité existante en circulation, de la somme qu'il sera nécessaire de verser au Trésor public pour les dépenses courantes, ordinaires et extraordinaires, de ce qui sera réservé pour les payements '.exigibles à termes, et pour l'arriéré aes départements, enfin de ce qui pourra être destiné aux remboursements pendant le cours du mois suivant ;
6° Que la liste des remboursements à faire dans le mois suivant sera projetée par le commissaire de la liquidation générale, approuvée par l'Assemblée nationale, et rendue publique au plus tard le 20 de chaque mois, par la voie de l'impression;
7° Qu il sera accordé aux reconnaissances de liquidation un intérêt de 5 0/0, lequel commencera à courir, conformément à l'article 8 du décret du 7 novembre 1790, du jour où la remise complète des titres aura été faite au bureau de liquidation, que ce jour sera à cet effet indiqué dans la reconnaissance de liquidation, et que ledit intérêt cessera le jour où le numéro de la reconnaissance sera appelé en remboursement ;
8° Que les dépenses ordinaires et extraordinaires de l'année 1792, demeureront fixées à 708 millions, et par mois à 59 millions ;
9° Que pour mettre la Trésorerie nationale en état de faire face à cette dépense, il sera fait chaque mois un état des sommes rentrées par les impositions : que tout ce qui excédera 59 millions sera imputé sur le mois suivant ; mais que dans le cas où les recettes n'auraient pas produit cette somme, ce qui manquera sera versé, dans les dix premiers jours audit mois suivant, à la Trésorerie nationale par la caisse de l'extraordinaire.
Je m'attends que l'intérêt de 5 0/0 que je propose d'attacher aux quittances de liquidation, paraîtra d'abord excessif; mais je prie de considérer que cet intérêt a été déjà décrété, que l'engagement en a été formellement pris par l'Assemblée constituante avec les créanciers de la dette à liquider, par son décret du 7 novembre 1790, et que cette même Assemblée constituante avait déclaré le 27 août 1789, que nul pouvoir n'a le droit de réduire l'intérêt de la dette publique. Cet intérêt, d'ailleurs, tout excessif qu'il peut paraître, est celui qu'on exige de ceux qui sont en retard pour le payement des domaines nationaux. Or, comment la nation pourrait-elle avoir deux poids et deux mesures, et comment le* même intérêt, qui ne lui paraît que juste quand elle le reçoit, pourrait-il lui paraître trop fort quand elle le paye ?
Ce n'est pas une économie de deux ou trois millions sur les intérêts qu'il est important de faire dans les circonstances actuelles : ce qui importe à la nation et à la chose publique, c'est de faire rentrer, par la vente des domaines na-
tionaux, les assignats qui sont en émission; surtout de les faire rentrer de préférence aux reconnaissances de liquidation. Or, comment concevoir que les porteurs de ces reconnaissances pussent se déterminer à les conserver, si elles ne produisaient pas un intérêt égal à celui que la nation elle-même exige pour le retard du payement des domaines nationaux ? On a proposé de remplir le même objet, celui de favoriser la rentrée des assignats, en excluant les reconnaissances de liquidation du payement des domaines nationaux. Ce serait une injustice, et la nation ne peut se la permettre. Les créanciers de l'Etat, détenteurs des domaines nationaux, ne les ont acquis que sous la foi des traités et d'après l'assurance qui leur a été donnée, qu'ils seraient admis à compensation. Cet engagement ne peut être éludé. Qu'y gagnerait-on d'ailleurs, puisqu'en écartant de la concurrence une monnaie destinée à l'acq[uisition des domaines nationaux, on diminuerait le capital des biens à vendre ? L'appas d'un léger avantage sur l'intérêt attaché aux reconnaissances de liquidation, opérera presque le même effet sans contrainte ; en sorte que la fixation d'un intérêt à 5 0/0 n'est pas seulement une justice, c'est une mesure utile et nécessaire.Qu'on ne m'oppose pas que ce serait aggraver la crise actuelle, que ae porter à 1,800 millions la somme des assignats qu'on pourra mettre en émission. J'ai déjà beaucoup affaibli cette objection, mais cette crise, au surplus si c'en est une, on ne pourrait l'adoucir qu en la prolongeant. Si l'Assemblée constituante n'avait pas essayé de concilier ainsi des opinions opposées, si sa marche eût été plus rapide et plus ferme, presque toute la dette exigible ou arriérée serait acquittée aujourd'hui,, et la totalité des domaines nationaux seraient vendus à un prix avantageux.
Que l'exemple du passé nous apprenne a redouter l'effet de mesures incertaines ou timides : le médecin habile n'attend pas que les forces de son malade soient épuisées, pour provoquer la crise salutaire qui doit le rappeler à la santé.
Enfin, si, à quelqu'époque que ce soit. l'Assemblée nationale s'apercevait que la circulation fût engorgée par une surabondance de papier, elle aurait toujours dans sa main un moyen assuré de procurer un écoulement du trop plein des assignats; ce serait en ouvrant un emprunt. Tout, jusqu'au discrédit même des assignats, concourrait au succès de cette opération, et elle réussirait infailliblement à 3 1/2 ou à 4 0/0 tout au plus. Le moment d'employer cette ressource n'est point encore arrivé : ce n'est pas lorsque la nation a des domaines à vendre, dont elle peut espérer un capital calculé sur le pied de 3 0/0, qu'il convient d'offrir un placement à 4, ce serait détruire elle-même ses ressources les plus précieuses et avilir ses capitaux par une concurrence maladroite. Mais le temps viendra, et il est peut-être moins éloigné qu'on ne pense, où, avec des emprunts sagement combines, on parviendra à balayer tout ce qui pourra rester dû sur la dette exigible et arriérée, peut-être à rembourser la partie la plus onéreuse de la dette constituée, et à réduire successivement, par des moyens doux et volontaires à 4 0/0 et même à 3 1/2, l'intérêt de la dette publique.
CHAPITRE IX.
De la situation des affaires au 1er janvier 1793.
S'il est possible d'atteindre la fin de l'année 1792, sans des accidents graves ;
Si l'Assemblée nationale parvient à faire rentrer au Trésor public, pendant le cours de cette même année, une somme de 400 à 450 millions par les impositions ordinaires ;
Enfin, si le fonds destiné aux dépenses extraordinaires de la guerre ne s'élève pas au delà de 60 millions, comme je l'ai supposé, la chose publique est sauvée, et l'Assemblée nationale n'aura plus qu'à recueillir le fruit de ses travaux.
Telle serait alors la situation des affaires au 1er janvier 1793.
Il aurait été remboursé pendant l'année 1792, sur la dette exigible à terme, une somme de............... 130,000,000 1.
Sur les fonds des compagnies de finance................... 110,000,000
Acompte sur les objets à liquider..................... 150,000,000
11 serait rentré pour une somme à peu près égale de reconnaissances de liquidation employées directement à l'acquisition des domaines nationaux ....................... 150,000,000
Total...... 540,000.000 1.
Déduisant cette somme des 1,100 millions, auxquels monte au plus la dette exigible et arriérée, en ce non comprise la dette à terme, dont les époques de remboursements successifs se répartissent sur 28 années, il ne resterait plus à rembourser au 1er janvier 1793 qu'une somme de 560 millions : or, en divisant cette somme sur 4 à 5 années, il sera facile, non seulement d'y faire face, sur les rentrées successives du payement des domaines nationaux, mais encore de diminuer chaque année d'une somme plus ou moins forte, la masse des assignats en circulation.
Quelle perspective florissante présenteraient alors les finances du royaume !
Le capital de la dette constituée en perpétuel ne s'élèverait qu'à........... 1,400,000,000 1.
Celui du restant de la dette exigible à terme remboursable pendant l'espace de 20 années, à...................... 250,000,000
Total..... 1,650,000,000 1.
Les rentes viagères s'étei-gnant graduellement chaque année, les charges publiques se trou veraient diminuées, avec
le temps, de.................
Les pensions des ci-devant bénéficiers diminueraient dans une- progression plus rapide encore, parce qu'elles sont sur des têtes d'un âge plus avancé, et il en résulterait un nouveau soulagement annuel de......
100,000,000 1.
72,000,000
Total...... 172,000,000 1.
Les dépenses publiques se réduiraient alors à peu près à ce qui suit :
Dépenses de la guerre, y compris la gendarmerie nationale.............. 100,000,000 1.
Marine......................
Affaires étrangères...........
Liste civile..................
Frais de culte................
Ponts et chaussées...........
Intérêt de la dette publique, au
plus......................
Pensions....................
Frais d'administration ; dépenses de l'Assemblée nationale; encouragements aux arts, au commerce; objets de bienfaisance et dépenses imprévues.................
50,000,000 6,000,050 25,000,000 80.000,000 4,000,000
70.000.000 15,000,000
25,000,000
Total.
375,000,000 I.
i* Série. T. XXXVI.
Pour faire face à ces dépenses, la nation aurait le produit du timbre et du droit d'enregistrement qu'on pourrait alors
évaluer à.................... 80,000,000 1.
Les douanes qui, dans un état de commerce florissant,
produiraient................. 25,000,000
Les postes................. 15,000,000
Les patentes.............. 15,000,000
Il ne resterait plus à imposer pour les contributions foncière et mobilière que (1)..... 240,000,000
Total égal...... 375,000,000 1.
La dette, ainsi réduite à 1,650 millions, ne serait au plus que la 25" partie de la fortune publique en capital ; car, en partant de suppositions modérées, la valeur de toutes les propriétés foncières du royaume ne peut pas former un capital au-dessous de 40 milliards; d'un autre côté, la masse des contributions publiques qui, sous l'ancien régime, s'élevait à près de moitié du revenu libre, n'excéderait pas de beaucoup la proportion du quart.
Peuple français ! telle est la perspective qui vous est offerte : mais ne vous aveuglez pas sur le danger qui vous menace; n'oubliez pas que vous marchez sur le bord d'un précipice : nous avons supposé partout l'existence d'un revenu public, et ce revenu n'existe pas encore. Osons le dire : toutes les évaluations qui ont été faites par le comité des contributions publiques de l'Assemblée constituante se trouvent excessivement exagérées; il est pardonnable de s'être laissé séduire par le désir même d'alléger le fardeau des contributions publiques. Ainsi, en admettant que tous les droits décrétés pour l'année 1791 par l'Assemblée constituante, se perçussent dans toute l'étendue dont ils sont susceptibles, il resterait encore un vide immense quil est question de combler. Français, telle est la tâche imposée à vos représentants ! Elle exige de leur part de longues méditations, une connaissance approfondie des ressources et des richesses de la nation; cette prudence froide et réfléchie qui mûrit les plans; cet esprit de combinaison qui en calcule les détails ; cette activité infatigable qui prépare l'exécution. Cette
tâche est immense, sans doute; espérons qu'elle ne sera pas au-dessus de leurs forces : mais surtout qu'ils s'occupent promptement de la remplir; car j'ose en faire la triste prédiction, si sous très peu de mois les impositions décrétées pour l'année 1791 ne sont pas en plein recouvrement; si dans 6 mois, au plus, le. système d'impositions de 1792 n'est pas décrété et èn activité, nulle force humaine ne pourra sauver la patrie d'une catastrophe affreuse, dont l'ancien régime, avec tous ses abus, nous avait cependant évité l'horreur. Que tout ce qui a rapport à l'assiette et au recouvrement de l'impôt rasse donc l'objet de l'occupation habituelle et de tous les jours de l'Assemblée législative ; que ses comités ne remettent pas à demain; qu'ils s'y livrent dès aujourd'hui : car, qu'on ne s'y trompe
Ïias, la Révolution ne sera véritablement achevee, a Constitution ne sera terminée que quand on aura solidement fondé un revenu suffisant pour faire face aux dépenses publiques.
CHAPITRE X.
Réflexions sommaires sur la valeur des domaines nationaux, et sur le moyen de suppléer à cette ressource, en cas d'insuffisance.
On "évalue à 3 milliards 500 millions, le capital des domaines nationaux, et presque tous les calculs auxquels on s'est livré, sur le payement de la dette • exigible et arriérée, sont fondés sur cette supposition. On est naturellement porté à croire ce que l'on désire ; et parce qu'on a calculé que le besoin s'éleverait à â milliards 500 millions, on en a conclu que le produit de la vente des domaines nationaux s'élèverait à cette même 6omme. Il eût, peut-être, été possible de l'atteindre, si les liquidations eussent été plus ra-
Sides et les ventes moins précipitées ; mais les omaines nationaux ont tous été mis eji vente dans presque tous les districts à la fois; on a presse les adjudications avant qu'on eût suffisamment répandu la monnaie qu'on destinait à faciliter les acquisitions.
Il est très douteux que, dans cette position des affaires, le produit de la vente des domaines nationaux s'&ève à plus de 3 milliards; c'est à peu près le résultat auquel M. Àmelot, commissaire du roi à la caisse ae l'extraordinaire, a été conduit par différentes évaluations. Il résulte d'un tableau qu'il a fait fournir pour 177 districts, et qu'il a bien voulu me communiquer, qu'il avait au premier novembre :.
Ri prie immpnhW vendus...... 590,178,771 1.
Biens immeublesj nonvendus176846)293
Evaluation du capital des droits
incorporels..........................51,697,458
Biens dont la vente est ajournée......................................................91,429,705
Total......... 910,152,227 1.
En supposant nue la proportion des biens nationaux soit la même dans les districts pour lesquels les états ne sont point encore fournis, et en appliquant les mêmès évaluations au reste du royaume, on trouve que la yaleur totale des domaines nationaux excède 2 milliards 800 millions, et qu'elle s'élèvera, très probablement, à plus de 3 milliards, si, comme il y a lieu de le croire, la portion des domaines invendus se vend seulement un quart au-dessus du prix de l'estima-
tion. Les forêts dont on peut disposer, sont comprises dans cette évaluation.
Les besoins publics excéderont nécessairement cette somme ; car d'après les supputations dont je suis parti, la quantité d'assignats qui aura été consommée sera de........... 2,500,000,000 L
Il restera à payer de la dette exigible et arriérée, sans y comprendre les remboursements à terme, à des époques éloignées. 560,000,000
Total........ 3,060,000,000 1.
Il est donc probable qu'il se trouvera à -la fin des opérations un déficit, et qu'une portion quelconque d'assignats se trouvera porter àfaux.
C'est parce que j'en ai prévu la possibilité, que j'ai proposé dans le chapitre IX de couvrir ce vide par un emprunt à 4 0/0, dont ' l'effet serait de convertir en dette constituée une portion de la dette exigible, et qui, même habilement ménagé, pourrait conduire, avec le temps, à ramener, par des moyens libres et volontaires, à 4 0/0 l'intérêt de la dette constituée.
Il serait impossible de prédire à l'avance quel sera le moment convenable pour faire l'ouverture de cet emprunt. J'ai déjà dit combien il était important qu'il n'entrât point en concurrence avec la vente des domaines nationaux; car personne ne voudrait, pour retirer un intérêt de 2 1/2 à
3 0/0 de ses capitaux, s'exposer aux non-valeurs, aux embarras, aux risques même qu'entraîne l'administration des biens fonds, quand un gouvernement digne de toute confiance lui offrirait en même temps une jouissance tranquille et assurée de 4 0/0 dans un emprunt national. Ainsi, ou l'effet de la concurrence serait de suspendre la vente des domaines nationaux, ou d'en baisser le capital sur le pied d'un revenu de 4 ou
4 1/2 0/0.
La première loi que l'Assemblée doit s'imposér est donc de n'ouvrir d'emprunt que lorsque la vente des domaines nationaux sera presque entièrement consommée. On admettrait dans celui que je propose tous les titres de créance de la dette exigible ou arriérée, aussitôt qu'ils auraient été liquidés. Ce serait un moyen d'accélérer et de faciliter les liquidations; mais le plus grand bienfait qui en résulterait serait de débarrasser la circulation de la surabondance des assignats.
enfin, si cet emprunt ne suffisait pas pour établir l'équilibre entre le produit de la vente des domaines nationaux et le montant de la dette exigible et arriérée; si l'on pouvait craindre qu'il ne restât encore quelques portions d'assignats qui portassent à faux, il suffirait alors d'en offrir le payement .en espèces à bureau ouvert à tous les porteurs, pour leur donner une confiance indéfinie, et la nation pourrait se procurer pair cette voie un crédit de 2 ou 300 millions d'assignats qui ne lui coûteraient presqu'aucun intérêt. 60 ou 80 millions d'espèces réservées dans les caisses du Trésor public suffiraient pour faire face à cette circulation : car, dès que la somme des assignats sera réduite au delà d'un certain terme, les espèces commenceront à reparaître; il en rentrera dans les caisses par les impositions ; et la masse de numéraire en réserve dans le Trésor public,toujours alimentée par les revenus» fournira avec facilité aux demandes d'échanges d'assignats contre espèces qu'on pourrait faire.
On soupçonne que la banque a'Àngleterre a pour 800 millions, monnaie de France, de billets
en circulation, et quoique les payements se fassent en or, quoique la banque n'ait pas à sa disposition toutes les espèces qui rentrent par les revenus publics, enfin quoique sa réserve en numéraire n'ait pas toujours été fort considérable, elle n'a été embarrassée que dans des cas très rares, et dans des moments où le crédit public était ébranlé par de grands événements.
Enfin, si l'on pensait qu'une opération de banque fût contraire à la dignité de la nation, et qu'il ne fut pas convenable qu'elle l'entreprît pour son compte et à ses risques, il serait facile de proposer des plans qui concilieraient tout. On ne manquerait pas de compagnies qui offriraient de rembourser en billets payables en espèces à bureau ouvert, un restant de 300 millions d'assignats, moyennant un intérêt modique de 2 ou de 2 1/2 0/0, tout au plus : mais H serait imprudent de faire aucune tentative de celte espèce, avant que le crédit public soit parfaitement consolidé, que le recouvrement des impôts soit en pleine activité, et que la somme des assignats mis en circulation soit réduite à 400 millions tout au plus.
Note relative au mémoire de M. Dufresne-Saint- Léon, commissaire du roi, directeur général de l la liquidation.
Au moment où je termine cet écrit, je reçois le mémoire imprimé de M. Dufresne-Saint-Léon, sur la liquidation. Ses progrès, son état actuel, ses engagements et ses besoins, la différence des époques auxquelles nous avons arrêté notre travail, ont entraîné, dans les résultats, des différences, dont il est nécessaire de rendre compte.
M. Dufresne-Saint-Léon a présenté le tableau de ce qui existait le 10 novembre 1791. J'ai essayé de déterminer quelle serait la position des affaires au 1er. janvier 1792, et dans l'intervalle de près de 2 mois, un grand nombre de liquidations ont été faites et consommées.
Nous avons évalué l'un et l'autre, le montant de la dette exigible ou arriérée, à....................... 1,086,000,000 1.
Mais M. Dufresne-Saint-Léon n'y comprend pas le montant de la dette exigible à terme et au porteur, que j'ai évaluée,. pour ce qui échoit en 1792, à. 129,000,000
L'addition de cette somme porte le total de son résultat à........................ 1,215,000,000 1.
Mais d'un autre côté il y a fait entrer la dettë constituée du clergé, pour 78 millions, tandis que, d'après les données dont je suis parti, il n'y en a que 10 millions d exigibles en 1791, la différence qu'il convient de retrancher est de— 68,000,000
Le montant total de la dette exigible ou arriérée était donc, au 18 novembre dernier, suivant M. Dufresne-Saint-Léon, de.......................... 1,147*000,000 1.
Je l'ai évalué, pour le 1er janvier 1792, à ................ 1,086,000,000 1.
La différence est de........ 61,000,000 1.
C'est à peu près, sans doute, ce qui aura été rembourse par la caisse de l'extraordinaire sur
la dette exigible ou arriérée depuis le 10 novembre dernier, jusqu'au 1°' janvier prochain.
Ce rapprochement suffit pour justifier les résultats que j'ai présentés dans cet ouvrage. 11 était difficile, en partant de bases aussi diffé* rentes, d'arriver à une concordance plus exacte.
Séance du
présidence de- m. françois de neufchateau.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 30 décembre.
, au nom du comité des secours publics, fait un rapport et présente un projet de décret relatif à la continuation des travaux du canal de Bourgogne (1); il s'exprime ainsi :
Mèssieurs, parmi les moyens employés par les ennemis de la Constitution pour la détruire, il en est un sur lequel ils avaient fondé de grandes espérances, c'était de livrer à l'oisiveté* de plonger dans 1 indigence des milliers de bras qu'ils occupaient auparavant par le luxe. L'Assemblée constituante décréta, en 1790, une somme pour les secours à distribuer aux ouvriers sans travail, il fut établi des ateliers pour les occuper; mais ces ateliers étaient ruineux, on les supprima; 1,800 des ouvriers qu'on y employait furent envoyés au canal de Bourgogne, auquel l'Assemblée constituante avait attribué 600,000 livres. Ces 1,800 ouvriers, réunis à ceux qui s'y trouvaient déjà, en portèrent le nombre environ à 2,500. Aujourd'hui il ne reste pas un écu pour les payer. Cependant leurs travaux sont utiles à la chose publique ; il serait dangereux, en les laissant manquer d'ouvrage, de faire refluer vers Paris un nombre aussi considérable de malheureux. Et d'ailleurs vos âmes seraient déchirées par la perspective de livrer à l'indigence, dans une saison si rigoureuse, tant d'hommes qui ne demandent qu'à travailler. En conséquence, votre comité m'a chargé de vous proposer (raccorder au canal de Bourgogne une somme de 600,000 livres.
Voici le projet de décret :
projet de décret (2).
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été faitjpar son comité de secours
publics, considérant qu'il est de l'utilité générale du royaume de continuer l'ouverture du
canal de Bourgogne; qu'il est indispensable de pourvoir au payement des ouvriers employés à
ce canal ; que ce payement ne peut plus s'effectuer puisque les fonds appliqués a cette
entreprise sont absorbés; après avoir, pour les causes ci-dessus, décrété l'urgence, décrète
ce qui suit :
o Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »
Plusieurs membres demandent l'ajournement de la discussion.
Je demande que l'Assemblée nationale s'occupe de suite de ce qui concerne le canal de Bourgogne, où environ 3,000 ouvriers sont sans ouvrage, sans ressource. Il y a plusieurs jours que je sollicite cette justice.
J'appuie la motion de M. Laureau. Cet objet est de la plus haute importance ; l'intérêt de la chose publique, celui des pays circonvoisins, l'humanité l'exigent impérieusement.
Je reconnais la nécessité de décréter cette somme, mais je demande que cet objet soit mis à 1 ordre de deux heures; l'Assemblée ne peut être trop nombreuse quand il s'agit de décréter des dépenses publiques, et surtout un fonds extraordinaire de 600,000 livres.
(L'Assemblée renvoie la discussion à l'ordre de deux heures.)
(Pas-de-Calais) obtient la parole pour faire une motion relative aux conditions a1 éligibilité pour les places d'évêques et de curés, et dit :
Messieurs, c'est demain que doit expirer un terme fixé et qu'il est nécessaire de prolonger. L'article 32 du titre II du décret du 12 juillet 1790, exige 5 années de vicariat ou employées dans les hôpitaux en qualité d'aumôniers pour être promu aux places de curés, et l'article 7 du même titre de la même loi exige 15 années de service de curé dans le même diocèse pour être promu à l'évêché. L'Assemblée nationale constituante ne tarda pas à s'apercevoir que ces conditions d'éligibilité rendaient difficile et même impossible, dans quelques diocèses, la nouvelle organisation du clérgé; elle décréta, le 7 janvier 1791, qu'il suffisait d'être prêtre pour être curé, et d'avoir exercé pendant 5 années pour pouvoir être élu évêque : elle borna l'époque à 1792. Plusieurs curés, persécutés par les fanatiques, ont fui ; d'autres sont morts de cnagrin et victimes de leur excès de patriotisme. Le remplacement serait impossible si l'on voulait exécuter dès à présent la loi du 12 juillet 1790. Il est donc de toute nécessité de décréter promptement que les conditions d'éligibilité pour les places d'éveques et de curés, seront, pendant 1792. les mêmes qu'elles ont été en 1791, et qu'à cet égard seulement, les dispositions de la loi du 12 juillet 1790 seront suspendues.
annonce qu'il est prêt à faire, au nom du comité de division, un rapport sur cet objet et prie l'Assemblée de vouloir bien l'entendre.
(L'Assemblée décide que M. Thévenin sera entendu.)
, au nom du comité de-division, fait, en conséquence, un rapport sur les remplacements aux cures vacantes a faire dans le département du Haut-Rhin, et sur les moyens de faciliter ceux qui seront à effectuer dans tous les départements jusqu'au 1er janvier 1793; il s'exprime ainsi :
Messieurs, l'Assemblée nationale constituante ayant prévu que l'esprit inconstitutionnel de la majorité des évêques et du plus grand nombre des pasteurs, et leurs désertions combinées, pourraient occasionner la vacance de plusieurs bénéfices, ce qui serait devenu pour les ennemis de la Constitution un prétexte de persuader au peuple qu'il était dans 1 intention de l'Assemblée nationale de préparer la suspension du culte public de la religion; elle rendit, le 7 janvier 1791, un décret par lequel, dérogeant aux dispositions des articles 7 et 23 du titre II de la loi du 24 août, qui exige 15 années d'exercice du ministère ecclésiastique dans les diocèses pour être éligible à un éveché, et 5 ans pour être curé, elle prononce par rapport aux bénéfices qui viendraient à vaquer dans lé cours de l'année, 1791 ; savoir : que tout Français prêtre, actuellement curé ou ayant été fonctionnaire public pendant 5 ans, serait éligible à un évêché dans quelque département que ce fût ; en second lieu que les curés et vicaires supérieurs pourraient être choisis parmi tous les Français, prêtres depuis5 ans;troisièmement, que tout prêtre serait admissible aux places de vicaires ; quatrièmement enfin que tout religieux ou ecclésiastique pensionné, déjà pouvu de vicariat, ou de cure, ou qui y serait porté par élection dans le cours de 1 année 1791, conserverait la moitié de sa pension outre son traitement. Mais l'Assemblée, en se relâchant par ce premier décret de la rigueur de la disposition ae la loi du 24 août 1790, n'avait fait qu'un premier pas vers les besoins du moment, qui bientôt en exigent un second.
La nécessité d'avoir 5 années de prêtrise pour être promu à une cure présentait encore des difficultés dans quelques départements où il y avait rareté de sujets d'une part, et de l'autre où les fonctionnaires publics ont besoin de connaître l'idiome particulier. Il fallut remédier à cet inconvénient momentanément par un nouveau décret du 4 avril par lequel il a été statué que, pour l'année 1791, il suffirait d'être prêtre séculier ou régulier ; l'Assemblée dispensa à cet effet de la condition du temps de prêtrise exigé par l'article du décret du 7 janvier précédent. Sans doute que la durée de ces deux exceptions avait été combinée sur l'espoir d'un prompt retour à la tranquillité publique et que l'on s'était flatté que le flambeau de la raison éclairant le peuple sur ces préventions funestes, ces préjugés superstitieux et ces suggestions perfides que les prêtres dissidents commençaient alors à répandre, aurait substitué le règne de la loi à l'empire des factieux avant l'expiration du délai fixé par ce décret ; mais si cette espérance s'est réalisée dans quelques parties de l'Empire, il paraît du moins que le département du Haut-Rhin est encore bien loin d'en recueillir les fruits; le fanatisme, y faisant tous les jours de nouveaux progrès, a rendu insuffisantes pour les remplacements les deux premières nominations qui ont eu lieu jusque-la ; la première à l'époque de la promotion de l'évêque, et la seconde lors de l'élection des députés à la législature, et des renouvellements de la moitié des membres des départements et districts, au point que, soit que les listes n'aient pas été complètes, ou que parmi les nouveaux curés élus, les uns aient refusé de prêter le serment, et que les autres aient été retenus sur leur acceptation, par la crainte des inconvénients que fa division des esprits, fomentée par les prêtres réfractaires, leur a fait redouter, 60 paroisses dans l'étendue des trois
districts qui composent ce département, demandent de nouveaux ministres.
L'évêque diocésain et les administrateurs du département se réunissent, Messieurs, pour obtenir de vous les moyens de pourvoir au remplacement; et ils vous demandent, premièrement, de permettre une convocation extraordinaire des électeurs ; secondement, de proroger, pour 1792, la dérogation à la loi du 24 août 1790, prononcée par celle du 9 janvier 1791; troisièmement, d'autoriser les électeurs à admettre dans leurs choix des prêtres étrangers ; quatrièmement enfin, d'ordonner que les électeurs, pour ce cas seulement, seront payés de la caisse des dépenses variables du culte.
Votre comité de division, auquel vous avez renvoyé, Messieurs, l'examen de ces réclamations, les a approfondies séparément, et ie vais vous faire part des réflexions dont elles lui ont paru susceptibles.
La loi du 24 août 1790 ayant fixé l'époque du rassemblement des électeurs pour la nomination aux cures, et ayant réglé que, jusque-là, la vacance d'une cure confiée au premier vicaire, et s'il n'y avait pas, à un desservant qui serait établi par l'évêque, la première proposition du département du Haut-Rhin a paru d'abord entraîner une dérogation à une loi, et sous ce premier rapport, votre comité aurait désiré, Messieurs, qu'iilui eût été permis de la combattre ; mais en pénétrant les motifs qui l'ont déterminé, il a bientôt reconnu que cette dérogation se trouvait commandée par l'empire des circonstances, et qu'il serait même du plus grand danger de ne pas y acquiescer dès qu'il est constant que dans 1 étendue des trois districts qui composent le département du Haut-Rhin, il y a soixante cures vacantes, ou qui sont pourvues de pasteurs dissidents, dont la conduite, dirigée en haine de la Constitution, ne tend qu'à abuser de la crédulité des peuples et à en faire l'instrument de leurs passions et de la vengeance qu'ils semblent avoir méditée.
S'il n'y avait d'ailleurs qu'une seule et même 5 ou 6 cUres à remplacer, en regardant alors comme inutile de faire une convocation extraordinaire, on pourrait se contenter de renvoyer les réclamants à l'expression de la loi du 24 août et aux mesures qu'elle indique en cas de vacances ; mais cette loi, qui ne peut s'entendre en général que des vacances qui procèdent de la mort ou ae la démission libre du titulaire, ne peut pas recevoir d'application lorsqu'il s'agit du remplacement d'un aussi grand nombre de fonctionnaires ; et comme la loi veut que le rassemblement ait lieu aux époques fixées, quoiqu'il n'y eût qu'une seule cure vacante, à plus forte raison doit-il être autorisé lorsqu'il est exigé par la nécessité d'en remplacer plus de soixante.
La loi n'a pas prévu d'ailleurs le cas où [les nouveaux élus n accepteraient pas, ni celui où, après avoir accepté, ils ne se feraient pas installer; et telle est principalement la position dans laquelle il paraît que se trouve le département du Haut-Rhin.
Parmi les curés élus dans les précédentes nominations, les uns ont refusé, les autres, après avoir accepté, ont demeuré dans l'inaction, et ne se sont pas fait installer. La loi du 24 août n'ayant aucune disposition pour: ç«$ cas particuliers, il est dès lors nécessaire quer Assemblée y pourvoie en fixant un terme dans lequel les nouveaux pourvus seront tenus de prendre possession, et en ordonnant le remplacement aux
cures, que le défaut d'installation de la part des nouveaux élus, continuerait de laisser vacantes, soit dans la forme indiquée par l'article 23 du titre II de la loi du 24 août 1790, ou par une convocation extraordinaire des électeurs, lorsque le nombre des cures vacantes se trouvera considérable.
J'ajouterai à l'appui de la proposition qui vous est faite par le département au Haut-Rhin, qu'indépendamment de la difficulté qu'un évêque éprouverait à trouver 60 sujets disposés à accepter des emplois qui ne soient eûcore pour eux qu'incertains et momentanés, il importe essentiellement que ces sujets, qui succéderont à ceux qui sont à remplacer, réunissent le caractère et 1 autorité nécessaires pour fixer la confiance des fidèles qui seront confiés à leurs soins; et ce n'est qu'en les investissant du titre de curé que l'on peut espérer parvenir à ce but.
D'après ces différents motifs, votre comité a regardé la première demande du département du Haut-Rhin comme indispensable et il n'hésitera plus, dès lors, à vous en proposer l'adoption.
En second lieu, Messieurs, si les agitations qui fomentaient à l'époque du 7 janvier 1791, ont paru exiger le décret qui, d'une part dispense les prêtres français de l'exercice de 5 années, exigé par la loi du 24 août, pour être éligihle à une cure, et qui, de l'autre, conservent aux religieux et ecclésiastiques pensionnés qui accepteront des cures ou vicariats, la moitié de leur pension outre leur traitement, les troubles qui ont éclaté depuis commandent bien plus impérativement encore la prorogation de cette loi; car, si cela était autrement on verrait bientôt la majorité des curés déserter leurs postes, avec la certitude que la rareté des sujets eligibles nécessiterait la vacance des cures. Bientôt aussi les rebelles et les factieux ne manqueraient pas de présenter au peuple le silence de la religion comme un signal de révolte contre la Constitution, en secouant de toutes parts les torches du fanatisme ; ils ne négligeraient rien pour faire voir les églises sans chefs, les autels abandonnés, les troupeaux sans pasteurs; et c'est ainsi qu'ils chercheraient à alarmer les personnes peu éclairées sur le nouvel ordre de choses, qu'ils mettent tant d'art à calomnier.
Le seul moyen. Messieurs, d'obvier à cette difficulté et de prévenir les malheurs qui pourraient en être la suite, est de proroger jusqu'en 1793. non seulement la disposition du décret du 7 janvier 1791, qui, au lieu de 5 années d'exercice, n'exige que le même temps de prêtrise, mais encore celui du 4 avril, qui dispense du temps de prêtrise exigé par l'article 4 du décret du 7 janvier; et c'est ce que votre comité vous proposera d'adopter en rendant même cette disposition commune à tous les départements.
Mais autoriserez-vous les électeurs à faire choix des pasteurs dont les 3 districts ont besoin, parmi les prêtres français et allemands sans distinction, ainsi que l'évêque et le département du Haut-Rhin vous le demandent?
La loi du 24 août 1790, ayant circonscrit le choix des électeurs dans l'étendue de chaque diocèse ; et le décret du 7 janvier, ayant limité l'exception qu'il prononce en faveur des prêtres français, c'est une double exception aux lois que l'on vous propose d'accueillir, et qui dès lors exige un examen particulier des moyens qui viennent à l'appui de cette demande, pour savoir si elle est ou non admissible.
Les motifs présentés par le département du Haut-Rhin sont :
y 1° Que la langue allemande est l'idiome naturel de ce département, et qu'il ne serait pas possible de se servir des prêtres des départements de l'intérieur, ni même de ceux qui les avoisinent, parce qu'ils ne pourraient point se faire entendre de leurs paroissiens;
2° Que précédemment les prêtres allemands pouvaient être investis en Alsace dé bénéfices-;ures en obtenant des lettres de naturalité à l'effet de posséder ces sortes de bénéfices, et que cette raison doit décider le Corps législatif à donner à ces mêmes prêtres, par la voie que la Constitution indique, l'aptitude légale à pouvoir être élus aux cures de leurs départements, en ajoutant que des sujets étrangers se disposent à y accepter des places.
Il a paru à votre comité, Messieurs, que deux grands moyens appuyaient cette demande ; savoir : la disette des prêtres dirigés par les principes et dans le sens de la Constitution, qui contraint à sortir du département pour se procurer les sujets nécessaires, et la difficulté d'en trouver dans les départements intérieurs et voisins qui possèdent l'idiome usité dans le pays, sans lequel il est impossible de se faire entendre des paroissiens.
En s'arrêtant aux raisons de politique qui paraissent le plus concourir à faire rejeter cette proposition ou à la faire admettre, on pourrait d'un côté regarder comme dangereux de placer sur nos frontières des étrangers auxquels il est nécessaire de livrer, d'assurer même la confiance du peuple; mais aussi, d'un autre côté, s'élève l*espérance que l'on doit concevoir d'hommes admis dans le sein d'une patrie nouvellement régénérée, après avoir manifesté le désir de venir partager les avantages de la Révolution ; et votre comité n'a vu, dès lors, aucun danger à nommer des prêtres étrangers, bien convaincu ue le choix des électeurs ne portera que sur es sujets dont le civisme, l'aptitude et la régularité des mœurs se trouvent garantis par des éclaircissements préalables pris avec soin ; mais une observation essentielle a placer ici, est que les prêtres étrangers qui se présentent à l'évêque et sur lesquels le choix des électéurs se portera naturellement, sont ceux qui habitent sur le territoire attaché à l'évêché de Bâle qui comprenait dans son arrondissement la partie qui, par le nouvel ordre des choses, forme le département du Haut-Rhin et par conséquent son diocèse, en sorte que ce ne sera que rappeler les mêmes prêtres à des fonctions qu'ils exerçaient déjà dans cette partie.
Si, d'ailleurs, il est positif qu'avant la Révolution, dès prêtres allemands possédaient des bénéfices en se faisant naturaliser, cette circonstance devient suffisante pour accueillir avec faveur ces mêmes étrangers qui, pleins de la haute idée qu'ils ont conçue aes principes de notre Constitution, se présentent pour les propager et pour déjouer le système de persécution pour lequel on cherche à l'affaiblir.
En un mot, Messieurs, l'un des premiers droits du peuple, l'un de vos premiers devoirs envers lui, c'est de lui assurer la jouissance de son culte, les secours et les consolations de la religion à laquelle il est attaché. Vous devez donc lui donner des ministres, et vous ne pouvez le faire en ce moment, qu'autant que vous laisserez aux électeurs la liberté de les choisir partout où il s'en trouvera qui seront dignes de la confiance
du peuple et de la grandeur des fonctions qu'ils auront a remplir. D'après cette dernière considération, votre comité a pensé, Messieurs, qu'il n'y avait pas à balancer sur l'adoption des prêtres étrangers ; mais il n'a pas cru que ce fût le cas de l'isoler pour le département du Haut-Rhin, il vous proposera de l'étendre à tous les départements, en limitant toutefois l'effet de cette exception jusqu'au 1er janvier 1793, attendu qu'il y a lieu d'espérer que jusqu'à cette époque, il se présentera assez de prêtres dans chaque département pour fournir aux remplacements que les besoins ordinaires pourront exiger.
Quant à la dernière proposition, qui tend à. vous demander d'autoriser le payement des électeurs pour les cas extraordinaires, votre comité redoutant les exceptions particulières, a pensé que les motifs qui ont déterminé l'Assemblé» constituante à décider, par son décret du 9 septembre, que les électeurs ne recevraient point de traitements, sont les mêmes dans tous les cas, qui demandent l'exercice de ces fonctions, et que les électeurs du département du Haut-Rhin, en donnant dans cette circonstance une nouvelle preuve de leur patriotisme, acquerront de tels droits à la reconnaissance ae leurs concitoyens, qu'elle leur séra un ample dédommagement des sacrifices qu'ils feront à la chose publique.
Décret d'urgence (1).
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, sur la nécessité de pourvoir incessamment aux cures vacantes dans le département du Haut-Rhin,, ainsi que sur les mesures à prendre pour faciliter, dans tous les départements du royaume, les nominations aux bénéfices qui pourront vaquer dans le cours de l'année 1792, et pour prévenir en même temps les obstacles qui pourraient résulter du refus ou de la négligence que les nouveaux élus apporteraient à se faire installer après leur nomination; considérant que le maintien de l'ordre et de la tranquillité publique exige qu'on pourvoie aux mesures à prendre, dans le plus court délai possible, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif (1).
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de division et après avoir entendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Dans le mois, à compter du iour de la publication du présent décret, les électeurs au département du Haut-Rhin seront convoqués extraordinairement dans le chef-lieu de leurs districts respectifs, à l'effet de procéder à la nomination aux cures vacantes dans l'étendue de ce département, par mort, démission ou défaut de prestation de serment, ainsi qu'à celles dont les nouveaux pourvus par les précédentes élections n'auront pas pris possession dans la
Quinzaine qui suivra la promulgation du présent
écret dans les chefs-lieux de districts où les nominations auront été faites.
« Art. 2. Les dispositions de l'article 1er et des subséquents sont déclarées communes à
« Art. 3. A l'avenir, les curés, nouveaux pourvus, seront tenus de se faire installer dans le mois de la date de la notification qui leur aura été faite de leur nomination par le procureur syndic du district dans lequel il auront été élus ; et, faute de ce faire dans ledit délai, les cures auxquelles ils auront été nommés seront réputées vacantes, et il y sera pourvu de nouveau comme en cas de vacance par mort, démission, ou autrement.
« Art. 4. Les exceptions portées par les articles 1, 2, 3 et 4 de la loi au 9 janvier 1791, et l'article 1er de celle du 4 avril suivant, par rapport aux qualités requises pour être éligibles aux évêchés, cures et vicariats, soit des églises cathédrales ou autres, qui pouvaient vaquer dans le cours de ladite année 1791, sont et demeurent prorogées par le présent décret, jusqu'au 1er janvier 1795.
« Art. 5. Jusqu'à la même époque du 1er janvier 1793 les prêtres étrangers seront éligibles aux places des curés et de vicaires, à la nomination ou au-remplacement desquelles il y aura lieu de procéder ; sauf à se conformer ensuite à ce qui est prescrit par l'article 4 du même titre II de la Constitution et par les lois antérieures. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du projet de décret et en ajourne la discussion à mardi soir-) v
, au nom du comité de liquidation, soumet à la discussion un projet de décret sur Vaugmentation des commis au bureau général de liquidation (t) ; ce projet de décret est
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant : 1* combien il est important d'accelérer le travail général et définitif de toutes les pensions à la charge de l'Etat, et de faire ainsi cesser, dans le plus court délai, le payement des secours provisoires attribués par les décrets du Corps constituant à un grand nombre d'individus ci-devant pensionnés sur le Trésor public, ét qui n'ont aucuns droits, ni par leurs services, aux récompenses, nationales, ni par leurs besoins aux secours de l'Etat ; 2° que le travail de la liquidation des maîtrises et jurandes intéresse une classe nombreuse de citoyens, dont les besoins pressants sollicitent la plus prompte expédition ; après avoir entendu son comité de liquidation, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Il sera remis par la Trésorerie nationale, entre les mains et sous la responsabilité du
sieur Dufresne-Saint-Léon, commissaire du roi, directeur général de la liquidation, la somme
de 36,000 livres, à raison de 3,000 livres par mois, à partir du 1er janvier 1792, laquelle
somme lui sera allouée par forme d'augmentation, et sera appliquée, savoir: 30,000 livres au
bureau des pensions, et 6,000 livres au bureau de la liquidation des maîtrises et jurandes. »
3ue vous renvoyiez, à ce soir, au commencement e la séance, la décision de cet objet important.
Un membre : L'intérêt public exige qué le projet de décret soit adopté sur-le-champ. (Marques d'assentiment.)
Je mets aux voix le projet de décret du comité de liquidation.
Monsieur le Président, vous ne devez pas mettre aux voix une proposition contraire au règlement. Le règlement porte qu'on ne pourra discuter avant les 24 heures. J'en demande l'exécution.
(L'Assemblée, consultée, ordonne la discussion immédiate du projet de décret et adopte le décret d'urgence.)
Il est absolument nécessaire de parvenir promptement à connaître avec exactitude l'état et la nature des pensions dont le Trésor de la nation est chargé. L'examen qui en sera fait donnera lieu à la suppression d'un grand nombre de secours provisoires décrétés par l'Assemblée constituante à des gens qui n'y ont aucun droit, et l'Etat aura un bénéfice de plusieurs millions au moyen d'une légère augmentation de frais de bureau. Je demande que le projet de décret soit à l'instant mis aux voix.
Un membre : Je demande la question préalable sur le projet du comité. Il est possible d'éviter une dépense extraordinaire de 36,000 livres en exigeant de M. Dufresne -Saint-Léon qu'il fasse aller plus vite le travail de ses bureaux. Je demande que le commissaire-liquidateur soit tenu de rendre compte de l'organisation de ses bureaux et que le comité de liquidation soit autorisé et chargé de veiller sur le travail des commis afin de s'assurer que leur temps est rempli utilement poiir la chose publique.
Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!
Je demande, comme le préopinant, que M. Dufresne-Saint-Léon rende un compte sévère et exact à l'Assemblée nationale de l'organisation totale de ses bureaux, du nombre des commis dont chaque partie de la liquidation est composée et du temps qu'ils sont obligés de passer dans leurs bureaux. Je demande également qu'il rende compte du traitement de chacun. J'appuie donc la motion faite par le préopinant ; mais je regarde comme contraire au bien public, comme la plus grande faute en finance de proposer la question préalable sur un projet qui apporte une économie considérable dans les dépenses publiques. Vous ne voudrez pas retarder d'une minute le vote de cette' dépense de 36,000 livres demandée par le commissaire-liquidateur parce qu'elle économisera à l'Etat 5 à 6 millions.
Je suis de l'avis de M. Dorizy en ce qui concerne les commis ; mais je pense différemment sur le projet de décret contre lequel je propose la question préalable.
Un membre : Il y a une mesure qui doit être adoptée par toute l'Assemblée, c'est la dépense de 30,00u livres pour augmenter les bureaux des pensions. Mais je crois que, relativement à la liquidation des jurandes et maîtrises, on n'a . pas assez de lumière pour statuer en ce moment, et qu'il faut ajourner. Aussi, jè demande la division du projet. Plusieurs membres : Appuyé!
Sartie du décret en ce qui concerne le biireau es pensions.)
Plusieurs membres : La question préalable sur le reste! {Non! non!)
Un membre : Je m'oppose à la question préalable. On n'a pas réfléchi qu'il était nécessaire de rembourser les maîtrises et jurandes La plupart des maîtres ne payent point de patentes parce qu'ils ne sont point remboursés.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! la seconde partie !
(L'Assemblée adopte la seconde partie du projet de décret relative aux jurandes et maîtrises.)
Plusieurs membres : Aux voix la motion additionnelle de M. Dorizy ! (L'Assemblée adopte la motion de M. Dorizy.) Èn conséquence, le décret suivant est rendu : L'Assemblée nationale, considérant : 1° combien il est important d'accélérer le travail général et définitif de toutes les pensions à la charge de l'Etat, et de faire ainsi cesser, dans le plus court délai, le payement des secours provisoires attribués par les décrets du Corps constituant à un grand nombre d'individus ci-devant pensionnés sur le Trésor public, et qui n'ont aucuns droits, ni par leurs services, aux récompenses nationales, ni par leurs besoins aux secours de l'Etat; 2° que le travail de la liquidation des maîtrises et jurandes intéresse une classe nombreuse de citoyens, dont les besoins pressants sollicitent la plus prompte expédition; après avoir entendu son comité de liquidation, décrète qu'il y a urgence.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité ae liquidation et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Ilsera remis, par la Trésorerie nationale, entre les mains et sous la responsabilité de M. Durresne-Saint-Léon, commissaire du roi, directeur général de la liquidation, la somme de 36,000 livres, à raison de 3,000 livres par mois, à partir du 1er janvier 1792; laquelle somme lui sera allouée par forme d'augmentation, et sera appliquée, savoir : 30,000 livres au bureau des pensions, et 6,000 livres au bureau de la liquidation des maîtrises et jurandes.
Art. 2.
« Le commissaire du roi, directeur général de la liquidation, rendra compte à l'Assemblée nationale, dans quinzaine, de l'organisation de ses bureaux. Il fournira un état nominatif des commis qui les composent dans chacune des parties de la liquidation ; cet état contiendra le traitement de ses commis et l'indication des heures de l'ouverture et de la clôture de ses bureaux. » Plusieurs pétitionnaires demandent à être entendus à la barre.
(L'Assemblée décide qu'ils seront admis à la séance du soir.)
Un membre, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, demande que l'Assemblée autorise ce comité à prendre deux nouveaux commis ci-devant employés au comité des domaines. (L'Assemblée accorde cette demande.) Un membre, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un cours exposé des différents tra-
vaux confiés à ce comité et présente à l'Assemblée l'état des dépenses fixes de ses bureaux et l'état. nominatif des commis qu'exigent ses travaux.
En conséquence, l'Assemblée décrète ce qui suit :
« L'Assemblée nationale, prenant en considération les besoins et la nécessité du service des bureaux attachés à son comité de l'ordinaire des finances, décrète qu'elle autorise ce comité à employer dans ses bureaux le nombre de 6 commis, savoir :
« Deux chefs, l'un pour la recette, l'autre pour la dépense, avec appointements de chacun 150 livres par mois.
« Deux commis de section* aux appointements de 120 livres par mois.
« Et deux commis à la transcription des pièces, aux appointements de 75 livres par mois. « Total par an, 8,280 livres. » M. le Président donne lecture d'une lettre du directoire du département de Paris, qui demande d'être admis à présenter demain ses hommages à l'Assemblée, a l'occasion de la nouvelle année; elle est ainsi conçue :
« Paris, le 30 décembre 1791.
« Monsieur le Président,
« Le directoire du département de Paris, désirerait être admis à présenter ses hommages à l'Assemblée nationale à l'occasion du renouvellement de l'année ; il vous prie de vouloir bien lui en obtenir l'agrément. » (Exclamations ironiques.) Plusieurs membres. L'ordre du jour ! (Bruit.) M. Pastoret. Messieurs, la demande du directoire est fondée sur un usage très vicieux établi jusqu'à présent et qu'il est digne de vous de détruire. Au commencement de la nouvelle année, les différents corps constitués du département de Paris venaient rendre leurs hommages à l'Assemblée nationale constituante. Or, le seul hommage
3ue nous ayons à recevoir, le seul compliment igne de nous, c'est la satisfaction et le bonheur du peuple. (Applaudissements.) Je demande quel'As-semblee nationale abroge cet usage et décrète qu'elle ne recevra plus les députations qui ont pour but de lui présenter des hommages pour le renouvellement de l'année.
Un membre : J'appuie la motion de M. Pastoret et je demande qu elle s'étende aussi aux félicitations par écrit.
Je mets aux voix la motion de M. Pastoret ainsi que l'amendement.
(L'Assemblée décrète, à l'unanimité, qu'elle abroge cet usage et qu'elle ne recevra désormais ni députation, ni compliment par écrit.) (Applaudissements.)
Je demande que cette exception s'étende à l'Assemblée nationale et qu'elle s'interdise la faculté de faire des compliments ou visites à personne. Quelques membres : L'ordre du jour! D'autres membres : Il faut faire une exception pour le roi.
J'appuie la motion de M. Goupil-leau et je m'élève contre l'exception qu'on propose. L'Assemblée doit donner l'exemple et n'adresser aucun message comme ne recevoir aucun hommage.
La municipalité de Paris vous adresse en ce moment une lettre pour vous
demander la même chose que le directoire. Le décret que vous venez de rendre est la réponse. Je mets aux voix la motion de M. Fauchet.
et plusieurs autres membres demandent l'ordre du jour sur la motion de M. Fauchet. (L'Assemblée, consultée, décide qu'elle ne passe
Sas à l'ordre du jour et adopte la motion de i; Fauchet.) (Applaudissements.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Vous avez déjà rendu plusieurs décrets sur les petits assignats au-dessous de 50 livres, par exemple ceux ae 10 et de 25 livres. Votre comité des assignats et monnaies, à chaque réunion de ses membres, s'est occupé de tous les détails qu'exige la fabrication. 11 s est élevé quelques doutes sur l'exécution de votre décret du o décembre présent mois (1). Il est question de savoir si ce décret donne un pouvoir suffisant au ministre des contributions publiques, pour passer et faire toutes conventions avec les manufacturiers de papiers, imprimeurs et autres agents que l'on emploie pour la fabrication des assignats, ou si votre comité doit vous en référer de nouveau et obtenir un second décret. Plusieurs membres ont pensé que le décret autorisait suffisamment le ministre. Si l'Assemblée nationale le pense de même, je prie M. le président de poser ainsi la question :
«« L'Assemblée croit-elle que le décret du 8 décembre est suffisant pour autoriser le ministre des contributions publiques à passer et à faire toute convention avec les manufacturiers de papier pour la fabrication des assignats de 10 et ae 25 livres ? » (L'Assemblée décrète l'affirmative.)
Je demande que le ministre soit tenu de rendre compte à l'Assemblée des marchés qu'il aura passés. (L'Assemblée adopte la motion de M. Caminet.) En conséquence, le décret suivant est rendu : « L'Assemblée décrète que, par l'article 1er de son décret du 8 décembre présent mois, le ministre des contributions publiques et les commissaires du roi à la fabrication des assignats, sont suffisamment autorisés à faire, dans les formes
Îirescrites par ce décret, toutes conventions re-atives à la fabrication des assignats de 10 et de 25 livres.
« Elle décrète, en outre, que le ministre des contributions publiques rendra compte à l'Assemblée nationale desdites conventions, aussitôt qu'elles auront été arrêtées. »
, au nom des comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis, soumet à la discussion le projet de décret,sur les dépenses de 1792 (2) ; il s'exprime ainsi : Messieurs, le travail de vos comités de finances
§our les dépenses de 1792, devait être le résultat es états de dépenses fournis par les
ordonnateurs généraux ; les états du département de l'intérieur vous ont été remis, le 27 de
ce mois, et, ce jour là même, le rapport que j'ai eu l'honneur de vous faire hier, était à 1
ordre du jour. En vous présentant un aperçu des dépenses de 1792, vos comités n'ont rien
entendu présager sur la fixation actuelle de ces dépenses; ils ont senti comme nous,
Messieurs, qu'elle exigeait l'examen >
Les ordonnateurs généraux ont pensé que l'Assemblée constituante, qui ne leur avait demandé aucun état de dépenses pour 1792, croyait elle-même que les décrets rendus réglaient cette dépense sur le même pied qu'elle l'avait été en
1791, puisque les moyens étaient les mêmes. Ils ont oublié que l'Assemblée constituante ne pouvait rien changer à la Constitution, et qu'un des articles de cette Constitution est que le ministre rendra compte, au commencement d'une nouvelle session du Corps législatif, des dépenses de l'année précédente, et présentera l'état des dépenses de l'année suivante. Vous avez rappelé cette forme constitutionnelle par votre decret du 13 novembre, et les ministres n'ont eu que le temps nécessaire pour s'y conformer. Ces observations sont importantes, car vous devez compte à la nation de tout ce qui a rapport aux dépenses publiques; il faut qu'elle sacne que, si vous décrétez aujourd'hui le payement provisoire des dépenses de 1792 sur les états de 1791, c'est parce que l'Assemblée constituante a décrété la somme des moyens sans décréter les dépenses, c'est parce qu'enfin le service public ne peut pas être interrompu. Tel est l'objet du projet de décret que j'ai eu l'honneur de vous présenter hier ; il ne préjuge rien sur la fixation des dépenses de 1792, il autorise la Trésorerie nationale à continuer son service; il prescrit à vos comités de vous rendre un compte exact de toutes les parties de la dépense publique, et j'oserais répondre de l'activité et du zèle avec lequel ils s'en occupent. Je demande que le projet de décret soit discuté et mis aux voix.
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités des finances et les tableaux aperçus des dépenses et des moyens de 1792, considérant que l'époque de l'année où a commencé la session ne lui permet pas d'attendre l'examen détaillé de chaque partie des dépenses publiques pour en décréter le payement, et que le service de la Trésorerie nationale ne doit éprouver aucune interruption, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, voulant assurer l'exactitude du service public, après avoir décrété l'urgence, décrète :
« 1° Que la Trésorerie nationale payera provisoirement sur les mandats des ordonnateurs généraux et sous leur responsabilité, dans les formes prescrites par les précédents décrets, les sommes qu'ils ordonneront pour le service de 1792. conformément aux états de dépenses décrétées pour 1791, ou qui seront successivement décrétées pour 1792;
« 2° Que les comités de finances s'occuperont, sans interruption, de l'état exact des dépenses et des moyens de 1792, pour le soumettre le plus tôt possible à l'examen de l'Assemblée national^, et pour que le décret qui interviendra puisse assurer la plus grande régularité et la plus grande clarté dans toutes les parties du service public. »
ouvre la discussion sur ce projet de décret; à peine avait-il commencé son opinion qu'il est interrompu par M. le Président.
Messieurs, les ministres me préviennent qu'ils sont chargés de présenter à VAssemblée un message du rai; ils demandent à entrer.
(L'Assemblée décrète que les ministres seront admis sur-le-champ.)
, ministre de la justice, entre en simmare, suivi de tous les ministres ; il obtient la parole et dit :
Monsieur le Président, le roi a chargé le ministre des affaires étrangères ae faire part a l'Assemblée de l'office qu'il vient de recevoir de l'Empereur. Lorsque M. le ministre des affaires étrangères en aura rendu compte, j'aurai l'honneur de remettre à M. le Président une lettre du roi relative à cet office.
, ministre des affaires étrangères. Monsieur le Président, M. le prince de Kaunitz a remis à M. l'ambassadeur de France auprès de la cour de Vienne, le 21 de ce mois, un office que cet. ambassadeur a fait passer au roi par un courrier extraordinaire. Je vais en donner lecture à l'Assemblée, conformément à l'intention du roi. Cet office est en réponse de la communication qui avait été donnée à la cour impériale des premières démarches que le roi a faites auprès de l'électeur de Trêves pour obtenir de lui la dispersion des Français qui étaient en état de rassemblement dans ses Etats ; le voici : • « Le chancelier de cour et d'Etat, prince de Kau-nitz-Rietberg, ayant rendu compte à l'Empereur de la communication officielle faite par M. l'ambassadeur de France, d'une dépêche ostensible de M. Delessart, en date du 14 novembre dernier, il a été autorisé de s'expliquer en retour vis-à-vis de M. l'ambassadeur, sur fe contenu de cette dépêche, pour autant qu'il est de son ressort, avec cetté franchise entière que Sa Majesté impériale croit devoir observer sur les objets qui sont relatifs à la crise importante qu'éprouve le royaume de France. Le chancelier de cour et d'Etat a donc l'honneur de lui communiquer de son côté :
« Que Monseigneur l'électeur de Trêves vient également de faire part à l'Empereur de la note que le ministre de France à Coblentz avait été chargé de présenter, ainsi que de la réponse que S. A. S. E. a fait donner à cette note; que ce prince a fait connaître en même temps à Sa Majesté impériale, qu'il avait adopté à l'égard des
rassemblements armés des émigrés et réfugiés français, et à l'égard des fournitures d'armes et des munitions de guerre, les mêmes principes et règlements qui ont été mis en vigueur dans les Pays-Bas Autrichiens ; mais que se répandant de vives inquiétudes parmi ses sujets et dans les environs, que la tranquillité des frontières et Etats pourrait être troublée par des incursions et violences, nonobstant cette sage mesure, Monseigneur l'électeur a réclamé l'assistance de l'Empereur pour le cas que l'événement réalisât ses inquiétudes.
« Que l'Empereur est parfaitement tranquille sur les intentions justes et modérées du roi très chrétien, et non moins convaincu du très grand intérêt qu'a le gouvernement français à ne point provoquer tous les princes souverains étrangers, par des voies de fait contre l'un d'entre eux, mais que l'expérience journalière ne rassurant point assez sur la stabilité et la prépondérance des principes modérés en France, et sur la subordination des pouvoirs et surtout des provinces et municipalités, pour ne point devoir appréhender que les voies de fait ci-dessus ne soient exercées, malgré les intentions du roi et malgré les dangers des conséquences, Sa Majesté impériale se voit nécessitée, tantpar une suite de sonamitiépour l'électeur de Trêves, que par les considérations qu'elle doit à l'intérêt général de l'Allemagne comme co-Etat, àses propres intérêts comme voisin, etd'enjoindre au maréchal de Bender, commandant général de ses troupes aux Pays-Bas, de porter aux Etats de S. A. S. E. les secours les plus prompts et les plus efficaces, au cas qu'ils fussent violés par des incursions hostiles ou imminemment menacées d'icelles.
« L'empereur est trop sincèrement attaché à Sa Majesté très chrétienne et prend trop de part au bien-être de la France et au repos général, pour ne pas vivement désirer d'éloigner cette extrémité et les suites infaillibles qu'elle entraînerait, tant de la part du chef et des Etats de l'Empire germanique que de la part des autres souverains réunis en concert pour le maintien de la tranquillité publique, et pour la sûreté et l'honneur aes couronnes, et c'est par un effet de ce désir, que le chancelier de cour et d'Etat est chargé de s'en ouvrir, sans rien dissimuler vis-à-vis de M. l'ambassadeur de France, auquel il a d'ailleurs l'honneur de réitérer les assurances de sa considération la plus distinguée. »
« A Vienne, le
Signé : KAUNITZ-RlETBERG. »
, ministre de la justice, remet sur le bureau la lettre que le roi a écrite à l'Assemblée relativement à cet office de Vempereur.
Messieurs, voici la lettre du roi, on va vous en faire lecture.
Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue :
« Paris, le
« J'ai chargé le ministre des affaires étrangères, Messieurs, de vous communiquer l'office
Sue l'empereur a fait remettre à l'ambassadeur e France à Vienne. Cet office, je dois le dire, m'a causé le plus grand étonnement; j'avais droit de compter sur les sentiménts de l'empereur, et sur son désir de conserver avec la France la bonne intelligence et tous les rapports
qui doivent régner entre deux alliés. Je ne peux pas croire encore que ses dispositions soient changées ; j'aime à me persuader qu'il a été trompé sur la vérité des faits ; qu'il a cru que l'électeur de Trêves avait satisfait aux devoirs de la justice et du bon voisinage, et que néanmoins ce prince avait à craindre que ses Etats ne fussent exposés à des violences ou à des incursions particulières.
« Dans la réponse que je fais à l'empereur, je lui répète que je n'ai rien demandé que de juste à l'électeur de Trêves, rien dont l'empereur n'eût lui-même donné l'exemple. Je lui rappelle le soin que la nation française a pris de prévenir sur-le-champ les rassemblements de Brabançons, qui paraissaient vouloir se former dans le voisinage des Pays-Bas autrichiens. Enfin, je lui renouvelle le vœu de la France pour la conservation de la paix ; mais en même temps je lui déclare que si, à l'époque que j'ai fixée, l'électeur de Trèyes n'a pas effectivement et réelle-
d'employer la force des armes pour .l'y contraindre. (.Applaudissements.)
« Si cette déclaration lie produit pas l'effet que je dois espérer, si la destinée de la France est d'avoir à combattre ses enfants et ses alliés, je ferai connaître à l'Europe la justice de notre cause; le peuple français la soutiendra par son courage, et la nation verra que je n'ai point d'autres intérêts que les siens, et que je regarderai toujours le maintien de sa dignité et de sa sûreté, comme le plus essentiel de mes devoirs. (Vifs applaudissements.)
Et plus bas :
« Signé : Louis. »
« Delessart. »
Ce que vous venez d'entendre m'inspire un regret; c'est de n'avoir pas, lorsque nous avons demandé au roi de si-
fnifier à l'électeur de Trêves de faire sortir ou u moins de disperser les attroupements qui se formaient dans ses Etats, -de n'avoir pas, dis-je, fait une autre demande conforme à la justice, à la sûreté et à la gloire de la nation. Dans les circonstances où nous nous trouvons, cette demande, Messieurs, devait être d'exiger que les princes français sortissent des Etats qui leur ont donné asile.
Il est impossible de se dissimuler que l'on peut dissiper ces rassemblements et tenir néanmoins ceux qui les forment, prêts à se réunir aux ennemis de la nation et a l'attaquer. Dans la situation où nous nous trouvons, il faut suivre la ligne la plus droite qui puisse exister entre nos ennemis et nous, il faut que nos déclarations soient telles qu'incessamment nous puissions ou désarmer complètement et être sûrs de la paix ou attaquer nos ennemis. [Applaudissements.\ Dans l'état actuel des choses, je ne vois pas, Mes-' sieurs, qu'elles soient telles que nous devons le désirer; car il est possible qu'il existe une ligue entre tous les princes de l'Europe ; il est possible qu'on emploie des moyens pour nous empêcher de prévenir nos ennemis, afin d'être sûrs ae nous prévenir nous-mêmes. Voilà ce que nous devons éviter; c'est à cela seul que doivent tendre tous nos soins; car, si nous entrons en campagne dès la fin de janvier ou le commen-
ment de février, nous aurons un avantage que nous ne laisserons pas échapper de nos mains.
Je conclus donc à ce que la proposition de la nouvelle déclaration que je fais soit renvoyée au comité diplomatique, pour nous en rendre compte demain matin au plus tard, afin que toute la nation se mette en état de pouvoir, avant la fin du mois, connaître d'une manière positive ses amis et ses ennemis. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
Enfin, Messieurs, Léopold a parlé, il a parlé comme chef suprême de l'Empire germanique, il a parlé d'une manière conforme au vœu d'une partie considérable de l'association princière, il s'est élevé sur un trône que les Allemands. flattés par des titres fastueux, se plaisent à appeler le premier trône de la chrétienté, il a parlé en homme d'Etat, il ne voit pas sans crainte s'approcher de plus en plus l'époque funeste aux despotes où les nations voudront renouveler leur pacte social, à l'imitation d'un peuple qu'elles sont dans la douce habitude de prendre pour modèle, et qui a eu de tout temps l'influence la plus décidée sur leur esprit, sur leurs goûts et sur ieurs besoins. Examinons, Messieurs, la balance à la main, et dans le calme le plus profond, ne prenant pour guide que la vérité et la raison, ce que Léopold vous demande; réduisons à leur valeur les menaces qu'il nous fait.
Je vous observe, Monsieur, que vous entamez la discussion, et que la proposition a été renvoyée au comité»
Puisque la discussion doit s'ouvrir demain sur cet objet, il est inutile de commencer aujourd'hui une discussion partielle.
M. Rulh ne veut parler que sur la déclaration de l'Empereur.
Je demande que, puisqu'on a entendu M. Vaublanc, on entende aussi M. Rulh.
Plusieurs membres :Non! non!
(L'Assemblée décide que M. Rulh ne sera pas entendu.)
L'Assemblée ajourné à demain la discussion importante de la question de savoir si les princes émigrés seront mis en état d'accusation. Je demande que la motion de M. Vaublanc soit renvoyée au comité diplomatique, pour en faire son rapport lundi ou mardi, ann ae laisser à l'Assemblee le temps de décider demain le premier objet.
Nous avons pour demain deux objets à l'ordre du jour. Le premier, sur le décret d'accusation contre les princes émigrés ; le second, sur les mesures à prendre dans les circonstances où nous nous trouvons. M. Brissot et plusieurs membres ont présenté leurs vues à cet égard. Il ne faut pas renvoyer la motion de M. Vaublanc au comité, parce que ce serait le surcharger inutilement, et traîner la délibération en longueur ; mais lorsque la discussion sera ouverte, M. Vaublanc présentera ses vues. Je demande que l'on renvoie la discussion à demain et que 1 on passe à l'ordre du jour. (Appuyél appuyé !)
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, ministre des affaires étrangères. Monsieur le Président, Messieurs, M. Hermann, chargé des affaires de l'évêque de Spire et aussi de l'électeur Palatin auprès de la cour de France, m'a remis deux extraits de lettres qu'il a reçues de chacun de ces princes, relatives aux circons-
tances actuelles. Je les ai mises sous les yeux du roi. Sa Majesté m'a chargé d'en donner connaissance à l'Assemblée.
« Post-scriptumde la lettre de M. l'évêque de Spire à M. Hermann, son ministre auprès du roi de France, en date du 8 décembre 1791.
« En signant ma lettre, je reçois votre rapport du 2 du courant, avec la feuille jointe contenant le message de l'Assemblée nationale au roi, dans laquelle on veut bien me ranger à côté des électeurs de Mayence et de Trêves, et me faire participer aux préparatifs de contre-révolution qui doivent se faire en Allemagne. J'ai lieu de croire que le roi et le ministre des affaires étrangères sont mieux instruits des véritables circonstances. J'attendrai donc tranquillement ce que Sa Majesté jugera à propos ae faire parvenir au cercle du Haut-Rhin, ou à moi directement, pour y répondre dans le sens de la Constitution de FEm-pire. En attendant, vous pouvez, Monsieur, assurer confidentiellement la cour de France qu'aucun émigré n'a habité depuis longtemps mon pays, qu'aucun n'y a été reçu que comme passager, que tout ce qu'on débite des prétendus rassemblements qui se font d'outre-Rhin, et particulièrement dans mes Etats, est une imposture pour induire l'Assembléé nationale et le peuple en erreur. » (Rires ironiques.)
« Extrait d'une lettre du comte de Vieregg, ministre des affaires étrangères de la cour Palatine à M. Hermann, chargé des a ffaires en cour de France, en date du 11 décembre 1791.
« Aussi longtemps que les émigrés français qui habitent actuellement les Etats de notre Sé-rénissime maître, se comporteront paisiblement et ne feront rien contre le droit des gens et le bon voisinage que nous voulons garder avec la France, on les laissera tranquilles; et comme jusqu'à présent on n'a pas lieu de se plaindre de leur conduite, il ne leur a pas été non plus enjoint de sortir dans les 24 heures, ainsi que l'ont débité des feuilles périodiques qui circulent chez vous. Cette notice est donc fausse. Je vous assure que celle comme quoi Son Altesse Sé-rénissime électorale se préparait à leur donner des secours, est exactement de même aloi; de sorte que vous pouvez contredire l'une comme l'autre, si vous le jugez nécessaire. »
J'ajoute, Monsieur le Président, qu'il a été donné à l'Assemblée nationale une connaissance indirecte d'une lettre écrite au roi par la ville de Worms. Le roi a effectivement reçu par la poste une lettre qui lui a paru être de la ville de Worms, mais cette lettre n étant revêtue d'aucune, signature, le roi a douté de son authenticité ; c'est ce qui m'a empêché de la communiquer à l'Assemblée nationale. Néanmoins, par différents rapprochements, par la connaissance des usages, il paraît que la lettre qu'a reçue le roi est authentique, et j'ai l'honneur de le dire à l'Assemblée.
, ministre des affaires étrangèrest chargé par intérim du département de la guerre. Je demande encore un moment d'attention de l'Assemblée pour une affaire qui intéresse le département de la guerre et qui paraît très urgente. L'Assemblée nationale constituante avait défendu Y exportation ^es fourrages, principalement dans les Pays-Bas, par une loi du la novembre 1790. Cette loi a été abrogée par une loi du 15 mars 1791, de manière que l'exportation des fourrages est libre actuellement ; mais l'effet de cette liberté est qu'il s'exporte une grande quantité de fourrages à l'étranger et surtout
dans les Pays-Bas autrichiens. Cela est digne d'une grande considération ; il est extrêmement urgent de s'opposer à cette exportation, et je crois devoir proposer à l'Assemblée nationale ae rendre le plus tôt possible un décret qui défende de nouveau l'exportation des fourrages à l'étranger. Toutes les circonstances se réunissent pour appuyer cette demande et je prie l'Assemblée nationale de la prendre en considération. (Applaudissements.)
Je convertis la proposition du ministre en motion. Je demande que Ton décrète à l'instant l'interdiction de l'exportation des fourrages de France dans les pays étrangers. C'est d ailleurs l'avis du comité du commerce, qui sûrement vous l'aurait proposé incessamment.
Il y a quinze jours que les comités d'agriculture et de commerce demandent la parole pour obtenir qu'il soit statué sur le projet de décret qu'ils vous ont présenté, et cet article est compris dans le projet de décret. Je demande que le rapport des comités d'agriculture et de commerce soit mis à l'ordre de ce soir et que la motion de M. Lemontey soit ajournée à ce moment-là.
Ce soir, vous avez déjà destiné votre séance à des affaires très importantes et vous avez décidé de recevoir les pétitionnaires que vous ne pouvez pas recevoir demain. Je crois le rapport des comités d'agriculture et de commerce très utile et très urgent, mais rien ne l'est davantage que de fermer les portes par où nos ressources s'écoulent. Ainsi, je demande que sur-le-champ,nonpas sur laproposition du ministre, mais sur la motion qui a été faite par un membre (et le comité militaire devait vous la proposer), la sortie de tous les fourrages et de toutes espèces d'approvisionnements de guerre soit interdite. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : A ce soir !
J'avais déjà proposé à l'Assemblée cette mesure qui fut rejetée, parce que, sans doute, les circonstances ne paraissaient pas l'exiger ; mais, aujourd'hui, je crois que l'Assemblée nationale ne doit pas attendre, pour prendre cette mesure, le rapport de ses comités d'agriculture et de commerce, parce que cette mesure sera prise par un décret d'urgence, et qu'il est très possible que le décret cTurgence n'ait pas lieu pour toutes les autres dispositions. Il faut donc en faire une loi particulière. Je demande que la discussion s'ouvre à l'instant.
J'ai l'honneur de vous observer qu'il serait très facile de se convaincre de l'au-tnenticité de la lettre que le magistrat de Worms a écrite.
Plusieurs membres : Ce n'est pas là la question!
D'autres membres : Le décret d'urgence !
(L'Assemblée décrète qu'il y a urgence.) „
Avant que la proposition de M. Lemontey soit adoptée, je demande qu'il la rédige et la lise, parce qu on y fera des amendements.
Je demande que les comités d'agriculture, de commerce et militaire s'assemblent à l'instant, et apportent, séance tenante, un projet de décret.
Un membre : Messieurs, un négociant très connu qui arrive de BruxeUes, et qui se trouve
aux tribunes, vient de me dire qu'il a trouvé des convois de chevaux considérables qui sortaient du royaume. Je pense que la prohibition des chevaux doit être comprise dans le décret.
Je demande qu'on prenne les mesures les plus sévères et les plus efficaces pour empêcher ^exportation des comestibles de guerre ; mais je crois qu'il y aurait de grands inconvénients à rompre entièrement toute communication et à défendre, par exemple, la sortie des chevaux. (Murmures.) On dit que ce sont des coursiers de guerre qu'il est important de conserver : mais j'observe que nous en avons plus à attendre de l'étranger qu'on ne pourrait nous en enlever, et qu'ils sont de meilleure qualité que les nôtres. C'est donc un objet à discuter. Je demande que la seule mesure sur laquelle il soit délibéré soit celle de l'interdiction des fourrages et autres comestibles de guerre.
(L'Assemblée renvoie les motions de MM. Lemontey et Mathieu-Dumas aux comités réunis d'agriculture, de commmerce et militaire, pour en faire le rapport séance tenante.)
, ministre de la marine. L'Assemblée nationale a ajourné à ce soir la discussion sur le rapport (1) concernant les dénonciations dirigées contre moi par des citoyens pétitionnaires de Brest et de Roche fort; mais l'Assemblée a décidé aussi 3ue les pièces me seraient communiquées, et ès lors elle a jugé sans doute qu'il ne serait statué sur cette affaire qu'après m'avoir entendu. Or, comme je n'ai aucune connaissance de ce dernier rapport, qui n'a aucun trait aux pièces qui m'ont été communiquées, d'après le compte qui m'en a été rendu, je demande que l'Assemblée diffère sa décision sur ce rapport jusqu'après l'impression, afin que je puisse présenter mes pièces justificatives.
Plusieurs membres : C'est juste ! c'est juste !
Je convertis en motion la proposition de M. le ministre, et je dis qu'elle est parfaitement conforme à nos règlements, puisque nous n'avons pas nous-mêmes le projet de décret.
Je demande, si le rapport du comité de marine n'est pas imprimé, qu'on en fasse donner sur-le-champ une expédition col-lationnée au ministre, pour que, sous aucun prétexte, notre discussion ne soit pas retardée* et à cet effet, je demande l'ajournement à mardi.
(L'Assemblée décrète qu'il sera délivré au ministre de la marine une expédition du rapport et des pièces y relatives et que la discussion sera ajournée à mardi.)
(Les ministres se retirent.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de la dame Debure qui fait hommage à l'Assemblée de l'Almanach royal pour 1792.
(L'Assemblée agrée cet hommage.)
2° Lettre du sieur Mangard qui adresse à l'Assemblée quelques exemplaires du brevet qu'il a obtenu pour la fabrication d'un papier exempt du danger de falsification.
(L'Assemblée renvoie au comité des assignats et monnaies et ordonne qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal, de l'hommage de M. Mangard.)
La discussion du projet de décret des comités de
Messieurs, votre comité de l'ordinaire des finances vous propose de décréter que la Trésorerie nationale payera provisoirement, sur les mandats des ordonnateurs généraux, dans les formes prescrites par les précédents décrets, les sommes qu'ils ordonneront pour le service de 1792, conformément aux états ae dépenses décrétés pour 1791. La première uestion que je me fais en lisant ce projet de écret, c'est de savoir jusqu'à quelle époque enfin nous n'adopterons, en finances, que des mesures provisoires, lorsqu'il est si important de se fixer à des mesures définitives.
Le principal objet dont votre comité devait s'occuper, avant de vous proposer ce projet de décret, c'était, ce me semble, de déterminer l'époque à laquelle il pourrait vous présenter l'état général des dépenses publiques, et des moyens d'y pourvoir, afin ae vous mettre à portée d'établir un système permanent et une règle invariable dans la comptabilité.
Ce que je remarque au contraire dans ce projet de décret, c'est une latitude indéfinie qui jette l'Assemblée dans l'incertitude, et lui laisse ignorer le terme où elle pourra fixer ses idées sur la situation des finances. Mais le plus important des travaux dont nous puissions nous occuper, au commencement de notre session, c'est de fixer l'opinion sur l'ensemble de nos opérations, de bien faire connaître l'état où l'Assemblée nationale a trouvé la chose publique; car autant sont méprisables les déclamations de ceux qui, regardant la prospérité générale comme leur calamité particulière, font de vains efforts pour décrier les finances et décourager les bons citoyens, autant il importe de dissiper ces illusions dangereuses. Or, le tableau vrai des dépenses et de la recette publiques est le seul argument que nous puissions leur opposer. Il fallait donc, avant que d'autoriser la Trésorerie à faire le service de 1792 sur les mandats des ordonnateurs généraux, déterminer les dépenses sur l'aperçu des recettes et des ressources qui doivent y pourvoir. J'avoue, Messieurs, que les travaux auxquels nous avons été forcés de nous livrer sans interruption nous ont empêchés de remplir cet objet ; mais il est temps enfin de payer à la nation ie tribut que nous lui devons, et de répondre à sa confiance sur un objet aussi important. S'il se présente de grandes difficultés, il faut les attaquer dans leur ensemble, il faut s'en emparer, il faut les vaincre ; or, ce n'est pas avec des mesures provisoires que vous y parviendrez, vous ne feriez que les augmenter.
Si nous avons des besoins immenses, nous avons aussi des ressources incalculables. Si les impositions se perçoivent, tout nous présente un avenir de bonheur et de prospérité ; mais pour y parvenir, il est important de changer cette confiance en certitude. Il ne s'agit donc que de nous occuper publiquement, et sans aucun délai, des moyens qui pourront établir un accord parfait entre la recette et la dépense ; car c'est là la condition nécessaire de toute espèce de crédit, et le seul moyen d'arriver, sans accident et sans trouble, au rétablissement général de l'ordre et de la sécurité publique.
L'article 1er du projet de décret qui vous est présenté renferme une disposition que je crois très dangereuse. Qu'entend-on par ce mot provisoirement f La Trésorerie nationale payera-t-elle
sur les mandats des ordonnateurs .en 1792, ainsi qu'elle l'a fait en 1791, pendant 3 mois, pendant 6 mois, pendant l'année entière ? Il est possible, je pense, de faire toutes ces suppositions, puisque votre comité ne veut pas fixer un délai, ne veut pas déterminer une.époque, enfin à laquelle il présentera l'état général des dépenses qui sont à mire pour 1792.
Si vous adoptez le provisoire du comité, donnez à cette mesure un délai au delà duquel elle ne pourra plus s'étendre; autrement, vous favoriserez, d'un côté, la paresse ou la négligence des ministres qui s'empresseront bien moins de fournir les états nécessaires pour fixer les dépenses de 1792; de l'autre, il serait à craindre peut-être que les comités se reposassent un peu trop sur la aurée d'un temps qui n'aurait aucun terme déterminé. Nous avons les plus grands moyens
pour faire face aux engagements de la nation, aisons-les connaître avec franchise, avec cette loyauté qui convient à une grande nation. Voici le projet de décret que je vous propose : « L'Assemblée nationale, considérant qu'elle s'est imposé l'obligation de prendre, dans le plus court délai possible, une détermination éclairée et définitive sur toutes les parties des recettes et dépenses publiques ; que l'époque où, a commencé sa session, et les différents travaux auxquels elle a été forcée de se livrer sans interruption, ne lui Ont pas encore permis de remplir cet objet; que cependant le service de la Trésorerie nationale ne doit éprouver aucune interruption; décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale après avoir décrété l'Urgence décrète :
« Art. 1er. La Trésorerie nationale payera, jusqu'à l'époque du
1er avril prochain, sur les mandats dès ordonnateurs généraux, et sous leur responsabilité
dans les formes prescrites par les précédents décrets, les sommes qu'ils ordonneront pour le
service public, conformément aux états ae dépenses décrétées pour 1791.
«Art. 2. Les comités de finances s'occuperont sans délai de l'examen des recettes et des dépenses publiques, indiqueront les abus qui auraient pu s'introduire dans les différentes parties des finances, proposeront les moyens d'économie et les réductions qu'ils jugeront convenables, et présenteront à l'Assemblée nationale, le 1er marsprochain, au plus tard, le tableau général de leurs opérations.
« Art. 3. Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction- »
Messieurs, on vous a proposé, par amendement au projet de décret de vos comités de finances, de fixer au Ier avril l'époque à laquelle vos comités devront vous présenter .l'état des dépenses au vrai pour 1792, et j'appuie de toutes mes forces cet amendement, parce qu'il a pour base l'ordre si nécessaire en finances, et qu'il tend à donner une confiance entière dans les travaux de l'Assemblée.
Mais je demande en même temps, par sous-amendement, que d'ici au 1er avril vos comités des finances s'occupent de revoir l'organisation des bureaux et caisses publics, afin de faire des réformes dans les traitements qui paraîtront trop considérables.
Vous sentirez l'importance de mon sous-amendement, si vous considérez que le rapport de votre comité des finances vous présente un déficit de 244 millions dans vos ressources de 1792, et qu'il est, par conséquent, bien important de
revoir l'état des dépenses, afin de les modérer, s'il est possible.
Vous sentirez surtout l'importance de mon sous-amendement, si vous considérez qu'il peut être possible de faire disparaître ce déficit, en revenant sur la dépense de l'organisation des bureaux et des caisses publics, puisque je trouve dans cet état que les frais de la comptabilité sont portés annuellement à 500,000 livres, et cependant le comité de l'examen des comptes, dont je suis membre, a un rapport prêt pour l'organisation du bureau de comptabilité, où la dépense n'est portée qu'à 300,000 [livres : cette organisation présente donc une économie des deux cinquièmes annuellement, et s'il était possible de réduire dans la même proportion les autres dépenses de bureau, vous couvririez le déficit sans avoir recours a des ressources extraordinaires.
Je vous propose ici d'alléger le fardeau qui pèse sur le peuple, et vous devez admettre ma réclamation. Je vous propose, en second lieu, de diminuer le traitement des agents du pouvoir exécutif, et vous y devez toute votre attention. Il est des commis qui ont *6, 8, 10, 12 et 15,000 livres et plus d appointements, vous pouvez diminuer ces traitements sans aucun inconvénient, et vous ferez un grand bien.
Je demande donc qu'en décrétant que le service se fera provisoirement sur les états de dépense de 1791, vous décrétiez que d'ici au 1er avril l'état des dépenses de 1792 sera formé définitivement, et que d'ici à cette même époque le comité des finances s'occupera des réformes et diminutions de traitements qui peuvent s'opérer dans l'organisation de tous les bureaux et caisses publics.
Messieurs (1), en examinant le rapport qui vous a été présenté par vos comités des finances, en jetant les yeux sur le tableau qui y est joint, on ne peut que se faire une multitude de.questions. Mais.avant d'y répondre, on doit se dire, la nécessité la plus impérieuse commande d'adopter le projet de décret du comité. Nous ne sommes malheureusement pas à cette époque où le Corps législatif pourra examiner avec soin et pendant plusieurs mois l'aperçu des dépenses à faire dans les départements des ministres ; et c'est une chose infiniment fâcheuse. On ne peut donc aujourd'hui que considérer en masse et le chapitre de la recette et celui de la dépense. Cependant, s'il est possible d'examiner en détail l'un ou l'autre ; le premier n'offrant que des données pour la plupart certaines, telles que les rentes perpétuelles et viagères, les frais du culte, les pensions du clergé réformé, la liste civile, etc.,le temps et les circonstances ne permettant pas encore de porter dans ce moment, sur les dépenses des départements des ministres, un œil sévère, vigilant et réformateur, il est aisé de voir que le second, dont les données ne sont en partie que présumées, doit particulièrement attirer votre attention : et celui-là se tromperait étrangement qui dirait que ce serait sortir de la question. Car à quoi sert-il de décréter un état ae dépenses, quelque provisoire qu'il puisse être, si l'on ne. pense pas en même temps aux moyens de payer ces dépenses?
Je ne parlerai pas toutefois des articles qui
Je ne veux parler ici que des valeurs que l'on y remarque et qui deviendront réelles avec du courage, de la fermeté et surtout avec beaucoup ae prudence.
Or, le premier article du second chapitre présente la contribution foncière pour 1792 comme pour 1791, à 240 millions, et la contribution mobilière fixée à 60 millions.
Je m'arrête ici un instant, Messieurs, et je me demande où nous en sommes sur ce point à la fin de 1791, et je me le demande sans crainte devant vous qui ne voulez connaître et faire connaître que la vérité. Car on ne surmonte pas les obstacles en mettant un bandeau sur ses yeux et en se faisant illusion. Il n'est réservé qu'à un gouvernement despotique de chercher à en imposer, de marcher au milieu des ténèbres dans la carrière des finances, de voir et de faire voir tout en beau lorsque tout n'est pas réellement beau. Dans un gouvernement libre, au contraire, et qui offre des ressources de toutes espèces, on ne craint jamais de voir les choses telles qu'elles sont, parce que si elles présentent quelque point de vue défavorable, on s'empresse d'y remedier. C'est alors que tous les bons citoyens se rallient pour aplanir toutes les difficultés, et c'est lorsqu'elles ont été surmontées que la confiance s'établit et est méritée.
Il ne faut donc pas se le dissimuler, l'établissement des contributions foncières et mobilières dont on commence enfin à s'occuper sérieusement, occasionne des inquiétudes et des murmures dans un grand nombre de municipalités, soit par leur vice dans le répartement général que le temps seul peut rendre parfait, soit parce qu'elles présentent en masse aux municipalités et surtout aux contribuables deB campagnes, une somme qui, quoique réellement beaucoup moins forte que toutes celles qu'ils payaient sous l'ancien régime de cent manières différentes et vexatoires, leur paraît, malgré tout, au premier coup d'œil, beaucoup plus considérables, lors- âu'ils n'examinent pas les détails du calcul qu'ils oivent faire. Il est peu de membres de cette Assemblée qui n'aient reçu des plaintes sur ce sujet, soit de leurs départements, soit de leurs districts, soit des municipalités avec lesquelles ils correspondent. D'ailleurs, les demandes nombreuses en dégrèvements, déposées à votre comité des finances, en seraient une preuve plus que suffisante.
Il s'agirait donc premièrement d'éclairer les contribuables et surtout ceux des campagnes. L'Assemblée nationale constituante avait bien présenté un tableau des anciennes contributions et des nouvelles; et il était évident par ce tableau qu'ils payeraient beaucoup moins qu'ils ne payaient sous l'ancien régime ; mais il était trop compliqué pour que le résultat pût en être parfaitement saisi par tous les citoyens. Il y est question de millions, et combien y a-t-il de contribuables qui conçoivent ce que c'est qu'un million? En désirant toutefois que ce tableau soit de nouveau mis sous leurs yeux, j'en désirerais encore un autre placé à la suite d'une instruction simple et à la portée des esprits les plus bornés, tel en un mot qu'il a déjà été fait par plusieurs bons citoyens, qui, ne pouvant avoir sur l'opinion publique la même influence
que le Corps législatif ni les mêmes moyens de le répandre, ne peuvent aussi opérer autant de bien qu'ils le désirent. Ce tableau n'offrirait que les détails des taxes d'un contribuable sous l'ancien régime et de celles qu'il doit payer sous le nouveau. Il est évident que le résultat ne pourrait en être que satisfaisant. Je sais qu'un jour viendra où ce résultat sera apprécié, où ses avantages seront sentis, et où toutes les lois sur les contributions seront, comme la déclaration des droits, familières à tous les citoyens de l'Empire ; mais. Messieurs, c'est du moment présent que nous devons nous occuper, et puisque les ennemis de la loi s'empressent de nuire à la chose publique, d'éhtraver notre marche, d'augmenter nos embarras en apportant des obstacles au recouvrement des contributions et même à leur assiette, et en les présentant sous un aspect effrayant, il est de notre devoir et de l'intérêt public de rendre leurs manœuvres inutiles et d'exposer la vérité à tous lès yeux (1 ).
Il vous restera encore, Messieurs, à faciliter aux municipalités le travail des opérations relatives aux contributions, si vous voulez sérieuse- . ment faire opérer le versement des 300 millions de contributions foncière et mobilière dans le courant de 1792, et je vais vous indiquer les moyens de faciliter ce travaiL
Je pose d'abord des faits sur lesquels l'Assemblée nationale constituante, l'Assemblée nationale législative et le ministre des contributions se sont malheureusement fait illusion depuis trop longtemps.
Premier fait.
Un grand nombre de municipalités de l'Empire n'ont pas encore commencé leurs états de section pour 1 assiette de la contribution foncière, ni les états des domiciliés dans leur territoire pour l'assiette de la contribution mobilière..
Second fait.
Les neiges qui couvrent les montagnes, le débordement des rivières, etc., mettent un obstacle invincible à ce que les états de section, qui doivent être formés sur les terrains mêmes, puissent y être faits pendant cet hiver.
Troisième fait.
Un grand nombre de municipalités ont fait leurs états de section, mais n'ont pas encore
commencé leurs matrices de rôles. L'instruction sur la loi de la contribution foncière dit
bien que la transformation des états de section en matrices, est une opération purement
mécanique; mais les détails en sont si difficiles, si pénibles pour des • officiers
municipaux qui savent à peine écrire et calculer, ou pour des commissaires qui ne connaissent
pas les localités, ou qui n'ont pas fait eux-mêmes ces états, et dont le nombre suffisant ne
serait peut-être pas aussi facile à trouver qu'on pourrait se l'imaginer, qu'il faut un temps
considérable pour l'effectuer. Il ne s'agit, pour sren convaincre, que d'interroger les
membres de cette Assemblée, qui ont fait ces matrices de rôles dans une communauté dont les
états de section ne contiennent que 3 à 4,000 numéros.
Quatrième fait.
Un grand nombre d'officiers municipaux de campagne vivent de leur travail journalier. Il n'est guère permis d'espérer, par cette raison, que ces officiers municipaux, quelque dévoués qu'ils soient à la chose publique, emploient aux opérations sur les contributions d'autres jours que les dimanches et fêtes. On ne peut pas non Elus, par la même raison, exercer la responsa-ilité sur eux, quoique, suivant l'instruction, ils soient garants et responsables Cinquième fait.
L'article 4, titre II de la loi sur la contribution foncière, et l'article 33, titre III de la loi sur la contribution mobilière exigent que dans le délai de 15 jours après la formation et la publication des états, tous les propriétaires et domiciliés fassent des déclarations. Ces déclarations n'ont pas été faites. Les officiers municipaux doivent les suppléer; mais j'avais besoin de faire remarquer la négligence et l'insouciance des propriétaires et des domiciliés, pour étayer un article de ma mesure, et pour répondre d'avance à une objection qu'on pourrait me faire ; car enfin ces propriétaires devraient, à mon avis, subir une peine, pour ne s'être pas soumis à la loi ; ou, pour mieux dire, ils n'ont pas autant de droit à se plaindre, en cas de surtaxe, que s'ils s'y fussent conformés. Je suis même surpris que l'Assemblée nationaleconstituanten'aitpas statué, par exemple, que tous ceux qui ne feraient pas leurs déclarations ne pourraient présenter une demande en décharge ou réduction.
Sixième fait.
Cinq mois après la promulgation de la loi sur la contribution provisoire, lf ou 12,000 municipalités n'avaient pas encore fait leurs rôles Provisoires, et il ne s'agissait cependant que e prendre la moitié des cotes de chaque contribuable sur les rôles de 1790. Combien em-)loieront-elles donc de temps, et pour former eurs états de sections et pour transformer ces états en matrices? Je dois remarquer ici qu'il me semble que l'Assemblée nationale constituante s'est trompée, lorsqu'elle a supposé que •toutes les municipalités pouvaient exécuter sur-le-champ les opérations prescrites par la loi. Pour cela, il aurait fallu que les officiers municipaux actuels eussent été aussi instruits que le seront un jour ceux des municipalités centrales; ou, si l'on veut, ceux des municipalités actuelles, lorsque la bienfaisante institution des écoles primaires aura formé la génération qui doit nous suivre.
L'Assemblée nationale actuelle doit sans doute regretter, dans la situation actuelle des choses, et dans le cours actuel des événements, que l'Assemblée constituante n'ait pas renvoye à l'année 1793 l'exécution pleine et entière de la loi sur la contribution foncière, et n'ait pas adopté, avant de franchir le passage de l'ancien
mode d'imposition au nouveau, en un mot, avant d'atteindre à la perfection, n'ait pas adopté, dis-je, pour 1791 et 1792, un terme moyen, tel que celui que je vais proposer, et qui aurait toujours procuré au Trésor national les 240 millions fixés pour chacune de ces années. En vain répondrait-on que les directoires de district étaient autorisés par la loi à envoyer des commissaires aux municipalités. Remarquez, Messieurs, que vous étiez déterminés à leur en envoyer à eux-mêmes pour effectuer leur répar-tement, et qu'il y a tels et tels petits districts où il aurait été de toute impossibilité de trouver sur-le-champ le nombre suffisant de commissaires assez instruits pour terminer ces opérations aussi promptement qu'il était à désirer.
Septième fait.
Le 26 décembre dernier, le ministre des contributions annonça au comité des finances que 2,000 matrices ae rôles étaient déposées, et que 600 rôles seulement étaient exécutoires (1). Je dois remarquer à ce sujet que le budget de 1792, qui nous occupe en ce moment, n'offre pas autant d'avantages que celui de 1791, puisque, dans cette dernière année, il y a des rôles provisoires qui pourront procurer 100 à 112 millions, et que cette ressource manquant pour 1792, toutes les autorités constituées ne doivent pas perdre un instant de vue tous les moyens propres à,faire asseoir définitivement les 300 millions portés au premier article du chapitre de recette. Je dois remarquer encore que les directoires de district ne marchent pas aussi vite dans la rédaction des rôles qu'ils devraient le faire, et qu'il serait temps que la plupart des administrateurs, hommes ae loi ou avoués, ne se partageassent plus entre l'administration et les tribunaux, pour donner plus de suite à toutes les opérations de l'administration.
Douter des faits que je viens d'énoncer, c'est douter de l'évidence, c'est vouloir se mettré forcément un bandeau sur les yeux. Les émigrés n'en doutent pas, et c'est ce qui rehausse leurs espérances; mais ils seront trompés dans leur fol espoir, dans leurs criminelles et coupables espérances. Cependant, Messieurs, ilfauttres prochainement des contributions, et des contributions payées; si vous voulez enfin faire réaliser en 1792 vos 300 millions des premier 'et deuxième articles, vous ne pouvez y parvenir sans rôles. Les bons citoyens, les citoyens qui ne sont pas égarés n'attendent et ne demandent que des rôles pour se libérer, dans cette saison surtout, où les recouvrements se font avec beaucoup plus de facilité que dans toute autre.
Pressés par les circonstances, comment parviendrons-nous donc à avoir des rôles de contributions foncière et mobilière?
Je vais, Messieurs, vous l'indiauer.
Chaque municipalité connaît aujourd'hui, ou connaîtra sous peu, la somme qu'elle doit
payer. Le décret que vous avez rendu en novembre dernier, quoique non sanctionné, a fait ou
fera in-
L'article 5 du titre II de la loi sur la contribution foncière dit que « les officiers-municipaux et les commissaires-adjoints feront, en leur âme et conscience, l'évaluation du revenu net des différentes propriétés foncières de la communauté, section par section ».
C'est, encore une fois, chose assez difficile dans celles où les états de section ne sont pas encore commencés.
Voulez-vous donc accélérer cette évaluation, sans avoir recours à des états de section? autorisez provisoirement ces municipalités à faire, dans leur maison commune, leur évaluation en masse pour chaque domaine, ou pour des propriétés de nature différente, appartenant a un même propriétaire, et renfermées dans leur enclave, de manière qu'en lisant le rôle de 1790, article par article, elles puissent caser sous le même nom la désignation générale de ses différentes propriétés, et, à côte, leur évaluation totale. Il n'y a pas d'officiers municipauxen France qui, sans savoir ni lire ni écrire, et avec le seul secours d'un scribe, ne vous fassent une matrice de rôles avec une extrême promptitude. Nommez à des officiers municipaux quelconques, un propriétaire de leur paroisse, et demandez-leur, au terme de l'instruction : si vous aviez ces propriétés, combien raisonnablement voudriez-vous en avoir de revenu net? ou, si vous vouliez être fermier de ces propriétés, combien en rendriez-vous? Ces officiers municipaux se recueilleront un instant et diront : ce propriétaire a tel domaine, ou bien, il a telle terre labourable, tel pré, telles vignes, etc. ; et ils répondront bientôt : je consentirais volontiers à en rendre la somme de...; ou, si j'étais propriétaire, je voudrais en retirer la somme de... On aurait donc une matrice de cette forme :
Exemple :
N° 1.
nous des propriétaires
et
désignation des propriétaires.
Jacob- Dupont, propriétaire de terre labourable de de prés de vignes, le tout évalué la somme de........................
évaluation du revenu net.
300 livres.
Quoique cette matrice de rôle ne serait pas faite conformément à ce qui est exigé par le texte de la loi, elle suffirait pour faire un rôle qui ne contiendrait aussi que trois colonnes : la première le numéro, la deuxième le nom du propriétaire, la troisième la somme à laquelle il serait imposé. De cette manière, la somme fixée par le directoire du district serait enfin répartie sur chaque contribuable.
Un membre : J'observe que l'orateur n'est pas dans la question.
Plusieurs membres : Continuez, Monsieur ! (Murmures.)
Mais, dira-t-on, elle pourrait être mieux répartie. J'en conviens; mais, répondez-moi, voulez-vous avoir promptement des contributions payées? voulez-vous ne pas ajouter à quelques mécontentements, le dégoût coopérations longues et pénibles? vous n'avez
que ce parti à prendre pour les communautés qui n'ont pas encore d'états de sections. Préférez-vous avoir un rôle fait suivant les formes, dans 6 mois, à un rôle qui ne serait pas fait suivant les formes, mais enfin qui serait fait, et qui vous procurerait sur-le-champ un recouvrement?
Dans les circonstances actuelles, qui sont si impérieuses, croit-on qu'une administration pourrait raisonnablement éconduire une municipalité qui, déposant au secrétariat du district une matrice dans la forme que je viens d'indiquer, dirait aux administrateurs : La loi exigeait de notre part une évaluation, faite en notre âme et conscience, des propriétés, partie par partie, section par section; nous avons fait cette évaluation, en notre âme et conscience ; mais nous l'avons faite et nous n'avons pu la faire qu'en masse pour chaque propriétaire ; il ne nous a pas été possible de mieux faire.
Cette mesure ne dispenserait pas cependant les communautés en retard de faire leurs état? de sections et leurs matrices conformément à la loi, lorsque les obstacles qui s'y opposent n'existeraient plus : on pourrait même avoir un moyen de faire accélerer ces opérations : ce serait de décréter que les propriétaires de domaines, dans des comunautés qui n'auraient pas déposé au secrétariat du district leurs matrices de rôles faites suivant les formes, ne seraient admis à une demande en décharge ou réduction que dans le cas où la loi aurait été exécutée dans toute sa ri-ueur ; et qu'on repousserait pareillement toutes emandes de cette espèce de la part des communautés qui n'auraient pas suivi strictement le mode prescrit par la loi générale sur la contribution foncière : vous verriez bientôt des propriétaires instruits, à proximité de leurs domaines, qui, jusqu'à ce jour, n'ont pas voulu faire de déclaration, ni coopérer aux travaux des municipalités, se presser autour d'elles pour les aider à former et les états de sections et les matrices de rôles.
S'il se trouvait dans le rôle de 1790 le nom d'un contribuable qui n'aurait été imposé que pour ses rentes, ou pour son industrie, il est entendu qu'il ne serait pas compris dans la matrice proposée.
Quant à la matrice de rôles de la contribution mobilière, elle n'exige guère dans les campagnes plus de travail que celle dont je viens de parler. On peut faire l'une et l'autre sans déplacement et à la maison commune (1).
Messieurs, si vous ne vous décidez pas à prendre aujourd'hui le parti que je vouspropose, vous serez peut-être forcés de le prendre dans quelques mois, époque où les visiteurs des rôles auront adressé, au ministre, des états qui constateront la véritable position de toutes les municipalités de l'Empire, et je vous le rappellerai à cette même époque où il faudra bien s'occuper et des recouvrements de 1791 et de ceux de 1792, absolument subordonnés aux premiers.
Vous n'hésiteriez pas un instant, Messieurs, si vous aviez tous été dans le cas de ne pas voir seulement en théorie et ces états de sections et ces matrices de rôles, si vous avez tous été très près des officiers municipaux de campagnes, des départements éloignés de ceux de Paris.
J'avouerai aussi avec franchise qu'il ne me se-
Je désire sincèrement que quelques membres de cette Assemblée puissent vous indiquer une mesure plus expéditive, pour procurer au Trésor national les fonds qui lui sont dus, et qui doivent lui être assurés pour 1792. Celle que je viens de vous développer pourrait être renfermée dans les 4 articles suivants, qui mériteraient peut-être l'attention de votre comité :
I. Les municipalités qui n'auront pas commencé leurs états de sections, ou dont les matrices de rôles ne seront pas commencées, sont provisoirement autorisées à faire en masse l'évaluation du revenu net des propriétés renfermées dans leur enceinte, suivant le modèle annexé au présent décret.
II. La première colonne»contiendra les numéros; la seconde, le nom du propriétaire et la désignation générale de ses propriétés ; la troisième, l'évaluation en masse de toutes ses propriétés.
III. Pour parvenir à la confection de cette matrice, on suivra l'ordre des numéros du rôle de 1790, et on aura attention de ne porter, dans la nouvelle matrice, que les noms des propriétaires. Les rôles qui seront faits sur ces matrices, par les directoires de districts, ne contiendront aussi que trois colonnes : la première, le numéro ; la seconde, le nom du propriétaire; la troisième, la cote.
IV. Les demandes en décharge ou réduction, que les communautés ou les propriétaires auraient à former, ne seront admises qu'autant que les municipalités auront déposé au secrétariat du district une matrice de rôle, conforme au texe de la loi sur la contribution foncière.
Le rapport de votre comité n'ayant été fait qu'hier, il ne m'est pas possible d'entrer aujourd'hui dans d'aussi longs détails sur les autres articles de l'état des moyens de 1792. J'observerai cependant : 1° qu'il faut espérer que le zèle et l'intelligence des visiteurs des rôles, actuellement en tournée, suppléeront à tout ce qu'on pourrait dire sur l'état actuel de la perception clu droit de patentes ; mais que plusieurs articles de la loi, relative à ce droit, ont besoin d'être revus par votre comité. J'observerai :. 2° que le droit d'enregistrement ne produit pas autant qu'on pourrait l'espérer, soit parce que tous les articles de la loi ne sont pas également clairs, soit parce qu'il n'y a pas certaines gradations dans quelques espèces et on pourrait en introduire sans aucun inconvénient. Je citerai un fait à l'appui de ce que j'avance. J'ai présenté à l'enregistrement l'acte d'un partage sous signature privée.. La somme des biens partagés était de 30,01)0 livres. Le commis à l'enregistrement, après avoir lu et relu en ma présence les différents articles de la loi. reconnut qu'il croyait ne devoir percevoir qu'un simple droit de 20 sous, tandis que le droit de timbre se montait à 4 li-vres 16 sous, et que, sous l'ancien régime, le J droit de contrôle serait monté à plus de 100 li- ï vres. Je pense donc, sur ce point, qu'il serait possible de graduer, par exemple, le droit d'enre-
gistrement dans l'espèce citée depuis 10,000 livres jusqu'à 100,000 livres, tellement que l'enregistrement d'un acte de partage de 30,000 livres, coûterait plus que celui d'un acte de partage de 20,000 livres. J'observerai enfin que fes revenus des biens nationaux, et particulièrement ceux des droits incorporels se perçoivent avec une lenteur extrême, et que les directoires de districts pourraient mettre plus de suite, et déployer plus d efforts pour faire rentrer les dettes actives des communautés.
Je conclurai, Messieurs, de toutes les observations ci-dessus :
1° Que l'Assemblée nationale doit adopter le projet du CQmité ;
2° Qu'elle doit se mettre en mesure à l'effet d'avoir, dans le ;courant de mai prochain, l'aperçu des dépenses pour 1793;
3° Qu'elle doit ordonner à son comité des finances de lui faire une instruction simple et un tableau des contributions nouvelles, comparées aux anciennes, afin de rassurer et d'éclairer les municipalités et les citoyens des campagnes qui paraissent effrayés de la masse de contributions qu'on leur présente ;
4° Qu'elle doit prendre enfin un parti pour faire accélérer, de la part des municipalités, l'assiette et le recouvrement des contributions foncière et mobilière de 1791, afin de s'assurer de celles de 1792;
5° Qu'elle doit surveiller, d'une manière toute particulière, et les ministres, et les corps administratifs, sur tout ce qui a rapport aux contributions ; se faire représenter tous les 8 jours, à elle-même, des états qui ne paraissent être destinés que pour le comité ;
6° Enfin, qu'elle doit se faire rendre un compte exact de l'état actuel de la perception du droit de patentes, et qu'elle doit ordonner à son comité des finances de revoir la loi relative à ce droit et à celui de l'enregistrement, qui peut procurer des bonifications. (Applaudissements.)
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de M. Jacob Dupont et le Fenvoi aux comités de finances.
(L'Assemblée décrète l'impression du discours et des propositions de M. Jacob Dupont et les renvoi aux comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, pour en rendre compte incessamment.)
On est étrangement sorti de la question ; il s'agit uniquement de savoir si la Trésorerie nationale continuera de faire ses payements pour 1792 comme elle l'a fait pour 1791. Le comité, en vous faisant cette proposition, a, dans son rapport, présenté un aperçu de dépenses pour 1792; je demanderais que l'on se renier mât dans la question de savoir si la Trésorerie nationale sera autorisée à payer pour 1792, les mêmes sommes qui ont été payées pour 1791. Quant à cette partie, j'appuie volontiers le projet des comités des finances; je ne sais pas ce que l'on peut répondre à un homme qui vous dit : si vous ne décrétez pas que les dépenses de 1792 seront payées par la Trésorerie nationale, commeen 1791, les caisses de la Trésorerie seront fermées lundi.
Mais je m'élèverai ici contre la forme dans laquelle on présente l'aperçu des dépenses de l'année 1792. On a mis ensemble, et sans les distinguer, les dépenses ordinaires et les dépenses extraordinaires, et c'est ainsi qu'on est venu vous présenter un déficit de 244 millions. Or, Messieurs, si on eût séparé les dépenses ordinaires des dé-
penses extraordinaires, on aurait tu que les recettes ordinaires auraient suffi aux dépenses extraordinaires, et que, de même, les ressources extraordinaires auraient amplement fourni aux dépenses extraordinaires. De cette opération, il ne serait résulté aucun déficit ; je demanderais donc qu'à une époque fixe, le comité de l'ordinaire des finances fût tenu de présenter à l'Assemblée l'état des dépenses de 1792 ; mais je voudrais que l'état des dépenses de 1792 fût distingué en dépenses à la charge de la Trésorerie nationale, et en dépenses à payer par la caisse de l'extraordinaire. (Applaudissements.)
Il est sans doute malheureux pour le Corps législatif d'avoir à s'occuper le 31 décembre des dépenses qui doivent être payées au 1er janvier. On ne doit point accuser le Corps législatif de négligence à cet égard. Il a été assemblé à cet effet, le lei octobre. Dès les premiers pas de sa carrière, il a demandé l'execu-tion d'un article de la Constitution qui veut que les ministres présentent l'aperçu des dépenses de leurs départements respectifs, sur lequel vous devez régler toutes les dépenses ; vous décrétâtes le 19 de novembre que cet aperçu vous serait présenté le 15 décembre; cependant les circonstances ont encore retardé la reddition de ces comptes, de la part des ministres, et ils ne nous les ont présentes que le 28 ou le 29. M. Delessart vous les présenta avant-hier, conséquemment il était impossible à vos comités de 1 ordinaire et de l'extraordinaire de régler les dépenses de 1792, puisqu'il faut vérifier article par article, et que ces comités confèrent avec les comités de r Assemblée, pour régler ces diverses dépenses. Cependant il faut que le service public marche, il faut que lundi on paye; vous n'avez point à hésiter ; vous ne devez point statuer sur les dépenses définitives. Puisque vous n'en avez pas encore les moyens, votre comité ne vous le propose pas, et les aperçus ne sont que les résultats des calculs faits parle Corps constituant.
Le préoçinant vient de dire qu'il était nécessaire de distinguer les dépenses ordinaires des dépenses extraordinaires. Mais, Messieurs, cette distinction est faite dans le rapport présenté par votre comité de l'extraordinaire, puisqu'il vous présente deux colonnes : l'une comprenant les dépenses ordinaires et l'autre les dépenses extraordinaires : le déficit qui, selon moi, existe, ne peut monter à 244 millions, si on déduit les dépenses extraordinaires, ce déficit se réduira à rien, comme vient de nous dire le préopinant, puisque nous avons 200 millions ae dépenses extraordinaires. Il vous faudra décider si vous pourvoirez aux dépenses extraordinaires par des impôts, ou par des ressources extraordinaires ; c'est la guerre qui les nécessitera. Vous aurez à décider cet objet, et je crois que dans le budget de 1792 vous aurez soin de déterminer les deux dépenses ordinaires et extraordinaires, mais, dans ces moments, il faut régler purement et simplement le service; il faut que les caisses puissent payer, et elles seraient fermées lundi, s'il n'y avait pas un décret qui autorisât le ministre a donner des ordonnances. Il faut donc l'y autoriser. Pour cela, on vous propose de proroger la fixation qui fût faite par Je décret du 18 février et par différents décrets particuliers qui ontautorisë les dépenses extraordinaires de 1791. Mais actuellement, devons-nous admettre un mode provisoire, sans mettre un terme à ce provisoire ? Le préopinant vous a fait
cette distinction qui me paraît très fondée. Vous ne devez point arrêter provisoirement les fonds de 1791. Mais vous devez donner le temps à votre comité de les régler, et le temps doit être fixé particulièrement dans le décret provisoire que vous allez adopter. En conséquence, je demanderais qu'on ajoutât au décret du comité, l'amendement de M. Baignoux.
Il y a encore une autre opération qui m'a paru importante. Le projet de décret autorise bien la Trésorerie à payer sur les ordonnances qui seront fournies par les ministres comme en 1791; mais son intention a été de continuer l'ordre de comptabilité pour le provisoire; en conséquence, je ferai un amendement au premier article du comité, ainsi conçu :
« Les fonds nécessaires pour le payement de la Trésorerie nationale jusqu'au lor avril prochain, continueront d'être faits de la même manière et dans les formes établies pour l'année 1791. »
Je demande donc que l'Assemblée adopte le projet du comité en y ajoutant les deux amendements proposés, l'un par M. Baignoux et l'autre par moi.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée sur le fond.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
présente un projet de décret pour mettre de l'ordre dans la délibération et éviter que la discussion ne rentre dans le fond de la question, lorsqu'elle aura été une fois ouverte sur les amendements.
(La proposition de M. Dorizy n'a pas de suite. La discussion est ouverte sur les amendements. L'Assemblée décide de les adopter et la discussion est fermée sur les amendements.)
, rapporteur. Voici les articles avec les amendements que j'ai cru devoir adopter ; je donne d'abord lecture du décret d'urgence :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, considérant que l'époque de l'année où a commencé sa session ne lui permet pas d'attendre l'examen détaillé de chaque partie des dépenses publiques pour en décréter le payement, et que le service de la Trésorerie nationale ne doit éprouver aucune interruption, décrète qu'il y a urgence. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence.)
, rapporteur. Voici l'article 1er:
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les fonds nécessaires pour le payement de la Trésorerie nationale jusqu'au 1er avril prochain, continueront d'être faits de la même manière et dans les formes établies pour l'année 1791 ».
(L'Assemblée adopte cet article.)
, rapporteur. Voici l'article 2:
Art. 2.
Les comités de finances s'occuperont, sans interruption, de l'état exact des dépenses et des moyens de 1792, pour le soumettre le plus tôt possible à l'examen de l'Assemblée nationale,
et pour que le décret qui interviendra puisse assurer la plus grande régularité et la plus grande clarté dans toutes les parties du service public. »
Voici la rédaction de mon amendement ; c'est l'article 2 du projet de décret que j'ai présenté ; il est ainsi conçu :
Art. 2.
« Les comités de finances s'occuperont sans délai de l'examen des recettes et des dépenses publiques, indiqueront les abus qui auraient pu s'introduire dans les différentes parties des finances, proposeront les moyens d'économie qu'ils jugeront convenables, et présenteront à 1 Assemblée nationale, le 1er mars au plus tard, le tableau général de leurs opérations. »
Plusieurs membres demandent la priorité pour la rédaction de M. Baignoux.
(L'Assemblée accorde la priorité à la rédaction de M. Baignoux et l'adopte;)
, rapporteur. Voici l'article 3:
Art. 3.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
(L'Assemblée adopte cet article.)
J'observe à l'Assemblée qu'il faut faire un décret séparé pour l'article 2, que nous venons d'adopter sur la motion de M. Baignoux, parce que cet article n'est pas soumis à la sanction.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Cambon.)
En conséquence, voici la teneur des deux décrets ci-dessus adoptés :
Premier décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, considérant que l'époque de l'année où a commencé sa session ne lui permet pas d'attendre l'examen détaillé de chaque partie des dépenses publiques pour en décréter le payement, et que le service de la Trésorerie nationale ne doit éprouver aucune interruption, décrète qu'il y a urgence.
« L Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les fonds nécessaires pour le payement de la Trésorerie nationale jusqu'au l8r avril prochain, continueront d'être faits de la même manière et dans les formes établies pour l'année 1791.
Art. 2.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »>
Deuxième décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir assuré le service de la Trésorerie nationale jusqu'au 1er avril, par son décret de ce jour, décrète ce qui suit :
« Les comités de finances s'occuperont sans délai de l'examen des recettes et des dépenses publiques, indiqueront les abus qui auraient pu
s'introduire dans les différentes parties des finances, proposeront les moyens d'économie qu'ils jugeront convenables, et présenteront à 1 Assemblée nationale, le 1er mars au plus tard, le tableau général de leurs opérations. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Cahier .de Gerville, ministre de Vintérieur, relative à la révolte de la municipalité de Choue, district de Mondoubleau, département de Loir-et-Cher. Cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai appris par les journaux que le directoire du département de Loir-et-Cher a informé l'Assemblée nationale que les habitants d'une municipalité du district de Mondoubleau étaient dans un état de révolte ; qu'ils avaient déclaré ne vouloir payer d'autres impôts que ceux qui avaient été mis en 1790 ; qu'ils avaient demandé leurs anciens officiers, leurs anciens juges, que 100 d'entre eux avaient forcé les portes du directoire de district et demandé d'être gouvernés suivant l'ancien régime. On a demandé le renvoi au pouvoir exécutif, et que le ministre fût tenu de rendre compte des faits et des mesures qu'il aurait prises. Je suis forcé, Monsieur le Président, de dire que je n'ai reçu du département de Loir-et-Cher aucune information sur une affaire aussi grave. Je saisis cette occasion pour observer à l'Assemblée nationale que le roi étant chargé de faire exécuter les lois et de maintenir l'ordre et la tranquillité dans le royaume, il était du devoir du département de Loir-et-Cher de me mettre à portée de rendre compte très promptement au roi d'une révolte aussi coupable, afin que Sa Majesté puisse ordonner les mesures les plus efficaces pour la réprimer. Le roi ne peut exercer une surveillance exacte que par le concours des départements, qui sont les agents que la Constitution a établis pour le seconder. Ils doivent donc être très attentifs, être les premiers à l'instruire de tout ce qui peut troubler l'ordre dans leur arrondissement. Cet exemple n'est pas le seul que j'ai remarqué : l'Assemblée nationale pensera sans doute, comme moi, qu'une pareille conduite est très contraire aux principes de la Constitution. Je me suis empressé de le faire connaître au département de Loir-et-Cher, en lui enjoignant ae m'informer des faits et de m'instruire des mesures qu'il a prises pour ramener à la soumission aux lois ceux qui les ont enfreintes d'une manière si criminelle.
« J'ai l'honneur d'être, avec respect, Monsieur le Président,.....etc... etc...
« Signé : CAHIER DE GERVILLE. »
Le ministre vous écrit qu'il a vu dans les papiers publics que le département de Loir-et-Cher avait informé l'Assemblée nationale. Ce n'est pas le département, c'est le district de Mondoubleau qui a informé l'Assemblée. En conséquence, je demande qu'il soit sursis à la décision que nous avons à prendre sur cette affaire, jusqu'à ce que le département ait suivi les règles de la Constitution. (L'Assemblée adopte la motion de M. Bréard.)
Je demande rque l'Assemblée entende sur-le-champ le rapport des comités réunis d'agriculture, de commerce et militaire, sur la prohibition de la sortie des fourrages, à moins qu'on ne veuille fournir des fourrages au général Bender. (Oui / oui!)
, au nom des comités d'agriculture, de commerce et militaire réunis. Messieurs, vous avez renvoyé à vos comités d'agriculture, de commerce et militaires réunis, la proposition du ministre, convertie en motion par un des membres de l'Assemblée, de défendre toute exportation à l'étranger de fourrages et autres approvisionnements. C'est toujours à regret que des hommes libres peuvent faire des lois prohibitives dont le nom seul effraie le commerce et la liberté ; mais, dans les circonstances où nous nous trouvons, il est important de conserver nos ressources pour ne pas en enrichir nos ennemis. Les comités auxquels vous avez renvoyé la proposition de M. Delessart, ont reconnu que la crainte seule d'un surhaussement dans les denrées, devait vous la faire adopter. Cependant, ils ont senti que cette prohibition ne devait pas comprendre les colonies ; et ils vous proposent de ne la décréter que sur les frontières du Nord, depuis Dunkerque jusqu'à Hu-ningue. Voici le projet de décret que l'ai l'honneur de vous présenter au nom de vos comités :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que la formation des magasins de munitions de bouche dans les places et cantonnements de troupes sur les frontières du royaume nécessite des précautions extraordinaires, et voulant prévenir le surhaussement des prix des denrées qui pourrait résulter de leur exportation, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. L'Assemblée nationale ajoute à 4a prohibition de
l'exportation des grains à l'étranger, déjà ordonnée, celle des orges, avoines, grenailles,
légumes et fourrages de toute espèce.
« Cette prohibition aura lieu dans tous les ports de mer du royaume et seulement sur les frontières continentales comprises entre la Manche et le Rhin, de Dunkerque à Huningue.
« Art. 2. La libre circulation des denrées mentionnées dans l'article ci-dessus, pour toutes les parties du royaume et les diverses possessions trançaises, continuera d'avoir lieu comme par le passé, conformément aux lois établies. »
Un membre : Il faut que la loi s'étende sur nos frontières d'Espagne, pour qu'on ne puisse sortir des fourrages ni autres choses nécessaires à la guerre par le Roussillon ou du côté de Bayonne. Je demande donc que la sortie soit défendue par toutes nos frontières de quelque côté que ce soit.
J'observe à l'Assemblée que lorsqu'on a à craindre une guerre et qu'on en vient à des mesures prohibitives, on se borne aux frontières où l'on est dans le cas d'avoir la guerre. Il est très clair que les fourrages qui croissent du côté de l'Espagne ou de l'Italie ne seront pas employés par nous pour établir des magasins sur le Rhin, à plus forte raison ces fourrages ne seront-ils pas transportés chez nos ennemis pour servir au même objet. Pour s'en
convaincre, il suffit de se demander à quel prix reviendraient des fourrages qui auraient été transportés de 2 ou 300 lieues. Il est donc absolument inutile d'étendre la prohibition à toutes . les frontières, et je propose qu'on se borne au projet de décret des comités.
Un membre : Il y a trouée du côté de Porentruy, par où l'on pourrait exporter nos comestibles ae guerre.
Cette exportation par le mont Jura ne peut-être nuisible, car le pays de Gex est trop éloigné du théâtre de la guerre, et les Allemands n iront certainement pas y chercher leurs fourrages. J'ajoute qu'en étendant jusque-là la prohibition, vous ruineriez cette contrée qui n'a d'autre ressources qu'en ses fourrages qu'elle vend à Genève.
Un membre : J'offre de prouver qu'il n'y a pas de semaine où il ne parte une grande quantité de grains du port de Marseille. Nous ne sommes menacés en ce moment que sur les frontières de l'Allemagne, mais il ne s'en suit pas pour cela que notre loi doive être bornée à ces seules frontières. Elle doit, au contraire, s'étendre à toutes les frontières du royaume parce que la France est partout menacée par les despotes qui l'entourent (Applaudissements dans les tribunes.) et qu'il n'y a pas un endroit où nous ne puissions être attaques.
Quand on fait une bonne loi, il faut la faire générale, et quand on en fait une mauvaise, il faut la faire particulière. Or, l'Assemblée nationale ne peut pas se dispenser de convenir qu'une loi prohibitive ne soit en elle-même une très mauvaise loi, une loi commandée par les circonstances. Il faut donc la restreindre le plus possible. Quant à ce qu'observe le préopinant sur l'exportation des grains, il y a un rapport des comités réunis d'agriculture et de commerce qui est prêt sur cet objet. J'en demande l'ajournement à ce soir.
Les comités vous proposent d'établir le cordon depuis Dunkerque jusqu'à Huningue ; il faut l'étendre plus loin de ce côté-là, parce que de Huningue on vient à Belfort et de Belfort on va à Besançon. Toute cette partie se trouve être limitrophe de la Suisse et Belfort est même limitrophe au pays de Porentruy. Or, à Porentruy, il existe des soldats impériaux à qui les Suisses ont permis de passer sur leur territoire : il faut donc que le cordon s'étende de manière que les troupes impériales ne puissent pas y consommer nos fourrages, et pour cela vous devez le prolonger au moins jusqu'à Besançon. De cette manière, si nos ennemis s'avisent ae s'alimenter chez nous, le trajet sera si considérable que le transport de ces fourrages reviendra à un prix exorbitant et qu'on fera perdre à ces Messieurs d'outre-Rhin l'avantage de les négocier.
, rapporteur. Je dois rap peler à l'Assemblée les motifs qui ont déterminé vos comités à excepter telle ou telle frontière continentale du royaume de la loi prohibitive qui nous est proposée. Pour quel objet propose-t-on cette loi? Pour empêcher que des armées ennemies ne forment des magasins avec nos productions limitoriales ; mais encore faut-il que ces magasins aient un objet. Eh bien, Messieurs, c'est seulement sur la partie continentale de vos frontières entre l'Océan et le Rhin que vous avez à craindre que l'on ne forme des magasins qui
diminueraient les ressources qui sont réservées pour vos armées. En effet, formera-t-on des magasins de fourrages en Suisse? En formera-t-on dans le mont Jura? En formera-t-on dans les Alpes, dans les Pyrénées? Personne ne le croit et toutes les prévoyances militaires défendent d'y penser. De là, je conclus qu'il n'y a pas lieu d'étendre cette prohibition sur la frontière plus avant que Huningue. Tout le monde sait que là commence la chaîne des montagnes de la Suisse et que l'on ne transportera pas, par là, des fourrages.
Je sépare la question des grains que l'on a mêlée a la question des fourrages. Vos comités réunis d'agriculture et de commerce ont un rapport à vous faire sur cet objet. Ils Vous développeront, sans doute, les suitesjde cette prohibition. Ils vous diront que s'il sort des grains de Marseille, c'est qu'il y en entre une plus grande quantité, et comme ce port est un entrepôt, il s en écoule nécessairement dans l'intérieur du royaume. C'est à vos comités à vous présenter des mesures sages qui empêchent toutes les inquiétudes, parce que les inquiétudes sont plus dangereuses que les infractions à la loi.
Je reviens maintenant au principal objet de la question. Je ne vois aucune raison militaire, et ce sont des raisons militaires qui doivent vous déterminer, je ne vois, dis-je, aucune raison militaire qui puisse vous contraindre à étendre cette, prohibition, déjà très malheureuse, au delà de Huningue.
Je vous prie d'observer que nos fourrages peuvent être exportés par le pays de Porentruy parce que de Huningue jusqu'à Porentruy il n'en coûtera pas 3 livres par chaque voiture de fourrages. Il s en suit donc que c est une porte par où tous vos fourrages peuvent sortir.
La question qui vous est présentée est très importante. La discussion ne paraît pas l'avoir éclaircie. Je demande l'ajournement à ce soir.
Plusieurs membres : Non! non!
Je soutiens que sortir une voiture de fourrages par Huningue par le pays de Porentruy, il n'y a pas un petit écu de différence pour le transport. Je demande que le cordon soit etendu jusqu à Pontarlier.
M. Mathieu-Damas, rapporteur. J'adopte l'amendement de M. Delaporte !
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : Aux voix l'amendement de M. Delaporte.
(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Delaporte.)
De deux choses. l'une : ou les fourrages sont nécessaires à la France, ou ils ne le sont pas? S'ils le sont, la prohibition de la sortie doit être générale. ÇApplaudissements dans les tribunes.)
On vous a dit que les frais de transport seraient très considérables. Je demande si, dans le moment où vous seriez en guerre et où vous auriez besoin de fourrages, vous seriez arrêtés par ces mêmes sacrifices pour vous les procurer. Eh bien, dans leurs besoins, vos ennemis les achèteront à quelque prix que ce soit. Je demande donc que la prohibition soit générale.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Thuriot et adopte le projet de décret des comités réunis amendé par M. Delaporte.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que la formation des magasins des munitions de bouche dans les places et cantonnements de troupes sur les frontières du royaume nécessite des précautions extraordinaires, et voulant prévenir le surhaussement des prix des denrées qui pourrait résulter de leur exportation, décrète qu'il y a urgence. ;
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« L'Assemblée nationale ajoute à la prohibition de l'exportation des grains a l'étranger déjà ordonnée, celle des orges, avoines, grenailles, légumes et fourrages de toute espèce.
« Cette prohibition aura lieu dans tous les ports de mer du royaume, et seulement sur les frontières continentales comprises entre la Manche et le Rhin, de Dunkerque à la hauteur de Pontarlier.
Art. 2.
« La libre circulation des denrées mentionnées dans l'article ci-dessus, pour toutes les parties du royaume et les diverses possessions françaises, continuera d'avoir lieu comme par le passé, conformément aux lois établies. »
Lorsque l'on défendit l'exportation des grains à l'étranger, on prit des précautions très utiles, car il était envoyé des acquits aux départements pour lesquels ces grains etaient destinés. Je demande que les mêmes précautions soient prises.
, rapporteur. J'observe que cet objet sera compris dans le projet de décret que vos comités d'agriculture et de commerce réunis vous présenteront ce soir.
Un membre : Je demande que le rapport des comités d'agriculture et de commerce réunis sur les subsistances soit fait ce soir.
(L'Assemblée adopte cette motion.)
(L'Assemblée ajourne ensuite également à ce soir la discussion sur les Suisses du régiment de Châteauvieux.
Messieurs, je suis venu 2 jours, de suite à 10 heures, et je n'ai trouvé personne. Je vous rappeHe que nos séances doivent commencer réglementairement à 9 heures du matin, et je vous prie d'être plus exacts.
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
A l'ouverture de la séance, quelques débats s'élèvent sur l'ordre du jour.
L'Assemblée décide que les pétitionnaires seront admis à la barre.
Le sieur BRÉDIN, mécanicien, soldat-citoyen de la section du Faubourg-Montmartre, est introduit à la barre et offre a l'Assemblée nationale de lui soumettre l'esquisse d'une machine qui peut suppléer l'artillerie dans les lieux où u serait impossible ou trop dispendieux d'en établir.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée nationale renvoie le mémoire du sieur Brédin au comité militaire.)
Une députation des commis à la perception des ci-devants octrois de la ville de Douai est admise à la barre. Elle prie l'Assemblée de prendre en considération le sort déplorable auquel ces commis se trouvent réduits par la suppression des droits d'entrée, et elle sollicite à leur égard l'exécution de la loi du 31 juillet 1791 qui accorde des secours provisoires aux employés commis-sionnés dans les différentes fermes, régies et recettes, mentionnées au premier article de cette loi.
répond aux pétitionnaires et leur assure que l'Assemblée prendra leur demande en considération ; il leur accorde les honneurs de la séance.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité de liquidation !
Je demande que le sort de ces employés soit pris en grande considération ils meurent de faim. Des considérations de justice, d'humanité et de politique sollicitent en faveur de tant de malheureux partagés en ce moment entre la misère et les séductions criminelles des ennemis de la patrie. Je demande que l'Assemblée prononce de suite sur leur pétition. Mais comme j'ai à me plaindre du silence du ministre des contributions publiques sur les sollicitations pressantes et réitérées des députés du département du Nord, je demande encore que ce ministre soit tenu de rendre compte, sans retard, des diligences qu'il a dû faire pour l'exécution des lois concernant les ci-devant employés. (Applaudissements.)
Les plaintes que vous venez d'entendre sont communes à tous les employés des octrois du département du Nord, tout renvoi serait inutile, la loi est faite ; elle accorde un secours aux employés des octrois qui étaient perçus au profit de l'Etat ; et tels étaient les octrois des villes du département du Nord. Depuis plus de trois mois, chacun des députés de ce département sollicite en vain, du ministre des contributions publiques, l'exécution de cette loi. Le ministre, est arrêté par le travail des commissaires de la régie générale; mais ces malheureux, en proie a la plus affreuse indigence, ne peuvent attendre ces retards inouïs ; toute la députation du département du Nord en a écrit, le 19, au ministre des contributions publiques, elle n'en a pas reçu de réponse ; je dois vous
rendre compte d'une délibération que m'a adressée au même sujet la municipalité de Va-lenciennes.
(M. Prouveur lit cette délibération où la municipalité expose ses inquiétudes sur le sort de ces commis, et réclame la vigilance et la justice de l'Assemblée nationale ; puis il continue :
Vous voyez, Messieurs, que les motifs les plus puissants se réunissent pour solliciter l'Assemblée nationale à prendre une mesure prompte et convenable. Je demande, en conséquence, que le ministre des contributions publiques soit tenu de rendre compte, dans 3 jours, de ce qu'il aura fait pour l'exécution de cette loi.
(L Assemblée renvoie la pétition des employés des ci-devant octrois de la ville de Douai au comité de liquidation pour en faire le rapport mardi prochain.)
Le sieur Burté est introduit à la barre.
Veuillez, Monsieur, exposer succinctement l'objet de votre pétition.
Monsieur le Président, ce sont des réflexions que je désire présenter à l'Assemblée nationale sur les conditions d'éligibilité des commissaires de la comptabilité et dont le comité de législation pourrait profiter.
Plusieurs membres : Il faut entendre.
J'observe que l'on doit distinguer les pétitionnaires qui ont des droits à l'attention de r Assemblée, des citoyens qui n'ont à lui offrir que leur opinion personnelle sur une loi portée ou à porter. Déjà, sous prétexte de faire une pétition, une personne a lu une très longue opinion sur les finances, et l'Assemblée a ainsi perdu beaucoup de temps. Il ne faut pas que l'on abuse du droit de pétition pour lire aes opinions. Aucun autre que les représentants du peuple né peut en prononcer dans le Corps législatif. Je demande que le citoyen qui vient offrir ses lumières à l'Assemblée, les porte au comité de législation qui en profitera sûrement et en fera profiter l'Assemblée.
On ne peut porter aucune atteinte au droit de pétition.
L'observation de M. Dorizy n'est pas juste. Comme l'objet est d'un intérêt majeur, je demande que le pétitionnaire soit entendu.
Je rappelle à l'Assemblée que par un décret elle a décidé que, lorsqu'un pétitionnaire présenterait une pétition d'utilité publique, elle serait renvoyée à un comité. Ainsi le pétitionnaire peut fort bien remettre son mémoire sur le bureau, et l'Assemblée, en le renvoyant à un comité, exécutera un décret qu'elle a rendu.
(Après quelques légers débats, l'Assemblée renvoie le mémoire (1) de M. Burté au comité de législation.*)
félicite le sieur Burté du zèle qui l'a dirigé et lui accorde les honneurs de la séance.
Une députation des membres du directoire du département du Pas-de-Cal-ais est admise à la barre.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Messieurs, le directoire du département du
Pas-de-Calais nous envoie vers vous; il se trouve dans la plus cruelle situation où puissent
se trouver des administrateurs fidèles. D'un côté, la
L'Assemblée nationale n'ignore pas les événements qui ont eu lieu dans le département du Pas-de-Calais, vers la fin d'octobre et au commencement du mois de novembre, relativement à la circulation des grains. Il serait donc inutile d'entrer dans aucun détail sur cet objet; mais ce qu'il importe que l'Assemblée sache, c'est que, si le peuple de Saint-Omer a mis tant d'opposition a la libre circulation des grains (1); si la force publique, quoique requise, n'a pas déployé tous ses moyens, ce n'est point le défaut de patriotisme qui en est cause. Le peuple de Saint-Omer aime la Constitution; il l'a manifesté dans toutes les occasions ; il aime la patrie ; il a cru voir, dans le transport des grains qui a été fait, le complot criminel de produire dans le royaume la famine et les désordres qui en sont la suite ; il sait que la France est entourée d'ennemis qui cherchent à détruire la liberté; il a jugé que nos ennemis, sacrifiant l'or qu'ils nous enlèvent à l'orgueil qui les dévore, ne croyaient pas payer trop cher le projet insensé de nous asservir de nouveau. Cette idée a porté le trouble dans l'âme des citoyens de Saint-Omer, et, par un amour malentendu de la Constitution, ils ont violé la loi.
Si jamais erreur fut excusable, c'est sans doute celle qui est produite par de pareils motifs ; et Voilà les citoyens contre lesquels une loi juste, mais terrible, nous ordonne ae sévir ; les moins éclairés redoutent cette loi, parce qu'ils ne conçoivent pas que des obstacles physiques s'opposent à l'exportation des subsistances pour le compte de nos ennemis. Les armes dont nous avons besoin pour un autre usage, c'est contre eux qu'il faut îes faire servir, si ron ne parvient à les éclairer.
Législateurs, vous seuls le pouvez. Déjà l'Assemblée a porté une loi pour assurer que les grains qui sortent de nos ports ne passent point chez l'étranger. Peut-être ces lois sont-elles suffisantes ; mais si, en y ajoutant quelques précautions de plus, vous pouvez épargner le sang de nos concitoyens, refuserez-vous de le faire? C'est cette loi que nous attendons, que nous invoquons, que nous avons la confiance d'espérer de la sollicitude paternelle de l'Assemblée nationale.
L'orateur de la députàtion ajoute que si ses concitoyens du département du Pas-de-Calais
étaient assurés que ces grains fussent pour leurs frères du midi au royaume, ils feraient les
plus grands sacrifices. Il prie l'Assemblée de faire connaître aux départements du Midi que
l'étranger leur a offert des blés, de leur demander d'en tirer des contrées plus éloignées et
de leur représenter que la récolte n'a pas été aussi belle clans cette partie du nord de la
France qu'on l'avait dit jusqu'à ce jour et qu'elle avait été compromise par la grêle et les
ouragans. Il observe encore que la situation de son département et de celui du Nord les
mettra peut-être très prochainement dans le voisinage d'une grande armée, qui occasionnera
une grande consommation. Il termine enfin en exposant ses craintes sur l'effet de la
, répondant à la députàtion. Messieurs, les membres du Corps législatif portent dans leurs cœurs les intérêts du peuple qui les a honorés de sa confiance. C'est avec cette sollicitude paternelle qu'ils portent sans cesse leurs regards sur l'état du royaume. Vous venez d'une des parties importantes de l'Empire, leur confier les inquiétudes du peuple sur le grand objet des subsistances, objet en raison duquel l'opinion accroît souvent le mal. Vous allez être témoins de la"manière importante dont l'Assembléenationale a considéré cet objet, sur le rapport qui va lui être fait par ses comités d'agriculture et de commerce, et c'est pour cet effet qu'elle vous invite à sa séance.
Plusieurs membres demandent la parole, et au moment où la discussion s'engage, on rappelle à l'Assemblée que le rapport des comités d'agriculture et de commerce sur les subsistances étant à l'ordre du jour, l'objet de cette pétition se lie naturellement à ce rapport et la discussion est suspendue.
Les sieurs Robert, homme de loi, et Barnoud, l'un des héritiers Burdiat, sont introduits à la barre.
se plaint, pour ces héritiers, du décret du 2 septembre dernier, sur les testaments, et il promet ae distribuer un mémoire imprimé sur cet objet, lorsqu'il sera soumis à la discussion.
Il présente ensuite à l'Assemblée plusieurs manuscrits et extraits, relatifs à la réduction des coutumes de France en une seule loi uniforme.
, répondant aux pétitionnaires, leur assure que l'Assemblée examinera l'objet de la plainte qu ils viennent de lui adresser. Il felicite le sieur Robert du zèle qui l'a porté à offrir des matériaux sur l'unité des centimes et il accorde à l'un et à l'autre les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Barnoud au comité de législation avec les manuscrits apportés par le Sieur Robert.).
Une députàtion des Suisses composant ci-devant la compagnie de la garde de M. Louis-Stanislas-Xavier, prince français, est introduite à la barre.
Ils demandent : 1° le payement de leur solde depuis le 1er octobre dernier, jusqu'au jour de leur remplacement, constaté par le ministre de la guerre ; 2° leur remplacement dans la gendarmerie nationale; 3° le remboursement de la finance de leur charge; 4° enfin, des ordres pour la restitution des sommes retenues par leur capitaine.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.).
Un de MM. les secrétaires fait, au nom des huissiers de l'Assemblée, lecture de la pétition suivante :
« Les huissiers de l'Assemblée nationale ont l'honneur de vous représenter que depuis 2 ans et demi M. Berthollet, ci-devant adjudant au régiment de Poitou, frère de l'un d'eux, sollicite la place d'huissier la première vacante; elle lui a été promise par l'Assemblée constituante. Aujourd'hui que M. Delplanque a déclaré qu'il se retirerait le l*'janvier, nous vous prions de l'ac-
cueillir. Il est au fait du service, et a constamment suivi les séances. «
Plusieurs membres : Le renvoi aux commis^ saires de la salle !
D'autres membres proposent que la demande des huissiers soit adoptee.
Un membre convertit en motion la demande des huissiers.
(L'Assemblée, consultée, accorde cette demande.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret des comités d'agriculture et de commerce réunis, sur plusieurs adresses et pétitions de différentes sections de Paris et de diverses autres. communes de l'Empire, relativement aux subsistances (1).
aîné, rapporteur. Messieurs, vous avez ajourné, il y a quelques jours, un projet de décret que j'ai eu l'honnçur de vous présenter sur les plaintes concernant les subsistances d'un grand nombre de citoyéns, tant de la capitale que des départements. Je vais vous en faire lecture.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités d'agriculture et de commerce, réunis, sur les plaintes concernant les subsistances d'un grand nombre de citoyens, tant de la capitale que des différents autres départements, attendu les troubles qui se sont élevés dans plusieurs endroits relativement à cet objet} le danger de les laisser se propager et s'accroître et la nécessité d'en extirper promptement la cause, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale désirant approfondir l'objet des plaintes d'un grand nombre de citoyens sur les subsistances, et voulant, en maintenant la libre circulation des grains dans le royaume, fortifier par des nouvelles précautions les obstacles mis à leur sortie dans les pays étrangers, après avoir rendu le décret d'urgence, décrète les articles suivants :
« Art. 1er. Le ministre de l'intérieur présentera à l'Assemblée
nationale, dans le délai de 15 jours, le compte que la municipalité aura rendu au département
de son administration relative aux subsistances, avec l'avis du directoire du département sur
cet objet.
« Art. 2. Les municipalitésdes'ports du royaume nommeront, dans leur sein, un ou deux commissaires pour assister indépendamment des préposés aux douanes, à tous les chargements et déchargements de grains déclares pour être transportés d'un port à un autre. Ces commissaires s'assureront des quantités mentionnées dans les acquits-à-caution, et ils n'en certifieront l'arrivée qu'après en avoir constaté la conformité avec l'état du chargement.
« Art. 3. Il sera exposé dans le lieu des séances des municipalités, d où il est expédié des grains par acquits-à-caution, un tableau des chargements de ces grains, qui contiendra, par colonnes, la quantité, la destination et la décharge des acquits-à-caution, à mesure qu'ils seront renvoyés.
« Art. 4. Les municipalités enverront au ministre de l'Intérieur un duplicata des acquits à
caution délivrés pour le chargement des grains destinés à passer d'un port à un autre du
royaume ; et ce, aussitôt le chargement complété. Le mi-
« Art. 5. La faculté de faire parvenir des grains d'un port du royaume dans l'intérieur du département des Bouches-du-RhÔne, par Marseille, est révoquée. Les grains qui auront cette destination ne pourront rentrer par mer dans le royaume que par Toulon, la Giotat, ou tout autre port que celui de Marseille.
« Art. 6. Il sera fait une instruction en peu de mots pour rappeler au peuple les principes et les lois pour la libre circulation des grains dans le royaume, et les mesures prises contre leur exportation à l'étranger. Cette instruction sera imprimée, et il en sera envoyé des exemplaires dans tous les districts. Les directoires de districts la feront afficher dans les endroits les plus apparents du chef-lieu, et lire dans les principales paroisses tous les dimanches, à l'issue de la grand'messe. »
Un membre prend la parole pour justifier la municipalité de Saint-Omer.
Plusieurs membres demandent à passer à la discussion du projet de décret.
On a réuni dans ce projet de décret deux objets absolument distincts, c'est-à-dire un projet de loi locale et de circonstance avec une loi générale et stable. Je m'explique. Le premier article de cette loi est uniquement relatif à un seul fait de l'administration de la ville de Paris. Tous les articles postérieurs sont relatifs aux expéditions qui doivent se faire de tous les ports du royaume. Je crois donc qu'il est indifférent pour les habitants de Paris, que dans une loi qui les intéresse, il se trouve des dispositions relatives à des expéditions maritimes ; etie dis encore que dans 50 ans on sera fort surpris de trouver dans une loi générale du royaume une disposition particulière relative à la ville de Paris. Je demande la division du projet de décret.
(Après de légers débats, l'Assemblée, consultée, décrète la division.)
Un membre annonce que les négociants de Bordeaux ont demandé des grains à quelque prix que ce soit.
conteste ce donne et donne lecture d'une lettre qui prouve non seulement que cela n'existe pas, mais même que c'est impossible.
Ce n'est que ce matin qu'on a demandé l'ajournement de cette discussion à ce soir. Or, j'observe qu'une loi sur les subsistances est l'objet le plus délicat qui puisse occuper des législateurs. Il n'est pas de matière qui exige une connaissance plus approfondie, une plus grande maturité de réflexion, des lumières plus sûres. On ne peut parler sur cette matière avant d'y avoir fortement pensé, et pour penser il faut avoir quelques moments libres. D'après cela, comme ce projet ne présente aucune disposition urgente, je demande l'ajournement à une séance au matin.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
(L'Assemblée, consultée, ajourne cette discussion à jeudi prochain.)
Messieurs, l'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret du comité diplomatique sur la détention aux galères de Brest de 40 soldats du régiment suisse de Châteauvieux, pour faits relatifs à la Révolution française (1). La parole est à M. Garran-de-Goulon.
De tous les maux qui peuvent frapper une.nation sensible et généreuse, il n'en est point de plus affligeant que ces injustices judiciaires qui détournent le glaive de la loi de là tête des grands coupables pour le laisser tomber sur la faiblesse et l'innocence égarée par de perfides manœuvres. C'est surtout dans une juste distribution des récompenses et des peines que doit se manifester un bon gouvernement.
Quels regrets n'éprouvent pas les représentants de la nation, lorsgu'après avoir été les témoins d'une grande injustice commise au milieu d'elle, ils joignent à l'impossibilité de pouvoir la réparer sur ceux qui en ont été les victimes par le dernier supplice, le doute cruel de savoir s'ils ont le droit de préserver d'un supplice plus affreux par sa longueur même, ceux qui ont échappé à la peine de mort. J'ai le bonheur, Messieurs, de vous apporter la preuve que ces doutes ne sont pas fondés; oui, je viens vous prouver que, sans manquer aux traités, vous pouvez vous livrer à votre générosité ; vous avez le droit d'être humains et justes ! j'ai communiqué au rapporteur du comité diplomatique les idées qui m ont amené à un résultat plus favorable que le sien ; et j'espère que, dans une cause aussi sacrée, il ne tiendra pas à ses idées originaires.
De toutes les ressources que les lois peuvent offrir aux condamnés, je ne traiterai que celle de l'amnistie, parce qu'elle est la moins susceptible de difficultés, et qu'elle est la seule qui soit certainement en notre pouvoir. Je ne m'attacherai donc point à vous convaincre de l'innocence des malheureux soldats de Châteauvieux; elle est d'ailleurs démontrée par le rapport du comité diplomatique. Elle n'a pas cessé d'être publiée, des les premiers temps, par le tribunal véritablement souverain de la voix publique, qui n'a d'autre règle que l'enquête naturelle qu'aucun pouvoir ne peut corrompre; elle est confirmée, d'une manière plus décisive encore,
Bar la trahison postérieure du général Bouillé.
faut donc se hâter de soustraire les soldats de Châteauvieux à l'horreur de leur situation, et pour parvenir à ce but, l'exécution de l'amnistie à leur égard est la mesure la plus convenable, par cela seul qu'elle est la plus prompte.
Je vais établir que ce grand acte d'abolition doit s'appliquer a ces étrangers comme aux Français. On oppose à la souveraineté de la nation sur tout ce qui se passe sur son territoire, les limites qu elle s'est données par ses traités avec les Suisses. Il faut entrer ici dans des détails assez arides, mais le triste intérêt du sujet vous les fera sans doute supporter.
Il est très vrai que les régiments suisses au service de la France ont toujours joui du
privilège d'être jugés par les juges de leur nation, suivant les formes nationales; toutes
les fois qu'il s'est élevé des difficultés à ce sujet, le gouvernement a décidé la question
en leur faveur.
Votre comité a néanmoins observé qu'une lettre annexée à l'article 8 du traité de 1553, porte « que la justice sera administrée par les juges de la nation, et non par d'autres ». J ajoute que cette annexe a autant de force que le traité lui-même ; il est certain aussi que ce droit est formellement reconnu par deux articles du traité de 1777, qui fixe le dernier état des choses. A cet égard les articles 5 et 11 portent « que les anciens et nouveaux régiments suisses au service de France, continueront à jouir du libre exercice de la religion et de la justice, comme du passé ».
Ilfaut donc examiner quelle a été cette jouissance du passé, si l'on peut rétorquer contre les Suisses un privilège évidemment introduit en leur faveur, comme le prouvent cette dénonciation de privilèges adoptée par les Suisses mêmes, ainsi que l'origine et la nature de ce droit ; s'il est vrai enfin qu'il exclut les Suisses, tant qu'ils sont dans le royaume, du bénéfice des amnisties générales qui ne sont point des actes de justice, mais de véritables lois faites pour prévenir de plus grands maux.
Il est très vrai que la plupart des capitulations assurent la juridiction aux régiments suisses, et que le traité de 1777 en stipule en leur faveur la conservation; mais ces stipulations mêmes indiquent le besoin qu'on en avait pour s'assurer le privilège. Peut-être votre comité diplomatique a-t-il trop accueilli une décision de Vogel. Cet homme, le plus éclairé sur les privilèges des Suisses, le dernier qui s'en soit occupe, prétend que la Suisse ne se départ jamais de son droit de juridiction sur les troupes qu'elle envoie servir en France.
Or, c'est le roi qui nomme les grands juges suisses et les autres officiers de justice qui dirigent l'instruction. Il a toujours donné des ordonnances à ces régiments comme aux troupes françaises, et ces ordonnances prononcent, en cas d'infraction, les peines les plus graves, même celle de mort, dans Dien des cas. La France a donc sur les régiments suisses qui sont à son service le droit de législation quoiqu'elle n'y ait pas le droit de justice. Or, les amnisties sont des actes de législation et non pas des actes de justice.
La France a eu dans tous les temps à son service des régiments étrangers autres que les Suisses, et ces régiments n ont pas tous joui de la justice comme les régiments suisses. L'origine de ces privilèges tient à la haute estime que les troupes suisses s'étaient acquise et aux circonstances où elles se sont trouvées, lors des premiers traités faits avec la France.
Il faut observer que ces privilèges n'ont jamais été consacrés par des lois enregistrées dans les tribunaux, qui n'y avaient égard relativement que quand ils en recevaient 1 ordre du roi, soit par des lettres de cachet, soit par des arrêts du conseil. C'est ce dont on peut voir divers exemples dans M. Zurlanben : cet officier, si plein de
zèle pour les privilèges des Suisses, a si bien senti lui-même que les droits des gens ne suffisaient pas pour assurer la jouissance de ce privilège en France hors de leurs régiments, qu il a dit expressément qu'il faudrait une loi enregistrée dans les tribunaux. Ce désir n'a pas été suivi; et il est remarquable que lorsqu'on 1777 le roi donna des lettres patentes, portant ratification du traité d'alliance conclu entre lui et le corps helvétique, il n'y fit insérer que les articles relatifs au commerce, au droit d'aubaine, sans y comprendre les articles qui parlaient du libre exercice de la justice et de la religion, non plus que tous les autres qui étaient relatifs au service militaire. On doit conclure de là que le roi a entendu limiter l'exercice de la juridiction des Suisses à leurs régiments ; qu'il a entendu se réserver le droit de soumettre aux lois générales du royaume les soldats suisses eux-mêmes lorsqu'ils ne sont plus à leurs régiments.
Ce principe, absolument décisif, est reconnu de la manière la plus formelle, et sans aucune modification, par M. de Zurlanben. D'après cela, on doit être bien étonné d'entendre dire au grand juge Vogel, que les amnisties accordées par le roi ne regardent point les régiments suisses, qui ne sont jamais compris dans le terme général de troupes étrangères. 11 rapporte en faveur de cette opinion un certificat donné en 1681, on ne sait à qui ni à quel sujet, par M. d'Artagnan : ce certificat atteste, sans rien dire autre chose, que les régiments suisses ne sont pas compris dans les amnisties que le roi accorde, et qu'elles ne les regardent nullement.
Vous allez juger, Messieurs, combien cette assertion est faite légèrement, pour ne rien dire de plus; aucun de nos traités avec la Suisse, aucune capitulation, n'excepte les soldats des régiments suisses de cette loi d'amnistie. Voici, au contraire, les ordonnances d'amnistie, données par les rois de France, pour les troupes suisses. La première qui se trouve dans le Recueil des ordonnances dfu roi pour les gens de guerre, est du 6 mars 1673 et porte particulièrement, en faveur des soldats suisses, le pardon du crime de désertion ; elle est d'autant plus remarquable qu'elle est particulière aux régiments suisses-grisons qui prendront parti dans les régiments et compagnies franches suisses qui y serviront pendant 4 années.
Une autre ordonnance, qui est du 20 avril 1673, prouve l'exécution de la première, puisqu'elle proroge, jusqu'à la fin du mois suivant, le temps qu'elle avait accordé pour l'amnistie ; elle se trouve dans le même recueil que la précédente. M. de Zurlanben qui rapporte celle-ci dans son entier, se garde bien de disconvenir de l'exécution de l'une ou de l'autre ; il dit expressément qu'il ne rapporte pas la dernière en son entier, parce qu'elle n'est qu'une prorogation de la précédente. Il prétend à la vérité, dans un autre endroit de son livre, que, sur la représentation que firent les colonels, que cette grâce était dépendante de la justice souveraine, Sa Majesté Louis XIV déclara, en plusieurs occasions, qu'à l'avenir les déserteurs suisses ne seraient plus compris dans ses amnisties; mais il ne donne aucune preuve de. cette prétendue déclaration de Louis XIV. Il se contente d'invoquer, outre le certificat de M. d'Artagnan, une lettre du conseil de la guerre, fournie par le régent, à M. de Hessi, colonel d'un régiment suisse, pour l'amnistie, une lettre écrite en 1716 à MM. les co-nonels suisses, par M. le duc du Maine, leur co-
lonel-général, avec d'autres pièces qui y sont relatives; et une dernière lettre de M. le prince de Dombes, aussi colonel-général des Suisses et Grisons, à chacun des colonels des dits régiments, sur l'amnistie; mais on voit qu'aucune de ces pièces n'est émanée directement du roi, et celles mêmes qui paraissent les plus conformes à la prétention exclusive des officiers suisses, établiraient seulement, si elles étaient émanées de lui, qu'on ne peut pas obliger les Suisses, soit dans leur pays, soit dans leurs régiments, à reconnaître la validité de l'amnistie ; mais elles prouvent en même temps que le gouvernement entendait toujours que les amnisties auraient leur exécution dans l'intérieur du royaume. Cette distinction explique la contradiction apparente qui se trouve entre ces dernières pièces et les ordonnances de 1673; elle est formellement énoncée dans la lettre de M. le duc du Maine aux colonels suisses. 11 y est dit : « Quoique l'amnistie générale que le roi vient d'accorder soit pour toutes les troupes qui sont à son servicé, cependant, Monsieur, comme les intentions du roi doivent être respectées, au moins dans tout son royaume, mon avis est donc qu'à mesure qu'il reviendra des soldats du régiment des Gardes, leur procès soit fait comme à l'ordinaire, par les conseils de guerre, mais qu'ayant égard aux bontés de Sa Majesté, le conseil supérieur accorde grâce à tous ceux qui ne seront chargés d'autres crimes que de celui de désertion, et qui seront dans le cas de l'amnistie. »
J'ai sous les yeux une preuve plus forte que toutes les autres ; c'est une lettre du conseil de guerre, adressée en 1717 à M. Hessi, colonel d'un régiment suisse. Voici cette lettre :
« Le conseil de la guerre, informé qu'un soldat déserteur, qui n'était rentré en France que sous la loi de l'amnistie, a été mis dans les prisons de Givet, ordonne, que ce soldat sera élargi des prisons et réintégré dans la compagnie dont il avait déserté ; et ce, sans autre peine, que la prolongation de service portée par la loi d'amnistie même. »
Quant à la lettre du prince de Dombes, du 24 juillet 1742 ; elle ne fait que se référer à celle écrite par les colonels aux commandants des régiments. Il suit de là, comme on l'a annoncé, que lorsque le roi ne jugeait pas à propos d'étendre formellement et expressément l'amnistie générale aux troupes suisses par des ordonnances particulières comme en 1673, les officiers suisses n'étaient pas obligés de s'y conformer et de reprendre dans leurs régiments les soldats qui en étaient l'objet. Mais on voit aussi que les intentions du roi n'en étaient pas moins exécutées dans son royaume, et qu'on ne ramenait les soldats suisses a leurs régiments respectifs qu'autant que les officiers consentaient à les recevoir aux conditions de l'amnistie. Il n'est donc pas vrai que l'amnistie étendue aux soldats suisses, surtout quand on la borne à la simple grâce et à l'élargissement, soit une infraction aux privilèges de la justice des cantons suisses.
Toutes les fois qu'il s'est agi de règles générales imposées aux régiments du royaume, soit pour les rôles de signalement, soit pour les amnisties en particulier, lejoi y a assujetti les régiments suisses comme les autres quand il l'a jugé à propos, et dans les cas mêmes où l'on a pris des tempéraments par déférence pour leurs officiers comme en 1730 et 1742, ce n'a pas été pour exempter des Suisses de la peine levée par l'amnistie s'ils restaient dans le royaume; mais
seulement pour les faire rentrer dans leurs régiments. D'ailleurs, les officiers suisses n'avaient pas le droit de condamner les soldats de Châteauvieux, puisque le temps des capitulations étant expiré depuis six mois, ils ne faisaient en France qu'un service provisoire. Ils ne devaient pas balancer à donner des ordres pour les faire élargir, lorsque la loi d'amnistie a été prononcée. L'amnistie générale est suffisante pour les tirer des galères de Brest; on n'a pas besoin pour cela ae s'adresser ni à leur République, ni à leurs officiers. L'amnistie est l'exercice du pouvoir législatif, auquel les soldats suisses ont toujours été soumis.
Je finis par une observation, c'est que tous ces faits ont été pris dans des écrits de militaires qui ont approfondi cette matière. Je demande, en conséquence, que le pouvoir exécutif soit chargé de faire exécuter à l'égard des 40 soldats du régiment de Châteauvieux, détenus aux galères de Brest, le décret général d'amnistie rendu par l'Assemblée constituante, et de les faire mettre sur-le-champ en liberté. ( Vifs applaudissements.)
Je viens appuyer le projet de décret présenté par le comité diplomatique, et en même temps vous présenter des observations et des vues qui doivent, je l'espère, sans aucun danger, conduire à la liberté les 40 malheureux qui vous intéressent. D'abord je pense qu'aux Suisses appartient toute juridiction sur leurs régiments ; que ce n'est point là un privilège, mais un droit de souveraineté qui les a suivis en France, tout comme il suivrait les Français, s'ils entretenaient des troupes auxiliaires chez les nations voisines. Ainsi, sous ce premier point de vue, je crois que nous ne pouvons pas revoir le jugement porté par l'état-major suisse contre les soldats de Châteauvieux; mais l'amnistie prononcée par la nation française peut-elle s'étendre à un délit déjà puni par un jugement rendu par des Suisses? Il paraît qu'en principe général, l'amnistie est aussi un droit de souveraineté qui suit celui de juger, de punir ou d'absoudre ; que conséquemment il semblerait que le droit d'amnistie appartient exclusivement aux Suisses. Plusieurs moyens vous ont été présentés contre cette opinion par le préopinant; j'ajoute qu'ils ne m'ont pas paru porter une démonstration suffisante.
En admettant donc la légitimité du jugement rendu par les officiers suisses, je soutiens d'abord que, dans les principes du droit des gens, on ne peut point trouver une obligation de la part du gouvernement français à exécuter le jugement rendu contre les soldats suisses. Une nation peut bien devenir la courtière d'une autre, mais jamais la geôlière : il ne convient pas à une nation libre de devenir le gardien des soldats envoyés aux galères par une nation étrangère. (Applaudissements.) L'Assemblée constituante avait reconnu ce droit par le ^décret qu'elle rendit et qui fit mettre en liberté deux Fribourgeois mis aux galères de France. Prétendra-t-on qu'il faut tirer une conséquence différente de la circonstance, et qu'il s'agit de soldats au service de la France ? Je ne croirais pas, Messieurs, que cette objection pût être fondée ; car la Suisse est garante envers nous de la fidélité et de la bonne conduite de ses troupes. Nous devons supporter ce qui est une suite naturelle du service, nous devons aussi récompenser le soldat qui a rempli le temps fixé par les ordonnances : nous devons garder et soigner le soldat blessé au service ae la patrie ; mais nous ne devons pas nourrir, emprisonner
pendant 30 ans, le soldat qui a été condamné par ses supérieurs ; il doit être repris par sa patrie. comme il a été condamné par elle, à moins qu'il n'existât une convention contraire bien expresse. Or les traités et les capitulations qui lient la France et la Suisse ne contiennent aucune convention, aucune condition expresse qui oblige la France à recevoir et à garder sur ses galères les soldats condamnés par leurs régiments.
On prétendra peut-être que cette condamnation est une suite des traités qui donnent la juridiction aux régiments suisses. Mais je crois que cette conséquence serait néanmoins trop rigoureuse, et je ne puis l'admettre. Tout ce qui pourrait faire élever des doutes, c'est, d'une part, l'usage observé jusqu'à ce jour, et enfin la conduite vraiment énigmatique de l'Assemblée qui, après avoir, au mois de mai 1790, fait mettre en liberté des galériens étrangers, a cependant souffert que les soldats de Châteauvieux fussent conduits sur les galères, et n'a pas trouvé d'autre expédient que de jfaire négocier leur grâce avec le corps helvétique.
Mais devons-nous, dès cet instant, prononcer l'élargissement des 40 soldats? C'est le point sur lequel j'ai des doutes à proposer à l'Assemblée. Le décret du 21 mai 1790 porte, article 3 : « Sa Majesté sera également priée de faire connaître les dispositions du présent décret aux puissances dont les sujets sont actuellement détenus aux galères de France ; » ce qui emporterait l'obligation de dénoncer officiellement au corps helvétique la détention des Suisses, et l'intention que l'Assemblée avait prise de les mettre en liberté. Ensuite il me paraît qu'en brusquant trop, on exposerait les soldats suisses élargis à être privés de tout espoir de grâce, à ne pouvoir jamais rentrer dans leur pays, à errer toute leur vie comme des bannis. Ce serait peut-être mal servir ces 40 malheureux que d'anticiper ainsi l'instant de leur liberté (Murmures.); car je suis convaincu qu'en définitive, l'Assemblée nationale ne pourra se dispenser de prononcer l'élargissement des soldats de Châteauvieux : c'est ma profession de foi; mais je crois que pour l'intérêt de la nation, comme pour l'intérêt des condamnés eux-mêmes, il convient de prendre des mesures prudentes et utiles à tout le monde.
Vous ne pouvez pas vous dissimuler, Messieurs, que par sa position et sa politique la Suisse est en quelque sorte une manufacture militaire (Murmures et applaudissements.), qu'elle a un grand intérêt... (Murmures.)
Plusieurs voix : C'est vrai I
la Suisse a un grand intérêt de maintenir cette importation militaire qui la nourrit de subsides étrangers; et de là vient leur inflexibilité sur la discipline militaire ; c'est en quelque sorte le ressort de leur existence politique d'où vous devez penser qu'ils seraient blessés d'une mesure qui n'eût pas d'avance été concertée avec eux. Il importe à une nation libre qui veut se mêler elle-même de ses affaires, de ne pas traiter avec futilité ces relations extérieures. Il existe pour les Empires comme pour les individus un esprit de sociabilité auquel on ne renonce pas impunément : l'alliance avec la Suisse est sans doute utile aux deux Etats; mais nous ne pouvons dissimuler que dans les circonstances elle l'est à nous principalement; que leurs troupes en ce moment nous sont bonnes et utiles ; qu'il nous importe de n'être pas dans la nécessité de garnir nos frontières de leur
côté : enfin vous n'ignorez pas encore qu'entre les États voisins, l'Espagne surtout agit en cet instant et cherche à nous séparer de l'alliance des Suisses et à se mettre à notre place ; enfin je pense que nous devons compter pour quelque chose l'amitié de nos plus vieux, de nos plus fidèles alliés, façonnés aux armes dès leur enfance, allaités en quelque sorte dans les bras robustes de la liberté.
Mais comment concilier l'humanité et la politique? Un ministre estimé et conciliateur se rend en cet instant pour renouveler nos traités avec la Suisse; espérons, Messieurs, que l'amnistie sera le sceau de cette alliance et que l'humanité n'aura pas à gémir dans l'embrassement de deux peuples libres. Une brusque décision causerait à la nation suisse un juste mécontentement. (Murmures.) Si, contre toute attente, les lois conciliatrices étaient sans effet, alors nous reviendrions à l'examen des principes et de la liberté ; alors je développerais les dispositions bienfaisantes que j'ai annoncées; alors je soutiendrais qu'il est ae l'nonneur français et de la dignité française de ne pas prêter ses galères à des hommes condamnés par des jugements étrangers. Mais je soutiens qu'en cet instant l'intérêt de la patrie doit enchaîner les élans de la sensibilité : ainsi, Messieurs, je conclus, d'une part, à appuyer le projet du comité ; d'autre part, à demander que le pouvoir exécutif soit chargé de suivre avec activité les négociations entamées, et enfin que l'Assemblée ajourne à jour fixe la question de savoir si la France doit retenir sur ses galères 40 soldats de Châteauvieux. (Murmures.)
Plusieurs voix : La question préalable !
La première réflexion qu'a fait naître en moi l'examen de la déplorable affaire qui nous occupe en ce moment, c'est que si le jugement de ces condamnations eût porte sur des officiers de ce régiment, au lieu d'avoir porté sur d'infortunés soldats, il n'auraient pas besoin de chercher dans cette Assemblée des défenseurs, parce que la cour l'aurait accordée depuis longtemps. (Applaudissements réitérés.) 11 y a longtemps que leurs fers seraient brisés. (Applaudissements.) D'où vient donc cette distinction ? Elle vient de ce que l'égalité ne fut jamais qu'une chimère pour le ministre que l'Assemblée constituante cnargea imprudemment peut-être de négocier le pardon de ces soldats auprès des cantons suisses. De là la lenteurde ces négociations, de là, peut-être, l'annonce officielle qui vous a été faite de la réponse d'un de ces cantons, le jour même que vous aviez fixé pour entendre et discuter définitivement cette affaire.
Plusieurs membres : C'est vrai !
Ce n'est donc qu'au milieu de vous que les infertunés Suisses de Châteauvieux peuvent trouver des protecteurs : si vous les abandonnez, ils sont perdus,
Plusieurs membres : Non ! non ! (Applaudissements.)
Mais est-il vrai que l'obligation d'exécuter les traités avec la Suisse, vous impose la loi de ne pas vous occuper de leur sort ? Je ne le crois pas, Messieurs, et j'espère le démontrer. J'examine d'abord la nature du crime, c'est un crime de lèse-nation, ainsi l'a défini l'Assemblée nationale Constituante. Je ne dirai pas qu'ils en étaient innocents, je ne dirai pas qu'accusés du crime de lèse-nation, la Constitution, la France, la liberté, avaient été l'idole des soldats de Ghâ-
teauvieux : je ne dirai pas qu'ils avaient préparé, par leur héroïque courage, la Révolution du 14 Juillet : je ne dirai pas non plus, Messieurs, que toutes les formes ont été violées comme à plaisir, pour trouver des coupables parmi eux ; je ne dirai pas que 22 soldats ont été pendus, un vingt-troisième roué, pour avoir pris part, plus ou moins, au crime dont il est question ; je ne dirai pas enfin que, pour excuser cette violation de toutes les formes, les officiers qui les avaient jugés, ont publié un mémoire, dans lequel ils ont eu l'imprudence de dire que la nécessité de faire un grand exemple, les avait forcés à ne pas écouter les formes. (Murmures.) Ainsi, ils ont eu le courage de se dire à eux-mêmes que. sans observation d'aucune forme judiciaire, ils ont envoyé à l'échafaud 23 de leurs concitoyens, et 40 aux galères; mais, Messieurs, ce que ie dirai, parce que c'est là le point central de 1 affaire, c'est que les soldats de Châteauvieux, accusés du crime de lèse-nation, ne pouvaient pas être jugés par leur conseil militaire. D'abord, Messieurs, il est aisé de croire que les traités faits avec la Suisse, n'ont jamais pu parler d'un crime de cette espèce : le crime de lèse-nation n'était pas défini avant notre Révolution. Les rois qui faisaient les traités s'étaient bien gardés de parler d'un crime dont eux seuls étaient coupables. (Vifs applaudissements.là, Messieurs, cette conséquence, que jamais on n'a pu accorder aux Suisses le droit de juger les soldats pour un crime qui n'était pas encore connu ; de là cette conséquence qu'aucuns régiments suisses n'ont jamais pu avoir, à cet égard, la juridiction sur leurs soldats; enfin, Messieurs, ae là cette conséquence que le j ugement porté par des Suisses contre les soldats de Châteauvieux est nul.
Mais si le crime dont il s'agit n'était pas connu sous le nom de lèse-nation, il y avait des crimes d'Etat, et ces crimes étaient ceux de lèse-majesté. Il y avait ensuite des crimes publics, c'est-à-dire ceux qui sortaient de la règle ordinaire de la discipline militaire et de la subordination. Or, les crimes de cette espèce sont expressément exceptés par le traité passé entre la France et la Suisse en 1777. L'article 15 est formel sur ce point.
Vous voyez, Messieurs, qu'en déclarant les soldats suisses prévenus du crime de lèse-nation, jamais la nation française n'a pu permettre, n'a pu entendre qu'ils fussent juges par le conseil militaire de leur pays; vous voyez combien la question s'éclaircit, se simplifie à la lueur de ces principes; vous voyez qu'il ne peut pas rester le moindre doute dans les esprits que le jugement de condamnation porté contre les Suisses ae Châteauvieux est un jugement nul. qui ne peut, sous aucun rapport, enchaîner la volonté, la puissance de la nation française à leur égard.
Mais, Messieurs, quand ces principes ne viendraient pas aussi fortement à l'appui des soldats de Châteauvieux, il est toujours certain que la nation française, que les rois de France n'ont pas perdu le droit de législation sur les Suisses et autres étrangers, ainsi que M. Garran-de-Cou-lon l'a démontré, jusqu'à l'evidence, par diverses ordonnances qu'il a citées. Le Corps constituant ne s'est pas écarté de ces ordonnances, et, ici, Messieurs, je réclame toute votre attention, parce qu'il me semble que ce que je vais mettre sous vos yeux juge absolument la question dont nous nous occupons. J'entends parler des trois Fri-bourgeois. Vous savez quelle différence il y avait entre les délits commis par ces citoyens et ceux
commis ou prétendus]commis par les soldats de Châteauvieux : ils avaient été accusés de faire une insurrection ; ils avaient été condamnés dans leur pays, ils avaient été traduits sur les galères de France ; et, cependant, l'Assemblée nationale ne voulant pas, comme l'a dit M. Lemontey, qu'une grande nation devînt la geôlière d'une autre, ordonna l'élargissement des citoyens fri-bourgeois ; l'Assemblée nationale constituante ne crut pas violer, par là, les traités passés entre la Suisse et la France, et la Suisse pensa si peu
3ue les traités eussent été violés par ce décret e l'Assemblée nationale qu'elle ne réclama en aucune manière. Ainsi, vous voyez tous les principes, toutes les autorités s'accorder ici avec l'humanité pour faire ordonner l'élargissement des soldats ae Châteauvieux.
J'examine maintenant si la politique vous le permet. Des négociations ont été entamées, dit-on; il serait dangereux de les rompre, et il le serait surtout dans ce moment-ci où nous avons plus q>ue jamais besoin de l'alliance des Suisses et de leurs secours. C'est connaître bien peu l'esprit des régiments suisses que de penser, comme on affecte de le faire, que ce sera augmenter leur ardeur pour le service de la nation française, que de retenir dans les fers leurs camarades de Châteauvieux. Non, Messieurs, l'esprit qui anime les infortunés soldats retenus sur les galères de Brest, est commun à tous les soldats des régiments suisses; ils les appellent à grands cris j ils les regardent comme les victimes de la patrie comme les martyrs de la liberté, et, certes, il n'ont pas tort. Voulez-vous donc, Messieurs, animer d'une nouvelle ardeur les régiments suisses qui, dans ce moment-ci, sont à votre service? Rendez-leur les Suisses de Châteauvieux. (.Applaudissements.) Vous pourrez, par là, déplaire aux officiers dont l'aristocratie se trouvera blessée de ce grand acte de générosité et de justice; mais heureusement les officiers ne sont pas les armées. Quant aux peuples suisses, s'ils aiment la liberté, s'ils aiment la justice, ils ne pourront qu'applaudir au décret par lequel vous abolirez a jamais la tache honteuse pour ceux qui l'ont imprimée, qui Font gravée sur le front des soldats de Châteauvieux. Un jugement d'absolution, de la part de ces cantons, aurait l'air, en suppo-
'espèce "d'insubordination de leurs troupes. Les cantons suisses tiennent beaucoup à la subordination. J'ai démontré que tous les principes s'accordent avec l'humanité, pour étendre aux soldats de Châteauvieux la loi d'amnistie. J'ai démontré qu'il n'y a pas un traité, pas une capitulation qui s'y opposent.
D'après tous ces motifs, je crois que vous ne ferez aucune difficulté de porter le decret que la politique bien entendue, que la justice et l'humanité sollicitent de concert; j'appuie donc le projet de décret présenté par M. Garran. (Applaudissements.)
(1). Messieurs, le sort des infortunés soldats de Châteauvieux tient à la décision d'une
des plus importantes questions du droit public et national ; celle de savoir si la loi de
l'amnistie ne doit pas s'étendre aux troupes étrangères qui se trouvent au service de la
France, comme aux troupes françaises elles-mêmes.
Il est trop vrai qu'il ne refusa d'entendre la garnison patriote ae Nancy, que parce qu'il savait que deux mots auraient suffi pour dissiper l'erreur de soldats citoyens ; qu'au nom sacré de la patrie, les deux armées se fussent confondues, et que ceux qu'il voulait voir s'entr'égorger, eussent fini par s'embrasser en frères. (Applaudissements.)
Il est trop vrai que le plus lâche des complots a été exécuté ; que le sang du citoyen français a coulé et par le fer homicide de ceux qui, voués à la défense de la liberté, croyaient ne combattre que pour elle. (Applaudissements.)
Il est trop vrai que des soldats, animés du plus ardent patriotisme, ont été d'aveugles instruments de vengeance, de haine et de fureur, et qu'ils ont été ensuite eux-mêmes odieusement sacrifiés aux passions qu'ils avaient involontairement servies.
Il est trop vrai, en un mot, que les suisses de Châteauvieux n'ont été coupables que parce qu'on les a forcés à le devenir, que par l'obstination d'un commandant assassin, et que leur condamnation est, ainsi que le licenciement de l'ancien régiment du roi, un malheur de plus que nous avons à déplorer. (Applaudissements.)
La patrie â été trompée jusque dans les moyens qu'on a feint d'employer pour la venger.
Vous avez frémi, Messieurs, au récit de votre comité diplomatique, et vous n'avez été instruits que d'une partie des horreurs qui se sont commises. Vous ignorez qu'un des malheureux soldats décimés n'était pas à Nancy lors de la fatale journée qui a servi de prétexte à sa condamnation.
Vous ignorez qu'un chirurgien est en ce moment chargé de chaînes pour avoir rempli le devoir sacré de l'humanité ; pour avoir» montré de l'indignation à ceux qui lui faisaient un. crime des secours et des soins qu'il avait donnés aux rebelles; pour avoir répondu ce mot sublime : Je n'ai pu voir un rebelle dans un soldat blessé. (Vifs applaudissements dans l'Assemblée et dans les tribunes.)
Vous ignorez le sort déplorable de cette femme courageuse qui, dans le dernier mois de sa grossesse, s'est attachée derrière une voiture, pour aller rejoindre un mari dans les fers ; qui, accouchée en chemin, achève la route à pied, son enfant dans ses bras, et qui, voyant son mari sous l'uniforme honteux du crime, perd à l'instant la tête, sans perdre le sentiment qui égare sa raison, court dans les rues de Brest, en demandant,
non la grâce de son mari, car, dit l'infortunée (et ce sont les seuls mots raisonnables qui échappent à son esprit troublé) ce n'est point sa grâce gue je réclame; mon mari n'est point coupable, je veux qu'il soit justifié.
Pardonnez, Messieurs, si j'ai mis sous vos yeux l'affligeant spectacle qui a arraché des larmes à toute la ville de Brest, et dont l'impression ne s'effacera jamais de mon souvenir. Jamais également je n'oublierai les traits éclatants de bienfaisance des généreux habitants qui ont pris un si tendre soin de cette femme intéressante, qui ont prouvé que les vrais amis de la Constitution étaient ceux de la justice et de l'humanité, qui n'ont cessé d'être les défenseurs et les soutiens des infortunés soldats de Château-vieux. J'ai vu ces malheureux dont le sort vous occupe aujourd'hui, je les ai vus tout à la fois attendris et humiliés, lorsque quelque offre généreuse, qu'ils refusaient avec une fierté modeste, leur rappelait d'une manière sensible, qu'ils n'étaient plus que l'objet de la pitié publique. (Applaudissements.)
Mais écartons tous ces tableaux qui peuvent intéresser des hommes sensibles, et ne doivent jamais influer sur la détermination d'un législateur. C'est à la froide raison que je dois parler.
Les soldats de Châteauvieux sont jugés, leur jugement a été prononcé par leurs juges naturels; et, malgréles observations de votre comité, il ne s'agit point ici de décider si ce jugement a été légalement ou illégalement porté. Laissons les querelles de formes, faites pour occuper un tribunal de cassation plutôt qu'une Assemblée nationale.
Le droit d'être jugés suivant leurs lois et par leurs juges naturels appartient incontestablement a tous les Suisses engagés au service de la France; et ce privilège, qui est une clause de leurs capitulations, fait partie de leurs traités avec nous. Il sait combien il importe que les membres de la République ne perdent jamais de vue les lois sous l'empire desquelles ils doivent vivre, qu'ils conservent toujours le respect qu'ils doivent avoir pour elles; il ne leur permet de servir dans un pays étranger qu'autant que ses lois pourront, en quelque sorte, les y suivre, et les y dominer; qu autant qu'ils y seront jugés par elles. (Applaudissements.)
Porter la moindre atteinte à l'exercice de ce droit, ce serait violer la loi due à de fidèles alliés ; ce serait nous arroger une juridiction à laquelle nous avons renoncé. Mais au droit de juger et d'être jugés, doit aussi nécessairement se borner le privilège des membres du corps helvétique. La souveraineté, qui n'est ni cessible ni divisible, reste tout entière à la nation, sous la protection de laquelle doit s'exercer le pouvoir judiciaire, soit flue ce pouvoir soit mis entre les mains d'étrangers, soit qu'il soit conféré à des regnicoles, et où finit le privilège, le droit public et national reprend toute la force.
Ces principes incontestables étant posés il ne s'agit plus que d'en faire l'application. Pour être poursuivi et, à plus forte raison, pour être puni, il faut qu'il existe un crime, et un crime déclaré tel par la loi; car c'est aux lois seules à déterminer quels sont les crimes contre la société, puisqu'il est vrai que tout ce que la loi n'interdit pas, est permis. Mais, s'il ne peut y avoir de poursuite, s'û ne peut être décerné de peines sans l'existence d'un délits il en résulte que les poursuites et la peine doivent cesser à l'instant où disparait le délit. Or, voilà précisément l'effet
qu'a espéré l'amnistie. Il ne faut pas la confondre avec les lettres de rémission, par lesquelles, sous l'ancien régime, la peine seule du crime était remise au coupable. Ici ce n'est point l'impunité érigée en loi. L'amnistie n'est point la grâce d'un criminel, mais une déclaration qu'il n'y a point eu de crime, ou du moins la volonté de n'en point reconnaître. C'est le voile jeté sur la statue, et qu'un étranger indiscret ne doit pas être autorisé à soulever. (Vifs applaudissements.)
On ne contestera pas que les actes, en apparence les plus criminels, peuvent être tellement justifiés par les circonstances, qu'il ne soit pas permis fy apercevoir l'ombre d'un délit. Le meurtre volontaire est sans doute un crime, et un grand crime, mais qu'il soit commis dans une défense légitime et forcée, la loi n'y voit plus rien de répréhensible, et le meurtrier est absous.
Un corps d'armée qui, sciemment et de dessein prémédité, tournerait contre les citoyens les armes qu'il a reçues pour les défendre, se rendrait coupable du plus odieux des attentats ; mais que cet événement soit l'effet d'une méprise fatale, on pleurera sur ceux qui en auront été victimes, sans oser réclamer la vengeance des lois. (Applaudissements.)
II est des cas encore plus difficiles à juger, et moins faciles à prévoir ; des cas où le crime et l'innocence sont tellement confondus, que les magistrats courraient évidemment le risque de frapper l'innocent pour le coupable où ils ne pourraient, avec certitude, ni condamner ni absoudre. Alors le glaive de la justice reste, pour ainsi dire, suspendu et immobile. Le pouvoir législatif intervient; l'intérêt sacré de l'innocence l'emporte sur la nécessité de punir le crime et l'amnistie est prononcée. Mais comme le danger qui détermine ce grand acte du pouvoir législatif est aussi à craindre pour l'étranger que pour le regnicole, il est évident que l'un doit, comme l'autre, jouir du bienfait de l'amnistie. (Applaudissements.)
Et comment se pourrait-il que des membres du corps helvétique fussent réputés coupables, lorsque les lois de l'Empire, sous la domination duquel ils se trouvent, déclarent qu'il n'y a point de coupable, qu'il ne peut y en avoir, puisqu'il n'y a point de crime?
Votre comité diplomatique a parfaitement prouvé ce que personne ne conteste, ce que personne n'a intérêt de contester. Je reconnais avec lui que les Suisses ont le droit de ne pouvoir être jugés que par des juges de leur pays. J'admets toutes ces stipulations portées dans les diverses capitulations suisses et notamment celles référées dans le traité d'alliance conclu en 1777, et qui autorisent les régiments suisses à continuer de jouir du libre exercice de la justice. Je n'ignore point non plus que notre Constitution, qui a proscrit tous privilèges, a sagement respecté les conventions arrêtées avec les puissances étrangères. Mais je suis bien éloigné de conclure avec votre comité diplomatique, que ces principes nous forcent naturellement à reconnaître, non seulement que le droit de revision établi en France, ne peut point s'appliquer au jugement qui retient dans les galères ae Brest les malheureux, objets de nos sollicitudes, mais encore que nous n'avons pas le droit d'étendre sur eux les bienfaits de l'amnistie accordée aux Français. Je suis bien éloigné de penser que, par ce qu'ils n'ont pas cessé d'être citoyens et dépendants de lois de leurs cantons, quant à l'administration de :la justice, une amnistie prononcée en France ne puisse pas plus s'appliquer à eux qu'à ceux de
leurs concitoyens qui ne sont jamais sortis de leur patrie.
Le rapporteur de votre comité diplomatique confond ici le simple droit de juridiction, qui peut devenir l'objet d'une stipulation entre alliés avec le droit de souveraineté qui est inaliénable.... 0r; un des premiers attributs de ce droit imprescriptible et sacré, est le droit de protection dont tout souverain a le plein exercice sur tous ceux qui habitent dans Ses Etats, et auquel il ne pourrait renoncer quand il le voudrait lui-même.
Faut-il décider s'il existe ou non un crime? c'est la loi du territoire qu'il faut consulter, puisqu'il ne peut y avoir de crime où il n'y a pas d'infraction de loi. Ce n'est que lorsqu'il s'agit de juger le criminel, que le privilège helvétique peut être réclamé; sans doute, il doit être jugé d'après les règles prescrites par ses lois, mais le crime sur lequel il doit être jugé doit être déterminé par la loi du territoire qu'il habite, ou le jugement prononcé contre lui est un véritable assassinat judiciaire.
Mais si la loi territoriale doit être le fondement de l'accusation et du jugement de tout accusé soit étranger, soit regnicole, peut-on dire que le malheureux qui a été condamné sous le pretexte qu'un délit a été par lui commis dans l'étendue ae la domination française, ne doit pas profiter de l'amnistie qui efface toute idée du crime dont la supposition seule a été la base de sa condamnation ?
On n'oserait soutenir qu'un acte déclaré légitime par nos lois peut devenir l'objet d'une accusation criminelle, et encore moins d'une condamnation envers un étranger comme envers tout autre citoyen parce qu il faut qu'il existe un crime avant que des poursuites puissent avoir lieu, avant que des peines puissent être décernées. Or, la loi de l'amnistie ne fait autre chose, sinon dénoncer cette déclaration d'après la-quelle il n'est plus permis d'imputer à crime l'acte sur lequel la volonté nationale s'est solennellement expliquée. Et, pour savoir si un citoyen doit jouir du bienfait de l'amnistie, il n'est pas besoin de s'informer s'il est ou non Français d'origine, mais il est nécessaire de s'assurer si l'acte, qui est couvert par une amnistie, a été par lui commis sur le territoire de la puissance par laquelle l'amnistie a été accordée, parce qu'on ne peut trop le répéter, c'est la loi seule du territoire qui détermine si une action est ou non criminelle aux yeux de la société. (Vifs Applaudissements.)
C'est un principe, vous a-t-on dit, que les articles d'un traité passé entre deux Etats doivent toujours être entendus en faveur de celle des parties contractantes pour laquelle ils ont été stipulés. J'invoque cette maxime, établie par votre comité diplomatique lui-même. C'est dans le sens favorable aux Suisses qu'il faut entendre la clause qui assure aux membres du corps helvétique la certitude de ne pouvoir être jugés que suivant les règles judiciaires de leur pays : on ne peut donc pas se faire un titre de ce privilège, qui n'a d'autre obiet qu'un simple exercice de juridiction, pour les priver du bénéfice d'une loi à la volonté de laquelle tout pouvoir judiciaire doit être nécessairement subordonné.
Mais, objecte-t-on, jusqu'à ce jour la loi de l'amnistie a été étrangère aux membres du corps helvétique enrôlés au service de la France. D'abord vous avez vu que cette proposition n'est pas exacte, et que deux ordonnances de Louis XIV, des 6 mars et 20 avril 1673, ont prononcé une amnistie en faveur nominativement des Suisses
et Grisons qui prendraient parti dans les régiments et compagnies franches Suisses. Serait-ce bien là d'ailleurs, Messieurs, une objection sérieuse? et où en serions-nous si un pareil raisonnement avait pu arrêter les opérations du Corps constituant? Mais avant l'immortelle époque de notre Révolution, répondrai-je et au rapporteur de votre comité diplomatique, et au grand juge des gardes suisses de Louis XV, dont il invoque l'autorité, les peuples connaissaient-ils leurs droits? Lorsque la nature des rapports qui doivent exister entre la nation et son chef n'était pas même déterminée, faut-il s'étonner si la base des relations de puissance à puissance était elle-même méconnue! (Applaudissements.)
Je ne suis pas plus touché du prétendu danger qu'il y aurait à indisposer de fidèles alliés. Si le corps helvétique était capable de se servir d'un pareil prétexte pour renoncer au bienfait de notre alliance, il ne serait digne ni de notre estime, ni de nos regrets; mais c'est insulter le premier peuple de l'Europe, qui ait connu les Droits de l'homme, que supposer qu'on puisse l'aliéner par l'exercice d'un droit national, par un acte éclatant de justice. (Vifs applaudissements).
Je conclus donc à ce que les soldats de Ghâ-teauvieux soient à l'instant mis en liberté, et voici mon projet de décret :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que l'amnistie est un acte du pouvoir législatif, auquel le pouvoir judiciaire doit être subordonné ; que cet acte doit avoir son exécution dans tout l'Empire, et que les étrangers, comme les autres habitants du royaume, ne pourraient y être soustraits sans porter atteinte à la souveraineté du peuple.
« Décrète que l'amnistie prononcée par le décret du 14 septembre dernier, pour faits relatifs à la Révolution, s'étend à tous les habitants de la France soit étrangers, soit regnicoles ; charge, en conséquence, le pouvoir exécutif de faire, sans délai, mettre en liberté les soldats de Chà-teauvieux, détenus aux galères de Brest. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix !
D'autres membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres présentent des rédactions du décret à rendre.
, rapporteur. Je demande que vous ne décrétiez pas en ce moment... (Murmures.)
(fl s'élève une vive agitation.)
Il faut décréter que les soldats suisses seront mis sur-le-champ en liberté ; car le décret d'amnistie s'est étendu sur eux.
Il est inutile d'accorder la priorité à aucune des rédactions proposées, car toutes tendent au même but Je demande que vous décrétiez seulement que les 40 soldats de Château-vieux seront mis en liberté, et que vous renvoyiez la rédaction au comité.
Plusieurs membres : Non ! non !
Je voudrais qu'il ne fût pas parlé dans le décret des soldats de Ghàteauvieux, mais qu'il fût dit les soldats en général, soit étrangers, soit regnicoles et, en conséquence, qu'il fût donné ordre au pouvoir exécutif de mettre hors des galères tous les étrangers qui y sont détenus.
Voici la rédaction que je propose :
« L'Assemblée nationale déclare que les 40 soldats de Châteauvieux, détenus aux galères de Brest, sont compris dans l'amnistie prononcée par le décret du 14 septembre dernier, et décrète, en conséquence, qu'ils seront mis en liberté. » (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
D'autres membres demandent ;la priorité pour la rédaction de M. Pastoret.
(L'Assemblée accorde la priorité à la rédaction de M. Pastoret.)
, Je mets aux voix le décret d'urgence.
(L Assemblée adopte le décret d'urgence.)
Je mets aux voix la rédaction de M. Pastoret.
(L'Assemblée adopte la rédaction de M. Pastoret.) (Vifs applaudissements.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité diplomatique, sur la continuité de la détention de 40 soldats du régiment suisse de Châteauvieux aux galères de Brest, pour faits relatifs à la Révolution française;
« Considérant que rien n'est plus urgent qu'un acte d'humanité, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence,
« Déclare que les 40 soldats de Châteauvieux, détenus aux galères de Brest, sont compris dans l'amnistie prononcée par le décret du 14 septembre dernier;
« Et décrète, en conséquence, qu'ils seront mis en liberté. »
(La séance est levée à dix heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
POUR L'ASSEMBLÉE NATIONALE.
Observations rapides (1) sur les conditions d'éligibilité des commissaires de la comptabilité, par Ant. Burté.
Un décret du 15 septembre 1791 a ordonné l'établissement d'un bureau de comptabilité composé de 15 commissaires à la nomination du roi.
Cette nomination a été faite le 3 novembre suivant.
Le 23 du même mois, les individus compris dans cette nomination ont demandé, par l'organe du ministre des contributions publiques, d'être admis à présenter leurs hommages à l'Assemblée nationale.
Le lendemain 24, un membre a observé qu'il
était bon de connaître comment cette composition était faite; que la voix publique ne prônait ni les lumières, ni le patriotisme de ceux qui la formaient; qu'il était prudent de ne pas les admettre et d'autoriser le Président à leur faire une réponse avant de les avoir connus.
Il a demandé, en conséquence, qu'avant d'admettre dans le sein de V Assemblée les commissaires de la comptabilité, le pouvoir exécutif fût tenu d'en envoyer la liste (1). Cette proposition a été décrétée .
Le 1er décembre, séance du soir, le ministre des contributions publiques a envoyé à l'Assemblée la liste des sujets nommés par le roi commissaires de la comptabilité; le lendemain 2 décembre, séance du matin, un membre a dit que la nomination de ces commissaires étant officiellement connue, il pouvait avancer qu'il aurait quelque reproche à faire contre chacun de ceux qui étaient portés dans la liste envoyée à l'Assemblée; que le décret qui avait laissé au roi la faculté de les choisir, n'avait fixé aucune des conditions d'éligibilité; mais que les fonctions de ces commissaires étant si importantes, puisqu'ils remplaçaient les ci-devant chambres des comptes, l'Assemblée ne pouvait pas se dispenser de s'en occuper; que trois d entre eux étaient parents des ministres ; que la dénonciation des ministres sur les objets de finance, était laissée aux soins et à la vigilance du bureau de comptabilité; que si on permettait que ce bureau se composât de parents des ministres, la responsabilité de ceux-ci ne serait plus qu'un vain nom. Le même membre a propose en conséquence de renvoyer au comité de législation la question de savoir si les ministres avaient pu nommer pour commissaires de la comptabilité leurs parents ou leurs beaux-frères, et de charger le comité de proposer en même temps les conditions d'éligibilité pour l'avenir (2).
Un autre membre a proposé d'examiner si l'on pourrait choisir pour commissaires de la comptabilité des parents des députés de l'Assemblée nationale.
Le renvoi de ces diverses propositions a été décrété.
Il a été décrété aussi que les commissaires de la comptabilité seraient admis, le dimanche suivant, à présenter leurs hommages à VAssemblée, mais sans rien préjuger sur les conditions d'éligibilité.
Au jour indiqué, l'admission a eu lieu ; elle a même été suivie de compliments et d'applaudissements.
Ces premiers faits offrent plus d'une réflexion.
L'admission des commissaires de la comptabilité a été restreinte à l'examen des conditions d'éligibilité : cette admission n'était donc qu'une présentation conditionnelle; elle ne méritait donc ni approbation, ni improbation; et dès lors, la réponse de M. le Président était peut-être prématurée.'
Cette admission, ainsi restreinte, laissait à décider la question de savoir si les commissaires présentement nommés étaient susceptibles des conditions d'éligibilité; et, dans le cas contraire, de charger le pouvoir exécutif de faire au autre choix. C'était donc le cas de croire qu'avant tout, le rapport du comité de législation et le décret à rendre sur ce rapport avaient besoin d'être faits, rendus et connus ; qu'ensuite devait venir l'application des conditions décrétées pour confirmer
la nomination faite, ou en ordonner une autre totale ou partielle. En troisième lieu, les commissaires, dont la nomination aurait été confirmée, devaient présenter à l'Assemblée des vues générales, des vues de réforme, et surtout les principes d'un Code de comptabilité. Rien de tout cela, cependant, n'a été fait, et n'est peut-être pas venu à l'idée.
On m'objectera peut-être que les conditions à décréter ne seront applicables qu'aux nominations à faire à l'avenir.
Il paraît èffectivement que l'opinion du comité de législation et de celui de l'examen des comptes, est dans le sens de cette objection; car déjà le comité de l'examen des comptes, sans avoir égard au très misérable plan remis le 4 décembre 1791 par les commissaires provisoires de la comptabilité sur l'organisation de leur bureau, a présenté, le 30 du même mois, un projet de décret sur cette organisation; déjà,par le même projet de décret, le bureau de comptabilité sera mis en activité avant le 15 janvier présent mois. L'opinion du comité de l'examen des comptes est donc que l'Assemblée nationale approuve purement et simplement la nomination des membres du bureau de comptabilité, telle qu'elle a été faite et annoncée par le pouvoir executif.
Delà, deux conséquences : la première, c'est que la proposition de renvoyer au comité de législation l'examen des conditions d'éligibilité deviendra sans objet d'ici à 15 ou 20 ans, et que l'admission des commissaires nommés le 3 novembre ne devait être soumise à aucune restriction. La seconde conséquence, c'est que ces dispositions, si elles sont adoptées, entraîneront ae grands inconvénients et de grandes pertes pour la nation : je le prouverai bientôt ;ie dois auparavant dire un mot du principe de l'établissement du bureau de comptabilité.
On n'a pas encore oublié que le décret du 15 septembre 1791, portant création de cet établissement, a été rendu sur le rapport d'un membre de la minorité du comité central de liquidation de l'Assemblée constituante, contre le vœu très connu de là majorité des membres de ce comité : il est vrai que la grande différence d'opinions roulait plutôt sur le tribunal que sur le bureau dé comptabilité, et cette discussion n'appartient pas à mon'objet.
On n'a pas oublié non plus que le comité avait été partagé sur la question de savoir si la nomination des commissaires de la comptabilité serait faite par le, pouvoir législatif ou par le pouvoir exécutif. On a pensé, avec raison, que le pouvoir législatif étant chargé de cette nomination, ne conserverait pas dans sa plénitude le droit de contrôle sur les opérations de fonctionnaires qu'il aurait choisis; au lieu que cette nomination, quoique sainement préjugée devoir être plus ou moins vicieuse entre les mains du pouvoir exécutif, laissait au Corps législatif le droit de contrôle et de surveillance, qui ne peut appartenir qu'à la nation.
Ces réflexions paraissent conséquentes et sans réplique : elles se trouvent même consignées dans l'article 1er du décret du 15 septembre, qui dit .que les 15 personnes nommées par le roi ne pourront être destituées que sur la demande des législatures. Cet ^article réserve donc au pouvoir législatif le "droit d'improHver celles des nominations des commissaires de la comptabilité, relativement auxquelles il lui serait justifié que les candidats ne sont pas dans la mesure convenable et suffisante de talents et de vertus. .le supplie le
lecteur de vouloir bien se pénétrer du sens de cet article.
J'ignore si le comité central de liquidation de l'Assemblée constituante s'est occupé d'une autre question, celle de savoir si les représentants de la nation étant choisis parmi le peuple et par le peuple pour déterminer le mode et la somme des contributions annuelles nécessaires à l'entretien de la force publique, le même peuple n'avait pas aussi le droit de choisir et de nommer ceux qui devaient préparer la connaissance de l'emploi de ces contributions.
De ce système puisé dans la nature des choses, fondé sur la justice, la raison et la liberté, le rapport du comité central de liquidation de l'Assemblée constituante n'en dit rien. Serait-ce parce que les nominations faites par le peuple sont à un terme donné de 2, 3, 4 et 6 années, et qu'au cas particulier les fonctions ont besoin d'être étendues à un plus grand nombre d'années? Si tel avait été le motif du comité, je pourrais répondre d'abord en lui opposant l'alternat ordonné aux commissaires de la comptabilité par l'article 1er du décret du 15 septembre: ensuite, je dirais qu'il était facile, ou d'accorder une permanence, ou de calculer un nombre suffisant d'années de fonctions, en conservant toujours au Corps législatif l'initiative relativement aux conditions (féligibilité.
Je puis ajouter que l'article 4 du décret du 15 septembre, qui assujettit les commissaires de la comptabilité à fournir chacun un cautionnement en immeubles de 60,000 livres, est immoral, inconvenable, impolitique et inconstitutionnel, et je serais en état de le démontrer par un raisonnement victorieux; mais, comme d'autres citoyens se proposent, à ce que l'on m'a assuré, de traiter ces différents points, je me bornerai à développer quelles doivent être, dans tous les cas, dans tous les temps, les conditions d'éligibilité des commissaires de la comptabilité.
Autant l'examen de ces conditions peut être facile, autant il doit être sévère; car l'objet de cet examen est infiniment délicat.
En effet, les commissaires de la comptabilité recevront les comptes, tant de la Trésorerie nationale que de la caisse de l'extraordinaire; ils apureront ces comptes ; ils en dresseront les rapports.
Chaque rapport sera signé par trois commissaires qui demeureront responsables des faits qu'ils auront attestés.
Dans les cas où, lors de l'examen des comptes, il paraîtrait qu'il a lieu à exercer l'action résultant de la responsabilité contre les ministres ou autres agents du pouvoir exécutif, le bureau de comptabilité pourra requérir d'abord desdits ministres ou autres agents, les éclaircissements qui lui paraîtront nécessaires ; et, sur le compte qui en sera rendu à l'Assemblée nationale législative, elle décidera s'il y a lieu à exercer l'action de la responsabilité.
Voilà ce que m'apprend le décret du 15 septembre 1791.
Ces principes me paraissent clairs ; ces dispositions me paraissent grandes et positives ; elles expliquent, d'un seul jet, l'étendue, l'importance, la dignité des fonctions attribuées aux commissaires de la comptabilité.
Le bureau de comptabilité formera donc une sorte d'intermédiaire entre les comptables et la nation, à qui les comptes doivent être rendus.
S'agissant de la fortune publique, il faudra donc éviter soigneusement le danger de Yinex-
périence qui donnerait trop d'avantages à des comptables astucieux qui se prévaudraient, saris doute, des connaissances qu'us auraient acquises dans ce genre d'escrime, pour couvrir leur déprédations, leurs infidélités.
Le bureau de comptabilité doit donc présenter une responsabilité morale, collective et capable d'affermir de plus en plus la confiance que le public aura besoin d'attacher aux talents éprouvés, aux qualités individuelles, aux vertus de chacun des membres de ce bureau.
Nul ne peut donc, nul ne doit être admis à ces places, si, par des services marqués, si, par des connaissances locales et pratiques, il n'a pas été jugé apte à remplir de si hautes obligations.
Les commissaires de la comptabilité dont l'aptitude aura été sévèrement examinée et reconnue, doivent donc joindre aux lumières de l'expérience, un cœur pur, inaccessible à la séduction.
Préposés à surveiller l'action de la responsabilité des ministres, ces commissaires ne doivent donc pas craindre ces ministres, n'être ni leurs créatures avouées, ni leurs obligés, ni leurs parents.
Telle est l'analyse sommaire des conditions d'éligibilité applicables aux commissaires de la comptabilité; et ce simple développement, comparé avec ce que j'ai eu le courage de publier ae l'opinion due aux personnes que le pouvoir exécutif vient de nommer à ces places, suffirait peut-être pour mettre à portée de prononcer sur ces conditions.
Mais la comptabilité n'est pas au courant, car les petites parties sont arriérées de 3 à 4 années, et les parties majeures le sont de 8 et de 10; d'où il résulte une masse commune d'amèrement de 6 années sur toute la comptabilité.
Mais ces comptes arriérés ne peuvent pas être soumis à un mode nouveau, à un code tout neuf, à un code clair, sûr, simple, facile et concis, puisque le décret du 4 juillet 1791 me dit que les recettes, les dépenses et les reprises de la comptabilité arriérée, seront établies et justifiées d'après les mêmes règles et par les mêmes pièces requises jusqu'à ce jour par les lois, ordonnances et règlements, pour chaque nature de comptabilité.
Ce décret laisse donc subsister, relativement à la comptabilité arriérée, les formes anciennes, soit de rédaction, soit de présentation, soit de décharges provisoires, tant sur la recette que sur la dépense ; parce que, sans doute, les frais préparatoires, les dispositions préalables ont été présumés faits ou remplis, ou prêts à l'être.
C'est donc la comptabilité arriérée dont l'examen, l'apu remeut et les rapports exigeront plus particulièrement des soins soutenus et courageux, une sagacité qui n'appartient pas au premier venu.
C'est donc la comptabilité arriérée qui prescrit impérieusement aux commissaires vérificateurs le complément des conditions d'éligibilité.
Je range dans la première ligne de ces conditions une expérience consommée ; et cette condition n'étant pas justifiée en faveur des candidats, l'exclusion doit être précise et sans modification.
En général, bien des personnes se flattent d'avoir cette expérience consommée, et elles sont dans l'erreur ; car les opérations de la véritable comptabilité, de celle des deniers publics surtout, embrassent nécessairement deux parties, la partie mécanique et la partie morale.
La première est la science routinière de prin-
cipes bons ou mauvais, de formes régulières ou vicieuses; et cette science s'acquiert avec du temps et de la mémoire.
La partie morale est la science (de prononcer, non a'aprèsdesprincipes,non d'après des formes, mais sur des principes et sur desTormes; et cette science n'est réservée qu'à ceux qui, avec des dispositions natives, ont fait de ce genre de travail une étude pratique constante et réfléchie, un examen profond, méthodique et raisonné.
J'irai plusloin, et je dirai qu il y a tels comptes arriérés de deniers publics sur la recette desquels un très petit nombre de personnes serait en état de prononcer ; je vais en donner un exemple.
Antérieurement à 1790, il y avait un grand nombre d'agents en sous ordre chargés du payement de diverses dépenses annuelles pour beaucoup de millions. Les fonds destinés à l'acquittement de^ ces dépenses, n'étaient pas prélevés immédiatement sur le produit de l'impôt. Ces fonds résultaient d'assignations délivrées à ces payeurs parle ministre de la finance, sur la caisse générale ou sur les caisses particulières, sans affectation régulière et périodique, relativement à chacune de ces caisses, et sans mesure fixe et -déterminée pour la somme annuelle à laquelle telle ou telle caisse devait concourir pour le payement de telle ou de telle dépense, d'après les ordres du ministre de la finance.
Ces ordres, avant d'être présentés aux caissiers, étaient préalablement convertis en récépissés du commis du grand comptant du Trésor public ; et ces récépissés étaient autant de reconnaissances d'un versement par la caisse particulière sur le produit de l'impôt.
Les agents comptables de sommes ainsi extraites des caisses ou générales ou particulières, lorsqu'ils rendaient, lorsqu'ils rendront leurs comptes, ont toujours été et seront encore très attentifs à porter la somme de leur dépense au plus haut possible ; c'est-à-dire qu'ils n'ont pas négligé, qu'ils ne négligeront pas d'employer en dépense le plus petit article qui a constaté ou qui constatera un payement ordonné et effectué, et dont ils ont justifié ou dont ils justifieront par les quittances des parties prenantes, bien ou mal articulées, et plus ou moins légales.
Quant à la recette, c'est ici la pierre angulaire: cette recette, elle a été et elle sera encore établie et justifiée par les duplicatas délivrés à ce? comptables, des quittances par eux fournies aux caisses primaires ; mais ces quittances ne sont représentatives à l'égard de ces caisses que de sommes versées sur le produit de l'impôt, et elles ne désignent pas l'emploi secondaire de ce produit; en sorte que, muni de ces duplicatas, un comptable du second et du troisième ordre, s'il est infidèle, n'en présentera en recette que dans la proportion de la somme totale dont il aura besoin pour rapprocher beaucoup sa recette de sa dépense ; et ce calcul, ce comptante l'établira faoilement, en laissant à l'écart, en conservant dans sa poche ou en jetant au feu les duplicatas de celles des quittances qui l'obligeraient de démontrer un excédent de recette de quelque conséquence.
Je viens de aire que ce calcul serait facile à établir, à cause d'une première facilité, celle accordée par les anciens gardes du Trésor public, consentie et autorisée par l'ancienne administration, de faire couper en des sommes quelconques et. partielles, au choix, à la convenance des différents comptables, une ou plusieurs quittances originairement expédiées pour des sommes plus fortes : alors, ie comptable infidèle, qui connaît
rigoureusement et à mesure le montant de sa dépense, n'aura pas manqué de demander et d'obtenir de ces coupures pour balancer, à quelque chose près, sa recette par sa dépense.
Je dis à quelque chose près; car un comptable infidèle, qui n'ignore pas que la concordance parfaite entre la dépense et la recette d'un compte de deniers publics, est presque un être de raison, n'aura pas la maladresse de chercher cette concordance, quoique les moyens en soient à sa disposition, ainsi que je viens de l'expliquer.
Ce cas s'est présenté mille fois ; il se présentera encore très souvent; et, sans vouloir articuler ici, comme je le pourrais, quels sont les comptes qui peuvent présenter ces abus, ces dangers, je dois parler de deux moyens de les prévenir.
Le premier, c'est que l'examen, l'apurement et le rapport d'aucun compte de deniers publics, ne devraient en être commencés, sans qu'au préalable le bureau de comptabilité ait sous les yeux le compte à rendre par chaque comptable sur le même exercice : car ce qui fait recette à l'égard des caisses primaires, forme les 4 cinquièmes et quelquefois la totalité de la dépense des caisses secondaires.
La comparaison de tous ces comptes d'un même exercice, et le rapprochement des articles tant de recette que de dépense, peuvent d'abord faciliter beaucoup la certitude à acquérir sur la recette des comptables en second et en troisième ordre.
Cette comparaison, ce rapprochement, sans exiger une grande somme d'intelligence, en veulent une considérable de soins et d'annotations.
Mais ce premier moyen, déjà il ne serait plus possible de le mettre en pratique pour un grand nombre de comptes; car, ceux des caisses primaires étant arriérés de 8 et 10 années, et ceux des caisses secondaires ne l'étant que de 3 et 4; à quoi serviraient cette comparaison, ce rapprochement, puisqu'à l'égard des comptables au second et du troisième ordre, dont la recette, malgré l'obscurité du mode, est nécessairement identifiée avec la dépense des caisses primaires, tout est consommé à leur égard par des quitus que leur ont délivrés les chambres des comptes surles exercices postérieurs aux comptes à rendre par tes caisses primaires? S'attacher maintenant à faire usage de cette comparaison, de ce rapprochement, ce serait battre le buisson après le départ du gibier.
Pour rendre cette définition plus sensible, il serait utile, sans doute, de donner quelques exemples : j'en prendrai l'engagement, si j'y suis provoqué. Aujourd'hui j'ai besoin seulement de prévenir le lecteur que c'est ainsi que les comptables du second et du troisième ordres se ' sont toujours plus empressés que les autres de présenter, de faire juger, corriger et apurer leurs comptes ; que c'est ainsi que plusieurs d'entre eux ont aû croire qu'aucune erreur, aucune prévarication, aucune infidélité sur la recette ne pouvant être mises en évidence, il leur importait d'obtenir leur décharge le plus prochainement possible; et que c'est ainsi qu'ils n'ont rien négligé pour se procurer cette décharge : alors ces comptables dorment profondément sur l'événement de ces-comptes ainsi, jugés, corrigés et apurés.
L'Assemblée nationale pourrait cependant les tirer de cet assoupissement, si elle ordonnait la revision de tous les comptes rendus depuis 1774 ; cette revision, et je ne me trompe pas, découvrirait une infinité de dilapidations, et pour des
sommes importantes : j'appuie ce sentiment d'un exemple.
En 1788, l'intendant du Trésor public ordonna la revision, par un de ses commis, d'un compte de ce Trésor, compte jugé, corrigé et apuré par la Chambre des comptes de Paris. L'intelligence de ce commis, son zèle opiniâtre lui firent découvrir et prouver une erreur au profit du comptable de 152,162 1. 15 s. 7 d., dont sa recette suivante fut forcée.
Ce fait constant et connu était une forte présomption contre les autres comptes jugés; et ce seul fait justifierait peut-être la nécessité, l'utilité de la revision des autres comptes de la même caisse.
Cependant ces comptes, quoique les plus importants et par la somme de la recette et par la somme de la dépense, ne sont pas encore ceux qui prêtent le plus aux recherches dont je viens de parler.
Si encore, sur tous les comptes jugés, corrigés et apurés, l'Assemblée nationale pensait devoir passer l'éponge, je crois que, sur les comptes à rendre, elle ordonnera l'usage de mon premier moyen concernant l'examen, l'apurement et le rapport de ces comptes.
Mais ce premier moyen isolé serait encore bien faible et de peu d'utilité, puisque j'ai déjà avancé une vérité : c'est-à-dire que les quittances délivrées par les caisses primaires, soit aux caisses secondaires, soit aux comptables du second et du troisième ordres, n'étaient représentatives à l'égard des premières que de sommes versées sur le produit de l'impôt, sans désignation de l'emploi secondaire de ce produit.
Alors la comparaison, le rapprochement que j'ai désignés pour premier moyen, ne satisferaient pas à toutes les obligations imposées aux commissaires de la comptabilité, puisque, avec l'aide de ce seul moyen, ces commissaires ne seraient pas encore en état de préjuger et d'assurer si, dans l'espèce que je viens de citer, la recette d'un compte serait exacte ou non.
Que faut-il donc pour préjuger et prononcer sur l'exactitude d'un compte arriéré de deniers publics? Le voici : c'est un tact très fin, c'est une touche très délicate, c'est une judiciaire très exercée; et tel est mon second moyen.
Mais ces qualités si précieuses, si intéressantes pour la fortune du peuple, tiennent essentiellement à la grande habitude des mouvements, des virements de parties, des passages de fonds, des opérations fictives et de toutes les relations entre la caisse générale et les caisses particulières sous l'ancien régime ; à la connaissance des dépenses ci-devant assignées sur les unes et autres caisses ; à la connaissance encore très détaillée de la nature des dépenses dont les comptables du second et du troisième ordres étaient chargés de faire le payement.
Mais cette grande habitude, ces connaissances réunies qui doivent caractériser la première con~ dition d'éligibilité des commissaires de, la compta-bilitè, on ne les trouvera pas chez les hommes ordinaires;-on ne les trouvera pas même chez les écoliers de la première force; on ne les trouvera que chez les grands maîtres.
Mais ces grands maîtres sont très rares : mais ils n'intriguent pas ; mais ils ne sont pas dans le sens et ne conviennent pas aux deux ministres que j'ai osé inculper.
Cependant, je ne hasarde rien, en assurant que ce serait avec le secours des lumières de ces grands maîtres que l'on pourrait parvenir à aper-
cevoir, à saisir et à fixer le fil de ce dédale d'une étendue incommensurable, qui recèle l'origine et la cause de ce grand nombre de fortunes acquises aux prix des sueurs du peuple.
Je dois croire que le nouveau mode de comptabilité, de celui qui commencera à avoir son effet à compter du 1er janvier 1792, ne laissera plus de porte ouverte à des moyens si commodes ae faire disparaître la connaissance précise de la quotité des fonds reçus par chaque comptable. Une chose à cet égard me tranquillise et me rassure : c'est l'espérance, c'est la presque certitude que le plan de la nouvelle comptabilité sera rendu
Eublic par la voie de l'impression; que les ommes instruits seront à portée de le connaître et de le discuter, et que le comité de l'examen des comptes voudra bien accueillir les réflexions utiles qui lui seront adressées, pour ne présenter à l'Assemblée nationale qu'un travail a l'abri de censure et de danger pour les comptables comme pour la nation.
Ant. Burté.
Séance dudimanche er janvier
1792
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du ;procès-verbal de la séance du samedi 31 décembre au matin.
Un autre de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 31 décembre au soir.
Un membre : Il faudrait que le décret relatif aux Suisses de Châteauvieux ne fut pas sujet à la sanction, et je propose pour ce, ae le rédiger ainsi :
« L'Assemblée nationale, considérant que les soldats de Châteauvieux ont été compris dans le décret du 14 septembre dernier et-qu'ils doivent être mis en liberté, décrète qu'il n y a pas lieu à délibérer. » (Bah! bah!)
Un membre : Je demande à prouver qu'il n'y a pas d'urgence et que ce n'est que l'exécution d'une loi déjà décrétée. Il y a eu une loi générale. Cette loi générale ne peut être restreinte au préjudice d'un particulier par un autre particulier. Or, il n'existe aucune loi qui restreigne la loi générale au préjudice des soldats de Châteauvieux, donc elle doit être appliquée aux soldats de Châteauvieux, sans une nouvelle loi.
Je passe à la deuxième proposition; il n'existe aucune loi postérieure...
Nous traitons une question déjà jugée ; elle l'a été d'une manière solennelle et après une très longue discussion. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
Il y a une foule de rédactions. Vous ne devez point déclarer l'amnistie commune puisqu'il y a un décret positif rendu pour les Suisses de Châteauvieux, ie décret du 14 septembre dernier. Je proposerai que l'on dise que par décret de l'Assemblée constituante du 14 septembre, l'amnistie ayant été déclarée commune pour les Suisses de Châteauvieux, l'Assemblée
ordonne, en conséquence, qu'ils seront mis en liberté.
L'Assemblée constituante décréta, le 14 septembre, que le roi serait prié d'interposer ses bons offices auprès des cantons suisses.'
L'Assemblée a fait hier un acte d'humanité, on ne doit pas réclamer aujourd'hui ; je demande l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre d'un citoyen anonyme qui fait à la patrie un don patriotique de 300 livres ; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Défendre la patrie est l'obligation stricte de tout citoyen; ceux qui, comme moi, ne peuvent la servir de leur bras, doivent la servir de leur bourse. Permettez-moi donc, Monsieur le Président, de déposer en vos mains les 300 livres ci-jointes afin qu'elles arrivent plus sûrement à leur destination. Je prends l'engagement solennel de réitérer tous les ans cette offrande, tant que pourra durer la guerre impie dont nous sommes menacés.
« Signé : Un citoyen de la section des Tuileries. »
(Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !
(L'Assemblée ordonne la. mention honorable de ce don patriotioque au procès-verbal.)
M. Guéniot, citoyen de Tonnerre et médecin, fait hommage à l'Assemblée d'une ode à la Liberté ; M. Rousseau, citoyen français, fait hommage à l'Assemblée de quelques romances patriotiques.
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de l'hommage de MM. Guéniot et Rousseau.)
Le sieur Michelot, garçon perruquier, fait don à la patrie de la somme de 4 louis, fruit de ses économies, et il demande d'être admis à la barre pour faire lui-même cette offre.
(L'Assemblée décide que le sieur Michelot sera admis à l'instant.)
Le sieur Michelot, en costume depoudre, est introduit à la barre et lit l'adresse suivante :
« Messieurs, l'année 1792 sera marquée par de grands événements. Un peuple souverain, le peuple français, se prépare à faire la guerre pour maintenir sa Constitution, faire respecter ses droits aux tyrans couronnés et mitrés et leur apprendre que la liberté et l'égalité sont la base inébranlable sur laquelle repose et reposera toujours le bonheur des nations et contre laquelle échoueront tous les efforts des tyrans ligués à des prêtres hypocrites. Us seront anéantis les uns et les autres par le fer d'un peuple généreux qui ne s'en sert qu'à regret, par le 1er qu'il apprécie plus que l'or. Mon travail m'en a procuré de ce dernier métal ; j'en ai peu, tout se réduit à 4 louis ; je les dépose sur le bureau pour être convertis en fer meurtrier, destiné à détruire les rebelles de Coblentz et les tyrans qui les soutiennent. Puisse-t-il, ce fer, armer les mains de quelque Scévola..,
« Puisse cette année, que je commence par une
belle action, faire époque dans les fastes du ! monde, et voir s'anéantir pour jamais les tyrans et leurs barbares satellites, et -les peuples, devenus libres, être tous frères. » (Vifs applaudissements.)
Signé : N. Michelot, perruquier, rue d'Anjou, faubourg Saint-Honoré,n° 106.
, répondant au sieur Michelot. Monsieur, vous donnez un bel exemple. Il n'y a pas de douta que cet exemple ne soit imité par tous les amis ae l'égalité et de là liberté. La puissance de ces principes, l'effort que vous avez fait est dans le cœur de tous les Français. L'Assemblée ouvre ses séances en 1792 par votre offrande; elle l'admet et vous invite à .assister à cette même * séance. (Applaudissements.)
Le sieur Michelot dépose son offrande sur le bureau et traverse la salle au milieu d'applaudissements unanimes.
Au nom de la vertu, car un tel citoyen ne peut être qu'un homme vertueux, au nom de la vertu je demande que son adresse soit insérée au procès-verbal et honorablement mentionnée. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète seulement la mention honorable au procès-verbal de l'offre de M. Michelot.)
Dans les circonstances où les citoyens donnent à la patrie des preuves de dévouement et de magnanimité, l'Assemblée doit s'empresser d'exciter le patriotisme et le zèle de chacun d'eux. Nous avons vu, Messieurs, dans des circonstances ' pareilles, des hommes avoir ia récompense de leur belle action par telle ou telle dénomination. Boussard, pilote de Dieppe, qui par une action courageuse avait attiré l'attention du ministrej fut honoré du titre de bravé homme. Ceux qui jadis faisaient des conquêtes s'honoraient en portant Le nom du pays qu'ils avaient soumis par les armes ; un citoyen vertueux, un patriote généreux, vient de s'honorer en honorant la patrie. Je demande qu'on lui accorde le droit d'ajouter à sa signature ces mots : généreux patriote. (Murmures.) L'Assemblée ne peut se refuser à un acte de justice qui engagerait d'autres citoyens-à imiter, celui que nous devons honorer en ce moment.
Je demande que les membres de l'Assemblée nationale, à l'exemple de ce généreux patriote, réalisent l'offre du numéraire qu'ils possèdent.
Je suis de l'avis du préopinant et j'appuie sa motion. Il ne faut pas seulement que nous engagions les citoyens à imiter M. Michelot, il faut augmenter le nombre des exemples que nous ne sommes point insensibles à celui qu'il nous donne. (Applaudissements.) Je vois que tous les membres de l'Assemblée applaudissent et désirent voir réaliser l'objet de cette proposition ; mais il faut qu'elle soit suivie d'exécution. En conséquence, je demande, comme le préopinant, que les membres de l'Assemblée: imitent ce généreux citoyen qui s'est présenté à la barre et fassent une offrande absolument pareille à la sienne.
Un membre : Je m'oppose à cette motion. Une action cesse d'être généreuse dès qu'elle cesse d'être libre, et il n'y a point de mérite à souscrire à une offrande forcée. Le zèle des membres du Corps législatif, dont plusieurs ont donné des preuves en entretenant à leurs frais des gardes
nationales, ne doit être ni prescrit ni excité. Je demande qu'on laisse à chaque membre la liberté de faire à la patrie tel sacrifice que son patriotisme lui dictera sans doute, et je fais la motion de passer à l'ordre du jour ainsi motivé.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour ainsi motivé.)
Un pétitionnaire est introduit à la barre. M. le Président. Monsieur, je vous invite à énoncer sommairement l'objet de votre pétition.
Le-pétitionnaire : Monsieur le Président, l'objet de ma pétitionj qui est signée par plusieurs citoyens de Paris, est d'obtenir des modifications au décret réglementaire des 4, 5 et 6 octobre dernier, relatif à Vorganisation de la garde parisienne soldée, et d'exprimer un vœu pour que la résidence des ci-devant gardes françaises employés dans la troupe du centre soit-définitivement fixée s à Paris.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité militaire!
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
, répondant au pétitionnaire. Monsieur, l'Assemblée vient de renvoyer votre pétition au comité militaire et vous invite à assister à sa séance.
Le pétitionnaire .-Maintenant l'Assemblée veut-elle entendre notre opinion sur la guerre?
, s'adressant au pétitionnaire. L'Assemblée nationale a décrété qu'elle n'entendrait que les objets particuliers aux pétitionnaires et qu'elle renverrait aux comités les opinions relatives aux objets généraux. Elle renvoie la vôtre au comité militaire.
Je rappelle à l'Assemblée que l'Ordre du jour est la discussion du décret d'accusation contre les princes français. Je demande qii'on s'occupe de cet objet pressant avant d'entendre d'autres pétitionnaires. (Cette motion n'a pas de suite.) Un autre pétitionnaire est introduit à la barre et présente a l'Assemblée une adresse qui contient quelques réflexions sur le veto et l'expression d un entier dévouement au maintien de la Constitution.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de législation.)
Messieurs, la ville de Béziers a fait une pétition pour demander un secours pécuniairey dont elle a grand besoin. Elle avait autrefois 30,000 livres de revenus sur les droits de subsides. Ces droits ont été supprimés par un décret de l'Assemblée constituante. De plus, elle a été obligée d'armer à ses frais une garde nationale, parce qu'elle n'a point eu part a la distribution qui avait été ordonnée par l'Assemblée constituante, et ce, par la négligence de l'ancien ministre de la guerre. La municipalité a employé une sommé de 30,000 livres pour armer et équiper sa garde nationale, ce qui, avec les 30,000 livres de droits de subventions qu'elle a en moins, fait un total de 60,000 livres qu'elle se trouve dans l'impossibilité de payer.
Néanmoins, ayant acheté près de deux millions de biens nationaux et les ayant tous revendus, elle demande aujourd'hui à pouvoir payer les dettes qu'elle a contractées et que l'Assemblée nationale ordonne au trésorier du district de lui
payer la somme de 30,000 livres comme acompte des 160,000 livres qu'elle a gagnées sur la vente . des biens nationaux. J'ai en main les quittances qui prouvent que la ville de Béziersapayé toutes les impositions de l'année de 1790 et la moitié de celles de 1791. Je demande que cette pétition soit renvoyée au comité de liquidation, afin que le rapport en soit fait sous huitaine.
Il n'y a pas lieu à renvoyer à un comité. Il y a un décret de l'Assemblée constituante qui porte que le 1er janvier 1792,. les municipalités qui se sont rendus acquéreurs'de biens nationaux et qui les ont revendus, présenteront au commissaire du roi un état des payements faits et un calcul du bénéfice qui leur appartient; et qu'en justifiant par elle, comme l'a ait le préopinant, du' payement des impositions, le commissaire au roi sera autorisé à leur décompter le seizième. La municipalité de Béziers a acquis et revendu des domaines nationaux, elle a payé ses impositions, il n'est donc pas besoin ni de renvoi, ni de décret pour payer ce qui lui est dû. Je demande qu'on passe a 1 ordre au jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Rouyer.)
Une députation des grenadiers du 1er bataillon de la 2® division de la garde nationale parisienne est admise à la barre.
L'orateur de la. députation s'exprime ainsi : Messieurs, le premier bataillon de la seconde légion vient solliciter auprès de vous pour leurs chasseurs, dont le corps a été supprimé par l'Assemblée constituante, la faveur de servir en cette qualité. Dès le commencement de la Révolution, ils partageaient avec les citoyens la gloire de défendre la Constitution; ils soutenaient de leurs bras la liberté. Le titre de chasseur semblait leur imposer le plus terrible degré de force ; ils craignaient de déshonorer leurs drapeaux, et l'habitude de se surveiller les rendait exacts au premier signal de la patrie en danger. Relevez, Messieurs, le courage abattu de ces jeunes guerriers ; ils se rangeront avec un nouveau zèle sous la bannière de la liberté; qu'ils redeviennent compagnie attachée à la garde nationale, ils auront à soutenir une réputation brillante, ils voudront l'augmenter encore par l'ambition de se distinguer.
Grâce aux dignes représentants dû peuple français, les crimes multipliés de nos lâches ennemis ont enfin appelé sur leurs têtes la vengeance des lois. Le glaive est suspendu depuis longtemps; on a osé le lever : vous oserez plus, vous vengerez un grand peuple outragé par une poignée de rebelles:
Ces conspirateurs, enhardis par l'impunité, ont conçu le criminel projet de détruire la Constitution et d'élever une nouvelle Bastille sur les ruines de l'ancienne ; de briser les autels élevés à la liberté par 25 millions d'hommes : ils nous menacent avec une horreur insultante. Hâtez-vous de leur apprendre que les 100 têtes de l'hydre de la tyrannie sont abattues; que leurs préjugés passeront ; que leurs titres sont ensevelis dans l'oubli; mais que la déclaration des Droits de l'homme, que le code dé l'égalité et de l'éternelle philosophie existeront à jamais. Dites-leur qu'ils ne sont à vos yeux qu'une troupe de brigands ; dites-leur que vous ne traiterez avec les cours de Worms, de Coblentz, que lorsqu'ils seront dans les prisons d'Orléans. Les amis de la patrie attendent de vous ce décret. Votre zèle nous l'a promis : vous le rendrez.
Non, il n'existe plus de caste privilégiée. Les
grands ne sont plus. La loi est tout. (Applaudissements.)
La guerre, la guerre, c'est le cri de tous les Français ; assez longtemps les poignards de l'orgueil et du fanatisme ont fatigué notre patience, ont provoqué notre indignation. Ordonnez, et les enfants de la patrie détruiront les archives poudreuses de l'antique noblesse, ils en feront un sacrifice expiatoire à la déesse de l'Egalité. La clémence serait faiblesse. Faisons un signe et nos ennemis ne sont plus. C'est en nous qu existe la force physique de l'Etat, le premier droit de la nature. La trompette guerrière qui donnera l'éveil du combat, sera réveil de l'Europe ensevelie sous ses fers.
Pouvons-nous douter un instant de la victoire? Et si cet auguste Sénat contient dans son sein des Démosthènes, des Mirabeaux, les guerriers français compteront parmi eux des Pélopides, des Brutus. Nous serons prodigues d'un sang répandu pour cimenter l'édifice de vos lois. Celui qui a brisé ses fers ne sait plus être esclave ; il préfère la mort. (Applaudissements.)
, répondant à la députation : Vous venez de faire entendre un discours digne d'un citoyen et d'un militaire. Le premier objet de votre demande est de redemander vos frères d'armes séparés de vous. L'Assemblée nationale s'en est déjà occupée.
Le rapport a déjà été plusieurs fois à l'ordre du jour. L'immensité des travaux de l'Assemblée nationale est la seule chose qui ait empêché qu'il n'y ait été statué jusqu'à présent.
Vous avez ajputé un vœu pour la guerre, un . vœu pour l'accusation des chefs des ennemis de la France. Vous allez être témoins de l'attention avec laquelle l'Assemblée nationale va peser ces grands objets, qui vont donner en même temps un grand exemple. Vous avez cherché dans l'histoire des exemples : l'histoire ancienne n'offre rien de comparable au spectacle, qu'offre à notre Constitution le patriotisme aes Français. Cynéas admis dans le Sénat de Rome, crut louer beaucoup les patriciens en leur aisant qu'il croyait être admis dans une assemblée de rois. Ce n'èst point dans un sénat de rois, Messieurs^ que vous êtes admis, c'est dans une assemblée d'hommes libres. L'Assemblée nationale vous invite à sa séance. (Applaudissements.)
(Sur la motion jl'un de ses membres, l'Assemblée décrète le renvoi au comité militaire de la pétition des grenadiers nationaux, et ajourne à lundi soir le rapport sur l'organisation de l'armée parisienne.)
Une députation des citoyens de la section de la Fontaine-de-Grenelle est introduite à la barre et réclame des secours pour les pauvres et indigents de cette section.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité des secours publics !
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours publics.)
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
Je demande qu'à, l'instant on ouvre la discussion sur le décret d'accusation contre les princes. (Applaudissements.) S'il reste du temps, nous l'emploierons à recevoir les pétitionnaires.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Treilh- • Pardailhan et décrète que le rapporteur du comité diplomatique et celui du comité de surveillance seront successivement entendus.)
, au nom du comité diplomatique. Messieurs, votre comité diplomatique en adhérant à l'amendement proposé par M. Brissot (1), m'a chargé de vous présenter un projet dé décret d'accusation et une analyse sommaire des motifs qui l'ont déterminé. Ces motifs se réduisent à la solution de ces deux questions :
Y a-t-il lieu à accusation? Quelles personnes devons-nous accuser?
Nous ne vous dissimulerons pas qu'on peut opposer à cette démarche des considérations polîti-
Sues qui, au premier coup d'oeil, ne paraissent pas énuées de fondement, mais un examen plus réfléchi, des observations plus approfondies ont convaincu votre comité, que les craintes dont on chercherait à vous environner n'ont aucune réalité. Quand bien même'elles seraient fondées, votre premier devoir est d'être justes. Ce n'est pas pour composer avec vos devoirs que le peuple vous a revêtus de sa confiance. Votre faiblesse relâcherait bientôt les rênes du gouvernement, donnerait à la Révolution une marche rétrograde. Votre fermeté seule sauvera la France. L'existence d'une grande conjuration formée contre la liberté, ne peut être douteuse, des princes français se sont mis à la tête des conjurés ; c'est par eux, c'est en leur nom que se fomentent ces divisions intestines qui nous déchirent, et la coalition des puissances étrangères qui nous menacent. . Déjà vous avez accusé des hommes que vous avez regardés comme complicës de ces attentats, pourriez-vous en respecter encore les principaux agents? Que deviendrait cette première égalité qui forme' la base la plus essentielle de notre Constitution? Les représentants du peuple français reconnaîtraient-ils une si étrange différence entre les hommes? Les princes sont-ils moins coupables que la tourbe insensée qu'ils ont armée contre leur patrie, parce que la France a plus fait pour eux que pour leurs complices? Les hochets de l'orgueil pèseraient-ils donc encore dans la balance ae la justice? Messieurs, vous n'avez point le droit de faire grâce; le peuple vous a confié le soin de veiller à la sûreté générale de l'Etat, et vous a chargés de poursuivre et de dénoncer en son nom les attentats qui le compromettent. Vous ne pouvez, sans trahir la nation, abdiquer ce droit, ou vous refuser à l'exercice des fonctions qui vous sont déléguées. Vous n'avez point à distinguer entre les coupables; vous n'avez ni le droit de punir, ni celui d'absoudre; vos fonctions se bornent à accuser. Organes du peuple, c'est en son nom que vous devez poursuivre, lorsque la loi l'exige, lorsque la tranquillité publique le commande. Lorsqu'il existe, le crime nepeutêtre douteux ; notre silence serait une trahison.
Il s'agit donc uniquement d'examiner si la conjuration existe, et si la sûreté générale de
l'Etat est compromise, car la nécessité de l'accusation est une conséquence nécessaire et
inévitable de la seule vérification de ce fait. Eh bien, Messieurs, ce fait, de concert avec
le roi, vous l'avez dénoncé à l'Europe entière. Le roi, sur vos invitations, a sommé les
prinees allemands de faire cesser les dispositions hostiles des Français émigrés, rassemblés
sur leur territoire. Cesdémarches ont déjà entraîné des préparatifs de guerre, vos troupes
sont rassemblées sur les frontières; comment donc lorsque vous êtes sur le point de déclarer
la guerre aux puissances qui permettent ou protè-
Mais qui devéz-vous nommément accuser? Votre comité a pensé que, dans les circonstances actuelles, vous deviez vous borner à mettre en état d'accusation les deux frères du roi, le prince deCondé, les sieurs Laqueuille, Galonné et Mirabeau.
Plusieurs membres : Et Bouillé ! (Applaudissements dans les tribunes.)
D'autres membres : Silence aux tribunes !
, rapporteur. Votre comité se propose de vous faire incessamment le rapport sur la question particulière qui s'est élevée relativement au cardinal Rohan, et qu'un de vos décrets lui a renvoyée. Quant aux sieurs d'Autichamps, Breteuil, Bouillé, et autres principaux agents de la conjuration, votre comité n'a pu se procurer, quant à présent, des renseignements assez positifs. (Bruit dans les tribunes.)
Plusieurs membres : On ne peut pas y tenir, les tribunes font trop de bruit.
Monsieur le Président, ordonnez le calme, nous ne devons pas l'attendre.
J'ai donné des ordres pour le maintenir.
Un membre : Il faut l'ordonner publiquement.
, rapporteur. Votre comité n'a pu se procurer jusqu à présent des renseignements assez positifs sur les faits ultérieurs à la loi d'amnistie, pour motiver le décret d'accusation.
Il vous proposera seulement des mesures accessoires, qui vous faciliteront les moyens d'étendre successivement ces décrets d'accusation aux agents et complices reconnus de cette conspiration. Ces mesures consistent à ordonner au ministre des affaires étrangères de remettre à votre comité diplomatique, dans le plus bref délai, toutes les notes et tous les renseignements que les ministres et agents de la France auprès des puissances étrangères ont dû lui faire parvenir sur les démarches officielles que les envoyés des princes français se sont permises dans les mêmes cours, et sur les secours qu'ils ont sollicités contre la France. Si ces ministres ont rempli leur devoir, rien n'a pu échapper à leur surveillance. Si leur correspondance est muette à cet égard, ils sont coupables, et vous ne devez pas encourager une semblable connivence par une scandaleuse impunité. (Applaudissements )
Ce n'est pas à vous, sans doute, à diriger les négociations; mais ce qui a rapport à l'exercice du droit d'accusation nous est exclusivement attribué. Le ministre des affaires étrangères vous doit compte de tous les faits qui peuvent intéresser dans son département la poursuite des délits qui compromettent la sûreté générale. Supposer qu'il est le maître de ne lever le voile qu en partie, qu'il peut borner ou restreindre à son gré les instructions qu'il vous donne, ce serait attribuer aux agents du pouvoir exécutif l'initiative la plus dangereuse sur les délibérations de ce genre, soumettre votre indépendance et la plénitude du pouvoir que la nation vous délègue, à la volonté arbitraire de quelques individus et aux ténébreux détours d'une politique
ministérielle dont il serait impossible de pénétrer jamais lès secrets.
Voici le projet de décret d'accusation :
« L'Assemblée nationale, considérant que les représentants du peuple français, chargés de poursuivre, en son nom, les attentats contre la sûreté générale de l'Etat, n'ont pas la liberté de suspendre ou de modérer à leur gré l'exercice de ce droit; qu'il ne leur est permis ni de punir ni d'absoudre, et "qu'agents impassibles de la volonté nationale, ils trahiraient la confiance publique, si, convaincus de l'existence du crime, ils n'appelaient pas, sur tous les coupables indistinctement, les regards sévères de la justice et la vengeance de la loi;
« Considérant que la notoriété publique et des actes extérieurs connus de l'Europe entière ne permettent plus de douter que des Français fugitifs ont formé le coupable projet d'attenter à la liberté de leur patrie; que des princes français se sont déclarés les chefs de cette conspiration ; qu'ils ont calomnié la nation, ses représentants et son roi; tenté d'élever des doutes sur la sincérité de l'acceptation que Louis XVI a solennellement proclamée; appelé autour d'eux une foule de rebelles, fait des préparatifs hostiles, suivi des négociations auprès des puissances étrangères, sollicité d'elles des secours en hommes, en armes et en argent, ouvertement dirigés contre la France, fomenté dans le sein du royaume des divisions funestes, tenté d'ébranler la fidélité de plusieurs agents de la force publique à qui la garde de nos places frontières est confiée, entretenu des relations suspectes dans l'intérieur et fait enrôler et recruter au nom du roi jusque dans le sein de la France ;
« Considérant que les mesures projetées par l'Assemblée nationale au commencement du mois de novembre dernier, et le délai qu'elle avait accordé, n'ont fait qu'accroître l'audace des rebelles, provoquer des réponses séditieuses et insolentes aux exhortations fraternelles du roi (1), nécessiter des armements considérables, entretenir au milieu de nous des inquiétudes funestes au crédit, et une fermentation dangereuse pour la tranquillité publique;
« Considérant que cet état de choses ayant forcé l'Assemblée nationale et le roi à prendre, de concert, des mesures décisives pour faire expliquer les princes voisins qui favorisaient les dispositions hostiles des révoltés, de plus longs ménagements de la part des représentants au peuple à l'égard des rebelles et de leurs chefs, compromettraient ouvertement la dignité de la nation, et ne pourraient être envisagés que comme une prévarication coupable ;
« Considérant enfin qu'il est de son devoir de prendre des précautions indispensables pour
assurer l'effet ae cette démarche ; que les agents du pouvoir exécutif lui doivent compte de
tous les éclaircissements qu'ils ont dû se procurer sur les démarches officielles des
révoltés auprès
« Décrète qu'il y a lieu à accusation contre Louis-Stanislas-Xavier, Charles-Philippe et Louis-Joseph, ci-devant Condé, princes français; les sieurs Calonne, ci-devant contrôleur général, Laqueuille l'aîné, ci-devant député à l'Assemblée constituante, Riquetti cadet, ci-devant député à l'Assemblée constituante, comme prévenus d'attentat et de conspiration contre la sûreté générale de l'Etat et la Constitution; ordonne que dans le délai de trois jours, les comités diplomatique et de législation réunis lui présenteront un projet d'acte d'accusation contre eux ;
« Ordonne que le ministre des affaires étrangères sera tenu, sous sa responsabilité, de remettre, dans le même délai, au comité diplomatique, tous les notes et éclaircissements relatifs à l'existence et à la poursuite desdits complots, que les agents de la nation auprès des puissances étrangères ont dû lui faire parvenir ; comme aussi de dénoncer à l'Assemblée nationale ceux d'entre eux qui se seraient rendus coupables de connivence avec les révoltés, soit en les favorisant ouvertement, soit en gardant le silence sur les démarches criminelles qu'ils se sont permises sous leurs yeux, à peine d'en demeurer personnellement responsables. »
, au nom du comité de surveillance. Messieurs, dès le 25 du mois de novembre dernier, vous avez décrété que le comité de surveillance vous présenterait un projet de décret sur les mesures définitives à prendre contre la conjuration des ennemis de la patrie. Cette conjuration était déjà certaine à cette époque; mais depuis les documents envoyés à votre comité, les décrets d'accusation que vous avez rendus, votre message au roi, la réponse qu'il y a faite, les préparatifs de guerre dont vous avez décrété les fonds, tout a rendu incontestables les projets hostiles de nos ennemis, tout vous fait un devoir de les attaquer par tous les moyens que la Constitution vous délègue.
La plus importante des mesures qu'ait à vous présenter votre comité, la plus juste, la plus né-cessaire, celle que le vœu public vous demande, et que vous ne pouvez pas refuser à un peuple libre, qui veut absolument l'égalité des droits, c'est un décret d'accusation contre les princes français.
Quant votre comité s'est déterminé à vous proposer ce décret, c'est votre propre sagesse qu'il a consultée. Vous avez, en effet, décrété, les 8 et 9 novembre dernier, que l'absence des princes français, à l'époque au 1er janvier 1792, les constituerait coupables du crime. de lèse-nation, et qu'ils seraient, en conséquence, punis de mort. Le chef suprême du pouvoir exécutif a refusé, il est vrai, son consentement au décret qui contient cette déclaration, mais si le veto peut empêcher l'exécution des mesures les plus sages et les plus pressantes, il ne lui est pas donné de changer la nature des choses, d'usurper le droit de la raison et de l'évidence, ni de faire que la nation improuve par un mot des résolutions profondément méditées.
Ce serait, Messieurs, une chose inutile que de rappeler ici les grands motifs qui déterminèrent votre décret du 9 novembre. Tout ce qui s'est
{tassé depuis, a prouvé que vous aviez bien jugé es projets hostiles des émigrants, et que dans
les inquiétudes qui vous avaient agités, votre inviolable attachement à la patrie ne vous exagérait pas ses dangers. On connaît aujourd'hui jusqu'à quel point se sont accrues les forces de nos ennemis par cette longue impunité dont on les a laissés jouir, puisqu'il est vrai qu'il nous faut une armée de 150,000 hommes pour dissiper leurs desseins.
Je sais que les Français qui composeront cette armée sont bien éloignés de regarder comme un malheur d'être appelés à dissiper cette ligue de rebelles, ces hordes de traîtres; je sais que dans une mission aussi belle, tous sacrifieront leur vie, s'il le faut, pour la liberté de leur pays, mais dans le secret des familles qu'ils auront abandonnées, que de regrets et que d'alarmes ! Eh! pour Vous, Messieurs, dont le vœu le plus ardent serait d'alléger le fardeau des contributions publiques, quelle cruelle nécessité que celle ae consentir aux dépenses extraordinaires que des préparatifs de guerre rendent toujours indispensables. Eh! ce sont les princes français, qui nous ont réduits à ces fâcheuses extrémités, ce sont eux qui ont projeté d'y porter la famine et l'incendie, plutôt que d'y laisser régner paisiblement la Constitution et la liberté ! Oui ! Messieurs, ce sont eux !
Je ne rappellerai point, pour vous en convaincre, toutes ces déclarations d'enrôlements dont vous avez eu connaissance.- Je ne rappellerai point ce que vous disait, le 22 novembre, votre comité, diplomatique, que les princes français recrutaient publiquement et ayec une audace inouïe pour ce qu ils appelaient l'armée des princes. Je présenterai seulement trois dispositions qui n'auront besoin que d'un peu de développement pour être adoptées.
Je dirai : les Français émigrés n'attendent que l'occasion de faire la guerre à leur patrie, les princes français sont nécessairement les chefs ae cetye conspiration; puisqu'ils sont réunis aux conspirateurs. Or, ils sont réunis aux conspirateurs, puisqu'ils ne sont pas dans leur patrie ; (Murmures. Oh! oh !) que les Français émigrés aient formé des projets nostiles contre la France, vous n'en doutez plus. Ces Français conjurés, pour ramener l'inégalité dans leur pays, en observent sans doute les règles dans leur association. Ils se font un devoir ae reconnaître les princes français pour leurs chefs. Ceux-ci, sollicités par leur propre gloire, par le roi leur frère, de rentrer en France, accusés par la voix publique de haute trahison, condamnés par l'Assemblée nationale, s'ils ne rentrent pas, n'ont tenu compte de rien. La haine des Français, même la justice de l'Assemblée nationale, la sollicitation ae leur frère, les ordres mêmes qu'illeura donnés comme roi, tant d'audace désignerait plus sûrement des coupables; que des dénonciations multiples. Jamais ils n'auraient supporté des soupçons, des imputations de ce genre, s'ils ne les eussent méritées. L'honneur seul eût suffi autrefois pour rappeler, du bout du monde, un Français suspect de conjuration. Cependant les princes ne rentrént pas, ils sont donc complices des conjurations formées contre la France; s'ils en sont complices, ils peuvent en être les chefs.
J'en ai dit assez sans doute, et le décret d'accusation est déjà porté dans vos cœurs ; mais il faut répondre à certaines objections qui ont été faites dans cette Assemblée. Elles pourraient être reproduites, et prendre un temps précieux, si l'on ne les prévenait pas.
Pourquoi, vous a-t-on dit, rendre un décret
inexécutable ? Pourquoi dénoncer à la haute-cour nationale les princes français, s'il vous est absolument impossible de les lui livrer? Pourquoi? parce que indépendamment de toute autre considération, la justice doit se faire entendre aux hommes sitôt qu'un forfait a troublé l'ordre social; parce que la voix de la justice seule les rassure et les console ; parce que le devoir d'un tribunal établi pour la poursuite de pareils crimes, est de rigueur, par cela seul fa poursuite de pareils crimes est de rigueur, par cela seul que le crime a été commis. Suffirait-il donc qu'un coupable se dérobât à la peine qu'il aurait méritée, pour que la justice, instruite du délit, restât indifférente ou muette?
Non, Messieurs, l'Assemblée nationale doit un grand exemple à la France ; elle le donnera ; elle doit consacrer, par tous les moyens qui dépendent d'elle, ce principe si cher aux peuples libres, que la patrie est un objet sacré; qu'attenter à sa sûreté c'est provoquer infailliblement le mépris des hommes et la vengeance des lois; et que les coupables qui ne pourront être livrés au glaive de la justice, lui seront au moins abandonnés.
Rappelez-vous, Messieurs, ce jour où l'ex-mi-nistre Montmorin, mandé pour mire connaître à l'Assemblée nationale l'état de ses relations avec les puissances étrangères, vous parla des émigrations, c'était le 31 octobre dernier. Il vous ait ces propres mots :• « Au surplus,-Messieurs, cette émigration qui est devenue une espèce d'épidémie dont sans doute il est à désirer de voir finir le cours, est plus affligeante qu'inquié-. tante. Le roi a fait cesser le motif qui pouvait lier les puissances étrangères à là cause des Français éloignés de leur patrie. Eh ! dès ce moment, que pourraient tous leurs efforts, en supposant même qu'ils eussent le projet de les diriger contre elle? »
Ainsi le ministre, en vous présentant des considérations, ne négligeait rien pour vous dissuader des mesures rigoureuses auxquelles vous étiez entraînés. Cependant un mois après, le roi nous a dit ici, en réponse de votre message, que dans une circonstance où il s'agissait de l'honneur du peuple français et de la sûreté de l'Empire, il avait cru devoir vous porter lui-même sa réponse ; il vous a dit que vous l'aviez décidé à prendre des mesures decisives pour faire cesser ces rassemblements extérieurs qui entretenaient, au sein de la France, une inquiétude, une fermentation funestes.
Il ajoutait : « J'ai pensé qu'il ne fallait négliger aucuns des moyens qui pouvaient préserver la France des maux incalculables de la guerre. Ces-moyens, je les ai tous employés. D'uu côté, j'ai tout fait pour rappeler les Français émigrants. dans le sein de leur patrie, et les porter à se soumettre aux nouvelles lois que la grande majorité de la nation avait adoptées; de l'autre, j'ai employé les insinuations amicales, fai fait fàire: des réquisitions formelles et précises pour détourner les princes voisins de leur prêter un-appui propre à flatter leurs espérances, et à les-enhardir dans leurs téméraires projets. Mes démarches n'ont pas eu le même succès auprès des princes : des réponses peu mesurées ont été faites à mes réquisitions. Ces injustes refus provoquent des déterminations d'un autre genre. »
Ainsi cette émigration qui, le 31 octobre, était selon le sieur Montmorin, plus affligeante qu'inquiétante, se trouve, un mois après, compromettre 1 honneur de l'Empire français et la tranquillité publique; occasionne une augmentation de dé-
pensés qui nous épuise et compromet plus souvent la liberté qu'une guerre ouverte et déclarée. Ainsi, selon le même ministre, le roi, dès le. 31 octobre, avait fait cesser le motif qui pouvait lier les puissances étrangères à la cause des Français éloignés de leur patrie : selon lui, les puissances étrangères ne donnaient à ces derniers aucuneprotection quelconque. Et cependant, le 29 novembre, le roi n'avait encore reçu, de la part de quelques princes allemands, qu une réponse peu mesurée à ses invitations, réponses qui ont provoqué des déterminations d'un autre genre.
Messieurs, il est affreux pour des délégués du peuple, uniquement occupés de son bonheur, d'avoir pensé qu'ils peuvent être trahis par des conspirateurs, chargés, par état et par devoir, de veiller au bien public. Le seul moyen de remédier à cette incertitude, à cette inquiétude du peuple, c'est de surveiller sans cesse, d'être inaccessibles aux considérations particulières, et de ne jamais abandonner les principes ni la ligne des devoirs.
Le roi vous est. Messieurs, un exemple des dangers auxquels s'expose le magistrat du peuple, lorsqu'il se livre à des motifs de confiance particulière, plutôt que de se conformer aux règles ordinaires de la sagesse. Il a refusé son consentement à votre décret, il a suspendu les mesures que vous' aviez prises ; il a voulu essayer eneore si des sollicitations amicales ne pourraient pas changer les résolutions de ses frères; il a porté une proclamation, dans laquelle il ne conteste ni la realité du délit que vous vouliez faire réprimer, ni la-légitimité de la détermination, que vous aviez prise : il en a cependant empêché l'effet, sans s'apercevoir que, dans cette circonstance, il ne faisait autre chose, en apposant son veto, que s'arroger le droit de faire grâce à des coupables, que lui-même était bien éloigné d'excuser.
Je ne pense pas, Messieurs, qu'aucun des membres de cette Assemblée puisse voter en faveur de l'impunité, par des considérations prises, plus ou moins, dans l'amour que les Français doivent avoir pour leur roi et pour sa famille. Une vérité bien essentielle, et que je ne crains pas de dire à cette tribune, c'est que le plus grand malheur dont la colère céleste puisse irapper un peuple libre, est de lui inspirer l'amour de ses représentants. (Applaudissements.) Dès qu'on se passionne pour ses mandataires, on n'est plus en état d'apprécier leur conduite, on est à leur merci. (Applaudissements.)
Le gouvernement représentatif est le seul bon, parce qu'il est celui de la confiance ; mais lorsque ae la confiance on passe à l'amour, à je ne sais quel attachement servile que de bas courtisans cherchaient autrefois à inspirer au peuple pour le monarque qu'ils appelaient son père; fors-
Si'enfin on se passionne pour ses mandataires,
ors autant vaut-il se mettre à la merci de leurs volontés despotiques. Le peuple doit juger souvent ses représentants, les surveiller sans cesse, ne prononcer sur l'inaltérabilité de leurs princi-eset sur la solidité de leur intention, que lorsque a pierre funèbre les sépare des corrupteurs. Qu'un peuple soit heureux, qu'une population nombreuse le prouve, que des fêtes publiques l'annoncent, les magistrats qui le verront seront assez récompensés, la postérité fera le reste.
.Vous le rendrez, Messieurs, sans aucun mélange de faiblesse et dans toute la dignité convenable, ce décret d'accusation que vous devez au peuple français, que vous devez à Delâtre, à Varnier et autres : que vous devez à vous, Messieurs, depuis le 8 novembre dernier. Montrez à la nation que la loi est en effet la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse; qu'on ne pense pas qu'envoyés par le peuple pour défendre ses droits, vous puissiez un instant balancer entre ce devoir et des considérations particulières : que si nos nobles défenseurs sont assez heureux pour faire prisonnières les personnes coupables, qu'ils sachent qu'ils peuvent les faire conduire sans délibérer dans* la haute-cour nationale.
Votre comité vous propose purement et simplement, Messieurs, de porter un décret d'accusation contre les princes français du royaume. Il ne mêle à ce décret aucune décision relative à l'administration de leurs biens matrimoniaux, ou de leurs traitements, ou de leur apanage, soit pour écarter toute disposition qui pourrait rendre la sanction nécessaire, soit parce qu'il a été rendu sur cet objet, dans le mois de juillet dernier, un décret dont l'examen serait indispensable et pourrait entraîner une longue discussion. A cet égard, il serait d'avis d'un ajournement. Il ne vous propose pas non plus d'englober dans le décret contre, les princes, leurs complices, par la raison toute simple que les motifs de décider pourraient n'être pas les mêmes à l'égard de ce décret, que cela pourrait fournir matière à discuter plus longtemps, et que cet acte dejustice, relativement aux princes, ne peut souffrir aucune difficulté.
Votre comité se borne donc à vous présenter un projet de décret tout simple, sans préambule. Il vous propose de déclarer qu'il, y a lieu de mettre en état d'arrestation Louis-Stanislas-Xavier, Gharles-Philippe-Louis-Joseph, Louis-Henri-Joseph de Bourbon, prince français, comme prévenus d'attentat et de complots contre la tranquillité publique et la Constitution, il vous propose d'ajourner à huitaine ce qui concerne l'administration de leurs biens, et de charger votre comité des finances de vous présenter les mesures qu'il croit convenables. (Applaudissements.)
(M. Grangeneuve lit un projet de décret conforme à ces conclusions.)
L'Assemblée vient d'entendre deux rapports sur le même'sujet. Je crois qu'il est intéressant de déterminer quel sera le rapport qui sera soumis à la discussion de l'Assemblée.
M. Gensonné vous a présenté... [(Murmures et interruptions)
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Je demande que l'on n'entende que les orateurs qui parlent contre ; car si tout le monde est d'accord, il est inutile d'ouvrir la discussion.
Je crois que les mesures proposées par le comité diplomatique remplissent parfaitement l'objet que nous avons en vue. Je demande que l'Assemblée aille aux voix sur son projet.
Q serait infiniment dangereux, infiniment impolitique dans une question de ;cette importance, d'avoir l'air de vouloir l'étouffer en adoptant, comme de confiance, le
projet d'un comité. Je dis qu'il est de votre justice, si quelques membres ont à vous proposer de nouveaux motifs à l'appui 'de ceux que votre comité vousaoffert,de les entendreavecpatience. L'Europe et la France ont les yeux sur vous; peut-être, par les mesures que vous prendrez, allez-vous éviter les malheurs d'une longue guerre.
Un membre: Je demande comme motion d'ordre qu'on ne suive pas la liste écrite; mais qu'on entende tous ceux qui pourraient être (ravis qu'il n'y a pas lieu à accusation.
Je pense que nous ne devons pas ouvrir la discussion. (Non ! non! Applaudissements). Nous avons juré de maintenir la Constitution; la Constitution dit que les conspirateurs contre l'Etat seront envoyés à la haûte-cour nationale ; or, les princes sont conspirateurs ; vous ne pouvez donc plus, sans trahir votre serment, prolonger une pareille discussion. (Applaudissements.)
Votre comité diplomatique et celui de surveillance sont d'accord sur les mesures qui sont essentielles en cette circonstance; cependant, je me garde bien de penser comme le préopinant, qu'il faille y porter tant de précipitation. La plupart de vous, Messieurs, peuvent avoir leur opinion faite, mais plusieurs peuvent ne l'avoir pas encore. La France sait déjà que vous avez indiqué à ce jour cette importante discussion; il a échappé à l'orateur (1) qui l'a proposé, d'annoncer que le décret d'accusation serait donné au peuple pour étrennes, (Murmures.)
Plusieurs membres : Allons donc!
Nos ennemis l'ont déjà calculé et voudraient s'en faire avantage. C'est une raison pour nous, Messieurs, de méditer avec attention cette grande mesure. (Murmures et exclamations.)
Plusieurs membres : Lisez la liste de la parole !
Je demande que l'on donne à M. Becquey la parole contre le projet de décret.
Un membre : Je demande qu'on invite expressément les membres qui veulent parler contre le décret à prononcer leur opinion.
Un membre : Au moyen de ce que le comité diplomatique et le comité de surveillance se sont réunis pour dire qu'il y avait lieu à accusation, je crois qu'il faut commencer la discussion par demander s'il y a des membres de l'Assemblée qui croient qu'il n'y a pas lieu à accusation.
(L'Assemblée décide que la discussion sera continuée et que ceux qui voudront parler contre les projets de décret seront d'abord et alternativement entendus.)
Maintenant je vais faire l'appel de ceux qui sont inscrits. Trois membres sont inscrits pour combattre le décret d'accusation, ce sont MM. Genty Morisson et Hua; ils seront entendus contradictoirement avec MM. Le-quinio, Jean Debry et Quinette. La parole est à M. Mouysset qui la demande pour faire connaître un fait qui pourra déterminer la décision de l'Assemblée.
Vous avez assez de motifs pour porter le décret d'accusation contre
Louis-Sta-nislas-Xavier, prince français ; mais s'il vous
La parole est à M. Genty qui demande l'ajournement.
(1). Messieurs, je n'entreprendrai pas d'affaiblir les sentiments d'indignation que vous font éprouver les crimes des princes rebellés; le plus grand des forfaits à mes yeux, comme aux vôtres, est de déchirer le sein de sa patrie et dé chercher à lui donner des fers ; et personne ne porte plus que moi dans son cœur, la haine des tyrans, des parjures et des traîtres. Les princes émigrés, dans leur orgueil insensé, ont épuisé tous les moyens de nous nuire et d'étouffer notre liberté dans son berceau ; ils ont rompu tous les liens qui les attachaient à nous ; nul ménagement, nulle considération ne sembleraient devoir suspendre la vengeance d'une grande nation prête à éclater sur leurs têtes coupables.
Ce n'est donc pas pour prendre leur défense que j'élève la voix ; c est pour vous entretenir, Messieurs, et de vos intérêts et de votre gloire. Souffrez a'abord que je mesure l'étendue et les suites de la démarche qu'on vous propose.
Le décret d'accusation est un grand ressort que la Constitution a mis en vos mains, pour sauver la chose publique dans des temps d'agitation et de trouble; mais ce moyen extraordinaire doit-il être employé dans les conjonctures où il est au moins douteux qu'il puisse produire son effet. Ce ressort redoutable ne perd-il pas toute son énergie, quand il n'est déployé que pour enfanter un vain bruit? * Nous l'avons éprouvé. Messieurs, et le Corps constituant nous en a offert une expérience qui ne doit pas être sortie de votre mémoire. 11 a déclaré Bouillé infâme et traître à la patrie, et fait signifier par l'organe du pouvoir exécutif, au chef de la branche des Condé, de s'éloigner des frontières et de déclarer ses intentions, sous peine d'être regardé comme un ennemi et un parricide. Qu'a produit cette démarche éclatante, qui semblait aux yeux du vulgaire porter le caractère de la force et de la grandeur? Ce qu'elle a produit, Messieurs ! Bouillé fit retentir dans toute l'Europe ses bravades insolentes, et il poussa l'audace et la démence jusqu'au point de provoquer la nation française par un cartel impie. L'envoyé de votre roi fut reçu par Condé avec ce dédain cruel dont les princes seuls possèdent le secret, et dont seuls ils apprennent l'art perfide dès leur enfance.
Voilà, Messieurs, les affronts qui nous ont fait rougir à la suite du décret de
l'Assemblée constituante... Et ces affronts intolérables sont restés impunis ! Un pareil
exemple ne devrait-il pas au moins vous faire balancer, et retenir un moment le foudre prêt
à s'échapper de vos mains? Ne craignez-vous pas de compromettre votre glaive, en décelant
aux yeux des nations, un courroux impuissant ? Ne craignez-vous pas que le signe de la
souveraineté ne devienne désormais un signe de faiblesse, et que le grand ressort qui vous
est confié ne soit plus dans vos mains qu'un jouet méprisable? Si le temps n'est pas venu où
vous puissiez atteindre les têtes les
Les auteurs du projet qui vous est présenté, ont-ils bien considéré la question dans ses rapports avec la grande mesure que vous avez adoptée pour faire respecter la nation française et mettre fin à tant d'inquiétudes, de précautions ruineuses et de vains débats? Vous avez, Messieurs, résolu de déployer un appareil formidable et de donner à vos ennemis, dans un court délai, le choix d'une guerre ouverte ou d'une paix décidée. Ne serait-il pas prudent d'attendre ce délai fatal, afin de mieux observer les suites du parti qu'on veut vous faire embrasser?
Vous avez fait une déclaration solennelle de vos principes, sur la nature de la guerre que vous êtes peut-être sur le point d'entreprendre. Vous avez fait entendre des paroles d'une généreuse modération : vous avez su parler le langage de cette raison universelle qui concilie tous les peuples, et que n'ont jamais pu emprunter les despotes, même dans les intervalles de leurs accès d'ambition et sous le masque de la clémence et d'une douceur hypocrite. G est à la manifestation franche et loyale de vos sentiments qu'est attachée votre gloire et peut-être le succès de vos entreprises. Vous avez ainsi donné à votre cause un caractère de grandeur et de justice, qui rangera tôt ou tard de votre parti toutes les nations au monde. Ne Vous exposeriez-vous pas à descendre du poste éminent où cette première démarche vous a déjà placés, si vous graviez des tables de proscription à la suite de Fex position de vos principes? Ne serait-ce pas inviter vos ennemis a de cruelles représailles, qui provoqueraient sans cesse de nouvelles vengeances ; et cette guerre, entreprise pour le bonheur des hommes, ne prendrait-elle pas malgré vous un caractère de férocité? Dans cette lutte affligeante et barbare, seriez-vous sûrs de contenir à votre gré et lai fougue de vos guerriers et les convulsions d'un peuple réduit au désespoir? Ne trahissons pas nous-mêmes la cause sublime que nous défendons, en faisant gémir l'humanité sur de nouveaux crimes, en perpétuant les haines, en déchirant et en rendant incurables des plaies qu'il serait temps enfin de fermer et de guérir. (Murmures.) Daignez m'en croire, Messieurs, la générosité, la lenteur à punir traînent rarement après elle le repentir et la honte.
Vous avez formé le plan le plus noble et le plus vaste que l'esprit humain puisse concevoir, c'est d'enchaîner à vos destinées celles de tous les peuples du monde, c'est d'appeler à la jouissance des Dienfaits de la liberté les hommes de tous les .âges et de tous les climats.
Voilà, Messieurs, l'unique et sublime idée dans laquelleil faut voirl'effet de toutes vos démarches. Vous ne devez pas seulement vous dire à chaque instant : « l'univers nous contemple » ; ce mouvement d'un vain orgueil est peut-être au-dessus de la sphère des âmes vraiment généreuses. Mais vous devez vous dire sans cesse : « les destinées du genre humain dépendent de nos actions et de nos pensées. » C'est ainsi, Messieurs, qpe nos âmes épurées ne seront plus ni vindicatives, ni vaines, ni asservies à aucune des petites passions qui ont toujours tyrannisé les hommes depuis Forigine des âges. C'est ainsi que nos cœurs régénérés n'éprouveront plus de sentiment que pour s'attacher aux grandes choses, et qu'ils dédai-
§neront ces affections vulgaires, puisées au sein
e l'esclavage. Rendons-nous dignes de la belle
mission que nous avons à remplir, en préférant toujours le parti le plus généreux.
Or, je vous le demande, oui, j'ose vous interroger, vous tous qui adorez la vertu, vous montrez-vous plus magnanimes, en faisant précéder les hostilités par un décret d'accusation lancé contre les princes rebelles, qu'en vous contentant de déclarer à vos ennemis une guerre franche et ouverte? (Murmures.)
Si vous arrêtez vos regards sur la nation que vous représentez, vous lui devez par-dessus tout l'exemple des plus hautes vertus. Ne vous y trompez pas, Messieurs, la conquête de la liberté n'est qu'illusoire, si les mœurs de la nation ne s'épurent, si les penchants ne s'ennoblissent... (Murmures à gauche. — Applaudissements à droite.)
Je vous prie de m'accorder un instant d'attention : vous êtes libres deblâmer mon opinion, mais vous devez l'entendre.
Je réclame le silence de l'Assemblée.
si les penchants ne s'ennoblissent, si les cœurs ne s'élèvent aux grandes actions et ne s'habituent aux sacrifices des âmes fortes. Mais c'est surtout dans ses législateurs qu'elle doit trouver des modèles de ces nouvelles vertus; c'est surtout de ses législateurs qu'elle doit attendre la première impulsion de ces grands mouvements de la liberté qui l'élèveront bientôt au-dessus d'elle-même et en feront un peuple nouveau. Quelle sera peut-être la surprise de cette nation généreuse qui attend dé vous son salut, sa régénération et sa gloire, lorsqu'après vous avoir revêtus de sa toute-puissance elle vous verra recourir à une vengeance stérile, trop ordinaire ressource des âmes faibles et rampantes?
Vous prenez souvent, Messieurs, chez les Romains des exemples de votre conduite. Voulez-vous leur ressembler à l'époque de la conquête de leur liberté, ou dans les moments d'opprobre qui les ont conduits de la liberté à l'esclavage? Eh bien, Messieurs, quand Rome eût conquis la liberté en expulsant les tyrans, elle leur laissa enlever leurs meubles et leurs effets précieux qui n'étaient cependant que les dépouilles du peuple ; trop magnanime alors pour vouloir profiter d une perfidie, elle renvoyait à ses ennemis les transfuges qui venaient dans son camp pour les trahir : elle eût rougi de devoir à une lâcheté la conquête du monde. Mais lorsque les richesses corruptrices de l'Asie la firent tomber dans l'abjection, et passer honteusement sous la tyrannie des Gésars, elle vit naître dans son sein les proscriptions, les confiscations, les triumvirats. Choisissez maintenant, Messieurs... (Murmures.)
Les départements ont envoyé des députés ici, ou pour parler ou pour entendre. Ceux qui ne font ni l'un ni l'autre manquent à leur devoir. Je réclame le silence pour l'orateur.
La preuve que l'Assemblée écoute, c'est qu'elle murmure : ainsi vous l'inculpez mal. à propos. (Murmures.)
Choisissez, maintenant, Messieurs, et voyez dans laquelle de ces deux époque vous voulez ressembler aux Romains (Quelques applaudissements.)
Je finis en concluant que la démarche qu'on vous propose est actuellement inutile et au moins prématurée, qu'elle peut compromettre votre gloire et former un obstacle aux hautes desti-
nées de la France. En y réfléchissant, (Messieurs, vous la trouverez peut-être dangereuse et indigne de vous. J'en demande l'ajournement. (Rires ironiques et murmures.)
Messieurs, le voici donc arrivé, je ne dirai pas le jour de la vengeance, mais le jour de la justice des peuples. Enfin le voici ce jour tardif ou l'Assemblée nationale, en réparant les torts de sa tardive indulgence, va montrer à la France, justement impatiente, que les siècles du despotisme sont irrévocablement passés pour elle; qu'elle n'a plus besoin, pour secouer ce monstre et le détruire, de ces insurrections tumultueuses et désordonnées si souvent sujettes à d'effrayantes catastrophes, aux vacillations des intrigues politiques et à l'incertitude des événements ; que c'est avec le froid courage de la sagesse, avec équité, dans le calme, par devoir ét selon les lois, que ses traîtres et ses tyrans seront désormais accusés, jugés, condamnes et punis. (Ah ! ah ! Amen.) Je sais qu'à ne considérer que leur éloignement, leur faiblesse ou plutôt leur impuissance et nos forces, ils seraient à peine dignes de votre mépris. Déjà l'on dit, Messieurs, qu ils ont fait des mouvements pour se retirer vers les noires forêts de la Germanie ; puissent-. ils s'y enfoncer assez loin '(Murmures) pour y cacher leurs turpitudes (Murmures), et nous dérober le souvenir de leur existence.
Mais vous devez. Messieurs, l'important décretue vous allez rendre, vous le devez à l'extensiones lumières, à l'instruction publique, vous le" devez-à la France entière, vous le devez pour l'exemple des autres nations et de la postérité, vous le devez pour détruiré la calomnie qui, peut-être s'est déjà élevée contre vous et pour dissiper les soupçons de faiblesse et de ménagements envers des êtres inhumains, indignes d'être les parents d'un bon roi; vous le devez, Messieurs, au patriotisme, à la vraie gloire de Louis XVI lui-même, qui, en jurant le maintien de la Constitution française contre les attaques du dehors et du dedans, a juré de poursuivre et de punir tous ceux, quels qu'ils soient, qui voudraient lui porter atteinte, et de n'avoir, comme Brutus, aucune famille avant la patrie.
Un membre : Votre projet de décret !
Je conclus à ce -que l'on mette en état d'accusation Louis-Stanislas-Xavier, Charles-Philippe, et Louis-Joseph, ci-devant Condé, princes français et les sieurs Rohan, La-queuille, Calonne et Mirabeau, et à ce que leurs biens soient séquestrés.
Je demande à réfuter l'opinion de M. Genty. Je soutiens qué les projets qui vous sont présentés sont incomplets.
Vous aurez la parole après M. Morisson qui doit proposer l'ajournement comme M. Genty.
Messieurs, j'ai demandé la parole pour combattre le projet de décret d'accusation qui vous est proposé par vos comités. Je l'avouerai, il en coûte à mon amour-prôpre de combattre une opinion qui me paraît être celle de la majeure partie de l'Assemblée, être celle de ceux ae' mes collègues dont je connais plus particulièrement le patriotisme et les lumières ; mais les raisons que j'ai à leur opposer paraissent si fortes que j'aurais cru manquer essentiellement à mes devoirs si je n'avais pas eu le courage de vous les proposer. Les voici :
Je conviens, Messieurs, que celui qui aban-
donné sa patrie pour solliciter contre elle des puissances étrangères, qui conçoit et exécute en partie le projet d'v porter un fer parricide, et d'en détruire les lois pour y substituer celles dont elle a reconnu rinjustice et les abus, je conviens qu'il a commis le plus criminel des attentats, qiril mérite la punition la plus sévère.
11 est certain encore que nos princes français, et les émigrés, leurs complices, ont commis les crimes dont je viens de parler, il est donc vrai qu'ils ont encouru la peine la plus grave: ils ont. encouru la peine de mort.
Mais, Messieurs, dans l'état actuel des choses, devons-nous rendre, contre ces nombreux ennemis, des décrets d'accusation? Non, Messieurs; veuillez, veuillez, je vous prie, écouter mes raisons.
Par le décret que vous avez rendu contre les émigrés, vous leur aviez donné jusqu'au mois de janvier pour se repentir ; c'était une véritable amnistie dont ils pouvaient profiter, en remplissant seulement les conditions qu'elle leur imposait. Vos principes, Messieurs, n ontpointehangé ; ils sont immuables, de même que la justice et la générosité qui leur servirent de base.
Maintenant je demande si, après avoir généreusement couvert du voile de .l'indulgence les attentats qui déterminèrent votre décret; si, après avoir accordé, aux coupables, un temps pour se repentir, vous pouvez les livrer aux rigueurs de la justice pour ces mêmes crimes que vous avez paru vouloir leur pardonner, au moins condition-nellement.
Cependant, Messieurs, je conviens que, s'ils n'ont pas rempli les conditions que vous leur aviez imposées, celles de cesser leur rassemblement, de cesser leurs sollicitations auprès des puissances étrangères, et leurs manœuvres secrètes dans l'intérieur de l'Empire, je conviens qu'alors il ne sont plus dans le cas de la grâce que vous leur aviez faite, et que vous pouvez les traiter avec toute la sévérité qu'autorisent la justice et les lois.
Mais, Messieurs, avez-vous la preuve certaine que depuis le 1er janvier 1792, époque fixée par votre indulgence, ils ont continué leur rassemblement, ils ont continué et leurs sollicitations auprès des puissances étrangères et leurs manœuvres dans l'intérieur de l'Empire? Non, Messieurs; vous n'avez pas cette preuve, vous n'avez pas eu le temps de l'acquérir.
Vous n'avez point cette preuve, vous ne pouvez donc, dans ce moment, les accuser sans vous trouver en contradiction, et avec les principes, et avec la conduite que vous avez voulu commencer à tenir à- leur égard.
Ces raisons, Messieurs, me paraissent bien, puissantes. Mais elles ne sont pas les seules sur lesquelles se puisse fonder mon opinion.
Lorsqu'un citoyen ou plusieurs sont accusés par le Corps législatif ou décrétés par un tribunal ordinaire, alors la Constitution, l'humanité, défendent expressément d'exercer à leur égard toute espèce ae rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de leurs personnes ; ainsi, Messieurs, si vous rendiez un décret d'accusation contre les émigrés, vous ne pourriez plus employer contre eux ni .vos canons-ni vos baïonnettes que dans le cas seulement où votre défense l'exigerait impérieusement.
Soumis, dès lors, à la rigueur de la justice, tous les émigrés se trouveraient pour ainsi dire sous sa protection, et le seul devoir que la force armée aurait à remplir, le seul qu'elle pourrait
remplir, serait de s'assurer de leurs personnes; au contraire, Messieurs, si vous retardez vos décrets d'accusation pour le temps où vous serez certains qu'ils ont continué à être coupables, si vous ne les rendez qua contre ceux des émigrés que vous aurez faits prisonniers de guerre, ou que vous aurez remarqués dans les armées ennemies, alors, Messieurs, vous serez sûrs de poursuivre des criminels, des traîtres, et ces traîtres, échappés des combats, n'auront point à se plaindre ae vous, parce que leur crime est trop grave pour pouvoir échapper à la punition lorsqu'on pourra la leur infliger.
C'est ici, Messieurs, que je vous rappellerai l'usage de tous les pays, de tous les temps, lorsqu'un homme passait dans les pays étrangers, lorsqu'il 6e mettait à la tête des troupes ennemis, avez-vous vu que l'on commençait par lui faire son procès? Non, Messieurs, on le combattait, et s'il était fait prisonnier, c'est alors qu'on lui infligeait la peine qu'il avait encourue. (Murmures.) C'est de même, Messieurs, qu'il faut que nous agissions, toute autre mesure me paraît absolument mauvaise.
Il me reste une dernière réflexion à vous proposer ; nos émigrés sont peut-être au nombre de 25,000, ils sont tous coupables des mêmes délits ; tous, sans en excepter un, ont trahi leur patrie, il faut donc les punir tous également d'après les termes précis de la Constitution, qui veut que les mêmes délits soient punis des mêmes peines.
Ainsi, il faudrait environ 25,000 instructions iarticulières, puisque chaque accusé doit avoir a sienne, ainsi que ses moyens particuliers de défense, je ne sais trop si nous pourrions voir la fin de cette immense procédure.
On vous a dit, Messieurs, à cette tribune, que Ton poursuivrait les chefs ; qui vous a dit qu ils étaient les plus coupables? qui vous a dit que ce n'étaient pas les subalternes qui, pour leur propre intérêt, entretiennent les préjugés et les espérances des chefs? Cette opinion est peut-être la plus probable. J'ajouterai, Messieurs, pour dernière réflexion, que le décret d'accusation Ç[ue vous rendrez sera absolument inutile. Il est inutile, Messieurs, parce que tous les émigrés qui seront pris les armes à la main ont encouru la peine de mort. Les lois criminelles sont positives à cet égard, et alors vous devriez indispen-sablement rendre ce décret d'accusation, ce serait donc, Messieurs, rendre un décret d'accusation qui n'est pas nécessaire. Je demande donc, Messieurs, l'ajournement du projet de décret. (Murmures et exclamations.)
(1). Messieurs, j'aurai suffisamment réfuté le préopinant, si je vous prouve grue le
décret d'accusation à porter contre les chefs des rebelles est aussi fondé en politique
qu'en justice. J'avais pensé que l'objet de la discussion qui vous occupe ne pouvait pas
former une question, tant la conclusion m'en paraissait incontestable ! mais, sans doute,
l'intérêt du peuple français prête son importance à ce sujet. La longue patience de la
nation semble rehausser en ce moment ceux qui l'outragent ; non, Messieurs, il n'y a rien
ici d'imposant que la fonction de grand juré que vous allez remplir, il n'y a de grand dans
cette affaire que la nation. Rappelez-vous, Messieurs, votre décret sur les émigrés
rassemblés ; l'intervalle écoulé depuis cette époque n'a pu que très peu modifier votre opi-
La loi ne connaît point de différence entre les coupables. Les chefs des émigrés le sont-ils? Fixez vos regards sur ces rassemblements armés, sur ces recrutements, ces enrôlements faits au sein même de la France, sur ces plans d'attaques connus, ou de corruption dénoncés, et dites si les Tarquins chez Porsenna avaient une autre attitude. Oui, Messieurs, ces chefs séditieux sont en révolte ouverte contre leur souverain : il n'y a ici, ni point de droit à examiner, ni équivoque à lever ; une masse de faits les écrase : c'est contre leur souverain qu'au nom des princes leurs chefs, un Rohan, un Bouillé, un Calonne, ces lâches jongleurs de l'antique féodalité, parcourant toutes les cours de l'Europe, vont publiquement mendier des ennemis. Plusieurs de leurs agents sont dénoncés,.saisis; et l'on demanderait ae quoi ils sont coupables ! que veulent-ils avec ces armes quand tout est en paix ? et que fait à leur suite cette horde de satellites qui frémissent de misère et de rage sous leurs noires bannières ?
Èt quelle est donc cette nation nouvelle, cette vagabonde colonie, que l'orgueil et l'amour des abus ont formée au delà de nos frontières? Vomis de la terre de la liberté, sans asile, sans demeure, c'est cette terre qu'ils veulent réasservir. La France entière est où ils sont; et déjà peut-être le Parlement de Coblentz a condamné le reste de la nation.
Messieurs, toutes ces parodies ne seraient que ridicules et dignes de mépris, si elles n'inquiétaient les citoyens, si elles n'affaiblissaient notre crédit, si enfin elles ne compromettaient les lois, en faisant penser et dire qu on peut les outrager impunément. L'opinion de nos commettants nous devance ; et, de loin, nous considérant à notre hauteur, on s'étonne que nous n'ayons pas frappé quandle crime est constant, quandl'Europeajugé.
Mais, dira-t-on (et l'on vous l'a" dit à cette tribune), si la morale du législateur doit être la même que celle de l'individu, la politique doit différencier sa conduite, et la prudence lui faire oublier ce qu'il ne doit point voir. Examinons donc si une mesure, juste au fond, est inconvenante en politique : les faits me serviront encore de raisonnement.
Tant que les projets n'avaient point de consistance nous avons pu ne penser qu'à raffermissement de nos droits et de notre Constitution ; mais, aujourd'hui que la crainte et l'avidité, excitées par nos traîtres, promènent leurs regards sur la France, sur cette proie si riche et qu'ils disent si facile; aujourd'hui que leurs combinaisons ont pu se mûrir tranquillement à l'ombre des lenteurs, des embarras, de la connivence peut-être de l'autorité ; aujourd'hui que nos forces déployées attendent l'ennemi qu'elles ne connaissent pas, il est de la dignité nationale et de la saine politique comme de l'éternelle justice, que la loi frappe l'ennemi qu'elle connaît.
C'est alors, Messieurs, que, préparés à soutenir vôtre décret d'accusation par toutes les forces de l'Empire, vous apprécierez au juste cette résistance solidaire dont ils s'environnent, dont on | vous menace, et que la malveillance se plait à exagérer.
L'Allemagne entière, l'Epagne, la Suisse, la Prusse*, s'arment dit-on contre nous- la Suède embarque de la cavalerie ; 12.000 Napolitains, 24,000 Suisses, 24,000 enfants de la liberté vien-
dront en arracher les plants sur le sol de la France. Toutes les haines sont oubliées, toutes les discordances cessent, et les intérêts les plus opposés s'allient, dès qu'il s'agit de noUs détruire, nous qui, sur les ruines de la Bastille, avons osé jurer 1 égalité. Voilà ce que l'aristocratie, connue ou cachée, publie chaque jour pour nous amener à ses fins, et avant tout, pour paralyser, par le démon de la peur, la justice de la loi. (Applaudissements.)
On vous a fait apprécier, Messieurs, la mesure fidèle des craintes probables que nous devions avoir à l'égard des puisssances étrangères ; mais je vais plus loin. En vain supposerait-on toutes ces bandes ennemies composées de tyrans mêmes, én vain l'on feindrait de croire que le matelot suédois, le paysan russe et le montagnard hélvétien vont s'identifier à l'orgueil des despotes et à ce qu'ils appellent « l'honneur des Couronnes ». Les sentiments de tous les droits naturels seraient éteints chez eux, qu'on les retrouverait chez nous. Le sénat de Rome voyait les tentes d'Annibal du haut de ses murs quand il vendit la terre qu'elles occupaient. Nous n'en sommes pas à ce point, et nous présenterons auparavant au monde le spectacle imposant d'un peuple immense qui se précipite sur les mille têtes hideuses du despotisme. {Vifs applaudissements.) La France entière se lèvera en pied, comme un seul homme; et le cri terrible : «« la Constitution ou la mort » parcourra en un instant ses nombreux bataillons. S'il faut sacrifier nos propriétés, nous les sacrifierons ; notre vie sera comptée pour rien et nos droits pour tout. (Applaudissements.) Cachés derrière la horde de conjurés les grands Catilinas paraîtront et nos coups ne porteront plus à faux et dans l'obscurité. Enfin s'il est écrit que nous devons succomber, on dira de nous : « Ils avaient mérité d'être libres ; » et notre exemple peut-être ne sera pas inutile aux peuples.
Faites donc, Messieurs, précéder toute autre mesure, toute mesure de force, par l'image sacrée dè la loi ; et peut-être, par là, déjouerez-vous plus d'un complot; peut-être amènerez-vous l'éruption de cette lèpre politique, cachée, depuis la Révolution, au fond du cabinet des affaires étrangères. Il faudra enfin que leur agent, comme tous les autres, parle une langue que nous entendions, et qu'il nous donne la clef de ses chiffres-
Je ne parle ici que des chefs rebelles : eux seuls peuvent être atteints par la loi. S'ils sont prévenus d'attentat contre la nation, ils doivent être accusés ; car il importe à la stabilité de nos lois qu'on n'élude pas leur pouvoir par la révolte. S'ils étaient une puissance, ils devraient être attaqués : si la querelle de ces coupables, ou plutôt leur crime, étranger aux Constitutions politiques de nos voisins, est appuyé par eux, il est manifeste que l'agression vient ae leur part. Si ces princes combinent les intérêts de ces chefs de factieux avec les réclamations qu'ils ont à nous faire; s'ils demandent à transiger pour l'Alsace afin de composer avec Coblentz, une iniquité hardie les déshonorerait moins que cette perfide alliance; et, dans ce cas, qu'ils ne s'en prennent qu'à eux-mêmes des maux qu'ils s'attireront. La nation a juré la paix, mais elle l'a jurée sur ses armes en cas d'attaque. (Applaudissements.)
Ainsi la justice, la dignité nationale, d'accord avec la politique, nous prescrivent de décréter les grands coupables ; toute autre détermination me parait ou précipitée ou timide, et son inévi-
table elfet serait de nous placer dans une position injuste ou craintive à l'égard des étrangers, et de nous exposer en même temps aux trames causées par la coupable inertie de l'intérieur.
Ici, Messieurs, se présente le motif que l'on tait, celui qui fait mettre en avant .tant de circonspection. On eût pu l'avouer, il tient à des sentiments dont on n a point à rougir. Les chefs des rebelles sont frères et cousins du roi des Français, et l'attachement qu'il inspire rend pénible l'idée de sévir contre ses parents, quoique coupables.
C est un doux sentiment que celui de l'humanité 1 mais qu'elle est cruelle la pitié qui, pour épargner quelques individus criminels, expose des millions d'innocents. Le législateur est i'homme de la nation; le roi est l'homme de la nation; sa famille, c'est son peuple. Placé entre l'intérêt de la nation et celui du sang, la vertu (car il en est pour les rois) ne veut pas qu'il balance. Bru-tus condamna lui-même ses enfants rebelles, et Rome le consola : la loi les frappait, ils moururent pour la patrie.
Mais d'ailleurs, qu'on me dise donc, Messieurs, si ces considérations particulières pour la personne du roi, nous ne les avons pas eues? Avons-nous assez souffert d'injures, assez attendu, assez pardonné? Combien de fois l'oubli a-t-il été offert aux rebelles et dédaigné par eux? Eh! si le moindre de leurs affreux projets eût été tramé dans le régime immoral qu'ils veulent rétablir, les insensés eussent-ils échappé au supplice? Les ambassadeurs, les envoyés, les souverains, tout « le malheureux globe civilisé »r eût concouru à venger l'outrage fait au despotisme. L'orgueil d'une femme implacable a fait violer le territoire hollandais pour plonger l'infortuné Latude dans les cachots de Bicêtre ; et depuis trois ans, des bandes furieuses sont à nos portes, troublent nos' familles, débauchent nos soldats, blasphèment contre nos droits et notre liberté, menacent le roi lui-même, et non seulement ils ne sont pas punis mais l'on se demande s'ils sont coupables, parce qu'ils sont parents du roi. (Applaudissements.) Si un seul des motifs que nous avons contre eux eût coloré au moins ces massacres secrets, ces empoisonnements sourds que là raison d'Etat, moins pitoyable qu'une faible indulgence, fit commettre tant de fois près des trônes, on n'eût pas demandé si souvent s'il est une morale pour les princes.
Pourquoi vous le dissimulerais-je, Messieurs? je ne vois dans tous ces mouvements, ces mar -ches, ces contre-marches, ces délais affectés, ces déclarations sans effet, ces menaces faites à demi, que la suite et la reprise d'un grand complot échoué le 22 juin à Varennes. (Murmures à droite. — Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) C'est encore ici la noble transaction qu'on prépare, la restauration des princes de-1 Eglise et des seigneursde ce monde. Non, je ne suspecte pas les intentions du roi : il s'est convaincu du vœu de la France; mais sa conviction, mais sa volonté même, n'ont pas détruit les espérances, des ennemis de l'égalité ; un mot peut le faire, ce mot dépend de vous : c'est le décret d'accusation. (Applaudissements.) La loi doit être à l'égard des princes coupables ce qu'elle est & l'égard des autres citoyens. Autrement, déchirez la déclaration des droits, abjurez la Constitution-et l'égalité, rappelez toutes les vexations féodales, et tenez à bienfaisance si l'on veut vous recevoir à merci.
Après avoir imploré votre condescendance pour
des coupables ci-devant impunissables, sans doute on viendra réclamer votre justice et vous raconter ici qu'ils désarment, qu'ils licencient, qu'ils renoncent à leurs projets, mais Je demanderais, en ce cas, comme l'a fait un de vos orateurs, à quoi bon ces 150,000 hommes dont vous couvrez vos frontières. Ces prétendus repentants ont-ils donc légué leurs fureurs au seigneur de Worms, à l'Evêque de Spire, au bailli d'Ettin-heim? Certes, après tant de preuves acquises, les représentants d'un peuple abusé ne doivent pas croire aussi légèrement, surtout quand le dénouement arrive, quand peut-être le grand intérêt de la ligue est d employer tous les moyens pour nous cacher l'abîme où ils veulent nous entraîner. Ils se repentent! Eh bien! Qu'ils se rendent à Orléans, qu'ils y justifient leUrs erreurs, leurs fureurs ( vifs applaudissements.)-, qu'ils se courbent devant la loi : elle n'est point descendue du ciel pour fléchir devant eux.
Première disposition. — Décret d'accusation : il faut qu'il soit porté sur-le-champ; demain peut-être, il ne sera plus temps ; demain nous pouvons être en guerre; et la guerre ne doit venir qu'après le décret.
Deuxième disposition. —- Suspension de tout payement : il est cruellement absurde que le peuple sème et laboure pour entretenir la rage de ses ennemis.
Troisième disposition, y— Séquestre des biens appartenant à ceux que vous décréterez ; ces biens, Messieurs, doivent être le gage de l'indemnité que pourra nécessiter la bruyante procédure qu'ils occasionneront.:
Il est bien une dernière mesure encore qui, rentrant dans vos vues précédentes, compléterait votre garantie et vous acquitterait envers la nation; elle est liée au sujet de la discussion. Ce n'est pas tout en effet, "Messieurs, que d'être justes et protecteurs, en punissant les coupables ; que d'être prévoyants et politiques, en vous mettant en état de repousser les factions, le crime et ses alliances externes : vous devez encore vous précautionner contre les mouvéments intérieurs, et fermer les issues de la mine qu'on veut faire jouer chez nous, contre nous; je parle du fanatisme ; osez contempler son enrayante histoire ; et vous jugerez si, quand vous déployez vos forces contre les ennemis de votre sûreté, vous pouvez négliger le plus terrible de tous. Coupez donc ces fils souterrains qui vibrent en France, quand on les remue à Coblentz. Ah! s'il n'est malheureusement que trop attesté par l'expérience qu'un révolté fanatique est le plus opiniâtre des coupables, que l'homme qui croit servir Dieu par des crimes, les commet avec joie; qu'il offrirait dans sa démence la ruine de la société, comme un holocauste agréable à son idoie ; si la loi, qui punit les crimes, a proportionné son action à leur activité si elle a puni plus sévèrement l'empoisonneur que le meurtrier, j'oserai vous dire : surveillez les complices des révoltés ; hâtez-vous d'ajouter un Code pénal, une loi contre les instigateurs du crme de sédition fanatique; vous aurez, dès lors, éteint la première torche de toutes les séditions : vous aurez servi la partie ; vous aurez servi le furieux même qui comptait sur l'impunité, et vous aurez épargné à votre humanité le triste devoir de toujours accuser : on ne vous contestera pas, sans doute, le droit de mesurer les délits sur les dangers du corps social, et de graduer les punitions sur ses intérêts.
Non, Messieurs, ceci n'est pointétranger à la question, car depuis les commencements de.la
civilisation, la rivalité ou l'accord de deux puissances n'a jamais existé qu'au détriment des peuples.
Je reviens, au surplus, et je me résume : vous avez à prononcer, non pas d'après une dénonciation vague, mais d'après des faits constants : les coupables n'ont point l'arme cachée; ils la tiennent à la main; us sont dans leur camp, et leur camp est à vos frontières; leur projet n'est point d'aller fonder un Empire nouveau, mais de détruire le vôtre; ils veulent naître grands, et c'est la nâtiort (eux exceptés) qu'ils destinent à être esclave: tout ce que la superstition a de ressources est ouvertement employé en leur faveur. L'Etat flotte entre l'indignation et l'incertitude. Parlez : tout se'concerte, tout se rallie, la Révolution s'achève ; et dès que le crime n'aura plus de privilèges, la nuit au 4 août 1789 sera complète. (Applaudissements.)
Je conclus au « décret d'accusation » qui vous a été présenté par le comité diplomatique, sauf toutefois à retirer le « considérant » oui met une différence entre ces accusés et les Varnier. les Delattre que vous avez accusés de même. Il ne doit point y avoir de différence entre ces décrets.
Je demande qu'on mette aux voix l'ajournement qui a été defnandé par MM. Genty et Morisson; et si, comme je l'espère, il est rejeté, je proposerai la division, afin que le décret d'accusation ne soit pas mêlé avec d'autres dispositions qui paraissent aux ministres tant «oit peu sujettes à la sanction ^ car vous verriez arriver M. Veto qui paralyserait tout et vous renverrait aux calendes grecques. (Rires et applaudissements).
Plusieurs membres : Il faut continuer la discussion !
Je demande l'impression du discours que vient de prononcer M. Debry. (Non! non!)
Un membre : Il faut fermer la discussion avant de prononcer sur l'ajournement !
Il est très vrai que demander à présent l'ajournement, c'est demander qu'on ferme la discussion; je demande qu'elle soit continuée.
La parole est à M. Hua.
Messieurs, il faut peut-être quelque i courage pour combattre ici une opinion fortement prononcée; mais si j'hésitais à dire franchement ce que jè pense ; si, dans une circonstance grave, je faisais d'autres calculs que ceux de l'intérêt public, d'autres combinaisons que celles de la justice et de la vérité, je manquerais à mon devoir par faiblesse ; je serais indigne des fonctions au législateur. Je vais donc les remplir ces fonctions sévères et si souvent redoutables, et je sens que je suis assez fort de ma conscience... (Murmures)... Je prie l'Assemblée nationale de m'entendre avec indulgence et impartialité.
D'abord, ne nous égarons pas sur le véritable état de la question. Elle n'est pas de savoir si un décret contre les princes serait juste, certes aucun ennemi de la patrie ne l'a mieux mérité. Les princes rebelles, obstinés contre la nation qu'ils calomnient, contre le roi qu'ils outragent, cherchant à faire soutenir par les rois de l'Europe leurs prétentions imbéciles et leurs implacables fureurs ; excitant au dehors tous les intérêts, attisant au dedans toutes les passions pour
tous embraser à la fois de tous les feux, les princes ont lassé jusqu'à la clémence, et la nation qu'ils menacent, qu'ils épuisent, peut enfin appesantir sur eux toutes ses rigueurs. (Applau-" dissements.)
Plusieurs membres : Eh bien, aux voix!
Mais... (.Applaudissements.) Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
Mais... (Rires et murmures.)
Rien n'est plus opposé à la majesté de l'Assemblée nationale que ces interruptions et', ces murmures. Je vous supplie, Messieurs, d'entendre les opinants. Plusieurs membres : C'est juste.
un décret d'accusation serait donc lancé avec justice ; mais, Messieurs, dans les conjonctures graves où nous sommes, le Corps législatif a d'autres considérations à peser; il mut examiner : 1° si cette mesure rigoureuse est,
Suant à présent utile, nécessaire pour le salut e la nation ; 2° si elle est politique, si elle n'entraîne pas avec elle des inconvénients qui peuvent compromettre longtemps sa tranquillité et lui susciter des embarras pour l'avenir. Je prie l'Assemblée de me suivre dans l'examen de ces deux questions.
Je pose d'abord ce principe que la nation peut toujours faire justice, mais n!a jamais de vengeance à exercer. La nation n'a pas de passions a satisfaire : elle a des droits à soutenir, des intérêts à défendre, et sa 6ûreté, son repos à conserver. Si, pour conserver sa sûreté, pour veiller à son repos, la nation a besoin de frapper, dès à présent, des princes rebelles, elle doit le faire sans doute : tout relâchement serait une faiblesse ; toute hésitation, un crime ou une erreur. Si, au contraire, la nation puissante et redoutable trouve au dedans d'elle des moyens de force qui mettent sa tranquillité hors d atteinte, elle n'a plus besoin, et dès lors, elle n'a plus d'intérêt d'en employer d'autres : elle peut, elle doit politiquement les réserver pour le temps où ils lui sont nécessaires.
Je dis maintenant que le décret d'accusation contre les princes n'est pas nécessaire à la défense de la nation. (Murmures.) Nous avons deux chances-à courir. (Murmures dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Monsieur le Président, faites taire les tribunes !
Nous avons deux chances à courir : la paix ou à la guerre. Il est peut-être difficile de décider, même aujourd'hui, laquelle des deux sortira de la balance des événements. Si l'on consulte lés projets des émigrés, leur position précaire, malheureuse, désespérée, j'ose croire que cette horde de bandits, poussés par la fureur et la misère, tentera une irruption en France, et viendra y choisir son tombeau. D'un autre côté, si l'on examine leur faiblesse, la conduite incertaine des princes qui ont l'air de les soutenir, si l'on consulte les intérêts bien entendus de . ces princes, les dangers probables qu'ils auraient eux-mêmes à courir, l'on peut penser qu'ils redoutent d'engager la querelle, et que 3 millions d'hommesqui défendent la déclaration des droits, qui peuvent apprendre à leurs voisins à y lire, en la portant chez eux, sont une puissance d'un genre si nouveau, qu'on hésitera peut-être longtemps à l'attaquer.
. Cependant, quelque chose qui arrive, la nation ne doit pas redouter la guerre, mais elle doit
désirer, elle doit soupirer après la paix. Eh bien, Messieurs, le décret d'accusation porté contre les princes n'est point utile en temps de guerre, et porté dès à présent, est peut-être très nuisible à la paix. (Murmures.) Si la guerre se déclare, si les princes lèvent contre leur patrie des bras homicides, dès cet instant tous les liéns sont rémpus avec ces cruels ennemis, leurs biens sont confisqués, leurs droits sont anéantis, leurs têtes sont proscrites; il faut qu'elles tombent sous le glaive de la justice ou de la guerre, et et que tout leur sang, versé pour laver leur crime, arrose le champ de bataille ou l'échafaud. C'est alors, Messieurs, c'est dès l'instant d'une déclaration hostile que vous laricerèz, s'il le faut, le décçet d'accusation, parce que les preuves seront complètes, vos droits incontestables, et la résipiscence des princes impossible, puisque leur crime sera Commis et consommé; si, au contraire, vous lanciez dès à présent le décret comme une mesure préliminaire, comme une espèce d'initiative de la guerre, il est clair que votre décret n'ajoutera rien à vos moyens, à vos forces; je dis plus, cette paix, qu'il faut toujours désirer, vous la rendrez difficile, vous semblerez vouloir la repousser loin de vous. Remarquez que pour être en mesure de force avec nos ennemis, nous devons, quant à présent, garder la puissance de punir sur-le-champ ou de différer la punition. Je dis quant à présent, parce qu'il est clair que notre position peut cnanger dans là jours, et que dès l'instant d'une déclaration de guerre nous n'avons plus à observer de ménagements; mais si nous frappons dès à présent les princes, nous ne pouvons plus faire mouvoir sur eux les deux leviers puissants de la crainte et de l'espérance; il ne nous reste plus que la force, il ne leur reste plus que le désespoir. Ennemis furieyx, implacables, forcés de périr ou dé vaincre, s'ils n'attaquent pas, ils " intrigueront, ils soulèveront, et qui sait, dès lors, quel sera le terme de nos inquiétudes et de leurs efforts.
Je sais, Messieurs, que la nation ne doit dans aucun temps craindre les princes; et ce n'est pas non plus sous l'aspect de la crainte que j'envisage ces messieurs; c'est sous l'aspect de la prudence qui doit toujours précéder et devancer les forces. Au 15 janvier tous nos ennemis seront déclarés; au 15 janvier, nous porterons tous les coups. Pourquoi donc faire avancer les horreurs de la guerre par une mesure impuissante et stérile, qui peut-être ne les atteindra pas?
Il y a ici une considération bien puissante :-c'est que, par un décret "d'accusation, vous rendez la guerre inévitable; et peut-être pourrait-on l'éviter. Je frémis de penser qu'une mesure motivée peut faire coulerle sang français. Messieurs, au nom de la patrie qui risque tout par votre précipitation, qui ne risque rien par votre lenteur...
Plusieurs membres : Aux voix ! le décret d'accusation.
différez ce décret au 15 janvier. .
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Maintenant, je mets aux l'ajournement au 15 janvier; mais je demande à l'Assemblée de ne prononcer que dans le plus. grand calme sur une question aussi importante.
(L'Assemblée, à une très grande majorité, rejette l'ajournement au 15 janvier.) (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
, rapporteur, fait une nouvelle lecture du projet de décret présenté parle comité diplomatique. Il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant que les représentants du peuple français, chargés de poursuivre, en son nom, les attentats contre la sûreté générale de l'Etat, n'ont pas la liberté de suspendre ou de modérer à leur gré l'exercice de ce droit;qu'il ne leur est permis ni de punir, ni d'absoudre, et qu'agents impassibles de la volonté nationale, ils trahiraient la confiance publique, si, convaincus de l'existence du crime, ils n'appelaient pas sur tous les coupables indistinctement, les regards sévères de la justice et la vengeance de la loi ;
« Considérant que la notoriété publique et des actes extérieurs connus de l'Europe entière, ne permettent plus de douter que- les Français fugitifs ont formé le coupable projet d'attenter à la liberté de leur patrie ; que des princes français se sont déclarés les chefs de cette conspiration ; qu'ils ont calomnié la nation, ses représentants et son.roi; tenté d'élever des doutes sur la sincér rité de l'acceptation que Louis XVI a solennellement proclamée ; appelé autour d'eux une foule de rebelles, fait des préparatifs hostiles, suivi des négociations auprès des puissances étrangères, sollicité d'ëlles dès secours en hommes, en armes et en argent, ouvertement dirigés contre là France, .fomenté dans le sein du royaume des divisions funestes,* tenté d'ébranler la fidélité de -plusieurs agents de la forcé publique à qui la garde de nos places frontières est confiée, entretenu des relations suspectes dans l'intérieur et fait enrôler et recruter, au nom du roi, jusque dans le sein de la France ;
« Considérant que les mesures projetées par l'Assemblée nationale au commencement du mois de novembre dernier et le délai qu'elle avait «accordé, n'ont fait qu'accroître l'audace des rebelles, provoquer des réponses séditieuses et insolentes aux exhortations fraternelles du roi, nécessiter des armements considérables, entretenir au milieu de nous des inquiétudes funestes au crédit et une fermentation dangereuse pour la tranquillité publique; ,
« Considérant que cet état de choses avant forcé l'Assemblée nationale et le roi à prendre, .de concert, des mesures décisives pour faire expliquer les prinees voisinsqui favorisaient lés dispositions hostiles des révoltés ; que de plus longs ménagements de la part des représentants au peuple à l'égard des rebelles et de leurs chefs compromettraient ouvertement la dignité de la nation et ne pourraient être envisagés que comme une prévarication- coupable ;
« Considérant enfin qu'il est de son devoir de prendre des précautions indispensables pour assurer l'effet de cette démarche; que les agents du pouvoir exécutif lui doivent compte de tous les éclaircissements qu'ils ont dû se procurer sur les démarches officielles des révoltés auprès des cours étrangères, sur les circonstances qui ont accompagné leur complot, la désignation de leurs principaux agents, l état et le- nombre de leurs complices;
« Décrète qu'il y a lieu à accusation contre Louis-Stanislas-Xavier, Charles-Philippe et Louis-Joseph, princes français, les sieurs Calonne, ci-devant contrôleur général, Laqueuille l'aîné, ci-devant député à l'Assemblée constituante, Riquetti cadet, ci-devant député à l'Assemblée constituante, eomme prévenus d'attentat et de conspiration contre la sûreté générale de. l'Etat et la Constitu-
tion ; ordonne que, dans le délai de trois jours, les comités diplomatique et de législation réunis, lui présenteront un projet d'acte d'accusation contre eux ;
« Ordonne que le ministre des affaires étrangères sera tenu, sous sa responsabilité, de remettre, dans le même délai, au comité diplomatique, toutes les notes et éclaircissements relatifs à l'existence et à la poursuite desdits complots, que les agents de la nation auprès des puissances étrangères ont dû lui faire parvenir; comme aussi de dénoncer à l'Assemblée nationale ceux d'entre eux qui se seraient rendus coupables de connivence avec les révoltés, soit en les favorisant ouvertement, soit en. gardant le silence sur les démarches, criminelles qu'ils se sont permises sous leurs yeux, à peine d'en demeurer personnellement responsables". »
Plusieurs membres : La priorité pour ce projet de décret!
(L'Assemblée accorde la priorité au projet de décret du comité diplomatique.) \
Je demande que le décret soit réduit à une âccusation pure et simple, que l'on n'y joigne aucune autre mesure quelconque'qui pourrait paraître à d'autres personnes susceptible dé sanction, afin que nous n'ayons rien a démêler avec le roi et ses agents. Cé n'est pas que je ne sois persuadé que''lé surplus des dispositions contenues dans le projet de décret de M.,Gensonné n'a pas besoin de la formalité de la sanction; mais il est prudent de ne pas le joindre au décret d'accusation, pour prévenir toute équivoque et toute difficulté. Je demande donc, pour plus de sûreté, de décréter simple- * ment qu'il y a accusation et de faire un décret particulier, pour les autres objets.
Le considérant est parfaitement bien rédigé; mais il doit entrer dans l'acte d'accusation, et non-pas dans le décret. Quant aux autres parties 'du projet de décret, elles ne sont nullement de nature à être sanctionnées; il serait même absurde de le supposer; ce ne sont en effet que de simples éclaircissements que vous demandez au ministre, et vous avez le droit de les requérir.
Je demande que l'on retranche la première partie du considérant, qui ne tend point à motiver le décret d'accusation, mais à rendre compte, au contraire, de nos devoirs ; ils sont bien connus de nous et de toute la France.
Un membre : Je demande la suppression d'une phrase de la fin qui est parfaitement dans l'esprit de la première partie.
Je demande la suppression du considérant en entier. Nous faisons ici fonction de juré ; nous devons nous renfermer dans les termes des jurés et répondre : il y a, oui il n'y a pas lieu à accusation.
Je demande Ja parole pour une simple observation fondée; selon moi, sur le vé ritable droit public qu'aucun des orateurs n'a fait ressortir. La voici : la Constitution, cette sainte Constitution que nous avons tous* juré de maintenir, porte que le citoyen français sera libre d'abandonner sa patrie, et sera censé l'avoir abandonnée lorsqu'il se sera retiré en paya étranger... (Murmures.). -
Plusieurs membres : La discussion est fermée!
Je vous supplie d'entendre ma conséquence. Si j'ai le bonheur d'avoir une ré-
flexion fondée sur la Constitution, pourquoi ne pas l'entendre? (Non! non!) . (L'Assemblée .
illon ne sera pas entendu.)
Je demande la conservation du considérant. Je crois que s'il est jamais une occasion où l'Assemblée nationale doive manifester ses motifs et regarder cette obligation comme un devoir rigoureux, c'est celle d'un décret d'accusation contre les premiers suppléants de la Couronné. Vous faites un décret qui retentira dans l'Europe entière; il faut que l'Europe entière sache toute la justice de votre cause. (Murmures.) ; il faut qu'elle la sache par la manière dont vous la présentez. Vous servez surtout vôtre cause en donnant les motifs de votre décision, en montrant que vous obéissez à vos devoirs. Dans tous les actes rigoureux, il est bon de faire voir que les législateurs remplissent leurs devoirs d'après les sentiments de leur conscience et non d'après leurs passions. Je dis que la justice, la raison et la bonne politique exigent ce considérant. J'observe d'ailleurs qu'un décret d'accusation destiné à obtenir la publicité d'une loi .doit être motivé et que l'acte d'accusation destiné à être remis aux juges ne'doit contenir que les faits. Je demande donc la conservation du considérant.
Vous exercez en ce moment les fonctions de grands jurés, or, en cette qualité, vous devez rendre le décret d'accusation seulement d'après votre conviction intime et sans le motiver. J'opine donc contre le considérant, et je demande que l'on porte un simple décret d'accusation, en énonçant tous les noms, et particulièrement celui du fils de M. de Condé.
J'observe que c'est après avoir examiné quels sont les faits de notoriété publique à la charge de ceux qui ont été dénommés dans le projet de décret, que le comité diplomatique n'a trouvé aucun fait de notoriété publique pareil à ceux des autres prévenus, qui fut à la charge du fils du ci-devant prince de Condé. En conséquence, il a cru qu'il ne devait pas plutôt proposer contre lui un décret d'accusation que contre tout le reste de la troupe des émigrés.
J'ajoute que j'appuie la proposition de M. Delacroix tendant à faire des décrets séparés ; quant au considérant, vous devez le conserver. Les émigrés travaillent partout à vous calomnier ; l'acte que vous allez faire doit être motivé, non pas pour vous, mais pour les puissances étrangères.
Vous ne devez pas rendre votre décret d'accusation sur des faits de notoriété publique, mais sur des pièces. Il en résulte que nous devons connaître celles qui vous ont été annoncées par le rapport de vos comités.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée sur la suppression du considérant.
(L'Assemblée ferme la discussion sur la suppression du considérant.)
établit l'état de la délibération et met aux voix la demande de la suppression totale du considérant.
(L'Assemblée décrète qu'elle n'admet point la suppression de la totalité du considérant.)
M. Léopold a demandé la suppression du premier paragraphe du considérant.
, rapporteur, fait lecture d'une nouvelle rédaction du premier paragraphe du
considérant qui donne lieu à quelques débats.
Je demande qu'on rende d'abord le décret d'accusation et qu'on renvoie la rédaction du considérant au comité. (Appuyé! appuyé!)
Peut-être y a-t-il un moyen, sans rien changer à l'ordre de la délibération...
Plusieurs membres. Aux voix ! aux voix! le décret d'accusation !
Vous ne me persuaderez point que nous ne voulons pas le décret d'accusation ; mais écoutez, écoutez... (Aux voix ! aux voix!). Je consens, Monsieur le Président, que vous mettiez aux voix si le décret d'accusation sera porté avant de statuer sur le considérant.
(L'Assemblée décrète qu'elle délibérera d'abord sur le décret d'accusation.)
Un membre : Je demande que les personnes dénommées dans le projet soient décrétées d'accusation séparément. (Oui! oui!)
(L'Assemblée décrète cette motion.).
met successivement aux voix le décret d'accusation contre chacune des personnes dénommées dans le projet. Q est adopté :
1° Contre Louis-Stanislas-Xavier, prince français. (Applaudissements dans les tribunes.)
Les applaudissements dans une pareille matière sont exécrables.
Un membre : Ce n'est pas l'Assemblée, .ce sont les tribunes.
2° Contre Charles-Philippe, prince français.
3° Contre Louis-Joseph, prince français.
4° Contre Edme Calonne, ci-devant contrôleur général des finances.
5° Contre Laqueuille l'aîné, ci-devant député à l'Assemblée nationale constituante
6° Enfin, contre Riquetti, ci-devant député à l'Assemblée nationale constituante.
Je demande que l'on renvoie au comité la rédaction du considérant pour en faire le rapport demain matin, et les autres dispositions du décret pour en faire le rapport dans trois jours.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Delacroix.)
On a fait la motion de mettre M. BouiUé en état d'accusation !
Plusieurs membres : A demain ! à demain !
(La séance est levée à quatre heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU er JANVIER 1792
Lettre des militaires et autres émigrés au roi, en réponse à la proclamation du roi, du
« Sire,
« Les différentes proclamations publiées par les ministres, dont Votre Majesté est obligée de suivre les conseils, sont parvenues jusqu'à nous. Elles ont pour objet de rappeler dans votre ancien royaume les Français que vos malheurs et
ceux de la patrie ont obligé de chercher un asile dans une terre étrangère. Ces proclamations nous auraient causé la plus vive douleur si nous avions pu y reconnaître vos véritables sentiments. Les agents des factieux qui, sous le titre autrefois respectable de ministres de Votre Majesté, ont osé faire un si coupable usage de son nom, emploient sans doute les moyens qui seuls pourraient faire impression sur nos coeurs, si notre fidélité et le devoir le plus absolu ne repoussaient tout autre sentiment. Votre Majesté semble nous prier de nous réunir à elle ; on nous annonce qu'elle attache son bonheur à notre retour ; on nous assure enfin qu'à cette marque elle reconnaîtra ses vrais amis, ceux qu'elle a toujours aimés et estimés. Qu'il est cruel pour nous, Sire, de ne pouvoir voler à vos pieds en ce moment, et d'être obligés de porter encore les marques extérieures ae la désobéissance, pour vous donner bientôt les preuves du dévouement le plus entier. Vos ennemis, et par conséquent les nôtres, ont bien su à quels supplices ils nous condamnaient en nous adressant les invitations touchantes auxquelles il ne nous est pas permis de déférer.
« Ce n'est pas à vos yeux, Sire, que nous entreprendrons de justifier notre résistance ; nous connaissons trop les vraies intentions de Votre Majesté. Nous ne croirons jamais qu'elle ait consenti librement à renoncer à la souveraineté qu'elle tient de Dieu seul, pour se rendre l'agent subordonné des révoltés qui ont usurpé son Trône en égarant la dernière classe de ses sujets. Comment le petit-fils de Henri IV accepterait-il une Constitution plus désastreuse et mille fois plus déshonorante que les propositions rejetées avec indignation par ce grand roi au milieu de ses plus pénibles adversités, dans le temps où, combattu par les ligueurs, abandonné de la plupart de ses serviteurs, il n'avait pour lui que son courage et la justice de sa cause ?
« Votre Majesté, moins malheureuse, en ce moment, que le chef de sa maison, compte parmi ses défenseurs, ses deux augustes freres, les princes du nom de Condé, ce nom si cher à la victoire, la noblesse française et un. grand nombre de membres du tiers, qui ont consacré leur sang et leur reste de fortuné à replacer la couronne sur votre tête. Et c'est dans de. telles circonstances qu'on nous invite en votre nom, Sire, à abandonner vos droits, à nous courber sous un ioug flétrissant, à nous remettre au pouvoir de la multitude qui vous a privé de votre liberté 1 C'est alors, Sire, que tout serait perdu, qu'il ne vous resterait aucune ressource, et que vos fidèles sujets se verraient réduits, pour dernier espoir, à l'horrible perspective ae l'invasion successive des provinces de ce beau royaume dont le démembrement serait l'unique terme de nos maux. Nous répétons ici les expressions delà lettre de vos augustes frères, dont nous signerons de notre sang toutes les protestations ; nous ne reconnaîtrons vos véritables commandements que quand vous serez à la tête de vos armées obéissantes. Ce n'est donc pas à vos yeux, Sire, ni à ceux des nations étrangères qui, disposées à seconder prochainement nos efforts, honorent notre fermeté que nous devons justifier notre résistance aux invitations surprises à votre sensibilité. Mais nous devions faire connaître les principes de notre conduite à ceux des concitoyens qui sont encore égarés par les factieux. En adoptant sans réserve les motifs si bien développés par Monsieur et Monseigneur
comte d'Artois, nous espérons que ces princes augustes nous permettront d'y joindre quelques réflexions.
« Il est démontré et avoué par les révoltés, que la Constitution vous enlève, Sire, votre souveraineté pour la remettre, non au peuple à qui elle n'appartient point, et qui même, suivant les principes des nouveaux législateurs, ne peut l'exercer, mais pour en investir des députés qui, sous le nom de représentants, deviendront les maîtres,ou plutôt les tyrans de ce même peuple. Il y a donc un nouveau souverain en France. Cependant, l'Assemblée se disant constituante n'a jamais reçu le pouvoir de vous détrôner et jamais vos sujets n'auraient pu le leur accorder. Bien plus, Votre Majesté avait consenti librement à cette dégradation, elle ne pouvait dépouiller ses successeurs, changer ni à plus forte raison détruire les prérogatives et la puissance qu'elle ne possédait qu'à la charge de les transmettre de race en race, jusqu'au dernier descendant de la maison royale.
« La fidélité que nous vous avons jurée, Sire, est substituée à toute la maison de Bourbon; et quand il serait possible que vous voulussiez nous délier de nos obligations envers vous, ces mêmes obligations ne subsisteraient pas moins vis-à-vis de vos descendants. Le trône leur appartiendrait comme il vous a été transmis, tel que vous le possédiez à votre avènement à la couronne ; notre fidélité leur serait due. Il ne nous est donc pas permis de consentir à aucun acte qui les dépouille d'avance des droits de leur naissance et de l'héritage auquel ils sont appelés. Si Votre Majesté, si vos sujets fidèles ne peuvent accepter ni promettre de défendre la Constitution, cette heureuse-impuissance est le plus sûr garant de la conservation et de la prospérité du royaume. En effet, l'histoire n'offre aucun exemple du gouvernement imaginé par l'Assemblée. Des volumes entiers ne suffiraient pas pour développer l'incohérence et les vices de cette foule de prétendues lois qui ont bouleversé la France. Nous nous bornerons, à montrer à Votre Majesté combien il est absurde de fonder l'administration d'un grand Empire, habité par 25 millions d'hommes dont le dixième au plus possède des propriétés foncières, sur des bases qui n'ont jamais pu subsister dans les plus petites républiques.
' « Chez tous les peuples, les propriétaires du territoire,les possesseurs des richesses mobilières ont toujours formé une classe distinguée des autres habitants. Sans cette sage précaution, ces derniers nécessairement plus nombreux, tiendraient dans un état sans cesse précaire et incertain, les propriétés foncière et'mobilière dont la jouissance paisible ne peut être garantie contre la force de la multitude, que par l'opinion de la supériorité des rangs et Féchelle des degrés de considération attachée à la naissance et à la jouissance héréditaire de propriété, qui établissent, depuis les princes de votre sang jusqu'au simple journalier, des classes intermédiaires, sans lesquelles aucun territoire étendu et peuple n'évitera les malheurs du despotisme et de l'anarchie.
« La nouvelle Constitution met les propriétaires et leurs fermiers dont les intérêts sont indivisibles, sous l'autorité absolue des artisans et manou-vriers. Les propriétaires fonciers ne composeraient pas la vingtième partie des assemblées primaires; dès lors ils sont exclus de l'administration; si quelques-uns étaient nommés électeurs, leur petit nombre leur ôterait toute influence; Votre
Majesté, dépouillée de sa souveraineté, ne pourrait plus les protéger ni les défendre contre l'autorité tyrannique. de ceux qui, n'ayant Tien à perdre, ne seraient retenus par aucune considération.
« Dans presque toutes les paroisses, quelques habitants sans étude, sans biens, et parconséquent sans responsabilité, réunissant sous le titre d'officiers municipaux, les pouvoirs de la police et de l'administration, ont acquis le droit, de disposer de la fortune et de la tranquillité des propriétaires, qui n'ont aucun moyen de se défendre de leurs vexations.
- « Les districts, les départements, les membres des législatures, nommés par les électeurs, la plupart sans biens et sans Connaissances, sont composés, en plus grande partie, de praticiens, regardés jusqu'ici comme le fléau des campagnes. Devenus aujourd'hui-les maîtres et les souverains de ceux qui jouissaient d'un état et d'une propriété enviée, ils ne les garantiront pas des attentats d'une populace qui sera de jour en jour plus dangereuse, à mesure que l'impunité, devenue plus assurée., lui fera ^connaître ses forces.
« Les juges choisis par ceux qui ont intérêt à perpétuer le désordre et le pillage dans les campagnes, défendront-ils des propriétés qui leur sont étrangères? et risqueront-ils de déplaire à cette nombreuse troupe de manœuvres qui, à l'expiration du terme limité de leur exercice, aura le droit de les faire rentrer dans le néant ? Il faudrait, à ces hommes pris au hasard, une vertu biensubiimepourqu'ilspuissenttenir, avec impartialité, la balance de la justice. Ainsi, ni les propriétaires, ni leurs fermiers qui formeront toujours la partie la moins nombreuse de ses sujets, et toujours exposée à la jalousie des dernières classes, ne peuvent espérer, sous ce régime, aucune garantie raisonnable pour leur vie et leur fortune.
« Indépendamment de l'anéantissement réel des propriétés foncières, dont la sûreté fait la base de toute association politique, nous avons perdu l'exercice public de la véritable religion catholique, non seulement par lés violences exercées contre les ministres et ies fidèles, mais par la spoliation des établissements qui lui sont consacrés et l'envahissement des propriétés sans lesquelles ces établissements ne peuvent se maintenir, tandis que toutes les sectes, înême les cultes étrangers au christianisme, tels que les juifs et les autres infidèles, trouvent sûreté et protection dans les nouvelles autorités.
« Tels sont, Sire, les conséquences et les effets déjà trop prouvés, d'un système monstrueux, gu on ne nous persuadera jamais que Votre Majesté ait adopté librement. Quels services pour-, rions-nous lui rendre en rentrant en France, iBolés et sans forces? Pourrions-nous commander, avec quel que espérance'de succès, ces troupes, ces vaisseaux, autrefois instruménts-de votre puissance et de la gloire de la nation? Les soldats, les équipages, égarés par les principes d'égalité absolue qu'on leur prêche depuis la Révolution, trompés par les dispositions particulières des nouveaux règlements qui rapprochent d'une manière si funeste pour le bien du service, les conditions des soldats et des matelots, de celles des officiers, n'obéiront pas à la voix de ces hommes que l'opinion leurrendait autrefois respectables* et dans lesquels ils ne "verront plus, sous les armes, que des égaux et même des inférieurs, puisque ces officiers, moins nombreux,
auront moins d'influence- dans l'administration civile,
« Ainsi Votre Majesté n'a plus ni armée ni marine, et notre retour est, sous tous les rapports, inutile à votre serviee. Il ne nous est donc pas permis de rentrer dans notre patrie, pour devenir les sujets d'un nouveau souverain, qu'aucun Français, fidèle à ses devoirs, ne peut reconnaître.
« Nous exposons ici à Votre Majesté les intérêts de tous les ordres. Le tiers n'a pas moins à se, plaindre que les deux premiers, de la nouvelle Constitution , ses membres ont des propriétés qu'ils possèdent au même titre ; ils sont destinés à passer à leur tour dans les classes supérieures. La noblesse, sans laquelle aucune monarchie n'a jamais existé, s'éteint successivement par l'effet inévitable du temps, il est nécessaire qu'elle se recrute dans les principales familles du tiers. Ces familles, avant cette admission, qui entretenaient une émulation utile à l'Etat, exerçaient un grand nombre de professions honorables qui les mettaient absolument au-dessus de ceux entre les mains desquels le pouvoir se trouve aujourd'hui concentré.
« Toutes les classes du tiers ne tarderont pas à éprouver les maux introduits parle système d'égalité absolue entre les citoyens. Les manufacturiers, les chefs d'ateliers, les laboureurs, tous ceux enfin qui occupent un grand nombre de bras, n'obtiendront plus de serviteurs qui se prétendront leurs égaux en droits, l'obéissance néces-: saire pour le succès -de leurs exploitations. Les fermiers ont déjà senti l'effet des désordres dont nous osons mettre le tableau sous les yeux de Votre Majesté. Enfin la dégradation des terres, la retraite de ceux qui pourront soutenir leur existence, loin des héritages qu'ils se plaisaient à cultiver et à embellir, priveront bientôt les artisans et les mànouvriers des secours abondants que leur fournissaient les propriétaires. Partout on s'aperçoit de la diminution des ouvrages et de la misère qui en est la suite.
« Tels sont les malheurs qu'entraîne l'abolition des nuances de pouvoirs et d'obéissance, de protection .et de déférence, qui constituent les liens et la force des Empires.
« Ne croyez pas, Sire, que nous ayons renoncé à notre patrie, nous espérons y entrer avec tous les propriétaires qu'un danger commun a forcés de quitter leurs foyers ; nous y rentrerons pour ramenèr avec nous l'ordre et la paix, pour replacer Votre Majesté sur son trône, pour jouir avec tout le peuple des bienfaits que vous jugerez à propos ae lui accorder librement. C'est alors que nous verrons avec joie la suppression de la gabelle que vous aviez annoncée avant la convocation des Etats généraux, l'abolition des francs-fiefs, l'admission ae tous vos sujets, sans exceptions, aux différents emplois dont ils seront capables, et auxquels vous jugerez à propos de les appeler, et les impôts territoriaux également répartis entre tous les propriétaires. Dans ces jours ae prospérité générale, nous ne nous occuperons que des sentiments que nous inspirera la restauration de votre puissance et de la monarchie française. Nos injures particulières seront oubliées, et nous ne verrons dans vos sujets ci-de-vant égarés, que des concitoyens et des amis auxquels votre cœur aura déjà pardonné. Ainsi toute notre vie sera employée à donner à Votre Majesté des preuves du parfait dévouement et du profond respect avec lesquels nous sommes, etc. » (Suivent les signatures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU er JANVIER 1792
Lettre de Louis-Stanislas-Xavier et de Charles-Philippe, princes français, en réponse à
la lettre du roi, du
« Coblentz, le
«ous avons reçu la lettre que Votre Majesté nous a fait l'honneur de nous adresser. Nous n'examinerons point si Votre Majesté a accepté la Constitution librement; nous n'entreprendrons pas non plus de discuter lesdéfauts de cette Constitution, nous bornant simplement àpens'er qu'elle est l'ouvrage d'une faction. Mais nous vous observerons, Sire, que vous n'êtes [qu'administrateur temporel du royaume; que vous avez un compte à rendre à vos successeurs, et à leur remettre l'Empire dans le même état que vous l'avez reçu des rois, nos ancêtres. En vertu de ces considérations, nous ne pouvons nôùs dispenser de manifester notre résolution d'employer tous les moyens possibles pour rétablir dans sa splendeur, le Trône que les factieux ont ébranlé jusque dans ses fondements. Nous concluons, Sire, avec la ferme protestation que Votre Majesté n'a pas de sujets plus fidèles que nous, et que nous conserverons ces sentiments jusqu'au dernier soupir.
« Signé: Louis-StanislAs-XàVIER, Charles-Philippe. » .
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU er JANVIER 1792
Lettre de Charles-Philippe, prince français, frère du roi, en;réponse à la lettre du roi, du 11- novembre 1791. .
« Sire,
« Le comte de Vergennes m'a remis hier une lettre, qu'il m'a assuré m'avoir été adressée par Votre Majesté; la suscription, qui me donne un titre que je ne puis admettre, m'a fait croire que cette lettre ne m'était pas destinée. Cependant, ayant reconnu le cachet de Votre Majesté, je l'ai ouverte, j'ai respecté l'écriture et la signaturede mon roi. Mais l'omission totale du nom de frère, et plus que tout, les décisions rappelées dans cette lettre m'ont donné une nouvelle preuve de la captivité morale et physique où nos ennemis osent retenir Votre Majesté.
« D'après cet expose, Votre Majesté trouvera simple que, fidèle a mon devoir et aux lois de l'honneur, je n'obéisse pas à des ordres évidemment arrachés par la violence.
« Au surplus, la lettre que j'ai eu l'honneur d'adresser a Votre Majesté, conjointement avec Monsieur, le 17 septembre dernier, contient les sentiments, les principes et* les résolutions dont je ne m'écarterai jamais. Je m'y réfère donc absolument; elle sera la base de ma conduite et
l'en renouvelle ici le serment. Je supplie Votre Majesté de recevoir,l'hommage des sentiments tendres et respectueux avec lesquels je suis, Sire, mon frère et seigneur, de Votre Majesté, le très humble, très obéissant serviteur, frère et sujet.
« Signé : CHARLES-PHILIPPE. »
« Le comte de Vergennes m'a remis» de la part de Votre Majesté, une lettre, dont l'adresse, malgré mes noms de baptême qui s'y trouvent, est si peu la mienne, que j'ai pensé la lui rendre sans l'ouvrir. Cependant, sur son assertion positive qu'elle était pour moi, je l'ai ouverte, et le nom de frère que j'y ai trouvé ne m'ayant plus laissé de doute, je 1 ai lue avec le respect que je dois à l'écriture et au seing de Votre Majesté. L'ordre qu'elle contient de me rendre auprès de la personne de Votre Majesté, n'est point l'expression libre de sa volonté; et mon honneur, mon devoir, ma tendresse même me défendent également d'y obéir.. Si Votre Majesté veut connaître tous ces motifs en détail, je la supplie de se rappeler ma lettre du 17 septembre dernier, je la supplie aussi de recevoir avec bonté l'hommage des sentiments aussi tendres que respectueux avec lesquels je suis, Sire, mon frère et seigneur, de Votre Majesté, le très humble, très obéissant serviteur, frère et sujet. « Signé : Louis-Stanislas-Xavier. »
OPINION de M. QUINETTE (1), député du département de l'Aisne, sur le décret d'accusation (2) contre les chefs des conjures rassemblés à Coblentz (3).
Messieurs, nous touchons au moment d'appesantir le glaive de la justice sur des hommes qui ont trop longtemps échappé à la loi commune. Telle est fa position où les projets coupables des rebelles ont placé un peuple doux et généreux, que, pour assurer sa Constitution, et la sainte égalité qui en est la base, il doit briser enfin ces têtes orgueilleuses, qu'une plus longue impunité enhardirait à les imiter.
Tous ces motifs doivent vous décider à donner ce grand exemple à la fois nécessaire et juste.
Et d'abord, rappelez-vous, Messieurs, que depuis le temps où le peuple fatigué des vengeances cruelles qu il avait exercées, s'est empressé de remettre ses droits entre les mains des autorités constituées, il doit s'étonner que la loi n'ait frappé aucun grand coupable. Un seul homme a tombé sous le glaive légal : ce n'était qu'un agent subalterne. Les chefs du complot étaient
Puissants, ils furent ménagés. Le faible, le mal-eureux fut trahi, abandonné par ses lâches complices, que son silence ne justifia pas dans l'opinion publique, et il périt avéc un courage digne d'une merveilleuse cause ; c'est là le seul exemple et le peuple s'en souvient; et nous devons nous souvenir nous-mêmes que les excès populaires ne sont souvent que l'effet de l'indulgence des lois ou des législateurs.
A la nécessité se joint la justice; et c'est ici, Messieurs, que nous renfermant strictement dans les fonctions du « jury » d'accusation, nous devons examiner :
1° S'il existe un délit;
2° Quelle est la nature de ce délit;
3° Qui est prévenu de ce délit.
C'est lorsqu'on nous verra adopter ce mode sévère et régulier, que nos décrets d'accusation auront le caractère imposant qui doit accompagner tous les actes des représentants du peuple. C'est lorsque nous appliquerons cé mode à tous les délits, quels que soient les coupables, qu'il ne restera plus aucun prétexte de calomnier la loi, parce que personne ne s'élèvera au-dessus d'elle, et que l'impunité ne sera plus le privilège de la fortune ou de la puissance.
Existe-t-il un délit? Oui, si la Constitution éprouve, soit au dedans, soit au dehors des résistances violentes ; et c'est ce que nous apprennent les adresses de tous les départements. Ces résistances, pour être partielles et successives, n'en appartiennent pas moins à un plan général, à une grande conspiration; et pour en constater l'existence, il serait trop impolitique d'attendre que la chaîne qui les unit, investît toute la France, et devînt trop forte pour que l'on pût rompre un de ses anneaux. '
Voulez-vous vous en convaincre ? Voyez quels sont au dedans les principaux agents de ces combinaisons criminelles. Des prêtres hypocrites, au nom d'un Dieu de paix arment des nommes crédules du poignard et de la torche, troublent les consciences, divisent les familles, et prenant sur l'autel une autorité dont ils abusent, appellent le fanatisme au secours des préjugés qui n'ont' pu soutenir le grand jour de la raison et l'examen de la philosophie.
Qui croira que l'intérêt du ciel est tout ce qui touche les lévites incendiaires? L'avarice et l'ambition désormais enchaînées sans espoir : voilà le motif de ce zèle prétendu qui les dévore et leur fait braver un martyre dont ils savent qu'on ne veut pas leur procurer l'honneur. Répandus sur toute la surface de l'Empire, c'est de concert qu'ils agissent, tantôt dans les ténèbres, tantôt au grand jour; ils mettent en commun leurs crimes et leurs expériences, et tel fait que l'on croit isolé, se lie à une trame trop grossièrement ourdie, et qui ne peut échapper aux yeux d'une nation attentive et éclairée.
Leurs manœuvres, d'autant plus coupables qu'ils ont plus de moyens d'échapper à la conviction, sont secondées par des nommes auxquels l'erreur du peuple a délégué ses pouvoirs,
et qui tournent contre lui ses propres dons et sa confiance. Ces hommes occupés sans cesse du soin de tout entraver, pour en prendre droit, de calomnier le nouveau régime, se montrent dans les tribunaux, dans les administrations, auprès du trône ; ils ont même siégé dans cette enceinte. Cest ici qu'ils ont fait le funeste apprentissage de cette tactique coupable, qui leur servait toutefois à retarder des décrets utiles, ou à précipiter des décisions trop légères comme elle leur sert aujourd'hui à rendre nuls la bonne volonté du peuple et le bienfait des nouvelles lois.
Vient ensuite la troupe auxiliaire de ces misérables voués à toutes les intrigues, qui n'ont ni patrie, ni conscience, et vendent au plus offrant leur âme, leur plume, leurs suffrages et sont méprisés de ceux-mêmes qui les payent; voilà quelle est à cet égard notre situation intérieure.
Portons maintenant nos regards au dehors ; une poignée de rebelles, une horde fugitive, bravant la volonté générale, s'arme, se rassemble, et tient en échec cent lieues de frontières; elle y attire, toute notre force publique, nous épuise en mesures défensives, en préparatifs ; elle nous force à dégarnir nos départements méditerranéens, déjà travaillés par leurs agents, et les prépare ainsi à devenir le théâtre de la euerre civile. L'ordre politique et social est troublé. Les peuples portent leurs regards vers Worms et Coblentz, tantôt avec inquiétude, tantôt avec indignation ; enfin le résultat de cette situation violente et pénible serait la chute de notre système constitutionnel, sans votre vigilance, sans cette activité dont le mouvement salutaire s'est tout à coup communiqué au pouvoir exécutif et unit en ce moment la volonté et la puissance nationales.
Cerles, si jamais délit ne fut pas problématique,, c'est celui dont tant de troubles, tant de sentiments.douloureux attestent l'existence. En vain on a voulu la dissimuler, la faire oublier même en proclamant que la Révdution était terminée. Que sert de chercher à en imposer aux autres et à soi-même par des mots dont on craint de déterminer avec précision le véritable sens? Veut-on dire que la Constitution est terminée? Rien de plus incontestable. Mais si les révolutions politiques ne sont vraiment terminées que lorsqu'elles ont assuré aux nations un état durable de paix et de prospérité, certes, la nôtre n'est point à son terme, et peut-être pour y parvenir faudra-t-il qu'elle ait parcouru une grande partie de l'Europe !
Examinons maintenant quelle est la nature de ce délit; il attaque à la fois les Droits de l'homme qu'il révoque en'doute, notre Constitution dont il veut saper les fondements, et la fortune publique qu'il livre à la cupidité de l'agiotage, aux manœuvres des cabinets étrangers et aujt défiances mêmes des hommes pusillanimes.
Caractérisons-le d'une manière plus précise. Ce délit est la rébellion contre le souverain, car peut-on appeler autrement le soulèvement ae la minorité contre la majorité de la nation; d'un petit nombre d'individus avilis par l'esclavage, contre 25 millions d'hommes recréés à la liberté. Ce délit est la violation du premier principe de toute société humaine, ou la volonté générale peut seule faire les lois. Ce délit, que le silence des peuples semblait autoriser avant la Révolution, et qui devait cesser avec elle, s'est perpétué jusqu'à ce jour.
Au moment où tout un peuple leva cette tête si longtemps courbée sous le joug, et retrouva
ses droits à sa souveraineté dans les ruines des bastilles, dans les débris des titres menteurs et des corps ligués pour opprimer, ses tyrans, ses geôliers, ses bourreaux, osèrent se croire les maîtres, et, renonçant à la jalousie de leurs prétentions réciproques, agirent de concert pour ressaisir la verge de fer quifleur était échappée.
Alors se forma cette minorité qui s'engagea par serment à lutter sans cesse, au dedans et au dehors, sourdement et à la face du ciel côntre la souveraineté nationale.
C'est cette minorité qui investit longtemps Louis XVI de ses conseils perfides, et qui le conduisit sur les bords de l'abîme. C'est cette minorité qui, siégeant dans l'Assemblée constituante, protesta sans pudeur contre cette majorité imposante qui sauva la France et lui donna une Constitution. C'est cette minorité qui réchauffa les cendres mal éteintes du fanatisme et qui voulut donner à l'Europe, sur la fin du xvni® siècle, le spectacle d'une guerre de religion. C'est cette minorité qui a soudoyé cette nuée d'apôtres de l'esclavage qui, sous le ciel de la liberté, osent en prêcher 1 évangile, et tous les jours appeler à grands cris la guerre civile et la guerre étrangère. Enfin, c'est cette minorité qui, désertant ses foyers, infidèle à ses serments, s'est retirée dans les Etats de l'Electeur de Trêves. De là elle inonde nos villes et nos campagnes de libelles et d'émissaires. Là aboutissent, comme à un centre commun, tous les fils de la conspiration. Là cette horde nobiliaire et sauvage, altérée de sang et de vengeance, couverte d'infamie et s'érigeant en ]uge de l'honneur, accueillant des brigands et les mauvais citoyens, aspirant notre numéraire, fabricant des assignats, entretenant partout des correspondances, et soudoyant à la fois le fanatisme des prêtres et la perfidie des parjures, est parvenue a se donner une existence politique.
Cette poignée d'hommes s'appelle la France extérieure. C'est là. qu'on voit une nation sans territoire, des généraux sans armée, des ministres sans département, et un régent sans fonctions. C'est à Coblentz qu'on a transporté la cour . de Louis XVI, c'est à Coblentz que se traitent toutes les affaires avec les puissances étrangères, c'est à Coblentz que résident des ministres avoués auprès d'une misérable portion de réfugiés; c'est de Coblentz que les chefs des rebelles somment l'empereur de tenir les promessés qu'il a faites à l'entrevue de Pilnitz. Ils ajoutent que les représentants du peuple sont tombés dans le mépris, qu'ils voient leur perte inévitable, mais qu'il leur reste l'audace du crime. Insensés 1 l'audace du crime est à vous. Les législateurs français appelés à défendre les Droits ae l'homme, les droits du peuplé, vous étonnent par leur courage. Sachez . que ce courage leur vient du peuple, et que tous les coups qui vous seront portés seront dirigés par lui.
Ainsi cette minorité, turbulente et séditieuse, cherche dans toute l'Europe des ennemis au nom français.
Son vain orgueil lui fait mendier de tous côtés de l'or et des armes. Elle veut ébranler tous les trônes pour renverser l'autel de l'égalité; ou plutôt commençant à voir que notre courage et notre union nous mettent à l'épreuve de ses bravades et de ses manœuvres, et que les rois redoutent une guerre qui serait pour leurs peuples une école de liberté, elle veut, en nous harcelant, en nous fatigant, en nôus épuisant de veilles et de dépenses nous amener par degrés à des accommodements.
Déjà le bruit se répand que notre ambassadeur à Vienne a requis l'intervention de l'empereur sur un plan d'accommodement des princes émigrés. avec la nation française. Quoi, des accommodements avec des rebelles ! une transaction honteuse avec les chefs d'une minorité méprisable, des lois données à la France par des traîtres et des fugitifs! Quelle honte! Quelle infâme proposition! espère-t-on transiger avec les représentants d'une nation libre, comme avec les maîtres d'un peuple esclave? Caste insolente et coupable, auteurs de tous nos maux, ennemis dédaigneux d'un peuple qui vous nourrissait de sa sueur et de son sang, prinées, nobles, ministres, dont les déprédations et la soif insatiable ont précipité la Révolution ; on vous a souvent pardonné vos crimes et votre longue opposition à la prospérité publique : la France vous ;a tendu les Dras, et ouvert son sein, et ne vous demandait plus que la soumission à la loi; et vous avez dédaigné sa bonté, insulté à sa clémence, et vous avez repoussé avec dédain son amnistie généreuse ; le temps des ménagements et des égards est passé, la loi seule doit agir, et vous reconnaîtrez enfin qu'elle est juste envers tous. Il faut vous punir d'une manière qui effraye à jamais les traîtres, les mauvais citoyens et ceux qui les protègent. Il faut lever ce voile étendu avec tant de complaisance sur les grands coupables, et le baisser sur des hommes timides que des circonstances malheureuses ont égarés et dont l'âme sait s'ouvrir encore au repentir.
J'ai prouvé l'existence d'un grand délit, j'en ai défini la nature ; il ne me reste plus qu'à indiquer les prévenus.
Je vois d'abord un prince que le réveil d'un grand peuple et le trouble de sa conscience a fait fuir avec précipitation devant les lois et la liberté, qui, coupable d'avoir participé à l'horrible dilapidation de nos finances, coupable d'avoir voulu forcer la bonté du roi à des mesures violentes et sanguinaires, s'est rendu plus coupable encore en nous cherchant partout des ennemis, en promenant de cour en cour sa fureur et ses projets de vengeance, en refusant d'entendre aux invitations au roi, dont il ne pouvait révoquer en doute la liberté et la détermination.
J'en vois un autre, qui, moins ardent, plus ca-.ché, usant d'une dissimulation profonde, après avoir professé fidélité et attachement à la Constitution, a violé sans pudeur tous les serments, et unissant ses desseins à ceux de son frère, s'est laissé déclarer le chef de la ligue conjurée contre sa patrie..
Un autre membre de la maison régnante est connu par une excessive hauteur étrangement démentie sous le précédent règne, qui le vit le flatteur du monarque et le complaisant de ses maîtresses ; il n'a dissimulé aucun de ses projets; il ne veut rentrer en France que le fer à la main ; il veut rétablir les bastilles, les proscriptions, les lettres de cachet, enfin le meilleur des gouvernements possibles, c'est-à-dire Je despotisme pur et sans mélange.
Ce triumvirat est servi ou plutôt mené par le même ministre dont la vie n'est qu'une longue intrigue; qui, arrivé au ministère, précédé de la plus mauvaise réputation, trouva le moyen de surpasser encore l'opinion publique : cest ce Calonne, le plus immoral de tous les hommes, dont l'extravagante prodigalité creusa l'abîme du déficit, et dontl'âme semble avoir concentré toute la corruption de l'ancien régime; c'est ce génie dont l'activité malfaisante est le principal mobile
des projets de cette ligue impie ; c'est lui dont la .vanité s'est promis d'unir les cabinets les plus .opposés de principes et'd'intérêts. '
Après ces hommes, le reste vaut à peine l'honneur d'être nommé; car vous n'attendez pas sans doute que je vous parle de ce prêtre scandaleux, associé et dupé de charlatans, qui rêve maintenant qu'il ést un souverain puissant : ni de ce général dont le nom est célèbre par un des premiers fondateurs de- notre Constitution, mais dont la vigilance et la sobriété ne sont pas redoutables; ni de ce grand nombre d'hommes perdus de dettes, et qui ne voient plus de moyens que dans les troubles et dans le pillage. Poursuivez, attaquez les chefs; et la tourbe qui s'est rangée sous leurs drapeaux les abandonnera en perdant tout espoir.
Maintenant, je ne vous dirai pas : la politique Vous défend de porter les décrets d'accusation. La politique d'une nation libre est dans la .connaissance de ses droits, dans le courage qui les
défend, et dans son attachement inviolable à la raison et à la justice.
Mais, pour assurer les moyens d'exécution de votre décret d'accusation, je vous .engagerai à renvoyer à l'examen de votre comité diploma-r tiques ies réquisitions à faire aux puissances étrangères, qui donneraient asile aux chefs des conjurés. Voici mon projet de décret : « L'Assemblée nationale décrète qu'il y a lieu à accusation contre Louis-Stanislas-Xavier, prince français ; Charles-Philippe, prince français ; Louis-Joseph de Bourbon-^Condé, et Calonne, tous prévenus d'être les chefs d'une conjuration contre la sûreté générale de l'Etat;
« Décrète que, dans 3 jours, son comité diplomatique lui présentera des mesures à prendre contre les puissances étrangères qui donnent ou donneront asile aux chefs de conjuration désignés au présent décret. »
FIN DU TOME XXXVI.
Pages.
(p. 375 et suiv.), (27 décembre, p. 427), (29 décembre, p. 631 et suiv.).
1° Copies des états et ordonnances expédiés par le service de ce département pendant les 9 premiers mois dp l'année 1791 (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 77);— renvoi au comité de l'ordinaire des finances (ibid ).
2® Le ministre demande des fonds pour les dépenses secrètes (24 décembre 1791, t. XXXVI, p. 535); — renvoi aux comités diplomatique et de l'extraordinaire des finances (ibid. p. 356). — Voir Dépenses de Vannée 1792.
Conseil général. — Sollicite des secours pour les indigents (15 décembro 1791, t. XXXVI, p. 122) ; — renvoi au comité des secours publics (ibid).
Garde nationale. — Les volontaires du 2° bataillon dénoncent le lieutenant-colonel Fresnel (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 77).
— Parle sur l'admission à la barre d'Anacnarsis Clootz (p. 34), — sur une proposition de Delaunay relative aux finances (p. 51), — sur les adresses et pétitions (p. 172), — sur une pétition du sieur Dubu (p. 220), — sur l'organisation des volontaires nationaux (p. 281), — sur une adresse de la ville de Metz (p. 357), — sur une adresse du bataillon des Filles-Saint-Thomas (p. 379), — sur une pétition de la section des Lombards (p. 381), — sur l'aménagement de la salle des séances (p. 451), — sur l'état des frontières (p. 460), — sur la suspension de l'envoi de la loi sur la suppression des chambres de commerce (p. 481), — sur le droit de pétition (p. 597), — sur la police de la navigation (p. 634), — sur l'accusation portée contre Duchillau (p. 642).
Directoire. Demande à employer la maison des ci-devants augustins de Moulins pour l'établissement du séminaire (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 77).
jet de décret (ibid. p. 266 et suiv.); — adoption (27 décembre, p. 428 et suiv.).
2° Dépôt aux archives de pièces relatives à l'affaire des sieurs Loyauté et Silly (29 décembre 1791, t.XXXVI, p. 598), — du procès-verbal de la session du conseil général du département du Jura [ibid. p. 632).
§ l,er. Dons et hommages.
§ S. Députations admises à la barre.
§ 3. Procès-verbal.
§ 4. Relations avec le roi.
§ S. Règlement.
§ 6. Salle des séances.
§ Travaux.
§ 8. Cérémonies.
§ 9. Huissiers.
1er Dons et hommages. (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 4), (13
décembre, p. 43), (p. 46), 17 décembre, p. 172), (p. 174), (18 décembre, p. 227), (20
décembre, p. 264), (23 décembre, p. 323), (25 décembre, p. 389), (26 décembre, p. 401), (27
décembre,
p. 427), (p. 461), (29 décembre, p. 639), (31 décembre, p. 701), (1" janvier 1792, p. 725).
§ S. Députations admises à la barre. (11 déc. 1791, t. XXXVI, p. 6 et suiv.), (13 décembre, p. 55), (15 décembre, p. 119), (17 décembre, p. 204), (18 décembre, p. 226 et suiv.), (20 décembre, p. 278), (p. 279), (22 décembre, p. 312), (25 décembre, p. 375), (p. 378 et suiv.), (29 décembre, p. 635), (31 décembre, p. 711), (p. 712), (1" janvier 1792, p. 727).
§ 3. Procès-verbaux.
1° Sur la motion d'Albitte l'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de toutes les adresses qui expriment les sentiments glorieux du peuple ae Paris (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 19).
2° Observations sur le procès-verbal de la séance du samedi 10 décembre 1791 au soir : Jollivet, Fauchet, Ducastel, Quesnay, Lecointe-Puyraveau, Quatremére-Quincy, Delacroix, Chéron-La-Bruyère, Léopold, Daverhoult, Mouysset, Lecointe-Puyraveau, Dumolard, Fauchet (12 décembre 1791, t. XXXVI, p. 24 et suiv.); — adoption (ibid. p. 25). — Observations sur le procès-verbal de la séance du jeudi 15 décembre au matin : Chéron-La-Bruyère, Delacroix (16 décembre, p. 157); — sur celui de la séance du 18 décembre : Thuriot, Chabot, Jahan (19 décembre, p. 248). — Observations sur le procès-verbal du 20 décembre au matin (21 décembre, p. 286); — sur le procès-verbal du 23 décembre (24 décembre, p. 333);
— sur le procès-verbal du 25 décembre (26 décembre, p. 419) ; — sur le procès-verbal du 28 décembre (29 décembre, p. 596).
3° Lagrévol demande l'envoi aux départements du procès-verbal de la séance du 11 décembre 1791, (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 21) ; — adoption (ibid. p. 22); — observations de Chéron-la-Bruyère, Chabot, Ramond, Grangeneuve, Thuriot, Merlin, Lasource, Gentil, Delacroix, Guadet, Jaucourt, Laureau, Chéron-La-Bruyère, Thuriot, Grangeneuve, Chabot, Masuyer, Gossuin, Delacroix, Mayerne, Crestin, Lacuée jeune, Duhem, Verguiaud, Merlin, Thuriot, Delacroix, Gérardin, Cambon, Lasource, Tarbé, Delacroix, Mayerne, Cambon (12 décembre, p. 26etsuiv); — l'Assemblée rapporte le décret d'envoi du procès-verbal aux 83 départements (ibid. p. 31).
4° Décret relatif à la rédaction du procès-verbal (26 décembre 1791, t. XXXVI, p. 419).
§ 4. Relations avec le roi. Décret sur la réponse qui sera faite au roi par le Président (14 décembre 1791, t. XXXVI, p. 107.)
§ S. Règlement. Motion relative à la nomination des secrétaires (27 décembre 1791, t. XXXVI, p. 438) ; — adoption (ibid.)
§ 6. Salle des séances. Rapport par Calon sur les modifications à apporter dans l'aménagement de la salle des séances (27 décembre 1791, t. XXXVI, p. 449 et suiv. ) ; — projet de décret {ibid. p. 450) ; — discussion : Saladin, Albitte, Gérardin, Delacroix, Lequinio, Lecointe-Puyraveau (ibid. et p. suiv.) ; — adoption (ibid. p. 451.)
§ 7. Travaux. Proposition de Brémontier relative à. l'établissement de conférences du soir (29 décembre 1791, t. XXXVI, p. 630 et suiv.).
S. Cérémonies. L'Assemblée décide qu'elle ne recevra ni députation ni compliment par écrit à l'occasion du renouvellement de l'année (31 décembre 1791, t. XXXVI, p. 696).
§ 9. Huissiers. Sollicitent la nomination du sieur Bertholet en remplacement du sieur Delplanque (31 décembre 1791, t. XXXVI, p. 712); — adoption de cette requête (ibid. p. 713).
titions. — Président. — Rappels à l'ordre. — Secrétaires. — Vice-Présidents.
§ 1er. Coupures d'assignats.
§ S. Commissaires de l'Assemblée.
§ 3. Annulation et brûlement.
§ 4. Répartition des petits assignats.
§ 5. Forme.
§ 6. Emission.
§ 7. Echange. — Emploi.
§ 8. Mémoires. — Adresses. — Pétitions.
§ 9. Envoi des assignats.
§ 10. Fabrication.
§ 1er. Coupures d'assignats. — 1° Rapport par Cartier-Douineau
sur la question de savoir si l'émission d'assignats au-dessous de 5 livres doit avoir lieu (12
décembre 1791, t. XXXVI, p. 34 et suiv.); — pro-
i'et de décret (ibid. p. 35) ; — discussion : Cambon, >orizy, Becquey, un membre, Lafon-Ladebat (ibid. et p. suiv. ) ; — Merlin (13 décembre, p. 54 et suiv.) ; — Michon-Dumaret, Caminet, Tarbé, Guyton-Morveau, Dorizy, Isnard (16 décembre, p. 157 et suiv.) ; — Brès, Cambon (ibid. p. 161 et suiv.); — l'Assemblée décrète qu'il y aura des assignats au-dessous de 5 livres (ibid. p. 162). — Discussion sur la question de savoir dé quelle somme seront les coupures : Cambon, rapporteur, Ducos (23 décembre, p. 324) ; — l'Assemblée décrète qu'il y aura des coupures de 50 sols (ibid.); — suite de la discussion : Un membre, Marbot, Rougier-La-Bergerie, Mouysset, Dorizy, Tarbé, Chabot, Jouffret, plusieurs membres, Lecointre, Cambon, rapporteur (ibid. et p. suiv.); — l'Assemblée décrète des coupures de 10, 15 et 25 sous (ibid. p. 327.) — Discussion sur la somme qui sera fixée pour chaque coupure : Beugnot, Dorizy, Tarbé, Cambon, rapporteur (ibid. et p. suiv.); —1 Assemblée décrète qu'il y aura 100 millions d'assignats do 50 sous, 100 millions de 25 sous, 60 millions de 15 sous et 40 millions de 10 sous (ibid. p. 328).
2» Opinion, non prononcée,deProuveur (12 décembre 1791, t. XXXVI, p. 40).— Projet de décret adressé à l'Assemblée par M. Constantini, député extraordinaire de la ville de Bonifacio (13 décembre, p. 64 et suiv.). — Opinion, non prononcée, de Couget (16 décembre, p. 169 et suiv.).
§ S. Commissaires de VAssemblée. Nomination de commissaires; leurs noms (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 58).
§ 3. Annulation et brûlement. Brûlement de 7 millions d'assignats (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 76), — de 7 millions d'assignats (19 décembre, p. 256), — de 7 millions d'assignats (26 décembre, p. 401).
§ 4. Répartition des petits assignats. Projet de dé-cretproposé par Cambon (15 décembre 1791, t. XXXVI, p. 123).
§ 5. Forme. Renvoi au comité des assignats et monnaies d'une motion de Isnard relative à l'application d'une empreinte sur les assignats de 5 livres (12 décembre 1791, t. XXXVI, p. 178).
§ 6. Émission. 1° Troisième lecture du projet de décret tendant à porter l'émission des assignats à 1,600 millions (17 décembre 1791, t. XXXVI, p. 178 et suiv.). — Discussion : Dorizy, Cambon, Ballet, Becquey (ibid. p. 180 et suiv.); — adoption du préambule et ae l'article 1er (ibid. p. 181). — Article 2 : Cailhasson, rapporteur, Viéoot-Vaublanc, Ducos, Carnot-Feuleins jeune (ibid. p. 182); — adoption (ibid.). — Adoption sans discussion de l'article 3 (ibid.). — Article 4 : Cambon (ibid.) ; — adoption avec amendement (ibid.). — Adoption sans discussion des articles 5 et 6 (ibid.). — Texte du décret (ibid. et p. suiv.). — Observations de Cambon sur une erreur de rédaction de l'article 2
(28 décembre, p. 477 et suiv.)", — adoption d'une rectification (ibid. p. 478). — Texte de l'article modifié (ibid.). — Texte définitif (29 décembre p. 596).
2° Opinion, non prononcée, de Sissous (17 décembre 1791, t. XXXVI, p. 194 et suiv.).
§ V. Échange. Projet de décret sur les moyens pour établir dans les districts des caisses d'échange des assignats de5 livres (17 décembre 1791, t. XXXVI, p. 184); —discussion : Lafon-Ladebat, Baignoux, Allard (ibid. et p. suiv.) ; Thévenet, Boisrot-de-Lacour, Cambon, rapporteur, Vincens-Plauchut, Lavigne, Cambon, rapporteur, Pieyre, Lafon-Ladebat, Dorizy (19 décembre, p. 250 et suiv.) ; — adoption de l'article 1" (ibid. p. 253). — Articles 2 et 3 nouveaux proposés par le comité (20 décembre, p. 273) ; — discussion : Pieyre, Chabot, Basire, Guyton-Morveau, Vincens-Plauchut, Vergniaud, Cambon, rapporteur, Dumas, Vergniaud (ibid. et p. suiv.) ; — adoption des articles 2, 3 et 4 (nouvelle rédaction du comité) destinés à remplacer les articles 2 et 3 (ibid. p. 274). — Art. 5 (ancien art. 4) : adoption (ibid. p. 275). — Art. 6 (ancien art. 5) : adoption sauf rédaction (21 décembre, p. 294). — Article 7 nouveau : adoption (ibid.). — Articles 8 à 12 (anciens art. 6 à 10) : — adoption (ibid.). — Art. 13 : Un membre, Dorizy, Roux-Fasillac (ibid. et p. suiv.); — adoption (ibid. p. 295). — Art. 14 : adoption (ibid.).
— Art. 15 : Dorizy (ibid.)', — adoption avec amendement (ibid.). — Article 16proposé par Dorizy (ibid.) ;
— adoption (ibid.).— Texte définitif du décret (ibid. et p. suiv.}.
2° Rapport par Cailhasson sur une affectation de 30 millions d'assignats à la caisse de l'extraordinaire destinés à l'échange d'assignats de 2,000 livres (27 décembre 1791, t. XXXVI, P- 433 et suiv.); — adoption de l'urgence et du projet de décret (ibid. p. 434).
§ 8. Mémoires. — Adresses. — Pétitions. Adresse du sieur Pépin sur le danger de l'émission d'assignats au-dessous de 5 livres (15 décembre 1791), t. XXXVI, p. 156).
§ 9. Envoi des assignats. Le comité de l'ordinaire des finances présentera un mode moins onéreux pour l'envoi des assignats, dans lés départements (21 décembre 1791, t. .XXXVI, p. 295).
§ 10. Fabrication. 1° Motion relative à' la surveillance de la fabrication des assignats (23 décembre 1791, t. XXXVI, p. 327) ; — renvoi au comité des assignats et monnaies (ibid. p. 328).
2® Ajournement au 26 décembre du rapport sur la fabrication, la couleur et le matériel de la forme des assignats dont.l'émission a été précédemment décrétée (24 décembre 1791, t. XXXVI, p. 335); —rap-
Sort par Montault-des-Isles sur les perfectionnements e la fabrication des assignats (26 décembre, p. 409 et suiv.).
3® Le comité des assignats et monnaies est autorisé à suivre les expériences sur les moyens d'améliorer la fabrication des assignats (26 décembre 1791, t. XXXVI, p. 411).
4® Projet de décret portant que le ministre des contributions publiques et les commissaires du roi sont suffisamment autorisés par le décret du 8 décembre 1791 à faire toutes les conventions relatives à la fabrication des assignats (31 décembre 1791, t. XXXVI, p. 697); — adoption (ibid.).
Société des amis de la Constitution. Adresse de dévouement (17 décembre 1791, t. XXXVI, p. 175).
— Voir Ministre de la marine.
2° Renvoi au comité des pétitions d'une demande de plusieurs municipalités qui désirent être admises à faire leur soumission pour l'acquisition de biens nationaux (27 décembre 1791, t. XXXVI, p. 449).
— Voir Domaines nationaux. — Reconnaissances de liquidation.
mingue (p. 621). — Lettre aux citoyens de couleur du Mirebalais (p. 622 et suiv. ). — Lettres à M. de Jumé-court (p. 626 et suiv.), (p. 628 et suiv.).
Port. Le ministre de la marine d mande des secours pour les ouvriers (17 décembre 1791, t. XXXVI, p. 174).
— Voir Officiers absents.
— Pétition (t. XXXVI, p. 44).
gence (ibid.); — adoption avec'amendement du projet ae décret (ibid. p. 696). — Texte du décret (ibid.).
§ 1er. Etats de situation. Lettre du commissaire du roi (16
décembre 1791, t. XXXVI, p. 161); — renvoi au comité de l'extraordinaire' des finances
(ibid.).
§ 18. Versements à la Trésorerie nationale (29 décembre 1791, t. XXXVI, p. 599).
— Voir Amelot.
2° Projet de décret présenté par les commissaires-inspecteurs relatif aux personnes exemptes des formalités prescrites par le décret du 13 décembre 1791 (24 décembre 1791, t. XXXVI, p. 333 et suiv.). — Discussion.— Adoption de l'urgence (28 décembre,p. 476). — Article 1" : Delacroix, Boisrot-de-Lacour, Dorizy (ibid.) ; — adoption (ibid.}. — Adoption de l'article 2 (ibid.). — Article 3 : Donzy (ibid.)] — rejet (ibid.). — Adoption de l'article 4 (ibid.). — Sur la motion de Delacroix, l'Assemblée décide de réunir ce décret à celui sur les reconnaissances de liquidation données en payement des biens nationaux (ibid.). — Texte définitif du décret (ibid., et p. suiv.). — Adoption d'une nouvelle rédaction de 1 article 6 (29 décembre, p. 599 et suiv.).
due par le chapitre de Notre-Dame de Martineret (t. XXXVI, p. 4).
Conseil général. Annonce d'un trait de générosité de sa part (15 décembre 1791, t. XXXVI, p. 115).
Directoire. Demande une réduction de la gratification accordée à Lesage, manufacturier (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 2). — Soumet à l'Assemblée des arrêtés, que les circonstances l'ont forcé de prendro (ibid. et p. suiv.).
Directoire. Lettre du président du conseil général qui expose le retard apporté à l'organisation du Directoire (15 décembre 1791, t. XXXVI, p. 116); — projet de décret présenté par Thévenin (ibid.) ; — adoption (ibid.).
Tribunal. Les juges dénoncent les sieurs Charrier, Dubreuil et Antnome Gauthier comme prévenus du crime d'enrôlements pour les émigrés (29 décembre 1791, t. XXXVI, p. 639); — renvoi au comité de surveillance [ibid.).
2° Mémoire du ministre do la marine, relatif aux troubles des colonies et aux mesures qui pourraient être prises pour en réparer les désastres (19 décembre 1791, t. XXXVI, p. 253 et suiv.).
3° Un membre demande qu'il soit décidé si les députés des colonies seront admis dans le sein de l'Assemblée (24 décembre 1791, t. XXXVI, p. 357) ; — observations de Ducos, Tarbé, Guadet (ibid.)', — ajournement (ibid.).
§ ler. Comités en général.
§ 2. Comités spéciaux selon Vordre alphabétique.
§ 1er Comités en général. — Les présidents des comités feront
dresser la liste des travaux prêts à être
soumis à l'Assemblée (13 décembre 1791, t, XXXVI, p. 87). — Il sera tenu dans chaque comité un registre, pour l'ordre des rapports (24 décembre, p. 367).
§ 2. Comités spéciaux selon l'ordre alphabétique.
Travaux. Rapport sur l'exportation des fourrages (31 décembre 1791, t. XXXVI, p. 709).
Organisation. Le comité est autorisé à prendre un second commis (24 décembre 1791, t, XXXVI, p. 335).
Travaux. Rapport sur les perfectionnements de la fabrication des assignats (26 décembre 1791, t.XXXVl, p. 409 et suiv.). — Est autorisé à suivre les expériences sur les moyens d'améliorer la fabrication dos assignats (ibid. p. 411).
Travaux. Rapports sur l'argent du canton de Soleure arrêté à Belfort (13 décembre 1791, t. XXXVI (p. 46 et suiv.), — sur les rassemblements de Brabançons dans le Nord (20 décembre, p. 267 et suiv.), — sur l'affaire des soldats du régiment de Châteauvieux (24 décembre, p. 357 et suiv.), — sur une demande de 20 millions pour les dépenses de la guerre (26 décembre, p. 403 et suiv.), — sur la mise en accusation des princes émigrés (1er janvier 1792, p. 728 et suiv.).
Travaux. Rapports sur l'organisation du directoire du district de Clermont (Puy-de-Dôme) (15 décembre 1791, t. XXXVI, p. 116), — sur une difficulté qui s'est élevée entre les anciens officiers municipaux de Versailles et trois des officiers nouveaux nommés pour les remplacer (20 décembre, p. 280 et suiv.), — sur l'admission de Dequeux, député suppléant de la Somme (21 décembre, p. 286), — sur l'élection de Henry dans la Haute-Marne (22 décembre, p. 312), — sur l'élection de hauts jurés (24 décembre, p. 335), — sur la pétition de Basin (30 décembre, p. 643 et suiv.), — sur les conditions d'éligibilité pour les places a'évêques et de curés (31 décembre, p. 692 et suiv.).
Travaux. Bapport sur la réclamation des prêtres et clercs étudiants de la communauté de Saint-Lazare (27 décembre 1791, t. XXXVI, p. 464).
§ 1er. Comités des finances en général.
§ S. Comité de l'ordinaire des finances.
§ 3. Comité de l'extraordinaire des finances.
Travaux. Rapports sur la continuation des travaux du Panthéon français (24 décembre 1791, t. XXXVI, p. 365 et suiv.), — sur le remboursement de frais faits pour des perquisitions dans des maisons suspectes de Paris (25 décembre, p. 373 et suiv.), — sur les dépenses de l'année 1792 (30 décembre, p. 645 et suiv.).
Travaux. Rapports sur la question de savoir s'il y
a lieu d'émettre des assignats au-dessous de 5 livres (12 décembre 1791, t. XXXVI, p. 34 et suiv.), — sur le payement des pensions (13 décembre, p. 56), — sur le délai dans lequel les créanciers de l'Etat devront produire leurs titres (24 décembre, p. 335 et suiv.), — sur une demande d'emprunt formée par les administrateurs du bureau de charité de Lille (26 décembre, p. 393), — sur une demande de 20 millions pour les dépenses de la guerre (ibid. p. 403 et suiv.), — sur une affectation de 30 millions d'assignats à la caisse de l'extraordinaire (27 décembre, p. 433 et suiv.), — sur un versement à faire à la Trésorerie nationale par la caisse de l'extraordinaire (29 décembre, p. 599), — sur une demande d'avances formée par la commune de Paris (30 décembre, p. 667).
Travaux. Projet de décret concernant les personnes exemptes des formalités prescrites par le décret du 13 décembre 1791 pour se faire payer aux caisses publiques (24 décembre 1791, t. XXXVI, p. 333). — Rapports sur les troubles des Feuillants (27 décembre, p. 432 et suiv.), — sur les modifications à apporter dans l'aménagement de la salle des séances (ibid. p. 449 et suiv.), — sur les députés absents (28 décembre, p. 477).
Travaux. Rapport sur la formation de la haute-cour nationale (22 décembre 1791, t. XXXVI, p. 298 et suiv.), — sur l'accusation contre Delattre (ibid., p. 303 et suiv.), — sur des articles additionnels à la loi sur les jurés (30 décembre, p. 664 et suiv.).
Organisation. Le comité est autorisé à prendre 12 commis (1S décembre 1791, t. XXXVI, p. 97).
Travaux. Rapport sur la pétition de la dame Cham-barliac (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 101).— Projets de décret sur la liquidation (17 décembre, p. 160 et suiv.). — Rapports sur les formalités à remplir par lès créanciers de l'Etat qui fournissent des reconnaissances de liquidation en payement des biens nationaux (27 décembre, p. 129 et suiv.),— sur l'augmentation du nombre des commis du bureau de liquidation (ibid. p. 434 et suiv.), — sur les pensionnaires de l'Etat nés en 1715 et dans les années suivantes (ibid. p. 435 et suiv.), — sur les pensionnaires de l'Etat nés en 1715 et dans les années précédentes (ibid. p. 438), — sur les pensions des ci-devant employés de la régie des domaines et de l'intendance ae l'île de Corse (ibid. et p. suiv.).
Travaux. Bapports par Rouyer sur l'offre faite par Benjamin Dubois de céder à l'Etat le port de Mont-marin (20 décembre 1791, t. XXXVI, p. 281), — sur une gratification de 10,000. Iivres à accorder à Dupetit-Thouars pour aller à la recherche de Lapeyrouse (22 décembre, p. 329 et suiv.), — sur la forme des congés des bâtiments de marine (25 décembre, p. 374), — sur les dénonciations portées contre le ministre de la marine au sujet de l'absence d'officiers de la mariné de Brest (29 décembre, p. 637 et suiv.).
Travaux. Rapports sur les troubles de Perpignan 413 décembre 1791, t. XXXVI, p. 83 et suiv.), — sur le changement d'uniforme des commissaires des guerres (ibid. p. 101), — sur les plaintes de plusieurs sous-offi-ciers et soldats des 10 et 12" régiments de cavalerie (14 décembre, p. 109), — sur le sort à faire aux invalides (17 décembre, p. 206 et suiv.), — sur les rassemblements de Brabançons dans le Nord (20 décembre, p. 267 et suiv.), -—.sur l'éjévation au grade de iparéchal de France des généraux de Rochambeau et Luckner (24 décembre, p. 336 et suiv.), — sur l'organisation. de la gendarmerie nationale (ibid. p. 367 et suiv.), — sur une demande de 20 millions pour la guerre (26 décembre, p. 403 et suiv.), — sur l'état des frontières (27. décembro, p. 451 et suiv.), — sur le
marché passé avec le sieur Baudouin pour les transports militaires (ibid. p. 462), — sur une pétition du second bataillon des volontaires de la Manche (29 décembre, p. 641), — sur l'exportation des fourrages (31 décembre, p. 709).
Travaux. Analyse d'adresses et de pétitions en-
. voyées à l'Assemblée (22 décembre 1791, t. XXXVI, p. 316 et suiv.), (25 décembre, p. 371 et suiv.), (29 décembre, p. 631 et suiv.).
Travaux. Rapports sur la suspension provisoire de l'adjudication définitive du bail de l'Ecole militaire (21 décembre 1791, t. XXXVI, p. 286 et suiv.), — sur les secours à accorder aux départements (26 décembre, p. 406 et suiv.), — sur les travaux du canal de Bourgogne (31 décembre, p. 691).
Travaux. Rapports sur les troubles de Perpignan (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 83 et suiv.), — sur l'arrestation de particuliers prévenus d'enrôler pour l'armée des émigrants (ibid. p. 88 et suiv.), — sur les rassemblements de Brabançons dans le Nord (20 décembre, p. 267 et suiv.), — sur l'affaire du sieur Dutrehan (22 décembre, p. 318 et suiv.), — sur l'affaire des sieurs Loyauté et Silly (29 décembre, p. 598), — sur les troubles de Choue (ibid. p. 639), — sur la mise en accusation des princes émigrés (1er janvier 1792, p. 729 et suiv.).
cembre 1791, t. XXXVI, p- 118); — observations de Cambon et de Becquey (ibid.) ; — Lafon-Ladebat donne lecture des districts qui ont fait le réparte-ment des ^impositions et de ceux qui sont en retard (ibid.).
2° Lettre du roi portant renvoi du décret du 15 novembre 1791 sur les moyens d'accélérer le recouvrement des contributions (19 décembre 1791, t. XXXVI, p. 256) ; — renvoi au comité de législation (ibid. p. 257).
Conseil général. Adresses de dévouement (20 décembre 1791, t. XXXVI, p. 279 et suiv.), (29 décembre, p. 632).
Administrateurs. Envoient un arrêté de la ,muni-cipalité de Saint-Brieuc sur les enrôlements faits par un ecclésiastique (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 45).
. un congé (t. XXXVI, p. 264).
— 1792. — Parle sur la mise en accusation des princes émigrés (p. 740).
2° Le sieur Argéas est autorisé à copier les décrets au bureau des procès-verbaux de l'Assemblée (24 décembre 1791, t. XXXVI, p. 336).
maréchaux de France (p. 337), — sur la retenue des impositions sur lès sommes dues aux titulaires des offices supprimés (p. 342), — sur le dépôt par le ministre des affaires étrangères de pièces non signées (p. 371), —sur l'affaire du sieur Basin(p. 376), — sur la détention du sieur Vanney (p. 383), — sur la désertion de 7 cavaliers du régiment en garnison à Sarrebourg (p. 395), — sur les troubles des Feuillants (p. 421), (p. 425 et suiv.), (p. 432), — sur l'aménagement de la salle dos séances (p. 451). — Soumet à la discussion le projet de décret sur la revue des volontaires nationaux (p. 462 et suiv.).—Parle sur la rédaction du décret relatif à l'augmentation du nombre des maréchaux de France (p. 466), (p. 467), — sur les formalités pour toucher aux caisses publiques (p. 476), — sur le droit de pétition (p. 597), — sur les troubles de Choue (p. 598), — sur l'affaire des sieurs Gallet et Labadie (p. 636), — sur l'exportation des fourrages (p. 700), — sur l'accusation portée contre le ministre de la marine (p. 701), — sur un mémoire du sieur Burté (p. 711). — 1792. —r Parle sur la mise en accusation des princes émigrés (p. 732), (p. 737), (p. 739), (p. 740).
ministre de l'intérieur (t. XXXVI, p. 305 et suiv.), (p. 307 et suiv.);— observations de Duport, ministre de la justice et de Tarbé, ministre des contributions publiques (p. 306); — renvoi au comité de législation (p. 309).
— Voir ministre des affaires étrangères et ministre de l'intérieur et ministre de la guerre.
— sur la rédaction du décret relatif à l'augmentation du nombre des maréchaux de France (p. 467).
1° Affaires étrangères (Département des). Étatdes dépenses pour le service de ce département pendant l'année 1792 (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 77) «. — renvoi au comité de l'ordinaire des finances [ibid.) ;— détail de ces dépenses (28 décembre, p. 579 et suiv.).
Guerre (Département de la). Aperçu des dépenses à faire dans le département de la guerre pour 1792 (18 décembre 1791, t. XXXVI, p. 233 et suiv.); — renvoi aux comités militaire et de l'extraordinaire des finances réunis (ibid. p. 234) ; — détail de ces dépenses (18 décembre, p. 499 et suiv.).
Intérieur (Département de 1'). Étatdes dépenses pour le service de l'année 1792 présenté par Delessart (28 décembre 1791, t. XXXVI, p. 478 et suiv.); — aétail de ces dépenses (ibid. p. 560 et suiv.).
Justice (Département de la). Le ministre de la justice envoie 3 états relatifs aux dépenses de son département (17 décembre 1791, t. XXXVI, p. 173) ; — détail de ces états (28 décembre, p. 484 et suiv.).
Marine (Département de la). 1° Lettre du ministre de la marine concernant les dépenses de son département pour l'année 1792 (17 décembre 1791, t. XXXVI, p. 174); — détail de ces dépenses (28 décembre, p. 488 et suiv.).
2° Rapport par Lafon-Ladebat sur les dépenses de l'année 1792 (30 décembre 1791, t. XXXVI, p. 645 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 653 et suiv.). — Discussion : Baignoux (31 décembre, p. 698) ; — Baignoux, Borie, Jacob Dupont, Marbot, Cambon, Dorizy, (ibid. p. 701 et suiv.); — adoption de l'urgence (ibid. p. 707); — adoption avec amendement des 3 articles du décret (ibid. et p. suiv.). — Texte du décret (ibid. p. 708).
3° Les comités des finances s'occuperont de l'examen des recettes et des dépenses publiques ei présenteront à l'Assemblée le tableau de leurs opérations au plus tard le l«r mars 1192 (31 décembre 1791, t. XXXVI, p. 708).
2° Motion de Caminet au sujet des députés fonctionnaires qui touchent un traitement autre que celui de député (28 décembre 1791, t. XXXVI, p. 477) ;—ordre du jour (ibid.).
3° Inizan demande que les membres de l'Assemblée fassent don à la patrie du numéraire qu'ils
possèdent (1er janvier 1792, t. XXXVI, p. 726); — observations de
Becquey (ibid.) ; — ordre du jour (ibid.).
— Voir Députés, n° 3.
2° Séranne demande que le ministre des contributions publiques rende compte du produit des douanes (27 décembre 1791, t. XXXVI, p. 449); — renvoi aux comités du commerce et de l'ordinaire des finances (ibid.).
— lettre de Labeyrie à son sujet (ibid.); — observations de Lucat et de Richard (ibid.) ; — renvoi aux pouvoir exécutif (ibid.).
— sur l'admission des députés des colonies (p. 357),
— sur les affaires de Saint-Domingue (p. 400), — sur l'ordre du jour (p. 401), — sur les troubles des Feuillants; (p. 420), — sur les chambres de commerce (p. 480), (p. 481), — sur l'exportation des fourrages (p. 709).
— Parle sur le rappel des officiers employés dans les bataillons de volontaires nationaux (p. 463), — sur la rédaction dn décret relatif à l'augmentation du nombre des maréchaux do France (p. 466), (p. 467), (p. 468), — sur les chambres de commerce (p. 480 et suiv.), — sur une déclaration aux puissances étrangères (p. 619). — Communique une lettre du syndic de la ville de Spire relative aux émigrants (p. 666).
— Parle sur l'exportation des fourrages (p. 700), (p. 701). — Fait un rapport sur l'exportation des fourrages (p. 709), — le défend (709), (p. 710). — 1792. — Parle sur la mise en accusation des princes émigrés (p. 740).
Marne (Haute-). Rapport par Léopold sur les difficultés survenues pour l'élection de Henry (22 décembre 1791, t. XXXVI, p. 312); —discussion : Becquey, Léopold, rapporteur, negnault-Beaucaron (ibid. et p. suiv.); — admission de Henry (ibid. p. 313).
Somme. Admission de Dequeux en remplacement de Loyeur démissionnaire (21 décembre 1791, t. XXXVI, p. 286).
pièces relatives à la conduite de l'cquipage de la frégate (19 décembre, p. 258); — communication du ministre de la marine (20 décembre, p. 272 et suiv.)j;
— observations de Brissot de Warville, Fauchet et Ducos (ibid. p. 273) ; — l'Assemblée renvoie le mémoire du ministre de la marine aux comités colonial et de marine réunis et décrète que le rapport relatif à la frégate l'Embuscade se fera en même temps que le rapport sur les colonies (ibid.).
1* Adresses et pétitions réclamant contre l'usage que le roi a fait de son droit de veto relativement au décret contre les émigrants. Adresse de la section de l'Observatoire (Il décembre 1791, t. XXXVI, p. 5). — Pétition de la section de Mauconseil (ibid. p. 16). — Adresse de 800 citoyens de Paris (13 décembre, p. 80 et suiv.), — de la section [du Marché des Innocents (13 décembre, p. 83 et suiv.).
2« Adresses de félicitations à l'Assemblée.—Adresses de la ville d'Auxonne (13 décembre Î791, t. XXXVI, p. 78), '— de la section des Lombards (ibid. p. 87 et suiv.), — du directoire du district de Saint-Fargeau (20 décembre, p. 277).
3° Agissements des émigrés. Riihl annonce que les émigrés quittent les bords du Rhin pour se replier dans l'intérieur de l'Allemagne et dépose un règlement de guerre des princes français (30 décembre 1791, t. XXXVI, p 666 et suiv.); — renvoi au comité diplomatique (ibid. p. 667).
4o Réponse à la proclamation du roi. — Réponse des militaires et autres émigrés à la proclamation du roi du 12 novembre 1791 (t,r janvier 1792, t. XXXVI, p. 740 et suiv.)
— Voir Calonne. — Charles-Philippe. — Condé.
— Empereur d'Allemagne. — Enrôlements. — Louis-Joseph. — Louis-Stanislas-Xavier. — Palatin (Electeur). — Princes français. — Puissances étrangères.
— Rassemblements. — Royaume n° 2. — Spire. — Trêves (Electeur de).
2° Rapport par Fauchet sur l'arrestation des sieurs Rauch, Richard et Lucot, prévenus d'enrôler pour l'armée des émigrants (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 88 et suiv.);—l'Assemblée décrète la comparution à la barre des inculpés (ibid. p. 89) ;—interrogatoire de Rauch (ibid. et p. suiv.), (p. 99), (p. 101), (p. 103) ; — interrogatoire de Richard (ibid. p. 91) ; — interrogatoire de Lucot (ibid. et p. suiv.), (p. 99), (p. 101); —débat: Delacroix, Grangeneuve, Gossuin (ibid. p. 93 et suiv.), l'Assemblée décide que Rauch et Lucot seront confrontés à la barre (ibid. p. 94); —confrontation de Rauch et de Lucot (ibid. et p. suiv.); —débat sur la question de savoir s'il y a lieu d'entendre
certains témoins : Basire, Fauchet, rapporteur, Laeré-vol, Basire, Hérault de Séchelles, Ducos, Merlin, Re-boul, Rouyer (ibid. p. 95 et suiv.); — l'audition est décrétée (ibid. p. 96). — Interrogoire de Ducrocq (ibid. p. 98 et suiv.),— (p. 103 et suiv.); — interrogatoire ae Manoury (ibid. p. 99 et suiv,); — de Mme Chaba-varlet (ibid. p. 100) ; — interrogatoire de Carignon (ibid. p. 102) ; — interrogatoire de Fleuret (ibid. p. 103) ;
— sur la motion de Gérardin et Jaucourt, l'Assemblée décerne un témoignage de satisfaction à Richard (ibid.
f). 105); — discussion sur le renvoi de Rauch devant es tribunaux ordinaires : Mathieu, Lagrévol, Thuriot. Fauchet, rapporteur, Quesnay, Graneeneuve, Chéron-La-Bruyère, Ducos, Gérardin, Fauchet, rapporteur. Thuriot, Garran-de-Coulon (ibid. et p. suiv.) ; — Gran-
Eeneuve (14 décembre, p. 108).— Déposition de Pierre ecoine (ibid. et p. suiv.); — l'Assemblée décrète que les sieurs Rauch et Lucot continueront d'être gardés à vue (ibid. p. 115); — observations de Thuriot, de Mouysset et Lecointe-Puyraveau (15 décembre, p. 117);
— l'Assemblée décrète que le sieur Lecoine sera mandé à la barre à nouveau (ibid. p. 118) ; — nouvelle déposition de Pierre Lecoine (ibid. p. 123 et suiv.); — nouvel interrogatoire de Rauch et de Lucot (ibid. p. 124 et suiv.) ; — discussion sur la question de savoir s'il y a lieu ou non à accusation contre les sieurs Lucot et Rauch : Crestin, Lagrévol, Chéron-La-Bruyère, Audrein, Delacroix, Gensonné (ibid. p. 127 et suiv.) ; — l'Assemblée décrète qu'il n'y a lieu à accusation ni contre le sieur Lucot, ni contre le sieur Rauch (ibid. p. 128).
3" Les officiers municipaux de Poitiers dénoncent des enrôlements faits pour l'armée des rebelles (15 décembre 1791, t. XXXVI, p. 116 et suiv.).
4° Rapport communiqué par Fauchet (15 décembre 1791), t. XXXVI, p. 126 et suiv.).
5° Les juges du tribunal de district de Clermont-Ferrand dénoncent les sieurs Charrier, Dubreuil et Antoine Gauthier comme prévenus du crime d'enrôlements pour les émigrés (29 décembre 1791, t. XXXVI, p. 639);—renvoi au comité de surveillance (ibid.).
— Parle sur une plainte du département du Morbihan (p. 45). — Fait un rapport sur l'arrestation de particuliers prévenus d'enrôler pour l'armée des émigrants (p. 88 et suiv.),— le défend (p. 91) (p. 105), (p. 106). —Donne lecture d'un projet de décret relatif à la conservation des places aux vicaires nommés avant l'organisation des paroisses (p. 102). — Communique un rapport sur les enrôlements pour l'armée des émigrants (p. 126 et suiv.). — Parle sur une pétition (p. 206), (p. 228),—sur l'insurrection de l'équipage de la frégate 1 Embuscade(p. 273),— sur les rassemblements de Brabançons dans le Nord (p. 292), — sur l'affaire du sieur Dutrelian (p. 319),—sur la réponse du roi de Sardaigne à la notification de l'acceptation de l'acte constitutionnel par le roi (p. 348), — sur le procès-verbal du 25 décembre 1791 (p. 419). — Fait un rapport relatif à l'affaire des sieurs Loyauté et Silly (p. 598 et suiv.) — Parle sur les compliments à l'occasion de la nouvelle année (p. 6%).
— Déposition de l'officier commandant le poste de la 3" division (ibid. p. 421). — Déposition de l'officier commandant le poste de la 4e division (ibid. p. 422). Observations de Dehaussy-Robecourt (ibid.). — Déposition de l'officier commandant tout le poste (ibid.).
— Motion de Merlin {ibid. p. 424); — débat : Gérardin, Delacroix, Jaucourt, Grangeneuve, Mosne-ron aîné, Lacretelle (ibid. et p. suiv.) ; — renvoi de l'affaire aux commissaires de la salle (ibid. p. 427). — Lettre du maire de Paris (27 décembre, p. 431); — observations de Boisrot-de-Lacour, Delacroix, Léo-pold (ibid. et p. suiv.). — Rapport par Dehaussy-Robecourt au nom des commissaires de la salle (ibid. p. 432 et suiv.); — projet de décret défendant l'établissement de toute société particulière dans l'enceinte des Feuillants (ibid. p. 433), — adoption (ibid.).
— ordre du jour (ibid. p. 52).
2° Mémoire de Clavière sur les finances (1S décembre 1791, t. XXXVI, p. 153 et suiv.).
3° Opinion, non prononcée, de Sissous sur les finances (17 décembre 1791, t. XXXVI, p. 194 et suiv.).
4° Guyton-Morveau demande la mise à l'ordre du jour des projets de décret sur les finances (22 décembre 1791, t. XXXVI, p. 304 et suiv.).
5° Mémoire de Lavoisier sur l'état des finances au 1" janvier 1792 (30 décembre 1791, t. XXXVI, p. 673 et suiv.).
les volontaires du 2' bataillon (t. XXXVI, p. 77).
1° Pétition de 3 aides-majors demandant à être conservés dans la gendarmerie jusqu'à leur remplacement dans les troupes de ligne (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 21).
2° Adresses de dévouement du bataillon de la section du Faubourg-Montmartre (18décembre 1791, t. XXXVI, p. 229 et suiv.); — du bataillon des Filles-Saint-Thomas (25 décembre, p. 378 et suiv.).
er Casernes.
Pièces adressées par le ministre de l'intérieur sur la demande du payement du loyer des
casernes (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 76).
§3. Officiers. Les nouveaux officiers sont présentés à l'Assemblée par le maire de Paris, et défilent devant elle (15 décembre 1791, t. XXXVI, p. 119). — Il sera fait un extrait de cette scène qui sera envoyé aux départements (ibid. p. 120).
§ 3. Organisation. Pétitions y relatives (l,r janvier 1792, t. XXXVI, p. 726), (p. 727).
— Demande la question préalable sur l'impression d'un discours d'Anacharsis Clootz (p. 80). — Parle sur une pétition de 800citoyens de Paris (p. 81), (p. 82), (p. 105), (p. 106), — sur les rassemblements de Brabançons dans le Nord (p. 292), — sur le dépôt par le
ministre des affaires étrangères de pièces non signées (p. 371),— sur les propositions du sieur Carie (p. 399), — sur l'établissement aes hauts-jurés (p.412), — sur les troubles des Feuillants (p. 425), — sur l'aménagement de la salle des séances (p. 451),— sur l'état des frontières (p. 461), — sur la suspension de l'envoi de la loi sur la suppression des chambres de commerce (p. 481).
. (p. 84), — sur l'affaire de Rauch (p. 93 et suiv.), (p. 99), (p. 105), — sur le message au roi (p. 120),— sur les rassemblements de Brabançons dans le Nord (p. 293), — sur l'affaire du sieur Dutrehan (p. 319),— sur le dépôt par le ministre des affaires étrangères de pièces non signées (p. 371), — sur la mise en accusation des princes émigrés (p. 382), — sur une dénonciation contre le sieur Guilloumot (p. 390), — sur les troubles des Feuillants (p. 426 et suiv.), —■ sur les chambres de commerce (p. 480). — 1792. — Fait un rapport sur la mise en accusation des princes émigrés (p. 729 et suiv.).
Fonds et dépenses : 1° Le roi demande qu'un fonds extraordinaire de 20 millions soit mis à la disposition du ministre. pour les préparatifs de guerre
(18 décembre 1791, t. XXXVI, p. 233); — renvoi aux comités militaire et de l'extraordinaire des finances réunis (ibid.)', — rapport par Gensonné (26 .décembre, p. 403 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 406). — Le ministre de la guerre demande que l'Assemblée discute ce projet de décret (28 décembre, p. 474); — observations de Gensonné (ibid.)', — ajournement jusqu'après la distribution du rapport et du projet de décret (28 décembre, p. 474); Discussion : Brissot de Warville (29 déc., p. 600 et suiv.); —Daverhoult, Ramond, Gensonné, rapporteur, Hérault de Séchelles, Condorcet, Mathieu-Dumas, Chéron-La-Bruyère (ibid. p. 613 et suiv.) ; — adoption de l'urgence (ibid. p. 620); — observations de Cambon et de Re-boul [ibid.) ; — adoption du projet de décret (ibid.). .— Texte du décret (ibid.). — Sur la demande d'un membre, il est fait une nouvelle, lecture de la lettre par laquelle le ministre de la guerre par intérim prie l'Assemblée de délibérer incessamment sur le fonds de 20 millions (30 décembre, p. 643). — Adoption d'une modification au décret mettant ce fonas à la disposition du ministre (ibid.). — Texte définitif du décret (30 décembre p. 654).
2° Instances du ministre pour le payement de l'arriéré de 1789 (23 décembre 1791, t. XXXVI, p. 324); — renvoi au comité de liquidation (ibid.).
Halluin (Commune). Lettre des officiers municipaux au sujet du sieur d'Aligre et de son épouse (15 décembre 1791, t. XXXVI, p. 117).
§ 1. Convocation. — Organisation. — Composition.— Eclaircissements du ministre de la justice sur le retard apporté à sa formation (12 décembre 1791, t. XXXVI, p. 32 et suiv,) ; — observations de Dalmas (ibid. p. 33) ; — renvoi au comité de législation (ibid.);— le comité de législation fera son rapport le 19 décembre^ décembrep. 222); — rapport par Dalmas sur la formation de la haute-cour (22 décembre, p. 298 et suiv.) ; — projet de décret (ibid. p. 302). — Discussion : Pastoret, Crestin, Mouysset, Ducastel, Dalmas,
rapporteur, Crestin, Guadet, Rousseau fils, Thorillon, Gensonné, Ducastel (30 décembre, p. 655 et suiv.).
§ t. Grands procurateurs de la nation. Motion de Garran-de-Coulon au sujet de leurs rapports avec le ministre de la justice et de leur départ pour Orléans (12 décembre 1791, t. XXXVI, p. 33) ; — observations du ministre de la justice (ibid.) ; — renvoi au comité de législation (ibid.p. 34).
§ 3 Grands juges. Demandent qu'on leur fasse parvenir les lois et décrets qui leur sont nécessaires pour remplir leur mission et que le local destiné à leurs séances soit mis dans un état convenable (23 décembre 1791, t. XXXVI, p. 324);— renvoi au comité de législation (ibid.).
§ 4. Greffiers. Lettré du ministre concernant le salaire des greffiers (25 décembre 1791, t. XXXVI, p. 388) ; — renvoi au comité de législation (ibid.).
Adresses et Mémoires. — Adresse de M. Maillon (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 43).
Conseil général. Demande que sa session soit prorogée (12 décembre 1791, t. XXXVI, p. 34), — débat : Daignoux, uh membre (ibid.) ; — ordre du jour (ibid.).
p. 248). — Ses observations sur le procès-verbal du 20 décembre au matin (p. 286).
— Annonce qu'il n'a pas pu prêter le serment civique (t. XXXVI, p. 330).
— Rapport sur sa réclamation (t. XXXVI, p. 109).
— sur la solde des officiers (p. 294), — sur l'absence de Valadier (p. 297), — sur le rappel des officiers employés dans les bataillons de volontaires nationaux (p.463), (p. 464), —sur une pétition des gardes des ports ae Paris (p. 635).
— Secrétaire (p. 438). — Parle sur l'état des frontières (p. 461),— sur les volontaires nationaux (p. 462).
— Fait la relue du décret sur l'organisation des volontaires nationaux (p. 468).— Parle sur la pétition du sieur Basin (p. 644), — sur les embauchements faits par les émigrés (p. 666).
— Parle sur l'affaire Rauch et Lucot (p. 95 et suiv.), (p. 97), (p. 105), — sur l'ordre jour (p. 113), — sur l'affaire Rauch et Lucot (p. 127), — sur l'échange des assignats (p. 295), — sur l'incendie de la maison où le département de la Haute-Loire tenait ses séances (p. 297), —sur une contestation au sujet de la nomination de 7 curés de la Haute-Loire (p. 324),— sur la retenue des impositions sur les sommes dues aux titu-
Iaires d'offices supprimés (p. 332 et suiv.) ; — sur les frétenlious des princes étrangers possessionnés en rance (p. 353).
— sur les coupures d'assignats et sur la solde de l'armée (p. 293 et suiv.).
Volontaires nationaux.—Le second bataillon dénonce l'incivisme de Duchillau, commandant en chef de la 11° division (29 décembre 1791, t. XXXVI, p. 642).
— Demande qu'il soit envoyé aux départements un compte rendu de la présentation à l'Assemblée des nouveaux officiers de la garde nationale (parisienne (p. 120).— Secrétaire (p. 438). — Parle sur le droit de pétition (p. 597). — Donne communication de pièces relatives aux troubles do Choue (p. 597 et suiv.).— Parle sur l'exportation des fourrages (p. 710),
— sur un mémoire du sieur Burté (p. 711).
— Présente une pétition des habitants de la paroisse de Villiers-le-Bel (t. XXXVI, p. 6).
— Parle sur le procès-verbal de la séance du 10 décembre 1791 au soir (t. XXXVI, p. 24), (p. 25), —
— sur l'affaire Rauch (p. 118), — sur le complot de Strasbourg (p. 167), — sur une pétition (p. 222), — sur les rassemblements de Brabançons dans le Nord (p. 291), — sur la retenue des impositions sur les
sommes dues aux titulaires des offices supprimés (p. 343), — sur l'aménagement de la salle des séances (p. 451), — sur les chambres de commerce (p. 481),— sur une demande de fonds pour le service de la guerre (p. 600), — sur l'augmentation des commis du bureau de liquidation (p. 695). — 1792. — De-
' mande que le titre de généreux patriote soit accordé au sieur Michelot (p. 726).
— Parle sur l'accusation portée contre le ministre de la marine (p. 701). — 1792. — Parle sur l'ordre du jour (p. 726).
— Dénonce les administrateurs du département de l'Eure (t. XXXVI, p. 428).
— rapport et projet de décret présentés par Monnot (26 décembre, p. 393) ; — adoption de l'urgence et au projet de décret (ibid.) ;—texte définitif du décret (ibid. et p. suiv.).
1° Projet de décret concernant l'arriéré des départements de la maison du roi, de la guerre, de la marine, des finances, des domaines et droits féodaux (17 décembre 1791, t. XXXVI, p. 176 et suiv.); —-deuxième lecture (26 décembre, p. 401 et suiv.).
2° Projet de décret concernant les offices de judi-cature et ministériels (17 décembre 1791, t. XXXVl, p. 177 et suiv.); — deuxième lecture (26 décembre, p. 403).
3® Projet de décret concernant les charges et offices de perruquier (17 décembre 1791, t. XXXVI, p. 178);
— deuxième lecture (26 décembre, p. 403).
2° Annonce d'une contestation surv*enue entre un district et le département pour la nomination de 7 curés (23 décembre 1791, t. XXXVl, p. 324 et suiv.).
Directoire.—Réclamation relative à la réunion en un seul dépôt des titres et papiers dépendant des bénéfices supprimés (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 77).
France (t. XXXVI, p. 112). — Pourra être élevé au grade de maréchal de France (p. 461).
2» Lazaristes. — Protestent contre la vente de leurs biens (24 décembre 1791, t. XXXVI, p. .335).
Directoire.—Compte rendu des mesures prises relativement à des troubles survenus dans le district do Villiers (18 décembre 1791, t. XXXVI, p. 226).
Volontaires nationaux. — Pétition d'un des bataillons (22 décembre 1791, t. XXXVI, p. 318); —.rapport par. Gouvion (29 décembre, p. 641);—projet de décret (ibid. et p. suiv.).
1° Aperçu de la situation du département de la marine adressé par le ministre de la marine (19 décembre 1791, t. XXXVI, p. 257); — renvoi aux comités de marine et de l'ordinaire des finances réunis' (ibid. p. 258).
2S Observation du ministre de la marine sur la réorganisation de la marine et mémoire sur le règlement du service militaire dans les ports (24 décembre
1791, t. XXXVI, p. 348); —renvoi au comité do marine (ibid.).
— Parle sur l'affaire de Rauch (t. XXXVI, p. 105).
— sur l'envoi aux départements d'un compte rendu du ministre de la guerre (p. 112), — sur la dénonciation faite contre Delessart (p. 309), — sur le refus du sieur La Golinière de payer ses impositions (p. 330), — sur la mise en accusation des princes émigrés (p. 382),
— sur les troubles des Feuillants (p. 424 et suiv.), (p. 427), — sur un projet d'adresse au peuple français présenté par Vergniaud (p. 443), — sur la communauté de Saint-Lazare (p. 465).
— 1791. — Adresse l'état des dépenses nécessaires pour son département pendant l'année 1792 (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 77), —les copies des états, expédiés pour le service des affaires étrangères, pendant les 9 premiers mois de l'année 1791 (ibid.).
— Donne connaissance des réponses des puissances étrangères à la notification de 1 acceptation par le roi de l'acte constitutionnel (24 décembre, p. 348 et suiv.).
— Observations sur l'affaire des soldats du régiment de Châteauvieux (24 décembre, p. 350 et suiv.). — Donne connaissance des mesures prises par le roi d'Espagne à la nouvelle de l'insurrection de Saint-Domingue (ibid. p. 351 et suiv.). — Observations au sujet des prétentions des princes étrangers possessionnès en France (ibid. p. 352 et suiv.), — au sujet des rassemblements d'émigrés au delà des frontières (ibid. p 355). —Demande des fonds pour les dépenses secrètes (ibid.).
— Observations par Thuriot, Rouyer, Grangeneuve, Delacroix, Gérardin au sujet du dépôt par le ministre d3 pièces non signées (ibid. p. 370 et suiv.). — Le ministre demande le nom du secrétaire chargé de la rédaction du procès-verbal pour lui faire parvenir des notes (ibid. p. 371). — Transmet une note du ministre de l'électeur de Trêves relative aux rassemblements d'émigrés (28 décembre, p. 478), — un office de l'empereur relatif aux émigrés (31 décembre, p. 698), —"des lettres de l'évêque de Spire et de l'électeur palatin relatives aux émigrés (ibid. p. 699 et suiv.).
— 1791. — Parle sur la dénonciation faite contre Delessart à raison do ses fonctions comme ministre de l'intérieur (11 décembre, t. XXXVI, p. 306).
. Fait un rapport sur la conduite à Marseille des officiers suisses du régiment d'Ernest (13 décembre t. XXXVI, p. 52 et suiv.). — Annonce l'arrivée de rapports sur les troubles de Besançon (ibid. p. 54). — Rend compte des mesures prises pour la défense du royaume et propose d'élever au grade de maréchal de France les généraux de Rochambeau et Luckner (14 décembre, p. 111 et suiv.). — Propose la création de 3 nouveaux régiments d'infanterie destinés aux colonies (17 décembre, p. 174). — Ses observations sur les troubles de Perpignan (18 décembre, p. 233). — Demande un fonds extraordinaire de 20 millions pour les approvisionnements (ibid ). — Donne un aperçu des dépenses de son département pour 1792 (ibid. et p. suiv.). — Adresse l'état des marchés passés pour le service des vivres et fourrages (19 décembre, p. 257).
— Envoie copie des lettres qu'il a reçues de Perpi-gnanau sujet des troubles qui ontagité cette ville (23 décembre, p. 323).—Insiste pour le payement de l'arriéré de 1789 de son département (ibid. p. 324). — Adresse un état des différentes pensions réglées d'après la loi du 22 août 1790 (ibid.). — Demande que l'Assemblée
s'occupe de l'organisation des volontaires nationaux (26 décembre, p. 399). —
Delessart, ministre des affaires étrangères, ministre de la guerre par intérim. — 1791. — Annonce qu'il ne pourra rendre compte que le 27 décembre des détails de l'affaire de Sarrebourg (26 décembre, p. 411). — Compte rendu de l'affaire de Sarrebourg (27 décembre, p. 443 et suiv.). — Ecrit au sujet de la demande de 20 millions pour les préparatifs de guerre (28 décembre, p. 474). — Demande l'interdiction de l'exportation des fourrages (31 décembre, p. 700). .
et suiv.). — Adresse un état des officiers des classes supprimés (ibid. p. 257), — un état de la situation de son département (ibid. et p. suiv.). — Fait une communication au sujet de l'insurrection de l'équipage de la frégate l'Embuscade (20 décembre, p. 272 et suiv.). — Présente un mémoire sur le rachat des Français esclaves en Barbario (24 décembre, p. 347),— un mémoire sur le règlement du service militaire dans les ports (ibid. p. 348). — Donne lecture d'une lettre de l'Empereur relative aux prétentions des princes étrangers possessionnés en Franco (ibid. p. 352 et suiv.).—Transmet une lettre de M. de Blanchelande sur Saint-Domingue (29 décembre, p. 612).
2° Communications du ministre au sujet de l'absence d'officiers de la marine de Brest (16 décembre 1791, t. XXXVI, p. 169), (17 décembre, p. 173), (p. 200 et suiv.), (18 décembre, p. 230 et suiv.); — renvoi au comité de marine (ibid. 'p. 231) ; — [rapport par Cavellier sur les dénonciations portées contre le ministre à ce sujet (29 décembre, p. 637 et suiv.) ; — projet de décret portant que le ministre a perdu la confiance de la nation (ibid. p. 638). — Le ministre demande communication du rapport et des pièces y relatives (31 décembre, p. 701); — l'Assemblée décrète que ces pièces lui seront communiquées (ibid.).
Administrateurs. —'Se plaignent de n'avoir pas reçu le décret sur les impositions (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 45).
— Rapport sur sa réclamation (t. XXXVI, p. 109).
— Parle sur les troubles des Feuillants (t. XXXVI, p. 426). — Soumet à la discussion son rapport sur les subsistances (p. 713).
(p. 658 et suiv.). — 1792. — Parle sur la mise en accusation des princes émigrés (p. 732).
Société des amis de la Constitution. — Adresse de reconnaissance (17 décembre 1791, t. XXXVI, p. 203).
Rappel à leur poste des officiers de ligne. — Adop. tion du projet de décret sur le rappel des officiers
employés dans les bataillons de volontaires nationaux (27 décembre 1791, t. XXXVI, p. 463 et suiv.).
§ 1er. Commune.
§ S. Département.
§ t*r. Commune.
1° Dépenses.
2* Sections de Paris.
3* Citoyens : Adresses.— Demandes.
1° Dépenses. Rapport par Espariat sur la demande formée par la commune de Paris d'une avance de 300,000 livres par mois jusqu'au 31 décembre 1791 (30 décembre 1791, t. XXXVI, p. 667); — projet de décret (ibid ) ; — adoption (ibid.).
2" Sections par ordre alphabétique.
Section de VArsenal. —Adresse concernant le décret sur les prêtres réfraclaires (11 décembre 1791, t.XXXVI, p. 21); — l'Assemblée en décrète l'impression et la distribution (ibid.).
Section de la Croix-Rouge. — Pétition concernant le décret sur les prêtres réfractaires (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 16 et suiv.).
Section des Enfants-Rouges. — Adresse de plusieurs citoyens concernant le décret sur les prêtres réfractaires (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 2).
Section de la Fontaine-de- Grenelle. — Adresse de félicitation et d'adhésion au décret sur les prêtres réfractaires (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 1); — débat sur l'insertion au procès-verbal : Chéron-La-Bruyère, Dorizy, Gohier (ibid.) ; — l'Assemblée décrète l'insertion (ibid. p. 2).— Pétition pour demander des secours (1" janvier 1792, p. 727).
Section des Gobelins. — Adresse d'adhésion (29 décembre 1791, t. XXXVI, p. 632).
Section des Gravilliers. Députation pour blâmer la pétition du département de Paris au roi (18 décembre 1791, t. XXXVI, p. 235).
Section de la Halle-aux-Blés.—Adresse concernant le décret sur les prêtres réfractaires (11 décembre 1791, t.XXXVI, p. 19 et suiv.); — l'Assemblée en décrète l'impression et la distribution (ibid. p. 21).
Section des Lombards. — Adresse de félicitations au sujet du décret sur les émigrants et blâme de la démarche du directoire du département de Paris (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 87 et suiv.). —Les citoyens de la section demandent à être admis à la barre (22 décembre, p. 322). — Admis, ils demandent un décret d'accusation contre les princes français émigrés (25 décembre, p. 379 et suiv.).
Section du Luxembourg. — Pétition au roi relative aux prêtres réfractaires (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 11 et suiv.). — Pétition à l'Assemblée relative au même objet (ibid. p. 14 et suiv.).
Section du Marché-des-Innocents. — Adresse de félicitations (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 85).
Section de Mauconseil. — Adresse concernant le décret sur les émigrés et les prêtres réfractaires (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 16).
Section de lyObservatoire. — Adresse concernant le décret sur les émigrants (11. décembre 1791, t. XXXVI, p. 5). — Adresse concernant le décret sur les prêtres réfractaires (ibid. p. 21).
Section de VOratoire. — Adhésion au décret sur les prêtres réfractaires et au décret sur les émigrés (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 10 et suiv.).
Section du Palais-Royal. — Demande la destitution des membres du département qui ont signé la pétition tendant à provoquer le veto du roi sur le décret contre les prêtres réfractaires (18 décembre 1791, t. XXXVI, p. 232).
Section de la Place-Royale. — Blâme la démarche du directoire du département de Paris (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 88).
Section Poissonnière. —Plaintes contre les membres du département de Paris qui ont signé la pétition au roi (18 décembre 1791, t. XXXVI, p. 235).
Section du Ponceau.—Plainte contre les membres
du département qui ont signé une pétition au roi (18 décembre 1791, t. XXXVI, p. 235.)
Section des Quatre-Nations. —Plainte contre les membres du directoire du département qui ont signé une pétition au roi (18 décembre 1791, t. XXXVI, p. 235).
Section des Quinze- Vingts. — Adresse concernant le décret sur les prêtres réfractaires (11 décembre 1791, (t. XXXVI, p. 18 et suiv.); — l'Assemblée décrète l'impression et la distribution (ibid. p. 19).
Section du Théâtre-Français. — Députation ; félicitation; dévouement (11 décembre 1791, t. XXXVl, p. 7 et suiv.);—pétition au sujet de l'invitation au roi du département de Paris d'opposer son veto au décret sur les prêtres réfractaires (ibid. et p. suiv.) ; — débat : Basire, Masuyer, Merlin, Taillefer, Grangeneuve, Chabot, Thorillon, Daverhoult (ibid. p. 8 et suiv.); — l'Assemblée décrète l'impression ot la distribution de celte pétition (ibid. p. 9).
Section des Thermes-de-Julien. — Plainte contre les membres du département qui ont signé une pétition au roi (18 décembre 1791, t. XXXVI, p. 235).
3° Citoyens.—Adresses.— Demandes.—Adresses demandant l'arrêt de toute émission do billets dits de confiance (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 9 et suiv.). —-Pétition de 800 citoyens relative aux mesures prises ontre les émigrants et prêtres réfractaires (13 décembre, p. 80 et suiv.); — réponse du président (ibid. p. 82); — Basire demande l'impression de cette pétition (ibid.) ;— débat : Gérardin, Chéron-La-Bruyère, Basire Garran-de-Coulon (ibid. et p. suiv.) ; — ordre du jour (ibid. p. 83).
§ 2. Département de Paris.
1° Pétitions, adresses et [opinions sur l'adresse au roi du département de Paris pour le prier d'opposer son veto au décret sur les prêtres réfractaires et demandant la mise en accusation du département.—Pétitions de la section de la Fontaine-de-Grenelle (11 décembre 1791 (t. XXXVI, p. 1), — de la sction du Théâtre-Français (ibid. p. 7 e't suiv.), — delà section de l'Oratoire (ibid. p. 10), — de la section du Luxembourg (ibid. p. 14. et suiv.), — de la section de Mauconseil (ibid. p. 16), — de la section de la Croix-Rouge (ibid. et p. suiv.), — de la section des Quinze-Vingts (ibid. p. 18 et suiv.),—de la section de la Halle-aux-Blés (ibid. p. 19 et suiv.),— de la section de l'Arsenal (ibid. p. 21), — de la section de l'Oratoire (ibid). — Opinion, non prononcée, de Dehaussy-Robecourt (ibid. p. 22 et suiv.). —L'Assemblée décrète le renvoi au comité de législation de toutes les pétitions qui demandent la mise en accusation du département (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 9).j
2" Le directoire demande à être autorisé à dépasser le chiffre fixé pir la loi pour l'établissement du tribunal criminel (27-décembrc 1791, t. XXXVI, p. 444).
3° Le conseil de département demande la supressiôn de;l*Université de Paris (28 décembre 1791, t. XXXVI, p. 474).
4* Le directoire du département demande à présenter ses hommages à l'occasion du renouvellement de l'année (31 décembre 1791, t. XXXVI, p. 696); — l'Assemblée décido qu'elle ne recevra désormais ni députation ni compliment par écrit à l'occasion de la nouvelle année (ibid.).
Paris. —Voir'Carrières de Paris. —Compagnie charitable.— Garde nationale.— Gardes de la Ville de Paris. — Gendarmerie 'nationale parisienne. — Maire de Paris. — Perquisitions. — Prêtres réfractaires. — Régie des charbons. — Saint-Lazare: — Saint-Philippe-du-Roule. — Université de Paris.
Administration. Adresse concernant le district de Saint-Pol (25 décembre 1191, t. XXXVI, p. 116).
Conseil général.— Plaintes contre les gardes nationaux volontaires en garnison à Calais (15 décembre 1791, t. XXXVI, p. 116).
Directoire. — Réclame une pension en faveur de Marie-Anne Rivière (13 décembre 1791 t. XXXVI, p. 76). — Pétition relative à la circulation des grains (31 décembre, p. 711 et suiv.).
— article additionnel proposé par Quesnay (ibid) ;
— ordre du jour (ibid.)] — sur la motion de Gàrran-de-Coulon l'Assemblée décide que le décret sera
. porté dans le jour à la sanction du roi (ibid.) ; — article additionnel proposé par Delacroix (ibid. p. 58) ; — adoption sauf rédaction (ibid.); — rédaction de la commission (ibid. p. 78);— adoption ibid.); — texte détinitif du décret (ibid. et p. suiv.). — Les commissaires chargés de porter le décret à la sanction annoncent qu ils n'ont pu être reçus par le roi (ibid. p. 84) ; — observations de Grangeneuve, Gohier, Bri-val, Delacroix, Basire (ibid.) ; — L'Assemblée décide que les commissaires retourneront chez le roi (ibid.) ;
— compte rendu de la réception des commissaires par le roi (ibid. p. 87).
2° État des pensions réglées par le ministre de la 'guerre d'après la loi du 22 août 1790 (23décembre 1791, t. XXXVI, p. 324).
3° Rapport par Soret sur les pensions des pensionnaires de l'Etat nés en 1715 et dans les années suivantes (27 décembre 1791, t. XXXVI, p. 435 et suiv.) ; — projet de décret (ibid. p. 436 et suiv.) ; — ajournement (ibid. p. 438).
4° Rapport par Soret sur les pensions des pensionnaires de l'Etat nés en 1715 et dans les années précédentes (27 décembre 1791,?t. XXXVI, p. 438); —projet de décret (ibid.); — ajournement (ibid.).
— Adresse sur le danger de l'émission d assignats au-dessous de 5 livres (t. XXXVI, p. 156).
2° Débat sur les moyens d'exécution du droit de pétition : Duval, Lasource, Gossuin, Bigot de Préa-meneu, Delacroix, Crestin, Chabot, Thuriot, Lasource, Léopold, Albitte (29 décembre 1791, t. XVXVI, p. 596 et suiv.); — le comité de législation fera un rapport sur cet objet (ibid. p. 597).
— Les commissaires de la garde nationale envoient un exemplaire du Concordat par lequel ils ont reconnu les droits des citoyens de couleur (27 décembre, p. 429).
— les 25 louis seront remis au maire de Paris pour être distribués aux pauvres (ibid.)—Remise des 25 louis au maire de Paris (p. 56).
1° Retour à l'Assemblée du décret, non sanctionné, sur les mesures à prendre contre les prêtres réfractaires (19 décembre 1791, t. XXXVI, p. 258).
2° Adresses, pétitions et opinions concernant l'adresse du département de Paris invitant le roi à opposer son veto au décret sur les prêtres réfractaires.
— Pétitions de la section de la Fontaine-de-Grenelle
— (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 1), — de la section du Théâtre-Français (ibid. p. 7 et suiv.), — de la section de l'Oratoire (ibid. p. 10), — de la section du Luxembourg (ibid. p. 14 et %uiv.), — de la section de Mauconseil (ibid. p. 14 et suiv.), — de la section de la Croix-Rouge (ibid. et p. suiv.), — de la section des Quinze-Vingts (ibid. p. 18 et suiv.), — de la section de la Halle-au-Blé (ibid. p. 19 et suiv.), — de la section de l'Arsenal (ibid. p. 21), — de la section de l'Observatoire (ibid.). — Opinion, non prononcée, de Dehaussy-Robecourt (ibid. p. 22 et suiv.), —Adresses de 800 citoyens de Paris (13 décembre, p. 80 et suiv.),
— de la section des Lombards (ibid. p. 87 et suiv.), — de la section de la Place-Rovale (ibid. p. 88). — Pétitions de la section du Palais-Royal (18 décembre, p. 232), — des sections des Quatre-Nations, des Thermes-de-Julien, du Ponceau, Poissonnière et des Gravil-liers (ibid. p. 235), — de citoyennes de Dijon (20 décembre, p. 267). — Pétition de Mortier, procureur général syndic du département de la Sarthe (24 décembre p. 356). — Observations de Paçhe (30 décembre, p. 667).
3° Adresses de félicitations à l'Assemblée* — Adresses
de la ville d'Auxonne (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 78), — du directoire du district de Saint-Fargeau (20 décembre p. 277).
2° La section des Lombards sollicite un décret d'accusation contre les princes émigrés (25 décembre 1791, t. XXXVI, p. 379 et suiv.). —Motion d'Isnard à ce sujet (ibid. p. 381 et suiv.);— débat: Grangeneuve, Isnard,Merlin, Masuyer, Guadet, Cambon (ibid. p. 382); — ajournement (ibid.); — rapport par Gensonné, au nom du comité diplomatique sur la mise en accusation des princes français (1er janvier 1792, p. 728 et suiv.); — rapport par Grangeneuve, au nom du comité de surveillance sur le même objet (ibid. p. 729 et suiv.); — discussion : Boisrot-de-Lacour, Léopold, Chéron-La-Bruyère, Jean Debry, Isnard, Becquey, Delacroix, Mouysset, Louis Genty, Lequinio, Jean Debry, Moris-son, Jean Debry, Delacroix, Audrein, Reboul, Hua, Delacroix, Reboul, Léopold, Goujon, Thorillon, La-cretelle, Cambon, Daverhoult, Pierret, Delacroix, Mathieu Dumas (ibid. p. 731 et suiv.); — l'Assemblée décrète d'accusation : 1° Louis-Stanislas-Xavier ; — 2° Charles-Philippe; — 3° Louis-Joseph, princes français (ibid. p. 740); — renvoi au comité de la rédaction du considérant (ibid.). — Opinion non prononcée de Quinette (ibid. p. 743 el suiv.).
sur la coalition des puissances contre la France (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 79 et suiv.) ; — réponse du président (ibid. p. 80).
2° Discours du roi en réponse au message de l'Assemblée concernant les mesures à prendre relativement aux puissances qui souffrent sur leur territoire les rassemblements de Français fugitifs (14 décembre 1791, t. XXXVI, p. 110 et suiv.); — l'Assemblée décrète l'impression du discours du roi et l'envoi aux 83 départements (ibid. p. 111) ; — l'Assemblée décrète qu'il sera sursi à l'envoi du discours du roi aux départements jusqu'à ce qu'elle ait statué sur la réponse à faire au roi (ibid. p. 114); — l'Assemblée décrète que la délibération sur le message sera suspendue jusqu'après l'impression du discours du roi, et que le projet de message sera rédigé par son président (ibid. p. 115); —projet de message proposé par Lemontey (15 décembre, p. 120) ; — discussion : Grangeneuve, Rouyer,Delacroix, Lemontey, Couthon, Rouyer,Bréard, Delacroix, Dumas, Daverhoult, Albitte aîné, Dumas (ibid. et p. suiv.) ; — adoption avec amendement (ibid. p. 122) ; — texte du message (ibid.) ; — réponse du roi à ce message (17 décembre, p. 173).
3° Motion de Brissot de Warville tendant à notifier aux puissances une déclaration de l'Assemblée relative aux rassemblements d'émigrés (29 décembre 1791, t. XXXVI, p. 600 et suiv.).
4° Projet de déclaration solennelle proposé par Con-dorcet (29 décembre 1791, t. XXXVI, p. 616 et suiv.) ; — sur la motion de Mathieu-Dumas, l'Assemblée en décrète l'impression dans toutes les langues, l'envoi aux départements et décide qu'elle sera portée au roi par une députation de 24 membres (ibid. p. 619) ; — observations de Léopold, Basire, Mathieu Dumas, Ver-gniaud (ibid. et p. suiv.). — Texte du décret portant adoption delà déclaration (ibid. p. 633). — Texte modifié (ibid. p. 634 et suiv.). — Compte rendu par Con-dorcet de la réception faite par le roi à la députation qui lui a porté la déclaration (ibid. p. 641).
2° Opinion, non prononcée de Beugnot (20 décembre 1791, t. XXXVI, p. 275 et suiv.).
3° Discours du roi relatif aux mesures prises pour faire cesser les rassemblements des Français à l'étranger (14 décembre 1791, t. XXXVI, p. 110). — Note ae l'Electeur de Trêves en réponse à ce discours (28 décembre, p. 478;.
4° Observations du ministre des affaires étrangères sur les rassemblements au delà des frontières (24 décembre 1791, t. XXXVI, p. 355).
bliques et présenteront le tableau de leurs opérations au plus tard le 1er mars 1792 (31 décembre 1791, t. XXXVI, p. 708).
Administrateurs. Dénoncent un complot formé à Strasbourg (16 décembre 1791, t. XXXVI, p. 162).
Conseil général. — Demande qu'il soit donné des prêtres allemands aux paroisses du département (15 décembre 1791, t. XXXVI, p. 117).
— sur l'accusation portée contre Duchillau (p. 642).
— Est amené à la barre et interrogé au sujet d'enrôlements pour l'armée des émigrants (t. XXXYI, p. 91).
— Est renvoyé dans ses fonctions (p. 105).
§ 1er. Police des routes. Mémoire du ministre de l'intérieur sur
la police des routes (22 décembre 1791, t. XXXVI, p. 310); — renvoi aux comités d'agriculture
et de commerce réunis (ibid.).
§ S. Travaux des routes. Rapport du ministre de l'intérieur sur la nécessité de faire à quelques départements des avances qui leur permettent de continuer les travaux des routes (23 décembre 1791, t. XXXVI, p. 234);— renvoi au comité d'agriculture (ibid.).
gnats (p. 295), — " sur l'exportation des fourrages (p. 700).
2° Codet demande à faire une motion relative aux mesures à prendre pour la sûreté intérieure du royaume (20 décembre 1791, t. XXXVI, p. 267) ; — ajournement (ibid.): — Motion de Codet relative aux mesures à prendre pour assurer la tranquillité intérieure,' hâter le recouvrement des impositions et arrêter l'émigration (21 décembre, p. 288 et suiv.) ; — l'Assemblée passe à l'ordre du jour sur cette motion (ibid. p. 290).
• félicitations (17 décembre 1791, t. XXXVI, p. 175).
— sur la retenue sur les sommes dues aux titulaires d'offices supprimés (p. 333), — sur des modifications dans l'aménagement de la salle des séances (p. 450).
Basire, Lejosne, Gossuin, Viénot-Vaublanc (ibid. et p. suiv.);— renvoi au ministre do la guerre pour en rendre compte (ibid. p. 399). — Le ministre de la guerre annonce qu'il ne pourra rendre compte de cette affaire que le 27 décembre (26 décembre 1791, p. 411); — compte rendu du ministre de la guerre {27 décembre 1791, p. 443 et suiv.).
Administrateurs.—Adresse au sujet de la circulation des grains (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 78).
Administrateurs. — Lettre relative à un membre de l'Assemblée (17 décembre 1791, t. XXXVI. p. 17S).
Conseil général. — Envoi de pièces relatives à une réclamation du conseil -général (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 76).
Directoire.—Sa lettre sur l'organisation de la garde nationale (17 décembre 1791, t. XXXVI, p. 175).
Maire de Strasbourg. Lettres au sujet des émigrants (30 décembre 1791, t. XXXVI, p. 666).
et suivO; —projet de décret (ibid. p. 365).—Discussion : Garran-de-Coulon, Lemontey, Guadet, Gohier, Pastoret (31 décembre, p. "714 et suiv.); — l'Assemblée décrète que les Suisses de Châteauvieux détenus aux galères de Brest sont compris dans l'amnistie prononcée par le décret du 14 septembre 1791 (ibid. p. 721). — Proposition de modifier la rédaction ae ce décret (l,r janvier 1792, p. 725) ; — observations de Pastoret, Thuriot, Voisard, Gossuin (ibid.); — l'Assemblée passe à l'ordre du jour (ibid.).
2° La compagnie des Suisses formant ci-devant la garde de Louis-Stanislas-Xavier, prince français, demande à être admise à la barre (28 décembre 1791, t. XXXVI, p. 474) ; — admis, demande le payement de sa solde (3t décembre, p. 712); —renvoi au comité militaire (ibid.).
du jour (p. 119), — sur une pétition (p. 204), (p. 228), (p. 229), — sur le procès-verbal (p. 248.) — Demande que les ministres soient tenus de signer tous les mémoires qu'ils remettront à l'Assemblée (p. 286). — Parle sur les rassemblements de Brabançons dans le Nord (p. 293), — sur le dépôt, par le ministre des affaires étrangères, de pièces non signées (p. 370 et suiv.), — sur les dépenses du département de l'intérieur pour 1792 (p. 479), — sur la suspension de l'envoi de la loi sur la suppression des chambres de commerce (p. 481 et suiv.), — sur le droit de pétition (p. 597), — sur une pétition des gardes des ports de Paris (p. 635), — sur l'ordre du jour (p. 699), — sur l'exportation des fourrages (p. 710). — 1792. — Parle sur la mise en liberté des Suisses de Châteauvieux (p. 725).
§ 1er. Correspondance des commissaires du roi avec VAssemblée.
Lettre sur la manière de répartir les petits assignats dans les départements (17 décembre
1791, t. XXXVI, p. 173).
§ S. Envoi d'états de recettes et de dépenses. Etat de la première quinzaine de décembre 1791 (23 décembre 1791, t. XXXVI, p. 324).
§ 3. Payements à la charge de la Trésorerie. La Trésorerie versera 50,000 livres pour les travaux du Panthéon français (24 décembre 1791. t. XXXVI, p. 366).
§ 4. Versements à la caisse de la Trésorerie. Rapport par Cambon sur un versement de 31,829,805 livres à faire par la caisse de l'extraordinaire pour le service du mois de novembre 1791 (25 décembre 1791, t. XXXVI, p. 599) ; — projet de décret (ibid.) ; — adoption de l'urgence et du projet de décret (ibid.).
2° Demande du ministre de la justice au sujet du mode de remplacement des membres des tribunaux criminels (19 décembre 1791, t. XXXVI, p. 257).
§ 1er. Besançon (Commune de). Lettre annonçant que l'ordre est
rétabli (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 44) ; — observations de Viénot-Vaublanc et de Voi-
§ S. Marseille (Commune de). Compte rendu du ministre de la guerre sur la conduite des officiers suisses du régiment d'Ernest (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 52 et suiv.); — renvoi au comité militaire (ibid. p. 54).
§ 3. Caen (Commune de). La municipalité adresse les déclarations des particuliers détenus au château et prie l'Assemblée de s'occuper do leur sort (13 décembre 1*791, t. XXXVI, p. 77) ; — les officiers municipaux adressent de nouvelles pièces (17 décembre, p. 174).
§ 4. Perpignan (Commune de). Rapport au nom des comités militaire et do surveillance sur les troubles survenus dans cette localité (13 décembre 1791, t. XXXVI, p. 83); — projet de décret (ibid. et p. suiv.) ; — discussion : Un membre, Recquey (ibid. p. 84 et suiv.) ; — adoption avec amendement (ibid.) p. 85) ; — texte du décret (ibid.) ; — renseignements (18 décembre, p. 233) ; — observations du ministre de la guerre ibid.) ; — le ministre de la guerre envoie copie des lettres qu'il a reçues de Perpignan (23 décembre, p. 323).
§ 5. Villiers (District de). Compte rendu des mesures prises par le directoire au département de Maiue-et-Loire relativement à des troubles survenus dans le district de Villiers (18 décembre 1791, t. XXXVI, p. 226).
§ 6. Avignon et Comtat-Venaissin. Mémoires du sieur Duprat sur les troubles d'Avignon et du Comtat (20 décembre 1791, t. XXXVI, p. 280), (25 décembre, p. 383 et suiv.); —observations de Mulot (ibid. p. 388) ; — renvoi au comité de législation (ibid).
§ V. Montaigu (Commune de). Goupilleau annonce
3u'il est prêt a faire son rapport sur la nomination es officiers municipaux (20 décembre 1791, t. XXXVI, p. 264) ; — renvoi de l'affaire au comité de surveillance (26 décembre p. 393).
§ 8. Choue (Commune de), district de Mondoubleau. Lasource donne communication de pièces relatives à une insurrection arrivée dans cette commune au sujet du payement des impositions (29 décembre 1791, t. XXXVI, p. 597 et suiv.) ; — débat : Mouysset, Jacques Duval, Delacroix, Daverhoult, Basire, Crestin, Boisrot de Lacour (ibid. p. 598) ; — renvoi au comité de surveillance (ibid.)] — rapport par Basire (ibid., p. 639) ; — débat : Desbois, Chabot, Savonneau, Car-not aîné, Savonneau, Jaucourt, Becquey, Taillefer (ibid. et p. suiv.); — renvoi de l'affaire au pouvoir exécutif (ibid. p. 641). — Il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite du directoire du district ae Mondoubleau à l'occasion des troubles de Choue (30 décembre; p. 643). — Lettre du ministre de l'intérieur (31 décembre, p. 708).
Paris demande sa suppression (28 décembre 1791, t. XXXVI, p. 474) ; — renvoi au comité d'instruction publique (ibid.).
— N ie à lui adressée par le ministre de l'électeur de Trêves au sujet des rassemblements d'émigrés (t. XXXVI, p. 478).
— sur l'argent du canton de Soleure arrêté à Belfort (p. 316), — sur la retenue des impositions sur les sommes dues aux titulaires des offices supprimés (p. 342), (p. 343 et suiv.). — Présente un projet d'adresse au peuple français (p. 440 et suiv.). — Parle sur les chambres de commerce (p. 48L), — sur une déclaration aux puissances étrangères (p. 620), — sur l'ordre du jour (p. 699), — sur un mémoire du sieur Burté (p. 711), — sur les subsistances (p. 713).
— adoption de l'urgence et du projet de décret (^décembre, p. 366 et suiv.).
2° Adresse des maîtres et maîtresses d'école gratuite (11 décembre 1791, t. XXXVI, p. 7.)
— renvoi au comité de législation (ibid.).
Conseil général. — Demande de secours (29 décembre 1791, t.XXXVI, p. 632), — renvoi au comité des secours (ibid.).
— Parle sur le rappel à l'ordre de Chéron-La-Bruyère (t. XXXVI, p. 4), — sur les troubles de Besançon, (p. 45), — sur la réponse à faire au roi par le Président (p. 107),— sur les récompenses à accorder aux guerriers qui auront bien mérite de la patrie (p. 119),
— sur l'augmentation de l'émission des assignats (p. 182), — sur les rassemblements de Brabançons dans le Nord (p. 272), (p. 292), — sur la désertion de 7 cavaliers du régiment en garnison à Sarrebourg (p. 396 et suiv.\ (p. 399), — sur les agissements des émigrés (p. 699).
l'augmentation des commis du bureau de liquidation (p. 695). — 1792. — Parle sur la mise en liberté des Suisses de Châteauvieux (p. 725).
1° Suite de la discussion du projet de décret relatif à l'organisation des volontaires nationaux. — Adoption des articles 4 et 7 qui avaient été renvoyés à la commission (17 décembre 1791, t. XXXVI, p. 223). — Art. 9 : un membre, Prouveur, Chéron-La-Bruyère, Théodore Lameth (ibid. et p. suiv.); — adoption saut rédaction (ibid. p. 224). — Adoption sans discussion des articles 10, 11, 12 et 13 (ibid.). —Article 14 : un membre, Lacuée, rapporteur (ibid. et p. suiv.) ; — renvoi au comité (ibid. p. 225). — Article 15 : Rouyer, Delmas(ibid.)] — adoption avec amendement (ibid.).
— Articles 16, 17 et 18 : Carnot l'aîné (ibid) ; — adoption (ibid.). — Adoption sans discussion de l'article 19 (ibid. p. 225). — Article 20 : Prouveur (ibid.)', — adoption (ibid.).—Article 21 : Delacroix, Lacuée jeune, rapporteur, Albitte, Delmas, Dumas, Lacombe-Saint-Michel, Dumas, Duhem, Delacroix (20 décembre, p. 281 et suiv.) ;— adoption avec amendement (ibid. p. 282).
— Adoption des articles 22 et 23 (ibid.). — Adoption avec amendement de l'article 24 (ibid.). — Adoption de l'article 25 (ibid.). — Article 26 : Dumas (ibid. p. 283); —renvoi au comité (ibid). — Adoption sans discussion des articles 27 à 30 (ibid.). — Article 31 : Gouvion (ibid.))— adoption sauf rédaction (ibid.).— Adoption sans discussion des articles 32 et 3.3 (ibid.).
— Article 34 : renvoi au comité (ibid.). — Adoption sans discussion des articles 35 et 36 (ibid. p. 284).
— Article 37 : renvoi au comité (ibid.). — Adoption sans discussion des articles 38 à 44 (ibid.). — Article 45: adoption avec amendement (ibid.).—Article 46 : adoption sans discussion (ibid. p. 285). — Article 47 : adoption avec amendement (ibid.). — Renvoi au comité d'articles additionnels proposés par divers membres (ibid.). — Le ministre de la guerre demande que l'Assemblée s'occupe de l'organisation des volontaires, nationaux (26 décembre, p. "399). — Discussion des articles renvoyés au comité. Adoption des articles 14, 26 et 34 (26 décembre, 420) ; — adoption des articles 24 et 37 (ibid. p. 421 et suiv.). — Articles additionnels. Articles 1" : Rouyer, Aubert-Dubayet (ibid. p. 422 et suiv.) ; — adoption (ibid. p. 423). — Adoption sans discussion des articles 2 à 17 (ibid. et p. suiv.). — Les articles du projet de décret sur la revue des gardes nationales et sur le rappel des officiers de ligne employés dans les bataillons de volontaires nationaux seront ajoutés au décret d'organisation des volontaires nationaux (27 décembre, p. 462). — Relue du décret sur l'organisation des volontaires nationaux (28 décembre, p. 468) ; — Texte du décret (ibid. et p. suiv.).
2° Adoption du projet de décret relatif à la revue des bataillons de volontaires nationaux (27 décembre 1791, t. XXXVI, p. 463).
Administrateurs. — Demandent à être entendus à la barre (20 décembre 1791, t. XXXVI, p. 222).— Sont admis, présentent une adresse de dévouement et une demande de dégrèvement (ibid. p. 278 et suiv.) ; — réponse du Président (ibid. p. 279).
Volontaires. — Plaintes sur la lenteur de l'équipement (18 décembre 1791, t. XXXVI, p. 231); — renvoi au comité militaire (ibid.).
fin de la table alphabétique èt analytiquê du tome xxxvi.